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REVUE
ET
GAZETTE MUSICALE
DE PARIS
RÉDIGÉE PAR MESSIEURS
G. BÉNÉDICT,
DAMCKE,
LÉON KREUTZER,
HECTOR BERLIOZ,
DUESBERG,
MATHIEU DE MONTER,
ED. BERTRAND,
LÉON DUROCHER,
ED. MONNAIS,
ADOLPHE BOTTE,
ELWART,
TH. PARMENTIER,
MAURICE BOURGES,
FÉTIS père,
ARTHUR POUGIN,
OSCAR COMETTÂNT ,
GUSTAVE HÉQUET,
SAINT-YVES,
MAURICE CRISTAL,
GEORGES KASTNER,
PAUL SMITH.
TRENTIÈME ANNÉE
1868
PARIS
AV BXJUKAXJ DU JOURIVAIy, I, BOUIiœVAB» «KS ITAIilBWS
18G3
TABLE DU TRENTIÈME VOLUME
REVUE
ET
GAZETTE MUSICALE
TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES.
Académie âes BeanX'Arts.
(institut be frahce.)
Jugement du concours de composition musicale, 214.
Nomination de M. F.-F. de Valdemosa comme membre
correspondant étranger, 230.
Nomination de M. Gaétano Gaspari, en la mémo qua-
lité, 238.
Liste des ouvrages envoyés par les musiciens pension-
naires de l'Académie à Rome, 310. t.i:H'?iJ-iê';5'l
Prix fondé par Charlier pour encouraseinent des compo-
sitionb de musique de chambre, décerné a M. Aug.
Morel, 318.
Séance annuelle; ouverture; cantate; éloge d'Horace
Vernet par M. Beulé, art. de P. Smith, 323.
Nomination de M. Joseph d'Ortigue comme membre
correspondant, 3i2.
La musique au banquet annuel offert par les Associa-
tions d'artistes à IM. le baron Taylor, 169.
AUTEURS ET COMPOSITEURS DRAMATIQUES.
Assemblée générale annuelle; deux réunions; discussions
orageuses, ICG.
GENS DE LETTRES.
Assemblée générale annuelle, 54.
ARTISTES MUSICIENS.
Séance générale annuelle de l'Association, 150.
L'assemblée; le banquet, 156.
Remerciments adressés par le comité à M. Strauss pour
le droit payé au profit de la caisse de l'Association
aux bals de l'Opéra, 4l/i.
AUTEURS, COMPOSITEURS ET ÉDITEURS
DE MUSIQUE.
Vote du syndicat en faveur des ouvriers malheureux de
l'industrie cotonnifcre, 45.
Assemblée générale annuelle, 198.
Extrait du rapport, 238.
ORPHÉONS.
Séance musicale donnée à la salle Barthélémy par l'As-
sociation des Sociétés chorales de la Seine, 87.
Concert annuel de la Société chorale de Saint-Denis,
110.
Concours d'orphéons, de musiques d'harmonie et de fan-
fares, à Puteaux, art. d'E. Mathieu de Monter, 163.
Première et deuxième séances annuelles de l'Orphéon de
Paris, au cirque Napoléon, 190, art. signé P. S., 203.
Concours d'orphéons, de fanfares et de musiques mili-
taires à Suresnes, art. d'A. Elwart, 210.
Grand festival au cirque de l'Impératrice, 414.
Anditions musicales de Paria.
(Voyez aussi Concerts.)
Séances de musique de chambre d'Alard et Fran-
chomme, art. d'A. Botte, 34, 68,
Séances de musique de chambre d'Armingaud et Jac-
quart, art. d'A. Botte, 34.
Séances de musique de chambre de Ch. Dancla, art.
d'A. Botte, 11.
Séances de quatuors français de M. Albert Ferrand,
art. d'A. Botte, 115.
Soirées musicales de Mme Escudier-Kastner, avec le
concours de Vieuxtemps et d'A. Batta, art. d'A. Botte,
27, ,34, 4:^, 50.
MATINÉES, SOIRÉES, CONCERTS, ETC.
Adlcr (Vincent), art. d'A.
Botte, 68.
Aptomnias, id., 50.
Barnard (Mlle L.), 119.
Batta (A.), art. d'A. Botte,
107.
Beaumetz (Mlle M.), id.,
11.
Becker (J.), id., 74.
Id., art. signé S. D., 107.
Béguin-Salomon (Mlle), art.
d'A. Botte, 130.
Bélin de Launay (MUeW.),
id., 91.
Bessems (A.), id., 130.
Billet (A.), id., 140.
Binfield (H.), H".
Borelli, art. d'A. Pougin,
150.
Brisson (F.), art. d'A. Botte
146.
Caussemille (Mlle 0.), art.
d'A. Botte, 154.
Cazaneuve (E.), id., 146.
Clauss sœurs (Mlles), id.,
27.
Colin (Mlle M.), id., 130.
Colonne (E.). id., 130.
Dancla (L.j, id., 130.
Dien (A.), art. d'A. Pougin,
118.
Dombrowski (H.), 126.
Dumon (J.), art. d'A. Botte,
68.
Eichberg (Mlle B.), id., 74.
Elie (Mlle M.), id. 42.
Farrenc (Mme), id., 74.
Gariboldi (G.), id., 140.
Giroud de Villette (Mme),
id., 146.
Goldner, id., 130.
Gouffé (A.), id., 107.
Grœver (Mme M.), id., 50.
Id. (2" concert), id., 107.
Guibert-Jung (Mme), id.,
91.
Hammer (R.), id., 130.
Hartog (E. de), art. signé
S. D., 107.
Harder (Mlles, M. et N.),
art. d'A. Botte, 50.
Hocmelle (E.), id., 74.
Id., 130.
J.icobi (G.), id., 91.
KatoCf (Mlle H. de), id.,
140.
Ketterer (E.), id., 42.
Kruger (W.), id., 83.
Lebouc (C), id., 130.
Luigi (MmeC. de), id.,91.
Mackenzie deDietz (Mme),
118.
Mattel (T.), 167.
Murer (Mlle L.), art. d'A.
Botte, 130.
Mutel (A.),id., 34.
Nabich, id., 130.
Nicosia (S.), id., 154.
PfeifTer (G.), id., 50.
Portehaut, id., 146.
Prudent (E.), id., 83.
Remaury (Mlle C), id.,
91.
Rio (Bernhard],id., 115.
Romano (J.), id., 91.
Sabatier-BIot (Mlle), id.,
115.
Saint-Saëns (C), id., 91.
Sauret fies fr.), id., 74.
Schœn (F.), 102.
Id., art. d'A. Botte, 130.
Schoultz (MUeE. de), id.,
74.
Schumann (Mme C.)., id.,
68.
Id., 91.
Sivori (C), id., 169.
Szarvady-Clauss(Mme),id.,
74.
Id., 91.
Telesinski (J.), id., 130.
Ten-Brink, id., 91.
Thalberg (L.),l"-eet2eséan-
ces id. 129.
Tiéfensée '(Mlle C. de), id.,
154.
Trautmann (Mlle M.), id.,
154.
Vailati (J.), id.,140.
Wieniawski (J.)., id, 115.
Wocher(MlleJ.de),id.,42.
Zompi (D.), 174.
B
Blbliosrapljiic.
I La Plainte du pitre et l'Avenir est à Dieu, romances
par Dassier, 7.
Le ISal, valse de Desgranges, et les Horloges de la foré
Noire, de Strauss, arrangés pour quatre mains, 23.
Romance sans paroles de Thalberg, par A. Frelon, et
l'ouverture de la Sirène, par A. Durand, arrangées pour
piano et orgue, 23.
Partition de piano et chant de Béatrice et Bénédicl,
opéra de Berlioz, 38.
Du travail et du pain ? élégie, paroles et musique de
l'abbé Touzé, 39.
Nocturne pour piano sur la sérénade du Barbier, par
Bernhard Rie, 46.
La Gioja insolita, valse de Strakosch, arrangée pour piano
par H. Wolfart, 46.
Marguerite, chanson florale, de Beethoven; l'Oiseau,
conversation de John Field, 54.
llelle de nuit et Elfrida, par A. Godard, 02.
Les Entrées triomphales, chœur pour voix d'iiorames,
par E. Jonas, 78.
Offertoire du saint jour de Pâques; trois offertoires et
trois ccmmunions, pour orgue, par Ed. Batiste, 87.
Conso/ciJion, pour piano, par J. Herz, 87.
Mignon regrettant sa patrie, mélodie de M. Roberti, 87.
Chanson du printemps et Soir d'été, mélodies d'Albert
Lhûte, 94.
La Taglioni, danse de salon, par P. Stutz, 94.
Une Course au clocher, et la chanson du Berger, mélodies
pour piano, par Ch. Manry, 102.
Le Trésor des pianistes (4° hvraison),l02.
Berceuse et ^nazurlia ( souvenirs de Berlin ), par
F. Schœn, 111.
Un' aura OHîocosa, romance de Cosi fan tutte, trancrite
pour le piano par A. Godard, 111.
Fantaisie pour le violon sur Marlha, par Guichard, ^34
Ronde du Brésilien, par Offenbach, 158.
Alléluia, pour voix de basse, par F. Lavainue, 183.
La prière d'une vierge, morceau de salon pour piano,
par Mme Badarzewska, 190.
La Marche des Cipayes, pour piano, par E. Chabrier,
198.
Schiller-Marche, de Meyerbeer, arrangée pour la musique
militaire, par L. Chic, 214.
Pollca du Brésilien, par Arban, et Valse des Bavards,
par Musard, arrangées pour le piano à quatre mains,
222.
Prélude, pour orgue ou clavecin, par F. Danjou, 222.
La Pèche au trident dans le golfe de Naples, chœur à
quatre voix d'hommes, par C. Manry, 231.
Morceaux détachés de la partition i'UamIet, de V. Jon-
cières, 253.
Deux morceaux pour violon, par Delavault, 270.
Recueil d'airs nationaux espagnols, pour chant et piano,
par San-Esteban, 270.
Ouverture en forme de marche, de Meyerbeer, arrangée
pour petit orchestre, 286.
Le Trésor des pianistes, (5» livraison), par A. Farrenc,
294.
Marche funèbre, de Beethoven, pour piano à deux et à
quatre mains, 310.
La Pensée, pour piano, par Mlle J. Caye, 310.
Traité des intonations, par Aulagnier, 310.
Ecole complète du piano, par Patrice Valentin, 334.
Les Fleurs de la danse, pour piano, par Valiquot, 334.
Symphonie concertante, pour deux violons et violoncelle,
par Ch. Dancla, 350.
Partition du Comte Ory, pour piano seul, 358.
Souvenirs de l'opéra français, par J. Rummel, 35S.
Un Service d'ami, opérette d'Hocmellc, 359.
Ballet des Scythes, de Gluck, transcrit pour le piano
par le Couppey, 366.
Harmonies, de M. J. Cressonnois (3" volume) , 382.
Répertoire du chanteur (3' volume), par H. Panoffka, 382.
Boléro el Berceuse, pour piano, par Palmer, 332.
Tarentelle, pour piano, par V. Adler, 390.
Duo pour le piano, :\ quatre mains, sur les Bavards,
d'Offenbach, parE. Wolff, 390.
Mon Pauvre Cceur, transcription pour piano, par Ponce
de Léon, 308.
Un Othello, opérette de Legouis, pour chant etpiauo,398.
Souvenir de Rouai, morceau de salon, par Marmontel, /i05.
Rêveries déjeune flJle, pour piano, par P. Gerville, (i06.
La Prima Donna, valse de concert, par E. Ettling, 406.
Textes du nouvel office de l'Immaculée Conception, com-
posés en plain-chant, par F. Clément, 406.
Loto musical, par Mme Pilet-Comettant, 414.
Viens belle nuit, caprice pour harmonium, par S. Pouce
de Léon, 414.
PDBUCATIONS DIVERSES.
Petites Clironiques de la science (2' année), parH. Ber-
thoud, 22.
Annuaire de la noblesse de France, par Borel d'Hau-
terive, 23.
Derniers Souvenirs et Portraits, par F. Halévy, 46.
Biographie universelle des musiciens (5* volume), par
Fétis, 62.
Notice biographique sur F. Halévy, par Ad. Catelin,.llS.
Annuaire spécial des musiciens et des artistes, 150.
La :3Iusique au théâtre, par A. L. Maillot, 166.
La Musique à Paris, par MM. A. de Lasalle et Ev. Thoi-
nan, 231.
Les Civilisations inconnues, par 0. Comettant, 231.
Lettres de Félix Mendeissohn (2° volume), 270.
Histoire du piano, par Weitzmann, 294.
La Gamme des amours, par 0. Comettant, 358.
La Musique, poème d'humoriste, par Courtat, 358.
Les Anciennes Maisons de Paris sous Napoléon, 111, tiw
Lefeuve, 399.
Bîograpliies.
Vieuxtemps (Henri), extrait de la Galerie biographique
des musiciens belges, 3.
Chopin, art. de Louis Enault, 20.
F. Halévy, Sou\'enirs d'un ami pour joindre à ceux d'un
frère, art. d'E. îlonnais, S9, 97, 113, 137, 153, 161.
Paolo Giorza, art. d'A. Pougin, 187.
Floquet, art. d'Arthur Pougin, 193, 209, 234, 244, 265.
Hérold (Louis-Joseph-Ferdinand), extrait de la Biographie
universelle des musiciens, par Fétis père, 219, 268.
Martini, art. d'A. Pougin, 387, 394, 401.
Concerts à IParîs.
(Voir aussi Attdilions musicales.]
Soirée pour audition d'instruments de concert, donnée
par la maison Pleyel, Wolff et G", 6.
Audition de Vieuxtemps dans un salon, art. signé P. S.,
11.
Soirée musicale donnée par Mlle Péan de la Roche-Jagu,
dans la salle du Grand-Orient, 14.
Matinée de la Sociéti nationale des beaux-arts, art.
d'A. Botte, 27.
Soirée intime donnée par Mlle Schultz chez sa mère,
38.
Soirée musicale chez M. Marmontel, art. de Paul Smith,
41.
Séance musicale donnée par Mme Erard, 45.
Société nationale des beaux-arts, art. d'A. JBotte, 50.
Matinée musicale au profit des ouvriers de la Seine-
Inférieure, dans les salons de Mme la comtesse de
Ridder, 54, 62.
Soirée musicale dans les salons de la Revue et Gazelle
musicale,^ 62 .
Soirée musicale aux Tuileries, dans les appartements de
S. M. l'Impératrice, 69.
Concert à la cour, 77.
Réception artistique de M. le comte de Nieuwerkerke,
77.
Séance musicale dans les salons du Cercle des sociétés
savantes, 78.
Deuxième concert à la cour, 86.
Troisième concert, 93.
Deuxième soirée musicale chez Mme Erard, 94.
Matinée musicale chez M. Ettling, 94.
Festival annuel donné par Arban, art. signé P. S., 100.
Concert de la loge des Frères-unis-inséparables, art.
d'A. Botte, 101.
Soirées musicales chez le préfet de la Seine, 101 .
Soirée artistique dans les allons de Mme Alexandre,
102.
Soirée de musique religieuse chez M. le préfet de la
Seine, 109.
Matinée musicale donnée par Mme Clara et par M. Geor-
ges Pfeitfer, 118.
Soirée musicale chez le photographe Nadar, 118.
•Troisième soirée musicale chez Mme la baronne de
Meyendorf, 126.
Matinée pour l'audition des élèves de M. Bergson, 126.
Soirée musicale donnée par Mlle S. Prudhomme au Cer-
cle des sociétés savantes, 142.
Premier concert do la Société académique de musique
sacrée, art. d'A. Botte, 146.
Audition de fragments d'Eamlel, musique de M. V.
Joncières, art. d'A. Elwart, 147.
Audition des élèves de W. Kriiger dans les salons d'E-
rard, 150.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES.
Séance de clôture du cours d'ensemble de Mme Clara
Pfeiffer, 150.
Soirée musicale chez S. Exe. le ministre d'Etat, 158.
Concert au profit de l'Association de bienfaisance de
Notre-Dame des Arts, 166.
Audition, h la salle Herz, des élèves de M. Francis
Wartel, 231.
Audition du 3' quatuor de Ch. Manry (musique de
chambre), art. d'A. Elwart, 365.
Concert donné dans la salle de la Sorbonne, au béné-
fice d'une Société de bienfaisance, 390.
Concert de la société philanthropique savoisienne à
l'Hûtel de ville, 398.
Audition chez Adolphe Sax, art. signé Y., 403.
Séance delà Société des Enfants d'Apollon, 406.
Société des concerts du Conservatoire, 54.
Id. art. de L. Durocher, 59.
M. art. de L. Durocher, 99.
Concert du jour de Pâques, 118.
Concerts extraordinaires, 398.
Election de M. G. Hainl comme chef d'orchestre, 413.
Concerts populaires de musique classique au cirque
Napoléon, art. signés P. S., 11, 33, 41, 78, 87.
Avant-dernier concert, art. signé P. S., 100.
Concert spirituel, 109.
Derniers concerts de la saison, art. signé P. S., 132.
Reprise des concerts, art. de Paul Smith, 348, 355,
365, 370, 390, 398.
Audition de E. Diémer dans une sérénade de Mendeis-
sohn, 414.
Société des concerts de chant classique (fondation Beau-
lieu), 4° année, art. signé P. S., 122.
Séances de musique de chambre de la Société nationale
des beaux-arts, 381, 390, 398.
Séances populaires de musique de chambre de MM. C.
Lamoureux et E. Rignault, art. d'A. Botte, 68, 393.
OPÉRAS DE SALON.
Il était une fois un roi, opéra-comique représenté au
cercle de l'Union artistique, 190.
Conservatoire impérial <1e lUQsiqtne
et de déclamatio».
Examens pour l'admission des élèves aux concours de la
fin de l'année, 190.
Concours à huis clos, 222, 228.
Concours publics, 234.
Id. .^rt. de Paul Smith, 241.
Séance solennelle, art. de Paul Smith, 249.
Concours d'harmonie et de composition pour les élèves
des classes militaires, 366, 374.
Réimpression des ouvrages classiques consacrés à l'en-
seignement, 383.
Commission d'examen pour l'admission des élèves mili-
taires, 398.
D.
SKépartejinents.
THÉÂTRE, CONCERTS, NODVELLES MUSICALES, etc.
Agen. — Concours d'orphéons et de musiques instru-
mentales, art. d'A. Elwart, 171.
Arkas. — Concert donné par Mlle Marie Sax et
M. Taffanel, au profit des pauvres, 406.
Bordeaux. — Inauguration des concerts du Cercle phil-
harmonique, 14. — Résultats du concert de la So-
ciété Sainte-Cécile, 182. — Festival du Cercle litté-
raire et artistique, 199. — Célébration de la Sainte-
Cécile à Notre-Dame, 391. — Concerts populaires de
musique classique, 399.
Booolgne-sijr-Mer. — Inauguration du nouvel établis-
sement des bains, 214. — Concert de Thalberg et
Godefroid, 263. — Concert de Vieuxtemps et de miss
Arabella Goddard, 294. — Concert annuel pour les
salles d'asile, â82.
Caen. — Représentation de l'Amour d'un trombone,
petit opéra nouveau de M. Croisilles, 103.
CoLMAR. — Inauguration de la saison théâtrale, par
un opéra en dialecte alsacien , les Trois Noces dam
la vallée des Balais , musique de J.-B. Wekerlin ,
309.
Dijon. — Projet d'érection d'une statue h Rameau, 263.
Lille. — Reprise de Charles VI ; exercice des élèves
du Conservatoire, 151. — Distribution des prix de
cet établissement, 270.
Limoges. — Inauguration du grand orgue de la ca-
thédrale, 134.
Lyon. — Réouverture du grand théâtre par Robert le
Diable, 303. — Mme Cabel dans l'Étoile du Nord,
350. — Rentrée de Mme Cabel dans le Pardon de
Ploérmel, 4O6.
Marseille. — Distribution des prix du Conservatoire, 7.
— Représentations de Mlle Sax, 79. — Représenta-
tions de Mme MioUn-Carvalho, 144, 151. — Repré-
sentations de Mme Cabel, 167. — Grand festival or-
phéouique au profit des ouvriers cotonniers, 199. —
Réouverture du Grand-Théâtre, 287. — Début de
Depassio ; représentation du Jugement de Paris,
ballet nouveau de Montplaisir, 350. — Représenta-
tion du Propliéte, 414.
Nice, — Concerts d'Ernest Nathan au bénéfice des ou-
vriers rouennais et des pauvres de Nice, 62. — Re-
présentation de la Favorita, au théâtre italien, 63.
Concert donné par Mme la baronne Vigier (Sophie
Cruvelli) au bénéfice des pauvres, 79. — Débuts de
la troupe française, 327. — Réouverture du théâtre-
Italien, 335, 367.
RoDEN. — Première représentation du Sergent d'Ouis-
ire/iam, opéra-comique en un acte, musique de C.
Caron, 94. — Fête artistique dans la nouvelle église
de Sotteville, 183. — Concours orphéonique, art. si-
gné B. M., 291. — Concert de bienfaisance, 390.
Saint -Germain-en-Laye. — Matinées musicales de
Mme Mackenzie de Distz, 158.
Strasbourg. — Première reiiréientation de la Bohé-
viienne, de Balfe, 14. — Grand concert au bénéfice
des ouvriers de l'industrie cotonnière, 78. — Corres-
pondance signée Y. : Festival, 203.
Tarses. — Titre obtenu de l'Empereur, par l'orphéon
de cette ville, d'Orphéon du Prince Impérial, 358.
Toulouse. — Séances de la Société des concerts popu-
laires à l'hôtel de ville, 414.
Valence. — Concours d'orphéons, de musiques d'har-
monie et de fanfares, art, d'E. M.athieu de Monter, 189.
Versailles. — Inauguration et bénédiction du grand
orgue de la cathédrale, 350.
IBagagevucuta.
Albrecht (Mlle), au théâtre Lyrique, 117.
Antonucci, au théâtre Italien, 238.
Artot (Mlle), au théâtre Italien de Vienne, 214.
Bataille (E.) , à l'Opéra-Comique, 238.
Battu (Mlle M.), au théâtre de Covent-Garden, à Lon-
dres, 101,
Id. h l'Opéra, 317.
Beaugrand (Mlle), au théâtre de Gènes, 157.
Belval, renouvellement h l'Opéra, 29.
Bettini (G.), au théâtre de Sa Majesté, à Londres, 174.
Borghi-Mamo (Mme), au théâtre Italien, 221.
Eoschetti (Mlle A.), à l'Opéra, 101.
Cabel (Mme), au Grand-Théâtre de Lyon, 119.
Caillou, au théâtre Lyrique, 254.
Cico (Mlle), renouvellement à l'Opéra-Comique, 214.
David, à l'Opéra, 317.
Dejean (MmeJ.), au théâtre Italien, 317.
Delle-Seûie, au théâtre de Sa Majesté, à Londres, 86.
Id. au théâtre Italien, 202.
Dulaurena (M. et Mme), au Grand-Théâtre de Lyon,
157.
Ebrard (Mlle), au théâtre Lyrique, 254.
Faure, renouvellement à l'Opéra, 389.
Ferraris (Mme), au théâtre de Sa Majesté, à Londres, 51.
Fioretti (Mlle), à l'Opéra, 365.
Giorza (P.), au théâtre de Govent-Garden, à Londres,
101.
Girard (Mlle), à l'Opéra-Comique, 101.
Gueymard (M. et Mme), renouvellement à l'Opéra, 29.
Kœkert, à l'Opéra allemand de Saint-Pétersbourg, 270,,
Lagrua (Mlle B.), â la Pergola de Florence, 118.
Id. au théâtre du Liceo, à Barcelone, 20a.
Lagye (Mlle), au théâtre Lyrique, 254.
Marchesi, au théâtre de Sa Majesté, à Londres, 280.
Mengal, au théâtre de la Monnaie, à Bruxelles, 149.
Merly, à l'Opéra, 317.
Monrose (Mlle), à l'Opéra-Comique, 262.
Mouravieff (Mlle), à l'Opéra, 86.
Id. renouvellement au même théâtre, 293.
Née (Justin), â l'Opéra-Comique, 254.
Périer (Mlle), à l'Opéra-Comique, 117.
Quercy (de), au théâtre Lyrique, 77.
Rota, à l'Opéra, 142.
Saint-Urbain (Mlle), au théâtre des Bouffes-Parisiens,
230.
Scalese, au théâtre Italien, 109.
Soustelle, â l'Opéra, 254.
Talvo-Bedogni (Mme), résiliation à l'Opéra, 398.
Trillet, au théâtre Lyrique, 22.
Ugalde (Mme), au théâtre Lyrique, 205.
Wertheimber (Mlle), aux théâtres de Marseille et d'Al-
ger, 118.
Id. à l'Opéra, 285.
Wicart, â Rouen, 118.
Strauger.
THÉÂTRES, CONCERTS, NOUVELLES MUSICALES,
ETC., ETC.
Aix-la-Chapelle. — Grand Festival de chant auquel ont
pris part soixante et une sociétés, 295.
Bade. — Ouverture de la saison, 149, 206. — Représenta-
tions de la troupe du Palais-Royal, 223. — Repré-
sentations d'opéras, 239. — Représentation de la Fille
de l'Orfèvre, opéra nouveau de M, Membrée, 246. —
Représentation de ]'olage el jaloux, musique de Ro-
senhain, 255. — Correspondance signée E. R. : Re-
présentation du Chevalier Nahel, opéra de Litolff,
261. — Reprise de Béatrice cl Bénédict, 271. —
Représentations d'opéras, 279. — Troupe italienne,
287. — Grand concert au profit des hospices de la
viUe, 294. — Troupe allemande : concert à l'occasion
de la fête du grand-duc, 3U3. — Concert de Batta et
Vivier, 326.
Barcelone. —Représentation brillante du Prophète au
Liceo, 45, 55. — Réouverture du théâtre du Liceo,
par Jonc, opéra de Petrella, 336. — Mme Lagrua
dans la Sa/fo de Pacini, 351.
Berlin. — Première représentation de J'OMsi de Gounod,
15. — Clôture de la saison de l'opéra, 207. — Débuts
de la troupe italienne, 343. — Exécution de la Patrie
éternelle, oratorio nouveau d'Hermann Kiister, 375.
Breslau.— Première représentation de la Réole, opéra-
comique de Gustave Schmidt.
Briikswick.— Représentation de la Rose d'Erin, opéra de
Bénédict, 55, 69. — Episode intéressant du dernier
festival de chant, 246.
Bruxelles.— Première représentation des Songes, ballet
de M. Justament, 7. — Correspondance signée M. :
voyage artistique d'E. Prudent, 37. — Première re-
présentation de la Chatte merveilleuse, d'Albert Grisar,
46. — Concerts du Conservatoire, 94. — Clôture de
la saison, 174. — Réouverture du théâtre de la Mon-
naie, 294. — Représentation de Flamma, ballet de Jus-
tament, 414.
Carlsrohe. — Représentation du Roi Ensio, d'Abert, 95.
CoBonRG. — Représentation de la Malédiction du Chan-
teur, opéra nouveau d'A. Langerts, 407.
CoKSTANTiNOPLE. — Représentation de Ladislao, opéra
nouveau de Pisaui, 23.
Darusiadt. — Grand saccbs AelaReine deSaba, deGou-
nod, 39. — Représentation du Meunier de Marlinac,
opéra nouveau de Jasper, 63.
Dresde.— Représentation de Lalla-Rookh, de Rubinstein,
79. — Belle reprise de Zampa, 183.
Ems. — Ouverture de la saison, 206. — Représentations de
la troupe des BoufTes-Parisiens, 223. — Représenta-
tion à'Il siynor Fagotto, opéra bouffe d'Offenbach,
230. — Représentation de Lieschen et Fritschen, po-
chade nouvelle d'Offenbacb, 239, 247. — Concerts, 279,
286.
Florence. — Représentation de Piecarda Donati, opéra
de Vincenzo Moscuzza, 88. — Grand concert populaire
donné au théâtre Pagliano, 110. —Incendie du Putite-
ama, 215. — Distribution des prix du concours Ba-
sevi, 336. — Giula Grisi dans Norma, 375.
FnANcroRT-SDR-MEiN. — Représentation de Biarne, le roi
du chant, opéra posthume de Marschner, 311. —
Sociétés de chant réunies, 327.
Gard. — La musique aux fêtes du congrès, 310.
Gotha. — Représentation d'.lnne de Bretagne, opéra
nouveau d'Otto Pretschler, 144.
HoMBOURG. — Fêtes du Kursaal, 263. — Grand concert,
279.
KoBNiGSBERG. — Grand festival prussien, 191.
Liège. — Grand festival, 222.
Londres. — Première représentation de The Armiirer of
Nantes, opéra nouveau de Balfe, 53. — Programme
de la saison de Covont-Garden, 109.— Correspondance
signée L. B. : ouverture de ce théâtre, 116. — Ou-
verture du théâtre de Sa Majesté, 127.— Correspondance
signée T. X. : nouvelles musicales et théâtrales, 157.
— Correspondance signée Y. : nouvelles des théâtres,
165. — Gorrespondauce signée M. : nouvelles des
théâtres et des concerts, 172. — Correspondance si-
gnée B. S. : nouvelles des tliéàtres; les deux Patti,
181. — Représentation d'Obin, 199. — Correspon-
dance signée L. B. : nouvelles des concerts, 204. —
Le Faust de Gounod i Covent-Garden, 215. — Cor-
respondance signée L. B.= théâtres et concerts, 220.
respondance signic B. S. : nouvelles des théâtres, 237.
— Correspondance signée L. B. : clôture de la saison
de Covent-garden ; travaux du théâtre de Sa Majesté,
253. — Correspondance signée L. B. : clôture du
théâtre de Sa Majesté, concerts divers, 261. —
Représentation de la Fleur du désert, opéra
nouveau de Wallace, 343. — Succès de Mlle C.
Patti au palais de Cristal, 359. — Représentation
de Jessy Lea, opéra de salon de Macfarren, 367.
— Représentation de Blanche de Nevers, opéra
nouveou de Balfa, 391.
LcBECK. — Représentation du Dernier Jour de Pompé'ia,
opéra sans paroles par un compositeur suédois, 336.
Madrid. — Première représentation de Zampa, traduit
en espagnol, 15. — Représentation de la Forsa del
destiiio, de Verdi, 71. — Réouverture du théâtre Ita-
lien par il Burbiere di Seviglia, 326. — Représenta-
tion de gala, à l'occasion du voyage de S. M . l'Impé-
ratrice des Fiançais, 351. — Débuts de Mme Adelina
Patti au théâtre de l'Oriente, 374, 389.
Masheim. — Représentation du Roi Enzio, grand opéra
d'Abert, 23. — Représentation de Lorelei, opéra nou-
veau de Bruch, 139.
Milan. — Premières représentations de Riensl, opéra
d'A. Péri, et des Stelle, ballet de P. Taglioni, 7. —
Représentation d'/ due i<ori, ballet de Taglioni, 38. —
Représentation du Prophète à la Scala, 63. — Repré-
sentation d'.l»/ora di Nevers, opéia nouveau de Si-
nico, 279. — Ouverture de la saison par le Vieux de
la Montagne, do Cagnoni, et Oronos, ballet de Costa,
295. — Réouverture du théâtre Carcano, 367, — Re-
présentation d'/ Profughi fiamminghi, opéra nouveau
de F. Faccio, 37.1. — Représentation dAldina, opéra
nouveau de R. Gandolfi, 391. — Représentation du
Nuovo Figaro, opéra de Ricci, 415.
Moscou. — Représentation de la Salamandre, nouveau
ballet de Saint-Léon, avec apparition de spectres, 407.
Munich. — Représentation des Foscari, opéra nouveau
de Zenger, 31. — Correspondance : grand festival,
324.
Naples. — Grand succès de Mme Tietjens dans la £«-
crezia, 88.
New-York. ~- Correspondance signée Dachauer : l'opéra
italien et la musique d'église, 37. — Inauguration de
la saison italienne par liuberto d'Evereux, 359.
OpoRTO. — Représentation de Béatrice di Portogallo,
opéra nouveau de Novaynho, 95. — • Immense succès
des Huguenots, 157.
Prague. — Repré-entation de Concinî, opéra nouveau
par Th. Lœwe, 7. — Représentation de Rizzio, opéra
nouveau d'A. Schliobiicr, 119.
Rome. — Incendie du tiiéâire Alibert, 63. — Représen-
tation de Maria au lliéàtre Argentina, 70. — Réou-
verture de ce théâtre par liuberto il Diauolo, 319.
Saint-Péterscourg. — Première représentation de Théo-
linde, ballet nouveau de Saint-Léon, 15, — Première
TABLE ALPHABETIQUE DES MATIERES.
représentation de Natascha, opéra inédit de M. Ville-
bois, au théâtre Marie, 47. — Représentation de Ju-
dith, opéra nouveau de Serow, 191. — Société des
concerts sous la direction d'Antoine Rubinstein, 238.
— Réouverture des théâtres, 319. — Correspondance
signée S. D. : représentations du théâtre Italien, 373.
— Correspondance signée S. D. : représentations de
l'opéra Italien et de l'opéra Russe, 396.
Spa. — Grand concert à la Redoute, 247. — Concerts
divers, 255. — Concert de Louis Brassin, 302.
Turin. — Représentation de la Comtesse d'Egmont,
grand ballet de Rota, 38. — Représentation de Don
Carlo, opéra nouveau du chevalier de Ferrari, 199. —
Clôture de la saison du théâtre Victor-Emmanuel, 207.
— Représentation d'Jl Folletto di Gresy, opéra nou-
veau de Petrella, 279, — Réouverture du théâtre
Victor-Emmanuel par Maria, 319.
Vienne. — Nomination du maître de chapelle J. Strauss
comme directeur des bals de la cour, 78. — Succès
triomphal de Mlle Adelina Patti, 79, 95, 103, 117. —
Incendie du théâtre Treumann, 191. — Saison alle-
mande du théâtre de la Cour, 223. — Réouverture du
théâtre Treumann, 279. — Inhumation des dépouilles
mortelles de Beethoven et de Schubert, 351. - Re-
présentation de Jotta ou Art et Amour, ballet nouveau
de Borri, 383.
Weimar. — Représentation de Béatrice et Bénédict,
opéra de Berlioz, 125.
WiESBADEN. — Eclat de la saison, 231. ■ — Concerts di-
vers, 239. — Grand festival pour l'anniversaire de la
naissance du duc de Nassau, 247.
WoRCEsTER. — Grand festival, 302.
Zurich. — Première représentation de Dinorah, 14.
H
Slonunages, décorations et fécompeiises
accordés aux artistes.
{ Voyez aussi Nominations.]
Alard (D . ) , décoration des Saints Maurice et'Lazare, du
royaume d'Italie, 270.
Artot (Mlle D.), les portraits photographiés de tous les
membres de la maison impériale, de la part de l'em-
pereur d'Autriche, SO.
Bendel (F.), décoration de l'ordre de Danebrog, du
royaume de Danemark, 206.
Berlioz (H.), décoration de l'ordre de Hohenzollern, 143.
Bulow (H. de), décoration de l'ordre du Lion de Zœring-
hen, par le grand-duc de Bade, 22.
Carrion, médaille en or pour arts et sciences, de la part
du grand-duc de Darnistadt, 381.
Ciardi, décoration des Saints Maurice et Lazare, du
royaume d'Italie, 391.
Courmont (de), décoration d'officier de la Légion d'hon-
neur, 270.
Desmaisons (E.), décoration de la Légion d'honneur, 222.
Doring (T.), décoration de la maison Ernestine, par le
duc de Saxe-Cobourg, 150.
Dufour (S.), décoration de la Couronne de chêne, du
royaume des Pays-Bas, 38.
Feuillet (0.), décoration d'officier de la Légion d'hon-
neur, 270.
Gastinel (L.), médaille en or, de la part de l'Empereur,
327.
Gautrot, médaille de deuxième classe décernée par la
Société des beaux-arts appliqués à l'industrie, 407.
Gounod (C), décoration de l'ordre de Philippe-le-Magua-
nime, par le grand-duc de Darmstadt, 39.
Graziani (le comte M.), médaille d'argent grand mo-
dule de la part du roi d'Italie, 102.
Groot (de), magnifique émeraude de la part de l'Empe-
reur, 109.
Id. médaille d'argent, grand modale, de la part de
l'Empereur, 326.
Hanssens (C), décoration d'officier de l'ordre de Léopold
de Belgique, 30.
Herz (H.), décoration d'officier de la Légion d'honneur,
45.
Id. médaille de deuxième classe décernée par la So-
ciété des beaux-arts appliqués à l'industrie, 406.
Kastner (G.), commandeur de l'ordre de Charles IH
d'Espagne, 230.
Ketterer (E.), décoration des Saints Maurice et Lazare,
du royaume d'Italie, 316,
Lefébure-Wély, médaille en or, de la part de l'Empe-
reur, 327.
Lépreux, décoration de la Légion d'honneur, 270.
Liszt (F.), insignes de l'ordre du Saint-Sépulcre, de la
part du patriarche de Jérusalem, 14.
Luchs (F.), médaille pour les lettres et les arts, au nom
du duc de Saxe-Cobourg, 206.
Massé (V.), pension de 2,400 francs par le ministre
d'Etat, 109.
Mercadante, décoration de commandeur de l'ordre des
Saints Maurice et Lazare, du royaume d'Italie, 214.
Mey (A.), décoration de l'ordre de la maison Ernestine,
par le duc de Saxe-Cobourg, 14.
Morel (A.), décoration de la Légion d'honneur, 270.
Morin, id., 270.
Nieuwerkerke (le comte de), décoration de grand officier
de la Légion d'honneur, 270.
Pape fils, médaille de troisième classe décernée par la
Société des beaux-arts appliqués à l'industrie, 406.
Pasdeloup, décoration de la Légion d'honneur, 270.
Patti (Mlle A.), bracelet en diamants et émeraudes, de
la part de l'Empereur et de l'Impératrice, 37.
Reignier, décoration de la Légion d'honneur, 270.
Reyer (E.), décoration de l'ordre de la Couronna de
Prusse, 93.
Salles, décoration de la Légion d'honneur, 270
Sardou (V.), id., 270.
Sauvage (T.), id., 270.
Sauzay, id., 270.
Sax, médaille de première classe décernée par la Société
des beaux-arts appliqués â l'industrie, 406.
Scudo (P.), décoration de la Légion d'honneur, 270.
Servais, décoration de l'ordre de Dannebrog, du royaume
de Danemark, Î3.
Strauss, bague riche, de la part de la reine des Pays-
Bas, 30.
Strauss, de Carlsruhe, décoration de l'ordre du Lion de
Zœringhen, par le grand-duc de Bade, 54.
Sulzer, grande médaille pour les arts et les lettres, de
la part de l'empereur d'Autriche, 30.
Tescher, décoration de l'ordre de François-Joseph, de
l'empire d'Autriche, 280.
Thierry, décoration de la Légion d'honneur, 270.
Van-der-Heyden, décoration des Saints Maurice et La»
zarre, du royaume d'Italie, 111.
Wachtel, médaille en or pour les arts et les lettres, de
la part du grand-duc de Hesse-Darmstadt, 126.
"WolS (A.), décoration de la Légion d'honneur, 45.
Jiarisprudence artistique, scientifique
et théâtrale .
Arrêt de la Cour de cassation en faveur de Debain et
consorts, à propos de la reproduction des œuvres mu-
sicales par le procédé du piquage, 63 .
Arrêt de la Cour impériale dans un procès pendant en-
tre MM. Marschner et Aulagnier, à propos de l'opéra
du Vampire, 116.
Arrêt définitif de la Cour impériale d'Orléans dans l'af-
faire Debain et consorts, 174.
Arrêt de la Cour impériale de Paris relatif aux faillites
des directions de théâtre, 206.
Jugement en appel intervenu entre M. Pasdeloup et
M. Girard, premier violon de l'orchestre des concerts
populaires, 254.
Xicttres.
M. Fétis père, au rédacteur en chef du journal, à pro-
pos d'un nouveau système de flûte, 4.
M. Alphonse Sax au directeur du journal, pour une
réclamation, 21.
M. A. de Leuven aux journaux, à propos de l'orchestre
de l'Opéra-Comique, 77.
M. Pasdeloup au directeur du journal, h propos des
Sept paroles, d'Haydn, 123.
Réponse de M. Marie Escudier à M. Pasdeloup, 132.
M. Fétis père au directeur du journal, en lui transmet-
tant une lettre de M. A. Rouget de Lisle, 243.
M. Fétis père au directeur du journal, à propos de la
Marseillaise, 257.
.M. A. Rouget de Lisle au même, et pour le même ob-
jet, 258.
Jacques Offenbach au directeur du journal, à propos de
Don Juan, 333.
Eiittératni'e musicale.
Du rhythme de la poésie lyrique et des études rhythmi-
ques de M. A. Van-Hasselt, art. de Fétis père, 81.
La musique et la danse à l'Exposition des beaux-arts,
par E. Mathieu de Monter, li8, 186.
Delà poésie lyrique, art. de J.-B Rongé, 188, 195.
La vérité sur la Marseillaise, art. de Fétis père, 225.
Effets des circonstances sur la situation actuelle de la
musique au point de vue do la composition, art. de
Fétis père, 251, 275, 297, 321, 345.
Le royaume hawaïen, art. d'O. Comettant, 307.
La guerre de cent ans des organistes, clavessinistes et
maîtres à dançer du royaume de France, art. d'E.
Matbieu de Monter, 330, 338, 362, 372.
Mémoire sur l'origine de la musique, par D, Eeaulieu,
403.
M
Unslque militaire.
Audition de musique militaire chez Adolphe Sax, 118.
Séance donnée dans le même local par la musique du
11' d'artillerie montée de la garde, 142.
Et par la musique de la gendarmerie impériale, 158.
Concours de musiques militaires à Montmartre, 230.
Concours de musiques militaires au camp de Châlons,
art. d'A. Elwart, 200.
musique religieuse.
MESSES, ORATORIOS, SOLENNITÉS RELIGIEUSES,
ORGUE.
Requiem de Mozart â Notre-Dame, art. d'A. Botte, 18.
Messe de M. F. Benoît â Saint-Roch, art. d'A. Botte,
34.
Messe de M. Léon Gastinel à l'église de Saint-Vmcent-
de-Paul, par les soins de l'Association des artistes mu-
Requleni de Mozart à Saint-Eustache, en l'honneur de
Wilhem, 93.
Messe en musique à Notre-Dame, célébrée par 1 Asso-
ciation des artistes niusicicns, 10).
Stabat en musique, par Maurice. Bourges, dans la cha-
pelle des sœurs de Saint-Vincout, 102.
6
Exécution des Sept paroles de Nolre-Seigiicur sur la
croix, oratorio d'Haydn, à Saint-Roch, 109.
Messe du sacre, de Chernbini, à Saint-Rocli, 118.
Messe solennelle de Camille Schubert, à Saint-Eustache,
au profit de la caisse des écoles du 2' arrondissement,
119.
Inauguration du grand orgue de Saint-Etienne du Mont,
142.
Messe de Kicou-Choron, exécutée à la Madeleine, art.
de F. Danjou, 155.
Deuxième messe do M. Ponce de Léon, exécutée à Samt-
Pierre de Montrouge, 222.
Audition de M. Cb. Widor, de Lyon, sur l'orgue de
Saint-Sulpice, 2i6.
Distribution des prix de plain-chant et d'orgue à l'Ecole
religieuse, 254.
Messe d'actions de grâces dans l'église de Suresnes,
342.
Messe de Sainte-Cécile h Saint-Eustache, par l'Associa-
tion des artistes musiciens, art. d'A. Botte, 378.
Messe de M. Ch. Manry à Saint-Eustache, art. d'A.
Botte, 393.
N
Nécrologie et articles nécrologique».
Arnaud (E.l, 39.
Audilîred, 382.
Baver, 239.
Beàle {F.), 215.
Beaulieu (M.-D.-M.), art.
nécrol., 412.
Beyer, 107.
Bock (G.), 144.
Boisseaux (H.), 382.
Borchardt (C), 125.
BouUée (Mlle Ida), 287.
Braham (J.-H.), 7.
Canaple, 254.
Casimiro (J.), 23.
Cavos (A.), 215.
Chartier, marquis de Lo-
raille (À.), 183.
Dalaveux (E.), 375.
Damoreau, 334.
Damoreau-Cinti (Mme), 70;
art. nécrol. , 7G.
Davide (P.), 254.
Delacroix (E.), 263.
Delécluze (E.-J.), 231.
Delsarte (X.), 279.
Dufresne (A.), 78.
Feroglio (P.), 391.
Ferraris (MmeO.Malvatii),
262.
Tiennes ( H. du Bois de ),
70.
Gall, 103.
Gilbert des Voisins (le Cte),
206.
Glover (C), 158.
GrunwalJ (J.), 144.
Hesse (A.-F.), 263.
Hœrter (P.), 366.
Hoffmann (de Francfort ),
134.
Haber (F.), 39.
Jaspar (A), 215.
Kist ( le docteur F. -C),
127.
Kœnneritz(de),183.
Kolb (J. von.), 271.
KûUak (A.i, 14.
Lacombe, mère ( Mme ) ,
246.
Lemaire (Mlle E.), 175.
Livry (Mlle E.), 245.
Lovy (J.)i art. nécrol. d'A.
Elwart, 189.
Mabille (V.), 287.
Mailly (P.-J.). 271.
Masini (F.), 271.
Maurice (A.), 215.
Mayseder (J.), 382, 390;
art. nécrol. ertraitdela
Biographie des Musi-
ciens, de M. Fétis, père,
404.
Merts (J.j, 175.
Moreau, 303.
Moser, 414.
Mûhldorfer, 94.
Mùller (C.-G.), 215.
Nicole jeune, 103.
Pacini (Mme), 342.
Pitre-Chevalier, 199.
Prudent (E.), 157 ; art. né-
crol. de Paul Smith ,
177.
Rossi (L.-F.), 206; art. né-
crol. par A.Pougin,211.
Roth (A.), 158.
Schoberlcchner(Mme), 303.
Schodel, 287.
Schubert (C), 215.
Serda, 111.
Stegmayer (F.), 158.
Tacchinardi ( Mme P. ) ,
303.
Verroust (S.), 127; art.
nécrol. d'A. Elwart ,
Vestvàli (Mme), 294.
Vigny (le comte A. de),
303.
"Wertowsky, 23.
Wollenhaupt (H.), 342.
Zizold, 399.
IKoml nations.
Bacciochi (le comte), premier chambellan de l'Empe-
reur, comme surrintendant général des théâtres, 214.
Bagier, comme directeur du théâtre Italien, 101.
Beaufort (de), comme directeur du théâtre du Vaude-
ville, 133.
Bergson, comme directeur des classes supérieures de
piano au Conservatoire de Genève, 390.
Champfleury, comme directeur du théâtre des Funam-
bules, 125.
Delibes (L.), comme accompagnateur à l'Opéra, 133.
Doucet (C), comme directeur de l'administration des
théâtres au ministère de la maison de l'Empereur et
des beaux-srts, 214.
Lockroy, comme directeur du théâtre du Prince-Eugène,
125.
Salomon (H.), comme accompagnateur du théâtre Lyri-
que, 133.
Stockhausen (J.), comme directeur des concerts de la
Société philharmonique de Hambourg, 94.
Triébert, comme professeur de hautbois au Conserva-
toire, 133.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIERES.
Combinaison financière pour achat d'orgues ; circulaire
ministérielle, 164.
Nouvelles attributions du ministère de la maison de l'Em-
pereur et des beaux-arts, 206.
Travaux de la commission de la propriété littéraire et
artistique, art. signé P. S., 259.
Commission nommée pour examiner la question de l'af-
fichage des théâtres, 318, 358.
Projet de décret sur la liberté des théâtres, 365.
Décision du ministre de l'instruction publique qui pres-
crit l'étude de la musique vocale dans tous les éta-
blissements universitaires de l'Empire, 366.
Adresse à l'Empereur des compositeurs de musique, à
propos de la liberté des théâtres, 389.
Extrait d'un article du Sémaphore de G. Bénédit, rela-
tif à la liberté des théâtres en province, 405.
Extrait d'un article de la Revue et Gazelle des théâtres,
relatif au projet de loi sur la propriété littéraire, 405.
De la liberté des théâtres au point de vue musical, an.
de Paul Smith, 409.
R
SSevue critique.
CHANT.
Six mélodies de M. J. Cressonnois, art. d'A. Botte, 43.
LeChant des exilés, pour ténor et chœur d'hommes, par
G. Meyerbeer, art. d'A. Botte, 141.
Chant guerrier, chœur pour voix d'hommes, composé
par Meyerbeer, pour la tragédie de Stniensée, art.
d'A. Botte, 305.
PIANO.
Troisième trio pour piano, violon et violoncelle, par
H. Reber; les Archers, ronde de nuit ; Dors, mon cher
enfant, berceuse; marche et mazurka chinoises, air de
ballet, pour piano, par E. Baumann , art. d'A. Pou-
Le Trésor des pianistes, publié par A. Farrenc (3" liv.),
art. de Fétis père, 19.
Absence et Retour, fantaisie mélodique; Cloches et
Clochettes, caprice imitatif, par Ch. Pourny; fendan/
la valse, scène dramatique; la Coupe en main, brin-
disi ; Vision, romance sans paroles, par, Mlle Léonie
Tonel ; le Soir au bord du lac, nocturne par M. Bil-
let; Cujus animam, transcription par Brinley Richards;
Romance sans paroles de Thalberg, transcrite par
Frelon; Rêverie suisse, \a,\se; l'Enchanteresse, valse à
quatre mains, par A. Riedel; te Ba/, valse par E.
Desgranges; la Pluie de fleurs, valse par Strauss, art.
signé Y., 36.
La Muette de Porlici, le Domino nnir, Slradella, fan-
taisies de salon; la Mer calme, mélodie; Yvonne,
polka-mazurka, par R. Favarger, art. signé Y., 332.
Propeccatis. transcription àa Stabat mafec de Rossini ;
Hymne des vêpres ; la Czarina, mazurka de salon,
par Brinley-Richards , art. signé Y., 332.
Berceuse ; Souvenir jrfe Berlin, par F. Schœn ; les Dra-
gons de Villars, petite fantaisie ; la Prière d'une
vierge, par Thecla Badarzewska, morceau de salon;
les Bavards, fantaisie par J. C. Hess ; les Bavards ;
Slradella, bagatelles par Ltcarpentier, art. signé Y.,
348.
Les Fleurs de la danse , par H. Valiquet ; Souve-
nirs de l'opéra français, par J. Rummel, art. signé
Y., 379. , ,. ,
le Trésor des pianistes, par A. Farrenc (4° et 5' liv.),
art. de Fétis père, 385.
COMPOSITIONS INSTRUMENTALES DIVERSES.
Trente morceaux d'orgue, pour le service divin, par
Th. Stern, art. de Fétis père, 11.
Fantaisie sur les Bavards, pour violon et piano, par
E. Depas, art. signé Y., 348.
Deux Nuits, pour violoncelle et piano, par P. Seligmann,
art. signé Y., 373.
Fantaisie sur Maria, pour violoncelle, par C. Paque ;
la Carita, de Rossini ; Ave Maria, de Schubert ; Pteta
Signor, de Slradella, transcription pour harmonium,
art. signé Y., 379.
MÉTHODES ET OUVRAGES DE THÉORIE.
Traité d'Harmonie, par Henri Reber, art. d'A. Elwart,
12.
OUVRAGES DIVERS.
Chûteau à vendre , par Alexandre de Lavergne. —
Contes du Docteur Sam et Petites Chroniques de la
Science, par S. H. Berthoud, art. de Paul Smith,
171.
Ha Musique au Théâtre, par M. A. L. Maillot, art. de
Paul Smith, 201.
l'Anneau des Nibelungen, par Richard Vi'agner, art. de
J. Duesberg et S***, 217, 282, 290, 300.
La Musique à Paris, par Albert de LasalleetEr. Thoi-
nan, art. signé P. S., 285.
<|uestiou8 artistiques, musicalefi
et théâtrales.
Résolution prise par le comité de la Société nationale
des beaux-arts, 4.
Travaux de la commission instituée pour préparer le
projet de loi sur la propriété littéraire, 62, 103.
Texte du projet de loi relatif â la propriété littéraire et
artistique, 123.
Subventions théâtrales, 133, 143.
Suppléments.
(Voyez à la fin de la table.j
T
Vhéàtres de Paris.
(Pour les théâtres des départements et de l'étranger,
voir â ces mots.)
théathes lyrkjoes.
OPÉRA.
Reprise de la Muette de Porlici, art. de Paul Smith,
25.
Première représentation de to Mide de Pedro , opéra en
deux actes, musique de Victor Massé, art. deP. Smitli,
73.
Début de Villaret, art. signé S. D., 91.
Représentation au bénéfice de Mme Ferraris, 101.
Restauration de la salle, 114.
Reprise de Giselte ; début de Mlle Mourawiefl', art. de
P. Smith, 145.
Reprise du Comte Ortj, art. signé P. S., 163.
Rentrée de Michot, et début de Mme Dori-Rottger, dans /
Trouvère, 213.
Première représentation de Diavolina, ballet-pantomime
en un acte, musique de C. Pugni, art. signé P. S.,
218.
Reprise des Vêpres siciliennes, art. signé P. S., 233.
Nomination de M. Georges Hainl comme chef d'or-
chestre, 238.
Spectacle gratis du 15 août, 269.
Début de Mlle Thérèse Tietjens, dans les Huguenots, art.
de P. Smith, 273, 281.
Troisième début de Villaret, et rentrée de Mlle Wer-
theimber dans le Trouvère, art. de P. Smith, 289.
Rentrée de Merly dans Guillaume Tell, 325.
Début de David dans le même opéra, 333.
Villaret dans to Juive, art. signé P. S., 347.
Début de Mme Bedogni-Talvo dans la Favorite, 381.
Rentrée de Villaret dans ta Juive, 413.
OPÉRA-COMIQUE.
Rentrée de Caussade dans le Chalet, 6.
Première représentation de l'Illustre Gaspard, opéra-
comique en un acte, musique de M. Eug. Prévost,
art. de L. Durocher, 49.
Première représentation de la Déesse et le Berger, opéra-
comique en deux actes, musique de J. Duprato, art.
de L. Durocher, 65.
Reprise des Diamants de la couronne, 93.
Représentation au bénéfice des petits-enfants de Rameau,
117.
Première représentation de Bataille d'amour, opéra-
comique en trois actes, musique de M. de Vaucorbeil,
art. de Léon Durocher, 121.
Reprise de la Chanteuse voilée, art. de L. Durocher, 139.
Reprise Â'Haydée, art. de L. Durocher, 146.
Représentalion au bénéfice de Lemaire, 173.
Reprise de Zampa, art. de L. Durocher, 185.
Début de M. Mirai dans le Clialct, 205.
Début de Mlle Irène Lambert dans Haydée, 214.
Reprise de Galatée avec Mme Ugalde, 221.
Première représentation des Bourguignonnes, opéra-co-
mique en un acte, musique do Louis Deffès ; reprise
de la Fausse Magie, art. de L. Durocher, 226.
Spectacle gratis du 15 août, 269.
Première représentation des Amours du Diable, opéra-
comique en quatre actes, musique d'A. Grisar, art.
de L. Durocher, 274.
Débuts de Mlle Girard, d'Eug. Bataille et de Carrier dans
le Cdid, art. de P. Smith, 289.
Reprise du Songe d'une nuit d'été ; rentrée de Mlle
Monrose ; art. de L. Durocher, 299.
Rentrée de Montaubry et de Mlle Cico dans lalla Eoukh,
317.
Reprise du Domino noir avec Léon Achard et Mlle Cico,
art. de L. Durocher, 337.
Début d'Albert dans Andréa A' Haydée, 341 .
Représentation au bénéfice de l'Association des artistes
dramatiques, 349.
Début de Mlle A. Colas dans les Noces de Jeannette,
374.
Reprise de Joconde, 381.
Représentation au bénéfice de la Caisse de secours de»
auteurs et compositeurs dramatiques, 398.
THÉÂTRE ITALIEN.
Rentrée de Mme Trebclli dans lucresia Borgia, 6.
Première représentation de / Lombardi alla prima cro-
ciata, musique de Verdi, art. de P. Smith, 17.
la serva padrona, de Pergolèse, art. de P. Smith, 27.
Reprise de Don Giovanni; Adelina Patti; art. de Paul
Smith, 33.
Première représentation d'Alessandro Slradella, opéra
en trois actes, musique de F. de Flotow, art. de Paul
Smith, 57. . J ,, ,
Démission de M. Calzado ; gérance provisoire de M. An-
drès Mico, 61.
Alessandro Slradella (deuxième article), par D.-A.-D.
Saint-Yves, 67.
Rentrée de Tamberiick dans Poliuto, et le Trovatore,
art. signé P. S., 83.
Début de Debassini; Otello, art. signé S. D., 105.
Début de Mlle de laPommeraye dans Desdemona, 117.
Exécution du Stabat de Rossini, 118.
Rentrée de Mme Volpini dans Don Pasquale, 3 33.
Clôture de la saison, 142.
Programme de la nouvelle saison, 286.
Réouverture ; Mme de la Grange et Nicolinl dans la 7ra-
viata, 329. „. , . . J
Mme de la Grange et Nicolini dans Rtgoletto, art. de
Paul Smith, 337. ,
Début de Fraschini et de Morelli dans la Lucta di lam-
mermoor, art. de P. Smith, 347.
Fraschini dans Poliuto, et Mme de la Grange dans Nor
ma, art. de P. Smith, 354.
Reprises du Trovatore et du Barbicrc ; débuts de Mme de
Méric-Lablache, de Sterbini, de Baragli et de Rovtre;
rentrée de Mme Borghi-Mamo, art. signé P. S., 369.
Reprise de Lucrezia Borgia, 389.
Début de Giraldoni dans le Troiiatore, 389.
Reprise de Ceiierenlola et d'Eriiani, art. signé P. S., 403.
THÉÂTRE LYRIQUE IMPÉRIAL.
Première représentation A'Ondine, opéra-comique en
trois actes, musique de Th. Semet, art. de L. Duro-
eher, 9.
Première représentation de Peines d'amour perdues,
opéra-comique en quatre actes, musique de Mozart,
art. de L. Durocher, 105.
Premières représentations des Fiancés de Rosa, opéra-
comique en un acte, musique de Mme C. Valgrand ;
et du Jardinier et son seigneur, opéra-comique en un
acte, musique de Léo Delibes, art. de L. Duroclier,
139.
Reprise à'Oberon, art. de L. Durocher, 154.
Rentrée de Mme Carvalho dans Faust, 166.
Clôture de la saison, 173.
Projet de concours musical, art. signé P. S., 228.
Programme de la saison, 278.
Réouverture, 286.
Début de Pilo et rentrée de Mme Faure-Lefebvre dans
Joseph; début de CaiUot dans l'Epreuve villageoise,
293.
Première représentation des Pêcheurs de perles, opéra
en trois actes, musique de G. Bizet, art. de L. Du-
rocher, 313.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIERES.
Première représentation des Troyens, opéra en cinq
actes, musique de Berlioz, art. de L. Durocher, 353.
Projet d'une subvention de 100,000 francs, 366.
Reprise d'Obdron, 37i.
Reprise de la Perle du Brésil ; Mme Carvalho, M. Pilo,
M. Petit; art. de L. Durocher, 377.
Première représentation de Itigoletto, opéra en quatre
actes, musique de Verdi, art. de Léon Durocher, 411.
BODFFES-PARISIENS.
Job cl son chien, opérette en un acte, musique de
M. Emile Jonas; Madame Pygmalion, opérette-bouffe
en un acte, musique de M. Fr. Barbier ; art. signé
D., 43.
Les Baoards, opéra-bouffon en deux actes, musique de
J. Offenbach, art. signé D., 59.
Reconstruction de la salle, 230.
REVDE DES THÉÂTRES
Par D.-A.-D. Saint- Yves,
5, 28, 44, 52, 61, 84, 108, 124, 148, 172, 197, 212, 229,
252. 277, 292, 325, 340, 356, 380, 397, 412.
BALS, CONCERTS ET SPECTACLES DIVERS.
Bals de l'Opéra, 399.
Concert des Champs-Elysées, 144, 151, 174, 183, 206,
239, 246, 271, 278.
Concerts Musard au Pré Catelan, 119, 134, 151, 158,
167, 174, 183, 206, 214, 246, 270, 279.
Théâtre des Champs-Elysées, art. signé S. D., 170.
Réouverture du théâtre du Chalet-des-Iles, 182, 191 .
Réouverture du casino Cadet, 310.
Salle Robin, 205, 222,231, 239, 271, 310, 342, 382.
Variété».
Revue de l'année 1862, art. de Paul Smith, 1.
Haydn et les princes d'Esterhazy, art. du docteur L. ;
extrait de la Gazette allemande de musique, 35, 189,
211, 236.
La Tarentelle, art. du docteur Brehm, 75.
Extrait de l'album d'un pianiste en Egypte, art. de
Ch. Wehle, 196.
Derniers jours de Mendelssohn, art. d'H. Chorley, 260,
291.
Un touriste musicien en Italie en 1739, art. d'E. Mathieu
de Monter, 267, 284.
Phénomènes acoustico-physiologiques, art. de Ch. Mee-
rens, 306, 331.
Répétition du premier Requiem de Cherubini, art. de
Bénédit, 314.
Un facteur de clavecins, 315.
Lettres de Mendelssohn, trad. par J. Duesberg, 316,
356, 364, 395.
Projet d'auditions périodiques d'oeuvres musicales d'ar-
tistes vivants, art. de P. Smith, 355.
La musique populaire dans les cités ouvrières, en 1363,
article de Maurice Cristal, 361, 370.
L'Amérique telle qu'elle est, par Oscar Comettant, 338.
MORCEAUX DE MUSIQUE DOfflÉS COMME SUPPLÉMENTS DANS LE COURANT DE L'ANNÉE 1863
Avec le n° 1 (en primes) : Le 1"' volume du Répertoire
de musique moderne pour le piano {Les
succès universels).
Le morceau de chant favori d'Adelina
Patti : la Gioja insolita.
Un aura amorosa, air de Cosi fan lutte,
de Mozart.
Les portraits-cartes d'Haydn et de Weber.
Avec le n" 9: la ballade de l'opéra Slradella, de Flo-
tow: Au sein desAbruzzes,
Avec le n" 17: le quadrille d'Arban sur les Bavards,
d'Offenbach.
Avec le n* 24 : Une transcription pour l'harmonium de
l'Ave Maria, de Schubert, par G. Ro-
mano.
Avec le n" 31 : Berceuse, pour piano, par Ferd. Schoen.
Avec le n° 38: La polka du Brésilien, musique d'Of-
fenbach, arrangée par Arban.
Avec le n° 45 : L'avenir est à Dieu, romance de Da«"
sier.
TABLE ALPHABETIQUE DES i\OMS.
Abert (J.-J.), 23, 95, 202.
Abt, 20/1.
Achard (L), 2, 77, 146, 198, 2i;i,
269, 299, 309, 337, 349.
Acs (Mme), 173.
Adam (A.), 145, 202.
Adam, inst., 365, 394.
Adam (Mlle), 53.
Adenis (J.), 43.
Adler (V.), 69, 390.
Agar (Mlle), 149, 172, 213.
Agnesi, 343,351.
Agresti, 349.
Agrone (Mme), 207.
Aguado (le comte 0.), 69.
Ahaa (Mlle de), 15, 8S, 119, 279,
407.
Alard (D.), 11, 23, 35, 42, 69, 75,
92, 130, 198, 270, 279, 303,
Alary'(G.), 262, 270.
Alaux, 119.
Albert, 4, 341.
Alboni (Mme), 13, 86, 101, 127,
237.
Albrecht (Mlle), 117.
Alexandre, père et fils, 102, 143,
164.
Allaire-Dietsch (Mme), 78.
Allewaërt (Mlle), 55.
Alpbonsiae (Mlle), 340, 413.
Altavilla, 399.
Altès, 115, 381.
Ander, 103.
Andersen (A.), 27 9.
Andrée (Mlle), 94, 135.
Andrieux (Mlle), 37.
Angelini, 373.
Anicbini (F.), 335.
Annenska (Mme), 397.
Anschûtz, 239.
Anthoine (L. d'), 292.
Antonucci, 167, 238, 326, 343.
Aptommas, 22, 51, 54.
Arancio-Guerrini (Mme), 70, 88.
Arban, 78, 100, 129, 134, 144,
151, 158, 174, 183, 190, 206,
214, 220, 222, 246, 271, 286,
297, 310.
Archainbaud (M. etMme), 51, 111 ,
116, 130, 150, 303.
Arditi, 127, 165, 261, 414.
Argenton (d'), 62.
Armaudi, 415.
Armingaud (J.) , 35, 45, 69, 141.
Arnal, 5, 148.
Arnaud (E.), 39, 46.
Aronssohn, 100.
Arronge (Mme 1'), 311.
Artot (Mlle D.), 15, 30, 39, 46,
55,63, 70, 79, 88, 95, 127,135,
144, 165, 172, 181, 199, 205,
221, 302, 326, 343, 374.
Artus (A.), 124, 173.
Astieri (Mlle), 126.
Aubel (L. d'j, 7.
Auber, 2, 6, 22 , 25 , 26, 93, 222,
238, 249, 374, 414.
Aubry (Mlle), 173.
Audiffred, 382.
Auer, 261, 391.
Auesperg (le Pr.), 263.
Augier (E.), 85, 253.
Aujac, 46, 88, 335, 375.
Aulagnier, 116, 310.
Aurèle, 110, 131, 308.
Auroux, 41.
Babaud, 78.
Bacciocbi (S. 'Exe. le comte), 214,
293, 318, 358.
Bach, 242, 250.
Bach (O.), 23.
Baclmiann, 151.
Badarzewska (Mme T.), 181, 190,
212, 349.
Badiali, 92.
Bagier, 101, 142 , 198, 205, 214,
238, 245, 278, 286, 302.
Baillard, 118.
Baille (G.), 326.
Balanqué ( M. et Mme), 142, 261,
287.
Balbi (Mlle), 302.
Baldenecker, 239.
Balfe (VV.), 53, 391.
Balzac (de), 340.
Baneux, 122.
Banville (T. de), 340.
Baragli, 133, 369, 381.
Baralle (A.), 149.
Baratte (Mlle), 219, 233.
Barbier (F.), 43, 341.
Barbier (J.), 105.
Barbisan (Mme), 79.
Barbet (Mme), 47, 343, 373.
Baretti (Mlle), 67, 78, 122, 146,
274.
Barnard (Mlle L.), 119.
Barnetcbe (Mlle), 175.
Barré, 340.
Barrielle, 274.
Barrière (J.), 246.
Barrière (T.), 29, 108, 139, 229,
M3.
Barsagol, 127.
Barthe-Benderali (Mme), 84.
Bartoch ( Mlle 0.), 159,
Bartohni, 13, 17, 167.
Bar-Wol£f, 191.
Basevi, 335.
Bastin (Mlle), 242.
Bataille (E.), 286, 289.
Batiste ( E.) , 11, 87, '101, 134,
150, 151, 379, 398.
Batta (A.), 28, 34, 42, 51, 108,
123, 255, 279, 286, 318, 326,
390.
Battaille (C), 10, 101, 123, 204.
Battu, 324.
Battu (Mlle M.), 23, 28, 58, 67,
69, 77, 85, 93, 116, 144, 182,
199, 237, 279, 287, 303, 325.
Baudier (Mlle), 151, 174.
Bauer, 342.
Bauerkeller, 91, 102, 155.
Baumann (E.), 3.
Baur (J.), 278, 303.
Bayer, 215, 239, 279.
Bazin (F.), 190, 203, 278.
Bazzini , 54, 134, 366.
Beale (F.), 215.
Beaudoin, 414.
Beaufort (de), 133.
Beaugrand (Mlle), 157, 219, 274.
Beaulieu (M.-D.-M.),'122, 412.
Beaumetz (Mlle M.), 11.
Beaumont (A.), 1.
Beauvallet, 5, 148, 250.
Beck, 135, 183, 319.
Becker (J.) , 14 , 30 , 54 , 74 , 87,
93, 94, 107, 108,126, 231, 342,
358, 414.
Béer (M.), 230, 305.
Beethoven, 41, 310.
Béguin-Salomon (Mme) , 75, 77,
108, 131.
Behrens, 263.
Bélia (Mlle). 122, 186, 274, 300.
Bélin de Launay (Mme W), 92.
Bellermann, 263.
Bellini, 359.
Bélot (A), 356.
Belval, 29, 61, 114, 142, 149, 169,
213, 347, 398.
Bénard, 78.
Bénazet, 62, 149, 166, 191.
Bendazzi (Mme), 53.
Bendel (F.), 63, 206, 239.
Benedetti (Di), 327,
Bénédict (J.*), 55, 69, 103, 127,
202, 204, 231', 237. 318, 359,
382.
Bénédict (Mlle A.), 294.
Bénédit (G.), 405.
Benedix, 86.
Bennett (S.), 2.
Benoist (F.), 34.
Benoît (P.), 327.
Beresa, 23.
Beretta (G.-B.), 310.
Bergson (M.), 30, 126, 366, 390.
Bériot flls (G. de), 94.
Berlioz (H.), 2, 7, 38, 50, 79, 87,
99, 110, 125, 133, 142, 143, 182,
198, 203, 254, 271, 353, 375,
381.
Berlyn (A.), 382.
Bernadette, 210.
Bernard (P.), 54.
Bernardi (Mme), 343, 373.
Bernardin, 149.
Bertliélemy, 101.
Berthelier, 23, 52, 125, 173, 190,
2i5, 262, 294, 302, 309, 333,
413.
Berthier, 219.
Berthoud (S.-H.j, 22, 171.
Bertini (Mme), 102.
Bertoletti (Mlle M.), 149.
Bertolini, 175.
Berton, 397.
Bertrand (Mlle I.), 118, 07, 294.
Besnier (Mme), 14.
BesseliÈvre (de), 134, 144, 174Ô
246, 271, 286, 318, 342.
Bessems (A.), 118, 130, 358.
jBettelheim (Mlle), 415.
Bettini '(A.), 15, 53, 77, 86,158,
172, 237, 254, 261, 262, 270, 279,
286, 327; 391.
Bettini (G.), 37, 174.
Beulé, 97, 318, 324.
Beyer, 167.
Bianchi (M. et Mme V.), 47, 93,
191, 397.
Bianco (Mlle E. del), 111.
Bignardi, 23. 88, 95, 157.
Billet (A.), 36, 70, 140.
Binaghi, 70.
Binflold fr., 110.
Birch-Pfeiffer (Mme), 46.
Bizet (G.), 22, -27, 50, 313.
Blanc (A.), 77, 108, 174, 381.
Bléau (Mlle), 63.
Blés (Mlle), 277.
Blum (E.), 380.
Blumenthal, 110, 204, 221.
Blumner, 309.
Boccolini, 53.
Bochkolt-Falconi (Mlle A.), 39,
231.
Bock (G.), 55, 144.
Bœhme (MlleD.j, 375.
Boëly (F.), 116.
Boieldieu (A.), 270, 291.
Boilly (Mlle M.), 231,
Boisgonthier (Mlle), 149.
Boisseaux (H.), 382.
Bonamici (F.), 318.
Bonetti, 67, 357.
Bonhomme, 292.
Boni-Bartel (Mme), 206, 303.
Bonnefoy, 46, 94, 135.
Boiineliée, 54, 117. 158, 213, 233.
Bonnesseur, 26, 163,189, 262, 269,
398.
Bonnet, 197, 223.
Bonnewîtz, 207.
Bonoldi (F.), 14, 310
Borchardt (G.), 26, 125, 133.
Borel-d'Hauterive, 23.
Borelli, 150, 394.
Borglièse (Mme J.), 159, 294, 318,
375, 406.
Borghi-Mamo (Mme), 31, 63, 159,
221, 326, 343, 359, 365, 369,
381, 403, 413.
Boi-ri, 247, 383.
Borsary, 88.
Boschetti (Mlle A.}, 101, 198, 230.
Bossi, 327.
Bost, 207.
Bott, 207.
Beuchardy (J.), 29.
Bouché, 338, 348, 370.
Boucher (Mme), 69.
Boul"ar (Mlle), 247.
Boulan (J.-E.), 294.
Boulanger (G.), 115.
Boulart-Mayer (Mme), 46, 55, 141,
158, 294, 335, 375.
Boulay (Mlle M.), 111.
Bouleau-Neldy, 391.
Boullard (M.), 170.
BouUée (MUel.), 287.
Boulu, 101.
Bourges (M.), 102.
Boutin, 173, 341.
Boulines (J.), 2,J6.
Boyer (Mlle), 140.
Braga, 141.
Braham (J.-H.), 7.
Brajda-Lablache (Mme), 45.
BrandÈS, 206, 303.
Brasseur, 94, 173, 263, 317.
Brassin (L.), 31, 302, 335, 343.
Braun (le P.), 96.
Braun-Biern, 311.
Braunhofer (Mme M.), 31.
Brémond, 335, 389.
Brenner (Mlle), 144.
Brésil (Mme), 147.
Bressant, 117, 197.
Breuning, 167, 255.
Brignoli, 127.
Biindeau, 253.
Brinley-Richards, 36, 102, 125,
246,332.
Brisebarre (E.), 6.
Brisson (F.), 42, 147, 358.
Brochon (H.), 14, 342.
Brohan (Mlle A.). 133, 190.
Brohan (Mlle M.), 197.
Brosses (Le Cte de), 266, 284.
Bruch, 199.
Bruneau, 287.
Brunello, 198.
Brunet, 131.
Brunetti (Mlle M.),'281, 399.
B]'uni, 22.
Brùning (Mme I.), 86, 341.
Brunner, 32.
Bruyant, 142.
Bryon-d'Orgeval, 79, 294, 335.
Bulow (H. de), 22, 311, 359, 367.
Bussine, 54, 108, 132, 147, 183.
Bussou, 143.
Buti, 88, 95, 157.
Cabel, 10, 55, 354.
Cabel (Mme M.), 53, 86, 93, 102,
106, 119, 149, 167, 174, 183,
221, 230, 303, 350, 358, 406.
Cadol (E.), 61.
Caffieri, 144.
Cagnoni, 295.
Caillot, 293.
Caillou, 101, 250, 254.
Calendini, 110.
Caliva, 327.
Callen, 279.
Calzado, 1, 61.
Calzolari, 47, 71, 327, 343, 373,
396.
Cambon, 218.
Canaple, 254.
Cantoni, 335, 367.
Capendu (E.), 213.
Capoul, 34, 67, 132, 139, 186, 274,
325.
Capponi, 303, 375.
Capp-Young (Mme), 327.
Caracciolo (Mme), 70.
Gardani (Mlle), 149.
Carman, 55.
Caron (C), 94, 289, 309, 317.
Carozzi-Zucchi (Mme), 319, 335.
Carré (M.). 105, 139, 215, 313.
Carrier, 46, 228, 245, 289.
Carrion, 88, 327, 381.
Cartelier (Mme), 302.
Carvalho (L.), 1, 105, 189, 205,
228, 278, 281.
Carvalho (Mme Miolan-), 63, 69,
117, 125, 144, 151, 158, 166,
190, 221, 261, 281, 377.
Casella, 87.
Casimiro (J.), 23.
Castagneri, 55, 262.
Casteigner, 131.
Castellan (Mlle), 110.
Castellano, 213, 341.
Castelli (Mme), 23, 157.
Castelmary, 151, 182, 189.
Caters-Lablache (Mme de), 69.
Caussade, 6.
Caussemille (Mlle 0-), 87, 154,
254, 390.
Cavaillé-CoU, 7, 294, 350.
Cavallo, 157, 390.
Gavé, 318.
Cavos (A.), 215.
Caye (Mlle J.), 310.
Cazaneuve (E.), 147.
Sazaux, 26, 101, 119, 158, 213,
274, 341, 381.
Cfebe (Mlle), 88.
CeUier (Mlle J.), 241.
Cesaro, 199, 383;
Chabert (Mlle), 53.
Chabrier (E.), 198.
Chaîne (E.), 54.
Champfleury, 125.
Chapuy, 101.
Charansonney, 287.
Chardard, 111, 214, 263.
Chartier, marquis de Loraille,
(A.), 183.
Charton-Demeur (Mme), 23, 101,
117, 133, 142, 166, 222, 271,
287, 293, 318, 354, 405.
Chaudesaigues (Mlle), 263.
Chéret, 277.
Cherubini, 314.
Chevillard, 54, 74, 92, 131.
Chic (L,.), 214.
Choler |A.), 139.
Chollel-Byard (Mme), 50, 146.
Chopin (F.), 20.
Chouquet, 324.
Christiani, 383.
Ciampi, 246.
Ciardi. 391.
Cico (Mlle M.), 62, 77, 173, 186,
214, 317, 337, 349, 414.
Clairville, 277.
Clarence (Mme), 213 .
Clauss sœura (Mlles), 28, 241.
Clément (F.), 318, 406.
Colas (Mlles A. et S.) , 95, 205,
221, 374.
Colbrun, 325.
Coletti (F.), 381.
Colin (Mlle M.), 130, 206.
Colive, 367.
Collet (N.), 70.
CoUonese, 53.
Colmet-d'Aage, 156.
Colomb, 109.
Colombier (Mlle), 250.
Colonne (E.), 131, 241, 250, 365,
394.
Colosanti, 141, 311, 327.
Colson (Mme), 262, 389, 407.
Comettant (M. et Mme 0.), 14,
30, 51, 78, 93, 102, 115, 131,
231, 307, 358, 366, 338, 414.
Commerson, 213.
Coninx, 398.
Console (F.), 79, 159, 375.
Constantin (C), 158, 214, 294-
Conte (J.), 100.
Cooke, 3!i3.
Cooper (W.), 127, 206, 382.
Coquelin, 197, 213, 340, 413.
Corally, 219.
Corani (Mlle), 149, 175, 205, 303,
375.
Cordier (Mlle A.), 22, 37, 1S7,
279.
Cormon (E.), 313.
Corri, 53, 343.
Corsi, 103.
Corteuil (Mlle de), 302.
Costa, 157, 253, 295, 414.
Cotogni, 53, 279, 295, 375.
Couderc, 49.
Coulon, 183, 327, 343, 350, 366.
Couperin (F.), 19.
Couqui (Mlle), 191, 295, 383.
Courmont (de), 270.
Courtais (Mlle V. de), 198.
Courtat, 358.
Crampton (Lady), 165.
Cranz (A.), 167.
Crémieux (H), 325.
Cresci, 389.
Cresp-Sicard, 271.
Cressonnois (J.), 43, 382.
CrisafuUi, 229.
Crockett, 86,109.
Croff (J.-B), 335.
Croisilles (de), 103.
Crosti, 23, 37, 67, 122, 190, 262,
299, 381, 398.
Cruvelli (Mlle M.), 69, 94.
Cusins, 127.
Cuvillon, 174.
Czillag(Mme B.), 13, 22, 341.
Dachauer, 287.
Daclin (K.), 121.
Damoreau, 334.
D.amoreau-Cinti (Mme), 70, 76.
Dancla (C. et L.), 11, 68, 115,
130, 350, 374, 381.
Danguin, 303.
Danhauser, 158.
Danjou (F.), 222.
Darcier (Mlle), 365.
Darroux (Mlle F.}, 150.
Basse, 239.
Dassier (A.), 7, 353.
Dasti (L.), 93.
Dauty, 219.
David, 317, 323, 333.
David (F.), 28, 50, 377, 331, 390,
398.
David, de Leipzig, 239, 247, 399.
Davide (le P.), 254.
Debain, 63, 174.
Debassini, 47, 101,105.
Debillemont, 27, 50, 124.
Debureau, 182.
Decker (Mlle), 359, 407.
Decroix (Mme), 228.
De£fès(L.), 205, 226.
Déjazet (Mlle V.), 52.
Déjazet (E.), 52.
Dejean (Mme J.), 88, 157, 317,
349, 354.
Delacroix (E.), 263.
Delafontaine, 87.
Delahaye, 6, 241.
Dclannoy, 148.
Delaporte (E.), 291.
Delapoi'te (Mlle), 357.
Delattre, 391.
Delaunay, 340.
Delavault, 270.
Delaveux (E.), 375.
DeKavigne (G.), 25.
Deldevez, 374, 414.
Delécluze (E.-J.), 231.
Delibes (L.), 125, 133, 139, 198.
Dell, 406.
Dellernos (Mlle), 302.
Delle-Sedie, 33, 42, 58, 63, 68, 86,
100, 118. 205, 261, 262, 279,
287, 303, 318, 326, 330, 338, 354,
370, 389, 403.
TABLE ALPHABETIQUE DES NOMS.
Deloffre, 77, 123, 157.
Delsarte (X.), 215, 278.
Demersmaun, 100, 403.
Demi (Mlle E.), 172, 279.
Deinet (Mlle A.), 231.
Denefve, 278.
Deneux (J.), 63.
Dennery, 325, 341.
Depas (E.), 349.
Depassio, 158, 327, 350, 414.
Dereux, 406.
Derosne (B.), 229.
Deschamps (Mlle M.), 279.
Desgranges (E.), 22, 37.
Deshays-Meifred (Mlle), 241.
Désiré, 59, 77, 173.
Desjardins, 241.
Deslandes (P.), 292.
Deslandves, 131.
Desmaisons (E.), 110, i22.
Desnoyers (Mlle), 93.
Deswert (J.), 54, 92, 120.
Diehl (Mlle), 255.
Diémer (L.), 78, 414.
Dien (A.), 123.
Dietsch, 156, 237, 245.
Dieudonné, 357.
Dittmer, 15.
Dombrowski (H.), 126.
Donati (Mme P.), 127.
Doppler (F.), 175.
Doré (Mlle), 342.
Dori-Rottger (Mme), 31, 01, 205,
213.
Doria (Mlle), 149.
Doring (T.), 150.
Dorn (-'..), 15, 196.
Dorus, 100, 122.
Dorus (Mlle J.), 406.
Douay (G.), 391.
Doucet (C), 214, 228, 238, 249,
259, 318, 365.
Draxler, 103.
Dreyfus (Mme C), 91, 118, 146.
Dubois (A.), 108, 323.
Dubois (Mlle), 154, 155.
Dufouv (S.), 38.
Dufrêne (M. et Mme), 191, 287,
335, 358.
Dufresne (A.), 78.
Dulaurens (M. et Mme), 26, 61,
114, 125, 157, 230, 245, 262,
269, 278, 303, 366, 399.
Dumaine, 29, 213.
Dumanoir, 73, 108.
Dumas (A.), 124, 380, 390.
Dumas lils (A), 85.
Duraestre (M. et Mme), 31, 174,
287, 303, 358.
Dumou (J.), 4, 22, 53, 68, 70,
Dunkler, 23, 103.
Duponchel, 25.
Dupont (A.), 2;
Duprato (J.), 65, 125, 133.
Duprez (E.), 411.
Duprez (G.), 156, 173.
Duprez (L.), 107, 406.
Dupuis, 277, 340, 413.
Dupuy (Mlle), 14, 46.
Durand (.i.), 23, 86, 143, 287,
390.
Duret, 93.
Dustmann-Meyer (Mme), 247, 255,
295, 324.
Duvernoy (A.), 34, 41, 77.
Duvernoy (H.), SCO.
Ouvert, 49.
Duveyrier, 233.
E
Ebrard (Mlle), 250, 254, 262.
Ecarlat-Geimar (Mme|, 303.
Eckert, 230.
Edelsberg (Mlle), 324-
Eichberg (Mlle B.), 75.
Elbel (V.), 78, 204.
Elle (Mlle M.), 42.
Ella, 261.
EUard, 279.
EUinger (Mlle), 144, 383.
Eloy, 191.
Elwart (A.), 174, 278, 374, 391,
Enault (L.j, 20.
Engel (L.), 142, 221, 222, 231,203,
391, 399.
Erambert (Mlle), 94.
Erard (Mme), 45, 94, 278.
Erber, 311.
Erl, 335.
Ernst, 126, 261, 319.
Escudier (M. et L.), 133, 174.
Escudior-Kastncr (JIme), 28, 34,
43, 51, 63, 117, 255, 263, 280.
Espeignet, 41, 131.
Espinosa, 173.
Ettling (E.), 94, 400.
Eugénie (S. M. l'Impératrice), 20,
33, 37, 6, 8C9, 93.
ETerardi, 47, 343, 373, 396.
Fabbris, 351.
Fabre, 303, 350.
Fabri-Mulder (Mme), 15, 135,303,
311, 351, 307, 415.
Faccio (F.), 375.
Faivre (Mlle A.), 140, 190, 247,
271, 294, 335, 375.
Faivre (Mlle M.), 279.
Fargueil (Mlle), 397.
Farrenc (M. et Mme), 19, 75, 294,
358, 385.
Fauconnier, 65.
Faure, 74, 91, 93, 116, 172, 215,
221, 237, 269, 274, 317, 333,
341, 370, 381, 389.
Favarger (R.), 14, 214, 332.
Favart (Mlle), 340.
Favel (Mlle A.), 123,
Favilli, 270, 294, 327.
Febvre, 148.
Félisson (Mlle), 231.
Félix, 61, 213.
Ferdinand (Mme), 67.
Feri-Kletzer, 54, 87, 111, 196,
326.
Ferni (Mlle C), 03, 70, 335, 367.
Feroglio (P.), 391.
Ferrand, 116, 206, 259, 350, 405.
Ferranti, 199.
Ferrari (le chevalier de), 199,
Ferrari (Mme), 15, i65.
Ferraris (F.), 374.
Ferraris (Mme A.), 4, 52, 86, 101,
109, 127, 144, 151, 157, 172,
198, 278, 302, 350, 375.
Ferreyra (Mlle J.), 277, 340.
Ferri, 37.
Ferville, 125, 148.
Fétis père, 2, 22, 37, 02, 87, 94,
144, 175, 183, 219, 237, 258,
331, 342, 348, 350, 355, 381,
382, 399.
Fétis (E.), ni.
Feuillet (0.), 270, 357.
Field (J.), 54.
Fiennes (H. du Bois de), 70.
Figeac (Mlle), 182.
Filippi (de), 286.
Fillette (Mlle), 111.
Fioravanti (L.), 70, 158, 319, 343,
373, 396.
Fioretti (Mlle), 71, 134, 181, 182,
327, 365, 373, 396.
Fiori (H.), 335.
Fischer (J. J.), 107, 207.
Fleury-Gœury (Mlle), 30, 382.
Floquet, 193, 209, 234, 244, 265.
Flory (Mme), 383.
Flotow (de), 53, 57, 61, 65, 67, 69,
319, 343, 357, 406.
Fœrster (Mme), 111,
Foltz, 207.
Fonta (MUeL.), 26, 37, 333.
Fontenay (A. de), 156.
Forest, 94.
Formés fr., 88, 127, 237, 239,
261, 287, 391, 399.
Fortuna (M. et Mlle), 118, 141,
167.
Fossey, 277.
Foucher(P.), 325,341.
Foulon, 101.
Fournier (E.), 29.
Fournier (N.), 292.
Foussier (E.), 246. ■
Franchi-Capello, 327.
Franchomme, 11, 35, 42, 84, 86,
174.
Franck (J.), 143, 246, 333.
François, 156.
Franosch, 31 .
Fraschini, 37, 142, 341, 347, 349,
354, 369, 381, 389, 403.
Frasey (Mlle), 42, 277.
Frelon (A.), 23, 36.
Frezzolini (Mme), 13, 17, 33, 105,
118, 214, 350.
Fricca, 165, 181.
Fricci (Mlle A.), 134, 318, 328,
415.
Friedberg (Mlle C.) , 151, 367,
414.
Froment, 247, 255.
Fuchs, 277.
Fusco (F.), 7.
Gabriel, 140.
Gabrielli (le comte), 13, 383.
Gaësch-Liez (Mme), 167.
Gagliano (Mme) , 310, 333, 366,
382.
Gaiffe, 286.
Gaillard (Mlle N.), 110, 131.
Gall, 103.
GaUi-Marié (Mme), 274, 349,
Gandoni (R.), 391.
Ganz, 391.
Garcia, 78, 149. .
Garcin, 318.
Gardoni (M. et Mme) , 33 , 54,
109, 118.
Gariboldi (G.), 141, 246.
Garnier(C.), 29, 114.
Gasc (Mme), 287, 335, 358.
Gaspard, 111, 191.
Gaspari (G.), 238.
Gassier, 118, 191, 254.
Gastinel (L.), 77, 238, 262, 269,
327.
Gatterbourg (le comte), 144.
Gaubert, 100.
Gautier (G.), 249.
Gautier (T.), 145.
Gautrot, 382, 406.
Gavaux-Sabatier (Mme) , 94 .
Gayrard (Mlle P.), 241.
Gazzaniga (Mlle M.), 166.
Geisthardt (Mlle), 15.
Génat (Mlle F.), 85, 325, 341.
Gencive (Mme), 245.
Génin, 110.
Gennari (Mme), 335.
Gentilhomme (Mlle), 102.
Geoffroy, 85.
Geoffroy (Mme), 271, 318.
Georges (E.), 77, 173.
Géraldy, 222, 262, 279, 358.
Gericke (Mlle), 207.
Gerpré, 94.
Gerville (L. P.), 406.
Gevaërt, 327.
Gey (Mlle), 207.
Gilbert, 303.
Gilbert-des-Voisins (le comte), 206.
Gil-Pérez, 173, 213, 293.
Giorza (P.), 101, 142, ',166, 172,
173, 187.
Giotti, 103.
Giraldoni, 37, 389.
Girard, 254.
Girard (Mlle), 10, 101, 107, 154,
227, 262, 289, 317, 349.
Girardot, 140, 374.
Giroud (L.), 254.
Giroud de Villette (Mme), 146.
Girrond (M. et Mme), 131.
Giuglini (A.), 01, 79, 103, 111,
127, 158, 165, 172, 181, 191,
261, 319, 373, 396.
Giuli (Mme de), 199.
Glover (C.), 158.
Godard (A ), 111.
Goddard-Davison (Mme A.) , 62,
205, 294.
Godefroid (F.), 94, 263, 406.
Godelle, 405.
Godfrend (Mlle), 163, 262, 269.
Goldner (W.) 131.
Gondinet (E.), 212.
Gonetti (Mlle A.), 351, 358, 399.
Got, 213, 413.
Gottschalk, 175, 335.
Gouffé(A.), 75, 108.
Goumbine, 47.
Gounari, 319.
Gounod (C), 2, 39, 215, 221.
Goupil, 143.
Gourdin, 47, 77, 139, 150, 228,
324.
Gozlan (L.j, 205.
Grœver (Mme M.), 51, 62, 107,
127, 134, 150, 182, 222, 231,
334,358, 400, 414.
Grassmann, 239.
Grau, 271, 333.
Graziani (le comte M.), 102, 278,
310.
Graziani (F.), 172, 181, 207, 246,
261, 279, 327, 373.
Grazzi, 15.
Gregoir (E.), 126.
Grenier-Nivet (Mme), 147,
Grélry, 227.
Gretton, 150.
Grisar (A.), 205, 274.
Grisez, 131.
Grisi (Mme G.), 117, 525 375.
Grison, 382.
Grizy, 107.
Groot (de), 86, 109, 230, 270, 325,
326.
Gross, 175.
Grossi (Mme), 351.
Gruneisen (C. L.), 261.
Grunow, 311.
Griinwald, 144.
Guadaguini, 320.
Guéroult, 131.
Guerra (Mlle), 33.
Guerreau, 108.
Gueymard (M. et Mme), 13, 26,
29, 74, 93, 101, 114, 125, 189,
213, 230, 269, 274, 289, 309,
341, 381.
Guibert-Jung (Mme), 75,92.
Guicciardi, 343.
Guichard, 134.
Guidi (J. J.), 87, 110.
Guidon fr., 54, 142, 155, 279,
406.
Guidotti, 199.
Guiffrey (G.), 259.
Guignot, 74.
Guilman (A.), 214.
Guillet, 254.
Guillot, 63.
Guiraud, 323.
Gunz, 263.
Guthmann, 358.
Guyon (E.), 118.
Guyot, 107, 314.
Gye, 45, 109, 237, 253.
H
Haertner, 46.
Hagen, 159.
Hainl (G.), 119, 106, 214, 238,
245, 262, 274, 414.
Halauzier, 117, 15S.
Halévy (F.), 2, 46, 87, 89, 97, 113,
137, 153, 161.
Halévy (L.), 89, 97, 113, 137, 153,
101, 389, 413.
Halle (C.), 278, 294.
Hamacker3(Mlle), 274.
Hammer (R.), 23, 75, 84, 130.
Haussons (C.), 30, 31.
Harder sœurs (Mlles), 51.
Harriers-Wippern (Mme), 23, 111,
151, 175, 191, 207, 247, 279,
327, 342.
Harris, 116.
Harrison, 53, 343, 391.
Hartog (E. de), 02, 107.
Hassel, 15.
Hasselmans, 204.
Haumann, 279.
Haussmann (S. Exe. le Préfet de la
Seine), 109, 503.
Hauser, 206, 231, 303.
Haydn, 35, 132, 180, 211, 236.
Hayet, 118, 147, 183.
Heermann (M. et Mlle), 206, 359,
367.
Hekking, 199.
Hell, 247.
Heller (S.), 390.
Hellmesberger, 367.
Hénault, 309, 317.
Henrioû (Mlle), 247, 271.
Henry, 374.
Herman (A.), 23, 75, 91, 102.
Herman (J.), 151.
Hermann (H.), 131.
Hérold, 185, 219, 2.68.
Hertel, 7.
Hervé, 197.
Herz (II.), 45, 231, 406,
Herz (J.), 87.
Herz fils (H.), 110.
Hess (J.-Ch.) 143, 310, 349.
Hesse (A.-F.), 263.
Hetzenecker (Mme), 324.
Heuzey, 149.
Heywood (Miss), 391.
Hiles (Miss), 53.
Hiller (F,), 167, 359, 399.
Himmel, 175.
Himmens, 175.
Hocmelle (E.), 75, 131, 155.
Hœrter (P.), 127, 366.
Hoffmann, 134.
Hofmeister (W.) 198.
Hol (R.). 307.
Hollebecke, 158, 220, 237, 403.
Honoré, 325.
Honoré (Mme), 318, 328.
Hornstein, 343.
Horsley, 320.
Huber (F.), 39.
Huguet (J.), 150.
Humbert (Mlle L.), 30, 126.
Hummel, 20.
Hummler (Mlle S.), 255.
Hunt (Miss), 38.
Hurand, 119.
Hyacinthe, 293.
Ismaël, 314, 411-
J
Jachmann-Wagner (Mme), 23, 39.
Jacobi (G.), 91.
Jacquard (L.), 35, 45, 69, 130,
206, 231.
Jacques (Mlle C.), 6.
Jauger, 159.
Jaëll (A.), 15, 22, 63, 79, 94, 110,
111, 157, 172, 190, 206, 247,
279, 294, 303, 343, 375, 414.
Jahn (0.), 303, 358.
Jancourt, 100, 122.
Janner-Krall (Mme), 79.
Jaspar (A.), 215.
Jauch, 374.
Jaulain, 221, 326.
Jean-Paul, 247.
Joachim (M. et Mme), 324, 342,
367, 399.
JoUy (Mme de), 53.
Jonas (E.), 43, 78.
Joncières (V.), 147, 263.
Jouassain (Mlle), 340.
Jourdan, 40, 88, 94, 135, 174, 222,
262, 271, 318, 375, 406.
Jouy (de), 25.
Julien (P.), 398.
Junca, 207, 319, 335.
Justament, 375, 414.
Justin, 299, 317.
K
Karlberg, 335.
Karoly (Mlle), 6l, 413.
Kastner (G.) 87, 230.
Katow (Mlle de), li8, 141, 302.
Kauffmann (Mlle M.), 343.
Kellermann, 200, 239, 255.
Kellog, 37.
Ketten (H.), 39, 333.
Ketterer (E.), 42, 254, 318.
ICist (le docteur), 127.
Klein, 204.
Klosé, 143.
Knap, 125.
Kock (H. de), 6.
Kœkert, 270.
Kœnig, 20.
Kœnigslœw, 255.
Kœnnemann, 295.
Kœnneritz (de), 183.
Kœster(Mme), 7,119. 135, 407.
Koraperlé, 335.
Koning, 0.
Koubly, 14, 78.
Kovalsky (H.), 14, 45, 286, 303.
Krapp (Mlle), 135.
Kr_auss (Mme), 103, 144, 231.
Krebs, 79.
Kruger )W. et T.), 31, 75, 84,
130, 150, 204, 303, 342, 358.
Kiicken, 203.
Kuhn (E.), 151, 391.
Kullack (A.), 14.
Kunc (A.), 7.
Kuster (H.), 375.
Labarre (Mlle C.), 94.
Labernardie, 391.
Labiche (E.). 5, 85.
Labitzky (Mlle), 15.
Laborde (Mme), 318, 328, 415.
Lacape (J.), 220.
Lacombe (L.), 246.
Lacombe (Mlle), 174, 366.
Lacoste, 63, 103.
Lacressonnière, 29.
Lacroix (J.), 61.
Lacroix (Mlle), 31.
Laenders, 247.
Lafon (Mme M.), 127, 303.
Lafont, 357.
Lafont (C.), 198.
Lafont (L.j, 34, 119, 147, 34!.
Lafontaine, 109, 229, 380.
Lagnier (Mme), 102.
Lagrange ( Mme A. de), 37, 53,
198, 329, 333, 337, 348, 354,
369, 386, 403.
Lagrua (Mlle E.), 62, 77, 86, 103,
118, 144, 215, 262, 335, 351,
383.
Lagye (Mlle) , 110, 182, 254, 303,
399.
Lalliet, 100, 231, 263, 326.
Lalo lË.l, 69.
Lambert (Mlle J.), 214.
Lamoureux (L.), 69, 91, 92, 365,
382, 393.
Lamoury fr., 14, 45, 126, 399.
Lancien, 100.
Landrol, 357.
Lanfranchi (Mme), 407.
Lang, 326.
Langerts (A.), 407.
Langhans (M. et Mme), 366, 406.
Langlé (A.), 148.
Lanner (Mlle), 407.
La Pommeraye (Mlle de), 23, 117,
126.
Lasalle (A. de), 231, 285.
Lasserro (J.), 92, 131, 334.
Laub (F.), 15, 22, 110, 223, 407.
Laurencin, 277.
Lauréat (Mme M. ), 44, 173, 253,
341.
Laurentis (Mlle), 350.
Lauzannc , 49.
Lavaimic (F.), 183, 278.
Laval (Mlle C.), 150, 390.
Larergne (A. de), 171.
Lavessiëre, 101.
Lavigne, 147.
10
Lazare (M.), 336.
Lebas, 93.
Lebeau (A.), I^il.
Lebel, 143.
Lebouc (C), 75, 77, 108, 118, 131,
155, Ï06, 342, 3e6, 381.
Lebrun, 147.
Lecarpentier, 349.
Lecieux (L.), 34, 302, 309.
LecoDite (J.), 197.
Le Couppey (F.), 366.
Lédérac, 182, 294.
Lee (S.), 11, 68, iHi, 115, 381.
Lee (Mlle), 42.
Lcfébure-Wély (M. et Mme). 254,
262, 269, 294, 326," 327, 350,
406.
Lefebvre, 318.
Lefebvre (Mme Faure-), 107, 255,
262, 293, 374.
Lefeuve, 399.
Lefort (J.), 34 , 75, 79, 84, 270.
Lefranc, 134, 303, 414.
Legendre, 167, 263, 326, 367.
Legouix (J.-E.), 13, 398.
Legrain (Mlle), 38.
Legrand, 140, 154.
Lelimann, 159.
Leins (F.), 2Ô7.
Lejeune (E.), 382.
Lelong, 147.
Leraaire, 50, 173.
Lemaire (.\illeE.), 175.
Lemmcns, 12.
Lemmens-Sherrington (Mme) , 03,
70, 206.
Lenevpeu (J.), 115.
Lentz, 142.
Léonard, 103,414.
LcoDi (Q), 407.
Leoncft' (Mme), 47.
Lépine(E.), 334, 355.
Lépreux, 270.
Leprévost (Mlle), 250.
Leroux, 213.
Leroy (A), 58, 246, 348.
Leroy (L.), 213.
Leroy, instr., 122.
Leroy, du Th.-Lyr., 154.
Lesage, 107.
Leslie (H.), 375,
Lestrade (Mme), 63.
Leuven (A. de ), 1, 77, 299.
Levasseur, 70.
Levassor, 29, 103,
Léveillé (\.), 253.
Lévûque (E.), 54.
Lévy (I.), 100, 110, 151, 398.
Lévy (5111e), 241.
Lhéritier, 213.
Lhûte (A.), 94.
Llmillier (Mme), 87.
Liadow, 191 .
Lichfenstein, 175 .
Liébé (Mlle), 204, 350.
Liebhardt (Mlle), 103, 254, 271,
311, 327, 351.
Limberti, 149, 319, 335, 375.
Lind-Goldschmidt (Mme J. ), 157,
174, 183, 215, 261.
Lindeck, 151.
Linder, 406.
Lindner (leD'), 310.
Llndo (Miss), 30.
Lionel (Mme), 170.
Liszt (F^.) , 13 , 62, 18ë, 238, 286.
Litolff(H.), 51, 214, 262.
Litschner (Mlle), 206.
Livry (Mlle E. ), d, 61, 166, 213,
245.
Lockroy, 9, 125.
Locle (C. du|, 05.
Lœwe (T.), 7.
Lot, 4.
Lotti délia Santa (Mme), 119.
Lotto (L), 166, 246, 261, 286,311,
359, 382, 414.
Lovy (J.), 189.
Lubeck (E.), 35, 45, 399.
Lucca (Mlle P.), 15, 86, 88, 151,
237, 261,269, 271, 279,287, 302,
335, 359, 381, 399.
Luchs (F.), 206, 239.
Luigi (Mme C. de), 23, 91, 246,270,
294,310, 327.
Luigini, 262, 406.
Lumley, 134, 199.
Lustani (Mlle), 181 .
Lutz, 204, 281.
Lyonnet, fr., 390.
M
Mabille, (V.), 287.
Macliiels (J.), 92.
Mac-Farren, 367.
Mackenzie-de-Dietz (Mme), 118,
158, 324.
Maësen (Mlle de), 30, 54, 94, 135.
314, 335, 406, 411.
M.agnien (V.), 151, 270.
TABLE ALPHABETIQUE DES NOMS.
Magaier (F.), 118, 147.
.Magnin, 199.
Magnus, 247.
Maillart, 148.
Maillart(A), 205.
Maillot (A.-L.), 166, 201.
Mailly (P.-J.), 271.
Majni, 15,
Majo (Mme), 53, 175.
Mallet {.Mlle A.), 119, 141.
Malvezzi, 117, 373.
Manesi, 141.
Mangeant (S.), 15.
Mangin, 125, 133.
Manry (C), 7, 102, 231, 294, 365,
393.
Mansour, 306.
Manus, 261.
Manvoy (Mlle), 61.
Mapleson, 45, 53, 270.
Maquet (A.), 380.
Marcello, 263.
Marchand, 390.
Marchesi (M. et Mme), 22, 30, 46,
101, 115, 126, 149, 166, 230,
245, 2.")4, 309,326, 358, 359, 366.
Marchisio sœurs (Mlles), 53, 88,
343, 351, 359, 407.
Marchot, 14, 73.
Marcy (Mlle), 279.
Maréchal (J.), 405.
Maretzek, 328.
Mareux, 250.
Marguerin (J.), 390.
Mariani, 207.
Marié, 122.
Marimon (Mlle), 77, 93, 117, 125,
130.
Marini (Mme), 88, 157, 173, 175.
Mario, 2, 01, 80, 142, 157, 172,
181, 237, 201, 309, 343.
Marion, 191.
Markowitz (Mme P.), 255. 283.
Marmontel, 41, 53, 405.
Maroclietti, 1 47, 155, 169, 1 83, 302.
Marquis (Mlle), 102.
Marra (Mme L.), 173.
Marschner, 116, 311.
Marschner (Mme T.), 318.
Martin, 54-
Martin (E.), 5.
Martin (P.), 78.
Martin (G.-W.), 414.
Martiu (Mme C), 398.
Martin (Mlle J.), 91, 157, 390.
Martinelli (Mlle), 75.
Martinet, 4.
Martini (le P.), 19, 387, 394, 401.
Martinozzi, 95, 157.
Mas, 1)9.
Masini (F.), 271.
Massart (Mme), 108,115.
Massé (V.), 73, 109, 139.
Massenet (J.), 158, 214, 323.
Masson, 214-
Masson (Mlle E.), 389, 407.
Massoni (Mlle C,), 310.
Mathews (C), 293.
Mathias (G.), 116.
Mathieu, 63, 382.
Mathon, 279.
Mattei (T.), 119, 167.
Maurice (A.), 215.
Maurin, 14, 74, 92, 131.
Maury, 318, 403.
Max (J.), 124.
Maj'er (J.), 382.
Maymo (Mme), 173.
Mayseder (J.), 382, 390, 404.
MazÈres, 6 .
Mazzoleni, 23, 175, 271, 359.
Medori (Mme), 271, 317, 359.
Meilhac(H.),220.
Meillet(M. et Mme), 134, 151, 198.
294, 335, 375, 414.
Melchissédec, 306, 399, 406.
Mellinet (le général), 251.
Mellon (A.), 261,311,343, 359.
Membres (E.), 247.
Mendelssohn-Bartholdy, 260, 270.
275, 291, 302, 316, 356, 364,
395, 407.
Meneau (L.), 46.
Mengal, 149, 247, 318, 406.
Mengoval (de), 102.
Méo,~ 396.
Mera (Mlle), 231.
Mercadante, 214.
Méreaux (A.), 14.
Meric-Lablache (Mme de), 53, 287
303, 338, 309, 389.
Méric-Lalande (Mme de), 110, 131
Merly, 317, 325.
Mormand, 53.
Mermct, 317,
Merts (J.), 175.
Méry, 124, 203.
Messemaëckers (L.), 334.
Mestépès, 9, 43.
Methfessel, 246.
Meumann (E,), 350.
Meurice (P.), 44.
Mey(A.), 14, 91,102.
Meyer (Mlle A.), 143, 205.
Meyer (L. de), 166, 174, 190.
Meyerbeer (G.), 2, 27, 41, 46, 55,
141, 142, 190, 230, 231, 286,
287, 305, 315, 373, 374, 398.
Meyerhofer, 103, 319.
Meynard (de), 69.
Mezeray (M. etMile C.) 191, 391.
Mezzanti, 199.
Michaëlis-Nimbs (Mme), 23.
Michal (Mlle), 261.
Michaux, 213.
Michot, 333, 373, 381.
Mico (A.), 61, 173.
Mila (Mlle), 173.
Milde (Mme), 125.
Miles, 144.
Millerscheck (Mlle), 231.
Mirai, 305, 203, 350, 400.
Mirecourt, 413.
Mocker (M.), 150.
Massner (Mlle), 135.
Mohr (J.), 34, 78, 115, 131, 198.
Molnar (Mlle), 239.
Monary-Rocca, 286.
Monestier (J.), 110, 164, 189.
Mongini, 119.
Monjauze, 149, 154, 286, 354, 411,
Monnais (E.), 61, 70, 76, 156, 169,
249.
Monplaisir, 335, 351.
Monrose (Mlle), 7, 14, 46, 103, 262,
271, 299, 309.
Monsen, 403.
Montagne, 6.
Montaubry, 45, 102, 122, 186,269,
317, 349.
Monti (Mme), 319, 335.
Montigny, 127.
Moreau, 303.
Moreau (Mlle), 10, 54, 303, 335,
414.
Moreau-Sainsi (Mlle), 14.
Moreaux (E.), 53.
Morel (A.), 7, 79, 199, 270, 318.
Morel-Scott (Mme), 131, 141 .
Morelli, 347.
Morena, 158.
Morensi, 37.
Morère, 31, 46, 134, 151, 174, 198,
335.
Morin, 270.
Morini, 158, 166, 204, 314.
Morio (Mlle), 133.
Morlacclii (Mme G.), 172,
Moro (Mme). 207.
Mortier de Fontaine, 87, 294, 325,
Moscuzza (V.), 88.
Mosé (Mlle), 29.
Moser, 414.
Moulton (Mme), 69.
Mourawicff (Mlle), 15, 86, 145,
157, 166, 219, 254, 293, 302,
319,407.
Mozart, 18, 60, 105.
Milhldorfer, 94.
Muller (C. G.), 215.
MuUer (fr.), 31, 75, 135, 155.
Muratet, 164.
Murer (Mlle L.), 130.
Muret (Mlle), 62.
Musard (A.), 119, 127, 134, 151,
158, 167, 174, 183, 206, 214
222, 246, 263, 270, 279, 342.
Musiani, 45.
Mutel(A,), 34.
N
Nabich, 14, 30, 92, 131, 263, 324.
Nadar, 118.
Nadaud, 54.
Kantier-Didiée (Mme), 103, 109,
172, 181, 220, 237, 246, 343,
396,
Napoléon III (S, M. l'Emp.), 20,
33, 37, 45, 86, 101, 357, 373.
Nalhan (E.), 62, 102, 143, 263
302, 341.
Nathan (de l'Op.-Com.), 122,290,
300.
Naudiu, 2, 13, 17, 58, 68, 69, 75, 77,
93, 100, 116, 134, 246, 279, 287,
303, 319, 343, 351, 357, 359,
374.
Naumann, 279.
Navoigille, 225, 243, 257.
Née (J.), 254.
Négrini, 63, 335, 383,389, 407.
Nelson (Miss), 53, 02, 231.
Neri-Baraldi, 172, 318, 415.
Nertann, 148.
Nessler, 204.
Neveu, 318.
Ney (C), 75, 108.
Nicholson (Mlle), 120.
Nicolini, 329, 337, 349, 354.
Nicolo, 279.
Nicolo jeune, 103.
Nicosia (S.), 155, 166, 167.
Nicou.<;horon, 155.
Niedermeyer, 57.
Niemann, 68, 119, 231, 342.
Nieuwerkerke (le comte de), 69, 77,
270.
Niklsky, 47, 142.
Noblet (Mlle), 25.
Nogens St-Laurent, 143, 405.
Nohl(L.),286.
Noir, 26.
Nolau, 115.
Norblin (E.), 14, 34, 147, 365.
Noubel (A.), 171.
Novaro (M.), 415.
Novaynho, 95.
Nuitter, 59.
Oberthiir, 247.
Obin, 86, 93, 117, 163, 199, 205,
233,237, 274.
OEschner, 399.
Offenbach (J.), 2, 45. 59, 69, 77,
86, 101, 117, 129, 151, 158, 166,
173,183,205,214,223,230, 239,
247, 263, 270, 295, 297, 317,
333, 334, 359, 375, 383, 413,
415.
O'Kclly (J.), 51.
Olivier (Mlle), 303.
Olschbauer, 303.
Oppelt (G,), 67.
Ortigue (J.-d'), lio, 342.
Pabst (A.), 47.
Pacini (Mme), 342.
Padovani, 351.
Pagans, 118.
Pages, 5.
Pailleron, 380.
Paladilhe, 323,
Pallat, 239.
Palmer (Miss), 206, 382.
Palmieri (Mme), 295, 375.
Pancani, 144, 215, 328, 35J, 415.
Panette (A. de), 7.
Panofka (H.), 270, 286, 334, 358,
382.
Panseron, 214.
Pape (L.), 166, 406.
Papini (Mlle), 144.
Pâque (C), 379, 382.
Paquis, 41, 326.
Parade, 148.
Parepa (Mme), 157, 204, 263,
303, 335, 343.
Parlouru, 250.
Pascal (P.), 87, 107.
Pascal (M. et Mme), 191.
Pasdeloup, 2. 11, 38, 41, 69, 77,
93, 100, 102, 109, 123, 132,
190, 203, 254, 270, 298, 348,
365, 370, 379, 381.
Passini, 111.
Passy-Cornet (Mme), 367.
Patti (Mlle A.), 2, 6, 13, 17, 22,
29, 30, 33, 37, 45, 53, 61, 62,
69, 79, 88, 95, 103, 110, 111,
1)7, 142, 144, 149, 172, 174,
181, 182, 190, 191, 215, 221,
246, 25:i, 254, 261, 270, 293,
303, 311, 320, 327, 343, 351,
354, 374, 381, 389, 413.
Patii (Bille C), 37, 134, 157,
181, 205, 246, 311, 333, 357,
359, 390, 398, 405.
Pauli, 333.
Paulin, 122, 147.
Paulus, 101, 118, 206, 291, 403.
Pavani, 70, 383.
Péan de Laroche-Jagu (Mlle), 14.
Pellerin, 223.
Pellerini, 307.
Penco (Mme), 27, 83, 118, 238,
317, 326, 357, 415.
Perega (Miss), 319.
Perelli (Mme), 407.
Pérez (Mlle M.), 334.
Pergolèse, 27.
Péri (J.), 15.
Périé, 54, 94, 135, 318, 406.
Perler (Mlle), U7.
Perny (C), 87, 277.
Peroni (Mme), 383.
Perrelii (G.), 182, 231, 238.
Perrin (E.), 1, 26, 65, 163, 173,
262, 270.
Perrot, 13.
Peschard, 78, 382.
Peschel (Mlle), 279, 326.
Petipa (L.), 26, 245.
Petipa (Mme), 135, 166.
Petit (J.), 107, 28), 293, 377.
Petit (Mlle), 250.
Petrella, 53, 279, 294, 295.
Petrolî, 397.
Peudefcr (Mme), 34, 108, 255.
Peyret (Mlle), 391,
Pfeiffer (G.), 50, 51, 118, 150,
206, 221, 342, 390.
Pfeiffer (Mme C), 118, 150.
Philippe, 191.
Piatti, 215, 366, 398.
Piave, 7.
Picard (Mlle), 29, 293.
Piccinini, 415.
Piccolomini, marquise de Gaëtani
(Mme), 172, 191.
Pierson (Mlle), 148.
Pietro (Di), 397.
Pilo, 393, 377.
Pisani, 23.
Pithon-c'hére't (Mme), 147, 263.
Pitre-Chevalier, 7, 199.
Pitteri (Mlle), 351 .
Pladouska (Mme), 415.
Plantade (C), 198, 398.
Plcssy-Arnould (Mme), 117, 413.
Pleyel (Mme M.), 22, 34, 53, 68,
70, 118.
Pion (E.), 259.
Podolski, 125.
Poëncet (H.), 11.
Pohl (Mme), 143.
Poisot (C.), 126, 183.
Poisson, 79.
Ponce de Léon (S.), 222, 398,
414.
Ponchard, 146, 221, 228, 289,
349.
Portehaut, 102, 147.
Postulat, 391.
Potel, 151, 186, 274, 317.
Potiir (C), 325.
Poultier, 125.
Pourny (C.), 36.
Pouschkine (Mlle), 62.
Poussard, 391.
Pozzi-Branzanti (Mme), 103, 255.
Pradal (Mlle), 374.
Pradeau, 59, 262.
Prédigam, 204.
Preschtler (O.), 144.
Prestreau (A.), 182.
Prével (J.), 277,
Prévost (E.), 49, 149, 381.
Prilleux, 67, 142, 157.
Prudent (E.), 30, 37, 45, 54, 62,
83, 110, 134,143, 157, 177.
Prudenza, 295, 375.
Prud'homme (Mlle S.), 142.
Prumier fils, 101, 147.
Pugni (C), 218.
Puisant. 54.
Pyne (Miss. L. et Miss. S.), 5î.
343, 391.
Quercy (de), 77, 374.
R
Rabaud, 113, 381,
Radonejski, 47.
Raousset-Boulbon, 326.
Rapotti, (M.) 287.
Ravina, (H.) 100, 302.
Raynard, 149.
Real, 170.
Reber, 12.
Reboux (Mlle,) 286.
Régnier, 340.
Reichardt 63, 126, 22».
Reignier, 270.
Reiupcke, 415.
Reiset (le comte de), 63.
Remaury (Mlle C), 92, 381, S98,
405.
Rémond (Mlle), 233.
Kémusat, 309.
Renard, 189.
Réty (C), 1.
Rev'illy (Mlle), 122, 22S.
Rey (Mlle), 42, 250.
Rey-Balla (Mme), 326.
Reyer (E.), 2, 93, 142, 215, 271,
333, 350.
Ribault-AUbs (Mme), 34.
Ribes, 154.
Ricci (L.), 62, 415.
Ricordi 310.
Ridder (Mme la comtesse de), 54,
62.
Rie (B.), 46, 115.
Riedel (A.), 37, 158.
Uieder (Mme), 94.
Rignault (E.), 130, 393.
Riqucr (Mlle E.), 213.
Ristori (Mme), 205.
Roberti, 87.
Robin, 38, 53, 166, 198, 205,
222, 271, 286, 310, 342.
Robyns, 220, 237, 403.
Robzeck, 159.
Rochefort (H.), 213.
Roger, 51, 54, 02, 134, 149, 174,
TABLE ALPHABÉTIQUE DES RÉDACTEURS.
100, 214, 302, 324, 366, 381,
398.
Boissy (Mme de), 53, 119, 191,
319.
Rokitîinsky, 311.
Koland (.\.), 190, 374,
Roliu (Mlle), 214, 29U.
Romainville, 29.
IlomaMi (L.), u9, 103.
r.omano (G.), 91, 185, 380, 407.
Komei, 3!i0.
Uonconi, 70, 157, 172, 246, 335.
tionzl, ^8.
lîopiczek, 3Î7.
Rose, 318.
Kosenliaiii (J.) 87, 109, 255, 390.
Rosier, 325.
Rossi (L. F.), 200, 211, 359, 391.
«ossini, 60, 86. 118, 413.
Rola (G.), 38, 79, 142, 172, 173,
187, nul.
Roth (A.), 158.
Rougei de risle, 225, 243, 257.
Rouget de l'Isle (Mlle), 326.
Rouvano, 53.
Rouvière, 253.
Rnuy ;Mme), 149.
Rovere, 127, 369, 403.
Ruyer(A.), 1,6. 67.
Royer (Mlle .11.), 213.
Rnyer-Gollard, 322.
Rozès (Mlle), 14, 78.
Rubhiaiii. 102.
Hubé. 115.
RubinFteiii (A. et N.). 31, 39, 79.
95, 135, 191, 238, 247.
Rubsani, 295.
hucquny, 204.
Riida (Mlle de), 14, 127.
Uu.li'r!.J(irf (Mme de), 326.
Rndnif.li, 359.
Ruilz, 158, 214.
Rnmniel (J.), 358, 370.
Ruit (W.), 3!).
Sabatier-Blot (Mlle), II, 28, 115,
Sacbi, .-loi.
Sacré (L.), 237.
SaiMt-d'Arod, 126, 246.
Saint-Aguet (Ville), 26, 254.
baii;te-Fny, 6, 29, 122, 125, 186,
221, 317, 349.
Saim-Georges (de), 70, 77, 142,
145, 205, 274.
Saiiit-Lton iM.),15, 38, 218, 407,
Sainton, 205.
S.-inton Dolby (Mn e), 157, 205.
Saint-Saëns (C), 27, 60, M, 123,
131 183, 3-1, 394.
Saim-Salvj, 328.
^Êint-Drbain lM;le), 03, 230.
Sali-ïses, 374.
Salks, 270.
Sali'Hié, 158.
Salotnon (H.), 15, 133.
Saivator, 342.
Salvi, 182, 21'i, 223.
Sahioiii (Mil.-), 116.
Saiii;ry, 310.
Samsoii, 148, 156.
Sandeau (J.), 412.
San-listeban, 270.
Sauter (Mlle), 191, 327.
Santley, 53, 127, 191, 221, 237,
253, 261, 311, 327, 382, 391,
414.
Sarasate, 14, 125, 158, 414.
Sardou (V.), 121, 270, 397.
Sanotti, 191.
Sarti (V.), 110.
Saticr (G.), 2, 31, 47, 55, 102,
2U, 3;7.
Sauret fr., 23, 75, 263.
Sauvage (T.), 125, 198, 270.
Sauzay, 270.
Sax (Ad. et Al.), 14, 21, 1)8,
143, 190, 220, 237, 260, 374,
403, 406.
Sax (Mlle M.), 6, 61, 79, 93,101,
109, 114, 119, 158, 182, 233,
237, 245, 262, 209, 302, 309,
310, 341, 347, 381, 398, 400,
414.
Saxe-CnhoHig (S. A. le duc de),
333, 390.
Scalese, 109, 326.
Scharfenberg, 222.
Sclianroth (la baronne), 95.
Scheffer (Mlle), 204.
Scliira, 137, 261.
SibliebnerfA.), 119.
Schlo.'ser, 23.
.'■chlosser (Al.,''^^), 'JSS.
Sclimid, 231, 255.
Schniidt (G.), 46, 71, 125, 151,
■9, 313, 351.
Srhmitt (A.), 144, 207, 255.
neider, 207.
Srbneider fMUe), 173,197, 223.
Sclinor de Caiosfeld , 77, 95,
367.
Scboberlechner (Mme), 303.
Siliodel (C), 287.
Sclicrn (F.), 102, 111, 131, 2'il,
246, 348.
Sclioultz (Mlle E. de), 73.
Schieck (Mlle), 383.
Schrœder (Mlle), 319.
Seliiœter (C. T.), 390.
Sc:iuhi'n((:.), ll'.i, 215.
Sclinliert (d'Amiens), 63.
Schubenli (Mlle), 53.
Scliulhoiï, 359.
Scliuliz (Mlle), 38.
Scliuniaiin (ft.), 273.
Schumann (Mme C.), 2, 22, 46,
68, 92, !)3, 94, 324, 351, 367,
399.
Scribe {K.), 6, 25, 233, 278.
Scudo (P.), 270.
Sebault-'l liys (Mme), 203.
Second (A.), 177.
Segri-Segara, 327.
Seiffeit, 12.
Seifriz, 143
Seligmann (P.) , 28, 263, 310,
Sriliiig (Mlle), 391.
Scm. t (T.), 9.
Sf-rda, 111.
Servais, 23, 46, 79, 279, 311.
Seiow, 101, 397.
Severini, 62, 204.
Séveste, 250.
Sibillot, 382.
Sigliicelli, 115, 119, 141, 142, 2,70,
406.
Silas, 318.
Simmons (Mlle), 279.
Simon-Coriadi (Mme), 122, 132,
155.
Sims-Reevcs, 102, 221, 237,327,
382.
Singtlée, 179, 237.
Sinico, 279.
Siraudin (P.), 380.
SiïOri, 13, 23, 30, 63, 70, 79,
88, 95, 102, 127, 144, H9, 151,
lî8, 169, 182, 238, 326, 335,
374, 382, 406, 414.
Smilli (Miss), 3S.
Snyders(E,), 349.
Soboleff, 397.
Sokoloff, 390.
Sokolowski, 239, 393.
Soubre (E.), 46,222, 318.
SouU-er (C), 158.
Sonstell" iM. et Mme), 242, 250,
254, 294.
Spaur (le comte P.), 133.
Spohr (Mlle), 327.
Squarcia, 88.
Slaeger (Mlle), 311.
.-teger, 71 .
Stc gm.-iyer, 1 58 .
Sterbini, 369.
Stern iG.), H. 79, 246.
S'ockhuiiseii (J.) , 94, 174, 183,
222. 239.
Stolz (Mme), 383.
StPliz, 15, 311.
Siorih, 2711.
Slranski (Mme), 14.
Strauss, 13, 30, 37, 399, 406, 414.
Strauss (J.), 54, 78.
Strebingen,, 38).
Stuiz (i'.i, 94.
Sudre (F.), 70.
Suizer ;M. et Mme), 30, 287, 359.
Snsini, 127.
Si.vam.y (Mlle), 175, 199.
Szarvady-(:iaus.s (Mûie), 74, 92,
loi.
r
ïaccliinardi (.Mme P.), 303.
Tacova, 325.
Ta(ranel, 100, 406.
Tagliafico, 94, 237.
■laiiiiapetra (P.), 7, 38, 263.
Taillade, 01.
Taisy (Mlle de',. Cl, 74, 107, 163,
262, 269, 274, 379.
Taite, 13.
Talvo-Bedogei (Mme) , 61, 381,
398.
Tauiberlick, 47, 77, 83, 86, 93,
101, 105, 117, 142, 166, 181,
182, 199, 220, 246, 261 , 343,
373, 396.
Tamburini, 63, 207.
Tardieu de Malleville (Mme), 1',,
400, 414.
Tali (Mme), 207.
Tautin (MileL.), 325.
Taveiniei-Devigno, 271.
Taylor (le baron), 156, V.70, 414.
Techeny, 391.
Tede^co (Mme), 01, 283, 326. 366,
374, 415.
Telesinski (J.),131.
Ten-Brinck, 92.
Tenby (S.-R.),126.
Teiinaiit, 205.
Tesc.lier, 286.
Teste, 142, 250.
Thalberg (S. j, 2, 129, 160, 182,
215, 263, 324, 399.
Tlialgrùn, 131.
Tliénc(Mlle A.), 3V5.
Thiboust (L.), al3.
Thierret (Mm.-), 213, 293.
Thierry, 218, 270.
Thoinàn (E.), 231, 285.
Thomas (,\.) 00, 70, 77, 414.
Thomas (F.), 157.
Thomas (T.), 183, 287.
Thomson (Miss), 59.
ïiberini (M. et Mme), 88, 215.
Tichatsche.ck, 38, 183.
Tiefensée (Mlle C. de), 78, 94,
102, 155, 366.
Tietjens (MlleT.), 22, 53, 88,119,
127, 157, 165, 172, 18l', 191,
237, 245, 253, 254, 261, 270,
273, 281, 286, 327, 359, 382,
391, 399, 407, 414.
Tilmant, 19, 84, 3,4.
Tirpenne (V.), 342.
Tolbecque, 147.
Tonel (Mrel..), 36, 155.
Torricelli (M. et Mme), 207.
Testée (MUr), 59, 173.
Tournade, 5,i.
Iourte (F.), 43.
Tousez (Mlle A.), 277.
Touzé (l'abbé), 39.
Trautmann (Mlle M.), 155.
Trebelli-Beltini (Mme), 6, 35, 45,
77, 78, 86, 93, 118, 142, 151,
157, 158, 165, 182, 191, 237,
253, 261, 262, 270, 279, 286,
327, 359, 382, 391.
Trepo (.Mme), 102.
Treumann (K), 207, 222, 239.
Triébert, 100, 101, 122, 133.
Trillet, 22.
Trombetta, 78.
Trny, 77, 146, 221, 262, 274.
Troy , jeune, 250.
Tuai (Mlle), 274.
Turina, 1.
V
Ugalde { Mme ), 2, 59, 69, 101,
133, 149, 154, 205, 221, 281.
nimann, 37, 350.
Ungher (iVIlle), 46.
V
Vacquerie (A ), 340.
Vadé (Mlle), 414.
Vailati (.1 ), 118, 141.
Vailbant (S. E. le marécliai;, 249.
Valdemosa (F.- F. de), 230.
ValeiHin (P.), 334.
Valgrand (Mme C.),139.
Valiquet (H), 334, 579.
Vainay, 157.
Vandenheuvel-Duprez (Mme C.),
26, eO, 91, 99, 101, 114, 123,
143, 11.3, 189, 213, 214, 324,
3-J5, 333, 347, 406.
VandfM-Beck (Mme), 354.
Vanderburcli, 277.
Vanrier Heyden , 111.
Van Hasselt (A.), 81, 168, 196.
Vanneri (Mlle), 109.
Varesi (M. et Mlle), 63, 70, 335,
367.
Varney, 1, 117.
Vaucorbeil (A.-E. de), 121.
Vautrot, 245.
Vcchsner (A.), 246.
Veillet, 102. i
Vera-Lorini (Mme), 45, \'!7.
Vcrdavaine (Mme), 130. *"'
Verdellet, 250.
Verdi, 2, 7, 13, 17, 71, 133, 142,
233, 237, 403, 411.
Verger, 22, 38, 43, 53, 173, 381,
407.
Verhulst (J.), 14, 383, 399.
Vernon Mlle M.), 20, 37,233, 269,
2-6, 293, 302, 317, 333, 349,
3B1.
Verroust (S.) 127, 132.
Vertowski, 23.
Vervnitte (C.), 118, 147, 183.
Vesivali (Mine), 294, 317.
Vialelti, 191, 318, 328.
Via:d, 170.
Viardot (Mme !■.), 69, 84, 93, 94,
99, 100, i:ii, 133, 279.
Vias, 199.
Victoria-Laronlaine (Mme), 109,
229.
Vidal 150, 167, 307.
Vieu)Ltemps(H.), 3,11,23, i8.34,
38, 42, 46, 51, 62, 92, 94, 101.
102, 109,117,118, 133,157,247,
29, 286, 294, 310,318.
Vigier-Cruvelli (la baronne S.), 70,
309.
Vigne (M. et Mme), 196.
Vigny (le comte A. de), 303.
Villa'ni, 33.
Villaret, 91, 93,101,133, 142,158,
166,233,237 289.317,323.333,
341, 347, 357, 363, 389 413.
Villebois, 47.
Villiers (Mlle), 233, 274.
Vincent, 42, 54, 250.
11
Vincentelii, 70.
Violet, 78.
Viîet, 322.
Vivien (Mlle), 242.
Vivier, 236, 309, 318, 326.
Vizentini (A ), 234.
Volpini (M. et Mme', 37, 133, 286,
327, 367, 382, 390, 406.
Von-Kolb (J.), 271.
Vroye (de), 87, 94.
W
Wachlel, 79, 88, 126, 1.15, 199,
231. 239, 247, 271, 287, 295,
303, 311, 319.
Wagner (R.), 7, 207, 217, 238,
270, 282, 290, 300, 390.
Walbach (Mlle), 19U.
Walckiers (E), 108.
Walewski (le (■nmti^\ 259.
Wallace (W.), 0, 333, 343, 398.
Wallenstein (JI.), 327.
Walliang (Mlle), 242.
Walter, 103, 135.
Warol, 23, 50, 52, 74, 77, 119,
163, 173, 182, 214, 269, 302,
333, 347, 379.
Wartel, 70, 107, 140, 2..1.
Wartel (Mme\ 215.
WassiliefT, (i7, 307.
Vv'ast (U. du), 54.
W.ber, 3:8.
WebiT fils, 414.
Wehle (C), 87, 111, 127, 206, 326.
Wein, 127.
Weiss, .53, 343, 391.
Wekeilin (J. B.), 309.
Wekerlin-Damoi'eau(?,!meM,),13l.
204, 350.
Wernike (Mmel, 279.
Wertlieimber (Mlle), 52, 77, 118,
158, 182, 191, 283, 389, 341,
379.
Weyr,nger (Mlli), 231.
White (J.), 77, 92, 118, 131,341
Whiitv (.Mlle) A., 100.
VVicar't, lis, 310.
Widor (C.), 240.
Wieniausky (U. et J.), 115, 167,
191, 222, 247, 302.
Wieprecht, 55, 175, 222.
Wildauer (Mlle), 319.
Wilhelmi, 206, 325.
Winckelmann, 15.
Wocher (Mlle J. de), 42.
Welbruck (Ml e), 86.
Woirart (R.), 46.
Wolir (A.), 45, 51.
Wom'(E.), 198, 245, 381, 390.
Wolff (Alb.), 21.3.
Wollenhaupt (U.), 342.
Woworsl.i, 15, 119,207.
Wynii, 2U6.
Yriarte (C), 149.
Zachi, 88.
Zacometti, 53.
Zappata (F.), 255.
Zellner (L.-A), 7, 103.
Zengnr (M.), 31.
Zina-Mérante (Mme), 61, 69, 114,
145, 157, 233, 317.
Zirndorler (Mile M.), 159, 167,
199, 247.
Zizold, 399.
ZôUner, 407.
Zompi (D ), 174.
Zucchini, 27, 33, 58, 68, 77,86, 93,
172, 238.
TABLE ALPHABÉTIQUE DES RÉDACTEURS.
Beanliru (D.), 403.
Butte (Adolphe), 11, 18, 27, 34. 42, 43, 50, 63, 74, 83,
91, 100, 107, 115, 129, 130, 140, 141, 140', 154,169,
305, 378, 3(J3.
Urebm (le docleur), 75.
Ghorley (Henri), 260, 291.
Cometiant (Oscar), 307, 388.
Oistal (Maurice), 361, 370.
Danjou (F.), 155.
Duesberg !.l.), 300, 3'6, 336, ■,■61 , 395.
Durocher (Léon), 9, 49, 5:1, 65, 99, 105, 121. 139, 146,
154,185,226 274, 281,299, 313, 337, 353,377, 411-
Elwarl (A,), 12, 132, 147, 171, 189, 210, 260, 305.
EnauU (l.oui-), 20.
Fétis père, 4, 11, 19, 81, 219, 225, 243, 251, 257,268,
275 297 321 345 385.
Mathieu de Montei- (Eiii ), 163, 178, 186, 266, 284, 330,
338, 362, 372.
Meerens (Charles), 300, 331.
Moniiais (Edouard), 89, 97, 113, 137, 153, 161.
Pongin (Arlhiii), 3, 123, 187, 193, 209, 211, 234, 244,
265, 387, 394, 4iil.
Rongé (J.-B.), 189, 195.
Saint-Yves (D.-A.-D.), 5, 28, 44, 52, 61, 67, 84, 108,
124, 148, 172, 197, 212, 229, 252, 277, 292, 325, 340,
3i;6, 330, 307, 412.
Smiih (Paul), 1, 17, 25, 33, 41, 57, 73, 145, 171, 177,
201, 249, 273, 281, 289, 323, 329, 337, 348, 334, 409.
Wehle (Charles), 196.
Ariicle signé B. M., 291.
Articles signés B. S., 181, 237.
Anicles signés D., 43, 59.
Article signé E. K., 261.
Ariiclci signés L., 35, 180, 211, 236.
Anicles signés L. B., 116, 204, 220, •;53, 261.
Artirle signé M., 172.
Anicles signés P. S., 11, 83, 100, 122, 132, 163, 203,
218, 228, 233, 241, 259, 283, 347, 303, 369, 403.
Arliiles signés S. D., 91, loS, 107, 170, 373, 396.
Article signé T. X., 157.
Articles signés Y., 36, 203, 332, 3'i8. 373, 379, 403.
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, I.
30« Année.
IV° 1.
4 Janvier 1863.
Olff S'ABONNE I
Dans les Déiiorlements et à l'Étranger, chez tous
les Harehands de Musique, les libraires, et aui
Purcaui des Messageries et des Postes.
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PRIX DE L'ABONNEUENT :
Paris Sifr.parol
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Le Journal parait le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
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DE LA REVUE ET GAZETTE MUSICALE. i863.
Nons rappelons à nos Abonnés de Paris que les
primes qne nous leur offrons é. titre d'étrcnnes :
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PORTRAITS -CARTES DE HAYDN ET WEBER
sont A leur disposition, et nous les prions de vouloir
bien les faire prendre dans nos bureaux.
IVons les envoyons fbanco aux Abonnés de province.
SOMMAIRE. — Revue de l'année 1862, par Panl Smith. — Vieuxtemps. -
Revue critique, par Arthur Pon§;in. — Correspondance : Bruxelles, par
Fétis père.— Ilevue des théâtres, par O. A. D. Saint-Yveg. — Nouvel-
les et annonces.
REVUE DE L'ÂNNËE 1862
Ce qui distinguera celte année entre toutes, ce n'est certainement
pas le nombre des œuvres nouvelles qu'elle a produites : jamais on
n'en a vu si peu ; mais c'est la fréquence insolite des changements
de direction dans la région des théâtres voués à l'art musical ;
jamais on n'a pu en compter davantage !
11 y a douze mois, à pareil jour, M. Alphonse Royer régnait au
grand Opéra ; M. Beaumont, h l'Opéra Comique ; M. Charles Réty,
au théâtre Lyrique; M Offenbach, aux Bouffes-Parisiens. Aujour-
d'hui, pas un de ces souverains n'est resté debout ; le sol a tremblé
autour de leurs trônes, et ils ont pris le parti d'abdiquer. On con-
naît leurs successeurs : MM. Emile Perrin, Adolphe de Leuven, Car-
valho, Varney. Seul, M. Calzado, directeur du théâtre Italien, a
gardé son sceptre, mais il a failli perdre sa salle, et peu s'en est
fallu qu'il ne fût réduit à la triste nécessité de transporter dans un
quartier lointain le siège de son empire.
A travers ces mouvements, ces agitations, dont la musique a dû
souffrir, en attendant, s'il plaît à Dieu, qu'elle en profite, comment
ne pas remarquer que deux restaurations se sont accomplies? L'une,
a duré quelques mois à peine et l'autre, ne demandait pas mieux
que de durer moins encore, à condition d'être appelée, comme la pre-
mière, à d'autres fonctions. N'est-ce pas chose singulière que M. E.
Perrin, qui vers la fin de 1857 avait quitté l'Opéra-Comiqne, et
M. Carvalho, qui s'était éloigné du théâtre Lyrique an commencement
de 1860, y soient revenus dans la même année, à peu d'intervalle,
pour les sauver tous deux d'une situation désespérée, et peut-être
avec la même ambition, celle de se créer do. nouveaux titres à la
confiance"? M. Emile Perrin a déjà réussi : en le voyant relever Sj
promptement la fortune de l'Opéra-Comique , on l'a jugé digne de
régir celle du grand Opéra. Le voilà donc, arbitre souverain de
cette vaste scène dont un abbé Perrin fut le premier directeur
privilégié ; mais il lui succède comiiis Louis XV à Pharamond. Une
promotion semblait en entraîner une autre, et M. Carvalho le dési-
rait autant que personne : seulement il n'avait pas encore eu le loisir
de raviver la foi, et puis s'il passait à la salle Favart, comment le
remplacer dans celle du Chàtelet? Le problème n'ayant pas trouvé
de solution immédiate, M. Carvalho est demeuré à son poste, et nous
espérons que, secondé par sa femme, il y rencontrera des chances
assez favorables pour n'avoir plus besoin d'en chercher ailleurs.
En traversant le boulevard pour aller de l'Opéra-Comique au grand
Opéra (tout juste le contraire de ce qu'a fait naguère M. Nestor
Roqueplan), M. Emile Perrin va se heurter contre des diflicultés nou-
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
velles , même pour un homme de son expérience, et il n'aura pas
trop de toute sa force pour en venir à bout. A l'Opéra, les obstacles
sont peut-être moins nombreux, mais ils sont plus gros qu'à l'O-
péra-Comique. C'est le théâtre où il faut le plus de temps pour que
la présence d'un directeur se fasse apercevoir du public, le théâtre
où les revanches étant le plus rares, les mauvaises veines sévissent
le plus cruellement. Du reste, la capacité multiple de M. Emile Per-
rin aura largement de quoi s'employer dans l'infinie quantité de détails
d'une administration qu'on pourrait appeler celle des arts réunis . Un
directeur d'opéra, qui tient à voir tout par lui-même, et c'est seule-
ment ainsi qu'on est directeur, n'a pas une minute à lui dans les plus
longues journées. Comment pourrait-il encore, dans ses moments
perdus, diriger l'Opéra-Comique ?
Cependant l'idée en a été mise en avant, la proposition nettement
formulée. Un de nos confrères s'étonnait, il y a peu de jours, que la
presse n'eût pas discuté on système de direction nec pluribus impar.
La raison en est simple : c'est que la presse ne l'avait pas pris au
sérieux. A l'appui du système , on invoquait la théorie et l'histoire :
on prétendait d'abord que l'infaillible moyen de courir à sa perte,
c'était de s'atteler à un théâtre florissant, tandis qu'en le prenant
ruiné, on était sûr de faire fortune. Cela revient quelque peu à la
maxime : Sperate, miseri; cavete, felices (espérez, malheureux ; heu-
reux, prenez garde). La théorie est peut-être une vérité , mais elle
ressemble furieusement à un paradoxe. Quant à l'histoire, nous ne
saurions douter qu'on ne l'ait parfaitement méconnue, expliquée à re-
bours : où elle disait noir, on a dit blanc. Jadis , assurait-on , le ma-
riage du grand Opéra et du théâtre Italien a sauvé deux théâtres,
qui se mouraient, en faisant de deux agonies une double résurrection.
Or, c'est absolument le contraire qui arriva. Les deux théâtres en
question ne furent jamais plus misérables, plus mourants que pendant
leur hymen, et il fallut en venir à la séparation de corps plusieurs
années avant la révolution de Juillet, époque à laquelle commença
pour eux, avec la spéculation particulière, une prospérité jusqu'alors
inconnue. En 1827, le grand Opéra, qui ne vivait qu'en dévorant la
rente de 100,000 francs, destinée à garantir les pensions de retraite,
n'avait plus même de quoi payer son copiste; il fallut que la partition
de la Muette d'Auber attendît trois mois, faute d'argent mignon. Déjà
le théâtre Italien était sorti de la maison royale pour se livrer à un
M. Laurent, qui profita de la circonstance et fit venir des comédiens
anglais. Voilà l'histoire dans sa pureté native : si c'est là une résur-
rection, nous ne savons trop ce qu'on appelle une agonie.
Mais ne nous égarons pas si loin ; bornons-nous aux faits et gestes
de l'année qui vient de finir. Au grand Opéra, un seul ouvrage
nouveau s'est produit dans son cours, la Reine de Saba, seconde
tentative d'acclimatation de la musique sans formules et malheureu-
sement sans mélodie. Richard Wagner avait déjà échoué dans cette
entreprise. M. Gounod, qui n'était pas le premier, ne sera pas le
dernier non plus. Condamnée à Paris, sa Reine de Saba vient d'en
appeler à Bruxelles comme à une cour d'espoir. De sourdes rumeurs
nous apprennent que la France et la Belgique s'entendent mieux
qu'on ne s'en flattait, malgré leur voisinage.
La rentrée de Mario ne doit être notée que pour mémoire : elle a
laissé si peu de trace !
Inscrivons plutôt la date du jour où fut posée la première pierre
de la nouvelle salle d'opéra ; 21 juillet 1862!
A rOpéra-Comique, où les reprises foiiionnent, les ouvrages nou-
veaux ne sont pas communs et ne fournissent en somme que quatre
actes, savoir ; Jocrisse, un; Lalla Boukh, deux ; et le Cabaret des
Amours, un. Cependant le Joaillier de Saint- James, qui n'avait été
joué qu'au théâtre de la Renaissance pourrait compter, à la rigueur,
parmi les nouveautés. Les reprises de Giralda, de Rose et Colas, de
la Servante maîtresse, de Jean de Paris, de Deux Mots ou une Nuit
dans la Forêt, de Zémire et Asor ont servi d'avant-garde à celle de la
triomphante Dame blanche, si heureusement choisie pour le début de
Léon Achard, qui eut l'honneur, lui si jeune, d'entraîner la charmante
vieille, avec redoublement, de vitesse, à sa millième représentation !
Le théâtre Italien a monté deux ouvrages étrangers à son réper-
toire, Il furioso aïï isola di San Domingo, dans la première saison,
et Cosi fan tutte dans la seconde. Pour lui, le début de Naudin fut
une bonne affaire, et l'apparition d'Adelina Patti un coup de fortune.
Au théâtre Lyrique, douze actes anciens et nouveaux figurent dans
le contingent de M. Charles Réty: Joseph, trois; la Châtie merveil-
leuse, trois; la Fille d'Egypte, deux; la Fleur du Val Suson, un; le
Pays de Cocagne, deux; Sous les Charmilles, un. Le changement de
domicile du théâtre, et sa translation du boulevard du Temple au
bord de la Seine, sont, avec le retour de M. Carvalho, les événements
capitaux d'une année fort brillamment close par la reprise du Faust,
de Gounod.
Au théâtre des Bouffes-Parisiens, toujours Orphée, rien qa'Orphée,
que Mme Ugalde a rajeuni pour des mois, des années peut-être. Or-
phée a dépassé sa quatre centième soirée : irait-il aussi loin que la
Dame blanche ? Toutefois n'oublions pas qu'avant et après la reprise
de cette prodigieuse et sempiternelle folie, on a donné quelques piè-
ces nouvelles : Monsieur et Madame Denis, un acte ; Vne fin de bail,
un ; Voyage de Dunanan père et fils, deux ; L'homme entre deux âges,
un ; le Premier avril, un, et Jacqueline, un. Lorsque Offenbach di-
rigeait ce théâtre, il n'avait que le droit d'occuper une certaine part
de l'affiche ; on trouvait que cette part était un peu trop grande et
l'on s'en plaignait. Aujourd'hui qu'il l'accapare absolument tout en-
tière, on ne se plaint plus. E sempre bene.
Un théâtre s'est ouvert à Bade, et deux opéras nouveaux, qu'on ne
saurait oublier, ont inauguré la salle naissante : Béatrice et Bénédict,
dont les paroles et la musique sont de Berlioz ; Erostrate, dont la mu-
sique est de Reyer.
Pour la première fois les Huguenots ont été représentés à Naples,
et Robert le Diable à Palerme.
A Londres, ce qui s'est fait, ce qu'on a vu et entendu pour l'inau-
guration de l'exposition universelle, n'avait aucun précédent et ne se
reproduira jamais peut-être. Quatre compositeurs, Auber, Meyerbeer,
Verdi et Sterndale Bennett, avaient consenti à écrire des morceaux
pour cette séance unique, et cela sur une simple invitation, suivie
d'un remercîment encore plus simple. Nous avons dit les succès ob-
tenus par les compositions de Meyerbeer et d'Auber, lesquelles survi-
vront longtemps à la circonstance et figureront dans tous les con-
certs.
A propos de concerts, disons que ceux du Cirque Napoléon, fondés
l'année dernière par Pasdeloup, n'ont pas cessé de jouir d'une vogue
extraordinaire, parfaitement justifiée d'ailleurs par le talent du chef et
les progrès de l'orchestre. Rappelons le congrès de pianistes, que
sont venus tenir à Paris Gustave Satter, Auguste Dupont, Clara Schu-
mann, Thalberg. Notons aussi l'excellente exécution d'un sextuor et
d'un quintette de notre illustre collaborateur M. Fétis, dans les salons
de Pleyel-Wolff; celle d'une messe de Weber à Saint-Eustache, le
jour de la Sainte-Cécile, par l'association des artistes musiciens;
enfin, pour ne rien omettre et pour finir par quelque chose d'éton-
nant, mentionnons l'immense festival du Crystal-Palace à Londres, en
y joignant l'accueil fait dans la même ville à la musique des zouaves
et de la gendarmerie de la garde, expédiée de Paris.
Puisqu'il faut en venir à la liste funèbre, que notre mission nous
oblige à dresser en partie double , agenouillons-nous d'abord de-
vant cette tombe qui s'élève et sur laquelle sera tracé un nom immor-
tel. Halévy nous a été enlevé bien avant l'heure, et le deuil a été
général. Le grand Opéra lui a rendu les derniers hommages en re-
montant la Juive, le plus beau de ses chefs d'œuvre. S. M. l'Empe-
reur a daigné inaugurer la souscription pour le monument à sa mé-
moire; nos législateurs ont doté sa veuve d'une glorieuse pension.
DE PARIS.
Autour de ce nom, qui ne doit pas mourir, groupons d'autres noms
plus modestes: A. Vieillard, Adrien de La Fage, Cavaillé-CoU père,
Jean-François Sudre, Gustave Vaëz, Henrichs, Arnaud Dancla, Fré-
déric de Courcy, Darthenay, Etienne Bodin , Boulanger-Kunzé ; Mme
Berlioz, Mme Diiret; Emile Van-der-Burch, A, de Gomberousse.
A tous ces artistes, musiciens, poêles, auteurs dramatiques, journa-
listes, que la France regrette, il ne nous reste plus qu'à joindre
ceux que l'étranger a perdus : Gharles Lipinski, Broadwood père, Jo-
seph Frœlich, Castelii, Consul, Leopold Schefîer, Charles Vogel, Jo-
seph Klein, Belart, le colonel Ragai Vechi, Hans Seling, H. Lenz,
Charles Mayer, Jean Hindie, Ignace Assmayer, Anne Eckoff, Aug.
Baumgartner, Joseph Fischer, E. Brouwer, Louis Uhland, Fiedo, Ver-
stowsky,
Et maintenant en voilà pour une année ! Préparons-nous à de nou-
velles scènes, au fond toujours les mêmes, à de nouveaux plaisirs,
et à de nouvelles douleurs.
Paul SMITH.
vrenxTEiHPS
IS. B. La courte notice que l'on va lire sur un artiste qui préoc-
cupe si vivement l'attention, et que l'on peut entendre aujourd'hui
même au Cirque Napoléon, est tirée de la Galerie biographique des
artistes musiciens belges, due à la plume de M. Edouard Grégoir, et
publiée depuis deux mois seulement.
« VIEUXTEMPS (Henri), artiste remarquable et un des plus grands
violonistes de l'époque, naquit à Verviers en 1819, il a été élève de
Letloux et de de Bériot. A sept ans il fut jugé en état d'entreprendre
un voyage artistique à Bruxelles. De Bériot, frappé de sa précoce
habileté, lui donna gratuitement des leçons. Il se rendit à Paris en
1828. A Vienne surtout le talent de Vieuxtemps fit sensation (1833).
En cette ville il eut pour professeur de composition S. Sechter , et à
Paris, Reicha. En 1839 il se mit en route pour Saint-Pétersbourg, et
visita Dresde, Leipzig, Prague, etc. Son talent de compositeur gran-
dissait avec son talent d'exécutant. Il fit une grave maladie à Saint-
Pétersbourg, et se retira pendant six semaines dans un village à quel-
ques lieues de celte ville. Son premier concert a produit 6,000 francs,
tous frais payés. En même temps, Servais donna trois concerts qui
rapportèrent un bénéfice net de 12,000 francs. En 1846, il fut
nommé violoniste de l'empereur de Russie et professeur au Conser-
vatoire de Saint-Pétersbourg.
» Au printemps de 1841 il se rendit à Londres; nous trouvant en
cette ville à cette époque, nous avons été témoin de l'intérêt que les
Anglais portaient à ce jeune artiste. Après quelques excursions en
France, en Belgique et en Hollande, Vieuxtemps partit pour l'Amé-
rique en 1843. Depuis cette époque il a, pour ainsi dire, parcouru
toute l'Europe. Dans le premier concert du Gewandhaus à Leipzig,
en 1862, il a électrisé le public par son 5° concerto en la mineur et
par une Bolonaise brillante.
» Les compositions de notre compatriote se distinguent par un cachet
tout particulier, ses mélodies sont empreintes de noblesse et de sen-
timent. 11 aborde tous les genres avec un rare bonheur et une remar-
quable vérité d'expression. Quant à son jeu, son archet exprime tour
à tour, avec une poésie et une énergie égales, les enchantements sa-
taniques et l'amour le plus tendre. L'effet qu'il produit sur son au-
ditoire est immense ; tantôt il vous étonne par les difficultés inextri-
cables qu'il enlève avec une netteté et une facilité inconcevables,
tantôt il vous ravit par ses chants divins qui respirent la noblesse,
tantôt enfin il vous transporte par la hardiesse de ses traits et l'éner-
gie et la vigueur de son jeu.
» Vieuxtemps a composé des concertos, des fantaisies, des airs
variés qui sont le Vade mecum de tous les violonistes ; c'est en un
mot un artiste de génie, qui a fait faire un grand pas à l'art de jouer
du violon. Vieuxtemps a épousé Mlle Joséphine Éder, une bonne pia-
niste de Francfort, et depuis 1855 il habite, une partie de l'été, une
villa à Dreichenheim, près de cette ville. Il est décoré de plusieurs
ordres et fait partie de l'Académie de Belgique. Le frère d'Henri,
M. Lucien Vieuxtemps, pianiste établi à Bruxelles, s'est fait connaître
avantageusement par des compositions de piano éditées par M. Schott,
à Bruxelles. »
REVOE CRITIQUE.
Henri Keber. — Troisième trio pour piano, violon et violon-
celle, dédié à Mme la comtesse Nina BranicKa.
Kinmanuel Bauinaiiu. — Les Archers, ronde de nuit pour
piano. — Dors, mon cher enfant, berceuse pour piano. — Mar-
che ET Mazurke chinoises, air de ballet pour piano.
Parler d'une œuvre qui porte pour signature le nom de M. Henri
Reber, n'est-ce pas sous - entendre qu'elle est purement conçue,
consciencieusement élaborée, éiégamment écrite? Le musicien dis-
tingué qui a fait applaudir au théâtre la Nuit de Noël, le Père Gail-
lard et les Papillotes de M. Benoist, qui a fait exécuter à la Société
des concerts plusieurs symphonies justement remarquées, qui a pu-
blié chez l'éditeur Richault un recueil de mélodies pour violoncelle
parmi lesquelles se trouve une Berceuse dont tous les salons pari-
siens se souviennent encore, pourrait plus que tout autre se passer
d'éloges, et son talent, malheureusement trop discret — depuis
près de sept ans M. Reber n'a rien donné au théâtre — est cepen-
dant assez connu et suffisamment apprécié pour n'avoir pas besoin
des échos d'une banale publicité.
Aujourd'hui pourtant je veux signaler aux lecteurs de ce journal
l'apparition d'une production nouvelle de cet artiste estimable et in-
fatigable dont le temps se trouve partagé entre les séances de l'A-
cadémie des beaux-arts, sa classe d'enseignement au Conservatoire,
la rédaction de traités didactiques excellents (1) et la composition
d'ouvrages d'imagination dignes de toute l'attention des artistes et
des amateurs. Je veux parler de son troisième trio (en sol) pour
piano, violon et violoncelle, dédié à Mme la comtesse Nina Branicka,
œuvre qui ne le cède en rien à celles du même genre déjà publiées
par l'auteur, et dont les qualités principales sont la grâce, la distinc-
tion et l'élévation des idées.
Le premier morceau de ce trio (allegro à trois temps), d'un style
large et sévère, dans lequel M. Reber semble s'être plu à jouer avec
son motif principal en le faisant passer, â l'aide de transitions habi-
lement amenées, par toutes les tonalités possibles , est un modèle de
pureté et d'élégance dans la facture de la musique de chambre,
malheureusement encore trop peu appréciée en France. V Jndunte,
cantabile qui forme le second morceau, rempli de phrases tendres
et mélancoliques pleines de grâce et de limpidité, rappelle les belles
tr^t'itions de nos meilleurs maîtres en ce genre. Enfin, l'allégro final,
où la légèreté s'allie à la verve et à la vigueur en conservant une
élégance parfaite, conclut dignement cette œuvre distinguée, que
tous les amateurs spéciaux voudront avoir bientôt sur leurs pupi-
tres, et que je regrette de ne pouvoir analyser plus à mon aise et
d'une façon plus étendue.
— Un pianiste de talent, M. Emmanuel Bauinann, vient de publier
(1) M. Reber vient de publier un Traité d'harmonie, dont un de nos collabo-
rateurs, dans un article spticial, fera connaître l'iniportain-.o.
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
trois morceaux de genres différents dans lesquels on retrouve, mais à
un degré supérieur et avec un progrès réel, les qualités qui avaient
distingué ses précédentes publications. M. Baumann est un artiste
véritable, qui soigne ses œuvres et a souci en même temps de la
forme et du fond ; c'est pourquoi je regrette vivement que dans le
premier de ces morceaux, la Bonde des Archers, il se soit rencon-
tré avec M. Lefébure-Wély et sa Retraite militaire; loule accusation
d'imitation servile me semblerait une injure au talent du jeune com-
positeur, et cependant, pour être sincère, je dois avouer que le genre
de ces deux caprices, leur plan, leur coupe, tout est identique.
J'aime mieux passer tout de suile à l'agréable berceuse, Dors, mon
cher enfant, dans laquelle l'auteur a apporté une élégance et une
fraîcheur qui le recommandent à l'attention des amateurs délicats. L'in-
troduction, divisée en deux parties, est suivie par un chant doux et
grave, dont la largeur n'exclut pas la tendresse, et qui forme le mo-
tif principal du morceau ; vient ensuite un court allegretto qu'une
transition heureuse relie à ce premier motif, varié dans la basse
avec un tact exquis, et qui est bientôt suivi d'une coda dont le style
s'accorde parfaitement avec ce qui a déjà été entendu.
Mais c'est dans l'air de ballet intitulé Marche et Masurke chinoise
que M. Baumann a surtout fait preuve d'originalité. Je ne veux pas
lui faire l'injure de croire que ce morceau a une allure véritablement
chinoise, car je ne suppose pas que ce fût là lui faire un compliment
flatteur ; si les Européens qui ont eu la fortune de pénétrer dans l'in-
térieur du Céleste Empire ont été émerveillés de quelque chose, je
ne sache pas que ce soit de la musique indigène, qui, au contraire,
assure-t-on, est des plus barbares qu'il soit possible d'imaginer; le
kin-lo, le gong et le tam-tam, ne seront jamais, je l'espère, et malgré
tout l'éclat de leur sonorité, naturalisés en France, où nous avons de
quoi les remplacer avantageusement, fût-ce même pour faire danser
les ours.
J'en reviens au morceau de M. Baumann, qui n'a, je l'espère, de
chinois que le nom, mais qui, je le répète, est rempli de verve et
d'originalité. Les effets de rhythme y sont bien trouvés , les modu-
lations heureusement amenées et sans recherche pénible, les accom-
pagnements fort soignés; la pensée mélodique n'y est cependant pas
étouffée sous le poids des accessoires : elle surgit, au contraire, lim--
pide et fraîche, et plane toujours sur l'ensemble, dont chaque dé-
tail a été, sans préjudice pour elle, l'objet des préoccupations de
l'auteur. C'est là, en résumé, un morceau bien conçu , bien venu et
bien fait, qui donne plus que des espérances pour l'heureux avenir
de ce, dernier. Je l'attends à de nouvelles productions, et je me plais
à croire qu'elles ne pourront que satisfaire davantage encore ceux
des amateurs de l'art musical qui savent gré à un compositeur d'al-
lier les fantaisies de son imagination à un savoir sans pédantisme et
sans brutalité.
Arthur POUGIN.
Le Courrier artistique publie une résolution prise par le comité de
la Société nationale des beaux-arts, dans sa séance du 24 décembre
dernier, et conçue en ces termes :
« 'i° Les murs de la nouvelle salle (1) n'étant pas suffisamment
secs, il y aurait danger pour les tableaux d'organiser en ce moment
l'exposition.
» 2° En attendant que le local soit complètement en état, le comité
déclare approuver, au nom de la Société, la continuation des con-
certs donnés par l'initiative de Martinet, désirant faciliter ainsi i'au-
dition des œuvres des compositeurs symphonistes vivants. »
Voici un résumé des considérations sur lesquelles cette résolution
est appuyée :
(!) Boulevard des Italiens, 26.
^1 II n'existait pas, on le sait, une salle où les compositeurs sympho-
nistes eussent la facilité de faire entendre leurs œuvres ; celle du
boulevard dos Italiens vient combler cette lacune. Les théâtres, qui
doivent se consacrer aux ouvrages dramatiques, leur sont naturel-
lement fermés ; d'ailleurs, la nature môme de ces ouvrages, le per-
sonnel nombreux qu'ils entraînent, interdisent à nos scènes lyriques
toute incursion sur le domaine de l'art pur. La production des sym-
phonies doit donc se faire sous les auspices d'une société ainsi formée,
qu'elle ait un local convenablement aménagé et qu'elle soit le point
de réunion des amateurs sérieux.
)) Il faut bien le dire, jusqu'à ce jour, en dehors des théâtres, la
musique ancienne a eu seule le privilège d'absorber l'attention du
public. Les morts, toujours les morts ! Nous les respectons assuré-
ment, mais nous ne voyons pas pourquoi on ne s'occuperait pas des
vivants !
» La salle d'exposition du boulevard des Italiens, pouvant servir
en certaines circonstances à des auditions musicales, inaugure une
ère nouvelle pour les compositeurs vivants ; et après les deux expé-
riences qui viennent d'avoir lieu, on a décidé qu'à l'avenir le prix
du plus grand nombre des places, qui peuvent s'évaluer à six cents,
serait fixé à 5 et 6 francs en location, sans préjudice d'un certain
nombre de places d'un prix plus élevé.
» La direction annonce dès à présent une série de six concerts,
dont le premier aura lieu dans le courant de janvier. Chaque séance,
d'une durée de deux heures environ, se composera d'une ou deux
œuvres capitales, accompagnées de productions de noms nouveaux,
symphonies, ouvertures, fragments de messe ou d'oratorios, scènes
de chant, parties d'opéras inédits, etc. »
CORRESPONDANCE.
A Monsieur le Rédacteur en chef de la Revue et Gazette_musicale
DE Paris.
Bruxelles, 29 décembre 1862.
Mon cher collaborateur.
Permettez -moi de signaler dans la Revue et Gazette musicale un
nouveau système de flûte conçu et exécuté par M. Albert, de Bruxel-
les, qui, à l'Exposition internationale de Londres, a obtenu une médaille
pour l'excellente qualité de ses clarinettes. Dans mon volumineux
rapport sur les instruments de musique qui figuraient à l'Exposition
universelle de Paris, en 1855, j'ai rendu compte des diverses transforma-
tions delà flûte qui, de cylindrique qu'elle fut d'abord, devint conique,
puis fut composée de deux parties dont une était conique et l'autre cy-
lindrique, et enfin redevint cylindrique dans le dernier système de
Bœhm, le seul, je pense, qui soit maintenant adopté par les virtuoses
flûtistes de Paris. Nul doute que la qualité des instruments de cette
espèce construits par M. Lot ne soit en général très-remarquable sous
les rapports de la justesse, de l'égalité et du brillant dans le médium
et dans le haut de l'instrument ; mais on ne peut se dissimuler que
la sonorité change de caractère dans le bas, en sorte que le timbre
n'est pas homogène dans toute l'étendue de l'échelle chromatique.
C'est à cette imperfection que M. Albert s'est proposé de remédier
en revenant au système du tube conique, en y appliquant tous les
perfectionnements de Théobalde Bœhm, et en modifiant quelques parties
du mécanisme des clefs, de manière à obtenir des trilles plus fa-
ciles et plus purs sur certaines notes. Sa flûte a une égalité parfaite,
est juste dans toute son étendue, et le timbre en est parfaitement ho-
omgène.
Dans un concert donné récemment à Bruxelles par notre excellent
professeur Murts, du Conservatoire, M. Dumon, professeur de flûte
de la même école, artiste d'élite et dont le talent est plein de nou-
DE PARIS.
veautés dont on jugera bientôt à Paris, M. Dumon, dis-je, a fait en-
tendre la nouvelle flûte de M . Albert, et a électrisé l'assemblée par
les effets prodigieux qu'il en a tirés.
Agréez, etc.
FÉTIS père
BEVUE DES THEATRES.
OoÉON : Misanthropie et Repentir, traduction nouvelle de Kotzebue,
en quatre actes, par M. Pages. — Variétés : Lh ! ailes donc,
TurlureUe, revue en trois actes et neuf tableaux, par MM. Th. Co-
gniard et Clairville. — Palais-Roïal : les Trente-sept sous de
M. Montaudoin, vaudeville en un acte, de MM. Eug. Labiche et
Ed. Martin. — Ambigu : reprise de la Mère et la Fille, drame en
cinq actes, par MM. Empis et Mazères; Vatel, ou le petit-fils d'un
grand homme, vaudeville de Scribe et Mazères. — Théâtre du
BOULEVARD DO Temple: Léonurd, drame en cinq actes et sept ta-
bleaux, par MM. Brisebarre et Eug. Nus. — Théâtre Déjazet :
la Veillée, opérette en un acte, de M. Boy, musique de Mlle Char-
lotte Jacques. — Réouverture des Folies-dramatiques, dans la
rue de Bondy: Bonheur de se revoir, prologue d'ouverture en
deux tableaux, par M. H. Thierry ; tes Fables de la Fontaine, pièce
en trois actes et six tableaux, par M. H. Luguet.
Ah ! que la vertu outragée se venge cruellement ! Telle est l'épi-
graphe adoptée par Mme Mole, comtesse de Vallivon, pour expli-
quer d'un mot le sujet de sa traduction de Misanthropie et Repentir,
représentée avec un immense succès au Théâtre-FrançaiSj en 1799.
Ne pourrait-on pas dire que cette explication du drame si célèbre de
Kotzebue en est en même temps la critique ? Si Meinau est cruel
dans sa vengeance, au point de ne pas la proportionner à l'offense
de sa femme, le but moral est dépassé, et la pièce n'a plus sa raison
d'être. C'est du reste l'impression qu'a paru éprouver une partie du
public de l'Odéon, en écoutant la traduction nouvelle donnée par
M. Pages de l'œuvre du dramaturge allemand. L'autre partie, et ce
n'est peut-être pas la moindre, se conformant scrupuleusement à
l'exemple de la génération de la fin du xviif siècle, a cédé, sans
trop de résistance, à l'attendrissement provoqué naguère, chez les
âmes simples et candides, par les malheurs et par la réconciliation
des deux époux. Nous doutons toutefois que la traduction de M. Pa-
ges, quelle que soit sa supériorité sur celle de la comtesse de Valli-
von, obtienne jamais la vogue enthousiaste que cette dernière a eue,
et qui est attestée par ce couplet d'un spirituel vaudeville de M. de
Jouy, intitulé : les Epreuves de Misanthropie et Repentir :
Contre vous chacun se déchaîne
Si vous refusez d'y pleurer;
Aussi, dès la première scène.
Voit-on les mouchoirs se tirer.
On voit encore de bonnes âmes
Pleurer à la pièce d'après :
J'ai vu bien mieux, j'ai vu des femmes
Pleurer en prenant leurs billets.
Sérieusement, il nous semble que le besoin d'une traduction nou-
velle ne se faisait pas sentir. Le second Théâtre-Français n'est pas
institué pour sacrifier, lui aussi, à la manie des reprises inutiles. Et
qu'est-ce autre chose qu'une reprise déguisée ? Ah ! si les auteurs
d'aujourd'hui ne sont plus capables de produire rien qui vaille le
drame très-défectueux de Kotzebue , c'est autre chose ! Qu'on re-
prenne du Corneille et du Molière, et personne n'aura le droit de
s'en plaindre.
— Le règne des revues serait-il donc définitivement passé? On
le dit depuis longtemps, et chaque année quelques succès partiels
viennent donner un démenti à cette opinion qui n'en gagne pas
moins du terrain. A en juger par le triste sort de celle du Palais-
Royal, qui, malgré de très-piquants détails, est déjà morte à l'heure
qu'il est, il y aurait lieu de parier pour l'affirmative. Ce qu'il y a
de certain, et ce que la revue des Variétés vient de démontrer sura-
bondamment, c'est que le pubUc est las de ces grandes machines à
effets stéréotypés, qui usurpent toute la soirée, de sept heures à mi-
nuit. Autrefois, les revues se donnaient la peine d'emprunter leurs
titres à im fait , à un événement de l'année écoulée, comme les
Pommes de terre malades ou le Banc d'huîtres. Aujourd'hui elles se
contentent invariablement du refrain le plus idiot qui se puisse ra-
masser sur les boulevards et dans les '. MhoMVgs. Eh! ailes donc,
TurlureUe! dit en ce moment l'aiïïche des Variétés, en attendant le
Pied qui remue, qu'on y lira l'année prochaine. Mais ce ne serait que
demi-mal si, de cette enseigne arbitraire, découlaient des drôleries
amusantes, des couplets finement aiguisés, des tableaux n'ayant ja-
mais servi. Malheureusement, il n'y a rien de tout cela dans la pièce
des Variétés. Sur trois actes, il n'y en a qu'un qui ait obtenu grâce
devant le parterre en courroux , c'est celui du déménagement des
théâtres du boulevard du Temple. On ne jouerait que ce seul acte,
qu'on aurait garde bien certainement de réclamer les autres. On est
rebattu do ces imitations nauséabondes, qui sont toujours les mêmes
et toujours faites par les mêmes acteurs ; on ne regretterait assuré-
ment pas davantage ce trop fameux Royaume des femmes qui traîne
depuis trente ans sur toutes les planches, à l'Ambigu, à la Porte-
Saint-Martin et jusqu'aux Délassements-Comiques. On ne devrait con-
server de tout ce fatras que le couplet chanté par M. Campana, c'est-
à-dire par Arnal qui figure pour la première fois dans une revue de
fin d'année ; c'est même la seule chose un peu neuve que nous puis-
sions signaler dans celle des Variétés ; jugez du reste !
— NousavonsditquelePalais-Royalavait coupé court au^ascodesare-
vue. Il l'aavantageusementremplacée par un très-joliacte, dû à l'heureuse
collaboration de MM. Labiche et Edouard Martin , les auteurs de Y Af-
faire de la rue de Lourcine et du Voyage de M. Perrichon. Cette
agréable nouveauté s'appelle les Trente-sept sous de M. Montaudoin.
Tous les jours , depuis vingt ans, trente-sept sous di.sparaissent du
porte-monnaie de cet excellent M. Montaudoin, sans qu'il ait pu mettre
jamais la main sur son voleur obstiné. Mais au m.ariage de sa fille
survient un vieil ami de province qui apporte deux choses , un sup-
plément de dot d'environ 13,000 francs et un quatrain , en forme
d'épithalame, qu'il a dérobé à un brigadier de gendarmerie. La somme
de 13,000 et quelques cents francs représente justement celle qui a
été prise à Montaudoin; le quatrain lui rappelle une tentative faite
jadis contre son honneur conjugal. L'ami d'Etampes est donc le cou-
pable, ou plutôt le complice de Mme Montaudoin. Mais, Dieu merci !
tout s'explique à la satisfaction du pauvre mari, dont les trente-sept
sous n'ont fait que passer de sa bourse dans celle de sa femme, pour
grossir la dot de leur fille bien-aimée. Dire tout ce qu'il y a de gaieté
folle dans cette pièce , dont le principal rôle est merveilleusement
joué par Geoffroy, nous serait impossible. Ce n'est qu'un long éclat
de rire depuis la première scène jusqu'à la dernière.
— Encore une reprise à l'Ambigu! Mais, cette fois, elle est justi-
fiée par les représentations de Beauvallet, à qui l'on n'a pas eu le
temps de préparer une création. L'éminent comédien, en quittant
le Théâtre français pour revenir à la scène qui a vu ses premiers
succès, ne pouvait mieux faire que de choisir une de ces pièces
mixtes qui tiennent à la fois du drame et de la comédie. Le person-
nage de Duresnel dans la Mère et la fille a été joué en 1830, à l'O-
déon, par Frédérick-Lemaître, qui y était ft)rt remarquable, et, depuis,
par Perrier à la rue de Richelieu. Beauvallet, sans faire oublier ses
devanciers, a de fort belles inspirations dans ce rôle de mari trompé
qui se venge, non pas en tuant le séducteur de sa femme, mais en le
forçant de renoncer do lui-même à la main de sa fille, qu'il aime
comme il n'a jamais aimé la mère de cette infortunée. On ne trouve
pas dans cet ouvrage de ces coups de théâtre qui plaisent tant aux
habitués du boulevard, mais il y règne un intérêt puissant et habi-
REVUE KT GAZETTE MUSICALE
lement ménagé ; il est, en outre, signé de deux auteurs qui ont fait
leurs preuves littéraires, MM. Empis et Mazères. Un petit vaudeville
de ce dernier, en partage avec Scribe, Vatel ou le Petit-fils d'un
grand homme, dont les représentations se sont comptées par cen-
taines au Gymnase, sert de lever de rideau à son dratue ; c'est une
galanterie du directeur de l'Ambigu.
— L'ancien théâtre Historique, actuellement théâtre du Boulevard
du Temple, essaie de vivoter sur les anciens reliefs de son directeur.
Léonard est un drame populaire qui, sous le titre de Retour de Me-
hin, et probablement après bien des infortunes secrètes, est allé s'en-
fouir dans un recueil de pièces imprimées sans avoir été jouées.
C'est là que M. Brisebarre l'a pris pour lui décerner les honneurs
de la scène. Nous ignorons jusqu'à quel point cette licence
peut s'accorder avec les termes de ses traités, de même que nous ne
comprenons pas comment certaine direction a le droit de confec-
tionner en famille toutes les grandes pièces de son théâtre.
Ce sont de ces mystères d'autant plus difficiles à expliquer qu'il
existe, assure-t-on, une commission dea.auteurs dramatiques chargée
de défendre les intérêts des nombreux membres de sa Société, lésés
par tant d'abus de ce genre ?
— Le théâtre Déjazet, quoique entraîné, par la force des choses,
daus une autre voie, n'a pas tout à fait renoncé aux opérettes. La
Veillée est un petit acte villageois très-bien venu et très-bien disposé pour
la musique. Il s'agit d'un vieux grognard qui est à la veille de faire la
folie d'épouser une jeune femme; mais il s'aperçoit en temps utile
que Suzanne lui préfère un gentil garçon dont il découvre qu'il est le
père. Alors il renonce à ses projets de mariage, et il unit les deux
jeunes gens. Celte intrigue légère a fourni à Mlle Chariotte Jacques,
une jeune musicienne déjà connue dans le monde artistique, l'occasion
de mettre en évidence un talent de composition qui doit briller un
jour sur une plus vaste scène. On a surtout applaudi une gracieuse
ariette chantée par Suzanne, ainsi que des couplets, tous pleins d'un
sentiment exquis, fort bien interprétés par Pascal. C'est un début des
plus heureux et des plus encourageants pour l'avenir de Mlle Jacques.
Nous devons une mention honorable aux deux vaudevilles nou-
veaux qui accompagnent la Veillée ; l'un, les Tempêtes du célibat, est
un joyeux croquis de mœurs intimes, par MM. Montagne et Dela-
haye; l'autre. Prise au piège, est un piquant chapitre de la science
conjugale, par MM. Henry de Kock et Koning.
— Le théâtre des Folies-Dramatiques, qui chômait depuis plu-
sieurs mois, vient da procéder à sa réouverture dans une salle nou-
vellement construite rue de Bondy, au fond d'une cour, entre l'Am-
bigu et le Château-d'Eau. Pour ne pas manquer les recettes de la pre-
mière quinzaine de janvier, on a laissé à peine le temps aux peintres
et aux décorateurs d'achever leur besogne. Cependant il est aisé de se
rendre compte du charmant ensemble qu'offrira cette salle lorsque
les ouvriers n'y seront plus. La soirée d'inauguration n'a d'ailleurs pas
souffert de cette fête un peu trop prématurée. Le public habituel des
Folies a revu avec un vif plaisir ses acteurs favoris, ses actrices de
prédilection. Un prologue en deux tableaux, intitulé Bonheur de se
revoir, a été criblé d'applaudissements. Les Fables de la Fontaine,
pièce en trois actes et six tableaux, n'ont pas été aussi bien accueil-
lies , mais, avec quelques coupures intelligentes, elles accompliront
une longue et fructueuse carrière. Il faut si peu d'efforts à ce théâtre
pour contenter ces bons bourgeois du j\larais qui ont déjà fait une
fois sa fortune et qui ne demandent pas mieux de la recommencer
sur nouveaux frais !
ii. A. I). SAINT-YVES.
NOOVELLES.
»** Au théâtre impérial de l'Opéra, VEtoih de Messine a été lundi l'oc-
casion d'un nouveau triomphe pour Mme Ferraris. Mercredi on a donné
la Juive et vendredi les Huguenots devant une salle comble. Aujour-
d'hui on jouera Guillaume Tell, suivi du Marché des hmocents , et de-
main le Prophète.
**« Dans le cours de ce mois, doivent avoir lieu les premières re-
présentations de l'ouvrage en deux actes de Victor Massé, du ballet de
Mme Taglioni et Boulanger, ainsi que la reprise de ta Muette de Portici.
**« Les rôles de la Muette de Portici seront remplis par Gueymard
(Masanielloj, Dulaurens (Alphonse), Cazaux (Pietro); Mme Vendenheuvel-
Duprez (Elvire), et Mlle Marie Vernon (Fenella).
**t Mlle Livry est en pleine convalescence. La trace de ses bles-
sures s'efface et le sommeil commence à réparer ses forces.
«** M. Alphonse Royer a pris possession de sa place d'inspecteur
général des beaux -arts, à laquelle il a été récemment nommé.
*** Caussade est revenu à l'Opéra-Comique; il y est rentré par le
rôle de Daniel, du Chalet.
**» Sainte-Foy quitte le théâtre Lyrique pour rentrer à l'Opéra-
Comique, où le pubhc sera très-content de le revoir.
*** Toujours la même foule et le même succès aux représentations
d'Adelina Patti, qui a chanté la semaine passée dans le Barbiere, la
Sotmambula et Lucia.
**^ Mlle Trebelli a fait jeudi soir une brillante rentrée dans Lucresia
Borgia, où elle chantait avec sa supériorité habituelle le rôle d'Orsini.
Le public a revu cette excellente artiste avec le plus grand plaisir
et l'a souvent applaudie. JJme Penco, dans le rôle de Lucrezia,
et Naudin dans celui de Gennaro, ont obtenu un succès aussi grand
que mérité. L'excellent ténor a dû dire deux fois la cavatine du troi-
sième acte , qu'il avait chantée avec un goût exquis.
**:j Les opéras de Flotow, Straddta et la Nuit aux dupes, sont en pleine
répétitions au théâtre de l'opéra Italien et à celui de l'Opéra-Comique. La
première représentation en sera probablement donnée vers la fin de ce
mois.
^,*^ Wallace, l'auteur de Maritana, Lurline et autres opéras qui
jouissent d'une réputation très-légitime, se trouve pour quelques se-
maines à Paris, et s'occupe de la composition d'un nouvel opéra.
»*;,, La première représentation d'Ondine, de Semet, qui avait été an-
noncée pour mercredi dernier, est remise à la semaine prochaine.
^*sf Di Gioja insolita, la délicieuse valse de Strakosch, n'obtient pas
moins de succès dans les salons, qui déjà l'ont adoptée, qu'au théâtre
où Adelina Patti la chante avec tant de verve et de brio.
*** A la grand'messe qui a été dite aux Tuileries dans la matinée du
1/'^ janvier, on a exécuté deux morceaux, un Kyrie et un Gloria compo-
sés par Auber, et Mlle Sax a chanté un 0 salutaris.
^*a, Par suite du décès de S. Em. Mgr le cardinal Morlof, l'exécution
du Requiem de Mozart, qui aura lieu à Notre-Dame, à l'occasion de la
translation des dépouilles mortelles des archevêques de Paris, et qui
avait éié fixée au 8 janvier, est remise au vendredi 9 janvier, à onze
heures et demie. On peut se procurer à l'avance des places dans l'en-
ceinte réservée, en s'adressant à M. Bolle-Lasalle, agent trésorier de
l'association des artistes musiciens, rue de Bondy, 68.
„,*„, Voici le programme du 3= concert de la deuxième série des con-
certs populaires de musique classique qui aura lieu aujourd'hui au
Cirque Napoléon : Symphonie de la Reine, de Haydn ; concerto pour vio-
lon en la mineur, composé et exécuté par II. Vieuxtemps; ouverture
(X'Alhalie (redemandée), de Mendelssohu ; air de ballet de Promélhée, de
Beethoven ; ouverture du FreysrMtz, de Weber. L'orchestre sera dirigé
par M. J. Pasdeloup.
^*^ Lundi soir, la maison Pleyel, WolS et G" avait invité les pianistes
et amateurs de musique à venir essayer et entendre les instruments de
concert destinés à la prochaine saison : cette soirée a offert un intérêt
exceptionnel par la réunion des célébrités les plus en vogue et des ta-
lents les plus divers. On a entendu successivement, sans qu'aucun pro-
gramme ni aucun ordre vinssent entraver l'inspiration de chacun, Mme Szar-
vady Clauss, MAI. Mathias, Ritter, Saint-Saens, G. Pfeiffer, J. Wieniawski,
Kettcrer, Magnus, Delioux, etc. Chaque pianiste, choisissant l'instrument
le plus sympathique à ses qualités individuelles, et excité par cette espèce
de tournoi artistique qui n'avait pour auditeurs qu'un petit nombre
d'élus, a pu faire valoir, l'un la grâce et la légèreté du clavier, l'autre
la puissance et la largeur des sona, tous enfin ce chant sympathique et
moelleux qui distingue plus que jamais les pianos de la maison Pleyel,
Woltf et C". On a vivement regretté que J. Schulhoff, qui fuit si admira-
blement valoir ces beaux instruments, absent de Paris en ce moment,
n'ait pu se joindre â la brillante pléiade.
^*,^ Aojourd'nui, première séance de musique de chambre, donnée dans
les salons de Pleyel et Wolff, par M. Charles Dancla , avec le concours
de MM. Léopold Dancla E. Altès, Sébastien Lee et Mlle" Sabatier Blot.
DE PARIS.
^*^ Le ministre de l'instruction publique et des cultes vient de confier
à M. Cavaillé-Coll la restauration ou plutôt la reconstruction de l'orgue
de l'église métropolitaine de Notre-Dame. Son Excellence ne pouvait,
pour l'exécution de ce travail monumental, faire choix d'un artiste qui
se recommandât mieux par ses œuvres et par la célébrité qu'elles lui
ont conquise dans toute l'Europe, que l'auteur des orgues de Saint-Denis,
de la Madeleine et de Saint -Sulpice.
*** A Nice, on a exécutée l'église Saint-François de Paule, le jour de
Noël, un 0 salutaris, de M. Charles Manry, pour soprano, violon et orgue,
chanté déjà plusieurs fois à Paris avec un grand succès. On peut se
faire une idée de l'effet qu'a produit ce morceau en parcourant les
journaux qui ont rendu compte de cette exécution, et M. Charles Manry,
qui était à Nice, a été vivement complimenté par les auditeurs qui aiment
la musique sérieuse et inspirée.
■s** Sous les titres la Plainte du pâtre et l'Avenir est à Dieu, viennent
de paraître deux romances de Dassier, l'auteur d'un grand nom-
bre de compositions semblables, dont la plupart sont devenues po-
pulaires. Ces nouvelles romances, qui se distinguent aussi bien par la
musique biea inspirée que par les paroles, obtiendront probable
ment la vogue de la Vengeance corse, Pour les pauvres, merci. Va-t'en,
je t'aime, etc.
^** Le nombre des opéras nouveaux d'auteurs italiens représentés
pendant l'année 1862 s'élève jusqu'à vingt, et en voici la nomenclature :
Marion Delorme, de Bottesini ; iVormile, de Braga ; Caterina Blum, de
Bevignani ; la Malora de Chiaja, de Bonomi ; Leojie Isauro, de Cianchi ;
Maria di JVewôwrffOjdeChiaromonte; Angioladi Ghemme, de Crescimanno;
Vlrico e Lida, de Capranica; Werther, de Gentili; d:,n Carlos, de Mos-
cuzza; Balitta, de Kinterland ; don Fabio, dePenso; Castellana cli Thurn,
de Rachele; Ginovra di Scozia, de Rota; Ivanhoe, de Savi; [ginia dAsti,
de Sangiorgi ; Carlo di Borgogna, de Varvaro ; la Forza dcl destino, de
"Verdi; Luisa Strozzi, de Viceconte; Paola Monti, de Zappata.
^*^ Mlle Marie Beaumetz donnera avec le concours de MM. Alard ,
Franchomme et Mohr, trois matinées musicales qui auront lieu les 7 et
21 janvier, et U février, rue du Bac, n° 37.
/^ La distribution des prix du Conservatoire de Marseille a eu
lieu avec grande solennité. Après un discours du maire, le concert a
commencé par une belle ouverture d'Auguste Morel, directeur de l'éta-
blissement. Les honneurs de la séance ont été pour Mlle Paloo, pre-
mier prix de piano, élève de Mlle Marie Perez. Cette jeune personne
a brillamment exécuté le rondo pastoral du concerto de Georges
Pfeiffer.
^*4 Le salon de notre confrère, M. Pitre Chevalier, fermé depuis
quatre ans par un deuil austère, a été cette année l'un des premiers à
rouvrir ses portes, et à voir revenir cette foule d'artistes accoutumés à
s'y produire avec tant de charme. Tout salon est un théâtre, et le théâ-
tre de la rue des Ecuries-d' Artois a une troupe excellente. L'autre soir
on y a représenté une comédie en wagon intitulée : De Pont-V Evêque
à Trouville, ou la Question du cigare, dont M. Pitre-Chevalier est l'auteur.
A cette même soirée, la musique avait pour interprètes Géraldy, Délie
Sedie, Anthiome père et fils, M. et Mme Oscar Comettant et plusieurs
autres, dont la liste nous entraînerait trop loin.
^*^ Un amateur distingué, M. A. de Panette, à qui l'on doit plusieurs
compositions remarquables, vient de faire paraître, chez l'éditeur Jules
Heinz, un Ave verum, chœur avec solo et accompagnement d'orgue. Ce
morceau se recommande aux amateurs de bonne musique par la pu-
reté du style, la beauté de l'harmonie, et surtout par le caractère reli-
gieux dont il est empreint.
,^*^ La Gasetta musicale publiée à Milan par Ricordi, annonce qu'elle
suspend momentanément sa publication, qui existait depuis vingt-ans.
^*^ En attendant l'analyse que nous nous proposons ae faire des œu-
vres pour piano d'Aloys Kunc, mentionnons la dernière publication de
ce maître de chapelle dont les œuvres sacrées sont très-appréciées. Il
s'agit d'un nocturne pour deux voix sur les charmantes paroles d'Adol-
phe Catelin. Les frères Guidou disent avec beaucoup de sentiment cette
mélodie qui a pour titre : Matelots bretons.
»*:t Un nouveau journal de musique, consacré principalement au
chant choral, vient de paraître sous le titre la Musique populaire, cho-
rale, instrumentale, religieuse. M. L. d'Aubel est le rédacteur en chef,
et M. Lebeau, aine, le directeur-propriétaire de ce journal qui paraî-
tra mensuellement en format in-S".
f.*.^, La faculté productive de llozart dépasse toutes les proportions
connues. On peut s'en faire une idée en consultant le catalogue thé-
matique de ses œuvres que vient de publier M. Kœchel, et qui ne men-
tionne pas moins de 626 ouvrages achevés, 200 autres non terminés, et
une cinquantaine sur lesquels il y a doute.
*'** L'éditeur G. Heioze, à Leipzig, annonce la prochaine publication
en allemand des œuvres littéraires d'Hector Berlioz, traduites par Ri-
chard Pohl. Après trois volumes contenant A travers chants, les Grotesques
de la musique et les Soirées de l'orchestre, paraîtront probablement les
Mémoires de Berlioz. Nul doute que ces traductions n'obtiennent la
vogue des ouvrages originaux, dont plusieurs éditions sont déjà épuisées.
.^*^ M. Johu-Hamilton Braham, chanteur, et fils du célèbre chanteur
JohnBraham, mort en 1856, est décédé le 22 décembre à Rochester.
CHRONIQUE ETRAS^GERE.
^*,i, Bruxelles. — La Servante maîtresse qui avait été froidement
accueillie à sa première représentation au théâtre de la Monnaie,
est devenue un vrai triomphe pour la mémoire de Pergolèse le second
jour. Mme Dupuy, MM. Bonnefoi et Carrier, qui avaient fort bien in-
terprété cet opéra bouffe , ont été chaudement applaudis et rappe-
lés. Mlle Monrose vient d'obtenir un très -grand succès à la reprise
de la Fille du régiment. — Un-'nouveau ballet, les Songes, de M. Justa-
ment, a parfaitement réussi. — On répète le Frey^chutz de "Weber avec
les récitatifs de Berlioz.
^*i Berlin. — Du 21 au 31 décembre l'opéra de la Cour a donné :
Joseph, de Méhul ; Ekctra, le nouveau ballet de Taglioni ; les Bugue-
nois, de Meyerbeer et la Mustte de Portici, d'Auber. — Les amis et
admirateurs de Mme Koester ont offert un banquet à l'excellente canta-
trice qui , comme nous l'avons annoncé , quitte le théâtre royal de
l'Opéra.
^*» Vienne. — Richard Wagner a donné, au théâtre An der "Wien, un
concert où il a fait exécuter des fragments de deux compositions ina-
chevées : les MaUres chanteurs et l'Anneau de Nibelungen. — On annonce
un ballet nouveau composé par la célèbre ballerine, Mlle Couqui; il s'in-
titule Actée; l'action se passe du temps de Néron. — ■ Le premier concert
historique de M. Zellner a offert un vif intérêt. On y a entendu succes-
sivement des morceaux qui représentaient l'art musical au xv% xvn'=
et x-vin» siècle. Nous citons : Chant du combat , composition vigoureuse
et caractéristique, par Matthieu de Kennat (xv« siècle); trio choral par
Zachau; fragments de Rameau; sonate de Locatelli ; ariette de l'opéra;
le Tonnelier, par Audinot; air avec chœur de femmes, par T. Bach
(xxui" siècle); enfin. Chant des bergers, tiré de Rosamonde, opéra de
Fr. Schubert. Ce dernier morceau a eu les honneurs de la soirée.
s,** Tubingen. — Diverses sociétés musicales se sont réunies dans la
salle du musée pour exécuter une pastorale de Ilœndel. Cette tentative a
été si favorablement accueillie qu'on se propose de la renouveler inces-
samment.
^*^ Prague. — Un compositeur viennois, M. Théodore Lœwe, a fait
représenter ici un opéra nouveau : Concini. Le succès a été des plus
honorables. L'auteur a été appelé plusieurs fois sur la scène.
^** Turin. — Le 2-5 décembre, a eu lieu, au théâtre Regio, la repré-
sentation des Vêpres siciliennes, écrites il y a quelques années par Verdi
pour l'opéra français. Cet ouvrage a été froidement accueilli,
mais une cantatrice, la signera Bendazzi, y a obtenu un succès
d'enthousiasme. Une étendue de deux octaves et demi, un timbre
délicieux, une force extraordinaire, principalement dans les notes
aiguës, sont les principales qualités de cette voix extraordinaire, et,
chez la signera Bendazzi, la nature est aidée par l'art. Elle a provoqué
des applaudissements unanimes. — Un ballet historique en cinq
actes, du chorégraphe Federico Fusco, musique du maestro Enrico Ber-
nardi, Marco Visconti, a fait au même théâtre un fiasco complet. — On
a exécuté, le jour de Noël, au temple Pan Giovaui, une messe pastorale
de M. Turina, maître de chapelle du roi Victor-Emmanuel. On dit grand
bien de cette œuvre distinguée.
/^ Âlilan. — On vient de représenter, à la Scala, Rienzi, opéra, dra-
matique en trois actes, libretto de M. l'iave, musique du maestro Achille
Péri. L'insuffisance et le caractère par trop lugubre du poëme ont in-
flué, paraît-il, sur l'inspiration du musicien et ont amené le succès né-
gatif de l'ouvrage. — On a donné au même théâtre un ballet fantastique,
le Stelle, du. chorégraphe P. Taglioni, qui semble n'avoir guère mieux
réussi. La musique de ce dernier ouvrage est de M. Hertel. — La troupe
du théâtre de la Scala se compose, pendant la saison du carnaval, de
Mmes Borghi-Mamo, Colson, de Vriès, Monginl, Stecchi et Pati; des té-
nors Galvani, Landi et Negrini; des barytons Giucciardi et Laccomano;
les basses Bremond et Fiorini .
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
ALPHONSE SA2C (JUNIOR)
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l'Exposition universelle de Londres, en 1851. — Exposition universelle de Paris, 1855, les plus belles pages du Rapport officiel, 27"" Classe, pages 1835-1336. —
Exposition universelle de Londres, 1862, PRIZE MEDAL, avec cette mention : POUR BXCEIiliENCB DE TOUTE ESPÈCE D'INSTRUMENTS DE CUIVRE.
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'ItaDS les Bi^partements et à l'Étranger, ches tous
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REVUE
11 Janvier 1863.
PRIX DE L'ABONNEMENT t
Paris 24 fr. paras
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Élrunger 34 n 14.
Le Journal paraît le Diuiuocbo.
GAZETTE MUSICALE
•-'^Aju\(\/\f\ArjwA^ —
IVons rappelons A nos Abonnés de Paris que le»
primes qae nous leur offrons à titre d'étrennes sont
A leur disposition, et nous les prions de vouloir bien
les faire prendre dans nos bureaux.
Nous les euToyons vrastco aux Abonnés de province.
SOMMAIRE. — Théâtre Lyrique : Ondine, opéra-comique en trois actes, paroles
de MM. Lockroy et Mestepës, musique de M. Théodore Setnct, par liéou
Darocber. — Auditions musicales, par Adolphe Botte. — Revue criti-
que, par Fctis père. — Traité d'harmonie, d'Henri Reber, par A. Elwart.
— Nouvelles et annonces.
THEATRE LYRIQUE.
Opéra-comique en trois actes, paroles de MM. Lockroy et Mestepès,
musique rie M. Théodore Semet.
(Première représentation le 7 janvier.)
Le conte d'Ondine, œuvre du baron de Lamotte-Fouqué, a joui en
Allemagne, lors de son apparilion, d'une vogue peu ordinaire. C'était
vers 1815. Le baron de Lamotte-Fouqué, officier prussien malgré son
nom — il descendait d'un gentilhomme prolestant à qui les persécu-
tions du gouvernement de Louis XIV avaient fait quitter la France,
— épuisé de fatigue après la terrible campagne de 1813, .s'était retiré
dans ses terres pendant les campagnes de France , auxquelles il ne
prit aucune part. C'est pendant ce repos forcé, et pour employer ses
loisirs, qu'il écrivit et publia diverses œuvres, parmi lesquelles figure
ce joli conte de fées.
« A mon arrivée en Allemagne, toutes les personnes à qui je parlai
de la littérature allemande, sans en excepter une seule, me deman-
dèrent si je connaissais Ondine; toutes me témoignèrent leur étonne-
ment de ce que je n'avais pas lu ce charmant ouvrage, et me sup-
plièrent de le lire. J'étais trop occupé de travaux sérieux pour donner
même quelques instants à la lecture d'un roman. Enfin, une jeune
personne, belle, aimable et spirituelle, me donna l'ouvrage, en exi-
geant que je le lusse. Peu d'heures après, je courus la remercier des
moments délicieux que son livre venait de me faire passer. »
Voilà ce que M. Monnard, qui, bientôt après, fut nommé professeur
de littérature à l'Académie de Lausanne, écrivait de Francfort, le 15
août 1816, à Mme la baronne de Montolieu. Il lui envoyait en même
temps le petit volume qui avait tant de succès chez nos voisins, et
l'engageait à le traduire. Mme de Montolieu suivit ce conseil, et sa
traduction fut publiée à Paris, en 1819, par le libraire Arthus Ber-
trand. Ondine ne fit pas en France autant de bruit qu'en Allemagne :
mais il s'en faut de beaucoup qu'elle ait passé inaperçue. Le
merveilleux qui lui sert de base n'avait rien d'étrange pour des ima-
ginations façonnées par l'étude de la poésie antique, préparées h la
connaissance des ondins par celle des néréides, potamides, naïades,
limnades, etc. Sous un nom moderne, c'était précisément la même
chose, tant il est vrai que l'imagination humaine tourne toujours dans
le même cercle, et qu'il n'y a rien ds nouveau sous le soleil, comme
le disaitdéjà, il y a plus de trente siècles, le roi philosophe Salomon. Ce
lac, ces fleuves, ces torrents, ces fontaines peuplés d'êtres surnatu-
rels, ces cascades qui s'animent , ces fantômes qui se dissipent au
brouillard, sont tout aussi amusants que les tours d'adresse du petit
Poucet, ou les miracles de la lampe d'Aladin. La fable inventée par
le baron prussien ne manque pas d'intérêt. Le caractère d"Ondine est
charmant, et les détails du conte sont souvent pleins de poésie. 11
restait à savoir si cette matière pouvait être matérialisée, et si elle
prendrait impunément les formes précises qu'exige impérieusement le
théâtre.
Pour éclaircir ce dernier point, un seul exemple nous suffira.
« Le soleil était déjà baissé, raconte le chevalier Huldbrand, et
je sentais la fraîcheur du soir. A travers le feuillage je vis briller
un sentier très-blanc : il me tenta. Je crus qu'il pourrait me con-
duire hors de la forêt, et à la ville. Je voulus le gagner en me pres-
sant contre les arbres. Mais un visage tout blanc, dont les traits
étaient vagues, et changeaient à chaque instant, me regardait à tra-
vers les feuilles. Je voulais l'éviter, et, de quelque côté que je rae
tournasse, je le voyais toujours. Courroucé, je voulus pousser mon
cheval sur lui : mais il me jeta au visage et dans les yeux de mon
cheval une écume blanche comme de la crème fouettée ou comme
celle du ruisseau, qui manqua nous aveugler, et nous fit faire volte-
j face. Il nous pourchassa ainsi pas à pas, en nous éloignant toujours
I du sentier, et ne nous permettant pas de nous écarter de la seule
j route qu'il nous laissait libre, et qu'il paraissait nous indiquer. Lorsque
nous la suivions docilement, il se tenait toujours derrière mon che-
val ... Je tournais quelquefois la tête pour le regarder: je voyais
que ce visage écumant et complètement blanc était placé sur un
corps blanc aussi, et d'une grandeur gigantesque. Il y avait des mo-
ments où il rae paraissait que c'était un jet d'eau ambulant : mais il
REVUE ET GAZETTE MUSICALK
m'était impossible de m'en assurer positivement, car, dès que je
m'arrêtais, on que je voulais m'en approcher de plus près, l'écume
blanche recommençait à jouer son rôle.... Nous cédâmes à la fin à
la volonté de l'homme blanc, qui.... faisait continuellement un signe
de tête, comme pour me dire : « Bien, Irès-bien, obéis. » C'est ainsi
que nous avons atteint l'extrémité de la forêt, etc. »
Ce fantôme blanc, c'est l'oncle Fraisondin, qui amène ainsi la pre-
mière rencontre du chevalier et d'Ondine. Il se présente, plus sou-
vent sous la même forme, celle d'un « jet d'eau ambulant. » L'esprit
du lecteur peut se prêter à ces fantaisies d'un poëte. Mais au théâtre,
tout acteur, comme qu'on s'y prenne, est un homme. Il faut qu'i'
ait des jambes, des bras, des épaules, un visage humain, et que ses
pieds foulent le sol. Il ne peut faire qu'un pas à la fois, allure bien
pesante pour être surnaturel ! Pour ce qui est des vêtements blancs,
et du visage entièrement blanc, cela n'est de mise qu'aux Funam-
bules. Au théâtre Lyrique, on n'a, pour représenter Fraisondin, que
le visage et les traits de M. Battaille, lesquels n'ont rien de fantas-
tique assurément.
Les auteurs d'Ondine ont dû, en conséquence, transformer Fraison-
din. Ils en ont fait un personnage grotesque, et c'est sur lui qu'ils
ont compté pour égayer leur pièce. Il est gourmand, il est ivrogne,
il n'a aucune idée des plus simples convenances, il dit et fait raille
sottises. Mais, en même temps, c'est lui qui mène tout. Rien, dans
le passé, ne lui est inconnu; rien, dans le présent, ne lui échappe.
Il a le don de seconde vue, comme nos somnambules prétendent
l'avoir. 11 voit tout, il entend tout, malgré les plus grandes distances;
il lit au fond des cœurs, et en pénètre les replis les plus secrets.
Parfois même il prévoit l'avenir. Comment un être aussi savant et
d'une si merveilleuse intelligence commet-il tant de balourdises?
Comment blesse-t-il tous ceux auxquels il cherche à plaire ! Comment
perd-il sa nièce par les efforts même qu'il prodigue pour assurer son
bonheur? 11 y a là quelque chose de contradictoire, qui ne se com-
prend pas, qui révolte le bon sens, et qui ne peut s'admettre, même
dans un conte de fées.
Sauf ces modifications apportées au rôle de Fraisondin, les auteurs
ont suivi pas à pas, ou peut s'en faut, l'écrivain. Ils ont conservé
le père Ulrich, et la mère Marthe, et leur fille Berlha, et le vieux
seigneur qui veut adopter celle-ci, après l'avoir élevée. Ils n'ontrien
changé au caractère de tous les personnages, ni à celui d'Ondine et
de son époux. Ils ont seulement chargé ce dernier d'un méfait de
plus, en le fiançant à Bertha avant son départ pour la forêt enchantée.
Dans le conte, il est entièrement libre quand il voit Ondine, et en
devient amoureux. Ondine, de son côté, par cette modification mala-
droite, n'est plus qu'une coquette qui convoite et qui prend le bien
d'autrui, et lorsque Bertha lui rend la monnaie de sa pièce, il ne
paraît pas qu'elle ait droit de se plaindre. Elle en devient beaucoup
moins intéressante. Le spectateur n'éprouve donc aucune sympathie
ni pour Ondine, ni pour Rodolphe, ni pour Bertha, et voit se dérouler
les événements avec une complète indifférence. Les sottises de Frai-
sondin ne l'ont pas fait rire : les lamentations d'Ondine trahie l'ennuient
au lieu de le faire pleurer : c'est une pièce manquée.
La musique n'est guère mieux venue. Les idées mélodiques font
défaut presque partout. Nous voulons dire les idées originales, élé-
gantes, expressives naturellement et sans effort. 11 y avait, assurément,
beaucoup mieux à attendre de l'auteur des Nuits d'Espagne et de
Gû Blas. Traitant un sujet fantastique, M. Semet a cherché les effets
d'orchestre h la manière de Weber, de M. Félicien David, de
M. Gounod et même de M. Wagner — trémolos ou tremoli suraigus
des violons, sourds grognements des bassons et de l'octave grave
des clarinettes, soupirs des flûtes, accouplements bizarres d'instru-
ments. — Il s'est en effet souvenu de beaucoup de choses, mais il
n'a rien inventé, et cette préoccupation constante semble lui avoir
fait oublier ou négliger la recherche de l'idée mère, du motif, par
laquelle on devrait toujours commencer.
Il est pénible d'être obligé de juger aussi sévèrement un musicien
qui a déjà montré du talent, et qui en montrera sans doute encore,
quand il se trouvera dans des circonstances plus favorables, et qu'il
sera aux prises avec un sujet mieux approprié à sa nature. Tenons-
nous en donc à cette appréciation générale, et cherchons, dans sa
partition, qui est assez volumineuse, les morceaux qui semblent faire
exception. 11 faut signaler d'abord les premiers couplets d'Ondine,
dont le chant syllabique est vif, et dont l'accompagnement est très-
piquant. Dans le duo d'Ondine et de Rodolphe, il y a un passage à
trois temps : C'est si bon de rire, dont l'allure est franche, le tour
facile et gracieux. La situation n'a rien de fantastique, et le compo-
siteur profite de l'occasion pour être amusant.
Les couplets d'Ondine, au second acle, avant le tournoi, sont na-
turellement écrits, gracieux et fins.
La chanson du Roi des Grillons est entrecoupée de ritournelles
assez originales. Malheureusement, le chant vocal y est plus étrange
qu'agréable, et les effets de nez de Fraisondin sont d'un goût trè.5-
contestable.
Le troisième acte débute par un chœur fugué assez confus, violent,
brutal. Il est, d'ailleurs, impossible de deviner ce que font là ces pay-
sans, ni ce qu'ils veulent, ni pourquoi ils prennent tout à coup la
fuite, en poussant des cris qui n'ont rien de musical. On en est am-
plement dédommagé par le chevalier, époux d'Ondine et amoureux
de Bertha, qui regrette l'une en désirant l'autre, et qui semble souf-
frir cruellement de la difficulté de partager son cœur. Quoi qu'il en
soit, le spectateur profite de sa perph-ixité, qu'il explique en une ro-
mance tendre, et gracieusement expressive. Après qu'il est parti, ar-
rive un sale paysan, armé d'une longue baguette, qui va furetant
partout, et semble chercher une taupe. On le prend pour un fou, et
l'on se demande longtemps le sens et le but de cette étrange appa-
rition. C'est un émissaire de Fraisondin, sans doute, chargé de dé-
noncer au bonhomme Ulrich les déportements de sa fille Bertha.
II s'acquitte de .sa commission en termes fort mystérieux, et le re-
frain de sa chanson explique tant bien que mal sa gaule et sa bizarre
pantomime :
La taupe est comme les amants.
Elle se plaît au clair de lune.
Ulrich, tout vieux pécheur qu'il est, comprend cette allusion ingé-
nieuse plus facilement que le public. Mais si le public ne se soucie
guère ni de la taupe ni des amans, il tient compte au compositeur
du caractère étrange, mystérieux, sournois de la mélodie et de l'ac-
compagnement. C'est un des morceaux les mieux réussis de tout l'ou-
vrage.
Mlle Girard chante et joue le rôle d'Ondine avec un remarquable
talent. Mais on aurait dit, à la première représentation, que MlleMo-
reau, MM. Cabel et Battaille luttaient à qui chanterait le plus faux.
Les chœurs aussi, plus d'une fois, s'en sont mêlés. Peut-être l'au-
teur doit-il s'en prendre à lui-même de ce phénomène. Il écrit très-
haut, et ne paraît pas toujours se douter qu'un larynx humain n'est
pas comme une clarinette ou un violon, que des efforts trop fré-
quents et trop prolongés fatiguent les cordes vocales et les déten-
dent. Espérons du moins que M. Cabel, qui a une voix fort agréable
quand il ne crie pas trop, et Mlle Moreau dont l'organe brillant et
charmant est naturellement juste, se familiariseront bientôt avec les
difficultés de leur rôle, et que ces accidents funestes ne se renouvel-
leront pas.
Quant à la direction du théâtre Lyrique , nous n'avons que des
éloges à lui donner pour le goût et le soin qu'elle a consacrés à la
mise en scène.
LÉON DUROCHRR.
DE PAHiS.
AUDITIONS niDSICÀLES.
Première matinée rtc Mlle M»rie Beaumeta.— Première
séance Ile musique fie chambre de M. Cliarlcs Dancla.
11 va bientôt y avoir abondance de concerts ; artistes grands el petits
fourbissent leurs armes, ou pour parler plus simplement, mettent la
dernière main à leurs nouvelles compositions, et exécutent chez eux
ou dans les salons les morceaux qu'ils veulent faire goûter cet hiver
au public. Parmi les célébrités attendues, on cite, entre autres,
Mme Pleyel. Nous voudrions être sûr que tous les virtuoses qui se
succéderont ici pendant trois ou quatre mois posséderont seulement
quelques-unes des éminentes qualités de la grande pianiste ; car alors
nous serions délivré de ce piano sec, bavard, insignifiant et banal
dont la musique classique, partout en honneur aujourd'hui , n'a pas
encore pu nous débarrasser entièrement. En attendant, deux séances
de musique de chambre ont été données cette semaine. La première
par Mlle Marie Beaumetz. Cette jeune pianiste, au jeu pur, sobre,
élégant et clair, a très-délicatement et très-cha'.eureusement rendu
les beautés des vieux maîtres. Alard et Franchomme , en prêtant
l'appui de leur magnifique talent à la gracieuse virtuose, ont donné à
sa matinée un éclat et une perfection qui ont été salués par les
enthousiastes applaudissements d'un auditoire délicat et éclairé.
La seconde séance était celle de M. Charles Dancla. On y a entendu
son Qe quatuor, dont le premier morceau, le minuetto et le finale
surtout, ont fait grand plaisir, et sa Symphonie concertante, pour deux
violons et violoncelle, dont l'andante-cantabile, notamment, fort déli-
catement orné et harmonisé, est d'une rare distinction. M. Dancla
possède une connaissance fine et profonde de toutes les ressources
instrumentales, et nous n'apprendrons rien à personne en disant que
sa musique joint h beaucoup d'autres mérites celui d'être bien faite
et bien écrite ; seulement, comme les deux violonistes compositeurs,
Mayseder et Fesca, dont il semble affectionner les œuvres et qui, di-
manche, ont encore trouvé en lui, en Mlle Sabatier-Blot et en M. Lee
des interprètes pleins de zèle et d'intelligence, M. Charles Dancla
renonce trop souvent au grand style symphonique , aux larges pro-
portions et aux combinaisons neuves et hardies ; il ne vise pas aussj
haut que les maîtres du genre, et se contente de plaire à ceux qui
aiment assez que l'on sacrifie les longs développements, les épisodes
riches et inattendus, les sévères inspirations, à la grâce, à l'abon-
dance et à la clarté de la mélodie.
Puisque les auditions nous laissent un peu de place, disons en pas-
sant que, dans un charmant salon de la Chaussée-d'Antin, nous avons
entendu Clair de lune. Il suffit d'aimer et le Réveil du printemps,
mélodies de M. Alfred Mutel, qui nous ont paru dignes de fixer
l'attention des connaisseurs; la Coupe d'or, une brillante fantaisie
sur le Barbier et un joli morceau de Kriiger sur Stradella qui, Joués
par l'auteur, ont produit un grand effet; puis enfin qu'à Saint-Eus-
tache, M. Edouard Batiste a exécuté avec beaucoup de talent une
œuvre nouvelle de M. Félix le Couppey. Cette composition riche
d'harmonie, élevée de pensée et écrite dans le style qui convient à
l'orgue, est tout à fait remarquable.
Adolphe BOTTli,
toucher ses dernières limites. Le compositeur virtuose l'a exécutée,
comme il l'a écrite, avec une énergie et une sûreté sans égales. Pour
bien comprendre la forme de ce concerto, il faut savoir que l'auteur
le destinait à un concours du Conservatoire de Bruxelles, ce qui
l'obligeait à une certaine concision, et ce qui a motivé sans doute le
choix d'un thème de Grétry, celui du quatuor de Luvih, pour couron-
ner le morceau par une espèce d'hymne national.
L'ouverture i'Alhalie (redemandée) est une de ces pages d'un
caractère élevé, d'un style large, mais un peu vague, auxquelles se
complaisait le génie de Mendelssohn. La péroraison a surtout pro-
duit de l'effet sur l'auditoire; mais ce qui l'a charmé complètement,
c'est l'air du ballet de Promêfhéc, de Bsethoven ! Un jeune violon-
celliste, M. Poëncet, en a dit le solo de manière à provoquer un bis
unanime; après quoi, M. Pasdeloup a eu le bon goût d'aller chercher
Uii-même l'habile virtuose pour le présenter au public, qui l'a salué
de chaleureux bravos.
Il y a deux jours, nous avons encore entendu dans un salon le grand
violoniste pour qui nulle enceinte n'est trop vaste, et nous ne l'en
avons pas moins admiré. Vieuxtemps joue la musique de chambre
aussi bien que les morceaux de concert. Il nous l'a prouvé sans ré-
pUque, dans un quatuor et un trio de J. Rosenhain, deux productions
excellentes, pleines d'idées et de verve, conduites avec un art digne
des maîtres du genre, accueillies par l'approbation sans réserve d'un
petit nombre d'amateurs consciencieux. Nous ne savons quels ont été
les plus satisfaits, le compositeur, les artistes, ou les auditeurs? Nul
ne se chargerait de résoudre la question.
P. S.
Concerts populaires de musique classique et matinée
musicale.
Le dernier concert du Cirque-Napoléon commençait par cette char-
mante symphonie d'Haydn, connue sous le nom de la Reine de
France, une de ces œuvres de pur génie, aussi simples que belles,
et qui rajeunissent en vieillissant. Ensuite venait le concerto en la
mineur de Vieuxtemps, œuvre vigoureuse et sévère, où l'art semble
REVUE CEITiOUE.
TRENTE MORCEAUX D'ORGUE POUR LE SERVICE DIVIN,
COMPOSÉS ET ARRANGÉS DANS LES TONS LES PLUS USITÉS,
Par vuÉ:or>aaiii!B: stebiV,
Organiste du temple neuf, à Strasbourg (1).
Bien que la nature et la multiplicité de mes travaux ne m'aient
plus permis depuis longtemps de céder aux sollicitations qui me sont
adressées de toutes parts pour que je fisse des analyses de composi-
tions nouvelles, je me suis décidé à une exception en faveur de
l'ouvrage de M. Stern, parce qu'il m'offre l'occasion, en rendant jus-
tice au mérite d'un homme de talent, de présenter quelques consi-
dérations d'intérêt général sur la situation de la musique, et en par-
ticulier des organistes dans les villes de province et dans les campa-
gnes en France. Peut-être ce que j'ai à dire ne sera-t-il pas du goût
de tout le monde ; mais il y a des vérités qu'il faut signaler de temps
en temps, afin qu'il en reste quelque chose dans la mémoire, et qu'on
finisse par comprendre qu'il faut améliorer ce qui est vicieux.
La vérité dont il s'agit en ce moment est, qu'à l'exception de
quelques grandes villes , la culture de la musique est dans une si-
tuation misérable en France, particulièrement dans une partie des
régions du Nord, du Centre et du Midi. Quant aux exceptions, elles
résultent presque partout de l'influence d'un homme d'initiative,
placé, par le hasard, dans une localité à laquelle il donne une im-
pulsion de progrès momentané. Grimm dit quelque part, dans sa
correspondance, que de tous les peuples du continent européen,
celui de France est le plus mal organisé pour la musique; ce qui
n'est certainement pas exact, car là où les circonstances sont favo-
rables pour le développement du goût de cet art, la population s'y
intéresse et en Jouit. Ce qui manque, ce sont les institutions perma-
nentes propres à répandre ce goùl et à l'entretenir. Les villes qui
(1) A Strasbourg, Levrault et fils.
12
REVUE ET GAZETTE MUSICALK
ont été favorisées par des élab'.issements de cetto nature ont en gé-
néra! une population sensible à la musique. Les sociétés chorales,
bien dirigées, sout un moyen d'éducation pratique excellent pour le
peuple; enfin, l'enseignement des éléments delà musique, et l'usage
constant du chanl, dans les écoles primaires, ne peuvent laisserdedoute
sur les bons résultats qu'on en doit tirer, car c'est ainsi que les
populations germaniques ont acquis une organisation musicale infini-
ment supérieure à celle des autres nations. Mais il faut, dans l'emploi
de ces moyens, une suite, une persistance qui, malheureusement, ne
sont pas dans la nature des Français. Ils s'enthousiasment facilement
pour une amélioration dont ils comprennent la portée; mais, après
que le premier feu a jeté ses lueurs , les meilleures choses sont ex-
posées à tomber bien vite chez eux en désuétude.
Sans aucun doule les aptitudes ne sont pas égales partout. Dans
les provinces de France où le sang gaulois domine, l'instinct musical
est plus faible que dans celles où ce sang s'est mêlé avec le frank ;
mais l'éducation modifie les races avec une puissance irrésistible. Je
ne connais pas d'oreille si rebelle aux beautés de la musique qui ne
finisse par y prendre goût si elle en est fréquemment chatouillée.
Un grand centre d'absorption tel que Paris est une cause de priva-
tion pour les provinces, car de tous les points de la France viennent
des organisations d'élite pour entrer au Conservatoire; mais aucune
ne retourne dans le lieu où elle a pris naissance : tout reste à Paris.
Si cependant chaque artiste venu de sa province au centre de l'édu-
cation musicale, y retournait quand il a reçu l'iEstriiction nécestaire,
la situation de l'art serait bientôt changée dans tout l'empire : cha-
cun d'eux deviendrait rincitateur (pardon pour le néologisme) au
progrès dans sa ville et même dans son arrondissement.
Les hommes modestes comme MM. Stem, Grosjean, Guilmant,
Labat, Kunc, et quelques autres que je pourrais nommer, lesquels
se sont dévoués pour améliorer la situation de quelque partie de
l'art dans leur centre d'activité, le premier à Strasbourg, les autres
à Saint-Dié, à Boulogne, à Montauban , à Auch, etc., méritent des
éloges pour le zèle et le courage dont ils font preuve dans leur diffi-
cile mission. Pour ne parler que de M. Stern, dont il est ici spécia-
lement question, je dirai qu'il a eu tout à faire en quelque sorte pour
la création de l'art de jouer de l'orgue dans l'Alsace, où cet art était
à peu près inconnu dans sa jeunesse. Né à Strasbourg le 2k juillet
1803, il fut nommé organiste de Saint-Pierre le Vieux à l'âge de
seize ans, sans avoir appris à jouer de l'orgue. On croyait alors qu'il
suffisait de savoir jouer un peu de piano pour être organiste. Plus
tard il devint élève de Conrad Berg, artiste de mérite et bon pro-
fesseur de piano; puis il passa quelques années à Stuttgard, où il
eut occasion d'entendre des arlistes distingués. Ce fut là que les ou-
vrages de Rink le mirent sur la voie du bon style de l'orgue.
De retour à Strasbourg en 1830, il prit d'abord possession de l'or-
gue de Saint-Nicolas, puis fut appelé à Saint-Thomas, où il se livra à
l'étude des ouvrages de J. S. Bach. Sa réputation de bon professeur
s'étendait de jour en jour. Appelé à Nancy, comme juge d'un con-
cours d'organistes, il trouva dans cette circonstance l'occasion d'é-
tendre la sphère de son activité. Plusieurs élèves organistes lui fu-
rent confiés, et ses leçons les mirent en état de remplir convenable-
ment leurs fonctions dans des communes de l'Alsace. Nommé en 1841
organiste du temple neuf de Strasbourg, il eut alors à sa disposition
un bon instrument à trois claviers tt pédales, sur lequel il trouva des
ressources pour le perfectionnement de son talent. Ses premières
compositions pour l'orgue datent de cette époque. Les premiers ca-
hiers qu'il publia étaient destinés aux organistes peu expérimentés du
pays. M. Stern n'y avait pas fait usage du clavier de pédales, dont
personne autour de lui ne savait se servir. 'Vers le même temps, l'or-
ganiste de la cathédrale de Nancy, dont je tairai le nom, publiait un
recueil de détestable musique, sous le titre : l'Organiste. M. Stern
se hasarda à y faire insérer quelques grands offertoires pour appren-
dre aux organistes dont il était entouré à sortir du cercle dans le-
quel ils se renfermaient; mais ils furent trouvés beaucoup trop dif-
ficiles, et l'éditeur de l'Organiste se hâta de se débarrasser de la
collaboration du seul homme do talent qui eût mis quelque chose
dans sa publication.
Un des recueils publiés postérieurement par M. Stern, a été l'objet
d'un bel éloge fait par M. Seiflerl, organiste à Naumbourg, dans le
journal des organistes intitulé Urania, que publie Kœrner, à Erfurt.
L'œuvre que j'examine aujourd'hui n'est pas moins digne d'estime.
La mission que s'est donnée M. Stern consiste à opposer au mauvais
goût qui régnait autour de lui dans la musique d'orgue, des pièces
d'un caractère grave, religieux, mélodique, et d'une harmonie pure de
laquelle il bannit les tendances passionnées des altérations multiples
que les compositeurs de l'époque actuelle introduisent dans les ac-
cords. Partout cette harmonie est bien écrite, régulière et convenable
pour l'objet auquel elle est destinée. M. Stern fait usage de la pé-
dale, sans laquelle l'orgue est incomplet; mais la paitie qu'il lui
donne est écrite de manière à pouvoir être supprimée, condition né-
cessaire pour les organistes de la campagne, dans l'ancienne province
d'Alsace. Pour démontrer combien ceux-ci sont encore arriérés, il me
suffira de dire que les paysans qui fréquentent la classe d'orgue de
M. le professeur Lemmens, au Conservatoire de Bruxelles, jouent,
dans un mouvement rapide, les grands préludes et les fugues de
J. S. Bach, où les deux pieds ont, sur le clavier de pédales, la vélo-
cité des doigts sur les claviers manuels.
Au résumé, je considère le recueil récemment publié par M. Stem
comme un ouvrage qui lui fait beaucoup d'honneur et comme un
nouveau service rendu par lui à la dignité du culte et à l'art, parti-
culièrement pour les organistes qui ne peuvent pas aborder les gran-
des difficultés des maîtres. Je le considère comme émanation de l'é-
cole de Rink.
FÉTIS père.
TRAITÉ D'HARMONIE,
Par IIEjVRI ISEBEK,
Membre de l'Inslitut, professeur de composition au Conservatoire impérial
de musique et de déclamation.
Le traité de Henri Reber est, avant tout, essentiellement pratique ;
c'est le fruit de quinze années d'expérience dans l'enseignement que
l'auteur offre aux méditations des savants musiciens et à l'étude jour-
nalière des jeunes élèves. H. Reber, en rédigeant cet ouvrage, n'a
pas eu la prétention d'exposer uue nouvelle théorie de la science des
accords. Il n'a voulu qiie constater l'état actuel de cette science, et
donner aux professeurs qui n'ont pas de méthode particulière un guide
sûr pour conduire leurs disciples dans l'art d'écrire une harmonie
élégante et nombreuse. Pour y parvenir, il a corroboré ses démonstra-
tions par des exemples puisés dans ies œuvres des plus grands com-
positeurs de toutes les écoles. C'est surtout par la division des ma-
tières que la haute raison et le savoir de l'auteur se montrent sous
le jour le plus favorable.
On ne saurait trop admiier le dévouement d'un maître tel que l'au-
teur, en voyant avec quelle vive sollicitude il entre dans les détails les
plus minutieux pour poser en quelque sorte les fondementsd'unescience
dont les débuts sont nattn-ellement très-arides.
En donnant la réalisation de toutes les leçons qui forment le corps
de son traité, il a rendu un service inappréciable aux personnes qui,
privées d'un professeur, mais douées de l'esprit d'analyse, seraient
curieuses d'étudier seules l'harmonie. Au point où l'enseignement
public de celle science est parvenu, les élèves des classes d'harmonie
DE PARIS.
13
du Conservatoire ont peu de chose à apprendre pour devenir d'ex-
cellents fuguistes, lorsque, après avoir terminé leur cours, ils sont ad-
mis dans une classe de contre-point et de composition. En effet, le sys-
tème d'imitations, l'art de développer un motif, de composer une
basse, de reproduire, dans chacune des quatre parties de la partition
vocale, une pensée musicale formant un brillant anlécédent, tout,
sauf l'emploi du sévère contre-point renversable , semble se réunir
dans une leçon d'harmonie moderne pour en faire un véritable mor-
ceau de musique ayant son exposition, ses développements et sa pé-
roraison : et nous pourrions citer telles leçons couronnées aux der-
niers concours comme de véritables fugues vocales, auxquelles il ne
manque que certains des artifices de cette véritable amplification de
rhétorique musicale, pour mériter à leurs jeunes auteurs le litre de
compositeurs achevés. Chérubini l'a déclaré dans son excellent
Traité de contre-point, tout élève qui aura étudié avec intelligence le
grand art de la fugue, n'aura presque plus de diflicultés à vaincre
pour aspirer à devenir un véritable compositeur. Auber et Halévy,
les illustres élèves de ce grand maître, ont justifié glorieusement la
vérité de l'assertion de leur immortel professeur.
H. Reber, qui, lui aussi, compte parmi ses disciples de véritables
composileurs, H. Reber, qui a la gloire d'avoir guidé Félicien David
dans les sentiers de la science, avait donc plus que personne le droit
d'écrire ex professa un ouvrage du genre de celui dont nous allons
donner l'analyse succincte.
Son Traité dliarinonie est formé de deux livres principaux, sub-
divisés cliacun en deux parties. Des notions préliminaires suivent une
introduction écrite avec élégance et lucidité. L'auteur traite ensuite
des accords en général et des notes réelles. Nous l'approuvons fort
de fixer dès le début l'attention des élèves sur ces véritables voijel-
les du mol harmonique. — La première partie du livre I" traite des
accords consonnants, et la seconde des accords dissonants. Le li-
vre II"= initie les élèves à la connaissance des notes étrangères à la
constitution des accords ou des notes accidentelles. H divise ces au-
tres consonnes du mot harmonique en deux classes. Ces différentes
classifications mettent beaucoup d'ordre dans les démonstrations de
l'auteur; et tout ce qu'il dit de la valeur des différents temps forts
et faibles de la mesure, relativement à l'emploi des accords et à la
position des notes de passage, est présenté avec une nouveauté qui
fait le plus grand honneur à son génie démonstratif.
L'appendice qui suit les deux chapitres formant la deuxième partie
du second livre, est consacré à l'analyse des diverses notes mélo-
diques, et à la manière de chiffrer la basse contenant des notes essen-
tiellement mélodiques. Un second appendice contient, ainsi que nous
l'avons fait pressentir plus haut, les corrigés de tout>es les leçons du
traité; et, dans un supplément, l'auteur jette un coup d'oeil rapide
sur les ifnitations,\Q contre-point et le style rigoureux. Par une at-
tention délicate, H. Reber a donné m extenso les chants et les basses
de plusieurs des élèves qui ont obtenu dans sa classe le premier prix
aux concours annuels du Conservatoire. Ces glorieux devoirs sont
signés par MM. Taite, Legouix et Perrot; nous les avons lus avec
d'autant plus d'impartialité et de plaisir, que nos propres élèves ont
eu l'honneur de partager ou de disputer loyalement ces couronnes,
.si vaillamment remportées par les jeunes artistes dont nous venons
de citer les noms. Disons, en terminant, que le comité des études du
Conservatoire, dans un rapport approbatif et longuement motivé, a
donné son entière adhé.sion aux doctrines professées par H. Reber,
et ajoutons, pour clore dignement ce compte rendu , beaucoup plus
court que nous ne l'eussions désiré, que le comité a exprimé l'opinion
que le traité de H. Reber est un des meilleurs livres de théorie mu-
sicale qui aient paru de nos jours. — Edité -avec le plus grand soin,
le traité de notre savant collègue a été imprimé par les procédés de
typographie musicale de M. ïantenstein, qui, par les services qu'il
rend depuis près de trente ans à la popularisation des livres d'ensei-
gnement musical, s'est acquis un nom justement estimé.
A. ELWART.
NOUVELLES.
,*^ Au théâtre impérial de l'Opéra les ouvrages suivants ont défrayé
le répertoire de la semaine : le Prophète, le Trouvère, dans lequel
Mme Gueymard-Lauters a repris le rôle de Léonore, Grazioza et le Diable
à quatre, précédé de Lucie. — Aujourd'hui dimanche, Itobert le Diable.
,",, La première représentation de la reprise de la Muette est annon-
cée pour la semaine prochaine.
^*^ Mlle Laure Poinet, jeune danseuse, doit débuter dans la Muette de
Porlici. M. Auber a composé pour cette artiste un pas qui a été inter-
calé dans le troisième acte.
,*i On a lu à l'Opéra-Comique un opéra en un acte, de MM. Ouvert
et Lauzanne, musique de M. Eugène Prévost, intitulé : l'Illustre Gaspard.
Les rôles do cet ouvrage seront joués par Couderc, ternaire, Potel, Da-
voust, Mmes Chollet-Byard et Casimir.
»*^ Hier samedi a eu lieu au théâtre Italien la première représenta-
tion d'/ Lombardi, de Verdi, chantés par Naudin, Bartolini et Mme Frez-
zolini. Nous en parlerons dimanche prochain.
.f*^ Une indisposition de Mlle Tatti a nécessité jeudi un changement
de spectacle. On a donné il Barhiere à la place do Luoia. Mme Alboni
a chanté le rôle de Rosine.
a,*iLe publie ne se lasse pas d'entendre et d'applaudir Adelina Patti
qui, Ja semaine passée, a chanté de nouveau dans la Sonnambula, et
qui obtiendra les mêmes bravos ce soir dans le même ouvrage.
,t** Nous disions, il y a quelque temps, que Mlle Trebelli resterait au
théâtre Italien pendant toute la saison et s'y ferait entendre. Un de nos
confrères trouve un peu trop de précision dans cette annonce. Pourquoi
donc, lorsqu'il s'agit d'un théâtre , où il n'est pas rare de voir rester
des cantatrices que Ton n'entend jamais; Mlle Saint-Urbain par exemple?
^*^ Mme Csillag, la célèbre cantatrice dramatique, s'était rendue i
Barcelone, où elle devait débuter dans le rôle de Fides, du Prophète;
mais l'état de la troupe ne permettant pas d'exécuter convena-
blement le chef-d'œuvre, Mme Csillag aima mieux attendre un mois
dans le silence et sans toucher de traitement. Au bout de ce terme,
voyant que la situation ne s'était pas améliorée, et qu'on ne lui offrait
que des ouvrages sans intérêt, elle a pris le parti d'en venir à une rési-
liation définitive.
^*,j Le Requiem de Mozart a été exécuté vendredi passé en l'église de
Notre-Dame devant une foule compacte. Nous parlerons avec détails
de cette solennité dans notre prochain numéro.
3,*^ Le prochain concert de la Société nationale des Beaux-Arts (bou-
levard dos Italiens, 26) reste fixé au 18 janvier prochain. On y entendra
le Désert, de Félicien David; VOuvertare en forme de marcIie, composée
pour l'inauguration de l'e-xposition de Londres, par Meyerbeer, et qui
sera exécutée pour la première fois à Paris; fragments de symphonie
de C. Saint- Saëns ; Marche funèbre de Dehillemont, et scherzo d'une
symphonie de Georges Bizet.
^*3, Voici le programme du concert populaire de musique classique,
qui sera donné aujourd'hui au Cirque Napoléon, sous la direction de
M. Pasdeloup. Symphonie en mi bémol, de Mozart. Adagio du quatuor
n" 6, d'Haydn, exécuté par tous les instruments à cordes. Sclicrzo d'une
symphonie inédite de M. Bizet (prix de Rome de 1857). Le Comie d'Eg-
mont, tragédie de Gœthe, musique de Beethoven (ouverture, entr'actes
et mélodrame).
.^*,i, OÊfenbach va s'occuper d'un grand opéra qui doit être représenté
à Vienne, et il est déjà parti pour cette ville.
,,% Au premier bal des Tuileries qui a eu lieu la semaine passée ou
a beaucoup remarqué â l'entrée de LL. MM. II. la belle marche de
VEiuile de Messine, composée par le comte Gabrielli et jouée par l'ex-
cellent orchestre de Strauss; déjà, l'année passée, il avait fait entendre
à pareille occasion le même morceau qui produit toujours un très-
grand effet.
^*^ Mlle Marie Battu et Alard ont été invités à se faire entendre la
semaine passée dans un concert de la Société philharmonique d'Amiens,
l'une des plus renommées de la province.
„'*» Sivori se trouve en ce moment à Weimar, où il a donné deux con-
certs avec le plus grand succès. Dans sa tournée on Allemagne, le cé-
lèbre violoniste s'était fait d'abord entendre ii Stuttgart, à Munich et à
Augsbourg, où son talent magistral avait été justement apprécié.
u
K!:VLiE Kï GAZETTE MUSIGALK
*** Voici le programme de la première soirée musicale donnée par
Mme Escudier Kastner, Al. Batta et Yieuxtemps , avec le concours do
Mlle Marie Battu qui et aura lieu le 28 janvier : Trio en si bémol pour
piano, violon et violoncelle, de Beethoven ; air de Cimarosa ; sonate en
ré majeur, pour piano et violon de Yieuxtemps ; nocturne de Chopin et
variations pour piano de [laendel ; air des Nozze di Fiyaro; ottetto pour
quatre violons, deux altos et deux violoncelles de Mendelssohn.
»*<, Dans les derniers jours de l'année, le célèbre tromboniste, Nabich,
a donné un concert à Rouen avec le concours de Maurin, l'habile vio-
loniste. En rendant compte du succès obtenu par deux virtuoses d'un
genre si différent, notre confrère, Amédée Méreaux, constate les effets
extraordinaires que M. Nabich a tirés de son instrument, en exécutant
un concerto de David, de Leipzig, « Ce concerto, ajoute-t-il , est du
nombre restreint des pièces de ce genre dans lesquelles on sent la main
d'un maître. M. David est un grand maître, et 41. Nabich est son in-
terprète par excellence ; nous croyons même pouvoir dire qu'il est son
unique interprète possible. Ge superbe concerto a été salué par les
bravos de toute la salle. »
^*^ Les frères Lamoury et H. Kowalski poursuivent leur tournée ar-
tistique. Ils ont donné des concerts à Caën, Bayeux, Saint-Lô, Avranches,
Saint-Malo, Rennes et Nantes; partout ils ont retrouvé les mêmes bravos
et le même empressement.
H,** L'excellent violoniste Charles Lamoureux annonce la reprise de
ses intéressantes séances de musique de chambre, dont la fondation
remonte à quatre années. La première aura lieu le mardi 13 janvier,
dans les salons Pleyel. Le programme est ainsi ■ composé : grand trio
pour piano, violon et violoncelle, de Beethoven. — Cinquante-deuxième
quintette en sol mineur de Boccherini. — Quatrième sonate en si bémol
pour piano et violon, de Mozart, exécutée par MM. Th. Ritter et La-
moureux. — Quatrième quatuor en mi mineur, de Mendelssohn.
**i Le grand-duc de .'?axe-Cobourg-Gotha a décoré le pianiste-compo-
siteur M. Auguste Mey de l'ordre de la maison Ernestine.
*** F. Bonoldi vient de publier plusieurs nouvelles compositions qui
nous paraissent destinées à un très-grand succès, et sur lesquelles nous
reviendrons prochainement. C'est un album de chant, contenant six mé-
lodies, avec paroles italiennes, Un canto ancora I une mélodie avec ac-
compagnement de piano et de violoncelle, et deux romances avec paroles
françaises.
^*^ Mlle Péan de La Roche-Jagu donnait , il y a quinze jours,
dans la salle du C.rand-Orient, une soirée musicale, dans laquelle un
assez nombreux auditoire a applaudi plusieurs compositions de cette
intéressante artiste. Des fragments de Vopéra,-com\qtie Simple et Coquette,
un Noël et une chansonnette, Is Moulin à vent, très-bien dite par Mlle
Auclair, étaient les principaux éléments du programme.
„,*» La première matinée de la Société des concerts du Conservatoire
aura lieu aujourd'hui. En voici le programme : 1° symphonie d'Haydn
(61"); 2° chœur des nymphes de Psyché, de M. Ambrois-i Thomas: 3° frag-
ments d'Idomcneo, de Slozart. Ouverture, liécit et air chanté par Mme Van-
denheuvel-Duprez; iosymphonie en s» bémol, de Beethoven; 5° introduc-
tion du Siège de Corinthe, de Rossini. Les soli seront chantés par
MM. Massol, Paulin et Belval. L'orchestre sera dirigé par M. Tilmant.
s,** Sous la direction de Deledicque et la présidence honoraire d'A-
lard, la Société des symphonistes va reprendre ses séances, qui auront
lieu tous les jeudis soir.
^,*t Le patriarche de Jérusalem, .Monsignor Valerga, vient d'envoyer à
Frantz Liszt les insignes de l'ordre du Saint-Sépulcre, qui lui ont été
remis par le général des Carmélites .
,^*,j En rapportant les vœux que forme le Monde musical de Bruxelles
pour l'assimilation du rang des chefs de musique militaire belges au grade
d'officier, plusieurs journaux de musique de Paris ajoutent qu'une pa-
reille assimilation ne serait pas moins à désirer pour la France que pour
la Belgique. On oublie que, depuis plus de huit ans, les chefs de musi-
que en France jouissent précisément de ce même privilège sollicité au-
jourd'hui pour un État voisin. Dès 1844, dans un mémoire présenté au
maréchal Soult, M. Adolphe Sax réclamait pour les chefs de musique le
grade d'officier, eu même temps qu'une hiérarchie d'avancement pour les
sous-chefs et les musiciens. Il n'a jamais cessé, depuis lors, de pousser
énergiquement à cette réforme utile autant qu'importante, et, parmi
les personnes qui se sont associées à ses efforts et qui sont parve-
nues à en assurer le triomphe, il est juste de mentionner les généraux
de Rumigny, Fleury, Mellinot et Trochu. Après dix années de tentatives
infructueuses, l'idée a fini par prévaloir, et le 16 août I85i a paru le
décret impérial qui confère aux chefs de musique militaire le rang d'of-
ficiers : sous-lieutenant dans le principe et lieutenant au bout de dix
ans d'exercice; au sous-chef, rang d'adjudant; à cinq musiciens de pre--
mière classe, rang de sergent-major; à dix musiciens de deuxième classe,
rang de sergent; à treize musiciens de troisième classe, rang de capo-
raux. Il ne faut pas oublier qu'avant «8i4, le chef de musique était in-
férieur en grade au tambour- major, et qu'aucun des musiciens n'était
gradé.
^*„ Deux nouvelles fantaisies sur la Mudie di Portici et Stradelta, par
Favarger, paraîtront procliainement, ainsi que deux œuvres ori-
ginales de cet auteur si estimé de bonne musique de piano ; ce sont
une idylle. Mer calme, et une mazurka de salon, Yvonne.
„*, L'Annuaire spécial des Ârlistes-Musiciens, qui sera d'une grande
utilité pour le monde musical, va paraître incessamment. L'auteur,
Mme Besnier, y a rénui avec beaucoup de clarté tout ce qu'on désire
trouver dans une pareille publication.
^*^ Un nouveau journal, Musée de musique religieuse, rédigé par des
artistes de talent, paraît depuis le l»"- janvier.
^'*,s Vendredi prochain, aura lieu dans la salle Pleyel-Wolff un con-
cert donné par les sœurs Clauss, et dont le programme offre beaucoup
d'intérêt.
4*a. Le banquet annuel pour célébrer l'anniversaire de la naissance
de Molière aura lieu jeudi prochain, 15 janvier. La liste de souscription
est ouverte chez MM. Guyot et l^éonce Peragallo, agents des auteurs,
rue Saint-Marc, 30, et chez M. Alexis Thuillier, trésorier des artistes
dramatiques, rue de Bondy, 68.
**» Le nouveau répertoire de, Strauss est vivement applaudi aux bals
de l'Opéra, dont la vogue est plus grande que jamais.
,/% Le pianiste-compositeur D'' Adolphe Kullak, frère du directeur
de l'Académie de musique Th. Kullak, est mort à Berlin le 28 décem-
bre dernier.
3,** Au moment de mettre sous presse , M. Alphonse Sax junior
nous adresse une lettre que l'heure avancée nous empêche d'insérer
aujourd'hui .
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
a,*j Strasbourg. — La Bohémienne, de Balfe, a parfaitement réussi au
théâtre de la ville. Cet opéra, chanté par Mmes Stranski et Rozès,
M.M. Koubly et Marehot, est probablement destiné à un succès durable.
^*^ Troijbs, 3 janvier. — Au quatrième concert de la Société philhar-
monique, Mme Oscar Comettant et M. Emile Norblin ont mérité une
mention exceptionnelle. Sur les quatre morceaux chantés par Mme Co-
mettant, deux ont été bissés ; à la fin du concert , le public a voulu
l'entendre encore, et le président de la Société est venu la prier de
vouloir bien répéter le Tango americano, ravissante chanson havanaise.
Emile Norblin a obtenu aussi sa bonne part de bravos.
^*.j, Bordeaux. — Le cercle philharmonique de cette ville, si bien di-
rigé par son président, M. Brochon, vient d'inaugurer la saison des
concerts. Mme Tardieu de Malleville, Mlle Moreau-Saint', et le violo-
niste Sarasate avaient été appelés. Ces dames ont obtenu le succès que
mérite leur talent, l'une en jouant du Mozart et du Haydn, l'autre en
chantant l'air de Torquato Tasso et le boléro des Vêpres siciliennes. Le
violoniste Sarasate a enlevé tous les suffrages avec la fantaisie sur la
Muette et ses deux dernières compositions: sa. fantaisie originale et la Ha-
vanaise. Ces morceaux lui ont valu des applaudissements et des
rappels. Il n'y a eu qu'une voix pour vanter la justesse et la beauté
de son, la tenue parfaite du jeune artiste, et la façon dont il fait chanter
son violon sans avoir recours à l'afféterie. L'excellent orchestre, con-
duit par son digne chef, M. Cuvreau, après l'avoir admirablement ac-
compagné, lui a décerné de nombreuses ovations.
CHRONrQUE ÉTRANGÈRE.
^*^ Bruxelles, — A la dernière représentation du Pardon ie-Ploérmel,
Mlle Monrose s'est foulé le pied, et cet accident l'éloigné momentané-
ment de la scène. Mlle Dupuy s'est essayée sans succès dans le rôle de
Marguerite de Faust. Avant la reprise de Freyschulz aura lieu la pre-
mière représentation de la Chatte merveilleuse, de Grisar.
^*^ .imsicrdam, 4 janvier. — La Société pour l'encouragement de l'art
musical en Hollande vient de donner son second concert populaire
sous la direction de Verhulst. La salle était comble; l'orchestre a
fait merveille , l'ouverture d''Egmont, de Beethoven, a été bissée avec
acclamation. A la fin du concert, Verhulst a été rappelé avec en-
thousiasme, au milieu des fanfares de l'orchestre ; au 23 janvier le troi-
sième concert populaire. La même Société donnera son second festival
à la fin de février. — L'éminent violoniste Jean Beckor continue ses
pérégrinations triomphales à travers la Hollande et la Belgique; il jouera
le 10 courant au grand concert des étudiants à Amsterdam le concerto
de Mendelssohn, et un intermezzo dramatique de M. de Hartog, un nou-
vel ouvrage de ce jeune compositeur dont on dit grand bien.
.^*^ Zurich. — La première représentation de Dinorah ou le Pardon
de Ploérmel a eu le plus éclatant succès. Mlle de Uuda, chargée du rôle
principal, a été comblée par le public de marques de satisfaction et de
sympathie.
ib
,*„, Berlin, 8 janvier. — La première représentation de Fausi de Gou-
nod, joué ici en grand opéra en cinq actes et sous le titre de Margue-
rite, vient d'obtenir un beau succès. Froidement accueilli d'abord
pendant les deux premiers actes; dès le troisième, c'est-à-dire dès l'ap-
parition de Mlle Lucca, cet accueil est devenu plus vif et plus chaleu-
reux. Mlle Lncca, dont le talent expressif et souple s'était révélé déjà
dans les rôles d'Alice, de lioberl, et de Bertbe, du Prophète, vient de se
placer au premier rang par la manière dont elle interprète le rôle de
Grelehen. Parmi les autres artistes, il faut particulièrement distinguer
Mlle de Aima, qui s'est chargée du petit rôle de Siebel et qui le rend
d'une façon exquise. M. Woworsky - /''««s/, M. Salomon - .l/ep/u'sfo,
sont également très-satisfaisants_, et l'orchestre, sous la direction de
M. Dorn, ne laisse absolument rien à désirer. A partir du troisième
acte, Mlle Lucca a été rappelée chaque fois que le rideau baissait et
plus d'une fois à la fin de l'ouvrage. Le peintre des décors, M. Gropius,
ainsi que le machiniste, ont également été rappelés, et c'était justice ; la j
scène de l'église, entre autres, est un vrai chef-d'œuvre; l'idée en vient
de Paris, mais rien que l'idée, car l'exéoutioa en est tout autre et
(oute neuve. — Mme Fabbri-Mlilder a terminé ses représentations par le
rôle de Lucrezia Borgia: dans ce rôle, ainsi que dans celui de Valentine,
Mme Fabbri a brillé par la fraîcheur et la beauté de son organe , ainsi
que par la pureté de son intonation. Après chaque acte de Lucrèee Bor-
gia, Mme Fabbri a été rappelée avec M. Formés (Gcnnaro).
^*^ Leipzig. — Une messe de Schumann, qui vient de paraître, a été
exécutée par une société de chant, avec accompagnement d'orgue et
du quatuor d'instruments à cordes. Elle a trouvé un accueil des plus
sympathiques.
„,*» Francfort-sur-le-iJein. — On vient de donner avec un grand suc-
cès l'un des meilleurs opéras-bouffes de Fioravanti, / Virt'iosi amlmlanti,
traduit en allemand sous ce titre : Die loandernden Komœdianteii. On sait
que le sujet de l'opéra de Fioravanti est tiré de la scène française :
lea Comédiens ambulants, opéra-comique en deux actes, paroles de Picard,
musique de Devienne, furent représentés en 1798 au théâtre Feydeau avec
uu certain succès Aeuf ans après, Fioravanti se trouvant à Paris, et
les chanteurs du théâtre Italien placés sous la direction de P.card, dé-
sirant être agréables i\ ce dernier, firent traduire le poëme des Comé-
diens par Balocchi, et chargèrent le compositeur ultramontain d'écrire
une musique nouvelle. L'ouvrage fut représenté pour la première
fois le 26 septembre 1807, et interprété par Barilli, Zardi, la cé-
lèbre Mme Barilli et Mme Canavassi. Le succès fut complet. C'est
ce même ouvrage qui vient d'être exécuté devant les Francfortois et
parfaitement accueilli par eux. Il a été bien joué par MM. Winckelmann,
Dettmer, Fichier, Ilassel, Stotz, et surtout par i\illes Geisthardt et La-
bitzky, qui s'y sont fait pariiculièrement remarquer. On se plaint que
l'orchestre manque d'élégance et de délicatesse dans l'accompagnement
d'une musique de ce gi^nre.
^,*;f Vienne. — Depuis que Mlle Désirée Artot a débuté ici dans le Bar-
bierc et la Figlia del Reggimenio, le succès de la jeune et célèbre cantatrice
n'a fait que s'accroître dans des progressions vraiment remarquables.
Pendant les fêtes de Noël, elle a chanté à la cour et y a produit une
telle sensation, que l'impéralrico lui a exprimé le désir de l'entendre
une seconde fois. Un second concert a eu lieu en effet le 3 janvier.
Mlle Artot a commencé le 29 décembre une seconde série de représen-
t^ions. La salle était comble et la jeune cantalFice continue à faire fu-
reur. Elle doit bientôt se faire entendre dans la Sonnambula. — Le
deuxième concert historique de Zellner a eu lieu à la salle de la
Société de musique : le programme était tout aussi riche et tout
aussi varié que celui de la première séance. Parmi les autres con-
certs, nous citerons celui de JIM. Laub et Jaell, et la deuxième
soirée de l'Académie de chant, où ont été exécutés des mor-
ceaux de J. S. Bach, de Lotti, Caldara, le Miserere d'Allegri, etc. — Les
représentations de la troupe italienne, sous la direction de Merelli,
doivent commencer au mois de février. Comme prima donna elle aura la cé-
lèbre Adelina Patti.
,^*.j, Florence, 31 décembre. — Des concerts populaires de musique
classique s'organisent dans cette ville à l'instar de ceux que Pasdeloup
donne à Paris. Dans le programme du premier de ces concerts, figure
l'ouverture en forme de marche composée par Meyerbeer pour l'inau-
guration de l'Exposition universelle de Londres.
^'".^Côrne. — Roberlo il DIavotoaétè accueilli avec enthousiasme ici. La
Ferrari (Alice), Majni (Beltramo) et Grazzi (Roberto), interprètent d'une
façon remarquable les principaux rôles du chef-d'œuvre de Meyerbeer.
,•■*„ Crémone. — L'opéra de Péri, Vittore Pisani, a été accueilli ici à
l'ouverture de la saison avec le même succès qu'il a obtenu sur la plu-
part des théâtres italiens.
^*^ Palerme. — Dix-huit représentations de Roberto il Diavolo ont été
données, et toujours la salle est comble.
^,*^, Madrid. — Zampa. d'IIerold, traduit en italien, a parfaitement
réussi à sa première représentation au théâtre de l'Oriente. Le ténor Bet-
tini a obtenu dans le rôle principal des bravos chaleureux et mérités.
**,j Saint-Pétersbourg. — Théolinde, un ballet nouveau pour notre pu-
blic et arrangé par Saint-Léon d'aprè.'ï le Lutin de la vallée, œuvre
chorégraphique représentée autrefois au théâtre Lyrique de Paris, vient
d'obtenir un brillant succès. La danseuse russe, Mlle Mouraview, au bé-
néfice de laquelle la première représentation avait été donnée au Grand-
Théâtre, y a surtout contribué; la musique en avait également sa part.
En fait de musique de danse, on applaudit beaucoup au théâtre Français
la valse de Strakosch la Gioja insolita. instrumentée par le chef d'or-
chestre Sylv. .Maugeant, et qu'on y exécute presque tous les soirs.
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REVUE
18 Janvier 1863.
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le Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
— ^\Aj uv\Ar lATiAA/^/^'
SOMMAIRE. — Théâtre impérial Italien: / Lombardi alla prima Crociata, mu-
sique de Verdi; Mlle Adelina Patti dans Don Pasquale, par Paul Smith.—
Requiem de Mozart à Notre-Dame, par Adolphe Botte. — Le Trésor des
pianistes (2° article), par Fétis père. — Chopin, par liouis Unault. - ■
Nouvelles et annonces.
THÉÂTRE IMPERIAL ITALIEN.
I liOlIBAnDI AULA PBIUA CBOCIAVA ,
Musique de Verdi.
{Première représentation le 10 janvier.)
Mlle Adelina Patti dans DO:v PASQUAIiE.
Le théâtre Italien a bien voulu nous offrir un des premiers opé-
ras de Verdi pour nos étrennes. C'est un don de pure grâce , dont
nous devons lui être fort obligés, car le besoin ne s'en faisait nul-
lement sentir. Qui songeait à ces Lombardi dont la première repré-
sentation, donnée à Milan, remonte au 11 février 1843? Pas plus le
public que l'auteur. Et ce dernier devait s'en occuper d'autant moins
qu'il en avait déjà tiré ce qu'il y avait de mieux pour nous en gra-
tifier dans Jérusalem, qui fut jouée à Paris le 26 novembre 18Z|7.
Verdi eut cela de commun avec Rossini , que lorsqu'il fut appelé à
se produire sur la scène française , il jugea convenable de ne rien
écrire d'absolument neuf, et se contenta de rhabiller à notre mode
un de ses ouvrages déjà connus en Italie. Rossini avait choisi son
Maometto pour en faire le Siège de Corinthe : Verdi pensa que ses
Lombardi pouvaient être transformés en Jérusalem. A notre avis, les
deux maîtres commirent une faute, et auraient mieux fait de s'y
prendre autrement. Ni le Siège de Corinthe, ni Jérusalem ne s'éta-
blirent solidement au répertoire: il est vrai que les Vêpres sicilien-
nes, que Verdi composa plus tard à notre intention expresse, n'eu-
rent pas un sort beaucoup meilleur, mais Guillaume Tell avait été
plus heureux, et l'on avait vu ce que pouvait un homme de génie,
bien résolu à une naturalisation complète.
Aujourd'hui que mûri par le temps, l'expérience, et, il faut le dire,
par ses éludes du goût français, Verdi a donné Rigoletlo et le
Trovatore, nous ne voyons plus dans les Lombardi qu'un spéci-
men de ses inspirations juvéniles, alors qu'il s'y abandonnait sans
frein et sans réserve. Il y a de tout dans le libretto] des Lom-
bardi : 'ji^%ûozi%yio\en\.es et féroces, assassinais, batailles, chants re-
ligieux, chants guerriers, conversion, baptême, vision, grande va-
riété de tableaux et de coups de théâtre. Verdi, que l'éclatant succès
de Nabuco venait de mettre hors de page, dut être heureux de se
jeter à travers une action si mouvementée, et d'écrire sa musique
à l'image du libretto. Le succès des Lombardi ne resta pas au-des-
sous de celui de Nabuco, et de ce moment commença le règne de
Verdi en Italie. Ktait-ce une raison plausible pour nous rendre un
opéra dont les beautés nous étaient connues, et dont les défauts sont
de nature à nous choquer plus que jamais? Le libretto des Lombardi
n'est peut-être pas plus absurde que celui du Trovatore, mais la mu-
sique est bien inférieure. Nous y avons retrouvé les morceaux sail-
lants qu'on avait transportés dans Jérusalem, notamment l'air de
basse-taille que chantait si bien Alizard ; l'air du ténor admirable-
ment dit par Duprez :
Je veux encore entendre
Sa voix, sa voix si tendre.
A ces morceaux il faut ajouter la brillante cavatine pour voix de
soprano : non fu sogno, ou, si vous l'aimez mieux en français :
quelle ivresse, bonheur su-préme! un fort beau trio, de brillantes fan-
fares, des chœurs pleins d'animation et de larges morceaux d'ensemble.
A dire l'exacte vérité, le public a écouté froidement toute
cette musique; il l'a trouvée plus vigoureuse, plus hardie que tou-
chante. L'exécution d'ailleurs ne la faisait nullement valoir : excepté
Naudin , qui a bien chanté le rôle d'Oronte , mais dont le costume
turc était parfaitement ridicule , les artistes n'avaient rien de ce que
l'on était en droit de leur demander. Tout le monde sait que le rôle
de Gisella fut un des triomphes de Mme Frezzolini ; mais il y a vingt
ans de cela , et le temps se permet sur les voix d'irréparables ou-
trages. Cependant, Mme Frezzolini n'a pas craint d'aborder ce même
rôle qui jadis lui valut tant de bravos et tant de gloire ! Singulière et
périlleuse coquetterie que de reprendre, au bout de vingt ans, la toilette
que l'on portait aux premiers jours de sa jeunesse! La voix de Bar-
tolini manque d'ampleur et ne suffit pas au personnage de Pagano :
comme Naudin, il a aussi beaucoup à se plaindre des maladresses du
costumier, qui, au moment où il quitte la robe de l'ermite pour en-
dosser l'uniforme du guerrier, l'a livré à un homérique accès d'hila-
rité générale.
llâtons-nous de laisser un ouvrage qui , selon toute apparence,
n'aura fait que passer, et venons-en bien vite à quelque chose de
plus agréable. Jeudi dernier, Mlle Adelina Patti s'est essayée dans
Don Pasquale: elle s'est montrée à nous dans ce charmant rôle de
Norina, dans lequel tant d'autres ont réussi avant elle, et Dieu nous
garde d'oublier, de diminuer le talent de toutes ces autres depuis la
18
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
première jusqu'à la dernière, depuis Mlle Julia Grisi, qui a créé le
rôle chez nous jusqu'à Mlle Marie Battu, qui l'a rempli avec tant de
mérites et d'éloges ! Si vous nous demandez comment Mlle Patti s'en
est acquittée à son tour, permettez-nous de vous répondre comme
Don Pasquale lui-même répond au docteur Malatesta dans la scène où
ce dernier lui présente sa prétendue sœur : — Chêne dite? lui demande
le docteur; elle bonhomme répond tout simplement: -—È un incantol
(C'est un charme!) Eh bien! précisément, voilà ce que nous pensons
du jeu et du talent de Mlle Patti dans le rôle de Norina : c'est un
charme! Après cela discutez, critiquez tant que vous voudrez. Nous
nous en tiendrons toujours à ceci : c'est un charme, et quaijd le charme
y est, il défie tous les arguments, il bat en brèche toute la science.
Le fait est que cette jeune fille, un peu jeune peut-être ( et c'est
son unique défaut) pour jouer un rôln de veuve, n'avait jamais été
plus heureuse ni plus habile que dans ce rôle de Norina, si fertile en
malices et en espiègleries. Jamais ce petit être, fin et délié comme
un sylphe, aux yeux si brillants, au sourire si expressif, n'avait
trouvé une meilleure occasion de manifester sa gracieuse tyrannie,
ses terribles et amusants caprices. C'est qu'aussi jamais artiste n'a
réuni au même degré que Mlle Patti le sentiment dramatique et mu-
sical, et c'est ce qui lui donne ce charme dont nous parlions tout à
l'heure, ce charme si rare sur tous nos théâtres, plus rare encore
au théâtre Italien. Le temps nous manque pour la suivre dans toutes
les scènes de la pièce ; disons seulement qu'elle a été applaudie,
rappelée comme elle méritait de l'être, et que dans la salle entière il y
avait unanimité pour rendre justice à l'excellence de sa voix, à la
franchise de son inspiration, au prestige de toute sa personne.
Paul SMITH.
REQUIEM DE MOZART Â NOTRE-DAME.
Le 9 de ce mois, le lendemain des obsèques de Son Eminence le
cardinal Morlot, dont l'éloge était dans toutes les bouches, le souvenir
dans toutes les mémoires (souvenir qui assombrissait encore singuliè-
rement cette cérémonie funèbre), a eu lieu à Notre-Dame la translation
des restes de tous les prélats qui ont précédé Mgr Morlot sur le
siège archiépiscopal de Paris, et que lui-même, on l'a remarqué avec
tristesse, devait, contre toute attente, précéder dans le nouveau caveau.
Restaurée et embellie de très-remarquables vitraux , notre vieille
cathédrale était envahie de bonne heure par une foule nombreuse
qui a religieusement écouté le chef-d'œuvre par lequel Mozart termi-
nait à trente-six ans à peine cette merveilleuse carrière qui, aujourd'hui
encore , frappe l'imagination d'étonnement, et laisse dans toute âme
artiste une inaltérable admiration. Selon les uns , Mozart laissa cet
ouvrage inachevé, selon les autres il le termina. Quoi qu'il en soit, et
quoique la mort , jalouse de tant de jeunesse et de tant de gloire,
glaçât ses dernières pensées et épouvantât ses dernières méditations,
il y mit néanmoins assez de son cœur, et, avec lui, on peut dire sans
crainte — dût- on faire sourire tous les hégéhens d'Allemagne et de
France, — assez de sa foi pour lui donner la vie, la force, la beauté
et la majesté.
Nos habitudes, les progrès de l'instrumentation moderne , progrès
que d'ailleurs, comme tant d'autres progrès, nous payons parfois assez
cher pour n'en être que médiocrement fiers, l'abus des nouvelles ri-
chesses harmoniques nous éloignent chaque jour davantage delà clarté,
de la concision, de la vigueur noble, de l'exquise sobriété telles que
Haydn et Mozart les avaient comprises, voulues, réalisées et données
à l'art immortel de leur temps : aussi les amateurs du bruit, de l'exa-
gération , de l'enflure , de l'effet matériel et brutal, trouvent-ils ce
Requiem bien calme , bien tranquille et bien serein. Certes, Mozart a
compris et traduit le magnifique poëme du Dies irœ tout autrement
que Dante et Michel-Ange ( les deux seuls génies qu'on puisse lui
opposer); certes le désespoir, l'imprécation, l'épouvante, la fureur,
la rage, en passant par son imagination, se fondent vite en soupirs, en
prières , en larmes , en espérances ; mais il n'en atteint pas moins
au terrible quand il le veut et quand il le faut. Il frappe peut-être
moins fort que d'autres, mais il frappe plus juste et émeut plus profon-
dément. Quand il puise dans l'harmonie dissonante, il choisit l'accord
qui convient le mieux à la situation, qui rend le plus complètement
sa pensée , et sa mélodie , moins surchargée qu'on ne la surcharge
généralement aujourd'hui , n'en est que plus forte , plus lumineuse,
plus expressive, plus touchante et plus vraie. Pour nous en tenir au
seul point de vue de la sonorité, croiton que la strophe Tuba mirum,
si belle, si mélodique et accompagnée d'une si adorable façon, eût
beaucoup gagné à ce que Mozart eût augmenté dans une propor-
tion considérable le nombre des instruments? Quand la pensée
est fraîche, vivante et- colorée, elle aime à s'épanouir librement, elle
aime à se montrer, et tout le faux luxe dont on l'entoure n'est souvent,
quoi qu'on en dise , qu'un signe d'impuissance et de décadence. En
musique , amas d'harmonies , mauvaise mélodie ; abus de sonorité,
fausse éloquence: aussi, en écoutant les œuvres de Mozart, pense-t-
on, malgré soi, aux grands écrivains du xvn° siècle ; c'est, en effet, la
même mesure, la même fermeté, la même élévation, la même pureté.
Dans le Requiem l'orchestre est splendide et plein de variété,
mais sa splendeur n'a. Dieu merci, rien d'étourdissant. Les voix,
parfaitement distribuées, gardent toujours le premier rang, et ne con-
tribuent pas peu à donner à la composition un caractère éminem-
ment religieux et chrétien. Que dirons-nous de tous les morceaux en
particulier qui n'ait été dit avant nous ? Que pourrions-nous appren-
dre de nouveau à tous ceux qui s'occupent sérieusement de musique
saine sur la partition souvent sublime de Mozart ? Rien ou du moins
fort peu de chose. Nous nous contenterons donc de rappeler le plus
brièvement possible les inspirations élevées, les expressions variées,
les caractères divers répandus par le maître dans ce magnifique poëme
où se pressent harmonieusement tous les sentiments humains, foutes
les craintes et toutes les espérances que donne la pensée de cette
dernière heure, qui sera suivie du terrible et formidable jugement.
Dès le début, la mélodie sévère, calme, [et pourtant noyée de dou-
leur, monte par imitations et éclate bientôt après dans les quatre par-
ties vocales, accompagnées tristement par des syncopes qui peignent
admirablement l'abattement et le sanglot contenu. La fugue du Kyrie,
qui rappelle la grande manière d'Haendel , est justement célèbre, et
l'une des plus belles et des plus savantes conceptions qu'on puisse en-
tendre. Malheureusement, elle a été dite beaucoup trop lentement.
Le Dies irœ est admirablement"*traité. Que de grandeur dans le
beau ch^wv ÔlQ Rex tremendœ majestatis, quelles formidables basses,
quels beaux accords, quels dessins pompeux, quels dialogues jaillis-
sent de l'orchestre, et comme ils ébranlent invinciblement quiconque
est seulement sensible aux beautés purement musicales ! Quant à tous
ceux que leurs souvenirs personnels oppressaient, ils ont été vive-
ment et visiblement impressionnés par les autres strophes , par le
Recordare, quatuor solo dont on oublie les heureux détails pour s'a-
bandonner tout entier à la tendresse, à l'humilité, à la douceur sereine
et confiante qu'il exhale; par le Confutatis, où le désespoir, le re-
pentir et la prière, tous les mouvements de l'âme enfin luttent d'é-
nergie, et où tout est pathétique et sublime. Au Lacrymosa, Mozart,
ou celui qui a si bien su compléter son œuvre, est rentré pleinement
dans l'accent plaintif et fervent. Les masses vocales éclatent en gé-
missements, et il nous serait bien difficile, pour ne pas dire impos-
sible, d'expliquer en peu de mots comment l'orchestre , par une
simple figure qui se poursuit jusqu'à la fin du morceau, soutient si
merveilleusement celte ravissante mélodie.
Tout dans cette messe impressionne, élève l'âme et plaît univer-
DE PARIS.
19
sellement; mais aussi quel musicien a jamais pleuré, supplié dans un
langage plus déchirant, plus harmonieux ? Quel musicien a jamais su
si bien cacher l'art sous la grandeur et la sincérité de rémolion ?
Signalons encore le Domine Jesu , prière pleine d'émotion ,
de caractère , pleine du sentiment religieux le plus élevé , et
dont l'orchestration, comme l'harmonie, comme la disposition, l'or-
donnance des voix et des instruments , est bien faite pour rendre
moins orgueilleuse et surtout moins oublieuse la musique moderne ;
le beau chœur Hostias, superbe larghetto qui précède le Scmctus,où
un passage fugué très-serré, très-riche, mais très- vocal et très-
tonal amène le Benedictus et forme avec lui un délicieux contraste.
Là, l'auteur revient encore une fois à des couleurs moins sombres; il
est tranquille, recueilli, résigné, et termine son œuvre par un Agnus
Dei que couronne la reprise de la fugue du Kyrie.
Si tout dans ce Requiem n'est pas d'une égale beauté, si l'on y
trouve quelques négligences, quelques répétitions inutiles; si, dans
quelques parties, on peut aisément remarquer quelques faiblesses de
style, les principaux morceaux n'en attestent pas moins la main du
génie ; du génie défaillant si l'on veut, mais non épuisé.
Grâce à l'Association des artistes musiciens, on a pu entendre
cette œuvre colossale. C'est déjà beaucoup, mais ce n'est pas assez.
Dans une ville comme Paris, oîi les éléments ne manquent pas, il
est facile de rendre complètement les grandes conceptions, de les
faire admirer dans tout leur éclat, de les restituer avec tout le soin,
toute la conscience et tout le respect qu'elles méritent. Nous avons
regret de le dire, il n'en a pas été tout à fait ainsi l'autre jour :
d'abord les basses et les ténors n'étaient pas assez nombreux; puis,
dans Us mouvements vifs et rapides, une mollesse fâcheuse a
nui à l'effet général. Les altérations de mouvement, plus mau-
vaises encore que le manque de nuances, car elles dénaturent la
pensée du compositeur, ont été aussi beaucoup trop fréquentes pen-
dant toute l'exécution. Les honneurs de la partie vocale ont été, non
pour les solistes, mais pour les enfants, dont les voix étaient fraîches,
justes, et qui ont attaqué avec franchise, netteté et ensemble. On n'a
que des éloges à adresser à l'orchestre que dirigeait M. Tilmant,
.avec le talent et le zèle dont il a donné tant de preuves.
Adolphe BOTTE.
LE TRÉSOR DES PIANISTES,
Publié par M. A. Farrenc (3« livraison).
(2" article) (1).
Poursuivant sa belle et noble entreprise avec cette ardeur et cette
conviction sincère sans lesquelles on ne fait rien de sérieux, rien
qui ait des conditions d'avenir, M. Aristide Farrenc ne se laisse point
ébranler par les obstacles inséparables d'une publication telle que le
Trésor des pianistes. 11 a aussi le bon esprit de ne pas tenir compte
de la critique frivole, intéressée ou dénigrante. 11 apprécie son tra-
vail à sa juste valeur, et sait que sa collection d'œuvres des plus cé-
lèbres clavecinistes et pianistes de tous les temps, réunie pénible-
ment et à grands frais, collationnée avec soin sur les éditions origi-
nales, purgée de toutes les fautes des copistes et des graveurs, enfm
publiée avec une perfection de gravure, d'impression et un choix de
papier inusités en France, est un service d'autant plus considérable
rendu aux vrais artistes et amateurs, que la plupart de ces monu-
ments de l'art sont aujourd'hui à peu près introuvables.
La troisième livraison du Trésor des pianistes ne cède pas aux
deux premières en intérêt ; elle renferme douze sonates du célèbre
(1 ) Voir le ii" 47 de l'annùe 1802.
Père J.-B. Martini, le premier livre des pièces de François Couperin,
surnommé le Grand, et quatre œuvres élégantes de Hummel, à sa-
voir : Chanson hollandaise, variée, œuvre 21 ; marche de Cendril-
lon, variée, œuvre ZiO ; gavotte à'Armide, variée, œuvre b1, et la
Belle Marie ^ chanson variée, œuvre 75.
Les sonates de Martini, publiées pour la première fois à Amster-
dam en 17/|2, eurent peu de retentissement d'abord, à cause des dif-
ficultés du mécanisme qu'elles offrent presque à chaque page ; mais
les éloges qu'en firent plus tard quelques artistes de premier ordre,
au nombre desquels étaient Charles -Philippe -Emmanuel Bach et
Mozart, fixèrent l'attention des connaisseurs sur ce bel ouvrage si
peu connu aujourd'hui. Cherubini n'en parlait qu'avec admiration, et
Clementi, qui m'en fit entendre quelques-unes autrefois avec la per-
fection irréprochable de son talent, avait une si grande estime pour
cette œuvre du savant maître de Bologne, qu'il a reproduit ces sonates
dans les deuxième et quatrième volumes de son recueil, intitulé: Prac-
tical Harmomj, mais en les traitant en ami avec qui l'on ne se gène
pas; car, non -seulement il ne les a pas laissées dans l'ordre où elles
ont été publiées originairement, mais il a transporté des morceaux
d'une sonate dans une autre; de la septième sonate il en a fait deux,
et a transpo.sé le Menuet de la neuvième. Ce n'est pas ainsi qu'en
use le consciencieux M. Farrenc avec la musique pour laquelle il se
sent de l'affection ; reproduire avec fidélité l'ouvrage tel qu'il est
dans l'édition originale, moins quelques fautes qui s'y sont glissées,
est ce qu'il a voulu et ce qu'il a fait. A l'égard des fautes, deux seu-
lement présentaient des difficultés, à cause d'une mesure étrangère
à la tonalité dans un endroit, et de l'oubli fait par le copiste ou le
graveur d'une mesure dans un autre passage : M. Farrenc a adopté
pour ctia les corrections de Clementi, qui sont en effet ce qu'on pou-
vait faire de mieux.
Ainsi que je l'ai dit ailleurs, il ne faut pas chercher avant Charles-
Philippe-Emmanuel Bach les formes et le caractère de la sonate
moderne : chez Martini, comme chez ses prédécesseurs, la sonate
est composée d'un prélude, d'une fugue, d'un adagio, d'un morceau
dans le- caractère d'une des danses du temps, gigue, courante, ga-
votte, etc., et se termine par un aria varié en intreccio armonico ; en-
fin, tous les morceaux d'une sonate sont dans le même ton. La mo-
notonie, jeu de mots à part, n'est pas aussi sensible, dans l'œuvre de
Martini, qu'on peut le croire d'après ce système; car. bien que le ton
reste le même depuis le commencement jusqu'à la fia de la sonate,
la diversité de caractère des morceaux dont elle se compose fait ou-
bher l'uniformité du ton. La mélodie a du charme, souvent de la
naïveté dans l'œuvre de Martini, ce qui n'est pas un petit mérite
chez un si savant harmoniste. Ses fugues sont excellentes, mais fort
difficiles : tel qui joue bien les fugues de Haendel, et même de Jean-
Sébastien Bach, peut éprouver des difficultés à bien dire celles de
Martini. Les gigues, courantes, gavottes, sarabandes, ballets, etc.,
ont de la grâce, les adagios ont un grand et noble caractère, et les
arie ont une naïveté charmante. Dans les sonates /j, 5, 6, Varia va-
rié ou le mouvement de danse sont remplacés par un allegro qui
appartient à l'ancien genre de pièces appelé ricercare. Celui de la
cinquième sonate (en sol mineur) est plein de feu et d'entrain. Au
résumé, les sonates d'intavolatvra de Martini appartiennent aux com-
positions de l'ordre le plus élevé.
Il ne faut pas chercher dans les pièces de Couperin le grand style
de sonates de Martini : ici, c'est tantôt l'élégance coquette, tantôt la
naïveté touchante, et parfois le brio des doigts agiles; mais le goût
français de l'époque où vécut l'artiste n'avait pas de rapport avec les
larges proportions de la musique de Haendel, de Jean-Sébastien Bach,
et ne seplaisait pas aux savantes combinaisons d'harmonie. Les titres
seuls de la plupart des pièces de Couperin suffisent pour faire com-
prendre la différence des voies où l'art est engagé en Allemagne, en
20
REVUE ET GAZETTE MUSICALK
Italie et chez les Français d'alors. On sait que chez ceux-ci les habi-
tudes sont quelque peu bourgeoises. Ainsi les Sylvains, les Abeilles,
l'Enchanteresse, sont des rondeaux; la Bourbonnaise est une gavotte;
la Laborieuse, une allemande ; et la Prude, une sarabande. Quelques-
uns de ces titres sont caractéristiques du genre des pièces, par exem-
ple : la Voluptueuse, les Papillons, la Lutine, les Idées heureuses l
Heureux qui peut donner ce dernier titre à sa musique ! Douperin
avait ce droit, car au sein des petites proportions dans lesquelles il
est contraint d'enfermer son génie, il trouve le secret d'être grand
par le sentiment.
Au xvF siècle , la profusion des ornements se trouvait partout
dans la musique instrumentale; la création du drame en musique la
fit disparaître au xvii« siècle de l'Italie, et bientôt après de l'Al-
lemagne ; mais en France, cette profusion de groupes, de trilles,
à'apogialures, déports de voix, de brisés, de flattés, etc., n'était
pas seulement maintenue par Vépinette, le clavecin et autres instru-
ments dont les sons ne pouvaient être soutenus et chantants, car le
chant même en était surchargé. Couperin, qui écrivit ses quatre li-
vres de pièces pour des instruments mécaniques à cordes pincées,
tels que ceux appelés clavecin et épinette, et qui n'aurait pu faire
aimer à ses compatriotes les riches combinaisons harmoniques des
ricercari et des fugues en usage chez les Italiens et les Allemands, et,
d'ailleurs, entraîné par son éducation musicale et ses habitudes, a
fait aussi un usage, qu'on trouve aujourd'hui excessif, de tous les orne-
ments dont il vient d'être parlé ; mais ces mêmes ornements ont été
conçus en même temps que les idées auxquelles ils sont ajoutés
et en font partie intégrante. L'exécution des charmantes pièces de
Couperin perdrait une grande partie de son charme si l'on en ôtait
ces broderies qui sont leur parure. C'est ce qu'a très-bien compris
M. Farrenc, et c'est pour cela qu'il a donné avec tant de soin l'expli-
cation des divers systèmes de signes de ces ornements, dans un tra-
vail spécial qni fait partie de la première livraison du Trésor des
Il y a le génie des petites choses comme celui des grandes. Fran-
çois Couperin eut le premier des deux. Dans chacun de ses petits
cadres il sait placer des choses gracieuses, tendres, naïves, élégantes :
il a pour lui le charme, qualité suprême pour qui n'a pas la hauteur
de pensée qui émotionne et fait le sentiment de la grandeur ou de
la passion. L'art est si vaste que son domaine embrasse tout. Heureux
l'artiste qui peut y trouver une place en toute propriété, si petite
qu'elle soit. Couperin y a la sienne et la conservera.
Les quatre thèmes variés de Humme! qui complètent le volume de
la troisième livraison du Trésor des •pianistes, ont les qualités qui dis-
tinguent les productions de cet artiste célèbre, c'est-à-dire la clarté,
l'intérêt de la forme, le brillant, la variété et le mérite d'une harmo-
nie écrite avec une grande pureté. Mieux que la plupart des pianistes-
compositeurs, Humrael a l'art de tirer de son sujet des motifs de varia-
tions inattendus et piquants.
Patient dans ses recherches, habile à discuter la valeur des docu-
ments qu'il a consultés, M. Farrenc se recommande par une exacti-
tude scrupuleuse dans les notices biographiques des compositeurs
dont il publie les œuvres dans sa belle et précieuse collection : pour
ma part, je lui dois beaucoup de renseignements dont j'ai fait usage
dans la nouvelle édition de la Biographie universelle des miisiciens.
M. Farrenc n'imite pas la plupart des biographes qui se copient tour
à tour et propagent des erreurs que le temps finit par consacrer : il
va droit aux sources, lit les préfaces, les épîtres dédicatoires des au-
teurs eux-mêmes pour recueillir les faits authentiques, et des choses
nouvelles qu'il découvre, il use avec discernement et discrétion.
Ses notices des deuxième et troisième livraisons du Trésor des pianis-
tes sur Kuhnau, Purcell, Dominique Scarlatti, Hummel, le P. Mar-
tini el François Couperin, se recommandent par ces qualités fonda-
mentales, et sont d'ailleurs du style simple et clair qui convient à ce
genre de travail.
FÉTIS père.
CHOPIN
H)
Il y a toute une langue dans la musique : la musique est souvent
l'histoire d'une nation, écrite avec des notes ; c'est son âme harmo-
nieuse qui se transmet en chantant! Pour mon compte, j'ai toujours
recherché avec une curiosité avide la musique primitive des nations.
Ceux qui aiment la mélodie simple et naïve des anciens temps,
écoutent avec délices ces vieilles Polonaises, qui ne sont pas signées,
mais qui portent pour épigraphe et pour titre un nom de héros.
Tantôt elles ont des tendresses humbles et résignées, et tantôt des
expansions de tristesse dont l'intimité ne se retrouve que dans ces
races du Nord, à qui Dieu a fait le don charmant et fatal de la mé-
lancolie... Plus tard le rhythme s'amollit, la modulation apparaît, et
l'amour troublé soupire dans des chants expressifs ; plus tard encore,
la mélodie se dessine ; elle s'épanouit en gerbes brillantes, comme ces
bouquets de Bengale qui fleurissent la dernière minute d'un feu
d'artifice.
C'était le temps où s'épanouissait aussi dans sa gloire la royale
Pologne !
Chopin, venu après la défaite, à l'heure oii l'on pleurait, trouva
des notes plus émouvantes et des accents plus déchirants; il y eut
en lui comme deux voix qui se répondaient dans un chœur sublime :
l'une disait la gloire, et l'autre la douleur de sa patrie. Parfois le
motif principal, sombre et sinistre, s'interrompt pour faire place à
quelque scène douce et riante, pastorale comme une idylle. C'est ainsi
que le vieux Rhin allemand entr'ouvre parfois ses rives de granit
pour laisser plonger le regard dans la fraîche oasis de ses vallées.
On dit que le talent est de tous les pays : je le veux bien ; mais
il faut que l'on m'accorde qu'il a toujours une patrie. Aussi ai-je dit
que le talent de Chopin était polonais. Ses œuvres, comme sa vie,
restèrent donc fidèles aux souvenirs de sa première jeunesse, passée
tout entière dans l'intimité de cette société polonaise, qui charmait
l'Europe par son élégance, et l'éblouissait de son éclat. C'est là
qu'il vit dans ces réunions, « qu'on eût pu dire une assemblée de
fées, I' comment coulent les pleurs furtifs des jeunes filles éprises,
des jeunes femmes négligées ; c'est là qu'il put apprendre, comme dit
Liszt, si familier lui-même avec le génie des peuples du Nord, « de
quel mélange de levain et de pâte- de rose, de salpêtre et de larmes
angéliques est pétri l'idéal poétique de sa nation, »
On le comprend sans peine : l'homme qui a vécu auprès de ces
créatures presque parfaites, s'il avait en lui cette sensibilité d'orga-
nisation qui permet de saisir les nuances subtiles et délicates qui font
la femme, a dû s'imprégner aussi des sentiments qui sont la vie de
la femme, et répandre dans ses œuvres « comme une vapeur amou-
reuse. »
Chopin a eu le rare bonheur d'être cet homme. Chopin traduit les
Polonaises. Les Polonaises expliquent Chopin.
Chaque artiste vraiment digne de ce nom , qu'il le sache ou qu'il
l'ignore, qu'il s'en rende compte avec la netteté de l'analyse ou qu'il
(1) L'un des privilèges attacliés à la personne et au talent de ce célèbre ar-
tiste, c'est d'inspirer des pages admirables ou charmantes à nos meilleurs écri-
vains. De ce nombre est M. Louis Enault, le romancier fécond, au style élégant,
passionné, qui a si bien résumé en un petit volume le caractère et le génie du
grand compositeur pianiste. Nos lecteurs pourront en juger par le spécimen que
nous nous plaisons à qiettre sous leurs yeux.
DK PAKIS,
en ait seulement le sentiment confus, se forme de son art une théorie
à laquelle il rapporte tous ses efforts et toutes ses tentatives.
Pour Chopin, la musique était destinée à évoquer les passions, à
les rendre sensibles, à en communiquer les frémissements : il éta-
blissait comme un magnétismH invisible entre l'âme de ses auditeurs
et les vibrations sonores de l'instrument. Chopin, pour nous servir
d'un mot de l'ancienne école, fut un artiste pathétique. Cette passion
ne prit pas d'abord la foule, parce qu'elle se manifesta par des
formes et dans des modes encore inusités ; et, il faut bien le dire,
en musique, ce qui sort de la convention traditionnelle a besoin de
l'aide du temps; il faut le temps et l'accoutumance pour saisir le
sens et comprendre la portée des symboles nouveaux. Si Rossini voit
sa gloire vivante, s'il contemple, du haut de son piédestal, la posté-
rité qui passe devant lui, par combien de chefs-d'œuvre a-t-il dû
vaincre la sourde ignorance de ce siècle ! La postérité fera plus pour
Chopin que les contemporains, parce qu'elle l'appréciera mieux.
Maintenant déjà quelques-uns lui ont rendu cette justice de s'être
voué uniquement au culte du beau, sans se laisser égarer par cette
préoccupation du succès présent, qui a perdu tant de hautes intelli-
gences. 11 ne voulut pas disséminer son inspiration dans le fracas de
l'orchestre : il la concentra dans la sonorité modérée du piano ; mais
il transporta sur le clavier d'ivoire les divers effets des instruments
qu'il n'employait pas ; il faisait du piano un orchestre restreint, mais
idéalisé. Chez Chopin l'expression est toujours neuve, et la contexture
harmonique, originale et savante, conserve une irréprochable distinc-
tion; son originalité n'était pas bizarre, et il gardait sa pureté dans
l'exubérance même de ses développements. On a exprimé ces idées
par une image architecturale des plus vraies, en disant que chez lui
« le luxe de l'ornementation ne surcharge jamais l'élégance des
lignes. »
Il en est, du reste, de ses compositions musicales comme de son
caractère : elles voilent la profondeur sous la grâce.
C'est le sentiment qui fait sa force, et au milieu de ses surexcita-
tions maladives, il donne au sentiment une intensité d'expression rare.
Mais son inspiration est impérieuse, et sa grâce n'est pas apprise ;
elle est exempte surtout de la manière, qui est à l'art ce que la pré-
tention est à la vie. Cette inspiration a toujours des allures un peu
sauvages. Aussi Chopin mesure sa mélodie sur un rhythme énergique
et nerveux, qui tout d'abord vous saisit et vous frappe , mais qu'i|
est toujours difficile d'exprimer après lui. Il y a chez Chopin, comme
chez tous les rois du caprice, je ne sais quoi d'inattendu qui vous
étonne à chaque instant.
C'est qu'il se tient constamment sur cette insaisissable limite de
deux mondes qui sépare le fantastique du réel ; c'est un talent fait
d'ombre et de lumière, de rêve et de passion; il part du palpable
pour arriver à l'immatériel; il idéalise ses conceptions jusqu'à rendre
leurs fibres si ténues qu'elles ne paraissent plus appartenir à notre
nature, mais se rapprocher du monde des féeries pour nous dévoiler
les indiscrètes confidences des Péris, des Titanias, des Ariels, des
reines Mabs, et de tous ces génies dos airs, des eaux et des flammes,
dont l'invisible poitrine palpite cependant des mêmes passions que la
nôtre.
C'est dans ses valses, ses mazurkes, et surtout ses ballades, que
Chopin a donné plus librement carrière à l'élément fantaisiste. Ce
sont les mêmes sentiments, dont l'expression varie ; c'est la tragédie
du cœur humain avec des sylphes pour acteurs. Il y a tour à tour
dans ses compositions, comme dans la vraie vie, des gaietés spiri-
tuelles et narquoises,- — mais, comme chez toutes les natures vrai-
ment distinguées, cette gaieté est toujours empreinte d'atlicisme et
n'attaque que les touches supérieures de l'esprit; — il y a les san-
glots étouffés des douleurs poignantes ; il y a ces désespoirs inconso-
lables, qu'on appellerait mieux des désespéraiaces ; il y a aussi les
impatiences joyeuses des jeunes passions, qui ne savent encore de
la vie que le bonheur et le désir !
El comme, après tout, c'est toujours notre cœur et notre àme que
l'on retrouve au fond de nos œuvres, Chopin avoua plus d'une fois,
dans les épanchements de l'intimité, qu'il ne s'affranchissait jamais,
quels que fussent d'ailleurs ses égayements passagers, d'un mélanco-
lique attristement, qui formait « comme le sol de son cœur. » Aussi
les fleurs qu'il faisait éclore avaient le charme rapide et le parfum
trop fugitif de ces pâles fleurs des automnes du Nord, nées à l'ombre
des sapins, et qui ne vivent qu'un jour!
Une de ses compatriotes exprimait, avec autant de justesse que
d'élégance, l'impression que produisent sur les organisations vraiment
artistes les sentiments de cette nature étrange , que Chopin recèle
sous l'étincelante ciselure de ses compositions : « Ce sont, disait-elle,
des cendres inconnues renfermées dans des urnes superbes 1 »
Chopin, dans ses bons jours, fît de vrais miracles d'exécution ; il
donna à son jeu toute la passion orageuse, et pourtant contenue, de
son âme. Le clavier, ce clavier insensible, recevait sous ses doigts
je ne sais quel frémissement ému , et , comme disait Liszt , « une
trépidation par laquelle il faisait onduler la mélodie comme un es-
quif sur le sein de la vague puissante. » C'était une sorte de rhylhm.e
dérobé, entrecoupé; une mesure souple, abruifte et languissante à
la fois, vacillante comme la flamme sous un souffle.
Il eut sa prosodie: il avait déjà sa langue!
Louis ENAULT.
CORRESPONDANCE.
A M. le Directeur de la Revde et Gazette musicale.
Paris, le 10 janvier 1863.
Monsieur,
J'aurais eu plus d'une fois l'occasion de relever quelques erreurs et
omissions préjudiciables à mes intérêts, qui se sont glissées dans votre
journal, «nais j'ai cru devoir attendre le moment où justice entière
pourrait m'être rendue.
Cependant permettez-moi de vous signaler les lignes par lesquelles
votre numéro du 28 décembre dernier, attribue à un autre que moi, la
création d'une nouvelle famille de trompes de chasse, tandis que c'est
bien moi qui ai réellement créé une famille de ces instruments pour
l'Exposition de Londres, où ces trompes ont été soumises à l'exameu
du jury international. Cela résulte positivement d'un article publié par
le Moniteur de l' Eleveur, a la date du 30 août 'I86"2. On y lit notamment
ce passage assez significatif : « Ces trompes nouvelles «raduées en fa-
» MILLE et dues à M. Alphonse Sax junior, réalisent un véritable progrès.»
Ce même article a été reproduit par la Presse tliéâtrale, la Revue et Ga-
zette des tiiéâtres, la France chorale, VEurope artiste et le Sport.
J'espère, monsieur le directeur, que vous voudrez bien accueillir
ma réclamation, que je vous adresse d'ailleurs sous toutes réserves.
Agréez, etc.,
Alphonse SAX.
lOUVELLES.
,f*^ Au théâtre impérial de l'Opéra on a représenté la semaine passée
Robert le Diable, le Trouvère, la Favorite et l Etoile de Messitie. Ce char-
mant ballet, dont la vogue est loin d'être épuisée, était accompagné
mercredi de la Vivandière et du Marché des Innocents. Les amateurs de
la danse ont donc eu bonne mesure.
*** La première représentation de la reprise de la Muette de Portici
doit avoir lieu demain lundi.
/^ Il est question de monter VArmide de Gluck.
„*,t La direction de l'Opéra-Comique vient d'adopter un nouveau sys-
tème d'éclairage qui, sans supprimer le lustre ni la rampe, permet l'ap-
phcation des réflecteurs introduits dans les nouveaux théâtres.
22
REVLE ET GAZETTE MUSICALE
*** On a lu jeudi, au théâtre de l'Opéra-Comique, l'ouvrage nouveau de
M. Auber, la Fiancée du roi f/p Sark-, dont les paroles sont de MM. Scribe et
de Saint-Georges. La pièce est en trois actes et six tableaux; elle aura pour
interprètes Léon Acliard, Sainte-Foy, Barrielle, PriUeux, Nathan, Da-
voust, Mlles Cico, Bélia et Balbi. La Fiancée du roi de Garbe passera
avant l'opéra de 11,\1. Sardou, Daclin et Vaucorbeil, Bataille d'Amour,
dont on s'occupe en même temps que de la Déesse et le Berger et de la
Nuit des Dupes, de Flotow. Dans ce dernier ouvrage Sainte-Foy remplira
le rôle destiné d'abord à Couderc.
**„ Pendant les vingt représentations que Mlle Patti a données au
théâtre Italien, bien qu'elle ne s'y soit fait entendre que dans trois ou.
vrages, la salle a été constamment comble, et Leurs Majestés Impériales
ont plusieurs fois honoré le spectacle de leur présence. Dimanche der-
nier, S. M. l'Impératrice a encore daigné applaudir la jeune artiste, qui
chantait la Sonnambula. Jeudi, Mlle Patti a joué pour la première fois
dans Don Pasquale.
*** La Scrva padrona, que doivent chanter Mme Peuco et Zucchini,
se répète en même temps que Stradclla. Dans leBallo in maschera, qu'on
reprendra incessamment, Mlle Marie Battu cliantera le rôle du page,
qu'elle avait créé avec tant de talent et de succès à Paris.
»** La première représentation dj Stradclla aura lieu au commence-
ment de février, et proba.blement en même temps que celle de l'opéra-
comique de Jl. A. Flotow, la Nuit des dupes.
»*» Le théâtre Italien représentera pendant la saison prochaine un
opéra de Vincent Wallace, dont le rôle principal sera chanté probable-
ment par Adelina Patti.
»** Au théâtre Lyrique, on vient de mettre en répétition un opéra
dont les paroles sont imitées de la pièce de Shakspeare : Peines d'amour
jKrdues, et auxquelles la musique de Cosi fan tutte a été adaptée.
Mme Cabel. Faure-Lefebvre et Girard, Battallle, Cabel et 'Wartel inter-
préteront cette œuvre.
*** M. Carvalho a engagé un ténor léger, M. Trillet, qui a chanté
avec succès à Lyon.
t*,fc Aux Bouffes-Parisiens on annonce les dernières représentations
à'Orphée aux enfers, qui seront suivies de la première représentation de
Bnmrd et bavarde, de Nuitter et Offenbach, avec Mme Ugalde dans le
principal rôle; de Job et son chien, un acte dont la musique est d'Emile
Jonas, et de Madame Pygmalion, opérette de F. Barbier.
*** Les recettes des théâtres, concerts et autres établissements soumis
à la perception des droits de^i indigents, ont été pendant le mois passé
de 1,743,075 francs. Pendant l'année 18t32 ces recettes ont atteint le
chiffre de 17,400,651 francs, et ont dépassé d'environ 800,000 francs
celles de l'année précédente.
**„ Par suite d'un arrangement intervenu entre la direction du
théâtre du Liceo de Barcelone et Mme Czillag, cette dernière, qui était
à la veille de résilier son engagement, est revenue sur sa décision et
chantera le rôle de Fidès dans le Prophète, dont la représentation dans
cette ville s'annonce sous de meilleurs auspices. Nous recevons à ce
sujet une lettre de M. Verger, directeur du théâtre du Liceo ; dans
l'impossibilité de la publier in extenso, nous nous bornons à donner
acte à cet imprésario des efforts qu'il a faits pour mettre fin au dis-
sentiment qui s'était élevé entre son administration et Mme Czillag.
,i,*,s Mme Pleyel est à Paris. La grande artiste vient de se faire en-
tendre à Valenciennes avec un éclatant succès.
,s*„, M. Dumont, le célèbre professeur de flûte du Conservatoire de
Bruxelles, se trouve depuis quelques jours à Paris et va donner un
concert, pour lequel Mme Pleyel lui a prorais son précieux concours.
,»*,), Mlle Cordier, la jeune cantatrice française, est toujours en Amé-
rique, où elle obtient les plus brillants succès. C'estelle qui a, non pas
repris, mais créé à New-York le rôle de Dinorah, qu'elle a joué depuis
à Philadelphie. La foule ne cesse de se porter aux représentations du
chef-d'œuvre. IMlle Cordier n'a pas moins réussi dans le rôle d'Elvire,
des Puritains, et doit bientôt paraître dans Martha.
,^*, Au dernier concert du Cirque-Napoléon, on a entendu un frag-
ment d'une symphonie inédite de M. Bizet, qui a obtenu le prix de
Rome décerné par l'Institut en 1857. C'est un scherzo qai a paru char-
mant, et qui a enlevé tous les suffrages de l'auditoire. Nous ne pouvons
qu'encourager cet heureux essai, dont les jeunes compositeurs profite-
ront sans doute.
**:t La première soirée musicale donnée par Mme Escudier-Kastner,
H. Vieuxteraps et A. Batta, reste fixée à mardi prochain. Mlle Battu, du
théâtre Italien, Mil. Colblain, Bessems, Accursi, Adam, Borelli et MuUer
concourront à l'exécution du programme.
4*» Alfred Jaell continue de donner de brillants concerts avec Laub,
à Vienne et à Prague. Partout des bravos, des rappels. Au deuxième con-
cert à l'i'ague, il n'y avait pas de place pour tout le monde. Devienne,
Alfred Jaeli doit se rendre à Trieste, sa ville natale, et y passera quel-
ques semaines.
/„ Rien n'est changé au programme du concert de la Société natio-
nale des Beaux-Arts, qui aura lieu aujourd'hui. Après des fragments
d'une symphonie de C. Saint-Saëns, une marche funèbre de Debillemont
et un scherzo de G. Bizet , on entendra Vouverture en forme de marche
de Meyerbeer. Le Désert de F. David formera la seconde partie du con-
cert.
t** Aujourd'hui, première séance de MM. Alard et Franchomme, dans
la salle Pleyel. On entendra un quatuor d'Haydn, sonate de Beethoven
en ré majeur pour piano et violon ; trio pour violon, alto et basse , de
Beethoven, et un quatuor en sol mineur de Mozart.
*** Voici le programme du concert populaire de musique classique
qui aura lieu aujourd'hui dimanche au Cirque Napoléon : 1" symphonie
en mi bémol (n° 50), d'Haydn (le solo de violon sera joué par M. Lan-
cien); 2° fragment delà symphonie-cantate de Mendeissohn; 3° ouver-
ture de Fidelio en m* majeur, de Beethoven ; 4° Gavotte (1720), de Sé-
bastien Bach; 5° symphonie en la de Beethoven.
:j** Parmi les artistes étrangers qui ont l'intention de se faire en-
tendre cet hiver à Paris, on cite Mme Clara Schumann.
,1*3, Hans de Bulow, le pianiste-compositeur, dont Paris se souvient,
a été décoré par le grand-duc de Bade de l'ordre du Lion de
Zaehringen.
,f** Nous ne saurions trop recommander les vingt-quatre vocalises
pour soprano, que vient de publier Mme Marchesi, l'excellente canta-
trice et profesiora. C'est un recueil d'études bien faites et d'une incon-
testable utilité pour le perfectionnement du mécanisme de la voix .
j*,i, Un harpiste d'un très-grand talent, M. Aptommas, qui a été sou-
vent applaudi dans les concerts qu'il a donnés pendant la dernière sai-
son à Londres, est à Paris, et se fera prochainement entendre dans la
salle Erard.
»% Sous la présidence de S. Exe. le ministre de l'instruction publique
aura lieu dimanche prochain, au Cirque de l'Impératrice, la distribu-
tion des prix des Associations polytechnique et philotechnique. Divers
chœurs, entr' autres la prière de la Muette d'Auber , seront chantés
pendant cette séance.
^,*,^, On annonce que le projet de la nouvelle loi sur la propriété lit-
téraire et artistique sera présenté au commencement de cette session
au Corps législatif,
,s*,j, On nous écrit de Naples que la célèbre cantatrice Mlle Tietjens,
récemment arrivée dans cette ville, vient d'obtenir un très-grand succès
à son début au théâtre Saint-Charles.
*^ A la suite du concours ouvert par elle, la Société philharmonique
de Vienne a reçu trente-trois symphonies, parmi lesquelles les mem-
bres du jury ont particulièrement distingué celles qui étaient enregistrées
sous les numéros 31 et 17. Les compositions seront exécutées par l'or-
chestre de la Société, et après l'exécution, les noms des auteurs seront
proclamés.
^,*^ Les ouvriers de la maison Pleyel, Wolff et G", voulant offrir à
leurs camarades de la Seine-Inférieure une preuve de leur profonde
sympathie, ont eu l'idée de donner une soirée musicale dont le pro-
duit sera affecté à l'œuvre de bienfaisance qui s'est spontanément or-
ganisée dans toute la France. La Société chorale , composée des
ouvriers de cette maison, qui l'année dernière, à Dieppe, a rem-
porté une médaille d'or, fera entendre dans cette soirée les meilleurs
chœurs de son répertoire ; le concert sera suivi du tirage de trois
lots offerts par MM. Pleyel, Wolff et Comp. Le premier numéro sor-
tant gagnera les Œuvres de Chopin pour piano seul ; le deuxième numéro,
les Sonates pour piano seul (deux volumes) de Beethoven ; le troisième
numéro, un piano droit de la fabrique de MM. Pleyel, Wolff et C". Ou-
vriers et patrons s'unissant dans une même pensée, MM. Pleyel, Wolff et
C ont voulu faire tous les frais de cette soirée dont le produit intégral
pourra ainsi être versé dans la caisse de l'œuvre. Le concert aura lieu
dans les salons de MM. Pleyel, Wolff et C=, rue Rochechouart, 22, le 2
février 1863, à huit heures du soir. Le prix du billet est de 6 francs;
chaque billet porte un numéro qui offre au porteur la chance de ga-
gner l'un des lots énoncés plus haut. On trouve dès aujourd'hui des
billets chez MM. Pleyel, Wolff et C«, rue Uocheohouart, 22, à leur suc-
cursale, 95, rue Richelieu, et chez les pi-incipaux éditeurs de musique
do Paris.
„*„. Dans la cinquième matinée de la Société du quatuor [Soàeta del
quartetlo), à Florence, le second quintette en ré, composé par M. Fétis,
a été exécuté avec un succès des plus brillants et redemandé. C'était
M. le professeur Bruni qui tenait le premier violon. — Nous croyons
devoir rappeler à nos lecteurs le troisième concours d'essai ouvert par
la Société.
* Les frères Garnier viininent de mettre en vente la seconde année
des Petites chroniques de la science, par S. Henry Eerthoud. Cet ouvrage,
exclusivement écrit pour les gens du monde, est une histoire d'une re-
marquable clarté et fort attrayante de tous les événements scientifiques
et de toutes les découvertes de quelque importance qui ont eu lieu de
1862 à 1863. A chaque page, des anecdotes piquantes, racontées avec
Vhumour qui caractérise l'auteur des fantaisies scientifiques, font du livre
que nous signalons une série de lectures instructives, et, ce qui vaut
presque autant, on ne peut plus amusantes.
*„ Le Bal, la valse' arrangée par Desgranges, sur la Gioja insolita de
DE PARIS.
23
Strakosch, dont le succès augmente constamment,, et la polka des Hor-
loijcs de la Forêt noire, de Strauss.viennent de paraître, arrangées pour le
piano 'd quatre mains.
,*, Deux artistes d'un talent très-précoce sur le violon et le piano,
vont donner des concerts cet hiver. Ce sont les frères Auguste et Emile
Sauret, l'un âgé de huit ans, et l'autre de neuf. Ces jeunes virtuoses
se sont récemment fait entendre à Amiens et ont excité l'admiration.
^*^ Les nouveaux morceaux faciles pour le violon, avec accompa-
gnement de piano : Souvenir des Alijes, et le divertissement sur le Do-
mino noir d'Ad. Herman, n'obtiennent pas moins de succès que son
caprice^ nouveau mouvement perpétuel sur la prière du Comte Ory.
/s ^'- Borel d'Hauterive, secrétaire de l'Ecole impériale des Chartes,
vient de faire paraître, à la librairie Dentu , le vingtième volume de
son Annuaire de la noblesse de France et des maisons souveraines de l'Eu-
rope. Ce livre, si utile par ses renseignements héraldiques et généalo-
giques, par sa nomenclature des principaux mariages, décès et nais-
sances de l'année, a consacré un nouveau chapitre à une question dont
l'intérêt ressort de la promulgation de la loi de 185S sur les noms et
les titres; nous voulons parler de la jurisprudence du conseil du
sceau et des cours et tribunaux en cette matière. On trouve aussi dans
le volume de cette année une revue bibliographique qui sera continuée
par la suite. Comme on le voit, rien n'est négligé par l'auteur pour
justifier les sympathies qui, depuis vingt ans, n'ont jamais fait défaut à
son œuvre dans les salons du grand monde.
^.*» Servais vient d'être décoré de l'ordre de Dannebrock par le roi
de Danemark.
»*,tUne transcription très-réussie, pour orgue et piano, d'une des plus
belles romances sans paroles de ïhalberg, par M. Frelon, ainsi qu'un ar-
rangement habilement fait pour les mêmes instruments, par A. Du-
rand, de l'ouverture de la Sirène, viennent de paraître.
*** M. 0. Bach, frère de l'ambassadeur d'Autriche à Rome, vient de
présenter à l'administration du théâtre de la cour un opéra intitulé :
Sardanapale.
^*^ Mme Corinne de Luigi est de retour à Paris après sa brillante
tournée en Angleterre et en France ; elle se propose de donner bientôt
un concert.
4-'** A Moscou vient de mourir le compositeur et ancien inspecteur du
théâtre impérial de cette ville, Wertowsky.
^*:f, Joaquim Casimiro, maître de chapelle du patriarcat et compositeur
de musique religieuse, est mort à Lisbonne.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
^*^ Strasbourg. — La reprise du Prophète attire beaucoup de monde
au théâtre, où le chef-d'œuvre de Meyerbeer est exécuté d'une manière
très-satisfaisante. Giralda, le Toréador et Haydée ont été également re-
présentés avec beaucoup de succès.
^*^ Amiens, H janvier. — Mlle Marie Battu, MM. Alard et Berlhe-
lier prenaient part au concert que la Société philharmonique a donné
le 7 de ce mois, et dans lequel l'orchestre a exécuté la Schiller-Marsch
de Meyerbeer, ainsi que l'ouverture du même compositeur pour l'expo-
sition de Londres, deux compositions de haute valeur et fort applaudies.
Un jeune artiste, M. Dunkler, a fort bien joué deux fantaisies sur le
violoncelle. La fantaisie d' Alard sur Robert le Diable a produit le plus
grand effet.
s,** Le Havre. — Le concert de Vieuxtemps a réussi au-delà de toute
attente. La recette, fait inouï en cette ville, s'est élevée à 2,i00 francs.
Le succès du célèbre artiste a été colossal; son concerto en la mineur,
le même qu'il a exécuté à la salle Herz et aux concerts populaires, a été
couvert d'applaudissements, ainsi que sa fantaisie sur Lucie et un Car-
naval. A la suite du concert, l'orchestre du théâtre lui a donné une
sérénade.
^*^ Arras, 13 janvier. — M. Crosti et Mlle de la Pommeraye se sont
fait entendre au premier concert d'abonnement de la Société philhar-
monique. M. Richard Hammer était chargé de la partie instrumentale.
L'orchestre a fort bien exécuté l'ouverture du Roman d'Eloire, d'Am-
broise Thomas.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
^*.j. Berlin. — A la troisième représentation du Faust de (îounod,
Mme Harriers-Wippern a chanté le rôle de Marguerite, qui avait
été interprété dans les deux premières par Mlle Lucca. Mme Har-
riers-Wippern a lutté sans trop de désavantage contre les impressions
qu'avait laissées Mlle Lucca dans ce rôle, et a eu plusieurs fois les
honneurs du rappel. Le but de l'administration , en confiant la partie
principale de l'opéra de Gounod à la fois aux deux prime donne du
théâtre, a été de parer d'avance aux inconvénients qu'entraînerait l'in-
disposition de l'une ou de l'autre. — On attend le célèbre quatuor des
frères Muller pour le 15 ; ils se feront entendre dans la salle Sainte-
Cécile, et se rendront ensuite à Saint-Pétersbourg.
^*^ Manheim, 14 janvier. — Le Roi Enzio, grand opéra d'Abert, ce
jeune compositeur d'un si rare talent, qui avait été représenté l'année
dernière à Stuttgard avec un grand succès , a été joué ici dimanche
dernier, et l'effet n'en a pas été moindre. Non-seulement tous les mor-
ceaux ont été applaudis avec enthousiasme, mais à la fin de chaque
acte on a rappelé les artistes principaux, ainsi que l'auteur. M. Schlos-
ser, chargé du rôle principal, est un ténor doué d'une voix fort belle,
mais qui, malheureusement, n'a pas beaucoup d'art. Mme Michaelis
Nimbs est une artiste de talent, favorite du public. Nous apprenons
que le Roi Enzio sera représenté à Carlsruhe dans le courant du mois.
s*^. Weimar. — Mme Wagner-Jachmann^ qui s'est fait entendre ré-
cemment dans un concert à côté du célèbre violoncelliste Sivori, doit
jouer, sur le désir du grand-duc, le rôle d'Iphigénie dans la tragédie de
Gœthe .
3,*,f Oporto. — La Muta di Portici a été représentée avec un éclatant
succès. Bignardi (Masaniello) et Mme Castelli s'y sont distingués ; le
célèbre duo Amore a été bissé.
^*^ Constantinople. — Cn opéra nouveau, Ladlslao, dont la partition
a pour auteur un jeune maestro, nommé Pisani, vient d'obtenir un
succès brillant au théâtre de Naum. L'exécution en est assez bonne,
mais Beresa, le ténor, chargé du principal rôle, est tombé malade après
la première représentation.
„,*,s La Havane, 6 décembre. — Mme Charton-Demeur a reçu l'accueil
le plus favorable dans le 7rovatore, la Sonnambula et la Traviata; avec le
ténor Mazzolini, elle a surtout produit beaucoup d'effet dans le dernier
de ces trois ouvrages.
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Exnosition universelle de Londres, 1862, PRIZE MEDAL, avec cette mention •- POUR EXCBI.I>E!«CE DE TOUTE ESPÈCE D'INSTRUMENTS DE CUIVRE.
— Membre de l'INSTITUT POLYTECHNIQl'E de Paris, membre de l'ASSOCIATION INTERNATIONALE POUR LE PROGRÈS DES SCIENCES SOCIALES. —
MÉDAILLE D'OR et Membre du CORPS SCIENTIFIQUE DE L'BOTEL DE VILLE DE PARIS.
MANUFACTURE
DE PIANOS — MAISON HENRI HERZ
Rue de la Victoire, 4S, à Paris.
L'immense succès que les Pianos de la Maison Henri HERZ ont obtenu à l'Exposition universelle de Paris, en 1855,
vient de se reproduire à Londres avec plus d'éclat encore : aussi le Jury inlernational vient-il, en plaçant ces instruments
au premier rang, d'accorder à l'unanimité, à M. Henri HERZ, la médaille, en motivant cette distinction par la perfection
reconnue dans tous les genres de Pianos et sous le rapport de la solidité, de la sonorité, de l'égalité, et la précision du
mécanisme dans les nuances d'expression. (Rapport du Jury international.)
1'° médaille d'or
Exposition nationale françaisede 1849.
DÉCORATION DE LA LÉGION D'HONNEUR
Exposition de 1849.
MANDrACTDRE D'INSTRUMENTS DE MDSIQDE EN CDIVRE ET EN BOIS
FONDÉE A PARIS EN 1843 PAR
t" médaille
Exposition nationale belge de 1841.
DÉCORATION DE LA COURONNE DE CHÉNE
deBollande{iBl,5).
Fadeur de la Maison militaire de l'Empereur.
RUE SAINT ■ GEORGES, 50
Ctrande médaille d'or
du Mérite de Prusse (1846).
i" médaille d'argent
Exposition nationale française de 18ii4.
Seule grande mëdaille d'iionneur à l'Exiiositieii «nlvei-selle de r»ris (tSSS). — Seule grande médaille
(CoMneil jaeaat) à rDspos^**»" universelle de liondres (iSSl).
Organisateur et fournisseur de la musique des Guides et des autres musiques des régiments de la Garde impériale.
INVENTEUR DES FAMILLES DES
CORNETS-SAX (compensateurs). CLARINETTES CONTRE-BASSES-SAX.
CLARINETTES BASSES-SAX. BASSON-SAX (en cuivre et en bois).
Cors, Cornets, Trompettes, Trombones simples, les mêmes à pistons
SAX-TUBAS.
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Forme et dispositions nouvelles de Trombones à 3, 4 et 5 cylindres ;
invention brevetée eu IS50.
Tous les instruments à pistons avec addition d'une ou plusieurs
clefs; invention brevetée en 1^59.
Système d'instruments à pistons ascendants; iuv. brev. en 185».
ou cylindres, les mêmes forme Saxo-Tromba.
Clairons, Trompettes d'ordonnance. Flûtes, Clarinettes, Bassons,
Caisses roulantes, Grosses Caisses, Tambours, Timbales, Cym-
bales, etc., etc.
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Avec accompagnement de piano, composées par F. BOarOIiDI.
Voi siete la piû bella ragazzina 4 50
Al Lido 3 »
L'Indifferenza 4 50
Dsh! non chiedernii percliè 4 50
La Danza 4 SO
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UN CANTO ANGORA
CHANT AVEC ACC051PAGNEMENT DE PIANO ET VIOLONCELLE OBLIGÉ.
L'Ami François, romance bar., paroles d'Alptionse Baralle .... 2 50
L'Aumône aux petits oiseaux, paroles de Fr. Tourte 2 50
Musique de F. BOlVOIiSI.
Tessarïn. La Mammola, duettino de salon pour mezzo-soprano
et baryton 5 «
PIANO SEUL
B. Franta. Souvenir de bonheur, notturnino facile 4 50
— La Japonaise, polka 5 »
— Warszaioa (Varsovie), polka-tnazurka 5 «
PIANO A QUATRE MAINS
Frantz. Quatuor de / Piiritani. très-facile et doiglé, for-
mant la quatrième livraison de r.-lurore du Pia-
niste S
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS,
30^ Année.
ON S'ABONNE l
Dana les Départements et à l'Étranger, chez tous
les Marchiinda de Musique, les libraires, et aux
Purcaux des Messageries et des Postes.
N» 4.
REVUE
2H Janvier 1863.
PRIX DE L'ABONNEMENT:
Paris 2i fr. par Ql
Déparlemculs, Belgique et Suisse.... 30 » id.
Étranger 34 » id.
Le Journal paraît le Uiitiancbe.
GAZETTE MUSICALE
—^\l\PJ\i\f\f\Pjy\r^
SOMMAIRE. — Théâtre impérial de l'Opéra: (o Muette de Portici, opéra en
cinq actes, paroles de MM. Scribe et Germain Delavigne, musique de M. Auber.
— Tliéàtre impérial Italien : la Serva padrona , de Pergolèse , par Paul
Smith. — Auditions musicales, par Adolphe Botte. — Revue des théâ-
tres, par D. A. D. Saint-Yves. - Nouvelles et annonces.
THEATRE IMPERUL DE L'OPËRÂ.
liA MCJETTE DE PORTICI,
Opéra en cinq actes, paroles de MM. Scribe et Germain Delavigne,
musique de M. Auber.
(Reprise le lundi 19 janvier 1863.)
La Mvelle de Portici est née le 29 février 1828 : dans un mois
et quelques jours, elle aura donc atteint sa trente-cinquième année.
Ce serait beaucoup pour une demoiselle, de Portici ou d'ailleurs,
mais c'est peu pour un opéra qui, avec un fort beau passé, a en-
core devant lui un magnifique avenir. De toutes les révolutions aux-
quelles se rattache cet heureux ouvrage, la moins sérieuse et la plus
passagère assurément, c'est celle qui a fourni le sujet de la pièce.
Qu'est-il resté des neuf jours de ce règne d'un pêcheur que la jus-
tice et la raison abandonnèrent si vite, et qui ne sut triompher que
pour mourir ? La conception lyrique des auteurs de la Muette fut bien
plus profondément révolutionnaire : par son libretto. par sa musique,
par ses costumes et sa mise en scène elle exerça une influence qui
ne sera pas moins durable qu'elle fut vive et soudaine. La Bruyère
écrivait : « Il y a des endroits dans l'opéra qui laissent en désirer
» d'autres, il échappe quelquefois de souhaiter la fin de tout le spec-
1) tacle : c'est faute de Ihéàlre, d'action et de chosf's qui intéressent.»
Quel auteur plus capable que Scribe de trouver ces choses si néces-
saires et de remettre l'opéra sur un pied tout nouveau? Avant lui, le
libretlo n'était que le bâtard de la tragédie classique : M. Jouy l'avait
compris ainsi dans la Vestale; et dans Fernand Cartes, où il s'était
un peu écarté de son idéal, il n'a jamais pu parvenir à mettre d'a-
plomb ses trois actes, qui changeaient de place à volonté. M. Jouy
est pourtant notre meilleur librettiste depuis Q-iinault et Gentil Ber-
nard; mais une révolution était indispensable dans ce genre, et c'est
à Scribe que nous la devoiis. On le blâme d'avoir, non pas créé, mais
rétabli la coupe ancienne des opéras en cinq actes, au lieu de celle
en trois actes, qui avait fini par prévaloir; mais on peut faire des
opéras en cinq actes qui ne soient pas trop longs. Voyez la Muette!
Le libretto était descendu de ses échasses ; il avait quitté les hau-
teurs de l'Olympe et des palais pour nous montrer de simples pê-
cheurs, des gens du peuple, mêlés aux princes et aux grands. La
musique avait trop d'esprit pour ne pas suivre son exemple, et ne
pas mettre autant de variété dans ses accents que le libretto dans
ses allures. Gluck, disait- on jadis, avait retrouvé la douleur antique;
ce que M. Auber a cherché surtout, on peut l'afBrmer, c'est le plai-
sir moderne. Était-il possible de réussir mieux ? Sa partition de la
Muette est un chef-d'œuvre accompli de mélodie claire, franche et fa-
cile, lumineuse comme le soleil. On la chantait en sortant du théâtre,
il y a trenlc-cinq ans, comme il y u fjiielques jours. On b sait pnr
coeur en France; on l'admire et on l'aime à l'étranger. C'est une
musique réunissant toutes les propriétés , toutes les quaUtés de la
langue française et, comme elle, prédestinée à devenir universelle.
Pour compléter l'œuvre poétique et musicale, il ne fallait plus
qu'une révolution dans la mise en scène, dans les costumes, et, pré-
cisément, parmi les artistes chargés de présider à ces détails, il s'en
rencontra un qui fit ses débuts de la façon la plus brillante en
habillant Fenella, Masaniello, ses frères et amis, les lazzaroni de
Portici et de Naples, avec une exactitude et une vérité qui commen-
cèrent par faire scandale. Cet artiste, c'était M. Duponchel, qui de-
puis s'est signalé par bien d'aulres travaux de réforme pittoresque.
Aujourd'hui, nous trouvons cela tout simple; mais alors quel étonne-
ment, quel effroi même, en voyant que toutes les vestes n'étaient
pas de la même couleur, ni taillées sur le même patron ! Chacun
avait son costume, comme, dans le mouvement des masses, chacun
avait sa démarche, son geste. Plus d'uniformes pour toutes les tailles,
plus de choristes rangés en deux plates-bandes, et manœuvrant comme
par ressorts!
Si nous voulions ne rien omettre des éléments du merveilleux suc-
cès que la Muette de Portici obtint dès sa naissance, nous devrions
aussi nommer les artistes qui en remplirent alors les principaux
rôles, .Adolphe Nourrit, Mme Damoroau, Dabadie, Alexis Dupont, Pré-
vost, Mlle Noblet, la première Fenella, par ordre de date, et peul-
êlre détalent, quoique bien des illustrations, notamment Faiiny Ellsler,
aient passé par ce rôle. Mlle Noblet! qui croirait aujourd'hui qu'à
elle revient l'honneur d'avoir inspiré un opéra dont l'héroïne serait
privée de la parole? non pas qu'il soit nécessaire d'ajouter encore
un nom à une liste de collaborateurs déjà fort étendue. Mais en ce
temps, l'opéra n'avait plus de cantatrice dramatique : avec.
Mme Branchu, la passion, l'énergie avaient quitté la scène, et
Mme Dainoreau ne s;ivail que chanter. Elle ne pouvait seule porter
le poids d'une grande œuvre ; le Siér/e de Corinlhe et Mdise ne l'a-
vaient que trop prouvé. Tout au contraire, dans le ballet-pantomime,
26
REVUK ET GAZKTTE MUSICALE
Mlle Noblel s'était fait une haute renommée d'actrice, éloquente
malgré son silence obligé. Nos auteurs rêvaient donc un ouvrage
musical, dont pourtant elle jouerait le premier rôle, un ouvrage dont
le modèle existait dans les Deur. mois ou une Nvil dans, la forêt, que
Mlle Bigollini venait de tirer des ténèbres; ils cherchèrent quelque
temps et finirent par trouver, avec l'aide de WaUer-Scolt, qui lui-
même s'était aidé de Goethe, ce personnage charmant, dont ils avaient
besoin, celte Fenella, sœur cadette de Mignon, qu'ils imaginèrent
de jeter à travers la révolution de Naples. Si Mlle Falcon eût été
connue à cette époque, il est probable que Fenella n'eût jamais vu
le jour, ou que du moins personne n'eût songé à lui interdire la
parole.
Depuis trente-cinq ans, la Muette de Portici s'est rarement ab-
sentée du répertoire ; à combien de rentrées, de débuts, n'a-t-elle pas
servi? Dès qu'on l'avait laissée en repos quelque temps, on se hâ-
tait de la rappeler au théâtre. Une nouvelle reprise en était an-
noncée, promise, attendue, et l'on sait par quels motifs différents
elle avait été retardée , lorsque M. Emile Perrin prit en main la di-
rection de l'Opéra, la Muette fut aussitôt adoptée par lui et traitée
comme sa. propre fille. Il voulut que son avènement fut marqué par
quelque chose de significatif, d'éclatant, et il consacra tous ses soins
à une reprise, qu'il regardait à bon droit comme n'ayant pas moins
d'importance qu'une première représentation. En un mois environ,
la mise en scène subit une révision totale. On improvisa trois décors,
on refit de nombreux costumes. Le rôle de Masaniello fut étudié par
un chanteur qui n'en savait pas une note, et qui ne l'abordait pas
sans un certain effroi. Bref, le chef-d'œuvre nous a été rendu avec
une splendeur, une fraîcheur, une jeunesse, qui lui présagent un de
ces renouveaux de vogue populaire, que nous avons vus se repro-
duire si souvent.
On n'a presque rien changé à la partition; seulement, au premier
acte, on a coupé l'allégro de l'air avec chœur, chanté par Alphonse,
et, au quatrième, celui de l'air de Masaniello : Adoucis la ri-
gueur de tes arrêts terribles; mais, en revanche, on a rétabli, pour
la complète intelligence du drame, le dialogue entre Alphonse et son
confident Lorenzo, placé au début de la pièce, et, au commencement
du troisième acte, le duo de la réconciliation entre Alphonse et
Elvire.
Nous le disions tout à l'heure, Gueymard ne connaissait le rôle de
Masaniello que pour en avoir entendu quelques fragments; jamais
il ne l'avait essayé lui-même. Deux artistes se sont distingués surtout
dons ce personnage historique, auquel chacun d'eux imprimait une
physionomie toute différente : Adolphe Nourrit, le Masaniello sculptu-
ral, YAntinoils de la fraternité et de la révolte, et Duprez, le Na-
politain pur sang, le pêcheur réaliste et sans emphase. Un troisième
artiste mérite encore d'être nommé, c'est Poultier, qui chantait l'air
du Sommeil avec une perfection dont nul autre n'a surpassé le
prestige. Gueymard, on le pense bien, ne soutiendrait le parallèle ni
d'Adolphe Nourrit ni de Duprez, mais, ne les ayant vus ni l'un ni
l'autre, il a l'avantage d'être lui-même. Il possède les qualités essen-
tielles que le rôle demande; il en a le physique, il en a la voix dans
tous les morceaux d'intention vigoureuse et accentuée. On doit aussi
lui savoir gré de la manière dont il a su se maîtriser et s'adoucir
dans cet air du Sommeil, le plus antipathique à sa nature, et dans
ce touchant adieu qu'il adresse à sa pauvre chaumière, au milieu des
acclamations et des fanfares du triomphe. Du reste, il a eu ce fort
beaux effets dans tout le second acte, dans le troisième et le qua-
trième. Ce rôle, dont il avait peur et qu'il a presque emporté d'as-
saut, comptera bientôt parmi les meilleurs de son emploi : nous
disons bientôt, parce qu'à chaque représentation il y fait des progrès
sensibles.
Mme Vandenheuvel-Duprez était l'Elvire désignée pour succéder à
Mmes Damoreau et Dorus : elle a dignemeut recueilli ce brillant hé-
ritage, et la critique ne saurait lui reprocher qu'un peu d'exagération
dans le luxe des vocalises. 11 faut la louer d'avoir animé l'air du
quatrième acte : Arbitre d'une vie, au point de communiquer son
émotion à l'auditoire, qui l'en a remerciée par d'unanimes bravos. Du-
laurens, chargé du rôle d'Alphonse, l'a rempli avec conscience, trop
de conscience peut être, car en certains moments il a donné plus de
voix qu'il n'en faut à un époux et à un prince placé dans une situa-
tion doublehaent fâcheuse. Cazeaux est un bon et solide Pietro ;
Borchardt et Bonnesseur méritent le même éloge dans les rôles acces-
soires de Borella et de Selva. Nommons également Kœnig, Noir, et
Mlle Sainl-Aguet, qui ne dit qu'un mot, pour ne faire ni jaloux ni
jalouse.
11 ne nous reste plus â citer que Mlle Marie Vernon , la jeune et
jolie danseuse, chargée du rôle de Fenella. Ce n'était pas pour elle
une petite entreprise que dé s'y aventurer, et ce n'a pas été non
plus un petit succès que d'y être si bien accueillie, si chaleureuse-
ment applaudie, après tant d'autres, qui avaient plus d'expérience
et de renom. La nouvelle muette n'a que dix-sept ans : mais le zèle
et l'ardeur ne, se mesurent pas à un chiffre. Chez Mlle Marie
Vernon, l'amour de l'art a devancé le temps, et parfois ce même
amour l'entraîne au-delà des limites qne l'art prescrit. Parfois sa
pantomime est trop active, trop loquace: avec moins d'efforts pour
se faire comprendre, elle se fera comprendre beaucoup mieux. Ja-
dis, au dénoùment, la pauvre Fenella courait se jeter dans le , Vé-
suve, en apprenant que son frère avait péri, mais on a réfléchi que
le volcan était bien loin du lieu de la scène, et, comme les études
géographiques se sont perfectionnées, on a craint les ob-ervalions de
quelque spectateur éclairé : on a donc résolu que Fenella se con-
tenterait de mourir sur la scène en présence de tous, sans préjudice
de l'éruption du Vésuve, qui ne vomirait plus de feux et de flammes
que pour son agrément. Du reste, cette éruption nous a paru très-
belle, mais nous avons eu peine à nous expliquer le rayonnement de
lumière électrique, qui apparaît tout à coup à la droite du specta-
teur, comme pour faire concurrence aux lueurs fiamboyanles du
volcan.
La Muette de Forlici n'est pas seulement une œuvre musicale,
c'est une production chorégraphique de l'espèce la plus distinguée.
La danse y occupe une large place ; elle s'y mêle à l'action ; elle la
commente et la paraphrase avec une élégance et une séduction ir-
résistibles, comme, par exemple, dans ce triomphe du quatrième acte,
oîi les groupes de danse enveloppent les compagnies de soldats. Que
serait-ce que la scène du marché, sans cette tarentelle fameuse, que
mène Coralli, vrai lazzarone , qui, dans son ardeur la plus fou-
gueuse, respecte toujours le goût français, en digne élève d'une célèbre
école? Dans cette même scène, il y a eu le début d'une danseuse,
pour laquelle M. Lucien Pelipa n'a pas dédaigné d'écrire un pas
nouveau, ni M. Auber d'en arranger la musique. La danseuse se
nomme Mlle Laure Fonta : elle nous a paru fort jolie, et tout le
monde lui a trouvé infiniment de talent; on l'a donc applaudie, rap-
pelée et comblée de tous les honneurs d'usage en pareille occur-
rence.
L'orchestre, les chœurs ont vaillamment fait leur devoir. L'admi-
rable finale du troisième acte n'avait jamais été mieux rendu, et l'im-
pression générale a été des plus vives. L'enthousiasme a recommencé
avec l'acte suivant, et il éclatait de toutes parts à la fin du cinquième.
On a redemandé les artistes, qui ont reparu; on a redemandé M. Auber,
et certainement il n'y avait là qu'un mouvement spontané de simple
justice. Mais M. Auber a ses idées et n'aime pas à changer ses habi-
tudes. Ceux qui l'appelaient h grands cris et avec une foi sincère
ignoraient que l'illustre compositeur n'a jamais manqué d'être absent
du théâtre au moment où le rappel menace de poindre, et qu'on ne
l'y voit revenir que quand tout péril a cessé.
DK PAliiS.
27
THEATRE mPÉRIAL ITALIEN.
l.a iSERVA PADROXA, «le Pergolésc.
La Serva padrona est, toujours ce que vous savez, un uionumeut,
une date, et, si vous voulez même, un chef-d'œuvre accompli pour le
siècle qui l'a vu naître; mais il faut l'avouer, pour notre temps c'est
quelque chose de plus curieux que de ravissant. C'est une ébauche,
d'où sont sortis des milliers de copies, qui ne la valaient pas ; mais
ce n'est qu'une ébauche. En écoulant ces naïves canlilènes, aux-
quelles on voudrait souvent une autre forme , un autre développe-
ment, on se rappelle l'innombrable famille d'inspirations, de parti-
tions entières, dont la Serva padrona est la mère antique et véné-
rable.
Nous ne savons trop pourquoi le théâtre Italien a exhumé l'œuvre
de Pergolèse, mais ce que nous affirmons, sans crainte d'être dé-
menti, c'est que Mme Penco est excellenlissime dans le rôle de Zer-
bina : nous ne nous doutions pas qu'elle jouât si finement, si gaie-
ment la comédie, ni que sa belle et riche voix pût s'accommoder si
aisément d'un idiome musical qu'elle n'a pas l'habitude de parler.
Zucchini ne l'a pas trop mal secondée dans le rôle de Pandolpho,
mais il ne l'a pas égalée ! A Mme Penco la meilleure part des ap-
plaudissements et du succès, s'il y a succès.
Paul SMITH.
ADDITIONS fflOSICALES.
Iflatinée de la Société untiouale «les Beaux.- Arts.
Concert «les soeurs Cluuss. — Preanière soirée «le
ninie Escudier-Kastuer et de WLWS. Henri Vieux-
temiis et SSatta.
Les jeunes compositeurs se plaignent parfois, et très-amèrement,
des obstacles de toute nature qu'ils rencontrent sur leur route ; ils se
plaignent du public, de ses préventions injustes, de son engoue-
ment — c'est le mol dont ils se servent — pour les chefs-d'œuvre
du passé, de son indifférence pour les œuvres nouvelles. Nous
croyons que le dépit et la mauvaise humeur entrent pour beaucoup
dans toutes ces plaintes, et qu'elles sont loin d'être entièrement fon-
dées. Pourtant, nous ne saurions trop louer la Société des Beaux-Arts
du but qu'elle s'est proposé, des services inappréciables qu'elle veut
rendre aux auteurs vivants, et plus particulièrement aux symphonis-
tes, en faisant entendre leurs ouvrages, en les aidant h révéler les
qualités qu'ils possèdent, et qui doivent fixer sur eux l'attention et les
sympathies du monde musical. Bien des tentatives généreuses et in-
telligentes ont été faites déjà, et n'ont souvent amené aucun des ré-
sultats qu'on s'était promis. Etait-ce la faute des compositeurs ou des
organisateurs? Nous ne savons. Quoiqu'il en soit, nous tenons à si-
gnaler ce qui, cette fois, pourrait, â notre avis, compromettre le
succès qu'on est en droit d'espérer. Nous avons les magnifiques séan-
ces du Conservatoire, où le fini de l'exécution redonne chaque an-
née une vie nouvelle aux plus grandes et aux plus pures inspirations
de l'art ancien et moderne ; nous avons les matinées de Pasdcloup,
celles d'Alard et Franchomme, de Maurin et Chevillard, les soirées
d'Armingaud, et bien d'autres encore, où les plus belles œuvres de
toutes les écoles, et même quelquefois les témérités de ces derniers
temps, dignement interprétées, assurent aux dilettantes mille jouissan-
ces délicales et certaines. En présence d'une aussi redoutable concur-
rence, d'un antagonisme aussi efl'rayant, il faut au moins que l'exé-
cution des ouvrages nouveaux se recommande par quelques-unes des
grandes qualités admirées dans toutes les sociétés que nous venons
de citer, et qui sont en possession, à des deijrés divers, delà haute
estime des connaisseurs ; il ne faut pas qii'à l'infériorité des compo-
sitions (car nul de nos jeunes symphonistes n'a certes la prétention
d'atteindre, dès sou début, au niveau des vieux maîtres) vienne en-
core se joindre l'infériorité de l'interprétution ; il faut, enfin, qu'une
direction unique et forte domine, et donne à l'orchestre et aux chœurs
cet ensemble et cette unité qui, dimanche, manquaient tout à fnit à
la Société nationale des Beaux-Arts, et sans lesquels les meilleures
pages sont plutôt devinées quu comprises. On peut avoir beaucoup
de talent, écrire correctement, savamment, dans un style très-serré,
très-laborieux, et manquer du tact, de l'expérience et de l'art spécial
qu'il faut à un bon chef d'orchestre. M. C. Saint Saens l'a bien
prouvé à cette matinée, en conduisant deux fragments de l'une de
ses symphonies. Le premier fragment a paru froid, décousu et lour-
dement travaillé; le second a semblé plus agréable, plus aisé et plus
naturel; mais il eCit été difficde que l'exécution fût plus hésitante,
plus terne et plus cahotée. M. Bizet, à son tour, a voulu conduire
un M'/tfrjo de sa composition, mais il n'a pas mieux réussi. Sa musique
n'est point tourmentée, cherchée comme l'est, en général, celle de
M . St-Saens; on y a remarqué, au contraire, une clarté, une grâce toute
française bien préférable à toutes les combinaisons avec lesquelles on
espère dissimuler l'absence de mélodie. Après MM. Saint-Saens et
Bizet, est venu M. Debihemont. — On le voit, l'unité de comman-
dement n'était pas à l'ordre du jour. — Ce dernier est peut-être un
peu plus expérimenté, mais, pourtant, il n'est pas assez maître de
lui : plus d'une fois il s'est laissé emporter et n'a pas su contenir et
dominer son orchestre. Néanmoins, sa lUarche funèbre a fait plaisir.
On y a trouve l'accent simple et vrai, 1 ; chant n:ilurel et yc;usé que
l'on demande à toute bonne composition.
A ces trois morceaux, si dilférents par la coupe, par la nature des
idées et par la valeur du fond, a succédé VOuverture de Meyerbeer,
écrite pour l'inauguration de l'Exposition de Londres. On ne l'avait
pas encore entendue ici, et cependant on la connaissait : arrangée
pour le piano, elle est entre les mains A a fait les délices de tous
ceux qui aiment la belle et grande musique. Malgré une exécution
dépourvue de nuances, et à laquelle il nous est itnpossible de ne pas
reprocher des mouvements trop rapides et pleins d'indécision, une
intelligence très-imparfaite des innombrables et ravissants délails dont
l'instrumentation fourmille, on a été frappé de la grandeur, de la
variété, de l'abondance, de la souplesse et de la plénitude d'inspiration
répandues par l'auteur de lluùerl et des Huguenots dans cette page
symphonique.
Déjà, dans ces colonnes, nous avons analysé cette œuvre impor-
tante ; aussi passons-nous rapidement sur les différents morceaux.
La Marche Iriompkale, la .Marche religieuse et le Pas redoublé, dans
lequel le chant national Ride Hrilannia est intercalé avec une richesse,
un goût et une science infinis, s'enchaînent, se succèdent et font passer
devant l'auditeur des tableaux ot des scènes tout à fait dissemblables.
L'harmonie et l'orchestration rehaussent constamment les thèmes prin-
cipaux, traités et développés d'une façon qui, nous ne craignons pas
de le dire, appartient en propre à Meyerbesr. A chaque instant,
dans cet ouvrage, le goût le plus délicat est charmé, ravi, entraîné,
tant les détails semblent naître naturellement de l'idée mère, et en
être la conséquence logique et indispensable. Tous les motifs sont
pleins de fraîcheur, de jeunesse ot d'originalité. Sans parler des nom-
breuses et ravissantes mélodies des Marches triomphale et religieuse,
celle du Pas redoublé a enchanté l'auditoire. Vive, lég'ère, brillante
et spirituelle, elle revient sans cesse, elle alterne avec le chant na-
tional, se mêle bientôt harmonieusement avec lui, marie ainsi, grâce
à un art consommé, la légèreté ii la pompe, l'espièglerie; à la magni-
ficence, et amène, jusqu'à la péroraison fuguée, des effets, des opposi-
tions, des dialogues où se retrouvent les intarissables ressources, les
28
REVUE ET GAZETTE MUSICALti
combinaisons neuves et saisissantes qui sont du domaine de la sym-
phonie, et qui en constituent les grandes et larges beautés.
Cette matinée s'est terminée par le Désert. L'exécution n'a pas
valu, à beaucoup près, celle de Clirisloyhe Co/o?n6, qui, le jour de l'inau-
guration de la salle du boulevard des Italiens, avait donnô une si
haute idée du mérite des interprètes.
La douce et rêveuse poésie orientale qui caractérise le Désert, l'ins-
trumentation fine et élégante, les effets neufs et heureux obtenus en
réunissant l'orchestre et les voix, et en employant les instruments à
vent d'une façon si ingénieuse et si délicate, ont valu à celte char-
mante et pittoresque symphonie, non les transports frénétiques qu'elle
excita dans sa nouveauté, mais de nombreux bravos. Warot a fort
joliment dit VHymne à la nuit, la Rêverie du soir et le Chant du
muezzin. Certes, en écoutant ces g-racieuses et voluptueuses inspira-
tions, ces courtes mélodies relevées par toutes les couleurs que
peuvent donner l'harmonie, le rhythme et les recherches de la sono-
rité, on ne peut méconnaître les précieuses qualilés du musicien ; de
même que cette succession de petits tableaux, cette absence com-
plète de développement auxquelles ce genre condamnait Félicien Da-
vid, n'ont rien de commun, quoi qu'on en ait dit, avec les vastes con-
ceplions symphoniques : c'est tout autre chose, on le reconnaît à
présent. Le cadre admis, les redoutables comparaisons écartées, il ne
reste plus qu'à louer Félicien David pour le style, la distinction, la
fraîcheur d'imagination qui brillent dans sa partition, et qui, d'emblée,
lui donnèrent son rang parmi les artistes contemporains.
— Les sœurs Clauss, qu'on n'avait pas entendues depuis deux ans,
ont fait de notables progrès. Ces jeunes violonistes, très-bien douées,
possèdent déjà un sentiment assez fin des beautés musicales. Ha-
bilement dirigées, elles excelleront problablement, un jour, dans
leur art et retrouveront peut-être les grands succès des soeurs
Milanollo. En attendant, elles ont joué à leur concert, donné ven-
dredi dans les salons Pleyel-Wollï, avec beaucoup d'habileté, de
justesse et d'expression, une fantaisie d'Alard sur Ui Uluelte et un
morceau de Charles Dancla sur la Somnambule. Dans ce dernier,
Mlle Jenny s'est particulièrement distinguée. D'agréables variations de
Weber, dites nettement et brillamment par Mlle Sabatier-Blot, ont
emporté comme d'assaut les applaudissements de toute la salle et
ont été bissées.
— Les noms de Mme Escudier-Kastner, de Henri Vieuxtemps et
A. Batla promettaient, mercredi, une belle soirée; mais on est si
s;iuvenl trompé, qu'il n'est peut-être pas inutile de dire que cette
fois nul n"a été déçu, et que ce concert a été très-brillant.
Mme Escudier-Kastner a obtenu un légitime succès. Son jeu, très-
correct, est fortifié et singulièrement agrandi par un sentiment
poétique qui entre toujours Irès-lieureuseinent dans la pensée du
compositeur; il a été sobre dans les variations de Haendel, élé-
gant, délicat et fin dans le nocturne de Chopin, entraînant et
énergique dans le trio de Beethoven,- et a eu, dans tous les trois,
l'expression qui convenait. Aussi la gracieuse pianiste n'a-t-elle pas
peu contribué à causer les émotions délicieuses que procure tou-
jours la belle musique éloquemment interprétée.
Tout le monde connaît et admire leséniiuentes qualités qui, comme
soliste, distinguent Henri Vieuxtemps des plus grands violonistes de
notre époque; mais ce que tout le monde ne sait peut-être pas, c'est
il quel point il excelle aussi dans la musique classique. Là, son ta-
lent arrive à un caractère de gravité, d'élévation, de pureté, plus di-
rectement opposé qu'on ne le pense aux habitudes et aux préférences
des virtuoses célèbres. Les auditeurs les plus froids ont applaudi de
toutes leurs forces aux merveilles — c'est bien le mot cette fois —
de cet archet qui connaît tous les emportements, toutes les caresses,
et qui atteint à la perfection dans le sérieux comme dans l'aimable.
Ce qui, au point de vue purement musical, ravit les juges les plus
exigeants, ce qui complète le beau talent de Vieuxtemps, ce qui,
chez lui, forme un ensemble de qualités exceptionnelles, c'est que,
au milieu des endroits les plus touchants et les plus passionnés, ja-
mais il ne perd de vue le rhythme, ni la véritable expression : il
touche fortement, parce qu'il sent de même, mais il ne dépasse ja-
mais le but. Sa sonate en ré majeur a été dite avec un grand
charme par lui et par Mme Escudier-Kastner. La première et la der-
nière partie ont été les moins chaleureusement accueillies, et c'était
justice , car la seconde et la troisième sont infiniment plus remarqua-
bles. Dans ces deux dernières les idées ne sont pas trop multipliées;
elles sont bien développées, bien amenées, bien attachées, et ont,
par conséquent, l'unité et le caractère qui manquent aux autres
morceaux.
Entre le grand trio de Beethoven, dans lequel Balta a fait si ma-
gistralement sa partie, et l'ottetlo de Mendelssohn, Mlle Marie Battu a
chanté Mon cœur soupire et un air de Cimarosa avec un goût achevé,
une simplicité de style et une légèreté de vocalisation qui ont été
salués par de fréquents et sympathiques bravos.
Adolphe BOTTE -
REVUE DES THÉÂTRES.
Question des théâtres dans VE.xposéde la situation de, l'Empire. —
TnÉATRE-FRAN'ÇAis : Anniversaire de la naissance de Molière —
Odéon : ta Fille de Molière, comédie en un acte et en vers, par
M. Edouard l'^ournier; reprise des Parisiens, comédie en quatre ac-
tes, de M. Th. Barrière. — Vaudeville : les Bonbons-ganaches;
Levassor et ses chansonnettes; reprise de !^os Intimes! — Palais-
Royal : la Fleur des braves, vaudeville de MM. Ed. Martin et
Monchelat ; reprise de la Mariée du mardi gras. — Gaité : Phi-
lidor, drame en cinq actes, dont un prologue, par M. Joseph Bou-
chardy; reprise de Cartouche.
On a pu voir, dans notre dernier numéro, que les recettes des
théâtres parisiens, pendant l'année 1862, avaient dépassj de 800,000
francs celles de l'année précédente. L'Exposé de la situation de l'Em-
pire, que l'on vient de distribuer aux Chambres, constate celte amé-
lioration en des ternies qui méritent d'être reproduits.
« La prospérité matérielle des théâtres de Paris, dit le document
officiel, s'augmente de jour en jour. Déjà plusieurs salles nouvelles,
joignant à l'élégance artistique de la forme d'heureuses innovations,
remplacent les anciens théâtres qui ont disparu par suite du perce-
ment du boulevard du Prince-Eugène. Bientôt, dans le quartier
même qui a joui si longtemps d'une faveur devenue historique, d'au-
tres salles non moins belles s'élèveront encore pour répondre aux
besoins de la population, et pour ouvrir des débouchés plus nombreux
au talent des écrivains et des artistes.
» D'un autre côté, de constants efforts tendent à élever l'art mo-
derne par le spectacle et l'exemple des chefs-d'œuvre de l'ancien ré-
pertoire; des avantages exceptionnels sont assurés, dans ce but, aux
écrivains qui se consacrent à des études sérieuses. C'est aussi pour
stimuler le travail et encourager le mérite par la perspective légi-
time de la foitune, que l'Empereur a daigné charger une commission
d'examiner, dans son principe et dans son application, la question de
la propriété littéraire et artistique.
» Inspirée par une auguste bienveillance, la solution semblait d'a-
vance assurée; mais de graves intérêts étant en jeu, il n'a pas fallu
moins d'une année pour que la commission ait pu élaborer le projet
de loi qui, dans les premiers jours de la session, sera présenté à
l'examen des grands corps de l'Etat.
» La situation des théâtres des départements est l'objet d'une solli-
citude toute particulière ; un plan de réorganisation générale est à
''étude, et le bien qui doit en résulter pour ces entreprises intéres-
santes ne se fera pas longtemps attendre. »
DK PARIS.
Nous prenons acte de ces promesses solennelles et nous avons
toute confiance dans leur prochaine réalisation.
— Selon leur louable coutume , les deux théâtres impériaux qui
ont le monopole des anciens chefs-d'œuvre de notre littérature dra-
matique, ont fêté, le 1 5 janvier, l'anniversaire de la naissance de
Molière. Le Théâtre-Français donnait le Misanthrope et le m'alade
imaginaire, avec l'élite de sa troupe. A l'Odéon, l'Ecole des maris
et le Malade imaginaire étaient accompagnés d'une petite comédie
de circonstance, due à la plume de M. Edouard Fournier. Cet au-
teur, déjà récompensé de son culte pour les grands génies
qui ont honoré notre scène par le succès de Corneille à la bvtte
des Moulins, n'a pas été moins bien traité par le public, h l'occasion
de la Fille de Molière. Cependant, il faut bien l'avouer, cette seconde
pièce ne vaut pas la première. La donnée en est moins heureuse et
moins franche, et si les vers y sont aussi finement ciselés, ils of-
frent moins de ces traits délicats, de ces rencontres ingénieuses qui
ne peuvent naîire, quoi qu'on fasse, que du choix des situations. De
même que dans sa comédie du théâtre Français, M. Ed. Fournier s'est
bien gardé de faire paraître le grand homme dont il célèbre le ta-
lent et le caractère, et, en cela, il a fait preuve de goût. Molière a
cessé de vivre depuis quelques années, lorsque le rideau se lève. Sa
fille est au couvent, et elle a pour tuteur un certain M. de Monla-
lant, dont le nom se retrouve dans les mémoires de l'époque. C'est
un homme de quarante ans, que l'exemple lamentable de l'auteur
de Sganarelle empêche de s'arrêter à l'idée d'un mariage peu en
rapport avec son âge, et pourtant il ne peut se défendre d'une in-
clination très-prononcée, quoique très-secrète, pour sa pupille Made-
leine. Mais une petite cousine, à tête fantasque , élevée au
même couvent que la fille de Molière, révèle, par maladresse, à
Montalanl que son amour est partagé, et, ma foi, sur les conseils de
la vieille Laforêt, qui devrait bien, ce nous semble, savoir mieux
que personne ce que son pauvre maître avait gagné à une union
disproportionnée, le tuteur se décide à épouser la jeune pension-
naire confiée à sa sollicitude. Nous n'avons pas besoin d'insister sur
les défauts de ce sujet peu conséquent avec lui-même ; ils sautent
aux yeux. La pièce de M. Edouard Fournier n'en a pas moins été
très-favorablement accueillie par le parterre de l'Odéon , d'abord
parce qu'elle est écrite avec un soin tout littéraire, et puis parce
qu'elle est jouée d'une façon vraiment remarquable par Mlles Mosé
et Picard, ainsi que par Bomainville, un excellent comique qui se
fait applaudir dans le rôle d'un valet provençal, naguère au service
de Molière.
On a repris, ces jours derniers, au même théâtre, les Parisiena,
comédie en quatre actes, de M. Théodore Barrière, représentée ori-
ginairement au Vaudeville. Cette galerie photographique, parfaite-
ment réussie d'ailleurs, a produit son effet aussi bien sur la rive
gauche que sur la rive droite, et nous croyons qu'elle exercera une
salutaire influence sur les recettes de l'Odéon.
— Le Vaudeville, qui fondait les plus belles espérances sur les Diables
noirs, ùe M. Victorien Sardou, lutte courageusement contre la fâcheuse
situation qui lui a été faite par le vélo dont cette pièce vient d'être
l'objet de la part de la commission d'examen des ouvrages drama-
tiques. Il a eu recours d'abord à un spectacle composé de six pe-
tites pièces, parmi lesquelles on remarquait une nouveauté intitulée
les Bonbons-ganaches, dont l'existence n'a guère duré au-delà des
circonstances qui l'ont inspirée. On a revu en même temps, avec le
plus grand plaisir, Levassor, toujours habile à interpréter la chan-
sonnette, et débitant avec le même entrain qu'autrefois deux échan-
tillons de son nouveau répertoire comique, le Mal de mer et le
Journal de village. Puis a eu lieu une assez fructueuse reprise de
ISos intimes', qui occupent en ce moment l'afiiche, pour faire place
bientôt, dit-on, à ces capricieux Diables noirs, autorisés sous béné-
fice d'inventaire, et plus fameux peut-être avant qu'ils ne le seront
après leur naissance, comme la chose est arrivée aux Volontaires de
la Porte-Saint-Martin.
— Le succès des Trente-sepl sous de M. Montaudoin n'est pas près
de finir au Palais-Royal. Pour le rendre plus durable, on lui adjoint
une bluette nouvelle, intitulée la Fleur des braves, où Geoffroy rem-
plit aussi le principal rôle, en attendant que son engagement à la
Comédie française, dont il est grandement question, devienne défi-
nitif. Le spectacle est complété par la reprise de la Mariée du mardi
gras, cette épopée burlesque qui égale les plus joyeuses excentricités
dont ce théâtre garde le souvenir. Où trouver ailleurs une réunion
de comiques p.lus complète et plus amusante? Une soirée passée au
Palais-Royal est un éclat de rire sans interruption.
De loin en loin, AI. Joseph Bouchardy, qui a été l'une des gloires
les plus resplendissantes du boulevard du Temple, reparaît sur la
brèche un nouveau drame en main. Malheureusement, ses longues
intermittences lui ont fait oublier les secrets du métier, et la faveur
publique semble s'être retirée de lui. Nous voudrions pouvoir dire que
Philidor, sa dernière pièce, a conjuré le guignon qui, depuis quel-
ques années, déconcerte toutes ses tentatives. Mais nous sommes
forcé de convenir que le parterre de la Gaîté a témoigné fort peu
de sympathie pour ce comédien de province à la recherche d'une
succession qu'on lui a dérobée. !1 y a dans cette course aux billets
de banque une histoire grotesque de papiers cousus dans la doublure
d'un habit et de valeurs déclarées tour à tour vraies ou fausses,
dont on n'a pu prendre au sérieux les péripéties. Ce drame s'est
soutenu avec peine pendant un petit nombre de représentations, et,
à l'heure où nous écrivons, il est déjà remplacé par Cartouche, où
Dumaine et Lacressonnière s'évertuent à rappeler au square des
Arts-et-Métiers la vogue qui, jusqu'ici, est restée ensevelie sous les
décombres de l'ancienne Gaîté.
D. A. D. SAINT- YVES.
NOUVELLES.
^*^ La Muette de Portici, qui a obtenu un si grand succès à,
sa reprise lundi dernier, a été donnée également mercredi et vendredi
au théâtre iiiipérial de l'Opéra, devant un auditoire qui n'a cessé d'ap-
plaudir le chef-d'œuvre d'Auber.
s,*^ LL. MM. L'Empereur et l'Impératrice ont honoré de leur pré-
sence, vendredi, la représentation de la Muette de Portici.
^*^ D9S réparations importantes, dirigées par M. Garnier. archi-
tecte du nouvel Opéra, seront faites dans !a salle actuelle pendant
les jours de relâche de la semaine sainte.
j,*^, Les engagements de M. et Mme Gueymard et de Belval viennent
d'être renouvelés pour trois ans.
,^*^ Robert le Diable devient de plus en plus populaire en Italie. Non-
seulement le chef-d'œuvre de Meyerbeer est Joué avec le succès qu'il
mérite, dans les grandes villes, comme récemment à Palerme, mais les
villes moins importantes en font aussi leur profit ; c'est ainsi qu'entre
autres théâtres secondaires, ceux de Côme et de Plaisance l'ont repré-
senté.
^*^ Vers la fin de cette semaine aura lieu la première représentation
de l'opéra-comique de Duprato, la Déesse et le Berger, chanté par
Mlles Baretti, Ferdinand, MM. Capoul, Crosti, Gourdin et Prilleux.
j*. C'est par erreur que nous avons annoncé que l'opéra-comique
d'Auber, la Fiancée du roi dcGarbcs, serait représenté avant l'ouvrage de
M. Vaucorbeil, Balailk d'amour, dont les répétitions se poursuivent, et
qui sera donné le mois prochain.
*',, -Sainte-Foy est rentré jeudi à l'Opéra Comique, où le public lui a
fait un accueil très-chaleureux.
,1,*,^ Pour la quatrième fois de cette saison, dimanche dernier, LL.
MM. l'Empereur et l'Impératrice honoraient de leur présence le théâtre
Italien; Mlle Adeliiia Patti chantait dans Lucia et enthousiasmait la salle
entière. Le succès que la gracieuse artiste a obtenu dans Don Pasquate n'a
fait que grandir depu'S la première soirée. Bien qu'elle ait chanté le rôle
de Norina mardi et hier samedi, on l'applaudira ce soir encore dans le
30
REVUE KT GAZETTE MUSICALE
même rôle. Mercredi prochain elle se produira dans un chef d'œuvre
de Mozart ; elle chantera Zerlina de Don Giornnni, qui sera donné à
son bénéfice.
^*j, L'opéra de F. David, Lalla Rouldj, a été représenté récemment à
Mayence et à Cobourg. Cette gracieuse partition a obtenu le plus bril-
lant succès dans ces deux villes.
^"^ Le deuxième concert de la Société du Conservatoire a lieu aujourd'hui;
en voici le programme : 1° Symphonie en ut de Mozart; 2° trio des
songes de Dardanus, de Rameau, chanté par IVlUe Charpentier, MM. Grisy
et Petit ; 3° ouverture et fragments du premier acte d'iphir/éiiie en Au-
lidc, solos chantés par MM. Crosti et Bonnesseur ; 4° Andante de la
14= symphonie d'Haydn; b° fantaisie pour piano, orchestre et chœur,
de Beethoven; solo exécuté par de Saint-Saens; 6° Jubé! -ouverture do
Weber.
»*, La prochaine séance de la Société des concerts du Conservatoire
aura lieu, dimanche prochain, au profit des ouvriers de la Seine-Infé
rieure. Le programme sera pareil à celui du concert d'aujourd'hui.
**i Aujourd'hui, dimanche, le concert de musique classique, dirigé
par Pasdeloup offrira un attrait particulier. Mme Pleyel a consenti à
s'y faire entendre en jouant le morceau de concert de Weber. Le pro-
gramme se compose en outre de la symphonie en ré majeur de Beetho-
ven, du Largo e cantabile du 5° quatuor d'Haydn, joués par tous les ins-
truments à cordes, de la symphonie en la mineur de Mendelssohn et de
l'ouverture de Guillaume Tell.
j,*a, Prudent est retourné en Belgique et a dû donner vendredi un con-
cert à grand orchestre à Bruxelles. Le célèbre pianiste-compositeur,
à peine revenu de sa première visite en Belgique, avait entrepris en
compagnie de Roger une tournée en province qui a été triomphale
pour ces artistes.
*** Aujourd'hui, à. l'occasion de la fê:e de sainte Agnès, patronne de
Saint-Eustache, M. Hurand, maître de chapelle, fera exécuter à 10 heures
très-précises, en ladite église, une nouvelle messe à orchestre de la com-
position de M. F. Benoist, professeur au Conservatoire. M. E. Batiste
touchera le grand orgue. La quête sera faite au profit des ouvriers de
l'iouen.
**,La deuxième soirée musicale de Mme Escudier-Kastner, A. Batta et
IL Vienxtemps, aura lieu mercredi prochain, à 8 heures du soir, dans
la salle Herz, avec le concours de M. Delle-Sedie, du théâtre Italien.
Le programme est composé de façon à piquer vivement la curiosité des
vrais dilettanti. Il renferme des morceaux de divers genres et du
plusieurs écoles : 1° Trio en sol mineur de Rubinstein, exécuté
par Mme Escudier, MVL Vieuxtemps et Batta ; 2° air d'église de Sira-
dclla, chanté par M. Delle-Sedie ; ?» le trille du Diable, de ïartini,
par Vieuxtemps; 4° feuillet d'Album, de Heller et Passiflore, par A. Batta;
5° sérénade de Don Juan de Mozart , chantée par M. Delle-Sedie ; 6" so-
nate de Beethoven dédiée à Kreutzer, exécutée par Mme. Escudier et
Vieuxtemps.
.J,*.^, M. Duraont, l'excellent flûtiste, qui nous arrive de Bruxelles, don-
nera un concert le 14 février, dans la salle Pleyel-Wolff, et avec le
concours de Mme Pleyel, MVL Dancla et Lee. Nous en publierons le
programme dimanche prochain -
*** Mercredi prochain aura lieu la première séance de MM. Arrain-
gaud, Jacquart, Lalo et Mas, avec le concours de M. Lubeck. On y en-
tendra : le Grand trio en ré de Beethoven , le 82' quatuor en fa de
Haydn, l'adagio (en si bémol) de Mozart , pour piano et violoncelle, l'oi-
tetto de Mendelssohn, pour quatre violons, deux altos et deux violon-
celles, exécuté par MM. Armingaud, Mas, Accursi, Max-Loévy, Lalo, Dra-
gone, Jacquart et Lée.
*** Sivori, après s'être fait entendre à Weimar, où il a obtenu le plus
éclatant succès, est revenu à Munich, pour y donner son dixième et
dernier Cdncert au profit des pauvres.
t*t M. Charles Lamoureux donnera, mardi prochain, 27 janvier, sa
deuxième séance de musique de chambre, dans les salons Pleyel.' On
y entendra : r quintette en sol mineur (n" 8) de Mozart; 2° la sonate
en la majeur, pour piano et violon (op. 69), de Beethoven; 3» variations
et menuet du septième quatuor d'Haydn; k" sonate pour violon, (publiée
en 1754) de Porpora; B» trio en ré mineur de Mendelssohn.
./« M. Marchesi, le célèbre chanteur, vient d'obtenir de nouveaux
succès à Amsterdam, où il s'est fait entendre dans divers concerts.
Appelé à la Haye par S. M. la reine-mère, il a reçu de cette princesse
une magnifique bague en diamants
*'% Mme Oscar Comettant, que sa belle voix, sa diction parfaite et
son excellente méthode ont placée au premier rang de nos cantatrices
de concert, obtient partout où elle se fait entendre les plus chaleu-
reux succès. En moins d'un mois elle a été appelée par les Sociétés
philharmoniques de Troyes, de Boulogne-sur-Mer, de Dunkerque et de
Saint-Omer. Le 28, elle chantera dans le concert que doit donner la
Société philharmonique de Tours. De la elle se rendra à Lille, où elle
a été également engagée par la Société philharmonique de cette ville.
**^, Un des salons des plus hospitaliers, où l'on est toujours certain
d'entendre de la bonne musique, est celui de M. Bergson. Dans la der-
nière soirée qu'il a donnée cette semaine, cet éminent artiste a fait
entendre ses dernières compositions , que nous nous empressons de
recommander: Berceuse, Barearolk et Shjrienne. La partie vocale était
dignement représentée par trois cantatrices, dont nous avons apprécié
tour à tour le talent, Mme Marchesi, Mme Guery-Fleury et Mlle Lindo.
Le fameux trombone, M. Nabich, a charmé autant que surpris l'audi-
toire, en chantant sur son instrument plusieurs romances et un an-
dante expressément composé pour lui par M. Bergson.
,i.*,i, Mme Szarvady donnera cet hiver trois séances de musique classi-
que, dont- la première est annoncée pour le 30 janvier.
,i;*4 Le concert de Mme Madeleine Graever est définitivement fixé au
10 février, et aura lieu dans la salle de l'hôtel du Louvre. C'est Litolff
qui y dirigera un orchestre composé de nos meilleurs art'stes , et
ajoutera ainsi un nouvel attrait à cette intéressante soirée musicale.
^.** .M. Ch. Hanssens, chef d'orchestre du théâtre Royal de Bruxelles,
a été promu au grade d'officier de l'ordre de LéopolJ.
^*^ C'est vendredi 30 janvier, qu'aura lieu, dans la salle Herz, le
concert, donné par Mlle Julia de Wocher, la charmante pianiste, avec
le concours de Mme Lagnien, de MM. Guyot, Brisson et autres artistes
distingués.
^.*„ M. E. Ketterer, annonce pour samedi 31 janvier, dans la salle
Pleyel, Wolff et C", une audition de ses compositions nouvelles. L'ex-
cellent pianiste fera entendre : l^'antaisie de concert sur la Sonnamhula;
illustration de concert sur II Trovalore; Ah! quel plaisir d'être soldat, et
plusieurs morceaux originaux intitulés : Le Réoiil du Paire, Perle du soir
(mazurka). Boule en Train (galop), caprice militaire. Valse des Fleurs,
ainsi qu'une fantaisie inédite sur Guillaume Tell (pour piano et orgue).
,,*» S. M. la reine des Pays-Bas vient de faire remettre à M. Strauss,
chef d'orchestre des bals de la cour, une bague d'une très-grande ri-
chesse, comme témoignage de la sympathie de Sa Majesté pour les der-
nières œuvres de ce compositeur.
,/„, Samedi dernier, dans une soirée intime, qui réunit chaque semaine
des artistes de premier ordre, Mlle Léonide Mumbert, dont nous
avons eu l'occasion de parler plusieurs fois comme pianiste, s'est fait
entendre sur l'harmonicorde. On nous dit que cette jeune artiste est
élève de Lefébure-Wély; nous ne pouvons en douter ;\ la façon gracieuse
dont elle a exécuté les œuvres de ce célèbre organiste.
^*» M. A. Mute] donne, aujourd'hui dimanche, à la salle Peyel-
Wolff, une matinée musicale, dans laquelle on entendra ses nouvelles
compositions.
^.*,^ Le 8 février, aura lieu un concert à grand orchestre, donné dans
la salle Pleyel-Wolff, par Georges Pfeiffer.
a,*,t S. M. l'empereur d'Autriche vient d'accorder la grande médaille
pour les arts et les lettres à M. Sulzer, premier chantre de l'oratoire
Israélite à Vienne.
^"^ Mme Désirée Artot a reçu de la munificence de l'empereur Fran-
çois-Joseph les portraits photographiés, grande dimension, de tous les
membres de la famille impériale, en faveur de la soirée intime qu'elle a
passée récemment à la cour.
,(*„, L'éminent violoniste J. Becker est arrivé à Paris, venant en der-
nier lieu de Rotterdam, où il a obtenu de brillants succès. M. Becker
se dispose à donner à Paris un concert avec orchestre.
**„ Le public se presse dans le foyer du théâtre Italien, où se trouve
exposé un admirable portrait d'Adelina Patti, dans le costume de Bo-
sine, peint par Winterhalter.
,i,*,t M. Aptommas donnera, le 7 février, un concert dans la salle
Erard, avec le concours d'artistes très-distingués. L'excellent harpiste
jouera le Concerl-Slucl;, de Weber, et plusieurs compositions sur des
mélodies des pays de Galles et d'Amérique.
..*^ Un quadrille composé par Strauss sur la iluetle d,e Portici a eu
beaucoup de succès au dernier bal de l'Opéra. Il est publié arrangé
pour le piano.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
,,,*„, Lille. — Le Pardon ib; Ploérmel vient d'être repris aux applaudis-
sements unanimes, dont .yile de Maësen, dans le rôle de Dinorah, a eu
une large et légitime part.
DE PARIS.
31
a,*^ Bouen. — Dans Ilayclée, Si j'étais roi et les Dragons de Viltars, le
ténor Carré, l'ancien pensionnaire de rOpéra-Comique à Paris, a fait
des débuts très-heureux.
^*^ Marseille. — La reprise de la Muette de Portiei vient d'avoir lieu
avec un très-grand succès, Morère, dans le rôle de Masaniello, et Du-
mestre, dans celui de Pietro, ont été souvent applaudis, et Fenella a
été parfaitement jouée par Mlle Dor. La mise en scène du chef-d'œuvre
d'Auberest très-brillante.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
j*,i, Bruxelles, 23 janvier. — M. Louis Brassin a donné une séance
de musique classique qui avait attiré une brillante réunion au Cercle
artistique et littéraire. L'éminent pianiste a exécuté trois sonates de
Beethoven avec le talent le plus distingué. — Au second concert de l'as-
sociation des artistes musiciens, une symphonie en trois parties de
Spohr et l'ouverture jubilaire, composée à l'occasion du cinquantième
anniversaire de la fondation de la Société royale de la Grande-Harmonie,
par il. Ch. Hanssens, ont réuni tous les suffrages. — Ce soir aura lieu le
grand concert de Prudent, pour lequel presque toutes les places sont
retenues d'avance.
^*,, Gand. — La Muette de Portiei a été accueillie avec une grande
faveur à sa reprise. Mlle Lacroix a débuté dans le rôle de Fenella avec
un succès très-mérité.
.j.*:t Cologne. — Théophile Krijger, harpiste du théâtre royal de Stutt-
gard, engagé par U. Hiller pour le concert d'abonnement du 13 jan-
vier, s'y est fait entendre avec le plus brillant succès. Il a joué le boléro
de Jules Godefroid avec orchestre; il s'était chargé aussi de la partie
de harpe de la musique de Struensée, de Meyerbeer, et d'Athalie, d.;
Mendeissohn. Une nouvelle composition de Ililler pour voix solo avec
chœur et orchestre, a été exécutée pour la première fois à ce concert.
Cette œuvre remarquable a été accueillie avec enthousiasme par les
deux mille auditeurs.
^*^ Carlsrube. — On prépare au théâtre de la Cour la première re-
présentation de l'opéra : le Roi Enzio, par Abert.
^."■j Hambourg. — Lorsque, il y a cinq ans, l'Etoile du Nord fut jouée
pour la première fois, l'impression fut profonde. La reprise a été l'oc-
casion d'un véritable triomphe pour l'illustre compositeur. Mme Masius
Braunhofer, qui a rendu le rôle de Catherine d'une manière tout à fait
distinguée, a eu la plus large part au succès ; on a également beaucoup
applaudi M. Franosch, qui est un excelleut Gritzeuko.
^*^ Munich. — Le théâtre de la Cour a représenté pour la première
fois : les Foscari, opéra de Zeuger. Les spectateurs ont chaudement ap-
plaudi leur compatriote, et l'ont rappelé, ainsi que les acteurs, à la fin
de chaque acte.
*■** Vienne. — Le pianiste M. G. Satter a eu beaucoup de succès
comme compositeur et comme pianiste à son premier concert qu'il vient
de donner.
a** Berlin. — L'opéra de Rubinstein : les Enfants des Landes, sera re-
présenté dans le cours de la saison au théâtre de la Cour. Prochaine-
ment on doit y mettre en répétition l'opéra : la Béole, par G. Schmidt.
Le quatuor des frères Millier a exécuté des compositions de Haydn, de
Mozart et de Rubinstein. L'ensemble et la précision avec lesquels les
artistes ont exécuté ces différents ouvrages ont provoqué à plusieurs re-
prises les applaudissements de- l'auditoire. Pour la fête commémorative
en l'honneur d'Uhland, il s'est formé un comité composé de littérateurs
et d'artistes distingués. La partie vocale de la solennité sera exécutée
par les membres de la société Stern. Le programme de la partie ins-
trumentale so composera de compositions de Weber , Mendeissohn ,
Meyerbeer, etc.
*"'* Milan. — Mme Borghi-Mamo vient d'obtenir un beau succès au
théâtre de la Scala dans le rôle de la Desdemona A'Otello. La célèbre ar-
tiste a enthousiasmé la salle. Prochainement elle chantera le rôle de
Fidès du Prophète dont on prépare la reprise.
^*^ Melbourne. — La troupe d'opéra italien que nous avons ici, vient
de remporter un éclatant succès par les Huguenots. Le chef-d'œuvre de
Meyerbeer, bien qu'imparfaitement exécuté, a excité l'enthousiasme, et
à chaque représentation la salle est comble.
Le Directeur : S. DUFOUR.
f AVIS. — Mous sommes priés d'informer nos lecteurs que les
travaux exécutés à la manufacture de pianos de M. Blanchet fils
étant terminés, le dépôt de pianos ouvert provisoirement boulevard
des Italiens a été réuni, dès le 15 courant, à la maison principale,
26, rue d'Hauteville.
^:y C!S\«| œuvres nouvelles de M. J. C. L. DR CALONNE (le vicomte),
frère aîné du directeur de la Revue contemporaine :
1° E!cuut9>s <le l'tîcole classique, chefs-d'œuvre des grands
maîtres, transcrits et arrangés pour l'harmonium;
2° Aiiayiio eli'IE»y<lËi, eu trio concertant pour orgue, violon
et violoncelle; chez Benoit, rue Meslay, 3i ;
3° siorceau-oHvcrtuire pour orgue et piano et pour orgue
seul ; chez Révillou, rue du Bac, 7 ;
4" Une Oc-sTc brûlante, de Grétry, d'après Mozart, pour
orgue: chez Heu, rue de la Chaussée -d'Antin, 6;
o" TTressie morreniix. religieux adaptés aux modes de l'é-
glise, contenant un Offertoire jugé très -remarquable par M. L.
Kreutzer, l'un de nos plus doctes critiques, pour harmonium ou
orgue; chez A. Leduc, rue Ménars, i.
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pagnement de violon, violoncelle, harmonium et piano.
Rîiueiiit>run>.a et Coniplulnlc de la Captive, deux
rêveries pour soprano avec accompagnement de violon-
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32
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9. Chœiu' du Marclié : Au marché qui vient de s'ouvrir ... 9 »
10. Prîpre sans accompagnement : Saint bien lieureux .... 3 75
11. Air : Nous triomplions, mais jour de terreur 4 SO
12. Air : Du pauvre seul ami fidèle 3 "
13. Cavallne . Arbiti'e d'une vie 3 75
\h. Ouatnor : Je sens qu'en sa présence 5 »
1 D . Barcarolle : Voyez, du liaut de ces rivages 2 50
1 . Air : Ah ! ces cris d'allégresse 4 50
2. Air : Plaisir du rang suprême 6 »
3 . Cliceur de la cImpeUe : 0 Dieu puissant ! Dieu tutélaire . . 5 »
i. Clioeur des Pêcheurs : Amis, amis, le soleil va paraître . . 7 50
5. Barcarolle: Amis, la matinée est belle 3 75
6. Duo : Mieux vaut mourir que resfter misérable 6 »
7. Barcarolle à deux voix : Chantons gaiement la barcarolle 4 50
8. Dno : N'espérez pas me fuir 6 »
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4dani. Op. 24 et 25. P.ondo et mélange.
Chaque 7 50
CUanlleu. Trois fantaisies. Chaque. . fi »
Crjoîîîs-r. Pot pourri 7 50
CzeE-ny. Op. 197-,198. Fantaisie et
rondino. Chaque 6 »
DarboTllle. Tarentelle variée 5 »
Dii-vernoy. Op. 31 . Fantaisie 6 »
Cierville, Op. 33. Fantaisie 7 50
Herz (H.). Op. hU- Rondo capprioio. 7 50
K.ecarpciitier. Bagatelle 5 »
Rosellen. Fantaisie brillante 9 »
Bummel. Transcriptions 6 »
Thaltoerg. Op. 52 Grande fantaisie. 9 »
Valiqaet. Petite fantaisie facile. ... 2 50
Voss. Op. 152. Fantaisie de concert. 9 »
vrocts. Op. 70. Souvenir 7 50
A QU&TBE IlI/lIIVSi.
Caicrny. Op. 226. Fantaisie 9 »
Dnvernoy. Op. 172. Petite fantaisie 0 »
TUalberg. Op. 52. Grande fantaisie 10 «
Valfquet. l'etile fantaisie 5 »
Wolir. Op. 147. Duo facile 6 »
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Clarinetle. — — . . 7 50
Cornet à pislons. Guichabd. Op. 19
Fantaisie 9 »
FlCUc. Tulou . Grand duo 10 »
— — Op. 54. [''antaisie. . . . 9 •■
— BEKBIGUlEB.Op. 92. — .... 9 11
— GUICBARD. Op. 19. — .... 9 0
Hannonimn.— Adam. Fantaisie. Harmo-
nium et piano 9 »
RiBAiLLiEK. Cavaiine du Sommeil,
orgue, piano et violon 6 »
Harpe. Bocbsa. Duo sur le chœur du
Marché 7 50
— Prdmieb. Deux quadrilles, chaque 3 75
— Labakbe. Op. 29. Fantaisie .. (5 "
— . Lababbe et Bébiot. Duo pour
harpe et violon 7 30
Hautbois. VERBOusTetFEssY. Fantaisie.. 7 50
Violon. Alabd. Fantaisie de concert. . 10 »
— B.4UD10T. Duo pour violon Rt piano 7 50
— BÉRioT. Op. 10. Souvenir 10 "
— — Op. 61. Grand duo 10 »
— Dancla. Gloire à Dieu et prière. 6 »
— GuicHAKD. Op. 29. Fantaisie 9 »
— Herman. Op. 39. Fantaisie de con-
cert 9 »
— Lafont. Grande fantaisie 9 »
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ON S'ABONNE 1
Bans les Départements et à l'Étranger , chez tous
les Marchands de Musique, les Libraires, et aux
Pureaui des Messageries et des Postes.
REVUE
1er Février 1863.
PRIS DE L'ABONNEMENT:
Paris 24 (r. par 01
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U- Journal piiriii! le Dmii.nche,
GAZETTE MUSICAL
—^^nj\PJ\l\rj\pjy\j\. —
SOMMAIRE. — Théâtre impérial italien: reprise de Don Giovanni: Adelina
Patti. — Concert populsire do musique classique, par Paul Smith . — Audi-
tions musicales , par Adolpbe Botte. — Haydn et les princes d'Esterhazy .
— Revue critique. — Correspondances : Bruxelles et New- York. — Nouvelles et
annonces.
THÉÂTRE mPERIÂL ITÂUEN.
Beprise de DOIV CilOVAUTIVI. — Adellna Patti.
Le chef-d'œuvre de Mozart vient d'être joua trois fois de suite,
mercredi, jeudi, samedi, et il doit l'être encore aujourd'hui di-
manche. Le premier jour, c'était pour le bénéfice de Mlle Adelina
Patti. LL. MM. l'Empereur et l'Impératrice assistaient à la représen-
tation ; la salle était resplendissante et la recette encore plus. Les
jours suivants, l'affluence n'a cessé de se porter au théâtre. Par
quelle cause expliquer cette recrudescence de vogue ? Eh ! mon Dieu,
c'est tout simple : le rôle de Zerlina était joué et chanté par Mlle Ade-
lina Patti : que fallait-il de plus ? On voulait la voir et l'entendre
dans le cinquième rôle abordé par elle à Paris. Amina, Lucia, Rosina,
Norina, s'étaient chargées d'annoncer Zerlina et avaient si bien
rempli leur office qu'on eut craint de la laisser échapper. La jeune
artiste doit nous quitter bientôt, et la foule de ses partisans va tou-
jours s'augmentant d'un certain nombre de retardataires qui tiennent
à la voir, à la juger avant son départ.
Voilà pourquoi Don Giovanni aura été représenté coup sur coup et
toujours devant une assemblée nombreuse et brillante. Nous ne pré-
tendons pas que le génie de Mozart n'y soit pour rien ; mais, hélas!
nous avouons que, sauf Mlle Patti, le talent de ses interprètes n'y
sera pas entré pour grand'chose. Don Giovanni a besoin d'un tel
concours d'artistes, que trop souvent l'exécution en demeure plus ou
moins incomplète. Celle année, elle l'a été plus : Délie Sedie n'est
que l'ombre un peu lourde du séducteur à toutes mains: MmeFrezzo-
lini n'a que les restes d'une voix contre laquelle sa volonté soutient
une lutte douloureuse ; Mlle Guerra n'a ni volonté ni voix ; Gardoni
et Zucchini font tout ce qu'ils peuvent, mais ce n'est pas assez
pour ce que leurs rôles demandent ; des rôles chaulés naguère par
Rubini et Lablache, comme autrefois celui de Don Giovanni le fut
par Garcia! Pour soutenir et sauver le chef-d'œuvre, il ne restait
donc que Zerlina, une jeune fille : Jeanne d'Arc a bien sauvé la
France ! Adelina Patti n'a pas rendu un moindre service au plus ad-
mirable et au plus admiré des opéras de Mozart.
Cependant, à notre avis, le rôle de Zerlina n'est pas le meilleur
du répertoire de la charmante artiste. La comé'iienne s'y montre avec
plus d'avantage que la cantatrice. Celle-ci n'y a pas assez de liberté,
d'espace pour y donner le plein essor à sa voix facile et hardie,
pour y déployer ce trille magnifique dont elle est douée, pour s'y
lancer dans ces fantaisies qu'elle arrête subitement avec tant de
netteté et de sûreté. En un mot, Mlle Patti comprend et sent trop
bien la musique de Mozart pour ne pas la suivre pas à pas, avec
l'adoration que l'on doit au maître des maîtres. Par exemple, avec
le libretlo de Da Ponte, elle se permet des coi'dées pliw franches.
De la fiancée du pauvre Masetto, elle fait une petite coquette assez
vive d'allures, et qui ne résiste aux attaques du grand seigneur que
tout juste autant qu'il faut pour qu'on ne puisse dire qu'elle a capi-
tulé sans se défendre. Au fait, Mlle Patti a peut-être raison de ne pas
nous donner une Zerlina plus fière, plus intraitable , plus à cheval
sur les principes. Songez que ces principes n'attendent pas la fin
d'un duo pour être battus à plate couture ; donc, ils ne devaient pas
être d'une trempe égale à celle de l'acier. Rien de plus amusant, de
plus fin que la physionomie de Mlle Patti, tandis qu'elle se livre à
sa délibération intime. Céderai je? ou ne céderai-je pas? Comme
elle dit doucement, tendrement ce vorrei, qui est la vérité vraie de
son petit cœur, et comme elle articule avec vigueur cet autre mot :
(' no7i vorrei , qui en est le mensonge !
Rendons justice à la jeune et spirituelle artiste Si elle code un
peu vite, elle se repent de même, et ses remords s'expriment avec
tant d'effusion, de grâce, de gentillesse, qu'on ne saurait lui garder
rancune. Le liatli, batti, a bel Masetio et le Vedrai carino demandent
si joliment grâce pour le La ci darem la niano et le Andiam, mio
bene, qu'il n'y a pas moyen de rester inflexible. On conçoit que
Masetio pardonne, mais il fera bien d'être sur ses gardes à l'a-
venir.
Le jour de la représentation à son bénéfice, Mlle Patti a été ap-
plaudie, rappelée ; on lui a redemandé l'air : Batti, batti, et des
bouquets énormes sont tombés à ses pieds. D'ailleurs tous les mor-
ceaux chantés par d'autres qu'elle finissaient dans le même silence,
excepté le sublime trio des masques, fort bien dit par Mme Krezzolini
surtout, et que le public n'a pas eu tort de vouloir entendre une
seconde fois.
CONCERT POPULAIRE DE MUSIQUE CLASSIQUE.
Le programme du concert de dimanche dernier était un des plus
riches et des plus variés que l'on pût imaginer. La symphonie en rc
34
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
de Beelhoven, la symphonie en lu mineur de Meiidelssohn, un largo
canfabile d'Haydn, l'ouverture de Guillaume Tell, et au milieu de
lous ces chefs-d'œuvre, exéculûs avec une perfection pour laquelle
l'éloge manque de formules, un cinquième chef-d'œuvre, le Concert-
SlucI; de Weber, joué par Mme Pleyel.
C'était la première femme qui fût admise à se poser dans la
vaste salle comme virtuose instrumentiste. Et certes, Mme Pleyel
méritait bien d'inaugurer l'avénemeiit de son sexe au pupitre que
jusqu'alors notre sexe avait toujours occupé. Son succès ne pouvait
inspirer le plus léger doute : elle a joué comme elle joue à son
ordinaire, ce qui serait de l'extraordinaire pour toute autre qu'elle.
Nous ne dirons pas qu'elle a fait des progrès ; ce serait tomber dans
la fadeur. Disons plutôt, pour relever la louange par le sel de la cri-
tique, que la grande artiste n'avait peut-être pas assez étudié l'acous-
tique du local, et qu'en parcourant les touches de son piano avec cette
incroyable volubilité qui est une des merveilles de son art, et qui
convient si bien aux salles plus restreintes, elle n'a pas imprimé à
toutes les notes, à lous les traits de l'œuvre, la puissance qu'elle
possède au bout de ses doigts. Cette observation est de nous et non
de l'auditoire, qui nous a paru applaudir, rappeler et rappeler encore
Mme Pleyel, sans la moindre réserve h son enthousiasme ni à ses
bravos.
Paul SMITH.
AUDITIONS MUSICALES.
]?Iesse de M. f. Benoist à Saint-Kustaclie. — mati-
née de ITI. Alfred lïlutel. — Deuxième soirée de
ninie JEscudier-Kastner et de mm. Henri Vieux-
tcniits et Batta. — Premières séances de musique
de chambre d'Alard et franebomme, d'Armin-
gaut et Jacquart.
Tout, dans la nouvelle messe de M. F. Benoist, entendue dimanche
à Saint-Eustache, est empreint d'un caractère de poésie douce et ten-
dre particulier à l'éminent professeur d'orgue du Conservatoire, et
qui ôte à sa musique religieuse, en général, le feu, l'animation, les
mouvements passionnés que d'autres auteurs veulent avoir à l'église
comme ailleurs. L'orchestration es' sobre et distinguée ; les mélodies
ont de la suavité, de la grâce et du charme.
Le Kyrie débute par de délicieux dialogue? entre le ténor et la
basse. Là l'auteur s'est servi du quatuor des instruments à cordes
d'une façon tout à fait remarquable, et lui a confié, en véritable dis-
ciple d'Haydn et de Mozart, d'élégants et expressifs dessins coniinus,
bien capables de ravir ceux qui aiment la vérité d'expression et les
voix plutôt soutenues qu'écrasées.
Le Gloria est plein de vigueur, sans toutefois que la clarté soit sa-
crifiée au bruit. De beaux unissons s'épanouissent sur un brillant ac-
cord, tout le chœur entonne une large et pompeuse mélodie, mais
bientôt un joli solo de soprano vient reposer l'oreille.
M. Benoist se montre aussi excellent harmoniste dans tout le tra-
vail de son instrumentation et de ses chœurs, notamment dans celui qui
succède au Qui Tollis, qu'heureux mélodiste dans les nombreux soli
répandus avec un goût extrême dans ce Gloria, où l'art de dévelop-
per et de moduler savamment est poussé très-loin, et où le composi-
teur a su allier, très - habilement, la simplicité à la grandeur.
Large, sévère, pleine d'élévation et de noblesse, la mélodie du Sanc-
tus est encore rehaussée par d'ingénieux accompagnements. Les
voix, traitées avec ces ménagements délicats qu'on n'a pas toujours
pour elles, et qui cependant ne tarissent en rien la source des beaux
effets, les voix, disons-nous, l'orgue et l'orchestre, se répondent l'un
à l'autre, se réunissent, et, sans étaler un vain savoir, forment un en-
semble où se reconnaissent aisément les sérieuses et solides qualités
d'un musicien savant. Comme inspiration, VO Salutnris et VAgnus
Del sont incontestablement les meilleurs morceaux. Par leur accent
triste, plaintif et douloureux, parleur harmonie naturelle et douce ils
élèvent la pensée, la portent invinciblement à la prière, et ont quel-
que chose de ces ardeurs séraphiqucs si bien décrites par la poésie,
et que la musique excellera toujours à rendre. Nous estimons à trop
haut prix le talent de M. Benoist pour dire que celte dernière œuvre
est parfaite et irréprochable de tout point. Evidemment il a voulu être
simple, touchant et expressif, il a fui toute lourdeur scientifique;
lui qui connaît si bien les ressources de la fugue, qui en impro-
visa et qui en écrivit de si pures et de si remarquables, il s'en
est montré avare, et ce n'est pas nous qui l'en blâmerons ; mais nous
dirons pourtant qu'on voudrait à sa messe un peu plus de force, d'é-
clat et de variété.
— Les nouvelles compositions de M. Alfred Mutel ont reçu di-
manche, de la part du public, un accueil tout à fait favorable ; elles
méritent de nous, par les véritables progrès qu'elles attestent, une
mention toute particulière. On a surtout vivement applaudi le Som-
meil de l'enfant, Jean-Noël, le Danseur Bathylle et Clair de lune,
mélodies écrites sur des poésies de Saintine, de Méry et de Louis
Bouilhet. Les jolies pièces de ce dernier, choisies par le composi-
teur dans le volume Festons et Astragales, où se retrouvent le parfum
antique, les grâces païennes, la vive expression épicurienne, la verve
poétique qu'on avait déjà remarqués dans Melœiiis, se prêtaient-elles
au caractère essentiellement mélodique qu'on aime à retrouver dans
ces courtes pages vocales? On pouvait assurément craindre que ces
beaux vers, toujours si sonores et si pleins, ne nuisissent à la cou-
leur musicale et ne la fissent pâlir; mais, cette fois, le musicien a
très-heureusement triomphé des difficultés qu'apporte souvent le voi-
sinage dangereux des grandes images, que les poêles lyriques comme
Louis Bouilhet répandent dans leurs moindres inspirations.
M. Alfred Mutel, on le savait déjà, écrit avec beaucoup de soin;
son harmonie est aussi correcte qu'élégante ; ses accompagnements
sont pleins de goût et de richesse; mais, jusqu'à présent, on trouvait,
non sans raison, que l'idée mélodique ne s'en dégageait pas suffisam-
ment, que la distinction et l'originalité brillaient surtout dans les dé-
tails. M. Alfred Mutel, qui connaît parfaitement l'art du chant et qui
sait, chose précieuse, écrire pour les voix, se montre aujourd'hui plus
clair et plus fécond mélodiste. Il est toujours vocal, il a toujours re-
cours à d'intéressants dessins, à de piquantes modulations, mais il
ne s'en contente plus comme autrefois. Si, l'autre jour, on a remar-
qué la finesse de l'accompagnement de piano, la belle couleur que
les parties de cor, de violoncelle et de violon, si délicatement dites
par Mohr, Norblin et Lecieux, prêlaient au Réveil du Printemps, à
la Trinité du Poêle et aux Baigneuses de Lesbos, où la musique a
toute la mollesse et toute la grâce que demandaient les paroles de
Méry , on a remarqué aussi que les chants avaient de la netteté, de
la franchise et de la vie ; que les Anges gardiens, par exemple, et
plusieurs duos d'un opéra-comique inédit possédaient le souffle, la
suite et l'unilé qu'ont toujours les idées fortes et bien venues, et que
M. Alfred Mutel était arrivé à ne plus sacrifier la valeur mélodique
aux recherches et aux élégances harmoniques.
Quelques-unes de ces compositions ont été interprétées avec beau-
coup de talent par Mme Peudefer, Jules Lefort et Capoul; quelques
aulres ont été dites par Mme Ribault et Léon Lafont; toutes ont été
fort bien accompagnées par Alphonse Duvernoy.
— Le trio en sol mineur de Rubinslein, exécuté mercredi par
Mme Escudier-Kastner, Henri Vieuxtemps et Batta à leur dernière
soirée, qui — conséquence naturelle de débuts brillants — avait at-
tiré encore plus de monde que la première, est une œuvre pleine de
répétitions et d'harmonies lourdement plaquées, où l'imagination ne
DE PAUIS.
se montre qu'à de rares intervalles. Le violon et le violoncelle, trop
effacés par le piano, s'emparent de temps en temps seulement de la
mélodie, qu'ils disent le plus souvent à l'unisson et à l'octave sans au-
cun travail attachant. Cependant, il a été fort bien joué.
L'interprétation de la sonate de Beethoven, dédiée à Kreutzer, a
bien fait valoir toutes les beautés de cette superbe composition.
Mme Escudier-Kastner a mis une grande précision dans les divers
mouvements (mérite assez rare pour que nous le signalions), beau-
coup de délicatesse dans les adorables variations de l'andante, de
l'élan et une sûreté de rhythme peu communs dans l'étincelant finale ;
enfin, Mme Escudier a fait preuve d'une connaissance nette et pro-
fonde de la grande manière de Beethoven.
Quant à Vieuxtemps, avec cette merveilleuse faculté de s'appro-
prier tous les styles et toutes les pensées, il a constaaiment fait ou-
blier les difficultés; Il a été, à la fois, pathétique et gracieux, fougueux
et spirituel. Après le Trille du Diable, qu'il a admirablement exécuté
et qui lui a été redemandé, il a mis le comble à l'enthousiasme des
dilettantes en jouant sa délicieuse Polonaise. Jamais, peut-être, le cé-
lèbre violoniste n'avait joué avec cette verve , cet entrain , cette
largeur et cette puissance. Il est vraiment impossible de s'élever à un
plus haut degré de perfection.
La voix expressive, souple et étendue de Mlle Trebelli a été fort
appréciée dans un morceau des Noces de Figaro, et dans un air d'église
de Stradella.
A cette charmante soirée, Batta s'est fait vivement applaudir, et a
causé un plaisir extrême en disant avec la mélancolie et la distinction
qu'on lui connaît Passiflore, exquise chanson d'autrefoi.'', et Feuillet
d'album, de Stephen Heller, ravissante et fraîche inspiration d'aujour-
d'hui.
— A force d'étude, de soin et de respect pour les compositions
des maîtres, la société Alard et Franchomme est allée plus loin que
d'autres dans l'interprétation des chefs-d'œuvre du passé ; aussi, au
milieu de ce qui s'est formé d'excellent depuis sî création, a-t-elle
gardé le rang éminent qu'elle avait tout d'abord conquis. Chaque an-
née, et depuis longtemps déjà, les délicats lui reviennent en foule. A
la première séance, plusieurs morceaux d'Haydn, de Mozart et de
Beethoven, magistralement interprétés, ont encore fait goûter aux au-
diteurs de délicieuses émotions, et ont été salués par des applaudis •
sements bien enthousiastes, et, cette fois du moins, bien légitimes.
— Nous ne pouvons pas nous arrêter sur toutes les choses excel-
lentes qui ont été jouées à la première soirée de MM. Armingaud et
Jacquart, mais jious tenons à dire que les bravos qui ont accueilli la
finesse de l'interprétation, l'ensemble parfait qui s'est fait femarquer
aussi bien dans le sublime de Beethoven, que dans l'aimable, le gra-
cieux et le pathétique d'Haydn, de Mozart et de Mendelssohn, étaient
complètement mérités. Ernst Lubeck a été aussi très-fêté ; et nous
ajouterons, comme si cela était ignoré, que, par ses qualités solides
et brillantes, par son jeu qui unit si heureusement la puissance à la
délicatesse, il atteint le but où doit tendre quiconque joue d'un
instrument : il captive, charme l'auditoire, et produit l'effet irrésisti-
ble que produisent seuls les virtuoses chez lesquels on sent les mé-
rites d'un bon musicien.
Adolphe BOTTE.
HAYDN ET LES PRINCES D'ESTERH4ZY "'.
(I II n'y a pas de héros pour son valet de chambre n, dit le pro-
verbe : peut-être serait-il plus exact de le formuler ainsi : « Nul
» héros n'est grand, s'il ne l'est aussi pour son valet de chambre. »
(1j Gazelle altcmaiidc de musi'iuc.
Sans doute l'application de cette maxime réduirait considérablement
le nombre des grands hommes; mais, à coup sûr, .foseph Haydn se
trouverait parmi ceux qui resteraient. Le fait suivant peut en servir
de preuve.
Lorsque le copiste Elssler — le père de la célèbre danseuse et
depuis longues années au service d'Haydn, — le matin, en l'absence
du maître, brûlait de l'encens pour purifier l'air de l'appartement, et
qu'il croyait que personne ne le voyait, il s'arrêtait quelque temps
avec sa cassolette, devant le portrait de l'homme qu'il révérait à
l'égal d'une divinité, pour l'encenser comme un autel. Ce trait suffi-
rait à constater le charme tout particulier que ce génie aimable exer-
çait sur tout son entourage. Ce charme durait encore cinquante ans
plus tard, ainsi que j'ai pu m'en convaincre lors de mon séjour à
Eisenstadt. L'une des personnes qui me donnaient des renseigne-
ments sur Haydn était parfois tellement émue, que sa voix s'éteignait ;
j'étais obligé de lui donner le temps de se remettre et de s'essuyer
les yeux.
Quant à l'extérieur d'Haydn , tous ceux qui , comme moi, ne le
connaissaient que par ces espèces de caricatures, gravées ou litho-
graphiées, où, sous la figure d'un maître d'école pédant, sec et cha-
grin, il vous regarde d'un œil terne, sans âme et sans intelligence,
s'en faisaient une idée complètement fausse. Il nous apparaît tout
autre dans les descriptions tracées par ceux de ses contemporains
qui vivent encore ; ces descriptions s'accordent avec son psrtrait de
grandeur naturelle, lequel se trouve chez le prince Esterhazy, à
Vienne. Dès le premier coup d'œil on est frappé de l'aspect de celte
figure qui ne manque ni d'intérêt ni de charme, quoiqu'elle ne soit
pas belle, tant s'en faut.
Haydn, vêtu avec soin, d'une taille petite plutôt que grande, est
assis à une table, l'index de l'une Je ses mains posé sur la bouche,
l'air pensif, comme si une idée musicale lui venait tout à coup ; la
tête est forte, le front expressif et large, quoique la perruque soit
trop enfoncée. Des yeux d'un gris foncé, empreints d'une sensibilité
profonde, un sourire légèrement ironique, qui se joue autour de la
bouche, complètent ce que cette tête offre d'attrayant. Le nez , épaté
vers l'extrémité et gravé de la petite vérole, la lèvre inférieure proé-
minente et sensuelle, enfin, le bas du visage, large et massif, nuisent
à l'effet de l'ensemble- Qu'on ajoute à cela un teint maladif et bi-
lieux, une voix nasillarde d'un diapason très-élevé, et l'on sera forcé
de convenir que le grand artiste, le favori des Muses, n'avait pas
beaucoup de rapports avec Apollon.
Lord Byron s'afQigeait de son pied bot: de même Haydn s'affectait
de ce que sa personne avait de disgracieux; même à un âge avancé,
il cherchait encore à atténuer ses difformités naturelles par une toi-
lette recherchée. « Il était toujours tiré à quatre épingles u, me disait
.Mme Uhl, la femme d'un artiste de la chapelle du prince. Ce couple,
maintenant arrivé à l'extrémité de la vieillesse, avait connu l'im-
mortel compositeur. A ce sujet, nous reproduisons ici un passage
d'une lettre écrite par l'artiste que nous venons de nommer :
)) En 1808 on célébrait à Vienne, à l'église des Ursulines , une
fête dont le programme comprenait une messe ei des vêpres en mu-
sique. Le prince y avait fait venir sa chapelle, qui comptait à cette
époque soixante exécutants. Hummel, Kreutzer et PreindI avaient
été invités à écrire chacun une messe : le prince se réservait de
choisir parmi les trois compositions. Ce fut sur celle de Hummel que
tomba son choix. Les membres de la chapelle vinrent successive-
ment saluer leur chef, et Hummel se trouva du nombre des visiteurs.
Haydn était assis devant une table, dans un élégant costume noir,
avec manchettes de dentelle, la perruque soigneusement frisée ; de-
vant lui étaient posés des gants neufs, une canne à pomme d'or et
son chapeau. Quand le maître aperçut Hummel : «Eh bien, mon cher,
» lui dit-il, j'ai déjà appris que tu as écrit une belle messe, et cela
» m'a bien fait plaisir. Je t'avais toujours dit que tu arriverais ; con.
36
REVLE ET GAZETTE MUSICALE
' » tinue à travailler, et souviens-toi que tout ce qui est bpau et bon,
» vient d'en haut, etc. »
Bien mieux que par toutes les recherches de la toilette , Haydn
savait faire oublier ses imperfections corporelles par une réunion
rare de toutes les qualités aimables du cœur, qui , plus que tout le
reste, contribuèrent à lui concilier la foule, souvent hostile à l'homme
de génie. Il était impossible d'en vouloir à cet homme d'une can-
deur tout enfantine. Chaque fois qu'à Eisenstadt il passail dans la rue,
les enfants, qu'il aimait beaucoup, couraient après lui, en criant :
« Papa Haydn' Papa Haydn! » Et ce nom, qui lui avait été octroyé
par les marmots, pour lesquels il avait toujours des dragées dans
sa poche, finit par passer dans l'usage général.
Haydn recherchait -, la société des dames, et il était fier des suc-
cès qu'il obtenait auprès d'elles, succès purement platoniques sans
doute; toutefois on m'a parlé d'une Mme P. .., femme d'un chanteur
de la chapelle du prince, avec laquelle il aurait eu des rapports in-
times. En supposant qu'à cet égard sa conduite ne soit pas à l'abri
de tout reproche, on la trouve tout au moins excusable, quand on se
rappelle que la bizarrerie du destin avait donné une mégère pour
femme à un homme si bien fait pour comprendre les joies de la
vie de famille. D'un extérieur repoussant, grossière, acariâtre, bigotte
et dépensière , voilà sous quels traits tout le monde me l'a dépeinte.
Après avoir porté son joug avec patience pendant une longue série
d'années, Haydn finit par le secouer; voici comment et pourquoi:
Il habitait au faubourg de Gumpendorf une maison qu'il avait achetée
avec l'argent gagné à Londres. Un jour il y reçut la visite de deux
demoiselles, appartenant à une des premières familles de Vienne.
Tandis qu'elles traversaient le salon, la femme d'Haydn, entr'ouvrant
sa porte, s'écria: « Qu'est-ce encore que ce,s^^Mre5-/ô?)) Le sens in-
jurieux qui, à Vienne, se rattache à cette expression locale, attira
des désagréments à Haydn, qui prit enfin la résolution de se débar-
rasser du démon domestique. Il envoya sa femme chez un maître
d'école de Baden, près de Vienne, et elle mourut chez lui en 1800.
Le docteur L.
[La suite prochainement.)
REVDE CRITIQUE.
Charles Peurny. — Absence et Retolr, fantaisie mélodique
et brillante; Cloches et Clochettes, caprice imitatif pour le
piano.
Nous ne chicanerons pas M. Ch. Pourny sur l'appellation donnée à
sa Fantaisie, puisqu'il est reconnu qu'en musique la plupart du temps
les titres sont purement arbitraires. S'il a choisi .ibsence et Itclour, c'est,
sans doute, que ces trois mots représentent deux idées très- accusées,
et surtout très-opposées. De la première, tout naturellement, est née
une mélodie empreinte d'un certain charme mélancolique, qui se re-
produit deux fois sous la forme d'un andante ix quatre temps, et d'un
autre andanie à six-huit. Quant à la seconde, elle se traduit par un
aliei;retto brillant, où éclate la joie du retour après la peine et le re-
gret de l'absence. En somme, ce morceau, sagement conçu et modéré-
ment développé, a de plus l'avantage de pouvoir prétendre à l'effet sous
les mains d'un pianiste de force mo3'enne.
On conteste assez généralement à la musique le privilège de l'imita-
tion exacte et absolue ; mais s'il est permis de faire une exception à cet
arrêt, plus ou moins fondé, c'est assurément en faveur du bruit des
duchés et des clochettes, dont la reproduction ne saurait donner lieu ii
ces naïves erreurs qui ont tant égayé les adversaires de l'imitation éri-
gée en système. Kous avons, eu ce genre, des modèles bien connus dans
le chœur de l'âqucs Ikuries, au troisième acte de Fra Diavolo, et dans
plusieurs morceaux du ChevalJe hronze. Le caprice imitatif de M. Pourny,
sans copier ces motifs devenus populaires, les rappelle forcément, et
nous ne lui en faisons pas un reproche. Un badinage musical qui éveille
la pensée de semblables comparaisons, neprouve-t-il pas, par cela même,
qu'il a atteint le but qu'il se propose?
mile liéoiile Touel. — Pendant la valse, scène dramatique ;
La Coupe en main, brindisi; Vision, romance sans paroles pour
piano.
En attendant que Mlle Léonie Tonel nous fasse entendre, dans son
concert annuel, ces trois dernières compositions, vivifiées par son exé-
cution brillante, nous nous faisots un plaisir de les signaler à l'attention
de nos lecteurs, en appelant sur elles l'intérêt qu'elles méritent à tous
égards, et chacune à un titre spécial. Pendant la valse est une scène dra-
matique dont l'intention est indiquée par le titre- N'est-ce pas une vé-
rité banale que le drame se cache souvent sous des habits de fête, et
qu'un sourire de commande dissimule bien des colères sourdes, bien
des angoisses jalouses, intermèdes orageux, terminés, il est vrai, pres-
que toujours par un retour de calme et de rayons de soleil? C'est ce
qu'a voulu peindre Mlle Léonie Tonel par un gracieux mouvement de
valse que n'interrompt même pas la petite scène dramatique perdile
dans le tourbillon du bal, et s'achevant dans une reprise triomphante
du motif principal. Le brindisi, /a Coupe en main, ne nous paraît pas
moins bien réussi, comme chant énergique et plein de franchise. Il est
en quelque sorte divisé par couplets, peu chargés d'ornements parasites,
et dont le refrain est heureusement ramené, sans cahots inutiles et sans
secousses périlleuses. Une phrase très-simple et en même temps très-expres-
sive fait tous les frais de la romance sans paroles que Mlle Léonie Tonel
a nommée Vision. Ce qui nous plaît dans cette composition, comme dans
les deux autres, c'est l'extrême sobriété de moyens employés par l'au-
teur pour arriver aux résultats les plus satisfaisants. C'est une voie
dans laquelle on ne lui fera malheureusement pas beaucoup de con-
currence.
Le Soir au bobd du lac, nocturne pour
Alexandre Billet.
piano.
S'il est vrai que les qualités des artistes vraiment dignes de ce nom
se reflètent dans leurs œuvres, nous ne sommes pas surpris des grands
succès qu'Alexandre Billet obtient, depuis deux ou trois ans, à l'étranger
et dans nos principales villes de province. Le nocturne que nous avons
sous les yeux est un morceau du style le plus élevé; l'inspiration, tou-
jours élégante et gracieuse, s'y développe avec une netteté et un goût
parfaits. .\ travers les dessins les plus variés et les plus délicats, la
pensée mélodique ressort pure et lumineuse. Exécutée par l'auteur,
cette œuvre doit mettre en relief les diverses perfections du talent qu'on
se plaît à lui reconnaître. Nous aurons sans doute occasion d'en juger
dans le courant de cet hiver. Pour tout autre que lui, la tâche est
moins facile, mais elle est loin d'être impossible, et nous pensons que
plus d'un pianiste exercé voudra l'essayer et s'en tu'era à son honneur.
Brînley*Ricliards. — Cujus animam, transcription du Stab
Mater, de Rossini, pour le piano.
A combien de transcriptions l'immortel Slabat de Rossini n'a-t-il pas
donné naissance ? Tous les morceaux de cette œuvre inspirée ont servi
de thèmes ^ux caprices profanes d'une foule de compositeurs, mais au-
cun n'a été plus employé que le Cujus animam, qu'on regarde à
juste titre comme le bijou le plus précieux de ce riche écrin. Voici ve-
nir un pianiste anglais, dont la célébrité a passé le détroit, et qui, à son
tour, s'est probablement avisé qu'il ne pouvait choisir une meilleure re-
commandation auprès du public parisien, et, en cela, il ne s'est: pas
trompé. Les variations de M. Brinley Richards dénotent une belle in-
telligence musicale, en même temps qu'une remarquable entente des res-
sources du clavier. Elles ne peuvent manquer d'être accueillies avec
faveur dans les nombreux salons qui sont restés fidèles au culte de
l'illustre maestro, sous les auspices duquel il s'est placé.
li. T. A. Fréloii. — Romance sans paroles de S. Thalberq,
transcrite pour piano et orgue expressif.
En digne et habile propagateur de l'orgue des salons, M. Frelon con-
tinu à tracer pour ce nouvel instrument d'agréables et gracieuses
compositions qni sont toujours les bienvenues parmi les amateurs spé-
ciaux. Tout le monde connaît la Romance sans paroles de Thalberg,
qu'il a prise cette fois pour thème de sa transcription. La suavité de ce
chant, si élégiaque et si passionné, s'harmonise admirablement avec les
sons de l'orgue auquel il est confié, pendant que le piano prodigue les
richesses de son accompagnement beaucoup plus compliqué. C'est une
charmante combinaison, dont les effets sont sûrs et répondent à un
goût désormais fort répandu.
37
A. Riedel. — Rêverie suisse, imlse, t'ENCnAiVTERESSE, grande
valse à quatre mains pour piano.
Emile Besi^ranges. — Le Bal (la Gioja insoVitSi) , valse favorite
chantée par Mlle Adeltna Patti, composée par Maurice Strakosch,
et arrangée pour le piano.
Strauss. — La Pluie de fleuiis, valses pour piano.
Au moment où les bals se succèdent de toutes parts , en ne laissant
aux danseurs que rembarras du choix, des valses pour piano, d'une
exécution brillante quoique facile, et signées des noms d'A. Riedel,
d'E. Desgranges et de Strauss, ne sont pas certainement une bonne fortune
à dédaigner. Et cependant, si l'on nous demandait celle qu'il faut pré-
férer, nous serions bien embarrassé de nous prononcer sur le plus ou
moins de mérite de chacune d'elles. Aimez-vous les motifs inédits, sim-
ples et gracieu.x, dans lesquels le violoncelle a une partie obligée, ou
d'un effet plus large et plus tapageur, bien que Toujours très-mélodique,:
prenez les quatre valses qui composent la Rêverie suisse d'A. Riedel , le
chef estimé de la musique du régiment de gendarmerie de la garde im-
périale, ou encore l'Endianteresse, grande valse à quatre mains, du même
auteur. Si vous aimez à joindre aux plaisirs du bal le souvenir des plus
vives jouissances que le théâtre puisse faire éprouver, choisissez le très-
joli et très-fidèle arrangement fait par Emile Desgranges , de la Gioja
insolila, cette ravissante valse de Maurice Strakosch, que la lionne de ia
saison, Adelina Patti, vocalise avec tant d'éclat, aux Italiens , dans la
leçon de chant du Barbier de SéviUe. Dans le même ordre d'idées, vous
plaît-il de suivre et de saisir, à travers les méandres de la valse, les ins-
pirations les plus fameuses de nos grands compositeurs, de Meyerbeer,
de Rossini, d'Auber, d'Ad. Adam, d'A. Maillart, etc.: acceptez la Pluie de
fleurs que Strauss a dérobées à leur jardin toujours frais et toujours
jeune. Voyez plutôt: c'est le Pardon de Ploërmel, puis Fra Diavolo, l'Am-
bassadrice, Robert le Diable, la Sirène, Guillaume Tell, la iMuette, le CItevat
de bronze, le Prophète, les Dragons de Villars, Giralda, l'Etoile du Nord,
et, pour bouquet, c'est encore le Pardon de Ploërmel , dont l'air célèbre
de l'Umbre termine, comme il a commencé, l'arrangement du chef
d'orchestre des bals de l'Opéra.
Y.
CORRESPONDANCE.
Bruxelles, 27 janvier.
Emile Prudent fait ici et dans les villes voisines un voyage vraiment
triomphal. Il arrive de Louvain et se dispose à partir pour Bruges.
Ce qui, d'ailleurs, prouverait suffisamment combien était profonde l'im-
pression par lui laissée à Bruxelles, c'est l'empressement de la foule
compacte et brillante qui remplissait vendredi la salle du Grand-Concert.
Cette fois le grand artiste a obtenu plus de succès que jamais : à deux
reprises il a dû céder aux acclamations et aux sollicitations de la salle
entière. M. Fétis, l'illustre directeur de notre Con.servatoire, a lui-même
complimenté le célèbre pianiste etjointsessollicitationsà celles du public.
Emile Prudent est invité de toutes parts à donner une série de con-
certs à Bruxelles. Dimanche dernier, à Namur, l'auditoire lui a non-seu-
lement redemandé deux morceaux, mais à la fin du concert, malgré sa
fatigue, il a été pour ainsi dire porté au piano pour se faire entendre
encore. Lundi , à Louvain , même enthousiasme : la Danse des fées , le
Rêve d'Ariel, le Cliant du ruisseau ont été bissés, et les applaudissements
ont accompagné l'artiste à sa sortie.
Dans tous les concerts qu'il a donnés, les pianos de Henri Herz , sur
lesquels Emile Prudent a joué, ont été l'objet de l'admiration générale.
M.
New-York, 14 janvier.
En parcourant les annonces des journaux, on ne croirait jamais le
pays en guerre civile. L'opéra italien donne quatre représentations par
semaine; l'opéra allemand, tout autant; le théâtre français, deux; il y
a, de plus, huit grands théâtres, où l'on joue tous les soirs, sans compter
les concerts, bals et que sais-je encore? — Ce qu'il y a d'étonnant, c'est
que tous les directeurs font fortune! Une cnose plus incroyable encore,
c'est un directeur d'opéra italien qui paye régulièrement et honnêtement
tous les artistes : aussi est-il aimé et respecté de tous!
L'opéra italien de New-York compte un rival dangereux dans quelques
églises catholiques. On y fait de la musique dans le genre de la messe
de Rossini, arrangée par ce bon Castil-Blaze. .le me rappelle avoir en-
tendu, dans une église renommée pour sa musique mirobolante, celle des
pères jésuites, un des plus fameux tries dramatiques de Verdi appliqué
aux paroles célèbres de saint Thomas I Une autre fois, c'était le jour de
Pâques de l'année passée, ayant été appelé à diriger la musique dans
un couvent de religieuses, je fus fort étonné d'entendre pendant l'offer-
toire un fragment de Don Pasquale (honni soit qui mal y pense!), ar-
rangé en Ecee Panis. Il est vrai de dire que les braves nonnes igno-
raient entièrement ce qu'elles chantaient, et que la faute en doit être
imputée à un éditeur de Cincinnati, qui avait oublié de signaler l'origine
du morceau. Je connais un Ave Maria, composé par un de nos organistes,
et dans lequel il y a un trille incommensurable sur le si bémol aigu.
Etonnez-vous alors de ce que les prières ne sont pas exaucées!
L'imprésario Ulmann vient de partir pour Londres, emportant les
contrats, en bonne forme, de trois prime donne américaines. Depuis le
succès éclatant d'Adelina Patti, on s'imagine que toutes les autres réus-
siront de même. Ceci ne veut pas dire que Mlles Carlotta Patti (sœur
d'Adelina). Kellogg et Morensi, ne possèdent pas de fort belles voix et ne
chantent à merveille. Le succès de Mlle Cordier, notre compatriote, va
toujours crescendo. On vient de monter à l'opéra allemand le Maçon,
d'Auber, et ce vieil opéra du compositeur toujours jeune, a obtenu un
succès éclatant.
Votre tout dévoué,
DaCiiauer.
NOUVEUES.
3: \ Le théâtre impérial de l'Opéra a donné dimanche dernier le Trou-
vère et Grasiosa. La Muette a été représentée trois fois cette semaine
et chaque soir, la salle était comble. Plus sûrs de leurs rôles, les inter-
prètes du chef-d'œuvre d'Auber y rivalisent de talent; Mlle Vernon a
modéré sa pantomime, et le rôle de Fenella est maintenant trèsibien
rendu par cette belle et gracieuse artiste ; Mlle Fonta est toujours
rappelée après le pas brillant qui lui a été confié et qu'elle danse d'une
façon étourdissante.
i*.,, On a repris, au théâtre impérial de l'Opéra, les répétitions du
nouveau ballet Zara, qui réunira Mmes Ferraris et Vernon. Il sera pré-
cédé de la Mule de Pedro, opéra de Victor Massé.
»'% Les Huguenots viennent d'être représentés avec un grand succès
au théâtre de l'Oriente â Madrid. Mme Lagrange a chanté admirablement
le rôle de Valentine; Bettini, dans celui de Raoul, l'a dignement secon-
dée, et le duo du quatrième acte a enthousiasmé la salle. Du reste, Fras-
chini, Geremia Bettini, Giraldoni et Mme Lagrange composent un en-
semble d'artistes qui a toutes les sympathies du public madrilène. — On
répète le nouvel opéra de Verdi, la Forza del destina. — M. Ferri, en-
gagé par M. Bagier, a débuté avec succès d^ns Maria di Rohan. — Dans
une représentation de Don Pasquale, Mme Volpini a substitué au ron-
deau final la valse Di Gioja imolita, qu'elle a chantée de façon à enthou-
siasmer la salle,
,^*,f Les représentations de la Dame blanche et de Lallah Rouhk conti-
nuent à faire de brillantes recettes au théâtre de l'Opéra-Comique. Ceci
explique le retard que subit la première représentation de l'opéra de
Duprato, Déesse et Berger. Les principaux rôles seront interprétés par
Capoul, Crosti, Gourdin et Mlle Baretti.
^'"^ On annonce, pour le 6 février, les débuts de Berthelier, trans
fuge de l'Opéra-Comique, au Palais -Royal.
^*,j Don Giovanni, joué mercredi au bénéfice de Mlle Adelina Patti , a
été donné encore le lendemain, puis samedi et sera joué encore aujour-
d'hui, sans lasser la curiosité du public. La jeune et célèbre artiste ne
nous quittera que le 15 février. — Quelques jours après aura lieu la
première représentation de Stradella. M. de Flotow suit avec beaucoup
de soin les répétitions de son œuvre, que la direction du théâtre Italien
monteavec un grand luxe de décorations et de mise en scène.
:s*3, LL. MM. l'Empereur et l'Impératrice ont fait appeler dans leur loge
Adelina l'atti, le soir de la représentation à son bénéfice, et ont daigné
lui adresser les paroles les plus flatteuses. Le lendemain, LL. MM.
lui ont fait remettre un magnifique bracelet en diamants et éme-
raudes.
,t** Le théâtre Lyrique a repris, cette semaine, l'opéra d'Adam,
Si j'étais roi ! en attendant Peines d'amour perdues, musique de Mozart
(Cosi fan tutte), qui sera donné vers la mi-février. Les principaux rôles
seront remplis par Mmes Cabel, Faure-Lefevre et Girard; MM. Petit, Ca-
bel, Gabriel et Wartel. — Mme Carvalho ne retournera à Marseille que
pour le 1°'' mars.
,i*^ On annonce le prochain mariage de Crosti, de l'Opéra-Comique,
avec Mlle Andrieux.
»'^l, Au théâtre Princess, à Londre.i, deux danseuses ont encore été vic-
times d'un accident semblable à celui qui a failli faire périr Mlle E. Li-
38
REVLE ET GAZETTE MUSICALE
vry. L'une d'elles, miss Smith, qui s'était précipitée sur son amie,
Miss Hunt, pour éteindrejles flammes qui l'entouraient, a été la plus mal-
traitée. Ne serait-il donc pas possible de prévenir de si terribles acci-
dents, soit en entourant les becs de gaz qui peuvent se trouver en
contact avec les acteurs, soit en prescrivant par un règlement l'emploi
pour les vêtements légers, des préparations reconnues propres à les
mettre à l'abri de l'action du feu ?
»*4 Nous avons fait connaître le grand succès que Saint-Léon vient
d'obtenir à Saint-Pétersbourg, avec son nouveau ballet de Thœlinde. A
la deuxième représentation, le public, qui avait rappelé l'auteur après
chaque tableau, lui a fait remettre sur la scène une magnifique bague
en diamants et saphirs. De plus, le lendemain de son retour de Moscou,
l'empereur et toute la famille impériale ont assisté à la troisième repré-
sentation, pendant laquelle Sa Majesté a daigné descendre sur la scène,
pour féliciter l'habile chorégraphe.
**, Tichatschek, à l'occasion du vingt-cinquième anniversaire de sa
première apparition sur le théâtre royal de Dresde, a chanté, le 47
janvier, le rôle de Fernand Cortez, dans l'opéra de Spontini. L'éminent
chanteur a reçu de nombreuses marques de sympathie.
^*^ La Comtesse d'Egmont, grand ballet du chorégraphe Uota, vient
d'obtenir un brillant succès au théâtre royal de Turin. Le principal
rôle a été dansé par Mlle Legrain, qui a été couverte d'applaudisse-
ments. Les décors et la mise en scène sont splendides. — A Milan, au
théâtre de la Scala, / due soci (Robert Macaire et Bertrand) ont égale-
ment réussi et fort amusé le public. Ce ballet fait honneur au maître
de ballets Taglioni.
»*„, S. M. le roi des Pays-Bas a daigné conférer à M. S. Dufour, direc-
teur de la Revue et Gazette musicale, l'ordre royal de la Couronne de
Chêne.
,s** Le concert populaire de musique classique qui aura lieu aujour-
d'hui au Cirque Napoléon sera ainsi composé : 1° ouverture de Médée,
de Cherubini ; 2" symphonie militaire d'Haydn ; 3" polonaise de Struen-
sée, de Meyerbeer ; 4° Septuor de Beethoven.
4*^ La société des concerts du Conservatoire donne aujourd'hui une
matinée extraordinaire au bénéfice de l'industrie cotonnière.
^*.^ La Société nationale des beaux-arts, boulevard des Italiens, n» 26,
donnera dimanche prochain , 8 février, à 1 heure 1 /2, son quatrième
concert. On y exécutera la Fuite en Egypte, deuxième partie de l'En-
fance du Christ, d'Hector Berlioz ; le solo sera chanté par Warot, de
rOpéra-Comique; — VOuveriure du Carnaval romain, du même; Y Invi-
tation à la valse, de 0. M. de Weber, orchestrée par Berlioz (toute cette
partie du concert sera dirigée par le célèbre compositeur), et la pre-
mière audition d'une ode-symphonie de M. E. Bizet: Vasco de Gama, dans
laquelle le solo sera chanté par Mlle Girard, du théâtre Lyrique; — Vcr-
cingetorix, poëme musical, paroles et musique de .1. DebiUemont , solo
chanté parTroy, de l'Opéra-Comique, et enfin la symphonie eii mi bémol
de Félicien David.
^*,^ La partition de piano et chant de l'opéra Béatrice et Benedict,
de M. Berlioz, vient de paraître chez Brandus et Dufour, boulevard
des Italiens. Elle contient entre autres choses d'une originalité piquante,
un trio pour trois femmes et un chœur, ajoutés par l'auteur depuis les
représentations de cet ouvrage à Bade. On s'occupe en ce moment de
mettre en scène Béatrice et Benedict au théâtre de Weimar , Mme la
grande-duchesse ayant demandé cet opéra pour la représentation de
gala qui aura lieu le 8 avril prochain, jour de la fête de Son Altesse.
»*,t M. Pasdeloup, après avoir arrangé à l'usage de l'Orphéon de Pa-
ris, le chœur de la prière de la Muette de Portici, et celui des Bohé-
miens de Preciosa, vient d'arranger dans le même but, Avant la bataille,
de Weber. Nous reviendrons sur cette dernière œuvre, qui se compose
de deux chœurs fort habilement liés entre eux par M. Pasdeloup.
**« Henri Vieuxtemps exécutera pour la première fois mercredi pro-
chain, salle Herz, une sonate pour alto et piano. Au grand intérêt qu'ex-
cite chaque audition d'une œuvre nouvelle de cet artiste, se joint, cetle
fois, celui de l'entendre jouer de l'alto, instrument qu'il manie avec la
même perfection que le violon. Les dilettanti se souviennent encore
de l'effet immense et de l'émotion profonde que produisit il y a quel-
ques années le célèbre artiste lorsqu'il joua son Élégie sur ce bel ins-
trument, un peu trop négligé aujourd'hui.
^*^ La troisième soirée de Mme Escudier-Kastner et de MM. Vieuxtemps
et Batta aura lieu mercredi prochain, 4 février, avec le concours de'
M. Délie Sedie, du théâtre Italien. En voici le programme: 11° Grande
sonate pour piano et violon, dédiée à Kreutzer, de Beethoven (rede-
mandée) ; 2° chant ; 3" sonate pour, alto, exécutée pour la première fois
à Paris par l'auteur (Vieuxtemps) ; 4° chant ; 5' duo pour piano et vio-
loncelle (Mendelssohn) ; 6» quatuor en la majeur (Beethoven),
,^*^, Jean Becker, l'éminent violoniste allemand, est arrivé à Paris.
11 donnera un concert avec orchestre le 25 février, à la salle Uerz.
M. Becker a l'intention de donner également à Paris trois concerts
historiques. Dans le premier il jouera la musique italienne; dans le
deuxième, la musique allemande ; dans le troisième, la musique française
et belge.
4*,,, Mme Clara Schumann, qui vient d'arriver à Paris, donnera le sa-
medi \U février, un concert dans les salons Erard. La célèbre artiste
aura le concours de MM. Armingaud et Jacquart. On ne doute pas que
la grande sensation qu'elle a produite l'hiver dernier ne se renouvelle
cette année.
i% Au théâtre de la cour, à Vienne, il y a eu, dans le courant de
1862, 217 représentations qui se répartissent de la manière suivante :
Meyerbeer, 26; Donizetti, 23; Verdi, 20; Mozart, 17; Uicliard Wa-
gner, 1 6 ; Flotow, 1 1 ; etc.
*** Le concert de M. Aptommas, le célèbre harpiste de New-York, dont
nous avons annoncé l'arrivée à Paris, aura lieu samedi 7 février, à
8 heures du soir, dans les salons d'Erard, avec le concours de Mlle Dau-
deville, de Troy, de l'Opéra-Comique, de MM. Bloch, Colonne, etc.
M. Aptommas jouera, ainsi que nous l'avons dit, le Concert-Stilckàs Weber
et plusieurs morceaux très-intéressants de sa composition.
,j.*.j, Nous avons annoncé pour le 10 février, dans la grande salle du
Louvre, le concert de Mme Madeleine Graever. Roger y chantera le
grand air de Joseph et le Roi des aulnes, de Schubert. Il sera accompa-
gné par Litolff, qui doit diriger d'ailleurs l'orchestre, choisi parmi les
artistes les plus distingués de Paris.
a,*,^ La Gazette musicale de Barcelone dément avec force les bruits
calomnieux répandus à Milan par des malintentionnés, au su-
jet du théâtre du Liceo, qu'auraient quitté les artistes, et dont le di-
recteur, M. Verger, aurait pris la fuite. L'honorable imprésario est
toujours à son poste ; il ne doit pas un réal aux artistes, et les repré-
sentations continuent comme par le passé. — L'engagement de Mme Czil-
lag a été définitivement résilié à l'amiable.
,f*a, Il paraît certain que la nouvelle loi sur la propriété littéraire ne
sera pas présentée au Corps législatif dans le cours de cette session.
Elle devra d'abord être examinée par le conseil d'Etat, et la commission
instituée au ministère d'Etat s'occupe de cette présentation.
.^*,f: Dans une soirée intime, donnée récemment chez sa mère,
Mlle Schultz, dont nous avons eu déjà l'occasion de parler, s'est fait en-
tendre seule et en compagnie de Vieuxtemps et de Seligmann. Un trio
de M. Damcke, compo-îition de l'ordre le plus élevé, à travers laquelle
passe comme un souffle de Beethoven, a été rendu par les trois artistes
avec le style serré, nerveux et précis que réclament ces sortes d'ouvra-
ges dans le goût allemand. Puis, la jeune virtuose a fait entendre une
rêverie de Chopin et la valse de Schubert, arrangée par Liszt pour le
piano. On n'a pas des doigts plus habiles et plus légers que Mlle Schultz,
ni un plus vif sentiment musical.
**:f M. Ferdinand Stolte, l'auteur du poëme dramatique Faust, qui a ob-
tenu un très-grand succès en Allemagne et en Angleterre, en fera
l'objet de deux lectures à Paris, les 4 et 11 février. Ces intéressantes
séances auront lieu dans la salle Lemardeley, 100, rue Richelieu, à
8 heures du soir.
.j*,f Nous avons déjà appelé l'attention de nos lecteurs sur les soirées
intéressantes de prestidigitation et de physique que M. Robin donne
chaque soir dans sa jolie salle du boulevard du Temple. Jeudi dernier,
c'est à peine si elle pouvait contenir la foule qu'y attirait une représen-
tation donnée au bénéfice de l'industrie cotonnière, et dans laquelle le
savant physicien a déployé une adresse et une habileté incomparables.
La totalité de la recette, déduction faite du droit des pauvres, a été
versée, sans retenue d'aucun frais, à la caisse du journal le Constitu-
tionnel. C'est une heureuse initiative qu'a prise là M. Robin, et qui lui
conciliera certainement les sympathies du public parisien.
»*,,, Les charmantes pianistes, Marie et Nadine Harder, donneront le
9 février, un concert dans les salons Erard. On y entendra Mme Mancel
dans la partie vocale, et dans la partie instrumentale, MM. Hugo Her-
mann, Roccius et Mlle Hermann.
,1,*^ Mlle Marguerite Elle, jeune et intéressante artiste de la Nouvelle-
Orléans, élève de Staraatly, donnera, mercredi 4 février, dans les sa-
lons de Pleyel, Wolff et Cie, un concert dans lequel on exécutera plu-
sieurs morceaux de Beethoven, de Mendelssohn , Dœhler, Chopin et de
son maître Stamatly. Outre le talent qui recommando Mlle Elle, des ar-
tistes d'élite lui prêteront leur concours, et on y entendra, entre autres,
Alard, Franchomme, Jules Lefort, etc. Avec de tels éléments le succès
n'est pas douteux.
,j*,t. Les jeunes virtuoses Auguste et Emile Sauret, qui, bien qu'âgés
seulement de huit et neuf ans, jouent déjà du piano et du violon en
véritables artistes, donneront un concert le 21 février, dans la salle
Herz. En attendant, ils sont très-recherchés dans les soirées musicales,
DE PARIS.
6g
et dimanche passé, ils ont été applaudis et fêtés comme ils le méritent,
dans uue réunion d'artistes et d'amateurs de bonne musique.
^** Luigi Romani a publié à Milan une histoire du théâtre de la
Scala depuis son origine jusqu'à nos jours. Ce théâtre ouvrit en 1778
avec les opéras YEuropa riconosciuta, de Saliéri, et Troja distrutla, de
IMortellarl. L'époque la plus brillante de la Scala fut celle de 1815 à 1845.
^.*, Du travail et du pain ! tel est le lilre d'une élégie, paroles et
musique composées par M. l'abbé Toiizé, chanoine honoraire de Reims,
chantée par Aime Miolan-Carvalho, et qui se vend au profit des ou-
vriers sans ouvrage chez lietté et G". C'est la septième composition
de M. l'abbé Touzé publiée par lui dans un but de bienfaisance.
^"^ Le bal annuel de l'Association des artistes dramatiques aura lieu
le 7 mars prochain, dans la salle du théâtre impérial de l'Opéra-Comique,
sous le patronage de LL. MM. l'Empereur et l'Impératrice. La réputa-
tion de cette fête est assez établie pour que nous jugions inutile d'in-
sister sur son éclat et sa splendeur. L'orchestre, de cent musiciens, sera
dirigé par M. Strauss. Le prix du billet d'entrée est de 1 0 francs. On
souscrit chez M. Thuiilier.
./'■^ L'auteur de charmantes romances, Etienne Arnaud, vient de
mourir des suites d'une fluxion de poitriue.
^*^ A Saint-Gall est mort, le 9 janvier, dans'sa quatre-vingt-deuxième
année, le compositeur Ferdinand Huber, à qui l'on doit les plus beaux
lieder suisses. On peut dire qu'ils se sont répandus sur le globe en-
tier. Huber en avait dédié un cahier à Mendelsshon, qui en fait le plus
chaleureux éloge dans une lettre adressée à l'auteur.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
,*^ Berlin. — Vers la fin de février on attend Mlle Désirée Artot, qui
doit donner une série de représentations au théâtre royal de l'Opéra.
Vers la même époque Mlle Lucca prendra son congé. — Wilhem Rust,
directeur de la société Bach , a donné un concert de bienfaisance à
l'église neuve. Parmi les morceaux que l'on y a entendus, le plus in-
téressant est l'ode à la mort, par KIopstock, que Gluck chantait sou-
vent en s'accompagnant lui-même sur le piano, mais dont il n'avait
jamais écrit la notation. Le maître de chapelle Reichardt avait transcrit
la musique après l'avoir entendue. Cette pièce curieuse étant venue
aux mains de Rust, il adapta au chant un accompagnement conforme
aux intentions du compositeur. — L'ode â la mort, chantée par Mme Jach-
mann-Wagner, n'a pas produit tout l'effet qu'on attendait.
^•^ Vienne. — Parmi les nombreux concerts de la saison, nous cite-
rons la soirée du jeune Ketten, qui a été très-applaudi, et le concert
de la société philharmonique, dont le produit est affecté à la restaura-
tion des tombeaux de Beethoven et de Schubert. Les honneurs de la
soirée ont été pour Mlle Bochkolz-Falconi. qui a chanté deux lieder
de Beethoven avec un succès des plus flatteurs. — Mlle Désirée Artot
vient de quitter notre ville, où elle a terminé la seconde série de ses
représentations. Elle se rend à Berlin pour y clore la saison du grand
théâtre royal. Avant de partir, elle a été invitée à chanter une troisième
fois à la cour; l'archiduchesse Sophie lui a fait remettre après le
concert un magnifique bracelet, en exprimant le désir de voir la cé-
lèbre cantatrice revenir bientôt à Vienne.
.j*^ Varmstadf. — Le 25 janvier a été représentée, sur le théâtre
grand-ducal, la Rei^w de Saba, de Gounod. Presque tous les directeurs
des théâtres de l'Allemagne assistaient à cette représentation, que le grand-
duc etsafamille honoraientde leur présence. Gounoda dirigé l'orchestre,
et le succès a été très-grand. Le quatrième acte a cependant paru trop
long. Le second acte, qui représente la mer d'airain, a produit beau-
coup d'effet. A la fin de la soirée le compositeur a été rappelé. Avant
son départ pour Berlin, où il va assister à une des représentations de
Faust, il a reçu du grand-duc la croix de son ordre de Philippe le
JVIagnanime.
^*» Brème. — La symphonie l'Odan, par A. Rubinstein, qui a été
accueillie précédemment avec une faveur marquée à Berlin, Leipzig, etc.,
vient d'être exécutée ici par la société des concerts de symphonie.
Cette œuvre importante, empreinte d'un talent original, a produit le
plus grand effet.
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SOMMAIRE, — Concert populaire. — Soirée musicale, par Paul ISmitli. —
Auditions musicales, par Adolphe Botte. — Bouffes-Parisiens : Job el
srni chien , opérette en uu acte , paroles de M. Mestipes, musique de M. Emile
Jonas î Madame Pygmalion, opérette-bouffe en un acte, paroles de MM. Jules
Adenis et Francis Tourte, musique de M. Frédéric Barbier. — Revue critique,
par Adolphe Botte. — Revue des tliéàtres, par D. A. D. Saint-Yves.
— Nouvelles et annonces.
CONCERT POPULAIRE DE MUSIQUE CLASSIQUE.
11 y a huit jours, le programme se composait de quatre numéros
seulement, et l'ouverture de la Médée de Cherubini en faisait par-
tie. C'est un morceau bien fait que cette ouverture, mais il n'a rien
qui sorte des proportions ordinaires : on y sent l'art plutôt que le
génie, et le métier plutôt que l'art. Les idées y manquent de ce ca-
ractère saillant qui résume tout un drame, et de cette distinction
qui fait qu'on les retient de préférence à une foule d'autres.
Il faut parler tout autrement de la symphonie militaire d'Haydn,
œuvre naïve et charmante remplie d'inspirations qui, par leur dou-
ceur et leur aménité, semblent parfois en contradiction flagrante
avec le titre. 11 est certain que si, de nos jours, on avait à écrire
une pareille œuvre, on s'y prendrait d'un autre style, et qu'on s'ar-
rangerait pour faire un autre fracas. Mais Haydn vivait dans un
siècle où l'on ne connaissait pas encore les canons rayés, et puis il
était d'une nature essentiellement pacifique. Dans sa symphonie mi-
litaire, les soldats vont à la parade, et non au combat ; il aurait eu
trop peur de faire tuer un homme !
A l'œuvre gracieuse d'Haydn succédait une œuvre profondément
dramatique de Meyerbeer, la Polonaise de Struensée , le second des
entr'actes compo.sés par l'illustre maëstn pour la tragédie de son
frère. Une Polonaise dramatique ! Ce substantif et cet adjectif ne
sont-ils pas quelque peu surpris de se voir accouplés ensemble ? Et
pourtant rien de plus juste, rien de plus vrai. Le bal et ['arrestation,
le plaisir et la crainte, la joie et les larmes, tel est le contraste ad-
mirablement saisi et reproduit par la musique : tel est l'émouvant
tableau tracé par la même main qui peignit les Hwjiiemls et le
Prophète. Notre savant collaborateur, M. Fétis père, a dit, il y a
longtemps, dans ce journal, qu'il estimait à égal prix les morceaux
de Struensée, en commençant par la magnifique ouverture, exécutée
plusieurs fois par les deux orchestres de Pasdeloup, celui de la So-
ciété des jeunes artistes, dans la salle Herz, et celui des concerts
populaires dans le cirque Napoléon. Nous devons bientôt l'entendre
encore : nous le désirons d'autant plus que l'exécution de la Polo-
naise a mérité dimanche dernier des éloges sans réserve, et qu'elle
a produit un merveilleux effet. Trois salves d'applaudissements ont
témoigné de l'impression res?eatie par tout l'auditoire ; Ttcuvre aviiit
donc été comprise aussi bien que rendue ! A chaque retour de l'air
de danse et du ton primitif, on avait senti ce léger murmure qui
circule de proche en proche lorsqu'il y a émotion vraie et sponta-
née. Les cœurs étaient serrés, tandis que le drame grondait sous le
■pizzicato si expressif des violons, ou bien dans Vagilato appassionato
en ut mineur, et puis la Polonaise reparaissant était accueillie chaque
fois comme un sourire.
Pour ne pas rester au-dessous d'une composition de cette force,
il ne fallait pas moins qu'une des meilleures œuvres de Beethoven, et
Pasdeloup avait choisi fort à propos le grand septuor de ce maître
pour le faire exécuter dans son entier. Le succès le plus complet a
couronné la noble entreprise : on a tout admiré, tout applaudi; on au-
rait volontiers tout redemandé de ce magnifique septucr, frère aîné
de toutes les symphonies du même auteur, supérieur même à quel-
ques-unes. Les trois solistes qui jouaient la partie de cor, celle de la
clarinette et celle du basson, n'ont rien voulu céder de l'honneur de
la journée au gros bataillon des instruments à cordes. Aussi, quand à
la fin du sextuor, les transports de l'enthou.siasme général ont éclaté,
Pasdeloup a-t-il amené sur le devant de l'estrade MM. Pâquis, Au-
roux et Espeignet pour qu'ils fussent tous les trois applaudis en per-
sonne, et connus de son public, comme lui-même.
SOIRÉE MUSICALE.
L'autre samedi nous avons entendu chez Marmontei , le célèbre
professeur, des artistes dignes de ce tilre, et dont plusieurs ont été ses
élèves. Parmi eux se distinguait Alphonse Duvernoy, pinniste encore
jeune d'âge, niais non de talent. Nous le louerons d'abord pour l'é-
légance et la finesse de son jeu, qui n'ont guère de rivales pour la
qualité exquise du son qu'il tire de ses touches. Ce que nous signa-
lerons de plus, c'est l'individualité que son talent aspire à prendre,
et qui déjà commence à se roanilestcr. Nous l'avons apprécié dans
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
un nocturne de Chopin ( avec lequel il a quelque analogie ) , dans
un andante de Beethoven et dans le rondo de Weber. Le même ar-
tiste avait supérieurement joué la partie de piano dans un trio d'A.
Blanc, composition des plus distinguées, écoutée avec un vif plaisir.
M. Vincent, Mlles Rey et Lée, trois élèves de Révial, ont eu beau-
coup de succès dans la partie vocale de cette soirée, où les habiles
instrumentistes étaient nombreux.
Paul SMITH.
AUDITIONS MUSICALES.
Eugène Ketterer. — Hllle Julte de ivociter.' — Mlle iwar»
gaerlte Elic. — Troisième «otrée de Blme Escndier-
Kastner et de WV3. Henri 'Vieïixtemps et A. Batla.
Si les concerts ne sont pas rares, les réunions particulières ne
sont pas moins nombreuses ; c'est à qui , chez soi , fera de
la musique, c'est à qui ravira le plus les admirateurs des chefs-
d'œuvre de toutes les écoles et de tous les temps; seulement, c'est
toujours de la musique de chambre : musique de chambre chez M. Le-
bouc, dont le talent est apprécié comme il mérite de l'être ; musique
de chambre chez Mme Wartel, chez Mlle Marie Baumetz, chez
Mlle Trébelli, chez Mais arrêtons-nous, et parlons de ce qui
n'a pas été exclusivement réservé à d'heureux privilégiés. D'ailleurs,
fût-on aussi bref que possible, les colonnes de ce journal ne sufliraient
point à enregistrer tous les succès intimes.
Parmi les transcriptions d'Eugène Ketterer, jouées samedi dans les
salons Pleyel-WolCf, nous citerons celle du Trovatore, celle de Ah !
quel plaisir d'être soldat ! celle de Guillaume Tell pour piano et
orgue et celle de la Somnambule, où, comme pianiste, l'auteur a
montré une expression soutenue et une certaine ampleur qui ne lui
sont pas habituelles, et dont l'éloignent d'ailleurs les choses courtes
et légères auxquelles il semble avoir voué son double talent. Les
morceaux originaux ont peut-être satisfait la majorité des auditeurs,
mais cela ne suffit point. Quoi qu'il en soit et quoi qu'on en dise, les
minorités ont une valeur, une influence parfois singulière et redou-
table, et ce sont elles surtout qu'il faut gagner quand on est jaloux de
la durée et de l'importance de son œuvre.
En composant si vile un si grand nombre de morceaux, le but
d'Eugène Ketterer n'est pas évidemment d'atteindre à la beauté du
travail harmonique, à la richesse des développements, à la nouveauté
des combinaisons instrumentales, — toutes choses que cherchèrent
et atteignirent les maîtres modernes du piano; — il a voulu surtout
satisfaire aux exigences du moment, transcrire la mélodie en vogue,
et varier, dans un style enjoué et facile à comprendre, les inspirations
qui tour à tour ravissent le public. Là est le secret de ses succès; là
aussi est la raison de ses faiblesses. Le grand Caprice hongrois éclos
dans la première jeunesse de l'auteur, reste comme un heureux aîné.
Cette fois encore, il a produit son effet accoutumé, effet que n'ont
pas produit, nous devons le dire, toules les dernières œuvres.
Comme cela arrive trop souvent, la partie vocale n'était pas bril-
lante. Jamais peut-être on n'avait entendu de pareilles intonations,
jamais on n'avait entendu phraser, prononcer et respirer de cette façon.
Ce qui manque à Mlle Frasey ce n'est pas la voix, c'est seulement
l'élude. En vérité, nous ne comprenons pas qu'on ose se présenter
devant le public quand on ne possède aucun talent. Pendant que les
instrumentistes travaillent et s'élèvent aux qualités les plus solides et
les plus brillantes, la plupart des chanteurs se dispensent aussi bien
du solfège que des vocalises : aussi s'en aperçoit-on au charme de
leurs points d'orgue et au sentiment qu'ils ont du rhylhme et de la
période musicale! 11 est grand temps, ce nous semble, qu'on se
préoccupe un peu plus sérieusement de l'art du chant.
Les compositeurs surtout déplorent cette décadence et en souffrent.
Ils essaient bien d'imposer à leurs interprètes le style, les ornements,
les mouvements, le caractère et l'expression que demandent leurs
inspirations ; mais souvent ils ne sont ni écoutés ni compris, et ne
sauraient l'être. Comment, en effet, parler de goût, de finesse, de
distinction et de vérité à des gens auxquels l'éducation première a
manqué et qui ne se doutent même pas de la véritable physionomie
d'un morceau?
— A son concert, où le chant aussi a laissé trop à désirer,
Mlle Julie de Wocher a dit avec netteté, vigueur et délicatesse le
trio de Mayseder, puis de jolis morceaux de Litolff et de Gutmann.
Le trio écrit, par Frédéric Brisson pour piano, orgue et violon sur
la Somnambule est délicieux, non-seulement, comme cela arrive par-
fois, grâce à la beauté des canlilènes, mais grâce à l'élégance et à
l'habileté du travail. L'ingénieux auteur de V Arabesque écrit toujours
de charmantes petites pièces. Sa Valse des rêves, sa Fête des Por-
cherons et surtout sa Cansone, qu'il a jouée très-finement l'autre soir,
attestent qu'il n'a rien perdu des aimables qualités qui lui firent goû-
ter plusieurs fois au fruit savoureux du succès.
— Le public demande aujourd'hui plus que des rêveries, des ca-
prices et autres choses semblables; il veut du grand, du large, du
beau, et a tout d'abord su gré à Mlle Marguerite Elie, jeune élève de
M. Stamaty, du bon goût de son programme. Trio en ut mineur de
Mendelssohn, magnifiques varialions de Beethoven sur un thème des
Machabées — c'est-à-dire Haendel, qu'on a si justement comparé à
Homère — traité et développé par un homme de même taille que lui,
tel était le fond de ce concert. Dites par Mlle Marguerite Elie, par
Alard et par Franchomme, qui, le matin même, chez Mlle Marie
Beaumetz, avaient ravi l'auditoire, ces pages, qu'il est bien inutile de
louer, ont causé un vif plaisir. Succédant à l'énergie, à la passion
frémissante qu'on sent dans Haendel et dans Beethoven, même dans
leurs inspirations relativement calmes, le scherzo de M. Stamaty
a été très-sympathiquement accueilli. En exécutant, seule, des mor-
ceaux de Dœhler et de Chopin, Mlle Marguerite Elie a fait apprécier
la netteté, la sobriété et l'élégance de son jeu. Si la jeune pianiste
n'était pas encore une enfant, nous dirions, quoiqu'elle ait été vive-
ment encouragée, qu'un peu moins de mollesse, un peu plus de cha-
leur et d'émotion, des accents un peu plus passionnés eussent satis-
fait davantage et donneraient à son talent l'éclat et la variété qui lui
manquent encore et qu'il ne dépendra que d'elle d'obtenir.
Les soirées de Mme Escudier-Kastner et de MM. Henri Vieux-
temps et A. Batta attirent toujours la foule, et prouvent une fois de
plus, comme le prouvent chaque jour tant d'intéressantes fêtes artis-
tiques, que nous sommes encore loin — malgré tout ce qu'on fait
pour cela — d'être déshérités de l'enthousiasme et de l'amour des
belles choses. Il faut reconnaître aussi que ces soirées sont organi-
sées avec beaucoup de goût ; on n'y oublie pas ce besoin de variété
qui, en France surtout, domine souvent tous les autres. Si, cette fois,
le piano est resté aussi net, aussi brillant, aussi remarquable de vi-
gueur et de grâce, si le violoncelle est resté aussi expressif, si tous
deux ont réellement enlevé les suffrages, le violon, lui, s'est tout à
coup métamorphosé. Il a voulu voir si, en baissant le ton, en grossis-
sant sa voix, il exciterait les mêmes transports. Il y a parfaitement
réussi. La Sonate pour alto a valu à Henri Vieuxtemps, nous ne di-
rons pas comme compositeur, mais comme exécutant, le succès qu'il
avait obtenu le mercredi précédent en jouant son entraînante et jolie
Polonaise. Pouvoir ainsi changer de voix et conserver la même su-
périorité, c'est vraiment merveilleux. Combien de ténors devenus
barytons vont porter envie à Vieuxtemps!
Après avoir applaudi, aux deux premières séances Mlles Marie Battu
et Trébelli, il a été donné aux diletlanles d'applaudir cette fois Delle-
Sedie. A la vivacité des bravos, l'excellent artiste a pu voir que, au
concert surtout, on sentait tout le prix de sa diction, de son style.
DE PAHIS.
43
ei que, mieux qu'au théâtre, où l'organe dissimule plus difficileraenl
ses faiblesses, on était très-syaipathique à la pureté, à la correction
et à tous les mérites d'une belle méthode.
Adolphe BOTTE.
THÉÂTRE DES BOUFFES-PARISÎENS.
JOB GX SOiV CIIIEW,
Opérette en un acte, paroles de M. Mestépes, musique de
M. Emile Jonas.
BIADAIUH PVG.UAIilOiV ,
Opérette-bovffe en un acte, paroles de MM. Jules Adenfs et Francis
Tourte, musique de M. Frédéric Barbier.
(Premières représentations le 6 février.)
L'heure du repos a sonné pour Orphée aux enfers, fatigué, mais
non usé par ses quatre cents représentations. Le temps n'est peut-
être pas éloigné oii nous le verrons renaître plus jeune et plus alerte
que jamais. Provisoirement, il daigne, en bon prince, céder le pas
à d'autres ; il entrouvre la porte, et les impatients qui désespéraient de
voir arriver leur tour, se hâtent d'entrer dans la place.
Voici d'abord Job et son chien, petite opérette bien folle et bien
extravagante de M. Mestépes. Job a un chien qu'il aime avec la pas-
sion d'une vieille fille ; mais il a aussi un maître qui ne professe
pas pour les animaux la même tendresse que lui. Le docteur Corné-
lius veut fonder sa réputation sur un élixir contre le spleen ; malheu-
reusement, les essais qu'il a tentés jusque lîi in anima vili, c'est-à-
dire sur les chiens, n'ont pas été couronnés de succès. La dose de
poison qui entre dans la composition de son élixir les a tous tués.
Cornélius n'en persiste pas moins à vouloir expérimenter sur l'homme,
et, le pistolet à la main, il force un de ses locataires à avaler sa
drogue. Or, ce locataire, fort maltraité par la fortune, et par con-
séquent sujet au spleen, se trouve tout à coup transformé par la
boisson du docteur. On s'étonnerait à moins : aussi, dans sa joie,
Cornélius donne-t-il une somme considérable au jeune Franz , qui
témoignera de l'excellence de son remède. Cette somme , qui lui
tombe du ciel tout à point pour épouser une jeune fille qu'il aime,
Franz ne l'a pas gagnée; car on apprend bientôt que l'élixir du
docteur a été édulcoré par Job, qui craignait que son chien n'en fît
l'expérience. Mais il est trop tard pour se raviser, et le docteur en
est pour la perte de ses illusions et pour le sacrifice de ses billets
de banque.
M. Emile Jonas , professeur au Conservatoire , a écrit sur cette
donnée canine quelques morceaux faciles et spirituels qui ont été
fort applaudis, et à très-juste titre. Son ouverture , composée de di-
vers motifs qu'on retrouve plus tard dans la pièce , est d'un effet
charmant, grâce à la variété de ses combinaisons. Les couplets de
Job, dans lesquels il imite l'aboiement de son chien , ont un cachet
original. Wous citerons encore les couplets en duo : Eh! va ton
train, cher médecin , qui sont pleins de gaieté et de franchise ; les
couplets à boire et le finale, morceau fort habilement tracé, oîi l'on
voit défiler successivement les principaux motifs de la pièce.
Tout cela est joyeusement interprété par Desmons , Marchand ,
Georges et Mlle Géraldine.
Il semblait impossible que l'on pût faire quelque chose de plus dé-
raisonnable que Job , et cependant Madame Pygmalion a résolu le
problème. Il est vrai qu'ici nous sommes en pleine fantaisie, et même
en pleine parodie de la Galathée de l'Opéra-Comique. Clorinde , ar-
tiste peintre du genre féminin, se meurt d'amour pour l'image d'une
espèce de Turc de carnaval qui est le fruit de ses pinceaux. Un guide
basque et un cocodès jaune, amoureux de sa soubrette et de sa
nièce, s'entendent pour la mystifier, afin de la forcer à donner son
consentement à leur mariage , en la compromettant. Donc , le guide
Andréas s'introduit dans le cadre du Turc Hassan, et, docile à l'évo-
cation de Clorinde, il s'anime comme Galathée, mais pour faire bientôt
repentir l'artiste de ses vœux indiscrets. Il va sans dire que les com-
plices d'Andréas prennent plusieurs déguisements pour seconder ses
projets, et que tous ensemble ils bouleversent complètement les idée.s,
déjà fort obscures, de Clorinde ; que la pauvre femme est trop heu-
reuse de penser qu'elle a fait un mauvais rêve, et de retourner bien
vite à la réalité.
La musique que M. Frédéric Barbier a brodée sur ces situations
bouffonnes, nous a paru on ne peut mieux adaptée au sujet. Le public
a particulièrement fait bon accueil à une sérénade pour deux voix
d'hommes, à un duo comique et à la ronde de l'émir, qui est le mor-
ceau capital de sa partition.
Mlles Giraldine et Laurent sont très-agréablement placées toutes
deux dans les rôles de la soubrette gracieuse et de la nièce Florès.
Duvernoy et Jean-Paul s'acquittent fort bien de leurs personnages
grotesques. Mais les honneurs de la pièce sont, sans contredit, pour
Mlle Baudoin, qui interprète en vraie comédienne les boutades ex-
centriques de l'artiste Clorinde.
La reprise de Ba-ta-clan et des Deuc Aveugles, qui accompagnait
ces deux nouveautés, a fait le plus grand plaisir. Pradeau, Marchand,
Tacova, Mlles H. Loyé, Tafïanel, Simon, Dalbert remplissent aujourd'hui
les principaux rôles de la célèbre chinoiserie musicale. La Kaoul-
chou-lika, dansée par Mlle Simon, l'ancienne ballerine de l'Opéra, et
par tous ses camarades, t'.'rmiae dignament cette bouffonnerie.
D.
BEVUE CRITIQUE.
SIX UÉIiODIEiS DE! 11. <I. CBSI^SSOi^'i^'Om.
(Deuxième volume des Haumosies.)
Dans sou deuxième comme dans son premier volume , intitulé
Harmonies, M. Cressonnois n'a pas compté seulement sur le charme
et l'intérêt de sa musique; il s'est inspiré des vers si puissants, si
colorés de Victor Hugo, et-des pensées si spirituelles, si fraîches et si
délicates de Théodore de Banville, de Piron et d'Armand Barthct,
l'heureux auteur du Moineau de Lesbie, de cette admirable bluette à
laquelle l'inimitable talent de Rachel donna presque la valeur d'une
belle étude antique, et qu'on osa dans le temps comparer à la Ciguc
d'Emile Augier. M. Cressonnois aime l'art et respecte le public, —
deux choses assez rares aujourd'hui; —c'est un artiste sérieux, et
qui s'adresse évidemment à tous ceux qui ont une sainte horreur de
la banalité.
Le Dernier baiser est une mélodie plus gracieuse et plus vocale que
quelques autres inspirations du recueil. Ici l'auteur a abandonné, il
est vrai, la variété des accompagnemenls qui fait le principal mérite
de plus d'une de ses compositions. Le chant a de la douceur, de la
mélancolie, de la tendresse; il est bien approprié à la pensée du poëte,
et l'on ne regrette pas du tout les harmonies trop serrées, les modu-
lations trop rapprochées, les dessins trop multipliés dont M. Cres-
sonnois entoure très-souvent ses idées mélodiques. Il y a demies Tron-
çotis du serpent d'excellents passages, une richesse d'harmonie rc -
marquable et des détails vraiment délicieux; mais ils rappellent
malheureusement plus qu'il ne faudrait les formes choisies par Schu-
bert et admirées dans ses ravissants petits chefs-d'œuvre. On voudrait
aussi à ce morceau un .sentiment plus profond, et une originalité qui
n'existe guère que dans la manière de moduler. Une tonalité franche
hk
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
et claire, uû chanl simple, naturel et plein de verve, auquel quelques
retards de consonnances donnent une gravité tout à fait aimable,
telles sont les' principales qualités de \â Ronde sentimentale. L'accom-
pagnement différent (car elles ont chacun le leur) des quatre strophes
qui composent cetle ronde, témoigned'un vif amour pour les finesses du
contre-point et atteste un goût très-exercé. Ce joli morceau et le Der-
nier baiser sont faciles à comprendre, faciles à chanter et plairont à
tous également.
Dans la Vieille Chanson, dans la Volage et dans le Printemps d'a-
vril, on sera frappé de la nouveauté de la coupe, de la fraîcheur de
certaines recherches harmoniques, et, en dépit de la valeur très-
inégale de ces mélodies, en dépit de la difficulté que quelques-unes
pourront offrir aux chanteurs, car — de même que Lien d'autres
compositeurs — M. Cressonnois semble être plus familiarisé avec
les instruments qu'avec les voix, on trouvera que toutes sont l'oeuvre
d'un musicien instruit et distingué.
Adolphe BOTTE.
BEVUE DES THÉÂTRES.
Vabiétés : les Scerels du grand Albert, vaudeville en deux actes,
par MM. Eug. Grange et H. Rochefort. — Ambigu : François les
bas-bleus, drame en cinq actes et sept parties, par M. Paul Meu-
rice. — Cirque Napoléon : exercices nouveaux.
S'il faut juger de l'étal de prospérité des théâtres parisiens par la
rareté des pièces nouvelles, qui n'a jamais été plus grande, leur situa-
tion [est assurément très-florissante. Tandis que les Ganaches abor-
dent victorieusement leur centième représentation, que le Bossu a
dépassé sa cent cinquantième et que la Prise de Pékin est devenue
deux ou trois fois centenaire, c'est tout au plus si nous trouvons à
enregistrer deux nouveautés dans la quinzaine qui vient de s'écouler.
11 y a bien aux Variétés un vaudeville en deux actes, intitulé les
Secrets du grand Albert, par qui la revue s'est vu détrôner, mais
nous ne pensons pas qu'il ait la prétention de se donner pour du
nouveau. Il faudrait être bien ignorant des productions du théâtre
contemporain pour ne pas saluer, comme de vieilles connaissances,
les personnages de cette œuvre soi-disant comique. Son excuse est,
assure-t-on, qu'elle a été oubliée pendant plusieurs années dans les
cartons. Peut-être aurait-on mieux fait de l'y lais.ser! Voici, du reste,
de quoi il s'agit dans ces deux actes rétrospectifs : la scène se passe en
Prusse, du temps du grand Frédéric; un imbécile de jardinier, chassé
pour une bévue digne de Jocrisse, va trouver sa prétendue en service
chez un bourgmestre qui est en train de marier sa fille. L'ex-jardinier,
dans un accès de jalousie, s'empare d'une canne, d'un flacon et d'un
livre dont la présence entre les mains de la soubrette lui inspire de
graves soupçons. Mais à peine est-il possesseur de ces trois talismans
anonymes, que toutes les félicités terrestres lui sont dévolues. Le
bourgmestre l'installe dans sa maison ; on l'entoure de soins et d'é-
gards; les femmes lui font des déclarations. Bref, notre homme,
marchant de surprises en surprises, s'imagine que toutes ces bé-
nédictions lui sont attirées par le livre qu'il a pris à sa prétendue,
et qui n'est autre que l'ouvrage cabalistique des Secrets du grand
Albert. Mais la vérité est tout simplement qu'on le prend pour un
autre, et comme cet autre a sur la conscience un certain nombre
de méfaits, son sosie ne tarde pas à voir le revers de la médaille,
et il aurait bien de la peine à se tirer de ce mauvais pas si l'ar-
rivée soudaine de l'ofBcier qui a donné lieu au quiproquo ne ve-
nait tout expliquer et remettre chacun à sa place. Nous ne savons pas
si le grand Albert, dans son livre qui traite de tout et de quelque
autre chose encore, a indiqué la recette pour faire un bon vaudeville,
mais ce qu'il y a de sûr, c'est que les auteurs ne l'y ont pas ren-
contrée.
— On ne se douterait guère que, sous ce titre essentiellement po-
pulaire de : François- les- Bas-Bletis, le nouveau drame de l'Ambigu
eût ses racines dans l'histoire authentique du grand siècle. Rien
n'est plus vrai pourtant, et nous avouons que peu de pièces offrent
à un aussi haut degré le respect de sa tradition. Est-ce un bien ? Est-
ce un mal? La question est délicate, etnous hésitons, malgré les appa-
rences, à la trancher en faveur d'Alexandre Dumas, dont les drames
historiques ne doivent peut-être leur succès qu'à la dose romanti-
que qu'il y a mêlée sans façon. Quoi qu'il en soit, gardons-nous de
mépriser l'honorable procédé de M. Paul Meurice, et, à défaut d'au-
tres choses, sachons -lui gré de ses bonnes intentions. Donc, en s'ap-
puyant formellement sur l'histoire, il nous montre Henriette d'Angle-
terre, si connue sous le nom de Madame, en proie aux poursuites
amoureuses de trois prétendants, d'abord le roi Louis XIV, puis le
duc de Guise et le chevalier de Lorraine. La princesse a une préfé-
rence secrète pour le duc de Guise; mais il faut à tout prix la cacher à
des rivaux, dont l'un est tout-puissant, et l'autre odieusement vindi-
catif. C'est dans l'intrigue nécessitée par les dangers que court à
tout instant Madame, qu'apparaît le rôle de François-les-Bas-Bleus, un
petit métayer, frère de lait de Guise et protégé d'Henriette d'An-
gleterre. Sans rien céder pour ainsi dire, aux conventions scéniques,
M. Paul Meurice lui fait traverser les réalités de son drame, en l'é-
tablissant gardien zélé de ses protecteurs, jusqu'au moment où le
chevalier de Lorraine, instruit des avantages de Guiche, empoisonne
la tasse dans laquelle doit boire Henriette, ce qui donne pour dé-
noûment la fameuse exclamation de Bossuet : Madame se meurt ! Ma-
dame est mortel
M. Paul Meurice, littérateur sérieux, affectionne un peu trop peut-
être ces personnages légendaires, dont le nom fait un violent et sin-
gulier contraste avec les figures graves dont ils sont entourés. Une
première fois, cela lui a réussi avec Mélingue, dans Fanfan-la-Tulipe ;
nous ne pourrions aflirmer qu'en dépit du talent de Mme Laurent, le
même bonheur fût réservé à François-les-Bas-Bleus. L'administration
de l'Ambigu a, du reste, monté la pièce avec un luxe de décors, de
mise en scène et de costumes qui attirent le public. On doit de justes
éloges à la façon dont Castellano a conçu et rendu le rôle du duc de
Lorraine. Mlle Esler a montré de la sensibilité dans celui de Madame,
et Bondois de la chaleur dans celui du duc de Guise.
— Depuis quelque temps, le Cirque Napoléon a renouvelé son af-
fiche en grande partie, et le public s'est empressé de répondre ù l'ap-
pel de l'habile direction de ce spectacle. Outre le couple Bridges,
outre l'écuyer américain David Richard, et le vieux Auriol, qui re-
trouve par instants toute la verdeur de sa jeunesse pour exécuter une
scène favorite, comme celle du Poussah, on y applaudit maintenant
le Tourniquet, par le jeune Eugène Pfau, la haute école, par son
frère Antony, qui, en digne élève de Baucher, obtient des mer-
veilles de son cheval Blaclt-Eagle, la collation diabolique, par
Bond, le clown Brunet avec ses oiseaux et ses mouches, dont il
imite si bien le bourdonnement, et surtout le Songe (Tor, grande
pantomime féerie, fort émouvante, qui offre l'innovation d'un pierrot
italien tout de noir habillé.
D. A. D. SAINÏ-VVES.
NOUVELLES.
^** Trois représentations consécutives de iaJtfî«e«e de Porlici ont encore
eu lieu cette semaine au théâtre impérial de l'Opéra, et la recette atteint
chaque fois le maximum.
^♦^ La Dame blanche et Lcdla-Bouck sont stéréotypées sur l'affiche du
théâtre de l'Opéra-Comique. La salle est toujours pleine. Il n'y a eu
d'interruption que par suite d'une légère indisposition d'Achard, pen-
DE PARIS.
45
dant laquelle Montaubry a joué deux fois le Portillon de Lunyjumeau,
tout en gardant son rôle dans Lalla-Rouck.
^*t I^e théâtre Italien a joué vendredi, pour la dernière fois de la sai-
son, la Somambuta avec Mlle Patti. La salle était comble, et bien des
amateurs ont dû être refusés. La jeune et déjà si célèbre cantatrice
s'est surpassée et a été rappelée après chaque acte par les applaudisse-
ments les plus enthousiastes. On donne aujourd'hui aussi pour la der-
nière fois Don Pasquate, dans lequel Mlle Adelina Patti chantera le rôle
de Norina. C'est le 16 «[u'elle quitte Paris pour aller commencer à Vienne
le cours de ses représentations.
**^ Une répétition de Stradella a eu lieu à l'orchestre ; les décorations
et ics costumes sont prêts. L'œuvre de M. de Flotow sera donnée im-
médiatement après le départ de Mlle Patti.
^*f J. Offenbach est ùe retour de Berlin et va présider aux répéti-
tions de son opérette Bavard et bavarde, qui sera donnée incessamment
aux Bouffes.
,*« Des dépêches télégraphiques annoncent que /e Prophète vient d'être
représenté pour la première fois au théâtre du Liceo ;i Barcelone avec
un immense succès. On ne se rappelle pas un enthousiasme pareil. Les
principaux rôles ont été remplis par Mme Vera-Lorini (Fidès) , Musiani
(Jean de Leyde) et Mme Brajda - Lablache (Bena). Ce succès s'est con-
firmé â la deuxième représentation. La salle était comble comme la pre-
mière fois ; les artistes, les décorateurs ont été rappelés à maintes
reprises. Verger, le directeur, l'a été quatre fois ; il est vrai qu'il n'avait
rien épargné pour monter le chef-d'œuvre de Meyerbeer avec la splen-
deur qu'il comporte. Barcelone est d'ailleurs la première ville d'Espagne
à laquelle il ait été jusqu'à présent donné de l'entendre.
*** On annonce la destruction, par un incendie, du théâtre Hoyal
de Glascow. Malgré la rapidité des secours et la présence de treize puis-
sautes pompes mises de suite enjeu, ce théâtre n'est plus qu'un moa-
ceau de ruines. On pense que le feu a pris dans le magasin des accès
soires.
,** M. Gye directeur du théâtre italien de Covent Garden , et M.
Mapleson, directeur de Her Hajesty's Iheaier à Londres, sont à Paris en
ce moment.
**:( S. M. l'Empereur a fait en personne, dans la grande salle du
palais du Louvre, la distribution des récompenses aux exposants fran-
çais dont les mérites ont été signalés, par la commission impériale, à
la dernière Exposition universelle de Londres. M. Henri llerz a reçu la
croix d'officier de la Légion d'honneur, pour l'excellence dans la fabri-
cation de ses pianos ; et M. Auguste Wolff, celle de chevalier de la
Légion d'honneur, pour perfectionnement et excellence dans la fabrica-
tion de pianos de la maison Pleyel- Wolff et C". Ces deux nominations
ont été accueillies avec une satisfaction générale.
^*i D'importants travaux de restauration, d'embellissements et de
transformation sont entrepris depuis quelques mois au Conservatoire de
musique et de déclamation : la décoration de la salle de spectacle a été
refaite ; on change le local de la bibliothèque des partitions, et l'on est
en train de préparer un emplacement pour le musée Clapisson. Les
bustes des artistes qui ont le plus contribué i l'illustration de nos
scènes lyriques et dramatiques ont été commandés à divers sculpteurs
par le ministre d'Etat, et doivent concourir à l'ornementation du musée
et de la bibliothèque du Conservatoire.
**„, Aujourd'hui dimanche, concert populaire de musique classique
sous la direction de Pasdeloup. En voici le programme : 1° Ouverture de
Geneviève, de Robert Sohumann. 2" Symphonie (n° 42), de Haydn. 3» Ada-
gio du 9= quatuor de Beethoven pour tous les instruments à cordes.
i° Le Songe d'une nuit d'été , de iUendelssohn.
.,,** Mardi prochain, â 8 heures , aura lieu dans la salle de l'hôtel du
Louvre , le concert à grand orchestre de Mme Madeleine Graever sous
la direction de Litolff. En voici le programme : ouverture à'Oberon, air
de Joseph, chanté par Boger, troisième concerto symphnnique de Litolff,
exécuté par Mme Graever; le Roi des aulnes, chanté par Roger; andante
et rondo du concerto en mi bémol de Beethoven, exécuté par Mme
(iraever.
^'^\^ La célèbre pianiste , Mme Clara Schuniann , donnera samedi pro-
chain 13 février, un concert dans les salons Erard. Elle y fera entendre
avec MM. Arminj-aud et Jacquard, le trio en mi bémol de Beethoven ,
et seule deux canons de Robert Schumann pour le piano à pédales; des
variations de Mendclssohn , le nocturne en fa dièse mineur et l'étude
en sol bémol de Chopin.
»*,t IVIme Erard réunissait dimanche dernier, pour la deuxième fois
de la saison, dans son splendide appartement de la rue du Mail, les
personnes de son intimité et les artistes les plus distingués. On y a fait
d'excellente musique pour l'interprétalicn de laquelle Mme Erard n'a
que l'embarras du choix. Dimanche, c'était le tour de MM. Lubeck,
Armingaud et Jacquard, pour la partie instrumentale, et de Mlle Tre-
belli pour le chant. Un trio de Mendelssohn par les trois célèbres vir-
tuoses a été enlevé avec un ensemble admirable; M. Armingaud a
joué ensuite avec une délicatesse et un fini merveilleux deux petites
perles de son écrin de compositeur, Tenerezza et la Dame russe, qui
ont enchanté l'auditoire. L'adagio d'une sonate de Mozart a fait valoir
ensuite les belles qualités qui distinguent le talent de M. Lubeck
et de M. Jacquard. Mlle Trebelli apparaissait dans les intervalles
avec son bel organe et son excellente méthode; elle avait choisi
trois morceaux d'un caractère tout à fait différent : un air du Giura-
mento , sévère et dramatique; Voi che sape te , chant de tendresse et
d'amour, et une valse nouvelle, fort en vogue à Saint-Pétersbourg, oii
elle a été composée pour Mme Nanti er-Didiée, sous le titre de : Echo des
îles (1). Mlle Trebelli a su donner à chacun de ces morceaux son ca-
ractère propre, et la jeune et belle cantatrice a dû être satisfaite de
se voir si bien appréciée par les connaisseurs qui l'entouraient de leurs
hommages et de leurs félicitations.
^,'% On nous écrit de Belgique que les concerts donnés cette semaine
par Prudent au grand théâtre d'Anvers et à Gand, n'ont pas été moins
brillants que celui qui avait produit tant d'effet à Bruxelles: aussi y
a t-il été rappelé pour en donner un deuxième au théâtre, avec l'or-
chestre et les chœurs. Le grand pianiste sera de retour à Paris cette
semaine.
a,** Mercredi prochain, quati-ième et dernière soirée de Mme Escudier-
Kastner, Vieuxtemps et Batta. Bonnohée, de l'Opéra, y chantera deux
morceaux. Le trio en ré de Mendelssohn, la grande paraphrase du Songe
d'une, nuit d'été, du même c.impositcur, arrangée par Liszt, et le duo, de
Thalberg et de Bériot , sur les Huguenots, de Meyerbeer, composent un
programme qui couronnera dignement ces quatre soirées.
,f*:t C'est samedi lu février, dans les salons Pleyel-Wolff, qu'aura lieu
le concert donné par M. Dumon, professeur de flûte au Conservatoire
de Bruxelles. Nous avons annoncé l'arrivée à Paris de cet artiste hors
ligne, et qui justifie de tout point la réputation acquise par la Belgique
dans la personne des Vieuxtemps, Servais, de Bériot, etc. Mme Pleyel,
MM. Archainbaud, Dancla et Lee se sont empressés de lui offrir leur
concours. Le programme est d'ailleurs des plus intéressants et promet
de nombreux auditeurs à M. Dumon ; car, outre le trio en ut mineur
de Mendelssohn, exécuté par lime Pleyel, MM. Dancla et Lee, une so-
nate de Weber, jou e par la célèbre pianiste avec le bénéficiaire, des
airs valaques, et une fantaisie pour flûte, un andante de Flummel, par
Mme Pleyel, satisferont les plus difficiles.
,,,** Mercredi prochain II février, à 8 heures 1/2 du soir, dans les
salons de MM. 'Wolff et C", la deuxième séance de MM. Armingaud,
Jacquard, Lalo et Mas, avec le concours de Mme Massart.
3,% M. Vincent AdliT donnera vendredi prochain, 13 février, un
concert dans les salons d'Erard, avec le concours de Mlle Marie Cru-
velli et de MM. Armingaud, Jacquard, Lalo et Mas. M. Vincent Adler
fera entendre, entre autres morceaux : une liarcarolle et une Tarentelle
inédites de sj, composition ; il exécutera en outre sa Scène de bal et le
Thème siyrien , deux de ses œuvres les plus justement connues et ad-
mirées.
,j*,t. La tournée artistique des frères Lamoury et d'Henri Kovalsky, en
Bretagne, s'accomplit d'une façon très-brillante. Ils ont joué au concert
des Sociétés philharmoniques d'Angers et de Vannes, et sont appelés pour
la troisième fois à Nantes; partout ils ont trouvé le plus chaleureux
accueil.
^*^ MM. les ecelésiastiques, organistes et maîtres de chapelle qui ont
adhéré â la formation d'une Société pour la restauration du plain-chant
et de la musique d'église, et les personnes qui se proposent d'en faire
partie, sont convoqués à une assemblée générale à 2 h. 1/2, dans les
salons Erard ,13, rue du Mail, sous la présidense de M. l'abbé Victor
Pelletier, chanoine de l'égUse d'Orléans , ancien président du congrès
pour le plain-chant et la musique de l'Eglise. C'est dans cette séance que
la Société doit être définitivement constituée.
^''■^ Le syndicat de la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de
musique, interprète des sentiments de ses commettants, a, dans sa
séance du 29 janvier 1 863, voté une offrande de 300 francs aux ouvriers
malheureux de l'industrie cotonnière. Il a, de plus, décidé qu'il renon-
çait â tous ses droits sur les bals et concerts qui seraient donnés exclu-
sivement au bénéfice de ces ouvriers dans toute la France.
,f*^ Le concert orphéonique donné â Rouen au bénéfice des ouvriers
(1) Les lies formées par les divers bras de la Neva autour de Saint-Pétersbourg,
sont le séjour d'été de l'aristocratie russe, qui les a peuplées de nombreuses et
élégantes villas.
46
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
cotonniers a produit une recette de 6,000 francs. L'effet moral a été
immense.
**, En quittant la Norwége, où il obtient de grands succès. Ser-
vais devait se rendre en Russie ; mais cédant aux instances des ad-
mirateurs de son beau talent, il viendra vers la fin de ce mois à Paris
pour s'y faire entendre.
**, Mercredi 25 courant, salle Herz, M. Edmond Hocmelle, organiste
de Saint-Philippe du Roule et de la chapelle du Sénat, donnera une
matinée musicale et littéraire, avec le concours de MM. Alard, Jules
Lefort, de Mlle Agar et autres artistes d'élite. M. Hocmelle fera en-
tendre ses nouvelles compositions pour l'orgue d'Alexandre et pour le
piano; il chantera deux romances dont il est l'auteur; enfin il produira
pour la première fois en public une jeuno cantatrice, son élève,
Mlle Marti nelli.
«*a, La troisième séance de musique de chambre de M. Charles La-
moureux aura lieu le 10 février, à 8 heures et demie, dans les salons
Pleyel. En voici le programme : 1» trio en ut mineur, pour piano, vio-
lon et violoncelle, Mondelssohn; 2° quatuor en re majeur (n" 63), pour
deux violons, alto et violoncelle, Haydn; 3" variations de la sonate en
la majeur, pour piano seul, Mozart; 4° quatuor en si bémol (n° 6),
pour deux violons, alto et violoncelle, Beethoven.
/* La -société impériale de Valenciennes ouvre un concours de com-
position musicale pour chœur d'hommes (sans accompagnement ni solo)
sur les paroles d'un'3 cantate ayant pour titre la Poésie pour tous. Une
médaille en or ou en vermeil, selon le mérite de l'œuvre, sera décernée
à l'auteur de la composition jugée la meilleure. Les manuscrits devront
être adressés franco au secrétaire général de la Société d'ici au 1" mai
prochain, terme de rigueur ; s'adresser en outre à lui pour tous autres
renseignements.
*** I.'éminent pianiste-compositeur Bernard Rie, vient de publier,
chez l'éditeur Heugel, au Ménestrel, un nocturne sur la sérénade du
Barbier. Ce morceau, que l'auteur -à dédié à Rossini, est appelé à un
grand et légitime succès, M. Rie le fera entendre au concert que l'é-
minent artiste donnera le 7 mars, avec orchestre, à la salle Herz.
*',,Un arrangement facile de la valse Gi'oj'a insolitade Strakosch, com-
posé pour le piano par H. Wolfart , vient de paraître.
*"* Sous le titre de Derniers souvenirs et Portraits, il vient de paraî-
tre chez Michel Lévy un volume contenant une nouvelle collection de
travaux et d'écrits laissés par F. Halévy. Ce ne sont pas les moins im-
portants ni les moins remarquables, et nous aurons bientôt l'occasion
de nous en occuper.
*** M. Léon Crus vient d'acquérir la propriété des œuvres suivantes
de Victor Massé ; Galathée, les Saisons, les Chants bretons, les chaiits
d'autrefois, les chants du soir.
.^*t Parmi les manuscrits qui font partie de la succession du célèbre
poëte Uhlaud, on a trouvé une opérette intitulée : le Chevalier de l'Ours,
qu'il avait écrit en collaboration avec J. Kerner. C'est Kucken qui s'est
chargé d'en composer la musique.
.j:*^ LL. MM. l'Empereur et l'Impératrice ont daigné honorer de leur
patronage la fête annuelle de la Société de secours mutuels des artistes
dramatiques, qui aura lieu, le samedi 7 mars, dans la salle du théâtre
impérial de IjOpéra-Comique. On souscrit chez les artistes de tous les
théâtres de Paris, et chez le trésorier de l'OEuvre, 68, rue de Bondy.
Pour la location des loges s'adresser à M. Berthier, membre du Con-
seil, régisseur de la danse au théâtre impérial de l'Opéra.
*** Samedi prochain a lieu le dernier bal de la saison à l'Opéra.
L'orchestre, composé de cent cinquante musiciens, sera conduit par
Strauss. Chacun des derniers bals n'a pas fait moins de 30,000 francs de
recette !
*,,* Nos lecteurs n'ont pas oublié les deux excellents articles publiés
dans ce journal, et intitulés : le passé, le présent et l'avenir du chiffre ap-
pliqué à la notation musicale en Allemagne, par William Cronthal (1). Tant
de demandes nous ont été adressées par des personnes qui désiraient se
procurer ces articles, que le tirage en est épuisé. L'auteur a donc jugé
à propos de les réunir en une brochure , qui vient de paraître chez
MM. Napoléon Chaix et 0% rue Bergère, 20. — Prix, 25 centimes.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
,"** Marseille. — Morère continue de chanter avec succès. Nous avons
eu, cette semaine, une belle représentation de Robert le Diable. Après
(1) Voir les numéros des 21 et 28 octobre 1860.
le troisième acte , le jeune artiste a été rappelé deux fois.— La mort de
notre compatriote Etienne Arnaud a été pour notre ville un deuil géné-
ral. Les qualités éminentes qui distinguaient ce jeune artiste, le mérite
de ses compositions, dont plusieurs sont devenues populaires , sa bien-
veillance pour les jeunes talents auxquels son appui était toujours as-
suré, une fin prématurée au moment même où il attendait do l'air natal
le retour à la santé , tout se réunissait pour provoquer des regrets qui
auront trouvé de l'écho dans le monde des arts à Paris, où Etienne
Arnaud s'était fait des amis aussi nombreux que sincères.
, j. La Rochelle. — La Société philharmonique a inauguré, au mois de
novembre dernier, sa quarante-septième année. Cette association, une
des plus anciennes de France, a cela de remarquable qu'à ses soirées
mensuelles elle donne presque toujours des œuvres inédites. Au dernier
concert on a entendu une symphonie inédite de M. Léon Meneau : une
orchestration brillante et de la facilité dans le style sont les qualités
principales de cette œuvre, qui a été reçue très- favorablement. Le
scherzo a été particulièrement remarqué.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
^'^f, Bruxelles. — Mardi a eu lieu la première représentation de la Chaitc
merveilleuse d'Albert Grisar , interprétée par Mlle Monrose, Jourdan ,
Mlle Cebe Dupuy , MM. Bonnefoy , Aujac et Carrier. Le succès a été très-
grand ; la direction a monté l'ouvrage avec beaucoup de luxe. — La
Société philharmonique a donné samedi un concert avecVieuxtemps et
Mme Mayer Boulart. La polonaise de Struensée y a été exécutée par l'or-
chestre avec un ensemble et un cachet artistique qui font le plus grand
honneur à M. Soubre le chef d'orchestre . Mme Boulart a été chaleureu-
sement applaudie, dans l'air de l'Ombre du Pardon de Ploërmel, qu'elle a
chanté admirablement,
,j*,j, Bâle. — Un brillant succès vient d'accueillir le dernier chef-
d'œuvre de Meyerbeer, Dinorah, représentée pour la première fois sur
notre théâtre.
.f*^ Cologne. 6 février. — Dans le concert donné le 27 janvier au
Gurzenich, sous la direction de Ferdinand Hiller, Mme Schumann
s'est fait entendre; M. Marchesi a chanté un air de Haendel et un air de
Mozart après lesquels il a été rappelé plusieurs fois. Le 2 de ce mois,
il a débuté au théâtre dans le rrouatore et chanté avec beaucoup de succès
le rôle du comte de Luna en italien : deux jours après, il a chanté Don
Juan en allemand, et, le lendemain, il est revenu, dans Lucrèce Borgia, à
la langue italienne.
^'^^ Berlin. — La magnifique ouverture composée par Meyerbeer pour
l'inauguration de l'Exposition à Londres, a été exécutée dans un concert
de la Cour; elle a enthousiasmé l'auditoire. Le maître y avait introduit
des chœurs pour chanter le thème de Rule Britania! intercalé dans cette
ouverture ; l'effet en a été très-grand. Voici les principaux morceaux
choisis par Meyerbeer, sous la direction duquel ce concert a été donné,
pour composer le programme : chœur des Sabines et des Juives de
la Reine de Saba, de Gounod; une scène de l'opéra Rienzi, de Wagner;
air de Cenerentola, de Rossini ; boléro des Vêpres siciliennes, de Verdi. —
Gounod et Offenbach sont venus ici. Le dernier a dirigé l'orchestre au
théâtre de Frédéric-Guillaume, pour la représentation d'Orphée aux en-
fers, donnée au bénéfice d'une artiste au costume de laquelle le feu
avait pris, et qui a été cruellement atteinte par les flammes. — Los
Pécheurs de Catane ont été représentés pour la première fois au même
théâtre, où le charmant opéra-comique de Maillart a été accueilli de la
façon la plus favorable. Mlle Ungher et M. Haerdner ont été fort re-
marquables dans le rôle de Nella et de Fernand : on les a chaleureuse-
ment applaudis; la mise en scène est fort brillante, et a contribué au
succès de l'ouvrage. — Mlle Désirée Artot a recommencé ses représen •
tations, au théâtre Victoria, par le rôle d'Amina de la Somnambule. Le
public a fait un chaleureux accueil à l'éminente cantatrice, et n'a
cessé de lui donner, pendant toute la soirée, de nombreux témoignages
de sympathie et d'enthousiasme. — A ce même théâtre a été célébrée
une fête commémorative en l'honneur d'Uhland. Il y a eu prologue,
tableaux vivants représentant les principaux personnages qui figurent
dans ses poésies, etc.
.^*^ Hambourg. — Stradella, de Flotow, l'un des opéras les plus goûtés
en Allemagne, vient d'être représenté sur le théâtre de la Ville pour la
centième fois.
,^'*,i, Brcslau . — Le théâtre de la Ville a donné la première représentation
de la Réolc, opéra-comique en trois actes, par Gustave Schmidt. Le texte,
qui est de la célèbre Mme Birch-Pfeiffer, offre des situations intéres-
santes. La Réole est un château fort en Navarre que la reine Catherine
de Médicis veut enlever à son gendre, le roi Henri de Navarre. Ce qui
caractérise surtout la musique de M. Gustave Schmidt, c'est qu'elle est
DE PARIS.
W
facile et chantante : elle a de la grâce et de l'élégance, et se rapproche
beaucoup de la manière des compositeurs français. Le succès n'a pas
été douteux un seul instant.
^*^ h'œnigsberg. — A partir du 2 février, il paraît ici une nouvelle
feuille musicale, sous le titre de Gazette musicale pour l'Allemagne du
Nord, et rédigée par M. Auguste Pabst.
^*^ Vienne. — Satter est décidément le lion de la saison. A son
deuxième concert, le succès de l'éminent pianiste-compositeur a été
encore plus brillant qu'au premier. Ce qui donne plus d'importance à
ce succès, c'est que l'artiste n'a exécuté que ses propres compositions,
parmi lesquelles on a surtout remarqué le grand trio, une valse, et le
morceau intitulé ; Vienne. — Les répétitions de l'orchestre et des chœurs
du théâtre Italien ont commencé au Carl-Theater. Mi\e Patti débutera, par
le rôle d'Amina, dans la Sonnambula. Parmi les artistes engagés en
outre par le directeur Merelli, on cite Mlle Trebelli, et les ténors Giu-
glini et Carrion.— On annonce que Mlle Bockholz-Falconi et Mme Belart
ont été nommées professeurs de chant. Pour les classes d'hommes, on
désigne MM. Gentiluomo et Wolff.
.„*^ Saint-Pétersbotirg, 18/30 janvier. — Notre saison italienne touche à
sa fin et vient d'être signalée par une belle représentation (TOlello au
bénéfice de Tamberlick. Outre le talent du bénéficiaire, pour lequel le
rôle d'Otello est toujours un triomphe assuré, Mme Barbot (Desdemona),
Calzolari, Debassini et Everardi formaient un ensemble qui se rencon-
trerait difficilement ailleurs qu'ici. La représentation a donc été de tout
point remarquable. Seulement un incident a ému un instant l'audi-
toire : à la dernière scène, au moment où Otello poursuit Desdemona
pour la frapper de son poignard, embarrassée dans les plis de sa robe,
Mme Barbot a fait une chute assez violente pour que la belle canta-
trice s'évanouît sur le coup. Des marques du plus vif intérêt se sont
matifestées de toutes les parties de la salle, et le public ne s'est rassuré
que lorsqu'il a su que Mme Barbot en serait quitte pour une contusion
et quelques écorchures. — Le théâtre Marie a eu aussi sa solennité.
L'opéra inédit de M. Villebois (notre compatriote, quoique d'origine fran-
çaise), Natascha, dont je vous ai annoncé la mise en répétition, a été re-
présenté pour la première fois au bénéfice de Mme Leonoff. Sans être
une œuvre de premier ordre, on y reconnaît le travail d'un homme qui
a fait des études sérieuses ; mais, ce qui n'est pas à dédaigner de nos
jours, c'est qu'elle renferme beaucoup de mélodies originales. Ainsi, on
a remarqué au premier acte un duo pour ténor et soprano, très-bien
fait; au deuxième acte, une charmante romance et un air très-drama-
tique, se terminant par une prière d'un grand effet. Mme Blanchi a fort
remarquablement dit ce morceau. Deux chœurs de brigands ont pro-
voqué de légitimes applaudissements. En un mot, c'est un succès fort
honorable pour le compositeur, qui a été rappelé plusieurs fois. Les in-
terprètes de Natascha, Mme Bianchi, Mme Leonoff, Nikolsky, Wassilieff
et Goumbine, ont fait vaillamment leur devoir. Nikolsky a délicieu-
sement chanté la romance du deuxième acte. — Le théâtre d'opéra
russe vient de s'enrichir d'une recrue qui lui sera fort utile, la basse
chantante Radonejski. Envoyé au Conservatoire de Milan pour se perfec.
t'onner dans l'art du chant, ses études lui ont profité, et il a acquis un
véritable talent dont on a pu juger par la manière dont il a chanté l'air
de Mahomet du Siège de Corinthe.
: s. DBFOUR.
BAPPORT DES mEMBRES DU JDRT INTERNATIONAL
Sur l'ensemlile de l'Exposition de liondreg de 1863.
XV!»" CLASSE. — Imtruments de muxiqiie.
M. Alphonse Sax junior a montré et fait entendre au jury un certain
nombre d'instruments, tous très-bien faits et d'une bonne sonorité. La
fabrication de cet artiste se distingue par des formes spéciales et ca-
ractéristiques. Dans tous ses instruments, les pistons, au lieu d'allonger
simplement le tube principal par l'intercalation de colonnes cylin-
driques, déterminent la substitution de colonnes coniques d'inégales
longueurs, et, par suite, de pentes inégales, mais dans lesquelles on
maintient plus facilement la continuité d'accroissement du diamètre
depuis l'embouchure jusqu'au pavillon.
M. Alphonse Sax fait également un heureux usage, dans la plupart de
tous ses instruments, de la combinaison des pistons ascendants et des-
cendants.
Les trompes de chasse, dont le corps est contourné en spirales sur la
surface extérieure du pavillon, ont paru aussi originales par leur forme
que remarquables par leur excellente sonorité.
En outre, le jury international, après le concours universel, accorde
à M. Alphonse Sax la médaille, avec cette mention de la plus haute dls-
tinclioci : Pour excellence de tobte espèce d'instruments de cuivre.
Nous disons de la plus haute, parce que dans les quinze promotions au
grade d'officier de la Légion d'honneur, huit seulement sont désignées
par la mention qui honore l'œuvre d'Alphonse Sax, et sur les quatre-
vingt-douze nominations de chevalier, trois sedlement sont désignées :
Pour excellence.
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4° Une fièvre lenllante, de Grétry, d'après Mozart, pour
orgue; chez Heu, rue de la Chaussée-d'Antin, 6;
5° Trente morceaux, religieux adaptés aux modes de l'é-
glise, contenant un Offertoire jugé très-remarquable par M. L.
Kreutzer, l'un de nos plus doctes critiques, pour harmonium ou
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ON S'ABONNE I
Dans les Départements et à l'Étranger, chez tous
les Marchands de Musique, les Libraires, et aux
Purcaui dos Messageries et des Postes.
REVUE
15 Février 1863.
PRIX DE L'ABONNEMENT :
Paris. 24 (r. par ai
Départements, Belgique et Suisse.... 30 n id-
Étranger..... 34 p. Jd.
Le Journal paraît te Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
j\f\f\f\f\f\firjxf^
SOMMAIRE. — Tliéâtre impérial de l'Opéra-Comique : l'Illustre Gaspard, opéra-
comique en un acte, paroles de MM. Duvert et Lauzanne, musique de M. Eu-
j gène Prévost, par K>éon Dnrocber. — Auditions musicales, par Adolphe
Botte. — Revue des théâtres, par D. A. D. Saint-Ytea. - Nouvelles et
annonces.
THËiTBE mPÉRÎÂL OE L'OPÉRA-COMIQUE.
li'IIiliIJjSTRi: «ASIPAKH,
Opéra-comique en un acte , paroles de MM. Ouvert et Lauzanne,
musique de M. Eugène Prévost.
(Première représentation le 11 février.)
L'Illustre Gaspard!.... Pourquoi le titre ne donne-til que la moi-
tié du nom de ce grand personnage ? Son nom tout entier est Gaspard
de Besse , et nous l'inscrivons ici pour le conserver à la postérité.
Qu'il soit célébré, comme dit Voltaire, dans tous les journaux et dans
tous les siècles !
Ce n'est pourtant ni un grand capitaine, ni un profond politique,
ni un savant astronome, ni un poëte inspiré ; pas même un habile
médecin. C'est tout simplement un chef de bandits, un élève de
Mandrin, un artiste inQniment supérieur à Cartouche, dont la répu-
tation a été surfaite, et qui n'a su que se faire rouer vif, après avoir
volé quelques diamants. Gaspard de Besse, qui opère en Provence,
tient vaillamment la campagne, arrête sur la grande route les Tur-
gotines ou diligences, et, si l'on en croit la ballade composée en
son honneur par M. le chevalier de Cavailles,
Séduit toutes les femmes
Dont il a tué les maris.
— Est-ce donc la reconnaissance qui pousse vers lui avec tant de
force tout le beau sexe provençal ?
Ce chevalier de Cavailles n'est pas poëte seulement, il est de plus
maire de Brignolles. Comme poëte, il chante les exploits de Gaspard;
comme maire , il s'efforce d'en arrêter le cours , et lance la maré-
chaussée sur ses traces, mais inutilement. Gaspard se moque de
lui et déjoue toutes ses mesures. M. le maire a beau s'évertuer,
passer les jours sans manger et les nuits sans dormir, il ne prendra
pas Gaspard. Or, pendant qu'il pourchasse cet illustre brigand ,
M. de Porquerolles pourchasse sa nièce et pupille Armande.
Ce Porquerolles est un vaurien qui a mangé, Dieu sait comment,
sa fortune, est poursuivi par des créanciers nombreux et affamés,
et prétend leur jeter en pâture la dot de Mlle Armande. Le
chevalier le remet de jour en jour, sous le vain prétexte qu'il ne
saurait marier sa nièce avant d'avoir pris Gaspard. Repoussé de ce
côté, il s'adresse à la nièce elle-même, et, la trouvant assez froide
à ses protestations d'amour, il l'enlève, pour abréger. Mais M. de
Berlaudier la délivre et la ramène.
Ce Berlaudier est assez difficile à expliquer. Il aime Armande, et
lutte contre son amour, sans dire pourquoi, et sans qu'on puisse le
deviner. Il la fuit et la rencontre partout, à Ver.sailles, à Paris, à
l'Opéra, à la Comédie italienne, aux, Tuileries, au Gours-la-Reine, au
bal, au courert, à Grenoble, à Brignolles enfin. Pour être sûr de ne
plus la voir, il se résout d'aller en Amérique. Malheureusement, il
n'a pas de quoi payer le voyage. — Qu'à cela ne tienne ! lui dit Por-
querolles, qu'il a pris pour confident. Le gouvernement offre à Gas-
pard de Besse le passage gratuit et la table du capitaine pendant le
voyage, s'il consdnt à se laisser transporter eu Amérique. — Ah !....
et qu'est-ce que ce Gaspard de Besse ? — C'est un homme qui s'est
rendu célèbre en Provence par ses hauts faits sur les grandes routes.
— C'est donc un ingénieur, dit le naïf Berlaudier. ~ Justement, c'est
un ingénieur, dit le traître Porquerolles.
Berlaudier se hvre, en disant . Je suis de Besse. On traite avec la
plus grande considération un héros de cette trempe. La maréchaussée
est en campagne, et, en attendant qu'elle revienne, M. le maire trem-
ble de tous ses membres devant son terrible prisonnier. Il lui donne
à dîner, lui fait boire son meilleur vin. La terreur du magistrat et les
excentricités du faux brigand font le bonheur du parterre et la joie
des belles dames, ravies de rencontrer à l'Opéra-Comique les farces
du Palais-Royal. Qtiand on a suffisamment ri, Berlaudier délivre Ar-
mande des témérités de Porquerolles. Puis ime lettre trouvée dans
sa poche, le fait connaître pour ce qu'il est. Aussitôt il cesse de faire
des sottises et de dire des folies, et M. de Cavailles, qui, à son tour,
paraît avoir perdu la tête, lui donne sa nièce, qui se laisse donner
sans objections. Ce dénoûment est assurément la plus forte de
toutes les extravagances. Mais il faut en finir, et MM. Duvert et Lau-
zanne, gens d'esprit s'il en fut jamais, ont eu assez de tact pour
faire tomber la toile une minute avant qu'on ne pensât à leur dire :
En voilà assez, ou même en voilà trop ! Le public permet très-volon-
tiers qu'on se moque de lui, pourvu qu'en somme on le fasse rire.
Nous ne serions point surpris que ce vaudeville, car ce n'est pas
autre chose, au fond, eût été écrit au temps jadis pour Arnal et Le-
peintre jeune. Berlaudier n'est pas plus fou que le clerc d'huissier dé-
guisé en cuisinière et jouant de l'harmonica pour prouver son amour.
Le maire de Brignolles n'est pas plus bête que monsietir... enfin
n'imporle! qui ne fait cas que des cuisinières grasses. MM. Couderc et
50
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Lemaire ne sont pas d'ailleurs moins gais ni moins amusants qu'Arnal
et Lepeintre jeune l'étaient il y a tout juste trente ans. Vers cette
époque, M. Eugène Prévost écrivait déjà de la musique, et donnait à
l'Opéra-Comique Cosimo, qui n'était pas mal accueilli. Depuis, M. Pré-
vost est allé en Amérique. 11 a été longtemps chef d'orchestre du
théâtre français de la Nouvelle-Orléans. — Est-ce la guerre civile qui
nous l'a rendu ? — Nous n'aurions qu'à l'en remercier, si elle nous
l'eût rendu tout entier. Malheureusement, il n'en est rien. Il semble
qu'une partie du Prévost d'autrefois soit resté en route, soit en al-
lant, soit en revenant. Chose étrange ! cette musique de Gaspard
porte, en maint endroit, l'empreinte de l'inexpérience. Souvent on
croit avoir affaire à de la musique d'amateur.
Nous ne passerons pas en revue tous les morceaux de cette parti-
tion. L'ouverture commence assez agréablement par une jolie phrase
mélodique exécutée par le hautbois et redite par la flûte. L'allégro
est une valse qui brille par la facilité bien plus que par la nou-
veauté. Il y a quelques effets harmoniques assez bien trouvés dans
la ballade de M. le maire, que chante M. Lemaire avec son esprit
habituel, mais aussi avec une voix un peu trop municipale. Le duo
de Berlandier avec Arraande : Laisses-moi du moins la Navarre, ne
manque pas de mélodie, et ce n'est pas la faute de l'auteur s'il est
aussi imparfaitement chanté. L'air du secrétaire de la mairie , qui
publie le ban contre le voleur Gaspard, en attendant l'occasion de
devenir lui-même voleur, est plus remarquable par son accompagne-
ment de tambour que par l'originalité des motifs et des combinaisons
harmoniques. On en peut dire autant de la chanson à boire de Ber-
landier, et du trio qui précède, lequel doit son plus grand agrément
à la vieille romance : Portrait charmant, portrait de mon amie, qui
s'y trouve intercalée. Il est évident que M. Eugène Prévost, après un
si long silence, a besoin de se refaire la main. Nous lui souhaitons,
pour son prochain ouvrage, non des acteurs plus amusants, il aurait
de la peine à les trouver, mais des chanteurs dont la voix soit plus
fraîche ou mieux posée. Ceci s'adresse surtout à Mme Chollet-Byard,
qui a évidemment besoin de compléter ses études, ou de les refaire.
LÉON DUROCHER.
AUDITIONS MUSICALES.
Société nationale des Beaux-Arts. — Georg^es PfeilTer.
— miles JUarie et IVadîne Hardei-. — M. Aptommas. —
Dernière soirée de lime Kscadler-Kastncr et de
mu. nenrl Vleaxtemps et A. Batla. — lime Made-
leine Ciraevcr.
Il est impossible de contester la grâce, la fraîcheur et l'originalité
de la symphonie en mi bémol de Félicien David. Elle a causé di-
manche, dans la salle Martinet, un vif plaisir et a vraiment mérité les
nombreux bravos qui l'ont accueillie. L'instrumentation de celte œu-
vre est remarquable par la science des effets, par la clarté des com-
binaisons, par la sobriété et par la nouveauté des mélanges de sono-
rité qu'on y trouve à chaque instant.
Sauf quelques accidents et quelques attaques malheureuses, dont
les instruments à vent sont seuls responsables, l'exécution, dirigée
par l'auteur, a été satisfaisante. Nous n'en pouvons dire autant
de l'exécution de Vercingétorix, poëme musical de M. J. J. Debille-
ment, et de Vasco de Gama, ode symphonie de M. Georges Bizet. Il
est vrai que, dans ces deux ouvrages, les voix sont intervenues,
qu'elles y ont apporté le trouble, la confusion, nous dirions volontiers
le chaos ; mais il est vrai aussi que, dans le style vocal, les auteurs
sont loin d'être aussi à l'aise que dans le style instrumental.
En abordant une civilisation antique, de grandes scènes militaires
et religieuses, en touchant à de grands souvenirs païens, M. Debil-
lemont n'a trouvé là matière, à en juger du moins d'après les frag-
ments entendus dans cette matinée, qu'aune œuvre peu imposante, peu
remarquable par l'unité, par la nouveauté et par la distinction des
idées. Troy était visiblement mal à l'aise dans des chants et des ré-
citatifs écrits trop bas pour sa voix, et qui rappelaient un peu trop
ceux de Bertram et de Marcel.
Nous ne sommes pas d'avis qu'on s'interdise certains sujets parce
qu'ils ont déjà été traités; nous trouvons donc tout naturel que
M. Bizet ait voulu avoir son Vasco de Gama, tout comme Sponlini
avait son Fernand Cartes, et Félicien David son Christophe Colomb,
seulement, nous regrettons qu'il ait si mal réussi. Il ne faut pas se
le dissimuler, il est des comparaisons inévitables et parfois écrasantes;
mais nous voulons nous les interdire aujourd'hui. D'ailleurs elles sont
inutiles en présence d'une œuvre d'aussi courte haleine et, qui pis
est, aussi imparfaite. Excepté un assez joli solo de cor, habilement
accompagné par l'orchestre, un élégant boléro chanté par Mlle Girard et
une prière trop touffue de dissonances et pas assez simplement har-
monisée, tout, depuis le commencement jusqu'à la fin, c'est-à-dire
depuis le chœur de matelots et de soldats, qui, sous prétexte de vé-
rité et de franchise, est plein de phrases banales, d'unissons pauvre-
ment bruyants, de rhythmes communs, jusqu'à forage, où les sons
aigus de la petite flûte, les sifflements, les roulements de gammes
ascendantes et descendantes, plus chromatiques que dramatiques,
sont mis à contribution, tout manque de souffle, de couleur et d'ori-
ginaUté.
La deuxième partie de ce concert a commencé par l'Invitation à
la valse, si magnifiquement orchestrée par Hector Berlioz. L'orches-
tre, conduit par lui avec cette autorité et ce prestige des maîtres
que les plus rebelles subissent, s'est tout à coup métamorphosé, et,
dans la Fuite en Egypte, les chœurs eux-mêmes, jusque-là insuffi-
sants, se sont mis à chanter juste, en mesure, et avec une remarquable
intelligence des nuances et de la pensée de l'auteur. Les répétitions
avaient-elles été plus nombreuses, ou la présence et l'influence de
Berlioz ont-elles suffi à rendre l'exécution aussi complète et aussi belle?
Nous l'ignorons. Toujours est-il que, compris par ses interprètes, il
l'a été aussi par l'auditoire, qui lui a fait une ovation des plus spon-
tanées et des plus enthousiastes. On a redemandé le Repos de la
sainte famille, et il a été redit avec autant de charme que la pre-
mière fois par Warot, par l'orchestre et par les chœurs.
L'ouverture du Carnaval romain, par ses allures vives, capricieu-
ses et spirituelles, contrastait brillamment avec la pureté, la sévérité,
la chasteté d'inspiration qui venaient de produire une si profonde im-
pression.
— Déjà, l'année dernière, Georges Pfeiffer . avait fait entendre un
concerto avec orchestre qui avait obtenu plus qu'un succès d'estime :
on y avait senti des études intelligentes, une certaine ampleur et
beaucoup d'habileté; aussi en exécutant, lundi, dans les salons Pleyel-
Wolff, le rondo pastoral de cet ouvrage, l'auteur a-t-il retrouvé l'ac-
cueil sympathique qu'on avait fait à cette heureuse tentative de mu-
sique sérieuse. Le talent de Georges Pfeiffer a gagné : il est plus mâle
et plus vigoureux qu'autrefois; la grâce ne règne pas seule, et quel-
que chose de hardi atteste le désir et la faculté de s'élever aux effets
variés et aux accents passionnés. Son deuxième concerto (soumis pour
la première fois à l'appréciation du public) a été joué par lui avec une
puissance de son et une largeur de style qui, mêlées à la finesse, à
la netteté et à la délicatesse qu'il a toujours eues, ont fait éprouver un
vif plaisir. Une pareille composition a besoin d'être entendue deux
fois pour être bien appréciée ; nous y reviendrons.
La Ruche est une charmante inspiration. Dans ces petites pièces
de salon, Georges Pfeiffer trouve non- seulement des mélodies fraîches
et élégantes, mais il y apporte en outre une distinction d'harmonie et un
DE PAKIS.
51
mérite de facture qui annoncent un musicien instruit. On a chaleureuse-
ment applaudi le troisième ISocturne de Mme Clara Pfeitïer, morceau
aussi suave que bien écrit, et un Rondo de Mendelssoha. Ils ont été
dits du reste d'une façon ravissante. Une sûreté de rhytiime et une
pureté de goût bien rares arrêtaient le jeune pianiste là ou eussent
commencé l'excès de délicatesse et l'excès de force.
On avait pu apprécier la semaine précédente, au banquet
donné par M. Wolff aux cinq cents ouvriers de sa fabrique, à l'oc-
casion de sa nomination dans l'ordre de la Légion d'honneur, les
progrès remarquables accomplis par ces ouvriers dans l'art du
chant choral, sous l'impulsion artistique du chef de la maison Pleyel-
Wolff, et qui leur a valu récemment une médaille d'or au concours
de Dieppe. Il était tout naturel que M. Georges Pfeiffer, qui, avec
M. O'Kelly, contribue avec tant de zèle à l'enseignement de la
Société orphéonique Pleyel -Wolff, profilât de roccasion que lui of-
frait son concert et l'excellent orchestre dont il disposait, pour
réclamer son concours et la produPre avantageusement. Ainsi a-t-il
fait et la société chorale Pleyel-Wolff, très-bien conduite par M. Âug.
Wolff, a obtenu un vrai succès. Quoiqu'elle fût chez elle, elle n'a
point abusé de cet avantage : elle a chanté très-juste et avec un
très-bon sentiment musical un chœur des Mystères d'isis, qu'on lui
a redemandé, et la Vapeur, d'Ambroise Thomas , belle page où se
retrouvent les qualités élevées de l'auteur du Songe d'une nuit d'été.
L'excellente vocalisation et la jolie voix de Mme Oscar Comettant
ont, comme de coutume, charmé les dilettantes. En disant un air
d'Othello et Vieille chanson du jeune temps , gracieuse mélodie de
M. J. O'Kelly, M. Archainbaud a contribué aussi à rendre la partie
vocale on ne peut plus intéressante.
— Si l'on blesse quelques personnes en disant que Schumann n'est
pas toujours facile à comprendre, qu'il est très-inégal, et que, à côté
de beaux ouvrages, on compte dans son œuvre bien des pages qui
n'ont aucun mérite durable, on peut affirmer, certain, cette fois, de
n'être point contredit, qu'il n'est jamais facile h interpréter. Il ne
faut donc pas s'étonner si une toute jeune fille comme Mlle Marie
Harder n'a pas eu , dans la périlleuse partie de piano d'un quintette
de ce maître , tout l'aplomb , toute l'expression et toute l'ampleur
désirables. Avec sa gentille sœur Nadine, elle a fort bien enlevé
Vallegro d'une sonate de Moschelès, et a dit seule correctement,
brillamment, et ajoutons très-simplement, diverses pièces de J. -S. Bach,
de Mendelssohn, de Schubert, et la jolie valse de Joseph Wieniawski.
— A l'orchestre, la harpe fait toujours merveille, et l'on ne saurait
se passer d'elle quand on veut une teinte vaporeuse ou religieuse ;
dans le solo, c'est autre chose, et, comme les Félix Godefroid sont
rares, on est bientôt frappé de sa sécheresse et de sa monotonie.
Pourtant, samedi, M. Aptommas, qui nous vient d'Amérique, a su se
faire écouter et a même été vivement applaudi. Secondé par le piano,
il a joué le concerto de Weber; puis d'agréables Souvenirs de New-
York, des mélodies du pays de Galles pleines de saveur et d'origi-
nalité, et enfin II ManioLino d'Alvars et une tarentelle très-vive et
très-pétulante. M. Aptommas a donc prouvé une fois de plus qu'entre
des mains habiles tous les instruments pouvaient exprimer quelque
chose, être éloquents et, partant, plaire au public.
— Mme Escudier-Kastner et MM. fleuri Vieuxtemps et A. Battu ont
dit, à leur dernière soirée, avec un fougueux emportement et une
exquise délicatesse le trio en ré de Mendelssohn. Ils ont été ac-
cueillis par d'unanimes bravos. Après la grande paraphrase du Songe
d'une nuit d'été, hérissée de difflcullés par Liszt, et jouée par l'ex-
cellente pianiste avec beaucoup d'élan, de puissance et de clarté, est
venu le magnifique duo de Thalberg et de Bériot sur les Huguenots.
On le sait, ces deux célèbres instrumentistes ont disposé , orné et
varié avec un art infini les mélodies si larges et si pathétiques de
Meyerbeer. Mme Escudier-Kastner et Batta ont mis dans ce duo
une chaleur d'expression, une sûreté et un charme de style qui ont
enthousiasmé l'auditoire.
— Un orchestre excellent, comme on en entend rarement dans
les concerts; Roger, qui jamais peut-être n'avait mieux dit l'air de
Joseph et te Roi des Atdnes; enfin, Henri Litoiff dirigeant l'exécution,
ont fait de la soirée de Mme Madeleine Graever, donnée mardi dans
les salons de l'hôtel du Louvre, une véritable solennité. Mme Graever
est encore une de ces artistes que la guerre civile qui désole l'Amé-
rique a ramenées en France, où déjà nous l'avions entendue il y a
quelques années; mais elle nous revient grandie par l'étude, l'expé-
rience et le succès. Elle est la seule pianiste qui puisse se présenter
comme élève de LitolfT; et l'un des témoignages les plus (latteurs
dont elle s'honore, c'est que le maître lui ait confié l'exécution d'un
de ces beaux et difficiles concertos qu'il interprète lui-même avec le
sentiment énergique et chaleureux qui a présidé à leur eomposi-
tion.
Parmi les symphonistes de notre temps, Henri Litoiff est l'une des
physionomies les plus originales et les plus distinguées. Son troisième
Concerto symphonique, dont la partie de piano a été jouée par
Mme Madeleine Graever avec beaucoup de pureté, d'éclat et de dé-
licatesse, est une œuvre tracée de main de maître et qui suffirait à
assurer le succès d'un compositeur. Par le fond comme par la forme,
par les idées comme par la manière de les présenter et de les traiter,
on reconnaît tout de suite un esprit vigoureux, indépendant et hardi. La
mélodie de Validante est délicieuse ; elle anime tout l'orchestre et
colore tous les effets d'une instrumentation riche, brillante et pleine
de relief. Le scherzo, où se joue un peu longuement peut-être un
thème hollandais, et la dernière partie, où l'hymne national Notre
Guillaume est très-heureusemout amené, ont plus d'une fjis charmé
et captivé l'auditoire. Il y a bien dans quelques parties de ce con-
certo une certaine exubérance, notamment dans le premier allegro
maestoso; mais l'exubérance n'est pas donnée à tout le monde. D'ail-
leurs, elle n'est pas chez Litoiff le produit ordinaire des écoles ; elle
vient, on le sent à chaque note, d'une imagination bouillante et vrai-
ment exaltée qui abonde en pensées, en images, qui voudrait expri-
mer toutes ses impressions, et brise les moules trop étroits à son.
gré. On l'a pu voir dans les Girondins, ouverture dramatique,
par laquelle commençait la deuxième partie de ce concert et
qui est la préface d'une tragédie allemande. Assurément, il y a
dans cette longue composition (sans parler, bien entendu, des airs
patriotiques — et même démagogiques — qu'on y trouve ), une
peinture énergique et saisissante des passions si complexes qui en-
flammèrent les hommes de 89; un souffle vraiment révolutionnaire
traverse Torchestre, qui tantôt gronde comme le tonnerre, et tantôt
soupire quelque fraîche et poétique idylle ; mais il y a là aussi un
style haché, fiévreux, des violences de sonorité dont on peut con-
tester bien plutôt la beauté que la vérité. Ces réserves faites, il ne
nous reste plus qu'à constater le succès hors ligne obtenu par Litoiff.
Ce succès ne tient pas uniquement au mérite de l'orchestration , il
repose sur des bases plus solides, sur une réunion de qualités qui
souvent s'excluent : la grandeur, l'abondance, la passion, unies à une
grâce, à une finesse et à un charme extrêmes; toutes choses dé-
ployées surtout dans le Concerto symphonique, et présentées par
l'orchestre et le piano sous des formes neuves et prodigieusement-
variées.
Il ne faut pas que Litoiff nous fasse oublier son excellente et char
mante interprète. Disons donc que Mme Graever a pleinement jus-
tifié la confiance du maître, par le talent supérieur qu'elle a déployé
dans l'exécution de l'une de ses plus belles œuvres. Ce talent, qui
l'a placée au premier rang des virtuoses de son sexe, elle l'a mon-
tré encore dans la Tarentelle de Rossini, dans Vandanle et rondo du
concerto en si bémol de Beethowen. Ni les bravos ni les acclama-
tions ne lui ont manqué dans es concert vraiment exceptionnel.
52
REVUE ET GAZETTE S USIGALE
auquel on ne saurait reprocher que d'avoir attiré trop de monde,
et c'est un reproche de nature assez rare pour qu'on ne se félicite
pas de l'avoir mérité.
Adolphe BOTTE.
REVUE DES THEATRES.
Théâtre Déjazet : l'Argent et l'Amour, pièce en trois actes , de
MM. Jaime fils, Colin et Polo, musique de M. Eug. Déjazet. —
Palais-Royal : Jean Torgnole, vaudeville de MM. Eug. Grange et
Lambert Thiboust; début de Berthelier.
Si, parmi les pièces nouvelles dont l'abondance soudaine est venue
démentir nos prévisions, noui croyons devoir accorder une mention
particulière à deux d'entre elles, c'est que, par certains détails, ces
pièces ont, sur les autres, l'avantage de rentrer dans notre spécialité.
Le premier titre de rArgtnl et l'Amour était les Dieux s'amvsent.
Celui-ci n'a pas prévalu, parce qu'il ne faisait point assez ressortir
le caractère sérieux et la portée philosophique qui sont, paraît-il, au
fond de celte œuvre. Ce n'est pas nous qui parlons, c'est le théâtre
lui-même, dans ses réclames. Où diable la philosophie va-t-elle se
nicher? Les dieux travestis n'ont pourtant pas porté malheur à
Orphée aux e?ifers, et l'exemple, selon nous, était assez concluant
pour ne pas être renié. Peu importe, au surplus ; le choix est fait,
et il n'y a plus à y revenir. Nous avons devant nous l'Argent
et l'Amour, c'est-à-dire Mercure et Cupidon. Les dieux ne s'amusent
pas, bien au contraire ; ils s'ennuient mortellement dans leur Olympe,
et ils ne sont pas fâchés de saisir l'occasion d'aller faire un voyage
sur terre pour juger une querelle survenue entre le fils de Vénus et
le messager du céleste empire. Il s'agit de savoir qui l'emporte, chez
les hommes, de l'amour ou de l'argent. Mercure commence ses
épreuves à l'hôtel Rambouillet, où il se présente sous les traits de
Mlle de Scudéry, et où il essaie de ridiculiser l'amour avec sa fa-
meuse Carte du Tendre; mais Cupidon n'a qu'à se montrer, en petit
poète blondin, pour faire pencher la balance en sa" faveur. Mercure
a beau vouloir lutter, il n'est pas heureux dans ses travestissements,
et le paysan Jean Maclou n'a pas plus d'action sur les précieuses que
Mlle de Scudéry. Mieux inspiré, après un intervalle de deux siècles,
il règne, en souverain, de nos jours, par la puissance de l'or. Il donne
des fêtes splendides, auxquelles il préside en riche costume de prince
asiatique. Mais, au moment où il se croit sûr du triomphe, Cupidon
lui amène Psyché, et l'orgueilleux Mercure, qui se disait invulnérable,
s'avoue vaincu et rend hommage à l'amour.
En dépit des réclames de la direction, nous n'insisterons pas sur
le côté sérieux de celte pièce, et nous féliciterons sincèrement
Mlle Déjazet de ses merveilleux eflbrts pour le faire oublier. Dans
les transformations diverses du rôle de Mercure, l'inimitable comé-
dienne ne laisse rien à désirer, et, ce qui n'est pas un mérite vul-
gaire, c'est que ses costumes sont tous d'un goût parfait, Quant à son
chant, on ne saurait trouver de nouvelles expressions pour la louer
convenablement ; tout a été dit sur l'art ir.comparable avec lequel
elle détaille jusqu'aux moindres couplets. Elle excelle surtout dans
les anciens airs, qu'elle se plaît à ressusciter de loin en loin avec
beaucoup de discrétion.
Ce n'est pas que les airs nouveaux manquent dans l'Argml et
l'Amour: M. E. Déjazet en a composé quatorze, et, dans ce nombre,
sa mère en chante plusieurs; nous avons remarqué notamment, au
deuxième acte, une joyeuse chanson villageoise que le public a fait
répéter. Comme pages plus iraporlantes et plus dignes d'attention,
nous citerons l'ouverture, qui est charmante, un très-joli chœur d'in-
troduction, un finale habilement dessiné, un très-coquet morceau
d'ensemble, babillé par les précieuses, et deux airs qui se chantent
sur des motifs de valse d'une distinction réelle. La musique de
M. Eug. Déjazet contribuera, nous n'en douions pas, au succès de
l'Argent et l'Amour, quoiqu'elle ne soit pas, ou plutôt parce qu'elle
n'est pas philosophique.
— Nous nous rappelons toujours avec un vif plaisir les débuts de
Berthelier dans les Deux Aveugles et dans la Nuit blanche; il n'y a
pas, du reste, de bien longues années. Lorsqu'il apparut sur la scène
des Bouffes-Parisiens, c'était un acteur inconnu, et le lendemain, sa
réputation était faite. A un jeu plein d'entrain, de verve et de bonne
humeur, il joignait une voix agréable, dirigée avec goût et rehaussée
par un accent mordant et spirituel. Tant de riches qualités devaient
le conduire et l'ont conduit en effet à l'Opéra-Gomique, où il a
marqué son passage par plusieurs très-heureuses créations. Mais son
ambition, assurément fort légitime, ne trouvait pas là d'occasions
assez fréquentes de succès, et nous l'approuvons d'être allé les cher-
cher ailleurs. Son début au Palais-Royal a été des plus brillants :
comme comédien, il s'y est trpuvé de pair avec les meilleurs co-
miques de l'endroit ; comme chanteur, personne ne peut lui être
opposé. Ajoutons qu'il a eu la chance favorable de tomber tout
d'abord sur un bon rôle et sur une bonne pièce.
Jean Torgnole, dont le nom dit assez les habitude tapageuses, est
un paysan qui, un beau jour, s'est fait marin, laissant là, au pays,
une promise bien décidée à lui rester fidèle, mais entraînée, à la
longue, à lui donner un remplaçant. Le jour même du mariage de
Jacqusline avec Clochedoux, Jean Torgnole revient plus amoureux
que jamais. Les nouveaux époux n'osent lui avouer la vérité, et une
gentille paysanne, la Margotte, les tire provisoirement d'embarras,
en se faisant passer pour la mariée. Mais alors, c'est bien une autre
affaire : Jean s'attache aux pas de Jacqueline, qu'il croit libre, lui
fait la cour, devient pressant, et cela sous les yeux de Clochedoux,
partagé entre la peur et la jalousie. Par bonheur, la Margotte s'ar-
range de manière à confisquer à son profit le cœur de Jean, qui, en
fin de compte, n'est pas fâché que Jacqueline ne l'ait pas attendu.
La donnée de cette petite pièce n'est pas bien neuve. Nous ayons
souvenance d'un ancien vaudeville de l'Ambigu, l'Idée du Mari, qui
lui ressemblait singulièrement; mais peut-on lui en faire un re-
proche ? L'Idée du Mari est morte ; Jean Torgnole vivra, non-seule-
ment parce qu'il est bien constitué, mais aussi parce qu'il a pour
soutien Berthelier, qui s'y fait applaudir doublement, par son jeu
sympathique et par sa voix, chargée d'interpréter quelques airs nou-
veaux très-bien faits et toujours en situation.
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
.^** Dimanche dernier, le théâtre impérial de l'Opéra a donné le
Trouvère et le Marché des Innocents. Par suite d'une indisposition subite
de Mme Tedesco, Mlle Werthoimber a joué à rimproviste le rôle d'Azu-
céna du Trouvère. Elle s'est tirée avec bonheur de cette tâche inatten-
due et qu'elle a acceptée sur la prière de M. Perrin.— Trois représenta-
tions de la iMuetle ont défrayé le spectacle pendant la semaine. Le
succès prend des proportions insolites et qui ne paraissent pas près de
s'amoindrir.
.,,*,. Aujourd'hui, représentation extraordinaire de Itobert le Diable.
/^ Mlle Cico est décidément engagée à l'Opéra.
*j. Rien n'est décidé encore au sujet de la reprise d'Armide de
Gluck, qui est cependant fort probable. Warot y chanterait le rôle de
Renaud.
^/% Mme Ferraris quitte l'Opéra le i avril. La célèbre danseuse don-
nera sa dernière représentation dans le courant du mois de mars à
son bénéfice. Elle vient de signer un brillant engagement pour Londres,
avec M. Mapleson, directeur du théâtre de Sa Majesté. C'est une perte
pour le théâtre impérial de l'Opéra.
i*^ Warot doit prochainement faire son premier début dans le rôle
de Tebaldo, de l'opéra de Victor Massé, la Mule de redro. Faure chan-
tera celui de Pedro Zancaro, et Mme Gueymard, celui de Gilda.
53
»** Gourdin, ayant un rôle important à créer dans le nouvel opéra
de Duprato, la Déesse et le Berger , qui va être donné incessamment ,
il sera remplacé par Barielle dans celui de Baskir de Lalla-Roukh.
*** Vendredi a eu lieu l'avant-dernière représentation de Mlle Ade-
llna Patti dans la Lucia, un des rôles où la jeune cantatrice se produit
sous la forme la plus dramatique. On avait loué pour cette représenta-
tion jusqu'aux places du cintre qui se trouvent derrière le lustre et
qu'on ne loue jamais. Des fanatiques ' de la diva ont payé leur stalle
d'orchestre jusqu'à 50 francs ; des fauteuils de balcon ont été achetés
90 francs. Cet enthousiasme est, quoi qu'on en puisse dire, justifié par
les qualités exceptionnelles qui se trouvent réunies dans Mlle Patti.
Certes, bien des cantatrices ont chanté sur notre scène italienne ce
beau rôle de Lucia, mais on peut affirmer qu'aucune n'a détaillé d'une
façon aussi saisissan:e Ja magnifique scène du désespoir du deuxième
acte, et surtout celle de folie du troisième acte; Mlle Patti fait de cette
dernière tout un petit drame qui captive et émeut au plus haut degré
l'auditoire; tout ce morceau est d'ailleurs chanté à ravir. Aussi les
bravos de la salle entière ont-ils eu de la peine à se contenir jusqu'à
la dernière mesure. Acclamée, rappelée, Mlle Patti, nonobstant les rap-
pels précédents, a dû reparaître cinq ou six fois de suite. — Aujour-
d'hui même, la brillante artiste chante pour la dernière fois dans le
Barbier le rôle de Uosine, et pas une place ne reste à louer. — Tam-
berlick est attendu à Paris le 27.
*% On annonce pour jeudi prochain la première représentation de
Stradella. Si l'on en doit juger par le succès que cette charmante par-
tition do l'auteur de Marta a obtenu en Allemagne et, l'année passée, sur
le théâtre Italien de Saint-Pétersbourg, elle ne peut manquer d'être bien
accueillie à Paris. M. de Flotow a voulu , du reste, surveiller lui-
même l'apparition de son œuvre en France, et il y a ajouté, pour cette
occasion, deux morceaux nouveaux qu'on dit très-bien réussis. Ce qu'il
y a de certain, c'est qu'aux répétitions la musique a produit beaucoup
d'eB'et. MM. Naudin, Délie Sedie, Zucchini et Mlle Battu composeront
un ensemble d'interprètes qui ne contribueront pas moins au succès que
la mise en scène, les costumes et les décors, pour lesquels la direction
a fait toutes les dépenses nécessaires.
j*:^ Mme Cabel est de retour de Lyon , où elle a été créer avec suc-
cès le rôle de Féline de la Chatte merveilleuse. Les répétitions de
Peines d'amour perdues (Cosi fan tutte), de Mozart, vont donc marcher
rapidement. En attendant, Faust continue à attirer la foule. — Deux dé-
butants ont paru vendredi à ce théâtre dans Robin des bois . Mlle Schubert
et M. Mermand. Leurgrande inexpérience de la scène et leur timidité ne
permettent pas à la critique de formuler un jugement sur eux et ne
laissent place qu'à l'indulgence.
,j*,j, On assure que Berlioz destine décidément son opéra les Trmjens
au théâtre Lyrique. — La partition du célèbre compositeur, Béatrice et
Bénédict, dont nous avons annoncé la mise en vente, est très-demandée
en France et à l'étranger.
^*^ C'est après les jours gras qu'apparaîtra au théâtre des Bouffes
la pièce de Nuitter et d'Offeubach, Bavard et Bavarde. Pradeau, Désiré,
Mme Ugalde et Mlle Testée sont chargés des principaux rôles.
*** Le théâtre Robin annonce la fui des représentations de la pre-
mière série d'agioscope, et pour le Carême, un spsctacle tout à fait de
circonstance et du plus grand attrait; il s'agit d'un voyage en Syrie,
en Palestine et à Jérusalem. On dit merveille de cette seconde exhibi -
tion, qui a obtenu à Londres six cents représentations consécutives.
a,*:„ Voici l'état des recettes brutes qui ont été faites, pendant le mois
de janvier 1 863, dans les établissements soumis à la perception du droit
des indigents ;
r Théâtres impériaux subventionnés 622,700 69
2° Théâtres secondaires, de vaudevilles et petits spec-
tacles 1,167,876 60
3° Concerts, spectacles-concerts, cafés-concerts et
bals 273,372 50
4° Curiosités diverses 7,631 50
Total 2,071,581 29
,t** Le théâtre du Havre vient de monter Martha. La partition de
M. de Flotow a été très-bien accueillie, et l'orchestre l'a parfaitement
interprétée. Mme de Joly, aussi bonne chanteuse que bonne comédienne,
a fort bien dit la romance de la Rose. Le rôle de Nancy ne pouvait être
mieux confié qu'à Jllle Chabert.
,(,** Marta vient d'être représentée au théâtre de Trieste avec un
succts d'enthousiasme ; Mme de Boissi (Enriclietta) a chanté parfaite-
ment le rôle principal. Les autres ont été non moins remarquablement
interprétés par la Majo (Nancy), Zaccomelli (Lionel), Boccolini (Plum-
kett), Marchisio (Tristano).
**« Le théâtre Regio vient de donner l'opéra de Petrella, Jane, dont
le sujet est tiré du Dernier jour de Pompei, et qui avait paru pour la
première fois en 1858, à la Scala à Milan. Il a été accueilli par des ap-
plaudissements enthousiastes, et les représentations suivantes n'ont fait
que confirmer ce succès. Il est très-bien interprété par la Bendazzi, Vil-
lani et Colonnese.
^*^ L'exploitation des théâtres royaux de Naples vient d'être concédée
pour neuf ans à M. Mapleson, directeur du théâtre de Sa Majesté à
Londres. -- Mme Titjens est à San-Carlo, où elle continue à obtenir le
plus grand succès. La Lucia a été pour elle un véritable triomphe.
^*^ Vendredi soir, au théâtre de Covent-Garden, Balfo a remporté un
nouveau succcès avec un opéra : the Armurer of Nantes, paroles
de J.-V. Bridjeman. 11 a été très-bien interprété par miss Pyne,
miss Hiles, MM. Harrison, Santley, Weis et Corri. L'opéra est en trois
actes et a duré quatre heures. C'est un peu long pour le public anglais.
„,** Au théâtre Jovellannos, à Madrid, a eu lieu une soirée de bien-
faisance à laquelle ont pris part Mmes de Lagrange, de Merle, MM. Bet-
tini et Cotogni. Ils ont exécuté le deuxième acte de Marta, aux grands
applaudissements de l'assemblée qui a fait répéter le quatuor du rouet.
„,** Aujourd'hui, au Cirque JNapoléon, premier concert populaire de
la troisième série, sous la direction de Pasdeloup : Jupiter, symphonie
de Mozart; Marche turque, de Beethoven; andante final (l'Ours), de Haydn;
ouverture d'06eron, de Weber; air de ballet de Prométhée, de Beethoven
(solo de violoncelle par M. Poëncet); ouverture du Jeune Henri, de
Méhul.
.j,*^ Marseille prépare un grand concert au profit des ouvriers néces-
siteux. Les directeurs auraient vivement désiré avoir le concours de
Mlle Adelina Patti ; mais, tenue par ses engagements, la jeune et célèbre
cantatrice s'est vue à son grand déplaisir obligée de refuser. En effet,
elle chante aujourd'hui à Paris pour la dernière fois; demain elle se mot
en route pour Vienne, et c'est à peine si elle pourra prendre quelques
heures de repos en route, puisqu'elle doit être rendue à Vienne mer-
credi pour y commencer immédiatement ses représentations. Il est vrai
que l'offre de 15,000 francs a été faite â Mlle Patti pour chanter à ce
concert; mais il est vrai aussi qu'en témoignant aux organisateurs du
concert projeté, tout son regret de ne pouvoir s'associer à leur bonne
œuvre, son premier mot a été de dire qu'elle eût refusé la somme of-
ferte par eux.
f"'^ Jeudi dernier, le mariage de M. Edmond Moreaux, compositeur
organiste, et de la fille d'Adolphe Adam, s'est célébré en l'église de
Saint-Eustache. Les témoins des jeunes époux étaient MM. Auber, Am-
broise Thomas, Adolphe Dennery et Ritt. Pendant la messe, plusieurs
morceaux ont été chantés, notamment un 0 salutaris d'Adolphe Adam,
et un orchestre dirigé par M. Hurand a joué un charmant morceau
in.-trumental, dans lequel M. Edmond Moreaux avait fort heureusement
réuni plusieurs mélodies des deux maîtres présents et de celui dont le
souvenir planait sur toute la cérémonie.
,j*„ Henri Heiz organise pour la fin de ce mois, dans sa salle, un
concert avec orchestre, dont le produit sera consacré au soulagement
des ouvriers de la Seine Inférieure. M. Uerz compte sur le concours
d artistes célèbres, et se propose d'entourer ce concert de tous les élé-
ments propres à le rendre à la fois brillant au point de vue artistique
et fructueux comme recette.
^'"^ Dimanche dernier, une brillante réunion se pressait encore dans
les salons de Marmontel, pour y entendre Mme Pleyel et M. Dumont, le
flûtiste de Bruxelles. La célèbre pianiste a exécuté sa partie d'un trio de
Mendelssohn, et deux études de Jules Cohen, avec tout le talent qu'on
lui connaît et tout le succès dont elle a l'habitude.
^*f, M. Romano, organiste distingué et qui jouit en Italie d'une
grande réputation, est en ce moment à Paris.
,,,*„,. A l'occasion de l'accident dont les deux coryphées du théâtre
Princess, à Londres, ont été les victimes, nous émettions le vœu qu'on
adoptât les mesures les plus propres à prévenir de semblables sinis-
tres ; on lit à ce sujet dans le dernier numéro de la Revue et Gazette
des Théâtres : « A la réunion des propriétaires de Drury Lane, M. Nel-
son, architecte du théâtre, a présenté un rapport d'où nous extrayons la
description de toutes les excellentes mesures préventives adoptées contre
l'incendie. Et d'abord: « Tous les becs de gaz, dit-il, au nombre de près
» de trois cents, sont entourés d'un globe en treillis de lil de fer gal-
» vanisé, dont la durée est illimitée et le prix peu élevé. Puis, afin de
» rendre désormais impossible tout accident, on a poussé la précaution,
0 le long de la rampe, comme dans toutes les parties de la salle, jus-
>, qu'à protéger chaque bec de gaz par un couvercle en talc. En troisième
» lieu, on a placé des pompes à bras plongeant dans des seaux d'eau
» régulièrement distribués de distance en distance, de sorte qu'au
» moyen de ces diverses mesures et de l'emploi de couvertures de laine
» mouillées toujours disponibles, l'architecte a déclaré qu'il n'y aurait
» plus désormais aucun risque à redouter sur la scène. » Il est bon
d'observer que diverses expériences chimiques ayant été faites avec
succès devant le jury, à la dernière enquête faite , au sujet d'un nou-
veau mode pour rendre les étoffes légères incombustibles (incombustible
Starch), le jury exprima à la fin du verdict la vœu que chaque direc-
teur de théâtre ne permît plus d'autres costumes que ceux préparés
de cette manière. »
„'*,t L'association des artistes musiciens célébrera la fête de la Purifica-
tion en l'église Saint-Vincent de Paul, le lundi 23 février, à onze heures
54
KKVLE ET GAZETTE MUSICALE
très-précises, en faisant entendre la première messe solennelle de
M. Léon Gastinel. Les exécutants, au nombre de deux cents, seront di-
rigés par M. Deloffre. Les solos seront chantés par les premiers artistes
de la capitale. Le produit de la quête et des cliaises sera versé dans la
caisse de secours de l'association.
^*^ Dimanche passé, la Société des concerts du Conservatoire a exé-
cuté le chœur de la Charité de Rossini; prière de la symphonie en la ma-
jeur de Mendelssohn; la Tempête et le Calme, chœur de Haydn; la mu-
sique composée par Beethoven sur Egmont, et l'ouverture du Freiisçhutz-
Nous rendrons compte dimanche de ce concert, ainsi que des séances
précédentes.
^*^ Vendredi a eu lieu, dans les salons de Mme la comtesse de Ridder,
une matinée musicale dont le produit était destiné aux ouvriers de la
Seine-Inférieure. Une foule nombreuse et élégante avait répondu à l'ap-
pel de cette maîtresse de maison, dont l'exemple ne saurait être trop
répandu et trop prôné. Indépendamment d'un acte de charité, on y a
fait d'exce'lente musique. Mme Paléologue et sa sœur, Mlle de Ridder,
secondées par Roger et Bonnehée, ont chanté le quatuor de Ma tante
Aurore et le duo de Felicie; Roger a ensuite interprété des mélodies
françaises et allemandes, et Bonnehée un air d'il Ballo in maschera.
La partie vocale a été complétée par le trio du Matrlmonio segreto, où
Mme Gardoni a fait apprécier sa méthode et sa voix. Quant à la partie
instrumentale, elle était confiée à MM. Ubicini et Charpentier, qui ont
merveilleusement exécuté plusieurs morceaux de Beethoven et de Mozart,
avec le concours d'E. Chaîne et de Chevillard. Le lendemain , on a dû
verser au Journal des Débats une somme de 1,500 francs.
^** L'éminent violoniste Jean Becker a été appelé à Bruxelles
pour jouer dans une séance de musique de chambre, donnée au Conser-
vatoire par l'illustre directeur M. Fétis père. Cette séance a eu lieu
mercredi, et M. Becker a joué un quintette de M. Fétis père, et le
second quatuor d'Edouard de Hartog, avec un immense succès. M. Bec-
ker s'est fait entendre aussi à Anvers, où il avait été demandé pour la
troisième fois; il est de retour à Paris. Son concert reste fixé au 23 fé-
vrier, à la salle Herz. Ce sera l'une des plus belles fêtes musicales
de la saison. Jean Becker y exécutera avec orchestre le grand concerto
de Beetlioven, les Grelots du Diable, de sa composition , et Nel cor
piu non mi sento, de Pagauini.
^'"^ Une dame du monde, Américaine comme la Patti, s'est fait en-
tendre cette semaine, à la chapelle impériale du château des Tuileries,
et y a produit une sensation profonde dans un morceau religieux com-
posé par Auber. L'illustre compositeur, d'accord en cela avec l'opinion
du noble auditoire, a reconnu dans cette jeune étrangère, qui est élève
de M . Panofka, une voix magnifique et un grand style.
^*.f. Prudent est de retour à Paris et doit donner, dans quinze jours,
un grand concert.
j*» M. Aptomraas, du concert duquel notre collaborateur M. A. Botte
rend compte, est engagé pour le mois d'avril à Londres , où il donuera
une seconde série de séances musicales , sous le patronage des grands
noms de l'aristocratie anglaise.
^*^ La Société nationale des beaux-arts, 26, boulevard des Italiens,
donnera dimanche prochain son cinquième grand concert, et, à la de-
mande générale, elle fera de nouveau entendre la deuxième partie de
la Fuite en Egypte, l'Invitation à la valse et le Carnaval romain, de
Berlioz. L'orchestre sera dirigé par le célèbre compositeur. Dans la
deuxième partie, Christophe Colomb, dirigé par Félicien David.
a,"^^, Le grand-duc de Bade vient de conférer au maître de chapelle
M. Strauss, à Carlsruhe, la croix de chevalier de l'ordre de Zsehringen.
,^*^ Vendredi soir, 6 mars, grand concert donné par Mlle Corinne
de Luigi dans la salle Herz.
**„, Bazzini, le célèbre violoniste, est depuis le commencement de
l'hiver à Pau, où il a organisé des matinées hebdomadaires de musique
classique et de musique moderne très- suivies. Il y a fait entendre
quelques-unes de ses compositions, qui ont été fort goûtées par la so-
ciété aristocratique de Pau. Bazzini a également obtenu de grands suc-
cès à Bordeaux et à Angoulême, où l'avaient appelé les Sociétés phil-
harmoniques de ces deux villes. Il compte revenir à Paris au prin-
temps.
.j,*,^ Feri Kletzer, violoncelliste et compositeur, distingué qui s'est
déjà fait applaudir à Paris, est de retour et y passera quelques mois.
^% Jules Deswert, le jeune violoncelliste que nous avons applaudi il
y a quelques années comme un artiste d'une précocité extraordinaire,
est revenu à Paris et s'y fera prochainement entendre.
,,■"* La Société des gens de lettres a tenu, dimanche dernier, son as-
semblée générale dans les salons de Lemardelay, et a procédé au rem-
placement de MM. Amédée Achard, Charles Deslys, Etienne Enault, Em-
manuel Gonzalès, Léon Gozlan, Achille Jubinal, Méry et Albert Second,
composant le tiers sortant du Comité. Ont été élus : MM. Edouard Four-
nier, Paul Juillerat, G. de la Landelle, Léo Lespès, Hypolite Lucas,
X. Saintine, Aurélien SchoU et Auguste Vitu. En conséquence, le Comité
est composé, pour l'année 1863, de MM. de Balathier-Bragelonne, Ch.
Basset, H. Celliez, G. Chadeuil, L. Enault, P. Féval, Ed. Fournier, Théo-
phile Gauthier, Georges Guiffrey, Paul Juillerat, Jean Laffitte, G. de la
Landelle, Léo Lespès, Hippolyte Lucas, Michel Masson, Eugène MuUer,
Ponson du Terrail, Xavier Saintine, Aurélien SchoU, Jules Simon, le ba-
ron Taylor, Frédéric Thomas, Auguste Vitu et Francis Wey. Le lundi
9 février, le Comité a procédé à la formation de son bureau pour 1863'
Ont été élus : président, M. Wey; viccrprésidents, MM. Laffitte et de
la Landelle; rapporteurs, MM. Edouard Fournier et Léo Lespès; secré-
taires, MM. Guiffrey, Ponson du Terrail et Aurélien SchoU; questeurs,
MM. Charles Basset et Louis Enault ; archiviste bibliothécaire, M. Eu-
gène MuUer; présidents honoraires, MM. le baron Taylor, Louis Des-
noyers (fondateur de la Société), Léon Gozlan, X. Saintine, Michel Mas-
son, Edouard Thierry.
^*,j Chaque mardi , le professeur-compositeur Paul Bernard réunit
ses élèves, et par la manière dont elles interprètent les œuvres des
maîtres, on peut apprécier de plus en plus l'excellence de sa méthode
et son talent de compositeur. Des artistes distingués assistent à ces
réunions, et mardi dernier on y a entendu Nadaud, Vincent et les
frères Guidon. M. Paul Bernard a joué avec une de ses élèves. Mlle
Baronnet, un beau duo de Hummel à deux pianos, et, seul, un nouveau
caprice arabe de sa composition : l'Oasis, destiné à un beau succès. Il
a été fort applaudi.
**„, MUe Murer, une des élèves les plus distingués de Prudent, don-
nera le 3 mars un concert dans la salle Herz.
„*,t Marcel Colombier, éditeur, 8S, rue de Richelieu, vient de faire
paraître deux nouvelles transcriptions vocales de nos grands maîtres.
Marguerite (chanson florale), musique de Beethoven; l'Oiseau (conver-
sation), musique de John Field, poésies de Mme Desbordes-Valmore. In-
dépendamment de leur mérite littéraire et musical, ces deux morceaux,
destinés aux jeunes personnes, ont encore le précieux avantage d'être
d'une entière convenance.
*■** Le bal annuel de l'Association des artistes dramatiques aura lieu
le T mars prochain, dans la salle du théâtre impérial de l'Opéra-Co-
mique, sous le patronage de LL. MM. l'Empereur et l'Impératrice. La
réputation de cette fête est assez établie pour que nous jugions inutile
d'insister sur son éclat et sa splendeur. C'est le rendez-vous de la haute
société parisienne et des étrangers de distinction qui viennent admirer
de près les étoiles de la scène. On souscrit chez le trésorier de l'œuvre,
rue de Bondy, 68, et au bureau de location du théâtre de l'Opéra-Co-
mique.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
,j*,f Château-Thierry. — Un concert fort intéressant à plus d'un titre
vient d'être donné au bénéfice des ouvriers sans travail par une société
d'amateurs, auxquels s'est joint un artiste d'un grand mérite, M. Ulysse
de Wast. Ce dernier a chanté avec un goût parfait et un sentiment
très-remarquable des nuances, la délicieuse sérénade de Gounod, qui a
obtenu un succès d'enthousiasme. On a aussi chaleureusement applaudi
la distinction et le style du jeune et brillant artiste dans la romance de
Lalla-Roukh; mais ce qui a surtout vivement frappé , c'est l'étendue et
l'ampleur de sa voix dans le Miserere du Trovatore. M. du Wast est un
des meilleurs élèves de Duprez ; il possède donc une excellente méthode,
et sa voix très-sympathique est d'une grande fraîcheur.
,*^, Poitiers. — Notre Société chorale vient de donner son concert an-
nuel au profit des pauvres. Elle s'était assuré le concours de MUe Mo -
reau, la charmante cantatrice du théâtre Lyrique ; de M. Bussinc, artiste
de l'Opéra-Comique, et Emile Levêque, virtuose-violoniste, qu'on ne peut
se lasser d'entendre. Ces éminents artistes ont été constamment applau-
dis et rappelés. L'orchestre a joué avec précision , quoique mollement
conduit, les Quvertnresdal'Italienneen Algérie, de Rossini, et de /a StVene,
d'Auber. Les chœurs, sous la direction d-î M. Puisant, ont obtenu un
beau succès.
'^,^*.j, Nice. — Il n'est bruit que du magnifique concert annoncé pour
le 19, au théâtre impérial, par Mme la baronne Vigier(néeCruveUi), au
bénéfice des pauvres. Les entrées sont fixées à 1 0 francs, et l'on paiera,
en outre, les premières et deuxièmes loges 1 00 francs, et les fauteuils
15 et 20 francs 1 Tel est le prestige exercé par la grande cantatrice,
que, vu l'affluence des demandeurs, les places devront être délivrées
par la voie du sort.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
,^*» Bruxelles. — La direction du théâtre de la Monnaie a donné, ven-
dredi dernier, un concert, avec le concours d'Emile Prudent, de
Ikllle De Maesen, et de MM. Martin et Férié. Le célèbre pianiste français
a joué, outre son nouveau concerto, plusieurs de ses plus charmantes
OE PARIS.
53
créations, entre autres le Réveil des Fées, auquel il a ajouté un accom-
pagnement d'orchestre. Ce morceau, déjà si ravissant sous sa première
forme, a gagné considérablement encore par le développement que lui
a donné l'auteur. Comme on peut le penser, les applaudissements et les
rappels n'ont pas fait défaut au grand pianiste. Mme la duchesse de
Brabant, excellente pianiste elle-même, semblait suivre avec le plus
grand intérêt le jeu élégant de M. Prudent, et mêlait ses applaudisse-
ments à ceu.x du public enthousiasmé. Mlle De Maesen a chanté l'air de
l'Ombre du Pardon de Ploirmel avec un goût et une méthode parfaits. —
Après ce concert. Prudent est retourné à Gand, où il a clôturé, devant
deux mille auditeurs enthousiasmés, sa brillante excursion en Belgique.
^*^ Gand. — La reprise du Pardon de Ploërmel vient d'avoir lieu, à
la grande satisfaction de notre public. Le dernier chef-d'œuvre de
Meyerbeer a été remarquablement interprété par Carman (Hoël),
Mme Meyer-Boulart et Tournade (Corentin). Le grand air d'entrée et la
romance du troisième acte ont valu à, Carman des applaudissements et
un rappel largement mérités. Le rôle de Dinorah est une des meilleures
créations de lime Meyer-Boulart ; elle en a saisi admirablement toutes
les nuances, et il est devenu pour elle un véritable triomphe. Tournade
est un excellent Corentin dont la voix de trial est secondée par un ex-
cellent talent de comédien. — Lundi, M. Cabel, frère de la pensionnaire
du théâtre Lyrique de Paris, a donné un très-beau concert au profit du
Cercle philanthropique. Mlle Léontine Allewaert y a très-bien chanté
un air des Huguenots et celui du Juillet de loterie.
^*^ Vienne. — Merelli est arrivé. On attend Mlle Patti pour le 17, et
Mme Lafont pour le 21) du courant. La Société italienne doit donner en
tout trente représentations ; Mlle Patti chantera dans vingt-deux soi-
rées. Quoique le prix d'abonnement d'une loge de parterre et de pre-
mière galerie soit fixé à 30 florins par soirée, presque toutes sont
louées. Merelli fait construire une vingtaine de loges supplémentaires
à la deuxième galerie. Il y aura trois ou quatre représentations par se-
maine. Mlle Patti débutera dans la Sonnambula. Carrion chantera le
rôle d'Elvino. Giugllni doit débuter en même temps que Mine Lafont.
— Satter vient de donner son quatrième concert. L'éminent pianiste va
partir pour Pesth.
a,*» Berlin. — Les répétitions de l'opéra de Rubinstein, les Enfants
des Landes, viennent de commencer au théâtre de la cour. — Dans la
Fille du régiment, Mlle D. Artot a obtenu peut-être plus de succès en-
core que dans la Somnambule. Le rôle de Marie est un des plus brillants
de son répertoire, et il a été de nouveau pour l'éminente cantatrice
l'occasion d'un véritable triomphe. Le prochain rôle qui sera chanté
au théâtre de l'Opéra par Mlle Artot est celui de Margareth, de Faust.—
Sivori est attendu prochainement pour donner une série de concerts. —
Le directeur général des corps de musique de la garde, M. Wieprecht,
a célébré ces jours-ci le vingt-cinquième anniversaire de son entrée
au service. Meyerbeer avait écrit à ce sujet à M. Wieprecht une gra-
cieuse lettre de félicitations. — La Clochette de l'Ermite, de A. Maillart,
a été représentée à l'établissement KroU, et cet ouvrage alterne avec
les Pêcheurs de Catatic, du même autour, que la troupe du théâtre Fré-
déric-Guillaume représente dans la même salle, avec un succès qui
grandit chaque jour. — L'éditeur G. Bocli vient de célébrer avec solen-
nité le vingt-cinquième anniversaire du jour où il a fondé l'établisse-
ment qu'il dirige avec tant de succès. Le prince royal lui a fait re-
mettre ù cette occasion, par le général Maliszewski, une lettre de féli-
citations, et des témoignages semblables d'estime lui ont été adressés
par des sommités artistiques, parmi lesquels Meyerbeer, Taubert, F.
Kœster, de Bulow, etc.
^*^ Brunsivick. — L'opéra de Bénédict, la Rose d'Erin, qui a déjà eu
soixante repr.5sentatious à Londi-es, sous le titre de Lilly of Killarnéy,
vient d'être donné pour la première fois au théâtre de la cour. Sans
être précisément une oeuvre originale, la partition est facile et agréable
et a reçu un bienveillant accueil.
^*^ Barcelone. — Le Prophète poursuit le cours de son triomphe. A la
dernière représentation, deux magnifiques couronnes ont été jetées sur
la scène, l'une en or, d'un très grand prix, pour l'illustre compositeur;
l'autre en laurier, pour l'habile chef d'orchestre, M. Castagneri. Lors-
que ce dernier prit la couronne d'or et la posa sur la partition, l'en-
thousiasme fut immense, et les applaudissements éclatèrent de toutes
parts. La couronne d'or a été expédiée immédiatement à Paris, à M. Ver-
ger, directeur du théâtre de Barcelone, afin qu'il la fasse parvenir à
M. Meyerbeer.
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56
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
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Départements, Belgique et Suisse.... .30 » id.
Étranger 34 -• id.
Le Journal paraît Le Dimanche,
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— ^N/u vAAA/VrvPowv—
SOMMAIRE. — Théâtre impérial italiea: Alessandro Stradella, opéra en trois
actes, musique de F. de Flotow, par Paul Smith. — Théâtre des Bouffes-
Parisiens : les Bavards, opéra-bouffe en deux actes , paroles de M. Nultter,
musique de M. Jacques Offenbach. — Société des concerts du Conservatoire
impérial de musique et de déclamation, par Xiéon Darocher. — Revue des
théâtres, par D. A. D. Saiut-YTes, — Nouvelles et annonces.
THÉÂTRE IMPÉRIAL ITÀUEN.
AliESS.lNDBO STBAUœiiliA,
Opéra en trois actes, musique de F. de Flotow.
(Première représentation le 19 février.)
La légende d' Alessandro Stradella, vraie ou fausse, historique ou
romanesque, est digne de la fabuleuse antiquité. Ce chanteur qui se
sauve lui-même en désarmant des assassins par le charfne de sa voix,
marche de pair avec Orphée, attendrissant l'enfer et lui reprenant
son Eurydice; avec Amphion, transportant les rochers et en cons-
truisant des villes. Comment l'opéra moderne eùt-il laissé échapper
un héros tel que Stradella, surnommé de son temps V Apollon de la
musique? Une belle voix dans un beau corps! Nous avons bien su
exploiter Garât, fait prisonnier par une patrouille, et entonnant la
Gasconne pour recouvrer sa liberté. Le chanteur italien du x\n^ siècle
devait avoir le pas sur le chanteur français du siècle précédent et de
celui-ci. Dans la même année, à peu de jours de distance, on le vit
apparaître sur deux théâtres de Paris. Le Stradella représenté du
grand Opéra le 3 mars 1837, avait pour auteurs MM. Emile Des-
champs et Erailien Pacini ; c'était, M. Niedermeyer qui en avait écrit
la musique, et le rôle principal fut joué successivement par Adolphe
Nourrit dans ses adieux, et par Duprez dans ses débuts. Un autre
Stradella, plus petit de format, plus modeste d'intention, mais très-
original et très amusant dans ses allures, s'était montré au théâtre du
Palais-Royal le 3 février, un mois auparavant ; il sortait d'une heu-
reuse collaboration, celle de MM. Paul Duport et de Forges, et il
avait pour interprète naturel à ce théâtre le joyeux et mélodieux
Achard, père du jeune artiste que l'Opéra-Comiquo possède aujour-
d'hui.
Si nous avons rappelé ces deux ouvrages, véritables ancêtres du
libretto d'abord allemand, ensuite italien, dont, par parenthèse,
l'auteur n'a pas manqué de mémoire, ce n'est pas ponr étaler un
vain luxe d'érudition généalogique, mais c'est que dans le Stradella
du Palais-Royal nous rencontrons déjà M. de Flotow, qui n'avait pas
dédaigné d'écrire deux morceaux charmants pour cette petite
pièce, un air pour le bandit Malvolio, et l'hymne à la Vierge, qui
amenait le dénoûment. L'hymne, chantée par Achard, contribua
grandement au succès, et il est tout simple que le compositeur en
ait g-ardé le souvenir. Ainsi, de ses deux opéras les plus populaires
en Allemagne, Stradella et Martha, la première esquisse avait été
tracée par lui en France : celle de Stradella dans un vaudeville, et
celle Aq Martha dans un acte de ballet.
Stradella fut joué pour la première fois à Hambourg, au mois de
décembre 18M, et, tout récemment, on l'a donné pour la centième
fois dans la même ville, au même théâtre. C'est donc une œuvre en
tout semblable, pour le destin comme pour le mérite, à cette Martha
née trois ans plus tard, à Vienne, vers la un de 1847. Ce dont peut-
être il faut s'étonner, c'est que nous ayons attendu Stradella si
longtemps, et que l'aîné des deux opéras ne se soit produit chez nous
que six ans après le plus jeune. Le poète allemand auquel M. de Flotow
s'adressa pour avoir un libretto complet, jugea sans doute prudent
de ne pas se mettre l'imagination à la torture. 11 avait sous les yeux,
sous la main les deux pièces françaises, et il se contenta d'y prendre
ce qu'il y trouvait de mieux : à l'une quelques idées de scène, à
l'autre des personnages excellents, deux hravi facétieux et mélomanes-
Heureusement, le compositeur se donna plus de peine. En artiste
consciencieux et de vaillante race, il tint à écrire une parti-
tion qui fût entièrement à lui, depuis la première note jusqu'à la
dernière : ou peut en juger par son ouverture, morceau vigoureux,
dont le début si riche d'harmonie annonce pompeusement les solen-
nités de l'église. A l'andante en ré majeur succède un leste et pimpant
allegro en fa mineur, d'où l'on revient pour conclure au mouvement
et au ton primitifs.
Une introduction pleine de finesse et d'élégance, un chœur char-
mant précèdent l'entrée de Stradella, qui paraît bientôt, et chante
une sérénade des plus passionnées sous les fenêtres de sa belle. Nous
sommes à Venise, au milieu des folies du carnaval ; mais Stradella et
sa Leonora, pupille du signor Bassi, n'en sont pas moins graves ; ils
n'en échangent pas moins sérieusement leurs soupirs amoureux et
leurs projets d'évasion dans un délicieux nocturne, où la voix de so-
prano répond sur les mêmes notes à la voix de ténor. Puis intervient
un chœur de manques suivi d'une tarentelle. On danse, on rit, on
s'amuse, excepté Bassi, le tuteur, qui tout à coup s'aperçoit que sa
pupille lui est enlevée. Alors il se fâche et s'agite : à sa place, Bar-
tholo n'en eût pas fait moins. Il veut que l'on coure après les fugitifs ;
les masques l'entoureut et lui barrent le chemin. Le premier acte finit
sur celte scène mouvementée, qui forme un piquant tableau.
58
r.EVUE ET GAZETTE MUSICALE
Le second acte nous conduit dans un village aux environs de
Rome : à gauche on voit une maison portant, au lieu d'un numéro,
cette inscription : alla campanella, c'est-à-dire à la clochette. Là se
sont réfugiés les deux amants, dont le mariag-e doit être célébré le
jour même ; mais là aussi vont les relancer deux bravi détachés par
le tuteur. Ces deux gaillards, envoyés séparément et chacun pour son
compte, ont les mêmes instructions, le même mandat. Le tuteur a
voulu être sûr de son fait, et, comme en un jour de bataille, il ne
s'en est pas rapporté à un seul aide de camp. Malvolio et Barbarino
se reconnaissent, se parlent de leurs affaires, de leurs femmes, de
leurs enfants, et, après s'être un peu chamaillés sur l'objet même de
leur voyage, au lieu de se séparer, ils s'associent et se décident à
frapper Stradella de compte à demi.
Frapper, assassiner, c'est aisé à dire, mais beaucoup moins facile à
exécuter quand il s'agit d'un artiste, d'un chanteur comme Stradella.
Cependant il n'a aucune défiance, et quand les deux bandits, qui
n'ont rien de rassurant ni dans la figure, ni dans le costume, lui de-
mandent la permission de s'asseoir au banquet nuptial , il la leur
accorde tout de suite : un peu plus tard il va même jusqu'à les ac-
cueillir dans sa maison. Sublime imprudence, dont le compositeur
a tiré un admirable parti! Le banquet nuptial est aussi plantureux,
aussi gai qu'il doit l'être : c'est à peine si de temps à autre Malvolio
et Barbarino font luire la lame de leurs poignards, mais aussitôt les
poignards rentrent dans leur gaine. Ce qui est différé n'est pas perdu:
du moins les deux bandits le supposent, et en attendant ils ne se re-
fusent ni bon vin, ni bonne chère. La nouvelle mariée chante un
brindisi, qu'ils écoutent avec un extrême plaisir, ainsi que la salle
entière, mais ils sont encore plus sensibles à la chanson de Salvator
Rosa, que Stradella est prié de dire à son tour. A la vérité, la mo-
rale en est saisissante, et tout à fait à la portée de gens comme les
deux bandits. On connaît l'anecdote du peintre fameux, que des vo-
leurs arrêtent dans les montagnes, mais qu'ils traitent avec excès de
générosité, en lui disant :
Del ladrone il nobil foco
Sa gringegni rispettar,
E gli artisti in ogni loco
Un asil si pon trovar.
Traduction quasi-littérale : Le voble feu, qui anime le voleur, sait
respecter les hommes de génie, et tons les artistes peuvent trouver
un aille parmi nous. Fiez-vous à ce refrain, si vous voulez, ou si
vous aimez mieux , munissez-vous de bons pistolets et tâchez de
trouver une bonne auberge.
Quoi qu'il en soit de l'anecdote, de la morale et de ses effets pro-
bables, au lieu d'assassiner Aie elnunc, Malvolio et Barbarino s'envon.
dormir paisiblement sous le même toit que Stradella. Le lendemain seu-
lement, ils songent aux affaires sérieuses, et encore faut-il pour cela
que le tuteur, Bassi, vienne les réveiller et les presser d'agir. Là
nous avons la scène qui avait inspiré un fort bon trio à Niedermeyer :
Trente ducats pour vous : Voyez, mes braves gens.
Voulez-vous les gagner? c'est un beau bénéfice.
Les brigands acceptaient d'abord; mais quand ils apprenaient le
nom de celui qu'ils devaient occire, quand ils étaient instruits du jour,
de l'heure et du lieu où le crime devait être commis, ils demandaient
une somme toujours de plus en forte, et finissaient par obtenir
300 ducats, au lieu de 30. C'est à peu près la même chose qui se
passe entre le tuteur et les coupe-jarrets. Quand il les a bien enflam-
més, bien déterminés, Stradella vient répéter l'air qu'il sera tout à
l'heure appelé à chanter dans l'église, l'hymne à la Vierge :
0 santa, ô pia,
Del Ciel regina,
Madré divina
Del Redentor.
Ici le prodige est encore plus grand, plus étonnant que dans toutes
les autres pièces où a figuré Stradella. Le charme de sa voix et de
son chant opère non-seulement sur les deux assassins, mais sur celui
qui les avait soudoyés pour le crime. Malvolio et Barbarino tombent
aux genoux de Stradella, en lui disant, comme dans la fable le cuisi-
nier dit au cygne :
Quoi! je mettrais un tel chanteur en soupe?
Non, non, ne plaise aux dieux que jamais ma main coupe
La gorge à qui s'en sert si bien I
De plus, Bassi, touché jusqu'au fond de l'âme, laisse échapper ce
mot d'une candeur parfaite : Scusate. « Excusez les fautes du tuteur. »
Avons-nous besoin de dire que Stradella n'hésite pas à lui pardonner ?
Pardonnons aussi, et de grand cœur, aux légères imperfections, aux
petites invraisemblances d'un canevas qui a fourni à M. de Flotow
l'occasion d'écrire le deuxième et le troisième acte de son opéra. De
toutes les combinaisons, à peine effleurées par notre analyse, il a eu
le talent, le bonheur de faire un ensemble rempli d'intérêt, et dont
chaque détail a sa valeur. Tout le rôle de Stradella est d'une con-
ception élevée : il abonde en mélodies d'un ordre peu commun, et
répond à l'idée que l'on se forme d'un chanteur de prima sfera. Le
rôle de Léonora est élégant, distingué, brillant: c'est une Rosine
chantante. Mais convenons-en, la plus saillante individualité de la
partition consiste dans les rôles de Malvolio et de Barbarino, dont la
musique a rendu les singuhères physionomies avec autant de relief
que le meilleur des peintres l'eût pu faire. Pas un seul des morceaux
qu'ils chantent, ou auxquels ils concourent n'est indifférent, et dans
le nombre il y en a qui excitent le franc rire; il y en a qu'on re-
demande avec chaleur, comme par exemple la délicieuse canzone
en six-huit :
Beviam compar
Glu ! glu 1 glu ! glu 1
Che il buon vin è salutar.
Pour qui connaît le style de l'auteur de Maria, nous n'insisterons
pas sur les qualités qui le distinguent, et dont la partition de Stra-
della est largement pourvue. Ce que nous en aimons surtout, c'est
la douceur italienne toujours mariée à l'esprit français, à la grâce
française ; c'est la puissance qui sait user de toutes les ressources
instrumentales sans jamais tomber dans l'exagération. La manière
de M. de Flotow, dira-t-on, est éclectique; est-ce un reproche ou
un éloge ? Ce qui n'est pas douteux non plus , et Marta l'a prou\é,
c'est qu'elle est cosmopolite.
L'exécution a été digne de l'œuvre. Naudin a rempli le rôle de
Stradella en artiste qui en comprend l'importance; il y a donné
beaucoup de sa voix et de son âme ; il s'est modéré quand il l'a fallu,
et il est parvenu à émouvoir. Mlle Battu, qui faisait une sorte de
rentrée, nous est revenue avec tout le prestige de sa vocalisation pure
et accentuée; elle a supérieurement rendu l'air du premier acte,
celui qui ouvre le second et bien d'autres morceaux encore. Quant à
Zucchini et à Délie Sedie, les deux bravi, nous n'étonnerons per-
sonne en disant qu'ils sont excellents; s'il n'y avait qu'un prix à dé-
cerner, nous leur conseillerions de s'entendre pour le partage, comme
dans la pièce ils s'entendent pour une association de genre dif-
férent.
Le théâtre Italien n'a rien épargné pour la mise en scène du nou-
vel ouvrage : costumes, décors, tout est frais et séduisant. M. Leroy,
dont le talent s'est exercé au grand Opéra, à l'Opéra-Comique et ail-
leurs, s'est occupé de disposer les groupes , de régler les danses :
c'est un bon office dont nous devons lui savoir gré.
Paul SMITH.
DE PAKIS.
5«
THEATRE DES BODFFES- PARISIENS.
liGS BA.VARDS,
Opéra-bouffon en deux acles, paroles de M. Nuitter, musique de
M. Jacques Offenbach.
(Première représentation le 20 février 1863.)
Le succès de cette opérette, ou plutôt, pour parier comme l'affi-
che, de cet opéra-bouffe, a été consacré déjà par le public aristocra-
tique d'Eras, où il a été représenté l'été dernier, sous le titre de Ba-
vard et Bavarde. 11 a reçu depuis des développements qu'il n'avait
pas, son importance s'en est accrue, surtout sous le rapport de la
musique, mais le fond n'en a pas changé. 11 est tiré du théâtre de
Cervantes, traduit récemment par M. Alphonse Royer, et l'on y
trouve en effet le cachet humoristique des saynètes espagnoles ,
bien plus nombreuses encore dans les œuvres de Cervantes ,
de Lope de 'Vega, de Calderon, de Tirso de Molina, que les drames
de cape et d'épée, auxquels ces poètes doivent en France une bonne
partie de leur réputation.
C'est en 1624 que fut représentée à Séville, sous le titre des Deux
Bavards, la pièce qui a fourni à M. Nuitter le sujet de la sienne. Il
s'agit, dans cette pièce, d'un certain Roland, un jeune senor de Sé-
govie, criblé de dettes et poursuivi, à travers les rues, par la
meute de ses créanciers. Ce Roland aime la fille du bourgeois Sar-
miento, et tout naturellement, il vient errer, dans sa fuite, autour de
la demeure habitée par la gentille Inès. Il fait, sur cette place, la ren-
contre de Sarmiento, et cherche , par tous les moyens possibles, à
l'intéresser à son sort, sans pourtant lui laisser deviner son individua-
lité. Dans tout le bavardage fiévi'eux de Rjland, le bon bourgeois,
digne d'avoir vu le jour sous le même ciel que Rabelais, ne voit
qu'une chose, c'est que ce jeune inconnu est plus bavard que sa
femme, et comme il est fort incommodé au logis par le verbiage inta-
rissable de dame Réatrix, il conçoit aussitôt le projet de lui opposer
le senor Roland, similia similibus; ce bourgeois ségovien a certaine-
ment pressenti le système homœopathique.
Roland est donc installé sous le même toit que son Inès , et l'idée
de Sarmiento, mise sur le champ en pratique, réussit à merveille.
Mais Béatrix, furieuse d'avoir trouvé son maître, ne tarde pas à pé-
nétrer le secret de son mari, et elle s'en venge par une contre-partie
fort ingénieuse, qui n'existe pas dans la pièce originale, et qui donne
un côté fort comique au dénoùment de M. Nuitter. Au moment où
Sarmiento a le plus grand intérêt à savoir ce qui se passe dans sa
maison, où les révélations d'un alcade, autre bavard insupportable,
lui font supposer une intrigue attentatoire à son honneur conjugal,
non-seulement il ne peut arracher une parole à sa femme, mais tout
Ift monde est devenu muet autour de lui, jusqu'à l'alcade. Le bon-
homme, désespéré, redemande à grands cris son ancien martyre,
mais on ne se rend à ses vœux qu'à condition qu'il accordera son
consentement au mariage de sa nièce et que la dot d'Inès paiera les
dettes de Roland.
La partition qu'Offenbach a écrite sur cette amusante co-
médie de M. Nuitter, est, sans contredit, une des plus char-
mantes qu'il ait faites pour le théâtre des Bouffes-Parisiens, qui lui
doit tant de brillants succès. L'affiche a eu raison ; ce n'est pas une
opérette, c'est bel et bien un opéra-bouffe, traité avec le soin et
soumis aux développements que comportent les compositions de ce
genre. Presque tous les morceaux méritent d'être cités. Et tout d'a-
bord l'ouverture, où le principal motif de la pièce, inspiration des
plus heureuses, est adroitement encadré dans l'indispensable boléro
des pièces espagnoles, rajeuni en cette circonstance par la nouveauté
de la forme. Puis vient un chœur excellent, chanté par les créan-
ciers de Roland, puis des couplets : Sans aimer, ah! peut-on vivre!
terminés par un refrdin chaleureux; un air très-coquet chanté par
Béatrix : C'est bien connu, j'ai toujours bon caractère ; des couplets
dits par l'alcade sur un joyeux motif de polka ; un très-joli duo entre
Roland et Sarmiento, où nous avons remarqué, entre autres choses,
la phrase musicale : Je la ferai taire, et la valse qui lui sert de
péroraison; enfin, pour terminer dignement ce premier acte, un finale
qui, à lui seul, eût suffi pour fixer le sort des Bavards, s'il eût été
encore douteux. II y a là quatre couplets rhythmés, comme Offenbach
sait si bien les faire ; le public les a fait répéter, et pendant l'en-
tracte, tout le monde allait chantant dans les couloirs : Quand on
doit, il faut qu'on paie, paie.
Mais si le premier acte a été bien accueilli, le second, quoique
moins riche de musique, a excité plus d'enthousiasme, grâce à un
bijou mélodique, frais, distingué, original, qui deviendra tout aussi
populaire, si ce n'est davantage, que la célèbre cJianson de Fortunio.
C'est le motif que nous avons désigné dans l'ouverture, et que Roland
répète ici, le verre à la main, accompag-né par ses convives. Il a eu,
comme de juste, les honneurs du bis, et nous avons vu le moment où
le public rappellerait les artistes, après la chute du rideau, pour le
leur faire chanter encore. Que celledélicieusemélodieue nous rende pas
d'ailleurs injuste envers d'autres morceaux du deuxième acte qui
ont bien leur valeur, tels que le prestissimo babillard de Roland elle
gentil terzetto chanté par trois voix de femmes.
Nous n'étonnerons personne en disant que Mme Ugalde est parfaite
dans le tôle de Roland, aussi bien comme comédienne que comme
chanteuse. Nous l'avons vue déjà porter le costume espagnol dans
Gil Blas ; quoiqu'il y ait peu de rapports entre ce personnage et
celui qu'elle joue dans les Bavards, on ne peut s'empêcher néanmoins
d'évoquer le souvenir du premier en la voyant si bien s'acquitter du
second. Kous croyons que la manière dont elle chanij la mélodie
du deuxième acte et l'air du babil contribuera aussi puissamment
à la vogue de cette pièce, que la verve merveilleuse avec laquelle
elle lançait naguère son fameux ; Verse ! verse ! a contribué au suc-
cès de Galathée.
Mlle Testée est une commère fort attrayante, sous les traits de
Béatrix; Pradeau joue toujours avec conscience, et souvent avec bon-
heur, le rôle ingrat de Sarmiento ; Désiré est mieux partagé dans
celui de l'alcade. Quant à Mlle Thompson, qui débutait dans le rôle
d'Inès, nous attendrons une autre occasion pour la juger, et nous
rejeterons provisoirement sur l'émotion le résultat de cette première
soirée d'épreuve.
SOCIÉTÉ DES CONCERTS
DU conservatoibe: isiPEiBiAii de: musique
ET »S DËdiASSAVIOlV.
Nous nous occuperions plus souvent de ces belles manifestations
de l'art musical, si la Société variait un peu plus son programme.
Mais ce sont , à peu d'exceptions près , les mêmes morceaux qui
viennent, à tour de rôle, y figurer chaque année. Elle a été fondée,
il y a trente-cinq ans tout juste, par un arrêté de M. l'aide de camp
du roi chargé du département des beaux-arls, en dale du 15 février
1828. Elle a ouvert sa première séance le 7 mars suivant, à deux heu-
res de relevée, par la symphonie de Beethoven en mi bémol, dite
Symphonie héroïque (■!). Depuis ce jour, combien de fois la symphonie
en )ni bémol a-t-elle été exécutée par les mêmes artistes, dans le même
lieu ? ïrente-ciuq fois pour le moins, et, probablement, beaucoup
plus de trente-cinq fois, puisque nous la retrouvons (généralement
(1) Sur l'origine, la fondation et les commencements de la Société des concerts
on trouvera une foule de détails intéressants, des dates précises et des faits pré-
cieux dans l'Histoire de la Société des concerts, etc., par M. A. Elwart.
60
fi6\i:iî. ET GAZETTE MIJSICALK
redemandée) en têle du programme du second concert, donné le
dimanche 23 mars, — programme que nous avons sous les yeux en
ce moment même. Combien de fois, depuis lors, ce chef-d'œuvre
a-t-il été analysé, apprécié, commenté dans la Revue musicale, qui
existait avant la Société des concerts, et qui, dès le 16 mars 1828,
par la plume de son savant fondateur, M. Fétis, a proclamé son ad-
miration et sa vive sympathie pour cette précieuse institution P Nous
l'ignorons, et nous n'avons pas la moindre envie d'en faire la re-
cherche. Mais on comprendra sans peine que nous n'éprouvions pas
un besoin irrésistible d'attester une fois de plus, sur notre honneur
et conscience, devant Dieu et devant les hommes, que le premier
morceau de la symphonie en mi bémol est une œuvre colossale et
splendide, malgré l'inexplicable bizarrerie harmonique qui accom-
pagne la rentrée du thème principal ; — que le second morceau
{marche funèbre) est une des plus sublimes conceptions qui soient
jamais sorties d'un cerveau de musicien, etc., etc. Nos lecteurs sa-
vent cela par cœur, et ne demandent pas qu'on le leur répète.
Ce que nous disons de la symphonie héroïque s'applique à toutes
les symphonies de Beethoven et à celles de Mozart, et à celles de
Haydn, que la Société des concerts a adoptées, et au grand septuor
en mi bémol, dont elle s'obstine, on ne sait pourquoi, à ne donner
que la seconde moitié, et aux ouvertures de Weber, de Beethoven,
de Mozart, etc. Ce sont des chefs-d'œuvre, assurément, mais des
chefs-d'œuvre sur lesquels il ne reste plus rien à dire ; et, quant à
l'exécution, la supériorité de l'orchestre du Conservatoire sur tous
les orchestres du monde est si généralement reconnue, que tout com-
pliment adressé à cette merveilleuse réunion de grands musiciens
ressemble à une trivialité, et presque à une fadeur.
Qu'on ne se hâte pas , cependant, de prendre pour une critique
les observations sur l'immutabilité des programmes de la Société des
concerts. Jille s'est emparée de prime abord de tout ce que l'art avait
produit de plus beau. Elle donne en tout dix séances, en y compre-
nant les deux concerts spirituels. Cela suffit à peine pour faire en-
tendre à l'incommutîble auditoire de la rue Bergère les chefs-d'œuvre
qu'il adore et auxquels il tient. Est-ce donc trop que de savourer une
fois par an la symphonie pastorale? Toute addition au répertoire est
une substitution. Voilà ce qu'il ne faut pas oublier, et ce qui rend
l'opération si difficile. Ce public du Conservatoire est exigeant et
exclusif, parce qu'il est enthousiaste. Quand il n'est pas content, il
sait le faire sentir, — sans oublier pour cela les lois de la politesse,
— et on l'a vu se gendarmer, quelquefois beaucoup plus que de
raison, contre des tentatives qui, à notre avis, auraient plutôt mérité
d'être encouragées. Or, tous les artistes, sr haut qu'ils soient placés,
respectent naturellement et comme par instinct leur public jusques
dans ses faiblesses.
Un homme d'esprit nous disait un jour : « Pour réussir au Con-
servatoire, il faut être mort. » Cela n'est pas absolument vrai, sans
doute, et d'illustres exemples ont prouvé le contraire ; mais nous
pourrions citer des faits bien plus nombreux qui semblent donner
raison à cette charmante boutade.
Parmi ces faits, on n'enregistrera pas du moins l'exécution, qui a
eu heu, dans le premier concert de cette année, du chœur des
nymphes , de Psyché, par M. Arabroise Thomas. 11 est extrait de
l'opéra-comique joué sous ce titre il y a peu d'années. Les nymphes
dévouées à Vénus, et jalouses des attraits de Psyché , lui font une
réception peu cordiale et passablement malveillante, la raillent,
l'insultent. Le compositeur a exprimé avec un esprit infini ces mau-
vais sentiments et cette fureur à peine dissimulée sous une gaieté de
commande. Mais il a su éviter l'écueil oii tant d'autres auraient péri.
Il n'a point oublié que ces insolentes, après tout , étaient déesses,
bien que déesses d'antichambre. Leur gaieté garde des mesures, leur
rire n'a rien de trivial , et leur chant est relevé par les harmonies
les plus fines et les combinaisons sonores les plus distinguées. L'au-
ditoire a fait fêle à cette nouveauté, — c'en était une en ce lieu, —
quoique l'auteur soit vivant et qu'il se porte à merveille. Il l'a re-
demandée séance tenante.
Ce joli morceau a été suivi de l'ouverture et du premier air de
VIdoménée de Mozart, qui n'avaient jamais été exécutés à Paris.
Mozart avait vingt-quatre ans quand il donna son Idomeneo à Mu-
nich, au mois de janvier 1781. Il était donc dans toute sa force; car
les hommes extraordinaires, que la Providence a marqués pour les
grandes choses, se forment rapidement, et parviennent vite à leur ma-
turité. C'est à vingt-quatre ans que Rossini a écrit, -dans la même
année, le Barbier de Seville et Otello. Mozart est tout entier dans
Idoménée. L'ouverture est empreinte d'un merveilleux cachet d'éner-
gie et de grandeur. La savante ordonnance du plan, le caractère
simple et grandiose des motifs, la richesse des développements, la
vigueur du coloris instrumental, la hardiesse des harmonies, tout at-
teste une main magistrale et d'une puissance souveraine. L'air d'Ilia :
Padre, germani, addio! qui suit cette belle symphonie, a une' noblesse
de style et une profondeur d'expression qui n'ont jamais été sur-
passées. On l'admirerait dans Don Giovanni ou dans la Clemenza di
Tito. Mme Vanden-Heuvel Duprez l'a chanté d'ailleurs en grande ar-
tiste. Elle en a pénétré et rendu toutes les intentions, et jusqu'aux
nuances les plus délicates, et l'on aurait juré qu'elle l'avait étudié
avec l'auteur lui-même, tant elle exprimait fidèlement sa pensée.
Nous ne voyons aucune cantatrice qui soit plus digne, aujourd'hui,
de se faire entendre dans cette enceinte privilégiée, dans ce temple
consacré au culte des grands génies de toutes les époques et de tous
les pays.
M. Saint-Saëns a exécuté, dans le second concert, la fantaisie de
Beethoven pour piano, chœur et orchestre, composition très-piquante
et singulièrement originale. L'entrée du chœur, qui est tout à fait
inattendue, y produit un effet saisissant. M. Saint-Saëns a joué sa
partie avec un aplomb magistral et une netteté parfaite. Il ne lais-
serait rien à désirer s'il avait le toucher plus moelleux, et si, de temps
en temps, on le voyait s'échauffer un peu. Quoi ! tant de calme et
un sang-froid si imperturbable en interprétant Beethoven !
On a essayé, dans le troisième concert, le Chœur de la charité,
morceau charmant, d'une élégance et d'une douceur inelfables, on se
trouve, pour accompagner le motif, la seconde fois qu'il se présente,
cette gamme descendante, si ingénieuse et si hardie, et qui inspirait
à Ad. Adam tant d'admiration. Peut-être n'a-t-il pas produit tout
l'effet qu'on en devait attendre. Mais il faut observer que ce chœur,
écrit à la solhcitalion de M. Troupeuas, était spécialement destiné
aux pensionnats de jeunes demoiselles. Qu'il ait paru, au Conserva-
toire, un peu trop simple, un peu trop calme, il n'y a point à s'en
étonner. Rossini, d'ailleurs, n'y a mis qu'un accompagnement de
piano. Nous ne savons quelle officieuse main a traduit cet accompa-
gnement, l'a arrangé pour une harpe et un orchestre; mais nous of-
frons de parier que l'auteur, si on l'en eût prié, y aurait su ajouter
quelques ingrédients d'un plus haut goût.
A ces trois premiers concerts, la Société, toujours prête aux nobles
inspirations, en a joint un quatrième, qui était en dehors de l'abon-
nement, et dont le produit était destiné aux ouvriers de l'industrie
colonnière. La symphonie en ut mineur, et le septuor de Beethoven,
l'ouverture d'OieroH, un beau chœur du Paiilus de Mendeissohn, et
un admirable motet à double chœur de Séb. Bach, en ont fait les
frais. Nous ne savons à quel chiffre a monté la recette, mais nous
pouvons attester que la salle s'est trouvée trop petite pour recevoir
tous les dilettan'i qui sont venus offrir leur argent. Jamais aussi cette
admirable musique n'avait été exécutée avec plus de verve, avec plus
de cœur. — Pectu.i est guod disertes facit, disait autrefois Cicéron.
LÉON DUROCHER.
DE PARIS.
61
BEVUE CRITIQUE.
Odéon : Macbeth, drame en cinq actes, imité de Shakspeare, par
M. Jules Lacroix. — Vaudeville : la Germaine, comédie en trois
actes, par M. Edouard Cadol ; Henri le Balajré , comédie en un
acte, par W. Maréville.
Depuis les essais timides de Ducis jusqu'aux téméraires imitations
des dramaturges modernes, que d'elforls sont venus se briser contre
l'insurmontable difficulté d'adapter à notre goût national les chefs-
d'oeuvre de Shakspeare ! Assurément, nous sommes loin de Voltaire,
qui, tout en proclamant le génie du grand poëte anglais , le traitait
de barbare; mais, en dépit de nos tendances de réaction, nous dou-
tons qu'un public français puisse jamais accepter les bizarreries que
certains admirateurs quand même voudraient nous imposer comme
d'inviolables fétiches, lorsque nos voisins eux-mêmes ne les ont pas
toujours respectées. Il existe entre le néant de Ducis et l'exubé-
rance des fanatiques de Shakspeare, un milieu qui, selon nous, est
la mesure exacte de ce que nous devons admirer et de ce que nous
pouvons supporter sans répulsion. Le nouveau travail de M. Jules
Lacroix, soumis au parterre lettré de l'Odéon, se renferme exactement
dans ces limites, et c'est pour cela qu'il a été salué par d'unanimes
applaudissements. Toutes les principales situations du drame de Shak-
speare, que nos lecteurs connaissent trop bien pour que nous
ayons la prétention de leur en faire l'analyse, y sont reproduites avec
une scrupuleuse et énergique fidélité. La fameuse scène des sorcières,
le meurtre de Duncan, l'apparition du spectre de Banque, le terrible
somnambulisme de lady Macbeth et l'expiation sanglante qui clôt
cette sombre légende, tout y est à sa place, dans un relief plein de
grandeur et d'épouvante, mais soigneusement dégagé des mixtures
étranges et parfois grotesques que le comédien-poëte prodiguait,
comme une nécessité du temps , à la foule grossière de ses specta-
teurs, mais qui sont réprouvées par le public plus épuré, plus délicat,
de notre siècle. Le drame de M. Jules Lacroix nous semble bien
supérieur à tout ce qui a été fait avant lui, et nous croyons qu'il
restera. Constatons d'ailleurs que la direction de l'Odéon n'a rien né-
gligé pour faire valoir ses mérites. Une mise en scène qui sort des
habitudes de ce théâtre ajoute à l'impression produite par la solen-
nité saisissante du sujet. Taillade, engagé pour le rôle de Macbeth,
s'en tire à son honneur ; Mlle Karoly a de très-belles inspirations,
dans l'interprétation du personnage odieux de lady Macbeth ; nous
citerons encore un jeune comédien, du nom de Courdier, qui fait
frissonner toute la salle lorsqu'il apparaît, sous les traits de Banque,
au festin royal. La terreur ne saurait aller plus loin.
— Le genre berrichon, de Georges Sand, vertueux et sentimental,
mais un peu faux, un peu maniéré, à l'instar des toiles de Greuze,
nous a tout l'air de vouloir faire école. La Germaine, du Vaudeville,
est une paysannerie si bien calquée sur celles de l'auteur du Champi,
de Claudie et du Pressoir, que bien des gens la lui ont attribuée, et
persistent, malgré ses dénégations, à lui donner dans cette œuvre
une certaine part de paternité. Cependant le nom de M. Edouard
Cadol figurant seul sur l'afliche, nous devons le considérer comme
responsable, et c'est à lui seul que nous avons affaire. Qu'est-ce, après
tout, que cette comédie, autour de laquelle on a essayé de faire tout
ce tapage? Elle est bien simple, et ses allures n'ont rien de bien
original. Le père Chanteaume, un vieux paysan enrichi, destine sa
fille Germaine à un brave garçon nommé Sylvain Langlois , qui se
présente pour l'épouser. Mais Germaine aime en secret un garçon de
ferme, sournois et rusé, qui n'en veut qu'aux écus du père Chan-
teaume. Celui-ci apprend ce qui se passe dans le cœur de sa fille,
et, dans un premier mouvement de colère, il la maudit et la chasse,
ainsi que le garçon de ferme Ardenet. Germaine n'en est pas moins
résolue à tenir ses serments faits à ce dernier, lorsque, par bonheur.
intervient le père Langlois, qui fait accroire à Ardenet que son com-
père Gbanteaume est ruiné, et qui obtient, grâce à cette ruse, le dé-
sistement du mauvais drôle. Germaine reçoit son pardon et consent
à devenir Mme Sylvain.
On a fait la remarque assez singulière que cette pièce était, à un
autre degré de l'échelle sociale, la reproduction exacte d'un petit
drame de Scribe, intitulé Malvina ou le Mariage d'inclination.
La seule différence qu'il y ait entre ces deux ouvrages, c'est que
dans l'un, Malvina est mariée secrètement et d'une manière indisso-
luble à son séducteur, tandis que, dans l'autre, la Germaine n'est
encore liée que par une promesse imprudente, et peut échapper aux
calculs d'Ardenet. Mais cette dissemblance est toute à l'avantage de
Scribe, dont la pièce, précisément à cause de la faute irrémédiable
de Malvina, a une portée bien autrement morale que celle de
M. Edouard Cadol.
La Germaine est escortée chaque soir d'une charmante petite co-
médie, Henri le Balafré, dont l'auteur, qui se cache sous le nom de
Maréville, est, dit-on, un docteur fort connu et fort apprécié dans le
beau monde parisien. Une femme jalouse de son mari prome*
100 francs de récompense au domestique chargé de le raser, s'il lui
fait une balafre qui l'empêche d'aller passer la soirée chez une rivale.
Henri découvre le complot conjugal, et feint, à l'aide d'une large
bande de taffetas noir, d'en avoir été victime ; mais bientôt il arra-
che son taffetas et accable de reproches sa femme, qui, mieux ins-
pirée, en revient alors aux armes ordinaires de son sexe, à la co-
quetterie, pour retenir chez elle son mari et pour lui faire oubher
l'heure du danger. Cet agréable marivaudage est joyeusement inter-
prété par Félix et par Mlle Manvoy.
D. A. D. SAINT- YVES.
Le défaut d'espace nous oblige à ajourner le compte rendu des
concerts de la semaine.
NOUVELLES.
^*^ Le théâtre impérial de l'Opéra a donné de nouveau cette se-
maine trois représentations de la Muette de Portici, avec la même af-
fluence.
^*^ La représentation extraordinaire de Robn-t te Diable qui a eu
lieu dimanche dernier, a été très-brillante. Mlle Sax, qui reparaissait
dans le rôle d'Alice, Dulaurens, Belval et Mlle de Taisy ont interprété
avec beaucoup d'ensemble le chef-d'œuvre de Meyerbeer, qui a pro-
duit tout son eCfet. Mme Zina-Mérante a supérieurement dansé le rôle
de l'abbesse.
^*^ On parle de l'engagement à l'Opéra de deux contralti, Mmes Dori
et Talvo.
^*^ On annonce que Mme Tedesco quitte le théâtre de l'Opéra.
,s*a, Une notable amélioration s'est manifestée dans l'état de Mlle
Emma Livry : la jeune et intéressante artiste a pu se lever mardi.
^*^ Le théâtre impérial de l'Opéra-Gomique a donné hier la première
représentation de la Déesse et le Berger, musique de Duprato.
t*^ M. Calzado ayant remis sa démission entre les mains du ministre
d'Etat, la gérance provisoire du théâtre impérial Italien, jusqu'à la no-
mination d'un nouveau directeur, a été confiée à M. Andrôs llico, sous
la surveillance administrative de M. Edouard Monnais, commissaire im-
périal près les théâtres lyriques subventionnés. (Moniteur.)
^*^ Mario a terminé le cours de ses représentations à Paris, il est
parti pour Barcelone où il est engagé pour deux mois.
^*^ Mlle Patti est arrivée à Vienne. Le célèbre ténor Giuglini a été
engagé pour chanter avec elle.
^** Le succès de Stradetla s'est brillamment confirmé à la deuxième
représentation; on annonce la troisième pour mardi. L'opéra de Flotow
a désormais conquis sa place au répertoire du théâtre Italien, et comme
Maria il va défrayer tous les théâtres de la France et de l'étranger.
Le brindisi nouveau composé pour Mlle Battu, et dit avec beaucoup
d'entrain par la charmante artiste, la chanson à boire des deux bandits,
8S
REVLE ET GAZETTE MUSICALE
la délicieuse ronde de Salvator Rosa et le grand air du quatrième acte,
si bien chantés par Naudin, ont provoqué d'unanimes applaudissements.
On sait que M. de Flotow n'a pu être témoin de ce succès. Une dépêclie
télégraphique, qui lui annonçait la mort de sa mère, l'a forcé de partir
pour Schwerin le jour même de la première représentation de son
œuvre.
^*^ Erreur n'est pas compte. En additionnant les sommes diverses que
Mlle Patti a récoltées pendant son séjour à Paris, plusieurs de nos con-
frères sont arrivés à un total qui manque de Justesse. Leur méprise
vient de ce qu'ils ont estimé au prix de 2,500 francs chacune des
trente-sept représentations données par la jeune artiste au théâtre Ita-
lien, tandis que les vingt quatre premières ne lui ont été payées que
1,500 francs et les sept autres que 2,000. Ce sont donc 27,500 francs
à retrancher de 103,500 francs. La différence en vaut la peine.
j,*^ Nous apprenons que la célèbre cantatrice Emy Lagrua , qui a
passé plusieurs mois en Italie pour rétablir sa santé altérée par la ri-
gueur du climat de Russie, se trouve aujourd'hui complètement rétablie,
et qu'elle va rentrer dans la carrière artistique au théâtre Regio de
Turin, où elle débutera cette semaine dans Norma, l'un de ses rôles les
plus brillants.
^*^ Les journaux espagnols sont unanimes pour constater l'effet pro-
digieux produit par les représentations du Prophète à Barcelone. Le chef-
d'œuvre de Meyerbeer continue d'y exciter un véritable enthousiasme,
»*„, Roger vient de partir pour Lyon, où il doit chanter son réper-
toire de l'Opéra et de l'Opéra-Comique : les Huguenots, le Prophète, le
Domino noir, la Sirène, etc. Il a dû donner déjà sa première repré-
sentation.
/» Aujourd'hui, à 2 heures, au Cirque Napoléon, deuxième concert
populaire de la dernière série, sous la direction de Pasdeloup : 1° symphonie
n" 51 de Haydn (introduction, allegro, andante, menuet, finale) ; 2° ou-
verture de la Grotte de Fingal de Mendelssoh:i: 3° sérénade pour instru-
ments à vent de Mozart; 4° symphonie en ««mineur de Beethoven (allegro,
andante, finale).
.^*^ Aujourd'hui, à 2 heures, cinquième concert de la Société na-
tionale des Beaux-Arts, boulevard des Italiens, dont la première partie
sera conduite par Berlioz, et la deuxième, par Félicien David. Nous en
avo; s donné le programme.
^"^ Nous avons annoncé le retour de Prudent à Paris, après sa bril-
lante excursion en Belgique. Nous apprenons qu'il donnera le vendredi
6 mars prochain, salle Herz, un grand concert avec orchestre, dans le-
quel il jouera ses œuvres nouvelles. Le célèbre virtuose fera entendre
pour la première fois une composition importante pour piano et or-
chestre : les Trois Rêves; ce morceau est divisé en trois parties : 1° tes
Esprits des campagnes (allegro); 2" les Génies du foyer (andante); 3° Ballet
des Zingari (rondo final). Emile Prudent jouera encore le Chant d'Ariel,
le quatuor de Rigolette, ses études-lieder, etc. M. Tilmaot conduira l'or-
chestre. Plusieurs de nos célébrités prêteront leur concours à cette
fête musicale.
,j*^ Au nombre des soirées musicales particulières de la semaine,
nous ne pouvons nous empêcher d'en mentionner une qui réunissait,
mercredi, dans le salon de la Revue et Gazette musicale de Paris,
l'éminente pianiste, Mme Madeleine Graever, encore triomphante de
son récent et grand succès à l'hôtel du Louvre; Vieuxtemps, pour lequel
toutes les formules d'éloges sont usées et insuffisantes ; un jeune ténor,
élève: de Hanoffka, qui se destine au chant italien, M. Severini, et deux
charmantes élèves de Duprez, Mlle Muret et Mme Pouschkinn, que son
récent mariage avec un gentilhomme russe enlève à la carrière artisti-
que. L'auditoire, composé de connaisseurs, a vivement applaudi
Mme Graever et Vieuxtemps, qui avaient choisi ce qu'ils avaient de plus
exquis dans leur répertoire pour s'y surpasser, et il a donné l'approba-
tion la plus flatteuse à M. Severini, dont la voix fraîche et bien po-
sée, beaucoup de sentiment et de distinction, ont pu se faire bien ap-
précier dans la romance de Maria et dans celle de la Traviata. Mlle Muret
possède une très-jolie et très-délicate voix de soprano, qu'elle conduit
bien et qui lui assure une place distinguée sur un de nos théâtres
lyriques. Quant à Mme Pouschkinn, qui ne chante plus que pour son
plaisir et pour celui des autres, elle possède une voix puissante et étendue
de contralto, qui a fait un grand plaisir dans la tyrolienne de Bettly.
t*^ Ernest Nathan, l'éminent violoncelliste-compositeur, vient de don-
ner à Nice deux brillants concerts, dont le second avait lieu au profit
des ouvriers rouennais et des pauvres de Nice. Le résultat en a été
très-fructueux, et en même temps que les autorités lui adressaient des
remercîments chaleureux, le nombreux auditoire accouru à cette fête
prodiguait au célèbre violoncelliste des applaudissements et des rappels
partagés par Tamburini, qui avait voulu s'associer à cette bonne œuvre.
,1,*^ Nous avons quelques rectifications à apporter au compte rendu
que contenait notre dernier numéro sur une matinée musicale donnée
dans les salons de Mme De Ridder. D'abord cette dame , avec une mo-
destie qui l'honore, réclame contre le titre de comtesse, que nous lui
avions donné indûment; ensuite nous avions évalué à 1,500 francs la
somme récoltée, tandis qu'elle s'est élevée à 1,815 francs, au profit des
ouvriers du département de l'Orne (et non de la Seine-Inférieure); enfin
ce sont Mraes (et non MM.) Ubicini, Viguier et Charpentier qui étaient
chargées de la partie instrumentale du concert.
„*^, Mme Szarvady (née Wilhelmine Clauss), donnera son premier
grand concert le 26 février, dans les salons Pleyel-Wolff. Déjà la célèbre
artiste s'est fait entendre samedi avec un succès prodigieux aux inté-
ressantes séances de Maurin, Chevillard, Viguier et Sabbatier.
,*<, Mercredi prochain, dans les salons Pleyel-Wolff, cinquième séance
de musique classique de MM. Armingaud, Jacquart, Lalo et Mas, avec le
concours de Lubeck.
^*f Mlle de Schoultz, pianiste de Saint-Pétersbourg, annonce pour le
lundi 2 mars, dans les salons d'Erard, un concert, avec le concours
d'artistes distingués.
**„, M. Edouard de llartog est de retour à Paris, après avoir séjourné
pendant plusieurs mois en Allemagne et en Hollande, où il a fondé les
concerts populaires. Il se propose de s'associer à un des trois conjerts
historiques que le célèbre violoniste Jean Becker donnera prochaine-
ment avec orchestre, et dans lequel on dira deux nouvelles ballades de
sa composition, le Pécheur et l'Esclave, que la maison Brandus et Dufour
vient d'éditer, et un j;!/er?)iC330 pour violon et orchestre, joué par Becker,
qui y exécutera aussi le neuvième concerto de Spohr, ouvrage peu
connu à Paris; ce sera une séance d'un intérêt tout à fait exceptionnel.
^*^ Le 19 mars, Mlle Sabatier-Blot, premier prix de piano du Conser-
vatoire, se propose de donner, salle Herz, un grand concert au profit
des ouvriers cotonniers.
^*^ Le 25, salle Herz, concert de Jean Becker, dont notre dernier nu-
méro a donné l'intéressant programme.
^*^ Mardi 2i, quatrième séance de musique de chambre de Charles
Lamoureux.
^*^ Nous avons dit l'année dernière que M. Benazet avait institué un
comité de lecture composé d'un sociétaire de la Comédie française, d'un
écrivain en réputation et d'un homme du monde versé dans la connais-
sance du théâtre. Ce comité, qui sera chargé de l'admission des ou-
vrages destinés à être représentés sur le théâtre de Bade, va entrer en
fonctions, et il se réunira au bureau que M. Benazet établit à Paris pour
tout ce qui se rattache à l'administration et à la direction du théâtre de
Bade. Afin de lui assurer une plus complète indépendance, les noms
des membres du comité de lecture ne seront pas publiés.
^*ij Le Journal de Genève parle, avec les plus grands éloges, d'un
beau concert qu'y a donné, le 19 février, M. D'Argenton, et dans lequel
l'éminent pianiste-compositeur a exécuté plusieurs de ses compositions
et différentes œuvres de Chopin, Mendelssohn, de Bach, etc., avec un
talent vivement apprécié, et qui lui a valu les plus légitimes applau-
dissements.
„*„, La commission instituée pour préparer le projet de loi sur la pro-
priété littéraire a terminé son travail. La Nation annonce que toutes
les questions qui étaient encore pendantes ont été résolues, et que
M. Duvergitr a été chargé de rédiger le rapport qui doit être présenté
à l'Empereur. On nous assure que ce rapport sera prêt d'ici à peu de
jours, et que le conseil d'État sera mis en situation de soumettre le
projet de loi au Corps législatif dans le courant de cette session. Le
même journal croit savoir que le principe de la rétroactivité en matière
de propriété littéraire et artistique, après avoir été longuement discuté,
a été repoussé à une faible majorité.
,1,'',^ Les deux dernières compositions d'Alfred Godard, Belle de nuit
et Elfrida, publiées par Adolphe Catelin, ont un véritable succès dans
les salons du grand monde.
^*,j La nouvelle composition de Franz Liszt, l'oratorio Sainte-Elisa-
beth, sera probablement exécutée pour la première fois au château de
Wartbourg.
,j*,j MM. Firmin Didot frères viennent de faire paraître le tome V^
de la nouvelle édition de la Biographie universelle des musiciens (Kech-
lina-Martini), par Fétis. Ainsi avance vers son achèvement cet immense
et utile travail de notre savant collaborateur. Nous rendrons incessam-
ment compte de ce nouveau volume, qui n'offre pas moins d'intérêt
que les précédents.
,s*» La célèbre chanson des étudiants allemands, Gaudeamus igitur,
date de 1554 ou de 1855, où elle a été composée et chantée pour la
première fois en l'honneur d'Olympie Morata, la belle et savante épouse
du docteur Grûndler, médecin à Heidelberg.
„,** A Trieste, l'enfant-prodige Luigino Ricci, qui s'est déjà fait con-
naître par diverses compositions, entre autres par des messes, vient
d'écrire un opéra en trois actes, que les connaisseurs ont accueilli avec
beaucoup de bienveillance, et dont ils ont demandé la représentation au
comité du théâtre.
^*^ Encore une victime de l'éclairage des théâtres. Mlle Nelson, une
des danseuses de Sadier's Well's theater, s'étant, pendant qu'elle était
en scène, approchée par inadvertance d'un bec de gaz brûlant à décou-
vert, a eu ses vêtements atteints par la flamme. La gaze et la mousse-
line qui les composaient n'ont pu être éteintes qu'avec la plus grande
difficulté, et la pauvre fille a été cruellement brûlée ; son état est des
plus graves, sinon désespéré.
DE PARIS.
63
/^ Des dépêches télégraphiques de Rome ont annoncé la destruction
par ie feu du théâtre Alibert ; il avait été récemment restauré par son
propriétaire, le prince Torlonia.
»*j La Cour de cassation, sur le pourvoi des sieurs Debain et consors,
a cassé l'arrêt de la Cour impériale qui n'avait pas considéré comme
contrefaçon la reproduction par le procédé du piquage des œuvres mu-
sicales.
^*^ Salle Robin. — Tous les jours, à 8 heures, soirées de physique et
de magie. Deuxième série, expériences nouvelles. Tableaux nouveaux:
La terre sainte, excursion de Paris à Jérusalem. L'agiosoope.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
**, Toulon. — Le grand événement de la quinzaine a été la reprise
de Martha, qui s'est accomplie à la grande satisfaction du public
avec Mathieu et Guillot, Mlle Bléau et Mme Lestrade. JVL Mathieu est
une nouvelle acquisition de notre théâtre, et son début dans le rôle de
Lionel lui a valu l'accueil le plus sympathique. Mlle Bléau a été char-
mante dans le rôle de lady Henriette; les applaudissements se sont fait
entendre pendant tout le cours de la représentation, et le chef-d'œuvre
de Flotow compte un beau succès de plus.
^*jg Nice. — Dans la semaine a eu lieu la première représentation au
théâtre italien, de la Favorita, chantée par Mlle Ferni et M. Varesi. Mal-
gré l'émotion bien naturelle de Mlle Carolina Ferni, la jeune artiste a
triomphé victorieusement de cette épreuve. Sa voix, sans être très-puis-
sante, a beaucoup de charme. Sa méthode est bonne, et elle y joint
un joli talent de comédienne. En un mot, c'est un succès qui l'ait
honneur à la débutante et qui assure de nombreuses représentations
au chef-d'œuvre de Donizetti.
^*^ Amiens. — Notre Société philharmonique, grâce au zèle de son
président, M. Jules Deneux, enchérit chaque année sur l'importance et
l'attrait de ses concerts. Celui qu'elle vient do nous donner, et qui est
le deuxième de la saison, ofifraitun programme dont les éléments bientôt
connus de nos dilettanti avaient, bien à l'avance, rempli la salle de spec-
tacle qui offrait vp magnifique coup d'œil. Il est vrai que Mme Car-
valho, M. Délie Sedie et Mme Escudier-Kastner avaient été mandés de
Paris pour donner à cette solennité tout l'éclat de leur talent. Le concert
a commencé par l'ouverture d'Auber composée pour l'exposition de
Londres, et dans laquelle brillent à un si haut degré les qualités de son
génie si fécond et si gracieux. La magnifique Marche aux flambeaux de
Meyerbeer a suivi et a provoqué des applaudissements enthousiastes ;
l'ouverture du Lac des Fées d'Auber complétait la partie instrumentale,
et l'orchestre de la Société, sous la direction de M. Lacoste, a exécuté
ces trois morceaux avec un ensemble et une vigueur remarquables.
Mme Carvalho a chanté avec sa supériorité ordinaire quatre beaux airs
de son répertoire. M. Délie Sedie s'est montré l'excellent baryton du
théâtre Italien de Paris et a été chaleureusement applaudi; Mme Escudier
a partagé ce succès et l'auditoire n'a pas moins fait très-bon accueil
à M. Schubert, premier prix de basson de notre Conservatoire et pre-
mier basson solo du théâtre, qui a joué de la façon la plus remarquable
sur son in.strument deux morceaux d'une grande difficulté. En résumé,
ce second concert de la saison a été de tout point digne de ses aînés.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*'** Brighton. — Nous sortons de la délicieuse matinée musicale que
vient de nous donner le lion actuel de Brighton, le charmant ténor
Reichardt. Toute notre aristocratie avait pris cette matinée sous son pa-
tronage, et nous pouvons dire qu'elle a tenu tout ce que promettait son
attrayant programme. M. Reichardt est un excellent chanteur, et le charme
et l'originalité de ses ballades ont depuis longtemps établi sa réputa-
tion. Sa nouvelle romance « Du bist mein trauni » n'est pas inférieure
aux précédentes, et la manière dont elle a été diteavaluà M. Reichardt,
comme tout ce qu'il a chanté d'ailleurs, les applaudissements les plus
chaleureux do la noble assistance.
,j*^ Vienne. — Ofifenbach écrit pour le théâtre du Quai une opérette
en deux actes : la Fée rose. — Au budget de l'État, pour 1 863, il a été
ouvert un crédit de 10,000 florins destinés à l'encouragement des beaux-
arts. L'emploi de cette somme sera réglé par une commission présidée
par le ministre d'État, M. de Schmerling.
„*^ Berlin. — Au Schauspielhaus a eu lieu, par ordre, un concert où
Sivori s'est fait entendre après vingt ans d'absence. Sivori a joué un
concerto de Paganini, une fantaisie de sa composition, et dans tous ces
morceaux il s'est montré le digne successeur de son maître. L'éton-
nant virtuose a eu, après chaque morceau, les honneurs du rappel. Dans
cette même soirée, MlleArtot a chanté un air napolitain, Santa Lucia, et
l'air espagnol la Calesera. Inutile d'ajouter que son succès a été des plus
flatteurs.
,1,*^ Cologne. — Au septième concert d'abonnement s'est fait enten-
dre, pour la première fois en Allemagne, Mme Lemmens-Sherrington.
Cette éminente cantatrice, qui jouit d'une grande célébrité en Angleterre,
a chanté l'air de VOmbre (Dinorah) avec une grâce et une finesse de
nuances qui a fait le plus grand plaisir. Mme Lemmens a chanté avec
une égale supériorité un air (Tldoménée, ce qui prouve la flexibilité de
son talent.
^*^ Darmstadt. — Au théâtre de la cour on a représenté le Meunier
de Marlinac, opéra nouveau par M. Jesper. Sous ce pseudonyme se cache
le comte de Reiset, ministre de France près la cour de Hesse-Darmstadt.
^*^ Copenhague. — Le pianiste Franz Bendel vient d'obtenir de grands
succès ; le roi de Danemark lui a conféré la croix de l'ordre de Da-
nebrog.
^*^ Milan. — La première représentation du Prophète vient d'avoir
lieu au théâtre de la Scala, et malgré une défaillance dans la voix de
Negrini (Jean de Leyde), le chef-d'œuvre de Meyerbeer a produit le
plus grand effet. Mme Borghi-Mamo a fait du rôle de Fidès une création
tout à elle, et la célèbre cantatrice a enthou.siasmé la salle. Nous re-
viendrons sur cet événement musical.
^*^ Trieste. — Notre compatriote Alfred Jaell est ici depuis quelques
jours. Il a donné son premier concert mardi, au grand théâtre, et mal-
gré la dimension de la salle, on a dû refuser une masse d'amateurs dé-
sappointés. Chacun des morceaux qu'il a joués lui a valu des bravos
enthousiastes et plus de trente rappels successifs. Bien plus, une pluie
de poésies italiennes, à son adresse, et quatre couronnes de laurier sont
tombées à ses pieds, manifestation bien significative de l'effet produit
sur le public par le célèbre artiste. Un triomphe aussi éclatant a décidé
A. Jaell à donner très-prochainement un second concert.
,1,*,^ Peslh. — Plusieurs magnats sont en instance auprès du comité du
théâtre national pour que Franz Liszt soit nommé maître de chapelle
honoraire.
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64
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AIRS DÉTACHÉS DE CHANT AVEC ACCOMPAGNEMENT
ATTO I.
1. Coro : Al chiaror di luna delta notte
7iel mister
S. Sierenata chmtée par Naudin :
Cara il tuo bene a le sen vien . . .
2 bis. La même , transposée pour ba-
ryton
3. ivotiumo chanté par Mlle Battu
et Naudin: Per colline e valli erbose.
4. Coro dl mascbere : Roinoreg-
(jiam d'ogni interne
5. Bomanza chanté par Mlle Battu:
Rondinella prigioniera
8 bis. La même, transposée pour mezzo-
soprano
6. Coro : Viva, viva la galloria . . .
ATTO H.
7. Aria chantée par Mlle Battu : Delta
gioja che il seno m'inonda .... 7 50
7 bis. La même, transposée pour mezzo-
soprano 7 50
8. Coro : La campana che risuona
ne fa invilo al satro altar » »
9. Dnetto bnffo chanté par Delle-
Sedie et Zuochini : V'é dd Tebro
al manco lato 9 »
1 0. Coro : Che fra l'amor cd i bicchier » »
11. Brindlsl chanté par Mlle Battu :
Su la tazza ognuno impugni . . . 6 »
11 bis. Le même, transposé pour mezzo-
soprano 6 »
12. Canzone chanté par Delle-Sedie
et Zucchini : Dal lino sgorga il vin,
il vin 3 »
12 bis. La même, transposée pour ténor 3 ■ »
12 tir et quater. La même, transposée
pour baryton et basse 3 »
13. Ballata chantée par Naudin : lu
fonda a gli Abruzzi mira con terror 3 »
13 bis. La même, transposée un demi-
ton plus bas 3 »
13 ter. La même, transposée pour ba-
ryton ou basse 3 »
DE PIANO :
ATTO III.
1 4. Quartetto • Oh ! cara Italia , 0
dolce
1.^. Coro dl peligrinl : Oggi, o ver-
gin più ridente
Itj. Trio chanté par Capponi, Delle-
Sedie et Zucchini : Dimmi un po
mio Barbarino Paffar nostro corne va
17. Terzetto : Piano zitto attentiban.
18. Inno chanté par Naudin : Ohl
corne bello è il giorno , oh ! corne
splende il sole
18 bis. Le même, transposé un demi-ton
plus bas ,
18 ter. Le même, transposé pour bary-
ton ou basse
19. Coro : Ed implori da quel Dio . .
7 50
7 50
7 50
LES MÊMES MORCEAUX PUBLIÉS AVEC PAROLES FRANÇAISES.
ARRANGEMENTS POUR LE PIANO
HESS. — Op. 78. Caprice sur les plus jolis motifs 7 50
HDHTES (F.). — Op. 108. Rondino brillant 5 »
HERMANN. — Andante et Tarentelle pour violon et piano . . 7 50
KRU6ER (W.). — Transcription de la Sérénade. 7 50
Id. — Op. 118. Illustrations 9 .
IIND. — Choix de Mélodies (facile) 7 50
lONGUEVttlE. — Op. 106. Fantaisie dramatique 7 50
RDMIIEl. — Mosaïque des Airs 6 •
VAIIQDET. — Petite fantaisie facile, à quatre mains 5 »
WOLFF. — Grand duo brillant, à quatre mains 9
Quadrille, Polka, Valse.
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ON S'ABONNE t
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REVUE
1" Mars 18C3.
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Étranger ••• 3* " '*■
Le Journal parait le Dimanche .
GAZETTE MUSICALE
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Nos abonnés reçoivent, avec le numéro d'aujourd'hui,
la BAiiiiAOE de l'opéra STRADEEiI/A , de F1.0T0 w : « av
SEiK DES AnnczzES, » cbantée par IWaudîn.
SOMMAIRE . — Théâtre impérial de l'Opéra-Comique : la Déesse et le Berger,
opéra-comique en deux actes et envers, paroles M. Camille du Locle, musique
de M. Jules Duprato , par liéon Uarocher. — Théâtre impérial italien:
Alessandro Stradcll i (2" article), par B. A. D. Saint-T'Tes.— Auditi.ins
musicales, par Adolpbe Botte, — Nouvelles et annonces.
THÉÂTRE mPERIÂL DE L'OPÉRÀ-COMIOUE.
liA. DÉEsisi; ET ri: berger,
Opéra-comique en deux actes et en vers, paroles de M. Camillk
DU Locle, musique de M. Jules Duprato.
(Première représentation le 21 février.)
Jusqu'à la direclion de M. Emile Perrin, la mythologie n'avait pas
joué un très-grand rôle à l'Opéra-Comique. Grétry, associé à d'Hèle,
avait fait une fois , il est vrai, le Jugement de Uidas. Mais on ne
l'avait guère suivi dans cette vole, et nous doutons que Grétry lui-
même ait recommencé. Par une sorte de convention tacite, l'Opéra-
Comique laissait la mythologie au grand Opéra, et quand il voulait
du merveilleux, il s'adressait de préférence à la féerie, qui remonte
moias haut dans la nuit des temps. M. Perrin qui, pendant tout le
temps qu'il a dirigé l'Opéra-Comique, semble avoir tendu constam-
ment à agrandir son domaine, nous a déjà donné Galatée, Psyché,
et a laissé en répétition, quand il a quitté la place Boïeldieu pour la
rue le Peletier, la Déesse et le Berger dont il faut que nous vous
contions les aventures.
Bacchus, vous le savez, revenant dans la Grèce après avoir con-
quis les Indes, fit escale dans l'île de Naxos, et y trouva la tendre
Ariane, délaissée par l'ingrat vainqueur du Minotaure. Il la consola,
et de cette consolation naquit. . . Ici, nous sommes forcé, pour sui-
vre M. du Locle, comme c'est notre devoir, de nous séparer de tous
les précédents mythologues. Ceux-ci affirment que Bacchus eut d'A-
riane six enfants, dont ils nous ont même transmis les noms, et cela
autorise à penser que la consolation dura longtemps. M. du Locle,
qui a eu, sans doute, de meilleurs renseignements, soutient au con-
traire que Bacchus n'eut qu'un enfant de la fille de Minos; qu'il se
conduisit, tout dieu qu'il était, en véritable vaurien , pire que Thésée
lui-même ; qu'Ariane, délaissée de nouveau , et ne sachant que faire
de sa progéniture, vint la déposer par une belle nuit, à la porte du
temple consacré au dieu du vin, lequel dieu ne s'en émut pas le
moins du monde , et que le petit malheureux aurait péri si une
naïade charitable ne se fût chargée de son éducation. C'est la naïade
elle-même qui raconte cette scandaleuse et touchants histoire, quand
elle révèle à Bathylle, devenu grand, son étrange destinée :
0 pasteur né du sang des dieux,
0 fils d'Ariane la blotde
Et de Bacchus victorieux !
Quand, tremblante, sous les étoiles,
Ta mère ici vint t'exposer,
Je t'ai recueilli dans mes voiles.
Et consolé par un baiser ;
J'ai fait boire à tes jeunes lèvres
Le lait pur ; parmi les pasteurs
Tu grandis, et moi, de tes chèvres
J'écartais les loups ravisseurs, etc.
Pendant ce temps, que faisait Bacchus? Ah! le fatal exemple
qu'il donnait n'a été que trop fidèlement suivi dans tous les temps et
dans tous les lieux ! Un ivrogne est rarement un bon père.
Bathylle, protégé des naïades, a donc grandi. Il a seize ans. Il est
chevrier et amoureux. Amoureux de la jeune Maïa, qui a seize ans
comme lui, et qui joue avec succès le rôle de déesse de contrebande
dans le temple même de Bacchus. Polémon, le desservant du lieu,
est un vieux drôle qui, voyant languir la dévotion des fidèles, et,
par suite, les profits décroître rapidement, a imaginé, pour ramener
la foule, de mettre à côté d'un dieu déconsidéré par ses fredaines,
— car la scène est à Naxos, — une divinité fraîche, gracieuse, bien-
veillante et irréprochable. (Un coquin de brahmane d'opéra-comique
avait déjà fait ce calcul, et employé cet ingénieux procédé dans un
livret en deux actes, dont un compositeur belge, M. Fauconnier, a
écrit la musique il y a quatre ans environ.) Maître Polémon, aussi ef-
fronté que ce brahmane, n'a pas moins bien réussi. Il connaissait
l'histoire d'Ariane, et chercha d'abord l'enfant de Bacchus. Mais il
ne le put trouver.
Dans ma tète un éclair brille.
J'avais au monde une fille,
Et de ma paternité
Je ne m'étais pas vanté.
La place me paraît bonne,
Et vite je la lui donne.
66
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Il faut bien que les parents
Etablissent leurs enfants.
Avec quatre tours d'adresse
Bientôt ma jeune déesse
Comme le peuple enchanté
Croit à sa divinité.
Les présents viennent en foule. . .
C'est-à-dire les fleurs, les fruits, le blé, le vin, les bœufs, les mou-
tons, l'or et les pierres précieuses. Polémon ne dédaigne rien. Le
voilà riche, de cancre et pauvre hère qu'il était. Mais Balhylle me-
nace son bonheur, puisqu'il aima Maïa, et que Maïa l'aime, et que
lui-même a eu l'inadvertance de leur dire comment s'appelle le sen-
timent qui les attire l'un vers l'autre. — Une déesse amoureuse d'un
berger! Elle y perdrait toute sa considération. Ces inquiétudes de maître
Polémon prouvent qu'il sait mal sa théologie ; car la chaste Diane
aima le berger Endymion, Vénus estima le chasseur Adonis et le
prince Anchise, qui gardait ses troupeaux sur le mont Ida quand il
eut la gloire de lui plaire, et ces deux déesses n'en furent pas pour
cela moins révérées.
Polémon croit éloigner le danger en déclarant, d'un ton solennel,
que Bathylle, s'il osait prendre un baiser à Maïa, serait foudroyé sur
la place, et réduit en cendres. Mais l'amour est plus fin que lui : peu
après arrive un gros homme ventru et lascif, qui dit se nommer
Gnathon, et qui n'est en réalité que Silène déguisé. Il trouve Maïa
seule, lui fait, pour passer le temps, un doigt de cour, et lui de-
mande la faveur d'un baiser. Maïa n'est crédule qu'à moitié, et les
menaces de Polémon l'ont rendue curieuse. Elle toise de la tête aux
pieds l'insolent, le trouve parfaitement laid, et se dit tout bas :
« Après tout, s'il est foudroyé, il n'y aura pas grand mal. n Décidée
par ce raisonnement naïf, elle abandonne sa main aux entreprises du
faux Gnathon. L'air demeure calme et le ciel serein. — Ah ! s'é-
crie-t-elle avec une adorable simplicité, je ne crains plus rien pour
Bathylle. Puis elle s'enfuit en riant, et les nymphes, sortant de leurs
fraîches retraites, viennent danser en rond autour de Silène mystiQé,
en lui chantant d'un ton goguenard :
Le baiser n'était pas pour toi.
C'est la fin du premier acte.
Au second, Bacchus, qui voyage incognito sous le pseudonyme de
Protagoras, comme Silène sous celui de Gnathon, trinque et chante
des airs à boire avec Polémon, qui, ne se doutant de rien, raconte
à ses hôtes les tours d'adresse que nous avons rapportés plus haut.
La scène est plaisante, bien que la surprise et l'indignation de Bac-
chus, en écoutant ce récit, soient parfaitement absurdes. Étrange dieu,
vraiment, qui ne sait pas ce qui se passe dans son propre temple ! Mais
Bacchus ig-nore ce qu'il lui importe le plus de connaître. Les lieux
qu'il revoit lui rappellent Ariane et son enfant abandonné.
0 souvenir vivant qui s'éveille et me touche!
0 charme navrant du passé 1
11 sent une vive sympathie pour Bathylle; il entend la voix du
sang, mais il hésite à l'écouter. Il lui faut un acte de naissance, ou
tout au moins un certificat de notoriété ; et l'on ne sait trop ce qu'il
adviendrait si la naïade ne sortait de sa grotte en temps opportun
pour faire la déclaration que nous avons transcrite, c'est-à-dire si
Bathylle, violemment sépare de Maïa, prenait son mal en patience
et n'avait la fantaisie de se noyer. C'est ce beau mouvement qui
sauve tout. La naïade se montre enveloppée de gazes vertes, et l'ar-
rête au bord de la fontaine. Quand elle a fini son petit discours, Bac-
chus paraît, à son tour, armé du thyrse d'or emblème de sa puis-
sance, reconnaît publiquement son fils, et bénit les jeunes époux.
Nous ne savons ce que devient Polémon, s'il demeure prêtre du Dieu
dont il s'est tant moqué, ou si Maïa, qui est sa fille après tout, sera
forcée de lui servir une pension alimentaire.
Tout cela constitue un récit dialogué plutôt qu'une pièce. On repro-
chait à Scribe, dans les années qui ont précédé sa mort, d'entasser
les incidents outre mesure, de multiplier inutilement les péripéties,
de faire de ses intrigues des écheveaux si compliqués que l'attention
du spectateur en était fatiguée, et que sa curiosité, surexcitée d'abord,
finissait par lâcher prise. On ne fera pas ce reproche aux librettistes
d'aujourd'hui. Vraiment, ils abusent de la simplicité. 11 y a parfois,
dans le poëme de M. du Locle, des vers lestement tournés, de gra-
cieuses idées, de frais tableaux ; mais on ne saurait imaginer rien
qui ressemble moins à ce que l'on appelle, au théâtre, une intrigue.
Les deux amants sont constamment d'accord. Polémon, depuis le
commencement jusqu'à la fin, travaille à les séparer, et s'y prend
toujours de la même manière. Il n'a qu'un seul argument , ce qui
n'est pas très-varié. Le seul point à éclaircir, la question qui forme
le nœud de la pièce, est la filiation de Bathylle : cette question ne
se pose qu'au moment même oîi elle est résolue, car Polémon n'a
jamais songé à lui objecter qu'il n'est l'enfant de personne. Bacchus,
qui intervient dans la pièce, n'y fait rien du tout, et l'on se de-
mande avec étonnement comment un si grand personnage a pu se
déranger pour si peu. Bref, on voit défiler toutes ces scènes' avec
une parfaite indifférence, et, si l'on soupire après le dénoûment,
c'est uniquement parce que l'on sait qu'au dénoûment , quel qu'il
soit, la pièce finira.
M. Duprato, l'auteur de la partition, paraît s'être rangé décidément
parmi les musiciens coloristes. Il fait de l'orchestre avec un merveil-
leux zèle. Flûtes , hautbois , clarinettes , cors , bassons , trompettes,
trombones, timballes, cymbales même sont continuellement en action
dans son ouvrage, et il s'occupe à tel point des effets de sonorité,
qu'il semble oublier le reste. — Qu'importe que cette idée soit dans
le domaine public, que cette phrase mélodique soit insignifiante ou
contournée, qu'elle s'ajuste mal avec les paroles, et donne des en-
torses à la versification? Il y aura des accompagnements là-dessous,
comme dit Figaro, et les accompagnements font tout passer. — Nous
avons souvent combattu ce système, soutenu que les combinaisons
instrumentales étaient un brillant accessoire qui ne saurait suppléer
le principal , que l'accompagnement est le vêtement du chant , et
qu'il n'est pas absolument indifférent qu'un manteau, fût-il de pourpre
et d'or, soit accroché à un poteau, ou s'arrondisse en plis élégants
autour du torse de l'Apollon. Nous n'y reviendrons pas , car on se
lasse de tout, et nous nous bornerons à indiquer les morceaux ou
fragments qui, dans la Déesse et le Berger, nous ont paru s'élever
au-dessus du niveau commun. C'est d'abord la romance de Bathylle :
Je puis comme autrefois
Venir dans ce bois sombre,
qui ne brille peut-être pas par l'invention mélodique, mais où il y a
du moins de l'expression, de la passion, soit qu'elle vienne du compo-
siteur, soit que le chanteur l'y ait mise. Nous ferons remarquer un
joli dessin d'orchestre, plusieurs fois reproduit, dans le duo de Bac-
chus et de Silène. En cet endroit là c'est le violon qui parle, et ce
qu'il dit a une valeur mélodique que nous portons à l'actif de l'au-
teur. Mais nous sommes obligé d'inscrire à son passif tout ce que di-
sent le dieu et le demi-dieu beaucoup moins bien inspirés. Les cou-
plets de Maïa :
J'en veux tenter l'expérience,
ont obtenu tant d'applaudissements qi\'ils se passeront aisément des
nôtres. Le public a compris qu'il devait y avoir là ce que Boïeldieu
appelait un bon mot musical^ et il a cru l'y voir. Nous pensons que
l'auteur l'a cherché sans le trouver, et n'a fait qu'en marquer la
place. Qui a raison, de nous ou du public? Nous l'ignorons nous-
même. Le temps seul peut décider la question.
Le trio de Bacchus, Silène et Polémon débute par une entrée fu-
guée qui a du caractère. Malheureusement, quand les trois voix n'ont
DE PAMiS.
C7
plus qu'à manœuvrer l'une à côté de l'autre, leurs évolutions parais-
sent un peu confuses. Le chœur des Bacchantes,
Cistres et cymbales,
Tambours et crotales, etc.
nest guère remarquable que par le bruit qu'il fait. Mais celui qui
suit : 0 Mata, déesse charmante, nous a paru aussi charmant, pour
le moins, que la déesse. La mélodie en est gracieuse et tendre,
l'harmonie élégante sans recherche, et l'accompagnement instrumen-
tal du meilleur goût. Pourquoi, bon Dieu! M. Duprato n'a-t-il pas
tiré son opéra tout entier de ce tonneau-là? Il aurait fait une œuvre
délicieuse.
M. Capoul, dans le rôle de Bathylle, a su être tout à la fois naïf
comme un jeune pâtre, et naturellement distingué, comme il convient
au fils d'un dieu. Il chante avec beaucoup d'élégance et d'expression
la romance dont nous avons parlé, et tous les passages dont le tour
est tant soit peu mélodique. Mlle Baretti est gracieuse et fine dans le
rôle de Maïa. II n'y a que des compliments à faire à MM. Crosti,
Gourdin, Prilleux, et à la charmante naïade, Mme Ferdinand. Cet
ouvrage, Irès-convenablement monté, est interprété avec un soin ex-
trême. Les décors sont très-frais, très-agréables à l'œil, ainsi que la mise
en scène. L'administration a fait si bien qu'on n'apercevra peut-être
pas toutes les défaillances des auteurs, ou qu'on les leur pardonnera.
LÉON DUROCHER.
THEATRE IMPÉRIAL ITALIEN.
AliESSAlVDRO jSTKDEIiliA.
(U» article) (1).
Le théâtre a rendu son arrêt souverain *sur Slradella, et, l'autre
soir, la cour suprême de Paris n'a fait que confirmer à son sujet la
jurisprudence établie dans toute l'Allemagne, la Belgique et la Russie.
Notre collaborateur, Paul Smith, a dressé le procès-verbal exact et
judicieux de la séance dans laquelle a été confirmé par le public
parisien tout ce qu'avait pensé , jugé, décidé précédemment le public
d'une foule d'autres villes. Aujourd'hui donc il ne s'agit plus d'exa-
miner l'ouvrage au point de vue théâtral, mais de placer en quelque
sorte sur le pupitre la partition de M. de Flotow, afin d'en feuilleter
plus à loisir les divers morceaux, sans en omettre un seul , tout en
regrettant que la tâche si délicate de juré-priseur d'une si brillante
production n'ait pu être achevée par la plume qui l'avait si bien
commencée.
La presse en général a été très favorable dans son appréciation de
Slradella. Il y a donc lieu de s'étonner qu'un opéra de cette impor-
tance ait mis près de vingt ans à venir jusqu'à nous. Quand on songe
à quel point il est devenu populaire dans toute l'Allemagne, oià l'on
compte par centaines ses représentations dans certaines villes, on se
demande comment il a pu se faire que Paris ait attendu, pendant si
longtemps, la traduction italienne, qui a permis au théâtre Ventadour
d'en enrichir son répertoire, ou, tout au moins, la traduction fran-
çaise que MM. A. Royer et G. Oppelt ont faite pour la Belgique, et
qu'un de nos théâtres lyriques aurait dû s'approprier, à l'exemple
de plusieurs de nos grandes villes de la province.
Mais nous possédons enfin Slradella, et tout nous porte à croire
qu'il aura, chez nous, le sort heureux de Maria. Il est bon de dire,
d'ailleurs, que plein d'un louable respect pour la consécration pari-
sienne, M. de Flotow a cru devoir présider lui-même à la transfor-
mation de son œuvre, et qu'en lui faisant franchir la frontière, il l'a
complétée par l'adJition de deux morceaux inédits, qui n'ont pas été
les moins applaudis de la partition.
(1) Voir le n" 8.
Ces deux morceaux ont été écrits pour Mlle Marie Battu qui,
comme l'a dit notre collaborateur, les a supérieurement interprétés.
Le premier est une romance qu'elle chante, au premier acte, lors-
qu'elle va prendre la fuite , sur ces paroles : Rondinella prigio-
niera; le second est un brindisi placé, au deuxième acte, dans la
scène de table et qui commence par ces mots : su la tazza oijnuno
impucjni. La romance est formée d'un andante à quatre temps ,
précédé d'un court récitatif, et qui respire, d'un bout à l'autre,
une douce et suave mélancolie. Le brindisi, plus vif et plus accen-
tué, comme l'exige la situation, obéit à un mouvement de valse,
sur lequel Mlle Battu dessine, avec la précision qui lui est habituelle,
les plus pures et les plus hardies vocalises. Ces deux gracieuses ins-
pirations, que nous avons tenu à saluer tout d'abord, pour répondre
à la politesse du compositeur qui les a spécialement dédiées à nos
oreilles parisiennes, auront bientôt franchi la rampe et se feront ra-
pidem.ent adopter par les salons.
Revenons maintenant au début de la partition, et louons sans ré-
serve l'excellente ouverture que l'orchestre de M. Bonetti exécute
avec une rare perfection. Elle entre en matière par un chant reli-
gieux, largement posé, et dont le motif est celui de l'hymne du troi-
sième acte; c'est à la fois le principe, la situation capitale, la raison
d'être de l'ouvrage. Cet andante maësloso est suivi d'un allegro très-
élégant, qui se résout dans le motif du chœur nuptial du deuxième
acte, autre situation importante de la pièce, et qui, par une heureuse
transition, de fa mineur en ré majeur, ramène, comme péroraison,
l'hymne du commencement.
Le premier acte s'ouvre par une barcarolle avec chœur, d'un très-
bon style ; et pendant que Stradella descend de sa gondole pour se
rapprocher du balcon de sa maîtresse , la clarinette fait entendre
une ritournelle d'un effet aussi gracieux qu'original. C'est le prélude
de la jolie sérénade : Cara! il tuo bene a te sen viene, dans laquelle
Naudin se distingue par d'habiles contrastes do forte et de mezza-voce.
Après ce morceau, vient un nocturne chanté par Naudin, sur la scène,
et par Mlle Battu, à son balcon : Per colline e valti erbose. C'est un
andante à trois temps, dont chaque phrase est dite tour à tour par
les deux interlocuteurs, et qui se termine par un court et charmant
ensemble. Le finale est principalement une affaire de mise en scène ;
le tuteur Bassi veut empêcher l'enlèvement de Leonora, sa pupille ;
une troupe de masques, composée des amis de Slradella, entoure le
vieux barbon , le sépare des deux amants , et Stradella entraîne sa
maîtresse pendant que le chœur fait tonner aux oreilles de Bassi, ce
joyeux refrain : Viva I viva la (jalloria! Le tiUli des voix et de
l'orchestre prête beaucoup de mouvement et d'entrain à cette fin du
premier acte.
Le second débute par un air que chante Leonora avant de suivre
Stradella à l'autel : Délia gioja che il seno m'inonda. Il est formé
de deux andanli, l'un à six-huit, plein de charme et de douceur;
l'autre, à deux temps, plus animé, et terminé par des vocalises aux-
quelles la voix correcte et pure de Mlle Battu donne un prix inesti-
mable.
Nous avons parlé du chœur nuptial , à propos de l'ouverture ;
l'accompagnement des cloches saintes augmente encore l'effet de ce
joli morceau. Ici paraissent, pour la première fois, les deux bandils,
si gaiement représentés par Zucchini et par Delle-Sedie , une basse
et un baryton. Leur duo bouffe : f'è del Tihro al manco /a^o, jouis-
sait d'avance d'une grande célébrité, que l'audition n'a pas démen-
tie. Il est écrit de manière à soutenir la concurrence redoutable qu'il
rencontrera sur la scène où régnent souverainement Rossini et Ci-
marosa. Le finale de cet acte, beaucoup plus développé que celui du
premier, du moins en l'absence du ballet qu'on a retranché à celui-ci,
commence par le retour du chœur nuptial. On apporte des tables,
on se place autour, le chœur chante l'amour et le bon vin : Fra
l'amor ed i Licchier; après quoi, Leonora attaque son brindisi, puis
REVUE ET GAZETTE MUSICALK
les bandits Malvolio et Barbarino, admis, sous leur déguisement, au
festin des époux, paient leur bienvenue par une chanson à boire,
petit chef-d'œuvre de gaieté franche et facile, qui aura les honneurs
du bis, aussi longtemps que vivra l'opéra de M. de Flotow. On ne
saurait imaginer rien de plus entraînant que les ghi! glu! de ces
trois couplets si bien chantés par Zucchini et son compère Delle-
Sedie. Il était bien difficile d'émouvoir le public après cet air, et
cependant Naudin y est parvenu avec sa délicieuse ballade de Sal-
vator Rosa : In fonde agit Abntzsi, où ses suaves effets de mrzza-
voce lui ont encore valu de chaleureux applaudissements. La reprise
du refrain de la chanson à boire des bandits termine dignement ce
finale dont le mérite est égalé par le succès qu'il a obtenu.
Si le second acte se recommande par le nombre et la variété des
morceaux saillants qui le composent, le troisième ne lui est pas in-
férieur, quoique moins étendu. Nous' signalerons, au lever du ri-
deau, le quatuor : Oh! cara llalia! dont le dessin est parfait, la
facture distinguée, et où se mêlent 'd'une façon magistrale les accents
enthousiastes de Stradella et de Léonora aux impressions diverses
de Malvolio et de Barbarino, qui jouent en même temps à la inorra.
Le chœur des pèlerins qui lui succède forme une habile opposition.
Le trio des deux bandits et du tuteur Bassi venant leur rappeler la
mission qu'ils ont acceptée, est parfaitement en situation ; nous de-
vons surtout des éloges à Vallegro mouvementé à trois temps, par
lequel il se termine. Mais voici le morceau principal de l'ouvrage,
l'hymne religieux chanté par Stradella, tandis que ses assassins le
guettent sous la surveillance du tuteur de Léonora. r;ous n'avons pas
besoin d'insister sur la situation ; elle est connue ; c'est pour elle que
la partition existe. M", de Flotow avait un grand effort à faire pour ne
pas rester au-dessous de sa tâche, pour la dépasser même, s'il était
possible, dans cet instant solennel, et nous pouvons affirmer qu'il y
a réussi, au-delà de ce qu'avaient le droit de demander les exi-
gences les plus sévères. L'hymne : Oh ! corne bello è il giorno, est
complexe ; il débute par un magnifique adugio que la harpe accom-
pagne. Puis, vient un ravissant andante, sur ces paroles : 0 sanla,
0 pia del Ciel Regina! La voix de Stradella, d'abord douce et onc-
tueuse, s'élève, s'anime, s'exalte : Oh ! fa che splenda la gran luce
del Signer! Le chant de l'ouverture éclate au milieu des splendeurs
de l'orchestre. Les deux assassins qui vont frapper Stradella, sont
touchés par ses accents sublimes, et le poignard tombe de leurs
mains. Rendons justice à Naudin qui, dans cet admirable morceau,
s'est constamment maintenu à la hauteur de son rôle.
Nous nous plaisons à le répéter, l'accueil plus que favorable fait à
la musique d'Akssandro Stradella, n'est pas attesté par nous seule-
ment; presque tous les journaux qui en ont rendu compte partagent
notre avis sur l'opéra de M. de Flotow, dont la manière, en ré-
sumé, peut bien être éclectique, mais qui, selon l'heureuse expres-
sion de notre collaborateur Paul Smith, est à coup sûr cosmopolite.
Marta l'a prouvé, et Stradella le prouve en ce moment.
». A. D. SAINT-YVES.
AUDITIONS MOSICAIES.
M. J. Dumou. — Mme Clara Scliumann. — M. Vin-
cent Aaier. — Deuxième séance de musique de
chambre d'Alard et Francliomme. — Troisième
soirée de M. Cliarles Iiamoureux.
Le Conservatoire de Bruxelles peut se montrer fier à juste litre
du succès éclatant remporté samedi, dans les salons Pleyel-Wolff,
par deux de ses professeurs : Mme Pleyel et M. J. Dumon. Joindre
ainsi l'exemple au précepte n'est point indispensable en matière d'en-
seignement, nous le savons, mais enfin cela ne gâte rien.
M. J. Dumon a pris rang du premier coup parmi les artistes les
plus justement applaudis et fêtés cet hiver. 11 est assurément très-
fort; il enlève les difficultés avec autant d'aisance que de pureté;
mais ce qui a le plus étonné et captivé, c'est l'art qu'il déploie
dans les cantabile. Il phrase si bien, il trouve sur sa flûte de si
beaux sons, des inflexions si variées que, mérite suprême à notre
avis, il rappelle la voix humaine, et ajoutons — car par le temps
qui court et les méthodes qui fleurissent cela n'est pas inutile — la
voix humaine habilement conduite.
M. Dumon est un musicien, il sait écrire, il a du goût, et sa
fantaisie sur un thème original est de tout point charmante. Le
chant se détache constamment des dessins et des arpèges dont il est
orné; les variations, très-difficiles, sont du plus bel effet : elles offrent
souvent l'intérêt de plusieurs parties, et réunissent le brillant et la ra-
pidité de certaines variations écrites pour le piano. Le nocturne et
les airs valaques de Doppler ont permis à M. J. Dumon de montrer
toute la flexibilité de son talent. Mais, nous tenons à le répéter, ce
qui distingue plus particulièrement le jeune professeur, c'est le style
et l'art de chanter. Cette pauvre flûte, qui n'a pas été plus épargnée
que le piano, a été écoutée très-sérieusement et a' causé un plaisir
exceptionnel. Nous disons exceptionnel, non en pensant à d'autres
flûtistes, mais à tous les artistes qui se font entendre cha([ue jour.
Les reines du piano ne nous manquent pas : on en sacre tous les
jours dont les couronnes ne résisteront guère au premier souffle de
justice qui passera. Malgré tous ces avènements, il nous faut pourtant
bien reconnaître que Mme Pleyel a été accueillie en souveraine ; mais
elle, du moins, justifie pleinement cet accueil.
Après avoir dit avec M. Dumon une très-belle sonate de Weber
et avec MM. Charles Dancla et S. Lee le trio en ut mineur de Men-
delssohn, après avoir déployé dans ces morceaux une ampleur de
style et un fini d'expression tout à fait rares, Mme Pleyel a exécuté
un magnifique andante de Hummel. Les mille et une broderies se-
mées par ce maître non profuséraent, mais abondamment, sur son
tissu mélodique, et les fins contours de sa phrase, ont été rendus par
Mme Pleyel avec une légèreté, une délicatesse, une variété de son
et un style très soutenu et très-noble qui ont émerveillé le public. La
célèbre pianiste a été rappelée avec enthousiasme, et on lui a de-
mandé la Tarentelle de Rossini transcrite par Liszt. En écoutant cette
■page délicieuse, si vive et si colorée, enlevée avec un brio et une
vélocité incomparables, l'enchantement a été complet.
— Mme Clara Schuniann nous est revenue, la semaine dernière,
dans les salons Erard; son beau et vigoureux talent a passé de Bee-
thoven à Menieissohn, de Chopin à Schumann, avec cette sûreté,
cette intelligence sérieuse qui excelle à traduire les beautés les plus
grandes et les plus élevées, comme les pensées les plus fugitives et
les plus quintessenciées de la jeune école allemande. Les qualités de
Mme Clara Schumann sont trop connues pour qu'il soit besoin de
les énumérer ici ; elles lui méritent partout un accueil chaleureux qui
ne lui a pas fait défaut l'autre soir.
L'éminente pianiste a joué, entre autres choses, deux canons de
Schumann. Certes, il est permis de trouver un peu de roideur sco-
lastique et de froideur dans ces pages auxquelles la sévérité et même
l'austérité sont inhérentes ; mais il est impossible de ne pas admirer
la chaleur de conviction avec laquelle Mme Schumann les impose.
Les profanes — il y en a toujours et partout — pensent que ces
sortes de pièces ressemblent trop à des études académiques, et qu'il
faut avoir passé par l'atelier, ou plutôt avoir fréquenté les classes de
contre-point pour pouvoir les comprendre et les goûter; ils n'ont
peut-être pas tort. Quoi qu'il en soit, ils ont été amplement dédom-
magés par les inspirations de Beethoven et de Chopin. Là, Mme Clara
Schumann a été mieux comprise. Ce n'était plus seulement la préci-
m PARIS.
69
sion, la carrure, la fermeté, c'était l'expression, la douceur et un slyle
moins tendu, se prêtant avec beaucoup de souplesse aux chants et
aux orneuients si brillants, si distingués, si pleins de sens poétique
et de nouveauté qu'on aime tant dans les ouvrages de ces maîtres.
Mme Viardot, qui à cette heure possède seule le secret du style
vocal de Gluck et de Mozart, est aussi la cantatrice qui comprend et
rend le mieux les exquises et dramatiques petites scènes de Schu-
raann; elle l'a prouvé une fois de plus dans cette soirée.
— Chaque année, M. Vincent Adler, qui ne se prodigue pas ,
donne un ou deux concerts tout au plus, fait entendre ses nouvelles
compositions et, bien vite, cède la place à d'autres. En dépit, ou plu-
tôt à cause de cette discrétion, son nom attire toujours un auditoire
nombreux et distingué. L'atmosphère des salons convient mieux peut-
être à ses morceaux que celle des grandes salles de concert ; ce-
pendant, par sa vigueur et son ampleur, l'allégro avec double qua-
tuor n'a rien à redouter en se montrant au grand jour et en renon-
çant aux douceurs et au prestige de l'intimité. Les traits rapides et
élégants semés dins la plupart de ses fantaisies sont d'un effet neuf
et souvent délicieux; ils ont même un certain cachet d'originalité.
M. Adler joue sa musique d'une façon ravissante, ce qui n'est pas
commun à tous les compositeurs ; il y met une rare délicatesse, une
grande souplesse de doigts, — choses sur lesquelles on est blasé, —
mais il y met aussi une grande souplesse de style, — chose sur la-
quelle on ne l'est pas. Après avoir fait très-vivement applaudir ses
propres ouvrages, entre autres sa Tarentelle^ sa Barcarolle , son
Thème styrien et sa Scène de bal qui a été bissée , M. Vincent Ad ■
1er, en compagnie de l'excellent violoniste Armingaud, a brillam-
ment exécuté un beau duo hongrois de Vieuxtemps et Erkel, et une
fantaisie d'Edouard Lalo. MM. Armingaud, Léon Jacquard, Mas et
Lalo, c'est-à-dire le quatuor qui, à si juste titre, jouit de l'estime des
connaisseurs et a le privilège de voir tous les ans grossir le nombre
de ses auditeurs et g-randir le succès de ses intéressantes séances,
accompagnaient cette fantaisie et ont beaucoup contribué au plaisir
qu'elle a fait éprouver.
La Sérénade et la Chanson villageoise, du même auteur, ont été
jouées avec beaucoup de pureté, de charme et d'expression par
M. Léon Jacquard. On a redemandé une de ces petites pages, simple
cantilène qui n'est point ambitieusement ornée, et qui a prouvé en-
core une fois combien le public était friand de mélodies naturelles
et gracieuses. Un air de Tancrède, pétillant de jeunesse, d'esprit et
de grâce, et un large et beau cantique de Stradella, dans lesquels
Mlle Marie Cruvelli a fait apprécier sa voix et sa bonne méthode,
composaient la partie vocale, et ont apporté une très-agréable diver-
sité à cette charmante soirée.
— Malgré les plaisirs du carnaval et pendant que d'autres culti-
vaient le quadrille, la mazurka, etc., les dilettantes se rendaient à la
deuxième séance d'Alard et fêtaient Haydn, Mozart et Beethoven.
Celte matinée, qui avait été remise à cause du magnifique concert
donné au Conservatoire pour les ouvriers de la Seine-Inférieure, a
été très-belle. Franchomme et Dièmer ont dit à ravir la sonate en
sol mineur de Beethoven. Puis Alard a joué en perfection un déli-
cieux trio de Mozart et un ravissant quatuor en mi bémol de Haydn.
— Les plus jeunes sociétés de musique de chambre s'efforcent de
rivaliser avec les plus anciennes, et de donner satisfaction aux ten-
dances élevées que les artistes éminents ont fait naître à peu près
dans toutes les classes de la société. Celle de M. Charles Lamoureux
est en progrès. A la troisième soirée, un quatuor d'Haydn et un trio de
Mendelssohn ont surtout fait un plaisir infini. Mozart et Beethoven
ont été joués ensuite avec un ensemble très-remarquable et une
grande intelligence du sens et de la portée des moindres notes qui,
là, ne sont pas mises uniquement pour faire briller la virtuosité.
M. Charles Lamoureux comprend très-bien ce que la musique clas-
sique exige de sérieux, de sobre, de pur et de contenu. Par ses
qualités solides et brillantes, de même que par la chaleur et le
charme de son exécution, il est tout à fait digne d'interpréter les
vieux maîtres.
Adolphe BOTTE.
NOUVELLES.
3,*^: Le théâtre impérial de l'Opéra a donné, dimanche dernier, laFa-
vorite et Graziosa ; Mme Zina Mérante a pris la place de Mme Ferraris
dans ce ballet. Trois représentations de la Muette avec une salle com-
ble ont eu lieu cette semaine.
^*^ Des réparations importantes vont être faites à l'intérieur de la
sal!e de l'Opéra; M. Garnier, l'architecte de la nouvelle salle, a confié
ces travaux à MM. Gustave Boulanger et I.enepveu.
^*^ Le théâtre Italien continuera, la semaine prochaine, les représen-
tations de Stradella. Plus on entend cet opéra, et plus le public en
goûte les mélodies fraîches et chantantes.
^*^ M. de Flotow est de retour à Paris.
^*^ Si l'on a trouvé que Mlle Patti avait été payée cher par le théâtre
Italien, et si l'on a supputé avec soin les sommes que lui a rapportées
son séjour à Paris, il est juste de mettre en regard le chiffre des re-
cettes que ses représentations ont versées dans la caisse delà direction.
Or, nous lisons dans la Presse théâtrale que ce chiffre a atteint pour
trente-trois représentations 373,760 fr. 90 c, soit une moyenne de
Il ,326 fr. 6 c. par représentation !
^*,t Mme Miolan-Carvalho, qui devait partir pour Marseille le l''"' mars^
a obtenu de M. Halanzier, directeur du théâtre de Marseille, de n'aller
remplir son engagement que le 1" avril. Cet ajournement permettra
la continuation des recettes toujours fi'uctueuses de Faust.
^*^ Le théâtre des BouffeS-Parisiens vient de rencontrer dans le nou-
vel ouvrage d'Offenbach, les Bavards, un des plus grands succès qu'ait
obtenus le fécond et charmant compositeur. Chaque soir on refuse du
monde ; l'air de Mme Ugalde, la chanson des créanciers : Il faut qu'on
paie, sont bissés. Les applaudissements, les rires de toute la salle ne
discontinuent pas pendant le cours de la représentation. Tout à fait
sûrs de leurs rôles, les acteurs font merveille, et depuis Gil Blas
Mme Ugalde ne s'est pas montrée sous un jour qui lui soit plus avanta-
geux ; il faut l'entendre pour se faire une idée du talent, de la verve et
de l'entrain qu'elle dé|)loie dans le personnage de Roland. Les Bavards
sont plus qu'un opérette : c'est un très-joli opéra-comique dont vont
s'emparer toutes les scènes de province.
»** Le théâtre de Bordeaux monte Stradella. — Le théâtre de- Barce-
lone va monter également l'opéra de Flotow.
„,*» Les représentations successives du dernier ouvrage de Benedict,
la Rose d'Erin (the Lilhj of Killarney), n'ont fait que confirmer le grand
succès que cette œuvre remarquable a obtenu dès sa première appari-
tion au théâtre de Brunswick, le premier de tous les théâtres d'Alle-
magne qui a monté cet ouvrage, dont la vogue en Angleterre a eu tant
de retentissement. La nouvelle partition de Benedict paraît destinée à
une popularité non moins grande en Allemagne ; elle est en pleine ré-
pétition à Stuttgart, et on la prépare à Darmstadt, à Hambourg et à
Berlin.
^*^ Demain aura lieu aux Tuileries le premier grand concert du ca-
rême. Lundi passé, il y avait eu dans les appartements de S. M. l'Impé-
ratrice une soirée intime, pour laquelle cinq cents invitations seulement
ont été distribuées. On y a fait de la musique d'amateurs. Mme la ba-
ronne de Caters, Mme Moulton et Mme Boucher; M. le comte 0, Aguado
et M. de Meynard, ont successivement chanté plusieurs morceaux avec
un talent qui ferait honneur à des artistes consommés. Mme de Caters,
la digne fille de Lablache, s'est fait surtout admirer par le noble audi-
toire, et S. M. l'Impératrice a daigné lui demander des airs espagnols
que Mme de Caters a dits d'une façon ravissante. M. de Meynard aussi
a chanté avec un sentiment exquis la délicieuse romance de Maria.
^*.j, Les réunions musicales du carême ont recommencé dans les sa-
lons de rilôtel de ville, sous la direction de Pasdeloup. Au nombre des
morceaux annoncés par le programme, figurait le brindisi de Stradella,
composé par M. de Flotow pour Mlle Battu, et qu'elle a chanté avec au-
tant de talent que de succès.
**<, M. le comte de Nieuwerkerke a repris ses soirées artistiques du
vendredi. On y a fait, comme les années précédentes, d'excellente mu-
sique dirigée par Pasdeloup. A la première, Naudin a chanté deux fois,
aux grands applaudissements de son brillant auditoire.
^*^ Les théâtres italiens commencent à se familiariser avec la mu-
sique française. Le Cuid d'Ambroise Thomas, traduit en italien, vient
d'obtenir à Milan un très-grand succès. Plusieurs morceaux ont été
bissés, et les acteurs ont été applaudis et rappelés à diverses reprises.
70
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
»** Les artistes engagés pour chanter cette saison avec Mlle Pattl,
au théâtre de Vienne, sont : Mmes Marie Lafon, Lucia Pieralta, MM. Giu-
glini et Carrion, ténors ; MaurojZacchi, Agnesi, Mazetti, barytons.
»*» On lit dans le Trocalore : « L'aulre soir, la Marta, impatiemment
attendue, a fait sa première apparition au théâtre Argentina, à Rome,
exécutée par l'Avancio-Guerrini, la Caracciolo, Vincentelli. Binaghi et
Luigi Fioravanti, qui avait accepté par complaisauce le rôle de Tristano.
La musique a plu infiniment; c'est un véritable bijou, et tous les artistes
ont été chaleureusement applaudis. La romance chantée par l'Avancio-
Guerrini, et le duo entre Lionel et Enriclietta au deuxième acte, l'aria
et la romance du contralto , et la romance du ténor au troisième acte
qu'il a dû bisser, le dueito du ténor et du soprano au quatrième, ont
tour à tour provoqué les applaudissements les plus frénétiques et
quatre à cinq fois répétés. Le finale de l'opéra a provoqué un véritable
enthousiasme, et, à la chute du rideau, trois salves d'acclamations ont
rappelé les deux principaux artistes. »
»*^. Le conseil municipal a décidé dans sa dernière séance qu'une
des rues nouvelles avoisinant l'Opéra prendrait le nom de rue Auber.
^*^, La Patrie affirme que le conseil d'Etat n'a pas encore été saisi
de l'examen de la nouvelle loi sur la propriété littéraire, et qu'en con-
séquence elle ne pourra être discutée dans la session actuelle.
,*, Aujourd'hui dimanche, à 2 heures, au Cirque Napoléon, troisième
concert populaire de la dernière série de musique classique, sous la
direction de Pasdeloup : ouverture de Pjro'osa, de Weber; symphonie en
mi bémol de Schumann; ouverture de la Grotte de Fingal, de Mendels-
sohn, redemandée ; adagio du quintette (op. 1 08), de Mozart ; symphonie
en tit majeur de Beethoven.
^*f Le concert dont Mme la baronne Vjgier (Sophie Cruvelli) avait
pris l'initiative au bénéfice des pauvres, a eu lieu à Nice le 21, au
Théâtre-Impérial. Le roi de Bavière, le roi de Wurtemberg, la duchesse
d'Hamilton, le prince de Stirbey, le prince Comitini, la baronne de
Eothschild et une foule de princes et de princesses de toutes nations,
en même temps que les hauts fonctionnaires de l'administration, du
département et de la cité, et l'élite de la société niçoise, assistaient à
cette solennité, qui offrait le plus magnifique coup d'œil.La cavatine de
Norma : Costa diva, le chant suisse. d'Eckert, la Gioja insolita de Stra-
knsch, ont été dits par la grande cantatrice de façon à. exciter les
transports de son brillant auditoire, et à faire de plus en plus regretter
que les scènes lyriques soient privées d'un si admirable talent. Mlle Ferni
a joué avec beaucoup de charme et d'expression un morceau sur le
violon, et un trio chanté par Pavani, Varesi et Ronconi a terminé cette
belle fêle musicale, dont le produit a atteint 12,000 francs.
*■** Lundi, 9 mars, aura lieu le premier concert historique (école ita-
lienne) de M.Jean Becker. En voici le programme : 1° sonate de Tartini
{Trille du Diable), 1692-1770 ; 2° concerto de Viotti, 1753-1824 ; 3° / Pal-
piti, fantaisie de Paganini: 4° la Reddadei Folktti, de Rossini.
.f*^ Voici le programme du concert que donnera Emile Prudent ven-
dredi soir, 6 mars, dans la salle Herz, avec le concours de Mme Viardot
et de M. Franchomme. L'orchestre sera dirigé par M. Tihnant. Pre-
mière partie: 1» ouverture de Fidelio (Beethoven); 2° air à.'Idoméiiée
(Mozart), chanté par Mme Viardot; 3° les Trois Rêves, morceau de con-
cert pour piano et orchestre (Prudent) : -l" les Esprits des campagnes
(allégro), 2° les Génies du Foyer (andante), 3" ballet des Zingari (rondo
final). — Deuxième partie : à" air de l'oratorio la Resurrezione et air de
l'opéra Julio Cesare (Haëndel), chantés par Mme Viardot, avec accompa-
gnement de violoncelle obligé, par M. Franchomme : b" quatuor de
Rigolelto et le Chant d'Ariel, pour piano (Prudent) ; 6° air : Divinités du
Styx, d\4lceste (Gluck), chanté par Mme Viardot; 7° Etudeslieder : la
Danse des Fées, pour piano et orchestre (Prudent) ; 8° ouverture de la
Grotte de Fingal (Mendelssohn).
,j** Alexandre Billet, un des maîtres du piano, est attendu prochaine-
ment à Paris pour la saison musicale.
^''^_ Mme Lemmens, dont nous avons annoncé récemment le grand
succès à Cologne, n"a pas recueilli moins d'applaudissements à la Haye
et à Anibeim, où elle s'est fait successivement entendre dans les con-
certs des sociétés philharmoniques de ces deux villes. Elle y a été rap-
pelée et bissée à plusieurs reprises.
.j,*^ C'est demain lundi que doit avoir lieu, dans les salons Erard, le
concert de Mlle Elisabeth de Schouitz, avec le concours de Naudin, du
théâtre impérial Italien, de MM. Hammer et Lebouc.
a,*,t Mme Clara Schumann donnera, le 1 3 mars, un deuxième concert
dans les salons Erard.
^*^. C'est le mercredi 4 mars que M. Camille Saint-Saëns donne, dans
les salons Pleyel-WolfT, un grand concert avec orchestre. MM. White,
Dorus et Leroy prêteront leur concours au bénéficiaire.
^*^ Le concert annuel de l'excellent violoniste G. Jacoby, aura lieu
le 10 mars, dans la salle Ilerz. Mlles Joséphine Martin, Hayet et autres
artistes distingués en feront partie.
,j*„ Le concert annuel de l'éminent pianiste-compositeur, M. Kruger,
aura lieu le mercredi 11 mars, à 8 heures du soir, dans les salons
Erard, avec le concours de Mme Barthe-Banderali, de MM. Jules Lefort
et Hammer.
^*^ Le concert de Mme Corinne de Luigi, qui devait avoir lieu ven-
dredi 6 mars, à la salle Herz, sera donné le même jour et à la môme
heure, dans la grande salle du Louvre.
a,*^ L'éminent pianiste-compositeur Bernhard-Rie se propose de
donner, le 18 mars, salle Herz, un concert à grand orchestre, dont nous
ferons connaître incessamment le programme.
^*^, M. Joseph Romano, éminent pianiste et organiste italien , dont
nous avons annoncé l'arrivée à Paris, se propose de donner un concert
dans les salons Erard, le 6 mars prochain.
a,"^,» La Liederfo/ei d'Aix-la-Chapelle vient d'ouvrir un concours pour
deux compositions pour chœurs d'hommes avec orchestre. Le premier prix
ûstdeSOOthalers; le second, de 1 00 thalers. Le choix du texte, qui doit être
écrit en allemand, est laissé au compositeur; l'exécution de l'œuvre doit
durer au moins une demi-heure, et ne doit pas dépasser une heure. Le
terme du concours est fixé au i"' octobre 1863 Les manuscrits doivent
être adressés à M. le D^ I\oderburg, à Aix-la-Chapelle.
^*^ Notre collaborateur, A. Botte, vient de rendre compte du pre-
mier concert donné à Paris par M. Dumon. Le célèbre flûtiste a
obtenu un nouveau succès, et plus grand encore s'il est possible, à
l'Institut des jeunes aveugles, où il a joué un duo avec Mme Pleyel,
sur les motifs de Guillaume Tell. L'impression produite par M. Dumon et
l'illustre pianiste n'a pas été moins vive dans les soli que chacun de
de ces deux éminents artistes a ensuite exécutés.
j,*^, Lundi, 9 mars, à midi, à l'église de Saint-Eustache , les orphéo-
nistes, les chœurs de la ville de Paris et l'orchestre des Concerts popu-
laires exécuteront le Requiem de Mozart, sous la .direction de M. Pasde-
loup, et à la mémoire de Wilhem. Le produit de la quête est destiné
aux ouvriers cotonniers sans travail.
^*^ On annonce pour le 6 mars prochain l'apparition d'une nouvelle
feuille destinée principalement à soutenir les intérêts du théâtre et dé
la littérature. Ce journal doit s'appeler la Comédie; il a pour rédacteur
en chef M. Paul Ferry, dont la retraite du Messager des théâtres, qu'il di-
rigeait depuis longtemps, avait été accueillie dans la presse spéciale avec
d'unanimes regrets.
.f,*^ M. N. Collet annonce la deuxième édition de ses Exercices élémen.-
taires de musique vocale. Un volume in-8'', prix 5 francs, chez l'auteur,
à Fontenay-aux-Roses.
,"*,, Le cabinet de M. Berthier, l'habile régisseur de la danse au
théâtre de l'Opéra, est littéralement envahi chaque jour par un public
avide de se procuper des billets et des loges pour le grand bal des ar-
tistes dramatiques du 7 mars prochain. Jamais cette fête, placée sous
le haut patronage de LL. MU. l'Empereur et l'Impératrice, n'aura été
plus brillante. Une décoration spendide, le foyer transformé en jardin
d'hiver, la réunion de nos artistes les plus charmantes et les plus ap-
plaudies ; ne sont-ce pas là des éléments d'un succès certain ?
^*^: Dans une de ses dernières séances, le Comité municipal de la
ville d'Albi a décidé qu'un monument funéraire serait élevé aux frais de
la ville à la mémoire de F. Sudre, inventeur de la langue musicale uni-
verselle et de la téléphonie appliquée à l'art de la guerre. Le cœur de
François .Sudre sera renfermé dans ce monument, dédié par une impor-
tante cité à l'un de ses plus dignes enfants.
^*^ On annonce, à Anderlecht, la mort de M. Henri du Bois de
Fiennes, pianiste honoraire du roi des Belges, président de la Société de
l'harmonie. Cet artiste, élève distingué de Henri Herz et de Kalkbrenner,
laisse un certain nombre de compositions pour le piano, écrites, selon
M. Fétis, avec la préoccupation du style de Thalberg.
^*^ Hier samedi ont été célébrées à l'église de Notre-Dame de Lorette
les obsèques de Mme Damoreau, qui avait succombé deux jours aupa-
ravant, dans sa soixante-troisième année. Une foule immense remplissait
l'église et a suivi le char funèbre jusqu'au cimetière Montmartre, où
des discours ont été prononcés par MM. Edouard Monnais, commissaire
impérial près les théâtres lyriques et le Conservatoire, de Saint-Georges
et Arabroise Thomas. Pendant le service, des fragments du Requiem de
Mozart, et un Pie Jcsu de Panseron ont été exécutés par des artistes de
nos grands théâtres. La belle voix de. Levassourse di.stinguait parmi toutes
les autres. Nous, reviendrons sur cette imposante et triste solennité.
Mme Damoreau a été conduite à sa dernière demeure trente-cinq ans,
jour pour jour, après la première représentation de la Muettv de Portici,
où elle avait créé le rôle d'Elvire.
CHRONIQUE ETRANGERE.
^*^ Berlin. — Sivori a joué dans un concert à la cour, où il a été
accompagné par Mej'erbeer, et il a produit le plus grand efl"et. Il joue
tous les soirs à la salle KroU. Partout l'éminent violoniste excite un
véritable enthousiasme. -~ Mlle Artot et le ténor Wartel chantent avec
beaucoup de succès à l'Opéra.
1>E PARIS.
71
^** Brunswick. — On annonce que l'opéra de G. Schmidt, la Mole,
qui a eu du succès ù Breslau, doit être représenté au tliéâtre de la
Cour, pour l'anniversaire de la naissance du duc de Brunswick.
*** yienne. — Le théâtre de la Cour a donné mardi 24 les Huguenots;
le lendemain, l'Etoile du Nord. — La première représentation de la
troupe Merelli, qui avait été fixée au mardi 24, a dû être ajournée par
suite d'une indisposition de Mlle Patti. L'opéra de Mozart, Cosi fan tutte,
a déjà été donné deux fois avec le plus grand succès ; la salle était
comble. A la deuxième représentation, on avait fait de larges coupures
au deuxième acte, et l'ensemble marclie parfaitement. — La souscrip-
tion au monument Schubert atteint déjà plus de 10,000 florins.
„*^, Bucharest. — L'opéra de Rossini, Otello, a été donné au bénéfice
de Steger. ■ Cette représentation est devenue pour le célèbre chanteur
viennois l'occasion d'un véritable triomphe. On lui a jeté sur la scène
une couronne de lauriers, ornée de rubans aux couleurs nationales de
la Valachie et de la Hongrie. Le prince-régent lui a fait remettre une
montre magnifique, enrichie de diamants avec son chiffre.
^** Madrid. — La première représentation du nouvel opéra de Verdi,
la Forza del destina, a eu lieu avec un grand succès au théâtre de
l'Oriente.
^*^ Saint-Pétersbourg. — Les jours gras viennent de donner le signal
du départ de tous nos artistes chanteurs. On avait fait courir le bruit
que la direction des théâtres impériaux renoncerait l'année prochaine au
théâtre italien ; mais jusqu'à présent ce bruit ne s'est pas confirmé. D'ail-
leurs, plusieurs des principaux engagements n'expirent qu'après cette
saison. Celui de Calzolari, entre autres, qui a été renouvelé en
1862 pour deux ans, est dans ce cas. Le célèbre ténor n'a jamais mieux
chanté que cet hiver, et nous ne croyons pas qu'il ait de rival aujour-
d'hui en Italie ou ailleurs : aucun d'eux certes ne possède une voix
plus fraîche et plus délicieuse que la sienne. Almaviva, le comte Ory et
Stradella viennent d'être pour lui de véritables triomphes, et tout ré-
cemment encore Fidclio, opéra donné à son bénéfice, et dans le-
quel il a compris et rendu en artiste consciencieux et nourri d'études
sérieuses cette musique si différente de la musique italienne. Si,
comme on le dit, Calzolari est décidé à quitter le théâtre pour jouir,'
dans la belle propriété qu'il possède près de Naples, des loisirs de la
vie des champs, sa retraite prématurée sera une véritable perte pour
l'art. — Nous avons eu dans la vaste salle de la Noblesse un magnifique
concert vocal et instrumental dans lequel les principaux artistes du
théâtre Italien, Mgies Barbot, Fioretti, Bernard!, Didiée, Tamberlick,
Calzolari, Malvezzi, Angelini et Everardi nous ont fait leurs adieux. Au
nombre des morceaux exécutés, l'air de l'ombre du Pardon de Ploërmel a
été chanté par Mme Fioretti avec un immense talent; il a été bissé avec
acclamation et a valu à la cantatrice une véritable ovation.
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REVUE
8 Mars 1863.
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Le Journal parait le Ditnanche.
GAZETTE MUSICALE
SOMMAIRE. — Théâtre impérial de l'Opéra : la Mule de Pedro, opéra en deux
actes, paroles de M. Dumanoir , musique de M. Victor Massé , par Paal
Smitb. — Auditions musicales, par Adolphe Botte. — La Tarentelle,
par le D'Brehm. — Nécrologie: Mme Damoreau-Cinti. — Nouvelles et an-
nonces.
THÉÂTRE IMPÉRIAL DE L'OPÉRA.
liSk BlUIii: DE PEDSSO,
Opéra en deux actes, paroles de M. Dumanoir, musique de
M. Victor Massi5.
(Première représentation le 6 mars.)
C'est une vérité parfaitement reconnue , établie, que si à l'Opéra
les grands chefs -li'œiivre ne sont pas communs, les petits sont en-
core plus rares. Voilà pourquoi, dans cette dernière catégorie, nous
n'avons toujours à citer, depuis trente ans et plus, que le Comte
Ory, le Dieu et la Baijadére, le Philtre, dont les partitions sont de
deux compositeurs, et les poëmes d'un auteur unique. Scribe comprenait
donc mieux que personne ce genre d'ouvrage si difficile à définir,
qui ne doit être ni une réduction de grand opéra, ni même un
opéra-comique, encore moins un vaudeville. A la bonne heure, mais
que doit-il être? Vous avez trois modèles sous les yeux : cherchez,
voyez, essayez. Ainsi a fait M. Dumanoir, l'un des plus spirituels et
féconds élèves d'une école célèbre, devenu maître à son tour, et il
ne nous semble pas avoir mal réussi dans le choix de son thème
lyrique. Pedro Zamora est un riche fermier dont la mule possède les
honnêtes et paisibles mœurs des animaux de sa race. Ecoutez ce
qu'il en dit lui-même :
C'est elle, qui chaque semaine.
Me mène aux marchés d'alentour.
Et qui doucement me ramène
Quand sonne l'heure du retour.
Bien mieux que moi, la bonne bète,
Sait le chemin de la maison. . .
Ah ! c'est qu'elle a toute sa tête,
Quand moi j'ai perdu la raison.
Pedro ne s'en tient pas à cet éloge; il ajoute que sa mule, con-
naissant ses goûts, ses instincts, s'arrête d'elle-même à la porte des
cabarets, et ce n'est pas tout :
Vienne à passer flUe jolie,
Elle s'arrête encor bien mieux,
Et même alors, chaste et polie,
l'our ne rien yoir baisse les yeux.
Ce dernier trait passe un peu les vraisemblances. On en croira ce
qu'on voudra, mais ce qui nous suffit, c'est que la mule soit douée
de la faculté de revenir au logis dès qu'on la laisse libre, faculté qui
sert de pivot à l'intrigue du nouvel opéra. Le fermier Pedro veut
épouser la belle Gilda, fille de l'hôtelier Hernandez :
Je suis jeune, je dois lui plaire :
Je suis riche, elle doit m'aimer.
Tout au contraire, Gilda n'aime que Tébaldo, jeune soldat, au ser-
vice depuis deux années. Tébaldo revient juste à point pour sauver
Gilda, menacée par un taureau furieux. Il n'avait qu'une heure, il l'a
bien employée. Au moment de partir, il s'aperçoit qu'il est blessé,
que la force lui manque, et il craint de manquer au devoir. Le fer-
mier Pedro, qui avait songé d'abord à se battre avec lui, ne demande
pas mieux que de lui venir en aide. Il lui offre sa carriole et sa mule ;
il l'enveloppe de son manteau :
Je ris du pauvre diable!
Adroit et généreux,
Par ce tour impayable
J'éloigue un amoureux.
Eloigner, c'est bientôt dit ; mais Pedro compte sans sa mule ! Dès
qu'il croit s'être débarrassé du soldat, le fermier enlève résolument
sa belle et la conduit dans son manoir, où Tébaldo arrive de son côté.
Tébaldo s'est endormi dans la carriole, et Pedro dans une cave où l'a
enfermé Gilda. Bref, les deux rivaux se retrouvent en présence : l'un
et l'autre se mettent à sonner le tocsin pour appeler les gens du
village. Pedro n'a d'autre idée que de compromettre Gilda devant té-
moins, et il dit à l'assistance :
C'est un fermier qui va vous présenter sa femme.
Mais Tébaldo l'interrompt brusquement :
La mienne, s'il vous plaît, monseigneur don Pedro.
En cette circonstance le Don accolé au nom propre est terrible-
ment irjn- Cependant, chose étonnante! le fermier se montre
bon priu' ■• au lieu de se fâcher contre le mauvais plaisant , il lu'
adresse une observation fort sage :
Vous avez fait, mon cher, une sotte campagne,
Car, en nommant Gilda ma femme, ma compagne,
Je sauvais son honneur que j'avais compromis...
En ferez-vous autant?....
Non, sans doute : Tébaldo , honteux et confus, reconnaît un peu
tard qu'il est au service et ne peut s'engager dans d'autres liens.
Là-dessus Pedro, ne voulant pas rester à mi-chemin de sa gran-
deur d'âme, lui offre cent ducats pour se racheter, et Tébaldo les
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
accepte. La belle Gilda pardonne au fermier et chante d'une voix
joyeuse :
Dans chaque ferme, d'âge en âge,
Sur les deux rives du Douro,
On parlera du mariage
Fait par la mule de Pedro.
En admettant cette donnée, la critique pensera peut-être que
M. Dumanoir aurait pu en tirer un meilleur parti, et surtout la tour-
ner dans le sens comique. Son petit opéra pèclîe par le double tort
d'être un peu long et un peu sérieux. D'ailleurs il est écrit avec
plus de soin qu'on n'en met ordinairement dans les opuscules de
cette sorte, quoiqu'on y trouve encore des vers tels que ceux-ci,
dont la correction eût été si facile :
La voici cette église où l'onde du baptême
Coula sur mon front assaini !
C'était presque une rentrée que faisait M. Victor Massé, après un
trop long silence, et c'était en même temps un début, puisqu'il n'a-
vait encore rien composé pour notre grande scène lyrique. Il y a
d'excellentes choses dans sa partition nouvelle; mais, si nous ne nous
trompons, il y a moins de liberté, moins de vivacité que dans ses
œuvres précédentes. Serait-ce que la majesté du lieu lui a imposé
de certaines réserves toujours nuisibles à l'inspiration? Sa musique
est bien conçue, bien écrite, mais elle n'a pas assez de ce tour ori-
ginal, imprévu, hardi que l'on avait remarqué dans Galatée, dans
les ISoces de Jeannette, dans la Reine Topaze. Nous ne citons ces
titres qu'à regret et en protestant contre l'intention de les lancer
comme autant de reproches à l'auteur de la Mule de Pedro. Sans
examiner en détail cette partition, disons que le morceau le plus
saillant est celui que chante Pedro, sur le caractère et les habi-
tudes de sa mule. Ces couplets, d'une facture habile et charmante,
reviennent plus d'une fois par fragments et terminent la pièce. Le
chœur des toreros, au premier acte, a produit de l'effet, et l'on a jus-
tement applaudi la romance de Gilda : Chaque jour je me le rap-
pelle; l'air d'entrée de l&asXào : Hameau natal! terre chérie. Au
second acte, nous trouvons plus de' prétention que de valeur réelle
dans l'air de Grilio sur le lutin, et dans la chanson de la gitana;
mais il se peut qu'une seconde audition efface ou modifie nos impres-
sions de la première.
Quant à la distribution des rôles, nous ne saurions l'approuver en
ce qui touche Mme Gueymard : le rôle de Gilda ne convient ni à sa
voix ni à sa taille , qui n'est pas à beaucoup près celle d'une vive et
légère Andalouse ; sa voix, accoutumée aux grandes émotions, n'a
pas non plus l'éclat, le brio que demandent impérieusement les folles
chansonnettes. Le rôle du fermier sied bien mieux à Faure, et sa
belle voix s'y déploie largement; dans celui de Tébaldo, Warot s'est
produit avec un succès qui promet pour l'avenir , et il nous a paru
plus à l'aise qu'au théâtre de l'Opéra-Comique. Les rôles confiés à
Mlle de Taisy et à Guignot ne sauraient compter.
Faut-il dire que les décors, notamment le premier, sont très-agréa-
bles, et qu'ils ont pour auteurs plusieurs de nos artistes renommés?
La mise en scène est aussi soignée que possible, et, selon l'habitude
dès longtemps prise, ne laisse rien à désirer.
Paul SMITH.
AUDITIONS MUSICALES.
H, aean Becber. — Urne Slzarvacly.— Edmoiid fflocmelle.
— SIlIc Berttaa Elcbberg. — I>es frèreis Saaret. —
Sllle Elîsabcfli de filcSioaltz. — aime Farrenc.
M. ]. Becker a obtenu la semaine dernière un grand succès à la
salle Herz. Il a joué un très-difficile et très-beau concerto de Beet-
hoven. Nous avons déjà parlé ici même de cet artiste; nous avons dit
qu'il faisait parfaitement les difficultés, mais qu'il leur sacrifiait parfois
le charme pénétrant, la simplicité de style, la vérité d'accent qu'on
aime tant chez les violonistes, et qu'on admire chez Sivori, chez Alard
et chez Vieuxtemps. Le redirons-nous aujourd'hui ? Oui ; mais un peu
plus faiblement; car, de ce côté, M. J. Becker nous a paru avoir
gagné.
Il y a des maîtres qui en écrivant des concertos ne font que des
fantaisies; Beethoven, lui, au contraire, agrandit encore la forme et
fait quelque chose de colossal. Il n'était pas homme à reculer devant
un doigté plus ou moins périlleux (la musique bien sur les doigts lui
importait peu) ; il croyait avoir atteint son but quand il avait noté
quelques-unes de ses grandes inspirations, et l'on sait ce que sont
en général ses concertos. M. Becker, en exécutant l'œuvre de Beet-
hoven, s'est montré à la hauteur de cette magnifique conception si
redoutée des violonistes ; il a été très-brillant, très-chaleureux. Dans
Vadagio, il a phrasé avec beaucoup de goût. Cette fois, l'ampleur ne
faisait pas défaut, et la sensibilité un peu trop nerveuse de l'artiste se
contenait et laissait à la période musicale toute sa largeur et toute sa
majesté. Après avoir été dans cet ouvrage aussi allemand qu'il l'a
pu, M. Becker, par son élégant Morceau de salon, par ses Grelots du
diable, par la jolie Cascade de Kontski et les belles variations de Pa-
ganini sur Nel cor piu non mi scnto, est revenu à la fantaisie de
style qu'il recherche évidemment. M. Becker, dont l'exécution est re-
marquable, déroute quelque peu les auditeurs accoutumés à classer
les virtuoses et à les rattacher à une école très-distincte. Par ses
qualités de musicien, comme par sa manière de tenir l'archet, il ap-
partient à l'Allemagne ; mais il a pensé qu'il serait glorieux pour lui
de marier la fantaisie italienne, le brio, le fantastique de Paganini, au
sérieux, à la pureté des maîtres d'outre-Rhin, et il ne s'est pas
trompé ; seulement il a tenté l'impossible. En gagnant une certaine
variété, il a peut être perdu ce quelque chose d'original, de franc et
de vrai qui fait saillir une physionomie d'artiste et lui donne une
saisissante et énergique personnalité. M. Becker affectionne certaines
témérités qui, même lorsqu'elles réussissent, étonnent plus qu'elles
ne charment; il brille dans les doubles cordes, dans les sons harmo-
niques, dans les piszicati, et surtout dans les trilles, qu'il enlève à
ravir ; mais il n'a pas cette note profonde qui remue tous les cœurs.
Il est jeune, il aime sincèrement son art, et nous nous demandons
s'il ne ferait pas mieux de pencher davantage d'un côté, de celui,
par exemple, du chant large et des beaux sons.
— L'autre soir, dans les salons Pleyel-Wolff, MM. Maurin et Che-
villard secondaient seuls Mme Szarvady. Leur sérieux talent , depuis
longtemps initié aux coquetteries, aux surprises harmoniques du style
de Mendeissohn, a fait merveille dans le grand trio en ut mineur de
ce maître. Toutes les parties de l'œuvre, notamment le scherzo et le
finale, ont été dites avec une chaleur d'expression, une unité d'in-
tention, que les meilleurs artistes ne rencontrent que bien rarement
à ce point. Après ce tribut payé à la musique d'ensemble , le piano
a supporté seul l'effrayante responsabilité de captiver un auditoire
composé d'artistes et de véritables dilettantes. Disons tout de suite que
Mme Szarvady a triomphé de cette épreuve difficile, même pour les
talents les plus élevés.
Mme Szarvady joue en parfaite musicienne; elle fait sentir le
rhythme et le soutient constamment sans jamais le sacrifier à cette
malheureuse chose qu'on appelle l'effet. Indépendamment de son mé-
canisme, dont il est bien superflu de parler, elle a ces qualités maî-
tresses qui font les grands virtuoses : le sentiment , l'émotion et
l'enthousiasme. Tour à tour sobre, gracieuse, fougueuse et pathéti-
que, dans une sonate de Scarlatti, dans une gigue de Mozart, dans
une gavotte de Rameau et dans une admirable sonate de Beethoven ;
touchante et expressive dans de délicieuses pages de Chopin et de
Slephen Heller, Mme Szarvady a enchanté les plus exigeants.
DE PARIS.
75
— A sa matinëe musicale et littéraire, Edmond Hocmelle a joué
sur l'orgue différentes petites pièces de lui qui toutes ont fait plaisir.
Ces productions brillent plutôt par la correction et l'élégance de
la forme que par la nouveauté et le charme des idées ; elles sont
très-courtes, mais bien faites, et il est étonnant que, avec son ta-
lent, l'auteur n'écrive rien de plus grand et de plus distingué.
M. Edmond Hocmelle ne s'est pas contenté d'être applaudi comme
organiste et comme compositeur, il a voulu l'être aussi comme chan-
teur, comme poëte et comme professeur de chant. A t-il réussi?
Quoi qu'il en soit, il ne nous en voudra pas de dire que Jules Lefort
a fait plus de plaisir que lui ; car nous dirions probablement la
même chose, mais avec renversement, si Jules Lefort s'avisait jamais
de vouloir se produire comme instrumentiste. Mlle Martinelli , élève
de M. Hocmelle, dit bien et phrase avec goût. Si ses vocalises lais-
sent encore à désirer, sa jeunesse et le travail lui permettront de
les perfectionner. On a beaucoup encouragé Mlle Marie Jung, qui a
joué l'andante et le finale du cinquième concerto de Henri Herz, son
maître, avec une netteté, une élégance et un charme remarquables.
Comme toujours, les plus enthousiastes bravos ont accueilli Alard.
Avec sa fantaisie sur Robert le Diable, il a profondément ému l'audi-
toire. C'étaient les voix d'Alice et d'Isabelle dans leurs plus beaux
jours. Le grand violoniste a trouvé une fois encore les accents pa-
thétiques, les élans de sensibilité, le beau sentiment dramatique et
la vérité d'expression qui, mieux que les plus étonnantes surprises
du mécanisme, ont le privilège de passionner les foules.
— MM. Kriig-er, Hermann et MuUer ont fort bien exécuté, la se-
maine dernière , au concert de Mlle Berlha Eichberg , un trio de
Gade. A en juger par cet ouvrage sérieux, distingué de forme, plein
de couleur et de fraîches mélodies, M. Gade mériterait qu'on fît pour
lui ce qu'on a fait pour Schumann, auquel il se rattache par plus
d'un côté, et notamment par un désir évident d'explorer des routes
nouvelles.
Mlle Bertha Eichberg, brillante élève de M. Théophile Kriiger, a
fait entendre une très-jolie fantaisie de son maître sur des mélodies
de VElisire d'amore, la Danse des fées, de P. Alvars, et un grand
duo de Godefroid, dans lequel Mlle Hermann a très-élégamment fait
sa partie, L'Allemagne , de même que l'Angleterre , aime les poèmes
d'Ossian , les chœurs de bardes , et est restée fidèle à la harpe.
M. Théophile Kriiger est, dit-on, l'un des champions les plus distin-
gués de cet instrument, et son élève eu joue d'une façon charmante ;
elle a un bon style, beaucoup de goût, de brio et d'expression.
M. W. Kriiger prêtait l'appui de son talent si justement apprécié
à l'élève de son frère ; il a joué un caprice de sa composition sur
Guillaume Tell, et a été très-chaleureusement accueilli.
— Les frères Sauret, l'un violoniste, l'autre pianiste, sont trop in-
téressants, ils annoncent une vocation trop prononcée, des disposi-
tions trop précoces, pour que nous ne constations pas le plaisir qu'ils
ont fait éprouver l'autre soir dans les salons Erard.
Rien de plus gracieux, de plus aimable à voir et à entendre que
ces charmants enfants, qui seront sans doute un jour de véritables
artistes. On a été étonné de leur sentiment musical, des qualités ac-
quises qu'ils possèdent déjà, de la justesse et de l'expression avec les-
quelles ils ont attaqué, soit le duo d'Osborne et de Bériot sur Guil-
laume Tell, soit une sonate de Fiorillo, soit une fantaisie sur la
Favorite, et on ne leur a point marchandé les bravos.
— Lundi, Mlle Elisabeth de Schoultz a rendu très-sobrement le
nocturne en ré bémol de Chopin, magnifique rêverie dont la profon-
deur est cachée à bien des yeux sous le charme d'une forme artiste-
ment élaborée. Mlle de Schoultz recherche parfois les couleurs tran-
chées, puissantes, les sonorités tumultueuses, heurt<5es, et son talent
y perd alors de sa grâce et de sa souplesse. Pour notre part, nous
l'aimons bien mieux lorsqu'il ne vise pas trop à la vigueur et qu'il
se montre net, franc et délicat. Dans des fragments d'un concerto
de Henselt et dans une valse de Schubert, le jeu de la jeune pianiste
a été énergique sans de trop grands éclats de sonorité. Là, Mlle de
Schoultz n'a point forcé son talent : elle est restée elle-même, c'est-
à-dire fort distinguée et fort élégante. Elle a dit en bonne musi-
cienne et avec beaucoup de fermeté et de chaleur un très-joli trio
de Damcke. MM. Hammer et Lebouc ont interprété aussi ce trio d'une
manière remarquable. Ce dernier a joué ensuite ses variations sur
des airs irlandais; il a tiré de son violoncelle des sons délicieux.
M. Lebouc est un artiste sérieux et convaincu; il possède la plus
précieuse de toutes les qualités de l'exécutant : le style ; aussi est-il
toujours écouté avec sympathie. Une romance de Cosi fan lutte,
chantée par Naudin avec cette flexibilité, cette égalité de voix, cette
douceur, cette grâce qui charment les oreilles et ravissent l'âme, a
fort agréablement diversifié cette soirée.
— Mme Béguin-Salomon, MM. Alard, Lebouc, Gouffé et Casimir Ney
ont joué, à la soirée donnée par Mme Farrenc, des œuvres de cette
éminente pianiste compositeur. C'est dire qu'elles ont été admi-
rablement interprétées par quelques-uns, et fort joliment par quel-
ques autres. Ce que nous tenons surtout à constater aujourd'hui (car
le succès des exécutants se renouvelle chaque jour, et celui des
auteurs n'a pas ce même bonheur), c'est le mérite très-peu com-
mun qui distingue les ouvrages de Mme Farrenc. Ce mérite est assez
grand, il est assez connu depuis longtemps pour que nous ne cher-
chions pas à le surfaire; d'ailleurs, l'exagération dans l'éloge, qui
est souvent une preuve de bienveillance, n'est pas digne, à notre
avis, des artistes haut placés. Disons donc que si les idées de
Mme Farrenc ne sont pas toujours aussi neuves, aussi saillantes qu'on
l'attendrait d'elle, elles sont du moins traitées avec infiniment d'art ;
que si sa musique ne s'élance pas au-delà des bornes posées par les
maîtres, — nous parlons de la forme, bien entendu, — elle n'en at-
teste pas moins, à chaque pas, un talent consommé, sûr de lui,
ferme et brillant. Le talent n'est certes pas le génie ; mais, quand il
atteint à celte hauteur, il lui ressemble, et s'il n'en a pas tout l'essor,
il n'en a pas non plus les inégalités. Dans le quintette et dans les
sonates entendus mardi, on a retrouvé l'élégance, la finesse, le goiit
exquis, l'unité de style, qui ont valu à Mme Farrenc de si précieux
suffrages et de si beaux succès.
Adolphe BOTTE.
LÀ TARENTELLE.
Pendant un séjour de plusieurs années en Espagne, et notamment
dans les provinces de Murcie et d'Andalousie, j'ai eu fréquemment oc-
casion d'observer la danse connue sous le nom de tarentelle, et qui
est exécutée par les personnes qui ont été mordues par la tarentule.
C'est une araignée ayant environ un pouce de long, rouge sous le ven-
tre, le dos tacheté de noir; à part la grosseur, elle ressemble à l'a-
raignée domestique. On la trouve dans l'Italie méridionale , en Espa-
gne et dans le nord de l'Afrique. Ses yeux, d'un jaune clair, luisent
la nuit comme ceux; du chat. Elle en a huit, quatre rangés en
carré et quatre sur la même ligne, sur le bord supérieur du front.
La tarentule creuse, de préférence dans des terrains marécageux,
un trou perpendiculaire, qu'elle remplit tout entier. C'est surtout la
nuit qu'elle donne la chasse aux insectes dont elle se nourrit ; je ne
sache pas qu'elle attaque dautres animaux.
La morsure de la tarentule est suivie d'une douleur aiguë, pareille
à celle que produit l'aiguillon de l'abeille ou de la guêpe ; elle dure
environ douze heures, mais jamais personne n'en est mort.
76
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Dans toute l'Espagne règne encore aujourd'hui le préjugé que si
on a été piqué de la tarentule, le seul remède auquel on ait à re-
courir, c'est la danse furieuse que vous savez. Dès qu'un individu
se sent piqué, on fait venir les guitarreros qui jouent une taren-
telle, et l'on invite le patient à gambader de son mieux. Le jeu des
musiciens s'accélère successivement, et le malheureux danseur fait
des bonds désespérés jusqu'à ce que, haletant, baigné de sueur, il
tombe de fatigue.
C'est dans la province de Murcie que, pour la première fois, je fus
témoin de ce singulier exercice chorégraphique. Le patient avait été
piqué une heure auparavant. Plus il montrait d'ardeur dans ses
gambades, et plus les assistants l'applaudissaient et l'excitaient par
leurs bravos. J'appelai le danseur, et il vint à moi sans hésiter.
Quoique la danse fût interrompue, il n'en ressentit aucune suite fâ-
cheuse. Je visitai la main blessée ; sans le consulter, je fis une inci-
sion dans la tumeur et frottai la plaie avec du sel ammoniac. La
douleur qu'il ressentit lui fît encore faire quelques bonds, puis il
s'assit : au bout de quelques minutes, tous les symptômes doulou-
reux avaient disparu*
A la suite de plusieurs opérations de ce genre, qui furent suivies
d'un plein succès, la tarentelle fut complètement discréditée parmi
les paysans de la Murcie. On ne tarda pas à se convaincre que Va-
gua juerte du médecin allemand agissait bien plus énergiquement
que la danse la plus furibonde.
Le Docteur BREHM.
NÉCROLOGIE.
nime DAMOBEAV-CIIVTI.
C'est, comme nous l'avons déjà fait observer, trente-cinq ans, jour
pour jour après la première représentation de la Muette, dans la-
quelle Mme Damoreau-Cinti créait le rôle d'Elvire, que ses restes
mortels ont été conduits au lieu du repos. Des souffrances si cruelles
avaient affligé la fin de celte vie longtemps heureuse et brillante que
le dernier moment en dut être regardé par ceux qui l'entouraient
comme celui de la délivrance, et pourtant ce n'en était pas moins
une perte vivement sentie par tous ceux qui l'avaient connue, ad-
mirée, applaudie, ou qui savaient seulement quelle place elle avait
occupée dans l'art français.
Parmi les notabilités de tout genre qui assistaient aux obsèques
de la célèbre cantatrice, on distinguait MM. Auber, le baron Taylor,
Georges Kastner, Alfred Blanche, Alphonse Royer, etc.
On y remarquait aussi beaucoup d'artistes, et dans le nombre,
MM. ChoUet, Perrot, l'ancien danseur, ainsi que plusieurs dames ayant
appartenu ou appartenant encore au théâtre. M. Wekerlin, gendre
de la défunte, conduisait le deuil, et les cordons du char funèbre fu-
rent successivement tenus par MM. Camille Doucet, Emile Perrin, Am-
broise Thomas, Adolphe de Leuven, de Saint-Georges, Duprez, et
Desprez, le sculpteur. M. Heugel avait présidé à tous les détails de la
cérémonie, et M. Plantade en avait réglé la partie musicale, à la-
quelle ont concouru MM. Levasseur, Obin, Belval, Warot et Gourdin,
qui se sont fait entendre dans la messe chantée par les choristes de
l'Opéra et de l'Opéra-Comique.
Quand le cortège funèbre eut atteint dans le plus grand recueille-
ment le cimetière Montmartre, M. Edouard Monnais, commissaire
impérial près les théâtres lyriques et le Conservatoire, s'exprima en
ces termes :
« Le Conservatoire tout entier, son illustre chef d'abord et les ar-
tistes dont il se compose, vient, par mon organe, déposer un
douloureux hommage sur cette tombe qui va se fermer pour
jamais.
» Mme Damoreau n'est plus, et nous qui l'avons suivie depuis le
premier pas jusqu'au dernier dans sa brillante carrière de cantatrice
et de professeur, nous n'avons qu'à dire la vérité toute simple pour
lui décerner un éloge qu'envierait l'orgueil le plus exigeant, inais
que n'aurait pu désavouer son aimable et sincère modestie.
» Au Conservatoire, Mlle Laure-Cinthie Montalant, qui devint
Mme Damoreau, fut ce qu'on appelle Yenfant de la maison. Elle n'a-
vait pas sept ans lorsqu'elle y fut admise comme élève du solfège;
elle y étudia le piano , l'harmonie , la vocalisation. Il n'entrait pas
dans le plan des fondateurs d'exclure les femmes de l'enseignement,
puisque le nom de Mme Mongeroult, si "estimée comme pianiste,
figure sur la première liste des professeurs ; mais il disparut bientôt,
et sauf de rares exceptions pour des classes secondaires, on ne ren-
contre plus dans le professorat que des noms d'hommes , jusqu'à
l'époque où l'on voit apparaître celui de Mme Damoreau, à qui une
classe de chant fut confiée, et elle la garda plus de vingt ans.
» Notre Rachel aussi reçut le titre de professeur, mais elle n'en
exerça pas les fonctions. Mlle Mars, Mlle Georges, furent seulement
appelées au comité des études et au jury des concours. Mme Damo-
reau fut réellement, sérieusement professeur, et en cette qualité elle
forma une école. L'enfant de la maison eut alors le droit d'en être
surnommée la Muse, comme cet être idéal placé par M. Ingres dans
l'admirable portrait de Cherubini, et dont le regard divin plane sur
le grand artiste.
» Mme Damoreau était née le 6 février 1801. C'est en 1816 qu'elle
débuta sur la scène italienne, où le célèbre Garcia la fit monter pour
chanter avec lui dans son Califfo di Bagdad. En 1825, elle parut au
grand Opéra dans une représentation extraordinaire. Pendant quelques
mois, elle se partagea entre les deux théâtres, et, en 1826, elle s'at-
tacha exclusivement au dernier, qu'elle quitta dix ans après pour
passer à l'Opéra-Comique. Au mois de mai 1841, elle crut devoir
prendre sa retraite au milieu de ses succès.
» Avant elle, nulle artiste n'avait obtenu la double couronne qui
ceignait son front : celle du chant italien et celle du chant français
dans les deux genres si voisins, mais si différents, du grand -opéra
et de l'opéra-comique. Si la forte émotion n'était pas de son domaine,
la pureté, la correction, l'élégance hardie, lui appartenaient par droit
de nature et d'éducation. C'était on clavier parfait que sa voix. Cha-
cune de ses notes, irréprochable dans sa justesse, avait la sûre et
douce sonorité d'une touche d'ivoire.
» A elle la gloire d'avoir inspiré des hommes de génie : Rossini,
Auber, Meyerbeer, Halévy. Les airs qu'ils ont écrits pour elle con-
serveront à jamais le souvenir, et, s'il faut le dire, l'impression, la
trace de cette voix, pourtant si légère. C'est que les grands artistes
qui exécutent ont leur part de création dans l'œuvre des hommes de
génie qui composent. On trouve, on invente pour eux ce qu'on n'au-
rait trouvé ni inventé pour nul autre, et ce fut là sans aucun doute
l'un des plus rares et des plus précieux privilèges départis à Mme Da-
moreau.
» Dans le professorat, elle porta le même goût, le même talent
qu'au théâtre. Dans la méthode de chant qu'on lui doit, on la re-
trouve toujours avec sa raison, sa modération fine et ingénieuse. Que
n'a-t-elle pu y déposer aussi sa grâce spirituelle et son inépuisable
bonté ! Elle était chérie de toutes ses élèves, parce qu'elle ne refusait
à aucune sa tendresse, son zèle et ses soins. Dans ses leçons, dans
les examens, elle les accompagnait toujours elle-même sur le piano,
et avec quel talent ! 11 nous semble l'entendre encore !
» D'autres que nous vous peindront ses qualités de femme, de mère
DE PARIS.
77
d'amie. Nous ne devions vous parler que de l'artiste, dont le modèle
n'existait pas chez nous. Nous ne voulions que rappeler ses titres à
une renommée que le temps ne détruira pas. »
MM. de Saint-Georges et Ambroise Thomas prirent ensuite la pa-
role : le premier, au nom des auteurs dramatiques ; le second, pour
les compositeurs de musique, et nous regrettons vivement de ne pou-
voir reproduire ici les touchants discours dans lesquels ils ont achevé
le portrait de la célèbre artiste. Nous ne citerons, pour conclure,
que les derniers mots de M. Ambroise Thomas, à propos des élèves
de Mme Damoreau et des traditions laissées par elle :
« Trop tôt retirée du théâtre, trop tôt perdue pour le Conserva-
toire, elle n'en a pas moins laissé d'ineffaçables souvenirs.
» Ses élèves, et surtout celle qui lui était naturellement la plus
chère, et comme le reflet vivant de son style admirable, sauront
maintenir la tradition de sa méthode ; le public qu'elle a charmé ne
l'oubliera jamais, et ses nombreux amis resteront toujours fidèles à sa
mémoire. »
Le défaut d'espace nous oblige à remettre à la semaine prochaine
la Revue des théâtres de M. D. A. D. Saint-Yves.
NOUVELLES.
^*^ Le théâtre impérial de l'Opéra a donné cette semaine deux re-
présentations de la Muette, et vendredi, pour les débuts de Warot, la
première représentation de la Mule de Pedro, de Victor Massé.
^*^ On prépare la reprise du Comte Ory pour la semaine de Pâques.
Warot, Obin, Borchardt, Mmes Wandenheuvel et de Taisy rempliront
les principaux rôles de cet ouvrage.
»*:„ Quelques coupures ont été faites à l'opéra de M. Duprato, la Déesse
et le Berger ; il précède maintenant Lalla-Rookh.
^*, Pour couper court à des commentaires désobligeants qui se sont
produits récemment dans la presse parisienne au sujet de l'orchestre du
théâtre impérial de l'Opéra-Comique, M. de Leuven vient d'adresser la
lettre suivante aux journaux :
« Monsieur le rédacteur,
» Permettez-moi de répondre un mot à certaines petites insinuations
plus que malveillantes qui s'adressent à la nouvelle direction du théâtre
de rOpéra-Comique, relativement à de prétendues mesures d'économie
portant principalement sur les artistes de l'orchestre.
» Dans mon administration personne n'a jamais eu la pensée qu'on
nous attribue si gratuitement.
» Bien loin de songer à amoindrir un orchestre qui doit toujours être
maintenu au premier rang, je veux en améliorer et surtout en régula-
riser le service. Les concours annoncés ne pourraient donc effrayer que
les artistes médiocres ou manquant à leur devoir.
j) Je mets d'ailleurs au défl tout artiste de l'orchestre de faire la
preuve qu'on lui ait proposé la moindre diminution.
» Veuillez agréer l'expression de mes sentiments distingués.
» A. DE Leuven. »
^*.f Tamberlick a fait sa première réapparition sur 1» scène italienne
hier samedi par le rôle de Poliuto. Le même opéra sera donné ce soir,
et on annonce Otello pour fa semaine prochaine.
^*^ M. Carvalho, directeur du théâtre Lyrique vient d'engager pour
trois ans un ténor, M. de Quercy, qui chante en ce moment à Versail-
les avea beaucoup de succès.
»*^ La première représentation des Peines d'amour perdues {Cosi fan
tutte) aura lieu cette semaine au théâtre Lyrique.
j*a.Onlitdans VEntr'acte: « Les Bavards obtiennent aux Bouffes-Parisiens
un succès immense et justifié. Tout: d'abord la pièce si originale; en-
suite la partition, pour laquelle M. Offenbach s'est surpassé ; puis l'inter-
prétation avec Mme Ugalde dans le rôle de Roland, qu'elle joue en
comédienne consommée et qu'elle chante en cantatrice émérite, avec les
joyeux Pradeau et Désiré ; enfin la mise en scène jolie, gracieuse, de
hon ton comme la pièce et la musique, tout, disons-cous, contribue à
cette brillante réussite qui n'a recueilli que des éloges dans la presse
et que le public consacre chaque soir. »
,1,*^. Le conseil municipal de Paris vient de décider la reconstruction
sur place de la salle des Bouffes-Parisiens, passage Choiseul , reconnue
trop petite pour la foule qui se porte à ce théâtre. Xn lieu de cinq cents
places à peu près que jauge la salle actuelle, il y en aura mille vingt.
s,*^ On a annoncé l'engagement à la Porte-Saint-Martin de Désiré et
Edouard Georges pour jouer dans les Pilules du Diable ; mais cet enga-
gement est limité au congé que leur donne la fermeture annuelle des
Bouffes-Parisiens. Ils y reprendront leur service à la réouverture en
septembre. — L'intention du directeur des Bouffes est de ne pas entre-
prendre de tournée théâtrale à l'étranger cette année.
^•*^ Le théâtre italien de Covent-Garden va reprendre cette saison la
Stella del Nord, de Meyerbeer, dont le grand succès ne fut interrompu
que par l'incendie du théâtre.
^*^ Une dépêche télégraphique vient d'annoncer que le début de
Mme E. Lagrua au théâtre Regio, à Turin, a eu lieu aux applaudissements
enthousiastes de la salle entière. Rappelée après chaque morceau, la cé-
lèbre cantatrice, dont la voix n'a jamais été plus belle, a dû reparaître
cinq fois encore après la chute du rideau.
^*^ Stradella fera partie du programme de M. Gye pour la saison pro-
chaine du théâtre italien de Covent-Garden.
j,*,., Le théâtre national de l'Opéra à Madrid joue l'opéra de Stradella,
traduit en espagnol avec beaucoup de succès.
^*^ Le concert de la Cour qui a eu lieu lundi, avait puisé son pro-
gramme dans le répertoire de l'Opéra-Comique, interprété par Mmes Ci-
co, Marimon, Troy et Aohard; différents morceaux des A^oces de Jean-
nette, du Chalet, de h Dame Blanche, du Domino noir, du Caid, ont fait le
plus grand plaisir à l'illustre auditoire, etLeurs Majestés ont complimenté
les artistes avec la plus grande bienveillance. — Demain, ce sera le tour
des Italiens ; Tamberlick doit y chanter, et un joueur de mandohne
italien, il slgnor Vailati, qui a joué avec beaucoup de succès de cet
instrument chez S. A. I. la princesse Mathilde, doit s'y faire en-
tendre .
*'** Le sort vient de favoriser deux artistes qui, chacun dans leur
genre, ont droit ;i la sympathie de tous ceux qu'intéresse l'art musical;
MM. Gourdin, du théâtre de l'Opéra-Comique, et le jeune pianiste, Al-
phonse Duvernoy, étaient appelés cette année par la conscription ; le
premier a amené le n» 55i, et le second, le n" 485, qui les enlèvent
à la loi du recrutement.
»** Mlle Wertheimber est à Lille, oii elle joue tout son répertoire
avec un brillant succès.
^*» Demain lundi à 1 1 heures, Mlle Gillebert, dite Trebelli, et le ténor
Alessandro Bettini recevront la bénédiction nuptiale à Saint-Roch.
s,** Demain lundi, 9 mars, à midi, à l'église Saint-Eustache, les or-
phéonistes, les chœurs de la ville de Paris et l'orchestre des Concerts
populaires exécuteront le Requiem de Mozart, sous la direction de
M. Pasdeloup, et à la mémoire de Wilhem. Le produit de la quête est
destiné aux ouvriers cotonniers sans travail.
^*^ A la deuxième réception artistique de M. le comte de Nieuwer-
kerke, Naudin s'est fait entendre deux fois ; il a chanté l'air de Roberto
Devereux, Bagnato il sen, et la romance de Cosi fan tutte, qu'on lui a
redemandée avec acclamation — Naudin vient d'être engagé pour deux
mois (du 15 avril au 15 juin) par M. Gye, directeur de Covent-Garden.
Le célèbre ténor y chantera le rôle de Stradella.
**^ L'Association des artistes musiciens de France a fait entendre une
messe de M. Léon Gastinel, le 23 février, à l'église de Saint-Vincent de
Paul. Les artistes, au nombre de deux cents, étaient dirigés par M. De-
loffre, chef d'orchestre du théâtre Lyrique. Les morceaux les plus re-
marqués sont le Kyrie, le Gloria, le Sanctus et le Domine salvum. C'est
la quatrième fois que le comité désigne une des messes de M. Gastinel
pour être exécutée dans des solennités musicales et religieuses. (La
quête a produit 1,200 francs.) — Nous mentionnerons aussi le succès
que le même compositeur vient d'obtenir dans la matinée du 2i février,
chez M. Lebouc. Un quatuor de lui, interprété par Mme Béguin-Salomon
(piano), MM. White (violon), Adolphe Blanc (alto) et le maître de la
maison, a complètement réussi. La première partie et le scherzo surtout
ont été vivement applaudis.
^*s: Samedi, Mlle Battu et Zucchini ont chanté .à la réception de
M. Haussmann dans les salons de l'Hôtel de ville.L e nombreux et brillant
auditoire a vivement applaudi la jeune cantatrice après le brindisi de
Stradella, composé pour elle par M. de Flotow, et qu'elle a dit avec beau-
coup de brio. Pasdeloup dirigeait l'orchestre.
78
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
»** Le cinquième concert de la Société du Conservatoire a lieu au-
jourd'hui 8 mars. En voici le programme : r Symphonie n° 31 d'Haydn;
2° chœur de Castor et PoUimc, de Rameau ; 3° fragment du ballet gli
Uomini di Prometeo, de Beethoven ; 4° psaume (double chœur) de Men-
delssohn (paroles de Trianon); 5° symphonie en la, de Beethoven.
^*^ Aujourd'hui dimanche, à 2 heures, au cirque Napoléon, quatrième
concert populaire de musique classique, troisième et dernière série,
sous la direction de Pasdeloup : 1° Symphonie en sol majeur (n" 45) de
Haydn; 2° Allegretto un poco agitalo de l'opéra 58 de Mendelssohn;
3° Symphonie en mi bémol de Beethoven; à" Ouverture de Sémira-
mide.
^% Vendredi 13, premier concert historique de Jean Becker, qui fera
entendre : 1° Sonate de Tartini {Trille du Diable) ; 2° Concerto de Viotti;
3" i Palpiti, fantaisie de Paganini ; 4° La Redda dei Fallelti , de Baz-
zini.
^*» Mme Madeleine Graever est appelée à jouer au concert donné pour
Leurs Majestés le roi et la reine, par la Société Félix Meritis.
^*^ Une séance intéressante avait lieu le 2 de ce mois dans les salons
du Cercle des sociétés savantes. Mme AUaire-Dietsch, nièce de l'esti-
mable chef d'orchestre de l'Opéra, donnait, avec le concours de MM.Gar-
cin, Violet, Trombetta et Babaud, artistes de l'Académie impériale de
musique, une soirée musicale, dont Haydn, Mozart, Weber et Mendels-
sohn faisaient les frais. Mme AUaire-Dietsch est une pianiste de race,
qui s'est fait applaudir particulièrement dans la délicieuse sonate en si
bémol de Mozart, qu'elle a dite, ainsi que M. Garcin, avec une rare
perfection. Elle ne s'est pas fait moins applaudir dans l'exécution de
deux jolies pièces de démenti, ainsi que dans le quatuor en si bémol
do Weber et dans le superbe trio en ré mineur de Mendelssohn.
Mme AUaire-Dietsch a remporté un succès complet, justifié par d'émi-
nentes qualités, et partagé par les artistes remarquables dont elle
s'était entourée.
^*^ Le dernier concert populaire du Cirque Napoléon offrait comme
attrait principal l'ouverture de la Grotte de Fingal, chef-d'œuvre de fan-
taisie, d'invention et de caractère vraiment original, admirablement
exécuté par l'orchestre. On l'avait redemandée et on la redemandera
encore. Il n'en sera pas de même de la symphonie en si bémol de
Schumann, malgré son excellent scherzo; mais l'andante et surtout le
finale ont été peu goûtés : quelques personnes en ont dit leur avis d'une
façon qui aurait pu être, sinon plus juste, du moins plus convenable.
:i,*:i, G. Wieniawski, de retour à Paris, donnera un grand concert le
20 mars, salle Pleyel-Wolff. Le programme, que nous publierons en en-
tier dans notre prochain numéro, sera des plus intéressants, et contien-
dra, entre autres morceaux, des mazurkas inédites et la sonate de Wie-
niawski.
^*^ Samedi 14 mars 1863, à 8 heures 1/2 du soir, dans les salons
d'Erard, concert de Mlle Wilhelmine Belin de Launay, avec le concours
de M. Alard, Badiali et de Mlle R. Desnoyer.
^*^ Samedi prochain, à la salle Herz, Mme Peudefer, cantatrice dis-
tinguée, donnera un concert avec le concours de MM. Archainbaud, Léon
Lecieux et de Mlle Marie Beaumetz.
^*^ Demain lundi, dans les salons Erard, concert de l'éminent har-
piste NoUet.
^*.j. Le jeune violoniste Hugo Heermann et sa sœur, Mlle Hélène Heer-
mann, harpiste de talent, donneront mardi prochain, 10 mars, un con-
cert dans les salons Erard.
/* Mlle Charlotte de Tiefensée a parcouru cet hiver les Pays-Bas,
et s'est fait entendre, avec le plus brillant succès, à plusieurs reprises
dans les principales villes, notamment à Arnheim, à Amsterdam, à la
Haye. Dans cette dernière ville, elle a eu l'honneur de chanter chez
S. M. la reine-mère, qui a daigné lui exprimer sa satisfaction dans les
termes les plus flatteurs.
^*^ Mardi prochain, 10 mars, séance de musique de chambre de
M. Charles Lamoureux, avec orchestre sous la direction de M. Del-
devez.
,t*^ Mercredi prochain, 1 1 mars, à 8 heures et demie du soir, dans les
salons de MM. Wolfi" et O', quatrième soirée de SIM. Armingaud, Jac-
quart, Lalo et Mas, avec le concours de Mme Massart.
/^ Le maître de chapelle J. Strauss, à Vienne, a reçu récemment le
titre de directeur des bals de la Cour, emploi qui était resté inoccupé
depuis la mort de son père.
**^ Un nouveau chœur pour quatre voix d'homme, les Entrées triom-
phales, composé par Emile Jonas, avec ou sans accompagnement de fan-
fare {ad libitum), est destiné k réunir, dans les manifestations publiques,
les sociétés chorales et instrumentales, qui manquaient jusqu'à présent
d'un répertoire composé dans ce but. Ce chœur, d'une exécution facile,
trouvera naturellement sa place dans les cortèges, aubades, concours.
distributions de prix, etc. II se vend au bureau du journal l'Orphéon,
2, passage du Désir, et chez M. Adolphe Sax, 50, rue Saint-Georges.
^% Vendredi prochain, dans les salons Erard, deuxième concert de
Mme Schumann, avec le concours de Mmes Viardot, Szarvady et autres
artistes distingués.
*** A la dernière soirée de Rossini, qui était très-brillante, Mlle Tre-
belli a chanté une polka-mazurka inédite, la Farfalletta, de l'auteur d'/i
Bacio. Diémer y a joué pour la première fois une fantaisie bouffe pour
piano, composée par l'illustre maestro, et intitulée VEnterrcment du car-
naval, dont l'effet a été étourdissant.
*** A son arrivée à Paris en avril, S. Thalberg donnera dans les sa-
lons d'Erard un concert où il fera entendre les sonates en ut et en ré,
et V Adélaïde, de Beethoven. — La marche funèbre, les polonaises en la
bémol et en ut dièze mineur de Chopin; — des études de Moschelès ; — leme-
nuetde la symphonie en soi mineur de Mozart; — le scherzo du Songe d'une
nuit d'été, de Mendelssohn ; — ■ VAve Maria, la Fille du pêcheur et le Joueur
de vielle, de Schubert; —la ballade de Preciosa, de Weber, et, de lui-même,
Etudes en octaves liées, le trille-pastorale, airs irlandais, airs écossais (tous
morceaux Inédits).
*** Mme Madeleine Graever a brillamment et rapidement reconquis la
place qu'elle occupait dans le monde des artistes lorsqu'elle quitta la
France. L'immense succès qu'a obtenu son premier concert à l'hô-
tel du Louvre et les nombreuses demandes qui lui ont été adressées
l'ont décidée à le répéter, et nous l'entendrons de nouveau le 24 mars,
dans la grande salle du Louvre. Mme Graever a voulu s'entourer des
mêmes éléments, et Litolff conduira l'orchestre. Nous en donnerons,
incessamment le programme, qui offrira, entre autres, plusieurs composi-
tions de la bénéficiaire.
^*,f Le jeune pianiste, M. Goldner, donnera son concert à la salle
Pleyel, le 17 mars, avec le concours de Mme Oscar Comettant, M. Heer-
mann, M. Poëncet et le fameux tromboniste, M. Nabich; le bénéficiaire
fera entendre plusieurs morceaux de sa composition.
^,*a, M. Alfred Dufresne, compositeur de musique, vient de mourir à
l'âge de quarante et un ans. Il avait fait représenter au théâtre Lyrique
les Valets de Gascogne, et aux Bouffes-Parisiens Maître Bâton, En revenant
de Pantoise et l'Hôtel de la poste. M. Alfred Dufresne était beau-frère de
M. Gilles, secrétaire du théâtre Lyrique sous la direction de M. Ch. Réty.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
/, Strasbourg, 1«' mars. — Le grand concert donné au bénéfice des
ouvriers de l'industrie cotonnière a été non moins beau que productif.
On y a exécuté Berlin la nuit, symphonie descriptive de M. Victor Elbel,
et l'Océan, oratorio du même auteur. L'orchestre a parfaitement rendu
la première de ces œuvres : les solos de violon, de hautbois, de clari-
nette et de flûte ont été successivement applaudis. C'est M. Schwaederlé
qui exécutait le Songe. Dans l'oratorio, MM. Koubly, Marchot et Mlle Ro-
zés s'étaient chargés des solos, et les ont chantés avec un plein succès.
La ballade du Vaisseau fantôme a valu à Mlle Rozés une triple salve de
bravos. Le rideau est tombé au bruit de manifestations chaleureuses,
dont une bonne part revient à l'auteur des deux compositions que l'on
venait d'entendre.
^*» Lille, 2 mars. — Le troisième concert du Cercle du Nord a été
très-brillant. M. Peschard et Mlle Trebelli s'y distinguaient dans la par-
tie vocale ; M. Arban, le Paganini du cornet à pistons, qui exécute sur
son instrument des choses fabuleuses avec la plus grande aisance, nous
a fait entendre son Carnaval de Venise ainsi qu'une charmante fantaisie.
Comme partout, son succès a été très-grand, très-mérité. C'est, du
reste, un des musiciens qui jouissent d'une réputation européenne.
L'orchestre, sous la direction de son excellent chef, M. Bénard, a exé-
cuté un pot-pourri d'Hanssens, sur des motifs populaires habilement
enchaînés. Les ouvertures de Zanctta et de la Juive ont été fort applau-
(jies. — Au quatrième concert, donné la semaine dernière par V Associa-
tion lilloise, le chef d'orchestre de cette Société, M. Paul Martin, ancien
premier prix de violon de notre Conservatoire, a été l'objet d'une ova-
tion toute particulière. Un magnifique archet lui a été offert par le
comte de Melun, au nom de la Société, comme un témoignage de vive
sympathie et de reconnaissance. Les paroles prononcées par M. le
comte de Melun au moment où il est monté sur l'estrade pour présen-
ter l'archet à l'artiste, ont ému l'auditoire. Mme Oscar Comettant, que
sa jolie voix et son excellente méthode font rechercher de toutes les
sociétés philharmoniques, chantait à ce concert, et les journaux de la
localité constatent dans les termes les plus chaleureux le succès qu'elle
y a obtenu.
a,*^ Arras. — Mlle Baretti, MM. Peschard et Mohr ont pris part au
„econd concert d'abonnement de la Société philharmonique. Le public
DE PARIS.
^9
et les artistes n'ont eu qu'à se féliciter des résultats de cette brillante
soirée. L'orchestre, dirigé par M. Poisson, a fort bien exécuté l'ouverture
de Sémiramis et un fragment de la symphonie pastorale.
*** Grand, i<" mars. — La représentation extraordinaire au bénéfice
de M. Siiigelée, l'excellent chef d'orchestre, se composait de la Part
du Diable, et d'un intermède musical. Les cadeaux que lui ont offerts
les habitués et les artistes étaient splendides ; en outre, chaque ar-
tiste lui a remis un bouquet en témoignage de l'attachement que lui por-
tent ceux qui l'entourent.
^*g. Marseille. — Les représentations de Robert, des Huguenots, de
la Juin, du Trovatore, que vient de donner Mlle Sax, de l'Opéra de Paris,
sur notre Grand-Théâtre, ont été fort brillantes et fort suivies. On y a
surtout admiré le magnifique organe de la jeune cantatrice et des qualités
dramatiques incontestables. L'inauguration de la Société de l'Union des
Arts a été ces jours-ci l'occasion d'une grande solennité musicale. Elle s'est
onverte par une cantate de Méry, dont Reyer a écrit la musique, et à
laquelle ces deux enfants de la Provence ont donné le titre de Marseil-
laise des Arts. Chantée par Mlle Sax et par Jules Lefort, qui l'a dignement
secondée, cette ode a électrisé l'auditoire. Une ouverture du directeur
de notre Conservatoire, M. Jlorel; une fantaisie d'Alard, exécutée par le
célèbre violiniste, et plusieurs morceaux chantés par Jules Lefort et
Mlle Sax, ont richement défrayé cette belle fête dont Marseille conser-
vera longtemps le souvenir.
CHRONIQUE ETRANGERE.
j,*^ Anvers. — Le.théâtre royal vient de reprendre , pour M. Bryon-
Dorgeval, l'Etoile du Nord qui a valu à cet excellent baryton une véri-
table ovation de la part de notre public.
^*^ Hambourg. — Au trentième concert d'abonnement, nous avons
eu le plaisir trop rare d'entendre Servais, le célèbre violoncelliste, qui
a enthousiasmé l'auditoire ; parmi ses propres compositions on a sur-
tout remarqué sa fantaisie sur des chants nationaux polonais.
s,*,^ Berlin. — Le ténor Wachtel a continué ses représentations par
le rôle de Jean de Leyde dans le Prophète; précédemment il avait in-
terprété celui de Raoul dans les Huguenots. Dans ce dernier opéra,
Wachtel a eu autant de succès que dans le Prophète, où il a été surtout
applaudi au finale du deuxième acte. — Le succès des Pêcheurs dcCatane
et celui de la Clochette de VErmite se soutiennent au théâtre KroU, où Si-
vori continue aussi à attirer la foule. — L'oratorio de Samson, qui a été
exécuté par la société de chant Stern, a produit le plus grand effet.
— Dans le Domino noir, Mlle Artot chantera son rôle en allemand.
j*^ Vienne. — Depuis que Mlle Patti a débuté dans le rôle d'Amina
(Sonnambula), son succès triomphal est décidé. Toute la famille impé-
riale a assisté à la seconde représentation de cet opéra, et l'enthou-
siasme du pubhc a atteint un degré qui rappelle les plus beaux jours
du théâtre italien. C'est une apparition rare que cette jeune fille ; rien de
plus suave, de plus pur que le timbre de son organe. Son jeu respire
une poésie si candide et si chaste, qu'elle exerce un charme irrésistible.
Mlle Patti a remis en honneur l'opéra tant soit peu suranné de BelUni.
Giuglini est digne en tout point de figurer à côté de la diva ; dans les
duos entre Elvino et Amina, il a fait admirer le charme de sa voix de
ténor et la pureté du grand style italien. Après la Sonnambula nous
aurons Lucia, avec Mlle Patti et Giuglini.
^*^ Dresde. — L'opéra nouveau de Rubinstein, Lalla-Rookh, paroles
de Rodenberg, a été donné pour la première fois au théâtre de la cour,
avec un grand succès. Dans cette nouvelle production , Rubinstein a
fait preuve d'un talent peu commun ; les mélodies les plus gracieuses
y coulent de source; les rhythmes, les modulations ont un caractère
d'originalité exempt de toute recherche. L'instrumentation est riche-
ment colorée, et en même temps simple et naturelle. Enfin toute la
partition respire une poésie rêveuse, or'entale, parfaitement en
harmonie avec le sujet de la pièce. Le premier acte , surtout , abonde
en morceaux remarquables. La ballade de Féramor a toutefois semblé
un peu trop longue ; le finale, par contre, est ravissant. Au second
acte, on a vivement applaudi le duo entre Lalla-Rookh et Féramor.
L'espace nous manque pour signaler tout ce que Lalla-Rookh renferme
de beautés élégantes, suaves, pleines de distinction. L'exécution a été
excellente, et la mise en scène ne laisse rien à désirer ; décors, costu-
mes, tout cela est vraiment splendide. Les honneurs de la soirée re-
viennent à Schnorr de KarolsfelJ , chargé du rôle de Féramor.
Mme Janner-Krall a chanté celui de Lalla-Rookh avec beaucoup de
grâce. L'orchestre a parfaitement marché sous la conduite de l'habile
directeur de musique, M. Krebs. Enfin, les chœurs et les ballets ont
complété l'ensemble de cette représentation, une des plus brillantes de
la saison.
^*^ Leipzig. — L'éditeur Heine vient de publier, traduites par Pohl,
les diverses œuvres littéraires d'Hector Berlioz. Le dernier volume de
l'émiuent écrivain, A travers chants, s'y trouve compris.
^'*,i, Turin. — Le théâtre national vient de faire un excellent accueil
au ballet la Jolie fille de Gand ; il a surtout applaudi la fougueuse bal-
lerine, Mme Barbisan, qui, au bruit d'un vacarme diabolique, a dû ré
péter un de ses pas. Le tliéâtre Victor-Emmanuel nous promet pour le
printemps un beau spectacle, la Marta, interprétée par Mme de Roissy
et Zacometti, qui a excité tant d'enthousiasme à Trieste et qui n'en
rencontrera pas moins parmi nous.
^*^ Milan. — Notre Conservatoire de musique nous promet une nou-
veauté intéressante. Il nous fera enfin entendre l'ouverture du Pardon
de Ploërmel, de Meyerbeer, et celle de la Vestale, de Spontini.
^*j Trieste. — Jaell poursuit le cours de ses triomphes; quatre con-
certs ont à peine suffi pour satisfaire l'enthousiasme de nos compatriotes
pour le célèbre artiste; aussi nous en promet-il un cinquième d'adieu
avant son départ pour Vienne, pour lequel tout est déjà retenu. Un
jeune élève de Léonard, M. Console, s'est produit dans deux des con-
certs de Jaell et promet un futur Paganini. — Le ballet de Rota, la
Comtesse d'Egmont, vient d'être monté et représenté avec un grand luxe
au grand théâtre. — Marta attire toujours beaucoup de monde. — Le
théâtre Armonia se prépare à donner une série des opérettes d'Offen-
bach.
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K. Brlniey. Souvenirs de Marie Stuart, fantaisie sur un thème
écossais 6
— Picciola, chant du captif 6
A. Croisez. Rose et Colas , sur les couplets : « Il était un oi-
seau gris. » 5
— Portici, barcaroUe 6
— L'Orage, d'après le rondo.de Steibelt .5
— Le Désir, valse de Beethoven 3
— Marche turque de Mozart 4
— Valse du FreyschUtz (très-facile) 2
li.-P. Gervlllc. Op. 91. Comme autrefois, simple récit ... .5
— Op. 92. Couplets : o La danse n'est pas ce que j'aime, »
de Richard Cœur de lion S
l^eybacli. Op. 57. La Régente, valse brillante
— Op. 38. La Danse des Elfes, caprice
liecarpentler. Six ouvertures célèbres arrangées à quatre
mains, faciles :
\ . Le Barbier de Séville. 4. L'Italienne à Alger. )
2. La Gazza ladra. 5. Cenerentola. | Chaque
3. Sémiramide. 6. Chasse du Jeune Henri.)
— Les mêmes, à deux mains, faciles, chaque . .
U. liCe. L'Ange de l'espérance, nocturne
Cl». '«Vehie. Betly, canzonetta
CHANT
Tb. Parntenticr. Op. 8. Trois romances nouvelles :
1 . Fantaisie
2. L'Adieu •
3. Dans l'absence (ténor)
La même, pour baryton
A. de Panette. Ave verum
— Adoremus (solo de basse, duo de ténor et basse et chœur)
7 50
7 50
3 7>
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80 REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PAPJS.
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30« Année.
I\o \\.
15 Mars 1863.
on S'ABONNE 1
Pans les Départements et i l'Étranger, chez tons
les Marchands de Musique, les Libraires, et aux
BureauT des Messageries et des Postes.
REVUE
PRIS DE L'ABOHNEUCHT:
Paris 24Ir.pnroll
Départements, Belgique et Suisse. ... 30 « id.
Étranger 34 .1 Id.
Le Journal paraît le Dinianche .
GAZETTE MUSI
--y^/V VP j\Af JVjw^-
SOMMAIRE. — Du rhythme de la poésie lyrique et des études rhythmiques de
M. A. Van Hasselt, par Fétis père. — Théâtre impérial italien: rentrée de
Tamberlick dans Poliulo et le Trovatore. — Auditions musicales, par Adol-
phe Botte. — Revue des théâtres, par D. A. O. Salut-lfTes. — Nou-
velles et annonces.
DU RHYTH9IE DE L& POËSIE LYRIQUE
ET DES ÉTUDES RHYTHMIQUES DE M. A. VAN HASSELT.
Il y a maintenant onze ans que, dans une suite d'articles publiés
par la Revue et Gazette musicale de Paris, j'ai indiqué une partie
inexplorée du domaine de la musique, à savoir, la variété des rhy-
thmes et leurs transformations. J'y ai fait voir que le rhythme est la
symétrie, soit dans le temps, soit dans l'accent, soit dans la période,
et j'y ai démontré que, les valeurs de temps étant données, las rhy-
thmes qui en résultent peuvent être très-divers, en raison du temps
de la mesure musicale, qui est l'initial de la formule rhythmique .
Prenez, par exemple, l'élément le plus simple, tel que deux notes
d'égale valeur, vous en obtiendrez deux rhythmes très-différents si
la première note est au temps frappé, comme | . . | , ou au temps
levé, comme . | . — .La variété est plus sensible encore s'il s'agit
de deux signes de durées différentes, comme une noire et une blan-
che, soit qu'on commence au tem,ps frappé ou au temps levé.
La différence des accents forts et doux, exprimés en musique par
/ etp, peut donner lieu ii des rhythmes très-dissemblables dans des
dispositions symétriques. Ces rhythmes dynamiques, pour me servir
de l'expression allemande, ont des caractères très- différents, s'ils sont
disposés comme dans ces exemples :
fv
Pf
fv
Pf
fv
V t
ou I
ou I
fv f fv f fv f
f
f
Que si l'on combine la diversité des temps d'attaque du frappé
ou du levé avec la diversité des accents dynamiques, on produira
une grande variété de rhythmes avec les éléments les plus simples
de durée; variété qui, dans l'expression des sentiments, exercera
une action très-puissante.
A ne considérer le rhythme que dans le temps, il se réduit à deux
éléments, qui sont le binaire et le ternaire-, mais, comme on vient
de le voir, la musique possède les moyens de varier la valeur primi-
tive de chacun de ces éléments par la différence du temps d'attaque
et par la diversité de dispositions des accents dynamiques.
La poésie lyrique, de même que la musique, a les deux éléments
rhythmiques primitifs appelés binaire et ternaire; mais elle n'a ni la
diflérence facultative de temps frappé ou levé, ni la diversité de dis-
positions des accents dynamiques. Tous ses moyens consistent dans les
nombres do syllabes, et dans le placement de l'accent de repos. Les
poètes lyriques italiens, à la tète desquels se place Métastase , ont
très-bien compris, soit par instinct, soit par expérience, que les
vers destinés à la musique doivent être rhythmiques, que le rhythme
naît de la symétrie, et que la symétrie a trois caractères qui sont :
Vaccent, le nombre et la période. Tous leurs couplets des airs sont
construits d'après ces principes. Il n'en était pas de même autrefois
des poètes lyriques français ; les meilleurs même négligeaient dans
leurs vers les plus simples notions du rhythme. Ainsi, Quinault, bien
supérieur à ceux qui sont venus après lui, a souvent des thèmes de
mélodies semblables à celui-ci, tiré du deuxième acte de la tragédie
lyrique de Thésée :
Recommencez d'aimer, reprenez l'espérance ;
Thésée est un héros charmant ;
Méprisez en l'aimant
L'ingrat Jason qui vous offense.
Il faut par le changement
Punir l'inconstance ;
C'est une douce vengeance
De faire un nouvel amant.
Non-seulement ces vers de toutes mesures, jelés pêle-mêle et sans
ordre, sont antipathiques à la musique, mais il est de toute évidence
que QuinauU ne soupçonnait pas la nécessité du rapport symétrique
d'accent entre la versification et le chaut. Lors même que les vers
sont de même mesure, comme ces deux derniers :
C'est une douce vengeance
De faire un nouvel amant,
le musicien ne peut les rhythmer, parce qu'il n'y a pas de symé-
trie dans la manière dont les syllabes tombent; car l'accent se
trouve au premier vers sur la première syllabe de douce; or, le
compositeur, soumis qu'il est à la loi de correspondance des phra-
82
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
ses, pour le rhythme de sa mélodie, sera obligé de placer sa note
longue sur la première syllabe de non — vel amant; ce qui est mons-
trueux.
Il est une autre imperfection qui se rencontre chez Quinault
comme chez la plupart des versificateurs français qui écrivent pour
la musique : elle consiste à faire commencer indifféremment les vers
par une consonne ou par une voyelle, sans avoir égard à la nature de
la syllabe qui termine le vers précédent. Or, c'est là une cause de
perturbation pour la régularité du rhythme musical. Ce rhythme exige
qu'après une rime féminine le vers suivant commence par une voyelle,
si les vers sont égaux, sous peine de donner une syllabe surabon-
dante au vers féminin, car la musique n'a pas d'e muet : tout s'y
prononce. Au contraire, s'il y a changement de mesure dans le vers
qui suit la rime féminine, et si ce vers correspond à un autre de
même mesure, il doit commencer par une consonne ; car, s'il y
avait élision, elle enlèverait au vers une syllabe nécessaire pour la
mesure, et le rhythme musical serait brisé. Tous ces défauts sont ac-
cumulés dans la versification de nos anciens poètes lyriques.
Hoffmann fut le premier qui, au commencement du xix« siècle, s'oc-
cupa des questions de quantité dans leurs rapports avec la musique,
et qui fit des essais de dispositions symétriques de nombres de syl-
labes et d'accents de repos. Le premier, il osa faire des vers de neuf
pieds avec deux césures ou accents toniques; vers qualifiés de monstres
par les littérateurs qui n'entendent rien aux conditions du rhythme
musical, mais qui n'en sont pas moins excellents pour la mélodie. Ce
fut dans le Secret, petit opéra en en acte, qu'il introduist le premier
essai de vers de cette espèce :
Je te perds | fugiti | ve espérance !
L'infidè | le a rompu [ tous nos nœuds.
Pour calmer | s'il se peut | ma souffrance,
Oublions | que je fus | trop heureux.
Un seul défaut est dans ces vers ; après la rime féminine du pre-
mier, le second aurait dû commencer par une voyelle.
L'exemple des essais d'Hoffmann a été suivi depuis environ trente
ans par les auteurs de livrets d'opéras français, et quelque améliora-
tion se fait apercevoir çà et là dans leurs ouvrages, mais d'une ma-
nière partielle et tout exceptionnelle. Tous savent que, dans la versi-
fication, comme dans la musique, les éléments du rhythme sont
binaires et ternaires ; mais leur attention ne s'est pas fixée sur les
diverses combinaisons régulières et symétriques qu'on peut faire de
ces éléments, pour en tirer de riches variétés de rhythmes. M. An-
dré Van Hasselt, inspecteur général de l'enseignement en Belgique
et mon honorable confrère à l'Académie royale, a fait, depuis plus
de vingt ans, de l'art de ces combinaisons rhythmiques l'objet de
constantes études et de travaux remplis d'intérêt. Dans nos conver-
sations, il soumettait ses innovations poétiques à mes analyses musi-
cales, et le résultat de nos entretiens était toujours de ma part, et
comme musicien, une approbation absolue de ses formes nouvelles,
parce que je trouve des rhythmes propres à la musique partout où
il y a symétrie de nombre et d'accents dans les retours périodiques.
Les nombres 2 et 3 sont disposés par M. Van Hasselt dans une
multitude de combinaisons dont l'effet rhylhmique résulte de la symé-
trie des répétitions. Jamais on ne voit dans ses vers destinés à la
musique la moindre altératioc dans cet ordre symétrique, qui est la
règle suprême du rhythme. Je prends pour exemple de la disposi-
tion la plus élémentaire celle oià les nombres 2 et 3 se suivent alter-
nativement, et je le trouve dans cette chanson du printemps :
Les fleurs | sont écloses.
Les fleurs | du printemps.
Hélas! I mais ces roses
Ne du I rent qu'un temps.
0 ter I re des hommes
Où rien | n'est certain.
Comme el | le nous sommes
Des fleurs | d'un matin.
La ro I se s'effeuille
Sous l'ai I le des vents.
La tomb | be recueille
Le bruit | des vivants.
Tout pas I se, tout change.
La nuit I suit le jour.
Tout meurt, | ô mon ange I
Mais non | mon amour.
S'il ne fait usage que d'un seul élément, par exemple, de l'ana-
peste, la forme symétrique de son vers pourra n'être pas admise
dans la poésie récitée, mais elle est très -bonne pour le chant,
comme on peut le voir dans ce couplet :
Hélas 1 I comptez | combien [ d'étoiles
La nuit | allu \ me au fond | des airs ;
Comptez I les flots | où vont j les voiles
Qu'on voit I courir | les vas | tes mers.
Sa manière de combiner l'ïambe et l'anapeste est variée-, mais
chacune de ses formes, son rhythme est toujours parfaitement régu-
lier. En voici des exemples :
Qui vous don | ne, ô dou | ces fleurs!
Aux baisers | de Tau | be écloses,
Qui vous don | ne vos | couleurs,
Margueri | tes, lis | et roses?
Qui vous la I ce, le | matin,
Vos corsa | ges de | satin?
Et vos ro I bes nu | ancées,
Quelle main | les a | tissées?
Autre combinaison :
3, 2, 2.
Mes amis, | la vi j e est un livre
Que chacun | écrit | de sa main ;
Dont on voit | les feull | les se suivre.
Et qui joint j hier | à demain.
3, 2, 3.
Autre combinaison :
Le Gondolier nocturne.
2, 3, 3, 3
2, 3, 3.
2, 3, 3, 3
2, 3, 3.
3, 2, 3, 2
3, 2.
3, 2, 3, 2
3. 2.
A l'heu I re où la nuit | sur Veni | se descend,
Aux dou I ces clartés | de la lune,
La bar | que fantô | me s'avan | ce en glissant
Sur l'eau | de la mor | ne lagune.
Autre :
Ecoutez I là-bas, | tout au fond | des bois,
Dans son nid | de mousse,
Ecoutez I gémir | cette dou | ce voix,
Cette voix | si douce.
Sous la feuil | le ombreu | se au soleil [ levant, ^ 3, 2, 3, 2,
Dans la nuit | dormante, / 3, 2.
Comme un luth | des cieux, | elle jet | te au vent î 3, 2, 3, 2.
Sa chanson [charmante. J 3, 2.
M. Van Hasselt , persuadé avec raison que toute forme régulière
et symétrique peut offrir au compositeur des rhythmes favorables
pour ses chants, ne craint pas d'associer le vers de douze syllabes aux
petits vers, parce que la rapidité de celui-ci compense la lenteur du
premier. 11 a donné un heureux spécimen de cette combinaison dans
le recueil de Nouvelles poésies, publié en 1857. La pièce a pour li-
DE PARIS.
88
tre : le Soulier de la Vierge ; j'en citerai seulement les trois pre-
mières strophes :
Quand VAngelus murmure à travers le feuillage
Son chant d'airain,
Où donc va ce vieillard, triste et ployé par l'âge,
Le long du Rhin?
Il traîne en gémissant, par les sentiers arides,
Ses pieds tremblants,
Et le vent chasse autour de son front plein de rides
Ses cheveux blancs.
Il va, les yeux en pleurs et la tête affaissée
Sous l'aquilon.
Et porte dans sa main, de froid toute glacée.
Son violon.
Je pourrais offrir encore cinquante autres formes, ' toutes origina-
les, toutes inconnues, résultats des études rhythmiques de M. Van
Hasselt; mais ici je suis obligé de renfermer dans d'étroites limites
les citations qui concernent ce sujet intéressant. Ce que je me suis
proposé, c'est de fixer l'attention des littérateurs qui écrivent pour
les scènes lyriques sur la nécessité de perfectionner la versiQcalion
des livrets d'opéras et de la rendre régulière au point de vue des
rhythmes de la musique. Que s'ils s'astreignent à mettre, comme
Van Hasselt, de la symétrie dans les dispositions des nombres de
syllabes et des accents de leurs vers, nul doute que la trop grande
uniformité des rhythmes mélodiques ne disparaisse du travail des
compositeurs, et qu'il n'en résulte une variété dont la musique a été
privée jusqu'à ce jour.
J'ai souvent pressé M. Van Hasselt de publier ta théorie de la
versification rhythmique, avec des modèles de toutes les combinai-
sons, accompagnés d'analyses; rien de plus facile, ^dit-il, et la théorie
sera renfermée dans un petit nombre de pages ; mais il ne croit pas
que les avantages d'une semblable versification puissent être démon-
trés par la poésie seule: c'est au musicien, selon lui, qu'il appartient
de prouver par ses compositions le mérite du système nouveau de
versification, et les ressources qu'il y a rencontrées pour la régularité
des rhythmes de ses mélodies, ainsi que par la diversité de leur ca-
ractère. A son tour, il m'a demandé d'être son collaborateur pour ce
travail; j'ignore si la collaboration qu'il désire est par lui bien choi-
sie; mais je la lui ai promise. 11 en sera ce qui plaira à Dieu.
FÉTIS père.
THEATRE IIHPÉRIAL ITALIEN.
Rentrée de Tamberllck dans POLIUTO et le
TROVATOBE.
Mais 'qui peut dans sa course arrêter ce torrent ?
Tamberlick n'a-t-il pas quelque chose de ce fougueux Achille que
nous dépeint Racine et ne chante-t-il pas, comme l'autre combattait?
Hier il était au bout du monde,- aujourd'hui le voici parmi nous, et il ne
s'arrête seulement pas pour reprendre haleine. A peine arrivé, il chante
quatre fois de suite. Comme l'année dernière, il a fait sa rentrée dans
Poliulo, ce rôle qui l'embrase d'une sainte chaleur, et dans lequel
sa voix émue caractérise si bien , par ses qualités et même ses dé-
fauts, l'enthousiasme fébrile du néophyte. A côté de lui, Mme Penco
ne se montre ni moins ardente ni moins convaincue, ce qui fait que
l'auditoire est entraîné, transporté par ces deux artistes , dont le ta-
lent s'identifie si bien avec leurs rôles.
Une indisposition de Mme Penco ayant empêché Poliulo d'être
donné plus de deux fois, il Trovaiore lui a succédé jeudi, et Tam-
berlick a passé sans effort au rôle de Manrico, pour lequel il avait
des flammes toutes prêtes ; mais, il faut l'avouer, ces flammes ne se
manifestent dans tout leur éclat qu'à la fin du troisième acte, où re-
tentit la magniQque et terrible note, impatiemment attendue et tou-
jours saluée de frénétiques bravos.
Voilà déjà plusieurs années que Tamberlick nous revient à la même
époque et produit toujours le même effet. Celte année, il y avait des
incrédules et des sceptiques : on inclinait à penser que le miracle ne
se renouvellerait pas, ou que la grâce serait moins efficace. A pré-
sent, il faut bien reconnaître l'évidence et croire à Tamberlick comme
par le passé. Nous l'entendrons bientôt dans le Ballo in maschera,
qu'il n'a pas encore chanté à Paris, et dans Olello, qui a servi, chez
nous, à fonder sa renommée. Pendant ce temps, on fera bien de re-
toucher la cloche funèbre, qui, dans \e. Miserere du Trovatore, s'obs-
tine à rester d'un quart de ton trop haut, sans aucun souci du chan-
gement de diapason.
P. S.
ADDITIONS MDSICALES.
Emile Prudent. — W. Krûg;er.
Sans accorder aux titres choisis par Emile Prudent pour ses der-
nières compositions plus d'importance qu'ils ne méritent, et qu'ils
n'ont sans doute dans sa pensée, ils n'indiquent pas moins une
chose très-réelle : le désir et la faculté de traiter le piano d'une
manière exclusivement musicale, de le rendre, avant tout, chantant,
expressif et coloré. En parlant de la Danse des Fées, de ce petit
chef-d'œuvre oîi l'orchestre, ingénieusement traité, sert à développer
avec tant de charme, de fraîcheur et de poésie les choses merveil-
leusement légères, délicates et éblouissantes confiées au piano ; en
parlant de cette ravissante inspiration qui est comprise partout, et
qui, la semaine dernière encore, a excité l'enthousiasme et a été re-
demandée, nous avons plus d'une fois signalé l'heureuse modifica-
tion du style et des idées d'Emile Prudent. Certes, il a écrit de
grandes, difficiles et belles fantaisies ; la plupart de ses arrangements
sont très-remarquables; mais ses œuvres originales ont une tout au-
tre valeur, même comme facture, et elles justifient bien la place à
part que l'auteur s'est faite parmi les artistes contemporains.
Son dernier morceau de concert pour piano et orchestre, les Trois
Rêves, se distingue, comme quelques autres de ses compositions, par
la recherche de la couleur, du sentiment pittoresque, de l'expression
simple, vive et naïve. L'allégro, les Esprits des campagnes, est très-
concis. La phrase mélodique, pleine de netteté, sinon d'originalité,
est revêtue d'ornements délicieux ; mais , ce dont nous ne saurions
assez féliciter Emile Prudent, l'accessoire ne devient pas le principal,
les traits ne remplacent pas les motifs. Ici point de ces formules,
de ces éléments tumultueux qui aujourd'hui tiennent une si grande
place dans la musique de piano ; point de ces choses parasites, de ce
papillotage frivole qui souvent ne servent qu'à dissimuler ce que
l'inspiration première a de vague, de terne, de froid et de vaporeux.
Malgré une légère réminiscence de l'andante en fa, si joliment varié
par Prudent dans sa grande fantaisie : Soiwenirs de Beethoven, l'an-
dante, les Génies du foyer, vaut mieux encore que le premier mor-
ceau ; il est doux et suave, mélancolique et distingué. Comme origi-
nalité et comme souffle, la meilleure partie, à notre avis, est le
rondo final intitulé Ballet des Zingari. A travers les capricieuses
combinaisons d'une instrumentation très-claire et très-brillante, le
piano garde une importance singulière. La beauté, la hardiesse et la
légèreté de l'exécution d'Emile Prudent, les divers développements
de l'orchestre et de la partie principale qui se renvoient le motif, le
coupent ou le développent, le charmant paysage où s'agitent les zin-
gari, ont produit une grande impression. Assurément, ce nouvel ou-
84
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
vrage n'a pas l'ampleur et l'élévation du Concerto-symphonie, qui,
dans l'œuvre d'Emile Prudent, reste jusqu'à ce jour sans égal ; mais
on y reconnaît cependant le même pinceau. On trouve même dans
le rondo final des Trois Rêves quelque ressemblance avec Vallegretto
du concerto. Toutefois par le côté mélodieux, par le dessin délicat et
pur, qui maintenant remplace chez Prudent les conceptions larges
et pompeuses, par le charme des arabesques qui, peu prodiguées,
donnent un grand intérêt mélodique à la composition, les Trois Rêves
sont très-remarquables.
Nous avons dit qu'on avait bissé la Danse des fées; ajoutons qu'on
a bissé aussi le Chant d'Ariel. A côlé de nombreuses difficultés que
le célèbre pianiste ne laissait guère soupçonner, tant il les a dites
avec une aisance et un charme incroyables, il y a dans cette page
des harmonies neuves, une finesse et une élégance de pensée qu'on
n'a pas retrouvées, nous devons l'avouer, dans les Etudes-Lieder.
Seule, la troisième de ces études a fait beaucoup de plaisir. Elle est
très-belle , en effet , et n'a rien de cette langueur, de celte pâleur
mélodique et de ce vaporeux qui entraînent quelquefois l'auteur vers
un genre de musique un peu maniéré, et dans lequel sa forte nature
perd ses meilleures qualités. Emile Prudent est Français et très-
Français : le précieux ne saurait être son fait. 11 est à cette heure
notre seule gloire militante ; partout il représente brillamment notre
école de piano et est accueilli avec enthousiasme. Aussi désirons-nous
vivement que, comme compositeur, il se garde davantage des miè-
vreries et des élégies creuses, des rêveries poétiques qui, souvent,
n'attestent que l'absence d'idées fortes et originales.
Nous ne voulons pas parler longuement du jeu d'Emile Prudent, et
répéter après tant d'autres ce que chacun sait si bien; nous dirons
seulement que ce talent est d'autant plus magnifique qu'il s'est un
peu métamorphosé. La délicatesse et la douceur sont venues se join-
dre à la puissance, à la beauté de son habituelles au grand pianiste,
et forment maintenant un ensemble de quahtés vraiment admirables.
Mme Viardot et Franchomme ont contribué à donner à ce beau con-
cert un éclat inaccoutumé. Un excellent orchestre, conduit par M.Til-
mant, a exécuté les ouvertures de Fidelio et de la Grotte de Fingal.
Cette dernière composition de Mendelssohn est appelée à avoir parmi
nous le sort de la belle partition du Songe d'une nuit d'été, c'est-à-
dire à exciter d'unanimes suffrag-es. Elle a été écrite dans une heure
d'inspiration. La couleur de l'instrumentation et la richesse des idées
en font une merveille, et les auditeurs d'Emile Prudent ont été ravis
d'entendre cette poétique et capricieuse ouverture.
M. W. Krijger s'est fait parmi nous une légitime réputation de
pianiste compositeur. Ses qualités, à la fois solides et aimables, ne
sauraient être contestées. On lui reconnaît surtout le talent de traiter
les mélodies et de garder un juste milieu entre ce que demandent
les artistes et les gens du monde, talent que M. Krûger doit à ses
bonnes études, mais auquel son goût et sa parfaite connaissance des
beautés de l'école allemande donnent une sûreté et une variété peu
communes. Au charmant concert qu'il donnait mercredi dans les
salons Erard, il a joué ses Illustrations sur Stradella, et a obtenu
un fort beau succès. Dans ce morceau brillant, difficile et bien fait,
se pressent les plus jolies mélodies de M. de Flotow. On a reconnu
et applaudi au passage l'andante de l'air : Soyes témoins de mon
ivresse , chanté au second acte par Leonora , où le compositeur a
exprimé très-mélodieusement les ravissements d'une âme vraiment
éprise et la surabondance de vie qui l'oppresse; le chœur. Cloche
sainte , dont la mélodie naïve a tant de charme , dont l'harmonie
simple , allant presque toujours de la tonique à la dominante , est
néanmoins très-élégante ; la ballade que chante Stradella et qu'il
appelle la ronde du fier Salvator Rosa. Il était difficile de mieux ar-
ranger cette ronde vraiment entraînante, pleine de verve, franche,
hardie et bien rhythmée: aussi a-telle excité, ainsi que l'hymne
final qui couronne si pompeusement le beau morceau de M. Krûger,
de chaleureux bravos.
En quelques pages, l'auteur a su avec une grande habileté faire
entendre les mélodieux arpèges des harpes et donner au piano l'ac-
cent éminemment passionné et religieux qui fait de la dernière scène
de Stradella une chose très belle et très-élevée de style.
La Résignation, remarquable adagio de concert, et la Coupe d'or,
brillant caprice que le succès a déjà popularisé, ont été joués par
l'auteur d'une façon tour à tour ferme, expressive, fine et délicate.
Après avoir charmé ses auditeurs avec ses œuvres originales ,
M. Krûger a fait entendre d'abord un scherzo de Chopin, vif, bon-
dissant , et pourtant plus essentiellement mélodique que beaucoup
d'autres pages du même maître ; puis, avec M. Hammer, la sonate
en ut mineur de Beethoven. Tout dans cette sonate est magniOque ;
mais c'est peut-être le splendide adagio cantabile qui a excité le plus
vif enthousiasme. Il y a là des modulations, des variations d'un effet
vraiment prodigieux ; le violon et le piano atteignent chacun à leur
tour les derniers sommets du style élégiaque, mais élégiaque comme
Beethoven le comprenait : avec des bonds et des soubresauts où
l'énergie de la passion se montre au beau milieu des plus suaves
harmonies et du plus rehgieux apaisement. Les exécutants ont par-
faitement rendu les nobles aspirations, les chants sublimes de cet
adagio, et ont prouvé encore une fois qu'ils avaient le goût et l'in-
telligence de l'art sérieux. Mme Barthe-Banderali et Jules Lefort, avec
le talent sympathique qu'on lui connaît, ont donné à la partie vocale
une valeur dont on se montre trop avare dans ces fêtes musicales
où, en général, les instrumentistes ont le beau rôle.
Adolphe BOTTE.
EEVDE DES THÉÂTRES.
Gymnase : Sortir seule, comédie en trois actes, par MM. Eug. Grange
et H. Rochefort; Permettez, Madame, comédie en un acte, par
MM. Labiche et Delacour; le Défaut de Jeanne, comédie en un
acte, par M. Moreau ; reprise du Fils naturel. — Vaudeville :
reprise du Hlariage d'Olympe, comédie en trois actes, de M. Em.
Augier. — Variétés : les Mousquetaires du carnaval, folie-vau-
deville en trois actes, par MM. Eug. Grange et Lamb. Thiboust.
— Palais-Royal : la Dame au petit chien, vaudeville de MM. La-
biche et Dumoustier; Célima-e le bien-aimé, comédie-vaudeville en
trois actes, par MM. Labiche et Delacour. — Gaité : reprise de la
Belle Gabrielle, drame en cinq actes et deux tableaux, par A.Maquet.
— Théâtre impérial du Chatelet : Marengo, drame militaire en
douze tableaux, par M. Dennery. — Théâtre allemand de la salle
Beethoven. — Cirque Napoléon : le dompteur Crockett,
Depuis quelque temps les Ganaches ont disparu de l'affiche du
Gymnase, en rendant leur liberté à Lafontaine et à Mlle Victoria, qui
en ont profité pour se marier et pour se faire admettre, par décision
ministérielle, dans la Société du Théâtre-Français. On ne peut rien
préjuger sur la nature et l'importance des services que les deux
nouveaux époux rendront là-bas; mais ce qui est certain, c'est qu'ils
laissent un grand vide au boulevard Bonne-Nouvelle, où ils ne seront
pas oubliés de sitôt. La tiédeur avec laquelle on a reçu les trois co-
médies qui ont succédé tout d'un coup aux Ganaches, semble être
une preuve des obstacles que rencontre presque toujours le rempla-
cement immédiat des pièces et des acteurs à succès. Ces comédies ne
sont cependant pas pires que beaucoup d'autres qui ont complète-
ment réussi. 11 y a trois actes à Sortir seule! C'est peut-être un peu
long ; néanmoins, la donnée, quelque mince qu'elle soit, accuse chez
ses auteurs un louable esprit d'observation. Qu'est-ce qu'une jeune
femme, au matin du plus beau jour de la vie, désire le plus, après,
bien entendu, les diamants et les cachemires de la corbeille? c'est le
droit d'aller où bon lui semble, sans chaperon incommode, et pour
le très-innocent plaisir de sortir seule! Pour une ex-demoiselle de la
DE PAKIS.
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veille, à peu de chose près sans expérience, ce privilège tant convoité
n'est pourtant pas dénué d'inconvénients. C'est ce qu'éprouve à ses
dépens Mme Emma Charvière, poursuivie dans la rue à sa première
sortie, et accompagnée même jusque dans une maison tierce par un
jeune audacieux que ses charmes ont subitement fasciné. Si des
amis, si son mari lui-même ne se trouvaient pas là tout à point pour
la défendre et pour la protéger, à quels périls ne se trouverait -elle
pas exposée? Aussi jure-t-elle qu'on ne l'y prendra plus, et que
lorsqu'elle voudra sortir, elle commencera par réclamer le bras de
'son guide légal.
Permettez, Madame! Ces deux mots impliquent tout un système de
contradictions perpétuelles entre deux personnes de sexe différent
qui, sans le respect dû aux lois de la civilité , auraient recours bien
certainement à des arguments plus énergiques. Ces estimables adver-
saires ne sont d'accord que sur un point, celui de renoncer à un pro-
jet d'union qui devait faire le bonheur de leurs enfants. Mais, au
milieu de leurs controverses, ils se rappellent un roman qu'ils on''
ébauché ensemble dans leurs jeunes ans, et voilà le mariage renoué
et la paix rétablie.
Reste le Défaut de Jeanne, une petite comédie bâtie sur une pointe
d'aiguille, et ne chômant pas de détails fins et spirituels. Jeanne a
un bien joli défaut : elle est trop riche, non-seulement à ses yeux,
car elle veut être aimée pour autre chose que pour sa dot, mais
aux yeux de M. Sylvain, un charmant garçon qui n'ose, en raison
de sa pauvreté, avouer à Jeanne sa tendresse. Avons-nous besoin
de dire que tout s'arrange de manière à ce qu'un pareil défaut de-
vienne une qualité précieuse pour les deux amoureux ?
Non content de ces nouveautés, le Gymnase a repris tout récem-
ment le Fils nattirel, qui n'est certes pas une des meilleures co-
médies de M. Alexandre Dumas fils, mais qui contient un très-bon
rôle de début, celui de Clara Vignot, dans lequel Mlle Fanny Génat,
ex-danseuse de l'Opér^a, a démontré d'une manière victorieuse que,
si la chorégraphie perdait en elle une étoile, elle n'avait fait que
changer de place au Crmament, et que le drame pouvait dès au-
jourd'hui la compter parmi les siennes.
— Ce que c'est que de ne pas arriver à l'heure! Lorsque l'œuvre
si saisissante et si originale de M. Emile Augier a été représentée
pour la première fois, la Dame aux Camélias, les Filles de marbre,
le Demi-Monde, triomphaient sur toute la ligne. La rude leçon infli-
gée par le jeune académicien à ces vipères de courtisanes ne pouvait
être comprise, et elle ne le fut pas en effet. Mais pour tous les gens
de goût qui ont lu et médité le Mariage d'Olympe, sa réaction était
un fait acquis d'avance. Nous avons donc vu sans surprise la revanche
éclatante que cette pièce vient d'obtenir au Vaudeville. Sans nul doute,
elle sera durable, et achèvera de donner raison à ceux qui, à l'exemple
de M. Lebrun, lors de la réception de son nouveau confrère, n'ont
pas cessé de considérer ce drame comme un des plus grands événe-
ments littéraires de notre époque.
— Une étourdissante bouffonnerie, des mêmes auteurs que la
Mariée du mardi gras, recule, aux Variétés, les barrières delà folie et
de la vraisemblance. Les Mousquetaires du carnaval arrivent pour-
tant un peu tard pour prendre de semblables libertés ; mais il est
convenu qu'il n'y a pas de carême pour les théâtres, et que les
travestissements, défendus snr la voie publique, se réfugient dans ces
endroits privilégiés. Du reste, les héros de ce vaudeville de circons-
tance, sont menacés, par le fait de leur propriétaire, qui les a mis à
la porte de son immeuble, de voir lever le soleil du mercredi des
cendres, dans leur défroque de mousquetaires carnavalesques, qu'il
ne leur est pas permis d'échanger contre un costume plus décent et
plus rationnel. Ils sont donc presque excusables de ne pas se sou-
venir que les jours gras ont un lendemain. Par exemple, ne nous
demandez pas en vertu de quelle aberration du sens commun ils s'in-
troduisent chez un notaire pour empêcher la signature d'un contrat
qui doit enlever sa belle à l'un d'entre eux, et comment ils forcent
ensuite, au bal de l'Opéra, le père de la susdite demoiselle à donner
son consentement au mariage de leur acolyte. Tout cela est insensé,
mais on rit, et l'on est désarmé.
— Au Palais-Royal, les choses ne se passent guère d'une façon
plus raisonnable. Un jeune homme a des créanciers : quoi de plus na-
turel? mais, parmi eux, se distingue un affreux usurier qui, pour être
Slir de rentrer dans ses avances, au détriment de ses confrères, fait
transporter chez lui le mobilier que son débiteur lui abandonne. En
conséquence de cet arrangement, le débiteur accompagne son mobi-
lier, et le voilà installé chez son créancier, buvant son vin, chaussant
ses pantoufles, et faisant la cour à sa femme. Mais pourquoi cela
s'appelle-t-il la Dame au petit chien ? C'est juste; vous n'en saisissez
pas le motif. . . ni nous non plus. Cependant, nous vous dirons, par
acquit de conscience, que, la veifle du jour où le débiteur en ques-
tion est venu s'asseoir au foyer de son créancier, il a rencontré sa
femme aux Tuileries, et a marché, par mégarde, sur la patte de son
petit chien.
Cette petite pièce n'a d'ailleurs pas d'autre prétention que de ser-
vir de lever de rideau à un ouvrage plus important, qui a pour litre :
Célimare le hien-aimé. Comme dans presque toutes les pièces oià
M. Labiche a une part de collaboration, il y a dans celle-ci une bonne
idée de comédie. Célimare, le gandin de la rue des Lombards," n'est
plus jeune ; mais il n'a pas toujours eu quarante-cinq ans, et il fut
un temps où il était cité pour sa scélératesse avec les femmes, sur-
tout avec les femmes mariées. Demandez plutôt à Mme Vernomllat
ou à Mme Baucardon. Puis un jour est venu où Célimare a senti le
besoin de se faire ermite, c'est-à-dire de goûter à son tour les dou-
ceurs du ménage. Il dit donc adieu au passé, et prend une jeune
femme, bien persuadé qu'il va vivre désormais dans un parfait état
de béatitude. Mais il a compté sans son hôte : les mads de ses an-
ciennes maîtresses, qui ont contracté l'habitude de voir à tout ins-
tant Célimare.... le bien-aimé, font irruption chez lui, s'y installent
comme il le faisait jadis chez eux; en un mot, ils deviennent si im-
portuns et en même temps si indiscrets que la paix conjugale du
couple Célimare est sérieusement menacée. Ce ne serait à coup sûr
que justice ; mais Célimare n'est pas de cet avis, et en homme d'es-
prit qu'il est au demeurant, il se débarrasse de ses trop absorbants
amis, en leur empruntant de l'argent dont il n'a que faire.
Le rôle de Célimare est joué par Geoffroy : c'est tout dire. Lhéritier
et Hyacinthe le secondent en excellents compères qu'ils sont.
— Des reprises et toujours des reprises ! On dirait que la splen-
dide salle de la Gaîté n'a été édifiée que pour la glorification du
passé, ce qui ne laisse pas que d'être peu flatteur pour le présent.
Après Cartouche, après Monte-Cristo, voici venir la Belle Gabrielle,
que nous avons vue, il y a quelques années, fournir une assez longue
carrière à la Porte-Saint-Martin. Nous pensons que, grâce à ses in-
terprètes et à sa mise en scène, elle va faire un nouveau bail avec
le succès ; mais, en conscience, tous les talents, toutes les richesses
que l'on a consacrés à cette résurrection, n'auraienl-ils pas été mieux
employés en faveur d'une œuvre inédite ? MM. les directeurs se
plaignent de la rareté des bons ouvrages ; que n'essaient-ils de mon-
ter les nouveautés avec le soin qu'ils accordent aux reprises ! Peut-
être alors leur intérêt se trouverait-il d'accord avec celui des jeunes
auteurs qui frappent vainement chez eux.
— Au théâtre impérial du Châtelet, Rothomago et la Prise de
Pékin ont fait place à la première nouveauté qu'on ait montée dans
ce superbe local. Sous le rapport de la mise en scène, le tableau
est digne du cadre. Marengo dépasse tout ce qu'on a vu en ce genre
au boulevard du Temple; le fond seul est resté le môme. C'est tou-
jours la grande épopée napoléonienne qui en fait les frais, de compte
à demi avec les aventures plus ou moins dramatiques de quelques
individus de l'invention de l'auteur, et qui sont parfaitement indiffé-
86
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
rents au public. Qu'a-t il à faire de cette famille de Rennepont et de
ce vieux troupier calqué sur le Philippe de Scribe? Ce qu'il lui faut
pour que son enthousiasme éclate, c'est le premier consul avec son
cheval blanc et sa redingote grise, c'est le bruit du canon, c'est l'o-
deur de la poudre. Et, certes, on ne lui a pas épargné cette triple
satisfaction. Il y a même jusqu'à des charges de cavalerie dans le
combat de Montebello et dans la bataille de Marengo, la profondeur
inouïe de la scène permettant à six cents hommes de s'y déployer et
d'y manœuvrer sans confusion. Deux autres tableaux méritent encore
d'être cités : c'est le passage du mont Saint-Bernard, où les mon-
tagnes superposées s'élèvent au-delà des frises, et la fête donnée au
premier consul par les notables de Milan. Il y a là un merveilleux
ballet, au milieu duquel nous avons remarqué une très-jolie barca-
rolledeM. deGroot, chantée avec goût et talent par un M. Georges, et
dansée par de fort gracieuses ballerines. Outre les airs de danse, qui
sont en général très-bien venus, M. de Groot a composé aussi une
ronde comique d'un excellent effet, avec accompagnement de tambour
et de fifre. Dans cette mémorable victoire de Marengo, remportée par
M. Hostein, le chef d'orchestre a donc eu sa part de bravos comme les
artistes chargés de l'interprétation, comme le décorateur, le machi-
niste et le metteur en scène.
— Le théâtre allemand continue à donner des représentations très-in-
téressantes et très-suivies à la salle Beethoven. Dans ces derniers temps,
on y a joué trois pièces nouvelles de Bénédix, l'un des auteurs modernes
de l'Allemagne qui se rapprochent le plus des maîtres contempo-
rains de notre scène. Dans le Voyage de Noces, dans les Jaloux et
dans II hait les femmes, Mme Ida Bruning a su conserver la supé-
riorité qu'elle s'est acquise dans cette troupe étrangère ; mais, très-
peu au-dessous d'elle, il faut citer Mlle Wolbruck, qui s'efforce de
marcher sur ses traces, et qui y est fortement encouragée par les
bravos des connaisseurs.
— Les débuts du dompteur anglais Grockett attirent en ce moment
une affluence énorme au cirque Napoléon. C'est, en effet, un spec-
tacle fort curieux et en même temps fort émouvant, que de voir cet
homme entrer, avec un calme parfait, dans la cage oij se débattent
deux lions et six lionnes d'aspect redoutable, les soumettre à la plus
passive obéissance par le pouvoir d'un geste ou d'un regard, jouer
avec eux comme on joue avec des chats inoffensifs, mettre sa tête
dans la gueule d'un de ces animaux féroces, puis enfin les quitter
après les avoir provoqués par la décharge inattendue de deux revol-
vers. Tout Paris voudra voir cette merveille.
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
-"'''^*^ Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi la Muette de Por-
'pit^; mercredi, la deuxième représentation de la Mule de Pedro; qui
a fait encore mieux apprécier que la première les parties saillantes de
l'œuvre de M. Victor Massé, la ronde de la mule, la ballade de la Gi-
'iana particulièremeat, qui ont été fort applaudies. Vendredi, la Muette
a repris son tour, et pour satisfaire aux nombreuses demandes de loges
qui se produisent en dehors de l'abonnement, l'opéra d'Auber sera donné
"par extraordinaire aujourd'hui dimanche.
''^'*** Vendredi prochain, aura lieu le début du ténor Villaret dans
■{îuillaume Tell.
^*,, Bonnehée doit remplacer, dans le rôle de Pedro, de l'opéra de
Jlassé, Faure, qui prend son congé à la fin de ce mois.
^*^ C'est samedi prochain que Mme Ferraris fait ses adieux au public
de l'Opéra dans une représentation à son bénéfice. En dehors du désir
ique ses nombreux admirateurs éprouveront de lui témoigner leurs re-
;grets de son départ, les éléments de cette représentation et le désinté-
ressement qu'a mis la célèbre artiste à ne rien changer au prix
Tiâbitùel des places, suffiraient pour remplir la salle. L'ouverture de
'CkiillâUim Tell ; le deuxième tableau du premier acte à'Alcaste , chanté
;pa,r iMnie r.ueymard et Cazaux ; le deuxième acte de la Juive par Guey-
jmard, Dulaurens, Mme Vandenheuvel-Duprez et Mlle Sax; le premier
tkljieau de l'Etoile de Messine, l'un des triomphes de Mme Ferraris et la
tarentelle du troisième acte; le quatrième acte des Huguenots, par M. et
Mme Gueymard, Cazaux et Bonnesseur; enfin Graziosa et un grand pas
par Mme Ferraris et Chapuy ; telle est la composition de cette splendide
représentation.
a,** Obin vient d'être engagé au théâtre italien de Covent-Garden pour
le temps de son congé, qui commence le 1"' avril. Il y chantera le rôle
de Bertram, de Robert le Diable, et de Marcel, du Prophète. M. Gye a
également engagé Mlle Lucca, qui cet hiver a obtenu de si grands suc-
cès au théâtre de l'Opéra, à Berlin.
^*^ On annonce l'engagement au théâtre impérial de l'Opéra de
Mlle Mouravieva; cet engagement serait de six mois, et elle débuterait
dans Giselle, qui serait remontée avec décors et costumes nouveaux.
Mlle Mouravieva est une jeune et jolie personne qui s'est partagé cet hiver à
St-Pétersbourg avec MmePetipa les triomphes du ballet. On se ferait dif-
ficilement une idée de l'enthousiasme qu'ont excité les deux rivales et
les ovations dont elles ont été l'objet. Mlle Mouravieva s'est produite
dans Méthéora sept fois, dans la Perle de Séville cinq fois, dans Giselle
deux fois, et seize fois dans le Lutin de la vallée, le seul nouveau ballet
qu'on ait monté cet hiver.
*** L'Opéra restant fermé pendant la semaine sainte, ce temps va
être mis à profit pour le renouvellement de la décoration de la salle.
Un crédit de 100,000 francs a été mis, pour cet objet, à la disposition de
l'architecte, M. Boulanger, qui reproduira sur l'ancienne coupole les
motifs d'ornementation delà salle future; de sorte que le public sera
d'avance à même d'en juger l'effet.
^** La quatrième représentation de Stradella au théâtre Italien a fait
de plus en plus apprécier la musique de cet opéra. Un journal consta-
tait tout récemment qu'à Saint-Pétersbourg il a été joué simultanément
tout l'hiver au théâtre Italien et au théâtre de l'Opéra National, pour
lequel il a été traduit en russe.
**4 Delle-Sedie a été engagé par M. Mapleson, directeur du théâtre
de Sa Majesté, pour la saison prochaine.
f*^ Le début de Mario a eu lieu avec un succès complet au théâtre
de Barcelone dans // Barbiere .
*% Lundi a eu lieu, à l'église Saint-Roch, le mariago annoncé de
A. Battini avec Mlle Trebelh. Rossini a signé au contrat des jeunes
époux. L'orgue a été tenu pendant la cérémonie nuptiale, à laquelle
assistait un grand nombre de célébrités artistiques, par M. Aug. Durand,
organiste du grand orgue.
s*^, La première, représentation des Peines d''amour perdues est ajour-
née par indispusition. Mme Cabel a fait sa rentrée dans la Chatte mer-
veilleuse.
*** Avec les Bavards, le théâtre des Bouffes-Parisiens fait tous les
soirs salle comble. — Les principaux théâtres de l'Allemagne se sont
déjà adressés à Offenbach pour monter l'ouvrage, et il paraît devoir
être donné aussi au Grand théâtre de Berlin, sur la demande de
Mlle Artot, qui désire chanter le rôle de Mme Ugaîde.
:(*^ Il y a peu d'exemples d'une vogue pareille à celle qu'obtiennent
les couplets bachiques chantés par Mme Ugalde dans les Bavards :
Chantons l'Espagne. Plus de mille exemplaires ont été enlevés en quel-
ques jours. — Deux transpositions pour différentes voix viennent de
paraître.
^*^ Nous avons signalé les éclatants succès que vient d'obtenir
Mme E. Lagrua au théâtre Regio. Tous les journaux italiens proclament
ces succès. Reçue par des vivat prolongés, comme une précieuse con-
naissance, comme une étoile de l'art, elle fut encore plus chaleureuse-
ment applaudie à son premier récitatif et à la cavatine qui suit. Après
ce morceau, le public la rappela trois fois. Le duo avec Adalgise et le
trio ne furent pas l'occasion d'un succès moins brillant et de moins nom-
breux rappels. Nous ne saurions dire combien de fois enfin, à la chute
du rideau, elle a dû être obligée de reparaître. La représentation de
Norma a soulevé le même enthousiasme pour la célèbre cantatrice.
^*^, Mme Jenny Lind-Goldschmidt se fera entendre au feslival du Bas-
Rhin, qui doit avoir lieu cette année à Dusseldorf.
^'•'» On écrit de Posth, que Dunanan père et fils, opérette d'Offenbach,
y est représentée avec un très-grand succès. Les recettes sont si fruc-
tueuses, qu'elles ont remis à flot la direction du théâtre, dont la po-
sition était assez embarrassée. Cet ouvrage sera également monté à
Vienne.
^% Lundi dernier a eu lieu le second concert aux Tuileries. C'était
le tour du théâtre Italien, qui avait pour représentants dans cette soirée
Tamberlick, Zucchini et Délie Sedie; Mmes Alboni et Marie Battu.
Taniberlick, qui chantait pour la quatrième fois depuis son retour à
Paris, ne montrait aucun signe de fatigue. Il a dit la Prière de Poliuto,
le duo (ÏOtello, avec Délie Sedie, et le quatuor de Bigoletio. Mme Alboni
a chanté le duo du Barbier avec Délie Sedie, et seule, le bri7\disi de
Lucrezia Burgia. Mme Marie Battu s'est surtout distinguée dans le rondo
final de Don Pasquale, et elle y aurait été vivement applaudie, si les ap-
plaudissements étaient d'usage à la Cour. EKtre les deux parties du
concert, LL. MM. l'Empereur et l'Impératrice ont daigné s'entretenir
avec chaque artiste. M. Franchomme, seul iustiumentiste admis parmi
lh~
DE PARIS.
&7
tons ces chanteurs, avait joué une fantaisie sur la romance de la Rose
de Marta , e) les élèves du Conservatoire avaient fort bien rendu un
chœur des Lombardi.
^% Berlioz est sur le point de partir pour Weimar, où il doit prési-
der à la représentation de son opéra, Béatrice et Bénédict, qui doit y
être exécuté pour la fête du grand duc.
^% La maison frères Schott vient de publier l'œuvre symphonique de
notre savant collaborateur M. Fétis. Après avoir constaté la loi psycholo-
gique des transformations de l'art et démontré scientifiquement que
l'art actuel ne peut être que le développement naturel de l'art ancien,
le savant musicologue a voulu compléter la démonstration par des ar-
guments d'un autre genre et tout à fait péremptoires. n'est-ce pas en
marchant que l'on affirme le mieux le mouvement ? M. Fétis a donc re-
pris la plume du compositeur, délaissée par le théoricien, et il a mis au
jour, pour ainsi dire coup sur coup, les deux symphonies, les deux
quintettes et le sextuor que publient MM. Schott frères. L'accueil en-
thouiaste fait par le public à ces ouvrages est la meilleure preuve de
l'excellence de la théorie. Seules les œuvres qui se trouvent dans les
vraies conditions de l'art, rencontrent ainsi l'assentiment général.
,** A l'une des dernières soirées de M. le comte de Nieuwerkerke,
Mlle CaussemiUe, la jeune et brillante pianiste, s'est fait entendre avec
beaucoup de succès. Elle a joué un nocturne et une étude de Chopin, le
galop d'Ascher, et une fantaisie due à sa composition, sur la Som-
nambule.
^*^ Au dernier concert du cirque Napoléon , la marche turque de
Mozart, orchestrée par M. Pascal, a produit beaucoup d'effet, et on l'a
redemandée. L'allégretto de Mendelssohn, empreint d'une tristesse
charmante, avait été aussi fort goûté. Dans l'exécution des symphonies
d'Haydn et de Beethoven, l'orchestre a montré son ensemble ordinaire.
»*^ Vendredi prochain aura lieu, au théâtre Italien, une grande re-
présentation, organisée par la société allemande de bienfaisance au
profit de ses pauvres. La danse sera représentée par Mlle Friedberg,
danseuse russe; Mlles Schlœsser, Parent, Stoïkoff et Fiocre deuxième, de
l'Opéra.
t*, L'Association des sociétés chorales de la Seine, présidée par
M. Delafontaine, a donné dimanche dernier une brillante séance à la
salle Barthélémy. Parmi les pièces les plus applaudies, nous citerons le
Tyrol, d'Ambroise Thomas, et l'Hymne des laboureurs, de Georges Kastner.
Exécutée pour la première fois par le choral de l'Odéon, celte nouvelle
composition de l'auteur des Chants de la vie a produit le plus charmant
effet. On a surtout remarqué le duo de ténor et de baryton, ainsi que
la reprise du double quatuor de cette heureuse inspiration. Il est im-
possible d'être plus simple et à la fois plus varié que Georges Kastner ne
l'a été dans cette composition, dont les paroles imagées sont de M. H.
Vialon. Déjà plusieurs sociétés de Paris et de la province se sont em-
pressées d'adopter VBijmne des laboureurs comme un chœur de première
division du plus haut goût.
^** Aujourd'hui dimanche, à 2 heures, au Cirque Napoléon, cinquième
concert populaire de musique classique (dernière série), sous la direc-
tion de Pasdeloup. 1" Symphonie pastorale de Beethoven ; 2° adagio en
mi majeur d'un quatuor d'Haydn; 3° le Comte d'Egmont, tragédie de
Goethe, musique de Beethoven ; h" ouverture de Zampa.
,*^ il. Alexandre Billet annonce deux matinées musicales dans les sa-
lons de MM. Pleyel, Wolff et 0°, les vendredis 27 mars et 10 avril. Avis
aux amateurs de bonne musique.
*** Le Guide musical annonce que M. Gevaert vient d'achever la mu-
sique de l'opéra-comique en trois actes, dont M. V. Sardou a écrit les
paroles et qui doit être représenté au commencement de l'hiver prochain.
^% Jeudi dernier, deux quatuors de J. Rosenhain ont été exécutés
devant un auditoire intime dont un illustre compositeur, Rossini, n'a-
vait pas dédaigné de faire partie. En écoutant ces deux œuvres diffé-
rentes d'époque et de caractère, mais si fidèles aux traditions de la
grande école, on aurait pu les prendre pour quelques productions per-
dues et retrouvées des maîtres du genre dont J. Rosenhain est le conti-
tinuateur excellent. J. Becker, qui tenait le premier violon, s'est ac-
quitté de sa tâche avec un admirable talent de virtuose et de musicien
habile à pénétrer les moindres secrets d'une composition musicale.
,*, Nous annonçons et recommandons quatre œuvres nouvelles pour
orgue : Olfertoire du saint jour de Pâques, composé sur le chant de
VO Fila, trois offertoires et trois communions, de M. Edouard Batiste,
professeur au Conservatoire impérial de musique. Ces remarquables
compositions du célèbre organiste de Saint-Eustache sont publiées chez
Simon Richault.
a,*,, Aujourd'hui , à 2 heures , au cirque des Champs-Elysées , grand
festival choral au profit des ouvriers cotonniers, par les sociétés cho-
rales de Paris, de la Seine, et plusieurs orphéons des départements.
**» M. Bessems donnera une séance musicale le 6 avril, à 8 heures du
soir, dans les salons d'Erard ; on y entendra, outre les instrumentistes
les plus distingués, Mlle Trebelli pour le chant.
,■"* Le pianiste-compositeur Charles Wehle, accompagné du violon-
celliste Fery Kletzer, nous quitte pour un grand voyage artistique dans
l'extrême Orient. Avant leur départ, ces intéressants artistes ont eu
l'honneur de se faire entendre dans les salons du prince Metternich.
MM. Wehle et Kletzer se rendent d'abord à Marseille, Alger, Tunis,
Malte, Alexandrie et le Caire. Nous les suivrons dans leur tournée ar-
tistique.
.^,'*^ Jeudi 26 mars, une messe solennelle à grand orchestre de Camille
Schubert sera exécutée à Saint-Eustache , au profit de la Caisse des
écoles. Mlle Marie Sax, MM. Cazaux et Warot chanteront les soli;
M. Hurand conduira l'orchestre, et M. Batiste tiendra le grand orgue.
^*^ La partition piano et chant du Dilettante d'Avignon, la premèire
d'œuvre d'Halévy, paraîtra le 17 de ce mois, jour anniversaire de
la mort de son illustre auteur. L'éditeur Adolphe Catelin fait précéder
cette puDlication d'une notice complète sur ce maître tant regretté.
,t*^ C'est samedi 21 mars, à la salle du Casino, qu'a lieu le concert
annuel au bénéfice d'Arban. L'orchestre qu'il dirige avec tant d'autorité
et d'habileté, sera composé de cent vingt musiciens. Le programme est
des plus riches et se distingue autant par la nouveauté des morceaux
que par leur valeur. Ainsi on y entendra, par deux orchestres, la marche
composée par Meyerbeer pour le couronnement du roi de Prusse ; la
grande fantaisie composée par Arban sur la Muette de Portici ; le. Carnaval
à Rome, symphonie descriptive, composée exprès par M. Jean Conte,
premier prix de Rome de 18S5, et dont on dit le plus grand bien ; un
nouvel et entraînant quadrille sur Stradella, composé par Arban; un
caprice et des variations exécutés par lui sur le cornet à pistons, et bien
d'autres choses encore. Tels sont les éléments qui, avec le talent du
bénéficiaire et les sympathies qu'il inspire, rempliront et au delà la
vaste salle du Casino.
t^*^ Un nouveau morceau de J. Herz pour le piano, Consolation, vient
de paraître chez l'éditeur Hiliard.
^*» Mignon regrettant sa patrie est une charmante composition dans
laquelle Mme la vicomtesse de Renneville a traduit en vers élégants la
chanson de Goethe. Sur ce texte, M. Robertî a écrit une mélodie qui
en double la valeur.
^*» Notre excellent contre-bassiste A. Gouffé donnera mercredi
prochain, 18 niars, son concert annuel, dans les salons Pleyel-Wolff, à
2 heures très-précises, MM. Guerreau, A. Rignault, Casimir Ney, Lebouc
et Mme Béguin-Salomon concourront à cette séance, dans laquelle on
entendra des fragments d'un quintette de M. E. Walckiers, un quin-
tette de Mozart, des fragments d'un quatuor de G. Onslow, un air varié
pour le violoncelle, de Weber, un quatuor d'A. Blanc, deux mélodies
pour le violon, de Robberechts, un solo de piano. En outre, le béné-
ficiaire exécutera sur la contre-basse une sicilienne de sa compo-
sition.
^*t, C'est vendredi prochain, 20, dans la salle Herz, que Joseph
Wieniawski donnera le grand concert que nous avons annoncé. En voici
le programme : 1° sonate en la mineur, d'A. Rubinstein, pour piano et
violon, exécutée par Wieniavt'ski et Sighicelli ; 2° Récitatif et air de
l'opéra Acis et Galathèe de Haendel, chantés par Marchesi ; 3" menuet
de Beethoven, prélude n° 1 de Mendelssohn, et mazurka de Wieniawski,
exécutée par lui pour la première fois ; k° sonate (op. 22), en si mineur,
de Wieniawski; 5° le Soldat, le Cracovien, romances chantées par Mar-
chesi ; 6» thèmes et variations pour deux pianos, par Mmes Massart et
Wieniawski.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
,1,*:^ Orléans. — La société de Sainte-Cécile vient de docner son on-
zième concert, dans lequel se sont fait entendre MM. de Vroye et Mor-
tier. Ce dernier, qui possède une voix de ténor des plus sympathiques,
a parfaitement dit l'air de la Beine d'un jour, et le duo des Dragons de
Villars, avec Mme Lhuillier, ainsi que deux jolies romances. M. de Vroye
a joué les variations sur le Carnaval de Venise, de Demersmann. Ap-
plaudi, rappelé, M. de Vroye a bien voulu encore exécuter une simple
et délicieuse romance, dans laquelle il a su donner à son instrument
tout le charme de la voix. Des fragments de la symphonie de Beetho-
ven (en ut mineur), des chœurs de Judas Machabée, Guillaume Tell, et
quelques chansonnettes , complétaient un programme des plus at-
trayants.
,1,*^: Bordemiac. — Lalla-Roukh vient de recevoir un mauvais accueil
sur notre Grand Théâtre. Dès la quatrième représentation la salle était
vide ; on reproche à la musique de cet opéra de n'être pas assez dra-
matique. L'interprétation en a cependant été excellente, et la direc-
tion l'avait monté avec beaucoup de soin.
,,*„, Nice. — Nous avons eu dernièrement un très-beau concert donné
par l'éminent violoncelliste Casella, avec le concours de MMes d'Arbo-
ville, Peschel, de MM. Sasserno, Perny. Guidi et Henry. La salle était
comble, le programme des plus riches et le succès à l'avenant. On a
redemandé avec acclamations le quatuor de Rigoletto pour violoncelle,
orgue et piano, exécuté par l'auteur, M. Cazella, Cuidi et Perny.
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
»*4 Bruxelles. — Vendredi, on a repris au théâtre de la Monnaie les
Diamants de la couronne, une des plus charmantes inventions de Scribe
et l'une des partitions les mieux inspirées d'Auber. Notre public lui a
fait le meilleur accueil, et Jourdan, Aujac, Borsary et Mlle Cèbe y ont
vaillamment contribué pour leur part. On nous annonce encore les
prochaines représentations de l'Eloik du Nord et de Martha, qui ne
seront pas moins bien reçues.
t** Berlin. — Au théâtre royal de l'Opéra, a eu lieu une matinée
au profit des artistes des chœurs de ce théâtre. On y a surtout ap-
plaudi Mlle Artot, qui a chanté avec Formés un duo ûe Blangini ; Si-
vori, Mlle Luoca et Mlle de Ahna ont également prêté à cette solennité
le concours de leur talent.
,** \'ienne. — Adelina Patti poursuit ici le cours de sei? succès ;
l'enthousiasme du public va croissant, si c'est possible, à mesure que
le talent de cette merveilleuse artiste se montre sous de nouveaux as-
pects. Dans le rôle de Rosine, du Barbiere, elle a ravi l'auditoire, dont
l'admiration ne pouvait se contraindre ; plus d'une fois un tonnerre
d'applaudissements intempestifs a éclaté au milieu du plus beau passage.
Zachi est très-bien dans le rôle de Figaro. Quant k Carrion (Alraaviva),
il est du petit nombre des chantsurs actuels qui nous donnent une idée
des beaux jours de la période rossinienne. On pense qu'après le Barbiere,
le Carltheater donnera Don Pasquale. — Pour le mois de juillet on attend
Mlle de Tietjens, qui donnerait des représentations à ce théâtre.
**» Darmstadt. — Le célèbre ténor Niemann a terminé ses représen-
tations par le rôle de Rienzi , dans l'opéra de 'Wagner : on attend
Wachtel, qui vient d'obtenir un si beau succès à Berlin dans les Huguenots
et dans le Prophète.
^*\f Muyence. — Le ténor Wachtel donne des représentations au théâ-
tre de la ville. Ses débuts dans le rôle du postillon de Longjumeau ont
été des plus brillants.
^*^ Florence. — Le maestro Vincenzo Moscuzza vient d'obtenir un
grand triomphe au théâtre delà Pergola avec son opéra Piccarda Donati,
dont on vient de donner la première représentation. Cette œuvre ren-
ferme des beautés de premier ordre et qui témoignent d'une grande
connaissance do l'art. Les époux Tiberini en ont été les principaux in-
terprètes, et on les a forta pplaudis.
,;,*,, Rome. — Deux magnifiques soirées musicales, organisées au profit
des incendiés du théâtre Alibect, ont rempli la vaste salle du théâtre
Argentina. Le^ sœurs Marchisio, Ronzi, .'iquarcia et une foule d'autres
artistes s'étaient empressés d'y apporter le tribut de leur talent. On y a
exécuté admirablement la première partie du Stabat, de Kossini; le duo
de cette œuvre pour soprano et contralto e.xécuté par les sœurs Mar-
chisio, et la cavatine d'Isabelle, de Robert le Diable, chantée par
Mme Arancio-Guerrini, ont été les morceaux les plus applaudis.
^*,f Naples.— L'opposition qu'avait rencontrée d'abord Mme Titjens à
Naples, a fait place à l'enthousiasme. Dix représentations successives
de la Lucrezia ont valu à la célèbre cantatrice un véritable triomphe.
Elle a dû avant-hier bisser sa cavatine Wodi, ah! rriodi, aux acclama-
tions de la salle entière.
^*» Oporto. — Nous avons eu ces derniers soirs une belle représen-
tation au bénéfice de notre excellent baryton Buti. 11 avait choisi pour
cette solennité la Marta, dont huit représentations successives ont con-
sacré le succès. Mmes Julienne Dejean et Marini, MM. Bignardi et Buti
s'y sont surpassés, et l'on a fait à Buti une véritable ovation. —Sous très-
peu de jours nous aurons un nouvel opéra, Béatrice di Portogallo, dû à
un de nos compatriotes, Francisco Novonha.
Voici la liste des principaux concerts annoncés jusqu'à la fin de ce
mois ; le défaut d'espace ne nous permet pas de faire une mention
particulière de chacun d'eux :
15 mars. Salons Erard. Matinée musicale de M. Ten - Brinck, composi-
teur hollandais ; audition de ses compositions.
16 — Salle Herz. Grand concert de M. Ben-Tayoux, compositeur.
16 — Salons Pleyel-Wolïf. Deuxième soirée musicale de Mme Szar-
vady, avec le concours de Mme Clara Schumann,
Mlle Lorch, MM. Maurin et Chevillard; morceaux à
quatre mains par Mmes Szarvady et Schumann.
17 — Salle Herz. Concert de Mlle Louise Murer, élève de Prudent,
qui exécutera plusieurs compositions de son maître,
de Beethoven et de Mendelssohn.
17 — Salons Pleyel. Concert donné par W. Goldner.
18 — Id. Concert avec orchestre de Bernhard Rie, avec le con-
cours de Mme 0. Comettant.
49 — Id. Concert de Mlle Sabatier-Blot au profit des ouvriers co-
tonniers; le Corsaire, opérette de Mlle Sabatier-Blot.
20 — Salons Erard. Concert de M. Ferd. Schoen, pianiste compo-
siteur.
23 — Salle Herz. Concert d'Aug. Durand, organiste de .Saint-Roch,
avec le concours de MM. B. Bandarali, Badiali, de
Bériot et Sighicelli ; transcription de l'ouverture de
la Sirène pour orgue, et trio pour piano, orgue et
violon sur la première romance de Mendelssohn par
le bénéficiaire.
24 — Salle du Louvre. Dernier concert à grand orchestre sous la
direction de Lilolfi', de Madeleine Graever.
28 — Salons Erard. Soirée de Theresa VVartel : 1™ partie, musique
de chambre ; 2" partie , Antipathie , comédie de
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l'Exposition universelle de Londres, en 1851. — Exposition universelle de Paris, 1855, les plus belles pages du Rapport officiel, 27"° Classe, pages 1835-1336. —
Exposition universelle de Londres, 1862, PHIZK iVEUAL, avec cette mention : POUR EXCEI.I.EWCE DE TOUTE ESPECE D'INSTRUMENTS DE CUIVRE.
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1V° 12.
REVUE
22 Mars 1863.
PRIS DE L'ABONNEUENT :
Poris Silr.patal
UL'purtcniuuls, Belgique el Suisse — 30" id-
Élranger 31 " '*•
Le Journal paruU le Diiuunchc.
GAZETTE MU
— ^A/uw\/\Afjwv—
SOMMAIRE. — F. Halévy ; Souvenirs d'un ami pour joindre à ceux d'un f rère ; à
M. Léon Halévy, par Edouard lUonnais. — Théâtre impérial de l'Opéra :
début de M. Villaret. — Auditions musicales, par Adolphe Botte. — Nou-
velles et annonces.
F. HALÉVY.
[Souvenirs d'un ami pour Joindre A ceux d'an frère.
A. M. LÉON HALÉVY.
Encore deux jours, mon cher Léon, et une année entière se sera
écoulée depuis que nous avons conduit à sa dernière demeure, au
milieu d'un deuil national, vous, le frère , moi, l'ami que nous
avons tant aimé ! Rien ne lui aura manqué des hommages dus
aux grands artistes qui ont pris rang parmi les illustrations de
leur pays et de leur siècle. En attendant que sa statue s'élève
sur le monument consacré à sa mémoire, son portrait historique
a été largement tracé , au sein de l'Académie , par l'homme
éminent qui lui a succédé comme secrétaire perpétuel ; mais à
côté de cette image en quelque sorte officielle, vous avez voulu
en esquisser une autre plus délicate, plus intime. J'ignorais en-
core votre intention pieuse, lorsque, de mon côté, pressé par ce
devoir triste et doux qui nous oblige à recueillir tout ce qui nous
reste de ceux que nous pleurons, à ramasser en un faisceau toutes
nos chères épaves, je vous demandais quelques détails sur votre fa-
mille. Je tenais à savoir quelle part il fallait faire aux influences dans
l'éducation, dans la vocation de votre illustre frère. Il m'avait
souvent parlé de votre père comme doué d'un esprit distingué, de
facultés rares, mais sans me dire précisément quel eu avait été l'em-
ploi. En m'apportant les lumières dont j'avais besoin, votre lettre
m'apprit que nous nous étions rencontrés dans le projet de consigner
par écrit de précieux souvenirs. Je sentis aussitôt que c'était à vous
de marcher le premier, à moi de suivre vos traces. Vous avez
rempli votre tâche, mon cher Léon, et s'il ne s'agissait ici d'un
tout autre sentiment que celui de l'amour - propre , vous l'avez
remplie de façon à me détourner d'entreprendre la mienne. Je l'es-
sayerai pourtant, mais dans la mesure la plus modeste. Tout le monde
a lu avec un vif intérêt les pages touchantes où, sous le titre de :
Simples récits, Impressions personnelles, vous avez écrit la biogra-
phie complète de votre frère, apprécié ses oeuvres, indiqué les
rapports qui ont rapproché votre existence de la sienne. Ce
qui me reste à dire est bien peu de chose, et ce peu de chose
pourrait bien n'avoir de valeur que pour moi. N'importe! C'est une
espèce de bout de l'an que je célébrerai en quelques ligues commé-
moratives d'une journée fatale, dont la douleur se prolonge et se pro-
longera toujours avec une force égale entre nous deux. Nitlli flebilior
quam iibi, quam mihi !
La plupart dos musiciens célèbres sont nés en pleine musique :
lorsqu'un enfant survient dans ces familles prédestinées, il n'y a rien
de changé, si ce n'est qu'on y compte une voix ou un instrument de
plus. Pour votre frère, il n'en fut pas ainsi, et c'est ua argu-
ment à l'appui d'un instinct qui s'éveilla presque de lui-même, et
pour se développer, se passa des excitations d'une serre chaude
domestique : « Notre père. Elle Halévy, m'écriviez-vous dans votre
réponse à mes questions, était un homme très-hoiioré parmi les Is-
raélites pour son caractère et pour sa science; mais, je dois le dire,
celte science était toute spéciale. 11 était profond hébraïsant et très-
versé dans les connaissances talmudiques. Il avait fondé en 1818, de
concert avec quelques Israélites de Paris, un journal ou Revue men-
suelle. Intitulé l'Israélite français, qui avait pour épigraphe cette
belle parole de l'Ecriture : tiens au pays et conserve ta foi, parole
qui semble résumer l'avenir universel du peuple juif. Poëte hébraïque
très-renommé, il eut toute sa vie l'estime del'illustre orientaliste Silves-
tre de Sacy (père de l'académicien d'aujourd'hui), qui l'honora d'une
constante amitié et d'un Intérêt qu'il voulut bien reporter sur moi-
même pendant tout le cours de mes études universitaires. Notre père,
très-ardent pour l'émancipation intellectuelle de ses coreligionnaires,
que la révolution avait fait citoyens, ne prit pas à notre instruction
une part directe : la spécialité de ses connaissances ne le permet-
tait pas ; mais il se dévoua entièrement à notre éducation, et, quoi-
que ruiné par une malheureuse entreprise commerciale, il fit les plus
grands sacritices pour vouer ses deux fils aux études et aux profes-
sions libéi'ales. »
Elie Halévy était né à Furth, petite ville de Bavière, près de Nu-
remberg, mais la France devint sa seconde patrie. Julie Meyer, sa
femme, était Lorraine : elle avait vu le jour dans le village de Malze-
ville, près de Nancy. Comme vous, mais environ trois ans plus tôt,
votre frère, Jacques-Fromental-Elie, vint au monde à Paris. Il naquit,
le 27 mai 1799, dans une de ces maisons de la rue Neuvcdes-
Malhurins qui viennent d'être abattues pour laisser le terrain libre
au nouvel Opéra. Par une coïncidence bizarre, c'est aussi dans une
de ces maisons disparues du sol, qu'il se maria en 1842 avec Mlle Léo-
nie Rodrigues. Si rien de musical n'apparaît auprès de son berceau,
j'aperçois, au contraire, dans ses traditions et ses habitudes de fa-
90
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
mille, dans l'exemple paternel, l'explication de ce penchant qui
Tenlrainera plus tard vers l'étude des lettres, des sciences et des
divers idiomes morts ou vivants. Mais ce qui ût de lui un musicien,
ce qui lui révéla son génie, ce fut, comme vous l'avez remarqué, un
pur effet du hasard.
« La vocation de mon frère, disiez-vous, se prononça de très-bonne
heure et fut déterminée par une circonstance singulière. La première
pension oîi nous fûmes placés (car je ne parle pas d'une petite
école, enclos du Temple, où nous reçûmes force coups de férule et
quelques notions de grammaire) était un externat dirigé par un
nommé Cazot, dont le fils, musicien, avait remporté le premier prix
de fugue et de contre-point au Conservatoire. Il y était répétiteur de
solfège. Il remarqua les brillantes dispositions musicales du jeune
élève de son père, et le fit entrer dans sa classe au Conservatoire,
en 1809. Je crois que de toute façon mon frère aurait été ce qu'il
devint plus tard, mais il n'en est pas moins vrai qu'il y eut quelque
chose de providentiel dans ce hasard, qui avait mis dans le voisi-
nage de notre père (nous demeurions alors rue Michel-le-Comte, et
la pension était rue du Chaume, vis-à-vis des Archives) un maître de
latin ayant un fils répétiteur de solfège et lauréat musical du Con-
servatoire. »
Ce lauréat du Conservatoire devait être aussi celui de l'Institut ;
il remporta en 1812 le grand prix de composition musicale ; Hérold
l'obtint en partage avec lui dans le même concours, et Halévy,
l'élève de Cazot, le méritait sept ans après, en 1819. Hérold, Cazot,
Halévy ! quel assemblage de noms et quel contraste ! que de rayons
et que d'ombre! C'est que, nous le savons trop, le voyage de Rome
n'est qu'une épreuve, et le plus difficile après tout , ce n'est pas d'y
aller, mais d'en revenir.
Halévy ne partit pour l'Italie qu'en 1820. La mort prématurée de votre
mère l'avait retenu à Paris, et, avant son départ, il fit exécuter dans le
temple israélite un De profundis à grand orchestre pour la mort du
duc de Berry. Ce morceau fut gravé, dédié à Cherubini, qui l'avait
initié aux mystères du contre-point. Halévy, qui devait en ouvrir
l'accès, en enseigner les détours 5 tant d'autres, m'a souvent avoué
qu'il avait eu des peines inouïes à y faire ses premiers pas. A cette
époque, il était déjà professeur adjoint de solfège au Conservatoire,
comme l'avait été ce Cazot, son ancien mtîlre, et, pour suspendre
ses fonctions, sans perdre son titre, il se munit d'un congé. Pendant
son séjour en Italie, en Allemagne, s'il ne montra pas pour le travail
une ardeur excessive , il ne resta pas non plus oisif. A Naples, il
écrivit trois airs de ballet pour le théâtre San Carlo, et trois canzo.
nette en dialecte napohtain, qu'il dédia à l'une de vos sœurs.
En 1822, à Vienne, il composa une ouverture h grand orchestre,
un psaume à grand orchestre et à deux chœurs, et le finale d'un
grand opéra italien : Marco Cursio. A Rome, il s'était lié avec Ros-
sini. A Vienne, il avait entrevu Beethoven, et c'était assurément l'un
des avantages les plus grands qu'il eût retirés de son voyage.
En revenant à Paris, il lui arrive ce qui arriva à tous les lauréats
de Rome: pendant son absence, les ténèbres un instant dissipées par
l'éclat d'une couronne académique , s'étaient refaites autour de lui.
Le nom d'Halévy vous devait alors tout son lustre, à vous, notre ad-
miration et notre envie; vous que la célébrité avait visitée sur les
bancs du collège, qui déjà traduisiez si bien en vers français les odes
d'Horace, etdont les journaux vantaient si justement le talent précoce!
Votre frère ne pouvait mieux faire que de chercher en vous son Mé-
cène et de vous demander un poëme, cette chose introuvable et
pourtant indi.spensable à tout musicien. Grâce à vous, un vétéran de
rOpéra-Comique, M. Vial, auteur d'Aline, des Deux Jaloux et autres
pièces connues, lui confia un petit acte, le Jaloux et le Méfiant, dont
il écrivit rapidement la partition, mais les regards tournés vers une
scène plus élevée, plus vaste, qu'il affectionnait surtout. Pour celte
scène, deux collaborateurs, dont M. Patin, aujourd'hui de l'Académie
française, faisait partie, écrivirent, à son intention, un Pygmalion;
vous-même, en société avec Arnould, déjà l'associé de M. Patin, vous
lui prépariez un Erosirale, en trois actes, dont la musique , comme
celle de Pygmalion, ne sortit jamais des limbes où dorment tant
d'œuvres qui ont coûté de si grands efforts.
Parmi les phénomènes les plus intéressants de la mémoire, je n'en
connais pas de plus curieux que la promptitude et la ténacité avec
lesquelles s'y gravent certains noms qu'on entend prononcer, sans en
comprendre, sans en pressentir toute la valeur et l'importance.
Aujourd'hui encore, je dirais sans me tromper, sans hésiter, le jour,
l'heure, l'endroit où pour la première fois les noms de Rossini , de
Walter Scott, de Lamartine, de Balzac et de bien d'autres frappèrent mon
oreille. Il en est ainsi de certaines physionomies, que l'on retrouve
avec facilité, comme dans un miroir rétrospectif. Savez -vous, mon
cher Léon, où, pour la première fois, je rencontrai votre frère, le fu-
tur auteur de la Juive et de l'Eclair, que, je dois en convenir, je
regardai fort indifféremment ? C'est dans le salon de M. Villemain,
l'illustre écrivain, où, devant un nombreux auditoire, par l'organe de
M. de Saint-Georges, votre ami, et depuis le nôtre, vous lisiez une
comédie en trois actes. El comment la mère de notre hôte, Mme Vil-
lemain, me désigna-t-elle votre frère ? « Ah ! dit-elle, c'est le musi-
cien : il donne des leçons chez Mme de Duras. » La désignation
était exacte, mais à quelque temps de là, on eût pu la trouver bien
inconvenante, ou du moins bien incomplète. Cependant la physiono-
mie de votre frère me demeura présente, et je la vois encore telle
qu'elle était alors, comme si plus de trente années ne fussent inter-
venues depuis ce moment.
Enfin, l'heure propice finit par sonner pour le jeune compositeur
en quête de ce poëme tant recherché, tant désiré. Le théâtre de
rOpéra-Comique vivait sous les lois d'un vieil auteur de mélodra-
mes , M. Guilbert-Pixérécourt , qui avait joui du titre de Corneille
dans un genre dont M. Caignez passait pour le Racine. Halévy n'avait
pas manqué de faire sa cour, avec toute l'adresse dont il était ca-
pable, à cet autocrate redoutable et redouté, arbitre souverain de son
avenir, de sa vie. Un soir, il le trouva dans un salon, chez Boieldieu,
je pense : l'autocrate jouait au whist et le destin lui souriait. Il sou-
rit au jeune artiste, et lui dit: « Venez me voir demain matin, je
crois que j'ai votre affaire. » Halévy fut ponctuel , et M. Guilbert-
Pixérécourt lui remit le manuscrit d'une pièce en un acte, dont l'au-
teur était M. de Saint-Georges, déjà nommé. Cette pièce avait pour
titre l'Artisan, la musique en fut lestement^ écrite, et la première re-
présentation ne se fit pas attendre. Il y eut succès, mais un de ces
succès plus profitables au poète et au musicien qu'au théâtre. Le di-
recteur rencontrant votre frère le lendemain, lui dit du ton le plus
agréable : « Je suis content, très- content; je jouerai votre pièce qua-
torze fois. » Et en effet, il ne la joua pas davantage. Pourquoi qua-
torze et non pas quinze ? Y avait-il dans le nombre fixé quelque
chose de cabalistique ? On comprend que le jeune compositeur ne
fut pas assez téméraire pour le demander.
Il faut tout noter dans l'histoire d'un artiste, les bonnes fortunes
comme les déceptions. Le soir même de son premier succès, Halévy
eut une chance encore plus rare, de nos jours surtout. Il y avait
dans la salle un éditeur, un jeune homme, qui commençait le com-
merce de musique avec une hardiesse égale à son intelligence. A la
chute du rideau, l'éditeur monta sur le théâtre, et dit au composi-
teur, qui reçut le coup à bout portant : « Monsieur, voulez-vous me
vendre votre partition ? — Comment donc? mais de tout mon cœur. —
Eh bien , je vous la paie 1,000 francs. Tenez, les voilà, mais c'est
à condition que vous me vendrez d'avance vos six premiers ouvrages
en un acte, au même prix? — J'accepte. » Et le marché fut con-
clu. L'éditeur, que quelques-uns ont nommé déjà, était M. Mau-
rice Schlesinger, qui acheta plus tard aussi, Ludovic, la Juive, l'E-
DE PAKIS.
01
clair, Guido, la Heine de Chypre, Charles VI, et qui avait deviné
tout cela dans l'Artisan; c'était avoir la vue assez fine !
Désormais, Halévy pouvait travailler avec confiance : il comptait un
succès ; il avait un théâtre, et, qui plus est, un éditeur!
Edouard MONNAIS.
( La suite prochainement.
THÉÂTRE IMPËRIU DE L'OPËRÀ.
Dëbut de M. Villaret.
Le début du ténor Villaret a eu lieu vendredi dans Guillaume Tell.
On sait que, professant le métier de brasseur dans le Midi, il faisait
partie d'une société chorale ; le hasard mit le célèbre avocat Nogent
Saint-Laurent à même de l'entendre, et ce fut lui qui le signala à
l'attention du directeur de l'Opéra. Mandé à Paris, il a travaillé
avec beaucoup de zèle et de persévérance sous la direction de
M. Vauthrot et, devenu mûr pour la scène, il s'est produit dans le
rôle d'Arnold, qu'on a jugé le plus propre à faire valoir les moyens
du néophyte. On ne s'est point trompé, et dès les premières phra-
ses de son récitatif, il avait conquis toutes les sympathies de la salle.
En effet, la voix de M. Villaret se distingue tout d'abord par
un timbre extrêmement flatteur; elle est en même temps sonore,
douce , harmonieuse ; l'émission en est juste , le son sort sans
effort et monte de même jusqu'aux notes les plus élevées, et ce
n'est pas un des moindres charmes de cet organe qui ne laisse aucune
inquiétude au spectateur, en même temps qu'il ne trahit aucune
peine, aucune fatigue de la pari du chanteur.
Ces qualités se sont manifestées dans l'air O Mathilde ,
idole de mon âme, qu'il a dit avec une suivilé et pourtant avec une
plénitude de son qui ont soulevé des bravos unanimes. Le duo avec
Mme Vandenheuvel-Duprez au deuxième acte, n'a fait que confirmer
cette première impression, et le succès de M. Villaret a été couronné
par l'admirable air Asile héréditaire, dans lequel Duprez n'a point
jusqu'à présent trouvé de rival ; l'andante en a été dit avec un sen-
timent exquis, et l'allégro très-vaillamment attaqué par le chanteur,
qui, dans le fameux Suivez-moi, écueil des imitateurs de Duprez , a
fait entendre Yiit de poitrine avec une facilité remarquable. Aussi
n'étaient ce plus des applaudissements d'encouragement prodigués à
M. Villaret, mais bien les bravos et les acclamations accordés à l'ar-
tiste qui a conquis de longue date la faveur du public.
Jamais, peut-être, Mme Vandenheuvel n'avait chanté avec une
semblable perfection le rôle de Mathilde. La romance : Sombres fo-
rêts a été détaillée, nuancée d'une façon inimitable. Fauro tient
magistralement le rôle de Guillaume Tell, et il y a eu de très-beaux
élans. En définitive, nous croyons que la direction de l'Opéra a
mis la main sur un sujet qui lui fera honneur. Sans être très-jeune,
M. Villaret est dans la force de l'âge, sa taille, sans être fort élevée,
est bien proportionnée, les épaules larges et le thorax bien développé.
Si l'on fait la part de l'émotion d'un premier et si solennel début,
le maintien de M. Villaret n'a pas été gauche, et il se mettra prompte-
rnent à l'aise ; c'est de même à cette émotion bien naturelle qu'il faut
attribuer quelques défauts de respiration, et la brièveté de pronon-
ciation de quelques syllabes désinentes ; mais ces imperfections dis-
paraîtront bientôt lorsqu'il se sera familiarisé avec la scène et avec le
public.
S. D,
AUDITIONS MUSICALES.
dTosepIi Romano. — Unie Coriae de Eiaigl. — Cieorgc!*
dacobi. — Camille Saint-iliaëns. — Mlle C. Remanry.
— aime Gulbert-Jung. — BIme Siarvady. — M. Ten
Briak. — UUe IVîltaelmine Belïa de liauuay. —
lime Clara iSctanmann.
La semaine dernière, dans les salons Erard, Joseph Romano, com-
positeur et organiste de talent, a exécuté divers morceaux de lui
fort bien faits et fort bien conduits. Cet artiste a le charme qu'ont
en général les musiciens italiens, et il phrase avec beaucoup de goiit.
Ses arrangements sur Robert le Diable et sur le Stabat de Rossini
annoncent une plume exercée ; ils sont écrits avec soin , avec art ;
ils sont brillants, sans toutefois enlever à l'harmonium son plus grand
mérite, qui, on l'oublie trop souvent, est, non de pouvoir rivaliser de
brio avec le piano, mais de pouvoir mieux chanter et mieux nuancer
le son : aussi les mélodies de Meyerbeer et de Rossini ont-elles eu,
sous les doigts de M. Romano, toute leur puissance et toute leur va-
riété. Par le mélange heureux des deux instruments, elles unis-
saient, cette fois, des sonorités diverses et rappelaient les émotions
délicieuses qu'elles font goûter ailleurs.
— Mme Corinne de Luigi a donné l'autre soir, à l'hôtel du Louvre,
une soirée musicale et littéraire dans laquelle elle a dit plusieurs
morceaux de Rossini. L'art, la méthode et le goût de la cantatrice
perçaient malgré les défaillances de sa voix, que paralysait une in-
disposition. Les instrumentistes ont eu le beau rôle. Dans quelques
fragments du beau concerto de Mendeissohn et dans la fantaisie d'A-
lard sur la Fille du régiment, le jeu brillant et expressif du jeune
violoniste Bauerkeller a fait un vif plaisir. Mme Dreyfus et M. Au-
guste Mey se sont fait applaudir aussi : l'une, avec des morceaux sur
la Muette Ql sur Lucie; l'autre, avec sa jolie fantaisie sur Diane de
Solanges, opéra du duc de Saxe-Gobourg-Gotha.
— itfardi, pendant qu'à la salle Pleyel-Woff M. Charles Lamoureux
interprétait Mozart et un très-beau concerto de Rode de manière à se
placer définitivement parmi les meilleurs solistes sortis du Conserva-
toire, si fécond pourtant en violonistes remarquables ; pendant qu'à
la salle Erard on applaudissait M. Hugo, Herman dont le talent fin,
élégant et expressif a été bien des fois apprécié cet hiver, notam-
mant à une soirée donnée sous le patronage de Mmes Rouland, du-
chesse Tascher de la Pagerie, Paulin Talabot, de Mouzay, etc., au
profit des ouvriers rouennais, M. G. Jacobi obtenait à la salle Herz
un véritable succès. Le public lui a fait un chaleureux accueil, bien
justifié par la grâce et la légèreté de son archet, par la pureté et le
brio de son exécution. En jouant un difficile concerto de R. Kreut-
zer, il a développé tout à son aise les qualités sérieuses qu'il pos-
sède ; en disant des pages plus légères, telles que la Fantaisie bal-
let de Bériot, et les Variations de Vieuxtemps sur un thème original,
il a prouvé que son style avait de la souplesse, et qu'il se prêtait
également bien à l'interprétation des œuvres sérieuses et à celle des
productions qui se contentent d'être délicates et gracieuses, ambition
assez haute, on en conviendra, et à laquelle bien des fantaisies
semblent avoir renoncé. Nous dirions bien que Mlle Joséphine Martin
a partagé avec M. Georges Jacobi les honneurs de la soirée; mais,
outre que cette formule a peut-être déjà trop servi, elle est, en vé-
rité, tout à fait insuffisante pour donner une idée de la sévère cor-
rection, de la haute intelligence, du goût irréprochable qui, on le
sait, distinguent le talent de l'excellente pianiste.
— Il est assez malaisé de parler de M. Camille Saint-Saens. Pour
notre part, nous ne cherchons pas à le dissimuler, cela nous embar-
92
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
rasse fort. Pianiste, il a un très-beau lalent gâté par une sécheresse
d'autant plus regrettable qu'elle semble presque volontaire, tant il
s'y mêle parfois de délicatesse et de fini ; compositeur, il a un incon-
testable mérite de style, obscurci à chaque instant par des idées
vieillottes, par une hésitation évidente entre les formes d'autrefois,
celles d'aujourd'hui et même, souvent, celles de demain : Bach et
Wagner sont confondus et forment un tout qui ne satisfait complète-
ment personne.
La semaine dernière, dans les salons Pleyel-Wolff, M. Camille
Saint-Saens a fait exécuter, entre autres morceaux de sa composi-
tion, une symphonie en ré qu'on entendait pour la première fois et
qui a été bien dite par un bon orchestre. Il y a toujours infiniment
de lalent dans les ouvrages de M. de Saint-Saens ; mais, tantôt,
comme dans cette symphonie, le style fugué, une concision exagérée,
une instrumentation un peu vide (et oii est prodiguée cette puérile
antithèse de la flûte et du hautbois, dialoguant avec la masse des
instruments), ne laissent que trop voir la pauvreté de l'invention
première ; tantôt comme dans son concerto pour violon, — joué l'au-
tre soir par M. White avec une supériorité digne d'éloges — des
développements trop longs, des harmonies plus correctes que belles,
enlèvent toute proportion à l'œuvre et cachent complètement l'idée
mélodique. Mais, dira-t-on, y a-t-il des idées mélodiques dans la
musique de M. de Saint-Saens ? Oui, il y en a ; pas en profusion
assurément, mais, enfin, dans ses concertos, par exemple, on en
trouve. Malheureusement, avec sa crainte d'être commun, son amour
du détail et de la couleur, l'auteur précipite bientôt ses thèmes dans
un flot dHniitations, de canons, où ils disparaissent tout à fait, pressés
et étouffés sous une forme qui manque d'air et de naturel, sous une
harmonie trop serrée, sous un réseau de dissonances, de cadences
évitées, qui fait perdre de vue la tonalité et qui déroute l'oreille.
Cette monotonie des surprises et des coquetteries ne vaut pas mieux
que l'autre. En somme, tous ceux qui connaissent les difficultés du
style symphonique, accordent largement à M. Saint-Saens presque
tous les genres de mérite que donne l'étude ; quant à la grâce et à
l'abondance mélodique, c'est tout autre chose. M. Camille Saint-Saens
est encore assez jeune pour s'apercevoir un jour que, s'il est bon
d'avoir passé par l'école, d'y avoir puisé le savoir et l'érudition,
il est bon aussi de secouer un peu tout cela et de se réchauffer
l'âme au contact de tout ce qui est libre, vivant et passionné.
— Parmi les soirées données dans les salons Erard , celle de
Mlle Caroline Remaury a été l'une des plus charmantes. Mlle Remaury
est une jeune et brillante élève de M. Félix Lecouppey ; elle a fait
de notables progrès. Son jeu , très-énergique au besoin , n'exagère
cependant jamais la pensée du compositeur; il évite les oppositions
violentes et se garde de certains effets d'enflure, si chers à plus d'une
école. Il n'a pas encore toute la liberté, toute la spontanéité des ta-
lents vraiment originaux et complets, mais il est ferme , pur et dis-
tingué. Après avoir exécuté des œuvres de Bach , de Haydn , de Ra-
meau, de Mendelssohn , Mlle Remaury a parfaitement triomphé des
difficultés de la sonate en ré mineur de Beethoven, et en a fait jaillir
le véritable esprit, la noble grandeur, les grâces fougueuses et en-
traînantes. Mlle Remaury dédaigne, et nous l'en félicitons, toute es-
pèce d'affectation; elle a dit simplement et d'une façon ravissante un
rigodon de Dardanvs, transcrit par M. F. Lecouppey, un nocturne
de Chopin et une valse de Slephen Heller. Ce dernier morceau a été
bissé et méritait tout à fait un pareil accueil. L'ampleur, la largeur,'
les beaux sons, en un mot toutes les hautes et grandes qualités de
Henri Vieuxtemps ont été déployées par lui dans sa Fantasia appas-
sionata et ont ravi les auditeurs.
■— Les concerts avec orchestre sont nombreux cette année. Grâce
à ce puissant auxiliaire, Mme Guibert-.Iung, à sa soirée donnée salle
Herz, nous a rendu dans toute leur richesse le caprice en si mineur
de Mendelssohn et un fort beau concerto de Charles de Meyer. Chez
Mme Guibprt-Jung on ne remarque pas ce divorce malheureux entre
la délicatesse et la puissance : l'une et l'autre se touchent, se re-
joignent et donnent à son style beaucoup de variété. Le septuor de
Lucie, transcrit par Liszt, et deux jolies compositions de M. Mar-
montel, joués par l'habile pianiste, ont été très-goûtés. En interpré-
tant un Adagio et Rondo militaire de Servais, fantaisie remplie de
mélodies colorées, de traits difficiles et brillants, M. Jules Deswert a
recueilli de nombreux bravos, Un des plus grands succès de la soirée
a été pour M. Jean Machiels, qui a dit avec une grande supériorité
un solo de clarinette de Bender.
— Rien ne manque à Mme Szarvady pour interpréter les œuvres
des maîtres : ni la conviction, ni les fortes études, ni un mécanisme
excellent, ni l'amour éclairé et désintéressé du beau. A sa seconde
séance, donnée lundi dans les salons Pleyel-Wolfî, Mme Szarvady a
d'abord, avec MM. Maurin et Chevillard , exécuté un superbe trio de
Beethoven. Là, elle n'avait rien à redouter : la beauté reconnue de
l'œuvre, le talent éprouvé des interprètes, répondaient du succès et
assuraient une victoire ; mais avec Mme Schumann, elle a joué deux
morceaux à quatre mains de Schumann, et le public , qui appréciait
très-bien cette attention délicate, cet hommage rendu à un musicien
éminent quelquefois, mais très-inégal et très-obscur souvent, le public
se demandait s'il ne paierait pas tous les frais de cette courtoisie fé-
minine (la plus savante et la plus gracieuse de toutes les courtoisies
sans contredit). Hâtons-nous de constater que ses craintes ont été
vite dissipées. Les deux grandes virtuoses ont fait assaut de talent,
ont rivalisé de verve, de délicatesse, et le compositeur a eu aussi sa
bonne part dans les bravos enthousiastes de l'auditoire.
— Un jeune musicien hollandais, M. TenBrink, a fait entendre di-
manche divers morceaux sérieux de sa composition, entre autres un
quatuor et des fragments de plusieurs trios. M. Ten Brink est plein
détalent, mais qu'est-ce que le talent sans l'inspiration? Nous ne sa-
vons pas au juste ce qu'est aujourd'hui, dans la patrie de Paul Potter,
l'art hollandais ; mais ce que nous savons, c'est que dans ce pays,
comme dans bien d'autres, beaucoup déjeunes auteurs oublient com-
plètement la mélodie.
La forme c'est beaucoup, nous ne l'ignorons pas; toutefois, lors-
qu'elle est seule, c'est fort peu de chose ; et la musique qui n'offre
que cet intérêt est rangée dans le pire de tous les genres, genre
que nous nous abstiendrons de nommer. M. Ten Brink est un bril-
lant pianiste, plus énergique que délicat. Ses fragments de trios et
son quatuor attestent du savoir et ne manquent pas de détails ingé-
nieux ; seulement ils n'ont aucun caractère , aucune physionomie
propre.
Trois solistes des plus distingués, MM. Charles Lamoureux, Nabich
et Jules Lasserre, ont été chaleureusement accueillis dans ce concert
— Mlle Wilhelmiue Belin de Launay appartient à cette race d'ar-
tistes trèS' distingués qui vivent volontiers dans le passé et y trou-
vent, mieux que dans le présent , l'ex^iression de leurs sentiments
délicats et élevés : aussi est-ce Mozart que la jeune pianiste comprend
le mieux. Quoiqu'elle ait bien dit l'air de Grâcel de Robert, si habi-
lement transcrit par Emile Prudent, qu'elle se soit efforcée, non sans
succès, d'atteindre au pathétique répandu dans cette mélodieuse ins-
piration ; quoiqu'elle ait mieux dit encore un ravissant andante de
Hummel, c'est en jouant, avec Alard, un thème varié de Mozart, et,
seule, les adorables variations du même maître sur fJson dormait
dans un bocage, que Mlle W. Belin de Launay a fait le plus applaudir
la grâce, la clarté et le charme de son talent.
Les marques d'admiration n'ont manqué ni à Alard ni à, Badiali,
et, bien des fois, la fantaisie sur la Muette, exécutée par l'un, et
l'air du Barbier, chanté par l'autre, ont été interrompus par les ac-
clamations enthousiastes de l'auditoire.
DE PARIS.
93
Mlle Desnoyers porte un nom honorable et bien connu dans le
inonde des lettres; elle a chanté de façon à faire espérer qu'elle le
portera dignement dans le monde musical. La romanre de Marie
Stuart, qui demande, non une habileté de vocalisation que Mlle Des-
noyers ne possède pas encore, mais une sensibilité et un gDÙt qu'elle
possède déjà, a été phrasée par la jeune cantatrice avec une re-
marquable expression.
— Le public parisien n'a nulle rancune ; l'autre soir, chez Erard,
il a applaudi le beau quintette en mi bémol de Schumann, absolu-
ment comme si ce maître ne lui eût jamais fait passer d'assez mau-
vais moments. Est-il besoin de dire que cette œuvre est de tout point
délicieuse? A quoi bon? Il y a longtemps déjà que MM. Armingaud,
Jacquard, Lalo, Mas, Lubeck ou Mme Massart nous en ont révélé tout
le prix; il vaut donc mieux ajouter que Mme Schumann a obtenu, à
son second concert, plus de succès encore qu'à son premier. L'émi-
nente pianiste ne s'est interdit ni les fugues de Bach, ni bien d'autres
choses bien austères ; mais ce quintette, un admirable duo de Mozart
à deux pianos, un air de Lulli chanté par Mme Viardot, ont fait
éprouver à tous un véritable plaisir.
Adolphe BOTTE.
NOUVELLES.
**, La représentation de la Muette de Portici donnée dimanche au
théâtre impérial de l'Opéra a produit plus de 10,000 francs de recette.
On ne se lasse pas d'entendre cette admirable partition d'Auber qui
semble aujourd'hui toute nouvelle, et dont le succès actuel surpasse
celui qu'elle obtint dans l'origine. Lundi l'on a joué, pour la troisième
fois, la Mule de Pedro avec la Vivandière. L'opéra de Victor Massé gagne
à chaque audition. Mercredi, la Mueile a de nouveau rempli la salle, et
vendredi une grande affluenoe de spectateurs assistait au début du ténor
Yillaret, dans Guillaume Tell.
*** Le théâtre de l'Opéra-iJomique a repris, le semaine dernière, avec
beaucoup de succès les Diamants de la Courcnne. Mlle Marimon a été
fort applaudie dans le rôle de la Catarina. — Ou remonte Uaydée pour
Achard, qui remplira le rôle de Lorédau.
„*^ TamberHck est toujours fort beau dans Poliuto. Les dernières re-
présentations de cet ouvrage lui ont été complètement favorables, et
nous voudrions pouvoir en dire autant d'un Bullo in maschera, mais le
genre léger ne lui convient pas à beaucoup près autant que le genre
grave. Sa voix n'a rien de ce que demande un badlnage élégaut, facile,
et sa physionomie est comme sa voix. Pour la première fois de la saison,
Mlle Saint-Urbain reparaissait sur la scène dans le rôle d'Amelia. Nous
n'avons trouvé nul changement dans sa personne ni dans son talent.
C'est toujours une jolie femme, qui joue et chante sans émotion , sans
effet. Délie Sedie et Mlle Marie Battu ont seuls été applaudis et bissés.
On a redemandé au chanteur VEri tu, à la cantatrice, le Saper vorreste,
et on les a remerciés de leur complaisance à les redire par de nou-
veaux applaudissements. On regrette que i\llle Trebelli ait été condam-
née à remplir le rôle insignifiant de la devineresse.
,1,*^ A l'un des derniers concerts des Tuilerie.;, Sa Majesté l'Impéra-
trice a témoigné à MM. Delle-Sedie et Zucchini, chargés du rôle des
bravi dans Stradella, le regret que l'interruption des représentations de
l'opéra de Flotow ne lui permît pas de l'entendre.
^*» La première représentation, très-procliaiue, des Peines d'amour
perdues {Cosi fan lutlc)^ offrira un attrait de plus à la curiosité, par le
début de M. Léon Duprez, fils du célèbre ténor, frère de Mme Vanden-
heuvel, qui a bien voulu, en présence des indispositions qui retardent
l'ouvrage, se mettre obligeamment à la disposition du théâtre Lyrique,
pour interpréter le principal rôle de l'opéra de Mozart. M. Léon Duprez
ne pouvait choisir une meilleure occasion pour se produire dans une
carrière où les sympathies du public lui seront acquises d'avance.
,j*,t Après le départ de Mme Carvalho pour Marseille, qui Interrom-
pra les représentations de Fau-it, arrivé i sa centième représentation ot
qui ne sera plus joué que trois fois, le théâtre Lyrique va reprendre
Oberon; Montjauze chantera le rôle principal. — Mme Cabol quitte ce
théâtre et va contracter un engagement avec la direction du théâtre de
Lyon.
,*„, Le théâtre Molière a commencé une série de représentations qui
intéressent l'art dramatique. Celle de jeudi se composait du premier
acte des Draijons de ViUars, du Caid pour la partie lyrique, et d'une
Tasse de thé, suivi du Chapeau d'un horloyer, pour la partie comique.
,j*,t On écrit de San Francisco que la Muette de Portici vient d'être re-
présentée sur la scène de la Californie devant une foule immense. A
défaut du luxe de décors et de mise en scène qu'aurait difficilement per-
mis la localité, la troupe a fait de son mieux pour faire apprécier
les beautés du chef-d'œuvre d'Auber. M. et Mme Blanchi ont eu les hon-
neurs de la soirée.
„,*„, Mardi a eu lieu le troisième concert au palais des Tuileries.
Celait le tour des artistes de l'Opéra. Faure a chanté un air de
VEnfant prodiyue ; Mlle Sax, avec Obin, un duo des Huguenots ; Guey-
mard , avec les chœurs , la barcaroUe de ta Muette ; Mlle Sax, avec
Gueymard, Faure et Obin, un quatuor des Vêpres siciliennes; Mme Guey-
mard, avec son mari et les chœurs, le Miserere du Trouvère; Mlle Sax,
un air du même opéra; MM. Gueymard, Faure et Obin, un trio de
Guillaume Tell; Mme Gueymard, les couplets de la Mule de Pedro; enfin
Mlle Sax, MM. Gueymard, Faure et Obin, et les chœurs, ont terminé
la soirée par le finale de Moïse.
^,*ji, On nous écrit de Turin qu'on vient de représenter au théâtre
Carignano une comédie en quatre actes, de M. Luigi Dasti, qui a pour
titre Rossini à Napoli, et dont le sujet est emprunté à un épisode de la
vie du célèbre maestro. Nous voudrions bien savoir, si Rossini habitant
encore l'Italie, on eût pris une pareille licence?
^*^ Une audition très-intérussante de la musique de la garde de
Paris a eu lieu mardi dernier, dans la salle de Sax, rue Saint-Georges.
^*„, Voici le programme du concert qui sera donné aujourd'hui par la
Société des concerts du Conservatoire : 1" Symphonie avec chœurs de
Beethoven (avec le concours de Mmes Duprez-Vandenheuvel et Viardot,
MVI. Warot et Bussine); 2° hymne d'Haydn, pour tous les instruments à
cordes; 3° duo-nociurne de l'opéra Béatrice et Béncdict, de Berlioz,
chanté par Mmes Duprez-Vandenheuvel et Viardot, ouverture du Jeune
Henri.
/* Aujourd'hui dimanche, à 2 heures, au Cirque Napoléon, sixième
ot avant-dernier concert populaire de musique classique, sous la direc-
tion de Pasdeloup. En voici le programme : 1" Ouverture de Struensée,
de Meyerbeer ; 2" symphonie en fa de Beethoven ; 3" allegro du concerto
en ré mineur pour violon de Kreutzer; 4° adagio de la 44= symphonie de
Haydn ; le Songe d'une nuit d'été, de Mendelssohn.
,„*^ Au dernier concert de l'Hôtel de ville, qui a été fort brillant,
Naudin a chanté en italien l'air du sommeil, de la Muette de Portici ,
qu'il abordait pour la première fois; il lui a valu les applaudissements
les plus chaleureux, et M. Auber, qui assistait à ce concert, l'a félicité.
^*,i, La commission du monument d'Halévy s'est réunie jeudi dernier
au Conservatoire. Tous les membres dont elle se compose avaient été
invités à visiter le modèle de la statue, qui vient d'être terminé par
iM. Duret, de l'Académie des beaux-arts. L'œuvre du célèbre statuaire
a été l'objet d'une approbation générale. M. Lebas, chargé de la partie
architecturale, a aussi présenté ses plan'^, et il est probable que le tra-
vail pourra être entièrement achevé dans le cours de l'année.
,(,*„, Nous avons annoncé la prochaine arrivée de Thalberg à Paris et
donné, dans notre numéro du 8 mars, le programme aussi riche que
varié des morceaux que compte faire entendre le célèbre pianiste com-
positeur; sa prochaine séance est fixée au samedi 8 avril, dans les sa-
lons d'Erard.
^*,i, Après avoir fait entendre à son premier concert historique le
Trille du diable, de Tartini, la Danse des lutins, de Bazzini, et des varia-
tions de Paganini, Jean Becker a exécuté un concerto de Viotti, chef-
d'œuvre d'élégance et d'invention, et plusieurs autres morceaux avec
une justesse parfaite, une siireté et une délicatesse qu'il serait difficile,
pour ne pas dire impossible, de surpasser. Il est incontestable que le
jeune artiste a fait depuis un an des progrès surprenants; il a le culte
de son art et le feu sacré ; avec ces éléments, une des premières places
l'attend parmi les violonistes modernes. Aussi a-t-il reçu un accueil
enthousiaste à ce concert, dans lequel Mme Oscar Comettant a chanté
avec beaucoup d'art et d'esprit deux mélodies de M. Edouard de Har-
tog, qui ont été fort applaudies.
^*^, M. E. Reyer vient d'être nommé par le roi de Prusse chevalier
de l'ordre de la Couronne. Cette distinction honorifique est la confir-
mation du succès obtenu l'année dernière à Bade par l'opéra d'^ros-
Irate, et le complément des éloges que S. M. la reine de Prusse donna au
jeune compositeur dont elle venait d'applaudir la partition.
.^,*^ Lundi dernier M. Pasdeloup a fait exécuter par son orchestre et
ses orphéonistes le Requiem de Mozart à Saint-Eustache, en l'honneur
de Wilhem. Le produit de la quête était destiné aux ouvriers de Rouen.
Elle a été fructueuse , car l'assistance était considérable, et c'était
Mlle Pasdeloup qui quêtait. Il est inutile d'ajouter que l'exécution a été
de tout point excellente.
,j*^, C'est . mercredi soir qu'aura lieu, dans la salle Erard, le concert
d'Alexandre Batta. Le nom de Mme Massart, la pianiste éminente, ceux
aussi célèbres de deux chefs de l'école allemande et belge, MM. Jean
Becker et A. Dubois, exécutant, pour cette fois seulement, un duo pour
deux violons; M. Bussine, Mmes Peudefer et Malézieux; A. Batta se fai-
sant entendre quatre fois ; voilà les éléments d'un splendide programme.
n
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
**» Dimanche dernier avait lieu chez Mme Erard la dernière des belles
soirées musicales dont elle fait chaque saison les honneurs avec une si
cordiale amabilité. Empressés de reconnaître l'hospitalité que cette ho-
norable maison pratique depui: si longtemps et si largement à leur
égard, les artistes les plus renommés de la France et de l'étranger s'y
produisent à l'envi, et y apportent le tribut de leurs plus remarqua-
bles compositions. Dimanche passé, c'était le tour de Mme Clara Schu-
mann, de Becker et de Mme Viardot. Le jeune violoniste y a fait assaut
de talent avec la célèbre pianiste dans la sonate de Beethoven dédiée à
Kreutzer, et qui a dû être rarement exécutée avec plus de perfection.
Dans la Danse des Lutins, Becker a fait apprécier les qualités en même
temps solides et brillantes qu'il possède, et Mme Yiardot a fait venir lit-
téralement les larmes aux yeux de tout l'auditoire féminin, par la façon
dramatique avec laquelle elle a chanté les couplets d'Orphée : J'ai
perdu mon Eurydice. Plusieurs autres morceaux, dits par cet admira-
ble trio de célébrités, ont complété la soirée, qui comptera parmi les
plus intéressantes dont les heureux habitués de Mme Erard auront h
garder le souvenir.
,*» C'est mardi, à l'hôtel du Louvre, à 8 heures du soir, qu'aura lieu
le concert de Mme Madeleine Graever, avec orchestre composé des pre-
miers artistes de Paris, sous la direction de Litolff. Programme : 1° ou-
verture d'Eléonorc, de Beethoven; 2" deuxième concerto pour piano et
orchestre, de Mendelssohn; 3° adagio et scherzo du 4" concerto; sym-
phonie de Litolff; W l'es Guelfes, ouverture dramatique de Litolff.
**, Le 22 mars, dimanche de la Passion, et le 29 mars, dimanche
des Rameaux, M. Hurand, maître de chapelle à Saint-Eustache, fera
e.xécuter en ladite église, h 4 heures très-précises , le Stabat mater
(avec orchestre) de Pergclèse.
^*^, VIndépendance belge constate les succès que vient d'obtenir au con-
cert donné par la Grande Harmonie SiUe Charlotte de Tiefensée. Elle y
a chanté des airs nationaux de tous les pays, qui ont produit un grand
effet.
^*^ Dimanche dernier a eu lieu chez M. Ettling sa deuxième matinée
musicale. Un grand nombre d'artistes distingués s'y étaient donné reudez-
vous et ou a entendu successivement Mme GaveauxSabatier, M. Taglia-
fico, Mlle C. Labarre, qui a très-bien chanté l'air des Dragons de Villars,
JIM. dj Troye, Lee et plusieurs élèves de M. Ettling, qui ont fait hon-
neur à leur maître, en exécutant plusieurs de ses compositions. M. Bras-
seur a égayé cette réunion artistique par des chansonnettes de M. EttUng.
,j% Mercredi prochain , 25 mars, à midi, la Société des artistes musiciens
fera célébrer, ;\ Notre-Dame, à l'occasion de la fête de l'Annonciation,
une messe solennelle en musique, exécutée par trois cents artistes et
orphéonistes, et où l'on entendra nos plus éminents solistes. Cette messe
sera précédée de la Marche religieuse, avec accompagnement de harpes,
dernière œuvre d'Ad. Adam, composée spécialement pour cette solen-
nité.
^*^ Le célèbre harpiste Félix Godefrold vient de parcourir l'est de la
France, et dans les concerts qu'il adonnés successivement à Strasbourg,
Nancy, Bar, Chalon, etc., il a recueilli les applaudissements les plus
flatteurs.
.^,*^ C'est vendredi prochain, dans les salons Pleyel-Wolff, qu'aura
lieu la première matinée musicale d'Alexandre Billet. L'éminent pia-
niste compositeur y fera entendre un trio de Spohr, un quatuor de
Mendelssohn, et il exécutera la sonate, op. 57, de Beethoven, et plu-
sieurs autres morceaux de Chopin, Field et Weber.
**,t Deux nouvelles mélodies de M. Albert Lhôte, Chanson du prin-
temps, paroles de Brizeux, et Soir d'été, paroles de M. Anatole de Mont-
aiglon, viennent de paraître chez Gambogi frères. Ces deux produc-
tions, d'un musicien élégant, se distinguent par une grâce charmante,
une grande délicatesse de forme et un sentiment mélodique incontes-
table. Nous sommes persuadés qu'elles seront accueillies avec un vrai
plaisir par tous ceux qui prisent l'alliance d'une heureuse idée musicale
avec des vers bien tournés et réellement poétiques.
^*^ Une nouvelle danse de salon, la Taglioni, et dont les figures ont
été réglées par la célèbre danseuse, vient de paraître au Ménestrel. Elle
est précédée de l'explication des figures. La musique en a été composée
par M. Philippe Stutz, bien connu par son talent pour la musique de
danse. — Le nouveau quadrille que nous annonçons n'est pas inférieur
à ses aînés; il se distingue par de jolies mélodies; le rhythme en est bien
accentué et fort dansant. Nous serions surpris si la musique et la nou-
velle danse ne recevaient pas dans les salons un excellent accueil.
*** Le célèbre peintre de décors et machiniste de théâtre, Miihldor-
fer, vient de mourir à Manheim. C'est Miihldorfer qui, au théâtre de
l'Opéra-Comique, avait établi la cascade qui produisit un si grand effet
dans le deuxième acte du Pardon de Ploërmel.
^*^ La femme du général Tiirr a envoyé à l'administration du théâtre
populaire de Bude une opérette italienne intitulée : la Masckerada.
»*,f A. Jaell, qui a donné six concerts à Trieste, et qui a reçu de ses
compatriotes des témoignages si nombreux de sympathie, vient d'être
nommé membre honoraire du SchillertVerein de cette ville.
,*,j J. Stockhausen vient d'être nommé directeur des concerts de la
Société philharmonique de Hambourg.
.j,*» Le comité de la Société l'Union musicale, de Strasbourg, annonce
par une lettre à MM. les président et membres du comité local, qu'elle
s'abstiendra de prendre part à la fête cliorale qui doit avoir lieu au
mois de juin prochain. Nous publions la décision, sans nous occuper
des motifs.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
^*^ Rouen, 18 mars. — Le sergent d'OuiUreham, opéra-comique en un
acte, dont les paroles sont de MM. Théodore Lebreton et Georges Ri-
chard, la musique de M. Camille Caron, a été joué ici pour la première
fois. La musique annonce des dispositions heureuses et, quoique à son
coup d'essai, l'auteur a fait preuve d'habileté dans la manii^re de traiter
l'orchestre. Son ouverture renferme de jolis chants , ingénieusement
accompagnés, et se termine par une marche brillante. On peut citer
encore un duo, un air, une romance, une chanson militaire. Mlle Eram-
bert, MM. Forest et Gerpré ont été fort applaudis.
^"^ Havre. — Vieuxtemps a donné la semaine dernière, dans la salle
Sainte-Cécile, un concert qui avait attiré tous les admirateurs du cé-
lèbre artiste. II a produit comme toujours un effet immense; une rêve-
rie, une tarentelle, le finale de la sonate de Beethoven, dédiée à Kreut-
zer, mais surtout, son exécution diabolique des Sorcièr:s , ont porté
l'enthousiasme au comble. Mme Vieuxtemps a vaillamment secondé son
mari; il est impossible en accompagnant de s'identilier plus complète-
ment avec l'exécutant. Mme Marie Cruvelli s'est fait applaudir dans
plusieurs airs italiens, l'orchestre a été fort bien dirigé par M. Henri.
j,\ Mulhouse. — Le deuxième concert vocal et instrumental, donné
par l'associalion musicale, a eu tout le succès possible. La Concordia,
le Cours mixte et la Société d'orchestre ont fait tour à tour apprécier
leurs progrès. Mme Rieder avait généreusement offert son concours.
Dans la prière et barcarolle do l'Etoile du Nord, dans le bacio d'Arditi,
elle a provoqué d'unanimes applaudisseraeuts. Le concert avait commencé
par un magnifique choral de 11. le pasteur Braun.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
„,*„, Bruxelles. — Le théâtre de la Monnaie a repris lundi la partition
de Martha, chantée par Jourdan, Perlé, Bonnefoyet Mmes de Maesen et
Andrée. L'opéra de Flotovv a été accueilli par notre public avec le même
plaisir qu'aux premières représentations. Jourdan a dit avec un grand
charme les délicieuses mélodies de son rôle; Perlé a montré beaucoup
de verve et d'entrain dans la chanson du Porter, et Mlle de .Vlaesen a
mis beaucoup d'expression et de sentiment dans la romance de la Rose.
— Les concerts de notre Conservatoire ont commencé. Le deuxième se
composait de l'ouverture de Don Juan, d'un chœur de Cherubini , d'un
concerto de Mendelssohn, exécuté par M. Cli. de Beriot fils. Ce jeune
artiste a été accueilli par les applaudissements les plus sympathiques.
Une symphonie nouvelle de l'éminent directeur du Conservatoire,
M. Fétis, a rempli la dernière partie du concert. Voilà deux fois qu'à
une année d'intervalle le maître qui a donné un si grand renom à notre
école musicale, étonne le monde artiste par l'enfantement d'œuvres de
la plus haute portée, dans lesquelles l'abondance et la fraîcheur des
inspirations le disputent à la science des combinaisons instrumentales.
A l'âge où les facultés de l'artiste Jettent leurs dernières lueurs,
M. Fétis entre avec éclat, par deux vastes compositions symphoniques,
dans une carrière nouvelle. Comment les travaux d'érudition n'ont-ils
pas amorti chez lui les forces de l'imagination? par quel privilège con-
serve-t-il cette inaltérable verdeur d'esprit ? C'est le secret de l'une des
plus puissantes organisations dont les annales de l'art musical aient of-
fert l'exemple. Ce qui a surtout frappé l'auditoire devant lequel vient
d'être exécutée la nouvelle symphonie de M. Fétis , c'est le caractère de
franchise et de spontanéité des idées. L'introduction de cette symphonie
a un cachet de grandeur et de puissance déterminé par la forme don-
née aux développements de l'idée, plus encore que par l'intensité des
sonorités. On confond souvent le bruit avec la force : M. Fétis n'a pas
commis cette méprise. L'allégro, qui s'enchaîne avec l'introduction, est
d'une énergie et d'une chaleur entraînantes. Le motif de Vandantino est
plein de charme; le sentiment se manifeste pleinement dans sa con-
DE PARIS.
95
ception, et toutes les ressources de l'art apparaissent dans la manière
dont il est traité, dans la diversité des aspects par lesquels lo font pas-
ser les combinaisons instrumentales. Ce morceau montre l'heureuse al-
liance de l'art et du sentiment. On la retrouve également dans la Fan-
tasia d'inUrinczzo, inspiration vraiment originale, de cette originalité qui
ne sent point le parti pris, mais surgit spontanément. Le finale, qui dé-
bute de la manière la plus neuve, la plus itattendue, agit sur l'audi-
toire comme une force magnétique, par une vigueur et un mouvement
irrésistibles. Il faudrait plus d'une audition pour pouvoir saisir et ana-
lyser une pareille œuvre dans tous ses détails ; mais on en embrasse de
prime abord les beautés dans leur ensemble, et les chaleureuses accla-
mations du public ont prouvé à l'auteur qu'elles avaient été comprises.
^*^ Carhruhe. — La première représentation du Roi Enziu, opéra en
quatre actes, musique d'Abert, vient d'avoir lieu ici avec un succès qui
dépasse encore celui que l'ouvrage avait obtenu à Stuttgard et à Mann-
heim. Tous les morceaux ont été applaudis, le compositeur et les ar-
tistes rappelés après chaque acte; un délicieux duo d'amour a été bissé
au second. Après la chute du rideau, le grand-duc et la grande-duchesse
ont fait demander le compositeur dans leur loge pour le féliciter. Le Roi
Enzio sera joué plusieurs fois de suite, et notamment le 28 mars, pour
les grandes fêtes qui seront célébr'ies à l'occasion de l'arrivée du frère
du grand-duc avec sa jeune épouse, la fille du duc de Leuohtenberg.
,^*,j Vienne. — Mlle Adelina Patti a obtenu un nouveau triomphe dans
le rôle de Norine ; elle y a été vraiment admirable au double point de
vue du chant et du jeu. 11 y a là plus que du talent, il y a un art
consommé, rehaussé par les grâces et la fraîcheur de la jeunesse. Don
Pasquale, qui n'avait jamais pu prendre à Vienne, y est maintenant en
grande faveur, grâce à l'enchanteresse qui a su donner à cette partition
un charme tout nouveau. Giuglini a fait merveille dans le rôle d'Er-
nesto : c'est sans contredit un des meilleurs ténors italiens actuels.
Mlle Patti, ainsi que les autres artistes qui jouaient dans la pièce, ont eu
fréquemment les honneurs du rappel. LL. MM. l'empereur et l'im-
pératrice, les archiducs et les archiduchesses de la famille impériale,
assistent avec la plus gracieuse bienveillance aux représentations de
Mlle Patti; et la loge impériale a bien souvent donné le signal des plus
sympathiques applaudissements, répétés avec empressement par toute la
salle. Le portrait de Mlle Patti, peint par Winterhalter, est exposé
dans un des foyers du théâtre ; on paie 1 franc pour le voir, et le pro-
duit de cette exposition est donné aux pauvres.
,1,*^ Dresde. — La troisième représentation de Feramor (Lalla-Rookk),
opéra de Rubinstein, a eu lieu en présence d'une brillante et nombreuse
société. M. Schnorr de Carolsfeld (Féramor) s'est surpassé; il a eu plu-
sieurs fois les honneurs du rappel, ainsi que les autres artistes chargés
des principaux rôles.
„*^ Berlin. — Le 10 mars, Sivori a donné son concert d'adieux , à la
salle Kroll, qui était comble. Sivori est le lion de la saison: depuis
longtemps virtuose n'a eu ici un pareil succès. — Au profit des orphe-
linats catholiques, la duchesse d'Ujest, la comtesse Redern et d'autres
dames appartenant aux plus hautes classes de la Société, ont organisé
un concert, dans lequel se sont fait entendre la baronne Schauroth,
Mlle Artot, Sivori, etc.
„,*« Oporto. — Le succès de l'opéra de M. Novaynlio, Béatrice di Portogallo,
a été immense; tous les morceaux ont donné lieu aux plus bruyantes
acclamations et aux rappels réitérés des artistes. Mlle Stella, le ténor Bi-
gnardi, Buti et Marinozzi.qui, d'ailleurs, ont fait vaillamment leur devoir.
L'auteur, violoniste distingué et chef d'orchestre, assistait à la représen-
tation et a été l'objet de manifestations empressées.
"Voici la liste des concerts annoncés jusqu'à la fin de mars :
22 mars. Salle Ilerz. Concert de Mlle Hélène de Katow, violoncelliste, avec
le concours de Mlles Fortuna et Léontine Boulard,
de MM. Jules Lefort , Fortuna et Malvez , pour la
partie vocale; de Mlle Mallet et de MM. Sighicelli
et A. Lebeau, pour la partie instrumentale.
24 — Salons Pleyel-Wolff. Dernière séance de musique de chambre
donnée par M. Ch. Lamoureux.
24 — Salons Erard. Soirée musicale de MM. Binfieîd frères, avec
Mlle Binfield, MM. Accursi, Sabattier, Borelli, Poën-
cet, Hurand, Mlles Perelli, Lind et Arohaimbaud.
25 — Salons Pleyel-Wolff. Cinquième séance de musique de chambre
de MM. Armingaud, Jacquard, Lalo et Maas, avec le
concours de M. Lubeck.
25 — Salle Herz. Concert de Mme Ernest-Bertrand, avec le concours
de Henri Vieuxtemps, MJI. Bussine et Pagans.
26 — Salons Pleyel. Concert de M. Greive, auteur de l'opéra la Neu
vaine de la Chandeleur, avec le concours de MM. Ar-
mingaud, Jacquard, Lalo, Lubeck, A. Mortier et
Mlle Levietti; audition de plusieurs nouvelles com-
positions de M. Greive.
28 — Salons Erard. Soirée de Mme Theresa Wartel : 1« partie,
musique de chambre; 2« partie, Antipathie, co-
médie de Mme Wartel.
30 — Salons Erard. Concert de M. Dombrowski , audition de ses
nouvelles compositions, avec le concours de Mlle As-
tieri et de M.VI. Jules Desvaert et Michotte
31 — Salle Herz. Concert du tromboniste Nabich, avec le concours
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10 ter. La même, transposée un ton plus haut 4 50
1 1 . Causerie Chantée par Mme Ugalde : Ah ! quel repas sans
égal , 3 »
12. Romance: C^était pendant la mascarade 3 »
PREMIER ACTE.
2. Romance chantée par Mme Dgalde : Sans aimer, ah I peut-
on vivre ? 2 50
3. COHiilets (sopr.): Ce sont d'étranges personnages 3 »
3 bis, Daetto : Et maintenant il faut que je uous dise 5 »
4 . Air de la Bavarde : C'est bien reconnu 6 »
5. Clianson de l'alcade: Partout on chercherait en vain .... 3 »
6. Duo bouffe: Quel bavard insupportable T 50
7 bis. ConpI<>ts des créanciers : Sur ma mule il trotte, il trotte. 3 »
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Purcaui des Messageries et des Postes,
REVUE
2» Mars 1863.
PRIS DE L'ABONNEMENT:
Paris 24fr.parQn
Départements, Belgique et Suisse..., 30 » id.
Étranger 3* " ^^'
Le Journal paraît le Dimiiache.
GAZETTE MUSICALE
j\pj\f\s\s\rjvj\. —
SOMMAIRE. — F. Halévy; Souvenirs d'un ami pour joindre à ceux d'un frère ; à
M. Léon Halévy (2" article), par Edouard lUonuaïs. — Société des concerts,
par Eiéon Oarocher. — Avant-dernier concert populaire de musique classi-
que. — Festival annuel donné par Arban. — Concert de la loge maçonnique
des Frëres-Unis-Inséparables, par jtdolphe Botte. — Nouvelles et annonces.
F. HALÉVY.
Souvenirs d'an ami ponr joindre h ceux d'un frèrn.
A. M. LÉON HALÉVY,
(2= article) (1).
La première étape de votre illustre frère dans la carrière théâ-
trale, ce fut donc l'Artisan, joué en 1827 ; la seconde, il la fit avec
le Dilettante d'Avignon, donné en 1829, et pour ce petit ouvrage il
avait deux collaborateurs, Hoffmann et vous. Le célèbre auteur de
Sratonice et des Rendez-vous bourgeois s'était amusé à crayonner un
canevas en quelques scènes dans le genre de V Imprésario, dont la
musique est de Mozart ; rajeunie et polie par vos soins, celle baga-
telle posthume fournit à votre frère un de ces thèmes excellents,
parce qu'on les traite absolument sans conséquence. On n'avait pas
encore épuisé la grande question de savoir laquelle valait mieux de
la musique française ou de la musique italienne, et sur nos théâtres
on aimait toujours à rire aux dépens de ceux qui préféraient la der-
nière. Du reste, pour se moquer de la musique italienne, il fallait la
parodier, l'imiter plus ou moins, et l'on ne saurait dire combien de
fois cette obligation a servi nos compositeurs. Halévy profita aussi
de la circonstance : un rayon de soleil illumina son style, devenu
tout à coup plus franc, plus libre, plus hardi. La popularité s'empara
du charmant chœur : vioe Vllaiiel et l'on sentit la main du maître,
qui, pour se révéler, n'a besoin que d'un prétexte, dans le trio
si savamment jeté sur les vers de Mallebranche : Il fait en ce beau
jour le plus beaii, temps dumonde, etc., poésie fameuse, à laquelle
s'enlaçait la non moins fameuse mélodie de Malbrough.
Du théâtre Italien, où votre frère avait été nommé accompagnateur
et chef du chant en 1826, il passa, en 1829, au grand Opéra pour
y remplir les mêmes fonctions, mais nulle part il ne devait s'y bor-
ner : son mérite en élargissait bientôt la sphère. Au théâtre Italien,
(1) Voir le n" 12.
où il avait remplacé Hérold, il fut admis à écrire un ouvrage en
trois actes, Clari, et jugé dig-ne d'avoir Mme Malibran pour
interprète. Au grand Opéra , où il se trouvait à côté d'Hérold,
presque dès son entrée, il composa la musique d'un ballet, Manon
Lescaut, puis la partie lyrique d'un autre ballet, la Tentation, où il
y avait des chœurs pleins de verve. Dans le même temps, il avait
donné successivement à l'Opéra-Comique plusieurs petits ouvrages :
le Roi et le Batelier, la Langue musicale, les Souvenirs de Labeur •
il avait écrit la musique dUldla, ouvrage en trois actes, mis en répé-
tition, mais non représenté par suite d'événements politiques. De tous
ces travaux, par lesquels il achevait de se former, de se préparer à
des œuvres plus hautes et plus heureuses, aucun ne lui avait con-
quis la position à laquelle l'appelait sa nature d'élite. Hé.'-old vint à
mourir, le lendemain d'un triomphe ; l'auteur du ï>ré aux Clercs lais-
sait une partition à peine ébauchée, celle de Ludovic :\& choix qu'on
fit d'Halévy pour la terminer fut à la fois un honneur et une jus-
tice. Nul autre n'était plus capable que lui de remplir la mission
qu'on lui confiait, mais en le déclarant publiquement, on l'apprenait
à beaucoup de gens, qui ne s'en doutaient guère; on devançait la pos-
térité, en mettant sur la même ligne Hérold et Halévy. Ce fut là,
selon moi, la troisième étape de cette existence si laborieuse, si
féconde, à laq-uelle nous avons assisté de si près ; la quatrième et
dernière, parce qu'elle conduisit votre frère à son but, et ne lui
laissa plus d'autre souci que celui de rester égal à lui-même, vous le
savez aussi bien que moi, et chacun le sait comme nous, c'est la
Juive.
La .luive fut composée à cette heure solennelle où l'artiste sent
que la bataille décisive va se livrer , que l'occasion de vaincre se
présente aussi belle que possible, et que, sur sa tête, il est con-
damné à ne pas la manquer. Comme le dit M. Beulé, dans son éloge
académique , on est alors forcé de faire un chef-d'œuvre, et il
ajoute : « Halévy sentait le danger et n'en était que plus enflammé.
Ceux qui l'ont vu de près â celte époque étaient frappés de son
exaltation : il avait tantôt cette lièvre salutaire, tantôt ces abattements
féconds, douleurs de l'enfantement intellectuel, sans lesquels ne
naissent point les belles choses. 11 était malade et il avait peur de
mourir, non point à la façon des âmes pusillanimes ou troublées par
la superstition, mais à la façon des âmes éprises de la gloire: il
avait peur de mourir avant que son œuvre fût achevée et son nom
sauvé de l'oubli. » Tel était. en traits généraux l'élat moral, dont
les détails racontés par Halévy lui-même avaient quelque chose d'ef-
frayant et parfois aussi de comique. Un grain de la folie du Tasse,
doutant du sort de sa Jérusalem, se retrouvait au fond de ces agita-
98
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
lions, de ces angoisses d'un compositeur, inquiet de savoir s'il allait
enOn frapper ce grand coup, qui commande souverainement l'atten-
tion du public. Jusque-là, que de bonnes choses passent inaperçues!
que de talent perdu, que d'inspirations remarquables et non remar-
quées ! Mais quand l'artiste a fait sa grande œuvre, son œuvre maî-
tresse, alors c'est différent : on lui tient compte de tout , même de
productions inférieures à celles qu'il créait d'abord.
HaJévy était dans une crise de surexcitation, d'oppression pareille
à celle de la sybiile quand le Dieu s'approche d'elle et la dompte.
Il m'a si vivement dépeint ses souffrances, que je puis les rappeler
ici, comme sous sa dictée. En proie à toutes les terreurs, il se croyait
atteint d'une maladie grave, qui n'exista jamais que dans son ima-
gination. La mort lui apparaissait sans cesse, et, pour la fuir,
il changeait de place à tout moment : il travaillait tantôt dans
un lieu, tantôt dans un autre, rarement chez lui. A cette époque, le
Don Juan, de Mozart , était en répétition à l'Opéra français. Pour la
conclusion dramatique et musicale de l'œuvre , on avait ajouté au
dénoùment une longue procession de damnés, de squelettes, s'a-
vançant une torche à la main, un cortège de jeunes filles déposant
à terre le cercueil de leur compagne. Dona Anna sortait
à moitié de sa bière, avec son voile noir et une couronne blanche.
La funèbre cérémonie s'accomplissait sur le Dies irœ du Requiem;
mais Halévy, que ses fonctions appelaient au théâtre, ne pouvait con-
cevoir que l'on supportât un semblable spectacle; il s'éloignait en
toute hâte et allait chercher un refuge bien loin, dans les Champs-
Elysées, au bois de Boulogne. Le soir, il éprouvait une invincible
répugnance à regagner seul son logis, dans cette maison de la rue
Montholon qu'il avait habitée avec vous, et que vous décrivez si bien.
Parmi les chefs de service, il y en avait un à l'Opéra, que, du reste
il connaissait de longue date, et qui se trouva tout à coup l'objet
d'une prédilection dont la cause lui échappa toujours. Il demeurait
près de la rue Montholon, et Halévy n'oubliait pas de lui dire : « Mon
» ami, si rien ne te presse, attends-moi, nous ferons route ensemble. >■
L'autre ne demandait pas mieux et ne voyait à cela rien que de flat-
teur. Il attendait votre frère et l'accompagnait jusqu'au coin de sa
rue. De là, il n'y avait plus que quelques pas, et Halévy les fran-
chissait presque d'un seul bond. Voilà dans quelles dispositions, sous
quelles appréhensions s'est achevée une partition immortelle!
Quand on voit de quel prix les grands artistes paient souvent leurs
chefs-d'œuvre, on ne sait s'il ne faut pas les plaindre encore plus que
les envier.
Les répétitions de la Juive amenèrent un nouvel ordre d'anxiétés
et d'épreuves. C'est M. Véron, alors directeur de l'Opéra (et cet acte
est un de ses plus beaux titres), qui avait autorisé votre frère à prier
Scribe de lui donner un poëme. Puis-je ne pas noter en passant un
mot curieux, que je tiens d'Halévy, et dont son illustre collaborateur
eût ri tout le premier? Quand le musicien alla chez le poëte et qu'il
lui eût expliqué le motif de sa visite, le poëte dit aussitôt : « Est-ce
pressé? — Mais oui, répondit le musicien; » et le poëte de reprendre,
en songeant à la prime d'usage : « C'est que , vous concevez , si
c'est pressé, c'est plus cher; j'ai des ouvrages commencés, des col-
laborateurs qui aKendent... » L'obstacle fut levé, les collaborateurs
attendirent. Scribe était d'ailleurs en fonds pour les indemniser; il
n'avait qu'à faire avec eux une ou deux pièces de plus. Il fut con-
venu que la Juive serait livrée acte par acte à des époques fixées, et
chaque fois qu'une époque arrivait, on voyait aussi arriver le poëte ,
cherchant le musicien dans les coulisses, afin de constater légale-
ment qu'il était exact à ses échéances.
Le poëme de la Juive ne fut pas coulé d'un seul jet : à plusieurs
reprises, on en remit diverses parties à la fonte. Dans l'origine, l'ac-
tion se passait à Goa et non à Constance : l'inquisition y tenait la
place maintenant attribuée au concile. La question des rôles avait
une extrême importance, et quoique celui du juif Eléazar semblât
dévolu d'avance à une basse-taille comme celle de Levasseur, la
pensée des auteurs se tourna vers Adolphe Nourrit, mais comment
le décider à prendre l'emploi de père ? Halévy entama la négocia-
tion : « Dans notre ouvrage, dit-il, nous avons deux personnages,
celui de Léopold, de l'amant, que nous pouvons étendre, amplifier,
pour le rendre digne de vous, et celui d'Eléazar, qui passe pour le
père de Rachel, et qui peut-être vous semblera préférable. — Mais,
mon Dieu, vous n'y songez pas, s'écria l'artiste; que je joue un rôle
de père, moi qu'on accuse déjà de vieillir ! ce serait donner raison
à mes ennemis ! — Lisez la pièce , vous choisirez. » Halévy lui re-
mit le manuscrit; après l'avoir lu, l'artiste n'hésita plus et dit : « Je
jouerai le rôle du père. » Qui ne sait que ce fut sa création la plus
originale et la plus saillante ? Depuis Adolphe Nourrit on a trouvé
des chanteurs qui l'ont égalé, surpassé peut-être, mais non plus cet
acteur qui s'associait aux auteurs, épousait leur œuvre et travaillait
avec eux à la perfectionner. Le grand air d'Eléazar, à la fin du qua-
trième acte , fut non-seulement indiqué par Adolphe Nourrit comme
indispensable à la situation, mais il en écrivit les paroles : Rachel,
quand du Seigneur la grâce tutélaire, et ces paroles fournirent au
musicien l'un des airs qui seront l'éternel honneur de l'école fran-
çaise.
On avait beaucoup taillé, rogné pendant les répétitions de la Juive,
mais pas assez, puisqu'après la représentation, il fallut retrancher
encore, surtout au troisième acte, dont une moitié disparut. Halévy
me disait que dans la fièvre des suppressions il avait été fortement
question de couper la romance de Rachel au second acte ■ Il va
vertir, comme entièrement inutile et faisant longueur. « Voyez pour-
tant, ajoutait-il, c'est le morceau le plus populaire de tout l'ouvrage,
à ce point que dans les examens du Conservatoire, nous en sommes
toujours poursuivis, harcelés? On a coupé dans la Juive et dans mes
autres opéras d'autres morceaux qui ne valaient peut • être pas
moins. » A la première représentation, le spectacle n'avait fini qu'à
2 heures du matin : c'était la faute de la pièce, et encore plus
celle des décors trop compliqués et d'une plantation trop difficile. Ces
décors, ces costumes d'une magnificence qui n'avait pas d'exem-
ple, furent d'abord plus nuisibles que favorables à l'œuvre en elle-
même. On avait fait la Juive si belle qu'on refusait de la croire
bonne. Le fabuleux cortège de l'empereur Sigismond occupait telle-
ment les yeux que les oreilles se dispensaient d'entendre. C'est du
Franconi à la [troisième puissance, s'écriait un de mes confrères
en journalisme les plus distingués. Un autre soutenait que le trio de
l'anathème : Chrétien sacrilège, était calqué note pour note sur le
trio de Ricciardo e Zoratde. Ce reproche trouvant crédit et pas-
sant de bouche en bouche, Rossini voulut bien informer l'accusateur,
qu'entre le trio de Ricciardo et celui de la Juive, il n'y avait pas même
un air de famille. Pour savoir au juste à quoi m'en tenir sur la valeur
musicale du premier acte, que l'on renvoyait si cavalièrement au
Cirque, j'allai l'écouter dans un coin de l'orchestre, en tournant le dos
à la scène, et je fus ravi de me convaincre que tout cet acte était un
trésor de mélodies fortes, brillantes et passionnées, se succédant
s'enchaînant avec autant d'art que de puissance inventive.
Les Puritains, de Bellini, avaient été représentés quelques jours
avant la Juive. Nulle comparaison n'était à faire entre les deux ou-
vrages dont chacun appartenait à une école, à un pays, à un genre,
et qu'on pouvait seulement traiter, à première vue, d'ouvrages de
portée égale. Mais le préjugé tranche plus nettement et plus vite. Je
ne pus m'empêcher de rire, en entendant un soir, la Juive à peine
commencée, une belle dame s'exclamer dans une baignoire voisine
de l'orchestre : « Ah ! quelle différence avec les Puritains I n Ce pré-
jugé, si ridicule, n'en persécuta pas moins Halévy de ses dédains,
et c'était presque toujours des hauts lieux que partaient les sar-
casmes. Cependant il faut reconnaître qu'une fois on fut juste.
Bellini venait d'obtenir la croix : M. Léon Pillet, alors attaché au duc
DE PAHIS.
99
d'Orléans, fit observer au jeune prince qu'un étranger ne devait pas
trouver en France plus de faveur qu'un Français, et Halévy fut
aussi décoré.
23 février 1835! C'est la date du jour où la Juive fut représentée.
C'est aussi celle de la première lettre que j'aie reçue de votre frère.
Depuis la soirée de M. Villemain, je ne l'avais revu que par hasard
et de loin. Un jour, dans le bureau d'un agent dramatique , il me
serra la main et me salua du titre de collaborateur, parce que, en
effet, il avait mis en musique une ou deux romances que Maurice
Schlesinger m'avait demandées pour lui. Je tenais alors le feuilleton
lyrique du Courrier français; mon intimité avec votre frère n'était
pas encore bien étroite, vous en jugerez par le billet suivant :
« Mon cher monsieur Monnais, je n'ai pu, comme je l'espérais,
trouver le temps de vous voir aujourd'hui. Je voulais vous recom-
mander bien instamment ma Juive. Je compte sur la bienveillante
amitié dont vous m'avez déjà donné des preuves. A ce soir donc, et
soutenez-moi des mains et de la plume.
» Mille compliments bien empressés de votre tout dévoué.
I Lundi, 23 février.
» F. Halévy. »
Bien des lettres ont suivi celle-là, mais, de toutes celles que je
possède, je ne publierai que les deux qu'Halévy m'écrivit de Nice,
l'une le 4 et l'autre le 31 janvier de l'année dernière.
Edouard MONNAIS.
{La suite prochainement.)
SOCIËTË DES CONCERTS-
La symphonie avec chœurs n'était pas la seule partie intéressante
du sixième concert donné dimanche dernier. Le programme annon-
çait encore un duo de Béatrice et Bénédict d'Hector Berlioz. On
sait que Béatrice et Bénédict est un opéra qui a été joué à Bade l'été
dernier, et qu'on y a surtout remarqué un duo pour deux voix fémi-
nines. C'est justement ce morceau que Mmes Viardot et Vanden-
Heuvel ont fait connaître, dimanche , aux abonnés du Conserva-
toire. Autant que nous en avons pu juger, il y est question du
calme de la nuit, de la douce clarté de la lune, du chant des ros-
signols et de l'ivresse d'un premier amour, d'un amour heureux ou
qui croit l'être. Nous avons perdu quelques paroles, mais nous
n'avons pas perdu. Dieu merci! une seule note. Tout est charmant
dans ce morceau : le dessin mélodique, l'harmonie, l'instrumentation,
la couleur.
On est à la campagne, on sent la brise du soir, on voit à l'hori-
zon les dernières teintes du crépuscule, et au zénith les premières
étoiles, on entend le feuillage qui frémit et l'oiseau qui chante, et l'on
sent son cœur doucement envahi par une émotion indéfinissable, mais
délicieuse. Nous pourrions entrer dans les détails, parler de la dis-
tinction du style mélodique, de l'élégance des modulations, de la ri-
chesse du coloris instrumental, des bruissements harmonieux des
violons, des soupirs mélancoliques des clarinettes, de la sonorité
douce et voilée des cors, de l'art savant et délicat avec lequel l'au-
teur a su employer tous ces éléments... à quoi bon? Le mets est
parfait, divin, digne des palais les plus fins et les plus exercés : sa-
vourons-le, sans nous inquiéter des ingrédients qui le composent. Qui
analyse son plaisir l'amoindrit.
L'auditoire tout entier a partagé nos sensations. Le duo a été re-
demandé tout d'une voix, et aussi vivement applaudi à la seconde
épreuve qu'à la première. Le public du Conservatoire, si sévère pour
les compositeurs vivants, s'est montré cette fois d'une aménité
inouïe. La lyre d'Orphée avait dompté Cerbère. Il faut ajouter, pour
être juste, que les deux interprètes de M. Beriioz y étaient aussi pour
quelque chose. Jamais duo n'avait été plus magistralement exécuté.
La séance précédente n'avait offert aucun événemeut extraor-
dinaire. Il est vrai qu'on entend rarement la symphonie (n"31),de
Haydn, et il est également vrai qu'elle est charmante. Mais elle ne
diffère en rien, ni pour la forme, ni pour la nature des idées, ni pour
le style, ni pour les procédés d'instrumentation, ni pour la science
harmonique, de tant d'autres œuvres du même maître, aussi agréa-
bles et aussi savantes tout à la fois. Avec Haydn, le stock— comme
disent nos boursiers — est considérable, mais on ne connaît pas l'em-
barras du choix. On n'a qu'à prendre au hasard. On est toujours sûr
de mettre la main sur un objet de prix .
Quant à la symphonie en la, de Beethoven, au psaume à double
chœur de Mendelssohn, qui est bien heureux (le psaume) d'être si-
gné d'un nom illustre, quant à l'air du ballet de Prométhée, et au
chœur de Castor et Pollux, tout cela est connu, jugé, classé depuis
longtemps. (Ceux de nos lecteurs auxquels il faudrait absolument une
analyse bien faite et chaudement écrite de la symphonie en la peuvent
s'adresser à Hector Beriioz et à M. Michel Lévy, l'intelligent éditeur
d'4 travers chants : ils trouveront leur affaire à la page 40 . )
Pour ce qui est de cette gracieuse et délicate composition qu'on ap-
pelle le chœur de Castor et Pollux, nous n'avons qu'un mot à en dire :
c'est que Rameau ne l'a pas conçue et écrite telle qu'on l'exécute au
Conservatoire. Les paroles qu'on chante aujourd'hui ne sont pas
celles pour lesquelles Rameau a fait sa musique, et cette musique
n'est pas le chœur à jet continu d'à présent. Vous la trouverez, si vous
en êtes curieux, aux pages 27 et 29 du prologue. C'est d'abord un air
de ballet, un menuet purement instrumental. Ce menuet est suivi
d'un tambourin, air de danse à deux temps. Le tambouri.i terminé,
l'Amour — personnage inévitable dans les prologues du siècle der-
nier et du précédent — l'Amour (haute-contre), prend la parole, et
chante sur l'air du menuet les vers qui suivent :
Naissez, dons de Flore,
La paix doit vous ranimer.
Naissez : c'est le temps d'éclore :
Pour nous c'est le temps d'aimei".
Un chœur répète ces quatre vers, et le solo devient trio. Ce chœur
est écrit, en effet, à trois parties : premiers dessus, deuxièmes dessus,
tailles et hautes-contre à l'unisson. Pourquoi le compositeur en a-t-il
exclu les basses-tailles? Nous l'ignorons. L'intitulé des scènes porte :
Chœur des Arts et des Plaisirs. Ce sont donc les Arts et les Plaisirs
qui chantent : Pour nous c'est le temps d'aimer. Qu'il n'y ait que des
voix flûtées dans la troupe des Plaisirs, on le comprend ; mais les
Arts auraient pu sans inconvenance, même sous Louis XV, se per-
mettre des accents plus graves.
Quand les Arts et les Plaisirs ont répété en trio le premier
quatrain de l'Amour, celui-ci reprend :
Jeune Zéphyr, vole.
Et suis le Plaisir.
Verse les fleurs :
Les cœurs
Vont en faire à tous moments
Les nœuds les plus charmants.
Prêtons nos ailes
Aux belles,
Pour rendre heureux plus d'amants.
On ne nous saura pas mauvais gré, nous l'espérons, d'avoir remis
en lumière ce curieux échantillon de la poésie lyrique du xviu' siècle.
Le dernier trait surtout nous paraît d'un prix infini. Prêtons nos ailes
aux belles pour rendre heureux plus d'amants I Comme cela est in-
génieux, et finement touché ! 11 ne faut point oublier que ce poëme
de Caslor et Pollux est de Gentil Bernard, le galant auteur de l'Art
d'aimer. Son opéra fut joué le 24 octobre 1737, après la Régence,
après le règne de M"" la marquise de Prie, au moment raûnie oii
100
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Louis XV, enuuyé des froides vertus de la reine, trouvait dans l'il-
lustre maison de Nesle
Ce troupeau de jouvencelles
Toutes jeunes, toutes belles,
Que Sedaine enferma un peu plus tard dans le « jardin » du sultan
Saladin. Gentil Bernard, on le reconnaîtra, savait prendre l'air de la
cour aussi bien que son prédécesseur Quinault, et n'était pas moins
fade que lui, ni moins plat.
Quoi qu'il en soit, cette seconde partie du menuet, devenu mor-
ceau de chant, et disposée comme la première : solo de haute-contre,
répété à trois voix par les Arts et les Plaisirs. Ce n'est pas ce qui se
fait aujourd'hui, et nous devons faire observer encore que Rameau
a pris la peine d'indiquer dans sa partition des alternatives de doux
et de fort dont le chœur et l'orchestre du Conservatoire ne tiennent
aucun compte. Ces messieurs sont fort habiles , et sans doute ils
n'ont pas tort. Mais Rameau, qui est d'un avis contraire au leur,
n'était pas non plus le premier venu, et l'on peut supposer à la rigueur
qu'il avait aussi ses raisons. Malheureusement pour lui , il n'est pas
là pour les faire valoir. Vœ victis !
LÉON DUROCHER.
Avant-tlernier Concert iiopiilaire de Slasiqne
classique.
Nous touchons au terme de la seconde saison remplie par ces con-
certs, dont le succès toujours croissant a quelque chose de si imprévu,
de si extraordinaire. Pas une seule fois, la foule n'a cessé de s'y
porter avec ardeur, avec enthousiasme. De son côté, M. Pasdeloup
a eu l'art de justifier la faveur qu'il avait tout d'abord conquise : on
ne pouvait lui demander rien de plus ni poifr la richesse et la va-
riété des programmes, ni pour les mérites de l'exécution. Au concert
de dimanche dernier, l'ouverture de Struensée, déjà entendue pen-
dant l'autre saison, a été dite de nouveau par un orchestre bien ini-
tié à la grandeur du chef-d'œuvre. Ce drame instrumental si ma-
jestueux, si noble au début, si passionné dans ses phases diverses,
d'une énergie si entraînante au dénoûment , qu'on voudrait con-
naître entièrement à Paris comme en Allemagne, s'est déroulé avec
une précision chaleureuse, qui n'a laissé dans l'ombre aucjne des
beautés d'ordre si élevé. C'est le triomphe d'un chef d'orchestre que
la conduite habile et heureuse d'une telle œuvre, qui dépasse toutes
les proportions communes. La symphonie en fa de Beethoven, le
Songe d'une nuit d'été de Mendelssohn, n'ont pas été rendus avec une
perfection moindre, ni applaudis moins unanimement. M.Lancien, qui
tient si dignement le premier violon, s'est distingué comme soliste,
en jouant très-purement l'allégro du concerto en ré mineur de
Kreutzer. Il est bon de rendre ainsi hommage aux éminentes qua-
lités d'une école. Les camarades de M. Lancien ont compris que
l'hommage s'adressait à eux aussi bien qu'à lui.
Festival annuel donné par Arlian.
Arban est aussi un artiste, dont nous nous honorons à plus d'un
titre. Chaque année, dans les salons du Casino, il nous donne un spé-
cimen des progrès qu'il sait commander à son orchestre. Et d'abord,
comme chacun sait, il prêche d'exemple : il est le premier des solistes
sur son instrument : il tire du cornet à pistons des sons qui
foraient envie à la voix humaine. Comme compositeur il arrange
des fantaisies dans lesquelles il résume avec une habileté sans égale
des opéras entiers. L'autre soir il a voulu nous montrer qu'il pouvait,
I lui aussi, s'élever au niveau des plus grands maîtres. Il a dirigé l'exé-
I cution de la fameuse marche à double orchestre composée par
Meyerbeer pour le couronnement du roi de Prusse et qu'on entendait
pour la première fois à Paris. Rien n'y a manqué, ni la vigueur, ni
la chaleur, ni l'éclat. Les voûtes du Casino ont dû être quelque peu
surprises de retentir d'un morceau digne d'un palais ou d'un temple,
mais l'ensemble n'en a pas moins profondément saisi tout cet audi-
toire qu'on aurait pu croire plus profane. Sans revenir sur l'œuvre
même dont nous avons apprécié en détail toutes les beautés, nous
pouvons dire qu' Arban n'a eu qu'à se féliciter de son initiative, et
que ce magnifique morceau n'a pas produit un effet moins grandiose
ici qu'en Allemagne et en Angleterre.
Rendons justice à l'essai d'un jeune musicien, M. Jean Conte, lau-
réat de l'Institut, qui, dans une espèce de symphonie pittoresque, a
retracé le tableau du Carnaval à Rome. Ce sont les souvenirs de son
voyage dans la ville éternelle, qu'il a réunis avec un talent mûri par
de solides études. Il y a de la musique et de la musique bien faite dans
son tableau sonore, et l'auteur d'une telle esquisse mérite assurément
d'obtenir un libretlo d'opéra.
C'est purement et simplement un chef-d'œuvre du genre que la
grande fantaisie d' Arban sur la Muette de Portiez : nous lui décer-
nons le prix sans conteste, et nous ne doutons pas de l'assentiment
qui confirmera notre sentence, partout oîi la fantaisie sera jouée,
deux ,ou trois fois plutôt qu'une. Pour finir, distribuons en
bloc nos éloges à M. Demersseman, le flûtiste admirable, à M. Lal-
liet, le hautbois, à M. Isidore Lévy, le violon, et aux Enfants de Lu-
ièce, qui, sous la direction de M. Gaubert, chantent si bien le beau
chœur du Songe d'une nuit d'été.
P. S.
Concert de la loge maçonnlciue deis Frères-Unis-
Inséparables.
Si nous tenons à faire mention de la matinée musicale annuelle
que la loge maçonnique tes Frères-Unis Inséparables vient de donner
dans la belle salle du Grand-Orient, c'est d'abord que T'excellence
du programme nous y autorise, car nous y voyons figurer des noms
éminents, tels que ceux de Mme Viardot, Naudin, Délie Sedie; ensuite
cette loge, cette réunion d'hommes de bien, compte dans son sein bon
nombre de musiciens, parmi lesquels nous rencontrons un nom illustre.
Plusieurs exécutants même étaient revêtus de leurs insignes maçon-
niques, — et il ne tiendra qu'à Mme Viardot, si l'année prochaine,
elle veut encore une fois prêter son précieux concours aux Frères-
Unis-Inséparables, de s'en revêtir également, car la loge, dans la der-
nière séance, lui a voté à l'unanimité son bijou d'honneur. Pareille
distinction maçonnique exceptionnelle avait été décernée, l'année
dernière, à Mme Cabel.
Si aux noms déjà cités nous ajoutons ceux de MM. Dorus et de
son élève Taffauel, MM. Jancourt, Ravina, Triebert et Mlle Anna
Whitty, élève de Mme Viardot, et qui fait le plus grand honneur à
son éminent professeur, nous aurons signalé ce concert comme un
des plus beaux auxquels nous ayons assisté. Tous les artistes y ont
d'ailleurs recueilli chacun leur part des applaudissements chaleu-
reux d'un auditoire d'élite, et en dehors de leur talent ces applau-
dissements leur étaient bien dus pour leur généreux empressement
à seconder celte œuvre éminemment, bienfaisante et humanitaire.
Grâce à leur noble désintéressement sept nouveaux orphelins vont
retrouver une famille, car c'est au profit de son patronage spécial
des orphelins que la recette du concert a été appliquée par la loge,
déduction faite d'une certaine somme destinée à l'Association des ar-
tistes musiciens. Le zèle déployé pour obtenir ce beau résultat par
M. Aronssohn, président de la loge, et la haute bienveillance du grand
DE PARIS.
101
maître de la maçonnerie française, S. Exe. le maréchal Magnan,
membre de la loge des Frères-Vnis-lnséparables, sont au-dessus de
tout éloge.
Adolphe BOTTE.
Le défaut d'espace nous oblige à ajourner le compte rendu des
concerts de la semaine.
NOUVELLES.
**^ Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi la Muette; mer-
credi, GuUlawme Tell ; vendredi , en mémoire d'Halévy mort il y a un
an, la Juive, et samedi, par extraordinaire, Guillaume Tell.
^*.jg Rarement on avait vu représentation plus splendide à l'Opéra que
celle de samedi dernier, donnée au bénéfice de Mme Furraris. La recette
a dépassé 12,000 francs, quoique les prix n'eussent pas été augmentés.
Le comte Walevvsky avait envoyé 300 francs pour sa loge. Ce n'étaient
pas seulement LL. MM. l'Empereur et l'Impératrice, S. A. le prince Na-
poléon, la comtesse Walewslca, la princesse de Metternicli , la princesse
Poniatovi'ska, la baronne de Rotlischild , les comtesses d'Hahn et de
Pourtalès, en un mot tout ce que Paris possède de plus haute aristo-
cratie; mais encore toutes les célébrités artistiques de la danse et des
théâtres, qui avaient voulu faire leurs adieux k cette étoile de la danse
s'envolant vers d'autres horizons. Quoique le spectacle ait fini à près d'une
heure du matin, personne, àcomraencerpar la famille impériale, n'a voulu
se retirer avant la chute du rideau. D'ailleurs iMme Ferraris avait com-
posé sa représentation d'éléments bien faits pour retenir le public , et
sans parler d'elle, qui s'est surpassée, Mme Gueymard et Cazaux dans un
acte d'/lfces/e ; Gueymard, Mlle Sax et Mme Duprez dans le second acte
de la Juive; M. et Mme Gueymard dans le quatrième acte des Hugue-
nots; tous rivalisant de talent dans ces chefs-d'œuvre n'ont cessé de
captiver l'attention et de provoquer les applaudissements. Mme Ferraris
avait choisi pour sa part le ballet de Graziosa, augmenté d'un grand pas
nouveau pour elle et Chapuy, et le premier tableau de l'Etoile de Mes-
sine. Graziosa est un des triomphes de la célèbre danseuse ; jamais elle
n'y avait prodigué tant de grâce et de légèreté, et l'on eût dit que pour
VEloile de Messine elle avait réservé de même dans cette dernière soirée
toutes les ressources de son talent. Aussi a-t-elle dû éprouver une sa-
tisfaction mêlée d'orgueil en présence de l'ovation que lui faisait cette
foule enthousiaste, traduisant par des acclamations et une pluie de fleurs
ses regrets de la voir partir. L'Empereur avait voulu donner aussi à
Mme Ferraris un témoignage de sa sympathie. Pendant le deuxième ta-
bleau à.\'iLeste, M. le comte Bacciocchi est monté dans sa loge et lui a
remis, de la part de Sa Majesté , une magnifique paire de boucles d'o-
reilles en émeraude, entourées de diamants, dont elle s'est empressée
de se parer.
.^*^ La direction de l'Opéra vient d'engager pour le 1=' septembre
une danseuse d'une grande réputation, Mme Amina Boschetti. Elle a
créé plusieurs rôles importants sur les grandes scènes de l'Italie, dans
les ballets de Rota et de Borri. On la dit surtout très-remarquable
comme mime.
^,*^: Le succès du ténor Villaret s'est pleinement confirmé à son se-
cond début. On a donné hier samedi, par extraordinaire, une troisième
représentation de Guillaume Tell. — Les réparations de la salle qui sera
fermée toute la semaine sainte, vont commencer immédiatement.
^*^ C'est vraisemblablement dans la semaine de Pâques que sera re-
présenté l'opéra de MM. Sardou et Vaucorbeil. Une première répétition
générale a eu lieu cette semaine et fait bien augurer de l'ouvrage. —
Le début de Mlle Girard, nouvellement engagée, aura lieu au mois de
juin. — Mme Galli-Marié viendra au mois de mai prendre possession de
son emploi. — On prépare la reprise de la Chanteuse voilée de y. Massé,
avec Capoul, Gourdin et, Mlle Marimon.
»** Mlle Girard quitte le théâtre Lyrique; elle vient de signer un
engagement avec la direction de l'Opéra-Comique.
^*^ Par arrêté du ministre d'Etat, en date du 25 mars, M. Bagier a été
nommé directeur du théâtre impérial Italien, à panir du 1"' mai pro-
chain. M. Bagier prend le théâtre sans soubvention. Il doit ouvrir le
I''"' octobre.
^*.^ Le théâtre Italien donne aujourd'hui Otello avec Tamberlick et
Mme Frezzolini.— Samedi de la semaine dernière, à la représentation
d'un Ballo in maschcra, des manifestations peu bienveillantes et en de-
hors des habitudes du public distingué du théâtre Italien, se sont pro-
duites contre l'illustre chanteur qui, par suite d'un retard dans l'arri-
vée de la musique militaire nécessaire pour la scène du bal, avait sup-
primé une partie du récitatif et l'air qui précèdent. De là des signes de
mécontentement qui auraient cessé de suite, si M. Tamberlick avait pris
la peine de faire expliquer par le régisseur la cause de cette suppression.
^*^ L'un des artistes les plus distingués du théâtre Italien de .Saint-
Pétersbourg, et l'un des plus célèbres barytons de l'Italie, M. Debassini,
s'est décidé à paraître sur notre scène italienne dans deux de ses prin-
cipaux rôles, celui de don Alfonso de Luoresia Borgia et de Bon Giovanni.
Hier soir le théâtre Italien a donné à cet effet le deuxième acte de
l'opéra de Donizetti, et nous reparlerons dans notre prochain numéro de
ce remarquable début.— luo-ezm Borgia était précédée des deuxième et
troisième actes de StraJella.
^*,. Une indisposition de Mlle Battu a forcé de changer jeudi dernier
la reiDrésentation du théâtre Italien et de substituer le Barbier à l'opéra
annoncé : Cosi fan tulle. Mlle Volpini, qui vient de Barcelone, rempla-
cera à partir du I»'' avril Mlle Battu, qui part pour Londres.
^% Mme Miolan-Carvalho, avant son départ pour Marseille, a con-
senti à paraître encore une dernière fois dans son beau rôle de Mar-
guerite. Demain lundi, irrévocablement, dernière représentation de
Faust.
^*^ Mlle Marie Battu partie 2 avril pour Londres, où elle est engagée
pour toute la saison au théâtre Covent-Garden. La Muette de Portici est
le premier opéra qu'elle y chantera. Elle se rendra le 15 août à Bade,
pour y jouer au nouveau théâtre l'opéra italien, et terminera la saison
par le grand concert donné pour les pauvres, à l'occasion de la fête du
grand duc, le 8 septembre, dans le salon Louis XV.
s'%. Les Bavards en sont à leur quarantième représentation, et le suc-
cès de ce charmant ouvrage d'Offenbach ne paraît pas près de faiblir.
Chaque soir la salle est comble, et l'on applaudit à la fois la musique,
les paroles, l'exécution, la mise en scène , les costumes et les décors ;
mais par-dessus tout Mme Ugalde, qui a rencontré dans cette pièce l'un
de ses plus beaux succès artistiques.
/, La célèbre cantatrice Mme Charton-Demeur est de retour de la
Havane, après y avoir brillamment accompli son engagement.
*** Au nombre des engagements faits par M. Gye pour le théâtre de
Covent-Garden, il faut citer celui de M. Paul Giorza en qua'ité de chef
d'orchestre pour les ballets.
*** On vient de reprendre, avec un très-grand succès, au théâtre de
Nantes, Charles VI, opéra d'Halévy.
^.*^ Voici l'état des recettes brutes qui ont été faites, pendant le mois
de février 1863, dans les établissements soumis à la perception du droit
des indigents :
r Théâtres impériaux subventionnés 592,197 31
2° Théâtres secondaires, de vaudevilles et petits spec-
tacles 1,052,525 95
3» Concerts, spectacles-concerts, cafés-concerts et
bals. 287,630 25
4° Curiosités diverses 8,967 »
Total 1,941,320 51
^Kf Aujourd'hui dimanche, à 2 heures, au cirque Napoléon, septième
concert populaire (le dernier de l'abonnement) de musique classique,
sous la direction de Pasdeloup : 1° Ouverture d'Euryanthe de Weber ;
2° symphonie en la de Beethoven; 3° allegretto un poco agilato de Men-
delsohn ; 4° andante et menuet de la symphonie en mi bémol de Mozart;
5° septuor de Beethoven, exécuté par MM. Auroux, Espeignet, Paquis
et tous les instruments à cordes.
^*^ L'Association des artistes musiciens a fait célébrer à l'église Notre-
Dame, mercredi dernier, 25 mars, une messe en musique , à l'occasion
de la fête de l'Annonciation. Les soli ont été chantés par MM. Bataille et
Laveissière, du théâtre Lyrique, et Caillou, ténor, élève de M. Bataille.
L'orphéon de M. Foulon et les élèves de la classe de chant de M. Bazm,
sous la direction de M. Prumier fils, ont chanté les chœurs avec un en-
semble remarquable. L'orgue d'accompagnement était tenu par M. Batiste.
Au graduel, Vieuxtemps a exécuté un adagio d'un de ses concertos, qui
a produit le plus grand effet. Rarement il a déployé plus de goût et
d'onction; rarement il a tenu davantage son auditoire sous le charme
de son archet magique. MM. Triebert, Boulu et Berthélemy, ont fait en-
tendre, sur le hautbois, un trio de Beethoven en artistes consommés.
La belle musique de la garde de Paris, conduite par son chef, M. Paulus,
outre la- messe, a exécuté la marche religieuse, avec accompagnement
de harpes , d'Ad. Adam , et le Noël du même compositeur. Elle s'est
montrée à la hauteur de sa réputation. N'oublions pas de payer un juste
tribut d'éloges aux artistes éminents chargés des parties de harpe. Leur
remarquable talent a ajouté un attrait de plus à cette fête, qui avait at-
tiré un grand concours d'étrangers et l'élite de la société parisienne.
*.^, Les soirées musicales qui ont lieu le samedi chez le préfet de la
Seine, sous la direction de Pasdeloup, continuent avec un grand éclat,
justifié par le choix des morceaux exécutés et par la valeur des artistes
invités. C'est ainsi que samedi dernier on a pu entendre 1 ouverture de
Zanetio, d'Auber; le duo de Semiramide, par Mme Alboni et Marchesi_;
le chœur des génies, d'Oôcron; les variations de l'.ode, par Mme AlDom,
l'allegretto-scherzando de la symphonie en fa, de Beethoven, une ana
du xvn« siècle, de Carissini, chantée par Marchesi ; la valse ûe taust,
avec chœurs de Gounod, et le brindisi de la Lucrezia, par Mme Alboni.
102
REVDE ET GAZETTE MUSICALE
Aussi ces réceptions sont-elles très-suivies par l'élite de la société pa-
risienne.
^** Les deux théâtres d'opéra italien à Londres se préparent à inau-
gurer leur saison musicale qui s'annonce cette année sous les auspices
les plus brillants. M. Mapleson, le directeur de Her majesiys théâtre, vient
de publier son programme, dans lequel nous remarquons les engage-
ments suivants : ténors : Giuglini, Allesandro Bettini, Fraschini, Baragli,
Geremia Bettini. Prime donne : Mmes Tiétjens, Artot, Rose de Ruda,
Kellogg, Piccolomini, Louise Michel, Alboni, Trebelli et Lemaire. Basnes
et barytons : Dalle Sedie, Santley, Fagotti, Tricca, Batagiolo, Bossi,
Vialetti, Bovere, Zucchini, Gassier. — L'orchestre sera, comme l'année
passée, dirigé par M. Arditi. Les étoiles du ballet seront Mmes Ferra-
ris, Pocchini et Beretta, qui danseront sous la direction de MM. Bota,
Borri et Diani. En dehors du répertoire de la dernière saison, qui se
composait du Barbiere, Gli Ugonotti, Nozzc. di Figaro, Oberon, Maria,
Rigoletto, Fidelio, Roberto il Diavolo, Norma, Trovatore, etc., on repré-
sentera pour la première fois Id Forza del destina, de Verdi, Faust, de
Gounod, Stradella, de Flotow, Nicolo de Lassi, de Schira, et les ballets
Blanchi e Negri, la Farfalletta et la Giocoliera. La saison s'ouvrira le
< 1 avril par II Trovatore.
*■- **»Dans l'espacedecinquante-deuxjoursSivori a jouédans septconcerts
à la Cour, deux grands concerts au grand Théâtre-Royal, deux concerts
de bienfaisance à l'Académie de chant, et dix concertsàlasalleKroll. Au
dernier concert de la Cour, qui a eu lieu le 22, S. M. le roi a fait re-
mettre à Sivory l'ordre de la Couronne et 4,000 francs en or. Le prince
royal y a ajouté un magnifique album relié. — Sivori vient de contracter
un nouvel engagement pour huit concerts au théâtre, et après les fêtes
de Pâques, il doit donner une nouvelle série de concerts à la salle Kroll,
et des séances de musique classique à l'Académie de chant.
**, Après la brillante campagne artistique qu'il vient de faire à, Nice
et dans le Midi de la France, l'éminent violoncelliste Nathan revient à
Paris où l'attendent de nouveaux succès.
s,** Aujourd'hui dimanche doit être exécutée au troisième concert du
Conservatoire de musique de Bruxelles, et sous la direction de M. Fé-
tis, la troisième symphonie à grand orchestre de Mme Farrenc.
^*^ Gustave Satter est en ce moment à Pesth, où il a donné une série
de concerts qui ont été très-suivis. A son retour à Vienne, vers le com -
mcucement d'avril, l'excellent pianiste y donnera son sixième concert,
au profit des pauvres.
»*s, Après le grand succès qu'il venait d'obtenir au Havre, l'infati-
gable Vieuxtems se rendait à Lille, où il était appelé pour jouer au
Cercle du Nord, et s'y faire applaudir avec enthousiasme; et aujourd'hui
il est à Bruxelles pour la seconde fois de l'hiver. — S. M. le Roi de Ha-
novre vient de lui envoyer la grande médaille en or du Mérite et Science
pour la dédicace de sa sonate d'alto et piano.
„,*„, M. Pasdeloup se propose d'inaugurer à son prochain concert
spirituel du vendredi saint, un chœur composé de cinq cents voix
d'homme et de femme, qu'il désignera sous le titre de Choral populaire
de musique classique, et qui complétera heureusement sa création
des concerts populaires. Le programme de ce premier concert spirituel
comprendra des chœurs du xvi% xvif, xvm'' et xix" siècles.
,j,** On parle beaucoup d'une soirée très-intéressante qui doit avoir
lieu mercredi chez Rossini, et dans laquelle l'illustre maestro fera exé-
cuter deux morceaux du Stabaf de Pergolèse, deux du Stabai d'Haydn,
deux du Stabat de Rossini. Vinflammalus du Stabat moderne sera chanté
par Giulia Grisi. Le duo des femmes sera exécuté par Mmes Ferranti
et Trebelli.
^*^ Un Stabat en musique de la composition de Maurice Bourges a été
exécuté vendredi dernier dans la chapelle des sœurs de Saint- Vincent,
rue Boutebrie. Cette œuvre, vraiment considérable sous tous les
rapports, se distingue non-seulement par l'élévation du caractère re-
ligieux, mais encore par le charme, l'élégance, l'abondance de la mé-
lodie aussi bien que par la richesse d'une harmonie colorée, toujours
appropriée à la dignité du texte sacré. L'exécution n'est pas restée au-
dessous du mérite de la partition. Il faut citer avec de grands éloges
l'admirable soprano de Mme Lagnier, si sonore, si entraînant ; la voix
suave et sympathique de Mme Tropo; le chant très-expressif de
Mlles Marquis et Gentilhomme; le ténor éclatant de M. Veillet; la basse
extraordinairement puissante de M. Rubbiani, enfin, et surtout la mé-
thode savante et magistrale de M. Portehaut, dont le style, empreint
d'une onction pénétrante, cause à l'église une irrésistible émotion.
^*t Le concert annuel de la Société des Concerts de chant classique,
fondée par M. Beaulieu, de Niort, correspondant de l'Institut, aura lieu
le H avril prochain. Un offertoire composé par Michel Haydn, et dont
la partition n'est pas même gravée en Allemagne, des fragments du
vingt-sixième psaume à trois voix de Marcello, un Ave verum corpus
inédit, d'Halévy, et des fragments du Paulus de Mendelssohn, figureront
sur le programme, et auront pour interprètes principaux Mme Vanden-
heuvel-Duprez et M. Eattaille. Nous aurons à donner quelques détails
sur les statuts qui viennent d'être adoptés pour garantir la perpétuité
d'une fondation qui intéresse si vivement l'art musical.
„% Dans son concert de vendredi le jeune pianiste Schœn a fait en-
tendre une charmante mazurka de sa composition {souvenir de Berlin),
qui a été particulièrement remarquée. La mélodie en est fort distin-
guée, le rhythme bien accentué, et nous la croyons réservée à un grand
succès.
*■** Dans les intervalles de travaux plus sérieux, M. Ch. Manry, dont
nous avons à plusieurs reprises signalé à nos lecteurs les compositions
religieuses, ne dédaigne pas de consacrer ses loisirs à des œuvres qui,
pour être plus légères, n'en ont pas moins de charme. De ce nombre sont
deux mélodies nouvelles pour piano : Une course au clocher et la Chan-
son du Berger, qui viennent de paraître et qui, malgré leur concision,
témoignent qu'elles émanent d'une plume ferme, habile et rompue aux
savantes combinaisons. Elles ne rappellent en rien la profusion de no-
tes, les sonorités éclatantes par lesquelles, si souvent, on cherche à
dissimuler l'absence de toute idée musicale. Ici, tout annonce au con-
traire un musicien accoutumé à écrire pour les voix et pour l'orchestre.
Ces petites pièces offrent parfois l'intérêt de trois ou quatre parties
réelles, traitées avec une aisance et un art remarquables. Les mélodies
ont assez de force et de fraîcheur pour se passer de tout ornement pa-
rasite; l'harmonie, malgré sa simplicité, trahit cependant, par quelques
modulations neuves et du plus bel effet, un artiste d'un goût sûr et dé-
licat. Il était difficile à M. Charles Manry, auquel on doit plusieurs
messes, de montrer d'une façon plus caractéristique la flexibilité de son
talent.
**:j Nous constations dans notre dernier numéro le succès obtenu à
Bruxelles par Mme Charlotte de Tiofensée; au second concert qu'elle y
a donné, et auquel assistait la famille royale, ce succès a été plus grand
encore, et après le concert, S. A. Mme la duchesse de Brabant, déro-
geant à l'étiquette, a daigné faire appeler l'éminente artiste pour la
féliciter sur son beau talent. Mme de Tiefensée, qui est d'ailleurs l'ob-
jet des plus grands éloges de la presse belge, n'avait pas reçu à la
Haye un accueil moins fliatteur; elle compte sous peu se rendre à
Paris.
^*:j Le nouvel air national anglais, God bless Ihe Prince of Wales, com-
posé par M. Brinley Richards pour les noces de H. R. H. le prince de
Galles avec H. R. H. la princesse Alexandrina de Danemark, a eu un si
beau succès en Angleterre que ses éditeurs, MM. R. Cocks et C", ont
fait présent au compositeur d'une bourse contenant 3,000 francs , et
d'une somme pareille à Sims Reeves, le célèbre ténor, qui l'avait chanté
aux fêtes du mariage. God bless the Prince of Wales a été chanté le même
jour dans chaque ville de l'Angleterre.
^*, Lundi dernier, cent cinquante ou deux cents personnes apparte-
nant au monde des lettres et des arts, étaient réunies dans les salons
de Mme Alexandre (Charlotte Dreyfus). Une soirée artistique qui, aurait
fait fortune à la salle Herz, avait été organisée par les soins de la gra-
cieuse maîtresse de la maison, qui est en même temps une de nos
grandes artistes. En voici le programme : l'air de talla Rookh et II
Bacio , admirablement chantés par Mme Oscar Comettant ; l'air de
Robin des Bois, que la belle Mme Bertini a dit à ravir ; un solo de violon
d'Alard, sur les motifs de la Muette, exécuté par M. Bauerkeller qui, der-
nièrement, a obtenu un si grand succès à l'hôtel du Louvre; Souvenirs de
Diane de Solange, composés et exécutés sur le piano par M. Auguste
Mey ; une fantaisie pour orgue, ainsi que le duo de Freyschutz , pour
orgue et piano, par Mme Dreyfus et M. A. Mey (ces deux morceaux
d'un grand effet), exécutés avec un art, un goût extrêmes, Mlle Dupont,
des Français, a dit des vers : Les deux chats et le voleur par humanité ;
Mme Armand, de l'Odéon, a récité l'Histoire d'uu sou, de Mme Anaïs
Ségàlas ; enfin, un proverbe d'Octave Feuillet, le Cheveu blanc, a été
interprété d'une manière remarquable par Mme Armand et M. Saint-
Germain, du Vaudeville, et a été accueilli par plusieurs salves d'ap-
plaudissements. Cette soirée, dont Mme Charlotte Dreyfus a fait les
honneurs avec tant de grâce et de charme, s'est prolongée fort avant
dans la nuit.
,t*,^ La quatrième livraison du Trésor des pianistes vient de paraître ;
elle contient deux recueils de six sonates chacun de Charles-Philippe-
Emmanuel Bach, et tout l'œuvre de Haendel pour le clavecin, précédé
d'une notice très-développée sur la vie et les diverses compositions de
ce grand musicien. Les douze sonates d'Emmanuel Bach peuvent être
classées au nombre de ses plus belles compositions.
^*^. S. M. le roi Victor-Emmanuel vient de conférer à M. le comte
Maximilien Graziani, qui s'est fait connaître par des compositions dis-
tinguées, une médaille d'argent grand module à l'effigie de Sa Majesté,
pour la marche triomphale Vltalia que M. Graziani lui avait dédiée. Cet
envoi était accompagné d'une lettre très-flatteuse de M. Nigra, ministre
de la maison du roi.
,,*,, On sait avec quelle libéralité M. de Mengoval met au service de
l'art musical la grande fortune dont il jouit. Le dernier concert de la
Société philharmonique de Douai, à l'organisation duquel il avait pré-
sidé, vient d'en offrir une nouvelle preuve. Mme Cabel, Hermann, l'é-
minent violoniste, Montaubry avaient été invités à lui prêter leur con-
cours, et le succès de ce concert a été complet. Hermann y a fait
admirer et chaleureusement applaudir son magnifique talent. De retour
DE PARIS.
103
à Paris, Hermann annonce un grand concert dans la salle Herz, pour
le 48 avril. On y entendra Ketterer, J. Lefort et Mme Cabel.
,*, S. Exe. M. le ministre d'Etat a réuni hier, dans une dernière séance,
la commission de la propriété littéraire et artistique. L'ensemble du
projet de loi a été adopté et va être immédiatement présenté à l'Empe-
reur, pour passer ensuite au conseil d'Etat. Ce projet, conçu sur les
bases les plus justes et les plus libérales, doit donner aux écri-
vains et aux artistes les satisfactions légitimes qu'ils réclament depuis
si longtemps.
,*» Nicole, le compositeur à qui nous devons Joconde, est mort en 1818,
à l'âge de quarante- trois ans. Il laissait alors un frère plus jeune
que lui d'une vingtaine d'années, et qui vient de mourir, le 23 de ce
mois, à Rouen. Ce frère, qui d'abord suivit la carrière militaire et qui,
sous le premier empire, avait atteint le grade d'officier, se voua ensuite
au théâtre comme artiste et comme directeur. Quoique son nom de fa-
mille fut celui d'Isouard, il se fit longtemps appeler Kicolo comme son
frère. Il était médaillé de Sainte-Hélène.
*** A Donau-Eschingen est mort, le 5 mars dernier, à l'âge de
soixante-deux ans, le musicien de la cour, Gall, un des vétérans de la
chapelle devenue célèbre sous la direction de Kalliwoda.
:(,** Musard va renouveler cet été au Pré-Catelan ses succès de l'an-
née dernière. L'administration municipale, désirant encourager cette en-
treprise vient de lui en continuer le privilège. Musard prépare déjà son
répertoire qui offrira tout d'abord à ses habitués l'ouverture-mar-
che de Meyerbeer, composée pour l'Exposition de Londres, et une valse
sur les Bavards, qu'on dit une des meilleures qu'il ait faites.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
^*,t Amiens, 25 mars. — Mme Nantier-Pidiée, MM. Léonard, Levassor
et Dunkler prenaient part au concert donné par la Société philharmo-
nique au profit des pauvres. Ce n'est pas la bonne volonté, mais la voix
qui a manqué à M. Achard pour y concourir aussi. L'ouverture de Gus-
tave, d'Auher, la symphonie en «« mineur de Beethoven et la fantaisie
d'Arban sur / Lombardi, supérieurement exécutées par l'orchestre sous
la direction de M. Lacoste, complétaient le programme. L'excellent vio-
loniste Léonard ne s'était pas fait entendre ici depuis sept ans, mais on
espère que désormais il ne mettra pas dans ses visites un si long inter-
valle.
,1,*^ Caën, 21 mars. — Sous ce titre, l'Amour d'un trombone, on a joué
avec succès un petit opéra, dont la musique est de M. de Croisilles, qui
a été longtemps président de la Société philharmonique et n'a cessé de
rendre des services aux artistes. Les heureuses mélodies de sa partition
se déroulent sur un bon tissu harmonique. Les paroles, ainsi que la mu-
sique, sont un produit du terroir.
,*^ Nice. -~ L'opéra de Marta voit chaque soir grandir son succès. A
l'une des dernières représentations, la Pozzi-Branznnti a excité un véri-
table enthousiasme dans la romance de laRose; on lui a jeté deux magni-
fiques bouquets de fleurs rares, noués avec de riches rubans ; le ténor
Corsi chante divinement, et sa romance lui a valu une véritable ovation.
Giotti et Ronconi, chacun de leur côté, ont également recueilli force
applaudissements.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
^*^ Bruxelles. — Le théâtre de la Monnaie nous offre tour à tour les
Diamants de la couronne, avec Mlle Monrose, qui chante maintenant très-
bien le rôle de Catarina, etMartha, dans lequel Jourdan, Perié, Mlles De-
maesen et Andrée luttent de talent et de succès.
^*^ Vienne. — Après Bon Pasquale, les Italiens ont donné II Barbiere;
Mlle Patti a été ravissante dans le rôle de Rosine. Nous ne dirons pas
que le succès de l'enchanteresse va croissant, cela n'est pas possible,
mais l'enthousiasme du public se maintient au même niveau. Dans
chaque nouveau rôle, son merveilleux talent se montre sous une face
nouvelle, mais toujours il charme, il séduit, il fascine. Le Barbiere sera
suivi de Lucia; Giuglini, qui doit partir incessamment pour Londres,
chantera le rôle d'Edgardo ; inutile d'ajouter que le rôle principal sera
chanté par Adelina Patti. Le dimanche des Rameaux elle se fera entendre
dans un concert que la société Concordia doit donner au Carlihcatcr, et
le dimanche de Pâques, dans une messe de Beranck, ancien professeur
de Strakosch. — Le troisième concert historique de M. L.-A. Zellner a
été des plus intéressants et des plus variés. On y a entendu deux chan-
sons de Thibaut, roi de Navarre (xm» siècle), chantées par M. Walter,
avec accompagnement de harpe, parZamarra; duo des Roses, par J.-J.
Rousseau; des morceaux à quatre voix, de Pierre Meïer, D. Becker,
M. Siebenhaar (tous les trois du xvii'' siècle), et de Robert Schumann,
chantés par Mlles Kraus et Prager^ par MM. Walter et Meyerhofer.
Musique instrumentale: sonate de P.-E. Bach; diverses compositions,
arrangées pour l'harmonium et exécutées par Zellner, qui a eu plusieurs
fois les honneurs du rappel. Enfin, airs de danse, tirés de Ferramor,
opéra de Rubinstein. Pendant la semaine sainte aura lieu au Carltheater
un concert dont le produit sera employé à décorer le tombeau de Bee-
thoven. On y exécutera la symphonie héroïque, illustrée par des ta-
bleaux vivants. — Mardi 24 mars, les Huguenots ont été représentés
avec un succès qui rappelle la première apparition de ce chef-d'œuvre
au théâtre de la Cour. Ander était en voix, et il a chanté le rôle de
Raoul de manière à électriser la salle. Celui de Marcel est un des plus
brillants du répertoire de Draxler. Les dames Liebhart et Krauss (Va-
lentine et Isabelle) se sont très-bien acquittées de leur tâche. Bref, la
soirée n'eût laissé rien k désirer, si la mise en scène avait répondu à
l'exécution.
,** Stuttijard. — Le théâtre de la Cour a donné une deuxième repré-
sentation de la Rose d'Erin, par Benedict. Le succès a été encore plus
brillant qu'à la première. C'est une œuvre musicale très-importante, et
qui ne tardera pas à faire le tour de l'Allemagne.
*■*,. Turin. — Nous avons eu cette semaine, au cercle des artistes,
une magnifique matinée musicale qui tirait surtout son éclat de la pré-
sence d'une des étoiles de la scène italienne, Emmy Lagrua. Elle a
chanté un grand air du Prophète, une barcarole, et avec le ténor Can-
toni, une légère pensée de Rossini : Mira la bianca luna. Il est inutile de
dire qu'elle a été accueillie par des applaudissements enthousiastes :
c'est pour les grands artistes que sont faites les ovations, celle-ci allait
donc tout droit à la grande cantatrice.
Voici la liste des concerts annoncés :
31 mars. Salle Herz. Concert du fameux tromboniste Nabich ; plusieurs
morceaux de sa composition, de Schumann, Mozart,
David , Bergson, etc. ; artistes : MM. Maurin, Chevil-
lard, Viguier et Sabatier; Mme Szarvvady, Mlle Lindo.
31 — Salons d'Erard. Concert de Mlle Marie Colin, avec le concours
d'Alard, Jacquard et Mme G. Comettant.
6 avril. Salle Pleyel-Wolff. Concert de M. et Mme Léop. Dancla, avec
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Talesy (A.). Bella Maria, polka 5 »
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1^'aclss (F.). Le Tourbillon, quadrille 4 50
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Exposition de 18i9.
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La .-liaison ANTOUSE COURTOIS ayant agrandi ses ateliers, est en mesure de satisfaire à toutes i3s demandes qui pourront lui être
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ALPHONSE SAZ (JUNIOR)
Fac<cur et Ingénieur en instruments de Musitiuc
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Breveté de S. M. rEmpereur des Français. — Grand brevet de S. M. la reine d'Angleterre. — Breveté de S. M., le roi des, Belges. — am" prix en 1838. — 1'=' prix
en 1841. — Prix d'honneur, médaille d'or, en 1843. — Médaille d'argent à l'Exposition de Paris, 1844. — MMjKtJUE par le gouvernement belge pour visiter
l'Exposition universelle de Londres, en 1851. — Exposition universelle de Paris, 1855, les pins belles pages du Rapport officiel, 27"»' Classe, pages 1835-1336. —
Exposition universelle de Londres, 1862, PRIZE MEDAL, avec cette mention : POUR EXCBl,l,E!«CE DE TOUTE ESPECE D'INSTRUMENTS DE CUIVRE.
— Membre de l'INSTITUT POLYTECHNIQl'E de Paiis, membre de l'ASSOCIATION INTERNATIONALE POUR LE PROGRÈS DES SCIENCES SOCIALES. —
MÉDAILLE D'OR et Membre du CORPS SCIENTIFIQUIi DE L'HOTEL DE VILLE DE PARIS.
ERIE CENTRALE DE NAPOLEON CHAIX 1
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS,
30^ Année.
1V° 14.
OIV S'ABONNE 1
Dans les Départements et à l'ËtraDger, chez tous
les Uarchanâs de Uusique, les Libraires, et aux
Purcaui des Messageries et des Postes.
REVUE
8 Awil 1863
PRIS DE L'ABONNEMENT:
Paris ■ 24 tr. par on
Départements, Belgique el Suisse..., 30 » id.
Étranger M " W-
11- Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE IHUSIC
■^AA/ vaAA/\AAaa/v-
SOMMAIRE. — Théâtre impérial italien: début de Debassini; Oiello. —Théâ-
tre Lyrique : Peines d'amour perdues, opéra-comique en quatre actes, de
MM. Michel Carré et Jules Barbier, musique de Mozart, par liéon Dapocker.
— Concert donné par Jean Becker et Ed. de Hartog. — Auditions musicales,
par Adolphe Botte. — Revue des tliéàtres, par D. A. D. Saint-Yves.
— Nouvelles et annonces.
THÉÂTRE IMPÉRIAL ITALIEN.
Débat de Debassini. — Otetlo.
Samedi passé le spectacle se composait au théâtre Italien des deux
derniers actes de Stradella et du deuxième acte de Lucresia Borgia
dans lequel débutait M. Debassini, baryton du théâtre impérial de
Saint-Pétersbourg.
Les deux actes de l'opéra de Flotow ont reçu, comme aux pre-
mières représentations, un accueil tout à fait sympathique de la part
du public, qui a fait répéter les charmants couplets à boire des deux
bravi, et applaudi chaleureusement la ballade et le grand air du
troisième acte, délicieusement chantés par Naudin.
Debassini, de son côté, n'a qu'à se féliciter de la tentative qu'il
vient de faire. On a vite apprécié sa belle tenue en scène, la no-
blesse de sa démarche et la sobriété de son geste, qui dénotent un
artiste de la grande école. Dans cette lutte terrible de don Alfonso
et de Lucrezia, Debassini s'est montré excellent tragédien. En outre,
son organe est plein et' sonore, sa méthode excellente. Accoutumé
à chanter sur les grands théâtres de la Scala, de San-Carlo et de
Saint-Pétersbourg , il aurait même à modérer la portée de sa voix,
qui, dans les moments de passion, semble trop forte pour les dimen-
sions de la salle Ventadour. Très-applaudi après son grand air d'en-
trée, qu'il a dit d'une façon magistrale, il l'a été de nouveau à plu-
sieurs reprises et rappelé après le duo dans lequel Mme Penco l'a
fort bien secondé.
Debassini devait chanter Don Giovanni, mais le départ de plu-
sieurs des artistes pour Londres y a mis obstacle, et il a quitté Paris
pour se rendre en Italie. 11 est à regretter qu'on ne l'ait pas en-
tendu dans ce rôle qui, depuis Tamburini, n'a jamais été aussi bien
chanté que par lui.
Dimanche on a donné Otello pour la continuation des débuts de
Tamberlick. Nous constatons avec regret que la représentation n'a pas
été satisfaisante. Sans doute Tamberlick est toujours un grand artiste,
mais il faut bien avouer que, soit effet du temps, soit fatigue, sa voix
perd sensiblement. Aussi le public s'est-il montré très-froidjusqu'au fa-
meux duo /'î>a (Z'owe/-so qui a d'ailleurs produit son effet accoutumé et
dont le célèbre chanteur a dû répéter la seconde reprise. Quant à
Mme Frezzolini, qui chantait le rôle de Desdemona, pourquoi s'obstine-
t-elle à donner le spectacle afQigeant de l'agonie d'une voix qui fut
si belle' Quelle que soit l'excellence de sa méthode et la distinction de
son style, il n'y a ni méthode ni style qui tiennent quand l'instru-
ment fait défaut ! Dans la phrase si dramatique Se il padre m'aban-
dona, on a pu croire un instant qu'elle ne gravirait pas la gamme de
si à sol dièze écrite sur les paroles, et qu'après avoir atteint par des
ports de voix et des efforts réitérés la note culminante, elle ne pour-
rait plus redescendre sur l'octave ! En outre, nous défions quel-
que auditeur que ce soit d'avoir pu reconnaître dans la romance du
Saule telle qu'elle l'a chantée, le thème de Rossini ! Lorsqu'on en est
réduit à de pareils expédients pour chanter un rôle , le soin de sa
dignité et un peu de charité envers le public doivent engager à s'abs-
tenir. Mme Frezzolini est jeune encore ; elle possède plus que per-
sonne le sentiment et les secrets de son art, et une belle carrière lui
serait ouverte, celle du professorat, si elle voulait s'y livrer. Après
avoir brillé sur notre scène lyrique, Mme Damoreau-Cinti, en ensei-
gnant ce qu'elle savait si bien, a rendu d'immenses services. Mme Frez-
zolini serait, en l'imitant, certaine de recueillir des succès, qui, pour
être moins éclatants, n'en auraient pas moins de prix.
S. D.
THÉÂTRE LYRIQUE.
PEINES D'AIIOVR PERDUES,
Opéra-comique en quatre actes, imité de Shakspeare, de MM. Michel
Carré et Jules Barbier, musique de Cosi fan tutte, de Mozart.
(Premitre représentation le 31 mars.)
Quand cette œuvre charmante de Mozart, Cosi fan tutte, fut don-
née au théâtre Italien (novembre 1862), il n'y eut qu'un cri, dans le
public comme dans la presse, sur le mérite de la partition, et sur la
sottise du Ubretto. M. Carvalho, que le succès des Noces de Figaro
avait affriandé, crut voir dans la partition une nouvelle source de
fortune, et résolut de se l'approprier. Mais si au théâtre Italien on
trouve du plaisir à rire du Ubretto, l'on a coutume, sur les scènes
françaises, de prendre le poëme au sérieux. M. Carvalho en conclut
qu'il fallait garder la musique, et changer le poëme.
ÎS'aurait-il pas été plus simple de le prendre à corrections? La
406
revu!-; ta GAZlîtïE MUSICALE
pièce italienne est plate et impertinente parce que les deux amants,
qui entreprennent de mystifier leurs maîtresses , y réussissent. Fior-
diligi et Dorabella sont deux sottes qui ne peuvent inspirer aucun in-
térêt, el le pardon qui, au dénoûment, couvre leur infidélité, pardon
motivé sur ce que toutes les femmes se valent , est une dernière
impertinence plus grossière que toutes les autres. Mais si, au premier
acte, les deux sœurs découvraient le piège qui leur est tendu, si,
pour se venger et pour punir les insolents qui les outragent, elles
feignaient de s'y laisser prendre, alors les mystificateurs deviendraient
les mystifiés, le comte Alfonso perdrait son pari, el la pièce, dé
stupide qu'elle est, deviendrait immédiatement spirituelle et amu-
sante. 11 suffirait pour cela d'ajouter douze lignes au dialogue. N'é-
tait-ce pas plus [ court et moins hasardeux que d'essayer un mariage
forcé entre les deux génies les plus incompatibles? Et ne faut -il pas
avoir eu la main bien malheureuse pour choisir précisément, à cet
effet, le moins intéressant et le plus vide de tous les ouvrages du
poëte anglais?
Le commentateur Johnson, assez disposé, comme la plupart des
commentateurs, à vanter intrépidement tout ce que son auteur a pro-
duit, ne peut pourtant pas se faire complètement illusion sur les dé-
fauts de Loves labours lost. « Tous les éditeurs, dit-il, sont d'accord
pour censurer cette pièce, et plusieurs l'ont rejetée, comme indigne
de notre poëte. 11 faut avouer qu'il s'y trouve plus d'un passage mé-
diocre, puéril, vulgaire {mean, childish and vulgar).-» Il plaide seu-
lement la circonstance atténuante, et soutient qu'il s'y trouve, çà et
là, des traits de génie. Il y a, en effet, des vers très-brillants, el des
élans de lyrisme qui seraient plus à leur place dans un poëme que
dans une comédie. Mais on chercherait vainement un ouvrage drama-
tique 011 les caractères soient plus faux, l'action plus nulle el l'intérêt
plus languissant.
Il s'agit d'un Ferdinand, roi de Navarre, amoureux de la science,
et passionné à tel point pour l'étude qu'il a juré et fait jurer à ses
courtisans Biron, Dumaine el Longueville, de consacrer trois années
de suite au travail, et, pendant tout ce temps, nol to see a woman,
de ne pas voir une femme, de passer un jour par semaine sans man-
ger, et de ne dormir que trois heures sur vingt-quatre. La princesse
de France arrive sur ces entrefaites, chargée par le roi son père
d'une importante négociation. Ferdinand refuse de la recevoir dans
son palais, et lui permet seulement de séjourner dans son parc, avec
sa suite, sous des lentes. Il ne peut pourtant pas se dérober à la né-
cessité d'un entrelien, et une seule entrevue suffit pour le rendre
amoureux de la princesse. Ses trois favoris ne tiennent pas mieux
leur serment; ils trouvent auprès de la princesse trois filles d'hon-
neur qui mellenl en désarroi leur pauvre cervelle. La maladie, chez
tous les quatre, se manifeste par les mêmes symptômes, malgré la diffé-
rence des tempéraments, ce qui prouve que Shakspeare était plus poëte
que physiologiste : Ils font des vers à qui mieux mieux ; ils riment
des madrigaux, el quels madrigaux ! Tous quatre jouent à peu près
le même rôle, et font les mêmes sottises. La princesse el les trois
suivantes les bafouent de la même manière. C'est une lutte sans cesse
renouvelée de subtilités, de jeux de mots, de railleries sans finesse,
de plaisanteries fort peu altiques, entre quatre précieux et quatre
précieuses. Les précieux finissent par s'avouer vaincus et demander
grâce, c'est-à-dire mariage. Ils ne l'obtiennent qu'à la condition de faire
pénitence pendant un an el un jour. On voit que Xqmvs peines d'amour
ne sont pas aussi complètement perdues que le titre l'annonçait. Mais
rien au monde n'est plus froid que cette longue suite de scènes sans
situations, el de conversations alambiquées, qui n'intéressent ni l'es-
prit ni le cœur, et si l'auteur a eu pour bui d'amuser les honnêtes
gens, on peut dire que c'est lui qui a perdu sa peine.
Ce qui a donné à MM. Michel Carré et Jules Barbier l'idée de
substituer cette mauvaise pièce anglaise à la mauvaise pièce italienne,
c'est probablement que le roi de Navarre etses trois acolytes imaginent,
on ne voit pas trop dans quel but, de se présenter chez la princesse
déguisés en Moscovites, comme les deux amants de Cosi fan lutte
reviennent chez leurs soties maîtresses déguisés en gentilhommes al-
banais. D'ailleurs, ils n'ont eu garde de suivre trop fidèlement le pro-
gramme tracé par Shakspeare. Ils y ont introduit le faux empoison-
nement du libretto italien, ainsi que le faux médecin. Ils ont mis
seulement un duel fictif, et de faux coups d'épée à la place du poi-
son, et un page malin à la place de la soubrette effrontée. Au dé-
noûment le même page se présente en robe de devin, et débite nous
ne savons quelle prophétie sur les mêmes notes qiii Servent à Despina,
travestie en notaire, pour lire les contrats de mariage. Il estàremar"
quer que ces deux endroits où l'ouvrage français se rapproche de
l'italien sont justement ceux qui produisent l'effet le plus satisfaisant.
On devait s'y attendre, car c'est là qu'il y a le plus d'accord entre
les paroles et la musique. En effet, pourvu qu'on ne demande pas à
Mozart la verve bouffonne des compositeurs italiens, il exprime avec
une étonnante précision la situation, les sentiments et le caractère
des personnages. Il s'ensuit nécessairement que si l'on change les
personnages, les caractères et les situations, la musique n'a plus de
sens.
Nous n'en donnerons qu'un exemple, qUe nous tirerons du quin-
tette di scrivermi, ogni giorno giurami, vila mia, etc. Il commence
par des noies séparées par des silences, comme il convient à la si-
tuation de deux femmes éplorées dont les soupirs coupent la respi-
ration, dont les sanglots arrêtent la voix. Ce même quintette se
trouve au second acte des Peines d'amour, mais dans une situation
calme oîi personne ne pleure. Qu'en reste-t-il? Une mélodie char-
mante sans aucun doute, el un admirable tissu harmonique. Mais le
sens dramatique n'y étant plus, l'impression qu'en reçoit le specta-
teur est presque nulle : verba et voces, prœtereaque nihiî .
Nous n'insisterons pas davantage sur cet inconvénient à peu près
inévitable dans tous les pastiches ; c'est pour cela sans doute qu'au-
cun ne peut vivre. Déjà sous le premier Empire on avait ajouté la
musique de Cosi fan tulle à un poëme intitulé le Laboureur chinois.
Qui se souvient aujourd'hui du Laboureur chinois? L'héroïne princi-
pale y chantait le bel air : Per pietà, ben inio, perdona! sur ces vers,
dont il serait impossible de nommer l'auteur :
Au nœud secret qui nous engage
Qu'aurait-il donc à reprocher ?
J'aime son fils, mais son hommage,
Je l'ai reçu sans le chercher.
Ces paroles et celles qui suivent allaient beaucoup mieux à la mu-
sique, nous pouvons l'attester, que celles que Mme Cabel chante au-
jourd'hui au théâtre Lyrique. — Quel éditeur d'à présent serait ca-
pable de les retrouver? Oîi chercher la partition tout entière, et celle
de la Prise de Jéricho, et même peut-être celle des Mystères
d'isis?
Quand on rencontre un ouvrage ancien — nous parlons d'un ou-
vrage célèbre — le plus simple, à notre avis, comme le plus sur,
est de ne pas ambitionner la gloire de le perfectionner. Laissez-le tel
qu'il est, de grâce ! avec ses qualités et ses défauts. Ces défauts, si
grands qu'ils soient, ne l'ont pas fait mourir, puisque vous songez à
le reprendre. L'impertinence du libretto de Cosi fan lutte n'a pas
empêché celte partition charmante d'être, au théâtre Italien , le plus
grand succès de la saison. 11 est ce qu'il est, on le prend tel quel,
et l'on jouit de la musique en se moquant du signer poeta qui
ne vaut même pas la peine qu'on lui fasse son procès. La responsa-
bilité de ses inepties ne pèse sur aucun être vivant. Mais si le public
trouve votre arrangement mal réussi, êtes-vous sûr qu'il ne vous en
rendra pas responsable?
Nous n'avons pas besoin d'indiquer ici les beautés intrinsèques de
l'œuvre de Mozart. Elles sont connues, et personne, probablement, ne
les conteste depuis que la mort a brisé la plume du spirituel el pa-
DE PARIS.
107
radoxal dcrivain qui soutenait d'un air si résolu que « Mozart était
le premier des musiciens médiocres )>.Si la pièce à laquelle MM. Carré
et Barbier ont mis leur nom nous a paru froide, nous pouvons attes-
ter, en revanche, que la versification en est facile , élégante habi-
tuellement et parfois très-spirituelle, et que souvent ces messieurs ont
remplacé, par des traits ingénieux et fins, les lourdes plaisanteries de
leur original. Mme Faure chante le rôle de la princesse avec une
voix faible, mais beaucoup de grâce. Mme Cabel, au contraire, a plus
d'éclat et de puissance qu'elle n'en a jamais eu. On l'a vivement ap-
plaudie après l'air de Fiordiligi : Per pietà, dont nous parlions tout
à l'heure, et qui donne, plus qu'aucun autre peut-être, la mesure de
ses trois registres. Elle donne religieusement le texte écrit, sans se
permettre le moindre gropetto. C'est pousser le respect un peu trop
loin. Les maîtres du xvni° siècle comptaient sur l'imagination comme
sur le goût de leurs interprètes, et c'est pour cela que leurs parties
vocales sont si peu ornées. Si Mme Cabel tient à connaître le style de
Mozart, qu'elle se fasse jouer quelq^ues andanie de ses sonates de
piano, où il a tout écrit.
Mlle Girard est piquante et fine, comme toujours, dans le rôle du
page Papillon. M. Petit chante très -agréablement celui de Biron.
M. Wartel, BI, Guyot, M. Lesage, font valoir les leurs autant que
possible ; M. Léon Duprez, fils du grand chanteur qui nous a laissé
de si beaux souvenirs, débute dans le rôle du roi Ferdinand. 11 serait
difficile de chanter avec plus d'art, d'intelligence, et, pour tout dire
en un mot, de talent que M. Léon Duprez. Pourquoi faut-il que sa
voix chut! On l'a applaudi à trois reprises, après l'air en la
dont le public connaît si bien les paroles italiennes : Un' aura amo-
rosa, etc. On lui a fait répéter cette délicieuse cantilène, après quoi
on l'a applaudi plus fort qu'auparavant. S'il sait se faire écouter, et
si le public le trouve suÉSsamment fort de larynx, qu'avons-nous à
dire ? Rien, si ce n'est que les costumes comme les décors des Peines
d'amour ont un éclat, une magnificence dignes du grand Opéra, et
que M. P. Pascal, qui choisit et ajusta les morceaux de musique au
nouveau livret, s'est acquitté de cette tâche délicate avec autant de
goût que d'intelligence. Si la couleur, le ton général et les situations
des Peines d'amour ne se sont pas trouvés parfaitement semblables
à ceux de Cosi fan tutte, ce n'est pas sa faute.
LÉON DUROCHER.
COSCERT DONNE PAR JEAN BECKER ET ED. DE HARTOG.
Nous avions déjà plusieurs fois entendu M. J. Becker et apprécié
en lui l'artiste destiné à occuper une des premières places parmi les
maîtres de l'art du violon. Le dernier concert qu'il a donné chez
Herz, en compagnie de M. Ed. de Hartog, l'a encore élevé de beau-
coup dans notre estime , et nous croyons fermement que ceux qui
n'assistaient pas à cette soirée, ne peuvent se flatter de le bien con-
naître. Poursuivant la voie historique, oij il a fait une si brillante
entrée avec l'école italienne, le jeune virtuose abordait cette fois
l'école allemande, et, pour ainsi dire, l'épuisait d'un seul coup. Où
trouverait-on un autre violoniste capable d'exécuter, comme il l'a
fait, cette chaconne de J. Séb. Bach, pour violon seul, composée en
1730? Quel autre eût osé entreprendre ce long morceau, hérissé de
difficultés d'un genre si étrange pour nous, et dont tout le charme
consiste dans l'habileté avec laquelle l'artiste parvient à les vaincre?
J. Becker les a toutes vaincues, sans paraître avoir besoin d'effort.
Pendant plus de dix minutes, il nous a transportés dans un autre
siècle, dans un autre art que celui au milieu duquel nous vivons, et
il avait l'air de s'y trouver comme chez lui. Quelle facilité , quelle
assurance dans ces coups d'archet si compliqués, si ardus! Quelle
sûreté d'intonation ! quelle finesse de nuances ! L'allégro et l'adagio
du quatrième concerto de Spohr n'ont été pour lui qu'un repos et lui
ont servi de transition pour arriver à un scherzo de Ferdinand David,
c'est-à-dire à ce qu'il y a de plus hardi et de plus Oclatant dans
l'art moderne.
Eh bien ! J. Becker n'était encore qu'à la moitié de la tâche qu'il
s'était imposée. Il est rentré dans la lice en jouant un Concertstûck,
pour violon et orchestre, écrit à son intention par M. de Hartog.
Ensuite il a joué la troisième polonaise de Mayseder, l'un de ces mor-
ceaux populaires en naissant, mais d'une élégance et d'un brio tant
soit peu vulgaires. Enfin, comme pour faire contraste, il a terminé par
une fantaisie sur des thèmes hongrois, dans laquelle Ernst s'est complu
à résumer les excentricités , les coquetteries les plus recherchées du
style paganinien. Ainsi s'est achevé le tour de force , qui sans aucun
doute avait quelque chose de fabuleux, et pourtant ne semblait nulle-
ment avoir lassé le vigoureux athlète. Notez bien que la vigueur de
i. Becker ne se montre jamais ui sauvage ni rude ; que sou archet
conserve toujours la moelleuse douceur que l'on admirait en Viotti.et
qui faisait dire de lui : « C'est un archet de coton dirigé par un bras
d'Hercule. »
Dieu nous garde de rien ôter à la gloire des virtuoses dont le
talent se consacre uniquement à leurs propres œuvres, et qui nous
donnent de la personnalité autant et plus que parfois on n'en désire;
mais rendons pleine justice à ces rares artistes qui ne sont étran-
gers à aucun siècle, à aucun pays, à aucune école, et qui nous en
révèlent si généreusement les beautés ! Notre Baillot , qui avait bien
aussi son cachet individuel, excellait à ces initiations rétrospectives;
nous ne doutons pas qu'il n'eût franchement applaudi en M. J. Becker
un de ses plus dignes continuateurs et rivaux.
La charmante aubade de M. Ed. de Hartog ouvrait mélodieusement
et discrètement cet intéressant concert, où plusieurs scènes et canti-
lènes gracieuses du même compositeur ont été dites par Mlle de Taisy
et M. Grizy du grand Opéra. Les ritournelles et l'instrumentation de
ces divers morceaux sont remplies d'effets d'une distinction extrême;
on a surtout distingué l'Esclave, le Pécheur et Poëme d'amour,
comme dictés par une heureuse et poétique inspiration.
S. D,
AUDITIOISS inSICÂLES.
Deuxième concer* ac aime Mailcleïne «raever. —
A. Ciouffé. — Alexamlre Batla.
La seconde soirée donnée mardi par Mme Madeleine Graever
était une véritable solennité. De même qu'à la première , les salons
de l'hôtel du Louvre étaient à peine assez vastes pour contenir la
foule des dilettantes qui était là attentive et sympathique, comme elle
l'est toujours aux fêtes de l'art. A son entrée, Litolff a été salué de
bravos enthousiastes, témoignages sincères des délicieux souvenirs
qu'avait laissés son troisième concerto symphonique.
L'ouverture à'Egmont, c'est-à-dire une de ces pages dramatiques
et grandioses comme Beethoven en écrivit tant, et qui suffirait seule
à faire regretter qu'il n'ait pas plus souvent associé son génie à ce-
lui de Goethe, a tout d'abord transporté l'auditoire, heureux qu'on
débutât par une aussi large et aussi imposante conception.
Cette fois, c'est l'andante relirjioso et le scherzo du quatrième
concerto symphonique de Henri Litolff que Mme Madeleine Graever
a fait entendre. Ces deux morceaux, tout le monde le sait, n'ont
pas peu contribué à fonder la réputation du compositeur. Jusqu'à ce
jour, il n'a rien réalisé de plus pur, de plus clair, de plus élevé et
de plus saisissant ; c'est, comme disait Mme de Sévigné, le dessus
108
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
du panier. Rarement nos maîtres symphonistes eux-mêmes ont tiré
du rhythme, de l'harmonie et de l'instrumentation des effets plus
neufs et plus délicieux ; rarement l'orchestre et le piano ont mieux
gardé l'un et l'autre l'importance qu'ils doivent avoir ; rarement ils
ont été animés d'un souffle aussi puissant et aussi égal.
Vandante religioso, plein de noblesse et de mélancolie, est ma-
gnifique. La mélodie, les développements et la sobriété relative des
modulations, attestent une fermeté, une concision et une mesure qui
distinguent presque toujours les œuvres de Litolff. Pourquoi donc le
scherzo, oh les répétitions, les mêmes formes sont prodiguées, a-t-il
fait éprouver plus de plaisir encore? C'est tout simplement une
question de mouvement : notre éducation musicale n'est pas assez
avancée pour que Vallegretto, avec ses allures plus ou moins frin-
gantes et légères, ne l'emporte pas toujours sur le plus mélodieux
andante.
Dans le Chant des Guelfes, ouverture héroïque jouée par l'orches-
tre d'une façon qu'on a fort admirée, Litolff est plus pompeux, il
vise au grand; mais il est moins éloquent que dans ses concertos.
Toutefois, si les couleurs violentes, les tutti formidables abondent
dans cette page, il y a aussi des effets merveilleux d'orchestration
et même des élans d'inspiration que nous ne mettrons pas en paral-
lèle avec ceux des œuvres où le goût égale le génie, mais qui n'en
justifient pas moins les ovations et les acclamations prodiguées l'autre
soir au compositeur.
Personne ne peut raisonnablement dénier à la critique le droit
d'avoir aussi ses prédilections. Les nôtres ne sont point pour l'exa-
géré, pour l'effet purement matériel , pour l'affectation et l'enflure.
L'abus de la sonorité nous semble plutôt un obstacle qu'une ressource.
On sent trop dans l'ouverture de Litolff le parti pris d'étonner, de
frapper fort, et, quoiqu'elle renferme de vigoureuses pensées et des
passages magistralement traités, nous préférons de beaucoup ses con-
certos symphoniques.
Mme Madeleine Graever, après avoir dit le concerto de Litolff en
bonne musicienne, en pianiste capable de lutter avec un brillant or-
chestre et de faire complètement saisir toutes les beautés et tous les
détails de la partie principale, si toutefois on peut appeler ainsi la
partie de piano aussi splendidement escortée, a joué, aux applau-
dissements de toute la salle, les variations de Haendel sur l'air :
The harmonïous Blacksmith, qui ont été bissées, et le deuxième con-
certo de Mendelssohn. La charmante pianiste a fait apprécier le brio,
l'élégance et la chaleur d'une exécution à laquelle (puisqu'il faut tou-
jours demander quelque chose, et surtout à ceux qui peuvent donner)
nous voudrions dans les traits un peu plus de netteté, et dans le
cantabile un peu plus de simplicité, de moelleux et de charme. Qua-
lités précieuses et qui doivent absolument faire partie de toutes celles
qui ont été si largement départies à Mme Graever. Nous devons
constater, malgré cette légère critique, que les applaudissements les
plus chaleureux et les rappels après chacun de ses morceaux , ont
témoigné de la façon la plus significative à l'élève de Litolff qu'on
l'associait pleinement au triomphe de son maître.
— Les juges les plus éclairés ont depuis longtemps reconnu le
mérite tout exceptionnel de M. A. Gouffi Récemment, dans les salons
Pleyel-Wolff, l'excellent contre-bassiste n'est pas resté au-dessous des
éloges qui lui ont été si souvent donnés. Doubles cordes, sons har-
moniques, trilles badins, abondance inattendue de traits, il n'est pas
une des formes connues des violoncellistes dont M. A. Gouffé n'ait
réussi à transporter la variété, la légèreté et la douceur sur son
instrument. Après une délicieuse sicilienne de sa composition, de
chaleureux bravos lui ont été prodigués.
Des fragments d'un quintette de. M. E. Walckiers ont été écoutés_
très-favorablement. L'auteur réunit toutes les qualités que réclame la
musique de chambre : harmoniste très-instruit, il a puisé dans les
chefs-d'œuvre de l'école allemande de nombreuses ressources de
style; mélodiste bien doué, ses chants sont simples, gracieux, francs
et souvent très-heureux. Le quatuor de M. Adolphe Blanc, dédié à
Rossini, est bien connu; il a été fort bien exécuté par Mme Béguin-
Salomon, MM. Guerreau, Lebouc et Casimir Ney, et a fait grand plai-
sir. 11 abonde en inspirations charmantes, aimables, en développements
ingénieux. Jusqu'ici M. A. Blanc n'a rien fait de plus complet et
rien non plus qui pût mieux annoncer un véritable compositeur.
— Le public est toujours très-bienveillant ; pourtant il sait parfai-
tement donner à chacun son rang. Comme la critique, il tient essen-
tiellement à établir une hiérarchie ; aussi a-t-il, cette semaine, dans
les suions Erard, accueilli Alexandre Batta d'une façon toute particu-
lière et comme il accueille seulement les artistes d'un vrai mérite.
L'exécution de Batta est-elle restée ce qu'elle était autrefois? En at-
teignant à un charme si pénétrant, n'a-t-elle rien perdu de sa force,
de son éclat et de sa variété ? L'excellent virtuose a obtenu tant de
succès en disant, comme eussent pu le dire les meilleurs chanteurs,
des mélodies gracieuses, nobles et touchantes ; il a, sans exagération,
fait verser tant de larmes en soupirant de plaintives et pathétiques
élégies, que son talent s'est un peu efféminé. 11 néglige, assez sou-
vent maintenant, la sévérité, la grandeur, les effets variés et puis-
sants, les combinaisons piquantes qui, par leur plénitude et leur
diversité de formes, ne font cependant que mieux ressortir la simpli-
cité et la beauté des cantilènes. S'il a des grâces à lui, des coquette-
ries tout à fait séduisantes, il délaisse peut-être un peu trop les
étonnantes et brillantes difficultés. Mais l'expression, la sensibilité et
la distinction ont un pouvoir irrésistible, et Batta triomphe là où
d'autres échoueraient. Le violoncelle se prête admirablement aux
plus délicates inflexions du langage musical, et Batta le fait chanter
à ravir. Mercredi, il a captivé, ému et enchanté un auditoire élégant
qui, après ses jolies fantaisies sur il Trovatore, sur la Favorite et la
Norma, lui a prodigué les bravos les plus sincères et les plus chaleu-
reux. Nous pourrions tout louer dans ce beau concert, car bien peu
réunissent comme celui-ci des solistes tels que Mme Massart, MM. A.
Dubois et Jean Becker. Ces trois artistes ont soutenu l'éclat de cette
soirée par une exécution également vive et pure. Les gens du goût
le plus exquis ont été charmés des caractères différents de ces vir-
tuoses d'élite, qui ont si agréablement varié leurs jouissances et si
brillamment justifié la réputation et la haute estime qu'ils se sont
acquises.
Le talent de Bussine et celui de Mme Peudefer, l'un sévère et grave,
l'autre fin, délicat et expressif, ont été fort appréciés.
Adolphe BOTTE.
BEVUE DES THEATRES.
Gymnase : la Maison sans enfants, comédie en trois actes, par M. Du-
manoir ; le Bout de l'an de l'amour, causerie à deux par M. Théo-
dore Barrière. — Variétés : Crockbéte et ses lions, à -propos en deux
actes, par MM. Clairville et Blum.
Une comédie en trois actes de M. Dumanoir et une spirituelle cau-
serie de M. Théodore Barrière, arrivant dans la même soirée, voilà
qui vaut mieux pour le Gymnase que toutes les reprises imaginables,
La comédie repose sur une idée féconde , et qui , pour n'être pas
très-neuve, n'en offre pas moins matière à des déductions sans nom-
bre. La Maison sans enfants , on sait ce que cela veut dire. C'est le
mari cherchant au dehors un lien, un intérêt qu'il ne trouve pas dans
son ménage; c'est sa femme qui, n'étant pas retenue par les soins
maternels, livre sa vie à ia dissipation et finit par tomber dans le
désordre. Telles sont en effet les apparences dans l'intérieur de M. et
Mme de Rives. Mais, en réalité, Clémence, désolée de n'avoir point
d'enfants, s'efforce vainement de se distraire pour ouWier, tandis
qu'Albert consacre une partie de son temps à l'éducation d'une petite
DE PARIS.
109
fille qu'il a eue avant son mariage et dont il n'a pas osé avouer l'exis-
tence à sa femme. Celle-ci, guidée par un instinct jaloux , découvre
un jour la vérité, et, bien loin d'accabler son mari , elle lui propose
d'adopter l'enfant, qui leur tiendra lieu de celui que le ciel leur a
refusé. Cette jolie pièce est interprétée d'une façon remarquable par
les deux nouveaux sociétaires de la Comédie-Française, Lafontaine et
Mme Victoria, qui appartiennent encore pour quelques jours au
Gymnase.
— Deux amis attendent, dans un cabinet du Café anglais, d'anciennes
maîtresses, pour fêter avec elles le lout de l'an de l'amour. Mais ces
demoiselles se font désirer, et elles laissent à leurs adorateurs le
temps de réfléchir sur le néant des distractions éphémères qui, jus-
que-là, ont rempli tous leurs instants. Justement, Charles a une sœur
dont Henry n'a vu que le portrait photographié ; dans les dispositions
ovi il se trouve amené par la conversation, cela suffit pour qu'il
veuille devenir le beau-frère de son ami. L'affaire est arrangée
quand les imprudentes retardataires arrivent au rendez-vous, et pen-
dant qu'elles entrent par une porte, Charles et Henry s'esquivent sans
bruit par l'autre.
— 11 n'y a pas de héros qui n'ait eu son parodiste ; à ce com|jte,
le fameux dompteur Crockett, qui emplit chaque soir le Cirque Na-
poléon, devait trouver le sien. Le dompteur des Variétés s'appelb
Croekbéte, et ses lions ne sont autres que des bipèdes déguisés, pour
accaparer l'admiration et les écus des habitants de Coulanges-la-Vi-
neuse. Mais ils ne sont pas à leur poste, c'est-à-dire dans leur cage,
au moment de l'exhibition, ce qui provoque une immense épouvante
chez les braves Bourguignons venus pour les applaudir et qui se
répandent dans les bois pour leur donner la chasse. Hâtons-nous
d'ajouter qu'à la suite d'une battue des plus grotesques, le lion prin-
cipal se dépouille de sa peau et épouse la fille de son directeur. Il
est à parier que les lions de M. Crockett n'en pourraient faire autant.
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
*** La salle du théâtre impérial de l'Opéra a été fermée toute la se-
maine sainte; demain lundi elle se rouvrira par une représentation de
la Muette de Portici.
^*^ Mardi, représentation extraordinaire : le Trouvère et Graziosa.
*% Mme Ferraris a quitté Paris le 31 mars se rendant à Londres. Le
ballet, dans lequel elle doit débuter à Hay-Market, s'appelle décidé-
ment la Farfaletla, et non plus la Charmeuse.
^*a, Pour la réouverture du théâtre impérial de l'Opéra-Comique,
après la semaine sainte, Achard reparaîtra ce soir dans la. Dame blanche.
Montaubry créant un rôle nouveau dans Bataille'd' amour, dont la pre-
mière représentation est lîxée à, jeudi 9 avril, on jouera demain Lalla-
Roukh pour la dernière fois.
^*^ On se rappelle les difficultés qu'éprouva l'année dernière l'orga-
nisation d'une représentation au bénéfice des petits-enfants du célèbre
Rameau. Ces difficultés viennent d'être vaincues, et cette représenta-
tion, qui sera très-belle et très-intéressante, est annoncée pour mer-
credi prochain au théâtre de l'Opéra-Comique. Le spectacle se compo-
sera : 1° du trio de Guillaume Tell, chanté par MM. Tamberliok, Bonne-
hée et Obin; 2° air de Poliuto, par Tamberlick; 3° la Musette, de Rameau,
chanté par Mlle Marimon ; 4" duo du Travatorc, par Mlle Grisi et Bon-
nehée; 5° air du Pirate, par Malvezzi ; 6° premier acte de la Traviata,
par Mme Charton- Demeur ; 7° duo de Béatrice et Bénédict, par Mmes Char-
ton et Marimon ; 8° intermède instrumental, par Mme Escudier-Kastner,
et, enfin, 9" te Chapeau de l'horlocjer, joué par Lesueur et les artistes du
Gymnase. Peu de représentations auront été composées avec un ensemble
plus parfait et sous les auspices de plus grands noms.
»% Le théâtre impérial Italien annonce pour ce soir au bénéfice
d'un employé du théâtre pris par la conscription, une nouvelle re-
présentation (VOtcllo, avec Tamberlick. Elle offrira un intérêt de plus en
ce que, cette fois, c'est Mlle do Lapommeraye qui chantera le rôle de
Dcsdemona, pour lequel la direction l'avait d'ailleurs engagée, mais qui
avait été revendiqué par Mme Frezzolini en sa qualité de chef d'emploi.
Nous dirons dimunclie le succès de ce premier pas de Mlle de La-
pommeraye dans la carrière du chant italien, pour lequel elle prendr
désormais le nom de Mlle Pomerani.
^*,f Au nombre des artistes engagés par M. Bagier pour la prochaine
saison, on cite le chanteur bouffe Scalese, qui a obtenu cet hiver beau-
coup de succès à Madrid.
^*^ On répète aux Bouffes-Parisiens une opérette nouvelle qui a
pour titre .Migrelin,et, qui sera jouée par Désiré, Pradeau et Mme Ugalde.
*** S. E. le ministre d'État vient d'accorder à M. 'Victor Massé une
pension de 2,Z|00 francs.
*** Le concours annuel pour le grand prix de composition musicale
commencera le samedi 2 mai 1863, à dix heures du matin. Les person-
nes qui sont dans l'intention de concourir sont invitées à se faire ins-
crire, à cet effet, au secrétariat de l'Institut impérial de France, et à
justifier qu'elles remplissent les conditions requises.
^*^ La réception de samedi dernier chez M. le préfet de la Seine a
été consacrée à la musique religieuse. On y a entendu : Lacrymosa, de
Mozart ; air d'église, de Stradella, par M. Gardoni; chœur du xvp siècle,
de Arcadet ; Inflammatus, de Rossini , par Mlle Sax ; chœur des Saisons
(le printemps), de Haydn ; air de l'oratorio û'Elie, de Mendelssohn, par
G. Gardoni; 0 Salutaris, d'Auber, par Mlle Sax; Sanctus, de Gounod; le
solo par M. Colomb. L'orchestre était dirigé par Pasdeloup. Toutes les
sommités du grand monde, de la littérature et des arts se pressaient
dans les salons de M. Haussmann.
^*j Le concert populaire spirituel donné le vendredi saint par Pasde-
loup au Cirque, a été magnifique et a produit un immense efïet; on dit
qu'on a refusé plus de douze cents personnes. Mme Nantier-Didiée a
fort bien chanté un 0 salutaris, d'Auber, et ce morceau a été rede-
mandé, ainsi que l'hymne d'Haydn, exécuté par tous les instruments
à cordes.
„*,^ L'Empereur a daigné faire remettre une magnifique émeraude à
M. Adolphe de Groot, chef d'orchestre du théâtre impérial du Châtelet,
pour la cantate composée le 16 mars dernier, à l'occasion de l'anni-
versaire de la naissance de Son Altesse le Prince Impérial.
^'% Nous avons encore entendu cette semaine un admirable quatuor
de J. Rosenhain, exécuté par Vieuxtemps et trois autres excellents ar-
tistes. Dans la même matinée, une charmante composition pour piano
de Rossini, avait été jouée par l'auteur du quatuor.
^*,, Le troisième et dernier concert historique de M. Jean Becker est
fixé à lundi prochain, 6 avril, à la salle Herz. Le programme est des plus
intéressants. Cette fois, c'est un spécimen des écoles française et belge
que déroulera l'éminent violoniste dans une série de morceaux em-
pruntés aux maîtres les plus célèbres, depuis Leclair jusqu'à Alard.
M. Becker fera entendre, en outre, une Marche aux flambeaux de sa
composition. L'orchestre sera dirigé par M. Placet. Mme Ernest Ber-
trand et M. Ferranti sont chargés de la partie vocale.
^*^ Mlle Simon-Corraldi et M. Paulin se feront entendre dans le con-
cert qui sera donné le 14 de ce mois par la Société Beaulieu.
^*^ Le vendredi saint, à midi, dans l'église Saint-Roch, on a exécuté
l'oratorio d'Haydn, les Sept Paroles de Notre Seigneur sur la iroix. Le di-
manche de Pâques, on exécutera la Messe du Sacre de Cherubini. Un
salut delà composition de M. Charles Vervoitte sera chanté à 3 heures.
L'orchestre et les chœurs seront dirigés par M. Charles Vervoitte, maître
do chapelle de Saint-Roch.
**^ M. Gye, le directeur du théâtre royal de l'opéra italien de Co-
vent-Garden à Londres, vient de publier le programme de sa saison.
Comme celui de M. Mapleson, que nous avons fait connaître di-
manche passé, il se distingue par un nombre inusité d'artistes d'une
grande célébrité. Nous y remarquons neuf chanteurs et cantatrices
qui se feront entendre pour la première fois à Londres. Ce sontMmes Fio-
retti, Pauline Lucca ,Maurensi, Elvira Demi, de Mafifei, et MM. Obin, Caffieri,
Ferenesi et Naudin, et les principaux artistes qui faisaient partie de la
troupe du théâtre de l'année passée : Adelina PattI, qui chantera pour
la première fois les rôles de Ninetta dans la Gazza laira et de Zerline
de Fra Diamlo; Mme Miolan-Carvalho, qui débutera dans le rôle de Cata-
rina de la S/ei/a del Nord, Mme Nanlier-Didiée, Mlles Battu, F.udersdorff,
Fricci, Dottini, Anese et Tagliafico ; les ténors : Mario, Tamberlick,
Neri-Beraldi, Lucchesi et Rossi; les barytons et basses : Graziani, Iton-
coni. Formés, Ciampi, Capponi, Zelgor, Tagliafico, Fellar. Deux opéras
nouveaux seront donnés : La forza del destino, de Verdi, et Stradella, de
de Flotow. Parmi la reprise d'anciens ouvrages, nous remarquons celle
de la Stella del Nord, de Meyerbeer. Les autres chefs-d'œuvre du maître :
il Profeta, (jli Ugonotti, il Pelteyrinagyio di Ptoërmel et Roberlo il Diavolo
figurent également sur le programme. Mmes ZIna-Richard, Salvioni,
Montero, Duriez et Dumilâtra sont les principales danseuses. La soirée
d'ouverture aura lieu, le 7 avril, par la Muta di Portici.
^*^ Les propriétaires du théâtre de Sa Majesté, à Londres, et de hauts
personnages anglais, voulant donner à M. Lumiey un témoignage de sym-
pathie, organisent trois représentations au bénéfice du célèbre imprésa-
rio. Mlle l'icoolomini, aujourd'hui marquise Gaetini, qui doit sa fortune
il l'cx-directeur du théâtre de Sa Majesté, et qui, ù la suite de son ma-
riage, a abandonné la scène, doit chanter dans ces trois représentations;
110
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
ce sera la dernière fois, dit le Musical H'orld, qu'elle paraîtra en pu-
blic.
^.*^ MM. Binfield ont donné leur grande soirée, le 24 mars, dans les
salons d'Erard. Henri Binfield, dont on a déjà pu, depuis plusieurs an-
nées, apprécier les belles et sérieuses qualités de compositeur et de vir-
tuose, a, par de nouvelles compositions, pleinement justifié l'espérance
de ceux qui comptaient voir grandir sa réputation. L'ottetto pour deux
harpes, piano, violon, alto, violoncelle et contre-basse, est un morceau
plein d'originalité et de pensées poétiques. L'introduction, allegro quasi
alleijretto, dénote une fermeté de style qui a vivement impressionné
l'auditoire ; l'effet est allé en grandissant dans l'adagio appassionato, qui est
une rêverie nocturne, et dans Vallegretto misterioso et finale, qui peint la
danse des ombres de la nuit et l'aurore naissante. La fantaisie italienne
pour harpe a fourni à M. Binfield l'occasion de se poser de nouveau en
harpiste éminent, et dans le Dernier des Carnavals, qu'il a exécuté sur
une seule corde, il a amusé et intéressé le public, qui, si les autres
cordes n'a\ aient pas été démontées, aurait cru la chose impossible.
Mlle Louise et Guillaume Binfield ont prêté leur précieux concours à
cette belle soirée, pour laquelle l'affluence du public était considérable.
»■*» On parle beaucoup en Italie du ténor Vincenzo Sarti, qui chante
en ce moment avec un très-grand succès au théâtre Bellini à Palerme.
Il a chanté trente fois le rôle de Robert dans Jioberto il Diavolo et dans
cet opéra, de même que dans Anna Bolena, la Trauiata et autres d'un
genre très-varié, on lui a prodigué les applaudissements, les cadeaux et
les ovations de toutes sortes.
,f*, Alf. Jaell vient de donner à Vienne une séance de musique clas-
sique avec le violoniste Laub. Brème, Brunswick et Francfort ont
successivement applaudi le célèbre artiste, qui sera de retour à Paris
dans le courant de ce mois. Plus de douze cents auditeurs étaient accou-
rus l'entendre à Francfort.
^*^: Prudent est revenu pour la troisième fois de cet hiver en Bel-
gique, et a obtenu à Liège un succès qui doit lui laisser les plus agréables
souvenirs. Plusieurs morceaux ont été bissés ; à la fin du concert il a
été rappelé et on lui a demandé de jouer encore.
^*^, Nous rappelons à nos lecteurs que mercredi prochain, 8 avril,
dans les salons d'Erard, aura lieu la première séance de Thalberg, dont
nous avons déjà donné l'intéressant programme.
„,*» iNous distribuons à nos abonnés de Paris le programme d'une
grande fête musicale, dramatique et de prestige organisée pour la jeu-
nesse par M. Hocmelle et qui aura lieu jeudi 9 avril, à la salle Herz , à
1 heure de l'après-midi.
^*g. Berlioz est en ce moment à Weimar occupé à diriger la prochaine
représentation de son opéra Béatrice et Bénédict.
,% M Alexandre Billet donnera vendredi 17 avril, à 8 heures 1/2,
une soirée musicale chez Erard, avec le concours de Mme Scott-Morel,
MM. Marchesi, Armingaud et Jacquard.
j*,t L'éminent pianiste compositeur Blumenthal est en ce moment à
Paris. Il vient d'Italie, où son talent de virtuose et ses charmantes
compositions lui ont valu de grands succès.
^*^ Les amateurs n'ont pas oublié le délicieux portrait d'Adeliua Patti,
dû au crayon de Desmaisons. Nous avons sous les yeux deux nouvelles
productions de cet artiste, qui n'est pas seulement un dessinateur litho-
graphe de grand mérite, mais encore un de nos photographes les plus
habiles : ce sont les portraits de LL. AA. RR. le prince et la princesse
de Galles. Nous avons rarement vu des portraits photographiques mieux
réussis, et surtout traités plus artistement . M . Desmaisons a déjà pu-
blié une galerie de portraits des musiciens célèbres qui se distingue
précisément par cette qualité artistique, mais il s'est surpassé dans ceux
du prince et de la princesse de Galles. Il a fait le voyage de Dane-
mark exprès pour avoir l'image la plus ressemblante de la princesse, et
il y a joint ce qu'il entend si bien : une pose et des ajustements d'une
grâce et d'un fini inimitables. Aussi ne peut-il suffire aux demandes
qui lui en sont faites de tous côtés.
»*» Jeudi 9 avril, salle Herz, concert de Mlle Joséphine Martin , avec
le concours de M. et Mme Archainbaud, MM. Pagans et Jules Lasserre.
Orchestre sous la direction de M. Deledicque.
,*„, Jeudi 9, salons Pleyel-Wolff, dernière soirée de musique de cham-
bre de M. Ch. Dancla, avec le concours de son frère et de plusieurs
autres artistes d'élite.
^*.^ Mercredi prochain, 8 avril, dans les salons Pleyel-Wolff, sixième
et dernière séance de musique de chambre de MM. Armingaud, Jac-
quard, Lalo et Maas, avec le concours de Mme Massart.
^*^ La Société chorale de Saint-Denis, que M. Jules Monestier, ancien
élève d'Halévy et compositeur de musique, dirige avec un talent remar-
quable, a donné le 27 mars dernier son concert annuel au théâtre de
cette ville. L'auditoire était nombreux, et le programme intéressant. On
a fort applaudi Mile Lagye, du Conservatoire , une belle voix et un ex-
cellent style, que l'Opéra-Comique ne tardera pas à réclamer; M. Isi-
dore Lévi, un des meilleurs élèves d'Alard, passé maître lui-même , et
qui rappelle les brillantes qualités du grand artiste ; MM. Genin et Ca-
lendini, de l'orchestre des Italiens. La Société a chanté plusieurs œuvres
de son directeur i. Monestier, entre autres les Enfants du Midi, chœur
encore inédit, d'une inspiration heureuse et colorée , et d'une grande
richesse de développements. On a également remarqué un chœur nou-
veau de Camille de Vos, Salut ! qui présente plusieurs effets nouveaux
de sonorité et d'agencement du quatuor. Ces différents chœurs ont été
parfaitement interprétés; il est vrai de dire que, par son accentuation
nette et vigoureuse, par son .sentiment musical, par l'élégance et le fini
de son exécution, la Société chorale de Saint-Denis compte parmi les
meilleures de France et qu'elle consacre tous ses efToris à conserver
son rang et sa réputation.
**t Une très-intéressante soirée a été donnée dimanche dernier au
théâtre de Sèvres. On a beaucoup applaudi Mlle Castellan, qui a déli-
cieusement joué une fantaisie de son maître Alard. Mlle Nina Gaillard
a exécuté avec unegrande perfection une valse de Seligmann, intitulée les
Houris. Mlle Gaillard a été rappelée et applaudie avec enthousiasme.
M. Aurèle a été désopilant, et Mme Méric Lalande aussi a eu une bonne
part dans le succès de cette soirée, qui avait réuni un nombreux public.
**» M. Robin annonce qu'il donnera aujourd'hui dimanches et demain
lundi 6, à 2 heures, une représentation de physique et de magie, sans
préjudice de celle du soir ; cédant aux nombreuses demandes qui lui
ont été faites, il continuera sa deuxième série, ainsi que les tableaux
de la Terre sainte, jusqu'au vendredi 10 avril. Samedi 11, expériences
et tableaux nouveaux.
,('*» On lit dans le Monde musical, et nous reproduisons volontiers, une
nouvelle qui intéresse tous les pianistes : « Les pianistes et les facteurs
de l'aris s'entretiennent en ce moment d'une nouvelle manufacture de
pianos qui vient de se créer, ec qui ne tardera pas, si nos renseigne-
ments sont exacts, et ils le sont, à prendre le rang de grande maison.
En effet, nom, capitaux, haut patronage, tout y est réuni à la fois. Le
fondateur est M. Henri Herz jeune, fils de M. Charles Herz, et neveu du
célèbre pianiste. Le capital a été formé par des personnes aussi in-
fluentes par le rang élevé qu'elles occupent, que par leur position
de fortune. On parle de grands noms, de puissance financière, dont le
concours amical et dévoué est assuré à M. Herz fils. Ce n'est pas là
évidemment une commandite ordinaire, mais bien un témoignage sé-
rieux d'estime et de considération rendu à M. Herz jeune, et résultant de
motifs tout particuliers. Outre ces éléments exceptionnels de succès, la
coopération de contre-maîtres aux capacités de longue date reconnues
est acquise à cette nouvelle maison. Si nous ne craignions d'être in-
discret, nous nommerions M Marcus Knust, ce contre-maitre hors ligne
et dont la réputation si justement établie dans la facture nous dispense
de tout commentaire. Nous attendons avec impatience, pour en parler,
l'apparition de ces pianos, qui seront, dit-on, de forme tout à fait nou-
velle, et construits sur des plans également nouveaux. »
^,*^ Un des derniers feuilletons de M. d'Ortigue, dans le Journal des
Débats, était en partie consacré aux efforts intelligents que fait un édi-
teur de musique de Florence, M. Guidi, pour propager le goût de la mu-
sique instrumentale en Italie. Nous reproduisons avec plaisir les appré-
ciations de l'éminent critique; elles intéresseront certainement les
lecteurs de la Gazette :
« Merci à l'éditeur Guidi, de Florence, pour ses publications de mu-
sique instrumentale. Rien de plus joli, de plus coquet, de plus net que
ses partitions en petit format des Huguenots, de Guillaume Tell, des six
premiers quatuors de Beethoven, qui attendent les onze autres, du
grand septuor et de la sérénade du même, ainsi que des ouvertures en
format in-8° de Struensée, de Meyerbeer, et du Songe d'une nuit d'été, de
Mendelssohn, qui nous promettent les neuf symphonies de Beethoven.
C'est là un symptôme très-remarquable du mouvement qui s'opère au-
jourd'hui, au-delà des Alpes, dans la musique instrumentale. Le onzième
numéro du Boccherini nous apporte des nouvelles intéressantes de cette
heureuse révolution, L'Italie, disent les rédacteurs, tenait depuis des
siècles le sceptre de la musique vocale ; elle l'a laissé tomber de ses
mains, et aujourd'hui elle n'applaudit plus que des hurlements (urli).
Il faut qu'elle se dédommage en tâchant d'égaler les autres nations
dans la musique instrumentale. Il faut réveiller les traditions
de l'art des Boccherini et des Sammartini. La fondation de la
Società del Quartelto de Florence a donné naissance à deux sociétés
semblables, l'une à Naples, l'autre à Lucques. Dans les autres villes, il
n'y a encore que des tendances sans résultat apparent. En attendant,
la Société de Quatuors de Florence fait exécuter la musique de chambre
de Boccherini, de Haydn, de Mozart, de Beethoven, de Mendelssohn,
de Spohr. Dans une des dernières séances, le deu.vième quintette de
M. Fétis a été fort apprécié et goûté, grâce à l'habile interprétation de
MM. Bruni, Sbolci, Meunier, Niccoli et Laschi. Voilà Florence en pos-
session de concerts populaires de musique classique insirumontate. La belle
et féconde idée de M. Pasdeloup, si magnifiquement réalisée parmi nous,
a porté ses fruits au-delà des monts. Les .séances auront lieu dans le
vaste théâtre Pagliano. L'orchestre sera dirigé par un habile professeur,
M. T. Mabellini, et le premier concert s'ouvrira par la symphonie en ut
mineur. C'est là ce qui se passe dans la cité qui a été le berceau du
drame lyrique. »
D'après ce qu'on nous écrit de Florence, le succès du premier concert
populaire donné au théâtre Pagliano, devant deux mille auditeurs, doit
DE PARIS.
111
singulièrement encourager les efforts de M. Cuidi. La symphonie en ut
de Beethoven, le concerto en mi mineur de Mendelssohn pour violon,
l'ouverture de Guillaume Tell, la fameuse Ouverture en forme de marche
de Meyerbeer, et le concerto en sol mineur de Mendelssohn pour piano,
composaient le programme de ce concert. Tous les morceaux ont été
applaudis avec enthousiame, et on a admiré le caractère majestueux de
l'ouverture de l'illustre auteur des Huguenots. Les exécutants, MM. Guidi,
Passiui et Mile Elv. del Bianco ont été maintes fois acclamés et rappe-
lés. Enfin, le chevalier Mabeliini a dirigé l'orchestre avec autant de sa-
voir que d'autorité.
**» J. Van der Heyden, l'excellent violoncelliste, vient de recevoir de
S. M. le roi d'Italie, la croix de chevalier des Saints-Maurice etLazare.
^*^ L'inauguration des concerts IMusard au Pré Catelan, aura lieu les
dimanche et lundi de Pâques. La fête commencera à une heure ; fan-
fares par le 16'= chasseurs à pied; à 2 heures 1/2, concert; pendant
l'entr'acte, bal d'enfants sous les quinconces; marionnettes lyriques au
petit théâtre, jeux divers, café et brasserie. Première audition de deux
piquantes nouveautés musicales par M. Musard : la valse des Bavards et
un quadrille sur la Forsa del destino.
^*t La Berceuse et la Mazurka (souvenir de Berlin), jouées avec tant de
succès par M. P. Schœn dans ses concerts, viennent de paraître chez
les éditeurs Brandus et Dufour.
**i L'éditeur Adolphe Catelin vient de publier une bonne transcription
pour le piano de la ravissante romance de Cosi fan lutte (im' aura amo-
rosa) par Alfred Godard. Cette transcription, dédiée à M. Félix Lecouppey
et acceptée par l'éminent professeur, est une garantie du mérite de cet
ouvrage, que nous recommandons aux pianistes.
t*^ M. Serda, basse-taille, qui fut longtemps attaché à l'Opéra, vient
de mourir à Béziers, où il s'était retfré il y a une quinzaine d'années.
Ce fut lui qui créa le rôle de Saint-Bris dans les Huguenots.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
»*» Marseille. — Charles Wehle et Kletzer ont donné leur premier
concert à Marseille le 21 mars. Le grand succès qu'ils ont obtenu est
d'un bon augure pour le grand voyage qu'ils entreprennent dans l'O-
rient. On a beaucoup applaudi le talent correct et l'exécution brillante
de Ch. Wehle^ ainsi que ses compositions. Kletzer a joué avec beau-
coup de sentiment de charmantes compositions de Seligmann, et son
succès a été très-mérité.
^*^ Boulogne. — Un intéressant concert vient d'être donné au profit
des salles d'asile. Mlle Maria Boulay, la charmante violoniste, élève
d'Alard, Mlle Filliette, gracieuse pianiste de notre ville, M. Archainbaud,
chanteur d'un véritable talent , se sont partagé les applaudissements
que leur a prodigués un nombreux auditoire. L'orchestre, sous la direc-
tion de M. Chardard, a brillamment exécuté les ouvertures d'Oberon et
de la Prison d'Edimbourg.
»*, Alger. — Le directeur de notre scène lyrique a eu l'heureuse idée
de monter Charles VI. L'opéra d'Halévy a obtenu le plus grand succès.
M. Gaspard, qui remplissait le rôle principal, a été chaleureusement
applaudi. — On attend l'arrivée prochaine de Mlle Wertheimber , et
l'on monte le Prophète.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
^*^ Bruxelles. — M. Ed. Fétis, qui depuis trois ans professe le cours
d'esthétique établi par notre conseil communal, vient d'être, à l'expira-
tion de son année d'enseignement, l'objet d'une ovation aussi flatteuse
que méritée de la part des habitués de son cours. M. l'iron Vanderton,
conseiller provincial, l'un de ses auditeurs les plus assidus, lui a adressé
dans une allocution très-bien sentie, l'expression de leur gratitude, et
l'a accompagnée d'un très-beau présent fait en leur nom. M. Fétis a
été fort ému de cette honorable démonstration, hommage rendu à une
existence consacrée tout entière à l'étude de l'art et aux travaux qui
s'y rapportent.
^"^ Dusseldorff. — Voici le programme complet du festival du Bas-
Rhin qui aura lieu ici les 2U, 23 et 26 mai prochain. Premier jour :
Elie, de Mendelssohn. Deuxième jour: ouverture en ré majeur de J.
Bach: psaume de Marcello, orchestré par Lindpaintner; l'Ode à sainte
Cécîfe, d'Haendel ; symphonie en «< mineur de Beethoven; troisième
partie de la Création, d'daydn. Troisième jour : ouverture de J. Fausch;
scènes du Faust, de Schumann; fragments de l'oratorio de Hiller, la
Destruction de Jérusalem. La direction du festival a été confiée à M. 0.
Goldschmidt et M. Jules Fausch. Outre Mme Jenny-Lind-Goldschmidt, se
feront entendre Mlle d'Edelsberg et M. Kindermann, de Munich.
i*^ Berlin. — Mme Foerster, qui était ici en représentation, a fait
ses adieux au public dans le rôle de Valentine. Mme Foerster brille
plus en général au concert qu'au théâtre ; néanmoins elle a eu de fort
beaux moments, entre autres dans le duo avec Marcel, et dans le ma-
gnifique duo du quatrième acte avec Raoul ; après ces deux morceaux,
Mme Foerster a eu les honneurs du rappel. Dans la même représenta-
tion Mme Harriers-Wippern a chanté le rôle de la reine de sa voix suave
et sympathique.
^*^ Vienne. — La deuxième représentation de Lucia n'a pas eu moins
de succès que la première. Mlle Patti doit paraître encore dans deux
opéras : dans Don Juan, de Mozart, et la Traviata, de Verdi. Mme La-
font débutera dans Don Juan par le rôle de donna Anna. — Au concert
qui a eu lieu au Carltheater au profit de la Société de secours Con-
cordia, pour les journalistes et les écrivains, on a entendu entre autres
Mlle Patti, qui a eu les honneurs de la soirée. Avec son obligeance
bien connue, la charmante cantatrice a dépassé le nombre des mor-
ceaux annoncés par le programme, et presque tous lui ont été rede-
mandés. Giuglini, qui, dans cette soirée, faisait ses adieux au public
viennois, a chanté plusieurs lieders avec beaucoup de grâce et d'ex-
pression. Le célèbre ténor se rend à Londres, où l'appelle un brillant
engagement.
**„, Leipzig. — Au dix-neuvième concert du Gewandhaus, on n'a exé-
cuté que des compositions françaises, anciennes et modernes. En voici
le programme. Première partie: ouverture de Sémiramide, par Catel,
écrite dans un style simple et grandiose ; deux chansons populaires du
xvii"> siècle ; ariette et chœur du ballet : la Mascarade de Versailles, par
LuUy; variations pour violon, par Rode, exécutées par le maître de
concerts David , avec autant de succès que de talent ; air et chœur
à!Hippolyte et Aride, par Rameau; ouverture de Jean de Paris. — Se-
conde partie : symphonie de Méhul ; cette œuvre instrumentale de l'au-
teur de Joseph en Egypte a été accueillie avec une faveur marquée ;
chœur des Deux Avares, par Grétry ; la Fée Mab, scherzo de la sym-
phonie Roméo et Juliette, par Berlioz, et finalement : marche et chœur
des Mages, tirés de Alexandre à Babylone, par Lesueur.
a,** Trieste. — Après son sixième et dernier concert , non moins
brillant que les précédents, Alfred Jaell a reçu de la-Socje'/é Schiller de
notre ville une distinction des plus flatteuses : elle l'a nommé membre
honoraire.
leOirecteur : S. OUFOUB .
Le dernier numéro de la Gazette musicale a distribué le prospectus d'une
publication qui ne peut manquer d'intéresser tous les amateurs de
l'art musical ; c'est celle des œuvres choisies de M. A. Elwart, profes-
seur au Conservatoire que, l'auteur, sur l'insistance de plusieurs de ses
amis s'est décidé à réunir et à faire paraître. Cette publication sera di-
visée en six groupes principaux qui parcourront le cycle entier de la
composition musicale, en commençant par la musique de chambre pour
finir â celle d'opéra; elle aura lieu par souscription et sera terminée
en trois années. Dans les premiers jours de chacun des semestres de
1863 à 1866 les souscripteurs recevront un des groupes de l'œuvre en
échange d'une somme de 25 francs, soit 150 francs pour la souscription
entière. Plusieurs des notabilités artistiques de Paris ont déjà encou-
ragé cette publication. — La souscription est ouverte au magasin de
musique Brandus, chez Retté et C", 103, rue Richelieu.
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mezzo soprano 375
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7. 0 salutaris, pour soprano 3 »
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soprano, i 5 »
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LES MORCEAUX DETACHES AVEC ACCOMP. DE PIANO
ROSSIIVI
STABAT MATER
1. Introduction.]
2. Air pour ]
ténor . . . (
3. Duo pour 2 (
soprani. .]
4. Air pour I
basse ou ténor.]
5 . Chœur et réci-\
latif . . .(
6. Quatuor . . .
7 . Cavatine pour
soprano. .
8. Air et chœur\
pour sopranoi
9. Quatuor sans[
accompag.'i
10. Chœur final.'
iStabat Mater )
|La Vierge en pleurs. . . .)
iCujus animam I
[La douleur avec son glaive!
IQuis est bomo (
[Où peut être la mesure . . (
IPro peccatis I
[Fruits amers |
lElia mater |
[Source d'amour j
iSancta mater I
Vierge, accorde-moi la grâcej
(Fac ut portem I
(0 cœur noyé! |
ilnflammatus I
[Par la flamme j
IQuando corpus j
[Que la croix me justifie. . !
iAmen j
[Seigneur! Seigneur!. . . .)
5 »
3 75
3 75
3 75
3 75
A. PAJVSERODir
Prière à Marie, cantique pour basse-taille, bary-
ton ou contralto
le nom de Marie, cantique à deux voix de femmes
Invocation à Marie, cantique h deux voix . .
0 saiw(a?'(.s, pour soprano ou ténor
Agnus Dei, pour basse-taille, baryton ou contralto
Benediclus, pour basse-taille, baryton ou contralto
Mon unique espérance, pour soprano ou ténor,
avec accompagnement de piano ou mélodium,
Jésus vient de naitre, cantique pour deux voix
. H. PAIVOFKA
Ave Maria, pour ténor ou mezzo soprano , avec
accompagnement de piano ou orgue
0 salutaris, pour ténor ou mezzo soprano, avec
accompagnement de piano ou orgue
Ti prego o Madré mia, prière pour mezzo soprano,
avec accompagnement de piano
XiABARRE
Cantique à Marie, chœur à trois voix de femmes
A. IfII]VÉ
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E. JOHTAiS
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No In.
REVUE
12 Avril 1863.
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Etranger.
le Journal paraît le Dimanche.
34 » id.
GAZETTE MUSICALE
— "j\j \pj\f\rj\pju\j\' —
SOMMAIRE. — F. Halévy; Souvenirs d'un ami pour joindre à ceux d'un frère ; à
M. Léon Halévy (3= article), par Edouard lUonnais. — Théâtre impérial
de l'Opéra : restauration de la salle. — Auditions musicales , par Adolphe
Botte. — Correspondances : Londres. — Nouvelles et annonces.
F. HALÉVY.
Souvenirs d'an amil poar joindre à ceux d'un rrèFi;.
A. M. LÉON HALÉVY.
(3" article) (1).
Voire frère avait fait ses preuves. La Juive était née d'un effort,
mais d'un effort heureux ; l'Eclair, qui vint ensuite, fut au contraire
écrit avec la facilité puissante d'une main qui se repose d'un grand
travail et que le succès a fortiliée. Au lieu de vivre dans de perpé-
tuelles inquiétudes, Halévy montrait une pleine confiance. 11 me di-
sait un jour, à propos de sa partition : « Je l'aurai terminée quand
je voudrai. » Vous savez que le poëme de l'Eclair, dû à la collabo-
ration de MM. de Planard et de Saint Georges (et dans lequel, par
parenthèse, il y a une romance de vous : Quand de la nuit l'épais
nuage), avait été confié d'abord à Adolphe Adam, qui écrivit toute
la musique du premier acte. Adam n'alla pas plus loin, n'importe
par quel motif; mais lorsque l'Eclair eut été joué, personne plus que
lui ne rendit justice à la musique d'Halévy, personne n'en reconnut
plus hautement le mérite, quoiqu'elle fût composée dans un tout autre
système que celui qu'il avait cru devoir adopter . « Sous l'influence
de Planard, me ùisait-il , j'en étais venu à croire que la pièce, fort
jolie d'ailleurs, avait à peine besoin de musique , et qu'il fallait la
traiter dans le genre des vieux opéras à ariettes, avec peuou point de
développements. Tout l'intérêt devait être dans !e sujet et le dialo-
gue. Je travaillais dans ce goût, et si j'eusse achevé mon œuvre, je
suis sûr qu'elle n'eût pas eu le moindre succès, Halévy a fait préci-
sément tout le contraire, et il a eu bien raison. » Il est vrai que
pour avoir raison, comme votre frère, il fallait de plus avoir son ta-
lent, et qu'en essayant de voler comme lui, un autre eût fort bien pu
se préparer une belle et bonne chute.
Du reste, ce n'est pas sans une opposition assez vive que M. de
(1) Voir les n"' 12 et 13.
Planard avait vu la musique prendre des proportions ti op considéra-
bles, suivant lui, dans son ouvrage, dont il disputait pied à pied le
terrain à l'invasion du flot musical. Il ne pouvait pardonner à votre
frère d'avoir conclu en trio, et quel trio ! l'air de George, au pre-
mier acte :
Je veux que dans trois semaines,
Sans les allonger d'un jour,
Vous ayez serré les chaînes
De l'hymen et de l'amour,
ïrès-mécoiitent de son musicien, il le boudait pendant les répéti-
tions; mais à cette dernière incartade, il ne put se contenir et quitta
la place, en s'écriant : « Je n'y reconnais rien, je n'entends flus mes
paroles ! » En entendant les bravos qui accueillirent le délicieux
morceau de mélodie si spirituelle et d'harmonie si piquante, M., de
Planard aura sans doute oublié ses ressentiments.
La Juive est du mois de février, l'Eclair du mois de décembre
1835 : quelle belle et glorieuse année ! quel jeune compositeur em-
ploya jamais mieux son travail et son temps ! 11 ne manquait plus
que l'occasion pour qu'Halévy fût élu membre de l'Académie des
beaux-arts. Quand Boïeldieu mourut, Boïeldieu qui voyait déjà en
votre frère un futur collègue, on demanda que l'élection de son suc-
cesseur fût remise à six mois ; Cherubini appuya la motion par cette
parole d'une naïveté touchante et presque sublime dans la bouche
d'un maître si sévère : « Halévy fait la Juive ! » On était alors au
mois d'octobre 1834 ; six mois après, la Juive était faite et jouée.
Cependant, malgré les droits qu'elle constituait à son auteur, Halévy
ne fut pas nommé : Reicha l'emporta sur lui, mais pour peu de temps.
Au bout d'une année , Reicha vint à mourir, et cette fuis Halévy
réunit à peu près l'unanimité des suffrages.
Notre amitié devenant chaque jour plus intime, je parlais souvent
à votre frère de sa situation, de son avenir, et je m'étonnais qu'il
n'abandonnât pas ses fonctions de chef du chant à l'Opéra. C'était
peu après la Juive, et je me souviens qu'il me répondit: « On ne
peut pas faire des opéras toute la journée. » Non sans doute ; mais
pour faire des opéras il faut pouvoir y penser, y rêver alors qu'on
ne tient pas la plume, dans ces heures oisives, inerlibns horis, qui
semblent perdues, mais qui profitent à l'imagination, comme le chô-
mage profite à la terre : il faut surtout n'être pas forcé de songer sans
cesse à d'autres choses, qui détoiunent et fatiguent sans compensation.
Halévy le savait, et pourtant il tenait à ses fonctions par habitude,
par reconnaissance peut-être, car il croyait leur devoir la permission
qu'il avait obtenue do faire un chef-d'œuvre. Au lieu de s'en affran-
chir, il s'y engagea plus que jamais, lorsque M. Duponchel, dont le
Hfl
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
savant et habile concours avait été si ulile à la nnise en scène de la
Juive, fut appelé à la direction de l'Opéra. C'est une espèce de vice-
royauté qu'il offrit alors à votre frère , et votre frère n'eut pas la
force de la refuser. Il quitta la rue Montholon et vint s-'installer dans
les bâtiments du théâtre, à côlé de ce directeur dont il était Yalter
ego. 11 y demeura plus de trois ans; c'est ce que j'appellerai la pé-
riode administrative de sa vie, et ce n'en fut pas la meilleure, quoique
pendant son cours, il ait écrit la partition de Guido et Ginevra. Le
poëme lui en avait été donné par Scribe, en échange d'un autre ou-
vrage de genre bien différent, qui passa entre les mains de M. Auber,
r Ambassadrice. Qui doute que le marché ne fût en parfaite harmo-
nie avec le genre et l'esprit des deux compositeurs ?
Halévy était du nombre de ces artistes qui toujours mécontents
d'eux-mêmes, cherchant toujours un mieux possible, ont besoin de con-
trainte pour se résigner à faire seulement bien. Pour eux, je l'aiditily
a longtemps, le dernier moment est une dixième muse qui triomphe
heureusement de leurs scrupules et met un terme à leurs hésitations.
Ce dernier moment, Halévy l'attendait presque toujours pour se dé-
cider à écrire. Au milieu des occupations qui l'assiégeaient du matin
au soir, et avec sa défiance habituelle de lui-même, on conçoit que
la partition de Guido n'avançât pas vite. Enfin, quand il n'y eut
plus moyen de reculer, on indiqua une répétition, et un chœur fut
mis à l'étude. Les autres morceaux arrivèrent à la suite, au fur
et à mesure que l'auteur les terminait. Le finale de l'un des actes se
fit désirer avec tant d'impatience, que l'on pria quelqu'un de veiller
auprès du compositeur, et, quelle que fût l'heure de la nuit, de ne
le quitter qu'avec la certitude que le finale était achevé et qu'il n'y
avait plus qu'à le livrer à la copie. « Si l'on me donnait trois ans
pour faire un ouvrage, me disait un jour votre frère, je voudrais
bien savoir si je parviendrais à me satisfaire ? — Si l'on vous don-
nait trois ans, lui répondis-je, vous ne commenceriez que le douzième
mois de la troisième année, non par paresse, mais parce que vous
ne sauriez vous passer de la plus puissante des muses, le dernier
moment. » Halévy plaisantait lui-même sur cette invincible disposi-
tion à toujours différer, dont les exemples sont si communs chez les
compositeurs les plus célèbres. Il était à la veille de donner je ne
sais plus quel opéra-comique, et un ami lui demandant s'il avait fait
son ouverture : « Pour gui me prenez-vous ? n répliqua-t-il sur-le-
champ.
Guido et Ginevra fut représenté le 3 mars 1838, plus de trois
ans après la Juive. Le second ouvrage n'était pas inférieur au pre-
mier dans ses belles parties, le troisième acte, par exemple, où le
rôle du ténor touchait au sublime, et ce rôle était chanté par Du-
prez dans toute la force et la fraîcheur de sa voix; mais il y avait
moins d'égalité, moins d'unité ; le poète avait moins bien servi le
musicien, et il avait commis la faute inexplicable, chez un auteur
si expérimenté, de s'imaginer qu'un drame des plus noirs, rempli de
morts et de mourants, pouvait se dénouer en simple pastorale. La
pastorale ne tarda pas à disparaître, mais l'impression resta. Guido et
Ginevra ne cessa d'attirer la foule jusqu'à l'époque où Duprez par-
tait en congé. Toutes les reprises que l'on tenta depuis furent im-
productives. Et pourtant c'est un des plus beaux ouvrages du maître!
mais, comme l'a dit Horace :
Non satis est pulchra esse poemata : dulcia sunto.
« Ce n'est pas assez que les ouvrages soient beaux. » Le dulcia sunto
se traduit de nos jeurs par faire de l'argent, condition impérieuse,
sans laquelle on est sans pitié banni du théâtre, relégué dans la
poussière et l'oubli.
Le grand succès obtenu d'abord par Guido et Ginevra ne fut donc
pas sans mélange d'amertume. Halévy ne pouvait s'en consoler qu'en
se remettant au travail; mais la vice-royauté de l'Opéra n'était pas
une sinécure. Halévy avait tous les ennuis, tous les tracas d'une
direction théâtrale. Le monde, en général, n'en aperçoit que le côté
brillant, sans en deviner les mille et une petites misères. On ne se
doute pas de ce que c'est au fond que passer sa vie à mettre des
auteurs d'accord, à concilier des artistes, à batailler sans paix ni
trêve pour faire chanter ou danser des gens qui ont leurs raisons
pour ne le pas vouloir, et auxquels on ne peut pas dire une bonne
fois la vérité ; enfin, pour arriver à faire une affiche qui se défait
presque aussitôt. Telle était la mission d'Halévy, et ce qui devait la
lui rendre encore plus difficile, c'était sa qualité de compositeur,
d'auteur travaillant pour le théâtre, où il régnait en second ordre, et
qui suscitait contre lui les jalousies, les soupçons, les colères, et fai-
sait de tous les mécontents ses ennemis personnels. Composez donc
à travers ces débats, ces chagrins, ces murmures, ces calomnies!
Puisez la poésie à pleine aiguière dans l'onde impure et troublée
que tant de mains agitent autour de vous !
C'est ce qu'avait fait Halévy en écrivant sa dernière œuvre, et ce
qu'il tâcha de faire encore pour ses partitions des Treize, du Shériff
et du Drapier., deux opéras-comiques et un opéra de genre repré-
sentés coup sur coup dans l'espace de quelques mois. Les Treize
furent joués le 15 avril 1839; le Shériff, le 22 septembre de la même
année, et le Drapier, le 6 janvier 1840. Jamais le grand artiste ne
s'était montré plus laborieux, plus infatigable ; jamais il n'avait dé-
pensé avec une si effrayante prodigalité ses idées, son savoir, ses
veilles, car il n'avait guère à lui que le temps qu'il prenait sur son
sommeil. Et de tant de travaux que lui revint-il ? Peu de chose ou
rien. Plus il redoublait d'efforts, moins il recueillait de fruits ! Plus il
semait, moins il récoltait! Si ce n'était pas entièrement la consé-
quence de la situation que votre frère avait acceptée, et qu'il subis-
sait douloureusement, cette situation n'en devenait pas moins intolé-
rable : il eût fini par s'y consunaer en pure perte. Par bonheur l'O.
péra changea de régime ; un nouveau directeur en prit le sceptre,
et il avait trop d'intelligence pour garder auprès de lui un homme
dont l'influence eût absorbé la sienne. M. Léon Pillet s'entendit avec
Halévy pour l'amener à une retraite honorable. Le \'" juin 1840,
votre frère abdiqua son litre de chef du chant, et, le soir même, il
alla s'asseoir comme simple spectateur à l'Opéra, dans un fauteuil de
l'orchestre. Moi qui venais aussi de résigner un titre que j'avais
porté six mois seulement, je me donnai l'honneur et le plaisir de siéger
à côté de lui.
Edouard MONNAIS.
[La suite prochainement.)
THÉÂTRE IMPERIAL DE L'OPÉRA.
Bestauration de la salle.
Le théâtre impérial de l'Opéra a rouvert, lundi, par la Muette,
qui a été encore donnée vendredi. Dulaurens y a remplacé, dans le
rôle de Mazaniello, Gueymard, indisposé. — Mercredi, par suite
d'une indisposition du nouveau ténor Villaret, Robert le Diable a
remplacé Guillaume Tell. Le chef-d'œuvre de Meyerbeer avait rem-
pli la salle. Mmes Duprez-Vandenlieuvel, Mlles Sax, Gueymard, Bel-
val et Mme Zina Merante y ont été chaleureusement applaudis.
Mardi, la presse avait été gracieusement convoquée à la représenta-
tion extraordinaire donnée aux abonnés en remplacement de celle du
30 mars, dont les travaux de restauration de la salle les avaient privés.
Cette restauration s'est accomplie, sous la direction de M. Ch. Gar-
nier, avec une remarquable rapidité, et elle a obtenu l'assentiment
général. En effet, toutes les dorures et l'ornementation ont été net-
toyées et rafraîchies, les velours et les crépines remplacés, les fau-
teuils d'orchestre et d'amphithéâtre, de même que les stalles du
parterre , refaits de la façon la plus confortable ; les sièges de
DE PAms.
115
l'orchestre sont à coulisse et laissent plus d'espace pour le pas-
sage; le rideau, repeint par MM. Nolau et Rubé, est d'un excel-
lent style ; enfin, le foyer et les couloirs ont participé a cette réno-
vation, qui fera plus patiemment attendre l'inauguration de la nou-
velle salle. Mais ce qui avait été annoncé et ce qui piquait sur-
tout la curiosité du public, c'était la modiQcation apportée à la
coupole, et qui devait donner le spécimen de ce que sera celle du
futur théâtre de l'Opéra. Elle attirait donc tous les regards, et
S. Exe. le ministre d'Etat, M. Eugène Marchand, secrétaire général
du ministère, assistaient à la représentation pour se rendre compte
de l'effet. Tout d'abord, une addition importante a été apportée à
l'éclairage : une guirlande de deux cent quarante globes en verre
dépoli posée sur la corniche de la coupole ajoute sa lumière à celle
du lustre.
Au-dessus de cette corniche, à la partie inférieure de la voussure
de la coupole, vingt-quatre motifs d'œil-de-bœuf sont remplis par
des panneaux découpés ; des consoles les séparent , et des frontons
ou amortissements circulaires ornés de figures ou mascarons leur ser-
vent de couronnement.
Dans la salle du futur Opéra, toute cette partie de la coupole, au
lieu d'être peinte, sera exécutée en sculpture saillante et mouvemen-
tée. Les rayons lumineux venant du lustre et de la coupole s'accro-
cheront alors et se réfléchiront sur toutes les facettes , de manière à
donner à l'ensemble une richesse que la peinture ne peut atteindre.
Les trous circulaires percés dans cette partie de la coupole et
masqués par les panneaux découpés ont lavantage de parfaire la ven-
tilation et l'acoustique de la salle. Ils attirent, en effet, et font mon-
ter le long des loges l'air frais venant de la scène et les ondes so-
nores que la cheminée du lustre appelait au centre de la voûte, c'est-
à-dire au point le plus éloigné des spectateurs.
Au-dessus de cette décoration, et s'arrêtant à l'orifice central,
court une frise circulaire composée de figures se détachant sur un
fond d'or. La composition générale se divise en quatre parties prin-
cipales qui représentent : 1° Apollon et les Muses ; 2° les Grâces et
la Danse ; 3" la Musique ; If la Tragédie.
Le groupe de la Danse a été peint par M. Gustave Boulanger;
les trois autres ont été composés et exécutés par M. Jules Lenepveu.
Toutes les peintures ont été terminées en moins de deux mois
dans les ateliers. Il a suffi de sept jours et de quatre nuits pour la
pose et la dépose de l'échafaudage, la restauration des foyers, loges,
corridors, la dorure, la tapisserie, le marouflage des toiles, etc., etc.
Dans la pensée de l'architecte, ce travail considérable n'est pour-
tant qu'une sorte d'expérience faite pour se rendre compte des effets
qu'il veut obtenir dans la nouvelle salle. A l'exécution définitive,
bien des améliorations seront obtenues. Le relief, la sculpture, la do-
rure remplaçant les surfaces planes, et les trompe-l'ceil, donneront
une magnificence sans égale au plafond du futur Opéra, dont celui-ci
n'est, pour ainsi dire, que l'esquisse. Pour donner un exemple, M. Gar-
nier compte remplacer, dans la frise, les peintures qui pâlissent et
s'altèrent sous l'influence de la poussière et du gaz, par une mosaïque
qui conservera toujours à la coupole sa fraîcheur et son éclat pri-
mitif en même temps qu'elle donnera à la décoration plus de fermeté
et d'accent.
AUDITIONS fflUSICÂLES.
Joitepli Wlenluwakl. — Bernhard Ble. — Hlle Salia-
tler-Blot. — Qaatnora françala.
Après avoir exécuté avec Sighicelli la sonate en la mineur de Rubin-
stein, œuvre remarquable par la distinction des formes, par l'élévation et
la grâce des mélodies, et avec Mme Massart de brillantes et très-intéres-
santes variations de Schumann, Joseph Wieniawski a fait entendre à son
concert, donné dans les salons Pleyel-Wolff, une mazurka et une
sonate de sa composition. La première œuvre est charmante, distin-
guée et très-flnement harmonisée. Jouée avec une morhidesza^ une
sobriété et une délicatesse qui rappelaient un peu Chopin, elle a
causé un plaisir extrême et a été redemandée. Nous ne serions nalle-
ment étonné qu'elle obtint un véritable succès. Quant à la sonate,
son sort sera moins beau, nous le craignons ; Vandanle et le scherzo
(les meilleures parties de l'œuvre sans contredit) se recommandent
par des quahtés réelles, sérieuses et délicates ; on y désirerait toute-
fois un peu plus de hardiesse et d'originalité que ne remplacent pas
de nombreuses modulations. Vallegro et le finale, quoique travaillés
avec un grand luxe de traits et d'harmonie , ne nous plaisent pas
autant. Joseph Wieniawski n'en est plus à prouver qu'il a du talent,
qu'il a fait de bonnes études; chacun sait qu'il est aussi excellent
musicien que brillant virtuose. Il a déjà cueilli en chemin ces fleurs
légères et charmantes que récoltent si aisément les jeunes artistes
bien doués ; il a jeté dans d'élégantes petites pièces ces mille choses
fraîches et gracieuses que tout pianiste habile et instruit a sous les
doigts et dans la tête ; mais il aspire plus haut, et il a raison ; car il
y a en lui l'étoffe d'un compositeur éminent. Ce qu'on a droit d'exi-
ger de lui aujourd'hui , c'est plus d'abondance et plus de liberté
d'inspiration, c'est quelque chose de plus individuel et qui s'écarte
des sentiers battus. Comme exécutant, le succès de Joseph Wieniawski
a été très-grand, très-légitime. Son jeu a une pureté, une sûreté et
une netteté tout à fait remarquables, et le public a, plus d'une fois,
été entraîné par le talent du jeune pianiste.
2^xe'ioldat et le Cracovien,de S. Moninssko, chantés avec beaucoup
de verve, d'esprit et d'expression par M. Marchesi, ont ravi l'audi-
toire. Il y a dans ces deux jolies romances, tirées du volume les
Échos de Pologne, des accents qui vont droit à l'âme. Très-dissem-
blables de caractère, elles ont toutes deux cette naïveté, cette fraî-
cheur, cette franchise, ce parfum pénétrant qui, au milieu d'un art
raffiné comme est évidemment le nôtre, semblent singulièrement bons
et réveillent l'imagination blasée par des combinaisons d'où la vie et
la vérité sont trop souvent absentes.
— La fugue en sol mineur de M. Bernard Rie u'est pas trop mo-
notone, et, dans ce travail épineux et aride, l'auteur a su être inté-
ressant. Pourtant, comme ces sortes de pièces sont à peu près inin-
telligibles pour la majorité des auditeurs, c'est particulièrement en
jouant, outre le concerto de Weber, où il a déployé une énergie qui
ne lui est pas habituelle, son nocturne sur la sérénade du Barbier et
son Chant de la fileuse, que M. Bernhard Rie a obtenu le plus de
succès. Tout le monde était capable de juger le mérite de ces gra-
cieuses compositions; aussi son double talent a-t-il trouvé plus d'ap-
préciateurs que pour la fugue. Le concerto en sol mineur de Mendels-
sohn et son ouverture de la Grotle de Fingal, où la verve et le
coloris, la splendeur des formes et la poésie éclatante des mélodies
attestent si éloquemment les métamorphoses qui, à diverses époques,
se sont opérées dans l'esprit de l'auteur à'Elie et de Paulus, ont
donné à ce concert, dans lequel on a vivement applaudi Mme Oscar
Comettant, un intérêt tout particulier.
— Mlle Sabatier-BIot, pianiste distinguée, et qui, comme compo-
siteur, montre de l'intelligence, a fait apprécier, l'autre soir, salle
Herz, d'excellente musique. Un quintette de Spohr, exécuté avec beau-
coup de charme par elle et MM. Charles et Léopold Dancla, E. Altès
et S. Lee, de beaux morceaux de ïhalberg et de Chopin, ont prouvé
la variété du talent de Mlle Sabaticr-Blol. Une fantaisie sur la Magi-
cienne, composée par Mohr et dite par lui avec ce talent qui réunit à
un degré si rare la beauté des sons et du mécanisme à la beauté de
l'expression et du style, a enchanté les connaisseurs. Cette jolie
soirée, donnée au profit des ouvriers cotonniers, s'est gaiement
116
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
terminée par le Corsaire, opérette dont la musique légère est de
Mlle Sabatier-Blot, et dont l'interprétation, confiée à M. et à Mme Ar-
chainbaub, a été, sous le rapport du chant, bien supérieure à ce qu'on
entend ordinairement dans les concerts.
— Les séances de quatuors français données par M. A. Ferrand
sont très-intéressantes et très-suivies. Si à la première le public a
chaleureusement applaudi un quintette d'Onslow, les ravissantes, mé-
lancoliques et fraîches inspirations répandues dans un délicieux trio
de M. Henri Reber, une sonate de M. de Vaucorbeil pour piano et
alto, œuvre remarquable oià se retrouve, dans un style très-
fenrae et très-serré, cette clarté française qui, en musique aussi, est
une précieuse qualité, il a assez froidement accueilli un quatuor de
M. Gastinel. L'ouvrage méritait-il cet accueil ? Oui, car il a semblé
nuageux, indécis et flottant. Les quatre parties sont quelquefois ternes
et manquent souvent de sonorité. C'est l'œuvre d'un musicien ins-
truit, mais qui cherche encore sa voie, qui n'a pas de hardiesse, de
passion, et qui surtout est avare de mélodies. A la seconde séance,
un trio de M. Georg-es Mathias, joué par l'auteur, MM. Albert Ferrand
et Lebouc, a obtenu un fort beau succès. L'adagio a été bissé. Il est
plein de sentiment, de grandeur et d'une mélancolie sévère rehaussée
par une harmonie très-belle et très-neuve. Les autres morceaux sont
tous sinon excellents, du moins peu ordinaires. La nouveauté du
style et le tour mélodique font valoir les idées les moins originales.
M, Georges Mathias est un talent très-pur et très-vigoureux; l'autre
soir, comme exécutant, il a même paru trop vigoureux : il ne s'est
pas assez souvenu qu'un trio n'était pas un solo. Quoi qu'il en soit,
M. Georges Mathias, entraîné, sans doute, comme beaucoup de ceux
qui traduisent leurs propres inspirations, et qui dépassent quelquefois
le but, n'en a pas moins été très-chaleureusement applaudi.
Son trio atteste du savoir ; mais il atteste aussi — ce qui vaut
mieux — de l'imagination, de la fougue, même de l'emportement et
une veine mélodique qui, seule, donne un véritable prix aux œuvres
musicales. Un trio de F. Boëly a fait aussi grand plaisir. On le sait,
ce musicien résista le plus qu'il put aux envahissements du style mo-
derne. Il prisait par-dessus tout les chefs-d'œuvre de l'école alle-
mande ; il y trouvait le point de perfection qu'il rêvait, et traitait
volontiers de goûts bizarres et dépravés tout ce qui s'éloignait de
Bach, d'Haydn et de Mozart. Il faut avouer que son esprit, tout
exclusif qu'il était, ne l'a pas trop mal servi : son trio a été plus
admiré que ne le seront jamais certains ouvrages d'auleurs qui se
piquent de tout bouleverser, et qui prétendent, tout simplement, re-
nouveler la face de l'art.
Adolphe BOTTE.
CORRESPONDANCE.
Londres, 8 avril.
Hier soir, le théâtre royal italien de Covent-Garden a rouvert ses portes,
et la saison de 1863 vient d'être inaugurée, de la façon la plus brillante,
par une splendide représentation de la Muette de Portici, ou plutôt, pour
rester dans la vérité chronologique, par la réception solennelle de
Costa, le composer et conductor, qui, dès son entrée à l'orchestre, a été
accueilli, comme le veut la tradition, par une triple salve d'applaudis-
sements. Venait ensuite le traditionnel God save the queen, chanté, de-
vant l'auditoire debout, par tout le personnel du théâtre, avec cette
innovation toutefois, que les voix des solistes se confondaient avec celles
des choristes ; qu'il n'y avait par conséquent point de soli, mais que
toutes les strophes étaient chantées 'en chœur. L'effet n'en a été que plus
grandiose.
Aucune œuvre ne semble mieux convenir pour êlre exécutée à la
suite du solennel God save que la fière ouverture de la Muette de Por-
tici. L'admirable orchestre de Cment-Garden l'a enlevée avec une vigueur
et en même temps avec une rapidité extraordinaires ; aussi le public
a-t-il voulu réentendre cette belle page. Mais si la première fois Costa
a conduit ses artistes au grand galop, la seconde fois c'était un véritable
sleeple-chase. Quelle furia inglese!
Les principaux rôles du chef-d'œuvre étaient interprétés par Naudin,
Faure, Mlles Salvioni et Battu. Le rôle de la princesse Elvira va admi-
rablement à la voix comme au talent de cette dernière ; il a permis
au public anglais d'apprécier cette jeune artiste à sa juste valeur, beau-
coup mieux que le rôle de Gilda, le seul dans lequel elle ait paru l'an-
née dernière. Dès sa première cavatine, Mlle Battu a fait preuve d'une
vocalisation surprenante et d'un goût exquis; elle a été applaudie pen-
dant (out le cours de l'ouvrage, et elle peut se considérer maintenant
comme l'une des artistes adoptées dont le théâtre de Covent-Garden ne
saura se passer désormais.
Si Naudin voulait maîtriser et adoucir un peu son geste, ce serait
un Masaniello parfait. Tel qu'il est, c'est toujours un des meilleurs té-
nors de notre temps; c'est dans tous les cas une véritable voix de ténor.
Les applaudissements ne lui ont pas été marchandés, et Naudin aura tout
lieu de se féliciter de sa transmigration au théâtre de M. Gye.
Les honneurs de la soirée, pourtant, il faut bien le dire, ont été pour
Faure, qui a su donner une grande importance au rôle de Piétro. De-
puis les beaux temps de Massol on n'a pas applaudi dans la salle de
Covent-Garden avec ces marques de vive satisfaction, le beau duo du
second acte (terriblement raccourci, hélas !) et qui a été bissé, et la bar-
carolle du cinquième acte.
Mlle Salvioni prêtait son talent éprouvé au rôle de la Muette; et à
peine sera-t-il nécessaire d'ajouter que M. Harris a fait des merveilles de
mise en scène, pour lesquelles son récent séjour à Paris ne lui a pas sans
doute été inutile.
La Muette sera jouée demain jeudi, et samedi Mlle Fioretti fera son
premier début à Londres dans les Puritains. C'est samedi aussi que Her
Majcsty's tlicatre fera, sa réouverture, et ainsi la saison musicale de Lon-
dres se trouvera définitivement ouverte.
L. B.
51. Marschner, compositeur allemand , a fait un procès à M. Aula-
gnier, éditeur de musique français, pour avoir fait graver et mis en
vente, à Paris, une traduction de l'opéra du Vampire dont lui, Mars-
chner, est l'auteur. Le tribunal de première instance avait condamné
l'éditeur. Sur son appel, la Cour impériale vient de rendre l'arrêt sui-
vant qui tranche une intéressante question de propriété artistique et
qui explique surabondamment les faits du procès.
La Cour, après délibéré, a rendu l'arrêt suivant :
< Considérant que Marschner, Hanovrien d'origine, auteur de l'opéra
le Vampire, a publié à l'étranger, antérieurement à l'année 1843, la
partition de cet opéra pour le piano;
» Qu'en outre, il a fait représenter cette œuvre musicale, dès 1 828,
sur le théâtre de Leipzick, et successivement sur plusieurs théâtres
d'Allemagne, et à Strasbourg ;
» Que si, conformément aux usages généralement suivis à l'étranger,
Marschner n'a pas fait graver et n'a pas publié la partition d'orchestre,
les représentations successives de cet opéra ont eu pour conséquence
de le livrer à la publicité, et que, par suite de ladite publicité, cette
composition musicale de Marschner a été, sous toutes ses formes et
dans ses divers modes et expressions, acquise en France au domaine
public ;
» Que si Aulagnier, éditeur français, a fait graver à Paris les parti-
tions dudit opéra, soit pour piano, soit pour orchestre, il justifie, par
ses livres, que ces publications ont été par lui faites en 1843 et 1844;
» Qu'il résulte de ce que dessus, qu'antérieurement à 18ù3 l'œuvre
de Marschner était tombée dans le domaine public;
» Que dès lors Aulagnier ne saurait être recherché à l'occasion des-
dites publications, et qu'il était eu droit de continuer à écouler et à
vendre les exemplaires lui restant de ses tirages de 1843 et 1844;
. Considérant que le décret du 28 mars 18S2 ne saurait avoir d'effet
rétroactif, et qu'il ne pouvait dès lors faire obstacle à la vente desdits
exemplaires, alors même que Marschner aurait rempli les formalités
prescrites par l'article 4 de ce décret;
» Que si, en exécution de l'une des clauses de la convention conclue
entre la France et le Hanovre, le 20 octobre 1851, pour la garantie ré-
ciproque de la propriété des œuvres littéraires ou musicales des na-
tionaux des deux pays, un acte additionnel a fixé au 1" septembre
4853 l'expiratiijn du délai après lequel la vente des réimpressions ou
reproductions ne pourrait plus avoir lieu, Marschner ne justifie pas,
conformément aux conditions énoncées dans ladite convention, avoir
primitivement publié son œuvre dans le Hanovre, et avoir accompli
dans son pays les formalités nécessaires pour y jouir de la protection
légale contre la contrefaçon ou réimpression illicite;
» Qu'en admettant que ladite convention additionnelle ait été régu-
lièrement portée à la connaissance du commerce en France, Marschner
ne prouve pas que le bénéfice lui eu soit réellement acquis;
» Considérant enfin que si, dans la publication de la partition d'or-
DE PARIS.
117
chestre, Aulagnier a eu le tort d'attribuer à Marschner des récitatifs
notés qui n'étaient pas son œuvre, il n'est pas établi que de ce fait soit
résulté pour Marschner un préjudice de nature à donner lieu à son
profit a une réparation pécuniaire, et que d'ailleurs depuis le procès,
Aulagnier a fait apposer sur la couverture des huit exemplaires lui res-
tant de la partition d'orchestre une mention indiquant que les récitatifs
ne sont pas de Marschner;
» Que dans ces circonstances il est superflu de statuer sur le moj'en
de prescription opposé par Aulagnier et qu'il y a lieu de débouter
Marschner de sa demande;
» Infirme ;
B Au principal : déboute Marschner de sa demande et le condamne
aux dépens. «
NOUVELLES.
.j,** Les répétitions du Comte Ory pour la continuation des débuts de
Warot et du ballet de Giselle, pour ceux de Mlle Mourawiew, sont pous-
sées avec activité à l'Opéra, et selon toutes apparences, la représenta-
tion en aura lieu vers la fin de la semaine.
*** La première repi'ésentation de Pierre do Médicis, opéra du prince
Poniatowslù, vient d'avoir lieu à Madrid, avec un grand succès.
»** La représentation donnée mercredi au théâtre impérial de l'O-
péra-Comique, au bénéfice des petits-enfants de Rameau, a tenu tout
ce qu'elle promettait. La salle était comble, la recette très-fructueuse, et
le but philanthropique des promoteurs de cette solennité a éié complè-
tement atteint. Laissant de côté le proverbe 11 faut qu'une porte soit uu-
vcrte ou fermée et le Chapeau d'un Horloger, interprétés comme ils de-
vaient l'être par Bressant, Mme Plessy et les artistes du Gymnase, nous
donnerons un compte rendu sommaire de la partie musicale, qui jouait
le plus grand rôle dans la représentation. Après rAvucat Pathetin, le
premier acte de la Truoiala a permis à Mme Charton, qui revient de la
Âavane, chargée de couronnes et de dollars, de faire apprécier de nou-
veau à Paris les qualités qu'elle avait déployées l'année dernière au
théâtre Italien : voix fraîche et pure, énergie et sensibilité, intelligence
et passion dramatique, telles sont les qualités qui font de Mme Charton-
Demeur une artiste d'éiite. Le ténor Malvezzi l'a vaillamment secondée.
Le trio de Guillaume Tell, chanté par Tamberlick, Obin et lionnehée ;
un fragment de Poliuto, par Tamberlick ; le duo du Trovatore, par Bon-
nehée et lime Giulia Grisi; l'air de Marta, dit par la célèbre cantatrice
avec une expression sans pareille, et la cavatine des Puritains, dans la-
quelle on n'a pas oublié sa supériorité; une chansonnette de Sainte-l''oy;
la Musette, de Rameau, et l'air du Songe d'une nuit d'été, par Mlle Ma-
rimon ; enfin, le violon de Vieuxtemps et le piano de Mme Escudier-
Kastner ont composé un intermède vocal et instrumental aussi com-
plet et d'une exécution aussi parfaite que les plus exigeants pouvaient
le rêver. Aussi les applaudissements les plus unanimes ont-ils accueilli
chacun des artistes après leurs morceaux. Nous devons constater qu'un
de ceux auxquels on les a surtout prodigués, c'est Vieuxtemps, dont la
Fantasia appassionala a produit une immense sensation.
^*^ Mlle Ferler, jeune artiste dont on dit beaucoup de bien, vient
d'être engagée au théâtre de l'Opéra-Comique pour l'emploi des Du-
gazon.
^*» Le théâtre impérial de l'Opéra-Comique annonce pour demain
lundi la première représentation de Bataille d'amour. — La Fiancée du
roi de Garbes, d'Auber, ne sera représentée qu'au mois d'octobre.
^*,, Au théâtre impérial Italien, un début d'espèce rare et curieuse
a eu lieu dimanche dernier dans Olello. Mlle de la_ Poromeraye, qui jus-
qu'ici n'avait chanté qu'à l'Opéra français, s'essayait dans le grand rôle
de Uesdemone, sous le nom de Pomerani. 11 faut dire qu'une transfor-
mation s'est opérée dans la voix non moins que dans le talent de la
jeune cantatrice, qui a passé du contralto au soprano, en acquérant une
facilité de vocalisation dont on ne l'aurait pas jugée susceptible. C'est
surtout dans le finale du second acte que cette facilité brillante s'est
manifestée. Mlle Pomerani a été chaleureusement applaudie et rappelée
après la chute du rideau. Nous regretterions qu'à la fin d'une saison,
les convenances administratives empêchassent la continuation de débuts
si heureusement commencés.
f,*^ On a beaucoup parlé à Paris de l'incident relatif au traité de
Mme Carvalho avec le théâtre de Marseille. Les faits n'ont pas été établis
comme il convenait. 'Voici ce qui s'est passé : « Mme Carvalho, d'abord
engagée à Marseille pour deux mois, avait obtenu de ne passer qu'un
mois dans cette ville, et cela, grâce à la compensation qu'avait oiTerte
M. Carvalho en donnant Mme Cabel pour un mois. Mais au commence-
ment de ce mois, M. Carvalho se trouvant dans l'impossibilité de laisser
partir Mme Carvalho, s'est rendu lui-même à Marseille, et a offert à
M. Ilalanzier, soit le dédit stipulé de 20,000 francs, soit une nouvelle
combinaison, qui donnait Mme Carvalho au théâtre de Marseille pendant
la première quinzaine de mai, et Mme Cabel pendant la dernière quin-
zaine. — M. Halanzier n'a accepté ni l'une ni l'autre de ces offres. Il
avait assigné M. Carvalho non-seulement en paiement de son dédit, mais
encore en 30,0i'0 francs de dommages-intérêts. En outre, il a fait publier
à Marseille une note que quelques journaux ont reproduite, — note qui
n'avait qu'un tort, celui de passer sous silence l'offre que lui avait faite
M. Carvalho : ou de payer le dédit de 20,000 francs, ou de lui envoyer
Mnies Carvalho et Cabel -Je mois en mois. — L'affaire en était là, lorsque
M. Carvalho, dans un but de conciliation qu'on appréciera, a proposé un
nouvel arrangement, qui consistait à envoyer Mme Carvalho à Marseille
en représention du 20 avril au 10 mai, et Mme Cabe!, du 10 mai jusqu'à
la fin du mois. Cet arrangement a été accepté par M. Halanzier, et l'af-
faire s'est terminée à la satisfaction de tous. »
J^-^ On annonce l'engagement au théâtre Lyrique de Mlle Albrecht, du
Gymnase.
/„, Le théâtre des Bouffes-Parisiens fermera, comme à l'ordinaire, à
la fin d'avril; mais, cotte fois, c'est pour la reconstruction de la salle.
Avant la fermeture, et quoique le succès des Bavards soit loin d'être
épuisé, les Bouffes passeront en revue quelques-unes des plus jolies
pièces de leur répertoire. Ainsi, dans quelques jours, pour la clôture
des représentations de Mme Ugalde, Orphée aux enfers alternera avec
les Bavard", et le public pourra applaudir tour à tour Eurydice et
lioland, personnifiés dans 1 éminente et infatigable artiste, et, à côté
d'elle, Mlle Testée, Pradeau, Désiré, Léonce, Georges, etc., ses joyeux
partenaires.
,.*,f Offenbach vient départir pour l'Allemagne. Voici les noms des
ouvrages auxquels il travaille, et qui, par traité, doivent tous être re-
présentés avant la fin de l'année. Les Fées du Rhin, opéra romantique
en quatre actes, composé pour l'opéra impérial de Vienne, sur un poëme
de M. Nuitter. C'est M. de Wolgagcn, un des premiers littérateurs de
l'Allemagne, qui en fait la traduction.— la Belle Aurore, opéra bouffe en
trois actes et quatre tableaux, sur un livret allemand, composé pour le
Vicioria théâtre de Berlin.—// signor Fagottu, opérette bouffe de MM. Nuit-
ter et Tréfeu, composé pour la saison d'Ems.— Les Géorgiennes, opéra
bouffe de MM. Moinaux et Dulocle, pour l'inauguration de la nouvelle
salle des Bouffes-Parisiens, qui doit avoir lieu le 4" octobre prochain.
Si le fécond maestro accomplit cette tâche avec le succès dont il est
coutumier, on ne pourra pas dire qu'il a perdu son année.
a,*s, Les recettes des théâtres, cafés, concerts et spectacles de Paris
pendant le mois de mars écoulé, ont atteint le chiffre de 1,939,286 fr. 86 c.
./^ Le directeur des eaux d'Ems vient de traiter avec M. Varney pour
l'engagement d'une partie des artistes du théâtre des Bouffes-Parisiens.
Ils joueront les principales pièces de leur répertoire et une opérette
nouvelle d'Offenbach.
„,*„, Il parait que si l'on doit qualifier d'engouement l'effet produit à
Paris par Mlle Adelina Patti, cet engouement s'est singulièrement pro-
pagé à Vienne. Du moins, nous recevons sur le séjour de la jeune artiste
dans cette capitale, et sur l'enthousiasme dont elle est l'objet, des détails
aussi intéressants que significatifs. Ainsi, ce n'est pas seulement au
théâtre où ses représentations ont déjà mis dans la caisse do l'impré-
sario Merelli 60,000 francs de bénéfice, c'est à la cour, c'est dans les
salons de la plus haute noblesse, comme dans le milieu plus modeste
de la bourgeoisie, qu'elle est le sujet de tous les éloges, de toutes les
conversations. Ainsi, tout récemment, le riche baron Sina a désiré
qu'elle chantât dans une soirée chez lui, et Merelli n'y a consenti qu'au
prix de 10,000 francs, qui lui ont été payés sans hésitation. Et de plus,
pour témoigner sa satisfaction à la charmante cantatrice, le baron lui
a envoyé le lendemain un magnifique bracelet d'une valeur de 3,000
francs. Quelques jours plus tard, le dimanche de Pâques, elle avait été
priée de chanter à la grand'messe, et voici comment un journal en rend
compte : « Le dimanche de Pâques, une foule immense se pressait dans
l'enceinte de l'église des Augustins pour entendre Mlle Patti, qui
chantait à la grand'messe. Au moment où la merveilleuse cantatrice
quittait l'église pour monter en voiture, il y eut une telle cohue, les
témoignages d'enthousiasme et d'admiration devinrent tellement
bruyants, que la jeune fille, à moitié évanouie, fit tous ses efforts pour
chercher à se dérober à une ovation qui commençait à l'effrayer. Se
trouvant séparée des personnes qui l'accompagnaient, ne pouvant rega-
gner sa voiture, elle prit le parti de se réfugier au palais Palfy, qui est
tout proche. Par bonheur, la camériste de la comtesse Ferrari-Zichy,
qui habite ce palais, avait vu de loin ce qui se passait ; elle courut à la
rencontre de Mlle Patti sur l'escalier, et après lui avoir ouvert la porte
du corridor, qu'elle referma vivement, elle conduisit l'artiste éperdue
dans les appartements de la comtesse. Mais la foule qui était sur ses
pas, se précipita en tumulte sur l'escalier, après avoir enfoncé la porte;
enfin, la princesse Palfy dut se montrer elle-même, et par ses exhor-
• talions, son attitude calme et digne, elle parvint à décider la foule à
se retirer. Pendant ce temps, Mlle Patti, désormais en sûreté dans le
salon de la comtesse, y recevait de la famille empressée autour d'elle,
les soins les plus délicats. Ce ne fut qu'au bout d'un certain temps que
la virtuose effarouchée se trouva assez bien remise pour pouvoir être
ramenée sans danger dans sa demeure. Toutefois l'émotion que lui a
causée cette scène ne lui a pas permis de chanter à la représentation
du soir. «
118
REVLE ET GAZETTE MUSICALE
^% L'exécution du Stabat a dominé dans tous les concerts spirituels
de la semaine sainte. A la cour, au théâtre Italien et chez Rossini, on
a non-seulement chanté celui de l'illustre maestro, qui a eu naturelle-
ment les honneurs, mais des fragments de ceux de Pergolèse et de
Haydn. La direction du théâtre Italien a donné deux fois, jeudi et sa-
medi, le Stabat de Bossini. Entre les deux parties, un Ave Maria de
Verdi et un trio de Mercadante ont été dits, le premier par Mme Frez-
zolini, et le deuxième par elle, Gardoni et Delle-Sedie. En général,
l'exécution de ce concert a été satisfaisante ; on eût désiré pourtant
plus d'accentuation dans Vlnflammatus, dont Mme Penco s'était chargée.
On a redemandé le duo Quis est homo, chanté avec une grande perfec-
tion par Mmes Frezzolini et Trebelli-Bettini, qui n'a pas obtenu moins
de succès dans la cavatine Fac ut portem. On a remarqué le trio de
Mercadante, traité avec beaucoup de soin, et dans lequel la harpe et le
hautbois produisent des effets très-heureux.
^*^ Pasdeloup fera exécuter dimanche prochain, 19 avril, à son concert
populaire, la symphonie avec chœurs de Beethoven, et un choix de
chœurs de Haendel.
«*, Mlle Wertheimber vient d'être engagée à de brillantes conditions
pour une série de représentations à Marseille et à Alger. Elle se fera
entendre dans le Prophète, qui doit être monté avec beaucoup de soin à
cette occasion. La célèbre artiste vient d'obtenir un très-grand succès
à Liège, où elle a dii chanter trois fois le rôle de Fidès et toujours de-
vant une salle comble.
*** Le Propagateur du Nord annonce que le ténor Wicart est engagé
au théâtre de Rouen pour la prochaine saison.
:j*:(, On annonce que Mlle E. Lagrua vient d'être engagée, en qualité
de prima donna, au théâtre de la Pergola pour la saison du printemps.
^*t Mme Pleyel, après avoir, comme toujours, signalé brillamment
sa présence momentanée à Paris dans les concerts de Dumon et de
Pasdeloup, vient de repartir pour Bruxelles.
*** Au nombre des artistes réengagés pour la prochaine saison ita-
lienne au théâtre de Moscou, on cite : Mmes Frizzi et Laborde ; MM. Pan-
cani et Neri-Baraldi, ténors; Frizzi et Vialetti, basses.
^% Une indisposition a retardé l'arrivée de Thalberg à Paris. La soi-
rée annoncée par lui est fixée au 15 courant.
^*,. Mme Mackenzie, née Cathinka de Dietz, ne veut pas se faire ou-
blier des amateurs, et elle prend le bon moyen en se faisant entendre
chaque année dans sa villa de Saint-Germain. Sa dernière réunion mu-
sicale a été charmante, et l'éminente virtuose y a produit son effet ac-
coutumé dans un quintette de Hummel, exécuté en compagnie de
MM. Bessems-Muller, Baillard et Rabaud. Plusieurs morceaux ont été
ensuite exécutés séparément par les artistes avec beaucoup de talent.
On n'a pas moins applaudi les nouvelles compositions pour le piano de
M. Edm. Guyon, qui se distinguent par un mérite réel.
*** Une audition qui réunissait, chez Monsieur Adolphe Sax, une
société d'élite, a de nouveau fait ressortir les richesses sans nombre que
renferme sa nouvelle organisation des orchestres régimentaires. Dans
une série de morceaux composés par son habile chef, M. Magnier, la
musique du 1" régiment des grenadiers de la garde amis en lumière un
genre tout nouveau de composition, qui consiste principalement à pro-
céder par familles et par groupes, système d'où résultent mille effets
variés et inattendus, par les oppositions non-seulement d'intensité, mais
de timbre et de coloris. La fantaisie intitulée les Querelles a particuliè-
rement fait ressortir ces dispositions si neuves de l'instrumentation mili-
taire, interdites, il n'est pas besoin de le dire, à l'ancienne organisation,
et qui ne repoussent d'ailleurs, au besoin, ni les soli à découvert, ni
les ensembles précédemment en usage. Ce sont de nouvelles ressources
ajoutées aux anciennes, et par conséquent un incontestable progrès.
M. le général Mellinet, M. G. Kastner, membre de l'Institut, M. Ed. Mon-
nais et plusieurs artistes de distinction convoqués à cette intéressante
séance, ont adressé à M. Magnier de chaleureuses félicitations, tant pour
la perfection de son exécution, que pour l'intelligence avec laquelle il
est entré dans les désirs de M. Adolphe Sax. La nouvelle composition
militaire nous révèle d'ailleurs chaque jour de nouveaux prodiges. Il y a
quelques semaines, elle triomphait, dans la salle du cirque des Champs-
Elysées, par l'organe de la musique de la Garde de Paris ; il y a quinze
jours, le même orchestre, sous la direction de son excellent chef,
M. Paulus, accompagnait à Notre-Dame, dans une solennité religieuse, le
violon magique de Vieuxtemps. — Pour revenir à la séance de la rue
Saint-Georges, n'oublions pas de mentionner le résultat véritablementex-
traordinaire obtenu par les élèves de la classe de saxophone de M. Adol-
phe Sax, qui ont exécuté avec un aplomb remarquable le septuor de
Beethoven arrangé pour sept saxophones. On y a applaudi, en outre,
le son magnifique et magistral du nouveau saxhorn-basse à six pistons
indépendants et à pavillon tournant, sans préjudice de la nouvelle trom-
pette également à six pistons, et d'un cornet à sept pavillons, merveille
de justesse, de pureté et d'égalité dans la voix.
*** M. Vervoitte, maître de chapelle de Saint-Roch, a fait exécuter,
le jour de Pâques, dans cette paroisse, la messe du Sacre, de Chérubini.
L'exécution a été digne d'éloges pour le maître de chapelle, les chan-
teurs et l'orchestre, composé d'artistes du premier ordre. M. Hayet a
dit les soli, et on a remarqué la voix suave d'un enfant de chœur.
t*^ La Société des concerts a donné le dimanche de Pâques, au Con-
servatoire, un beau concert dans lequel on a entendu la symphonie pas-
torale, le beau Credo de la messe du sacre de Chérubini, un air de la
Fête d'Alexandre, et le magnifique chœur de Judas Machabée, de Haen-
del. Mais l'événement de la séance a été l'exécution par Vieuxtemps de
sa ballade et de sa Polonaise ; on eût dit qu'électrisé par le milieu dans
lequel se trouvait le célèbre violoniste compositeur, toutes les ressources
de son prodigieux talent eussent été mises en œuvre. Aussi l'effet qu'il a
produit a-t-il été immense. Applaudi, acclamé par tout cet auditoire
composé des plus fins connaisseurs, Vieuxtemps aura sans doute obtenu
rarement plus flatteuse ovation.
^*,i, Mme Clara Pfeiffer et M. Georges Pfeiffer ont donné lundi une de
leurs plus belles matinées. Mme Bertrand, MM. White, Lebouo, Pagans,
y ont été tour à tour chaudement applaudis, à côté des maîtres de la
maison. Le quatrième nocturne de Mme C. Pfeiffer et la délicieuse bar-
caroUe du second concerto de son fils, ont été surtout vivement goûtés
par le monde élégant qui se presse dans leurs salons.
,** Une société vient de se former à Londres au capital de 125,000
liv. sterl. (3,125,000 franc.*:), divisés en actions de 25 livres, pour la
construction à Haymarket d'un nouveau théâtre qui réaliserait toutes
les améliorations obtenues dans la construction des derniers qu'on vient
de bâtir à Paris. On sait que la majeure partie des théâtres de Londres
ne brille guère par la commodité et l'aération.
*** Voici le programme du concert que donnera mardi prochain,
14 avril, dans la salle Herz, la Société des concerts de chant classique
fondée par M. Beaulieu, correspondant de l'Institut, et par lui dotée,
avec approbation de toutes les autorités musicales. — Première partie :
1° Offertoire pour chœur et orchestre, de Michel Haydn (non encore
exécuté à Paris) ; 2° air de Samson, de Haendel, chanté par M. Paulin ;
3° Salve liegina, chœur sans accompagnement (xvi» siècle), Orlando Lasso;
4° air i''Armide , de Gluck , chanté par Mme Vandenheuvel-Duprez ;
5° fragments du 26= psaume de Marcello, chanté par Mlle Simon Cor-
radi, MM. Paulin, Marié, et chœur. — Intermède : Octuor pour deux
hautbois, deux clarinettes, deux cors et deux bassons, de Beethoven,
exécuté par MM. Xriébert, Barthélémy, Leroy, Rose, Baneux, Rousselot,
Jancourt et Linof. — Deuxième partie : 1° Ave verum, d'Halévy, mo-
tet chanté par Mme Vandenheuvel-Duprez, Mlle Simon-Corradi , et
chœur (in(*dit) ; 2° air sur des paroles de la Disfatta di Dario, de Mo-
zart, chanté par M. Battaille ; 3° Spirto di Dio, chœur sans accompa-
gnement, de Lotti, qui se chantait sur le Bucentaure, à l'occasion du
mariage des doges avec la mer Adriatique ; Wair des Nozze di Figaro, de
Mozart, chanté par Mme Vandenheuvel-Duprez; 5° fragments de l'ora-
torio de Paulus, de Mendelssohn, chanté par M. Battaille et chœur.
^*a, La notice biographique sur F. Halévy, par Adolphe Catelin se
trouve chez Michel Lévy frères ; elle se trouve également en tête de la
partition pour chant et piano du Dilettante d'Avignon, du célèbre maître.
^*^ M. Alexandre Billet, l'éminent pianiste, n'avait pas renoncé, comme
on avait pu le croire, à se faire entendre cette saison à Paris; son con-
cert n'a été que retardé et n'en sera que plus beau ; il aura lieu le
17 de ce mois dans la salle Erard ; le programme est splendide : outre
M. Billet, on y entendra Mme Scott-Morel, MM. Marchés!, Armingaud et
Léon Jacquard. Beethoven, Haendel, Chopin, Field, Weber, Mozart,
Mendelssohn, Moschelès, Henselt, sont les maîtres qui ont été choisis
pour l'ornement de la soirée; on peut donc promettre que rien ne
manquera pour en assurer le succès.
»** Nous avons déji parlé des succès obtenus en Russie par Mlle For-
tuna ; cette jeune cantatrice est en ce moment à Paris et ne tardera
pas à y établir également sa réputation. Du moins la manière dont elle
a chanté il y a quelques semaines au concert de Mlle Hélène de Katow,
et, ces jours derniers, à celui qu'a donné, salle Beethoven, le violoniste
Favilli, lui a valu des applaudissements du meilleur augure. Mlle For-
tuna possède d'ailleurs une belle voix et vocalise parfaitement : aussi
avait-elle mis un peu de coquetterie à choisir la polonaise d'/ Puritani
et celle des Vêpres siciliennes, deux morceaux de nature à faire briller
les qualités qu'elle possède et que l'auditoire a chaleureusement appré-
ciées.
/^, Samedi dernier, Nadar, l'écrivain spirituel , le dessinateur sati-
rique, le photographe par excellence, avait convié dans son atelier du
boulevard des Capucines, cet élégant musée des célébrités contempo-
raines, transformé pour la circonstance en salons délicieux par Godillot;
avait convié, disons-nous, à une soirée musicale les nombreux amis
qu'il compte parmi les littérateurs et les artistes. Aucun n'a manqué à
l'appel ; et, vers dix heures, tous les sièges étaient occupés par une
réunion de jolies femmes dont l'éclairage à giorno faisait ressortir les
toilettes. Vail?.ti, l'aveugle, qui joue de la mandoline mieux que ne le
pourrait faire un clairvoyant, s'est fait entendre trois fois, et a joué,
entre autres, sur une seule corde, le Carnaval de Venise avec variations,
de manière à étonner et à enchanter l'auditoire. Successivement,
Mlle de Katow sur le violoncelle ; Mme Alexandre Dreyfus sur le piano-
orgue ; l'excellent baryton Gassier, qui a chanté avec autant de verve
DE PARIS.
119
que de talent l'air du Barbier : Sighicelli sur le violon, et Mlle Mallet,
pianiste d'un fort joli talent, ont varié les plaisirs des invités, qui ne
se sont retirés qu'après minuit, heureux d'avoir entendu d'excellente
musique et reconnaissants de l'aimable hospitalité pratiquée à leur
égard avec tant de grâce et d'empressement par le maître et la maî-
tresse de la maison.
^*^ Mlle Trautmann, dont le talent comme pianiste est bien connu,
donnera le lundi 27 avril, un concert dans la salle Herz ; il sera des
plus intéressants. Mlle Trautmann exécutera des œuvres de Mendel-
ssohn, de Thalberg, de Herz, de Liszt, et elle sera secondée par d'émi-
nents artistes.
4*^. Mme Titjens vient de passer à Paris se rendant à Londres où elle
doit chanter dans la pièce d'ouverture du théâtre de Sa Majesté.
a,** Vendredi 17 avril, salle Pleyel-Wolff, soirée musicale donnée par
Mlle Judith Lion, organiste.
^*t Mme Madeleine Graever part pour la Hollande la semaine pro-
chaine. Elle y est appelée pour jouer à la représentation solennelle
donnée par la Société l'élix Méritis.
^** Mlle Charlotte de Tiefensée, dont nous avons annoncé les succès
récents en Belgique, vient d'arriver à Paris, où elle se propose de se
faire entendre.
^** Mlle Louisa Barnard, jeune et brillante pianiste, élève de Georges
Pfeiffer, a donné un très-beau concert. Les Habaneras, de fiavina, et
le rondo pastoral d'un concerto de son professeur, ont eu un grand
succès sous ses doigts charmants et gracieux. M. Lafont a partagé avec
elle les honneurs de la soirée.
a,*s, Toute la presse a constaté le succès de la messe solennelle de
Camille Schubert, exécutée le 26 mars à Saint-Eustache au profit de la
caisse des écoles du deuxième arrondissement. Cette messe à grand or-
chestre est empreinte d'un sentiment religieux très- remarquable, le
style en est élevé, et elle a produit une vive impres.sion sur les cinq
mille auditeurs qui se pressaient dans la vaste basilique. La partie ins-
trumentale était confiée à l'excellent orchestre du théâtre Italien, di-
rigé par M. Hurand ; les chœurs étaient composés des enfants des écoles
communales; Mlle Marie Sax, MM. Cazaux et Warot chantaient les soli.
La quête a été des plus fructueuses.
4*,, Le théâtre Robin annonce de nouvelles expériences de physique
et de magie, et des tableaux nouveaux. Dans cette troisième série de
tableaux on cite particulièrement ceux qui reproduisent le terrible
tremblement de terre qui détruisit la ville de Lisbonne le l^"' novembre
1755.
5A1S M. Alaux, membre de l'Institut, ancien directeur de l'Académie
de France à Rome, auteur d'un si grand nombre de toiles qui ornent le
Musée de Versailles, et des deux grands tableaux du Testament de
Louis XIV et de Charlemagne donnant les Capitulaire tvient de se décider
à se séparer de nombreuses esquisses qu'il a faites pendant quinze ans
de son séjour en Italie. — L'exposition aura lieu, lundi 13 avril, à l'Hôtel
Drouot, et la vente le lendemain, 14.
^*^ Tito Mattei, pianiste italien d'un très-grand talent, se trouve à
Paris et s'y fera prchainement entendre.
^*, Deux journées magnifiques ont favorisé l'inauguration du con-
cert Musard au Pré-Catelan ; les plus beaux équipages s'y pressaient au
milieu d'une foule compacte, accourue à cette charmante fête. L'or-
chestre de Musard a fait merveille, et sa nouvelle valse sur les Bavards
aétéaccueillie par de chaleureux applaudissements. — Aujourd'hui grande
fête musicale ; programme aussi riche que varié ; bal d'enfants sous
les quinconces; marionnettes françaises; musique militaire ; jeux divers;
fanfares par le bataillon de chasseurs à pied; café et brasserie. —
L'heureuse idée de la création du bal d'enfants a été justement goû-
tée par les mères de famille.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
/'^, Lyon. — Mme Cabel est engagée pour toute la saison, c'est-à-
dire de septembre à avril. Un des premiers ouvrages que chantera la
célèbre cantatrice sera le l'anlon de Ploermel, remonté avec de nou-
veaux décors. — Le concert de George Hainl est toujours la plus
grande manifestation de l'art qui se fasse en notre ville. Comme
violoncelliste de premier ordre, comme chef d'orchestre, il ne cesse de
justifier ce que Berlioz a écrit de lui : « A une supériorité incontes-
table sur le violoncelle, il joint toutes les qualités de chef d'orchestre
conducteur-instructeurorganisateur, c'est-â-dire qu'il dirige d'une fa-
çon claire, précise, chaleureuse, expressive ; qu'il sait, en montant les
nouveaux ouvrages, faire la critique des défauts de l'exécution et y por-
ter remède, autant que les forces musicales dont il dispose le lui per-
mettent, et enfin qu'il sait mettre en ordre et en action productive tous
les moyens qui sont à sa portée, administrer son domaine musical et
vaincre promptement les difficultés matérielles dont chacun des mou-
vements de la musique, en province surtout, est ordinairement entravé.
D'où il résulte implicitement qu'il joint à beaucoup d'ardeur un esprit
pénétrant et une persévérance infatigable. Il a plus fait en quelques
années pour les progrès de la musique à Lyon que ne firent en un
demi-siècle ses prédécesseurs. » Dans son concert de cette année,
George Hainl a fait entendre deux compositions nouvelles : l" le pre-
mier allegro d'un concerto pour le violoncelle ; 2° une fantaisie sur des
motifs de la Fiancée, d'Auber, d'après Bohrer, refondue et orchestrée.
Entre ces deux morceaux très-remarquables, la préférence peut hésiter.
Des fragments de la Reine de Saba, de Gounod, et conduits par l'au-
teur , et le Christophe Colomb de Félicien David figuraient dans le
programme.
CHRONIQUE ETRANGERE.
j.*^, Berlin. — A l'occasion de l'anniversaire de la naissance du roi, le
théâtre de la cour a joué Armide, de Gluck. Mme Koester a rendu le
rôle d'Armide avec une puissance dramatique qui rappelle les plus
beaux jours de l'éminente cantatrice. A côté de Mme Koester se sont
fait applaudir Woworsky (Renaud), et Mlle de Ahna (la Haine).
^*^ Vienne. — Dans la vaste enceinte de l'église d'Alt-Lerchenfeld,
un des plus beaux monuments de l'architecture contemporaine, a été
exécuté, le 3 avril, le Slabat de Fr. Schubert. On y trouve de beaux
passages; mais, en général, la musique est par trop mondaine; en
outre, l'unité de style fait défaut à cette composition. — Des fragments
d'un oratorio inconnu du même auteur, la Résurrection de Lazare , ont
été e.xécutés dans la salle de la Société de musique. On y remarque
la partie de Simon ; les chœurs de la marche funèbre du convoi de
Lazare sont une des meilleures productions de Fr. Schubert.
^*a, Carlsruhe. S Le Roi Enzio, par Abert, a été représenté pour
la première fois avec succès il y a quinze jours ; la deuxième représen-
tation, qui n'a pu avoir lieu que le lundi de Pâques, n'a fait que con-
firmer le triomphe du jeune compositeur.
^*^ Cologne. — Niemann, l'excellent ténor qui a laissé parmi nous de
bons souvenirs, vient de débuter au théâtre de la ville de Cologne dans
le rôle de Raoul, des Huguenots.
^*j, Prague. — On vient de représenter pour la première fois Rizzio,
opéra nouveau en cinq actes, musique de M. A. Schliebner. Le sujet du
libretto est la fin tragique du célèbre musicien de Turin, qui fut, comme
on sait, un des nombreux amants de la belle et infortunée Marie
Stuart. La musique se distingue par des idées caractéristiques et des
motifs d'un grand efl'et vocal et instrumental. L'opéra de M . Schliebner
a reçu un accueil favorable ; le compositeur a été rappelé à la chute
du rideau.
*% Trieste. — La dernière représentation de notre grand théâtre a été
consacrée au bénéfice de Mme de Roissy. Cette solennité a été fort
brillante, et tout notre public a voulu fêter la vaillante artiste dans la
pièce qu'elle a créée avec le plus de supériorité, AJarta. Aussi l'a-t-on
acclamée après chaque morceau, et surtout après la romance de la Rose
qu'elle dit avei un sentiment et un charme inexprimables. Dans un en-
tre acte, elle a chanté la scène de l'Ombre du Pardon de Ploermel avec
un talent de vocaliste et une intelligence dé comédienne qui ont fait
redoubler les applaudissements. A peine avait-elle fini, que des bouquets
ornés de riches rubans, un magnifique cachemire et une couronne d'or
accompagnée d'un sonnet en l'honneur de l'artiste, lui ont été offerts au
nom de l'auditoire enthousiasmé.
^*^ Lisbonne.— Mme Lotti délia Santa avait choisi, pour son bénéfice,
la Maria et le duo du quatrième acte des Huguenots qu'elle a chanté
avec Mongini. On peut dire que la célèbre artiste a triomphé jusqu'au
dernier moment, car dans cette soirée, elle a provoqué un véritable
enthousiasme,
J''.j, Saint-Pétersbourg. — Mardi dernier, 31 mars, a eu lieu au grand
Théâtre le concert annuel au bénéfice des invalides ; plus de mille mu-
siciens et chanteurs ont pris part à cette solennité, qui avait attiré un
grand concours d'auditeurs. LL. MM. l'empereur et l'impératrice , le
grand-duc héritier, et plusieurs autres membres de l'auguste famille
impériale y assistaient.
LeIHrcctevr : S. DUFOUn .
120
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
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Exposition universelle de Londres, 1862, PfiJZE MEDAL, avec cette mention : POUR EXCEIiliERiCE DE XOUXB ESPÈCE D'INSTRUMENTS DE CDIVRE.
TTi-^^Yir?,. f.JF'^^lJ^^'^, POLYTECHNIQUE de Paris, membre de l'ASSOCIATION INTERNATIONALE POUR LE PROGRÈS DES SCIENCES SOCIALES. -
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on S'ABONNE t
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IV« 16.
REVUE
19 Avril 1863.
PRIX DE L'ABONNEUENT :
Paris. „ 24 fr. par an
Départements, Belgique et Suisse.... 30 » id.
Étranger U » Id.
Le Journal paraît le Dioianche.
GAZETTE MUSICALE
-^^J\i\J\f\f\rj\S\j\r\rj^-
SOMMAIRE. — Théâtre impérial de l'Opéra-Comique : Bataille d'amour, opéra-
comique en trois actes, paroles de MM. Victorien Sardou et Karl Daclin, mu-
sique de M. de Vaucorbeil, par liéon Dnrocher, — Société des concerts de
chant classique, fondation Beaulieu. — Concert de M. Achille Dien, par Ap-
thnr Pongin. —Correspondances. — Revue des théâtres, par D. A. D.
Saint-IfTes. — Nouvelles et annonces.
THÉÂTRE mPÉRIAl DE L'OPÉRÂ-COffllOUE.
BATAIIiliE D'AMOUR,
Opéra-comique en trois actes, paroles de MM. Victorien Sardou
et Karl Daclin, musique de M. de Vaucorbeil.
(Première représentation le 13 avril.)
Tout le monde sait que Bataille d'amour est une imitation, une
ampliflcation d'une comédie de Dumaniant , Intitulée Guerre ouverte
ou Ruse contre ruse. Dumaniant n'avait pas dissimulé que sa pièce
était sortie d'une pièce espagnole comme l'oiseau sort de son œuf.
L'auteur espagnol était Don Augustin de Moreto , et sa comédie en
trois journées est intitulée No puede ser [Cela ne peut être). L'avo-
cat et littérateur Linguet, qui en avait publié la traduction vers 1770,
l'avait intitulée : La chose impossible, ce qui rendait assez heureuse-
ment le titre original. La chose impossible, c'est de contraindre l'in-
clination d'une fille, de lui faire épouser Jean quand elle veut épouser
Pierre, et de la retenir à la maison quand elle est résolue de sortir.
Dumaniant ne prit guère que la donnée de l'auteur espagnol. Il chan-
gea les personnages, les caractères, et presque tous les détails de
l'action. Mais après avoir fait remarquer, dans sa préface, ces modi-
fications, il ajoute loyalement : « Je dois convenir que sans sa pièce
je n'aurais pas fait la mienne. »
M. Victorien Sardou et son collaborateur ne sont pas, sans doute,
moins loyaux que Dumaniant, et, s'ils ont adopté un titre nouveau,
ce n'était pas pour donner le change au public. Ils ont déplacé la
scène, qui était à Marseille, et qu'ils ont mise dans la forêt de Saint-
Germain. Ils ont affublé les personnages de noms plus recherchés.
Le baron de Stan ville est devenu baron d'Hocquincourt ; Lucile, sa
nièce, s'appelle Diane aujourd'hui , et Lisette , Olivette , ce qui est
plus rare. La duègne Nancy, le valet de chambre l'Olive, se nomment
Barbe et Calendrin. Enfin l'amoureux marquis de Dorsan est trans-
formé en comte Tancrède, non moins amoureux, mais bien plus in-
ventif, car il n'a point de valet, et fait ses affaires lui-même. Il faut
tenir compte de ce progrès du théâtre moderne sur le théâtre an-
cien. Il prouve que la lutte est finie pour jamais entre la noblesse
et la roture. Avant la révolution , tout gentilhomme qui entrait en
scène était invariablement doublé d'un valet dont la fonction était
d'avoir de l'esprit pour lui, et de lui fournir des idées. C'était une
vengeance à l'usage des auteurs, tous roturiers. Ecoutez Boileau par-
lant de Molière :
L'autre, fougueux marquis, lui déclarant la guerre.
Voulait venger la cour immolée au parterre.
MainteuaiU qu'il y a des roluriers à la cour, — en majorité peut-
être, — on n'immole plus au parterre ni ducs, ni marquis, ni vi-
comtes , et le parterre est prêt à applaudir tout gentilhomme qui
montrera de l'esprit ou- du cœur. Le comte Tancrède de.... excusez-
moi de n'avoir retenu que son prénom, est donc bien plus intéres-
sant que le marquis de Dorsan, qui, sans Frontin, ne savait rien faire.
M. Victorien Sardou a supprimé encore deux autres personnages
secondaires. En revanche, il a fait comparaître le prétendu choisi
par le baron, et il en a fait un duplicata de i\I. de Pourceaugnac.
Son chevalier Ajax de Hautefeuille vient de Carcassonne au lieu de
venir de Limoges ; mais, à cela près, c'est le même type : ladre,
gourmand, poltron et sot. Il en résulte que le baron d'Hocquincourt,
qui, après l'avoir vu, s'obstine à l'imposer à sa nièce, n'est plus
lui-même qu'un sot, un Cassandre extravagant et ridicule, ce qui
mine par sa base la donnée de la pièce : les deux adversaires
sont de force trop inégale. Le baron est trop bête pour n'être point
battu, et, comme l'a si bien dit un des plus habiles maîtres dans
l'art de l'intrigue théâtrale.
On n'a plus ni plaisir ni peine,
Quand les dénoûments sont prévus.
M. Sardou a d'ailleurs multiplié les incidents, allées, venues, ap-
paritions, disparitions, cabinets, paravents, etc., etc. Sa pièce est
un jeu de cache-cache et de colin-maillard continuel. Il ne laisse
pas un moment de repos à ses personnages, ni aux spectateurs, que
lasse et importune à la fin cet excès de mouvement. Ils le lui ont
prouvé avec une franchise qui nous dispense évidemment d'insister.
Ce qui manque surtout dans cet arrangement de Guerre ouverte,
c'est le goût et la mesure. Nous n'en citerons qu'un exemple. Dans
la pièce originale, le baron de Stanville explique pourquoi il ne craint
pas que sa nièce s'évade. « J'ai eu, dit-il, la précaution d'enlever
toutes ses hardes. » M. Victorien Sardou a jugé à propos ds déve-
lopper cette idée. II installe au milieu de la scène sou baron d'Hoc-
quincourt, qui dit à la suivante Olivette : « Que fait ta maîtresse ?
122
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
— Elle est malade, monsieur, elle va se coucher, elle se déshabille.
— Ah !.. . elle se déshabille ! — Oui, monsieur, elle vient d'ôler sa
modeste. — Sa modeste? qu'est-ce que cela? — Dame! monsieur,
cela s'appelle ainsi. — Eh! bien, va me chercher cette modeste. (La
soubrette sort par la droite, et rentre aussitôt, avec une pièce de
linge qui ressemble assez à une jupe.) — Et maintenant ?. . . — Elle
vient d'ôler sa discrète. — Apporte-moi la discrète. (Même jeu.) —
Oii en est-elle à présent? — A la friponne. — Je veux voir aussi
la friponne. » Et la friponne arrive, comme la discrète et la modeste.
Hélas ! le public n'a point paru charmé de cette littérature de blan-
chisseuse. Décidément, le bon goût s'en va, et nous devenons insen-
sibles aux attraits de la belle poésie.
Sr. Sardou est un homme d'esprit et d'imagination. II s'est four-
voyé celte fois. Mais cet accident, auquel tout auteur dramatique est
exposé, n'ôte rien au mérite des Ganaches que l'on applaudit si jus-
tement au Gymnase. M, de Vaucorbeil, son collaborateur musical,
s'était fait connaître par des compositions instrumentales et des mor-
ceaux de salon d'une valeur incontestable. On ne peut lui refuser ni
la science, ni l'originalité, ni la hardiesse harmonique. On avait donc
le droit d'attendre beaucoup de lui. On a été un peu désappointé, il
faut le reconnaître. Les qualités par lesquelles on brille au salon ne
sont pas toujours celles qui réussissent au théâtre. Les menus dé-
tails, les finesses harmoniques se perdent à distance , et manquent
leur effet. Il y a une perspective pour l'oreille comme pour les yeux.
Il faut surtout au théâtre de grandes lignes, des effets vigoureux , et
nous offririons volontiers de parier qu'il y a dans l'orchestration de
Bataille d'amour quantité de petits détails fort jolis que l'on n'a
point aperçus. Sous ce rapport, le mécompte probablement a été plus
grand encore pour le compositeur que pour le public.
M. de Vaucorbeil mérite un reproche plus grave. Le livret qui luj
avait été confié, — quels que soient d'ailleurs ses défauts, — est une
des pièces les plus bouffonnes qu'on ait jouées depuis longtemps à
rOpéra-Comique. Sa musique est triste. L'amour y est sentimental,
mélancolique, rêveur. Les emportements du baron, qui ne lutte après
tout que pour ne pas perdre sa gageure, y sont aussi violents et aussi
sombres que les fureurs d'Othello. A la fin du second acte, le baron
rassemble les domestiques, valets, laquais, piqueurs, veneurs, cochers,
cuisiniers, marmitons, les arme de lanternes, bâtons, manches à balai,
et part avec eux pour faire patrouille dans les corridors , les esca-
liers, la cour, le jardin. Y eut-il jamais scène plus digne d'une verve
bouffonne et baroque? M. de Vaucorbeil a pris la chose au sérieux,
et fait chanter à ce chœur grotesque un hymne guerrier qui con-
viendrait parfaitement à une armée donnant l'assaut à une ville de
guerre. Il n'y a pas d'ouvrage qui puisse résister à de tels contre-
sens.
Ce désaccord entre le livret et la partition est, selon nous, le plus
grand reproche qu'on puisse adresser à M. de Vaucorbeil. On doit
certainement le blâmer encore d'abuser de la modulation au point
de torturer, de défigurer ses mélodies, et de se rendre trop souvent
inintelligi le. Cela dit, nous ne chercherons plus dans son ouvrage
que ce que l'on peut y louer, et nous signalerons — le quatuor du
premier acte chanté par Diane, Olivette, Tancrède et Calendrin caché,
morceau dont l'harmonie et le chant ont beaucoup de grâce; — l'air
d'entrée du baron, dont le rhythme est énergique; — un passage
très-bien trouvé du duo de ce baron avec le comte Tancrède, sur les
quatre vers :
Je m'engage formellement
A pénétrer tranquillement,
Commodément, facilement.
Jusque dans votre appartement.
Cette fois, M. de Vaucorbeil a oublié l'orchestre et la modulation.
11 a mis là une mélodie simple, claire, franche, originale, et, chose
inattendue ! très-plaisante. S'il eût continué sur ce ton-là , il aurait
obtenu un prodigieux succès. Mais ce n'est qu'un éclair, dont la lueur
s'efface avant même la fin du duo. Les deux adversaires, après ce
petit assaut de plaisanterie, reprennent tout à coup leur sérieux,
froncent le sourcil, enflent leurs voix, font des gestes de matamores,
se bravent, se défient... et crient aussi fort que s'ils allaient tirer
l'épée. Et alors, adieu l'esprit, adieu la grâce, adieu la raillerie pi-
quante, que les trombones ne remplacent pas !
Au second acte, Diane chante un air qui commence à merveille,
et qui aurait de l'expression et de la couleur s'il ne changeait pas
de ton, pour ainsi dire, à chaque mesure. Jamais la manie des modu-
lations sans but et sans effet n'avait été poussée jusque-là. N'est-il
pas affligeant de voir ainsi gâter, comme à plaisir, une idée agréable,
qui, mieux développée, aurait pu devenir charmante?
Au troisième acte, le baron contraint Olivette à chanter une chan-
son qui doit attirer le comte Tancrède dans le piège qui lui est tendu.
Cette chanson est naturellement écrite, simple, mélodieuse, bien
tournée, bien accompagnée. Elle prouve donc que M. de Vaucorbeil
fera de la musique agréable aussitôt qu'il le voudra. Il faut seulement
pour cela qu'il abdique ses prétentions à l'imprévu, à l'extraordinaire,
qu'il écrive ses idées telles que le bon Dieu les lui envoie, sans les
alambiquer, sans les torturer, et qu'il comprenne, une fois pour
toutes, que les compositeurs les plus originaux sont ceux qui ont le
moins cherché à l'être.
MM. Montaubry et Crosti jouent et chantent fort bien les deux
rôles de Tancrède et du baron. Mlle Baretti, Mlle Bélia , sont très-
agréables dans ceux de Diane et d'Olivette, et l'on n'a que du bien
à dire de Mlle Révilly, de M. Sainte-Foy et de M. Nathan. Bref,
l'administration et les exécutants ont fait pour cet ouvrage tout ce
qu'ils pouvaient faire. Mais il aurait fallu que l'ouvrage s'aidât lui-
même un peu mieux.
LÉON DUROCHER.
SOCIËTË DES CONCERTS DE CHANT CL&SSIQUE.
Fondation Beanlieu (i° année).
L'institution fondée par M. Beaulieu a fait un grand pas cette année.
On sait qu'elle a pour but de remettre en lumière les chefs-d'œuvre
de chant religieux et du chant dramatique oubliés ou complètement
ignorés de la génération actuelle. Voulant la doter d'une partie de sa
fortune pour en assurer à jamais la durée , le fondateur n'a trouvé
d'autre moyen que d'établir une Société capable d'accepter ses dons,
et la Société est déjà formée. Elle compte plus de cent adhérents,
dont la cotisation, ne pouvant dépasser 10 francs et ne s'élevant pour
cette année qu'à 7 fr. 50 c, donne droit à un certain nombre de
billets qui en excèdent la valeur et la remboursent avec usure. Du
reste, les statuts sont là et répondent à toutes les questions possibles.
Le concert donné mardi dernier dans la salle Herz avait attiré un
auditoire beaucoup plus nombreux que les trois précédents : pas une
place n'était demeurée vacante, et l'exécution du programme a par-
faitement répondu à ce qu'on devait s'en promettre. La soirée com-
mençait par un offertoire de Michel Haydn, frère de l'illustre Joseph ;
à ce morceau, d'une allegria plus mondaine que religieuse, succédait
un air de Samson, de Haendel, fort bien chanté par M. Paulin, et un
Salve Regina, dit parle chœur, sans accompagnement, avec une jus-
tesse irréprochable. Mme Simon-Corradi , MM. Paulin et Marié se
mêlaient au chœur dans les fragments du 26"= psaume de Marcello.
L'octuor de Beethoven ayant été forcément remplacé par un char-
mant quinfetto de Reicha, MM. Dorus, Triébert, Jauncourt, Leroy et
Baneux en ont supérieurement joué les parties de flûte, hautbois,
basson, clarinette et cor. Personne n'a donc pu que se louer du
morceau et applaudir les artistes.
L'Ave verum, d'Halévy, par lequel s'ouvrait la seconde moitié du
DE PARIS.
123
concert, est une belle composition d'un style élevé, d'une facture
large, où le chant se partage entre les deux voix de femmes, et se
meut sans effort au milieu du chœur. Les deux femmes étaient
Mmes Vandenheuvel-Duprez et Simon-Corradi. La première de ces
cantatrices n'a jamais été plus en voix que dans ce moment : elle l'a
prouvé par la manière dont elle a rendu un air de l'Armide de
Gluck et le Porgi amor des Nozze di Figaro, de Mozart. Quant à
Mlle Simon-Corradi, elle sera bientôt une de nos meilleures canta-
trices de théâtre et de concert. Battaille, fidèle à son poste et à
son drapeau, s'est distingué dans un air de Mozart et des fragments
du Paulus de Mendelssohn. Dans le Spiiio di Dio de Lotti, mor-
ceau qui se chantait sur le Bucentaure pour le mariage des doges avec
la mer Adriatique, on a remarqué d'heureuses dispositions de voix et
des effets de sonorité qui auraient été encore plus saisissants en plein
air ou dans une plus vaste enceinte. M. Marié conduisait les chœurs,
et M. Deloffre l'orchestre, dans celte soirée, dont l'influence sera
des plus fa vorables à l'intéressante fondation de M. Beaulieu.
P. S.
CONCERT DE M. ACHILLE DIEN.
Jeudi dernier, un public nombreux et sympathique s'était réuni
dans les salons Erard pour assister au concert intéressant donné par
un violoniste d'un talent souple et distingué, M. Achille Dien. Il s'a-
gissait d'entendre deux nouvelles compositions de M. Henri Reber,
dont on regrette le silence au théâtre, et qui semble ne vouloir plus
s'occuper que de musique instrumentale.
La séance a commencé par le joli trio en sol mineur, aussi de
M. Reber, exécuté par MM. Saint-Saëns, Dien et Batta, et pour le-
quel je renvoie le lecteur à l'analyse que j'en ai donnée dans ce
journal (1). Puis venait le Chant de Mignon, l'une des deux nouvel-
les compositions du maître estimé, écrite par lui sur les jolies stro-
phes que M. X. Marmier a imitées de l'auteur de Faust et de Wer-
ther. Cette mélodie, pleine de tendresse, de charme et de sim-
plicité, est limpide dans sou style comme l'azur d'un beau ciel.
Mlle Andréa Favel, que nous avons entendue il y a quelques années
à rOpéra-Comique, a chanté cette petite pièce charmante avec une
émotion contenue et tout à fait heureuse. On a entendu ensuite une
Tarentelle de M. Saint-Saëns, pour flûte, clarinette et piano; ce mor-
ceau, d'une facture très-distinguée et auquel je ne reprocherai que son
titre, qui ne me semble pas suffisamment justifié, renferme de jolies
pensées mélodiques et est très-bien écrit pour les trois instruments.
D a reçu un excellent accueil, dû en partie à la perfection avec la-
quelle il a été exécuté par MM. Dorus, Leroy et Saint-Saëns, trois
virtuoses d'un talent exceptionnel.
Après le joli air du Père Gaillard, chanté avec goût par Mlle An-
dréa Favel, qui en a surtout bien enlevé la strette verveuse et char-
mante :
Vive du village
La simplicité...
est venue la délicieuse sérénade inédite (en ré majeur) de M. Reber,
œuvre d'une exquise élégance, divisée en quatre morceaux : un alle-
gro à deux temps, vif, léger et charmant ; un andante avec sourdi-
nes, inspiration d'une grâce et d'une tendresse adorables, qui a
tellement séduit l'auditoire qu'il l'a spontanément redemandé} un
allegretto peu développé, mais d'un charme piquant et singu-
lier; enfin un finale chaud, vigoureux et coloré, dans lequel
une sorte de récit dialogué entre les trois instruments amène ['al-
legro, dont la coupe très-franche et très-originale, le rhythme volon-
taire et persistant produisent l'effet le plus heureux. Ce morceau a
(Il 1S53, n" 1.
été exécuté d'une façon merveilleuse par MM. Dien, Batta et Saint-
Saëns. M. Dien, que je regrette d'entendre très-rarement en public,
est un artiste de race, un violoniste de style, au son pur, au jeu bril-
lant, au style à la fois sobre et coloré, qui sait interpréter avec dis-
tinction et une rare élégance les œuvres qu'il présente au public.
M. Heber n'eût pu mieux choisir pour l'exécution des deux mor-
ceaux importants de musique instrumentale que nous avons entendus
dans cette admirable soirée. Quant à MM. Batta et Saint-Saëns, je
n'ai pas besoin de m'appesantir sur leurs excellentes qualités, qualités
qui sont appréciées depuis longtemps à leur juste valeur par le public
dilettante et connaisseur.
La soirée s'est terminée pnr une excellente exécution de l'Hymne
d'Haydn pour deux violons, alto et violoncelle, par MM. Dien, Faure,
Defrance et Batta.
Arthur POUGIN.
CORRESPONDANCE.
Monsieur le Directeur,
Je viens vous demander l'hospitalité pour ces quelques lignes, des-
tinées à repousser le reproche de sacrilège qui m'est fait par le journal
la France musicale au sujet du fragment des Sept Paroles exécuté à mon
concert du vendredi saint. Je laisse d'ailleurs à Haydn le soin de ré-
pondre lui-même par une lettre bien connue de tous les musiciens, et
que M. Escudier n'aurait pas dû ignorer.
Veuillez agréer, etc.
Pasdei.oup.
— « Un chanoine de Cadix me pria, il y a environ quinze ans, de
mettre en musique les Sept Paroles de Jésus sur la croix.
i> Tous le^ ans, pendant le carême, on avait l'ha'jitude dans la cathé-
drale de Cadix de dire un oralwio, dont les apprêts suivants ne devaient
pas peu contribuer à augmenter l'effet : on couvrait les murailles, les
croisées et les piliers de l'église d'une tenture noire ; une lampe sus-
pendue au milieu de la nef éclairait seule l'obscurité des saintes té-
nèbres ; à midi, on fermait toutes les portes, et la musique commençait.
Après l'introduction, l'évêque montait en chaire, et prononçait une des
sept Paroles, dont il faisait le texte de son instruction. Il descendait
ensuite pour aller se prosterner au pied de l'autel, alors l'orchestre se
faisait entendre. Pour chaque Parole, l'évoque montait et descendait, et
chaque fois l'orchestre exécutait la musique relative à la Parole dite en
chaire.
1) On avait assigné des bornes à ma composition. Pour ne pas fatiguer
l'auditoire, chacun des sept adagio ne devait durer que dix minutes.
Je m'aperçus bientôt que cette condition était difficile à remplir, et que
je ne pouvais me renfermer exactement dans l'espace de temps pres-
crit. La musique était d'abord sans paroles; c'est ainsi qu'elle a été
imprimée. Plus tard, on m'a prié d'y joindre le texte, et maintenant
les Sept Paroles du Sauveur sur la croix, formant un ouvrage complet et
tout nouveau sous le rapport de la partie vocale, se trouve pour la pre-
mière fois chez MM. Breitkopf et Hœrtel, à Leipzig.
» La bienveillance avec laquelle les connaisseurs accueillent cet ou-
vrage me donne lieu d'espérer qu'il ne manquera pas son effet dans le
reste du public.
» Joseph Haydn.
!) Vienne, mars 1801. »
Le Moniteur vient de donner, à la suite du remarquable rapport
de S. Exe. le comte Walewski, le texte du projet de loi relatif à la
propriété littéraire et artistique. Nous en extrayons les principaux
articles, et nous nous proposons de les examiner au point de vue du
commerce de musique, qu'on n'a aucunement distingué de celui de
la librairie, et qui deviendrait impraticable si des modifications à
cet égard n'étaient pas introduites dans le projet de loi.
Projet de loi Mur la propriété tiUérairc et arlIMique.
Art. 1". — La propriété littéraire et ar-tistique est le droit, pour les
auteurs, compositeurs et artistes ou leurs ayants cause, de disposer et
in
REVUE ET GAZETTE MUSICALK
d'user à perpétuité de leurs œuvres, conformément aux distinctions
établies dans les articles suivants.
Elle s'acquiert et se transmet par les manières énoncées dans les ar-
ticles 711 et 712 du Code Napoléon.
Art. 2. — Les auteurs, compositeurs et artistes ont le droit personnel
et exclusif de publier leurs œuvres, de les reproduire ou faire repro-
duire, de les exposer ou faire représenter en public, en employant les
procédés appropriés à chaque espèce d'ouvrages.
Art. 3. — A la mort de l'auteur, son droit est dévolu à ses héritiers,
à son conjoint ou à -ses légataires, conformément aux règles du droit
civil.
La durée des droits des héritiers, du conjoint ou des légataires, est
fixée à cinquante ans, à compter du décès de l'auteur.
La même durée est assurée aux droits que l'auteur a pu conférer,
de son vivant, à des donataires ou cessionnaires.
Art. 4.'" — A l'expiration de la période de cinquante ans fixée par l'ar-
ticle précédent, toute personne peut publier, reproduire, faire repro-
duire, exposer ou faire représenter les œuvres d'un auteur, d'un com-
positeur ou d'un artiste, à la charge de payer à ses ayants cause une
redevance prélevée sur le produit des publications ou reproductions,
sous quelque forme on par quelque procédé qu'elles aient lieu.
Art. 5. — La redevance établie par l'article précédent est fixée à 5 0/0
du prix fort de tous les exemplaires ou objets compris dans chaque édi-
tion, publication ou reproduction d'une œuvre littéraire ou artistique.
Elle est fixée sur les recettes provenant de la représentation d'œu-
vres dramatiques ou de l'exécution d'œuvres musicales, à la moitié des
droits attribués aux auteurs vivants;
Sauf le droit jjour les parties de modifier ces bases par leurs conven-
tions.
Art. 6. — Quiconque veut user de la faculté accordée par l'article 4
ci-dessus est tenu d'annoncer la publication qu'il se propose de faire,
dans la forme prescrite par l'article 26 ci-après.
Art. 7. — Au cas de mariage, le droit de propriété littéraire et ar-
tistique reste propre à l'auteur.
Art. 16. — Le compositeur d'une œuvre musicale et l'auteur des pa-
roles qui l'accompagnent ont, à moins de conventions contraires, des
droits égaux sur l'œuvre commune.
Art. 21. — Avant toute publication ou reproduction d'une œuvre lit-
téraire ou artistique, la déclaration doit en être faite, à Paris, au mi-
nistère de l'intérieur, et dans les départements, au secrétariat général
de la préfecture.
Le procès-verbal de la déclaration est inscrit sur un registre spécial.
Une expédition des procès-verbaux faits dans les départements est
transmise au ministre de l'intérieur dans les cinq jours de leur date.
Cette déclaration doit énoncer les nom, prénoms et domicile de celui
qui la fait, les nom , prénoms et domicile de l'auteur, sauf les cas où
il s'agit d'ouvrages anonymes ou pseudonymes.
Elle doit indiquer le titre ou contenir la désignation ou la description
de l'œuvre et faire connaître le procédé de publication ou de reproduc-
tion, le nombre des exemplaires ou des objets compris dans la publica-
tion ou reproduction, et enfin leur prix.
Si, postérieurement k la déclaration ci-dessus prescrite, une modifica-
tion est apportée soit au nombre, soit au prix des exemplaires, il sera
fait une nouvelle déclaration indiquant le nombre et le prix qui auront
été définitivement arrêtés.
Lorsqu'il sera fait plusieurs tirages successifs, chacun sera l'objet
d'une déclaration particulière.
Art. 22. — A défaut de déclaration de la part de l'auteur ou de ses
ayants cause, conformément à l'article précédent, ils sont non rece-
vables à exercer en justice les droits qui leur sont conférés par la pré-
sente loi.
Art. 23. — Aucun acte entre vifs, à titre onéreux ou à, titre gratuit
opérant transmission totale ou partielle, temporaire ou perpétuelle, d'une
propriété littéraire ou artistique, n'est valable à l'égard des tiers qu'après
avoir été déclaré et transcrit à Paris, au ministère de l'intérieur, et
dans les départements, au secrétariat général de la préfecture.
Art. 26. — Toute personne qui veut user de la faculté accordée par
l'article 4 ci-dessus, est tenue d'annoncer la publication qu'elle se pro-
pose de faire, par un avis inséré dans le Moniteur, dans le Journal de la
Librairie et dans un journal publié au chef-lieu du département de son
domicile.
Cet avis doit contenir l'indication de l'ouvrage, le nom de l'auteur, le
mode de publication, les nom, prénoms, profession et domicile de celui
qui se propose de faire la publication.
Il est renouvelé deux fois, de mois en mois.
Art. 36. — Les œuvres littéraires et artistiques publiées à l'étranger
profitunt des dispositions de la présente loi, à la charge, par les auteurs,
compositeurs ou artistes, de remplir les obligations qu'elles imposent, et
de se conformer aux stipulations des traité.i conclus avec la nation sur
le territoire de laquelle a eu lieu la publication.
BEVUE DES THEATRES.
Poivte-Saiint-Martiiv : Reprise de Bon Juan de Marana, drame en
cinq actes et quatorze tableaux , par M. Alexandre Dumas. —
Ambigu-Comique : l'Otage^ drame en cinq actes et six tableaux,
avec prologue, par M. Thomas Sauvage.
Les morts vont vite, dit la ballade; et cela est si vrai que nous
avons peine à égaler leur allure. Nous n'en devons pas moins une
mention très-honorable à la dernière reprise de la Porte-Saint-Mar-
lin, qui, d'ailleurs n'est sans doute pas définitivement enterrée.
Quoique Don Juan de Marana n'ait pas obtenu, lorsqu'il fut joué
en 1836, un de ces succès qui font époque, comme Antony ou la
Tour de Nesle, il n'en a pas moins laissé une trace considérable dans
les souvenirs de ses contemporains. Le grand tort de ce drame ,
qu'aucun art, quelque admirable qu'il fût, ne pouvait dissimuler, était
de venir après son homonyme, un chef-d'œuvre de Molière. Certes,
les deux Don Juan ont entre eux des différences faciles à constater.
Les événements , les personnages au milieu desquels ils existent
et agissent, ne sont pas les mêmes ; la terreur et le fantastique oc-
cupent exclusivement, chez l'un, la place qui, chez l'autre, est cédée
à la comédie; mais, au fond, le héros de Molière et celui d'Alexandre
Dumas, issus d'origines à peu près semblables, ont un air de famille
qui domine tout le reste. Don Juan de Marana, comme l'autre don
Juan, est un type achevé de tous les vices, sous un vernis d'orgueil
intrépide et de séduisante allraclion. Cuirassé d'athéisme, il ne craint
ni le ciel ni l'enfer, et il faut que les morts sortent de leurs tombes
pour qu'il s'incline terrassé devant un Dieu vengeur. Don Sandoval
est pour lui la statue du commandeur. Nous ne pousserons pas plus
loin la recherche de l'analogie ; elle est flagrante, et elle explique,
selon nous, la tiédeur de l'accueil fait, dans sa nouveauté, à la pièce
d'Alexandre Dumas.
Ce précédent redoutable n'a pas effrayé le directeur actuel de la
Porte-Saint-Martin , qui a sans doute pensé qu'en entourant Don
Juan de Marana de tout l'éclat d'une mise en scène qui lui avait
manqué en partie au temps d'Harel, il triompherait de toutes les pré-
ventions, et, en cela, nous ne pouvons que le plaindre de s'être
trompé. La pièce primitive avait pourtant subi quelques remanie-
ments, opérés avec discrétion par M. Méry, d'après l'autorisation
formelle d'Alexandre Dumas. On y avait en outre introduit des bal-
lets et du chant qui n'existaient pas autrefois. Et, à ce propos, fé-
licitons M. Amédée Arlus qui, chargé de la musique des quatre
premiers actes, s'est distingué dans l'orgie du lever de rideau
et dans le Boléro de Grenade, un merveilleux ballet dansé par
Mlle Mariquilta et par une foule de charmantes danseuses dont
les pas sont accompagnés, comme dans Guillaume Tell, par la voix
de M. John Max et par un chœur d'élèves du Conservatoire. La mu-
sique du cinquième acte, dont le fantastique rappelle celui de la
Nonne sanglante, est due à M. Debillemont, qui a su trouver d'ori-
ginales et émouvantes inspirations pour son Bal des Spectres.
Mais à quoi bon insister sur cette reprise , si ce n'est pour espérer
que le talent déployé par Mélingue et Mlle Périga, ainsi que la ma-
gnificence des décorations el des costumes n'auront pas été dépen-
sés en pure perte.,
— Il paraît qu'une loi révolutionnaire (Dieu sait le nombre des lois
et décrets édictés par la Révolution !) autorisait les représentants du
pouvoir, en cas de troubles dans un déparlement, à prendre des
otages dans les familles des ci-devant nobles, comme garantie de la
tranquillité publique. C'est sur cette loi qu'est basé l'intérêt du nou-
veau drame de l'Ambigu. Le citoyen Bergerac, envoyé en Bretagne
par le Directoire, fait la rencontre de deux jeunes personnes dans la
diligence qui part de la cour du Plat-d' Etain. L'une d'elles est
la fille du marquis de Monbarrois, forcé de fuir à l'étranger ; l'autre
est la sœ.ur de lait de la première. Bergerac, trompé par certaines
DE PARIS.
125
apparences, adresse ses vœux à la seconde, qu'il prend pour la riche
héritière des Montbarrois, et, arrivé à sa destination, il la force de
le suivre, en vertu de la loi des otages. Madeleine Morel, cédant aux
plus mauvais instincts, se garde bien de le désabuser avant de l'avoir
complètement subjugué. Ce point acquis , Bergerac et sa digne
femme s'entendent à merveille pour essayer de dérober à Octavie de
Montbarrois un trésor caché dans les caveaux de ses ancêtres; puis,
ayant échoué dans ce beau projet par suite du retour inattendu du
vieux marquis, ils prennent le parti beaucoup plus radical de faire
assassiner le père et d'empoisonner la fille. Est-il besoin de dire que,
selon l'antique usage, le crime est puni et la vertu reçoit sa récom-
pense? M. Thomas Sauvage, auteur de plusieurs bons livrets d'opéras-
comiques, nous semble moins habile à amener des péripéties drama-
tiques que des situations musicales. Néanmoins, l'Otage a réussi, et
nous avons la conviction qu'il fournira une honorable carrière.
D. A. D. SAINT- YVES.
Le défaut d'espace nous force à renvoyer au numéro prochain, le
compte rendu de la première soirée de Thalberg et celui des concerts
de la première quinzaine d'avril.
NOUVELLES.
*** Le théâtre impérial de l'Opéra a donné dimanche le Trouvère et
h Diable à quatre, dansé par Mlle Vernon et Mme Zina-Merante.— Lundi,
Guillaume Tell; le ténor Villaret, encore indisposé, a dû réclamer l'in-
dulgence du public. —Mercredi, la Muette avait rempli la s^lle. —Ven-
dredi, la Favorite et Grauosa. — Aujourd'hui dimanche, par extraor-
dinaire, la Muette.
^*^ Mardi dernier, pendant la répétition du Comte Ory, M. Borohardt,
chargé du rôle de Raimbaud, est tombé, en entrant sur la scène, frappé
par une attaque d'apoplexie. Tous les secours ont été inutiles et il a
expiré dans la soirée. Borohardt n'était âgé que de trente-cinq ans ; avant
d'entrer à l'Opéra, il s'était fait applaudir sur les principales scènes de
province.
»** Dulaurens qnitte, dii-on, l'Opéra pour faire partie de la troupe
du grand théâtre de Lyon.
**^ Un journal annonce que M. Delibes, l'auteur des Deux vieilles gardes
et autres opérettes, accompagnateur au théâtre Lyrique, passe en cette
qualité au théâtre de l'Opéra, et qu'il est remplacé au théâtre Lyrique
par M. Mangin, lauréat du Conservatoire.
»% La Patrie donnait au sujet de la construction du nouvel Opéra,
la nouvelle qu'un prêt de 12,000,000 de francs avait été proposé à l'ad-
ministration de la ville de Paris par la Compagnie immobilière, à la
condition que les travaux seraient achevés en une année.
*** La Dame blanche continue à être donnée avec grand succès au
théâtre de l'Opéra-iJomique.
**a, La partition de la Déesse et le Berger vient de trouver un acqué-
reur aussi généreux qu'imprévu dans la personne d'une dame fort riche,
qui a donné 6,C00 fr. au jeune compositeur, et qui fait graver et publier
l'œuvre à ses frais. C'est là certes un événement heureux pour M.
Duprato, et dont nous le félicitons sincèrement;seuiement,ilestf;icheux,
ainsi que le fait remarquer sensément un de nos confrères, que quel-
ques journaux, en mentionnant ce fait, aient cru devoir ajouter que le
Mécène féminin qui a surgi si inopinément vengeait ainsi le compositeur
méconnu de V indifférence des éditeurs qui, si dédaigneux hier, regretteront
aujourd'hui de l'avoir été. C'est une erreur de croire que les éditeurs ne
soient pas toujours disposés à acquérir une œuvre dont ils ont conçu une
bonne opinion, et les compositeurs ne doivent souvent les déceptions
qu'ils subissent qu'à des exigences déraisonnables. Si, comme cela pa-
rait être, M. Duprato avait, la veille de la représentation, rejeté bien
loin l'offre de ces mêmes 6,000 francs, qui lui était faite par un h<ino-
rable éditeur de Paris, sa déconvenue du lendemain n'a rien d'étou-
naut, et l'éditeur en question a dû se féliciter grandement de n'avoir
pas été pris au mot.
1^*^ La représentation au bénéfice des petits enfants Rameau a atteint
le chiffre de M ,000 francs. Peu s'en est fallu qu'elle n'allât pas à sa
destination. Un créancier du père des bénéficiaires l'avait frappée d'op-
position; mais une ordonnance de référé, rendue par te président du
tribunal Je première instance, attendu la nature alimentaire de cette
représentation, a débouté le créancier de son opposition et a autorisé
le directeur du théâtre de l'Opéra-Comique à en payer le montant net
entre les mains et sur la quittance du sieur Couvert-Rameau , adminis-
trateur et tuteur des biens de ses enfants mineurs.
,j% La représentation donnée au bénéfice de M. Ferville au Gymnase
a produit 11,280 francs. Leurs Majestés Impériales y assistaient, et quoi-
qu'elle ait fini à près de 2 heures du matin, l'Empereur n'a pas voulu
quitter sa loge avant la fin. La partie musicale était confiée à
M. et Mme Gueymard, Mme G. Grisi, Mlle Marimon, qui a fort bien
chanté, accompagnée par le violon de Sarasate, l'air du Pré aux clercs,
et A. Poultier, Sainte Foy et Eerthelier. Ferville est âgé de soixante-dix-
huit ans. Son père était directeur de théâtre et le jeune Ferville débuta,
à l'âge de douze ans, comme violoniste au théâtre Louvois. Son engage-
ment au Gymnase date de 4822.
^*,i, Nous devons rectifier par un petit erratum la note que nous avons
publiée dimanche dernier relativement au traité entre Mme Carvalho
et le théâtre de Marseille. Dans l'un des derniers paragraphes de cette
note, en parlant de « l'offre faite par M. Carvalho à M. Halanzier de
lui payer le dédit de 20,000 francs ou de lui envoyer M mes Carvalho
et Cabel au mois de mai, » on a imprimé par erreur : de mois en mois.
Erreur que l'intelligence du lecteur aura facilement redressée, et que
le paragraphe précéJent rectifiait, du reste, implicitement.
a,*,^ La clôture des Bouffes-Parisiens est toujours fixée au 30 avril. Les
Bavards sont donc forcément interrompus au milieu de leur éclatant
succès. Ainsi le veulent les traités passés avec les architectes char-
gés de la reconstruction et de l'agrandissement de la salle. Elle va
continuer d'être trop petite pour tous ceux qui voudront encore
applaudir Mme Ugalde dans un de ses rôles les plus brillants, et dire
adieu pour quelques mois â cette pléiade de comiques-bouffes dans la-
quelle on compte Pradeau, Désiré, Edouard Georges, etc.
.j,*.j, Par arrêté en date du 15 avril, M. le ministre d'État a nommé
M. Lockroy directeur du théâtre du Prince-Eugène, et M. Champlleury,
directeur du théâtre des Funambules. — Ces deux théâtres, font
partie des nouvelles constructions du boulevard des Amandiers; le
premier sera consacré au drame, à la comédie et à la tragédie.
,.*,, Nos lecteurs savent que Berlioz s'est rendu à Weimar pour pré-
sider aux répétitions de son opéra, Béatrice et Benedict, qui vient d'être
donné avec le plus grand succès. A la première représentation, où
l'étiquette interdisait les applaudissements, Berlioz a été complimenté
par LL. AA. le grand-duc et la grande-duchesse, et par la reine de
Prusse. A la seconde représentation, les applaudissements ont pris leur
revanche. Le compositeur a été rappelé après le premier et le second
acte. Les artistes de Weimar, réunis à ceux qui étaient venus de Dresde,
de Leipzig et des petites villes voisines, lui ont offert un grand souper.
Mme Milde joue avec une grâce charmante le rôle de Béatrice; dans
celui de Benedict, le ténor Knop s'est montré acteur plein de feu et musi-
cien consommé. Le rôle du maître de chapelle, Somarone, n'est pas
moins bien rendu par Sohmidt. Le nouveau trio chanté par Mmes Milde,
Podolski et Schmidt, a produit l'effet le plus heureux, et les trios de
femmes sont si rares que tout le monde a lieu de s'en féliciter. Ce qu'il
y a de plus rare encore, c'est le noble accueil dont S. A. le grand-duc
sait honorer les artistes. — Berlioz est allé à Lowenberg, invité par le
prince de HohenzoUern pour y diriger un concert, dont le prince lui-
même a composé le programme, ainsi qu'il suit : Ouverture du Roi
Lear, fragments de Bomeo et Juliette, symphonie {scène cVamuur, adagio,
fête) ; ouverture du Carnaval romain, et symphonie d'Harold.
H,** La Gazette des étrangers annonce le retour à Paris de Mlle Patti pour
le 26 de ce mois, et ajoute qu'elle a â peu près promis de donner, avant
son départ pour Londres, une représentation au théâtre italien.
^'^^ Le théâtre national de Boston vient d'être la proie d'un incendie.
C'est le sixième établissement du même genre détruit par le feu dans
cette ville. Le théâtre national avait été construit sur les ruines du
Warren theater, incendié le 22 avril 1843 et le 24 mars il périssait de
la même manière que son devancier.
,t'*,,Au Cirque Napoléon, pour la clôture, aujourd'hui 19 avril, à 2 heu-
res, concert populaire de musique classique. Programme : Symphonie
avec chœurs de Beethoven. Soli : Mmes Viardot, Simon, MM. Capoul,
Bussine. — Sélectioa d'Itendel. — Chœur de Salomon;— chœur du .Messie. —
Alléluia, air de l'opéra Alcina (Mme Viardot). — Chœur de Josué. — L'or-
chestre et les chœurs sous la direction de M. Pasdeloup.
**j. Voici le programme de la deuxième soirée de Thalberg qui aura
lieu mercredi prochain, dans les salons d'Erard. BarcaroUe : Giovanni di
Calais, de Donizetti; duo de la Flûte enchantée, de Mozart; air irlan-
dais inédit, de Thalberg; le Joueur de vielle, la Fille du Pécheur, de
Schubert; pastorale inédite de Thalberg; sonate en ré mineur, de Bee-
thoven; ballade; romance sans paroles et étude, de Thalberg; scherzo
du Songe d'une nuit d'été; fantaisie du Trovalore.
,s*,t Le chant God blcss Ihe prince of Waks ■' composé par M. Brindiey
Richards, à l'occasion du mariage du prince avec la princesse Alexandra,
a produit une grande sensation dans la principauté de Galles. A Swansea,
plus de dix raille enfants, réunis en l'honneur du mariage royal, ont
exécuté ce chœur avec autant d'âme que de puissance vocale, d'abord
126
KKVLE ET GAZETTE MUSICALK
en anglais, ensuite en gallois ; à. Merthyr, pendant les fêtes, il a été dit
par quatre mille enfants; à Carmarthen, pour la même occasion, un
corps de volontaires qui traversait la ville, Ta joué comme marche mi-
litaire, après quoi il a été chanté en chœur; le même jour, à Lancaster,
quatre mille et à Stafford cinq mille enfants l'ont dit et ont été large-
ment approvisionnés de gâteaux et d'oranges par les habitants de leurs
villes respectives.
^*^ L'éminent violoniste Jean Becker vient d'être appelé à Bordeaux
par la Société du cercle ai'tistique et philharmonique , pour un grand
concert qui aura lieu le 25 de ce mois. La lettre flatteuse adressée par
le président de la Société à M. Becker, vient confirmer brillamment les
succès obtenus par l'éminent artiste à Paris, et leur retentissement en
France et à l'étranger.
^*^ Mme Oscar Comettant donnera le 30 de ce mois, dans la salle
Herz, un concert dont le magnifique programme nous paraît de nature
à exciter au plus haut point la curiosité de tous les amis de l'art. La
gracieuse cantatrice s'est assuré le concours de MM. Tamberlick, Bon-
nehée (de l'Opéra), Alard, Félix Godefroid, Léon Jacquard et Diémer.
On y entendra également toute la phalange des illustres pianistes, exé-
cutant une œuvre d'une remarquable originalité. Cette œuvre est l'Hexa-
méron, grande fantaisie composée par Chopin, Czerny, H. Herz, Liszt,
Pixis, Thalberg, et arrangée pour six pianos concertanis par Henri
Herz. Les six variations d'écoles différentes comprises dans cet ouvrage
unique en son genre, sont distribuées entre les divers pianos, de ma-
nière à mettre en relief, et à tour de rôle, tout le talent de chaque
exécutant. L'Hexaméron sera joué par : Henri Herz (variations de Henri
Herz); G. Mathias (variations de Liszt ) ; Bernhard Rie (variations de
Czerny); W. Kruger (variations de Pixis); Ravina (variations de Chopin);
Saint-Saëns (variations de Thalberg). Le concert sera terminé par le
célèbre duo d'Otello, chanté par MM. Tamberlick et Bonnehée. On peut
dire que tout le Paris musical voudra assister à ce festival donué par
Mme Oscar Comettant, dont le talent peut se passer d'éloges.
„,*, Ernst, le grand violoniste, malheureusement toujours souffrant,
à passé cette semaine par Paris pour se rendre dans un établissement
hydrothérapique de l'Angleterre.
^*^ La foule était si considérable au concert du pianiste Henri Dom-
browski que beaucoup de personnes ont dû se retirer faute de place.
A ce!;i près, la soirée a été de tout point intéressante et variée.
M. Dombrowski a joué avec succès plusieurs de ses compositions,
notamment Toujours — Jamais ! qui a été bissée, et une fantaisie sur des
motifs nationaux polonais, qu'on a également voulu entendre deux fois.
Mlle Astieri, le violoncelliste belge, J. Desovert, et Mlle Humbert, or-
ganiste de beaucoup de talent, ont dignement secondé le bénéficiaire. .
^,*^ Samedi dernier, M. Poisot à fait entendre un trio pour piano,
violon et violoncelle à la Société des compositeurs ; ces deux ouvrages
ont été parfaitement exécutés par les deux auteurs, secondés par M. de
Cuvillon, White et Lebouc.
^*^ Mardi 21, soirée musicale donnée dans les salons d'Erard par
Mlle Sabatier-Blot, avec le concours de Mlles Jenny et Fanny Clauss,
MM. Mohr et Lavignac ; deuxième partie, le Corsaire, opérette de Mlle
Sabatier-Blot, jouée par M. et Mme Archainbaud.
„,*» Lundi 27, salle Herz, grand concert de Mlle Marie Trautmann,
déjà annoncé.
^*^ Demain lundi, salle Herz, concert de Henri Lutgen, avec le con-
cours de Mlle Simon-Corradi, de MM. Archainbaud, Magnin et A. Du-
rand.
a,*t Vendredi soir 24 avril, salons Erard, M. Eugène Ketterer don-
nera une audition de ses nouvelles fantaisies sur divers opéras. MM. le
Cieux, Durand, Mlle Louisa Barnard et Mme Archainbaud lui prêteront
leur concours.
t** Le célèbre ténor Wachtel vient de recevoir du grand-duc de
Hesse-Darmstadt la médaille en or pour les arts et les lettres.
*** La séance annoncée par le flûtiste et compositeur Gariboldi pour
l'audition de ses nouvelles compositions, aura lieu le vendredi 24 avril.
,t** Mlle Charlotte de Tiefensée, cantatrice d'origine slave, qui vient
d'obtenir d'éclatants succès à Londres, Saint-Pétersbourg et Bruxelles,
annonce pour le l*' mai, salle Herz, un brillant concert. Elle fera en-
tendre divers morceaux anciens et modernes des grands maîtres ita-
liens et allemands, ainsi que des chants nationaux en six langues diflé-
rentes.
^** Le dimanche de Pâques on a fait d'excellente musique à la ca-
thédrale de Dijon. M. l'abbé Schwach, artiste des plus distingués, a di-
rigé en maître la messe d'Adolphe Adam. L'orchestre et.les chœurs ont
parfaitement marché. On a particulièrement remarqué la jolie voix de
baryton de M. le vicomte de S. . . S. . ., qui a fait naguère les délices
de nos salons parisiens.
^*^ Un intéressant concert doit être donné le samedi 25 avril, salle
Pleyel-Wolfl", par Frédéric Brisson, avec le concours de plusieurs ar-
tistes distingués. L'éminent bénéficiaire fera entendre sur le piano et
sur l'orgue d'Alexandre plusieurs de ses nouvelles compositions, tou-
jours si recherchées par les amateurs; puis on exécutera pour la pre-
mière fois un petit opéra-comique, les liuses cillaycoises, dont les paroles
et la musique sont de Brisson. La séance commencera par l'œuvre pre-
mière d'Auber, trio, pour piano, violon et violoncelle, morceau inconnu
de nos dilettantes.
„,*« La troisième des soirées organisée à l'hôtel de Mme la baronne
de Meyendorf par Mme la comtesse Tascher de la Pagerie, a eu lieu
jeudi devant une assemblée aussi brillante que les précédentes. Mlle Po-
merani y remplaçait Mlle Mira, et la jeune néophyte italienne a reçu
l'accueil le plus flatteur. Le charmant ténor allemand Reichardt, de
passage à Paris, avait été invité à y chanter. Il a dit, en allemand, sa
ravissante mélodie, 0 belle Etoile, et une mazurka, avec une distinction
et un sentiment qui lui ont valu les applaudissements de l'aristocratique
auditoire tout entier.
^*^ A la matinée donnée pour l'audition de ses élèves (chez M. Ben-
son) par M. Bergson, on a surtout remarqué une jeune Anglaise,
Mlle Nicholson. Elle a exécuté le Concertstûck de Weber avec une verve
et une légèreté qui promettent une artiste très-remarquable. Nous espé-
rons l'entendre dans les concerts de la s'aison prochaine. Mlle J a
joué avec beaucoup de style et de charme la Rêoerie , un souvenir de
Bergson, ainsi que Mlle L. . . la Styrienne du même auteur. La sonate en
si bémol à quatre mains, de Mozart; la sonate pathétique de Beethoven, ainsi
que Vlnvitation à la valse ont mis en évidence de grandes dispositions
dans les élèves qui les exécutaient. Les exercices rhythmés, destinés à
développer le sentiment de la mesure, ont été exécutés par six élèves
(sur deux pianos) avec un ensemble parfait. M. Marcliesi a très bien
chanté l'air des Nozze di Figaro ainsi que celui du Ballo in maschera.
,*j La messe de Rome, qui a fait la réputation de son auteur, a été
interprétée le jour de Pâques dans quatorze églises cathédrales de
France. Cette grande composition de musique religieuse, l'une des plus
importantes du genre, et qui rappelle la forme des oratorios deHaendel,
est beaucoup plus connue en Allemagne, en Italie et eu Espagne que
chez nous, par la raison que nos orphéons se forment généralement
avec les seules voix d'adultes dont les timbres sont identiques, et que les
femmes, flUes et enfants adeptes de l'art choral, ne peuvent pas toujours
être incorporés en grand nombre dans les maîtrises des paroisses. Quoi
qu'il en soit, la messe de Rome est l'œuvre d'un artiste français,
M. Sain-d'Arod, maître de chapelle honoraire de l'ancienne cour de
Sardaigne, qui depuis vingt ans s'est occupé avec une activité inces-
sante de l'organisation des maîtrises dans toutes nos grandes villes , et
que l'on considère généralement, à ce titre, comme le continuateur de
l'entreprise de Cherubini et de Lesueur.
,^*,t On lit dans un journal de Londres : « M. S. R Tenby a inventé
une machine pour imprimer la musique au fur et à mesure que l'on
compose. Cette machine aurait épargné bien des fatigues à nos grands
compositeurs, puisque cet instrument, qui ressemble beaucoup à un té-
légraphe électrique à clavier, a des touches sur lesquelles le composi-
teur joue, et les notes s'impriment sur une feuille de papier que
l'on introduit dans l'instrument. Le temps, la mesure, les notes, le
mouvement, andante ou allegro, tout est marqué sur la feuille avec une
précision remarquable. »
,j*:j. La Société académique de musique sacrée, appelée à continuer
celle dirigée autrefois par le prince de la Moskowa, donnera, le ven-
dredi 24 avril, à 8 heures du soir, dans la salle Herz, son premier
concert de bienfaisance, au profit des ouvriers cotonoiers. On y enten-
dra de la musique des divers maîtres des xv", ivi^, xvii" et xvui» siè-
cles. Les soli, chœurs et orchestre seront conduits par M. Charles
Vervoitte, président-directeur de la Société. Le programme de ce con-
cert promet une soirée des plus intéressantes pour les amateurs de la
belle musique classique et religieuse, et le double but d'art et de cha-
rité que se propose la Société nous fait un devoir de la recommander
vivement à tous nos amis.
^*^ On lit dans le Guide musical, de Bruxelles : « Dans sa notice sur
l'Origine de Louis Van Beethoven, suivie du testament de l'illustre maître,
M. Edouard Gregoir prouve, par des faits et ûes dates authentiques, que
la famille Beethoven est originaire de la Hollande. Quant au testament,
c'est la première fois qu'il aura paru d'après l'original. L'espace nous
manquant pour le donner en entier, nous nous bornons à reproduire la
suscription ajoutée par Beethoven sur l'enveloppe dans laquelle le testament
était enfermé : « Heiligenstadt, 1 0 octobre 1802. — Ainsi je vous quitte
— et bien douloureusement. — Oui, ce doux espoir, — qui m'avait ac-
compagné ici, de me rétablir au moins à un certain degré, — je l'ai vu
s'évanouir tout à fait ; et de même que les feuilles tombées en automne
se sont flétries, j'ai vu mon espoir se dissiper. Tranquille comme j'étais
en arrivant ici, — je poursuis la route qui m'est tracée ; — le courage
même, — qui m'animait souvent pendant les belles journées d'été, —
a disparu. — 0 providence ! — qu'un beau jour de félicité daigne m'é-
clairer encore ! — Oh ! quand, mon Dieu, pourrai-je de nouveau l'é-
prouver dans le temple de la nature et de l'humanité ! — Jamais ! non 1
— Oh 1 le choc serait trop violent. »
^*^ Les frères Lamoury ont inauguré leurs succès de la saison en An-
gleterre, Ils avaient été engagés pour jouer au troisième concert de
souscription de la Société philharmonique de Liverpool. Les autres ar-
DE PARIS.
127
listes étaient Mme Alboni, Mlle Rosa de Ruda, M. Wehli, M. Vf. Cooper
et M. Rovere. L'ouverture de l'Etoile du Nord, magnifiquement exé-
cutée, a ouvert la séance aux applaudissements de l'auditoire ; Mlle Rosa
de Ruda a été charmante dans la scène de l'ombre de Dinorah, qu'elle
a dite et jouée avec le plus grand succès. Les frères Lamoury ont ob-
tenu l'accueil le plus flatteur et de nombreux bravos leur ont été pro-
digués après chacun de leurs morceaux.
^*^ L'inauguration des concerts Musard au Pré-Catelan a été des plus
brillantes. Aujourd'hui dimanche grande fête musicale ; programme
aussi riche que varié ; bal d'enfants sous les quinconces ; marionnettes
françaises ; musique militaire ; jeux divers ; fanfares par le bataillon de
chasseurs à pied; café et brasserie.
^*^ Stanislas Verroust, arrivé à llazebrouck, son pays natal, le 9 avril
au soir, y est mort le surlendemain. Il était professeur au Conservatoire
de Paris, et tenait la classe de hautbois depuis dix ans.
^*^ Le D' F. C. Kist, éditeur de la gazette musicale néerlandise Cae-
cilia, vient de mourir à Utrecht, dans sa soixante - septième année.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
^*:5 Londres. — Le théâtre de Sa Majesté vient à son tour d'ouvrir ses
portes pour la saison. Salle et corridors sont repeints et redorés à
neuf, et, par un procédé ingénieux, on a même su rendre aux rideaux
des loges, couleur d'ambre, jadis fameux, leur ancien lustre. Le Trovatore
avaitété choisi pour cette solennité; il était chanté parGiuglini, Santley,
Mmes Titiens et Alboni, les tètes de colonne de la troupe, toutes aussi
anciennes connaissances du public que la pièce qu'elles interprétaient,
et dont il devient inutile de répéter l'éloge. Entre le deuxième et le
troisième acte, on a exécuté une cantate de la composition de M. Cusins,
en l'honneur du mariage du prince de Galles, à laquelle l'auditoire ce-
pendant n'a paru prêter que peu d'attention. Les chœurs très-faibles
l'année dernière, semblent beaucoup améliorés, et l'orchestre, qui sous
la direction de M. Arditi, a toujours été bon, ne laisse plus rien, ou
que fort peu de chose à désirer. Cependant, pour bien les juger,
chœurs et orchestre, il nous faudra des pièces moins souvent jouées que
le Trovatore ; le programme de la saison, du reste, nous en promet en
abondance. — Mme Ferrarisafaitdeson côté avec le plus grand éclat son
début au même théâtre, dans le ballet de Diani , la Farfalelta ; la cé-
lèbre danseuse a été rappelée à plusieurs reprises, couverte de bou-
quets magnifiques, et elle a dû bisser le ballabile et les variations de
son pas principal. — Dans le concert de la Vocal-Association, dirigé avec
tant de zèle par Benedict, on a entendu et applaudi un chœur encore
inconnu à Londres de Meyerbeer, l'Amitié, et un Cantique pour voix de
basse et chœur, les paroles d'après Thomas Akeaipis , du même maître.
Ce dernier morceau surtout, et dont le solo était admirablement chanté
par M. AVein, a produit une impression profonde et doit être chanté do
nouveau au plus prochain concert de la Vocal-Assuciation.
*** Wiesbaden. — La Société Sainte-Cécile a donné son troisième con-
cert de la saison. On y a exécuté le Requiem de Cherubini ; cette ma-
gnifique composition, qui est placée, même en Allemagne, à côté du
Bequiem de Mozart, a produit un effet immense. — Wachtel est attendu
avec impatience; il y a dix ans, ce chanteur, l'un des meilleurs ténors
allemands, obtenait h peine la faveur de chanter un bout de rôle.
,j*^ Genève.— îious avons eu ici une fort bonne représentation du Pro-
phète, avec une mise cnscènevraiment magnifique. En outre, on a donné
avec plus ou moins de succès : Jean de Paris, Si j'étais roi', le Domino
noir, la Sirène et Martha. Dans le charmant opéra de M. de Flotow, a
débuté avec succès un nouveau ténor. M,
^,*,f, Turin. — Une chute qu'a faite Mme Paul Donati en s'embarras-
sant dans sa robe, à la répétition de Hohert le Diable, et dans laquelle
le bras a été contusionné, a forcé de retarder la première représenta-
tion du chef-d'œuvre de Meyerbeer, qui était annoncée pour mardi
passé, mais elle est très-prochaine.
,j*^ Amsterdam, i6 avril. — Les concerts populaires continuent à fa-
natiser toutes les classes de notre Société ; à chaque concert la salle
du Parc est trop petite pour contenir le nombre des spectateurs qui
s'y rendent; le sixième concert aura lieu le 19 avril: on y exécutera la
symphoniq militaire de Haydn, une nouvelle symphonie de Verhlilst,
un scherzo et une ouverture de Mendelssohn, plus un concerto pour vio-
loncelle, joué par M. Montigny, de Saint-Pétersbourg. —A la fin du mois,
aura lieu le dernier festival de la Société pour l'encouragement de l'art
musical, où l'on dira l'oratorio Paulus de Mendelssohn, sous la direc-
tion de Verhiilst. — L'éminent violoniste 'Wieniawki se fera entendre au
concert du Parc, le 25 avril, avant de se rendreà Londres.— Mme Graever
s'est fait entendre à la Société Félix Meriiis, où le célèbre violoncelliste
Piatti a obtenu dernièrement un succès d'enthousiasme.— On parle d'un
grand festival musical, qui sera donné pour l'inauguration du Palais de
l'Industrie, au mois de septembre prochain.
^*,„ Darmstadt. — La fermeture du théâtre de la Cour a été fixée au
27 du courant. A partir du 1^'' mai, le personnel de ce théâtre se ren-
dra à Mayence, pour y donner des représentations pendant le séjour du
grand-duc de Hesse-Darmstadt dans cette ville, chef-lieu de la H esse
rhénane.
**^ Berlin. — La représentation du Domino noir au théâtre de la Cour
a été tout un événement. Mlle Artot s'est surpassée dans le rôle d'An-
gèie, qu'elle a chanté et récité en allemand: sa prononciation, facile et
naturelle, a de légères inflexions françaises, qui lui donnent quelque
chose de piquant. Après la célèbre ronde aragonaîse, que Mlle Artot a
enlevée avec une verve et un talent d'exécution très-remarquable, toute
la salle a éclaté en bravos enthousiastes. Formés est également très-bien
dans le rôle d'Horace.
,j*,j Francfort. — Au grand festival des Sociétés pour chant d'hommes
qui doit avoir lieu ici cette année, sera exécutée la cantate de M. E.
Kuhn, organiste à Manheim, qui a obtenu le prix de 10 ducats mis
précédemment au concours.
,j*,„ Vienne. — La représentation de Don Juan par la Société italienne
du Carltheater a laissé beaucoup à désirer. Mme Lafon, qui débutait dans
le rôle de dona Anna, est toujours une éminente cantatrice : elle a
une bonne méthode et connaît toutes les ressources de son art; mais elle
a perdu un peu de la puissance et de la sonorité de sa voix. C'est Adelina
Patti qui a sauvé l'honneur de la soirée ; elle a joué et chanté le rôle
de Zerline avec une grâce, un entrain qui ont beaucoup contribué à
tempérer la mauvaise humeur du public. Tous ses morceaux lui ont été
redemandés, mais ce sont les seuls que l'on ait bissés. Applaudie et
rappelée fréquemment pendant la soirée, elle a reçu à la fin du spec-
tacle une couronne de laurier en or, sur laquelle se trouvent gravés
les noms des principaux rôles de son répertoire. — On annonce la
prochaine représentation de la Somnambule, puis la diva chantera le
rôle d'Adine, dans PElisire d'amore.
,1,*,^ Leipzig. — Au vingtième et dernier concert du Gewanahaus
on a exécuté la Nuit de If alpurgis, et la neuvième symphonie de Beetho-
ven. — Un nouvel opéra : l'Abbé de Saint-Gall, par Herther, a été re-
présenté pour la première fois, le 29 mars, au théâtre de la ville.
3,*,s Jiœnigsberg. — Sivori a donné ici un concert au théâtre de la
ville. La saile était comble; le bruit de sa réputation faisait pressentir le
succès du célèbre virtuose. Ce succès a été immense.
,*,^ Boston. — Robert le Diable vient d'obtenir un succès d'enthou-
siasme à sa reprise au théâtre Italien. Le chef-d'œuvre de Meyerbeer a
été du reste parfaitement e.xécuté : Brignoli est un excellent Robert ;
Susini s'est montré très-remarquable dans le rôle de Bertram; Mme Lorini
ne lui était pas inférieure dans le rôle d'Alice, et Mlle Cordier a fait
preuve de beaucoup de talent dans celui d'Isabelle : elle y a été ap-
plaudie autant que dans le rôle de Dinorah, qu'elle avait créé ici avec
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MUSIQUE DE
3n ©WWMWMM^^M
Opéra bouffe en deux actes.
AIRS DE CHANT DÉTACHÉS AVEC ACCOMPAGNEMENT DE PIANO
PREMIER ACTE.
2. Romance chantée par Mme Ugalde : Sans aimer, ah! peui-
on vivre ? 2 50
3. Couplets (sopr.) : Ce sont d'étranges personnages 3 »
3 Us. Daetto : Et maintenant il faut que je vous dise 5 »
4 . Air de la Bavarde : C'est bien reconnu 6 o
5. Cbanson de l'alcade : Parioui on chercherait en vain . ... 3 »
6. Bno bouffe: Quel bavard insupportable T 50
7 bis. Couplets des créanciers : Sur ma mule il trotte, il trotte. 3 »
Prix net : lO fr.
DEUXIEME ACTE.
8. Couplets (sopr.): Ouf! quel métier que d'être femme ... 3 »
10. Cbanson à boire chantée par Mme Ugalde : Chantons P Es-
pagne 4 50
10 bis. La même, transposée deux tons plus haut 4 50
10 ter. La même, transposée un ton plus haut 4 50
1 f . Causerie chantée par Mme Ugalde : Ah ! quel repas sans
égal 3 »
12. Romance: C'était pendant la mascarade 3 »
MUSARD. — Suite de Valses, arrangée pour le Piano par Desgranges, 6 fr.
Quadrille par ARBAIV pour le Piano 4 50 | Polka par IHARX. pour le Piano 4 »
WOIiPART. — Transcriptiou facile pour le Piano de la Romance et Chanson à boire, cbantées par Mme Ugalde, prix : 5 fr.
Œuvres de S. THALBERG
Op.
Op.
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Op.
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Op.
Op.
Op.
Op.
Op.
Op.
1 . Mélange sur Euryanihe
2 . Fantaisie sur un thème écossais
3. Impromptu sur le Siège de Coriiithe..
U. Douze caprices en forme de valse....
9. Grande fantaisie sur (o SIraniera.,..
10. Grande fantaisie sur / Capuletti... . .
lit'. Grande fantaisie sur Don Juan
15. Premier caprice
18. Premier divertissement sur les Soi-
rées musicales de Rossini
18 Deuxifeme caprice
21 . Trois nocturnes
22 . Grande fantaisie
27. Fantaisie sur God save the Queen...
29 et 30. Lieder, transcrits pour piano
par Czerny. 2 suites.
N°' 1. Les Adieux, les Tourments d'amour
du voyageur
2. Les Plaintes de la fiancée du chas-
seur, le Songe, la Femme malheu-
reuse
31 . Scherzo
32. Andante
33. Fantaisie sur la prière de Mdise.,..
34. Divertissement sur la Gipsy
35 . Le Trémolo, grand nocturne
7 50
7 50
9 »
7 50
7 50
7 50
Op. 36.
Op. 37.
Op. 38.
Op. 39.
Op. 40.
Op. 41.
Op. 42.
Op. 43.
Op 45.
Op. 47.
Op. 49.
Op 51.
Op. 51
Op. 52.
Op. 56.
Op. 57.
Étude en la mineur
Grande fantaisie sur Oberon
Romance et étude
Souvenirs de Beethoven, fantaisie. . .
Fantaisie sur la Donna del Lago...
Trois romances sans paroi s
Grande fantaisie sur la sérénade et
le menuet de Don Juan
Fantaisie sur les Huguenots
Thème et étude en la mineur
Grandes valses brillantes
Fantaisie sur Béatrice di Tenda
Grande fantaisie sur Sémiramis :
bis. Nocturne
Grande fantaisie sur la tarentelle de
la Muette de Portici
Grande sonate en quatre parties. . . . !
Chaque partie séparément :
1 . Allegro
2 . Scherzo pastorale
3 . Andante ...
4 . Finale agitato
Décaméron musical. Dix morceaux
de piano servant d'école prépara-
toire à l'étude de ses grandes com-
positions :
N°' 1 . Les Puritains
2. Le Freyschiits
4 . La Norma
5 . Mélodies de Schubert
6. La Gasza ladra
7. La Cenerenlola. .:
8 . Anna Bolena
9. Le Prophète
10. Airs irlandais
Op. 58. Apothéose, grande fantaisie sur la
marche triomphale de Berlioz
Op . 59 . Marche funèbre variée
Op. 63. Fantaisie sur le .Borfct'eî' deSèuille..
Op. 65. Souvenir de Pesth, air hongrois
Adagio et rondo de concert, extraits de son
concerto
Felice donsella, romance italienne de J . Des-
sauer, transcrite
Mi manca la voce, do Moise
Six romances sans paroles,!" recueil
Six romances sans paroles, 2" recueil
Romance sans paroles
Romance variée sans paroles
La Romanesca, transcrite pour le piano
Souvenir de Venise, romance sans paroles...
7 50
7 50
7 50
7 50
7 50
7 50
10 »
7 50
4 50
4 50
PABIS. — iniPRini£RlE CENTRAI
, nUE BERGE RE,
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, I.
30« Année.
OH S'ABONNE 1
Dons lea Départements et à rÉïranger, chez tous
les Uarchands de Musique, les Libraires, et aux
pureaux des Messageries et des Postes.
No 17.
REVUE
26 Avril 1863.
PRIX DE VABOMNEMENT :
Paris ■ 24rr.pnrttl
Départements, Belgique et Suisse.... 30 « ià.
Étranger 34 >• id.
le Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
IVos abonnés reçoivent, avec le numéro d'anjonrd'buï,
le quadrille composé par Abxsjlx sur le» Bavarda,
dernier opéra de <*. Offenbacta.
SOMMAIRE. — Sigismond Thalberg, par Adolplie Botte. — Auditions musi-
cales, par le même. — Concerts populaires de musique classique. — Nécrolo-
gie: Stanislas Verroust, par A. Elwart. — Coiiespondances. — Nouvelles
et annonces.
SIGISIOliD THÂIBEHG.
Première séance te 4S avril.
Dans l'histoire du piano , moderne , les noms de Beethoven, de
Weber et de Mendelssohn tiennent une place immense . Ce n'est pas
la faute de ces grands hommes si l'instrument n'a parfois servi qu'à
répandre le goût de la vulgarité harmonique , et celui de certaines
sonorités, que tous les connaisseurs méprisent dès qu'elles ne servent
plus à faire valoir une pensée vraiment musicale ; ce n'est pas la
faute de Beethoven, par exemple, si après nous avoir laissé, entre
autres chefs-d'œuvre, la sonate en ut dièse mineur , nous n'avons
pas mieux senti que la puissance, l'effet, l'intérêt dramatique, la
magnificence jaillissaient, nous ne dirons pas de la simplicité de
l'harmonie, mais de la beauté de la mélodie et de la sobriété des
traits. Entre Thalberg et ces trois génies (considérés seulement ici,
bien entendu, comme créateurs de nouvelles formes dans la musique
de piano), l'affinité est très-grande; d'autant plus grande aujourd'hui
que, dans son Art du chant appliqué au piano et dans ses Soirées
de Pausilippe, le célèbre artiste délaisse un peu les grandes masses
d'arpèges, de gammes, d'accords plaqués ; qu'il renonce à toute vo-
lubilité et ambitionne surtout de plaire par le charme des mélodies .
En abandonnant les amples broderies, les longs et sonores déve-
loppements, Thalberg n'a-t-il rien perdu de son originalité? Nous
n'oserions l'affirmer. Mais il n'en est pas moins vrai que Thalberg
est resté un grand maître par la richesse de sa facture, par les tour-
nures savamment compliquées qu'il sait donner à tous les traits du
piano, par l'art exquis d'embellir toute phrase mélodique, fût-elle
insignifiante, plutôt que par la franchise et le naturel des idées. Le
piano tel qu'il l'a fait ne laisse jamais apercevoir aucun vide et rap-
pelle l'orchestre : les dessins, les parties accumulées, les notes pres-
sées et touffues expriment plusieurs choses à la fois, et demandent.
pour se détacher nettement et ne pas tomber dans la confusion, une
intelligence musicale et un mécanisme exceptionnels. La miniature
n'est pas son fait. En musique elle demande des qualités entière-
ment opposées à celles qui lui valurent ses plus beaux succès. Le
vrai domaine de Thalberg, là où il excelle, où il est incomparable,
nous ne craignons pas de le dire, c'est dans la magnificence des for-
mes, dans l'alliance des rhythmes, des sonorités, dans l'enchevêtre-
ment des motifs; en un mot, c'est dans la grande fantaisie. Là , il
possède des ressources incroyables; les thèmes semblent inépuisables.
L'intérêt mélodique n'est pas tout à la main dioite, l'iniérêt harmo-
nique à la main gauche ; l'une ne chante pas mieux que l'autre ,
toutes deux également concourent à l'effet général , toutes deux
rappellent la sévérité du quatuor : le plus souvent, en effet, quatre
parties réelles se font entendre et offrent toutes les variétés du style
symphonique.
On a pu s'en convaincre en écoutant son beau morceau sur la
Sonnambula. Les motifs marchent si nettement et si harmonieuse-
ment côte à côte; ils sont mêlés les uns aux autres avec tant d'ha-
bileté, quoique brisés à chaque instant par le caprice du composi-
teur; ils rappellent si éloquemment les accents dramatiques applaudis
à la scène, que traiter et disposer ainsi des chants choisis dans une
partition, c'est vraiment créer. Malgré la transformation qu'annoncent
les dernières œuvres de Thalberg, elles ont fait grand plaisir. Quoi-
que très-courte, l'Elude en octaves liées est pleine de charme et de
distinction. Ces octaves ont une douceur et une mollesse auxquelles
leurs bouillantes sœurs, nous voulons dire les octaves détachées, vi-
goureuses et rapides, ne nous ont guère habitué. Cette étude, essen-
tiellement chantante et expressive, est plutôt propre à faire briller
l'élégance et la délicatesse du style des exécutants que la souplesse
et l'infaligabilité de leurs poignets. Plus développé, sinon plus mélo-
dique et plus original, le morceau intitulé le Trille est rempU de
contrastes et de passages gracieux. Tantôt aimable et vif, tantôt
brillant et suave, toujours richement harmonisé et abondant en
rhythmes coquets et voluptueux, il a ravi l'auditoire, qui l'a rede-
mandé. .Mais, au lieu de le redire, Thalberg, qui est passé maître dans
l'art des gradations , a joué la Ballade, qui, l'année dernière, obtint
de si enthousiastes bravos et qui, par la façon dont les idées sont
traitées, nous semble supérieure au Trille. Un Andanlino et une ra-
vissante Tarentelle extraites des Soirées du Pausilippe ont été dits
d'une façon vraiment enchanteresse ; mais rien ne peut donner une
idée de la noblesse, de l'éloquence, du charme irrésistible que Thal-
berg a fait admirer en jouant la Marche funèbre de Chopin et deux
romances sans paroles de Mendelssohn : la Pileuse et le n° 1 de
130
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
l'op. 19, simple, large et magnifique andante. Les deux Etudes
de Moschelès étaient dignes d'être entendues à côté de ces belles
inspirations. Moschelès est un musicien d'une grande valeur ; il est
fort estimé des pianistes qui savent le jouer et le comprendre. Il a
semé dans ses deux études — c'est une louange que tout le monde
lui a donnée l'autre soir — mille choses délicates, vives et expres-
sives.
Parmi les maîtres illustres interprétés par Thalberg, Beethoven est
celui qui a fait éprouver les plus fortes émotions. Mais aussi , dans
l'Adélaïde et dans la sonate en ut dièse mineur, quelles qualités
merveilleuses, quelle poésie, quelle élévation !
Les exécutants comme Thalberg ne connaissent ni inégalités ni
défaillances: aussi l'exécution du célèbre pianiste a-t-elle été cons-
tamment magnifique et d"une pureté admirable. Ce qui, cette année
encore, a frappé la foule élégante réunie dans les salons Erard, c'est
l'accent vivant, le sentiment qui sait s'approprier tous les styles, le
ton soutenu et l'unité qu'on retrouve toujours dans le jeu de l'émi-
nent artiste ; c'est surtout la puissance, la variété et la beauté du
son. Sous ce rapport principalement, nous ne connaissons aucun grand
virtuose qui puisse égaler Thalberg.
Seconde séance, le 22 avril.
Entre autres belles choses, on a entendu à la seconde séance, qui
a été magnifique aussi, deux morceaux inédits. Pastorale et Airs ir-
landais. Ces nouvelles compositions ont été plus chaleureusement
accueillies que deux petites pièces de l'Art du chant, le Joueur de
vielle et la Fille du pécheur. Il ne faut pas s'en étonner : car ces
courtes, simples, gracieuses et touchantes mélodies vocales, quoi-
qu'elles soient habilement transcrites, ne laissent pas assez de place
aux riches et puissants effets que l'on s'attend et que l'on aime à re-
trouver dans le jeu de Thalberg. Avec l'éminent pianiste (et nous ne
saurions malheureusement en dire autant de tous ses imitateurs), on
a d'autant plus raison de tenir à la belle sonorité, au brio des traits,
aux larges et amples combinaisons que, dans ses grandes pages, le
style et le mérite de la composition attachent, touchent et charment,
que sa façon saisissante, originale et inattendue de traiter les mélo-
dies et de moduler, donne à l'ensemble une plénitude, une variété,
un éclat auxquels il est impossible de ne pas applaudir.
La variation et la péroraison des Airs irlandais ont produit une
vive impression ; mais c'est surtout dans la Pastorale que Thalberg a
su montrer le plus de distinction, d'élégance et de souffle. Au milieu
de notes touffues, de passages éclatants, de merveilleux staccati, il y
a dans ce morceau des modulations qui, tout h coup, éclairent la
phrase mélodique et font briller les plus douces et les plus vives
couleurs de l'harmonie. Ici cependant la couleur n'est pas toute dans
jes parties accompagnantes; elle est aussi dans celte partie qui res-
tera principale, malgré tous les sophismes et toutes les subtilités
d'écoles intéressées à lui contester la prééminence; elle est dans
l'idée mère, autour de laquelle rayonnent de si ravissants et si pi-
quants détails ; elle y est chaude, brillante et distribuée avec un art
que nous ne saurions assez louer. Cette pastorale ne porte pas un de
ces titres trompeurs faits pour dépayser l'auditeur : c'est bien une
églogue, quelque peu dramatique il est vrai, mais où l'on respire la
fraîcheur, la grâce et l'énergie d'une pensée tantôt douce, tantôt vi-
goureuse, et toujours pleine de saveur et de mâle simplicité. Elle a
enchanté et ravi tout le monde.
Comme tous les grands virtuoses qui sont en même temps de
grands musiciens, Thalberg joue admirablement les œuvres de Beet-
hoven. Il a dit la sonate en ré mineur avec une expression et une
hauteur de style bien rares. Après sa Ballade; après une très-bril-
lante fantaisie sur Jl Trovatore; un délicieux scherzo du Songe d'une
nuit d'été, de Mendelssohn ; après sa mélodieuse et charmante lio-
mance sans paroles; enfin après son étude en la mineur (celle à
trois temps), page justement populaire et classée depuis longtemps
parmi celles où Thalberg s'est montré le mieux inspiré et le plus
attachant, de longs, sincères et enthousiastes bravos ont éclaté de
toutes parts.
Ainsi qu'à la première séance, le célèbre pianiste a constamment
tenu son auditoire sous le charme d'une exécution qui, si elle est,
comme on l'a tant répété, entraînanle et foudroyante dans les gammes,
dans les octaves et dans la complication de parties savamment intri-
guées, est aussi, au besoin, sobre, touchante, pathétique, et reste
toujours, quelle que soit la différence des styles, d'une pureté admi-
rable.
Adolphe BOTTE.
AUDITIONS MUSICALES.
A. Besnems. — liéopold Dancla. — Richard Hamiuer. —
mie lUarie Colin. — BlIIw liOulse Murer. — M. Goldner.
— Ferdinand Ncboen. — Nablch. — Charles lieboac. —
aime Béguin Sialomon.— Edmond Hocmelle.— Edouard
Colonne. — dosepU Teleefnsbl.
Nous le répétons chaque année, M. A. Bessems est un violoniste
sérieux et charmant tout à la fois. L'autre soir, dans les salons
Erard, secondé par Mme Verdavainne, pianiste qui a le sentiment
des beautés classiques, il a dit d'une manière remarquable un air
varié et un trio de Mozart. Il s'est fait vivement applaudir aussi
comme compositeur. Sa jolie fantaisie sur Lucie, ses Souvenirs de
J. J. Rousseau, et surtout ses deux fraîches mélodies, Dolorès et
Sérénade, joués avec autant de simplicité et de justesse que d'ex-
pression et d'élégance, ont été très-sympathiquement accueillis.
— M. Léopold Dancla, lui aussi, est un violoniste compositeur bien
connu. Sa mélodie religieuse et sa sérénade villageoise ont fait grand
plaisir. Elles ont été applaudies presque autant, et c'est dire beau-
coup, que la symphonie concertante de Charles Dancla, que la fan-
taisie sur des motifs de la Favorite, jouée et composée par Mohr,
et que plusieurs morceaux chantés par Mme Léopold Dancla et M. Ar-
chainbaud, morceaux parmi lesquels nous citerons la chanson de la
Mule de Pedro, de Victor Massé, le Sommeil de l'enfant, d'Alfred
Mutel.
— Puisque nous en sommes aux violonistes compositeurs, disons
que la soirée de M. Richard Hammer a été très-brillante. Cei artiste,
extrêmement "sympathique, a charmé son auditoire en exécutant avec
MM. Krûger et Rignault de belles pages de Mozart et de Beethoven ;
puis sa fantaisie sur II Trovatore et sa Berceuse. M. Krûger a fait
éprouver un vif plaisir, et de chaleureux bravos le lui ont prouvé.
Dans la sérénade de Slradella, transcrite par lui, et dans son caprice
sur Guillaume Tell, il a montré, est-il besoin de le dire ? toutes les
qualités nécessaires à un brillant soliste.
— Mlle Marie Colin est une jeune pianiste au jeu net, élégant et
distingué. Soutenue par Alard et Jacquard, elle a dit un mélodieux
trio de Humrael, les variations et le finale de la sonate dédiée à
Kreutzer. Ces pages, de même que le scherzo de Chopin et la Danse
des Fées d'Emile Prudent , ont été interprétées avec beaucoup de
charme et de fini. Mlle Marie Colin a été vivement applaudie, même
comme compositeur. Ces trois petits morceaux sont élégants, bien
tournés et propres à' développer le sentiment musical des élèves et à
faire valoir leur exécution.
— Nous venons de citer la ravissante Danse des Fées; elle nous
rappelle un autre joU concert donné, salle Herz, par une bonne
élève d'Emile Prudent, Mlle Louise Murer, dont jusqu'ici nous n'a-
DE PARIS.
131
vons pu constater le succès. La charmante artiste a joué avec un
style excellent des pages de son maître, entre autres le Ruisseau et
le Chant d'Ariel ; puis des petits chefs-d'œuvre de Beethoven et de
itfendelssohn. Mme Morel -Scott, qui a fait de grands progrès depuis
qu'on l'avait entendue ici, a fort bien chanté à cette soirée un air
des Noces de Figaro et Sanla Lucia de Braga. Elle a été fort ap-
plaudie, et c'était justice.
— M. W. Goldner écrit très-purement, et il serait à souhaiter que
tous les jeunes musiciens pussent montrer le savoir et la distinction
de pensées qui brillent dans la Sérénade, dans une très-jolie valse
et dans la Sonate pour piano et violon dédiée à Rossini. Toutes ses
compositions ont valu à M. Goldner un double et sincère succès. Ce
qui a donné à ce succès une valeur toute particulière, c'est que l'au-
teur a mis dans ses morceaux, non plus ces gammes ei ces arpèges
qui ne disent rien, mais un fond mélodique et une richesse harmoni-
que qui charment les véritables connaisseurs .
— Comme exécutant, M. Ferdinand Schœn possède beaucoup d'habi-
leté et de souplesse. Avec M. White, jeune violoniste qui a le privi-
lège d'exciter partout de vives sympathies, il a fort bien exécuté une
sonate de Beethoven. Ensuite, il a fait entendre, avec accompagne-
ment de double quatuor, sa jolie fantaisie sur des motifs de Sainte-
Claire, opéra du duc de Saxe-Cobourg-Gotha, une Berceuse et une
Mazurka. Dans ces deux dernières pièces l'individualité du jeune
pianiste se dessine, et l'on voit aisément qu'il se dirige vers la
bonne voie.
— Dans le solo, le trombone est un instrument presque impossible
et très-ingrat ; mais avec M. Nabich il a des sons délicieux et sua-
ves : le monstre est muselé, il fait patte de velours, il a des in-
flexions caressantes; il est doux, souple, expressif et chante d'une
façon ravissante. Lui qui tonne si bien, qui est parfois si terrible à
l'orchestre, il s'est prêté, l'autre soir, dans un concerto de David,
dans un solo de Nabich et dans une romance d'Abt, à une variété
d'effets, à une grâce de style dont on ne l'aurait guère cru capable.
Le succès de M. Nabich a été complet. On a beaucoup fêté aussi
Mme Szarvady, MM. Maurin et Chevillard. Le quintette de Schumann
et une sonate de Mozart ont été dits par ces artistes éminents d'une
façon qui leur appartient et que nous pouvons louer sans réserve.
— Pour toucher, pour émouvoir, pour atteindre le but que se pro-
posent tous les instrumentistes, il ne suffit pas d'être habile à toutes
les difficultés du mécanisme. M. Lebouc , par exemple, n'est pas,
comme on dit, plus fort que bien d'autres violoncellistes ; mais , de
plus que quelques-uns , il sait faire chanter son instrument : aussi
a-t-il conquis depuis longtemps les suffrages du public. Lundi, dans
les salons Pleyel-Wolff, après un quatuor de Weber, un trio de
M. Adolphe Blanc, dont l'andante surtout a fait plaisir, et un caprice
de B. Romberg sur des airs nationaux suédois, M. Lebouc a été très-
chaleureusement applaudi .
Mme Marie Damoreau-Wekerlin a délicieusement chanté et vocalisé
l'air de la Muette. Elle a orné d'exquises broderies plusieurs mor-
ceaux, et notamment un duo d'Agnès, de Paer, et l'Oiseau, de Lach-
ner. Cette fois, nous n'étions plus, Dieu merci, dans cette voie de
l'exagération et du faux qui continue d'effrayer les amateurs et tous
ceux qui se préoccupent un peu sérieusement de l'art du chant.
— Mme Beguin-Salomon avait groupé autour d'elle, dans les salons
Erard, les talents aimés de MM. White et Brunet. Elle a ouvert sa
séance par un quatuor de Beethoven ; puis elle a dit seule, et par-
faitement, le Chant de la fileuse, de Litolff, une étude de sa compo-
sition, écrite pour la main gauche, et deux belles, bonnes et inté-
ressantes études de Mme Farrenc ; enfin, avec M. Lebouc, un très-
beau duo de cet excellent violoncelliste sur des mélodies de Gluck .
— La matinée offerte jeudi à la jeunesse par M. Edmond Hoc-
melle était vraiment tout à fait charmante ; quantité et qualité, rien
n'y a manqué. Outre Edmond Hocmelle, qui a très-bien joué sur
l'orgue d'élégantes pièces de sa composition , Mmes Méric-Lalande,
Nina Gaillard et M. Hugo Hermann se sont distingués en interprétant
plusieurs morceaux d'Aimé Maillart, da Henri Her^ et de Nieder-
meyer. A la partie musicale, dans laquelle M. Aurèle, des Variétés, a
fait un plaisir infini, en disant deux chansonnettes de très-bon goût,
a succédé un spirituel et fin proverbe de Mme la comtesse Leroux
de Mouzay ; puis une jolie saynette villageoise. Mais ce n'est pas tout:
prestige, somnambulisme et spiritisme étaient encore de la fête.
Mme Julia Girrood, surnommée la fée sensitive, a vivement impres-
sionné l'auditoire. La charmante fée a-t-elle dissipé tous les doutes,
at-elle fait taire les incrédules et les a-t elle désarmés ? Nous sommes
loin de le prétendre. , D'ailleurs cela nous entraînerait vers un ordre
d'idées qui doit être laissé à la science et qui demande une étude
approfondie. Moins que tout autre, nous ne voudrions y toucher. Tout
ce que nous pouvons dire, c'est que les spectateurs ont passé quel-
ques moments extrêmement agréables. Tous les jours, dans le monde
musical, on constate tant de succès que nous ne pouvons ni mieux
comprendre ni mieux expliquer, que nous ne voyons pas pourquoi
nous ne constaterions pas celui de M. et de Mme Girrood.
— Le trio de M. Emile Albert, exécuté au concert de M. Ed. Co-
lonne, manque de proportions; certaines parties sont beaucoup trop
concises, et cet ouvrage est plutôt une fantaisie pour piano, accom-
pagnée par un violon et par un violoncelle, qu'un véritable trio.
Malgré cela, par le charme de certaines mélodies, par l'élégance de
certains détails, il n'en reste pas moins une œuvre estimable qui, si
elle n'atteste pas un commerce très-suivi avec les modèles les plus
parfaits, annonce cependant le désir de s'élever au-dessus des produc-
tions frivoles. Un concerto de Viotti, accompagné par un bon petit
orchestre, n été le grand succès de la soirée. M. Edouard Colonne a
exécuté ce concerto avec un grand charme d'expression, sinon avec
une grande vigueur de style, et a été très favorablement accueilli.
La jolie voix, la distinction, la sûreté d'intonation déployées par
Mme Oscar Comettant dans l'air de Lalla-Rouhk et dans 11 Bacio,
ont fait éclater d'unanimes bravos.
— Aujourd'hui les virtuoses, même ceux de second ordre, s'ap-
pliquent à rendre les beautés sévères et vigoureuses de l'école al-
lemande; ils sortent enfin du morceau de concert, qui, on le sait,
ne fut trop souvent qu'un mélange peu harmonieux et peu remar-
quable des thèmes à la mode. A son concert, donné salle Herz,
M. Joseph Telesinski a fait entendre un quintette de Beethoven, dont
le talent de MM. Camille Saint -Saens, Castaigner, Grisez, Mohr et
Espaignet a parfaitement su faire saillir les beautés, et un quatuor
de Mendelssohn. La Polonaise de J. Moniuszko, pour trois violoncelles,
alto et contre-basse, dite d'une façon extrêmement remarquable par
MM. Lasserre, Guéroult, Thalgrun, Deslandres et Telesinski, était di-
gne d'être applaudie à côté des grandes et ravissantes pages des
maîtres allemands. A en juger par ce que nous avons entendu de
J. Moniuszko, l'école polonaise, que l'on ne connaît guère que par
Chopin, conserve une fraîcheur, un accent ému et sincère, une poésie
qui éclipsent entièrement cet art de convention, ces formes glacées
que tout le monde peut apprendre, et avec lesquelles on espère, bien
à tort, remplacer la vie et l'inspiration. Cette polonaise est fille de
l'imagination et du savoir; elle n'a rien de commun avec ces choses
froides et inanimées écrites d'une façon où il n'y a rien à reprendre,
si ce n'est pourtant l'absence complète de couleur, de signification et
. d'originalité. Après ces hautes et charmantes conceptions, oîi les exé-
cutants se sont élevés au niveau de leur admirable texte, M. J. Te-
lesinski a joué les fantaisies de son maître sur la Muette et sur le
Désir, de Beethoven. Il les a jouées toutes deux avec la justesse, la
sensibilité, l'élan et la largeur qui caractérisent l'école d'Alard.
Adolphe BOTTE.
132
KEVUE ET GAZETTE MUSICALK
CONCERTS POPULAIRES DE MUSIQUE CLASSIQUE.
Les deux derniers concerts du Cirque Napoléon, celui du vendredi
saint et celui de dimanche, dans lequel on a exécuté la symphonie
avec chœurs, ont été parliculièrement remarquables. Il faut recon-
naître et constater que M. Pasdeloup n'a rien voulu laisser à faire de
ce qui pouvait être fait. Il a ouvert à l'élément choral la vaste en-
ceinte dans laquelle il avait déjà établi l'orchestre, et tout d'abord
il l'a posé sur des bases assez larges pour qu'il n'y eût pas moyen de
demander plus ou mieux. Cinq cents voix choisies parmi les meil-
leures du Conservatoire, des théâtres lyriques et des sociétés cho-
rales, forment un effectif de valeur et de force imposantes, dont l'en-
semble produit d'admirables effets.
La symphonie avec chœurs de Beethoven était désignée pour la
conclusion de ce pacte d'alliance entre les instruments et les voix.
M. Pasdeloup a eu raison de réserver jusqu'ici cette symphonie im-
mense et de ne l'aborder qu'avec la certitude de prouver qu'il n'y a
rien pour lui d'inabordable : nil intentatum. Nous qui ne nous
flattons pas encore de tout comprendre dans une production oi; il y
a certainement quelque chose de surhumain, nous avons fait des
progrès en écoutant l'interprétation que le chef en a dictée, inspi-
rée, commandée à son orchestre et à ses chanteurs. Et nous n'avons
pas été les seuls, si nous en jugeons par le recueillement profond,
entrecoupé de bravos enthousiastes, dans lequel l'assemblée entière a
écouté une œuvre qui ne dure pas moins d'une heure et demie.
Mmes Viardot et Simon, MM. Bussine et Capoul étaient chargés
des soli, que, suivant son habitude et son génie, le maître n'a pas
gâtés de ses faveurs. Les quatre artistes ne sont placés là que comme
des têtes de colonne, obligés de tenir plus ferme que les autres et
marcher au feu les premiers. Ils nous rappellent le prince de Lig-ne
gravissant une pente escarpée, et disant à ses grenadiers : « Savez-
vous bien que s'il n'y avait pas de coups de fusil à gagner, la po-
sition ne serait pas tenable- » Malgré ces difficultés, malgré ces
périls, la quatrième partie de la symphonie n'a pas été moins victo-
rieusement enlevée que les trois premières, et nous n'avons qu'un
glorieux bulletin à rédiger.
Dans le choix {sélection) des morceaux de Haendel , qui venaient
après le Leviathan de Beethoven, les choristes ont remporté encore
des avantages signalés. Un chœur de Salomon a paru si charmant,
si curieux dans sa juvénile vieillesse, qu'il a été redemandé et répété.
Même honneur revenait à l'air à'Alcina, chanté par Mme Viardot
avec ce sentiment de grande artiste qui fait que rien de ce qui
tient au beau et au vrai ne lui est étranger. C'est un triomphe de
plus à inscrire sur sa liste, si toutefois il y reste une place vide, et
nous en doutons beaucoup.
P. S.
NECROLOGIE.
SVAIVISI/AS VERROVIST.
Cet artiste est du nombre de ceux à qui la fortune ne refusa rien
dès le début de leur carrière, mais dont le caractère ne fut pas à la
hauteur de leur talent. C'est à cette cause qu'il faut attribuer le fatal
ostracisme qui, pendant les dix dernières années de sa vie, l'a suc-
cessivement privé de la plupart des fonctions auxquelles il avait été
Né à Hazebrouck (Nord), le 10 mai 1814, Stanislas Verroust mon-
t)'a dès son enfance les plus heureuses dispositions pour la mu-
sique. Enfant de chœur de l'église de sa ville natale, il s'y fit re-
marquer par l'expression avec laquelle il chantait les petits solos qui
lui étaient confiés.
Lorsque l'âge de choisir un état fut arrivé, il se décida à continuer
plus sérieusement ses études musicales, et il se voua, non pas à un
seul instrument, mais à plusieurs d'un genre différent. Stanislas Ver-
roust jouait avec habileté du violon, de l'alto, de la flûte, grande et
petite, du hautbois, du cor anglais et de la musette. En 1831 il vint
à Paris, fut admis au Conservatoire dans la classe de .M. Vogt, et entra
vers la même époque à l'orchestre du théâtre du Palais-Royal, en
qualité de second violon. Ses aptitudes variées le rendirent cher à ses
nouveaux camarades qui, sous le moindre prétexte, obtenaient, grâce
à lui, un congé de leur chef d'orchestre, le bon et original Hus-
Desforges.
S. peine admis au Conservatoire, il y remporta l'un des plus bril-
lants premiers prix de hautbois qui aient illustré l'enseignement de
M. Vogt. Le Gymnase musical militaire le compta bientôt parmi ses
plus habiles professeurs. Après avoir fait successivement partie des
orchestres de la Porte-Saint-Martin, du théâtre de la Renaissance et de
l'opéra Italien, Stanislas Verroust fut admis enfin à celui de l'Acadé-
mie royale de musique. Lors de la retraite de son éminent profes-
seur, Stanislas Verroust eut l'honneur de lui succéder dans tous ses
emplois ; il fut donc nommé premier hautbois de l'Opéra, de la mu-
sique du roi Louis-Philippe et de la Société des concerts.
Il lui succéda aussi comme professeur au Conservatoire.
Après la révolution de 1848, la garde nationale parisienne ayant
été réorganisée, Stanislas Verroust fut nommé chef de musique
d'une de ses subdivisions. Doué d'une imagination très ■ vive,
il devinait plutôt qu'il n'apprenait, surtout en ce qui touche la
composition musicale. Celui qui écrit ces lignes a eu l'honneur de
lui enseigner l'harmonie, et ses progrès furent aussi prompts que
brillants. Le nombre de ses œuvres et arrangements est considé-
rable ; les excellents élèves qu'il a formés au Gymnase musical et au
Conservatoire comptent parmi eux de véritables virtuoses.
Atteint depuis plusieurs années d'une atonie générale , Stanislas
Verroust s'était rendu le 5 avril courant dans son pays pour y cher-
cher un adoucissement à ses maux ; mais à peine avait-il touché le
sol natal qu'il s'y est éteint. Ses obsèques ont eu lieu le 11 avril
1863, à Hazebrouck. Comme virtuose et hautboïste, Stanislas Verroust
était le premier de l'Europe; et quel que soit le mérite de ses rivaux,
aucun d'eux ne pourra le faire oublier, car il réunissait à la beauté
du son, la grâce, le style, l'expression et une sûreté d'exécution ex-
traordinaire.
A. ELWART.
CORRESPONDANCE.
Paris, 22 août 1863.
Monsieur le Directeur,
M. Pasdeloup s'étaut servi de votre journal pour répondre à un ar-
ticle de la France musicale, sur Pavant-dernier concert au Cirque Na-
poléon, permettez-moi de lui faire parvenir ma réponse par la même
voie.
J'ai dit et je soutiens que M. Pasdeloup, ayant fait exécuter un frag-
ment de l'oratorio de Haydn, le Sette ultime parole, par son orchestre
seul, quand il pouvait disposer de 500 choristes, avait commis, au point
de vue de l'art, un véritable sacrilège. M. Pasdeloup, pour combattre
mon opinion, m'oppose une lettre de Haydn de 1801. Eh bien ! c'est dans
cette lettre même que je vais puiser sa condamnation.
Si le chef d'orchestre des concerts populaires de musique classique
ne connaît ce document que d'hier, i'ai l'avantage sur lui de le connaître
depuis plus de vingt ans, car je l'ai publié en 1340 dans la France mu-
sicale, et je crois en avoir été le premier traducteur.
Que dit cette lettre?
Elle constate : 1 " que l'oratorio de Haydn a été écrit pour une cathé-
drale de Cadix qui manquait du principal élément pour l'exécution
d'une œuvre de ce genre, le chant, ce qui fait dire à Haydn qu'on avait
assigné des bornes à sa composition ;
2° Que, pour remplacer le chant, l'évêque montait en chaire et pro-
nonçait une des sept paroles dont il faisait le texte de son instruction ;
DE PARIS.
133
3° Que, plus tard, Haydn ajouta des chcsurs aux Sept paroles du Sau-
veur sur la croix, pour former un ouvrage cmnplet, et c'est ainsi que
l'oratorio a paru chez MM. Haertel et Breitkopf, à Leipzig.
C'est donc un morceau incomplet des Sette ultime parole que nous a fait
entendre M. Pasdeloup; et puisque, pour remplacer le cbant, il n'a pas
eu le soin, à l'exemple de l'évêque de Cadix, de venir devant le public
prononcer le texte du fragment qu'il a fait exécuter, j'ai été double-
ment fondé à dire qu'il avait commis un sacrilège. Les 500 choristes
que M. Pasdeloup avait devant lui, cahier en main et bouches closes,
représentaient un régiment de soldats qu'un général aurait désarmés au
moment du combat : sur le champ de bataille, cela s'appellerait une
trahison; par analogie, ce qu'a fait M. Pasdeloup peut bien, encore une
fois, être qualifié de sacrilège.
L'intérêt constant avec lequel j'ai suivi jusqu'à ce jour les progrès de
l'institution fondée par M. Pasdeloup, justifie, je crois, suffisamment
mon droit de critique à son égard, et c'est à ce titre que je vous prie
d'accueillir ma réponse à la lettre qui a paru dimanche dernier dans
votre Gazette.
Veuillez agréez l'assurance de ma considération la plus distinguée,
Marie Esccdier.
Pour répondre d'un mot à la lettre que l'on vient do lire, il suffit de
rappeler que l'auteur des sept paroles en écrivit la partie vocale quinze
ans après en avoir composé la partie instrumentale. Il en est donc ré-
sulté deux œuvres, entre lesquelles il est permis de choisir, sans man-
quer à aucune loi. Pour notre part, nous ignorions que la loi du sa-
crilège eut été introduite dans la musique; mais évidemment ce ne
serait pas ici le cas de l'appliquer.
NOUVELLES.
,*, Dimanche dernier le théâtre impérial de l'Opéra a donné par
extraordinaire la Muette. — Lundi, Villaret a continué ses débuts dans
Guillaume Tell. — Mercredi, les Huguenots, joués par M. et Mme Guey-
mard, Mmes Duprez-"Vandenheuvel et Donnesseur, avaient rempli la
salle. — Vendredi , la Muette a repris son tour. Le répertoire est
donc loin de manquer de variété; ce qui n'empêche pas de presser les
répétitions du Comte Ory dans lequel Bonnesseur doit remplacer
Comte-Borchardt, qui a succombé d'une façon si imprévue.
^*^ Villaret fera son second début dans les l'êi^res siciliennes. Mlle Sax
chantera le rôle d'Hélène. Verdi préside aux répétitions de son opéra.
^** Nous avons dit et on a répété que M. Léo Delibes, accompagna-
teur au théâtre Lyrique, passe en cette qualité à l'Opéra; mais on a
ajouté que M. Delibes était remplacé au théâtre Lyrique par M. Mangin;
il n'en est rien. 11. Delibes a pour successeur iM. Hector Salomon, et
M. Mangin entre au théâtre Lyrique comme second accompagnateur.
^*^ Le journal la France, dans une appréciation des causes de la
mort du chanteur Comte-Borchardt, avait cru pouvoir attribuer cet évé-
nement aux émanations de la peinture encore fraîche au moment de la
réouverture de la salle. M. Perrin vient, dans une lettre adressée à la
France, et que ce journal a publiée, de réfuter cette opinion en produi-
sant à l'appui un certilicat signé par les douze médecins du théâtre de
l'Opéra, et constatant que la mort de M. Borohardt est due à une con-
gestion cérébrale, déterminée par sa constitution, par des accidents de
même nature éprouvés par lui à d'autres époques et par des antécé-
dents de famille.
^*^ Une indisposition de Montaubry a forcé de faire relâche jeudi, au
théâtre de l'Opéra-Comique. — La reprise de la Chanteuse voilée, de Massé,
chantée par Capoul, Gourdin et Mlle Marimon, aura lieu demain. — On
annonce pour mercredi celle tX'IIaydée. Le charmant opéra d'Auber est
remonté avec beaucoup d'éclat. Achard jouera Loredan et Mlle Cico
Haydée. Le même soir, Mme Galli-Marié jouera la Servante maîtresse,
pour cette fois seulement. Mme Galli-Marié retourne terminer son en-
gagement à Rouen et appartiendra définitivement à, l'Opéra-Comique à
partir du 20 mai.
^*f Le Ménestrel nous communique un curieux et dernier renseigne-
ment au sujet de la princière acquisition faite par Mme S. de P..., de
la partition manuscrite de la Déesse et le Berger. Indépendamment du
prix principal de 6,000 francs, l'enthousiaste dilettante a cru devoir
adresser aux auteurs et aux interprètes de cet opéra mythologique, des
présents dignes des dieux... ou tout au moins des demi-dieux de l'O-
lympe : à M. Duprato , l'auteur de la musique, elle a offert un cachet
en pierre dure représentant une déesse; à M. du Locle , l'autour du
poème, une plume en lapis lazzuli ornée de rubis; à Mlle Baretti (la
Déesse), un papillon en diamants et saphirs; à M. Capoul (le Berger),
un diamant solitaire (bague); à M. Crosti (Bacchus), une épingle grecque
en diamants et onyx noire; à M. Prilleux (Silène), une épingle coquille
en diamant avec perle; à M. Gourdin (Polémon), une garniture de bou-
tons en diamants; enfin, à Mme Ferdinand (la Na'iade), une petite lyre
en diamants, qui vient dignement couronner ces fabuleux témoignages
de dilettantisme.
^*^ Mme Volpini a fait sa rentrée la semaine dernière au théâtre Ita-
lien par le rôle de Norina dans Don Pasquale. Un excellent accueil a été
fait à la jeune et svmpathique cantatrice, qui a rendu ce jo'i rôle de la
façon la plus intelligente et la plus distinguée.
^*, Vendredi Mme Viardot a fait ses adieux au théâtre Lyrique dans
l'opéra d'Orphée. Cette représentation avait attiré beaucoup de monde,
et la célèbre cantatrice a été comme toujours chaleureusement applau-
die. Elle chantera encore demain lundi dans le même ouvrage. — On
annonce pour la semaine prochaine le Lièvre au gite, opéra-comique en
un acte, paroles de M VI. Michel Carré et Théodore Barrière, musique
de M. Léo Delibes.
»■** Au théâtre Lyrique, la reprise d'Oberon a dû être retardée de
quelques jours par suite d'une nouvelle combinaison dans la distribution
des personnages. C'ist Mme Ugalde qui se chargera du rôle de Rezia.
La rentrée de cette brillante artiste et son concours imprévu à un ou-
vrage de cette valeur exciteront vivement la curiosité publique.
^*^ Nous avions annoncé que le théâtre des Bouffes-Parisiens allait
donner quelques représentations d'Orphée avant sa clôture, mais le suc-
cès constant des Bavards ne l'a pas permis. Chaque soir le charmant
opéra d'OÊfenbach et la verve de Mme Ugalde remplissent la salle et
l'on est obligé de refuser du monde. C'est ce soir la 63« représentation.
^*^ On lit dans la Revue et Gazette des Théâtres : « Mlle Morio, canta-
trice, qui vient de donner à Marseille des représentations brillantes, et
qui avait été désignée par Halévy pour jouer un rôle dans Noé, est en ce
moment en pourparlers avec le théâtre Lyrique, où elle créerait le
rôle principal dans les Troyens de M. Berlioz. Voici la lettre adressée à
Mlle Morio par M. Berlioz lui-même :
« Mademoiselle,
» Je serai très-heureux, si vous êtes engagée au théâtre Lyrique et si
» l 'on monte mon opéra des Troyens, de vous offrir le rôle de Cassandre,
j qui me paraît convenir à votre voix et à votre talent.
» Recevez l'assurance de mes sentiments distingués,
» Signé : Berlioz. »
^*^ Mme Charton-Itemeur est partie pour Bordeaux, engagée pour
chanter aujourd'hui au concert de la Société philharmonique. Le duo
de Béatrice et Denedict de Berlioz, des airs de Norma et de !a Traviata
forment le programme de la célèbre cantatrice.
„*^ Le théâtre de l'Oriente de Madrid vient de clore sa saison par
les l'uritains et la Somnambule. Baragli, jeune ténor d'avenir, y a ob-
tenu du succès. On l'attend à Paris, de même que Fraschini et Mmes La-
grange et Deraerio-Lablache.
^"^ On lit dans la Gazette des Etrangers . « Il se prépare au Mirliton,
plus pompeusement ; Cercle de l'Union artistique, la représentation d'un
très-curieux opéra inédit, paroles de Mlle Augustine Brohan, musique de
dix compositeurs, membres du cercle. On a tiré les morceaux au sort
dans un chapeau. Nous croyons savoir que le gros lot, un finale, est échu
au maestro prince Poniatow.ski. Que l'on dise encore que la fortune est
aveugle! L'ouvrage aura pour interprètes des artistes de l'Opéra-Co-
mique. »
.^*« Dans le rapport sur le budget présenté par M. Busson au Corps
législatif, inséré au Moniteur, on lit ce qui suit à l'article des subven-
tions théâtrales : « Notre honorable collègue M. le baron de Eavinel a
proposé de réduire de 300,000 francs la subvention des théâtres impé-
riaux, pour l'affecter à d'autres besoins plus urgents à ses yeux. Votre
commission n'a pas cru pouvoir s'associer à cette pensée; depuis plu-
sieurs années le montant de ce crédit est le même, et personne n'a cri-
tiqué comme excessives les allocations employées à encourager et à
soutenir ces grands établissements destinés à vivifier et à populariser les
inspirations du génie et du talent, et à conserver les monuments de
notre art national. Le chiffre inscrit au budget nous paraît donc devoir
être maintenu. Votre commission avait remarqué toutefois que les cir-
constances exceptionnelles qui ont motivé, il y a quelques années, la
subvention accordée au théâtre Italien ont cessé d'exister. Puisqu'une
partie du crédit peut cesser d'avoir son emploi actuel, la commission
pense qu'il serait à, la fois juste et libéral de s'en servir pour encou-
rager le théâtre Lyrique, qui se recommande par ses efforts persévé-
rants, le caractère artistique de son exploitation et les talents qu'il a
produits. 1)
*** Par arrêté de S. Exe. le ministre d'Etat, M. Triébert vient d'être
nommé professeur de hautbois au Conservatoire, en remplacement de
M. Stanislas Verroubt, décédé.
^*.j: M. de Beaufort vient d'être nommé pour la seconde fois direc-
teur du théâtre du Vaudeville. C'est sous sa direction que furent obte-
nus les trois grands succès des Faux bonslwmmes, Dalilah et les Lionnes
pauvres.
.j,'% On avait annoncé pour vendredi dernier, au Cirque de l'Impératrice,
un très-beau concert au bénéfice de l'œuvre de Notre-Dame-des-Arts, et
13/i
H h: VUE ET GAZETTE MUSICALE
dans lequel devaient se faire entendre les artistes de l'Opéra, du théâ-
tre Italien et Tamberlick. On devait, en outre, y exécuter la Rédemp-
tion, mystère en cinq parties, poëme d'Emile Deschamps, musique
d'Alary. Par suite de l'indisposition persistante de Tamberlick, la so-
lennité est ajournée.
^*^ Prudent arrive de Metz, où il vient de donner un concert magni-
fique dans la belle salle de l'hôtel de ville, mise à sa disposition et
remplie jusque dans les corridors. Son succès a été immense. Depuis
des années Prudent et ses compositions sont populaires à Metz ; son
école s'y trouve représentée par une de ses meilleures élèves, Mme Pê-
tre, qui elle-même excelle dans l'interprétation de la musique de son
maître, avec lequel du reste elle a partagé les applaudissements d'un
auditoire d'élite et d'une rare intelligence musicale. La Danse des Fées,
Adieu printemps, le Chant d'Ariel, étaient les principaux morceaux que
Prudent a fait entendre; il a été obligé d'exécuter cette dernière com-
position et de promettre en même temps de revenir bientôt faire égale-
ment réentendre tous les autres morceaux.
^*^ Le concert de Mme Oscar Comettant est toujours fixé au jeudi
30 avril, salle Herz. Rien de changé au programme que contenait notre
dernier numéro.
^*^ Le célèbre violoniste compositeur Bazzini est à Paris pour quel-
ques jours. Il va se reposer l'été en Italie.
i** L'Illustration du Midi contient un beau portrait de Roger, et
consacre plusieurs colonnes à l'appréciation du talent da célèbre chan-
teur, de même qu'au compte rendu de ses représentations à Toulouse.
Le Prophète, la Favorite et la Dame blanche, ses triomphes habituels,
ont chaque fois rempli le théâtre du C^pitole. Applaudissements, rap-
pels, rien n'a manqué au succès du brillant artiste, dont le talent ré-
sume tous les genres, et « dont le nom (pour nous servir des termes
du journal), en s'associant à ceux de Nourrit et de Duprez, complète le
grand trio des ténors de la scène française. »
^*^ Mme Madeleine Graever vient d'oblenir un très-grand succès au
concert donné par la Société Felix-Meritis à la Haye. Elle y a joué le
troisième concerto symphonique de Litolff, qui a produit un immense
effet et après lequel Mme Graever a été rappelée avec enthousiasme.
Dans la seconde partie, ses variations de Haendel ne lui ont pas valu
une moins chaleureuse ovation, et elle a été rappelée deux fois.
^*^ Thalberg donnera mercredi prochain, 29 avril, une dernière séance
musicale chez Erard. En voici le programme : 1° deux romances sans
paroles, de Mendelssohn; 2° Mi manca la voce (quatuor de Moïse), de
l'.ossini ; étude, de Thalberg ; 3° le trille (inédit), de Thalberg ; 4» menuet
de la symphonie en sol mineur, de Mozart; polonaise, de Chopin; 5° pas-
torale (inédite), de Thalberg; 6° air de Fernand Cortez, de Spontini ;
scène et chœur de Lucrezia Borgia, de Donizetti ; 7° scherzo du Songe
d'une nuit d'été, de Mendelssohn; 8° fantaisie (la Muette), de Thalberg.
^*.^, Le violoniste italien Silvestro Nicosia, et son fils, Carlo Nicosia,
âgé de cinq ans et demi , donneront dimanche prochain , 26 avril , à
2 heures, avec le concours d'artistes distingués, un concert vocal et
iustrumental, dans la salle du Grand-Orient de France, 16, rue Cadet.
»% Samedis mai, salle Pleyel, grandconcert de M. DiomèdeZompi, dans
lequel il exécutera seul, et avec MM. de Cuvillon et Franchomme , des
œuvres de Beethoven, Mozart, Weber et iJhopin, de même que plusieurs
morceaux de sa composition. Mlle Deternoz et M. Pagans sont chargés
de la partie vocale.
^'» La semaine prochaine paraîtra le duo de Béatrice et Benedict,
l'un des plus beaux morceaux de l'opira de Berlioz, qui n'avait pas été
publié séparément, et qui est généralement demandé. Le premier tirage
de la partition a été épuisé en un mois.
^*^ Les étrangers, dont l'affluence augmente chaque jour à Paris,
ont désormais un organe spécial dans la presse parisienne, qui porte
leur nom, et les guide jour par jour, presque heure par heure, dans
leurs affaires et leurs plaisirs. La Gazette des Etrangers, journal quoti-
dien (H. de Pêne, rédacteur en chef), publie le progamme détaillé des
spectacles, le bulletin raisonné de la Bourse, la Chronique du monde,
des théâtres ; des articles de critique, de littérature et d'art.
*** L'art musical doit à M. Guichard une excellente méthode de violon
universellement connue et généralement adoptée par les professeurs de
cet instrument. M. Guichard a publié en outre plusieurs fantaisies sur
les opéras de Meyerbeer, Auber, etc., accueillies avec non moins de
faveur par le public. Aujourd'hui, après deux ans d'abstention, M. Gui-
chard vient de rentrer dans la lice et de se signaler par la publication
d'une nouvelle et charmante fantaisie sur Mariha. Ce morceau, qui ren-
ferme les principaux motifs de l'opéra de Flotow, rappelle le faire brillant et
gracieux des premiers airs variés de de Beriot. L'harmonie en est pure
et distinguée ; les traits de violon dialoguent d'une manière ingénieuse
avec l'accompagnement de piano, et forment un ensemble on ne peut
plus riche, surtout dans le finale, où l'auteur, au milieu d'arpèges nou-
veaux, fait entendre simultanément deux des plus jolis motifs de la scène
du marché au premier acte. Cette œuvre nouvelle sera certainement
très-goûtée par les amateurs.
,f». L'inauguration du grand orgue de l'église Saint-Etienne du Mont,
qui vient d'être reconstruit par la maison A. Cavaillé-CoU et C«, aura
lieu lundi 27 avril, à 7 heures et demie du soir. L'orgue sera joué par
MM. Franck aîné , organiste de Sainte-Clotilde; Durand, organiste de
Saint-Roch; Ch. Hess, et Lebel, organiste de la paroisse.
^*^ On vient de mettre en vente au magasin Brandus (Retté et 0"=)
un très-beau portrait de Naudin photographié à Londres dans le rôle de
Masaniello, de la Muette.
^,*^ Le concert des Champs-Elysées, dont M. de Besselièvre a fait un
salon de bonne compagnie, rouvre ses portes le 1°'^ mai. Le succès du
concert des Champs-Elysées est assuré par la variété et l'attrait du ré-
pertoire, par le talent des solistes, par l'ensemble plus que remarquable
de l'orchestre tout entier, qui est toujours sous la direction d'Arban.
,t*^ Au concert de dimanche au Pré Catelan, .Musard a exécuté un
galop de M. Charles Manry. qui a été fort applaudi et qui sera joué une
seconde fois aujourd'hui. Ce nouveau morceau de M. Manry est fort bien
réussi et confirme ce que nous disions récemment de la flexibilité du
talent de l'auteur.
„*„, Le succès des concerts du pré Catelan, dirigés par Musard, dans ce
magnifique salon d'été de Paris, est un fait accompli. Aujourd'hui dimanche,
grande fête musicale: à 1 heure, ouverture des grilles, fanfares; mu-
sique militaire et marionnettes françaises; à 2 heures 1/2, concert Mu-
sard, dont le programme est entièrement renouvelé; à 3 heures 1/2. bal
d'enfants, musiques militaires et polyorama; â 4 heures 1/2, seconde
partie des concerts Musard; à 5 heures 1/2, fanfares et dernière repré-
sentation des marionnettes au petit théâtre.
,s*,s A Francfort est mort le 6 avril, dans sa soixante et douzième an-
née, le directeur de musique Hoffmann, qui a été attaché pendant près
d'un demi-siècle au théâtre de cette ville.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
,1,*^, Marseille. — Hier mercredi, l'avant-dernière représentation des
Huguenots avait attiré la foule au Grand-Théâtre. C'est qu'on tenait à
applaudir encore, en même temps que le chef-d'œuvre toujours nouveau
de Meyerbeer, les deux artistes qui ont su l'inturpréter avec tant de
talent, Mme Meillet et M. Morère, qui vont nous quitter. — C'est ce soir
jeudi, que Mme Miolan-Carvalho se fera entendre pour la première fois;
l'éminente cantatrice, si ardemment désirée, a choisi les Noces de Jean-
nette — une de ses créations à Paris — pour déployer les merveilles le
sa brillante vocalisation. Cette soirée est donnée au béuéfice des pauvres,
et Mme Carvalho fera entendre un des plus charmants airs de son réper-
toire: la chanson de l'abeille, de la Reine Topaze, l'air d^Actéon eiV Ave Maria
de Gounod. — Enfin comme excellente nouvelle nous annonçons le
rengagement de M. Lefranc, pour l'année prochaine, en qualité de
premier ténor de grand opéra.
^*^ Limoges. — L'inauguration du grand orgue de la cathédrale, res-
tauré, vient d'avoir lieu, et M. Edouard Batiste en a fait valoir les
jeux divers avec le talent qu'il déploie toujours dans ces occasions
solennelles.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
*^ Londres. — Les trois représentations annoncées au bénéfice de
M. Lumley excitent la plus grande curiosité. Elles doivent avoir lieu
dans les derniers jours de mai, et Mlle Piccolomini doit paraître dans
trois des principaux opéras de son répertoire, en compagnie pour un,
si ce n'est pour deux, de Giuglini et de Mlle Titjens et des autres artistes
de la troupe de Majestij's Theater. Il est plus que probable que ces
trois opéras seront la Traviata, Don Giovanni et la Figlia del reggimento;
celle-ci réservée pour la dernière représentation. On y ajoutera sans
doute la danse par Mmes Ferraris et Pocchini. — On a donné une se-
conde fois au théâtre royal italien la Muette. — Samedi, dans les Puritains,
a paru pour la première fois Mme Fioretti. Elle chantait le rôled'Elvire.
Mme Fioretti a justifié la réputation qui la précédait et ses succès à
Saint-Pétersbourg et à Vienne. Elle a une voix de soprano très-sympa-
thique et chante avec beaucoup de justesse. Elle a été particulièrement
applaudie après la polonaise, qu'elle a vocalisée admirablement. Mais
comme actrice elle laisse beaucoup à désirer. — Jeudi, l'opéra était
suivi d'un intermède musical. Mlle Antonietta Fricci y a reparu pour la
première fois de cette saison dans Norma; elle a été rappelée après
chaque acte. — Dans cette même soirée, la sœur d'Adelina Patti chan-
tait pour la première fois devant un auditoire européen. Elle avait
choisi pour ce début l'air de Linda: 0 Luce di quest' anima; celui de la
reine de la nuit dans il Flauto magico, les Échos d'Eckert et le duo de
VElisire d'amore , avec Ronconi. La voix de Mlle Carlotta Patti a
de l'analogie avec celle de sa sœur Adelina comme qualité, mais elle est
beaucoup plus élevée. C'est un soprano exceptionnel, montant facile-
ment jusqu'au fa suraigu, ainsi qu'elle l'a montré dans l'air de Mozart
et dans les Échos. Jamais nous n'avons entendu lés notes piquées
nE PARIS.
135
des passages staccato sortir avec plus de netteté et de justesse.
Mlle Carlotta Patti a été fort applaudie, rappelée, et plusieurs bou-
quets lui ont été jetés. Malheureusement, la légère claudication dont
elle est affectée ne lui permettra guère d'aborder la scène lyrique. —
Henri Vieuxtemps obtient ici un véritable triomphe aux Concerts popu-
laires du lundi. Le célèbre artiste reçoit de tous les côtés des offres
d'engagement pour les provinces; mais il ne veut pas quitter Londres,
où il se propose de rester jusqu'aux premiers jours de mai.
j*^ Bruxelles. — Au théâtre de la Monnaie, mercredi, dans ilartha,
ont reparu Mlles De Maesen et Andrée, MI\I. Jourdan, Périé et Bonnefoy.
Nous n'avons plu? rien à dire de la musique de Flotow. Dès leur appa-
rition, le succès le plus franc accueillit ces mélodies faciles et distin-
guées qui plaisent à tous et sont connues partout à présent. Mais, si
nous ne faisons pas l'analyse de la pièce, nous pouvons au moins rendre
un légitime hommage aux chanteurs distingués qui la représentent. —
Le Conservatoire de musique donnera dimanche prochain son quatrième
concert; on y entendra l'ouverture que Meyerbeer a composée pour
l'exposition de Londres.
^*^ Berlin. — Mme Petitpa, du théâtre impérial de Saint-Pétersbourg,
qui est ici en représentation , a débuté dans le rAle de Gloriette, du
Marché des Innocents, musique de Pugni. Elle n'y a pas obtenu moins
de succès qu'à Paris. Mme Petitpa est une jeune femme à la taille élan-
cée, à la physionomie expressive ; elle a beaucoup de légèreté et d'élas-
ticité; ses pirouettes, ses entrechats, ses bonds prodigieux, qui pèchent
peut-être par un peu trop d'élan, ses pointes d'une hardiesse et d'une
vigueur surprenantes, ont provoqué presque sans interruption des ap-
plaudissements assourdissants. — Mlle Artot a prêté le concours de son
beau talent au concert du pianiste Ehrlich, de Vienne ; elle y a chanté
un air de Haendel; l'aragonaise du Domino noir, etc. — La Fête
d'Alexandre, par Haendel, sera exécutée au prochain et dernier con-
cert de la Société Gustave-Adolphe.
»*,, Hanovre. — L'opéra les Catacombes sera joué pour la première
fois le 27 mai, jour anniversaire de la naissance du roi.
j*^ Mayence. — A l'occasion de l'exposition d'horticulture, Mme Kœs-
ter, du théâtre royal de Berlin, a donné ici deux représentations. Dans
les rôles de Fidelio et de donna Anna, la célèbre cantatrice a complè-
tement justifié la réputation qui la précédait parmi nous.
^■*„ Vienne. — L'un de ces jours derniers le théâtre de la cour a donné
les Huguenots: salle comble; succèssanspareil,conime toujours, Mme Mul-
der-l"abbri s'est signalée dans le rôle de Valentine; elle a été rappelée
immédiatement après le duo du quatrième acte, et quatre fois à la fin
de cet acte, avec Walter, qui chantait le rôle de Raoul. Puis nous avons
revu cette splendide Etoile du Nord, toujours la bien-venue, dans laquelle
le rôle de Peters, un des meilleurs de son répertoire, est si merveilleu-
sement chanté par Beck. Une demoiselle Kropp a débuté d'une ma-
nière remarquable dans le rôle d'une des vivandières. — Mercredi 22
a eu lieu la dernière représentation de la société italienne du Carlihea-
ter; elle a été suivie d'une représentation d'adieux qui a clos définiti-
vement la saison. Mlle Patti est attendue à Londres au commence-
ment de la semaine prochaine. On assure que la célèbre cantatrice a
été engagée d'avance par Merelli pour les mois de février, mars et avril
de l'année prochaine. — Point de succès complet sans la parodie. Jadis
on a joué à Vienne la Fausse Catalani, à l'époque où cette prodigieuse
cantatrice remplissait l'Europe du bruit de ses succès. Aujourd'hui le
théâtre Josephstadt annonce la Fausse Patti. Le rôle principal sera joué
par M. Siebert, qui imite, dit-on, dans la perfection, le chant de la diva
Adeliiia. — Le ténor Wachtel vient d'être engagé au théâtre de la
cour à raison de 18,000 florins par an, avec un congé de trois mois. —
On annonce le prochain mariage Ue Mlle Mœsner, la célèbre harpiste,
avec le comte Philippe Spaur.
,1,'*^ Kœnigshercj . — Les 27, 28 et 29 mai aura lieu, sous la direction
de M. A. Rubinstein, notre troisième festival, dont voici le programme :
Première journée: le lOu'' psaume de Haendel, 9° symphonie de Bee-
thoven ; deuxième journée : chœurs de Mendelssohn, Fr. Schubert,
Liszt, Fr. Lachner, Rubinstein, Gade et Hiller; troisième journée: le
Paradis perdu, oratorio, par Rubinstein. — Les frères Millier, à leur
retour de Saint-Pétersbourg, ont donné ici une séance de quatuors qui
a attiré beaucoup de monde.
CONCERTS ANNONCÉS.
Lundi 27 avril, salle Herz, grand concert de Mlle Marie Trautmann.
Mercredi 29 avril, salle de l'hôtel du Louvre, à 2 heures, grand concert
de Mme Corinne de Luigi , avant son départ pour
Londres.
Jeudi 30 avril, salons d'Erard, à 8 heures 1/2, concert de Mlle Octavie
Caussemille, pianiste, avec le concours d'artistes dis-
tingués.
Vendredi 1" mai, salle Herz, à 8 heures 1/2, soirée musicale de Mlle
Charlotte de Tiefensée, avec le concours de Mlle Léo-
nie Tonel, et de MM. Hammer et Hocmelle. — Mlle de
Tiefensée chantera un air de l'opéra Rinaldo; Casta
Diva, de Bellini; l'air de la mendiante du Prophète; le
grand air de Don Juan ; la prière de Schubert ; Una
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l'Exposition universelle de Londres, en 1851. — Exposition universelle de Paris, 1855, les plus belles pages du Rapport officiel, 27"° Classe, pages 1835-1336. —
Exposition universelle de Londres, 18C2, l'IlIZE MEDAL, avec cette mention : POUR EXCElil^EIV'CE DE TOUTE EfSPÈCE D'INSTRUIVlliINTS DE CUIVRE.
— Membre de l'INSTlTUT POLYTECHNIQIE de Paris, membre de l'ASSOCIATION INTERNATIONALE POUR LE PROGRÈS DES SCIENCES SOCIALES. —
MEDAILLE IJ'OII et Membre du CORPS SCIENTIFIQUE DE L'BOTEL DE VILLE DE PARIS.
136
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
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Op. 2.
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Op. 4.
Op. 9.
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Op. 15,
Op. 18.
Op. 18
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Op. 22.
Op. 27
Op. 29
Op. 31
Op. 32
Op. 33
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Fantaisie sur un thème écossais
Impromptu sur le Siège de Coriiithe. .
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Grande faotaisie sur la Straniera
, Grande fantaisie sur / Capuletti
Grande fantaisie sur Don Juan
Premier caprice
Premier divertissement sur les Soi-
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Deuxième caprice
Trois nocturnes
Grande fantaisie
Fantaisie sur God save the Queen. . .
et 30. Lieder, transcrits pour piano
par Czerny. ^ suites.
1. Les Adieuï, les Tourments d'amour
du voyageur
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seur, le Songe, la Femme malheu-
reuse
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7 50
9 11
7 50
7 50
g »
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DU MEME AUTEUR :
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Op. 35. Le Trémolo, grand nocturne
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Op. 40. Fantaisie sur la Donna del Lago...
Op. 41. Trois romances sans paroi s
Op. 42. Grande fantaisie sur la sérénade et
le menuet de Don Juan
Op. 43. Fantaisie sur les Huguenots
Op. 45. Thème et étude en la mineur
Op. 47. Grandes valses brillantes
Op. 49. Fantaisie sur Béatrice di Tenda....
Op . 51 . Grande fantaisie sur Sémiramis ;
Op . 51 bis. Nocturne
Op. 55. Grande sonate en quatre parties. .. . :
Chaque partie séparément :
1 . Allegro
2. Scherzo pastorale
3. Andante
4 . Finale agitato
Op. 57. Décaméron musical. Dix morceaux
de piano servant d'école prépara-
toire à l'étude de ses grandes com-
positions :
N°' 1 . Les Puritains
2 . Le Freyschillz
4. La Norma
5 . Mélodies de Schubert
6. La Gazza ladra
7. La Cenerentola
8 . Anna Bolena
9. Le Prophète
10. Airs irlandais
Op. 58. Apothéose, grande fantaisie sur la
marche triomphale de Berlioz
Op. 59. Marche funèbre variée
Op. 63. Fantaisie sut \e Barbier de Séville. .
Op. 65. Souvenir de Pesth,;air hongrois
Adagio et rondo de concert, extraits de son
concerto
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sauer, transcrite
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Six romances sans paroles, 2' recueil
Romance sans paroles
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La Romanesca, transcrite pour le piano
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vient de se reproduire à Londres avec plus d'éclat encore : aussi le Jury international vient-il, en plaçant ces instruments
au premier rang, d'accorder à l'unanimité, à M. Henri IIERZ, la médaille, en motivant cette distinction par la perfection |
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GAZETTE MUSICALE
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SOMMAIRE. — F. Halévy; Souvenirs d'un ami pour joindre à ceux d'ua frère ; à
M. Léon Halévy ( Ix' article ), par Edouard IHonnais. — Théâtre impérial
de rOpéra-Comique : reprise de la Chanteuse voilée, par liéon Durocher.
— Théâtre Lyrique : les Fiancés de Rosa, opéra-comique en un acte, paroles de
M. Adolphe Choler, musique de Mme Clémence Valgrand; le Jardinier et son
Seigneur, opéra-comique en un acte, paroles de MM. Michel Carré et Barrière,
musique de M. Léo Delibes, par le même. — Auditions musicales, par Adol-
phe Botte. — Revue critique, par le même. — Nouvelles.
F. HAIÉVY.
SouTenlrs d'aa amt pour Joindre à ceu.v <l*an rrèr«.
A. M. LÉON HALÉVY.
(4= article) (1).
La chaîne était brisée : sans nul regret, je n'oserais le dire; mais
en quittant l'Opéra et ces fonctions de chef du chant qu'il avait
remplies pendant onze années, Halévy se trouvait plus libre qu'il n'é-
tait lorsqu'il composait la Juive, et assez jeune encore pour produire
des œuvres d'égale valeur. Devenu membre de l'Institut , il n'en
continuait pas moins ce professorat commencé au Conservatoire
avant l'âge de dix-sept ans, et qu'on ne saurait l'accuser d'avoir
gardé jusqu'à son dernier jour par amour de l'argent. Permeltez-
moi, mon cher Léon, de vous emprunter ce glorieux bordereau, qui
n'a rien de commun avec celui d'un agent de change, et d'où il ré-
sulte que dans l'espace de quarante-trois ans (près d'un demi-siècle)
le traitement de votre frère s'éleva par degrés de 300 à 2,500
francs, maximum assigné en France aux maréchaux de la musique !
Ce bordereau est officiel; on peut le vérifier sur les livres mêmes.
HALÉVY.
Ses services au Conservatoire.
Répétiteur de solfège le 1" avril 1816, à 300 fr.
Répétiteur de solfège en 1817, à 500
Nommé professeur titulaire de solfège.
Le 1" janvier 1818, à 800
Le 1" janvier 1826, à 1,000
Professeur d'harmonie et d'accompagnement pratique,
en remplacement de M. Daussoigne-Méhul, le 1"' avril
1827, à 1,500
(1) Voir les n"' 12, 13 et 16.
Professeur de contre-point et de fugue, en remplace-
ment de M. Fétis, le 1" août 1833, à 2,000
Professeur de composition, en remplacement de Paër,
le 1" janvier 1840 , à 2,500
Il ne resterait plus qu'à mettre en regard de cette somme le chif-
fre encore inférieur de celle que rapporte annuellement un siège à
l'Institut, et l'on verrait que chez nous l'élude des beaux -arts doit
avoir pour compagne inséparable celle du désintéressement.
A la vérité, pour un petit nombre de musiciens, le théâtre l'H fer-
tile en compensations magnifiques ; mais s'il se montre ]) irfois gé-
néreux, trop souvent on le trouve ingrat et avare. Combien peu de
compositeurs sont-ils parvenus à en tirer des revenus certains, régu-
liers ! Les interrègnes, les revers sont fréquents au théâtre, et dans
ces mauvais jours, dans ces mortes saisons, il rapporte encore moins
que le Conservatoire et l'Académie. Halévy l'éprouva, quoiqu'il eût
conquis une place sur la liste de ses favoris privilégiés. Le premier
ouvrage qu'il donna quelques mois après sa sortie de l'Opéra, fut le
Guitarrero, opéra-comique en trois actes, qui obtint un succès ho-
norable ; le second fut la Reine de Chypre, grand opér.a en cinq actes,
dont le succès jeta bien plus d'éclat, et auquel M. Léon Pillet dut la
plus heureuse année de sa direction. La Reine de Chijpre avait été
composée avec une rapidité extrême : l'abondance des idées, la verve
et la chaleur s'y soutiennent d'un bout à, l'autre ; on y sent une cer-
taine fleur de jeunesse, et pourtant, vers la fin de son travail, le
compositeur était fatigué : « On ne saura jamais, 'disait-il en ache-
vant l'instrumentation de son œuvre, combien il entre de notes dans
une partition moderne! » Qui n'eût pensé qu'à la suite d'une si
laborieuse année, Halévy se donnerait le temps de respirer? Le Gui-
tarrero avait été joué le 21 janvier 13Zil, la Reine de Chijpre, le
22 décembre. C'était le moment de prendre un peu de repos. Mais
quoi ! les grands ouvrages manquaient pour la saison prochaine.
Meyerbeer n'était pas encore décidé à donner son Prophète; Doni-
zetti n'acceptait pas un délai si court. Il y avait un poëme tout prêt,
signé de deux auteurs renommés, Casimir et Germain Delavigne,
qui d'abord avaient eu l'idée de réunir dans leur Charles VI les
deux ténors en vogue, Duprez et Mario, l'un dans le rôle du roi,
l'autre dans celui du Dauphin. Mario s'étant éloigné, la combinaison
changea : Barroilhet fut choisi pour le rôle du roi, Duprez pour celui
du Dauphin. M. Léon Pillet insista fortement auprès d'Halévy pour
qu'il se décidât à écrire la musique de la pièce ainsi distribuée, et
Halévy, qui, ku fond, ne demandait pas mieux que de céder, fut assez
courageux ou assez téméraire pour y consentir. On était au moisds
janvier 1842 et l'ouvrage devait être joué au mois de décembre sui-
138
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
vant, pour l'anniversaire de la Favorite. On ne put, en effet, le don-
ner qu'au mois de mars 1843, et ce retard fut le résultat de diver-
ses causes, qui ramenèrent, en diminutif, l'état de souffrance et de
trouble par lequel le compositeur avait passé lorsqu'il écrivait
la Juive.
Au printemps de 1842, Halévy s'était marié : il avait épousé
Mlle Léonie Rodrigues, et cette condition nouvelle, à laquelle il ne
tarda guère à se plier si heureusement, ne laissa pas de le troubler
d'abord. Depuis deux ans, il avait été nommé directeur de la mu-
sique du duc d'Orléans, et lorsque ce prince eut appris de lui-même
le sujet du poëme sur lequel il travaillait, il lui en témoigna sa sur-
prise : (1 C'est, dit-il , quelque chose de bien triste qu'un roi fou !
— J'en conviens, répondit Halévy; mais le Dauphin sera là pour conso-
ler la France ! » Il paraît que le roi Louis-Philippe partageait la ré-
pugnance de son fils à l'égard du personnage historique; car à l'un
des grands dîners donnés aux Tuileries, et auquel avait été invité
M. Auber, il déclara hautement qu'il ne pouvait concevoir un tel
choix. En s'exprimant ainsi, il regardait fixement l'auteur de la Muette,
comme s'il lui eût imputé la faute, et l'on comprend que M. Auber
fut assez généreux pour ne pas se disculper.
De funèbres souvenirs se rattachent à ce Charles VJ. D'abord le
Dauphin, qui devait consoler la France, fut frappé bien avant le
temps, et l'un des deux auteurs survécut à peine à la première
représentation de son opéra. Il me semble encore voir Casimir Dela-
vigne à la séance de la commission des théâtres, dans laquelle fut
lu le poëme. Il faisait sombre et froid; le poëte souffrant, silencieux,
enveloppé de son manteau, se tenait près de la cheminée, dans un
coin de la vaste salle. Son frère, Germain, lut le premier acte, et
quand il l'eut fini, Casimir, sortant tout à coup de l'ombre, lui prit
des mains le manuscrit en disaiit : « Donne, mon ami ; cela te fa-
tigue. » Evidemment ce n'était qu'un prétexte, et Casimir tenait à
faire entendre lui-même, avec son accent de poëte, les scènes dra-
matiques du second acte : l'entrée du roi, ses rêves plaintifs, son
réveil belliqueux dans le duo de.? caries avec Odette. Le poëte, alors,
parut se réveiller comme le rui; son regard éteint se ranima, et sa
voix, bien qu'affaiblie, retrouva pour un instant l'expression qui co-
lore la parole et lui communique la chaleur, la vie. Mais cet effort
l'avait épuisé : il retomba sur son fauteuil et rendit lé manuscrit à
son frère, qui acheva la lecture des trois derniers actes.
Le travail d'Halévy n'avançait pas vite ; il le quittait, le reprenait
pour le quitter encore. Il subissait une de ces crises nerveuses où
l'iniaginalion est plus malade que le corps, et il faut convenir que
le texte dramatique sur lequel il devait écrire sa partition n'était pas
propre à dissiper ses humeurs noires. L'époque reculée dans la-
quelle il vivait forcément, l'environnait d'une atmosphère chargée de
sang et de larmes. Tout à coup, dans l'époque présente, sarvir.t un
de ces événements terribles qui changent le sort des dynasties et des
nations : le duc d'Orléans périt en quelques minutes, et la France
entière sentit que la royauté avait tremblé sur sa base! Je n'oublierai
jamais l'effet que cette catastrophe si soudaine, si imprévue, produisit
sur l'âme de votre frère, ni comment, au lieu de l'abattre, elle lui
rendit l'énergie : « Sur quoi compter ici-bas, dit-il, après un tel
exemple! 11 n'y a de bon, de sûr que le travail. Eh bien, je vais
m'y remettre; à présent, je terminerai mon opérai » Il tint la pro-
messe qu'il faisait à ses amis, ainsi qu'à lui-même, et il tùcha de re-
gagner, autant que ses forces le lui permirent, les quatre ou cinq
mois qu'il avait perdus. Charles VJ, œuvre grande et sévère, eut
cela de commun avec le Joseph de MéhuI, que l'élément essentiel
aux succès de théâtre, surtout à ceux de l'Opéra, l'amour, en était
absent, et que la province lui témoigna plus de sympathie que
Paris. Comme j'engageais votre frère à ne plus traiter de sujets
pareils, il me répondit : Si j'eusse refusé celui-là, je n'aurais pas fait
le duo des cartes. » Et il pouvait citer encore plusieurs morceaux
profondément empreints d'un cachet terrible ou gracieux, comme
celui de l'apparition des fantômes et de l'homme de la forêt du Mans,
qui tranche si fortement avec les fraîches villanelles, les douces
chansonnettes dont la partition est semée.
Pour se reposer de ses deux grands opéras, Halévy donna le Lazza-
rone, opéra en deux actes, qui fut représenté un an après Charles VI.
C'était son coup d'essai dans le genre illustré par le Comte Ory,
le Dieu et laBayadère elle Philtre, genre difficile, dont les limites ne
sauraient être assez définies pour qu'on ne risque pas de les enfreindre.
Le ÏMszarone, dont le poëme était de M. Saint-Georges, comme celui .
de la Reine de Chypre, servit de transition à ses auteurs et les ra-
mena sur le chemin de l'opéra-comique, où les attendait une mois-
son riche et brillante. Avec les Mousquetaires de la reine, qui furent
joués en 1846, Halévy entra dans une phase inconnue de prospérité,
d'opulence. Le grand Opéra lui avait donné la gloire, mais alors il
ne donnait rien de plus . les droits d'auteur, taxés par d'anciens
règlements qui n'avaient plus de raison d'être, étaient si légers, si
minces, que les petits théâtres en payaient de supérieurs. Au contraire,
l'OpéraComique traitait libéralement ceux qui faisaient sa fortune ;
i^ntre le théâtre et les auteurs il y avait échange de bons procédés,
et il était temps qu'Halévy profitât de cette réciprocité si juste.
Les Mousquetaires de la reine inaugurèrent la période vraiment
productive de ses travaux. H n'avait pas été sans inquiétude sur le
sort de cet ouvrage : il m'en fît lire le manuscrit, m'appela souvent
aux répétitions, et je fus assez heureux pour n'avoir que du bien à
lui en dire. Assez heureux ! c'est le mot; car j'aimais trop votre frère
pour pouvoir le tromper, en lui parlant contre ma pensée. Dans
d'autres circonstances, il ne comprit que trop ma réserve, et quand
je m'efforçais d'en sortir, il se hâtait de m'interrompre, en s'écriant:
« Oui, vous trouvez cela bien, c'est-à-dire ordinaire, médiocre, et
je crois que vous avez raison. » Pour les Mousquetaires de la reine,
je lui prédis un beau succès, dont la réalité dépassa toutes les espé-
rances.
Il en fut de même du Val d'Andorre, qui vint ensuite, en franchis-
sant l'entr'acte d'une révolution. Pendant les premières ardeurs
de 1848, à travers les agitations, les émeutes, où nous accomplis-
sions ensemble notre devoir de citoyens, il me montrait un rou-
leau de papier réglé, tout ficelé, dormant sous son piano. C'était
sa partition, commencée l'année précédente à Bougival, sur le bord
de la Seine : « Advienne que pourra, disait-il, mon opéra est fait. »
Et cet opéra, qui devait sauver un théâtre , eut à triompher des
préoccupations les plus contraires aux œuvres dramatiques. Le drame
était dans la rue, sur la place publique. En voyant partout la foule
se presser, les groupes se former pour ne s'occuper, ne parler que de
la grande élection du président de la République, Halévy ne pouvait
s'empêcher de craindre et de gémir. Cependant la première repré-
sentation du Val d'Andorre eut lieu le 11 novembre, peu de jours
avant les opérations électorales, et l'ouvrage n'en obtint pas moins
un succès éclatant. Ce fut le premier qui, depuis février, parvint à
remplir la salle et la caisse d'un théâtre de Paris, espèce de miracle
auquel des directeurs voisins refusaient de croire. « C'est impossi-
ble ! disait l'un d'entre eux. — Impossible ou non, lui répondais-je,
cela est. »
La veine féconde et riante qui venait de commencer pour Halévy
n'était pas près de finir. Les ouvrages se suivaient d'année en an-
née : au Yal d' Andorre succédèrent la Fée aux Roses, la Dame de
pique, entre lesquelles votre frère alla donner à Londres te Tempesta,
dont le libretto était le produit d'une collaboration singulière , celle
de Shaskspeare et de Scribe. Revenir au genre italien, c'était pour
Halévy retourner aux jours de sa jeunesse, où il avait composé Clnri.
Mais on a beau changer d'idiome, on ne change pas de style ; mal-
gré ses allures étrangères, la Tempesta était une œuvre française
qui aurait gagné à se produire sans déguisement. L'auteur de la Juive
DE PAHIS.
139
devait éprouver la nostalgie du grand Opéra; il lui tardait de repa-
raître sur cette scène où sa renommée s'était faite. Il y reparut
avec le Juif errant, qui fut joué au mois d'avril 1852. Le pre-
mier acte de cet ouvrage est admirable; mais, contrairement à la loi
de progression, c'est le meilleur. Halévy m'avouait qu'il avait mis
tout son espoir dans le cinquième, consacré aux scènes du jugement
dernier, et ce fut précisément cet acte qui nuisit au succès.
Je n'ai pas la prétention de dresser après vous, mon cher Léon,
un catalogue exact des œuvres de votre frère, encore moins d'en
peser dans ma balance d'ami, la valeur absolue et relative. C'est une
besogne qu'on a déjà si souvent faite, qu'elle peut sembler superflue.
Et puis je ne veux parler du compositeur que dans ses rapports
avec l'homme : je ne considère ses travaux que com.me des actes de
sa vie. Si donc je cite encore les titres des opéras qu'il écrivit après
le Juif errant, tels que le Nabab, Jaguarita, Valentine d' Aubigny,
la Magicienne, si j'ajoute, que dans les derniers temps, il avait sur le
métier un grand opéra, Noë, dont la partition est incomplète, c'est
seulement pour prouver que jusqu'à l'heure fatale il s'occupa de mu-
sique; il resta fidèle au grand art qu'il avait adoré dès son enfance.
Pour lui plus que tout autre, cette fidélité avait un sens et un mé-
rite, puisque sa haute intelligence, son vaste savoir, lui rendaient plus
d'une carrière accessible. L'académie des beaux-arts montra bien
qu'elle l'entendait ainsi, lorsqu'on juillet 1854 elle le choisit pour
secrétaire perpétuel. C'est que dans le grand musicien elle avait
aussi reconnu l'écrivain.
Edouard MONNAIS.
[La suite prochainement.)
THEATRE IBIPÉRIÂL DE L'OPÉRA- COMIODE.
Beprise de la CHatttettae voilée.
Cet opéra en un acte fut le premier ouvrage dramatique de M.
V. Massé, et, certainement, un des plus heureux. Il y a des mélodies
fraîches, gracieuses, élégamment tournées, une harmonie distinguée
et point prétentieuse, une instrumentation qui n'est jamais plate,
mais qui n'est point bruyante, et qui ne soutient pas le chanteur
comme la corde soutient le pendu. Ajoutez à ces qualités qui ont
mis, du premier coup, M. Massé en si bon lieu parmi les composi-
teurs, une pièce telle que Scribe les savait faire, intriguée habile-
ment , vivement menée, dénouée avec esprit, amusante d'un bout à
l'autre... hélas ! une pièce comme on n'en fait plus ! et rien ne s'ex-
plique mieux et ne paraît plus naturel que le succès de la Chanteuse,
voilée.
Ce joli ouvrage était joué, dans l'origine, par Mlle Lefèvre, M. Au-
dran et M. Bussine. Il a aujourd'hui pour interprètes Mlle Marimon,
M. Capoul et M. Gourdin. Si M. Gourdin n'est pas encore un chan-
teur aussi expérimenté que l'était M. Bussine, il a le parler plus na-
turel, il est un peu plus acteur, et c'est une compensati&n. Il faut
seulement conjurer ce jeune artiste, qui a de l'avenir, de ne pas
trop forcer sa voix, de ne pas avoir l'ambition de remplacer La-
blache ou Levasseur. 11 commence déjà à trembler sur certaines
notes, symptôme inquiétant. M. Capoul, dont la voix gagne sans
cesse, a un meilleur style, bien plus d'élégance et de sentiment vrai
que M. Audran. Sa tendance, dont il doit se défier, son danger, que
nous lui signalons afin qu'il l'évite, est d'exagérer cette qualité, de
devenir pathétique lorsqu'il faudrait seulement être tendre. 11 n'y a
pas de voix de tête plus facile, plus agile, plus brillante et plus
douce tout à la fois que celle de Mlle Marimon. 11 n'y a pas d'exé-
cution plus hardie.— Nous permettra-t-elle un conseil? A notre avis,
elle ferait bien d'envoyer prendre chez Michel Lévy (boulevard des
Italiens, au coin de la rue de Grammont) le dernier ouvrage d'Hec-
tor Berlioz, intitulé A travers chants, et d'en lire la dernière page.
Elle aie même défaut que Mme Cabel. Elle atteint toujours la note
qu'elle a visée. Cela étant, que croit-elle gagner à ces excercices pé-
rilleux qu'elle affectionne? Les gens de goût ne l'y encourageront
pas, et la foule, n'étant jamais avertie par une intonation raanquée,
ne se doutera même pas qu'elle ait fait des tours de force.
LÉON DUROCHER.
THEATRE LYRIQUE.
liES FIAIVCIËS DE ROSA,
Opéra-comique en un acte , paroles de M. Adolphe Choler,
musique de Mme Clémence ValgrÀnd.
liE a«RDi:%'IER EX SO^ SEIGNEUR,
Opéra- comique en un acte, paroles de MM. Michel Carré et
Barrière, musique de M. Léo Délires.
• (Premières représentations le 1^' mal.)
Commençons par le commencement, comme le conseille Hamilton.
Rosa est fille d'un armurier de Londres, et en âge de se marier.
Il vient à maître Smith , son père , une idée assez originale : c'est
d'ouvrir dans son atelier un concours dont sa fille sera le prix. Sa
main appartiendra à l'ouvrier qui se sera montré le plus habile. II
semble que maître Smith, après avoir publié ce ban, va voir accou-
rir chez lui tous les ouvriers armuriers de l'Angleterre. Hélas ! il
n'en vient aucun, et cela ne fait honneur ni aux attraiis de miss
Rosa, ni à la galanterie des armuriers. Smith resterait seul dans son
atelier avec son apprenti Nig^l , -si un gentilhomme d'Ecosse ,
M. George Halifax, n'imaginait pas de se réfugier chez lui pour
échapper à ses créanciers, et si miss Jenny, qui s'obstine à épouser
M. George, malgré ses fredaines, n'avait recours au même déguise-
ment et au même prétexte pour suivre et surveiller de plus près
son infidèle.
Voilà donc les trois prétendants, ou, comme dit l'affiche, les trois
fiancés de Rosa : Nigel, Halifax et miss Jenny, travestie en jeune
garçon, et que M. George n'a garde de reconnaître. Des trois, un
seul est sérieux, et c'est aussi le seul auquel Rosa pense. De son
côté, maître Smith n'a garde de s'apercevoir que deux de ses ou-
vriers n'ont jamais manié un marteau. Quand il reçoit, par une lettre
anonyme, l'avis qu'un des trois est un prince déguisé qui a projeté
de lui ravir sa fille, il n'est pas plus habile à discerner le gentil-
homme aux façons élégantes ou la belle dame aux doigts effilés, du
véritable ouvrier, qui a les mains calleuses et toutes les grâces de
son état. Enfin, il ne marie Rosa et Nige! qu'à la dernière extré-
mité, et qu'après avoir dit autant de sottises et commis autant d'ab-
surdités qu'il en faut pour remplir un acte parfaitement invraisem-
blable.
On voit sans peine, dès les premières mesures de l'ouverture, que
Mme Clémence Valgrand est fort au-dessus de la classe des amateurs
ordinaires, qu'elle a sérieusement travaillé. Un élève du Conserva-
toire concourant pour le grand prix ne serait pas plus recherché
dans ses harmonies. Mme Valgrand écrit bien pour les voix et ins-
trumente très-correctement. Elle a mis dans la bouche de miss Jenny,
déguisée en ouvrier, un air dont le thème principal est d'une ex-
trême élégance, et qui serait sans défaut, si le style n'en était pas trop
noble pour la situation, et l'expression trop passionnée. Elle a fait
chanter à Nigel des couplets comiques : Comptant sur la promesse
de l'auteur de vos jours, qui ont du naturel et une allure assez
franche. Un duo entre miss Jenny et George Halifax finit par une
slrelte à trois temps, menée vivement, gaie, entraînante. Le reste
est de qualité inférieure. Les idées sont assez communes, et les re-
140
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
cherches harmoniques que l'auteur y prodigue ne les relèvent pas.
Les morceaux sont très-nombreux dans cet ouvrage, et, pour la plu-
part, ne vont pas au-dessus du niveau d'un recueil de chansonnettes
à une ou à plusieurs voix. En général, et malgré les quelques pas-
sages que nous avons mentionnés ci-dessus, l'intérêt de cette partition
est faible, et ne saurait compenser tout ce qui manque au livret.
Mlle Faivre, M. Girardot, M. Wartel, M. Legrand, jouent et chan-
tent fort agréablement leurs rôles. Il serait à souhaiter seulement que
Mlle Faivre, dans les passages rapides et syllabiques, eût l'arliculation
plus nette. Le rôle de Rosa est rempli par Mlle Boyer, jeune artiste
qui ne manque pas de voix ni d'intelligence, probablement, mais
dont le jeu et le chant semblent trahir l'inexpérience des premiers
débuts.
Le second ouvrage a réussi auprès du public beaucoup mieux que
le premier. Nous ne saurions en faire un compte rendu plus exact
que celui de la Fontaine, et notre prose n'aurait certainement pas l'a-
grément de ses vers.
LE JARDINIER ET SON SEIGNEUR.
Un amateur de jardinage,
Demi-bourgeois, denii-manant.
Possédait en certain village
Un jardin assez propre, et le clos attenant.
Il avait de plant vif fermé cette étendue.
Là croissait à plaisir l'oseille et la laitue,
De qijQi faire à Margot pour sa fête un bouquet,
Peu dé'jasmin d'Espagne, et force serpolet.
Cette félicité, par un lièvre troublée,
Fit qu'au seigneur du bourg notre homme se plaignit.
— Ce maudit animal vient prendre sa goulée
Chaque matin, dit-il, et des pièges se rit.
Les pierres, les bâtons y perdent leur crédit.
Il est sorcier, je crois. — Sorcier ! je l'en défie.
Répartit le seigneur. Fût-il diable, Miraut
En dépit de ses tours, l'attrapera bientôt.
Je vous en déferai, bonhomme, sur ma vie.
—Et quand?— Et dès demain, sans tarder plus longtemps.
La partie ainsi faite, il vient avec ses gens.
— Çi, déjeunons, dit-il. Vos poulets sont-ils tendres?
La fille du logis, qu'on vous voie ! approchez !
Quand la marîrons-nous ? Quand aurons-nous des gendres?
Bonhomme, c'est ce coup qu'il faut, vous m'entendez.
Qu'il faut fouiller à l'escarcelle.
Disant ces mots, il fait connaissance avec elle,
Auprès de lui la fait asseoir.
Prend une main, un bras, lève un coin du mouchoir.
Toutes sottises dont la belle
Se défend avec grand respect,
Tant qu'au père, à la fin, cela devient suspect.
Cependant, on fricasse, on se rue en cuisine.
— De quand sont vos jambons? ils ont fort bonne mine.
— Monsieur, ils sont à vous.— Vraiment, dit le seigneur.
Je les reçois, et de bon cœur.
Il déjeune très-bien. Aussi fait sa famille,
Chiens, chevaux et valets, tous gens bien endentés.
Il commande chez l'hôte, y prend des libertés,
Boit son vin, caresse sa fille.
L'embarras des chasseurs succède au déjeuné.
Chacun s'anime et se prépare.
Les trompes et les cors font un tel tintamarre
Que le bon homme est étonné.
Le pis fut que ''on mit en piteux équipage
Le pauvre potager. Adieu planches, carreaux 1
Adieu chicorée et poreaux I
Adieu de quoi mettre au potage 1
Le lièvre était gîté dessous un maître chou.
On le quête, on le lance, il s'enfuit par un trou.
Non pas trou, mais trouée, horrible et large plaie
Que l'on fit à la pauvre haie
Par ordre du seigneur, car il eût été mal
Qu'on n'eût pu du jardin sortir tout à cheval.
Le bon homme disait : Ce sont là jeux de prince.
Mais on le laissait dire, et les chiens et les gens
Firent plus de dégât en une heure de temps
Que n'en auraient fait en cent ans
Tous les lièvres de la province.
La Fontaine tire de là une sage leçon de politique à l'usage des
petits États. Mais il est certain que dans les affaires privées aussi le
remède est souvent pire qiie le mal, et qu'il faut savoir se résigner
philosophiquement aux mille petits accidents dont la vie est pleine.
Tout ce que le fabuliste a raconté, MM. Barrière et Michel Carré
l'ont mis en scène, sans en omettre le moindre détail. Ils ont seule-
lement ajoulé un piqueur nommé Marcasse, qui courtise Margot, pen-
dant que son maître, le baron, fait le galant auprès d'Etiennette, et
un garçon de ferme, amant aimé de celle-ci, qui l'épouse au dénoû-
ment. Leur pièce est vive, gaie, drolatique et fort bien jouée. La
musique a les mêmes quaUtés. M. Léo Délibes est élève d'Adolphe
Adam , et s'est parfaitement approprié sa manière. Si l'on eiit donné
au public le Jardinier et son seigneur pour une œuvre posthume
d'Adam, personne n'aurait songé à réclamer. Nous ne pensons pas
non plus que M. Léo Délibes songe à réclamer contre cet éloge : il
est, plus que qui que ce soit, à même de l'apprécier. Le chœur des
gardes -chasse seulement est un peu mou, si on le compare au chœur
des soldats qui font tapage dans le Chalet ; mais, en revanche, nous
doutons qu'Adam ait rien écrit d'aussi original que les imprécations
de Maclou contre le lièvre : J'en d'viendrai fov ! etc. Il y a aussi une
inspiration très-heureuse dans les couplets de Petit-Pierre, finissant
jiar ces vers :
Vous êtes Jean qui pleure,
Et j'suis Jean qui rit.
Maclou vient de lui refuser Tiennette et de le chasser. En disant
qu'il est Jean qui rit, sa voix, en dépit de lui-même, éclate en san-
glots, si bien qu'en pleurant le plus naturellement du monde, il fait
rire. Rien de plus piquant et de plus gracieux que le petit duo de
ce Petit-Pierre avec Tiennette. Rien de plus gai que les deux quatuors
et les couplets de Marcasse, auxquels il ne manque que d'être dits
avec un ton moins solennel. Enfin, paroles et musique ont parfaite-
ment réussi, comme aussi les acteurs, parmi lesquels il faut citer
en première ligne M. Gabriel et Mlle Faivre.
LÉON DUROCHER.
AUDITIONS MUSICALES.
Alexandre Billet. — Jean Vallall. — Mlle Hélène de
, Katoir. — eiusepp» Garlboldl.
La diversité des talents d'exécution a un grand charme, et montre
chaque jour combien l'art est inépuisable et, combien les mêmes
œuvres se prêtent, dans certains détails du moins, à une interpréta-
tion dissemblable et quelquefois également belle et vraie. Quoi qu'on
en dise, la musique a mille choses vagues et fugitives, qu'on a
peut-être raison de chercher à préciser, à fixer pour la médiocrité,
mais qu'il est bon de laisser sentir et traduire comme ils l'entendent
aux artistes qui ont une manière individuelle. M. Alexandre Billet,
pianiste dont la réputation n'est plus à faire, l'a encore prouvé l'autre
soir dans les salons Erard. Il a compris et rendu un triode Beetho-
ven en virtuose indépendant, bien inspiré, qui ne cherche point à
reproduire le style de celui-ci ou de celui-là, qui se livre entièrement
à son propre mouvement et à son propre caractère. M. Alexandre
DK PARIS.
141
Billet n'a pss trompé les espérances de ceux qui, depuis longtemps,
apprécient ses qualités et qui applaudissent aux heureuses modifica-
tions que le temps, la réflexion et une plus grande intelligence des
beautés classiques ont apportées à son jeu. Rien de plus distingué et
de plus varié que l'exécution de M. Billet dans le solo. Les expressions
les plus opposées, les influences les plus diverses, l'accent musical de
l'instrument à ses différents âges : l'âge de la grâce et de l'élégance
avec Field ; celui de la rêverie, de la tristesse, de l'inquiétude, de la
passion, avec Weber, Chopin et Mendelssohn, ont été abordés par
M.Alexandre Billet avec une régularité de rhylhme, un art de phraser
et une chaleur exempte de toute espèce d'exagération qui ont excité
d'enthousiastes bravos.
On a fait bisser la charmante Danse russe d'Armiugaud, jouée par
cet élégant violoniste avec beaucoup de délicatesse et d'entrain.
Mme Morel Scott et M. Manesi ont fait aussi grand plaisir et ont
été fort applaudis.
— Cn aveugle, M. ]e;in Vailaii, a dernièrement, dans la salle Herz,
enthousiasmé son auditoire, et cela avec la pauvre mandoline. Mais
il faut dire aussi que jamais instrument n'a été manié par un talent
plus fin, plus fort et plus touchant. M. Vailati a exécuté sur une seule
corde le Carnaval de Venise, puis des fantaisies sur Norma et sur II
Trovatore. 11 a causé une vive impression en donnant à toutes les
formes dont il a su revêtir le chant, une variété et un brio qui, là,
semblaient de véritables phénomènes. Secondé par le violoncelle si
expressif de Braga, par i'ophicléide de Colasanli, qui, lui aussi, a eu
des bonheurs d'expression à rendre jaloux bien des solistes, M. Jean
Vailati a constamment fait oublier l'insuffisance de la mandoline, et a
montré le style, la sensibilité, en un mot tous les mouvements de
l'âme auxquels se reconnaissent les véritables artistes. Son succès a
été des plus légitimes et des plus brillants.
— Nous avons déjà parlé; à propos d'une charmante soirée musi-
cale donnée par Nadar, de Mlle Hélène de Katow. Jeune, jolie, ex-
cellente musicienne, et comme telle, premier prix du Conservatoire
royal de Bruxelles; de plus, élève du célèbre violoncelliste Servais
tant de fois applaudi à Paris, Mlle Hélène de Katow ne pouvait man-
quer de trouver à son tour un bon accueil. Aussi avait-elle réuni un
nombreux et brillant auditoire dans le beau concert qu'elle a donné
dernièrement salle Herz. Jouer du violoncelle est chose rare pour
une femme, mais en jouer avec un talent réel est plus rare encore ;.
la curiosité était donc vivement excitée. Hâtons-nous de dire qu'elle
n'a pas été déçue. Mlle de Katow possède un jeu large et brillant; son
style pur, toujours élevé, rappelle bien les qualités de son maître.
Douée au suprême degré de cette grâce et de ce sentiment exquis,
apanage de la femme, et qui, sans exclure la vigueur et la puis-
sance, ajoutent un charme infini à l'exécution, elle domine son ins-
trument et en lire les plus beaux effets. Aussi Mlle de Katow a-t-elle
obtenu dans ce premier essai un succès véritable et dont elle doit
être fière; car elle est adoptée désormais par le public parisien, et
nous l'entendrons sans doute fréquemment la saison prochaine. Plu-
sieurs artistes de talent avaient tenu à prêter leur concours à Mlle de
Katow . M. et Mlle Fortuna, Mlle Boulart, s'étaient chargés de la par-
lie vocale; M. Lebeau sur l'harmonium, Mlle Aline Mallet sur Is piano,
et M. Sighicelli sur le violon, ont joué avec infiniment de talent un
concerto de Goltermann, les Adieux de Marie Suart et la Berceuse
de Ueber.
— M. Giuseppe Gariboldi, flûtiste de talent, a fait entendre, au cercle
des Sociétés savantes, des œuvrts vocales et instrumentales de sa
composition. Sans contredit, la facilité es. un don; mais, comme tout
se paie ici bas, on ne l'a souvent qu'aux dépens, non-seulement de
la correction, mais encore de la force et de la variété de la pensée.
Quoi qu'il en soit, les mélodies de M. Gariboldi sont loin d'être dé-
pourvues de charme; on y trouve même d'assez jolies idées, sinon
une harmonie intéressante et un travail attachant. La mélodie amommi
allor a été très-bien accueillie. — La scène fantastique pour violon,
piano et orgue a eu aussi beaucoup de succès, et on a bissé la can-
zone il Mereiajualo. Enfin, en jouant sa fantaisie sur Lalla-Roukh et
son Elégie, M. Gariboldi a fait preuve d'une grande habileté.
Adolphe BOTTE.
BEVUE CRITIQUE.
liE CHjtN'T DES EXIIjK($,
Pour ténor seal et chcear d'boaimes,
ParGIACOMO meyerbeer.
L'illustre auteur du Prophète et des Huguenots vient d'ajouter à sa
belle collection de chœurs, dont, l'année dernière, nous signalions le
mérite éclatant et pressentions le succès, une nouvelle composition
intitulée : le Chant des Exilés. Comme dans les quatre premières, A
la patrie. Invocation à la terre natale, les Joyeux Chasseurs et
V Amitié, Meyerbeer a trouvé moyen d'être constamment net, clair,
chantant, sans renoncer cependant aux éléments avec lesquels, par
toutes les forces de la science et du style, il revêt ses idées d'un
caractère facile à reconnaître. Le maître qui module si savamment ne
le fait pourtant jamais que lorsque l'expression de sa pensée le de-
mande impérieusement. Ici, quoique développée par des harmonies
neuves, piquantes et enchanteresses qui semblent multiplier à l'infini
les ressources des voix, la mélodie reste toujours souveraine.
Dans le Chant des Exilés, il y a une mélancolie, une tendresse,
un sérieux, une élévation qui, tout d'abord, pénètrent et ravissent
l'imagination. On y célèbre l'amour de la patrie, du foyer domestique,
le culte des aïeux, les souvenirs d'enfance. Tout y est simple, grand,
naturel, pur et noble. Il est impossible de ne pas reconnaître avec
quel charme, quelle sincérité on chante, de l'autre côté du Rbin, les
joies, les tristesses, les pieuses traditions de la famille et les espé-
rances infinies de la religion. Evidemment le génie de Meyerbeer se
complaît à traiter ces thèmes éternels qui semblent toujours vierges,
tant on y trouve chaque jour d'expressions diverses, fraîches et nou-
velles. Dans les petites pièces de poésie intime' qu'il laisse échapper
de temps en temps dj sa plume si puissante, il atteint à une grâce,
à une souplesse singulières; il arrive à des oppositions de couleur du
plus bel effet et qui, rarement, furent plus richement employées que
dans le Chant des Exilés. Ce chant, sans accompagnement instru-
mental, attaqué d'abord par le ténor solo, auquel répond le chœur,
change de mode, passe du majeur au mineur et, toujours dialoguant,
se métamorphose bientôt complètement : de vif et franc qu'il était, il
devient triste et désolé. C'est bien simple assurément : tous les jours
et partout on change ainsi de tonalité et de mouvement ; mais on n'ar-
rive pas tous les jours, comme l'a fait Meyerbeer, à créer avec les
mêmes notes et le même rhythme une tout autre mélodie. Avec l'au-
teur du Pardon de Ploérmel, même dans ses cadres les plus restreints,
l'uniformité n'est pas à craindre : aussi après le retour du mode ma •
jeur aperçoit-on un nouveau tableau : les illusions de l'adolescence
reviennent en foule, la pensée passe de la tombe au berceau, et une
ravissante berceuse termine l'œuvre, en évoquant les fantômes éva-
nouis de la maison paternelle. Assurément tout le monde subira le
charme de cette délicieuse inspiration si délicatement travaillée ; on
se sent ému rien qu'en la lisant.
Puisqu'il faut toujours qu'il soit question de détails techniques,
disons que cette dernière strophe, d'un mouvement toujours plus
lent, emprunte à un suave et doux accompagnement à bouche fer-
mée, à la mollesse, au balancement du rhylhme, à la finesse de
l'harmonie, a un morendo qui, jusqu'à la fin, jette un voile de tris-
tesse et de mélancolie sur la composilionj je ne sais quoi de flottant,
1^2
KKVLE KT GAZETTE MUSICALE
de mystérieux, de grave, de religieux même, bien digne de celui qui,
dans Robert, a trouvé cette phrase si touchante :
Quand près de moi, le soir,
Ma mère priait Dieu.
Au reste, Meyerbeer n'est pas le seul grand artiste que la piété
filiale ait magnifiquement inspiré. Lamartine et Hugo, se rappelant
aussi les tendresses ineffables de l'amour maternel, ont trouvé des
accents qui ne périront point. Le Chant des exilés, plein des mêmes
sentiments et des mêmes regrets amers, mérite d'être rangé parmi
ces petits chefs-d'œuvre qui, entre autres chances de popularité,
unissent la moralité à la beauté.
Adolphe BOTTE.
Le défaut d'espace nous oblige à remettre à la semaine prochaine
la Revue des théâtres de M. D. A. D. Saint-Yves. Constatons seule-
ment, en attendant, le succès qu'a obtenu au théâtre du Vaudeville,
la pièce de M. Aylic Langlé, Un homme de rien.
NOUVELLES.
,*» Dimanche, le théâtre impérial de l'Opéra a donné Guillaume Tell.
Le chef-d'œuvre do Rossini a été pour Villaret l'occasion d'un nouveau
succès. — Toute la semaine, la Muette a alterné avec Guillaume Tell,
chacun de ces deux opéras remplissant la salle. Ils ont de nouveau fait
les frais delà représentation donnée hier soir au bénéfice de la caisse
des pensions de retraite des artistes et des employés de l'Opéra.
**t ha. reprise du Comte Ory et de Giselle est fixée définitivement
aux premiers jours de cette semaine. La répétition générale des deux
ouvrages a dû avoir lieu hier.
**j La direction du théâtre impérial de l'Opéra vient d'engager le
célèbre chorégraphe Rota. Il doit régler un ballet nouveau dont M. de
Saint-Georges écrira le scénario et M. Giorza la musique.
«*» Belval est en ce moment à Toulouse où il obtient de très-beaux
succès dans Robert, les Huguenots et ta Juive. Ses représentations sont
très-suivies, et le public toulousain apprécie chaleureusement le véri-
table talent avec lequel cet excellent artiste rend les magnifiques rôles
de Bertram et de Marcel.
^*^ La saison se trouvant très-avancée, le théâtre de l'Opéra-Comique,
d'accord avec M. de Flotow, a interrompu les représentations de son
opéra en deux actes. Il ne sera représenté que l'automne prochain, et
le célèbre compositeur vient de quitter Paris pour retourner en Alle-
magne.
s.*:s Une indisposition de Prilleux, qui est atteint d'une bronchite ca-
pillaire, a retardé la reprise û'Haydée ; il y sera remplacé par Du-
vernoy.
*** La saison du théâtre Italien a été close jeudi par une brillante
représentation de deux actes de Poliuto, du troisième de Don Pasquale
et du deuxième du Tnuatni-e. Depuis les représentations d'Adelina Patti,
la salle n'avait pas été aussi remplie. Tamberlick, rétabli de son indis-
position, et qui avait de nouveau chanté Poliuto le lundi précédent,
paraissait avoir retrouvé tous ses moyens, et ce rôle, son meilleur au-
jourd'hui, lui a valu de chaleureux applaudissements. — Hier soir, une
représentation extraordinaire accordée à deux artistes, réunissait les
chanteurs restant encore de la troupe italienne et les sujets de di-
vers théâtres. — L'administration de M. Galzado va maintenant faire
place à celle de M. Bagier, qui cumule les fonctions de directeur à
Madrid et à Paris.
*** Mlle Adelina Patti est arrivée cette semaine à Paris, venant de
Vienne. Elle y est restée quelques jours et est partie pour Londres où
elle est attendue avec impatience au théâtre de Covent-Garden. Ce qu'on
a dit de l'enthousiasme provoqué à Vienne par la jeune, et brillante
cantatrice est encore resté au-dessous de la vérité ; elle revient littéra-
lement couverte de bijoux du plus grand prix, offerts par l'aristocratie
de Vienne, et les vingt-trois représentations qu'elle a donni^es ont pro-
duit 80,000 francs de bénéfice (les recettes brutes ont été de 115,000
florins, soit environ 140,000 francs) à l'imprésario Merelli.
»** Plusieurs journaux belges ont annoncé que Meyerbeer viendrait à
Bruxelles pour assister au quatrième concert du Conservatoire, qui a
eu lieu le 26. Ces journaux ont été induits en erreur. Meyerbeer n'a
pas quitté Berlin.
^,*,i, H. Berlioz est de retour à Paris. — Plusieurs scènes d'Allemagne
vont monter son opéra de Béatrixet Benedict.
^*» A l'une des dernières soirées de Rossini, on a entendu une mé-
lodie nouvelle de Louis Engel pour chant, piano, harpe et orgue. Cette
mélodie d'un beau style a trouvé, dans Mme Bettini-Trebelli, la plus
charmante interprète. Elle a été accompagnée sur l'orgue par l'auteur,
qui a passé quelques jours à Paris. Il a de plus charmé l'auditoire en
exécutant sur l'orgue plusieurs de ses nouvelles compositions : Echo du
cœur, Causerie, etc. luutile d'ajouter qu'elles ont été suivies des plus
vifs applaudissements et que l'auteur a dû en répéter plusieurs.
a,** NOS correspondances de Saint-Pétersbourg nous ont, à plusîieurs
reprises, manifesté le doute qu'après la saison prochaine qui verra finir
les engagements des principaux artistes de la troupe italienne, la di-
rection des théâtres impériaux conserve une charge aussi lourde que
celle du théâtre italien. Il ne faut pas se dissimuler que l'émancipation
des serfs a produit dans les revenus de la noblesse un temps d'arrêt
qui la force, momentanément du moins, à l'économie. 11 en est résulté
depuis deux ans un désabonnement des premières loges et des fauteuils
d'orchestre très-préjudiciable aux recettes, tandis qu'au contraire les
dépenses ont été sans cesse croissantes. Sans parler de ce qu'a coûté
à monter la Forza del destina (près de 200,000 francs en y comprenant
la somme payée à Verdi), les appointements des artistes actuels, que
citait dernièrement un journal de Saint-Pétersbourg, et dont les chifl'res
sont exacts, se répartissent comme suit : à Tamberlick, 72,000 francs
d'appointements et un bénéfice assuré pour 15,4U0 francs, total:
87,400 francs pour six mois; à Graziani, 70,000 francs ; à Mme Barbot,
75,000 francs ; à Mme Nantier-Didiée, 45,000 francs; sans préjudice des
appointements des artistes secondaires, de.s choristes, des gens de ser-
vices, de l'orchestre, des décorateurs, des cadeaux importants donnés
par la cour, etc., le tout dépassant certainement un million. Il ne se-
rait donc pas étonnant, si la situation ne devient pas meilleure au pro-
chain abonnement, que la direction renonçât à une exploitation si
coûteuse. Peut-être alors serait-elle concédée à une entreprise particu-
lière qui, pouvant opérer avec plus d'économie, réussirait vraisem-
blablement mieux. — L'opéra russe a eu des malades, et il s'en est
suivi des retards dans l'apparition des opéras nouveaux d'Artemovski :
le ZaporoLjuc, et de Serovif : Judith. En attendant, Slradella, interprété
par l'excellent ténor Nicolski, poursuit le cours de son succès.
*** Mario et Fraschini sont arrivés à Paris. Avant son départ de
Barcelone une couronne d'argent, avec diverses devises, a été offerte
à Mario, et la musique du régiment d'artillerie lui a donné le soir une
sérénade.
„,** Aux artistes éminents que nous avons déjà cités comme devant
représenter l'opéra italien à Bade : Naudin, Mme Charton-Demeur, Delle-
Sedie, il faut joindre Mlle Battu et Mmés Colson et Demeric-Lablache.
^*^ Ernest Reyer, chargé par le gouvernement d'une mission spéciale
intéressant l'art musi:al. a quitté Paris jeudi, pour se rendre à Ber-
lin, Vienne, Belgrade et Pesth. L'auteur de la Statue reviendra par la
Suisse à Bade, où il compte passer l'été.
»*,t Un opéra en un acte, eu vers, paroles de M. Th. Sauvage, musi-
que de Rosenhain, sera représenté cette saison à Ems, sous le titre :
Volage et jaloux.
^'^^ Nous avions annoncé le départ de Mme Charton-Demeur pour
Bordeaux, où elle chantait au concert donné le 22 par la Société phil-
harmonique. Mme ChartOD y a reçu le plus brillant accueil. Après cha-
cun de ses morceaux, la cavatine de Norma, l'air des Nozze , celui de
la Traviata et // Bacio, la célèbre cantatrice a été applaudie avec en-
thousiasme et rappelée à plusieurs reprises.
j*^ Une soirée musicale intéressante a été donnée, mardi dernier, par
Mlle Sophie Prud'homme, pianiste distinguée, au cercle des Sociétés
savantes. Suivant les excellentes traditions du cercle, Mlle Prud'homme
s'était entourée d'artistes aimés du public : Sighicelli, dont la réputa-
tion est faite depuis longtemps, et qui a interprété en maître le fan-
tastique Trémolo de de Bériot; M. Bruyant, qui a joué avec une grande
délicatesse d'expression, et comme un hommage rendu à la mémoire du
maître regretté, le Souvenir de Wiesbaden, poétique inspiration de Ver-
roust; Mme Balanqué, une charmante dugazon, dont les principales
scènes de province gardent le souvenir ; M. Teste, belle voix de basse,
que l'Opéra-Comique adoptera, au sortir des épreuves du Conservatoire;
IMM. Guidon frères, ou plutôt l'un des frères Guidon, qui a parfaite-
ment dit la Sérénade de Gounod. Nous devons une mention toute spé-
ciale à M. Lentz, organiste du chœur à Saint-Sulpice, qui a joué sur
l'orgue-harmonium deux de ses nouvelles compositions : un rondo-ca-
price, spirituelle étude, riche en traits heureux, et sur fOcéan, sym-
phonie en miniature, dont les trois parties forment un petit tableau
dramatique traité par l'auteur avec un talent qui n'attend que l'occa-
sion de se manifester en des œuvres plus sérieuses. Une fantaisie bril.
lante de Leybach sur la Sonnambula, jouée par Mlle S. Prud'homme,
avec une assurance, une agilité de mécanisme et une vigueur peu com-
munes, a terminé le concert.
,t*» S.EXC. le ministre de l'instruction publique et des cultes vient de
prendre une mesure qui, nous l'espérons, exercera une très-grande in-
fluence sur l'enseignement musical en France. Il a adressé à tous les
préfets une circulaire, que nous reproduirons dans notre prochain
numéro , mais dont nous nous contentons aujourd'hui d'indiquer l'ob-
I>E PARIS.
US
jet : I Enseignement du chant dans les écoles publiques. — Acquisi-
tion par les communes d'orgues de la fabrique de MM. Alexandre. »
Nous ne pouvons qu'applaudir à cette décision qui témoigne de la sol-
licitude éclairée de M. Kouland pour tout ce qui concerne l'enseigne-
ment artistique.
»*^ Nous devons ajouter à la mention faite dans notre dernier numéro
de la partie du rapport de M. Busson, relative à la subvention de cent
mille francs que la commission du budget a émis le vœu d'attribuer
au théâtre Lyrique, à titre d'encouragement, cette circonstance, que
le Corps légis'atif s'est occupé de la question, que M. Nogent Saint-
Laurent a chaleureusement appuyé cette motion, et que sa parole a ren-
contré les sympathies générales. Le Corps législatif, à l'unanimité, s'est
montré dans les dispositions les plus favorables pour ce théâtre. Le vœu
depuis si longtemps formé par les auteurs et compositeurs de musique,
pourrait donc se trouver bientôt réalisé, et tout le monde applaudit
déjà des deux mains aux bonnes paroles de la commission du budget.
Nous croyons pouvoir dire à cette occasion, que la subvention une
fois acqriise au théâtre Lyrique, les jeunes compositeurs auront un
avenir d'autant plus assuré, que la sollicitude de S. Exe. le ministre
d'État leur ménage des moyens réels de se produire dans de meilleures
conditions. — On en jugera bientôt.
»** Le 24° concert, le dernier de cette année, donné à Lowenberg,
vient d'avoir lieu avec un grand éclat au château de S. A. le prince de
HohenzoUern. Le programme, composé par le prince, ne contenait que
des œuvres de M. Berlioz, qui lui-même dirigeait l'exécution. Mme PohI
seulement, l'habile virtuose de la cour de VVeimar, a joué sur la harpe
avec un remarquable talent et un beau succès, la Danse des Fées, de
Parish Alvars. L'auditoire, depuis longtemps familier avec les partitions
de M. Berlioz, en a saisi rapidement les traits frappants, les délicatesses
et les plus mystérieased intentions. L'ouverture du Roi Léar, l'adagio
(scène d'amour) de Roméo et Juliette, et, dans un genre tout opposé, le
finale (l'orgie) de Harold en Italie, ont fait naître des émotions dont on
a peu d'exemples au concert. Dans cette dernière symphonie, l'alto solo
a été joué avec une grande supériorité de talent par l'habile maître de
chapelle, M. Seifriz, qui avait non-seulement cédé son bâton au compo-
siteur français, mais qui s'était fait un de ses interprètes. Aucune de ces
compositions si diverses de forme et de caractère n'a manqué son effet.
L'exécutioa d'ailleurs en était entraînante par la verve, et pleine des
nuances les mieux nénagées. L'orchestre de S. A. a acquis ce jour-là
de nouveaux titres à l'admiration des connaisseurs. Entre les deux par-
ties du programme, l'aide de camp du prince est monté sur l'estrade
et, aux longs applaudissements des artistes et du public, a présenté à
M. Berlioz la croix de l'ordre de Hohenzollern.
*** Prudent est de retour de Metz, où il a donné, dans la salle de
l'hôtel de ville, un très-beau concert. Pas une place n'était à prendre,
et il a produit un immense effet en exécutant la Danse des fées, Adieu
printemps et le Chant d'Ariel; on lui a fait bisser cette dei'nière com-
position.
^*f. Par suite d'une délibération de l'assemblée générale des action-
naires, le grand théâtre de Venise restera fermé cet été.
^*» Une très-intéressante pianiste, Mlle Anna Meyer, vient de don-
ner à Lyon, Marseille, Montpellier et Toulouse des concerts où elle
a obtenu des succès aussi brillants que mérilés. A Toulouse, elle a
joué chez le maréchal Niel, et l'auditoire réuni à cette occasion l'a
chaleureusement félicitée. Le même accueil lui est fait à Bordeaux, et
elle est engagée pour cet été à Bade, Wisbade et Hombourg.
,1,*^ Mardi dernier, la musique du U' d'artillerie montée de la garde
a, sous l'habile direction de son chef, M. KIosé, donné une séance très-
remarquable dans la salle d'Adolphe Sax. Un pas redoublé et une marche
extraits des cris de Paris, livre partition de M. G. Kastner, et le rêve
d''Oswald, fragments d'un autre excellent ouvrage du savant membre de
l'Institut, ont tour à tour excité l'intérêt et enlevé les applaudissements
d'un auditoire d'élite, dans lequel on remarquait M. le général Melli-
net, MM. A. Elwart, Emile Jouas, Laurent de Rillé, Jules Simon, etc.
C'est par une fantaisie sur h Pardon de Ploermel et la marche du Couron-
nement, de l'illustre Meyerbeer, que la séance a été terminiie. Sous
forme d'intermèdes, M. Adolphe Sax a fait entendre un trombone et
un saxhorn, basse d'un système aussi nouveau qu'ingénieux- Au mo-
ment de se séparer, et sur la demande du {jénéral et de sa société, le
pas redoublé et la marche de G. Kastner ont été exécutés uue seconde
fois, et un ravissant morceau d'inspection de M. KIosé a, pour la clô-
ture, obtenu un véritable succès.
,*« L'éditeur Goupil, dit M. de Lécluse dans le Journal des Débats,
vient de publier une nouvelle gravure qui intéressera vivement les ar-
tistes et les nombreux admirateurs du célèbre Beethoven. Ce grand
compositeur est représenté dans un accès de désespoir, causé par sa
surdité prématurée. Presque couché sur son piano, la tête appuyée
contre ses bras et les mains agitées convulsivement, il occupe le pre-
mier plan de la composition; mais au-delà et au-dessus de cette scène
réelle s'en développe une autre toute fantastique, où l'on voit un chef
d'orchestre, de grandeur surnaturelle, qui semble faire mouvoir les
pei-sonnifications de toutes les idées auxquelles Beethoven a donné la
vie. Cette composition remarquable est de M. Lemud, jusqu'ici connu
comme habile lithographe, mais qui, pour son coup d'essai en gravure,
a rendu au burin sa belle composition de Beethoven avec une perfec-
tion remarquable. La scène réelle, traitée avec vigueur, fait ressortir la
partie fantastique de la composition, rendue avec une supériorité de
burin qui nous fait compter un très-habile graveur français de plus.
,j*i L'association des Artistes musiciens, fondée par M. le baron Taylor,
tiendra son assemblée générale jeudi prochain, 7 mai, à midi, dans la
grande salle du Conservatoire impérial de musique et de déclamation.
^** L'association secourable des anciens élèves de l'école Choron fera
exécuter une messe solennelle à grand orchestre, de M. Nicou-Choron,
son président, dans l'église de la Madeleine, le mercredi 6 mai^ à midi
précis. M. Duprez, ancien élève de cette célèbre école, donnera son pré-
cieux concours à l'exécution de cette œuvre, qui sera montée dans des
proportions considérables et dirigée par M. Dietsch. Le grand orgue sera
touché par M. Saint-Saëns.
*'*4 Aujourd'hui, dimanche, il sera donné au Pré Catalan, sous la di-
rection Musard, avec le concours du Comité national de bienfaisance,
un grand concert vocal et instrumental au profit des ouvriers cotonniers.
Jamais Paris n'aura assisté à une plus belle fête. Tout le monde a voulu
prêter son appui à cette œuvre de bienfaisance : le travail sera représenté
par les députations des Sociétés chorales de la Seine et de Seine-et-
Oise, qui fourniront plus de mille chanteurs exécutant les plus beaux
morceaux de leurs riches répertoires; — l'armée enverra plusieurs musi-
ques militaires; — l'art a offert ses plus habiles dilettanti, qui, guidés par
Musard, rendront avec cet ensemble qui caractérise l'orchestre du Pré
Catelan, les majestueuses compositions de nos grands maîtres. —Dans cette
fête de charité se fera entendre, pour la première fois depuis son retour
de Russie, Legendre, piston solo qui n'a pas de rival. 11 jouera une
brillante fantaisie sur le Trovatore, et son merveilleux Carnaval de Venise,
que lui seul peut exécuter.
,f*,f Un café- concert qui avait beaucoup de vogue,' le Café du Géant,
au boulevard du Temple, est devenu mercredi la proie des flammes. 11
a été complètement détruit. Le feu paraît avoir pris dans la chambre
d'une servante, qui a péri victime de l'incendie. On estime la perte à
250,000 francs; il était assuré pour 120,000 francs.
„■*» L'exposition des beaux-arts, qui vient de s'ouvrir au palais de
l'Industrie, offrira à la curiosité des visiteurs le modèle en relief du
nouvel opéra qui se construit en ce moment. Ce modèle, d'assez grande
dimension, est en plâtre et pèse près de 3,000 kilos. De grandes pré-
cautions ont dû être prises pour le faire arriver sain et sauf à sa des-
tination.
,f*^ La Gazette de Naples annonce que l'exploitation du théâtre de
San Carlo sera concédée pour la saison d'été à un riche négociant,
M. G. Vonviller. On augure favorablement de ce choix.
a,*,j A la dernière séance de la Société des concerts, Mme Duprez-
Vandenheuvel a obtenu, au Conservatoire, un très-beau succès en chan-
tant l'air d'Idoménée et dans le duo de l'Automne des Saisons.
,1,*^, De grandes fêtes musicales se préparent à Strasbourg pour les 20,
21 et 22 juin. On évalue déjà à plus de 2,000 le nombre des chanteurs
qui s'y rendront. Le 21 il y aura concours orphéonique ; le 22 sera con-
sacré à l'audition d'une cantate, paroles de Méry, musique de Schwab,
et à l'exécution de l'Enfance du Christ, de Berlioz.
j,*^ L'inauguration du grand orgue de St-Étienne du Mont, reconstruit
et enrichi de notables perfectionnements par la maison A. Cavaillé-
Coll, a eu lieu lundi soir, 26 courant, devant un grand nombre de
personnes, parmi lesquelles on comptait plusieurs artistes et amateurs
distingués. Plusieurs organistes de nos premières paroisses se sont fait
entendre avec succès sur ce bel instrument, enfermé dans un buffet du
style Louis XIII le plus riche, et qui possède une grande sonorité et des
jeux d'une qualité de timbre vraiment remarquable. M. Franck aîné, de
Sainte-Clotilde, a traité en maître les jeux de fond de huit et de seize
pieds. M. Auguste Durand, de Saint-Roch, a fait valoir avec élégance
les gambis et les voix humaines. M. Lebel, organiste de Saint-Étienne
du Mont, et professeur d'orgue à l'institution des Jeunes Ave'jgles, a
prouvé sa science musicale dans deux morceaux très-bien développés.
Mais le succès le plus grand a été pour M. J. Ch. Hess, un de nos pianis-
tes-compositeurs dont le nom est devenu le plus populaire dans ces
derniers temps. M . Hess est organiste in partihus, et l'église qui possé-
dera cet artiste n'aura rien à envier aux autres temples de la capitale.
,f*,t L'éminent violoncelliste-compositeur Ernest Nathan, est de retour
de Nice, où il a. passé l'hiver. Il a signalé son retour à Paris par une
réunion artistique dans laquelle il a fait entendre ses nouvelles compo-
sitions sur Norma, le Trouvère et une charmante mélodie sur le motif
connu de Pauvre Jacques. L'auditoire choisi qui avait répondu à son
appel n'a pas moins applaudi Ernest Nathan comme compositeur que
comme virtuose ; il a d'ailleurs été fort bien secondé par Mmes de La-
pommeraye et Viard Louis ; MM. Félix Levy, Marochetti et Alfred Lebeau.
*■*:,, Les musiques des régiments de cavalerie et d'infanterie de la
garde impériale, en garnison à Paris, ont commencé, à dater du 1"'' mai,
à e-xéouter des morceaux d'harmonie dans le jardin des Tuileries. Ainsi
que cela se pratiquait les années précédentes, ces concerts militaires
ont lieu tous les jours, le dimanche excepté
144
REVUE ET (iAZETTE MUSICALE DE HAKIS.
*** On lit dans la Gazette de Cologne que l'inauguration à Munich
de la statue de Schiller, commandée par le roi Louis, aura lieu le 9 mai,
jour anniversaire de la naissance du poëte, en présence de la fille et
du petit-fils de Schiller. Le directeur général de la musique, M. Franz
Lachner, a été chargé de composer des chœurs pour cette solennité.
**i La bise du nord, compagne habituelle de la lune rousse, a nui à
l'ouverture du concert des Champs-Elysées, annoncé pour le 1=' mai.
M. de Besselièvre a néanmoins tenu à ce qu'elle eût lieu le jour indi-
qué, et Arban a dû exécuter devant les rares visiteurs qui avaient bravé
le vent et la froidure, le beau programme qu'il avait composé pour
cette solennité et dans lequel se remarquaient sa belle fantaisie sur l'É-
toile du Nord et son nouveau quadrille sur les Pavards. Espérons que le
ciel va .se montrer plus clément pour M. de Besselièvre, et qu'Arban
répétera ce programme devant un auditoire non moins nombreux que
celui de l'été dernier.
^*^ Le commerce de musique allemand vient de faire une grande
perte dans la personne de Gustave Bock, éditeur plein d'intelligence et
d'habileté, qui, en peu d'années, avait su élever sa maison au rang des
premières de l'Allemagne. Dans ces derniers temps, il s'était attaché à
naturaliser dans son pays les œuvres des compositeurs français, et c'est
grâce à son initiative que les théâtres de Berlin et de l'Allemagne ont
successivement représenté plusieurs opéras nouveaux de Maillart, Gou -
nod, Offenbach, etc. M. Gustave Bock est mort jeune; il n'avait que cin-
quante ans. Son caractère honorable, ses relations faciles le font géné-
ralement regretter.
,** A Cologne vient de mourir le violoniste Grûnwald, professeur de
violon au conservatoire de la ville. Jules Griinwald, né le 21 août 1834,
à Posen, avait montré dès l'enfance beaucoup de goût et de talent pour
la musique. Il suivit les cours du conservatoire de Prague, où il reçut
des leçons de l'excellent violoniste Mildner. Très-jeune encore, Grûnwald
fit sensatiou dans les concerts à Prague et à Leipzig; plus tard, il rem-
plit quelque temps les fonctions de chef d'orchestre au théâtre Wil-
helmstadt. C'est en 1 856 qu'il fut attaché au conservatoire de Cologne
comme professeur de violon, en remplacement de Théodore Pixis; la
même année il joua pour la première fois en public, dans un concert
de Gurzenich, où il obtint un succès d'enthousiasme. La mort préma-
turée de l'intéressant artiste a fait une impression douloureuse à Colo-
gne ; de nombreux amis et une foule de personnes qui avaient su
apprécier son talent si pur et si élevé et ses excellentes qualités, ont
suivi Ij convoi. Ferdinand Hiller a prononcé d'éloquentes paroles sur sa
tombe.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
,j*,j Marseille. — Les représentations de Mme Miolan Carvalho ont
commencé sous les auspices les plus heureux par un acte de générosité
et de bienfaisance de la célèbre cantatrice. Presque Marseillaise, elle
avait promis à sa mère que sa première représentation dans sa ville na-
tale serait donnée au profit des pauvres: La promesse faite par la jeune
fille a été plus que scrupuleusement tenue par la grande artiste. Non-
seulement elle a abandonné la somme qui lui revenait de droit, mais
elle y a encore ajouté 1000 francs, et le tout, formant 1750 fr. a été dis-
tribué par les soins du maire à nos divers établissements de charité.
Est-il besoin dire que si ce noble trait n'ajoutait rien à l'admirable ta-
lent de Mme Carvalho, il devait lui concilier à l'instant toutes les sym-
pathies. Aussi a-t-elle trouvé plus que de l'enthousiasme parmi notre
population charmée, et sa présence est- elle devenue l'objet des mani-
festations les plus chaleureuses. Mme Carvalho s'est déjà montrée dans
les Noces de Jeannette, le Barbier et la Fanchonnette et ces représentations
ont eu lieu avec un éclat inaccoutumé. On l'attend maintenant dans
le Faust de Gounod.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
»*,t Londres. — Le théâtre italien de Covent-Garden, après sa bril-
lante inauguration par la Muta di Portici, a donné Guillaume Tell et
Riyoletto. Un ténor nouveau, Caffieri, qui chantait le rôle d'Arnold au
lieu et place de Tamberiick, non encore arrivé, a médiocrement plu.
Mlle Battu s'est fort distinguée dans celui de Mathilde. Dans Bigoletto
Naudin a obtenu un très-beau succès. On lui a fait bisser la ballade
\a, Donna e mobile. — Mardi dernier avait lieu une représentation extraor-
dinaire de gala pour le prince et la princesse de Galles. On devait
d'abord donner Guillaume Tell, mais la Muette a eu la préférence. Les
prix avaient été doublés, et nonobstant la salle était comble depuis le
parterre jusqu'au cintre. Bien plus, par une innovation ingénieuse au
profit de la recette, après la chute du rideau, qui s'est relevé immé-
diatement pour chanter une deuxième fois le God save the queen, déjà
entonné par la troupe entière au moment de l'entrée du couple royal,
une foule de personnes qui avaient acheté ce droit moyennant quel-
ques shillings, était admise successivement sur la scène, qu'elles traver-
saient en se mêlant aux personnages des chœurs, pour jouir du coup
d'œil et de la présence de la princesse, que chacun était avide de voir
d'aussi près. Aussi la recette a-t-elle atteint le chiffre de 2,000 gui-
nées, et depuis longtemps la salle n'avait-elle compté pareil nombre de
personnes de distinction. — Mlle Ellinger a débuté cette semaine à
Majesty's Théâtre dans le rôle de Maflfeo Orsini de Lucrezia Bonjia; on lui
a fait répéter le Brindisi. - ■ La FarfaUtta avec Mme FerrarJs continue
à avoir beaucoup de succès. — La dixième saison des concerts au pa-
lais de cristal va s'ouvrir avec éclat par la musique composée par Men-'
delssohn sur Athalie. A l'exécution d'Âihalic succédera celle des deux
ouvertures composées par Meyerbeer et Auber pour l'exposition. — L'or-
chestre et les chœurs, sous la direction de Costa, ne se composeront
pas de moins de 2,500 exécutants. Les violons et altos sont au nom-
bre de 196, les violoncelles et contre-basses, de 90, les harpes de
20, et il y aura un nombre équivalent d'instruments à vent.
^*,f Bruxelles. — Le quatrième et dernier concert de notre Conser-
vatoire royal offrait un attrait de plus à la curiosité empressée du pu-
blic. Son illustre directeur avait voulu profiter de cette occasion pour
nous faire connaître l'ouverture en forme de marche composée par
Meyerbeer pour l'exposition de Londres. Rendons d'abord hommage à
l'admirable exécution qui nous en a été donnée par l'excellent orchestre
du Conservatoire. Il en a compris et supérieurement rendu les divers
rhythmes, et fait ressortir délicatement toutes les nuances. Les détails
ingénieux , les piquants effets de sonorité qui y abondent, ont été
saisis complètement par l'auditoire. Quant à l'appréciation et la valeur
de l'œuvre même, nous croyons être d'accord avec toute la presse en
disant que le style grandiose de l'auteur des Huguenots s'y retrouve tout
entier : aussi a-t-elle produit l'effet qui l'a accompagnée partout où
elle a été déjà exécutée. L'ouverture de la Grotte de Fingal, de Men-
delssohn ; l'air de la Calomnie, du Barbier; l'andante con moto et rondo
du quatrième concerto en sol de Beethoven, et la symphonie en ut
majeur de l'illustre compositeur, complétaient le programme de cette
belle séance, qui clôt dignement la série des concerts du Conserva-
toire. — Les représentations de Freyschiitz avec récits de Berlioz, sont
très-suivies au théâtre royal de la Monnaie, quoique la direction ne se
soit guère mise en frais pour la reprise de ce chef-d'œuvre. On y
monte le Roman d'Elvire, d'Ambroise Thomas, avec Mlle Monrose, qui
l'a créé à Paris.
,^*a: Vienne. — C'est le 26 avril que Mlle Patti a fait sas adieux au
public, dans une représentation où elle a chanté des fragments d'opéras
divers. L'enthousiasme du public tenait du délire ; à la fin du spectacle
la merveilleuse cantatrice a été rappelée seize fois, sans compter les
rappels pendant la pièce. Les choristes lui ont donné une sérénade.
— Au théâtre de la cour aujourd'hui, 27 avril, Robert le Diable, avec
Mme Mulder-Fabri (Alice) et Mme Friedberg (Hélène). — Lalla-Roulch,
opéra de F. David, n'a pas eu tout le succès auquel on s'attendait ; la
faute en est un peu à Mlle Krauss, dont la voix n'a pas la fraîcheur et
la jeunesse que le rôle principal exige.
»** Hambourg. — Mlle Désirée Artot a débuté au théâtre de la ville
par le rôle d'Angèle, dans le Domino noir. Le succès a été des plus flat-
teurs pour l'éminente cantatrice. — Sivori a été applaudi avec enthou-
siasme dans le dernier concert de la Société de musique. — On attend
Joachin.
^*^ Dresde. — Le Songe d'une nuit d'été, avec la délicieuse musique
de Mendelssohn, a été repris au théâtre de la cour, et a fait plaisir,
quoique l'exécution ait laissé à désirer.
„,** Gotha. — Le théâtre de la cour a représenté pour la première
fois : Anne de Bretagne, opéra nouveau de M. Otto Preschtler, musique
du comte Gatterbourg.
»*,s Schwerin. — Sous la direction du maître de chapelle de la cour,
A. Schmitt, il s'est formé une société de chant qui a débuté par l'exé-
cution de Paulus, oratorio de Mendelssohn. — Au festival qui aura lieu
au mois de juin, on exécutera les Machabées, oratorio de Haendel.
a,''* Mayence. — A la' salle du Casino a été exécuté l'oratorio de
Spohr : la Chute de Babylone, parla Liedertafel Qt le Damen-Verein, sous
la direction de Rûhl. Au total, l'exécution a été satisfaisante.
»*„, Prague. — Au théâtre national a reparu Dinorah, de Meyerbeer.
Le succès a été aussi brillant, aussi enthousiaste qu'aux premières re-
présentations. Mlle Brenner est fort bien dans le rôle principal, comme
actrice et comme cantatrice.
^** Florence. — Les représentations du théâtre du Lyceo sont três-
suivies. Emilio Pancani, la basse Milesi, Mlle Papini, et surtout
MUeE. Lagrua, composent un excellent ensemble. Le rôle de A^orma, que
Mlle Lagrua a chanté plusieurs fois avec cette puissance vocale et dra-
matique qui distingue à un si haut degré la célèbre cantatrice, pro-
voque chaque fois dans l'auditoire un véritable enthousiasme.
LeOirecleur : S. OUFOUR .
PABIS. — IMPBIMEBIE CENTBA
: NAPOLEON CnAlX I
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, I.
30« Année.
N« 19.
OIV S'ABONNE 1
Dass lea Déportemenls et à l'Étranger, chez tout
les MarchantJs de Musique, los Libraires, et aux
Pureaui des Messageries et des Postes.
REVUE
10 Mai 1863.
PRIS DE L'ABONHEIUENT :
Paris 21tr.piiran
Départements, Belgique et Suisse — 30 « id.
Étranger 31 ir id.
Le Journal parait le DLiiiuncbe.
GAZETTE MUS
-^^A/ \PJV^AA^lAA/•^u
SOMMAIRE. — Tliéâtre impérial de l'Opéra : reprise de Giselle; début de
Mlle Mourawief, par Panl Smith. — Théâtre impérial de l'Opéra-Comique :
reprise i'Hai/dée, par liéon Durocher. — Auditions musicales, par
Adolphe Botte. — Fragment i'Hamlet, de M. Victorien Joncières, par
A, Elwart. — Revue des tliéàtres, par D. A. D. Saiiit-YTes. —
Nouvelles et annonces.
THÉÂTRE IMPERIAL DE L'OPÉRA.
Reprise fie Giaelte. — Débat de Bille Moura-wief.
11 y aura tantôt vingt-deux ans qu'à cette place même nous ren-
dions compte de la première représentation du ballet dont nous
venons de voir la reprise, et, à cette époque reculée, nous en expo-
sions le sujet comme il suit: « Les naïades, les sylphides ayant assez
servi, voici venir les Wiiis, qui ne demandent pas mieux que de leur
succéder. Les Wiiis nous arrivent tout droit des pays slaves : ce
sont de pauvres filles, de pauvres fiancées, saisies par la mort avant
le mariage. Or, il paraît que c'est un instant fort désagréable pour
mourir et qu'on ne s'en va pas dans l'autre monde sans un violent
dépit. Ce dépit se change en fureur et empêche de dormir jusque
dans la tombe, où pourtant on a l'air de dormir si bien! Tous les
soirs, à minuit, les jeunes mortes se relèvent, se rassemblent et se
mettent à danser au clair de la lune, pour se dédommager de n'avoir
pas dansé le jour de leurs noces. Malheur au jeune homme qui vient
à passer et s'aventure dans le cercle fatal des danseuses nocturnes !
Elles le font danser malgré lui et danser à mort. Le galop de Mu-
sard, le galop de la Renaissance (style de l'époque), ne sont rien à
côté de ce galop diabolique, au bout duquel le jeune homme suc-
combe! Alors les Wiiis se retirent joyeuses de n'avoir pas perdu leur
soirée et se donnent rendez-vous pour le lendemain. »
Ce ballet avait été composé pour le début de Carlotta Gris! :
le rôle de Giselle fut la première et la plus heureuse incarnation
de cette charmante et sympathique ballerine, qui avait vraiment l'air
de danser pour son plaisir, ce qui faisait que tout le monde en
trouvait à la regarder. Aujourd'hui c'est Mlle Mourawief, dont le nom
dit l'origine, qui aspire à remplacer Carlotta. Mlle Mourawief, comme
Mme Petipa, nous vient de Saint-Pétersbourg, et n'offre guère avec
elle d'autre ressemblance. Elle est petite et mince, plus légèrequ'une
noix, levior nnce; si quelque moderne Shylock avait à réclamer
d'elle une livre de ce que vous savez, nous ne devinons pas où il
pourrait la prendre. Au demeurant, elle a une jolie taille, la jambe
bien tournée, alerte, et tellement docile qu'on dirait un instrument
de précision. La Russie inculque à ses danseuses des principes ar-
rêtés, au fond desquels se retrouve toujours quelque chose de l'exer-
cice militaire. A ces causes, il faut attribuer les mouvements sacca-
dés qui tiennent de l'horloge à secondes et les petits coups de tête,
dont l'expression nous échappe. Avouons que tout cela nous paraît
un peu trop mécanique , et que nous n'aimons ,'pas non plus qu'un
danseur emporte sa danseuse sous le bras comme un rouleau d'é-
toffe et tournoie avec elle dans celte attitude. Sur les biirds de la
Seine, les conditions de succès ne sont pas les mêmes que sur ceux
de la Newa. Mlle Mourawief a pour elle une correction extrême, elle
excelle dans le taqueté: elle a des pointes fabuleuses. Hœ tibi erunt
artes. Ces dons lui suffisent et au-delà pour réussir, enlever les bra-
vos, les rappels, comme elle l'a fait vendredi et le fera bien d'autres
fois encore. Il y avait plus de nature et de charme dans la manière
de Mme Petipa : il y a plus d'art et de fini dans celle de Mlle Mou-
rawief. L'une ne nuit aucunement à l'autre ; on peut les admirer
ensemble et les apprécier séparément.
On doit aussi ne pas oublier les danseuses françaises, Mme Zina,
par exemple, qui exécute à ravir le délicieux pas du premier acte, la
valse populaire, où triomphait Nathalie Fitzjames. La reine des Wiiis .
est fort agréablement représentée par Mlle Laure Fonta, digne héri-
tière de Mlle Adèle Dumilâtre. Mérante, Coralli, Chapuy, remplissent
avec talent les rôles de "autre sexe.
Le ballet de Giselle a été remis en scène avec un soin tout particu-
lier. Les deux décors offrent des tableaux ravissants ; dans le second,
on a profité de l'invention des glaces pour l'entrée de la reine des
Wiiis. qui s'avance en se mirant dans l'eau. 11 ne reste plus qu'à ré-
gler les effets de la lumière électrique, dont les caprices ne s'ex-
pliquent pas toujours.
Un mot sur la partition, qui fut le chef-d'œuvre incontesté du plus
habile de nos maîtres en ce genre. Adolphe Adam n'a jamais eu
d'inspiration plus franche, plus variée, plus joyeuse et en même
temps plus délicate que celle qui lui a dicté la musique de ce ballet,
signé- d'ailleurs par un auteur dramatique et un poëte, MM. de Saint.
Georges et Théophile Gautier.
LL. MM. l'Empereur et l'Impératrice ont honoré la représentation
de leur présence et de leurs bravos.
Paui. SMITH.
U6
REVUK El GAZKÏTE MUSICALK
THÉÂTRE IMPÉRIAL DE L'OPÉRA- COffllQDE.
Beprise a'JBTayttée. — M. liéon Achard. — H. Troy. —
aille Barctii.
Haydée est incontestablement un des chefs-d'œuvre de l'Opéra-
Comique.
Il fallait une singulière audace pour entreprendre un ouvrage dra-
matique où l'intérêt serait concentré sur un homme coupable d'un
acte infâme et déshonorant, qui avait triché au jeu, qui avait ainsi
dépouillé son adversaire de toute sa fortune, et l'avait réduit au
suicide. Il fallait une prodigieuse habileté pour mener à bien un
projet pareil. Le succès a été complet, et n'a pas été douteux un seul
instant. Scribe, esprit blasé, qui cherchait dés émotions dans le pé-
ril, qui se faisait un jeu, non des difficultés, mais des impossibilités,
qui avait déjà fait accepter au public une reine de Portugal — une
reine de vingt ans — courant incognito les aventures, s'engageant
toute seule dans une caverne de faux monnojeurs qui lui fabriquent
de faux diamants après qu'elle leur a donné les diamants vrais pour
modèles, et puis revenant tranquillement dans sa capitale et dans
son palais sans que ses ministres, ses courtisans, ses chambellans,
ses dames d'atours aient le moindre soupçon de son étrange esca-
pade; Scribe a dû se dire, après la première représentation A' Haydée:
J'ai fait le plus étonnant tour de force qu'on ait jamais vu au théâtre.
11 est certain que Lorédan, même après que son crime est connu,
ne cesse pas un seul instant d'être sympathique au spectateur. Scribe
a pris ses précautions pour cela, et avec quel art ! Lorédan est beau,
jeune encore, brave, généreux, magnanime, entouré de l'estime et de
l'admiration universelle. Il a conquis tous ses grades à la pointe de
l'épée. A force de services et de victoires il est parvenu au grade
le plus élevé que puisse ambitionner un homme de mer. Le voilà
trop haut pour que le mépris désormais puisse l'atteindre. Mais ce
n'est pas encore assez qu'on ne le méprise pas. Il faut qu'on l'aime.
Il faut, pour que le drame réussisse, qu'on s'identifie avec lui, qu'on
s'associe à ses desseins, à ses espérances, qu'on frémisse de ses pé-
rils, qu'on pleure de ses douleurs. Le poëte a su aller jusque-là.
M. Mérimée, qui lui a fourni son sujet dans une nouvelle qui est un
petit chef-d'œuvre (1), M. Mérimée , il faut le reconnaître , l'avait
mis sur la voie. Son lieutenant Roger intéresse, malgré son erreur
d'un moment, parce qu'il est profondément affligé de sa chute, qu'il
se la reproche amèrement, et sans cesse, qu'il n'a pas un jour, pas
une heure de relâche, si bien que l'ami auquel il a confié volontaire-
ment son malheur, ne songe qu'à le consoler. « Je le voyais si
malheureux que, s'il m'avait demandé mes pistolets pour se tuer, je
crois que je les lui aurais donnés. »
Dieu fit du repentir la vertu des mortels,
a dit Voltaire. Quand le remords est plus profond que le crime n'a
été odieux, il l'expie, il l'efface. On ne voit qu'un infortuné dans le
coupable, et la commisération qu'il inspire devient facilement de la
sympathie, lorsque son repentir a été actif, qu'il a réparé ses torts
autant qu'il était en lui, qu'il les a couverts par de grandes actions,
et surtout par de grands Bacrifices.
Aussitôt après la mort de Donato, Lorédan a changé de vie. 11 n'a
plus joué. lia renoncé à tous les plaisirs de la jeunesse. Il a cherché
la mort avec acharnement, mais une mort utile à son pays. La mort
n'a point voulu de lui, et ses exploits l'ont élevé rapidement. La for-
tune ne l'a point aveuglé, pas même étourdi, et n'a pas étouffé la
voix sévère qui, en secret, l'accuse et le torture. Donato a laissé un
fils qui a disparu, et une pupille qu'il a ruinée : il se charge de la
pupille, et ne néglige rien pour retrouver le fils. A la veille d'un
combat où il compte se faire tuer, il partage entre eux, par testa-
(1) MosAîQDE, la Partie de trictrac.
ment, tout ce qu'il possède. Enfin, quand il retrouve ce fils dans
le volontaire Andréa, il lui rend courageusement justice, malgré les
menaces du traître Malipieri qui a surpris son secret :
Allons! du cœurl
Sachons braver même le déshonneur !
Et tout le monde est de son avis quand il dit tout bas qu'il sacri-
fie pour Donato plus que Donato n'a perdu. Quelle profonde con-
naissance du cœur humain dans toutes ses combinaisons ! quelle vi-
gueur de logique dans leur agencement ! quel art souverain dans la
manière dont tout cela est mis en scène, et quelle richesse d'imagina-
tion dans tous les détails !
Le musicien n'a pas été moins habile que le poëte, ni moins bien
inspiré. Le style mélodique à'Haydée est plus nerveux, plus large,
plus élevé que celui de tout autre opéra-comique. — Nous laissons
de côté Joseph, qui avait été originairement conçu en vue du grand
Opéra. — Le duo de Lorédan et de Malipieri, au second acte , celui
de Lorédan et d'Haydée, au troisième, ont une vigueur de coloris et
une énergie d'expression peu communes. Les couplets de Malipieri et
ceux d'Haydée : A Venise saches vous taire, ont une élévation , une
élégance et une ampleur de forme qu'on voit rarement à des mor-
ceaux de proportions aussi réduites.
La barcarolle à deux voix du premier acte, et l'air de la Corvette,
avec son accompagnement choral à bouche fermée, sont des mer-
veilles d'inventions d'harmonie piquante et hardie. Enfin la scène de
somnambulisme du premier acte est traitée avec une habileté magis-
trale qui ne saurait être surpassée. Nous ne croyons pas que M. Au-
ber se soit jamais élevé plus haut.
Le rôle de Lorédan exige de très- grandes qualités de chanteur et
d'acteur. Roger l'avait admirablement compris. Il le jouait en tragé-
dien. Il le chantait en homme qui va bientôt aborder le grand opéra,
et créer le rôle de Jean de Leyde. M. Achard, qui aujourd'hui le
remplace, n'a pas malheureusement en lui l'étoffe d'un ténor tragique.
Son jeu manque d'ampleur. Sa tenue, son geste, son ton, son regard,
n'ont rien d'héroïque. On n'y sent pas la dignité du commandement.
Sa voix, charmante dans la Dame blanche, paraît grêle dans Haydée.
Pourquoi sortir ainsi de son caractère? Pourquoi forcer son talent?
Comme ténor léger, M. Achard est aujourd'hui sans rival en France.
N'est-ce donc pas une assez belle position, et la succession de Pon-
chard est-elle tant à dédaigner ? En faisant des efforts qui n'abou-
tissent pas, M. Achard compromet la pureté, la souplesse de son or-
gane, la faciUté et la grâce de son exécution. Qu'il ne s'obstine pas
à se faire autre qu'il n'est, et à lutter contre la nature ! C'est ce qu'on
peut souhaiter de mieux pour lui-même et pour nous, qui tenons à
le conserver.
M. Troy est excellent dans le rôle de Malipieri. Belle tenue, voix
solide et vigourause, exécution toujours correcte et souvent élégante,
expre.ssion juste. . . Il a toutes les qualités de son emploi. Malgré toute
la bonne volonté de Mlle Baretti, et toute la peine qu'elle prend, sa
voix et son style sont également insuffisants. Quand à Mme Biard-
Chollet et à M. Ponchard, nous demandons la permission de n'en
rien dire. Ceux qui les ont entendus sauront bien pourquoi.
LÉON DUROCHER.
AUDITIONS MUSICALES.
Blmc Giroud tic Vïllelte. — Edonard Cazanou'S'e. —
Frédéric BrîMson et Portchaut. — Société académique
de musique sacrée.
La soirée donnée à l'hôtel du Louvre par Mme Ciroud de Villette
a été très-intéressante. On y a vivement applaudi Mmes Charlotte
DE ï-i-MlS.
147
Dreyfus, Pilhon-Chéret, MM. Prumier, Tolbecque, Lebrun et Lafont.
Dans le talent de Mme Giroud de Villette, les dilettantes ont fort
apprécié la manière de phraser et de vocaliser. Malgré l'inégalité et
l'indécision qui se sont fait remarquer dans quelques passages , la
chanson de l'Abeille, la cavatine de Pierre de Médicis et les soli de
la Charité ont été dits avec un excellent sentiment.
— Si la jeunesse des exécutants a donné au concert de M. Edouard
Cazaneuve un attrait tout particulier, le talent n'y a point manqué
non plus. Quelques jolies voix, que l'étude disciplinera encore, la
sonate pathétique de Beethoven , quelques gracieuses pages de
M. Edouard Cazaneuve, jouées par ce pianiste d'une façon claire,
simple et brillante; un beau concerto de Vieuxtemps , exécuté avec
justesse par M. Lelong, et un joli solo de hautbois, dans lequel
M. Fernand Magnier a fait grand plaisir, c'était plus qu'il n'en fal-
lait pour contenter un auditoire bienveillant et sympathique qui, en
encourageant la jeunesse, s'est montré bien aise de pouvoir en même
temps applaudir au talent: sous les fleurs, on n'est jamais fâché de
pressentir les fruits.
— Au charmant concert qu'il a donné dans les salons Pleyel-
Wolff, en compagnie de M. Portehaut, M. Frédéric Brisson a joué
sur l'orgue sa Ronde de riuit et sa Fêle des Porcherons, petites piè-
ces fort bien faites et très-chantantes. Mais il ne faut pas que l'or-
ganiste nous fasse oublier le pianiste; disons donc que, après avoir
fait entendre un trio écrit il y a longtemps déjà par l'auteur de la
Muette, trio extrêmement remarquable, non-seulement par de jo-
lies idées, par une facture pleine d'habileté , mais aussi par une
grande intelligence du style de la musique de chambre (style que
les symphonistes, malheureux au théâtre , déclarent incompatible
avec le génie dramatique), M. Brisson a exécuté , trois morceaux qui
ont fait un vif plaisir. Son trio sur les Puritains a été aussi
très-sympathiquement accueilli. Il a été délicieusement interprété
par l'auteur, par M. Lavignac, pianiste de talent, et par Norblin, l'un
des maîtres du violoncelle. M; Portehaut a chanté une grande scène
de Charles VI. Son style est dramatique, sa méthode excellente et
sa voix encore bonne. Sa diction est remarquable, et dans les Ruses
villageoises , petite opérette de M. Brisson, il s'est montré aussi fln
comédien que chanteur expérimenté.
— Depuis longtemps, les gens sérieux se plaignent d'entendre trop
souvent à l'église des airs légers, sautillants, dénués de toute espèce
de convenance, de gravité, et voudraient bien que la fantaisie rendît
enfin la place aux mélodies larges , simples, suaves et austères. 11
faut bien le dire, si les œuvres que, avec raison, on veut aujourd'hui
chasser du sanctuaire y ont si souvent pénétré, c'est que M.M. les
curés et les maîtres de chapelle l'ont bien voulu ; c'est que les chan-
teurs n'ont aucune idée du style qui convient ; c'est aussi que les
jeunes compositeurs ne pensent absolument qu'au théâtre. Pour notre
part, nous préférons à toutes les richesses de l'instrumentation, à
toutes les savantes combinaisons du contre-point et de la fugue, quel-
ques-unes de ces belles hymnes que tous les fidèles répètent depuis
des siècles; nous préférons des masses chorales bien exercées, des
ensembles satisfaisants à des solistes qui chantent tout à fait comme
ils chantent à l'Opéra : aussi désirons-nous vivement que la Société
académique de musique sacrée puisse réaliser son beau programme.
Cette Société, présidée par M. Charles Vervoitte, homme de goût, de
savoir et d'expérience, ne se propose pas moins que de restaurer et
de propager le chant l'eligieux, d'élever nos idées par l'étude et par
l'audition des chefs-d'œuvre classiques. C'est là, assurément, une
noble tâche, bien digne de nos plus vives et de nos plus franches
sympathies. Son premier concert, donné la semaine dernière au pro-
fit des ouvriers cotonniers, était très-intéressant. Beaucoup de gens
du monde, des dames surtout, ont voulu prouver qu'il n'était pas
impossible, avec un peu de bonne volonté et de persévérance, d'in-
terpréter comme elles doivent l'être les grandes inspirations reli-
gieuses. L'exécution a été bonne, et cette tentative a réussi au-delà
de toutes les espérances. De belles séances de musique de chambre
initient le public aux merveilles du grand style instrumental ; quant
au style vocal, on ne le sait que trop, c'est tout autre chose ; et,
sans parler de la musique d'église, on peut affirmer sans crainte que
les chefs-d'œuvre du passé ne sont guère connus. Â en iuger par
les applaudissements qui ont accueilli diverses pages de Marcello,
dePalestrina, de Jomelli, où Mme Brésil s'est distinguée par un aplomb
de bonne musicienne et où Mme la baronne de F... s'est fait remar-
quer, entre toutes les solistes, par la largeur de son style, par la
justesse de sa voix, par la pureté et la simplicité de son expression,
les sociétés qui, comme celle-ci, se voueraient à l'interprétation de
ces ouvrages obtiendraient un beau succès et exerceraient la même
influence que les sociétés de musique instrumentale, auxquelles nous
devons d'être débarrassés des choses fades et insignifiantes qui na-
guère y tinrent tant de place et corfompirent le goût.
Quelle prodigieuse diversité dans tous les chœurs entendus l'autre
soir ! Quelle différence entre le Stabat mater d'Haydn, le Tantum ergo
de Bortnianski, le Gaudeamus de Carissimi et le Paulv.s de Mendels-
sohn ! Mais pourtant quel fond commun! Ces rares esprits se gar-
daient bien de tout bouleverser, de tout changer; ils n'étaient pas
tombés, comme de grandes intelligences de notre temps, dans cette
funeste erreur de croire que la forme est tout, qu'elle peut dispenser
d'avoir de hautes , fortes ou gracieuses pensées; ils ne rejetaient
point encore la mélodie ; ils y croyaient; et ce n'est pas sans un
plaisir mêlé de surprise que plus d'un auditeur, entendant sans doute
pour la première fois ces chants religieux, dépouillés le plus souvent
des sonorités et des richesses de l'orchestre, y trouvait de si douces,
de si claires et de si ravissantes mélodies. Les artistes ont brillam-
ment fait leur devoir: c'étaient MM. Bussine, Hayet et Marochetti.
Le difficile, à Paris surtout, n'est pas de réunir quelques solistes dis-
tingués; ce qui l'est bien davantage, et ce que M. Charles Vervoitte
a eu le bonheur de rencontrer, ce sont des masses vocales habiles,
c'est l'ensemble et la parfaite abnégation dont d'excellents musiciens,
de tout âge et de tout rang, ont offert le spectacle avec tant de grâce
et de mérite artistique.
Adolphe BOTTE.
Fragmeots A'MSavnlet,
Musique composée par M. Victorin JONCIERES.
Voici un début plein de promesses ponr l'avenir. M. "Victorin Jon-
cières sera jugé par nous avec d'autant plus d'impartialité que nous
avons dirigé ses premiers pas dans l'étude de la science harmonique.
La séance a commencé par l'exécution d'une gavotte de Bach, orches-
trée par le jeune compositeur, et la modestie de cette entrée en
matière lui a porté bonheur.
L'ouverture A'Hamlet est d'une coupe originale ; — elle a de l'u-
nité, de la splendeur, et une phrase très-expressive des violoncelles s'y
fait remarquer. — Une marche avec chœurs vient ensuite. — Elle est
coupée par des phrases instrumentales de l'effet le plus pittoresque ;
mais nous pensons que, si le chœur intervenait 'syllabiquement sous
ces passages purement symphonique?, l'effet général du morceau y
gagnerait beaucoup.
La Chanson d'Ophélia, dite par Mme Grenier -Ni vet, a été plutôt
devinée que bien entendue. L'entracte symphonique par lequel l'au-
teur a voulu peindre les reproches adressés par Hamlet à sa mère,
est un grand et noble morceau. Les rentrées mélodiques des altos et
des violoncelles ont fait sensation. La Chanson du fossoyeur a été si
bient dite par Paulin que le public l'a fait recommencer. Une marche
funèbre, dont le début très-pitloresque est confié aux cloches et aux
bassons, tandis que le hautbois fuit un contre-sujet d'une couleur
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
moyen âge pleine d'origioalité, a été exécutée ensuite par l'orchestre
et les chœurs. L'audition s'est terminée par une symphonie imitîtive
de duel ; ce morceau d'une allure assez ordinaire, renferme pourtant
quelques passages saillants. L'orchestration de Victorin Joncières
est sonore sans être bruyante ; il écrit bien pour les instru-
ments, et trouve quelquefois des combinaisons de timbres ori-
ginales. Sa mélodie, purement vocale, ne marche pas avec assez
de naturel et de liberté ; elle n'est pas encore assez en dehors,
et l'auteur, très-préoccupé de l'accompagnement , néglige peut-être
un peu trop la partie vitale de toute musique. Il n'en n'est pas de
même pour les chœurs, qui sont écrits dans d'excellentes conditions
de sonorité. Si cette tentative heureuse éclaire, sans l'éblouir, le jeune
artiste, nous croyons discerner dans ses brillants essais le germe d'un
compositeur de grand opéra. C'est un espoir pour les amis de l'art
sérieux, et nous faisons des vœux pour qu'il se réalise un jour.
A. ELWART.
Beaucoup de personnes, et même des marchands de musique, sont
dans la persuasion que si l'éditeur, propriétaire d'une œuvre musicale,
n'a pas jugé à propos d'en publier tel ou tel arrangement, il est loi-
sible à chacun de faire venir de l'étranger, et même de vendre en
France, cet arrangement quelconque, qu'il aura convenu à un éditeur
d'Allemagne, par exemple, de faire paraître, parce qu'il aura acquis
pour ce pays la propriété de la même œuvre musicale. C'est une
grave erreur, et nous devons leur rappeler que l'introduction, aussi bien
que la vente en France de morceaux de ce genre, est assimilée à la
contrefaçon et peut être poursuivie comme telle. Nous sommes
amenés à appeler l'attention sur cette disposition de la loi par le
cas qui s'est présenté tout récemment, et dans lequel nous avons dû
faire pratiquer chez le sieur ***, marchand de musique à Paris, la
saisie d'un certain nombre d'exemplaires d'un arrangement pour le
piano à quatre mains, deja Muette de Portici, publié à Leipzig, que
nous n'avions pas jugé à propos d'éditer, et qu'il débitait à notre
préjudice. Nous jugeons inutile de faire ressortir en quoi consiste le
préjudice que nous avons subi; mais, dans notre intérêt, comme dans
celui de nos confrères, nous avons tenu à les mettre en éveil sur
cette infraction aux droits de la propriété, infraclion,que, pour notre
part, nous sommes parfaitement décidés à réprimer toutes les fois
qu'elle sera commise.
G. BRANDUS et S. DUFOUR.
BEVUE DES THEATRES.
Vaudeville : Un homme de rien, comédie en quatre actes, par
M . Aylic Langlé . — Vamétés : Reprise des Farces dramatiques,
pièce en cinq tableaux, par MM. Dumanoir et Clairville. — Palais-
Royal : Folammbô ou les Cocasseries carthaginoises, pièce en qua-
tre actes, par MM. Laurencin et Clairville. — Porte -Saint-Martin :
Reprise de Charles Vil chez ses grands vassaux, drame en cinq
actes et en vers, par Alexandre Dumas. — Théâtre Démzet :
les Pantins éternels, pièce en trois actes et six tableaux, par
MM. Clairville et J. Dornay. — Théâtre des Champs-Elysées.
Il y a peu de pièces nouvelles à l'ordre du jour ; les théâtres se
reposent des fatigues de la campagne d'hiver, ou se préparent à af ■
fronter les périls de la campagne d'été. Quelques-uns sont encore
sous l'impresi-ion des adieux de leurs anciens pensionnaires qui les
quittent et renoncent à une carrière brillamment parcourue. Samson
et Maillart, aux Français; Arnal, aux Variétés; Ferville, au Gym-
nase, sont allés retrouver Frederick Lemaître et Bouffé dans leur
retraite. La succession est ouverte ; mais si les vieux s'en vont,
les jeunes ne sont pas arrivés, et, pour les auteurs comme pour leurs
interprètes, nous sommes à l'une de ces époques de transition, où
l'art dramatique cherche sa voie sans la trouver.
Impuissante à lutter contre ce courant contraire, la direction du
Vaudeville, après trois ou quatre ans d'énergiques efforts, a rendu
son privilège au ministre; mais, en partant, admirez la chance ! elle
laisse à son héritier le succès après lequel elle a couru si longtemps-
Ce succès, presque posthume, s'appelle Vn homme de rien, et est dû
à la plume de M. Aylic Langlé, fils d'un vaudevilliste et petit-fils
d'un compositeur. Son nom seul est sur l'affiche; mais nous lui con-
naissons un collaborateur qui a voulu garder l'anonyme, par générosité,
par modestie peut-être, quoiqu'il ait pu rester caché encore sous sa
signature d'Adrien Robert, qu'il a adoptée en littérature et qui n'est
pas la sienne.
TJn homme de rien! En lisant ce titre, le public s'attendait sans
doute à une de ces pièces de mœurs dont on a tant abusé depuis quel-
ques années et qui commencent à passer de mode. Sa surprise a été
grande, lorsque, au lieu de l'éternel habit noir dont s'affublent les
personnages des comédies modernes, on lui a montré les costumes de
la fin du xviii'= siècle. Car l'homme de rien en question n'est autre
que le fameux Shéridan, ce poëte publiciste, aux aventures bizarres,
qui est mort dans la misère, non sans avoir jeté le plus vif éclat au
théâtre et à la tribune. Mais il ne s'agit pas ici d'une biographie com-
plète ; l'auteur, ou plutôt les auteurs de la pièce nouvelle n'ont pris
pour but que l'exemple donné par un homme sans bien et sans nais-
sance qui parvient à s'élever au-dessus de la foule à force d'énergie
et de persévérance. Shéridan, à peine entré dans la vie, et ne sachant
comment s'y maintenir, débute par des excentricités courageuses qui
lui valent du même coup deux protecteurs et deux adversaires. C'est
plus qu'il n'en faut pour faire son chemin envers et contre tous.
Aussi le voyons-nous, grâce à l'amour d'une pauvre fille et à l'amitié
d'un vieux marin, triompher de la rivalité politique d'un lord tout-
puissant, et de la haine intéressée d'une grande dame dont il a dé-
daigné les charmes. D'échelon en échelon, il monte au pouvoir, et
quand le drame s'arrête, Shéridan est au faîte de la gloire et des
grandeurs.
Donc, le dernier ouvrage monté par la direction Dormeuil a ob-
tenu un beau et légitime succès. Les deux premiers actes ont été
accueillis avec un véritable enthousiasme; ce n'est pas à dire pour
cela qu'il n'y ait d'excellentes choses dans les deux autres. Ce qui
plaît surtout dans cette pièce, et ce qui doit lui assurer une longue
existence, c'est la variété, l'originalité de ses détails épisodiques,
tels que la fièvre des courses, les intrigues des salons aristocratiques,
l'agitation des comités électoraux, etc. La vie anglaise , prise ainsi
sur le fait, excite au plus haut point l'intérêt et la curiosité.
Febvre a toutes les qualités requises pour bien représenter le per-
sonnage multiple de Shéridan. Les autres rôles sont fort bien tenus
par Delaunay, Parade, Nertann et la jolie Mlle Pierson.
— En dehors de cette importante nouveauté, les reprises conti-
nuent à défrayer presque exclusivement la chronique théâtrale. Ci-
tons pour mémoire, aux Variétés, les Farces dramatiques, qui, au
Palais-Royal, s'appelaient, il y a quelques années, les Folies drama-
tiques. C'est une espèce d'olla podrida, composée d'une tragédie,
d'un opéra-seria, d'un drame et d'un ballet, le tout pris au burles-
que. Malgré tous leurs efforts, les acteurs d'aujourd'hui ont bien de
la peine à rajeunir cette parade, qui était déjà vieille en naissant.
— Nous n'avons pas beaucoup plus de bien à dire d'une grosse
parodie du célèbre roman de M. Flaubert, que le Palais-Royal a ris-
quée sous le titre de Folammbô, ou les Cocasseries carthaginoises,
et qui a d'ailleurs l'inconvénient d'arriver un peu tard.
— Après l'éphémère apparition de Don Juan de Marana, la Porte-
Saint-Martin a évoqué Charles VII chez ses grands vassaux, drame
en vers, représenté pour la première fois, en 1831, à l'Odéon, et
repris, depuis, au Théâtre-Français, avec Beauvallet dans le rôle de
DE PARIS.
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Yacoub. C'est pour "cet artiste, actuellement retiré de la Comédie
Française, que la Porte-Saint-Martin a remonté le drame d'Alexandre
Dumas. Il y est en effet très-remarquable, et Mlle Périga le seconde
à merveille. Charles F// n'est d'ailleurs qu'une transition aax Pilules
du Diable, que la direction remonte à grands frais.
— Il y a dans le théâtre de Picard une comédie intitulée les Ma-
rionnettes, où l'on prouve que les bonshommes mus par des ficelles
invisibles ne sont pas seulement à la foire, mais que l'on en rencontre
aussi beaucoup dans le monde. C'est à peu près la même idée qui
a présidé à la confection des Pantins éternels du théâtre Déjazet. La
sempiternelle parade dans laquelle figurent Cassandre, Pierrot, Arle-
quin et Colombine se reproduit à chaque pas, sous d'autres formes,
hors de la scène. C'est là, à coup sûr , une donnée fort élastique,
et qui, sans amener des effets bien neufs, peut servir de prétexte à
des tableaux pleins de mouvement et de gaieté, comme ceux qu'on
applaudissait aux défunts Funambules. A ce point de vue, la nouvelle
pièce du théâtre Déjazet est fort bien réussie. On s'y poursuit, on
s'y culbute, on y grimpe sur les toits, on y danse même un ballet
de pantins très-agréable, et le tout est saupoudré de couplets mis
en musique par M. Bernardin. C'est à jurer que Raynard, Heuzey et
Mlle Boisgontier ont fait leurs premières armes, en face, sur les
planches où régnait Debureau.
— Dans l'ancienne salle d'Offenbach, une troupe d'artistes jeunes
et intelligents, dirigée par Mme de Ghabrillan, offre aux flâneurs des
Champs-Elysées un point d'arrêt des plus agréables. Nous lui avons
vu représenter deux pièces nouvelles, dont l'une. Sur la roule de
Clichy, gentil vaudeville, aux couplets spirituels, à la donnée origi-
nale, a pour auteurs MM. Alphonse Baralle et Royer; et dont l'autre,
t/we méprise, petite comédie fort ingénieuse, est due à la plume de
Mme Rouy, qui a un nom recommandé par des succès de salon.
— Une artiste belle et de beaucoup de talent, qu'on a déjà appré-
ciée à rodéon et dans quelques drames joués au boulevard, Mlle Agar,
va débuter incessamment au Théâtre-Français. Les qualités que pos-
sède Mlle Agar, les études sérieuses qu'elle a faites de son art, dont
nous avons pu juger tout récemment encore dans une soirée privée,
où elle a bien voulu se faire entendre, la destinent incontestablement
à notre première scène française et à un brillant avenir
D. A. D. SAIWT-YVES.
NOUVELLES.
»*, Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi Guillaume Tell. —
Mercredi, l'ajournement du Comte Orij a motivé une représentation im-
prévue de la Muette, sans Gueymard ni Mme Vandenheuvel. — Vendredi
a eu lieu le début de Mlle Mourawief, danseuse du tliéâtre impérial de
Saint-Pétersbourg , dans Giselle, remontée à cette occasion avec un
grand luxe. — Hier soir, représentation extraordinaire au bénéfice
de la caisse des pensions de retraite, composée des quatre premiers
actes de la Muette et du deuxième acte de Guillaume Tell.
**^ Roger et Belval viennent de donner à Toulouse une magnifique
représentation des Huguenots. Une foule immense remplissait le tbéâtre
du Capitule. Roger a été sublime dans le quatrième acte, point culmi-
nant de la splendide partition de Meyerbeer. Belval l'a dignement se-
condé.
j*» Un curieux travail sur le nouvel Opéra en construction a paru
dans le Monde illustré de samedi dernier. Une double planche repré-
sente la vue de façade et de la perspective de cette grande salle,
d'après le modèle en relief exposé au palais de l'Industrie. Un plan de
la salle accompagne cetio vue, ainsi qu'un plan de situation du nouvel
Opéra, en regard des rues avoisinantes. L'ancienne salle s'offre sur la
même feuille, comme intéressante comparaison à côté de l'Odéon et de
l'Opéra-Comique. Ces planches curieuses sont accompagnées d'un très-
beau travail explicatif rédigé par M. Charles Yriarte. Celui qui aura
vu ces planches et lu cet article possédera complètement son futur
grand Opéra. Le Monde illustré termine son remarquable numéro du même
jour par un exposé comparatif des neuf principaux théâtres lyriques de
l'Europe. Nous renvoyons nos lecteurs à cet intéressant examen.
,*^ La direction du théâtre de l'Opéra-Comique a voulu mettre en
évidence sa nouvelle pensionnaire, MmeGalli-Marié. Elle va remonter à
son intention un opéra fantastique de MM. de Saint-Georges et Albert
Grisar, le Diable amoureux, donné il'y a une dizaine d'années au théâtre
Lyrique avec une jeune cantatrice qui y était fort bien, Mme Colson.
Cet opéra, dont le succès, en province, sous le titre des Amours du
Diable, fut beaucoup plus brillant qu'à Paris, sera repris avec un grand
luxe de décors et de mise en scène. Mme Marié-Galli y chantera le rôle
principal. — La reprise de Zampa avec Montaubry et Mlle Cico doit
avoir lieu vers la fin de ce mois. — Mengal quitte le théâtre de l'Opéra-
Comique. Il est engagé à Bruxelles pour l'hiver prochain.
^*^ Hier soir a 'eu lieu au théâtre Lyrique la reprise àîObéron avec
Mme Ugalde et Montjauze.
^*^ Mme Cabel a donné vendredi sa dernière représentation au théâ-
tre Lyrique dans Peines d'amour perdues; elle doit chanter demain soir
à Marseille, où elle remplace Mme Carvalho, qui est de retour à Paris.
^*t On lit dans Vlllustration du 2 mai 1863 : « Une toute jeune can-
tatrice a débuté presque incognito, au théâtre Lyrique, dans Robin des
Bois, rôle d'Agathe. C'est Mlle Doria. Voilà, certes, un bien beau nom I
Mais sa voix n'est pas moins belle. C'est un mezzo-soprano, se dévelop-
pant du si grave au si aigu, et dont le timbre est à la fois éclatant et
doux. Sa vocalisation n'est point parfaite. Il faut qu'elle travaille encore.
Mais elle a déjà l'essentiel, tout ce que la nature donne, l'instrument,
le sentiment et l'intelligence. Ajoutez-y, ce qui ne gâte rien, le minois
le plus piquant du monde, un visage frais et original, une physiono-
mie très-mobile, je ne sais quoi qui sent son xyih» siècle. On dirait
une figure de Vanloo ou de Boucher, animée par quelque magicien,
comme la statue de Pygmalion, et sortie tout exprès de son cadre pour
demander à M. Duprez des leçons de chant. »
,*, Le directeur des Bouffes-Parisiens met utilement à profit les loisirs
que lui fait la reconstruction de la salle ; il vient d'engager un excellent
chef d'orchestre, M. Eugène Prévost, et il prépare, outre l'ouvrage
d'Offenbach, qui doit signaler la réouverture, plusieurs nouveautés impor-
tantes, au nombre desquelles on cite un opéra d'A. Grisar. — On se pressait
à la dernière représentation dos Bavards, qui a valu à Mme Ugalde une
véritable ovation.
*% Le théâtre du Palais-Royal répète une pièce en un acte dans la-
quelle Berthelier doit créer le principal rôle avant de prendre un
congé de quatre mois, pendant lequel il est engagé à Bade.
t*^ La Muta di Portici, malgré l'insuffisance de l'exécution, vient
d'obtenir un grand succès au théâtre de la Cannobiana à Milan. La si-
gnera Corani, le ténor Limberti et la basse Garcia, Mlle Cardani (Fenella)
et la cliarmante Malvina Bertoletti s'y sont fait applaudir.
^*^ Le Roman d' Eloire va être représenté sur le théâtre de l'Opéra de
Stockholm.
»*„, Les cinq jeunes élèves musiciens viennent d'entrer en
loges au palais de l'Institut pour le concours préparatoire. Ce sont
MM. Constantin, élève de M. Ambroise Thomas ; Danhauser, élève de
M. Halévy ; Massenet, élève de M. Thomas; Ruoz, élève de..., et Salomé,
élève de M. Thomas.
^*^ Plusieurs journaux ont répété, d'après la Gazette musicale, que
les recettes des représentations données à Vienne par Mlle Patti avaient
atteint le chiffre de 115,000 florins, représentant 140,000 francs. Une
faute d'impression s'est glissée dans la conversion des florins en francs,
et c'est 240,000 francs qu'il faut lire.
^*.^ Le nouvel opéra de Litoiff, Nahel, légende de la guerre de Trente
ans, sera joué à Bade en septembre prochain. Il sera interprété par
Mmes Colson, Faure-Lefèvre, et MM. Jourdan, Balanqué, Raynal et Ber-
thelier.
»*,!, Bade a ouvert ses salons le 1'='^ mai par une soirée très-brillante
a laquelle assistaient S. M. la reine de Prusse et le duc de Mecklem-
bourg. M. Benazet compte tenir le théâtre ouvert pendant trois mois.
Les artistes du théâtre du Palais-Royal avec Ravel, — l'Opéra-Comique
représenté par Mmes Colson, Faure, Lefèvre, MM. Jourdan, Froment,
Berthelier, Raynal, Balanqué; — Mme Viardot dans une représentation ex-
traordinaire d'Orp/tt'ij; — l'Opéra italien avec Naudin, DelleSedie, Mmes Char-
ton, Battu, Demeric, — Lablache; —trois opéras nouveaux de Plouvier et
Litoiff, de Sauvage et Rosenhain, de Leroy, Foussier etMembrée; —une
comédie inédite de M. Amédée Achard, jouée par Provost, Bressant et
Mme Plessy; — enfin le drame allemand par la troupe du théâtre de Carls-
ruhe ; tel est le menu des plaisirs que M. Benazet offre aux visiteurs
de Bade pendant les mois de juillet à septembre; après quoi les
courses ordinaire viendront clore une saison qui certes n'aura son égale
nulle part.
.^"^ C'est à Bade et non à Ems que sera donné l'opéra - comique do
MM. Sauvage et Rosenhain.
^*^ M. Marchesi, l'excellent chanteur, a été appelé à Weimar pour y
donner quatre représentations au théâtre. 11 doit jouer successivement
dans Don Juan, le Barbier, le Trovatore et Lucrezia Borgia. De Weimar,
il se rendra à Berlin.
,■*„, Sivori vient d'arriver à Paris; il compte y rester jusqu'à la fin de
150
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
mai. Il est complètement rétabli de la grave maladie qu'il a faite à
Kœnigsberg à la suite de la chute intempestive du rideau, à la fin de
son concert, et qui l'avait frappé à la tête.
,** Notre collaborateur M. Arthur Pougin nous adresse le compte
rendu d'un concert donné par un jeune compositeur, M. Borelli, maî-
tre de chapelle honoraire du roi d'Italie, pour l'audition de quelques-
unes de ses œuvres importantes. D'après lui, ce concert se composait
d'une symphonie en sol mineur, d'une ouverture, d'une fantaisie pour
orchestre sur un air suisse, et de divers morceaux de chant. La sym-
phonie de M. Borelli renferme d'incontestables qualités; on y trouve le
germe d'un vrai talent, et cependant s'il faut le dire, elle ne satisfait
pas l'auditeur délicat qui demande plutôt à la musique de l'émouvoir et
de le charmer que de l'étonner. Le plan de l'œuvre est bon, bien tracé
et judicieusement suivi, mais les idées ne sont généralement pas assez
spontanées, et le développement en est rarement satisfaisant. L'orches-
tre est éclatant, véhément, trop constamment bruyant et plus nerveux
que véritablement passionné. Le premier allegro et le finale se main-
tiennent d'un bout à l'autre dans un style trop uni, dont la puissance
continue ne laisse jamais reposer l'oreille. Vanàante même, dans le-
quel on espérait trouver de la douceur et de la sérénité, et qui con-
tient une jolie phrase pleine d'élégance, dite par les violons, n'est pas
exempt de ce défaut ; on regrette d'y trouver l'abus du bruit et d'une
sonorité mal placée. Le morceau qui a paru le plus original est le
■ scherzo, dont le rhythme distingué, les rares qualités de forme offrent
un charme réel. Les mêmes observations peuvent être adressées à l'ou-
verture ; M. Borelli ne semble pas connaître l'emploi des demi-teintes,
du clair-oljscur, aussi appréciables et aussi désirables en musique qu'en
peinture. Sa fantaisie sur un air suisse est préférable. Là, du moins, on
trouve la tranquillité, la sobriété et la douceur. Ce morceau est plein
de charme, de grâce et de délicatesse. Parmi les morceaux de chant, on
doit citer particulièrement la mélodie intitulée Terre et deux, d'une loua-
ble simplicité, qui a été chantée avec goût par M. Archaimbaud. En
somme, on peut voir qu'il y a dans les divers fragments soumis par
M. Borelli à l'appréciation du public, du bon et du mauvais. M. Borelli
a assez de talent et d'intelligence pour comprendre nos critiques et on
tenir compte.
^*..:, M. Tito Matteï, pianiste de S. M. le roi d'Italie, donnera vendredi
soir, lô mai, dans la salle Herz, un grand concert avec le concours de
plusieurs artistes distingués.
**» Le célèbre pianiste Léopold de Meyer est à Paris.
**„, Un beau concert religieux a eu lieu le 25 avril à Boulogne au
profit de la reconstruction de l'église de Notre-Dame, à laquelle llgr
Haffreingue a consacré quarante ans de soins et d'efforts. L'organiste,
M.Gretton, qui avait pris l'iniiiative de ce beau concert, a tenu pendant
deux heures la foule attentive aux chants variés qu'il a improvisés,
et au nombre desquels VOrag-i a surtout produit une grande sensation.
^*^ Alfred Jaell est appelé au grand concert qui aura lieu h Bade le 8
septembre pour la fête du grand-duc. — Séligmann et Alard sont égale-
ment engagés pour cette solennité musicale.
,*^ Mme Madeleine Graever, après son grand succès au concert de la
Société Félix Merilis, a eu de la reine des Pays-Bas une audience dans
laquelle Sa Majesté lui a gracieusement permis de prendre le titre de
pianiste de la reine des Pays-Bas.
,% Tous les ans l'excellent professeur Kriiger constate par une réunion
publique les progrès accomplis dans le courant de l'année par ses nom-
breux élèves. C'est dans les salons d'Érard qu'a eu liea la semaine der-
nière cette séance, intéressante sous tous les rapports, et qui a donné la
mesure des qualités remarquables inculquées par le maître à ses disci-
ples. Au nombre des morceaux exécutés on a surtout remarqué ses com-
positions dernières pour le piano sur Stradella, un caprice sur Guillaume
Tell, une fantaisie sur la Forza del destina, dans lesquels M. Kriiger
ne brille pas moins comme compositeur que comme virtuose: aussi
ont-ils provoqué des applaudissements aussi fréquents que mérités.
**,. Les sociétés chorales s'organisent en Espagne comme dans les
autres pays de l'Europe. Le 11 mai, à Lerida, sous le patronage et aux
frais de l'ayuntamiento, a lieu la première réunion officielle de deux
cent cinquante orphéonistes sous la direction de M. Vidal. On remarque
dans le programme l'ouverture de Guillaume Tell et la marche du
sacre du PrepAète, exécutée par la musique du régiment de la Princesse.
Un profes.seur distingué, M. Joaquin Huguet, dirige l'orchestre.
*** L'Association des artistes musiciens a tenu jeudi dernier sa séance
générale, dons nous ajournons forcément les détails. Disons seulement
que les membres du comité élus ou réélus pour cinq années sont MM.
Prumier fils, Deloffre, Duzat, Proust, Henri Gautier, Richard Dambri-
court, Baneux , Auguste Wolff, Gustave Héquet, Werrimst, Colin et
Forestier.
**» Mardi dernier, on a célébré, dans l'église Notre-Dame de Lorette,
le mariage de M. Melchior Mocker, avec Mlle Fanny Darroux, fille de
M. Darroux, oflicier principal d'administration, et nièce de M. S.-Henri
Berthoud. La bénédiction nuptiale a été donnée par M. Castaing, cha-
noine du chapitre impérial de Saint-Denis, et ancien aumônier en chef
de l'armée d'Italie. M. Edouard Batiste, professeur au Conservatoire,
tenait l'orgue, et M. Gourdin a chanté VO salutaris. La plupart de nos
célébrités littéraires, -artistiques et scientifiques assistaient à cette céré-
monie.
*■*„, M. 1h. Doring, l'excellent acteur du théâtre de la cour de Berlin,
vient d'obtenir la décoration de la maison Ernestine de Saxe, que lui a
conférée le duc de Saxe-Gotha. Doring avait donné une série de repré-
sentations au théâtre de ce duché.
t,*.^, Nous avons omis de mentionner l'apparition d'un petit volume
d'une incontestable utilité. 11 a pour titre : Annuaire spécial des musi-
ciens et des artistes, et contient une foule de renseignements précieux
pour les artistes et pour toutes les personnes qui s'occupent de la mu-
sique. L'Annuaire musical a été fondé par Mme J. de B , et pa-
raîtra tous les ans. 11 se vend chez l'auteur, 77, faubourg Poissonnière;
prix : 3 francs broché.
„,*„, L'éditeur Schott, à Mayence, vient de publier une biographie de
Matthieu Le Maistre. Cet ouvrage renferme des renseignements curieux
sur l'histoire de l'art musical au xvi" siècle.
*■** Le prince Oscar Frédéric, l'héritier présomptif du trône de Suède
et de Norwége, vient de publier un recueil de Chants du Marin, qui
obtient beaucoup de succès. Le prince s'est également fait connaître
par une bonne traduction du Torquato Tasso de Gœthe.
„,*„, Vienne possède en ce moment une cantatrice vraiment extraor-
dinaire: elle ne chante jamais faux, ne manque jamais la mesure, et
exécute les trilles les plus hardis sans le moindre effort. Cette femme
phénomène est en cire; le gosier a été fabriqué en caoutchouc par
M. Faber, qui a très-haljilement imité l'appareil de la voix humaine.
fi'f. Une dernière et brillante séance a clos le cours d'ensemble au
piano de Mme Clara Pfeiffer lundi dernier; des notabilités musicales,
artistes et amateurs, assistaient à cette belle réunion, où douze jeunes
personnes ou dames ont exécuté à six pianos à quatre mains l'ouverture
de la Flûte enchantée de Mozart, le septuor de Beethoven et le duo ar-
rangé sur Guillaume Tell par Mme Clara Pfeiffer. Il semblait que ce
choix eût été fait pour prouver que l'ensemble seul n'était pas le but
du cours, mais que les charmantes symphonistes qui obéissaient au bâ-
ton féminin de leur chef, voulaient prouver que le style des grands
maîtres, le sentiment profond des beautés répandues dans leurs chefs-
d'œuvre, pouvaient être rendues avec une imitation complète des or-
chestres, sauf, bien entendu, l'effet sans rival des divers timbres qui les
composent. Aujourd'hui il n'est plus permis aux pianistes dames, d'i-
gnorer les richesses symphoniques qui forment le répertoire de nos cé-
lèbres sociétés du Conservatoire et autres ; c'était donc une idée vrai-
ment heureuse et artistique qui, depuis neuf ans, a été fécondée au
profit d'une foule d'élèves, arrivées à un degré de force qui leur permet
une telle exécution. Le duo à quatre mains sur Guillaume Tell, quoique
très-difficile, a été enlevé avec un brio et une netteté vraiment remar-
quables, et nous ne doutons pas qu'il n'eût e.tcité les bravos de l'illustre
maître qui l'a honoré de son suffrage. Georges Pfeiffer, qui seconde si
bien, en prenant part à l'exécution, la direction des mouvements, a re-
cueilli avec sa mère une large part dans les applaudissements, comme
moniteur de la phalange féminine de ses cosymphonistes.
,*,, Dans une récente soirée où se sont fait entendre des artistes
d'élite, et où l'on a exécuté des compositions de maître, une jeune pia-
niste, dont plus d'une fois nous avons constaté le talent gracieux et
sympathique, Mlle Clémence Laval, a su se faire applaudir dans plusieurs
morceaux de genre varié qu'elle a rendus avec un talent des plus remar-
quables. Mlle Clémence Lavai est un peu de la nature de ces artistes
modestes qu'on regrette de ne pas voir se produire plus souvent dans
nos concerts publics, et qu'on n'apprécie bien que dans les soirées in-
times, où ils donnent mieux toute la mesure de leur savoir et de leur
goût.
,,*,,. On lit dans le Nouvelliste de Rouen : « Le capitaine de l'August-el-
Georgcs, récemment arrivé de Corée dans notre port avec un chargement
d'arachides, a apporté un curieux échantillon des instruments de mu-
sique en usage chez les nègres du Sénégal. Qu'on se figure une sorte
de clavier en flûte de Pan, formé de di,\-neuf lattes qui vont en décrois-
sant de longueur sur un plan horizontal. Ces lattes, creusées en des-
sous, correspondent à deux lignes de courges, citrouilles et gros citrons,
évidés et sonores, qui résonnent avec des intensités différentes lors-
qu'on frappe le clavier à l'aide de deux sortes de baguettes de tam-
bour. C'est un gigantesque harmonica, d'une construction fort bizarre,
mais dont l'agencement ne laisse pas que de révéler une ingénieuse et
patiente combinaison. Les nègres appellent cet instrument balafon, et
ils s'en servent à Corée et dans l'intérieur des terres pour régler les
bamboulas et autres danses indigènes. Le nègre instrumentiste pose le
balafon k terre, car il n'est guère portatif, et s'escrime sur le clavier avec
ses baguettes, à la grande joie de son auditoire.
i*,,, Le projet de loi sur la propriété littéraire vient d'être envoyé au
conseil d'Etat. Il sera présenté au Corps législatif dès les premiers jours
de la prochaine session.
*.. Jeudi 14 mai, jour de l'Ascension, il sera donné au Pré-Catelau
une grande fête au bénéfice de l'association des artistes musiciens civils
et militaires. Organisée par les soins actifs et dévoués de M. le baron
DE PARIS,
!51
Taylor, l'infatigable fondateur de cette belle œuvre de charité fraternelle,
la solennité musicale marquera dans les annales du bien et de l'art.
Voulant donner à cette philanthropique association une haute marq ue
de sa sympathie, S. M. l'Empereur a daigné accorder aux musiques de
sa garde l'autorisation de prêterleur concours à cette fête de la mutua-
lité artistique. Paris aura ce jour-là un spectacle unique: Les musiques
de la gendarmerie impériale, chef, M. Riedel; du 1=' voltigeurs, chef,
M. Bonnot;du 2= voltigeurs, chef, M. Sellenick ; du 4= voltigeurs, chef,
M. Antony; des guides, chef, M. Mohr; et des chasseurs à cheval, chef,
M. Marotel, unies au remarquable orchestre de symphonie que conduit
Musard, donneront un de ces concerts imposants que la capitale tout
entière voudra entendre et surtout applaudir.
,,*» Depuis la réouverture des concerts des Champs-Elysées, qui a
eu lieu le 1°'' mai, les amateurs s'y portent autant que le temps le
permet. L'orchestre, toujours dirigé par Arban, est sans contredit le
premier orchestre en ce genre. Vienne maintenant la chaleur, et tous
les salons d'hiver se transporteront dans le délicieux salon d'été de
M. de Besselièvre.
^** Le temps a favorisé dimanche dernier la fête donnée par Musard
au Pré-Catelan au bénéfice des ouvriers cotonniers. De brillants équi-
pages, dont partie revenait des courses de Longchamps, y abondaient.
L'orchestre de Musard a eu son succès habituel, et Legendre s'est fait
vivement applaudir dans sa fantaisie du Carnaval de Venise. Les .Sociétés
d'orphéons et la musique de la garde de Paris ont agréablement varié
cette solennité musicale. — Aujourd'hui, grande matinée musicale, bal
d'enfants, fanfares militaires, théâtre de marionnettes et de magie dans
ce ravissant jardin.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
,*^ Marseille. — Mme Carvalho nous est apparue cette semaine dans
deux nouveaux rôles de son répertoire; Marguerite de Faust et Chérubin
des Noces de Figaro. La manière dont la célèbre cantatrice les a inter-
prétés nous laissera de profonds souvenirs. La supériorité avec laquelle
elle comprend et rend la musique classique, u'a d'égale que la perfec-
tion dont elle fait preuve dans un caractère diamétralement opposé.
Aussi a-t-elle transporté notre public, qui ne se lassait pas de lui mani-
fester son enthousiasme. Disons qu'elle a été admirablement secondée
dans l'opéra de Gouuod pur MM. Morère et Castelmary; dans les Noces
par l'excellent Meillet (Figaro) et Mlle Baudier (la comtesse).
^*^ Lille. — La reprise de Charles VI, d'IJalévy, a eu lieu sur notre
théâtre le 3 de ce mois. La salle était comble. Le chœur Guerre aux itj-
raitsl a été redemandé trois fois. La pièce est bien montée et fait hon-
neur au régisseur M. Potel, ainsi qu'à la direction de M. Simon Lévy.
— Notre Conservatoire vient d'obtenir un nouveau succès dans l'exer-
cice des élèves qui a eu lieu dimanche dernier. La symphonie en ré de
Beelhoven faisait partie du programme. Il fallait de la part de M. iVla-
gnien, directeur, une grande confiance jiour tenter une pareille exécu-
tion. Hâtons nous de dire que ce morceau capital a été rendu à la satis-
faction générale, et que l'auditoire s'est retiré sous l'impression de sur-
prise que causait un pareil résultat. Deux élèves se sont fait entendre
comme solistes, l'un sur la llûte Bœhm, dans une fantaisie sur Norma,
par Jules Herman, l'autre sur le violon, dans la première partie du
septième concerto de Rode. Ces élèves sont en bonne voie et ont été
très-applaudis. Dans la partie vocale, on a surtout remarqué les air.s
pour soprano, du Domino noir et de Giralda ; il en a été de même du trio
pour ténor, baryton et basse de Vlialienne à Alger. Ce concert s'est
terminé par le finale du premier acte de Freischiitz, qui a été enlevé
par les solistes, l'orchestre et les chœurs avec un ensemble et une cha-
leur peu commune. M. Magnien, en homme de talent et d'intelligence, a
conduit admirablement sa phalange d'exécutants. Son zèle pour l'école
qu'il dirige tient du dévouement; il n'y a qu'une voix pour le recon-
naître: aussi cette séance était-elle honorée de la présence des pre-
mières autorités civiles et militaires, qui ont toutes adressé au directeur
leurs félicitations.
^,*t Le Havre. — Jeudi dernier a eu lieu l'inauguration solennelle du
grand orgue construit pour l'église Saint-Michel. Cette cérémonie ar-
tistique avait attiré une grande aflluence et a été pour l'instrument et
pour M. Edouard Batiste , professeur au Conservatoire , organiste de
Saint-Eustache , chargé de le faire entendre, un véritable triomphe.
MM. Lebourgeois, Donat Guérout et Balzac, organistes de la vil;e, en-
tendus dans la môme séance, ont fait preuve du plus grand talent.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
,'* Londres. — Les trois représentations de la Piccolomini au bénéfice
de .\i. Lumley éprouvent des difficultén . Lord Dudley, propriétaire de
la salle de Her Majestifs Théâtre, ne consent pas à ce qu'elles y soient
données, et des démarches sont faites en ce moment pour obtenir la salle
de Drury Lane. — Le 5, Mme Trebelli-Bettini a débuté avec le plus grand
succès dans II Barhiere. Les applaudissements , les bis et de nombreux
bouquets ont été prodigués à la jeune cantatrice. — Incessamment l'ap-
parition de Tamberlick dans Guillaume Tell et de Mlle Patti dans la Son-
nambula. Sa sœur Carlotta a vu se confirmer le succès qu'elle a obtenu
à sa première apparition. — On attend la prochaine représentation du
nouvel ouvrage de Schira, Nicolo de Lapi; la répétition générale a eu
lieu et on en augure très-bien. Les principaux interprètes sont
Mmes Titjens et Trebelli, Giuglini, Bettini etSantley. — Le succès de
Mme Ferraris dans le ballet de Farfalletta grandit tous les jours. Le
prince et la princesse de Galles assistaient à la dernière représentation;
un de ses écots a été bissé et de nombreux bouquets ont été jetés à la
célèbre danseuse.
,f,*^ Brvœellfs. — La troupe de Merelli a commencé ses représenta-
tions par le Trovature. Les artistes qui la composent sont : Mmes Lafon,
Volpini et Ciaschetti, MVl. Carrion, Zacchi, Agaesi et Rossi.
^"^Berlin. — Au théâtre de l'opéra de la cour, Mlle Lucca vient d'obtenir
unnouveau triomphe dans le rôle de Valentine; Mme Harriers a très-bien
rendu le rôle de la reine. Lindeck-Marcel nous a fait entendre une belle
et puissante voix de basse taille. Quant à Raoul — Bachmann — il s'est
montré par moments au-dessous du rôle qu'il était chargé d'inter-
préter.
^*4 Brunsivick. — Le l"^'' mai, le théâtre de la cour a représenté, pour
l'anniversaire de la naissance du duc, la Béole, opéra de G. Schmidt.
C'est une œuvre estimable qui dénote chez l'auteur une étude assidue
des meilleures compositeurs d'opéra- comique français, tels que Hérold,
Auber, Adam, etc. Le premier chœur de femmes, la romance de Mar-
guerite: Le rossignol dit à la rose; une romance de Henri de Navarre,
au premier acte; une romance du deuxième acte et le grand finale du
troisième ont été surtout remarqués. Le succès a été des plus honorables
pour M. G. Schmidt.
^*,j Vienne. — L'année prochaine on rétablira l'opéra italien au théâtre
de la cour. On annonce que Salvi a déjà engagé Mlle D. Artôt comme
prima donna. — Du i au 10 mai, le théâtre delà cour a donné Robert le
Diable, Lohengrin, Lalla-Boukh, l'Eloite du Nord, les Huguenots et un
ballet, Monte-Cristo. Dans le fameux ballet des Nonnes, de Robert,
Catherine Friedberg, qui est ici en représentation, s'est particulièrement
fait remarquer. Son succès dans le ballet de Monte-Cristo a été égale-
ment des plus brillants. — J. Offenbaoh est arrivé. 11 va présider à la
mise en scèue et aux représentations de l'opéra romantique, la Fille
du Rhin, qu'il a composé pour le théâtre Treumann.
^*^ hrancfort. — Le prix de 10 ducats qui avait été mis au concours
pour une cantate à exécuter au prochain festival du Mœnner-Gesangverein,
a été remporté par E . Kuhn, organiste de l'église de la Trinité à Man-
heim .
^*^ Maycnce, 29 avril. — Aujourd'hui est arrivé ici le personnel du
théâtre et de l'orchestre de la cour de Darinstadt. — Les représenta-
tions commenceront, au théâtre de la ville, le 2 mai; c'est le Prophète
de Meyerbeer qui a été choisi pour l'ouverture.
^*s, Hambourg. — Sivori continue âse faire entendre au Thalia-Theater
dans les entractes. Il paraît que le public ne se lasse pas d'admirer et
d'applaudir le successeur de Paganini : sjs concerts dans la grande ville
commerçante semblent ne pas devoir finir.
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lecteurs cet ouvrage, dans lequel la question vitale de notre
siècle trouve les éléments d'une solution nouvelle, et dont
la crise commerciale que nous traversons augmente encore
l'intérêt.
Les Économistes, les Jurisconsiiltes , les Publicistes , les
Grands Industriels, les CLASSES LABoniEtisEs, tous ceux enfin
qui s'occupent, à quelque point de vue que ce soit, des ques-
tions sociales , voudront lire l'exposition de ce système, oii
respire, ainsi que le dit 9lgr. niarct, dans une lettre qui
y est citée, un profond amour de Vhumanité.
Les lettres sur l'appréciation de ces idées nouvelles, adres-
sées à l'auteur par les plus éminents Économistes, — no-
tamment celle de M. M. Itaudrillart, — et qui sont insé-
rées dans l'ouvrage, lui donnent un attrait de plus.
152
REVUE ET GAZETTE MUSICALE DE PARIS.
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au premier rang, d'accorder à l'unanimilé, à M. Henri HERZ, la médaille, en motivant cette distinction par la perfection
reconnue dans tous les genres de Pianos et sous le rapport de la solidité, de la sonorité, de l'égalité, et la précision du
mécanisme dans les 7iuances d' expression. (Rapport du Jury international.)
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l'Exposition universelle de Londres, en 1851. — Exposition universelle de Paris, 1855, les plus belles pages du Rapport officiel, 27»= Classe, pages 1835-1336. —
Exposition universelle de Londres, 1862, PRIZE MEDAL, avec cette mention : POUR EXCEIil..El«CE DE TOUTE ESPÈCE D'INSTRUMKNïS DE CUIVRE.
— .Membre de l'INSTITllT POLYTECHNIQUE de Paris, membre de l'ASSOCIATION INTERNATIONALE POUR LE PROGRÈS DES SCIENCES SOCIALES. —
MEDAILLE D'OR et Membre du CORPS SCIENTIFIQUE DE L'HOTEL DE VILLE DE PARIS.
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17 Mai 1863.
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PRIX DE L'ABONNCUENTt
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Étranger - 34 ip Id.
Le Journal paraît le Dinianche,
GAZETTE MUSI
— vv\j\(\AAAAaa/v^7
SOMMAIRE. — F. Halévy; Souvenirs d'un ami pour joindre à ceux d'un frère ; à
M. Léon Halévy (5' article ), par Edouard lUonnais. — Théâtre Lyrique :
reprise d'Oberon, par I<éon Dorocher. —Auditions musicales, par Adol-
phe Botte. — Messe de Nicon-Choron, exécutée à l'église de la Madeleine,
par F. Danjon. — Association dos artistes musiciens; assemblée générale;
banquet annuel. — Correspondance : Londres. — Nouvelles et annonces.
F. HALÉVY.
SouTenlrs d'an amt ponr joindre à ceux d'un frêrw.
A. M. LÉON HALÉVY.
(5= article) (1).
Tous ceux qui ont connu Ha]évy savent qu'il y avait en lui des
aptitudes diverses, et l'on peut même dire plusieurs vocations. Quel-
quefois nous l'avons entendu exprimer le regret d'avoir donné la
préférence à la musique : c'est à peu près comme si l'illustre auteur
de la Cène et de ta Joconde, Léonard de Vinci, se fût plaint de n'a-
voir pas négligé la peinture pour les mathématiques, l'archilecture,
la physique, la philosophie ou la littérature, parce que son vaste
génie trouvait moyen de s'y exercer avec succès. M. Sainte-Beuve a
dit de l'auteur de la Juive, au début d'une charmante étude où la
musique n'entre que pour mémoire : « 11 avait cela de l'honnête
homme de la Bruyère, qu'il pouvait causer avec vous pendant tout
un diner, toute une soirée, en vous parlant de tout avec agrément,
avec intérêt, et cependant sans vous dire un mot de musique, sans
mettre sur le tapis les choses de son métier. Je le prendrai surtout
par ses côtés accessoires, et où il aurait pu exceller très-vite pour
peu qu'il s'y fût adonné. Il y avait en lui l'étoffe d'un savant littéra-
teur autant peut-être que d'un grand musicien, et il le montra bien
lorsque, dans ses dernières années, il eut si peu d'efforts à faire pour
être aussitôt un secrétaire perpétuel tout formé, un orateur acadé-
mique des plus spirituels et des plus avenants. »
Dans les notes qu'un de nos amis communs, M. Boilay, rédigea sur
la demande de M. Sainte-Beuve, et dont ce dernier a fait si bon usage
en les transcrivant, je rencontre les lignes suivantes et je les transcris
à mon tour : « Il avait un don naturel d'écrire, cultivé, perfectionné
par l'étude, par un goût de lecture qu'il satisfaisait partout, dans son
cabinet, pendant l'intervalle des travaux, des conversations d'af-
(1) Voir les n"' 12, 13, 16 et i8.
faires, dans les voitures publiques, dans les réunions d'amis, dans le
monde même. II avait le pouvoir de s'isoler complètement au milieu
du bruit de sa famille ou des entretiens du salon, s'il n'y prenait part.
Il écrivait de la musique, de la prose ou des vers, il lisait avec une
attention imperturbable, lorsqu'on causait autour de lui. Il possédait
l'instinct des langues. Il savait l'allemand, l'italien, l'anglais, le latin ;
une teinture de grec, un peu d'hébreu. Il donnait une foule d'étymo-
logies. Il avait une passion pour les dictionnaires. Il lui était souvent
difficile d'y chercher un mot. Comme on ouvre un dictionnaire à une
page quelconque dans les environs du mot qu'on cherche, son œil
tombait d'abord sur n'importe quel mot ; il le lisait, puis le suivant,
puis un autre et un autre encore, tant qu'il oubliait quelquefois le
mot qu'il voulait chercher. Ces lectures à bâtons rompus et même
au hasard lui profitaient toutes, car il avait une grande mémoire,
faisant à tout une grande attention. Il savait beaucoup de choses,
même dans les sciences, en histoire naturelle, en médecine. Sa cu-
riosité était inépuisable : tout l'intéressait, l'attachait, lui inspirait un
dfeir, ou plutôt un regret, celui de n'avoir pas fait de ce dont il était
question l'occupation de sa vie. S'il lisait de l'histoire, il aurait voulu
être historien ; si des relations militaires, général d'armée ; si de la
géologie, géologue; si de la politique^ homme mêlé aux grandes af-
faires. 1)
Une fois les circonstances vinrent un peu trop en aide à l'une de
ces velléités passagères, en l'entraînant vers la carrière qui lui con-
venait moins que toute autre. C'est à la fiévreuse épidémie de 1848 qu'il
faut s'en prendre. Alors on était convaincu que tous les arts, comme
tous les métiers_devaient avoir leurs représentants dans l'Assemblée na-
tionale. Les musiciens ne pouvaient en choisir de meilleur qu'Ha-
lévy : on lui persuada qu'il était obligé d'accepter la candidature, et
même de faire quelques pas en avant. Jamais je n'oublierai la cu-
rieuse séance qui se tint le IS avril dans la salle Barthélémy encore
inachevée, et dans laquelle la pluie tombait par torrents. Chaque
prétendant à la candidature y fit sa profession de foi. L'abbé De-
guerry, qui d'abord avait songé à se présenter pour son propre
compte, n'hésita pas à se déclarer pour le grand artiste, et Halévy le
remercia en disant : « Je suis d'autant plus touché des sentiments
que vient d'exprimer M. l'abbé Deguerry que, si tous deux nous
adorons le même Dieu, nous ne suivons pas le même culte. » En ce
moment, on vil le prêtre et l'artiste se donner une fraternelle acco-
lade. Singulier temps , singulier spectacle, accueilli par un tonnerre
d'applaudissements ! Halévy, proclamé candidat, ne fut pas élu re-
présentant ; quelques milliers de voix lui manquèrent, et ce fut au-
tant de gagné pour la musique. Cette séance lui servit du moins à
154
REVUE El GAZETTE MUSICALE
montrer un talent oratoire dont personne ne se doutait, et que peut-
êlre il ignorait lui-même.
Quelques mois après, l'ordre se rétablissant dans les choses et
dans les idées, Halévy fut nommé membre de la commission des
théâtres, instituée par M. Dufaure, ministre de l'intérieur ; et comme
il était là parfaitement à sa place, il remplit ses fonctions avec au-
tant de lumières que de zèle.
Dans ce long professorat, qui fut un de ses titres d'honneur, sa
haute capacité s'affirma non -seulement par le mérite éclatant de plu-
sieurs de ses élèves, mais par la remarquable valeur de la majorité.
Pendant nombre d'années, sa classe fut la plus recherchée du Conserva-
toire; les élèves s'y pressaient en foule et adoraient leur professeur, qui
les traitait comme des amis. Son grand principe était de ne pas forcer
la nature, de ne rien commander, de ne rien exiger. Je lui confiai un
jour ce qu'un de ses élèves m'avait raconté de son travail : tout allait
bien selon lui, sauf le contre-point qui le gênait. « Qu'en sait-il? dit
le maître : il n'en a jamais fait ! — Comment, repris-je à mon tour,
puisqu'il est dans votre classe, il est bien obligé d'en faire ! — Du
tout, répondit Halévy, je n'oblige à rien. J'ai affaire à de grands
jeunes gens qui ont l'âge de raison et qui doivent savoir ce qu'il
leur faut. Je suis toujours prêt à les écouter. J'examine et je corrige
ce qu'ils m'apportent, ouverture, symphonie, valse, romance. Quand
le célèbre Julien était dans ma classe, il ne m'apportait que des
quadrilles : je corrigeais ses quadrilles. Je me suis toujours fait un
devoir de ne pas contrarier les inspirations. »
Comme écrivain, Halévy s'était formé seul : il essaya ses ailes
dans ce journal même, et son nom figure sur la liste de ses premiers
collaborateurs. Dès l'année 1834, à la mort de Boïeldieu, il donna
une notice sur le grand artiste et sur ses ouvrages ; en 1837, il écri-
vit un article sur la seconde messe de Requiem de Chérubin! ; plus
tard , un autre article sur la Méthode des méthodes de piano , de
MM. Fétis et Moschelès. Mais ce n'étaient là que des essais bien ti-
mides, et peu remarquables dans un temps oii la musique et la litté-
rature (on eût dit autrefois la lyre et la plume) ont fait une alliance
plus étroite que jamais. Halévy fut littérateur, comme Jean-Jacques
Rousseau musicien. Chez ce dernier la littérature l'emporta sur la
musique : chez Halévy au contraire, la musique domina; mais chez
l'un et l'autre, il y avait égaUlé d'instinct, de goût, de passion pour
ce qui ne fut pas leur vocation maîtresse, leur occupation principale.
De nos jours, et c'est, non pas un blâme, mais une observation que
je formule ici, le nombre des compositeurs s'étaiit prodigieusement
accru, plusieurs ont senti la nécessité d'employer l'art d'écrire
comme auxiliaire, et de se servir de la plume , soit comme d'une
arme de défense ou de protection, soit comme d'un moyen de fendre
la presse et de se créer des ressources que la musique ne procure
pas toujours.
Halévy, je dois le constater, ne fut pas de ce nombre : il écrivit
parce qu'il lui plut d'écrire. Ce n'est pas sa plume qui a poussé sa
musique, c'est sa musique qui a poussé sa plume.
Ses premières lectures aux séances de l'Institut, lorsque M. Raoul
Rochette était encore secrétaire perpétuel de l'Académie des beaux-
arts, excitèrent un mouvement très-vif d'attention , de surprise.
M. Villemain écouta, sans en perdre un mot, la notice sur Britton le
Charbonnier, lue dans la séance annuelle des cinq académies, le
25 octobre 1852, et, après la notice sur l'organiste Frohberger, qui
vint l'année suivante, un des membres de l'Académie des sciences,
qui avait aussi lu quelque chose dans la même séance, se retourna
brusquement du côté d'Halévy, et lui dit avec l'expression de l'éton-
nement le plus significatif : « IVIais vous écrivez bien ! » Quand
Halévy eut rempli plusieurs fois les fonctions de secrétaire perpétuel,
qui lui furent conférées en 1854, et que ses notices sur Pierre Fon-
taine, Georges Onsloio, Abel Blouet, David d'Angers, Paul Delaroche,
eurent mis en pleine évidence les rares facultés que possédait leur
auteur, MM. Villemain et Sainte-Beuve l'arrêtèrent pour le compli-
menter avec une franchise qui n'en avait ([ue plus de prix pour être
académique : « C'est qu'il n'a pas l'air de se douter, dit l'un d'eux,
» que l'Académie française le considère cum invidiâ... — Etcumex-
» pectationel « ajouta l'autre. Avec envie et avec attente! c'était pré-
dire aussi clairement que possible une promotion que votre frère eût
certainement obtenue, s'il eût vécu davantage ; et ce qui eût doublé
son bonheur, il me l'a souvent avoué, c'eût été de l'obtenir avec
vous, et même après vous.
{La fin prochainement. )
Edouard MONNAIS.
THEATRE LYRIQUE.
ISciitrlse d'0&«fott. — Mme IJgalde. — M. IfonjauBC.
Comme nous croyons superflu de démontrer qn'Oberon est une
oeuvre de génie, que l'ouverture est une des plus belles symphonies
dramatiques qui aient jamais été faites, que le chœur d'introduction
est une merveille de poésie fantastique ; comme personne ne nous
demandera de lui expliquer les beautés du premier finale , du chant
des génies de la mer, du duo de l'écuyer de Huon avec la soubrette
de Rézia, du quatuor des quatre aurores, des airs de danse, etc., etc.,
nous serons bref, et nous dirons seulement quelques mots de la dis-
tribution nouvelle et de l'exécution.
Mme Ugalde, cet oiseau voyageur ai.x zigzags si capricieux et si
imprévus, est rentrée au théâtre Lyrique par le rôle de Rézia , rôle
difficile si jamais il en fut, au moins pour une voix française, car on
ne peut nier que les sopranos allemands ne soient plus à leur aise que
les nôtres sur certaines intonations élevées. Mme Ugalde n'a plus sa
voix de vingt ans, ou d'il y a vingt ans; mais elle a de la volonté,
de l'audace, une verve singulière. On l'écoute toujours avec intérêt,
et souvent elle fait plaisir. On l'a fort applaudie au second acte,
après son grand air en mi bémol, où elle a de l'expression, de l'ac-
cent et parfois beaucoup d'éclat. M. Monjauze n'a pas l'agréable so-
norité ni la vocalisation facile que l'on souhaiterait au chevalier Huon.
Il chante ce rôle avec beaucoup de zèle. C'est toujours un mérite
dont il faut lui savoir gré. Mlle Girard est très-piquante dans le rôle
de Fatime. C'est ce qui lui arrive à peu près partout. .MM. Ribes, Le-
grand, Leroy et Mme Dubois sont fort convenables dans les autres
rôles.
Ajoutons, pour être juste, que le rôle le mieux rempli de tous est
celui de l'orchestre, qui n'est pas le moins important.
LÉON DUROCHER.
AUDITIONS MUSICALES.
MI1« Ocfavîe CaassemHle.— Mlle Cliarlotte de Tiefensée.
Mlle Marie Trautmann. — SHvesIro Klcosla.
Devant un auditoire des plus distingués et dans les salons Erard,
où cet hiver tant de pianistes se sont disputé le prix, Mlle Octavie
Caussemille a produit, l'autre soir, une vive sensation, qu'aucun bruit
retentissant n'avait cependant préparée.
Mlle Octavie Caussemille est l'une des pianistes qui ont le mieux
compris que, comme les autres instruments, le piano ne devait servir
qu'à charmer, à émouvoir, et pouvait être aussi, quand on savait en
employer toutes les ressource?, pathétique, varié, et riche des cou-
leurs les plus opposées.
Sauf le trio en ut mineur de Mendeissohn, où, à côté d'un art in-
fini, il y a des accents si chaleureux, une vivacité si entraînante et
une inspiration si élevée, la brillante artiste n'a guère fait entendre
DE PAHiS.
155
que des morceaux aimables, gracieux et chantants; mais elle a si bien
soupiré les molles et délicieuses élégies de la Somnambule; elle a
mis tant de pureté, de finesse et d'enjouement en disant de délicates
et élégantes pièces de Lysberg et de Gottschalk; elle a si bien ex-
primé, malgré la mâle énergie qui distingue son talent, ce qui convenait
à chaque auteur, que tous les dilettantes ont été enchantés et ne se
sont point inquiétés de savoir si toutes ces pages étaient bien difficiles
et bien compliquées. Mlle Octavie Caussemille fait très-bien saillir
les caractères définitifs de chaque école ; elle rejette, quand elles sont
inutiles, les grandes sonorités, et cherche avant tout la vérité et la
beauté du style: aussi a telle pleinement mérité les longd applau-
dissements qui lui ont été donnés, et sa soirée comptera-t-elle parmi
les plus jolies soirées de la saison.
Les variations de Franchomme sur un thème russe et sur la mélo-
dieuse romance de la Rose, popularisée par le grand succès de
Martha, ont ravi l'auditoire. Ce morceau renferme de l'imagination
et du savoir; les effets sont puisés plutôt dans les ingénieuses combi-
naisons de l'harmonie et du rhythme que dans les laborieuses diffi-
cultés et les sonorités exagérées. M. Lebouc l'a parfaitement inter-
prété. M. Marochelti, les frères Guidon, chanteurs très-agréables,
ont, plus que Mlle Dubois, récolté de nombreux bravos.
— Excellente musicienne , renommée pour l'étendue de sa voix
(un mezzo-soprano très-riche et d'une souplesse remarquable), pour
son style large, gracieux, pour son intelligence des nobles beautés
de l'école allemande, Mlle Charlotte de Tiefensée ne pouvait passer
inaperçue : aussi, quoiqu'à cette époque on déserte volontiers la salle
de concert pour la promenade, avait-elle réuni la semaine dernière
bon nombre d'auditeurs. Tous ont été charmés de l'expression tantôt
sobre, hardie, colorée, tantôt suave, brillante et pathétique qu'elle
a déployée dans la romance du Prophète, dans Casta Diva, et dans
des inspirations de Haendel, de Mozart et de Rossini. Les gracieuses et
difficiles variations de Proch, des chants nationaux russes, espagnols,
irlandais, bohèmes, tyroliens et hongrois, qui tous avaient une sa-
veur particulière, quelque chose de naïf, d'énergique, de tendre et
de passionné, ont permis à Mlle Charlotte de Tiefensée de faire ap-
plaudir sa vocalisation nette et légère, sa manière de phraser, qui,
quoique véhémente au besoin, sait toujours se renfermer dans les
limites tracées par le goût et par l'art. Bien que Mlle de Tiefensée
n'ait pu faire apprécier les qualités dramatiques qui lui ont valu de
si beaux succès au théâtre, elle a néanmoins, dans plusieurs morceaux,
prouvé que sa voix et son talent étaient habitués aux accents tra-
giques .
Mlle Léonie Tonel, MM. Edmond Hocmelle et Bauerkeller ont très-
agréablement varié les plaisirs de celte soirée.
— Mlle Marie Trautmann fut une enfant prodige; on applaudit il y
a quelque dix ans à ses heureuses dispositions et à son intelligence
musicale. Son éducation, on le sait, fut puisée à différentes sources,
et la moins pure assurément n'est pas la dernière, car Mlle Trautmann
obtint le premier prix au Conservatoire et fit le plus grand honneur
à la classe de Henri Herz. Le talent de la jeune pianiste n'a point
encore toute la maturité désirable, mais il est déjà très -distingué, et,
cette fois, du moins, la précocité n'a rien eu de regrettable. Avec
MM. MuUer et Bauerkeller, elle a fort bien joué le trio en ré mineur
de Mendelssohn ; puis, seule, la belle fantaisie de Thalberg, où brille
entre toutes les mélodies la ravissante sérénade de Don Juan, si ma-
gniûquement analysée par Alfred de Musset :
Une mélancolique et piteuse chanson,
Respirant la douleur, l'amour et la tristesse.
Mais raccompaguement parle d'un autre ton.
Comme il est vif, joyeux ! Avec quelle prestesse
Il sautille ! — On dirait que la chanson caresse
Et couvre de langueur le perfide instrument;
Tandis que l'air moqueur de l'accompagnement
Tourne en dérision la chanson elle-même,
Et semble la railler d'aller si tristement.
Mlle Marie Trautmann a mieux dit encore le sixième concerta de
Henri ilerz, qui a fait grand plaisir.
I.a jolie voix et la bonne méthode de Mlle Simon Gorradi ont été
très-remarquées dans l'aragonaise du Domitio noir, dans la Vision
de sainte Cécile de M. Lebouc. Mlle Simon Corradi a été d'autant
plus fêtée que dans les concerts la partie vocale est ordinairement
assez médiocre.
— M. Silvestro Nicosia est un violoniste très -inégal, quelque peu ex-
centrique, comptant trop peut-être sur la singularité de certains traits,
amoureux surtout de capricieuses fantaisies'; mais, comme presque
tous les Italiens, il sait faire parler son instrument. Il en tire sinon des
choses irréprochables, du moins des accents toujours pourvus d'un
certain charme. A son concert, donné dans la salle du Grand-Orient,
il a été, après l'exécution de sa rondo polonaise, très-chaleureuse-
ment applaudi. Mais l'enchantement de cette matinée a été l'appa-
rition de Cario Nicosia, petit virtuose de cinq ans et demi. Ce ra-
vissant enfant (auquel on est obligé d'attacher son violon) a joué un
prélude de Bach et un duo de son père. Brise du foir, avec une
justesse, un aplomb, une expression et un sentiment musical tout
à fait extraordinaires. 11 a été accablé de bravos.
Adolphe BOTTE.
MESSE DE NICOÏÏ-GEORON
Exécutée à régSEse «îc la UadfileiucQ
Une pieuse et généreuse pensée a réuni mercredi dernier, dans
l'église de la Madeleine, une belle assistance, venue pour entendre
une messe à orchestre, une grande composition de M. NicouChoron.
Il s'agissait d'une bonne œuvre , de secours à récolter pour les an-
ciens élèves malheureux de cette glorieuse école Choron qui a existé
peu de temps et laissé cependant de si durables souvenirs.
11 y aura bientôt trente années que je rendais compte, dans cette
même et si utile feuille, des travaux de Choron. Après avoir longtemps
travaillé à la renaissance de l'art religieux, dont Choron avait mis en
lumière les chefs-d'œuvre, j'ai quitté la carrière; et pour revenir au-
jourd'hui dans la Gazette musicale écrire sur la musique, il faut bien
que l'on sache que ses abonnés lui sont fidèles et vivent longtemps.
Avant de parler de la belle exécution de mercredi dernier, je de-
mande la permission de rappeler en peu de mots quelle fut l'œuvre
de Choron.
Au commencement de ce siècle, il y eut un homme de génie qui
caractérisa eu deux mots le mouvement qui allait s'opérer, la réac-
tion qui allait se faire dans les lettres et les arts, ce fut Chateau-
briand, qui rendit sa mémoire impérissable par l'œuvre intitulée :
Génie du christianisme. Mais le génie du christianisme, méconnu
hélas! depuis trois siècles par le clergé lui-même, lequel n'enseigna
que le génie du paganisme à la jeunesse depuis le xvi" siècle jusqu'à
la révolution, le génie du christianisme, dis-je, embrassait la musi-
que; il avait créé dans le moyen âge l'harmonie inconnue de ces
Grecs et Romains dont la musique n'avait rien de commun ni de
comparable avec l'art moderne; le génie du christianisme avait
donné au monde Palestrina , et avec lui une foule de maîtres égaux
dans leur art aux architectes qui avaient construit nos plus belles
cathédrales gothiques, aux sculpteurs, aux peintres de vitraux qui
les avaient décoi^es, égaux aussi aux grands peintres de génie du
xv" et du xvi= siècle.
Tous ces grands et inimitables créateurs de l'art musical, religieux,
de Palestrina à Marcello, étaient inconnus de la société oii vécut Choron,
et travaillant sans y songer peut-être, mais par un pur et noble
156
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
instinct, à montrer comme Chateaubriand la puissance, la fécondité,
la variété et la richesse du génie chrétien , Choron mit en lumière
une grande collection des chefs-d'œuvre inconnus des créateurs de
l'art chrétien, créa une école pour former des voix et des artistes
capables de les exécuter.
Voilà l'œuvre de Choron, elle est morte avec lui ; mais dans le peu
d'années qu'elle a duré elle a montré par ses résultats étonnants ce
qu'on pourrait en France si l'idée de ce régénérateur de l'art avait
été encouragée et suivie.
Choron avait le don particulier de savoir deviner les facultés et
pressentir l'avenir des enfants ou des jeunes personnes qu'il admet-
tait à son école.
Il avait rencontré Rachel, pauvre petite chanteuse des rues, et il
prédit tout de suite qu'elle serait la plus grande artiste dramatique
de son temps. Il avait deviné Duprez, et Duprez avait pris chez Choron
dans la pratique des œuvres anciennes, le sentiment et on peut dire
le génie de ce chant large, noble et d'une expression profonde, dont
la tradition après lui risque de se perdre. Tous les artistes sortis
de chez Choron et qui ont marqué ensuite dans l'histoire de l'art
depuis trente ans étaient excellents musiciens.
Rien de rare aujourd'hui, excepté parmi les instrumentistes, comme
un véritable musicien. Choron, qui n'avait qu'une pauvre petite
école, a produit des hommes comme Dietsch, l'éminent chef d'or-
chestre, l'auteur de tant de belles et savantes compositions pour
l'église ; r^icou-Choron, le digne fils de Choron par son alliance, l'un
des compositeurs qui ont le plus écrit, pour l'église, de la musique
bonne, pratique, variée, d'un bon style, et appropriée aux ressour-
ces du temps.
11 faudrait des pages pour nommer tous les artistes distingués, qui
ont une place dans l'histoire de la musique, et qui ont été décou-
verts pour la plupart et tous formés par Choron et dans son école.
Hippolyte Monpou, Boulanger-Kuntz, de Lafage, A. Maillart, Delsarle,
Marié, Wartel, Jausenne, Valiquet, le Prévost. Parmi les femmes qui
ont paru avec succès au théâtre, je citerai Mme Stoitz, l'une d.^s plus
vraiment dramatiques des cantatrices françaises, Clara Novello, etl'ex-
cellente Élisa Massy qui fit longtemps le charme de l'Opéra-Comique.
J'en oublie sans doute et beaucoup de ceux qui ont puisé chez
Choron avec les connaissances musicales, le goût du beau, le sen-
timent des grandes œuvres, tout ce qu'enfin on n'apprend plus guère
ailleurs.
Eh bien, parmi les anciens et nombreux élèves de cette excel-
lente école de Choron, il en est qui ont passé par les misères de la
vie d'artiste ; il en est que l'âge atteint et condamne à l'inaction,
d'autres qne les maladies frappent; enfin, il y a là des secours à
donner, des infortunes à soulager, et M. Nicou-Choron, avec le con-
cours de ses anciens camarades et d'une foule d'artistes qui l'hono-
rent et qui l'aiment, a eu la bonne et méritante idée de faire exé-
cuter une messe pour réunir au pied des autels ceux qui unissent au
bon goût de l'art la vertu de la charité.
Je ne puis parler longuement de la belle composition de M. Nicou-
Choron. La musique doit avoir été entendue de ceux à qui on en
parle, et beaucoup des lecteurs de la Gazette musicale, répandue au
loin et partout, n'ont pas pu assister à cette excellente audition. Je me
bornerai à dire que la musique de Nicou-Choron en général et celte
messe en particulier, est d'un caractère religieux, d'une facture dis-
tinguée, d'un bon style, enfin, d'une exécution convenable aux res-
s ources dont on peut disposer dans les églises. Le Kyrie et le Saîic-
ins sont remarquables, le Gloria et le Credo ont particulièrement
droit aux suffrages des connaisseurs. L' Agnus e?,l un chef-d'œuvre
d'élégance et de finesse, en même temps que le motif est plein de
douceur et de distinction.
Cette grande composition a été très-bien exécutée. Cela n'étonnera
personne. Les exécutants étaient tous des artistes très-distingués.
Dietsch conduisait l'orchestre et Duprez a chanté.
F. DANJOU.
ASSOCIATION DES ARTISTES MSICIENS.
Assemblée générale.— Banquet annuel.
L'assemblée générale de l'Association des artistes musiciens s'est
tenue, comme les précédentes années, dans la grande salle du Con-
servatoire , sous la présidence de M. le baron Taylor. Les membres
présents étaient au nombre de cent quatre-vingt-dix.
M. Colmet-d'Aage a encore cette fois présenté le rapport sur les
travaux de l'année, avec ce talent qu'on lui connaît; nous en ex-
trayons les passages suivants :
« Après vingt ans d'existence, nous possédons 26,605 francs de
rentes, représentant un capital de plus de 580,000 francs. Nous
avons distribué à neuf cent quarante-sept sociétaires différents 293,809
francs de secours et pensions ou médicaments donnés h nos sociétaires
malades, et, pendant ces vingt années, notre recette totale a dépassé
1,100,000 francs.
» Pour arriver à ces résultats, nos ressources ont été de quatre
sortes : les messes et concerts que la bienveillance des membres du
clergé de Paris et de quelques musiciens illustres nous ont permis
d'organiser au profit de notre œuvre; les dons qui nous sont remis
par quelques personnes généreuses; le montant des cotisations ver-
sées par nos sociétaires; enfin, les sommes provenant des rentes ac-
quises par l'Association depuis son origine. »
Ensuite l'honorable rapporteur est entré dans le détail des so-
lennités, messes, concerts, organisés pendant l'espace de douze mois :
il a fait connaître les libéralités nombreuses, recueillies par l'Associa-
tion, nommé ses membres les plus généreux, et puis il a dit :
0 En résumé, nos cotisations ont produit en 1862, 23,831 fr. 50 c.
1) Nos rentes forment notre quatrième branche de ressources.
» Nous possédions, au 31 décembre, 26,605 francs de revenus,
savoir :
20,650 francs en renies 3 0/0 sur l'Etat;
5,955 francs en 397 obligations du chemin de fer d'Orléans, avec
revenu garanti par l'Etat.
» Nous avons donné en pensions Fr. 23,i39 55
» En secours 7,101 50
» Soit un total de Fr. 28,541 05
» Et cette somme dépasse celle dont nous pouvons disposer. »
Après ce rapport, salué d'acclamations unanimes, M. le baron
Taylor a remercié l'assemblée de ses sympathies, en lui adressant
une de ces allocutions qui les rendent plus vives encore, et portent
avec elles la lumière et la conviction.
Nous avons déjà donné le résultat du scrutin pour l'élection et la
réélection des douze membres du comité. Ces douze membres nom-
més pour cinq années, sont : MM. Prumier fils, Deloffre, Duzat,
Proust, Henri Gautier , Richard d'Ambricourt , Boneux, Auguste
Wolff, Gustave Héquet, Werrimst. Colin et Forestier.
Enfin le banquet annuel offert à M. le baron Taylor, à l'occasion
de sa fête, a eu lieu vendredi, dans les salons de Douix. 11 y avait
plus de cent convives. Des toasls ont été portés et des discours
prononcés par MM. Edouard Monnais, pour l'Association des artistes
musiciens, à laquelle appartenait la présidence ; Alexis de Fontenay,
pour l'Association des peintres, sculpteurs, architectes, etc.; Fran-
çois, pour l'Association des inventeurs et artistes industriels; Samson,
pour l'Association des artistes dramatiques, et Leroy, pour celle des
membres de l'enseignement et professeurs. Les deux sociétés des au-
DE PARIS.
157
leurs et compositeurs dramatiques et des gens de lettres avaient
aussi leurs représentants dans celte réunion de famille ; M. Valnay
a lu le toast de M. Plouvier, absent pour cause d'indisposition , et
M. Frédéric Thomas a parlé au nom des gens de lettres. M. le baron
Taylor a répondu à tous ces discours avec la plus amicale et la plus
toucbante effusion C'était la quatorzième fois que les sociétés créées
par lui célébraient sa fête, et jamais la réunion n'avait été plus
animée ni plus cordiale.
Emile Prudent n'est plus! La nouvelle de cette mort si rapide, si
inattendue, a frappé comme un coup de foudre ses amis, ses admi-
rateurs, le public musical tout entier.
11 était né à Angoulême, le 3 avril 1817; à dix ans il fut envoyé
à Paris, pour entrer dans la classe de piano tenue par Zimraerman,
et il y remporta le premier prix.
Mais ce n'est pas le moment d'entrer dans les détails d'une car-
rière entièrement remplie par le travail et les succès.
Emile Prudent était le pianiste français qui pouvait le mieux sou-
tenir le parallèle avec les grands artistes étrangers.
Hier samedi, ses obsèques ont été célébrées à Saint-Vincent-de-
Paul, au milieu d'une foule profondément attristée et recueillie.
M. Deloffre, prévenu seulement la veille des funérailles, s'est em-
pressé de réunir les artistes de l'orchestre du théâtre Lyrique, qui ont
exécuté plusieurs morceaux pendant le service funèbre. — ■ L'orga-
niste de l'église, M. Cavallo, a joué sur le grand orgue trois mor-
ceaux d'un beau caractère.
On peut remarquer depuis quelque temps une progression bien
sensible de l'Italie à s'assimiler les œuvres lyriques do la scène fran-
çaise. Soit que sous ce rapport les richesses de son propre fonds
s'épuisent, soit que les oreilles italiennes aient découvert dans ces
premiers essais autre chose que l'attrait de la nouveauté et se soient
ouvertes à des mélodies dont il fallait bien reconnaître le mérite,
toujours est- il qu'après avoir commencé par les grandes œuvres de
Meyerbeer, Auber, Amb. Thomas sont maintenant en voie de s'y
naturaliser et de s'y faire apprécier. — Cette initiative ne pouvait
manquer d'avoir du retentissement; l'exemple a gagné l'Espagne et
le Portugal, et dans ces dernières Années Robert le Diable, les Hugue-
nots et le Prophète y ont été tour à tour applaudis avec enthou-
siasme. En ce moment les journaux portugais signalent l'immense
succès que vient d'obtenir sur le théâtre d'Oporlo l'opéra des Hugue-
nots, représenté pour la première fois le 26 avril, devant tout le
public dilettante de la ville et interprété par Bignardi (Raoul), Mme De-
jean (Valentine), Marinozzi (Marcel), Tagliapietra (Saint-Bris), Mme Cas-
telli (Marguerite), Buti (Nevers), et Mme Marini (le page).
L'exécution du merveilleux chef-d'œuvre de Meyerbeer, à laquelle
les artistes que nous venons de citer avaient consacré de sérieuses
études, a soulevé un véritable enthousiasme, qui n'a fait que s'accroître
à la deuxième représentation.
La direction, de son côté, n'avait rien épargné pour se mettre,
pour les décors et la mise en scène, à la hauteur de l'œuvre, donnée
an bénéfice de Bignardi. L'orchestre et les chœurs ont vaillamment
secondé les artistes.
CORRESPONDANCE.
Londres, 14 mai.
'Voici que les flots de la grande marée musicale nous envahissent :
c'est ce qu'on appelle être en pleine saison, et en vérité je ne pense
pas qu'une saison puisse l'être davantage. Dans la même journée on a
entendu, au Palais de cristal, pour l'inauguration de la dixième année,
l'exécution de la musique coinposée par Mendelssohn pour Athalie. L'or-
chestre et les chœurs ne comptaient pas moins de deux mille cinq
cents artistes ; les soles étaient chantés par Mmes Parepa , Martin et
Sainton-Dolby. Le succès a dépassé toute attente. La grande marche
des Lévites a été redemandée unanimement par les quatorze mille au-
diteurs, et M. Costa n'a pas hésité à la faire redire.
Le programme comprenait encore les ouvertures composées par
Meyerbeer et Auber pour l'Exposition, entre lesquelles était placé le
chœur intitulé Départ , de ilendelssohn. L'hymne national , chanté à
l'unisson, terminait la séance.
Et le soir Mme Jenny Lind-Goldschmidt, assistée de Mme Lemmens-
Sherrington, de miss Lascelles, de MM. Montem-Smith, Weiss et Gold-
schmidt, chantait à Saint-James-Hall pour l'hôpital des incurables de
Putney. Dans le programme figuraient Vallegro et le Pensenso deHaondel,
précédé d'un morceau du même compositeur pour instruments à cordes.
Depuis '1813, Vatleyro et le Penseroso n'avaient pas été chantés; c'était
donc une nouveauté pour l'auditoire. Les airs qui formaient le lot de
la célèbre cantatrice lui ont permis de prouver qu'elle n'a rien perdu
de son art suprême, quoiqu'elle ne soit plus, quant à ses moyens phy-
siques, la Jenny Lind de 1817. Les autres artistes se sont montrés à sa
hauteur.
Le nouvel opéra del signer Schira, Nicolô de' Lajn, donné au théâtre
de Sa Majesté, a valu au compositeur un succès d'autant plus méritoire
qu'il avait à lutter contre un libretto ingrat et confus. M. Schira pos-
sède à fond l'art de l'instrumentation, et s'il n'arrive pas à l'origina-
lité, il n'est jamais trivial. Il faut citer, comme morceau piquant et vrai-
ment remarquable, la délia mia, mazurka chantée avec un gotlt exquis
par Mme Irebelli, qui nous a rapporté cette année une voix plus suave
et plus fraîche que jamais. Elle a partagé les honneurs de la soirée avec
Mlle Titjens, qui réussit dans son rôle autant par le jeu que par le
chant. N'oublions pas MmeFerraris, qui, dans un pas ravissant, la Fiancée,
a enlevé les bravos de la salle entière.
En ce moment, on répète au même théâtre le Faust de Gounod,
que suivra VOberon de Weber, et enfin, pour couronner l'œuvre, le
Prophète de Meyerbeer, aviic Mme Trebelli, dans le rôle de Fidès.
A Covent-Garden, Adelina Patti est revenue et la foule avec elle.
C'est dans hs Sonnambula et ensuite le Barbier, qu'elle a fait sa rentrée.
Dans le second de ces opéras, Mario et Ronooni ont été admirables.
Les répétitions de Martha touchent à leur terme, et celles de l'Etoile du
Nord vont immédiatement commencer. Le chef-d'œuvre de Meyerbeer
est attendu avec l'impatience que font naître toutes les productions de
l'illustre maestro, dont la popularité a singulièrement grandi depuis son
dernier séjour à Londres.
La nouvelle Patti (Carlotta), sœur d'Adelina, exerce une oHraction pro-
digieuse. Elle doit, il est vrai, se borner aux concerts, mais elle n'y
chante pas à moins de 2,625 francs, et tout le monde veut l'avoir. Sa
voix est sans pareille et d'un timbre charmant; elle donne le la suraigu
avec une facilité extraordinaire. C'est une fureur dans toute la force du
mot.
Vieuxtemps nous a quittés, après avoir obtenu d'éclatants succès ;
Alfred Jaell est aussi reçu à bras ouverts partout où il se présente, k la
Société philharmonique, au festival du l'alais de cristal, à la Musical
Union, aux concerts d'Ella, etc. Voilà ce que c'est que d'avoir laissé
d'excellents souvenirs.
T. X.
NOUVELLES.
/„, Lundi, mercredi et vendredi, le théâtre impérial de l'Opéra a
donné le ballet de Giselle, et, chaque fois, devant une salle brillamment
remplie. S. A. I. la princesse Mathilde y assistait lundi, et elle a donné
plusieurs fois le signal des applaudissements. La façon tout à fait remar-
quable dont M. rerrin a remonté ce ballet, la belle décoration du second
acte, le talent incontestable de Mlle MouraviefT, justifient d'ailleurs lar-
gement ce succès. Les deux nouveaux pas introdidts par la jeune dan-
seuse russe au premier et au deuxième acte du ballet soulèvent des bra-
vos enthousiastes et mérités. Nous ne devons pas omettre, pour être justes,
la délicieuse valse de BurgmuUer, admirablement dansée par Mme Zina
Mérante, et qui ne concourt pas médiocrement à l'attrait de la repré-
sentation. — On avait annoncé pour hier la première représentation du
Comte Ory; mais un nouvel ajournement a dû avoir lieu par suite d'in-
disposition. — Dulaurens quitte l'Opéra; il va à Lyon, où il a un fort bel
engagement. Mme Leguine-Dulaurens suit son mari et tiendra l'emploi
de première danseuse. — Au mois de décembre, Mlle Beaugrand cessera
également défaire partie de la danse; elle a signé un engagement pour
Gênes.
,*« La reprise iTlaydée attire beaucoup de monde au théâtre de
l'Opéra-Comique. Prilleux, rétabli de son indisposition, y a repris le
rôle de Domenico. La Chanteuse voilée et Lallah-Roukh alternent avec le
chef-d'œuvre d'Auber.
158
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
4% Nous avons annoncé la prochaine reprise, par la direction du
théâtre de l'Opéra-Comique, du Diable amoureux, opéra de Saint-Georges
et Grisar, que les auteurs prétendent avoir le droit de retirer du théâtre
Lyrique, où il fut joué dans le principe. Mais l'administration de ce der-
nier théâtre leur conteste ce droit et déclare avoir l'intention de le
mettre elle-même immédiatement à l'étude. Les tribunaux vont être ap-
pelé.i à prononcer sur ce conflit.
»** Au nombre des artistes italiens que nous entendrons cet hiver,
on cite comme engagés par Jl. Bagier Mme Lagrange, Fraschini et le
baryton Giraldoni.
^*» De retour de Marseille, Mme Carvalho va donner, avant son dé-
part pour Londres, six représentations de Faw^t. M. Carvalho a eu l'ex-
cellente idée d'engager pour la seconder Morini, charmant ténor qui a
chanté avec succès le rûle principal de cet opéra à la Scala, à Milan. 11 a
débuté hier soir.
^*, Les recettes des théâtres impériaux subventionnés , des autres
théâtres, concerts, cafés-concerts, etc., se sont élevés pendant le mois
d'avril à la somme brute de 1,625,102 fr. 21 c.
^*» Depassio, qui a teni» une belle place à l'Opéra, obtient en ce mo-
ment de grands succès à Genève, où il vient de donner plusieurs repré-
sentations très-suivies. Il a joué trois fois Robert le Diable et chanté des
fragments des Huguenots et de Guillaume Tell, aux grands applaudisse-
ments du public.
,*4 Mme Mayer-Boulart, qui a fait plusieurs années les délices du pu-
blic bruxellois au théâtre de la Monnaie, vient de donner à Lyon et à
Strasbourg des représentations qui ont attiré la foule. Le Domino noir,
les Dragons de Villars, la Fille du régiment, Faust, lui ont fourni dans
ces deux villes l'occasion de montrer les belles qualités qu'elle possède
comme chanteuse et comme comédienne : aussi lui a-t-on prodigué les
applaudissements et les rappels.
,,*„, Mlle Wertheimber vient d'arriver à Alger, où elle doit donner plu-
sieurs représentations; son premier début aura lieu dans Léonore de
la Favorite.
**» M. Merelli fils vient d'engager à de très-belles conditions
Mme Trebelli et sou mari, le ténor Al. Bettini, pour quatre mois à partir
du 1«' janvier prochain.
^.*^, !,a direction des théâtres impériaux a complété le personnel de
la troupe du théâtre italien de Saint-Pétersbourg, en engageant pour la
saison prochaine le ténor Giuglini et la basse bouffe Fioravanti.
^*s^ Il y a eu jeudi, jour de l'Ascension, une brillante soirée musicale
dans les salons de S. Exe. le ministre d'Etat. Plusieurs morceaux des
Vêpres siciliennes de Verdi, qui vont être remis à la scène, ont été chan-
tés par Mlle Marie Sax, MM. Bonnehée , Cazaux et Villaret. L'auteur
lui-même a accompagné le boléro chanté par Mlle Sax, et le Miserere
du Trovatore a terminé le concert.
t*^ Voici la liste exacte des élèves désignés par la section de musique
de l'Académie des Beaux-Arts comme concurrents pour le grand prix
de composition musicale : MM. Massenet, élève de MM. Ambroise "Tho-
mas et Reber; Salomé, élève de MM. Ambroise Thomas et François Bazin;
Danhauser, élève de MM. Halévy, Reber et François Bazin ; Constantin,
élève de M. Ambroise Thomas; Ruitz, élève de M. Leborne. Hier, sa-
medi, ces cinq élèves sont entrés en loge. i..a cantate choisie a pour titre
et pour auteur
**„, Mardi dernier, la musique de la gendarmerie impériale, sous la
direction de son habile chef, M. Riedel, a exécuté plusieurs morceaux
dans la salle d'Adolphe Sax, rue Saint-Georges, entre autres une fantai-
sie sur Dun Juan, une autre sur la Favorite, ta Marche hongroise de Liszt,
arrangée par Riedel. Il n'y a que des éloges à donner tant au choix qu'à
l'arrangement de ces divers morceaux, ainsi qu'à leur exécution précise
et vigoureuse. Dans les intermèdes, on a entendu aussi un fragment du
septuor de Beethoven, transcrit pour la famille des saxophones et fort
bien exécuté par les élèves de M. Adolphe Sax. Sur le nouveau trom-
bone à pistons de ce facteur, M. Hollebecke a fait preuve d'autant de
facilité, de rapidité qu'il serait possible d'en montrer sur la flûte.
,j*,j Hier soir a dCi avoir lieu, au cirque Napoléon, le beau concert or-
ganisé au profit de l'œuvre de Notre-Dame-des-Arts. Tamberlick est re-
venu exprès de Londres pour y chanter.
„*i^ Trente -six musiciens ont pris part au concours ouvert par le di-
recteur de l'Union chorale, M. Ch. SouUier, dans le but d'avoir pour
nos orphéons une messe écrite pour deux ténors, baryton et basse.
Le jury, composé de MM. Vervoitte, A Boïeldieu, Deffès, Gastinel, Savart,
Saint-Saens, Sylvain Saint Etienne et Vialon, a décerné trois prix, plu-
sieurs accessits et des mentions honorables à MM. Nicolini, Tomadini,
José Barrière, de Cherbourg, Ch. Alwens, etc. Les ouvrages couronnés
seront exécutés successivement dans les diverses églises de Paris par nos
sociétés orphéoniques. On ne peut qu'applaudir et porter un vif intérêt
à l'initiative, aussi heureuse qu'utile, prise par M. SouUier.
.j*^, La Société de secours pour veuves et orphelins d'arlistes musi-
ciens Haydn, à Vienne, a publié son rapport annuel ; il en résulte que
l'Association possède un capital de 508,408 florins, rapportant 25,59T
florins de rente par an.
^*^ La Ronde du Brésilien, voilà certes la plus ébouriffante chanson
qui ait été imaginée depuis longtemps et qui va faire courir cent fois
de suite la foule au Palais-Royal pour l'entendre chanter par Brasseur
et Gil-Perez dans la jolie pièce de MM. H. Meilhac .et L. Halévy. Ce ne
sont pas seulement les paroles bouffonnes des deux spirituels vaudevil-
listes qui provoquent un rire inextinguible, mais c'est une des plus heu-
reuses trouvailles musicales d'Offenbach, une des plus originales mélodies
que le fécond compositeur ait jusqu'à présent puisées dans sa fertile
imagination. Ou nous nous tromperions bien, ou le succès du Sire de
Framboisy et du fameux Pied qui remue va être dépassé.
^*^ Samedi soir 23 mai, dans la salle Herz, Sivori, qu'on trouve tou-
jours prêt quand il s'agit d'une œuvre bienfaisante, donne avec le con-
cours d'artistes distingués un grand concert au bénéfice d'un violon
émérite de la chapelle de Napoléon I", M. Morena, qui d'ailleurs mérite
à tous égard cette preuve de sympathie de son célèbre confrère et de
tous ceux qui viendront l'entendre.
4.*» Le jeune et brillant violoniste Sarasate poursuit fort heureuse-
ment une excursion départementale. Ses concerts attirent la foule, et
il a obtenu un immense succès à Angoulème, Périgueux, Niort et Poi-
tiers.
^*,j La saison des eaux d'Ems est ouverte et s'annonce de la façon la
plus brillante. En fait de représentations théâtrales inédites, on y en-
tendra l'opéra-comique de Nuittei- et Offenbach, // signor Fagolto, et
celui de Deforges et de Flotow, Rob Roy. Ce dernier ouvrage sera inter-
prété par Mme Cabel, MM. Duprez fils et Guyot. Le théâtre sera desservi
par la troupe des Bouffes-Parisiens, augmentée de quelques artistes des
théâtres lyriques de Paris et par une troupe de vaudeville.
^,*^ La fête donnée au Pré-Catelan le jour de l'Ascension, au bénéfice
des ouvriers cotonniers, favorisée par un temps superbe, avait attiré
une foule considérable. Les corps de musique de la garde et l'orchestre
de Musard ont été à la hauteur de la solennité.
»** Depuis quelques jours, la température s'est améliorée; les soirées
plus douces permettent d'aller entendre l'orchestre du concert' des
Champs-Elysées, si parfaitement dirigé par M. Arban. C'est le lieu de
rendez-vous de l'élite de la société parisienne.
,"** Au Pré-Catelan, l'excellent orchestre de Musard, la riche et sa-
vante composition des programmes, le talent hors ligne des solistes,
le mérite incontestable du chef, les séductions du parc et la belle réu-
nion de bonne société qui s'y donne chaque dimanche rendez-vous, lé-
gitiment hautement les succès obtenus par les concerts Musard dans ce
délicieux salon d'été de Paris.
»*^ Le compositeur Ferdinand Stegmayer est mort à Vienne le 6 de
ce mois. Comme chef d'orchestre, il était sans rival. Dès 1828, il
dirigeait l'orchestre de Kœnigstadt, à Berlin. On lui doit un petit nom-
bre de compositions excellentes. C'est Stegmayer qui a créé à Vienne
la Sing-Académie. Il lai.sse une veuve et un enfant absolument sans
ressources. Immédiatement après son décès, le comité de l'Association
a fait remettre 100 florins à la veuve et a ouvert une souscription en
sa faveur.
,j*^ Au mois d'avril est mort, à Méran, Antoine Roth, membre de la
chapelle de la cour et ancien professeur au Conservatoire de Vienne.
^*i. On annonce à Londres la mort du poëte et compositeur populaire
Charles Glover : l'une de ses chansonnettes, Jeannette et Jeannot, don-
née par Glover en cadeau à son éditeur ordinaire, a rapporté plus de
100,000 francs.
(CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
^*^ Marseille. — Mme Carvalho vient de nous faire ses adieux dans
une deuxième représentation des Noces de Figaro, avec les deux princi-
paux airs de la Reine Topaze. Cette soirée a été pour la grande cantatrice
l'occasion d'une magnifique ovation. A peine finissait-elle les dernières
notes des merveilleuses variations du carnaval de Venise, au bruit des
applaudissements de toute la salle, que le régisseur, s'approchant de
Mme Carvalho, lui remit, au nom de l'assistance, un écrin renfermant
un magnifique bracelet dont l'artiste, émue au dernier point, se para
sur-le-champ. Mais là ne devait pas s'arrêter la surprise. Après l'air
de rAbeille, dit sous l'empire de cette émotion, un temple magnifique-
ment illuminé, et habité par de charmants génies qui répandaient des
fleurs autour de la diva fêtée, descendit du cintre, et les plus jolies
ballerines du théâtre lui offrirent un bouquet phénoménal, don de
M. Ilalanzier et apporté de Gênes pour cette occasion. Reconnaissante
d'une pareille manifestation, Mme Carvalho a consenti à se faire encore
entendre une dernière fois dans Lucie, après quoi viendra Marie Cabel
pour lui succéder.
t'„ Saint-Germain-cn-Laye. — Depuis les loisirs que lui a fait un
beau mariage, Mme Mackenzie, née Catinka de Dietz, est la providence
des jeunes artistes, et rien ne lui coûte pour les produire dans une car-
rière dont les commencements sont hérissés de tant de diflicultés. De
charmantes matinées musicales dans lesquelles elle prêche d'exemple
DE PARIS.
Î59r
en exécutant avec son admirable talent les belles pages des maîtres
classiques, réunissaient fréquemment cet hiver, dans la villa de la rue
de Sully, toute l'aristocratie de notre petite ville en même temps que
des sommités de l'art et de la critique musicale, venues exprès de Paris
pour y assister, et tout disposées à encourager ses protégés. Dans la der-
nière de ces matinées, donnée pour la clôture, se coudoyaient avec
M. Slolir, le chef de la musique des guides, et ses principaux solistes;
M. Marotel, le chef de la musique des chasseurs de la garde; Fréd. Bris-
son, le charmant pianiste-compositeur; le jeune Edm. Guion, créole, de
Buenos-Ayres, dont les compositions ne sont pas moins gracieuses que
bien exécutées par lui; P. Rabaud, violoncelliste de l'Opéra; puis les jeunes
élèves lauréats du Conservatoire. M.Vl. Rougé et Jullia, et Mlle Marotel,
jeune cantatrice d'avenir, maintenant élève de Duprez. Aussi le pro-
gramme offrait-il uo attrait supérieur à tous les précédents, et l'exé-
cution ne l'a pas démentie. Nous regrettons que l'espace nous manque
pour entrer dans tous les détails des morceaux exécutés; mais nous
pouvons, en mentionnant les principaux, dire qu'ils ont provoqué tour
ù, tour les applaudissements les plus chaleureux et les plus légitimes.
Ainsi, Mme Jlackenzie, dans des variations de Kalkbrenner et un sep-
tuor de Hummel où elle a tenu magistralement la partie de piano ;
M. Guion, dans une pensée fugitive de Ghys, pour le violon, instrument
qu'il ne possède pas moins bien que le piano ; M. Rabaud, en chantant
avec le sentiment le plus exquis sur le violoncelle la romance de la Rose
de iJarta ; MM. Verger et Favre, flûte et clarinette soli des guides, l'un
dans un solo de flûte de sa composition l'autre dats une mélodie de
Schubert ; enfin MM. Rougé et Jullia dans un duo de la Reine de Chypre,
et Mlle Marotel, accompagnée de sa sœur, très-bonne pianiste, dans la
cavatine de Lucie et le grand air de la Filte du régiment, ont véritable-
ment lutté de talent et procuré le plus vif plaisir à l'auditoire.
^*^ Rochefort. — La troupe d'opéra-comique, dans laquelle brille
Mme Juliette Borghèse, vient de nous donner plusieurs représentations,
et entre autres celle du charmant opéra de Maillart, les Dragons de
Villars dans lequel l'émiriente cantatrice a créé d'une façon si remar-
quable le rôle de Rose Friquet. Elle y a obtenu un véritable succès
d'enthousiasme et l'ouvrage a été chaleureusement applaudi.
^*^ Metz. — Marta et les Dragons de litlars viennent d'obtenir un
beau succès. Mlle Borghèse, qui nous a donné quelques représentations,
a joué dans l'opéra de Maillart le rôle de Rose Friquet, qu'elle a créé à
Paris; elle y a provoqué des bravos enthousiastes.
0H3ONIQUE ÉTRANGÈRE.
»*» Bruœelles. — Les débuts de la Compagnie Merelli ne sont pas
heureux jusqu'à présent. Le Trovalore, le Barbier, Don Pasquale, ont été
représentés devant les banquettes. — Le Roman d'Elvire passera au
premier jour pour le bénéfice de Jourdan; Mlle Wonrose remplira le
rôle de la marquise de Villa-Bianca, qu'elle a créé à. Paris.
/^ lierlin. — Le 8 mai, les époux Griinbaum ont célébré la cinquan-
taine. Tous les deux ont eu dans le temps une brillante réputation.
Mme Thérèse Grûnbaiim est la fille du célèbre compositeur Wenzemiiller;
pendant les premières dix années du siècle, elle tenait en Allemagne le
sceptre du chant: on l'avait surnommée la Catalan! allemande. C'est
pour elle que Weber a écrit le rôle d'Eglantine, dans Euryanthe.
,*, Vienne. — La troupe de Merelli fils donnera des représentations
au Karl-Theater pendant les mois de février et mars de l'année pro-
chaine. Dans cette troupe figurent Mme A. Patti, Trebelli et les ténors
Giuglini et Betlini. — La messe de Robert Schumann a été exécutée le
même jour, 3 mai, dans deux églises à la fois. — Mme Fabri-Mulder
restera en représentation pendant toute la saison. — Frederigo Consolo,
violoniste, de Florence, qui s'est fait entendre dans les principales villes
d'Italie, donne actuellement des concerts dans notre ville. — On attend
ici Fr. Liszt.
,t*,j Hambourg. — L'administration ne se lasse pas de nous donner
Robert le Diable, et le public ne se lasse pas d'accourir, d'admirer et
d'applaudir. Dans la dernière représentation du chef-d'oeuvre, Mme Zirn-
dorfer, de Francfort, a chanté le rôle d'Alice; Robzcek, de Dusseldorf,
celui de Bertvam ; il possède une voix de basse imposante qui pourra
gagner encore. Enfin, Hagen (Robert) a contribué par sa voix fraîche et
vigoureuse à former un ensemble, dont pourrait être fier le théâtre
d'une grande capitale.
^*^ Brunsicick. — On parle ici d'un festival de chant dont les pro-
portions dépassent tout ce que l'on a vu chez nous dans ce genre. 11
est question de trois mille chanteurs qui prendraient part à cette fête
grandiose.
„,** Franefort-sur-l'Oder. — Nous avons enfin entendu Dinorah, la ma-
gistrale CLimposition de Meyerbeer. Mlle Odile Bartsch a chanté le rôle
principal avec beaucoup de goût et de succès. Lehmann-Hoël et Jseger-
Corentin se sont également fait applaudir. Le succès de l'œuvre et des
exécutants a été complet. Ceux-ci ont eu les honneurs du rappel.
^*^ Barcelone. — Mme Borghi-Mamo marche ici de triomphe en
triomphe. Le dernier et Is plus brillant est son interprétation du rôle
de Fidès dans il Profeta. Meyerbeer pourrait lui décerner une couronne
d'or pour l'âme dont elle a su revêtir cette magnifique création de Fi-
dès, dans laquelle, comme tragédienne et comme cantatrice, elle laissera
chez nous un souvenir impérissable.
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160
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njE^
I
II.
CHŒURS EXÉCUTÉS AUX CONCERTS POPULAIRES PASDELOUP LE 19 AVRIL 1863.
SAIiOMOlV.— Oratorio.— A flots purs, un doux eucens. 1 III. liE MESSBE. — Oratorio. -
r- Retraites secrètes, soyez discrètes.
IV. JTOâlJE.
Alléluia !
Roi des conquêtes.
SOUS
Malomon. Oratobio. Chœur.
Qu'on entende nos accents !
SSalumio». Oratorio. Air.
Trêve aux chants amoureux !
Salomon. Oratorio. Double chœur.
Assiégeons et terre et cieux!
Salomoss. Oratorio. Double chœur.
D'un amoursans espoir laissons coulerlespleurs!
Salomon. Oratorio. Air et Chœur.
Tel roule en bondissant.
Salonion. Oratorio. Double chœur.
Louez leSeigneurparlaharpe et par vos chants!
Samson. Oratorio. Air et Chœur.
Reviens, Dieu des combats I
Samson. Oratorio. Chœur.
On veut briser le roi des forts.
PRESSE LES AIRS ET CHŒURS SUIVANTS :
Sianison. Oratorio, .iir.
Chœurs radieux des brûlants séraphins !
lie Uessie. Oratorio. Air.
O Christ, roi glorieux!
Jatlas Macbabée. Or\tohio. Récit et .iir.
Sonnez, clairons!
•Iisidas Blachabée. Oratorio. Chœur.
Voici l'appel sanglant.
Judas Uaciiabce. Oratorio. Chœur.
0 Dieu que tout révère I
Israël en Egypte. Oratorio. DouWec/iœur.
La grêle tombe à flots.
Israël en Egypte. Oratorio. Dou^/ecftœur.
Moïse, près de l'onde soumise.
Israël en Egypte. Orxtorw. Double chœur.
Je célébrerai le roi des cieux.
Sainte Cécile. Cantate. Chœur.
A ses accents mélodieux.
I.es FAtes «l'Alexandre. Cantate. Air.
Quel bruit a résonné, quels sombres accords?
Nymphe. Cantate. Air el. Chœur.
Hâte-toi, viens ma nymphe auxbeauxyeuxnoirsl
Acls et Cialatée. Cantate. Air.
Chut I oiseaux charmants I
Acis et Gnlatée. Cantate. Air.
L'Amour, dans son haleine, soupire douieraent.
Acis et etalatée. Cantate. Chœur.
Doux amants, le destin veut vos tourments.
Saiil. Oratorio. Chœur.
Envie, fille des Enfers.
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{Les autres paraîtront successivement.) Cbaque Oratorio complet : 3 fr. »5 c. net, {Les autres paraîtront successivement.)
TRADUCTION DE SYLVAIN SAINT-ÉTIENNE.
Chez Ci. IÎI&AMI9US et S. I9UF'OlJl£, éditeurs, 103, rue de Riclielieii, au t".
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2 bis. Air : Plaisir du rang suprême, pour mezzo-soprano 6 »
5 bis. Barcarolle : .imis, la matinée est belle, pour baryton. .... 3 75
5 ter. La même, transposée pour basse 3 7S
12 bis. Air : Du pauvre, seul ami fidèle, pour baryton 3 «
13 bis. Cavatlne: Arbitre d'une vie, pour mezzo-soprano 3 IS
1 5 bis. Barcarolle : Voyez du haut de ce rivage, pour baryton 2 50
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30^ Année.
on S'ABONNE 1
Dans les Départements et à l'Élranger, chez tous
les Marchands de Musique, les Libraires, et aux
Bureaux des Messageries et des Postes.
IVo 21,
REVUE
24 Mai 1803.
pris: de L'ABONNEMENT:
Paris. j 24fr.pQrai
Départements, Belgique et Suisse.... 30 ti id.
Le Jourual paraît le Diniunche.
GAZETTE
— ^vAj \A/\A/VVf 'dw^'
SOMMAIRE. — F. Halévy; Souvenirs d'un ami pour joindre à ceux d'un frère j à
M. Léon Halévy (6" et dernier article), par Edouard IHonnais. — Tliéâtre
impérial de l'Opéra : reprise du Comie Orij. — Concours d'orphéons, de musi-
que d'harmonie et de fanfares, à Puteaux, par Uatbiea de Uonter, —
Nouvelles et annonces.
F. HALÉVY.
Souvenirs d'nn ami gionr joindre à ceux d'un frère.
A. M. LÉON HALÉVY.
(60 et dernier article) (1).
L'Académie des beaux-aris n'avait eu depuis son origine que trois
secrétaires perpétuels : Lebreton , Quatremère de Quincy et Raoul
Rochette , tous trois venant de l'Académie des inscriptions et belles-
lettres ou de la classe de l'Institut qui en tenait la place. Ce fut
une grande nouveauté de voir l'Académie des beaux-arts choisir son
secrétaire, sans sortir de chez elle, dans un cercle d'artistes dont la
plupart, relativement au talent d'écrire, n'avaient pas même rang d'a-
mateurs. Le choix étant reconnu bon, c'eijt été chose toute simple
et conforme à la tradition d'ouvrir au secrétaire, ainsi arrivé , les
portes de l'Académie française. M. Sainte-Beuve a fort ingénieuse-
ment caractérisé les trois prédécesseurs de votre frère : Lebreton,
qui datait du consulat, raisonnable, consciencieux, mais un peu sec;
Quatremère de Qaincy, qui exerça de 1816 à 1839, savant, profond,
élevé, mais ennuyeux , impopulaire et paraissant se complaire dans
son impopularité ; enfin, Raoul Rochette, qui écrivait bien et ne lisait
pas mal, mais qui avait un air de recherche et de prétention, une
certaine fatuité d'homme et d'orateur. Halévy se présenta sous un
aspect tout contraire : il apportait avec lui la simplicité, le naturel,
la grâce ; il avait la bienveillance dans les yeux, le sourire sur les
lèvres ; il savait intéresser, attacher et souvent égayer son auditoire ;
il avait ce je ne sais quoi de grave et de doux qui fait qu'on vous
écoute et qu'on vous aime. Le charme opéra sur-le-champ : dès son
début, il se posa en maître, quoique la seconde partie de sa notice
sur Pierre Fontaine fût inférieure à la première , et que l'ensemble
péchât par défaut de proportions; mais il se corrigea vite, et l'année
suivante on put voir qu'il avait saisi la juste mesure dont il ne de-
(1) Voir les n'- 12, 13, 16, iB et 20.
vait plus se départir. Dans des genres différents, ses notices sur
Adolphe Adam et sur Simart me paraissent les meilleures qu'il ait
composées. La dernière, qui fut son chant du cygne , écrite dans les
alternatives d'une santé qui ne se ravivait que pour s'éteindre, of-
frait peu de ressources; et comme je le disais à votre frère, en le
félicitant d'avoir si bien tiré parti d'un tel sujet : « J'aimais et j'es-
timais beaucoup l'artiste, me répondit-il. Je trouvais qu'on ne lui
avait pas assez rendu justice, et je tenais à lui rendre l'hommage
qui lui était dû. »
Tel est le sentiment qui l'animait toujours lorsqu'il prenait la
plume : il ne s'en servait que pour louer, jamais pour blâmer ou mé-
dire. On chercherait vainement quelques lignes de lui, je ne dis pas
dirigées contre un de ses confrères, mais qui fussent de nature à lui
causer quelque chagrin. Dans ces articles que plusieurs sollicitaient
parfois de sa complaisance pour une de leurs productions nouvelles,
et dans lesquels, pour donner du poids à l'éloge, il fallait bien re-
vêtir un peu la robe et l'austérité du juge, son embarras se manifes-
tait 1.^ où commençait le devoir d'aristarque. On a retrouvé dans ses
papiers une appréciation inédite de Raymond , opéra d'Ambroise
Thomas. Toutes les pages laudatives sont écrites franchement, libre-
ment ; dans les autres, qu'il n'a pas terminées, l'hésitation se mon-
tre : il y a près de cent ratures.
Un jeune musicien recevait une pension de sa ville natale, à la
seule condition de produire chaque année un certilicat signé d'un
membre de l'Institut, en témoignage de son travail et de ses progrès.
La première année , le jeune homme apporte une symphonie , et
Halévy lui délivre le précieux visa. L'année suivante, le compositeur
revient avec un rouleau de musique; Halévy l'examine rapidement
et dit : « C'est une symphonie ! il me semble même que je l'ai déjà
vue l'année dernière ? N'importe, cette fois je la trouve meilleure,
et je vais vous donner votre certificat. »
Non moins modeste que bienveillant et indulgent, Halévy se dé-
fendait d'être un homme de premier ordre. A propos d'une reprise de
Moïse à laquelle il venait d'assister : « Nous autres , me disait-il,
nous mettons une pièce en musique, mais là, l'inspiration vient d'ail-
leurs : c'est du génie pur ! »
Les deux volumes publiés sous le titre de Souvenirs et Portraits,
l'un par votre frère lui-même, l'aulre après sa mort, ne contiennent
pas encore tous les écrits sortis de sa plume. Il faut y joindre ses
Leçons de lecture musicale, qui lui imposèrent une tâche si pénible,
et tous les travaux que réclamaient d^ lui les diverses commissions,
dont il était l 'âme, et ce Dic/ionnaire de la tangue des beaux-arts,
qui, après un demi-siècle d'immobilité, reçut de sa main le meuve-
162
REVUR ET GAZETTE MUSICALK
ment et la vie. De même, il faudrait ajouter à la liste de ses opéras,
le Prométhée enchavié, dont il composa la musique sur le texte
d'Eschyle, traduit par vous, et dans lequel il voulait essayer l'emploi
du quart de ton, l'un des éléments de la gamme enharmonique des
Grecs. C'est vous aussi qui lui aviez fourni les paroles d'une cantate
avec chœurs, les Plages du Nil, pour la fête donnée en 1846 par le
ministre de l'instruction publique à Ibrahim-Pacha, vice-roi d'Egypte.
Vous avez souvent et beaucoup travaillé aux poëmes dont votre frère
composait la musique : vous y avez fait d'heureux changements, vous
en avez écrit plusieurs morceaux devenus populaires. Les auteurs de
ces poëmes vous remerciaient des importants services que vous leur
rendiez, mais le public n'en savait rien. A l'exception du Dilettante
d'Avignon, vous n'avez jamais donné d'opéra seul avec votre frère,
et ce ne fut ni sa faute ni la vôtre. Vous ne demandiez pas mieux
l'un et l'autre que de vous associer, mais les bizarres conditions qui
président aux arrangements de théâtre s'y opposaient toujours. Dans
toute sa carrière, votre frère n'a guère connu que trois collaborateurs,
M. de Saint-Georges et Scribe pour le public, et vous pour l'intimité.
C'est avec M. de Saint-Georges qu'il avait fait son début, en donnant
l'Artisan; c'est avec lui qu'il avait composé la Magicienne, son der-
nier ouvrage représenté, avec lui qu'il travaillait à ce Noé, dont le
grand compositeur n'a pu achever la partition.
La musique de Noé, la notice sur Simart, et le commencement
d'un traité de la musique destiné à l'Encyclopédie nouvelle de
MM. Emile et Isaac Pereire, sorte de préface élégante et gracieuse,
conservée par vos soins, telles ont été les occupations suprêmes de
cet artiste, de cet écrivain, qui ne voulait pas admettre le repos
comme une des nécessités de la vie. Il fallut bien s'y résigner pour-
tant, lorsque les forces défaillirent : il fallut partir à la hâte et se ré-
fugier sous un ciel plus doux, pour jouir, au mois de janvier, des
rayons du soleil. Il partit donc, et nous laissa plein d'un espoir, que
ses lettres si bonnes et si spirituelles vinrent bientôt augmenter. Je
m'étais rencontré avec lui, à notre dîner du second lundi, peu de
jours avant son voyage, dont il n'était même pas question encore.
Une seule chose m'avait causé non pas de l'inquiétude, mais une
certaine surprise. J'avais remarqué que par intervalles il restait si-
lencieux entre ses deux voisins , deux amis , et comme étranger à
la conversation générale ; mais en nous séparant, nous parlâmes du
Conservatoire, et il me proinit de venir aux examens de chant qui
devaient avoir lieu la semaine suivante.
J'ai annoncé que je publierais ses deux lettres datées de Nice; les
voici :
» Nice, samedi 4 janvier 1862.
» Mon cher ami,
t Je suis parti de Paris si précipitamment qu'il m'a été impossible de
vous aller voir. J'ai fait comme les marins qui fuient devant le mauvais
temps, et je me suis hâté de mettre toutes voiles dehors. Nous avons
trouvé en effet ici le printemps avec tous ses accessoires, et je m'en
trouve bien.
» Donnez-moi des nouvelles de Paris, mon cher Monnais. Que fait-on
dans ce gouffre? Comment se comporte cet immense atelier? Les théâ-
tres chantent-ils bien? Quelque nouvelle étoile s'est-elle levée? Satis-
faites ma curiosité, quand même vous devriez inventer un peu.
j> Moi , je n'ai rien à vous dire. Le soleil est beau ; mais qu'importe
aux habitants de la rue Saint-Georges 1
Continuée lundi 6, mise à la poste le 1.
» Ils n'en ont pas besoin, la neige leur suffit.
i> Je suis un peu fatigué d'une grande promenade que nous venons de
faire. Je ne vous écrirai pas longuement. iNous venons de faire une vi-
site à Alphonse Karr. Je recevrais beaucoup de monde ici, si je voulais,
mais je cherche avant tout le repos. Donnez-moi force nouvelles. Quand
jouera-t-on l'ouvrage de Gounod?
» Au premier diner du lundi, c'est-à-dire lundi prochain, parlez à nos
amis de mes bons souvenirs. Si je pouvais leur envoyer un oranger sur
pied ou un petit palmier, je le ferais volontiers. Qu'on boive à ma santé,
si on en a le temps, et dites à Trousseau et à Demarquay, qui m'ont
envoyé à INice, que je me trouve bien jusqu'ici d'avoir suivi leur con-
seil. Remerciez Auber, qu! m'a gracieusement octroyé mon congé, et
recevez mille vieilles et bonnes amitiés.
» F. Halévy.
" Villa Masclet, rue de France. »
ce Nice, rue de France, vendredi 31 janvier.
» Mon cher ami,
» Ne croyez pas que je vous écrive pour avoir des nouvelles. Je sais
ce qui se passe à l'Opéra-Comique. Je connais la restauration Perrin :
lui-même me l'a apprise.
«Non; je vous écris parce que je suis un grand coupable; vous
m'avez écrit une lettre charmante que j'ai lue avec le plus vif plaisir
Vous m'avez transpais des souhaits, des vœux, qui, dictés ainsi du fond
du cœur, ne peuvent manquer de s'accomplir; autrement à quoi servi-
raient les vœux?
i Si je ne vous ai pas répondu plus tôt, c'est toujours à cause de ma
maudite paresse. Mais, en étant paresseux, je me repose; en me repo-
sant j'obéis au docteur; nesuis-je pas dans mon droit et très -excusable,
si ce n'est envers moi-même, qui m'avise souvent d'avoir des remords?
Quelle faiblesse!
» Écrivez-moi, mon cher Monnais, car si je ne commets pas l'indis-
crétion de vous demander des nouvelles, je ne vous empêche pas de
m'en donner ; ne vous gênez pas. Vous devez savoir une foule de propos,
de cancans, d'historiettes. Soyez donc mon Tallemant des Réaux. Il doit
y avoir en ce moment bien des criailleries, quelques tempêtes peut-être;
si vous pouvez me les envoyer, elles ne troubleront pas, j'espère, la
sérénité de notre ciel, qui a repris son éclat, car nous avons eu ici
huit jours d'hiver, bise, froidure et même échantillon de neige. Il y a
ici un grand saint, nommé saint Alexandre, qui fait pleuvoir à volonté.
On a fait des processions; mais le saint s'est trompé et a envoyé de la
neige, tandis que les Niçois demandaient de l'eau. C'est sa seconde gau-
cherie. 11 y a une quinzaine d'années, il a envoyé un tel déluge qu'il a
fallu le laisser tout seul au milieu de la rue. Pardonnez-moi cette petite
chronique locale : je n'ai pas de cette ville bénie, calme et confite dans
les orangers, d'autre nouvelle à vous donner.
» Mille bonnes et tendres amitiés, mon cher Monnais, et mille hom-
mages à madame Monnais; rappelez-moi aux amis qui pensent à moi;
c'est inutile pour les autres.
» F. Halévy. »
Qui donc aurait prévu que ces lettres seraient les dernières ?
C'en était fait pourtant : la vie allait abandonner celui qui la pos-
sédait si pleine et si riante. Halévy ne devait plus rentrer dans Paris
que pour y être pleuré de tous ceux' qui l'avaient aimé, admiré, que
pour y devenir l'objet d'une de ces grandes manifestations qui
prennent le caractère d'un deuil national. Toutes les voix s'unissaient
alors en un concert de regrets et de louanges; la malignité, l'envie, se
cachaient dans l'ombre. L'heure de la justice était enfin venue :
extinctvs amabiivr idem. Après sa mort on lui prodiguait l'encens,
comme de son vivant on ne lui avait épargné ni le dédain ni l'injure.
Je connais des gens convaincus que votre frère n'a pas seulement
succombé à l'excès d'un labeur opiniâtre, mais que la critique l'a
tué. La critique ! En effet, elle l'a souvent traité avec une rigueur
bien cruelle. Quand on songe que, non contente de signaler ses fautes
et ses faiblesses, elle l'a poursuivi dans ses plus belles inspirations !
Par exemple, cet air sublime de la Juive, dans lequel Halévy respire
tout entier, ne l'a-ton pas accusé de l'avoir volé à Grétry ? Pour les
myopes, il est vrai, toutes les physionomies se ressemblent, et il y
a beaucoup de myopes en musique. Ceux-là n'aperçoivent que la
disposition identique de quelques notes, et ne tiennent compte ni de
la diversité profonde du sentiment, ni de celle de la forme et du dé-
veloppement de l'idée. Pour eux le point de départ est tout, le reste
rien ; et le reste, c'est précisément l'œuvre individuelle, originale de
l'artiste !
Pour Halévy, la critique n'était pas toujours une douleur, quel-
quefois c'était un aiguillon. Je lui ai entendu dire : « Quand un
1) ouvrage n'a pas réussi autant qu'on l'espérait, il faut en fjire un
» autre, et ne pas s'obstiner à gémir. » Mais alors il était encore
jeune, il se sentait de la force et du temps. Plus tard l'aiguillon le
blessa autant qu'un poignard. Si la critique savait combien elle a de
manières d'être désagréable, dangereuse, et combien peu d'être
DE PAiiiS.
163
utile ! Il faut l'avoir mesurée à la taille d'un esprit supérieur ; il faut
pour ainsi dire, en avoir suivi la clinique, en tâtant le pouls, en
écoutant battre le cœur d'un grand artiste, pour réduire ses procédés
à leur juste valeur. Que servent, par exemple, ces éternels parallèles
entre des talents contemporains ? Pourquoi ce cliquetis de contrastes
et d'antithèses ? Pour arriver à cette démonstration que l'un n'a pas
les qualités de l'autre, et que celui-ci est peut être préférable à celui-
là. Du moins, avant d'écrire la comparaison de ses héros, le vieil et
bon Plutarque attendait qu'ils ne fussent plus de ce monde, et ne les
humiliait pas à bout portant. Et d'ailleurs quelle manie que d'aller
sans cesse distribuant les places, comme on le fait au collège ! Quelle
prétention que de déterminer au juste le point oh Dnit le talent, oià
commence le génie ! Il va sans dire que le plus sûr moyen d'insulter
un homme de génie, c'est de ne lui accorder que du talent.
La critique est dans son tort lorsqu'elle ne songe qu'à flatter les
passions d'un public toujours jaloux, même de ceux qui le charment
et l'amusent, parce qu'ils s'élèvent au-dessus de lui. Elle est dans son
tort, quand elle exige du même artiste des qualités inconciliables, et
qu'elle demande, comme elle l'a fait cent fois pour une, à pro-
pos d'Halévy : — Pourquoi n'êtes-vous pas Hérold ? L'auteur de la
Juive n'aurait eu qu'à lui répondre : — Parce que je suis Halévy.
La critique n'est vraiment bonne que lorsqu'elle anime, soutient,
encourage; lorsque, sous prétexte de l'amour du beau, elle ne se
permet pas des choses assez laides, et que, sous prétexte d'enthou-
siasme pour les morts, elle n'immole pas sans pitié les vivants. Com-
ment se croirait-elle le pouvoir de commander aux artistes puisque
les artistes ne l'ont pas eux-mêmes ? Si, comme Dieu l'a voulu, le
style est l'homme, comment forcer l'homme à changer de style? Le
sublime de la critique serait-il de contraindre l'artiste à faire autre-
ment qu'il ne sent et plus qu'il ne peut? La critique bourdonne de
ci, bourdonne de là; mais elle ne refait pas la nature, pas plus qu'on ne
dirige les ballons malgré les vents du ciel. La critique est donc à peu
de chose près cette mouche de la fable, qui pique l'un, pique l'autre,
et s'imagine que sans elle rien ne marcherait? Qu'importe,
si elle a de l'esprit, du goût, de la politesse, si les ignorants
la trouvent savante et qu'elle leur procure d'agréables mo-
ments? L'essentiel est qu'elle ne devienne jamais cette mouche
empoisonnée dont le pauvre Henri Murger a tracé l'épopée funèbre,
et qui ne s'arrête sur sa victime que pour déposer la mort avec son
venin.
Pardonnez-moi, mon cher Léon, ces réflexions si amères et si
tristes; mais j'ai vu de près tant de douleurs, j'ai surpris tant de tor-
tures, et d'angoisses que je ferais tout au monde pour en éloigner
le fatal retour. Halévy m'approuverait s'il était encore avec nous,
il m'exhorterait à défendre une cause qu'il plaidait lui-même avec
éloquence, en publiant ce qu'il avait senti et pensé, lui, le grand
artiste, le digne frère, l'excellent ami !
Edouard MONNAIS.
THEATRE IMPÉRIAL DE L'OPERA.
Beprîse du Cotnte Ory.
M. Emile Perrin fait en ce moment la seule chose raisonnable et
possible. 11 met en ordre ce qu'il possède ; il rajeunit, répare de son
mieux la collection des anciens chefs-d'œuvre, en attendant qu'il en
arrive de neufs. Le Comte Ory devait passer un des premiers, à cause
de sa valeur, de sa date, et aussi de l'utilité dont il sera pour le
service du répertoire. Si jamais chef-d'œuvre a été composé en dé-
pit de toutes les rt'gles, c'est assurément celui-là : libretto taillé dans
l'étoffe d'un vaudeville français, musique composée d'abord sur un
canevas italien, et voilà comment, le génie aidant, un travail de cir-
constance s'est transformé en une œuvre immortelle.
Demander aujourd'hui que tous les rôles en soient chantés avec
le même talent que dans l'origine, ce ne serait guère plus sage que
si du Comte Orij de 1828, on voulait refaire le Viaggio à Reims de
1825. Au lieu et place d'Adolphe Nourrit et de Mme Damoreau, qui
ne sont plus, de Levasseur qui ne chante qu'à la ville , acceptons
donc Warot, Mme Vandenheuvel-Duprez, Obin , qui ont bien aussi
leur mérite. Warot, il faut lui rendre cette justice, continue de mar-
cher de progrès en progrès. Il lui reste encore quelque gravier
dans un coin du larynx : sa voix n'a pas toute la souplesse et
la légèreté désirables, mais il chante avec goût, avec charme ; il
a fort bien dit sa partie du trio : à la faveur de cette nuit obscure ;
il a des notes de tête d'une exquise pureté.
Mme Vandenheuvel-Duprez était encore un peu souffrante : on
s'en doutait d'abord à sa coiffure, qui avait l'air d'un bonnet de nuit.
Elle n'en a pas moins fait preuve de ce talent courageux, conscien-
cieux, qui grandit devant l'obstacle, et dont l'Elvire de la Muette a
marqué l'apogée. Obin, qui joue fort bien, s'est permis un luxe
presque italien de vocalises.
Mlle de Taisy est un petit page d'encolure tant soit peu flamande,
mais ce n'est pas la voix qui lui manque. Bonnesseur parle en chan-
tant et zézaie en parlant : c'est un double tort, l'un d'habitude et
l'autre de nature. Mlle Godfrend nous paraît une Ragonde sans peur,
mais non sans reproche ; sa taille est bien mince, son talent encore
plus.
Somme toute, le Comte Orij nous a été rendu aussi bien que le
permettait l'état actuel de la troupe. Les chœurs remplissent leur
mission avec zèle, et leur mission a de l'importance dans celle mé-
lodieuse partition, que nous serons toujours heureux d'entendre,
parce que la mélodie est toujours certaine de gagner une riche pro-
vision d'indulgences.
P. S.
CONCOURS D'ORFHEOISS,
de UasiQues d'barmonie et de Fanfares, à PiiteansL.
(17 mai.)
L'Orphéon ne résiste pas au printemps. Les premières feuilles et les
brises de mai, chères aux poètes, ont pour lui un attrait invincible.
Dès que le ciel sourit, il quitte l'atelier, il déploie sa bannière; il part,
radieux d'espoir, à la conquête des médailles, sa toison d'or à lui ; il
assiège les wagons, il affronte leurs banquettes inhospitalières, l'entas-
sement, la chaleur, la nuit sans sommeil ; il court, il s'empresse, il ar-
rive; il se présente enfin devant le jury, et, calme, recueilli, dans l'at-
titude flère et modeste à la fois des gens confiants en leur bon droit,
il chante, sous la direction vigilante et surtout active de son chef, les
chœurs patiemment travaillés durant les longues répétitions d'hiver.
L'Orphéon, cette année, n'a pas voulu être en retard de courtoisie avec
les précoces coquetteries de la nature, 'i^oilà pourquoi, dimanche der-
nier, tandis que dans Agen et la Uéole s'ouvrait la campagne chorale
de la région. Poteaux, un des villages manufacturiers les plus impor-
tants des environs de Paris, inaugurait, de son côté, les fêtes musi-
cales de la saison, et voyait près de quinze cents chanteurs et instru-
mentistes de la Seine, de Seine-et-Oise et des départements limitrophes,
prendre part aux concours présidés par le sous-préfet de l'arrondisse-
ment.
Quoiqu'un certain nombre de sociétés inscrites ne se soient pas pré-
sentées, celle de Lille entre autres, le concours choral aurait d& attirer
un plus grand nombre de concurrents, particulièrement dans les pre-
mières divisions. Ainsi Paris n'était représenté que par treize de ses
cercles orphéoniques, la plupart de fondation récente et de force se-
condaire, ses anciennes et vaillantes sociétés, celles d'un grand renom
et d'un mérite artistique réel, ayant cru devoir s'abstenir.
MM. Ambroise Thomas, Georges Kastner, Gevaert, F. Bazin, Ch. Bat-
taille, Camille de Vos, Ermol, Colin et Grosset, avaient bien voulu ac-
cepter les fonctions de membres dos jurys d'orphéons ; MM. Ambroise
Thomas et Georges Kastner ont présidé les concours de chant. Les jurys
164
KEV13E ET GAZETTE MUSICALE
des musiques d'harmonie et fanfares^étaient composés de'WM. Meifred,
Klosé, Sellenick, Riedel, Dufrène et Jancourt.
Les différents concours ont été assez intéressants. Les sociétés tra-
vaillent; leurs progrès sont sensibles ; l'émission de la voix est plus ré-
gulière; l'articulation et l'accentuation deviennent meilleures; le goût
s'épure. Les sociétés de la division supérieure ont convenablement in-
terprété un chœur, d'intonations, de rhythme et d'exécution difficiles,
qui ne leur avait été délivré que quinze jours avant le concours; mesure
appliquée pour la première fois, lors du concours de Paris, en 1861.
Les mômes sociétés se sont ensuite présentées avec une fort belle hymne à
sainte Cécile, de M. Camille de Vos,— envoyée cinq jours à l'avance, seule-
ment,—dansla division d'excellence, que la commission d'organisation avait
maintenue, jusqu'au dernier moment, sur le programme, malgré l'absence
de sociétés vivement espérées, desquelles dépendaient l'importance et
la signification véritables de cette épreuve. Aussi, le jury a-t-il sagement
fait des réserves à cet égard, en mentionnant dans le procès-verbal lu
à la distribution des récompenses, que le prix afférent à la division
d'excellence ne s'appliquait pas et n'avait pas été décerné à une division
telle, mais bien à la lecture musicale d'un chœur appris en quelques
jours. En effet, les concurrents entrant ainsi en lice avaient dû, en
quinze jours, non-seulement déchiffrer, mais perfectionner deux chœurs
inédits et compliqués. N'est-ce pas là une nouvelle réponse aux atta-
ques incessamment dirigées dans certaines coteries, contre l'éducation
musicale des orphéonistes?
La distribution des récompenses s'est faite sans chœurs d'ensemble et
sans discours, heureuse innovation dont les sociétés, impatientes de
connaître leur sort, ont su le meilleur gré aux organisateurs de la fête.
Les jurys avaient à décerner trente-deux médailles dont quatre accor-
dées par l'Empereur. Les moyens ne leur manquaient pas, on le voit,
de faire des heureux I
Les Enfants de Saint-Denis, société dont j'ai eu souvent l'occasion de
parler ici-même, et dont les progrès font honneur au mérite de son
directeur, M. Jules Monestier, ont remporté le premier prix de la di-
vision supérieure. Le prix de lecture musicale a été décerné aux Fils des
Trouvères, habilement dirigés par M. IMuratet, chef d'orchestre des
Bouffes-Parisiens. Les premiers prix des autres divisions sont échus
aux orphéons de Saint-Germain, de Montmorency et à l'Union belge de
Paris.
La fête s'est terminée joyeuse et bruyante, comme se terminent
toutes les fêtes chorales. Vainqueur, l'Orphéon aime à tremper son cho-
ral dans un verre. La muse populaire se souvient volontiers qu'elle est
gauloise de mœurs et d'origine; mais qui songe à s'en plaindre?
Les premiers prix des divisions de musique et fanfares ont été dé-
cernés à l'harmonie de Dieppe, et aux fanfares de Màru, de l'Isle-Adam
et de Magny-en-Vexin.
Em. Mathieu DE lUONTEK.
Dans noire numéro au 3 mai nous faisions connaître l'excellente
mesure adoptée par S. Exe. le ministre de l'instruction publique et
des cultes, à la suite des propositions qui lui avaient été faites par
la maison Alexandre père el fils. Pour mettre le public bien à même
d'apprécier les avantages de cette combinaison au point de vue tant
des personnes qui l'adopteront que des progrès de l'enseignement
musical, nous ne croyons pouvoir mieux faire que de reproduire
l'exposé si exact et si lucide qu'en a donné récemment M. Fiorentino
dans le journal la France.
« L'enseignement musical a fait, depuis quelques années, de bien
grands progrès. De Paris, son foyer central, il rayonne et s'étend
par toute la province. Le Conservatoire a des succursales qui re-
crutent les belles voix et forment les bons élèves ; les orphéons se
multiplient ; la musique a sa place h l'école du plus petit village et
dans la plus humble des églises. Setilement, pour chanter dans les
écoles, pour prier dans les églises, il faut un instrument, et il y a
en France des commîmes si pauvres qu'elles n'osaient même espérer
qu'un jour, dans un avenir lointain, elles pourraient se procurer
cet instrument qui est l'objet de leurs plus vifs désirs.
» Ce que l'on croyait un rêve, une chose impossible, peut se réa-
liser sur l'heure. Une maison, solidement établie et d'une réputation
européenne, est parvenue, par une fabrication simultanée, sur une
vaste échelle, à faire profiter les acheteurs d'une partie de ses béné-
fices. 11 s'agit ici de bien s'entendre, car le public, à première vue,
se méfie quand on lui fait,Ja part trop belle. C'est en multipliant les
commandes que les acheteurs eux-mêmes augmentent, dans une très-
large proportion, les bénéfices du facteur, et qu'ils lui permettent
d'en distraire une partie à leur avantage ; si bien qu'en fin de compte,
ce qu'ils apportent d'une main, ils le reçoivent de l'autre.
» En effet, tout le monde comprend que celui qui fabrique à la
fois mille orgues, au lieu de cent, qui forment son débit ordinaire,
réalise un tel gain, qu'il peut en employer une partie à constituer un
capital dont les revenus seront partagés, par la voie du sort, et
dans un temps donné, entre les acheteurs. C'est sur ces bases que
MM. Alexandre père et fils ont imaginé une combinaison des plus
simples, et qui, au premier abord, paraît merveilleuse. Tous ceux
qui font l'acquisition d'un orgue de 1,000 francs, par exemple, ont
un instrument de ce prix, et en même temps une obligation-warrant
de la même valeur, qui, dans un espace de deux à quarante-cinq
ans, doit nécessairement sortir à l'un des tirages annuels, et être
remboursée. Ainsi, dans un temps plus rapproché, si l'on est favo-
risé du sort, plus éloigné, si l'on est moins heureux, on est sûr de
rentrer dans son argent et d'avoir un orgue pour rien.
» A Paris, comme dans les grandes villes, l'homme aisé qui achète
un orgue ou un piano, paye le prix de l'instrument et se soucie peu
du reste. Il n'en est pas de même dans les petites villes et dans les
campagnes ; tel honnête agriculteur, tel modes te rentier, qui aime
beaucoup la musique ou à qui le serpent de sa paroisse porte sur les
nerfs, se ferait volontiers cadeau d'un orgue ou l'offrirait à sa com-
mune; mais ces braves gens n'osent point priver leur succession
d'une somme relativement considérable. Dès qu'ils auront la certi-
tude que dans trois ans, dans quatre ans peut-être, dans quarante-
cinq ans au plus tard, la somme dont ils ont disposé reviendra in-
tégralement à leurs héritiers, ils n'hésiteront plus, et la satisfaction
qu'ils se seront donnée ne leur coûtera aucun remords.
» Celte combinaison financière est si sérieuse, si évidemment utile
et repose sur des données si certaines, que Son Exe. le ministre
de l'instruction publique, après l'avoir soumise à l'examen -d'ime
commission d'hommes compétents, a bien voulu la recommander à
tous les préfets.
« La loi du 4S mars 48S0 , dit la circulaire ministérielle , a placé le
chant au nombre des connaissances qui peuvent être enseignées dans les
écoles primaires, et le gouvernement n'a cessé de protéger et de favoriser
le développement de cet enseignement. Je n'ai point à reproduire les consi-
dérations d'intérêt public qui l'ont déterminé jusqu'à ce jour; elles ont été
appréciées par presque tous les conseils généraux et par toutes les personnes
compétentes ; je n'ai qu'à constater te fait.
» Parmi les divers moyens de propagation qui m'ont été proposés, j'ai
particulièrement distingué l'offre qui m'a été faite par MM. Alexandre père et
fils, fabricants d'orgues à Paris, qui se chargeraient de fournir, au prix
de 2S0 francs, à toutes les communes de France, des instruments pouvant
tout à la fois servir à l'enseignement du chant dans l'écule primaire et
contribuer à la pompe du culte dans l'église.
» A cet effet, MM. Alexandre ont imaginé une combinaison financière à
l'aide de laquelle chaque commune deviendrait propriétaire de son orgue
moyennant 1S francs par an, c'est-à-dire pour une somme inférieure au
prix de location mensuelle de cet instrument, laquelle somme de 1S francs
serait payée pendant un nombre d'années qui varierait de deux au moins à
quarante-cinq ans au plus, selon la sortie de l'obligation dont la commune
serait en possession.
» Les orgues fabriquées par MM. Alexandre étant d'ailleurs excellentes et
leur bonne qualité ayant été constatée dans toutes les expositions publiques,
je ne pourrais voir qu'avec plaisir le succès d'une entreprise qui aurait
évidemment, pour l'enseignement du chant, des résultats avantageux. Je ne
puis donc que vous inviter à donner votre assentiment aux arrangements
que les communes se proposeraient de faire dans ce but avec la maison
Alexandre.
165
» Je suis peu courtisan de ma nature ; mais il faut louor sans ré-
serve ce qui est vraiment digne d'éloges, et l'on ne peut remercier
assez M. Rouland de la protection qu'il accorde à l'enseignement et
à la propagation d'un art trop longtemps négligé. Grâce à lui, tant
de pauvres enfants ne régleront pas leur voix sur une voix plus
fausse que la leur, et les fidèles ne seront point distraits, dans l'é-
glise, par des chants si peu mélodieux et des accords si déchirants,
qu'ils feraient perdre patience aux âmes les plus pieuses et les plus
timorées. La musique est un puissant moyen de civilisation , dont
les sociétés modernes apprécient de plus en plus les bienfaits;
elle doit entrer pour une large part dans '.oute éducation bien diri-
gée. Les âmes d'élite et les esprits les moins éclairés en ressen-
tent également les effets salutaires ; le peuple y trouve un allége-
ment à ses maux, un repos à ses fatigues, une consolation, la plus
douce qui soit au monde, à ses souffrances. Malheur à ceux qui n'ai-
ment poinf la musique! Il leur manque plus qu'un sens : ce sont les
déshérités de la famille humaine. »
Pour compléter davantage encore cet exposé, nous empruntons au
prospectus de MM. Alexandre père et fils quelques détails techniques
sur la partie financière de leur opération , et principalement sur la
création de V oblirjation-warrant qui en forme la base :
« Vobligation-irarrant est nominative ou au porteur ; elle est de 250,
de 500, de 600, de 1,000, de 1,100 francs; elle correspond aux modè-
les d'orgues de nos tarifs établis depuis quinze ans.
Une obligation-warrant est délivrée à toute personne qui désire faire
l'acquisîtiOD d'un orgue, comptant.
AVANTAGES DE L'OBI.IGATION-WAHRANT.
L'obligation-ioarrant donne droit :
1° A la délivrance d'un orgue de notre manufacture;
2° A l'intérêt à 6 0/0 jusqu'au jour où l'on prend livraison de l'ins-
trument ;
3° Au remboursement en espèces du montant intégral de l'obligation.
Par conséquent, le pcrteur d'une obligation-warrant peut, à volonté,
se faire délivrer un orgue du modèle correspondant à son obligation,
c'est-à-dire de mo francs, si elle est de 250 francs; de 1 ,000 francs, si
elle est de 1,000 francs.
Il a trois années pour en prendre livraison.
Tant qu'il n'a pas retiré son instrument, il touche l'intérêt de son
obligation à 6 0/0 par an.
Enfin, une fois qu'il est en possession de son orgue, il ne touche
plus aucun intérêt, son obligation-warrant participe à des tirages an-
nuels qui lui assurent, par le paiement en espèce; de l'obligation sortie,
le remboursement intégral de la somme qu'il a déboursée.
Le porteur d'une obligaiion-warrant de 250 ou de 1,000 francs, par
exemple, reçoit d'abord un orgue de 250 ou de 1,000 francs; puis, lors-
que le numéro de son obligation-warrant sort dans un tirage annuel, il
reçoit encore une somme de 250 ou de 1,000 francs en espèces, de
sorte que son instrument ne lui coûte plus rien.
Cet amortissement se fait dans un délai de quarante-cinq ans de la
date du premier tirage, conformément au tableau d'amortissement
dressé à cet effet.
COMBINAISON SPÉCIALE AUX COMMUNES, ÉCOLES, FABRIQUES, ETC.
Les écoles et les communes peuvent, comme de simples partiruliers,
prendre des obligations-warrant et se procurer ainsi de.s orgues, qui, à
un moment donné, ne leur auront absoliiment rien coûté.
Mais il peut arriver que la nécessité d'un déboursé, même momen-
tané, soit un obstacle pour elles, ou bien qu'elles désirent avoir un or-
gue d'un modèle plus important que ne le permettraient leurs ressour-
ces disponibles.
Dans ce cas, nous leur accordons des facilités qui lèvent cet ob-
stacle.
Leur obligation-warrant est négociée par nos soins, et au lieu du ca-
pital, nous leur demandons simplement une annuité représentant, in-
térêt et amortissement compris, 6 C/i) de la somme qu'elles auraient
dû débourser, et cela jusqu'au jour seulement où leur obligation-war
ranl sera désignée par le sort pour être amortie.
La commune, par exemple, qui aura reçu un orgue de 250 ou de
],000 francs, paiera 7 fr. 50 c. ou 30 francs tous les six mois, et parti-
cipera aux tirages, comme celle qui aura payé intégralement son obli-
gation-warrant. De sorte que si le numéro de son obligation sort dans
les premières années, elle n'aura fait qu'un déboursé insignifiant; dé-
boursé qui sera toujours de beaucoup inférieur au prix de location le
plus minime, ainsi, une obligation-warrant de 250 francs sortant après
trois aus donnerait l'orgue pour 45 francs.
GARANTIES.
L'émission des obligations-warrant se fait par l'entremise d'une maison
de banque.
La reconstitution du capital, les tirages annuels et les rembourse-
ments seront effectués par les soins et sous la garantie de l'un de nos
grands établissements de crédit.
RÉSUMÉ DE LA COMBINAISON FINANCIÈRE. — SES RÉSULTATS.
En résumé, l'acquéreur d'un de nos instruments, que ce soit un par-
ticulier ou une commune (école ou paroisse), rentre, dans un délai dé-
terminé, dans la somme qu'il a payée et a son orgue pour rien.
Si la commune ou la paroisse n'a pas voulu débourser le prix de son
acquisition, mais en payer seulement le minime amortissement, le ti-
rage de son obligation fait cesser son paiement semestriel, et dans les
deux cas la sortie du numéro de Vobligation-warranl laisse, entre les
mains du particulier ou de la commune, Vorgue pour rien.
Dès lors, l'acquisition d'un orgue n'est plus qu'une avance momenta-
née et se transforme en un placement certain : les intérêts sont la jouis-
sauce et la possession de l'orgue, dont on peut d'ailleurs disposer, réali-
sant ainsi deux capitaux pour un.
Quant aux communes, aux écoles, aux fabriques qui, seules, peuvent
user de la faculté du paiement par annuités, elles peuvent, si le sort
les favorise, après deux ou trois années, c'est-à-dire moyennant un dé-
boursé insignifiant, rester propriétaires de l'orgue qu'elles auront choisi.
Quelles sont celles qui voudront se condamner à la privation de pa-
reils avantages?
Avons-nous besoin d'insister maintenant sur les conséquences de no-
tre double combinaison, au point de vue de la propagation de l'ensei-
gnement musical? »
Le défaut d'espace nous oblige à remettre à la semaine prochaine
la Revue des théâtres de M. D. A. D. Saint-Yves.
CORRESPONDANCE.
Londres, 21 mai 1863.
Les représentations qui doivent être données au bénéfice de M. Lumley,
et le refus de lord Dudley de lui accorder la salle de lier Majesty's théâ-
tre, continuent à préoccuper les esprits et ont notablement augmenté l'in-
térêt qu'on porte à l'ancien directeur. Tous les artistes qu'il a produits en
Angleterre luttent d'empressement dans l'offre de leur concours à ces
représentations. Mmes Titj"ns, Alboni, Ferraris, MM. Giuglini, Vialetti,
Gassier, etc., lui ont adressé des lettres gracieuses à ce sujet. Le pro-
gramme doit être arrêté cette semaine. Pour le moment il parait cer-
tain que la première représentation se composera de la Traviata, jouée
par Mme la marquise de Gaetani (Piccolomini) et Giuglini, et que Don
Gioianni défraiera la deuxième, dans laquelle chanteront Mme Titjens
(donna Anna), Piccolomini (Zerlina), MM. Gassier (don Giovanni), Beletti
(Leporello), Délie Sedie (Mazetto), Giuglini (don Ottavio), et l'orchestre et
les chœurs seront ceux de Ber Majesty's Ihealre, sous la conduite d'Ar-
diti. — Mlle Artot, arrivée à Londres, après de grands succès à Berlin,
vient de faire au théâtre de Sa Majesté, dans la Figlia del Reggimenta, un
des plus brillants débuts dont on ait souvenance aux théâtres italiens de
Londres. Applaudie avec enthousiasme, acclamée après chaque acte,
Mlle Artot a dû bisser plusieurs morceaux, et si les rappels, si les bou-
quets peuvent être considérés comme l'expression d'une complète réus-
site, la Malibran elle-même n'a jamais obtenu de plus grand triomphe.
— Mmes Trebelli-Rettini, Titjens, MM. Giuglini et Fricci ont chanté
mardi chez S. A. le prince de Galles.— Il paraît certain que lady Cramp-
ton (la fille de Balfe) se sépare de son mari. — A la représentation de
samedi, au théâtre de .Sa Majesté, un incident qui pouvait avoir les plus
funestes conséquences, a jeté une vive émotion parmi les spectateurs.
Vers la fin de la représentation, plusieurs bouquets sont jetés à Mlle Tit-
jens, qui venait de chanter admirablement. La célèbre artiste les relève
et s'avance gracieusement pour en offrir un à son chef d'orchestre, il
signor Arditi. Dans ce mouvement, sa manche de gaze touche la flamme
d'un bec de gaz et s'allume. L'artiste alors, avec une présence d'esprit
qui l'a sauvée, saisit à deux mains l'étoffe légère et étoufl'e aussitôt le
feu. Le public, qui avait compris à quel danger Mlle Titjens venait d'é-
chapper par son sang-froid, éclata en applaudissements les plus sympa-
thiques. — Nous gardons encore un mois Mme Ferraris : elle doit créer
le principal rôle dans un grand ballet de MM. Giorza et Rota. — Jamais
166
tiKVUE KT GAZETTE MUSICALE
saison n'a vu réunir une foule d'artistes pareille à celle qui se trouve
ici en ce moment. — Thalberg est arrivé et doit donner le 23 sa pre-
mière séance musicale.
y.
SODVELLES.
j,** Le théâtre impérial de l'Opéra a donné cinq représentations cette
semaine, et cinq représentations qui avaient rempli la salle. Dimanche,
c'était Guillaume Tell, avec Villaret ; lundi, Giselle, avec Mme Moiira-
wieff, dont la danse est de plus en plus goûtée par le public ; mardi,
pour une représentation due aux abonnés, la reprise du Comte Ory, dont
nous parlons plus haut; mercredi, le chef-d'œuvre d'Auber, dont le suc-
cès ne se ralentit pas, et vendredi, enfin, la réunion de Giselle et du
Comie Ory.
»*, Mlle Emma Livry paraît décidément en voie d'une prochaine gué-
rison. La jeune artiste vient de recevoir une preuve de gracieuse
sollicitude de la part de l'Empereur et de l'Impératrice , qui
avaient toujours pris un vif intérêt à sa situation. Leurs Majestés ont
daigné mettre à sa disposition une résidence dans le domaine impérial à
Compiègne. L'intéressante malade a reçu, ces jours-ci, la visite du
prince Poniatowski, et elle a causé longtemps avec lui de son art et
de ses espérances.
^*^ Le théâtre de l'Opéra-Comique n'a qu'à se féliciter de la reprise
àHaijdée; le charmant opéra d'Auber attire beaucoup de monde. Bientôt
Lalla-Roukh va faire place à Zampa, qui doit être joué à la fin du mois,
et dans lequel Montaubry sera, dit-on, fort remarquable. 11 y sera en-
touré de Capoul, Sainte-Foy, Potel, et Mlles Cico et Belia.
^*, La rentrée de Mme Carvalho, après son triomphe à Marseille, s'est
faite samedi dans Faust à la grande satisfaction et aux applaudissements
du public du théâtre du Châtelet. A l'attrait de cette représentation
se joignait celui de la curiosité inspirée par le début de Morini. Nous
sommes heureux de constater que, malgré son émcition, le jeune chan-
teur n'a pas trompé l'attente du public. Doué d'un physique distingué,
il a rendu avec beaucoup de charme le rôle de Faust. Sa voix est surtout
agréable dans les morceaux tendres et on l'a fort applaudi dans sa ro-
mance. Ce n'est pas qu'il manque de force dans les morceaux où il faut
en déployer, mais il doit ménager son organe et soigneusement éviter
de suivre la mode qui prévaut maintenant sur les théâtres d'Italie, et
qui consiste à crier quand on veut produire de l'effet. M. Morini a d'ail-
leurs fait de grands progrès depuis l'époque où il se fit entendre au
théâtre italien, et il ne peut être qu'une excellente acquisition pour
M. Carvalho.
^*:t Nous avons dit dernièrement le succès obtenu à Berlin par Mme Pe-
tipa dans le Marché des innocents et le Diable à quatre, succès auquel
s'est associé le roi lui-même, dont la charmante danseuse a reçu per-
sonnellement les compliments. Elle est en ce momeut à Paris, et elle
assistait mardi avec son mari à la représentation du Comte Ory. Elle a
beaucoup applaudi Mlle Vernon dans le Marché des innocents, ballet dans
lequel elle .s'était fait elle-même connaître à son arrivée à Paris.
^*^ Nous avons rendu compte dans notre dernier numéro du concert
donné par le violoniste Sylvestro Nicosia et son enfant, petit prodige de
cinq ans et demi, qui partageait avec son père les applaudissements de
l'auditoire. M. Sylv. Nicosia a traité avec le directeur du théâtre des
Délassements-Comiques pour une série de représentations, dans les en-
tr'actes desquelles il joue avec son fils. Depuis que ces représentations
ont commencé, le public a repris le chemin de ce théâtre, quelque peu
abandonné, et les deux artistes y sont applaudis avec enthousiasme. Il
est vrai de dire qu'à part quelques excentricités, M. Nicosia tire de son
violon dos effets étonnants. Ce n'est pas certes l'école sévère de Vieux-
temps; ce n'est pas non plus l'exécution prodigieuse de Paganini, mais
dans les variations du Carnaval de Venise par exemple, c'est une au-
dace, une originalité dont on ne peut contester le mérite. Quant à l'en-
fant, son aplomb, la justesse du son, le sentiment musical, sont réel-
lement surprenants à cet âge. On ira certainement aux Délassements-
Comiques pour entendre ces deux virtuoses, et l'on ne regrettera ni
son temps ni son argent.
^*^ Les soirées de physique que M. Robin donne dans sa charmante
salle du boulevard du Temple, continuent d'attirer la foule chaque soir.
Un public choisi applaudit chaleureusement les expériences qui com-
posent sa troisième série; les tableaux qui reproduisent le tremblement
de terre de Lisbonne sont merveilleux de vérité, et laissent le public
dans la plus grande admiration. Malgré ce brillant succès, M. Uobin vou-
lant tenir la promesse qu'il a faite dès ses débuts de varier souvent son
spectacle, annonce pour très-prochainement une quatrième série d'ex-
périences de physique nouvelles, ainsi que des tableaux géologiques re-
présentant l'histoire de la formation de la terre.
^,** On écrit de Naples, que le manuscrit de Marie Sluart, opéra
de Donizetti, composé en 1834 et dont la représentation avait été inter-
dite par la censure, vient d'être rei;rouvé par le maestro Giorza, que la
direction du théâtre Saint-Charles a chargé de chercher une cantatrice
digne d'en interpréter le principal rôle, afin que cette œuvre posthuma
du célèbre compositeur soit dignement représentée.
^*.^, Mme Marietta Gazzaniga, l'une des cantatrices les plus célèbres
actuellement en Italie, et qui surtout y a créé le rôle de Fidès, du Pro-
phète, avec le plus grand éclat, est en ce moment à l'aris.
,** Une brillante soirée a eu lieu cette semaine chez la princesse de
Metternioh. Le célèbre pianiste-compositeur Léopold Meyer y avait été
convié, et il a joué plusieurs morceaux aux grands applaudissements de
l'aristocratique assemblée.
*** Le concert donné samedi dernier au profit de l'Association de
bienfaisance de Notre-Dame-des-Arts a été bien accueilli. Tamberlick,
qui, selon sa promesse, était revenu de Londres pour concourir â
l'exécution de la Rédemption, de M. Alary, a fait valoir toutes les mé-
lodies dont l'interprétation lui était confiée. On lui a décerné une ova-
tion des plus flatteuses. Les autres exécutants ont aussi reçu des mar-
ques non équivoques de la satisfaction du public.
,^*,i, Nous avons des nouvelles du brillant accueil fait à M. Marchesi
à Cologne, à Weimar, à Erfurth. Après avoir chanté Don C%vanni aux
grands applaudissements chaleureux du public au théâtre grand-ducal,
et avoir même été honoré des félicitations de Leurs Altesses, M. Mar-
chesi a chanté plusieurs fois à la cour. Le Barbier, le Trovalure, un
concert historique ont été ensuite l'occasion pour le célèbre baryton
de bravos et de rappels multipliés. De retour à Paris depuis quelques
jours, il repart pour Londres, où l'attendent de nouveaux et fructueux
engagements.
:,,** La société des auteurs dramatiques s'est réunie deux fois en as-
semblée générale les 3 et 10 mai derniers. D'orageuses discussions, dont
nous nous abstiendrons de rappeler le motif et les détails, avaient
obligé les membres de la commission, un seul excepté, à .se démettre
de leurs fonctions, à la suite de la première séance. Dans la seconde il
s'agissait de les remplacer tous. Voici le résultat du vote; ont été
nommés dans l'ordre suivant: MM. Paul Féval, de Saint-Georges, Séjour,
Gevaert, Dugué, Barrière, Mazères, Alph. Royer, Anicet Bourgeois, Er-
nest Reyer, Dennery, Amédée Rolland, Ch. Dupeuty, Jules Barbier.
Avec M. Ferdinand Langlé, non démissionnaire, ces quatorze membres
formeront la commission, dont la présidence a été déférée à M. de
Saint-Georges. MM. Sardou et Ponroy en ont été nommés membres
suppléants.
»*„, S. M. la reine de Prusse, qui affectionne particulièrement le sé-
jour de Bade, avait témoigné à M. Benazet le désir de voir rassemblés
les documents complets du mouvement artistique qui a illustré Bade de-
puis 1855. Ce travail est aujourd'hui terminé et va former un album
destiné à devenir entre les mains de M. Benazet le recueil de l'histoire
artistique de Bade.
»*„, La semaine dernière, Mme Charton-Demeur a été appelée à An-
goulême pour y chanter au concert de la Société philharmonique. Elle
y a obtenu son succès habituel. De longs applaudissements ont suivi
l'air de Norma, celui d'il bacio, et on lui a fait bisser le boléro des
Vêpres siciliennes.
,,*,, Ce sont MM. Brunetto, Zamperoni et C= qui ont obtenu pour la
saison prochaine le privilège d'exploiter les théâtres royaux de Milan.
t*» Le jeune Lotto, violoniste lauréat du Conservatoire il y a quelques
années, et dont le talent n'a fait que grandir depuis cette époque, vient
de parcourir l'Espagne et le Portugal et n'y a pas recueilli moins de
bravos que d'argent. De retour à Paris pour quelques jours, il repart
poiir Londres, rendez-vous actuel de tous les artistes à réputation, et où
l'attendent de nouveaux succès.
^*^ Georges HainI, l'éminent chef d'orchestre de Lyon, vient de
donner, en compagnie de sa femme, un très-beau concert à Montpellier.
11 y a "exécuté, sur le violoncelle, son caprice sur Guillaume Tell et une
fantaisie sur la Fiancée, de façon à soulever spontanément d'enthou-
siastes bravos. Mme Hainl ne le cède point en talent à son mari. La
fantaisie avec orchestre et chœurs, de Beethoven, et le concerto avec
orchestre, de Weber, qu'elle a joués, ont enlevé l'auditoire qui l'a rap-
pelée avec acclamation.
^*^ La Ronde du Brésilien, d'Offenbach, chantée par Brasseur et Gil
Ferez dans la pièce de ce nom, qui remplit tous les soirs la salle du
théâtre du Palais-Royal, vient de paraître, ornée de la photographie très-
réussie des deux artistes, chez les éditeurs G. Brandus et S. Dufour.
,*^, Sous le titre de la Musique au théâtre, M. A. L. Maillot, composi-
teur, professeur et critique de Rouen, vient de publier un volume, où
sont traitées presque toutes les questions qui nous intéressent. Nous nous
en occuperons très-prochainement et avec l'attention que méritent l'au-
teur et l'ouvrage,
^*^ M. H. Pape, le célèbre facteur de pianos et le doyen de la fac-
ture, qui a habité pendant quarante ans son ancien liôtel rue des Bons-
Enfants, 19, vient de le quitter pour s'établir place de la Bourse, 9, où
il a fait construire une belle salle destinée à l'exposition des instruments
de sa fabrique.
I>E PARib.
167
^% La Société académique de musique sacrée, dont le premier con-
cert donné à la salle Herz le 24 avril dernier a eu un si grand reten-
tissement dans le monde musical, est attendue à Rouen , le 28 de ce
mois, pour un grand festival qui sera dirigé par son président, M. Charles
Vervoitte.
^*ji, M. Tito Mattei, pianiste du roi d'Italie, est un artiste de beaucoup
de talent. Son concert donné à la salle Herz était spécialement composé
d'éléments italiens, et il a offert beaucoup d'intérêt. Le bénéficiaire y a
joué plusieurs fantaisies de sa compositioa sur les plus beaux motifs
de Eellini et de Donizetti, et une cliarmante valse, qu'on a voulu
entendre deux fois. Ces morceaux ont mis en relief les études sérieuses
et la science de M. Tito Mattei comme compositeur, en même temps
qu'ils ont fait briller son talent de virtuose, remarquable en effet par
un beau style, un doigté très-agile, une grande netteté et beaucoup de
douceur. Des compatriotes distingués de M. Mattei lui avaient offert
avec empressement leur concours, et nous citerons avec Bartolini, Vi-
dal, Antonucci, Nicosia et Marangio, Mlle Fortuna, aussi belle personne
que bonne cantatrice, qui, dans la cavatine de Sémiramide et dans sa
partie du trio d'/ Lombardi , a produit beaucoup d'effet et recueilli
beaucoup de bravos.
,*^ En rendant compte dans notre dernier numéro de la grande fête
donnée au Pré Catelan au bénéfice de l'Association des artistes musi-
ciens (et non des ouvriers cotonniers comme on l'a imprimé par erreur),
nous avons omis de mentionner le succès éclatant obtenu parle fameux
cornet à pistons Legendre, dans des variations sur le Carnaval de Venise.
Il a merveilleusement exécuté ce morceau, qui a provoqué des applau-
dissements réitérés et deux rappels.
j,*;t Le Pré Catelan, délicieux jardin que la bonne compagnie a adopté
pour salon d'été, et que Musard a définitivement rendu à la vie, offre
chaque soir au promeneur une séduction nouvelle. Aujourd'hui dimanche,
outre son théâtre des Fleurs, la plus jolie merveille du bois de Boulogne,
il y aura grande fête musicale avec bal d'enfants, fanfares et musiques
militaires. — Demain, lundi de la Pentecôte, magnifique solennité de
bienfaisance au profit de l'OEuvre des apprentis et jeunes ouvrières de
la capitale et de la banlieue, avec tirage annuel de la loterie en faveur
de laquelle Leurs Majestés Impériales ont daigné envoyer des lots d'une
grande richesse et d'une véritable valeur artistique.
CHRONIQUE DÉPARTEIMENTAS-E.
^f"^ Marseille. — Les représentations de Mme Cabel à noire grand
théâtre sont très-suivies. Elle nous a donné, pour la seconde, le chef-
d'œuvre de 'Victor Massé, Galatée, et elle a rendu le rôle avec un
brio extraordinaire. Jlme Cabel avait fait suivre cet opéra de
la scène de l'ombre, du Pardon de Ploërmel, un de ses plus beaux
triomphes. Elle a dit ce morceau, tiré du dernier chef-d'œuvre
de Meyerbeer, en artiste qui a reçu directement communication de la
pensée de l'auteur. Aussi, ne devrions-nous à Mme Cabel que le bonheur
d'avoir entendu ainsi chanté ce précieux fragment, que toute notre sym-
pathie lui serait acquise.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
„'*» Stuttçjard. — Le 1" mai a eu lieu l'inauguration du tilleul qui a été
planté en souvenir de Uhland, sur une hauteur qui porte également son
nom. Le Liederkranz a chanté trois lieder d'Uhland ; le célèbre esthé-
ticien J.-G. Fischer a prononcé des paroles éloquentes, dignes de
l'écrivain auquel s'adressait ce simple et poétique hommage. —
M. Lewald, littérateur distingué et depuis quatorze ans régisseur de
l'opéra de Stuttgard prend sa retraite à la fin du mois prochain.
^*^ Cologne. — Une composition nouvelle de Ferdinand Killer, inti-
tulée : 0[iéreUe sans paroles, pour piano à quatre mains, a été exécutée
par l'auteur et M Breuning, dans la dernière séance de la Société
musicale.
,i,*,s Amsterdam. — Dans un concert de la Liedertafel, du 6 mai, a
été exécutée une grande composition pour solo, chœurs d'hommes et
orchestre : la Délivrance de Leyde, par Richard Hol. La famille royale
assistait à la soirée, et le roi a conféré à l'auteur la décoration de l'ordre
du Chêne. — Le célèbre violoniste Henri Wieniawski s'est fait entendre
trois fois dans les concerts du Parc, et chaque fois il a été applaudi
avec enthousiasme. C'est un des artistes les plus aimés en Hollande.
„*i Mayence. — Le 1 4 mai est mort à Mayence le compositeur Beyer,
qui s'est fait avantageusement connaître par de nombreuses compo-
sition.
^*^ Hambourg. - Le Pruphèle a été représenté au théâtre de la ville devant
une nombreuse assemblée. Mme Gaesch-Llez a chanté le rôle de Fidès
avec un incontestable talent, qui, malheureusement, se ressentait encore
d'une indisposition récente. Mlle Zirndorfer est charmante dans le rôle
de Berthe. — Le Nestor des éditeurs de musique en Allemagne, M. Au-
guste Cranz, célèbre au mois prochain le 50" anniversaire de la fonda-
tion de sa maison, qu'il n'a cessé de diriger lui-même pendant ce long
espace de temps.
,1,*,^ Dusseldorf. — Le 40° festival du Bas-Rhin aura lieu aux fêtes
de la Pentecôte, le 24-26 mai, dans la salle de la Tonhalle. On y exécu-
tera Etie, oratorio de Mendelssohn, et l'Ode à sainte Cécile, par Haendel.
L'orchestre se composera de 58 violons, 26 altos, 22 violoncelles et
20 contre-basses; les chœurs compteront 730 voix. Parmi les virtuoses
qui s'y feront entendre, nous ' citerons Mme Jenny Lind-Goldschmidt;
Mlle Edelsberg, du théâtre de la cour à Munich, contralto, M. Jules
Stockhausen, M.Gunz, ténor du théâtre royal à Hanovre.
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au premier rang, d'accorder à l'unanimilé, à M. Henri HERZ, la médaille, en motivant cette distinction par la perfection
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168
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REVUE
ET
GAZETTE
PRIS DE L'ABOnnBHENT t
Paria 24 Ir. par an
Départements, Belgique et Suisse — 30 n id.
Étranger • 34 n Id.
le Journal paraît le Dimanche.
"mm w^miB,
--^^A/ U\AAAA/\AA/v~-
SOMMAIRE. —Concert de Camille Sivori, par Adolpbe Botte. — La musique
au banquet annuel offert par les Associations d'artistes à M. le baron Taylor.
— Théâtre des Champs-Elysées. — Concours d'orphéons et de musiques instru-
mentales à Agen, par A. Elwart. — Littérature musicale et autre, par
Paul Smith. — Correspondance : Londres. — Revue des théâtres, par
D. A. D. liaint-YTes. — Nouvelles et annonces.
CONCERT DE CAMILIE SIVORI-
La soirée musicale et littéraire donnée samedi au bénéfice de
M. Morena, dont le talent de violoniste brilla, dit-on, d'un assez vif
éclat sous le premier empire, a été des plus remarquables. A voir la
salle Herz, on se serait cru en plein hiver : un auditoire élégant et
nombreux s'était rendu à l'appel de Sivori, venu tout exprès pour
accomplir cet acte de généreuse confraternité.
Avec le grand violoniste on est habitué à la perfection ; mais ja-
mais, peut-être, il n'avait mieux fait apprécier les hautes et rares
qualités qui caractérisent son talent ; jamais il n'a eu de plus heureux
bonheurs d'expression, et jamais aussi, par conséquent, il n'a été
accueilli par de plus fréquentes, de plus unanimes et de plus enthou-
siastes acclamations.
Il faut lui avoir entendu jouer sa fantaisie sur il Trovalore, la
sublime prière de Moise (dont l'exécution, l'autre soir, semblait dé-
fier la critique la plus méticuleuse), ou bien encore le Carnaval de
Venise, si usé sous les doigts d'autres violonistes, mais avec lui
toujours riche, vivant et abondant en choses folles, capricieuses, poé-
tiques et inattendues ; il faut lui avoir entendu jouer ces morceaux
pour se faire une idée de la jeunesse, de la finesse émue, de la lé-
gèreté spirituelle, de la passion frémissante et du charme incompa-
rable qu'il sait trouver dans les inspirations de l'école italienne.
Sivori, qui possède une sûreté, une justesse merveilleuse, une beauté
de son d'une suavité telle, que la voix humaine ne saurait avoir
ni plus d'énergie et de variété, ni des ressources plus diverses, ni
des oppositions plus tranchées, ni des accents plus pénétrants, ni des
grâces plus flexibles ; Sivori se dépouille facilement des habitudes du
soliste; il renonce, quand il le faut, aux libertés qu'autorisent les
morceaux de concert, plus brillants en général que savamment dé-
veloppés, et se conforme parfaitement à la pureté, à la sobriété, à
la gravité qu'exige la musique de chambre. Samedi, la sonate dé-
diée à Kreutzer et le trio en ut mineur de Mendelssohn ont été
aussi bien dits par lui que les mélodies de Rossini et de Verdi. Toute
la soirée, Sivori nous a prouvé, mieux que certain philosophe, que
l'harmonie des contraires était possible et même très-belle.
La partie vocale, fort bonne cette fois, était confiée à M. Maro-
chelti et à Mlle Vaneri, vocaliste habile à laquelle il serait peut-être
excessif de reconnaître une voix très-fraîche et très-pure, mais qui
néanmoins, par son talent, a justifié les nombreux bravos qui lui ont
été donnés.
Adolphe BOTTE.
u nnsiQUE
An .banquet annuel offert par les Associations d'artistes,
à m. le baron Tarlor.
/S mai.
Faute d'espace, nous n'avons pu reproduire les premiers le discours
prononcé par M. Edouard Monnais au nom de l'Association des
artistes musiciens, mais comme ce speech est tout musical et qu'il
établit historiquement les rapports des cinq associations , ayant le
même fondateur, et ceux des deux sociétés alliées, nous n'avions
pas renoncé à le publier. Le voici donc : les discours ont un avan-
tage sur les dîners : ils refroidissent moins vite !
« Messieurs,
» Vous le voyez!... Je persiste... je m'enracine, et cela dure de-
puis quatorze ans ! Je ne veux pas qu'il soit dit qu'une seule fois
vous avez dîné sans moi, qu'une seule fois j'ai cessé de vous adres-
ser quelques mots pour bien et dûment constater que je n'ai pas
déserté mon poste.
» Aujourd'hui j'ai une raison de plus pour ne pas manquer à mes
habitudes.
1) Voici la quatrième fois que l'Association des artistes musiciens
est appelée à présider cette fête de famille, et que moi, son re-
présentant bien indigne, je suis chargé d'en composer — bien plus —
d'en exécuter l'ouverture.
n Une ouverture. Messieurs, cela rentre dans la spécialité de nos
attributions, et, à certains égards, cela n'excède pas trop ma portée.
» Que le début soit simple et n'ait rien d'affecté.
!) Je ne prétends qu'à ce mérite dans un concert si nombreux, si
brillant, où nous sommes tous heureux de faire notre partie.
I) Oui, chacune de nos sociétés forme un orchestre complet, ayant
170
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
son organisation, sa hiérarchie ; mais aujourd'hui tous ces orchestres
se mêlent, se confondent pour exécuter une magnifique symphonie
en l'honneur de leur chef unique et suprême, pour célébrer sur tous
les tons, dans tous les modes, leur joie de se retrouver à la même
table que leur illustre fondateur, de pouvoir encore lui chanter, du
cœur et de la voix, l'hymne de l'admiration, du dévouement, de la
reconnaissance !
» Loin de moi la pensée d'imiter ces commentateurs enthousiastes
qui inventent des beautés, des perfections pour mieux glorifier les
auteurs, objets de leur culte. Je n'attribuerai donc pas à M. le baron
Taylor, qui a tant d'autres droits à nos éloges, l'ordre étonnant, mer-
veilleux, bien qu'essentiellement logique, dans lequel nos sociétés sont
venues au monde et ont pris leur place au soleil ; mais vous me
permettrez, j'espère, d'appeler votre attention sur ce phénomène
providentiel.
» Salut à vous, d'abord, artistes dramatiques, qui êtes venus les
premiers, comme c'était votre droit, et votre devoir! N'est-ce pas
vous en effet qui avez transformé en art la parole, le geste, le re-
gard, le rire et les larmes? N'est-ce pas vous qui êtes notre voix,
notre verbe, notre éloquence ? Vous nous avez donné l'exemple, et,
à votre tête, je vois encore le premier des lieutenants de notre il-
lustre chef. Salut à vous, ami Samson, notre second Isidore, à vous
qui avez si bien servi la cause commune. De légitimes hommages
vous attendent, je le sais, et sans empiéter sur le domaine d'autrui, je
ne veux vous dire qu'une chose, c'est que jusqu'ici, vous avez bien
plus mérité qu'obtenu ! Mais ce n'est qu'une affaire de temps, et
je ne doute pas que le temps n'approche !
» Les artistes musiciens ont suivi les artistes dramatiques. La mu-
sique, Messieurs, n'est-ce pas le luxe de la parole? N'est-ce pas la
voix enrichie, étendue, portée à son expression la plus haute? Les
instruments, n'est-ce pas encore la voix imitée, reproduite dans ses
inflexions, dans ses accents? Nous avons donc pris notre rang, comme
nous devions le prendre, et nous l'avons maintenu avec harmonie,
ce dont il nous appartenait de donner des leçons.
» Et vous, artistes peintres, sculpteurs, architectes, graveurs, des-
sinateurs, vous ne vous êtes pas fait attendre parce que la parole et
la musique, après tout, sont choses passagères et fugitives, verba volant;
parce qu'il fallait donner un corps à l'idée, en tracer des images du-
rables; parce que la parole et la voix avaient besoin de théâtres, de
sanctuaires, de temples construits par vous, ornés par vous, remplis
par vous des portraits, des statues, des effigies de nos grands hommes,
aussi bien que des vôtres!
1) Salut à vous aussi, inventeurs et artistes industriels, qui avez
compris que sans vous nous ne pourrions marcher d'un pas sûr, et
• qui nous avez fait comprendre que fe mieux n'est pas toujours l'ennemi
du bien I C'est à vous que nous demanderons ces progrès, ces per-
fectionnements infinis, ces améliorations continues qui renouvellent
la face du monde, et qui ne nous laisseraient rien à désirer s'ils
pouvaient en même temps rajeunir un peu ceux qui l'habitent !
» Enfin une cinquième association s'est formée : elle est bien jeune
encore; mais ce qu'on peut affirmer, c'est que sans elle tout périrait!
Salut il vous, mes nouveaux confrères, membres de l'enseignement,
professeurs, qui vous passez de main en main ces salutaires flam-
beaux du savoir, qui formez entre vous cette chaîne intelligente
dont la sainte mission consiste à répandre la lumière, ce qui, dans
l'ordre moral, est le meilleur moyen d'éteindre le feu!
» Mais j'aperçois deux autres sociétés qui, pour n'être pas sorties de
la même souche que nous, ne nous en sont pas moins chères, et dont
les représentants sont nos invités, nos hôtes. Pardon, mille fois par-
don, messieurs les auteurs et compositeurs dramatiques, messiours
les gens de lettres ; vous venez ici en dernier ordre, mais ce sera
comme dans l'Evangile. J'ai nommé d'abord ceux qui parlent, ceux
qui chantent, ceux qui tracent des images, qui élèvent des théâtres,
des palais, des panthéons; ceux qui inventent ou pratiquent les
moyens de propager, de populariser, de transmettre les manifesta-
tions de la pensée. Et c'est vous. Messieurs, qui la produisez, qui
l'enfantez ! Salut à vous, et avec toutes mes excuses, recevez nos
remercîments de l'honneur que vous voulez bien nous faire.
» Voilà mon ouverture, Messieurs; je vous en ai exécuté purement
et simplement le motif. A présent c'est à vous d'y ajouter vos ac-
compagnements si riches, vos modulations si ingénieuses, vos fiori-
tures si brillantes. En un mot, c'est à vous de compléter la partition.
Vous me trouverez toujours prêt à me joindre à vous dans les tutti,
dans les morceaux d'ensemble.
» Pour achever mon solo, je n'ai plus qu'à me tourner vers l'homme
illustre par qui nous sommes ici tous, sans qui nos cinq sociétés
seraient encore à naître.
» Salut à vous cher fondateur, cher président, providence visible
de tous les artistes qui invoquent le ciel dans leurs souffrances,
leurs misères, leur vieillesse, et qui, grâce à vous, sont toujours cer-
tains d'être entendus, soulagés !
» Messieurs, l'Association des artistes musiciens vous propose par
mon organe un premier toast au fondateur de nos cinq sociétés, au
protecteur de toutes les autres, à M. le baron Taylor ! »
THËÂTRE DES CHÂfflPS-fLYSÉES-
Nedel est un jeune fermier breton, aussi niais qu'il est riche
et beau. Vainement Noël, son garçon de ferme, gaillard déluré, le
gourmande sur sa timidité; vainement les deux plus jolies filles du
village lui font les agaceries les plus significatives : Nedel résiste à
leurs avances; bien plus, il se fâche des galanteries que Noël leur
débite pour l'encouragera en faire autant, et il les met tous à la porte.
C'est que Nedel n'est point en réalité ce qu'il paraît être; c'est que
Nedel, cru jusque-là garçon, n'est qu'une jolie fille, à laquelle sa mère,
dans la prévision de sa fin prochaine, a fait prendre, en arrivant
dans le village, les habits masculins, pour la mieux préserver des
dangers qui pourraient la menacer lorsqu'elle ne l'aurait plus pour
la protéger. En même temps que Nedel fait cette confidence à
Noël, elle lui avoue que l'affection qu'il lui a toujours témoignée,
que ses bonnes qualités ont touché son cœur, et que c'est
lui qu'elle aime. Sur ce léger canevas, très agréablement tracé
par Mme Lionel, M. Marius Boullard, jeune compositeur de vingt
ans, a écrit une musique vive, alerte et bien dans la couleur
pastorale du sujet. L'ouverture reproduit une ronde bretonne
bien rhythmée avec accompagnement de tambourin, chantée
dans le cours de l'ouvrage. Le premier duo renferme une phrase
très-jolie, répétée tour à tour par les deux voix. On voudrait plus de
cachet et d'originalité dans la légende; mais le quatuor, dont une
partie se chante sans accompagnement, est d'une bonne facture et
bien réussi. La ronde dont nous parlions plus haut a de l'entrain;
c'est, à notre avis, le meilleur morceau. En somme, la mélodie règne
dans tout le cours de cette opérette; elle est facile, agréable, et a pro-
voqué à plusieurs reprises des applaudissements de bon aloi. C'est
un essai de bon augure pour l'avenir de M. Boullard. Le principal
rôle est rempli par Mme Lionel, qui a rendu avec beaucoup de naturel
et de charme le double personnage qu'elle représente ; Alexis a beau-
coup de rondeur dans celui de Noël ; Mmes Suzanne et Roger ont
convenablement contribué à l'ensemble.
Un proverbe à deux personnages, de M. Real : Ce qui est fait est
fait, très-finement joué par Mme Lionel et M. Georges, accompagne
fort agréablement l'opérette de M. Boullard, et compose un spectacle
qui ne peut manquer d'attirer les promeneurs au théâtre des Champs-
Elysées.
S. D.
DE PAHIS.
171
CONCOURS D'ORPHÉONS ET DE MUSIQUES INSTRUIENTÂIES,
à Agcn.
L'idée orphéonique se répand de plus en plus. Grâce au zèle des
présidents et des directeurs des sociétés chorales de la province , il y a
peu de villes qui n'aient maintenant non seulement plusieurs orphéons,
mais aussi des musiques d'harmonie et des fanfares. Le temps est pro-
che où ces deux éléments seront associés dans les mêmes luttes et les
mêmes triomphes. Jusqu'ici, les sociétés instrumentales concourent entre
elles. Encore quelques efforts, et le public sera appelé à juger du mé-
rite relatif des orphéonistes et des instrumentistes. Les compositeurs
qui consacrent leurs veilles à écrire pour les seules voix d'hommes,
ayant à leur disposition des masses instrumentales dignes d'accompa-
gner les chœurs, auront un champ plus vaste à parcourir, et pourront
donner essor à leur imagination féconde.
En attendant ce moment désiré , nous sommes heureux d'avoir à
constater les succès que viennent d'obtenir à Agen plusieurs sociétés
chorales et instrumentales. C'est le 16 mai que le concours d'harmo-
nie et de fanfares a eu lieu dans le chef-lieu de Lot-et-Garonne. De
jeunes enfants et des hommes faits ont pris part, dans des divisions
différentes, à ce concours intéressant. Citons parmi les premiers prix,
les Enfants d'Aiguillon et la célèbre fanfare RoUet, de Bordeaux. — Les
médailles destinées auz musiques d'harmonie mllilaire ont été vaillam-
ment disputées par la Société de Sainte Cécile de Casteljaloux , l'Har-
monie de Langon et l'Harmonie de Nérac. Le lendemain dimanche 17,
les concours d'orphéons, beaucoup plus nombreux, ont eu lieu au
théâtre, au cirque et à l'ancienne chapelle des Pénitents blancs ,
d'Agen.
Au théâtre, la médaille de S. M. l'Empereur a été décernée à la So-
ciété de Sainte-Cécile de Bordeaux. — Le premier prix de la première
division a été remporté, aux Pénitents blancs, par l'Orphéon de Mon-
tauban. — Au cirque, la première médaille a été décernée à l'Orphéon
de Sainte-Cécile de Bayonne. Un grand progrès se fait sentir, même
dans les sociétés les plus faibles, et nous aimons à insister sur l'intelligence
avec laquelle la plupart des chœurs imposés ont été chantés. De plus,
nous avons constaté l'emploi des saxophones dans quelques musiques
d'harmonie.
Le discours d'usage, prononcé avant la distribution des médailles,
par M. H. Noubel, maire d'Agen, a produit une très-grande sensation.
Cette page éloquente a parfaitement exposé le but et les avantages
moraux de l'institution orphéoniqae ; et, en terminant, nous sommes
heureux de remercier M. Noubel de la gracieuse hospitalité que l'édi-
lité agénoise et la commission des concours ont offerte aux mem-
bres du jury et aux représentants de la presse parisienne.
A. ELWART.
LITTÉRATURE MUSÎCAIE ET AUTRE.
Cltâtean à vegifSre, par Alexandre de Livergne. — Coules
du docteur Sam et les S^etites Clironiques de la
eeienee, par S. Henby Berthoud.
La musique reprend son bien partout où elle le trouve, et il faut
convenir qu'elle trouve beaucoup de choses à son usage, beaucoup
de choses qui viennent d'elle et qui doivent y retourner dans le
roman nouveau , que publiait tout récemment la Revue con-
temporaine. Château à vendre, c'est le litre du roman dont
l'auteur, M. Alexandre de Lavergne, nous a raconté déjà bien
des drames remplis d'intérêt, de passion, qui ont fait battre les
cœurs, et souvent couler les larmes. Pour cette fois, il n'a pas
choisi son Château à vendre parmi ces Ruines historiques de
France, dont les chroniques, recueillies par lui, forment un des plus
curieux et des plus amusants volumes que l'on puisse lire. Le châ-
teau de la Fare, auquel son récit se rattache, est tout simplement
un débris féodal, situé sur les marches de cet escalier naturel par
où l'on monte à la grande Chartreuse. La restauration de cet élégant
manoir a coulé si cher qu'il n'est resté rien que des dettes à l'héri-
tier de M. le vicomte de la Fare, ancien maréchal des camps et ar-
mées des rois Louis XVllI et Charles X. L'héritier se voit donc réduit
à vendre son héritage, et si nous nous bornions à dire qu'il se ren-
contre là tout à point quelqu'un pour l'acheter, que ce quelqu'un
est le fils de l'ancien jardinier du château , qu'il se nomme François
et qu'il est frère de lait de Raoul, le fils du noble vicomte, nous ris-
querions beaucoup de n'étonner personne, et plus d'un de nos lecteurs
s'écrierait :
Ce n'est qu'une aventure ordinaire et commune,
Qu'un coup peu surprenant des traits de la fortune !
Oui, mais ce qu'il faut connaître, et ce qui constitue le sujet même
du roman, c'est la cause de cette grandeur, surgissant tout à coup en
face de cette décadence, c'est le moyen par lequel un fils de jardi-
nier s'est enrichi au point d'acquérir le patrimoine du fils d'un
vicomte, et de lui tendre une main protectrice. Cette cause, ce
moyen, l'avez-vous deviné? C'est la musique. François, le petit
François, désormais appelé Frantz, a reçu du ciel le plus beau des
dons, une voix de ténor ! Il a chanté d'instinct, avant de se douter
qu'il fût né chanteur. Son éducation musicale s'est faite à la grâce
de Dieu : il a quelque peu profité de leçons complètement perdues
pour son noble maître. Et puis le hasard voulut que, venant de Gre-
noble à Paris, sur l'impériale de la diligence où il était perché,
François entonnât un air de ta Dame blanche : Viens, gentille dame,
tandis que, dans l'intérieur du même véhicule, Raoul s'occupait de
toute autre chose. Un des voyageurs entendit François; ce voyageur
arrivait d'Italie, et l'instant d'auparavant il avait dit à Raoul, son
voisin : « Vous me demanderez peut-être ce que je suis allé faire en
» Italie, et vous vous imaginez sans doute que je suis un archéo-
» logue : ce serait une grave erreur. Monsieur. Je n'aime pas les an-
» tiquités en aucun genre, entendez-vous? Je ne suis pas non
» plus un amateur de peinture, comme vous pourriez le supposer, et
» j'aurais grand'peine à distinguer un Raphaël ou un Titien d'un
» tableau de votre façon, Monsieur, si vous êtes peintre. Enfin, j'ai
» beaucoup enlendu parler de Virgile et de Dante, mais je ne les ai
» jamais lus, attendu que je ne sais ni le latin, ni l'italien, et
11 que je n'estime guère, en fait de vers, que les poëmes de
» M. Scribe, parce qu'ils se chantent. Que suis-je donc? Cela vous
» intrigue peut-être, bien que vous ne me le demandiez pas, mais
» je pense que quand on est appelé à passer ensemble côte à côte
1) un laps de temps assez considérable, il faut se connaître Eh!
» bien. Monsieur, puisqu'il faut vous le dire, j 'e.xerce une profession
» toute spéciale, une profession que la régie des contributions n'a
» pas encore songé à enregistrer dans la loi sur les patentes ; vous
» ne me trahirez pas au moins, j'espère, auprès d'elle : Je fais la
1) traite des rossignols. »
La traite des rossignols ! Vous avez compris ? A compter de ce
moment, le Marseillais, Mirandol, ayant trouvé sous sa main l'oiseau
rare qu'il cherchait par terre et par mer, s'arrange pour ne pas le
laisser envoler, pour achever de l'instruire, pour le mettre en plein
rapport, et il n'y réussit que trop bien ! Grâce à lui, François entre
au Conservatoire, et il en sort pour aller chanter en Allemagne, en
Italie ; enfin il débute au théâtre Italien à Paris. Sa fortune de ténor
grandit et s'élève au fur et à mesure que celle du gentilhomme, son
frère de lait, s'anéantit. Puisque le ténor a l'âme généreuse, il n'y
aurait que demi-mal, si le gentilhomme n'eût apporté de sa province
un amour qu'il croyait destiné à le consoler, à le dédommager de
toutes ses misères; et c'est précisément le contraire qui arrive!
Comptez donc sur quelque chose ici-bas! Le charme de la voix opère
sur la jeune et tendre Eugénie, qui s'élait d'abord vouée tout entière
à Raoul , et le charme des monceaux d'or qui pleuvent dans l'escar-
celle de Frantz agit plus fortement encore sur l'âpre et ambitieuse
Mme Brossier , mère d'Eugénie. De tout cela , il résulte qu'un beau
jour, un triste jour, devrions-nous dire, Raoul est abandonné, délaissé;
Frantz préféré : la trop sensible Eugénie ne se montre pas moins
volage que l'aveugle déesse. A qui la faute ? A la musique d'abord.
172
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
à ce marchand de voix humaines qui fait des chanteurs plus opulents
que des banquiers et des princes ; et aussi peut-être à cette mobilité
native des cœurs féminins, qui continue à causer tant de ravages
dans le monde et dans les romans. Eugénie est une fille d'Eve, s'il
en fut ; pour le prouver, il nous slifBrait d'indiquer le dénouaient
final de Château à vendre. Mais à Dieu ne plaise que nous flétrissions
le fruit dans sa fleur! Laissons aux lecteurs, et ils ne manqueront pas,
le plaisir de poursuivre, à travers les ingénieux méandres d'un récit
toujours spirituel , une conclusion qu'on atteint toujours trop tôt,
lorsqu'on se plaît sur la route. Et comment ne s'y plairait-on pas,
avec un guide, un compagnon tel que M. Alexandre de la Vergue,
un expert en pareille matière ? C'est par une sorte d'actualité que se
distingue sa nouvelle œuvre. Quoi de plus actuel que les ténors qui
achètent des châteaux ? Mais on y remarque aussi de ces bonnes et
franches figures , qui sont de tous les temps , comme celle de l'abbé
Doucerain, par exemple , moderne Caleb , ne vivant que pour Raoul,
son élève, et ne dédaignant même pas, pour lui procurer le pain quo-
tidien, de jouer incognito du violon dans l'orchestre d'un théâtre ! Le
bonhomme était convaincu qu'une perruque blonde et des lunettes
ne permettraient à personne de reconnaître l'auteur de sa belle
action ! C'est donc par les détails, autant que par le fond, que se re-
commande Château à vendre.
Avant de quitter le rail littéraire, sur lequel nous a entraîné la
musique, cédons au désir d'annoncer, comme il mérite de l'être et
non par une banale réclame, un magnifique volume : les Contes du
docteur Sam, illustrés avec infiniment de talent et de luxe. Tout le
monde sait que le docteur Sam n'est autre que notre confrère et
ami Henry Berthoud, et tout le monde le connaît aussi pour un sin-
cère ami de l'histoire naturelle. Dans les contes qu'il écrit pour les
enfants et que peuvent fort bien lire les grandes personnes, il a tou-
jours soin d'enfermer quelque notion vraie, utile ; il n'a pas seulement
pour but d'amuser, il s'attache à instruire ; il professe, il enseigne :
Le conte fait passer la science avec lui.
Donc, notre avis est qu'on ne saurait mettre dans les mains de la
jeunesse un livre plus récréatif, ni plus instructif que les Contes du
docteur Sam, et, quoique le premier jour de l'an soit bien loin,
nous ajouterons que ce sont là de belles et excellentes étrennes.
Le même Henry Berthoud a encore publié un ouvrage de haute
valeur : les Petites Chroniques de la science, où il inscrit jour par
jour le résumé des découvertes, inventions, observations, travaux
qui occupent nos corporations savantes. L'ouvrage en est à sa se-
conde année, et le succès déjà établi ne peut que s'augmenter. A la
manière simple et piquante, ornée sans prétention, dont les faits y
sont présentés, examinés, discutés, on serait tenté de croire que l'é-
crivain a retrouvé quelque part une des plumes les mieux taillées de
notre célèbre Fontenelle.
Paul SMITH.
CORRESPONDANCE.
Londres, 29 mai.
Mlle Elvira Demi a fait un début assez paie dans le rôle de la.Iy
Henriette, de Marlha. Graziani a délicieusement chanté l'iunkett,
et Mario avait *oute sa délicieuse voix dans Lionel. La représenta-
tion du chef-d'œuvre de Flotow a donc conservé une partie de son
éclat, mais il est indispensable que Mme Koretti prenne vite le rôle
principal. Lfl Barbier, Don /î(fm et la yt/«(/ip ont défrayé la semaine.
— Mlle Patti, jeudi dernier, a chanté le rôle de Leonora du Troralorc,
Mario chantait le rôle de Manrico, Graziani celui du comte de Luna, et
Mme Nantier-Didiée, Azuoena. — La semaine prochaine nous aurons la
Gazza ladra, par Mlle Patti, Neri-Beraldi, Honconi, et Faure, dans le
rôle du père. — Au théâtre de .Sa Majeslé une indisposition du' nouveau
ténor fSaragli, a fait ajourner son début dans Lucia ; Giuglini l'a rem-
placé.— Je vous ai dit le succès de Mlle Artot àam la Fille du W'çjimenl,
Al. Bettini dans le rôle de Tonio, et Zucchini dans celui du sergent
Sulpice, ont beaucoup contribué au succès.
Le grand événement de la semaine a été la première représentation
à ce théâtre, du grand ballet de Rota, musique de Giorza, Bianchi c
Neri. C'est le 26 qu'elle a eu lieu, et on peut dire que le succès a été
pyramidal. Ce n'est pas seulement la chorégraphie dont on a salué le
mérite, en faisant répéter les principaux pas, et en rappelant quatre à
cinq fois M. Rota, mais c'est la musique qui a non moins réussi, et
l'exécution, qui dans la personne de l'incomparable Ferraris et de la
célèbre mime Giovannina Morlacchi, a été un triomphe tel qu'on ne se
rappelle pas d'un semblable obtenu à Londres pour un ballet. Je
vous en reparlerai nécessairement; mais j'ai à vous dire quelques mots
encore de la première des représentations données à Drury Lane.au bé-
néfice de Lumley, avec le concours de Mme la marquise de Gaetani,
née Piccolomiûi. Cette représentation, à laquelle avaient voulu assister
le prince et la princesse de Galles, se composait de la Figlia del reggi-
menlo, chantée en entier, et du dernier acte de la Favorite, chanté par
Giuglini ; les détails à ma prochaine.
Les concerts vont leur train. J'ai entendu Alf. Jaell à celui de la Mu-
sical Union; il y a fait fanatisme dans tous les grands morceaux classiques.
On lui a fait répéter la marche du Tannhauser. — Mlle Titjens vient de
signer avec les directeurs des festivals de Worcester et de Norwich un
engagement pour la bagatelle de 600 guinées (12,600 francs).
Le prince et la princesse de Galles, qui se montrent très-amateurs de
musique, assistent fréquemment aux concerts de la Société philharmo-
nique. Leurs Altesses ont pris sous leur auguste patronage le magnifique
concert que doit donner Jules Bénédict le 21 juin.
REVUE DES THÉÂTRES.
Théâtre-Français : Début de Mlle Agar dans Phèdre. — Gym-
nase : Nos Alliées, comédie en trois actes, par M. Paul Moreau. —
Palais-Roïal : Le Brésilien, vaudeville en un acte, par MM. H.
Meilhac et Lud. Halévy ; l'Oiseau fait son nid, vaudeville en un
acte, par MM. Clairville et Lambert Thiboust. — Porte-Saint-
Mautin : Reprise des Pilules du Diable, grande féerie en vingt-
quatre tableaux. — Ambigu : Reprise de la Poissarde, drame de
MM. Dupeuty, Paulin Ueslandes et Bourget.
Les débuts annuels qui ont lieu vers cette époque au Théâtre-
Français ont été inaugurés par un accident dont les suites, par bon-
heur, n'auront, assure-ton, aucune gravité. Mlle Agar, que l'on a
vue, l'an dernier, jouer Phèdre avec un certain succès à l'Odéon,
paraissait pour la première fois, dans le même rôle, à la rue Riche-
lieu, lorsque, en sortant de scène, elle a fait un faux pas et s'est
blessée assez douloureusement au visage pour être forcée de ne pas
achever la pièce. Les sympathies nombreuses que cette soirée a at-
tirées sur la tragédienne, ne peuvent manquer de profiter d'une ma-
nière favorable à son second début.
— En dehors des reprises qui continuent à aflluer de toutes parts,
nous signalerons, comme un événement qui devient de plus en
plus rare, la réussite complète au Gymnase, d'une comédie nou-
velle, en trois actes, ayant pour titre : A'os Alliées. Suivant l'usage
antique, mais fort peu solennel, il s'agit, dans cette pièce, d'une
course au mariage entre deux rivaux. L'un d'eux, jeune militaire,
plein de bravoure, mais trop timide auprès du sexe, se fait protéger
dans ses amours par une aimable veuve; l'autre, voyant cela, im-
plore l'appui d'une tante de la jeune fille qui est le but de ce steeple-
chase. Or, voici ce qui résulte de cette double alliance: la tante, co-
quette et prétentieuse, essaye de se substituer à sa nièce, et la veuve
inspire une passion très-réelle et très-sérieuse à son protégé. En fin
de compte, ces deux derniers s'épousent, et le rival, après avoir ma-
nœuvré de manière à se délivrer de l'obsession qui le menace, ob-
tient la main de celle qu'il aime. Les situations un peu banales de cette
comédie sont sauvées par d'ingénieux détails, que l'excellente troupe
du Gymnase fait parfaitement valoir, bien qu'on n'y voie briller au-
cune étoile.
— Deux vaudevilles forment le contingent du Palais-Royal pendant
cette quinzaine. Le Brésilien est, à ce qu'il paraît, le type accepté
aujourd'hui pour traduire l'exaltation amoureuse poussée jusqu'à la
DE PARIS.
173
folie la plus excentrique, exaltation qui fait peur aux femmes et qui tient
les rivaux à distance. Brasseur n'est qu'un faux Brésilien, beaucoup
plus amoureux que s'il était de bon aloi, et il est on ne peut mieux
secondé par Gil Pérès, par Mlle Schneider et par Mlle Aubry. Celte
dernière est une jolie personne qui a joué le rôle de Micheline avec
beaucoup de naturel. Le succès de cette joyeuse petite pièce n'a
pas été un instant douteux, et depuis ce premier jour, il n'a fait
que s'accroître. Une ronde écrite par Offenbach pour Brasseur
n'est certainement pas étrangère à cette recrudescence. On ne peut
rien imaginer en effet de plus drôle, de plus original que cette
odyssée d'un monsieur qui suit les femmes. Non-seulement la musi-
que, très-réussie et couronnée par une fanfare de trompette des plus
inattendues, mais aussi les paroles burlesques de la ronde en ques-
tion, l'ont déjà rendue populaire.
Le second vaudeville est loin d'avoir le même attrait, et pourtant
on l'a bien accueilli. Comme l'oiseau qui fait son nid, Clovis a l'habi-
tude en changeant de domicile, d'explorer avec soin le voisinage,
pour y découvrir une compagne disposée à passer avec lui le bail
consenti par son propriétaire. 11 jette son dévolu sur deux jolies
grisettes; mais si l'une est de bonne composition, l'autre est un mo-
dèle de vertu et de sagesse ; naturellement, c'est de celle-ci que
Clovis devient amoureux. Pour l'éprouver il prend divers travestisse-
ments qui, par les conseils perDdes de la jeune fille qu'il a dédai-
gnée, sont bien près de tourner contre lui-même. Heureusement
quelques mots d'explication suffisent pour rapprocher Clovis et
Georgette qui jurent de s'aimer comme des tourtereaux, mais après
avoir fait bénir leur nid par le curé de la paroisse. Le rôle de
Clovis a été tracé en vue de Berthelier ; c'est dire qu'il est enlevé
avec un esprit et un entrain tout à fait exemplaires. Dans ce vaude-
ville, on applaudit aussi une chansonnette, à laquelle Berthelier
donne un cachet singulièrement comique.
— Au nombre des reprises qui continuent à inonder tous nos
théâtres secondaires, nous nous contenterons d'en signaler deux,
plus importantes que les autres. D'abord, à la Porte-Saint-Martin,
cette fameuse féerie des Pilules du Diable, qui compte plus d'un
millier de représentations, et qui, probablement, va voir ce chiffre
s'augmenter de quelques centaines. La magnificence de la direction
de ce théâtre est tellement bien établie dans l'opinion, que nous
n'avons pas besoin de raconter les merveilles d'une mise en scène
au moins égale à celle du Pied de mouton. Ajoutons seulement que
la musique a été ra'eunie par M. Artus, que les ballets de M. Es-
pinosa sont entièrement nouveaux, que les quatre frères Nelson sont
des clowns comme on n'en voit guère, et que la troupe ordinaire
de M. Marc Fournier a bien fait de s'adjoindre Désiré, Edouard
Georges, Mlle Testée, des Bouffes-Parisiens, et Mme Mila, du théâtre
du Châtelet.
Qiiant à la Poissarde, on sait que cette pièce a pris naissance à
la Porte-Saint-Marlin, et qu'elle y a accompli une longue et honorable
carrière avant de passer au répertoire de l'Ambigu. A l'exception du
personnage éminemment sympathique de Madeleine, qui n'a pas
cessé d'appartenir à Mme Marie Laurent, et de celui de Pailleux,
pour lequel on a engagé l'acteur Boutin qui l'a créé, tous les autres
sont en de nouvelles mains, et la comparaison entre les deux théâtres
est un attrait de plus pour la représentation de ce drame populaire.
II est d'ailleurs monté avec infiniment de goût, et l'on y retrouve au
même degré l'effet produit naguère par la ronde des Halles, par le
pas des Bouquetières et par la Fricassée, cette danse si célèbre au
boulevard pendant toute la seconde partie du siècle dernier.
D. A. D. SAINT-YVES.
RODVELLES.
a,** Lundi, le théâtre impérial de l'Opiîra a donné une excellente re-
présentation de la Muette. — Mercredi, le Comie Ory et Giselle, ont fait salle
comble. S. A. lo duc de Brabant et M. le comte Walevvslti y assistaient.
Le ministre d'Etat a complimenté Warot, sur la manière dont il avait
chanté le principal rôle, et présenté M.Perrin au duc de Brabant, qui
lui en avait exprimé le désir.
^"^ Une grande activité règne au théâtre de l'Opéra-Comique. — Dans
les premiers jours de la semaine aura lieu la reprise de Zampa avec
décors et costumes nouveaux. Montaubry chantera le rôle de Zampa et
Mlle Cico celui de Camille. — Le Diable amoureux suivra définitive-
ment, et Mme Galli-Marié, qui appartient maintenant toutafait au théâ-
tre, y jouera le principal rôle. — Plusieurs débuts intéressants auront
lieu dans l'intervalle ; celui de Mlle Girard, qui, dès demain, fait partie
du personnel de M. de Leuven; de Battaille, artiste du théâtre de Bor-
deaux, engagé à partir du l*' juillet prochain; de Carrier, trial, venant
de Bruxelles; enfin, celui d'une jeune cantatrice, Mlle Lambert, dont
on dit beaucoup de bien. Pour ne pas interrompre le succès d'Haydée,
la direction a de plus racheté le congé d'Achard, qui ne quittera qu'au
1" juillet. — Mlle Cico a obtenu, sur sa demande, la résiliation de l'en-
gagement qu'elle avait contracté avec l'Opéra, et elle reste à la salle
Favart. Quant aux nouveautés qui vont se préparer pour l'hyver, le pro-
gramme en est aussi riche que varié ; il se compose de la Fiancée du
roi de Garbe, d'Auber; — du Capitaine Henriot, opéra en trois actes, de
Sardou et Gevaert; — de Lara, opéra en tro;s actes, de Cormon et Mi-
chel Carré, musique d'Aimé Maillart; — de ia Péruvienne, opéra en
trois actes, de Meilhac, musique de Victor Massé ;— d'ffermme, de
MM. de Leuven et Nadaud, musique de Félicien David; — enfin de la
Nuit des Dupes, paroles de Saint-Georges, musique de M. de Flotow.
**» Une représentation au bénéfice de Lemaire, l'acteur si utile du
théâtre de l'Opéra-Comique, a eu lieu vendredi avec le concours des
artistes du Théâtre-Français, du Gymnase et du Palais-Roj'al. On a
donné les Désespérés, de F. Bazin. Dans les entr'actes, Poultiera chanté
l'air du sommeil de la Muette, et Capoul celui de Joseph.
**^ Aujourd'hui le théâtre Lyrique clôture sa saison par Oberon. Hier
a eu lieu la dernière représentation de Faust.
**^ Jeudi dernier une belle représentatiou avait été organisée à l'O-
déon par Duprez, avec le concours de son fils, de Mlle Brunetti, de
Bussi, Mézeray et de Ricaeli, élève du célèbre ténor. On y a chanté
des fragments des Huguenots, du Prophète, de Guillaume lelt, de la
Juive, et la scène bouffe si originale de Duprez : Trois ténors sérieux.
Des pièces du Gymnase et du Palais-Royal complétaient cette curieuse
et intéressante représentation , qui avait attiré beaucoup de monde.
^*3, Cinq cents exemplaires de la Ronde du Brésilien ont été enlevés
jeudi, jour de la mise en vente chez les éditeurs. — Tous les cafés
chantants ont déjà adopté cette chanson, dont les paroles, de Lud. Ha-
Jévy et H. Meilhac, ne sont pas moins spirituelles que la musique
d'Offenbach est originale. La Ronde du Brésilien, chantée avec tant de
verve par Brasseur, est ornée d'un beau dessin de Barbizot, exécuté
d'après la photographie des trois Empereurs, et qui représente l'excel-
lent chanteur en costume.
^*^ L'exploitation, pour la saison prochaine, du théâtre de l'Oriente
à Madrid, vient d'èlre concédée par adjudication à M. Mico, soutenu
par un banquier de la localité. M. Bagier s'est retiré.
^*^ On sait avec quelle intelligence et quel succès M. Verger a ex-
ploité le théâtre royal du Liceo à Barcelone. Non-seulement la direc-
tion vient de lui en être confiée pour quatre années, mais encore on
y a joint un supplément de subvention.
^*^ Les succès obtenus à Paris par les deux étoiles de la danse russe,
ont excité une lutte d'émulation entre les maîtres de ballets des théâ-
tres impériaux. M. Saiiit-Léon, d'un côté^ et M. Petipa de l'autre, pré-
parent pour l'hiver prochain, le premier pour Mlle Mouravieff, un ballet
tiré d'un conte fantastique qui a pour titre Konek Gerbounok, et le second,
un ballet pour sa femme, (es Druses et les Maronites, dans lesquels les
deux chorégraphes déploient toutes les ressources de leur talent comme
la direction impériale déploiera toutes les richesses de la mise en scène.
^*t La troupe italienne de M. Sinico donne à Bayonne des représen-
tations très-suivies. La troupe est composée do iMmes Mariui et.Acs, Louise
Marra et Maymo. On a joué avec beaucoup de succès Norma, Hernani
et le Trovatore; l'orchestre dirigé par Gariboldi, marche très-bien.
**:t Carlo il guaslalore, ballet de Rota, dont le compositeur Giorza a
écrit la musique, vient d'obtenir un grand succès au théâtre Victor-
Emmanuel, à Turin.
^*.f. Va journal contenait récemment la traduction d'une soi-di.'iant
174
REVLE ET GAZETTE MUSICALE
=3
requête ea reddition de comptes adressée à la cour de la chancellerie
à Londres, par Adelina Patti, contre son père et son beau-frère. Nous
recevons de la jeune et célèbre cantatrice un avis par lequel elle nous
informe du désaveu faffiidavit) donné par elle à ce document écrit à
son insu, sans;sa participation, et qui paraît être l'œuvre d'un intrigant
famélique contre lequel elle fait diriger des poursuites.
»** Le célèbre ténor Geremia Bettini vient de traverser Paris, se ren-
dant à Londres, où il est engagé pour douze représentations au théâtre
de la Heine.
*** S. M. l'Empereur a daigné souscrire à la publication des œuvres
musicales choisies de M. A. Elwart.
*% La première séance annuelle de l'Orphéon de Paris aura lieu di-
manche prochain 7 juin, sous la direction de M. François Bazin.
,*» Les examens semestriels du Conservatoire de musique et de dé-
clamation sont commencés depuis jeudi.
**« Le célèbre pianiste Léopold de Meyer est de toutes les grandes
réunions qui se donnent encore avant le départ de la haute société
pour la campagne ou les eaux. .Iprès avoir, la veille, joué chez la
princesse de Metternich, il était invité chez Mme de Leowenthal où
sa brillante exécution a produit le même enchantement, et lui a valu
les félicitations de M. le prince de Monléard , du comte Esterhazy,
du ministre de Wurtemberg, etc., qui faisaient partie du noble au-
ditoire.— M. Léopold de Meyer n'a pas reçu un accueil moins distingué
chez Mme la baronne de MeyendorfT.
**4 Roger vient d'être encore l'objet d'une distinction flatteuse à
Toulouse. La Société Clémence Isaure lui a fait don d'une très-belle
couronne, ornée de rubans, portant l'inscription commémorative de ce
don, auquel le célèbre chanteur s'est montré fort sensible. A l'issue de
la représentation les membres de la Société se sont rendus à son logis
pour lui donner une sérénade.
*** On lit dans la Gazette musicale de Mayence : « La direction de
l'Opéra impérial de Vienne a reçu l'opéra-comique en trois actes, d'Of-
fenbach, intitulé les Fées du Rhin. Le compositeur touchera 2,500 fr.
pour honoraires et S 0/0 des recettes. L'éditeur Spina lui a acheté la
partition pour le prix de Zi,000 francs. » Cette nouvelle est exacte, sauf
la dénomination de l'ouvrage. Ce n'est pas un opéra-comique en trois
actes, mais bien un grand opéra draaiatique en quatre actes qu'Offen-
bach compose pour l'Opéra impérial de Vienne. Depuis son retour d'Al-
lemagne, Offenbach habite Etretat, où il travaille activement à cet ou-
vrage et à ceux qu'il s'est engagé à livrer pour la saison prochaine.
,** Cet hiver la musique de chambre de M. Adolphe Blanc a été exé-
cutée quarante-deux fois dans les réunions de MM. Duvernoy, Lebouc,
Casimir Ney et Gouffé, et onze fois dans les concerts. 11 faut y ajouter
le succès des danses chantées, l'invitation à la valse, l'invitation à la
polka, l'invitation à la mazurka et l'invitation à la redowa, quatre mor-
ceaux pour le chant de ce jeune compositeur, et que Mme Marie Da-
moreau chante délicieusement.
a,*i La Cour impériale d'Orléans, devant laquelle la Cour de cassation
avait renvoyé le procès soutenu par Debain, facteur d'orgues, contre
les fabricants d'instruments jouant dos airs par le procédé du pointage,
a condamné M. Lepée, l'un des principaux d'entre eux, comme coupable
de contrefaçon, en 2,000 francs de dommages-intérêts envers Debain.
La question se trouve ainsi jugée définitivement.
,s** Ainsi que nous l'avons annoncé, le festival du Bas-Rhin a eu lieu
le 24 mai à Dusseldorf. Le roi et la reine de Hanovre, qui étaient ar-
rivés dès la veille, se sont empressés d'assister à la répétition à'Elie,
oratorio de Mendelssohn. L'orchestre se composait de 146 instrumen-
tistes; les chanteurs étaient au nombre de 739, chœurs et solistes ;
parmi ces derniers, on a surtout applaudi Mme Jenny Lind-Goldschmidt
et Jules Stockbausen.
*** A San-Leopoldo, ville du Brésil, les colons allemands ont eu, le
1" et 2 février dernier, un festival consacré au chant. Dès 7 heures
du matin, les Sociétés lyriques des environs accouraient à cheval, ban-
nières en tête. La ville était richement décorée de guirlandes, festons,
arcs de triomphe. A 2 heures, le concours de chant a commencé dans
une salle qui avait été construite exprès : neuf associations, compo-
sées de deux cent quarante chanteurs y ont pris part. Chaque association
a chanté deux lieder, et à la fin, tous les chœurs réunis ont entonné
le lied de Arndt : Où est la patrie de V Allemand?
*■** Nous sommes en retard pour constater le succès qu'a obtenu le
2 mai M. Diomède Zompi dans le concert qu'il a donné salle Pleyel.
Il y a fait entendre de la musique classique des grands maîtres, et plu-
sieurs de ses propres compositions, entre autres une marche inédite et
un scherzo-valse qu'on lui a fait bisser. 11 a reçu à plusieurs reprises les
plus chaleureux applaudi.^sements. M. Cuvillon et M. Franchomme qui
lui prêtaient leur concours, ont partagé son succès.
s,** L'assemblée générale de la Société des auteurs, compositeurs et édi-
teurs de musique a lieu aujourd'hui dimanche 3l mai, à une heure pré-
cise, dans les salons de M. Souffleté, facteur de pianos, rue Montmartre,
n» 161. SIM. les sociétaires sont instamment priés d'assister à cette
réunion.
^,** Littérature musicale. — Mes souvenirs, tel est le titre d'un vo-
lume anecdotique de M. Léon Escudier, qui vient de paraître à la librai-
rie de Dentu, et qui sera lu avec plaisir.
i** On lit dans une correspondance parisienne adressée à l'Indépen-
dance belge : « Les belles soirées nous reviennent ; aussi la foule est-elle
assidue à ce square lumineux et embaumé des Champs-Elysées que
M. de Besselièvre ouvre à la bonne compagnie. L'éternelle prome-
nade au bois a bien son charme, mais aussi sa monotonie. Voilà,
depuis quelques années, un parc ouvert au milieu des promenades à
la meilleure société, sous les auspices d'un excellent orchestre. On se
promène, on peut même causer un peu. La musique vous suit, vous
accompagne, mais ne vous absorbe pas, ne vous enchaîne pas, et, par
conséquent, ne vous fatigue pas. Vienne un baromètre immuable, et la
fortune de M. de Besselièvre est faite. Je lui demande, toutefois, de
donner plus de 25,000 francs à Arban, qui contribue si heureusement
à cette fortune. «
*** Le théâtre du Chalet-des-Iles, au bois de Boulogne, annonce sa
réouverture pour les premiers jours de la semaine.
.^:*.j, Les matinées musicales données par Musard au Pré-Catelan ob-
tiennent chaque dimanche une vogue nouvelle. Tout est réuni dans ce
splendide jardin pour fixer la foule honnête, élégante et artiste. Or-
chestre du premier ordre, solistes remarquables, œuvres magistrales des
grands maîtres admirablement interprétées, programmes des mieux
composés et des plus variés, avec Musard pour directeur, voilà le secret
de cet immense succès toujours grandissant.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
a,** Marseille. — La reprise de Charles VI a été fort bien accueillie au
grand théâtre. L'œuvre d'Halévy a été interprétée chaleureusement
par Dumestre, Mme Lacombe, Morère et Mlle Baudier. — Mme Cabel
s'est de plus en plus emparée de notre public. Les Diamans de la cou-
ronne et l'Etoile du Nord nous l'ont cette semaine montrée dans deux
des rôles qu'elle a joués avec le plus de supériorité au théâtre de
l'Opéra-Comique de Paris. Elle y a obtenu un triomphe complet.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
^*^ Bruxelles. — Si jamais fin de saison est arrivée mal à propos,
c'est certes celle à laquelle nous touchons, puisqu'elle vient interrom-
pre un succès qui se serait consolidé, si le temps l'eût permis. La
direction aura le bon esprit de reprendre dès le début de la pro-
chaine saison le Roman d'Elvirc, d'Ambroise Thomas (car c'est de
cet ouvrage que nous voulons parler), et cet opéra fournira une
longue carrière au théâtre de la Monnaie. Le sujet est intéressant,
la musique charmante, l'exécution excellente, qualités que l'on trouve
bien rarement réunies. L'association de MM. Alexandre Dumas et de
Leuven ne pouvait rien enfanter de plus élégant, de plus poétique que
ce libretto, si favorable aux inspirations musicales. L'auteur du Caid et
du Songe d'une nuit d'été, M. Ambroise Thomas, s'en est emparé avec le
rare talent dont toutes ses œuvres portent l'empreinte. Les morceaux
remarquables abondent dans le Roman d'Elvire, duos, romances, cou-
plets, chœurs. Une romance : Ah l ce serait un crime, nous paraît la
plus charmante chose que l'on puisse entendre, et M. Jourdan la dit
d'une manière exquise. — Le Moniteur publie un rapport à M. le mi-
nistre de l'intérieur sur la question de l'abaissement du diapason, par
MM. Fétis, Daussoigne-Méhul, Blaës, Mabillon, Hanssens, Bender et Sa-
muel. Voici les conclusions prises par cette commission, à l'unanimité :
que le diapason ne doit pus être baissé; — qu'il doit être fixé en prenant
pour base le diapason du Conservatoire de Bruxelles ;— que l'intervention
de M. le ministre de la guerre est nécessaire afin que les chefs de mu-
sique militaire n'admettent, pour l'usage des musiciens qu'ils dirigent,
que des instruments au ton du diapason type;— que les chefs d'orchestre
feront une chose utile au maintien de l'invariabilité du diapason et à
la justesse de l'accord, en no faisant plus donner le la par un hautbois
DE PARIS.
Î75
ou tout autre instrument dont l'intonation se modifie par la longueur
de l'anche, par l'influence de la température ou par des causes acci-
dentelles, et de le donner eux-mêmes avec un petit appareil à anche
libre, accordé rigoureusement à l'unisson du diapason type. — Une
jeune harpiste de talent et qui promettait davantage encore, attachée
au théâtre royal, au Conservatoire et à l'association des artistes musi-
ciens, Mlle Eulalie Lemaire, vient de mourir à vingt-deux ans. — Nous
avons aussi à déplorer la perte de M. J. Merts, excellent violoniste,
professeur au Conservatoire. Une foule considérable assistait à ses funé-
railles, et M. Fétis a prononcé sur sa tombe un discours touchant qui
a provoqué la plus vive émotion dans toute l'assistance.
»*« Vienne. — Parmi les pièces qui ont été jouées au théâtre de l'O-
péra de la Cour dans le mois de mai, on remarque Don Juan, l'Etoile
du Nord, Lalla-Roukh, les Huguenots.— Oa annonce que dorénavant l'ad-
ministration de l'Opéra, ainsi que celle du théâtre de la Cour (Hofburg-
theater), feront partie des attributions du ministre d'Etat.— M. Salvi avait
l'intention d'engager Mlle Trebelli pour la troupe italienne, qui doit
être rétablie au théâtre de la Cour; mais il a été devancé par Werelli,
qui aura à la prochaine saison deux troupes, l'une avec Adelina Patti,
et l'autre ayant poar prima donna Mme Trebelli. — Le 20 mai a été
posée la première pierre de la nouvelle salle d'Opéra. Le ministre du
commerce, comte Wickembourg, a ouvert la solennité par un discours
analogue à la circonstance. Une cantate , paroles de Steinhaenser et
musique de Franz Doppler, a été exécutée pendant la cérémonie.
**» Berlin. — La troupe d'opéra de la salle Kroll vient de jouer avec
succès Martha, de M. de Flotow. M . Himmens, du théâtre de Darmstadt,
a rendu convenablement le rôle de Lionel ; Mlle Suvanny, avec sa voix
douce et gracieuse, est une Kancy fort avenante. — Le 16 mai, a eu
lieu le premier des concerts militaires qui seront donnés cet été sous la
direction de Wieprecht. — Nous avons eu dimanche, une fort intéres-
sante représentation des Huguenots, au Théâtre RoyaL Mme Harriers, qui
jusqu'ici n'avait chanté que le rôle dç la reine, s'essayait pour la pre-
mière fois dans celui de Valentine, rôle dramatique, s'il en fut, et dont
l'interprétation exige une énergie, une puissance de passion que ne
possède nullement Mme Harriers ; elle est douée d'une voix douce et
suave, ses émotions sont d'une nature analogue à son organe ; l'idylle
et l'élégie, voilà son domaine. Mlle Suvanny a rendu convenablement le
rôle de Marguerite ; M. Gnoss a continué ses représentations dans celui
de Raoul.
»*, Francfort. — La troupe d'opéra a exécuté récemment les Sylphes,
charmante composition de Himmel. Les chœurs sont ravissants et ont
été très-bien chantés, ainsi que les solos, ce qui est d'autant plus re-
marquable que la Société ne se compose absolument que d'amateurs.
M. Lichtenstein a dirigé l'exécution des Sijlphcs, qu'il accompagnait au
piano.
,*^ Milan. — Le théâtre de la Cannobiana vient de représenter les
Huguenots. Le chef - d'oeuvre de Meyerbeer , quoique insuffisam-
ment interprété, a produit un grand effet sur notre public. La deuxième
repré.sentation a confirmé pleinement ce succès. Bertolini a déployé de
grandes qualités dans Raoul ; la célèbre Marini, la Corani, la Majo, l'ont
vaillamment secondé.
»*i New-York, 7 mai. — La société allemande le Liederkranz, a donné
son quatrième et dernier concert ; la seconde partie du programme était
remarquable par les contrastes qu'elle offrait : un motet à huit parties,
Fratres ego, de Palestrina, 1527-1 594 ; introduction à la passion Notre-
Seigneur, de Sébastien Bach, 1685-4754; le Dies ira du Requiem de
Mozart, 1736-1791; et pour finir le Credo de la grand'messe de Liszt,
composée en 1859. Le Société philharmonique, elle aussi, vient de don-
ner son dernier concert de la saison : la septième symphonie de Beet-
thoven; le deuxième concerto, op. 50, de Mendelssohn; une ouverture de
Gave et les Francs juges de Berlioz ont été supérieurement exécutés.
Dans les cpncerts de Gottschalk, à côté d'un grand pianiste, nous avons
eu le plaisir d'entendre une jeune artiste française, élève de Prudent,
Mlle Eugénie Baruetche ; c'est un talent de premier ordre. L'opéra Ita-
lien vient de rouvrir ses portes à la troupe de la Havane ; le ténor Ma-
zoleni plaît beaucoup. On a donné: Norma, Lucresia, Lucia, la Favorita,
Ernani, Âroldo, Traviata et Jone ou les derniers jours de Pompeï, de
Petrella.— A l'opéra Allemand on annonce pour la lin de ce mois, VOrphée
de Gluck.
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176
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Pour Ptuno et CUant, pour Ptano seul, pour le Piano à qnafre mains de
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5 bis. Barcarolle : Amis, la matitiée est belle, pour baryton 3 75
5 ter. La même, transposée pour basse 3 75
12 bis. Air : Du pauvre, seul ami fidèle, pour baryton 3 »
13 bis. Cavatlne: Arbitre d'une vie, pour mezzo-soprano 3 73
1 5 bis. Barcarolle : Voycs du Imut de ce rivage, pour baryton. ...„ 2 50
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FAVAKGEIt. — Op. 45. Fantaisie brillante sur le Cmnte Ory, pour le Piano 9 »
Composition pour le Piano.
Op. 18. Grande fantaisie sur les Huguenots 10 »
19. Scherzo et impromptu ; . 6 »
20. Fantaisie sur le trio de Robert le Diable '.» »
32. Air et marche arabe variés 7 50
33. Farandole 7 50
3/i. Concerto-symphonie 15 »
35. Les Bois, chasse .' 9 »
36. Allegretto pastorale 7 50
38. Air de grâce de Robert le Diable 9 »
Op. 39. Les Champs , 9 »
fiO. Villanelle 9 »
41 . Danse des Fées 9 »
42. Le Retour des Bergers 7 50
44- Deux impromptus 5 »
51. Grande fantaisie sur le Domino noir 10 »
53. Adieu Printemps, étude caprice 9 »
54. Chaut du ruisseau, caprice 9 »
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René Favwrffer
Du Stahat Mater de Rossini,
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Mazurka de salon.
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Iju Slabat Mater de Rossini,
Transcription.
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N« 23.
7 Juin 1863.
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Le Jouroul paraît le Uiitijuchc.
Avec le prochain noméro, nos abonnés recevront
oae transcription pour Iiarmoniont de l'AVBI UARIA,
de Schubert, noavelle composition de G. Romako.
SOMMAIRE. — Emile Prudent, par Panl Smith. — La Musique et la Danse
à l'Exposition des beaux-arts (1" article), par Mathieu de Uonter. —
Haydn et les princes d'Esterhazy (2= article). — Correspondance : Londres. —
Nouvelles et annonces.
£1IIIL£ PSUDENT.
Ce grand artiste fut un de ceux qui ne disparaissent pas tout en-
tiers, et dont la perle ne s'efface ni ne s'oublie par la vertu du mot
banal sur les champs de bataille : serres les rangs! Non, Emile
Prudent s'était fait, hors de la foule, une large place, et tous ses tra-
vaux, tous ses efforts ne tendaient qu'à l'agrandir. Son ambition, son
rêve était d'être proclamé chef de l'école du piano en France ; il
touchait à son but lorsqu'on moins de deux jours la mort l'a enlevé !
Il était né à Angoulôme le 3 février 1817. Une vague incertitude
règne sur la famille dont il sortait, et à cet égard deux versions se
présentent. L'une est empruntée à la louchante et spirituelle chroni-
que tracée par un de ses meilleurs amis, M. Albéric Second (1) ;
l'autre, c'est un de nos collaborateurs, M. Arthur Pougin, qui nous la
fournit d'après des renseignements intimes. Selon M. Albéric Second,
« un voile romanesque et mystérieux couvre sa naissance. Un matin,
les habitants de la rue de Genève aperçurent dans la modeste bou-
tique d'un accordeur de pianos, qui faisait un petit commerce de
musique, un enfant âgé de quelques semaines et beau comme l'A-
mour. D'où venait-il? C'est ce qu'on n'a jamais su. Le père et la
mère adoptifs de l'enfant gardèrent sur ce chapitre un silence absolu
qui ne s'est point démenti. Son extrême gentillesse, l'exquise dis-
tinction de ses formes délicates, eussent suffi à prouver qu'il n'était
pas le fils du vieil accordeur de pianos, alors même que celui-ci eût
essayé de donner le change à l'opinion publique, mais je répète qu'il
né l'essaya même pas. »
« La maison où je suis né deux mois plus tard , ajoute l'ingénieux
chroniqueur, n'est séparée de celle du père de Prudent que par la
largeur de la rue de Genève ; autant dire qu'elles se donnent la main.
Nous ne tardâmes pas à suivre l'exemple que nous montraient les toits
(1) Voir l'Univers illustré, 4 juin.
pointus de nos habitations respectives, et durant dix années je n'a;
pas souvenir d'un seul jeudi ou d'un seul dimanche que nous ayons
passes l'un sans l'autre. »
Maintenant, si les informations de M. Arthur Pougin sont exactes,
Emile Prudent s'appelait réellement Racine Gaultier. « Son père, ac-
cordeur de pianos à Angoulême, connaissait un peu le mécanisme
de cet instrument et fut son premier maître. Pressentant les heureuses
dispositions de son fils, il vint, vers 1827, s'établir à Paris, afin de
lui faire donner une bonne éducation musicale. »
Notre collaborateur continue en ces termes : « Ce fut, je crois, peu
de temps après leur arrivée à Paris, que des dissentiments s'étant
élevés entre le père et la mère du jeune Emile, les deux époux se
séparèrent. Tandis que sa mère devenait, à la suite de cette sépara-
tion, femme de charge ou de confiance dans une famille qui habitait
le faubourg Poissonnière, l'enfant resta auprès de son père, et jamais
dévouement plus attentif, jamais sollicitude plus inquiète n'avaient
été consacrés à veiller sur un fils chéri. Emile avait été reçu au
Conservatoire, où il suivait assidûment la classe de Zimmerman. Vers
1830, il vint avec son père demeurer dans la maison située n" 10 , rue
Beauregard, près du boulevard Bonne-Nouvelle, maison rebâtie depuis
quelques années, mais fameuse à une autre époque sous le nom de
maison des Trois-Pigeons. Le père n'était pas riche, et malgré tout
l'amour qu'il portait à son fils, il ne pouvait lui mettre beaucoup
d'argent dans la poche. D'ailleurs, il ne voulait pas lui donner des
goûts de dépense, que peut-être il n'eût pu satisfaire plus tard. Ce-
lait l'enfant qui d'ordinaire faisait les emplettes du ménage. Une
marchande du quartier, qui l'avait pris en affection, et qui était des-
tinée à lui survivre, lui inspirant confiance, il se hasarda un jour à lui
emprunter une somme bien petite. La marchande la lui prêta, mais
elle jugea à propos d'avertir le père, pour savoir ce qu'elle devrait
faire en cas de récidive. — Prêtez-lui jusqu'à concurrence de telle
somme, répondit le père, et lorsqu'il ne se trouvera pas en état
de vous la rendre, je la lui donnerai sans lui dire pourquoi et lui
fournirai ainsi le moyen de vous rembourser. Voilà comment ce père
aimait son fils et quelle influence il dut exercer sur sa destinée, »
En consultant les registres du Conservatoire, nous voyons qu'E-
mile Prudent remporta le second prix de piano en 1831, et le pre-
mier en 1833. L'année suivante il obtint le second prix d'harmonie
et accompagnement pratique. « Lorsque nous nous revîmes à la fin
de 1834, dit encore M. Albéric Second, le vieil accordeur était mort
depuis deux ans du choléra, et le lauréat du Conservatoire vivotait
du produit de quelques leçons. » Il faisait du métier, en atten-
dant qu'il lui fût permis de faire de l'art, et souvent môme,
178
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
rhiver, il jouait des contredanses. Tourmenté du besoin de se produire
d'une autre façon et de soumettre son talent à un auditoire sé-
rieux, il donna un concert qui, malgré les encouragements et l'as-
sistance de quelques bons amis, se résuma en une note de frais
à payer. « C'est alors, poursuit le chroniqueur, qu'Emile Pru-
dent conçut et exécuta une résolution singulièrement courageuse.
Il rompit du soir au lendemain avec la vie parisienne, avec les aven-
tures (joli garçon comme il était, on doit penser qu'elles ne lui fai-
saient pas faute), et il retourna à Angoulême, où il se livra au travail
avec une telle ardeur qu'il fut menacé d'une paralysie des deux
avant-bras. Un habile médecin du pays, qui l'aimait beaucoup, le
docteur Brun, l'envoya chaque jour pendant un mois à l'abattoir, où
il trempait ses bras jusqu'au coude dans le sang fumant des bœufs,
et ce traitement rendit bientôt à ses poignets affaiblis toute leur sou-
plesse et toute leur énergie. C'est pendant son séjour à Angoulême
qu'Emile Prudent épousa celle qui est aujourd'hui sa veuve désolée,
après avoir été la compagne chérie, l'amie intelligente et le vaillant
camarade de toute son existence d'homme et d'artiste. Fortifié par
un travsil assidu, par l'étude approfondie des maîtres, Emile Pru-
dent dit adieu à ses compatriotes et se fixa à Nantes, où, dès l'abord,
ses leçons furent très-recherchées. » De Nantes il se rendit bientôt
à Paris, où le temps était venu pour lui de prendre sa place comme
virtuose et comme compositeur. Tout le monde sait avec quelle au-
torité imposante, mais à la fois modeste, il sut s'y installer. L'avé-
nement de Thalberg avait été l'affaire d'un seul jour : si celui
d'Emile Prudent fut moins rapide, il ne fut pas moins assuré.
En examinant quelques productions du maître français, nous écri-
vions il y a plus de dix années (1) : « Dans ses fantaisies sur Lucie,
sur les Huguenots, sur Norma, dans ses Souvenirs de Beethoven,
il employa surtout le procédé dont Thalberg était l'inventeur. Il
s'empara de l'arpège avec une vigueur et une puissance au-delà des-
quelles il n'y avait plus rien : il posa les colonnes d'Hercule de ce
moyen d'effet, et c'était un honneur qui en valait bien un autre. En
même temps, il s'essayait dans des morceaux originaux, comme
r Hirondelle, la Ronde de nuit, l'étude en la bémol, et montrait de
bonne heure qu'il avait en lui-même assez de ressources pour ne pas
bâtir éternellement sur le terrain d'autriii. Ce que nous signalons en
la première époque d'Emile Prudent, ce dont nous lui savons gré,
c'est qu'il commença par faire ce qui se faisait, aussi bien qu'on le
faisait, souvent mieux, et que de la sorte il conquit le droit de faire
autre chose. S'il changea, s'il modifia, ce fut par conviction et non
par impuissance. Loin d'insulter aux succès de ses devanciers, il dé-
buta en leur rendant un plein et sincère hommage. Après quoi, il
comprit qu'on devait passer à d'autres combinaisons, à d'autres effets,
et il écrivit le Concerto symphonique , l'œuvre la plus élevée, la
plus large qui soit jusqu'ici sortie de sa plume. Le Concerto sympho-
nique, dans lequel le rôle de piano acquiert une telle importance qu'il
rivalise avec celui de l'orchestre, marque la seconde époque des tra-
vaux d'Emile Prudent, et tout près de ce concerto, au même niveau,
quoique de caractère bien divers, se groupent les délicieux morceaux
intitulés : les Bois, les Champs, l'Allégretto pastoral, qui servent de
transition à une troisième époque. L'auteur du Concerto symphonique,
descendu des hauteurs de cette œuvre capitale, s'est livré à l'inspira-
tion du paysage musical, et cette inspiration se retrouve encore plus
hardie, plus brillante, plus ravissante que jamais dans ses deux der-
nières compositions, la Danse des Fées et la Villanelle. n Depuis dix
ans, celte liste s'est enrichie d'œuvres nombreuses, parmi lesquelles
nous citerons seulement le Chant du ruisseau, Folie, la Chanson à
boire, les Naïades, le Chant d'Ariel, la Prairie, ses Eludes-lieder,
ses romances sans paroles, et enfin ses Trois Mves.
Tel fut en résumé l'emploi de cette existence d'artiste si laborieuse,
(1) Voir Revue et Gazette musicale, 1852, n' 45.
et qui ne dévia Jamais du droit chemin. Emile Prudent eut cela
de particulier, de distinctif, qu'il ne voulut être et ne fut qu'un
artiste. Jamais il ne se laissa distraire de son idée fixe qui con-
sistait à élever l'art français aussi haut que possible, et à s'en poser
lui-même comme le chef. Cette idée, qui l'occupa sans cesse, il l'a-
vait presque entièrement réalisée, et il était, sans contredit, le pia-
niste français le plus capable de soutenir le parallèle avec les grands
pianistes étrangers. Personne ne représentait mieux que lui l'école
qu'il avait, sinon créée, du moins rehaussée, anoblie.
Comme professeur, Emile Prudent possédait toutes les qualités qui
rendent les leçons utiles et fécondes ; il a formé une multitude d'é-
lèves éminents, et, Vannée dernière, lorsqu'une place devint vacante
au Conservatoire, Emile Prudent fut désigné par M. Auber pour
l'occuper. Il ne fut pas nommé pourtant ; mais il n'en est pas moins
juste de déposer sur sa tombe, avec ses décorations diverses, tout
l'honneur qu'il obtint dans cette circonstance et qui lui était acquis
à tant de titres.
Emile Prudent était un des hommes les meilleurs que l'on puisse
rencontrer ; il avait l'esprit vif, prompt à la riposte , la parole brève
et saccadée; sa bouche était railleuse, son œil clair et perçant, et
lorsque, par un mouvement qui lui était familier, il rejetait en arrière
ses beaux et abondants cheveux noirs, il découvrait un front large et
pur, dans lequel se devinait facilement sa rare intelligence.
Paul SMITH.
LA miISIQUE ET U DANSE
A li'EXPOSilTIOIV DES BEAUX -ABTS.
(Premier article.)
Le salon de cotte année a beaucoup emprunté à la musique et à
la danse, et la danse et la musique lui ont beaucoup rendu. Je ne
veux pas dire par là que des concerts de voix et d'instruments ré-
sonnent sous les coupoles du palais de l'Industrie, et que des grou-
pes de danseuses exécutent un ballet de circonstance dans le jardin
improvisé de l'exposition de sculpture, — le programme officiel ne
comporte pas encore ces raffinements attiques ; — mais je ne crois
pas que les précédentes expositions aient vu se produire autant
d'œuvres aux sujets empruntés à l'art musical, et surtout d'œuvres
aussi heureuses de style et d'exécution, et qui tiennent certainement
le premier rang parmi celles dont la critique spéciale a pour mis-
sion de s'occuper aujourd'hui.
Nous ne sommes pas cette critique. La ligne, le dessin, la cou-
leur, les guerres d'écoles, les discussions d'ateliers n'ont. Dieu merci!
rien à faire dans les colonnes de cette revue. Je n'ai pas davantage
la prétention de rattacher, par le parallèle et l'antithèse, la peinture
à la musique, et de démontrer, avec M. de Lamartine, « que la
peinture est la musique des yeux, de même que la musique est la
peinture des oreilles ! » Non. Mais, tout en laissant de côté ces sub-
tilités et ces quintessences, derniers échos du petit salon bleu d'Ar-
thénice; tout en se gardant bien de mettre en doute le mérite des
statues et des toiles admises par le jury, n'y aurait-il pas un certain
intérêt, aujourd'hui surtout qu'en matière d'art chacun tire à soi
et va aux moindres choses, à jeter un coup d'œil sur l'ensemble des
travaux exposés qui rentrent dans le domaine de la musique, et qui
la mettent en scène dans ses allégories, dans sa légende, dans sa
philosophie et dans son histoire? Serait-il tout à fait inopportun de
suivre la trace de son influence et de son action sur les arts graphi-
ques, dans une exposition qui doit être la manifestation la plus com-
plète de ces arts mêmes, puisque, chaque année, ainsi que le disait,
en 1861, M. le comte Walewski : « Tous les États, toutes les cités
DE PARIS.
179
lui envoient leurs peintres, leurs statuaires, comme à un concours
général, puisque marbres et tableaux viennent de tous les continents
se grouper dans ce sanctuaire, où le goût s'épure au contact du beau,
et qui est un des plus justes sujets d'orgueil de la France. » Les
« États, les cités et les continents » ont envoyé cette année au Salon
force soldats, force bacchantes, écuries et intérieurs rustiques; en
revanche, sur deux mille et quelques ouvrages reçus, plus de trois
cents — tableaux, portraits, bustes, statues, pastels, gravures ou li-
thographies — reproduisent des scènes musicales, ou des traits d'ar-
tistes et de musiciens. C'est une compensation très-estimable et très-
estimée; car on m'accordera bien que, quelle que soit, du reste, la va-
leur artistique de l'œuvre, tout le monde ne professe pas un culte
exclusif pour les batailles, les nymphes peu vêtues, les poulaillers et
les fermes normandes ou autres, qui n'ont, les unes et les autres, que
le moindre défaut de se ressembler toutes.
Or, s'il est vrai que l'exposition en général, celle de 1863 comme
celle de 1861, soit un « sanctuaire, » et la haute sanction de M. le
ministre d'État ne nous permet pas d'en douter, la musique ne doit-
elle pas être fort honorée de se trouver, par tant d' œuvres qu'elle a
inspirées, en si auguste compagnie ? Les musiciens n'ont-ils pas tout
à gagner à aller retremper leur vigueur et leur génie dans ce temple
où « le goût s'épure au contact du beau? »
Le nombre des œuvres relatives à la musique, au théâtre et à la
danse s'élèverait plus haut que je ne l'ai dit, s'il fallait tenir compte
des scènes que la musique accompagne et dont les instruments
constituent les accessoires et le décor. Combats antiques et combats
modernes ont leurs tympanons, leurs buccins, leurs tambours et leurs
trompettes. Clairons et tambours à Sébaslopol, à Solférino, en Syrie,
en Cochinchine , en Chine , en Algérie, au M^exique. Sans repos ni
trêve, et d'un bout du monde à l'autre, l'exposition fait sonner la
charge et la victoire aux instruments de la rue Saint-Georges. Puis,
s'avancent, musiques en tête, les cérémonies religieuses, les proces-
sions, les baptêmes, les mariages, les funérailles, les pèlerinages, les
mille cortèges de fête ou de deuil. Musiques encore sous les tonnelles
italiennes, sous les tendido espagnols, sous les tilleuls allemands,
sous lesverandah de la Havane, sous la tente des bachi-bousoucks et
sous la hutte du sauvage ! Musiques dans les bacchanales antiques et
dans les caravansérails ! Musique et musiciens partout à l'exposition !
Et je ne parle ni des panneaux décoratifs et des épisodes de chasse
qu'anime la bruyante fanfare des trompes, ni des intérieurs et des
natures mortes , où la lumière , savamment distribuée , allonge son
sillon étincelant sur le palissandre et l'ivoire des pianos , rebondit
sur les hautes contre-basses , et s'accroche , en vives bluettes, aux
pavillons des cors.
C'est aux portraits d'artistes que nous demanderons de nous faire
les honneurs du Salon. Le jury a été hospitalier pour eux. Ils atti-
rent tous les regards ; ils font au visiteur bon visage et bon accueil.
Il en est que l'on salue comme d'anciens amis, que l'on a vus hier,
que l'on verra demain : Monrose, par exemple, peint par M. Pichon ;
Gustave Nadaud ; Arnal et Ravel, deux eaux-fortes spirituellement
traitées. Il en est qui réveillent les souvenirs heureux, autour des-
quels semble éclater le bruit des applaudissements et des triomphes,
et que la pensée interroge avec persistance , comme si elle devait
retrouver sous les traits, sous le masque, le secret du génie ou du
talent : M. Auber, belle miniature de Mlle Elvire Leroy ; Adelina
Palti , buste aux contours ravissants, finement modelé par M. Le-
quesne ; Mme Viardot, drapée à l'antique, la tête attentive et frémis-
sante, marbre d'une grande tournure de M. Aimé Millet, l'auteur de
cette Jeunesse en fleur du tombeau d'Henry Murger ; Mme Victoria
Lafoniaine; Mlle Vernon, dans le rôle de Fenella, de la Muette,
portrait de Dubufe un peu idéalisé, mais d'une merveilleuse richesse
de coloris ; MM. Balanqué, Sarasate , Mlle ./., des Bouffes-Pari-
siens, etc. Il en est, enfin, devant lesquels on s'incline avec émotion.
Halévy revit dans deux portraits de MM. Roller (n" 1619) etCilestin
Nanteuil (1383). Le premier est d'une pose familière et sans apparat;
le second, d'une vérité et d'une ressemblance saisissantes. Halévy,
vêtu de noir, le cordon de la Légion d'honneur au cou, les bras
croisés, se tient debout devant un piano, La tête se détache en vi-
gueur sur de sombres draperies. Oui, ce sont bien là les traits creusés
par le travail de la pensée, le regard profond, l'expression mélanco-
lique et réfléchie, le port et l'attitude habituelles du grand artiste,
dont une plume éloquente et sincèrement émue a dit, dans ces co-
lonnes, la carrière laborieuse et la gloire douloureusement achetée !
Ce portrait est, sans contredit, l'un des plus beaux de l'exposition.
Il impressionne et il attache vivement.
La statuaire, la peinture et le dessin allégoriques s'unùssent au
Salon pour traduire les poétiques et rtiultiples incarnations de la mu-
sique. Héroïque, elle plane, le front cerclé d'étoiles, les ailes d'or
éployées, éclairées de reflets d'apothéose, au milieu des génies et des
muses, dans un plafond destiné au ministère d'Etat. Funèbre, elle
s'appuie sur l'élégie et pleure les splendeurs disparues- Populaire,
sous l'image de la chanson, elle voile sa lyre brisée et enlace, gé-
missante, le buste de Béranger. Légendaire, elle passe, escortée de
ses créations fantastiques, dans deux magnifiques gravures : Beetho-
ven et la Dernière pensée de Weber.E\\& chante l'amour avec la Sapho
de M. Picou. Elle célèbre les louanges de Dieu, avec une Sainte Cé-
cile de Mignard, dont M. Jourdain a reproduit la grâce exquise et
souriante. Je rappellerai encore, d'après le livret, les statues allégo-
riques de la Musique, de la Danse, d'Hamlet, du Drame, qui ornent
la façade des théâtres de la place du Châtelet, et le Soapin de Mol/ère,
de 1\I. Doublenard, — qu'attend le théâtre de la Gaîté, — barette et
cheveux au vent, lèvre sardonique, moustaches en croc, œil clignot-
tant et faux, cachant dans les plis de sa cape rayée un bâton, auxi-
liaire violent de quelque fourberie nouvelle.
Si de l'allégorie nous passons à la peinture historique, que de
pages de l'histoire musicale de tous les âges ne rencontrons-nous
pas ! Orphée, d'abord, le civilisateur des temps antiques, grand par
son double génie de législateur et de poëte, plus grand encore par la
pureté de sa vie et la constance de son amotir ; Orphée, tel que l'a
immortalisé ce vers des Géorgiques, dont la langueur imitative résiste
à notre langue, et qui a trouvé dans le tableau de M. François une
traduction fidèle :
« Te, dulcis conjux ....
Te, veniente die, te, decedete, canebat. »
Puis, Orphée mis à mort par les Bacchantes; et si la critique peut
s'exercer sur les tons heurtés de cette grande toile de M. Bin, il lui
faut rendre hommage à son mouvement et à son caractère tragique.
Aux bords de l'Hèbre, sur les marches du portique d'un temple de
Bacchus, Orphée, couvert de sang, est renversé. Ivres, échevelées,
furieuses, les flancs ceints de peaux de léopard, les bacchantes l'en-
tourent; l'une, armée d'une faucille, s'apprête à lui lacérer le cœur;
l'autre va le percer de sa fourche ; une troisième brandit sur sa tête
une torche sanglante. Le poëte expire, et les rochers de l'Hémus, et
les profondeurs de la forêt de Pangée, qui se profilent dans la per-
spective, redisent les cris de ses farouches ennemies.
Le Vocero en Corse, de M. Guillaume, appartient au même ordre
de scènes musicales dramatiques. Un homme a été tué dans les ma-
quis par une vendetta sauvage. On le rapporte dans sa maison ; on
l'étend sur une table. Les femmes accroupies s'arrachent les cheveux,
se frappent la poitrine, exhalent leur douleur par des gémissements
prolongés. Les hommes sont à l'écart, impassibles et silencieux. La
voceratrice s'approche du cadavre, se penche vers lui et entonne le
vocero, chant lugubre et monotone, dont les strophes entrecoupées de
sanglots sont presque chucliotées à l'oreille du mort. Puis, la mé-
lopée s'élève; elle grandit sur un rhythme précipité; elle éclate enfin,
180
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
sonore et vibrante, an moment où les hommes prononcent le ser-
ment de la vengeance.
Plus loin, M. de Pinelli nous ouvre la cabane d'un bûcheron, où
s'est réfugié Knox, persécuté par Marie Suarl. Le proscrit est tombé
en léthargie ; les soldats qui le traquent, approchent ; il va périr ;
mais les sons du pibrock le raniment, et il échappe ainsi, grâce à la
musique, au ressentiment de la protectrice du musicien David Rizzio.
M. de Pinelli a également exposé un Palesirina jouant de l'orgue en-
touré de ses élèves. On a comparé Palesirina à Raphaël ; puisqu'il
s'agit ici de musique et de peinture , je crois qu'il serait plus judi-
cieux de le rapprocher d'Ange de Fiesole, si ces comparaisons d'ar-
tistes différents n'étaient pas toujours défectueuses.
Nous nous rapprochons de l'époque actuelle avec Beethoven chez
des paysans, quelques jours avant de mourir. L'autsur de la Sympho-
nie pastorale est assis devant un clavecin de village, de ces clavecins
à touches noires que l'on rencontre encore en Allemagne et dans nos
vieilles provinces. Un jour d'automne , que tamisent des vitraux
cerclés de plomb, éclaire son front pâli par les premières atteintes
de la mort, ses yeux brillants de fièvre, ses traits amaigris, ses
maias osseuses et crispées. Il joue ; un reflet fugitif d'inspiration
passe sur ses lèvres blêmies. Il joue, et l'aïeule, dans son grand
fauteuil, et le père attristé, et les enfants entrelacés dans la vigne-
vierge de la fenêtre, écoutent, pensifs et recueillis. Scène simple et
touchante! De cette toile se dégage un parfum pénétrant de poésie,
et longtemps, et malgré soi l'on songe à ce puissant génie des temps
modernes qui avait fait tonner, mugir, chanter et rêver les orches-
tres, confiant à la voix chevrotante et cassée d'un pauvre vieil ins-
trunient, au milieu de braves gens, les plaintes dernières de sa lente
agonie, plaintes qu'il ne peut entendre et que le vent emporte!
Beethoven eut la doctrine des Michel-Ange et des Poussin, doctrine
austère et difficile, qui élève et perfectionne l'âme en vieillissant. La
peinture lui devait bien cet hommage.
Je citerai encore parmi les sujets un épisode d'histoire musicale :
Horace à Tibur, chantant sur la lyre à sept cordes les charmes et
l'amour d'une Laïs romaine ; Vue du théâtre d'Hérode, où se donnaient
les concerts à Athènes ; Vadé à la halle en mi ; Rouget de l'Isle
composant la Marseillaise, tableaux que la gravure a rendus popu-
laires, et deux piquants fac-similé de Gavarni : Ne lui parlez pas
des artistes a ce bourgeois puritain ; A'e lui parles pas des bour-
geois a cet artiste hérissé !
Em. Mathied de monter.
{La fin prochainement . )
HiYDN ET LES PBIRCES D'ESTERHâZY.
(2= article) (1).
Pour apprécier les difficultés qui pouvaient embarrasser Haydn dans
ses relations avec les princes ses protecteurs et avec les artistes de
l'orchestre qu'il dirigeait, il suffira de se rappeler le triste rôle que
jouait Mozart à la cour de l'archevêque de Salzbourg, et les conflits
qui de temps à autre ont troublé la vie de Haendel et de Beethoven.
On sait que ces natures énergiques se trouvaient parfois aux prises
avec les cabales et les intrigues qui ne sont que trop fréquentes
dans le monde artistique. Deux circonstances heureuses ont puis-
samment aidé notre compositeur à triompher de tous les obstacles.
Par l'éclat de sa renommée, il devenait pour les princes d'Esterhazy
presque tout aussi indispensable que ses Mécènes l'étaient pour lui-
même. D'un autre côté, parmi les artistes qui lui étaient subordonnés,
l'envie et la cabale devaient se sentir désarmées devant un homme
qui, malgré sa réputaiion européenne, était, comme chef et directeur,
(1) Voir le n" 5.
un parfait symbole de modestie et d'humanité. 11 conduisait l'orches •
tre avec un calme imperturbable et sans le moindre bruit ; même
dans les passages les plus compliqués de ses compositions, lorsque ar-
rivait un solo pour un instrument quelconque, il se bornait à diriger,'
par-dessus d'énormes lunettes, un regard encourageant vers le so-
liste, comme pour lui dire : « C'est votre tour, cher Monsieur, de
nous faire honneur, à vous et à moi. »
Le maître avait d'ailleurs tout lieu d'être content d'une chapelle
comme le prince Nicolas en avait formé une, en appelant à lui des
instrumentistes de tous les pays. Cependant il y avait dans le Cru-
ci fixus d'une de ses messes des arpèges d'orgue, et, dans une autre,
un, solo de timbale, qui n'étaient jamais exécutés à sa complète salis-
faction. Aussi, lorsque les passages se présentaient, il grimpait en
tonte hâte à l'orgue pour les jouer lui-même. Ce qui le mettait
hors de lui, c'était l'outrecuidance des cantatrices ou des virtuoses
qui, de leur propre chef, se permettaient d'enjoliver ses compositions;
mais, en ce cas même, il se bornait à rappeler l'artiste à l'ordre par
un persiflage sans aigreur. Eu général, cette ironie pleine de bon-
homie était la seule arme dont il se servît en face de prétentions
ridicules. Un jour que Jean Fuchs, deuxième maître de chapelle et
élève de Haydn, exaltait outre mesure les prétendues beautés d'une
messe qu'il venait d'écrire , Haydn, que cette jactance impatientait,
s'écria en riant : « Fuchs, Fuchs, je vois bien que tu vas éclipser le
vieux Haydn; il faudra que je me remette de nouveau à étudier! »
Ce Fuchs n'en était pas moins un des artistes peu nombreux avec
lequel Haydn se fût lié ; bizarrerie qu'on s'explique assez difficile-
ment. C'était un homme loyal, mais sa conversation était aussi en-
nuyeuse que ses ouvrages. Haydn aimait aussi la société de son frère^
Jem, ténor que par sa protection il avait fait entrer dans la cha-
pelle qu'il dirigeait. Dans un ancien couvent de franciscains , que le
prince Nicolas avait converti en hôtel, et où logeaient, à ses frais,
Beethoven, Salieri, Kreulzer, Gyrowetz, Vogler, etc., lorsqu'ils ve-
naient à Eisensladt, on montre encore la pièce où Joseph se réunis-
sait avec son frère Jean et son ami Fuchs, pour y boire un verre de
vin rouge, qu'il aimait beaucoup. Frère Jean était un gai compa-
gnon, qui faisait la cour à toutes les jeunes demoiselles, lesquelles se
moquaient de lui, et chantait de joyeuses chansons à boire.
Mais ce que Haydn aimait avant tout, c'était la promenade, l'aspect
de la nature. Il était heureux de composer en plein air. Au jardin
de Lichlenlhal, près d'Eisenstadt, on conserve encore le pavillon en
bois où Haydn a souvent et beaucoup écrit. Voici comment il com-
posait : d'abord il jetait sur des feuillets détachés des projets qu'il
avait plus ou moins achevés dans sa tête, et ce n'est que quand
l'œuvre tout entière était vivante dans sa pensée qu'il en écrivait;
la partition ; aussi trouve-t-on peu de ratures dans ses ouvrages. Du
reste, cette rapidité de conception et de production, que l'on ad-
mire chez Mozart et Schubert, lui faisait complètement défaut; il
travaillait lentement, comme il l'avouait lui-même: il lui fallait un moiS'
pour achever une symphonie, et trois mois pour une messe. Le don
de l'improvisation, que Mozart et Beethoven possédaient à un si haut
degré, lui manquait également.
J'en viens maintenante une qualité essentielle et d'une haute im-
portance pour l'appréciation de quelques-unes des œuvres du maî-
tre, systématiquement méconnu dans ces derniers temps, j'en viens
à sa piété, qui a dû être aussi fervente que pure et sincère ; tous les
témoignages, écrits ou donnés de vive voix, que j'ai pu recueillir,
s'accordent sur ce point. Ce n'était point le déisme, c'était la foi po-
sitive. Ainsi que son frère à Salzbourg, il était catholique convaincu :
la messe et les sacrements étaient pour lui un besoin spirituel. Lorsque
pendant la composition, la source des idées musicales commençait à
tarir, il prenait un chapelet, se promenait quelque temps de long en
large dans l'appartement, et l'inspiration revenait. A l'époque où
Haydn écrivait la Création, il se mettait à genoux tous les matins
DR PABIS.
181
et priait Dieu de lui donner la force d'achever son œuvre. Chaque
fois qu'il avait terminé une messe — à l'exception d'une seule, il les
a écrites dans sa vieillesse — il était ivre de joie et versait parfois
des larmes à l'idée qu'il avait de nouveau achevé une œuvre pour la
glorification du Créateur.
Celte crainte de Dieu était un des éléments constitutifs de sa na-
ture morale dès sa jeunesse. Un de ses autographes, daté de 1769,
que l'on conserve aux archives musicales d'Eisenstadt, porte déjà la
suscription : In nomine Domini, par laquelle le pieux compositeur
commençait toutes ses œuvres de quelque étendue. Un fait qui
prouve que chez lui la foi était exempte de bigoterie, c'pst que, par
son testament, il a légué la somme nécessaire pour trente messes de
requiem, et 1,000 florins pour les pauvres.
Le docteur L.
Une dame de Varsovie amateur, Mme Thecla Badarzewska, a pu-
blié, il y a quelques années, quatre morceaux pour le piano qui ont
pour titres :.1° La Prière d'une vierge; 2° Douce rêverie; 3° Sou-
venirs de ma chaumière; k" Mazurka.
La première de ces compositions a eu surtout un grand retentisse-
ment; les éditeurs G. Brandus et S. Dufour acquirent la propriété
des quatre par acte signé de Mme Badarzewska.
Bientôt après elle mourut sans laisser aucune autre œuvre de sa
composition, ce qui résulte de renseignements certains pris auprès
de sa famille.
Cependant une maison de Londres, voulant exploiter le nom et la
réputation de Mme Thecla Badarzewska, n'a pas craint de publier sous
ce nom plusieurs mélodies pour le piano, et entre autres une soi-disant
réponse à la Prière d'une vierge, complètement apocryphes, et dont
cette maison a même rétrocédé la propriété pour la France et la Bel-
gique à des éditeurs de Paris et de Bruxelles.
Dans l'intérêt de la mémoire de Mme Badarzewska et dans le leur,
comme seuls éditeurs de ses œuvres, MM. G. Brandus et S. Dufour
doivent protester et mettre leurs confrères aussi bien que le public
en garde contre cette indélicate spéculation.
Ils affirment donc, — et ils portent à la maison anglaise qui s'en est
rendue coupable le défi de justifier du contraire, — qu'en dehors des
quatre compositions ci-dessus mentionnées, toutes celles qui ont
paru ou qui paraîtront sous le nom de Mme Thecla Badarzewska sont
l'œuvre d'un inconnu payé pour ce métier.
CORRESPONDANCE.
Londres, 5 juin.
Les deux Patti continuent de charmer la cour et la ville, de remplir
le théâtre et le concert; mais les esprits chagrins qui voudraient à
tout prix établir une comparaison entre les deux sœurs perdraient leur
peine. Ce sont deux étoiles brillant d'un vif éclat toutes les deux, sans
que les rayons de l'une obscurcissent la clarté de l'autre. A l'une le
domaine des cancerts, à l'autre le royaume du théâtre. On admire Car-
lotta Patti, dont la voix accomplit des merveilles, et on l'applaudit à
l'égal des plus grands virtuoses, comme on applaudit le violon de Joa-
chim ou le piano d'Arabella Goddard. Quant à Adelina Patti, qui a re-
trouvé au théâtre de Covent-Garden l'enthousiasme qui l'y avait ac-
cueillie les années précédentes, celle-ci est comédienne comme
Mlle Mars; elle joue l'opéra de genre comme Mme Faure-Lefèbvre le
jouait, mais elle est encore, — le vrai peut quelquefois n'être pas vrai-
semblable, — elle est tragédienne comme liachel. C'est dans le
Trovatore que la jeune artiste vient de révéler cette face nouvelle de
son talent. Le Trovatore, il faut l'avouer, commençait à s'user terrible-
ment; cependant, à la seule annonce que la Patti chanterait le rôle de
Leonora, toutes les places étaient enlevées bien avant le jour de la re-
présentation; et, cette fois, ce n'étaient pas ses admirateurs qui
poussaient aux prix les plus élevés l'enchère des billets. « Beaucoup
de personnes, » dit le plus spirituel de mes confrères de la presse ari-
glaise, « beaucoup de personnes arrivaient dans la salle avec ce senti-
ment qui animait les habitués du cirque Van Amburgh; elles arrivaient
avec l'espoir d'assister au spectacle émouvant do la petite chanteuse
dévorée par la musique de Verdi. » — 11 n'en a rien été, et la petite
chanteuse, loin d'être croquée, a si complètement maîtrisé le monstre
que cela lui a valu un de ses plus éclatants triomphes. » — «Elle mène
ceux qui la suivent ; ceux qui ne la suivent pas, elle les entraîne. »
Il était tout naturel de penser, et tout le monde s'y attendait, que
Mlle Patli dirait parfaitement la partie purement chantante de son rôle;-
on s'étonnait pourtant que la musique du Trovatore ne parût pas lui
occasionner la moindre fatigue; mais personne n'était préparé à l'effet
extraordinaire, irrésistible, que son jeu dramatique a produit sur l'au-
ditoire tout entier.
Les différents morceaux qu'elle chante dans les trois premiers actes
ont été rendus avec cette fidélité et ce fini artistique qu'on est habitué
à admirer dans chaque phra-^e de Mlle Patti. Mais c'est dans le quatrième
acte qu'elle a pu manifester aussi plus amp'ement sa puissance dra-
matique. Dans le Miserere, la vigueur inattendue, le naturel et le jeu
imprévu de l'artiste tenaient en haleine la salle entière. Quand la
voix de Manrico se fait entendre une première fois, la nouvelle Leo-
nora s'approche de la tour ei se presse contre le mur comme si elle
voulait en forcer l'entrée malgré les obstacles, et lorsque, épuisée par
ses vains efforts, elle s'écrie, Sento mancarmi, elle tombe comme fou-
droyée et ne se relève que lentement, comme si le chant de mort qui
se fait entendre de nouveau la rappelait à la réalité. Dans le duo avec
le comte de Luna qui suit, Mlle Patti trouve encore un effet inattendu
en disant tout bas la phrase, M'avrai. ma fredda, esanime spogli, ce
qui produit un contraste saisissant avec le serment qu'elle vient de
prononcer: Lo giuro a Dio che l'anima tutta mi vedc, passage qu'elle dé-
clame avec une passion extraordinaire. C'est dans la dernière scène
toutefois que le talent tragique de l'artiste s'est révélé de la manière la
plus frappante. Lorsqu'elle tombe aux pieds de Manrico, l'expression
du désespoir le plus profond empreinte sur sa figure, dans son atti-
tude et jusque dans les pUs de sa robe, serait une étude digne d'un sta-
tuaire.
Mario , électrisé par sa partenaire , était admirablement en voix ce
soir-là, et Graziani, avec son air 11 Balen, a provoqué le bis, qui ne lui
fait jamais défaut lorsqu'il chante ce morceau. Une demoiselle Lustani ,
inconnue jusqu'alors, s'était chargée du rôle d'Azucena. Elle ne mérite
que des éloges si l'on considère qu'elle le chantait presque à l'impro-
viste, à la place de Mme Didiée. Ayant chanté la veille, obligée de chan-
ter le lendemain, Mme Didiée doit céder quelques-uns des rôles nom-
breux qui lui sont échus cette année; car M. Gye, n'ayant point, au
grand regret de ses abonnés, renouvelé l'engagement de Mme Csillag,
l'emploi et le répertoire que les deux artistes se partageaient jusqu'ici
sont échus cette année à Mme Didiée seule. Mais Mme Didiée n'est point
femme à s'effrayer des difficultés; elle sait d'ailleurs qu'elle est l'en-
fant gâtée de la maison, qu'elle peut chanter à Covent-Garden tout ce
qu'elle veut, et même un peu comme elle le veut, sûre de toujours
plaire et de réussir. C'est elle encore qui, par son entrain, a sauvé, la
semaine dernière, la représentation de Maria, gravement compromise
par une Mlle Demi. Aujourd'hui c'est Mlle Fioretti qui a repris le rôle
d'Enrichetta , et le charmant ouvrage de Flotovv a retrouvé tout son
ancien et légitime succès.
C'est encore grâce à Mme Didiée que nous avons pu assister lundi à
la reprise du Prophète, dans lequel le rôle de Fidès a pour interprète
cette inappréciable artiste, qui sait s'identifier avec tous les genres.
Tamberlick est splendide dans Jean do Leyde ; il rend notamment au
magnifique finale du troisième acte tout son éclat par la manière vi-
goureuse et entraînante avec laquelle il entonne le chant grandiose et
inspiré de IRoi du ciel. Il n'est pas moins remarquable dans la scène de
l'église et dans tout le cinquième acte. Le chef-d'œuvre de Meyerbeer
sera répété lundi prochain et ne quittera plus la scène de Covent-Gar-
den jusqu'à la fin de la saison.
Au théâtre de Hcr Majesty, Mlle Artot continue ses représentations
avec le talent et le succès auxquels la Revue musicale a si complète-
ment rendu justice. Si elle ne voulait pas quelquefois trop faire, la
critique n'aurait absolument rien à reprocher à cette jeune et inteUi-
genie artiste, qui a remporté hier soir encore un nouveau et très-grand
succès dans la Traviata. Après avoir obtenu l'honneur du bis dans
l'air ; Force à lui, elle a dit avec la plus touchante expression le grand
duo avec Germon et surtout la phrase poignante : Dite allô giovanne si
bellae pura. Enfin, dans la dernière scène de l'opéra, des acclamations
et des trépignements formidables ont redemanlé le fameux duo: Parigi
0 cara, dit par Mlle Artot avec Giuglini , qui a retrouvé ses anciens
triomphes dans le rôle d'Alfredo. — Une représentation des Huguenots,
excellente sous beaucoup de rapports, défectueuse sous d'autres, a été
donnée mardi avec une nouvelle basse, M. Fricca, dans le rôle de Mar-
cel. M. Fricca a des qualités très-estimables, mais il ne possède point
encore un talent assez transcendant pour paraître à côté de Mlle Titjens,
de Mlle Trebelli, de Giuglini et de Santley. Il serait superflu de répéter
182
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
combien Mlle Tifjens est imposante dans le magnifique rôle de Valentine,
et il serait impossible de donner une idée de la façon dont les accents
irrésistibles de cette puissance vocale s'emparent du public dans l'im-
mortel duo du quatrième acte. Avec Mme Trebelli-Bottini, le rôle du
page devient un rôle principal, et c'est à elle qu'est échu le seul encore;
de la soirée dans le rondo du deuxième acte, composé par Meyerbeer
exprès pour Londres. — A Covent-Carden, on attend pour une digne
reprise du chef-d'œuvre de Meyerbeer, l'arrivée d'Obin et de Mlle Lucca.
Demain, Mlle Patti abordera encore un rôle nouveau : celui de Ninetta
de la Gazza ladra, qu'elle chantera avec Faure et Mme Didiée. — Dans
l'intervalle de leur service, Tamberlick et Mmes Fioretti et Mlle Battu,
ont été à Liverpool remplir un engagement contracté par M. Gye avec
la Société philharmonique pour un grand concert. Tamberlick a chanté
l'air de / Lombard!, et avec Mlle Battu le duo de Guillaume Tell.
Mme Fioretti a dit l'air de la Traviaia et la romance de la rose de
Maria; Jllle Battu, le boléro de Don Pasquale et les variations de la Ccne-
rentola, qui ont été bissées ; un très-chaleureux accueil a été fait aux trois
célèbres artistes. — Thalberg a donné deux séances musicales, le 25 et
le 31 mai, dans la salle de Hanover-square. L'élite de l'aristocratie et
du monde élégant y assistait, et le succès du grand pianiste-compositeur
n'a eu rien à envier à celui qu'il avait obtenu l'an dernier. — Salvi,
l'imprésario de Vienne, est ici pour recruter sa troupe. Il a déjà engagé
Mme Barbot et Mlle Artot, MM. Everardi et Zucchini, et il est en pour-
parlers avec Mme Volpini, M.M. Graziani, Angelini, Mongini et Aldighieri.
B. S.
KODVELLES.
»*,t Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi et vendredi le Comte
Ory, dans lequel Warot obtient de jour en jour plus de succès, et mer-
credi la Muette, qui attire toujours beaucoup de monde. — Pour demain
lundi, les Huguenots sont annoncés.
,,** La reprise des Vêpres siciliennes, opéra, dans lequel Villaret doit
continuer ses débuts, aura vraisemblablement lieu vers le «IS juin.
„*^ Le théâtre de l'Opéra-Comique a donné hier la reprise de Zampa,
avec un grand succès. A dimanche le compte rendu.
/» Le théâtre Italien possédera Mlle Adelina Patti pendant la saison pro-
chaine. M. Bagier vient d'engager la jeune et célèbre cantatrice pour
trois mois qui commenceront le 1" novembre. Elle recevra 3,000 francs
par représentation.
»** M. Berlioz vient de lire aux artistes du théâtre Lyrique son opéra
des Troyens. L'ouvrage est en cinq actes avec un prologue. Mme Char-
ton-Demeur est engagée pour jouer le rôle de Didon.
*■** Nous avons parlé dans le temps du projet formé spontanément
par les membres du cercle de l'Union artistique, dit cercle du Mirliton,
de se donner la représentation d'un opéra, et nous avons dit com-
ment le sort avait désigné pour en composer la musique, neuf des ar-
tistes musiciens faisant partie de la société : MM. Auber, Jules Cohen,
J. Coste, Léo Delibes, A. Granger, Membrée, comte d'Osmont, Pillaut,
prince Poniatowski. Ce projet s'est réalisé, et c'est Mlle Augustine
Brohan, qui sous ce titre: Il était une fois un roi, a fourni aux com-
positeurs que nous venons de nommer, le sujet du libretto à mettre en
musique. La représentation a eu lieu jeudi dernier, et nous en parlerons
prochainement.
»** Le théâtre du Chalet des Iles, au bois de Boulogne, entièrement
restauré, vient de faire sa réouverture par un vaudeville, Jocrisse mé-
decin, et deux pièces pour le célèbre mime Deburau, Blanc-partout ,
ballet pantomime ; Pierrot coiffeur, pantomime, et divers intermèdes.
*% A la messe qui a eu lieu dimanche à la chapelle des Tuileries, et
qui a précédé le départ de Leurs Majestés pour Fontainebleau, quatre
beaux morceaux de M. Auber, un Kyrie, le Gloria, VAgnus Dei et le Salu-
taris ont été exécutés. Mlle Marie Sax a chanté le dernier, et sa belle
voix a été fort remarquée. Pour la troisième fois, Mlle Sax était appe-
lée à la chapelle impériale.
*** Ainsi que nous l'avons annoncé, c'est aujourd'hui dimanche, à
2 heures, qu'a lieu, au Cirque Napoléon, la séance solennelle de l'or-
phéon, sous la direction de M. François Bazin. On y entendra plusieurs
chœurs généraux : Adieu pour se revoir, de Mendelssohn ; la chanson du
chevrier du Val d'Andorre et la sérénade do la Reine de Chypre, d'Ha-
lévy ; la marche des Ruines d'Athènes, de Beethoven, et un Ave Maria
du xvi° siècle. Les principaux chœurs à quatre voix d'hommes seront :
la Lyre et l'Epée, de Weber; la marche A'idoménée; de Mozart; En
chasse, d'Asthotz ; le Vin des Gaulois, de Ch. Gounod, et les Vendan-
geurs du Rhin, de François Bazin.
*** Le premier concerto de Baillot a été choisi pour morceau de
concours de la classe de violon aux prochains examecs du Conserva-
toire. Cette œuvre, dont l'édition était épuisée, vient de paraître chez
MM. G. Brandus et S. Dufour, qui préparent également la publication
des autres concertos de Baillot, dont ils sont propriétaires.
/» Des concours de composition musicale viennent d'être ouverts
par le journal l'Orphéon. L'espace nous manque aujourd'hui pour en re-
produire entièrement le programme. Disons seulement que le premier
concours a pour but la composition d'un chœur à quatre voix d'hom-
mes avec accompagnement de saxhorns contralto et basse, de saxo-
trombas alto et baryton, et que le second concours a pour objet un
chant sans paroles pour la voix avec accompagnement de piano.
**„ Sivori, à peine remis de ses fatigues au concert Morena, partait
pour Beauvais, où l'appelait la Société chorale de cette ville pour pren-
dre part à son concert annuel. Comme partout, Sivori a été le héros de
la fête, et c'est une véritable ovation qui lui a été faite. Le chant était
représenté à ce concert par Mlle Lagye et M. Lederac, lauréats du Con-
servatoire de Paris.
*** Malgré la présence de Tamberlick, le concert donné au profit de
l'œuvre de Notre-Dame-des-Arts, s'est soldé par un déficit. En apprenant
ce résultat, Mlle Figeac, sociétaire de la Comédie Française, a envoyé
1,000 francs à Mme la supérieure de l'œuvre.
a,** Mme Madeleine Graever se trouve en ce moment à "Wiesbade.
La célèbre pianiste y est engagée pour un grand concert qui doit avoir
lieu au commencement du mois prochain.
**s Depuis les représentations du Pays de Cocagne au théâtre
Lyrique, interrompues par la clôture de la saison et par le changement
de direction, Mme Sebaut, née Pauline Thys, a composé les paroles et
la musique d'un opéra-comique en trois actes. Ces jours derniers, dans
une soirée particulière, Mme Sebaut, dont l'organisation artistique est
privilégiée, a exécuté, c'est-à-dire a déclamé et chanté, sur le piano,
en s'accompagnant tout cet opéra, avec un succès enthousiaste et du
meilleur augure pour celui qu'il doit obtenir à la scène.
*** Les bans de Mlle Sasse, dite Marie Sax, avec M. Castan, dit Cas-
telmary, artiste lyrique de Marseille, sont affichés à la mairie du neu-
vième arrondissement, rue Drouot.
»*» On annonce que le privilège du théâtre San Carlo de Naples vient
d'être accordé à M. Alfredo Prestreau, qui l'a exploité déjà il y a
quelques années.
,s** M. Wieniawski, premier violon des théâtres impériaux de Saint
Pétersbourg, est en congé. U s'est fait entendre dernièrement à Utrecht
au concert des étudiants, et il y a joué avec un immense succès plu-
sieurs morceaux nouveaux de sa composition.
s.** L'éditeur G. Guidi, à Florence, qui a fait des éditions si soignées
en petit format des partitions pour orchestre des Huguenots et de Guillaume
Tell, va faire paraître incessamment dans le même format, le premier
opéra mis en musique: Eunjdice, paroles d'Ottavio Rinucoini, musique
de Jacopo Péri, représenté en l'année 1 600.
»*» Dans le courant de l'été prochain il y aura en Allemagne douze
grands festivals de chant. Dans le nombre nous remarquons celui de
Brunswick, 13 et 15 juillet, auquel les sociétés chantantes de soixante
villes se proposent de participer ; celui de Franconie (Augsboiirg), i",
3 août, avec deux mille sept cent cinquante-cinq chanteurs ; la pre-
mière fête de chant du Rhin, 6 et 7 septembre, à Aix-la-Chapelle, avec
concours international de chant, auquel sont invitées les associations
lyriques de l'Allemagne et de tous les pays de l'Europe. Enfin il y aura
une magnifique fête musicale à Munich, les l^', 2 et 3 octobre : on y
entendra Joachim et Stockhausen, et peut-être Mme Clara Schumann.
»*„ La Société de Sainte-Cécile, de Bordeaux, avait mis au concours,
pour l'année 1863, une grande ouverture de concert. Voici les résultats
de ce concours : 1" prix, M. Camille Saint-Saëas, organiste do la Ma-
deleine, à Paris, pour son ouverture de Spartacus. — 2"° prix, M. Bou-
leau-Peidy, maître de chapelle à Saumur. — l" mention honorable,
M. Samuel David, premier grand prix de l'Institut, à Paris.— Z"" mention
honorable, M. Anschutz, <à Paris-Passy. — S"" mention honorable, M. An-
thony Barré (élève de M. Reber), à Paris.
^*, Mlle Wertheimber donne à Alger des représentations dans les-
quelles son talent est vivement apprécié. A plusieurs reprises, le maré-
chal, duc de Malakoff, gouverneur de l'Algérie, qui assistait aux deux
premières, a donné le signal des applaudissements et de l'envoi des bou-
quets adressés à la jeune et célèbre cantatrice. Malheureusement les
recettes ne répondent pas à ce succès, et la direction n'est pas récom-
pensée de son zèle et de ses efforts à satisfaire le public. j
»*,, Le piani.ste Perrelli est en ce moment à Malaga, où son premier '
concert a obtenu un immense succès. La salle était comble, et il faisait
à lui seul le.s frais de cette soirée musicale. Entre autres morceaux il
a exécuté la sonate en ut dièse mineur, de Beethoven, et le rondo capric-
cioso de Mendelssohn, qui ont été aussi chaleureusement applaudis que
HE PARIS.
183
le reste du programme. Le succès de ce concert a yalu à M. Per-
relli un très-brillant engagement de la Société du Lycée, qui l'a prié de
donner une audition exclusivement pour les membres de cette société.
L'éminent pianiste est attendu successivement à Grenade et à Baden-
Baden, où l'appellent plusieurs engagements.
^** Un Alléluia pour voix de basse vient de paraître chez l'éditeur
E. Girod, boulevard Montmartre, 16. Cette œuvre de Ferdinand La-
vainr.e est dédiée à M. Ambroise Thomas. Elle se recommande par le
succès d'un Noël du même auteur, qui est digne de figurer parmi les
plus belles conppositions de ce genre.
**:,. Les trois ou quatre journées de chaleur que nous avons eues cette
semaine ont attiré au concert des Champs-Elysées une foule immense ;
toutes les chaises étaient de bonne heure envahies, et bien des per-
sonnes ont dû se livrer à une promenade forcée. Comme les années
précédentes, les familles aristocratiques adoptent certaines places et y
font cercle. Une rangée de laquais en grande livrée, auxquels on a mé-
nagé un espace et des sièges â l'entrée du jardin, et une multitude de
brillants équipages témoignent d'ailleurs de la qualité des visiteurs, qui
ont pris en affection le concert des Champs-Elysées. Cette vogue est
d'ailleurs justifiée par l'excellente musique qu'on y exécute sous la di-
rection d'Arban, lequel travaille avec zèle et talent à varier son réper-
toire. C'est là seulement en effet qu'on peut entendre les belles fantai-
sies sur les grandes œuvres de Meyerbeer, les Marches aux flambeaux
de l'illustre auteur des Huguenots, les ouvertures des plus célèbres opé-
ras et les nouvelles compositions de danse qu'a inspirées au vaillant
chef d'orchestre le dernier grand succès d'Offenbach, les Bavards,
Slradella et bientôt la Ronde du Brésilien, délicieuse polka, dont la
chanson de MM. Lud. Halévy et H. Melhac dans la pièce de ce nom,
devenue déjà populaire, a fourni les motifs.
4** Au Pré Catelan, Musard voit grandir chaque dimanche le succès
de ses concerts de jour. — C'est dans ce splendide salon d'été de Paris
que les riches équipages viennent se ranger, et que la bonne société
se réunit. Le Pré Catelan est aussi le paradis des enfants et le rendez-
vous des élégances de la capitale.
^*» La musique de danse composée sur des thèmes des Bavards,
d'Offenbach, obtient le succès le plus éclatant. Le quadrille d'Arban et
la valse de Musard, fréquemment applaudis aux concerts des Champs-
Elysées et du Pré-Catelan, ne plaisent pas moins aux amateurs que le
galop de Strauss, la polka de Marx, la polka-mazurka de Michel et le
schottisch do C. Merz; tous ces morceaux ont promptement acquis une
grande vogue et se trouvent sur tous les pianos.
^*i On lit dans le Journal de Rouen : « M. Alain Chartier, marquis de
Loraille, vient de mourir dans notre ville. En lui, dit-on, finit l'antique
nom d'Alain Chartier auquel il tenait beaucoup. Il chercha, comme
compositeur, à porter dans la musique ce qu'avait mis dans la poésie
celui qui , très-laid, fut, on le raconte, embrassé dans son sommeil par
Marguerite d'Ecosse, pour les belles choses qu'il avait dites. »
^*, On annonce la mort du grand chambellan, M. de Koenneritz,
ancien directeur général de la chapelle royale et du théâtre de la
cour à Dresde. Il était âgé de soixante et treize ans.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
»*^ Rouen, 31 mai. — Une fête artistique vraiment b'elle, tou-
chante et neuve, vient d'être célébrée dans la nouvelle église de
Sotteville par la Société académique de musique sacrée de Paris. C'est
du reste un témoignage non équivoque des progrès de cette Société dont
M.Charles Vervoitte estlechef. Alui revient l'honneur d'un pèlerinage mu-
sical qui a rencontré tant de sympathie dans la Société rouennaise. Les
voix des deux phalanges n'ont pas tardé à se réunir pour exécuter
dignement un magnifique programme dans lequel on remarquait un
fragment du Stabai mater d'Haydn, un Tantum trgo de Bortniansky, le
trio de la Création, les Vendanges d'Orlando de Lassus, un fragment
d'Oratorio de Haendel, un autre de Mendelssohn, un duo de Marcello,
et plusieurs autres morceaux excellents de Palestrina, de Carissimi,
de Jomelli, de Lully et d'Ayblaynger. L'air juif, arangé par Marcello avec
accompagnement de violoncelle, est une mélodie empreinte d'origina-
lité et d'un caractère très-élevé. M. Marochetti l'a parfaitement chanté,
et M. Jules Vervoitte en a joué l'accompagnement sur le violoncelle
avec infiniment de goût et de manière à se faire vivement applaudir.
Un fragment de Judas Machabée terminait ce concert au milieu des
applaudissements unanimes. Les divers solos avaient été chantés par
MM. Bussine, Hayet et Coulon. On a aussi remarqué la pureté, la jus-
tesse et le timbre sympathique de la voix d'un enfant, le jeune Stocker,
soprano solo à Saint-Roch. C'est un beau spécimen de l'enseignement
professé à la maîtrise de M. Charles Vervoitte. L'orchestre, composé des
artistes de Rouen, auxquels étaient venus se joindre plusieurs instru-
mentistes parisiens, a parfaitement fonctionné, -et dans un excellent
ensemble, avec les chœurs, sous la direction vraiment magistrale de
M. Charles Vervoitte. L'orgue était tenu par M. Saint -Saens, et
M, Poisot a également bien joué la partie d'accompagnement sur le
piano.
,1,*^ Marseille. — Mme Cabel vient de nous faire ses adieux, et sa der-
nière soirée a été pour elle un nouveau triomphe qui nous la ramènera
certainement dans la saison prochaine. Après son départ le théâtre a fait sa
clôture par une représentation composée des fragments de divers opéras
dans lesquels ont paru les artistes les plus aimés de notre public,
M. et Mme iMeillet, M. et Mme Dumestre, Morère et Hoitzem. Les applau-
dissements leur ont été prodigués, et les bouquets et les couronnes
n'ont pas été épargnés.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
,t*,j Berlin. — Le théâtre de l'opéra de la cour restera fermé du
20 juin au 31 juillet. On annonce les débuts prochains de Mlle Spohr
dans le rôle d'Alice, de Robert le Diable.
j*^ Dresde. — La reprise de Zampa est un véritable événement. Il y a
vingt ans, le chef-d'œuvre d'Hérold avait la vogue, et il ne tardera pas à
reprendre sa place parmi les opéras les plus estimés du public. Tichats-
chek a merveilleusement chanté le principal rôle.
^f"» Dusseldorf. — Le second jour du festival, nous avons entendu
l'Ode à sainte Cécile, de Haendel ; l'exécution en a été vraiment admi-
rable. Jnles Stockhausen et Jenny Lind ont chanté les solos : Jenny Lind
avait retrouvé l'inspiration, la puissance d'expression de ses plus beaux
jours. Les deux virtuoses ont été également applaudis dans les frag-
ments de la Création qui ont été exécutés ensuite.
^*,i, Vienne. — Eeck vient d'obtenir un véritable triomphe dans l'E-
tnile du Nord, de Meyerbeer (rôle de Péters). — On écrit de Londres
que Mmes Trébelli, Patti et le ténor Giuglini sont décidément engagés
pour la prochaine saison italienne que la société Merelli doit inaugurer
dès le 15 janvier 1864.
»*:f Rome. — Fr. Liszt vient de fonder ici une académie sous le titre
de : Rinascimento délia musica sacra e profana. Cet établissement a ob-
tenu tout d'abord les sympathies du public. Dans la dernière soirée, ont
été exécutés plusieurs morceaux de musique religieuse des maîtres ita-
liens et allemands, ainsi que deux compositions de Liszt.
^*^ New-York, 23 mai. — La symphonie d'Hector Berlioz, Harold, a
été fort bien exécutée dans le concert donné à Irving-Hall, par M. Théo-
dore Thomas. Malgré le petit nombre de répétitions , cette œuvre si
originale a pu être comprise, et l'effet général ena été très-remarquable.
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liéon Durocher. — La Musique et la Danse à l'Exposition des beaux-arts
(2' et dernier article), par llatliiea de Uonter. — Paolo Giorza, par
Arthur Pongin. — De la poésie lyrique (1" article), par J.-B. Rongé.
— Concours d'orphéon, de musique d'harmonie et de fanfares, à Valence, par
Em. llatbîcn de Monter. — Nécrologie: Jules Lovy, par A. Elwart.
— Nouvelles et annonces.
THEATRE IBIPÉRIAI DE L'OPÉRi- COMIQUE.
Reprise de Xamj^a.
Voilà trente deux ans que cette belle partition a été offerte pour
la première fois au public parisien. L'Opéra-Comique occupait alors
la salle Ventadour, récemment construite, et n'y faisait pas ses af-
faires. On s'en prenait à l'édifice, mal placé, disait-on, et -dont les
abords étaient tristes. Ils étaient bien plus gais pourtant que ceux
de l'ancienne salle Feydeau, où l'on ne pouvait pénétrer qu'en tra-
versant une sorte de caverne malpropre, humide, boueuse, noire
comme une cave pendant le jour, et éclairée la nuit par deux ou
trois quinquets, qui répandaient plus de fumée que de lumière. Le
public ne cherche qu'à s'amuser, et prend son plaisir où il le trouve.
Sous Louis XV il l'allait chercher à la foire Saint-Germain, dans une
baraque, ou près des halles, dans un bouge qui est aujourd'hui la
Halle aux cuirs. L'éclatante prospérité du théâtre Italien sous l'ad-
ministration de M. Vatel a prouvé que le discrédit de l'Opéra-Comi-
que, en 183';, avait d'autres causes que son logement. Mais ce dis-
crédit était très-réel, et ni l'immense mérite de Zampa, ni le talent
qu'y déployait Chollet, ni la magnifique voix de Mme Casimir n'y
purent attirer la foule.
Le poëme , à cette époque , avait beaucoup plus d'importance
qu'aujourd'hui, et, bien que Zampa eût pour auteur un homme d'un
esprit distingué et d'un talent incontestable, cet ouvrage, succédant
à la Fiancée, à Léocadie, à Fra Diavolo, perdait trop à la co.mparai-
son. Les teintes sombres y prédominaient. Le troisième acte surtout.
avec son dénoûment renouvelé de Don Giovanni, paraissait lugubre
Cela était trop loin des habitudes que Scribe avait fait contracter au
public. On regrettait cette touche légère qui faisait sentir les situa-
tions sans jes approfondir, cet esprit ingénieux et fin , qui savait
égayer les sujets les plus noirs, et mettre partout de l'élégance et de
la grâce. Nous serions bien heureux, à présent, si l'on nous donnait
souvent des livrets tels que Zampa: mais la génération d'il y a trente
ans, accoutumée à des mets plus fins, avait le goût plus difficile, et
le pauvre Hérold s'en aperçut. Il n'obtint, malgré tout le talent qu
brille dans sa partition, qu'un succès d'estime.
Peut-être était-il, de son côté, pour quelque chose dans ce ré-
sultat. Il avait pris son sujet fantastique au sérieux comme aurait
pu le faire un compositeur allemand. Il avait agrandi son style, pro-
digué les teintes vigoureuses, les accents énergiques, donné à son,
orchestre un éclat merveilleux. Les amateurs capables d'apprécier
les sévères beautés de l'art sérieux, — ils n'étaient pis très-nombreux
alors, — allaient à l'Opéra, où ils applaudissaient Robert le Diable.
Les habitués de l'Opéra-Comique étaient plus éblouis que charmés
de cet étalage de richesses dont ils ne connaissaient peut-être pas
toute la valeur. Bref, la musique de Zampa fut déclarée savante, et
c'était, à rOpéra-Comique, une assez mauvaise recommandation.
Depuis 1831 on a repris Zam^a plusieurs fois, et, à chaque nou-
velle épreuve , cette belle partition a été mieux jugée. Lundi der-
nier, enfin, elle a gagné une victoire complète. L'intelligence musi-
cale du public, laquelle n'a cessé de progresser depuis trente années,
s'est trouvée enfin au niveau de ce grand style, de ces nobles et
vigoureuses harmonies. Le quatuor du premier acte, le duo de Ca-
mille avec Alphonse, celui de Zampa et de Camille, et les deux fi-
nales ont produit l'effet puissant qu'Hérold avait rêvé, sans doute,
mais que l'infortuné n'a jamais vu. Ce qui avait été mieux compris
dès l'origine, la ballade, l'air de Zampa au second acte, celui du
troisième : Pourquoi trembler, le trio : Parlez bas ! le duo de Rita et
de son coquin de mari, quand ils se retrouvent à l'improviste, ce
morceau si pétillant de verve et d'intentions comiques, n'en ont pas
été pour cela moins vivement applaudis. Aucune beauté n'a passé
inaperçue, aucun trait de génie n'a été méconnu. Nous ne croyons
pas que la mémoire de ce grand artiste, enlevé si jeune à ses glo-
rieux travaux, — il n'avait qu'un an de plus que Kossini, — ait ja-
mais reçu un hommage plus complet, ni mieux senti.
L'administration n'a rien négligé, d'ailleurs, pour amener ce
résultat. La mise en scène est plus que convenable : elle est brillante
et riche. L'exécution chorale est très-soignée, ce qui ne se voit pas
486
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
toujours: celle de l'orchestre est excellente. M. Montaubry n'a pas
l'étendue de voix nécessaire pour chanter textuellement le rôle de
Zampa, écrit pour Chollet. Il y change donc quelques passages, et
nous n'avons pas la moindre envie de lui en faire un reproche. Les
voix ne sont pas comme les instruments, que l'on fabrique sur un
modèle invariable. Tout chanteur doit donc ajuster à ses moyens
personnels — quand il le faut — les rôles qu'on lui confie. Seule-
ment, il est nécessaire que les passages pointés restent dans le style
du morceau, et n'en altèrent point le caractère. Cela demande quelque
peu d'invention mélodique, beaucoup de tact et beaucoup de goût.
Nous n'affirmons pas qu'à ce point de vue les changements opérés
par M. Montaubry soient toujours irréprochables, et nous reconnais-
sons qu'alors même qu'il exécute textuellement ce qui est écrit, il
dénature parfois ou travestit la pensée d'Hérold, dont M. Chollet était
probablement le fidèle interprète On lui voudrait un style plus sé-
rieux, plus ample, une exécution, si l'on peut s'exprimer ainsi, plus
étoffée. N'a-t-on pas le droit de désirer aussi dans son ton, quand il
parle, dans ses allures, dans ses gestes, plus de distinction? Zampa
est un bandit, sans doute, mais un bandit de bonne maison, et on
devrait le voir à ses manières.
Voilà bien des critiques. Il serait injuste de ne pas ajouter immé-
diatement qu'il y a dans le rôle nombre de morceaux ou de passages
que M. Montaubry dit à merveille, notamment la première partie
de son air : Toi dont la grâce séduisante, et qu'on l'a souvent ap-
plaudi avec autant de vivacité que de justice.
Mlle Cico n'a évidemment pas assez de force pour chanter le rôle
de Camille. S'il faut s'en prendre, comme on l'assure, à sa santé al-
térée, nous ne pouvons que la plaindre, en plaignant aussi quelque
peu le compositeur. Elle a du moins, dans certains endroits, de la
grâce et de l'élégance.
Mlle Bélia aurait dû se grimer un peu. Rita n'est plus une jeune
femme. Autrement, elle ne dirait pas que Zampa l'a rendue veuve,
et qu'tà son âge on ne pardonne pas un tour aussi cruel. A la vérité,
Dandolo , le sonneur de cloches , lui fait la cour, et veut
l'épouser : mais c'est un poltron et un imbécile. Il doit être ri-
dicule : il ne le serait pas si Rita était jeune et jolie. M. Sainte-
Foy est fort amusant dans ce rôle du sonneur. M. Potel joue fort
agréablement celui du mari de Rita, et le chante aussi bien qu'il le
joue. 11 a une bonne et belle voix, avec la manière de s'en servir.
M. Capoul est insiiCTisanl dans la romance du premier acte, mais il
a du sentiment et de l'expression dans le duo. En somme, et malgré
quelques imperfections de détail, la reprise de Zampa a fait un plaisir
extrême à tout le monde.
LÉON DUROCHER.
IL mnSIQUE ET LÀ DANSE
A L.'E:XP0SITI0I« des beaux -AUTSi.
(20 et dernier article) (1).
Si l'on ignorait que, de tout temps, peintres et statuaires ont té-
moigné aux instruments de musique une prédilection marquée, le
Salon se chargerait, par d'intéressants spécimens, de l'apprendre aux
moins clairvoyants. La flûte, surtout, est dignement représentée. De
nombreux bergers de beau marbre blanc en jouent dans ces poses
naturelles et gracieuses, dont l'art grec nous offre les modèles, tan-
dis que ronflent les basses des Joueurs de basse Louis XIII, et que
les Joueurs de mandoline du XV I^ siècle s'escriment sur leurs ins-
(1) Voir le n» 23.
truments au long manche. La guitare n'est pas moins bien traitée ;
on peut en étudier les modifications curieuses, depuis la Guitare in-
dienne, de la donation Sauvageot, qui est au musée du Louvre, et
que M. Lièvre a dessinée, jusqu'aux mandorres bombées des
paysans napolitains et aux cjiisla bizarres de la Sérénade devant la
porte d'un kuïd. Voici maintenant les cornemuses : à le;ir tête mar-
che un Joueur de biniou du Finistère., et leur long défilé s'arrête à
ces pâtres siciliens qui, dans la Neuvaine, donnent une sérénade de
musettes à la madone du village. Le Choral de Luther entonné sur
une route d'Alsace, au soir d'un beau dimanche, par les garçons et
les filles de la montagne, met en scène le chant choral. C'est un
chœur que chantent, d'un air de gravité superbe, ces bambins roses
et barbouillés auxquels sourit le Curé à l'école. C'est encore un
chœur que lancent dans l'étendue, alla stesa, comme ils disent, ces
vigoureux Transtévérins, à la mine fière, à la démarche hardie, fai-
sant une marciata nocturne dans les rues de Rome, et troublant les
amoureux réfugiés sous les portiques en ruines. La musique religieuse
et le chant liturgique ont servi de prétextes à des tableaux de
genre oii éclatent le génie de l'observation, la vérité et la puissance
de la couleur, l'esprit , le sourire, l'émotion aussi : les charmants
Enfants de chœur au lutrin, de M. Holfeld; les Sœurs au lutrin, de
M. Bailly; le Lutrin, de M. Legros, etc. Dans leur nombre, je men-
tionnerai tout particulièrement la Répétition avant la tr^esse, un jour
de fête, à Bourqueval (Seine-et-Oise) (ra" '174'!). Pendant qu'on al-
lume les cierges et qu'on avive le feu des encensoirs, le serpent et
les chantres, déjà enluminés par le beau pinceau du marchand de
vin, essayent leur creux, au milieu de la sacristie, et étudient une
dernière fois le « passage difficile » d'un morceau composé pour la
solennité. C'est pris sur le fait et saisi dans le vif. On ne saurait
rien voir de plus malicieusement spirituel !
Bien des tableaux, désignés au catalog-ue sous un titre fantaisiste,
représentent tout simplement de petites scènes musicales familières.
Ainsi, le Roman défendu est lu et relu par une jeune fille, roulant
consciencieusement ses gammes sur un piano, complice du crime.
Après le 6oZ?Deux braves garçons, un arlequin et un scapin, dé-
barrassés des parties gênantes de leur costume, exécutent rinfor-
sando, au petit jour d'un matin de mercredi des Cendres, un duo
martiale de violoncelle et de violon. Le bureau les réclame à neuf
heures. S'endormir serait périlleux, et pour tuer le temps, ils font
un peu de musique. Leur en voulez-vous ? Mais les voisins goûteront-
ils cette séance extraordinaire de musique classique?
Ils ont aussi leur place à l'Exposition, et ce n'est ni la -moins artis-
tique, ni la moins bien remplie, ces pifferari, ces zingari, ces bo-
hémiens, chanteurs de complaintes et musiciens ambulants , ces no-
mades aux pieds légers, prompts à la maraude, qui ont spiritualisé
la patrie au point de l'emporter avec eux, enfermée dans une escar-
celle, qui passent, indifférents et cyniques, à travers la propriété
alarmée, et qui savent, au signal du danger, décamper brusquement,
reprendre la grande route et bientôt s'effacer.
Comme un essain chantant d'histrions en voyage,
Dont le groupe décroît derrière le coteau.
La peinture se complaît à la poésie mystérieuse et bigarrée de
leur vie vagabonde ; elle recherche leurs groupes étranges ; elle aime
leurs oripeaux, vrais régals de lumière; elle a, surtout, des coquet-
teries sans pareilles pour les prime donne de ces tribus musicales
errantes, pour ces brunes zingarelles aux yeux de jais , idoles ado-
rées et battues. Elle nous les montre, cette année, donnant leurs
concerts en plein vent, sous la fontaine du Triton, de la place Bar-
herini, à Rome, devant la porte de Tolède, à Séville, aux carrefours
des villages de la Provence , au bord des rivières , à la lisière des
bois. Elle connaît leurs mœurs; elle les suit le long des haies; elle
s'arrête avec eux dans leurs haltes ; elle accorde leurs guitares ; elle
DE PARIS.
187
note leurs refrains ; elle leur témoigne , à tous , sans distinction
de pays, d'instrument ou de race, une égale sollicitude. Elle traite le
Paganini de la GramV Pinte , un artiste inconnu , ancien élève de
Boucher, qui jouait les variations les plus diaboliques du Carnaval de
Venise dans les guinguettes de Charenton, comme Don Guillcrmo
de las Venturas y Toledo, gentilhomme andalous et musicien ambu-
lant par vocation; Chibiados, ménestrel indien; comme Burgalès, le
romancero errant des Castiiles ; le vieux ménétrier de la promenade
de l'Arquebuse à Dijon, comme le Pitre en voyage, comme ce Piffe-
rare, envoi de M. Schnetz , directeur de l'école française à Rome ,
Pifferare donnant à ses enfants une leçon de sufolo. Tout ce monde
échappé d'une nouvelle cour des Miracles instrumentale et vocale,
chante, racle, siffle, sonne, corne, s'agite, va, vient et vit dans plus
de cinquante tableaux traités avec cette netteté qui est le vernis des
maîtres, tableaux mouvementés, gais et pimpants.
A qui s'occuperait de l'étude comparée des danses nationales de
l'Europe, je conseillerais la visite assidue des galeries de l'Exposition.
Toutes les nations comptent des députés à ce congrès chrorégraphi-
que. Si tous ces vaillants « balleurs et ballerines i- abandonnaient la
nuit les cadres et les piédestaux pour se livrer dans le grand salon
carré à leurs ébats favoris*, quels quadrilles et quelles rondes ! Ves-
tris, lui-même, le diou Vestris, n'en rêva jamais de semblables!
Entendez-vous le cliquetis des castagnettes et le bourdonnement des
tambours de basque? Ce sont les gitanas de Grenade, embossées
dans leurs mantilles couleur de feu, cambrant leur taille, piaffant
de leurs petits pieds, et dansant, sous un rayon de soleil, au miheu
d'un cercle de graves muchachos, le provoquant vite, légué par les
Maures à l'Espagne. Aimez vous les bourrées champêtres? vingt-cinq
violoneux, disséminés dans le salon, vont mettre en branle sous vos
yeux les beaux danseurs de toutes les provinces de <c la terre de
France. » La Russie vous sourit-elle ? Regardez, au seuil de cette
chaumière de sapin , ces mougiks, en habits de fête brodés de perles
et de paillettes, enchaînant, avec une roideur tout automatique, les
pas et les figures de la Rouskaîa plaska ; regardez encore ces sol-
dats tartares, le fusil en bandoulière, le sabre au poing, dansant la
lesgMnka caucasienne, le soir, après la bataille, devant les tentes,
à l'heure où les feux du bivouac s'allument dans la plaine. Les baya-
dères vous attirent-elles? M. A. de Molins vous en présentera de fort
avenantes, quoique un peu olivâtres, menant sous un figuier mulli-
pliant de l'île de Java une ronde qui ne me paraît pas concourir
précisément; pour le prix de vertu. Devant ces ardeurs asiatiques,
aspirez-vous aux plaisirs calmes et honnêtes de l'Allemagne ' Offrez
la main à ces accortes westphaliennes de la Kermesse; suivez ce
Dépari pour la danse, de M. Knaus, joyeux défilé de belles filles
rieuses et de grands garçons rougissants ; ou bien encore, pénétrez,
avec M. Jundt, dans ce chalet enfumé du Tyrol, où un soldat roide
et gourmé donne une Leçon de valèe, — dit le livret, — mais je
n'en jurerais pas, à une charmante sujette de S. M. l'empereur d'Au-
triche.
Telle est, en résumé et bien au raccourci, la physionomie musicale
de l'exposition des Beaux-Arts. La musique a porté bonheur, je le
répète, aux artistes qui lui ont emprunté leurs sujets. Elle a donné à
la plupart de ces œuvres le charme qu'elle seule possède, dont elle
livre le secret à ceux qui l'interrogent, et qui fait que l'agrément du
premier jour est aussi l'agrément qui ne périt pas. Quoi d'étonnant
à cela? La musique n'a-t-elle pas, au suprême degré, le sentiment,
le foyer intérieur, le mouvement, l'éclat et la flamme? Ces dons, ce
souffle, lorsqu'ils pénètrent dans les autres branches de l'art, de
l'imagination ou de l'esprit, ne créent-ils pas toujours les belles œu-
vres sans vieillesse? Le salon de 1863 n'aménerait-il que cette con-
clusion, que ce ne serait pas là son moindre mérite. Mais je n'ai pas
voulu tout prouver, n'ayant fait ici, comme le dit Montaigne : « qu'un
amas de fleurs estrangiëres, et n'y ayant fourni du mien, que le filet
à les lier. »
Em. Mathieu DE MONTEH.
PÂOLO GIOBZÂ.
L'administration du théâtre de l'Opéra vient de traiter avec ce
compositeur pour la musique d'un nouveau ballet ; c'est le moment
de faire connaître les titres qui ont valu au jeune maître italien un
honneur que beaucoup de nos musiciens français lui envieront cer-
tainement.
La véritable spécialité de !W. Giorza, de l'autre côté des Alpes,
consiste dans la musique de ballets. 11 en a fait représenter un grand
nombre qui, pour la plupart, ont obtenu beaucoup de succès, tandis
qu'il n'a, si je ne me trompe, écrit la musique que d'un seul opéra,
Corrado, console di Milano, dont le sujet était tiré d'un épisode de
l'histoire lombarde, et qui fut donné à Milan, il y a quelques années,
sans beaucoup de retentissement.
Les deux premières partitions chorégraphiques de M. Giorza sont,
je crois, il Fallo et il Giocatore, représentées sur le théâtre de la
Scala. La musique du Vampire, dont le livret avait été tracé par
M. Giuseppe Rota, collaborateur ordinaire de ce musicien, et qui fut
représenté aussi à la Scala, dans les derniers jours du mois de dé-
cembre 1860, contenait quelques bons morceaux, mais elle était gé-
néralement trop bruyante, et les idées y manquaient, dit-on, de fraî-
cheur. Au mois de janvier 1801, MM. Giorza et Rota donnaient au
théâtre de la Pergola, à Florence, la Capanna dello zio Tom, ballet
tiré du roman de Mme Beecher Stowe, la Case de l'oncle Tom.
« Le meilleur de ce ballet, » disait à cette occasion un critique ita-
lien, « c'est la musique de M. Giorza, élégante, neuve et facile dans
toutes ses parties, quoique peut-être un peu trop bruyante (on voit
que c'est là son péché ordinaire) Dans les moments où l'action
dramatique prend de l'importance, les mélodies de M. Giorza ac-
quièrent une ampleur et un prestige tels qu'on les croirait destinées
à un genre de composition plus élevé et plus important. » Le 2 mars
de la même année, à la Scala, apparition d'un nouveau ballet en
cinq actes, la Contessa d'Egmont, des deux mêmes collaborateurs ;
cette fois la musique n'était point réussie. Quelques mois plus tard
(toujours en 1851), au théâtre Carignan, de Turin, nouvelle produc-
tion chorégraphique de M. Rota, mise en musique cette fois par
M. Giorza et deux autres compositeurs, MM. Madoglio et Sarti, la
Silfide a Pechino. Au mois de janvier 1862, nous retrouvons les deux
fidèles collaborateurs à la Pergola, où ils font représenter il_Conte
di Monte-Cristo , dont la musique était charmante. En décembre de
la même année, M. Giorza donne à la Scala, mais en collaboration
avec un autre danseur, M. Pallerini, Folgore, o l'Anello infernale,
ballet fantastique en six parties, dont la musique de tous les airs de
danse était, paraît-il, pleine d'entrain, de feu et d'originalité, tandis
que celle de la partie mimique de l'ouvrage était froide, peu distin-
guée et imitée de parti pris de celle que de grands maîtres ont
écrite pour des cas analogues. J'allais oublier Nostradamus, ballet
fantastique en cinq actes, dont le livret lui avait été fourni par un de
nos compatriotes, M. Monplaisir, et que M. Giorza donna, au mois
d'avril 1862, à la Scala. Enfin, le 7 janvier de la présente année, i
fit encore représenter, au théâtre Carlo-Felice, de Gênes, un! Amen-
lura dcl Carnevale a Parigi, sur une action du danseur Borri.
M. Giorza est aussi l'auteur de la musique de deux ouvrages du
môme genre, mais j'ignore le lieu et la date de leur représentation.
188
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
L'un, Blanchi e ISeri, était une « action historico-allégoriqiie » en
trois actes et sept tableaux , l'autre était intitulé Rodolfo, et je lis
dans un compte rendu de la première représentation que <> jamais
on n'a entendu de musique de ballet plus gracieuse et mieux appro-
priée à son sujet. »
Rappelons en terminant que M. Giorza vient d'obtenir un nouveau
succès à Londres, au théâtre de Sa Majesté, oïi il a donné le nou-
veau ballet de Farfaletta, dans lequel Mme Ferraris a été vivement
acclamée.
Arthur POUGIN.
DE Ik POÉSE ORIQUE.
(Premier article.)
Le savant direcleur du Conservatoire de Bruxelles a publié der-
nièrement dans les colonnes de ce journal un article qui a causé
une certaine sensation dans le monde musical en France et à l'é-
tranger (1).
M. Fétis arbore franchement le drapeau de la réforme du vers
lyrique, tentée avec tant de bonheur par M. A. Van Hasselt , son
confrère de l'académie de Belgique. Déjà, depuis plusieurs années, il
avait indiqué dans la Revue et Gazette musicale (2) « une partie
inexplorée de la musique, à savoir, la variété des rhythmes et leurs
transformations » ; aujourd'hui , il fait entrevoir les horizons nou-
veaux que les poètes peuvent ouvrir aux compositeurs , en leur of-
frant des vers rhythmes de mille manières différentes, et il donne de
nombreux spécimens où la netteté et la propriété de l'expression, la
délicatesse et le charme de la pensée se trouvent unis à une cadence
poétique absolument semblable à celle de la mélodie.
La Chanson du printemps, qu'il transcrit en entier, a été choisie par
lui, entre les autres pièces de M. A. Van Hasselt, parce que le
rhythme, d'une extrême simplicité, en est plus saisissant.
Arrêtons-nous quelques instants à ce même exemple, afin d'étu-
dier les rapports de la poésie lyrique avec la musique.
LA CHANSON DU PRINTEMPS.
Les fleurs | sont éclo- | ses.
Les fleurs | du printemps. |
Hélas! I mais ses ro- ■ | ses
Ne du- I rent qu'un temps. |
0 ter- I re des hom- | mes.
Où rien | n'est certain, |
Comme el- | les, nous som- | mes
Des fleurs | d'un matin. |
La ro- I se s'effeuil- | le
Sous l'ai I le des vents. |
La tom- i be recueil- | le
Le bruit | des vivants. |
Tout pas- I se, tout chan- | ge.
La nuit | suit le jour. |
Tout meurt, | ô mion an- | ge,
Mais non 1 mon amour. |
On remarquera d'abord que les vers précédents sont divisés en
quatrains, terminés par un sens complet; ensuite que les vers de
cinq syllabes sont coupés en deux parties par des sons pleins sur
lesquels la voix peut faire un appui ou un repos.
Si l'on décompose la plupart de nos mélodies vocales ou instru-
it) 1863, n° 11.
(2) 1852, n° 35 et suivants.
mentales, on verra qu'elles procèdent ordinairement par groupes de
quatre phrases, coupées elles-mêmes en deux ou plusieurs fragments
par des barres de mesure correspondant aux notes accentuées ou
frappées. La constitution rhythmique de la pièce de vers de M. Van
Hasselt est donc la même que celle de nos chants les mieux caden-
cés : les syllabes longues et brèves se succèdent dans un ordre ana-
logue aux temps forts et faibles de la musique. Si l'on en doute,
qu'on essaye de chanter la gracieuse mélodie de VEclair :
La ri— che natu— re. . .
en y adaptant la Chanson du printemps .
Les fleurs — sont éclo— ses...
On ne tardera pas à s'apercevoir que ces dernières paroles s'ap-
pliquent bien plus exactement sur la musique d'Halévy que celles
qui s'y trouvent : les deux temps forts de la mesure à six-huit tom-
beront toujours d'aplomb sur les deux syllabes accentuées de chaque
vers, de manière que les trente-deux notes accentuées de la mélo-
die soient mises en rapport avec les trente-deux syllabes accentuées
de la poésie, les notes intermédiaires ou de passage glissant légè-
rement sur des syllabes désaccentuées ou sur des e muets.
Dès que le rhythme musical a pris sa cadence régulière, le com-
positeur doit le subir jusqu'à la fin delà période musicale. Ainsi, ce
vers de l'Eclair :
La ri— che natu — re...
a décidé de cette formule rhythmique
1, 2— 1, 2, 3 —
Tous les vers de cette strophe devaient avoir la même coupe, ou
bien l'inflexible rigidité du rhythme musical allait couper, mettre en
pièces l'œuvre du poète. Les vers suivants, que le génie de la langue
française nous oblige à prononcer :
En ces beaux — climats —
J'ai— me le riva— ge
Et le bois — sauva— ge . . .
sont prosodies forcément par le musicien :
En ces — beaux climats, —
J'aime — le riva— ge
Et le — bois sauva— ge. . .
Et le chanteur se trouvant contraint d'appuyer sur les syllabes
muettes me et le dit : J'aimeu et leu pour donner leur accentuation
véritable aux notes fraj^pées tombant sur ces syllabes faibles.
C'est pourquoi la langue française si claire lorsqu'on la parle, de-
vient souvent confuse, inintelligible même, alors qu'on la chante.
Que les poètes lyriques fournissent aux compositeurs des vers où se
trouvent des accents réguliers, et cet inconvénient grave ne tardera
pas à disparaître.
Les choses les plus simples sont, dit-on, celles qui se présentent
les dernières à l'esprit. En effet, il suffit d'introduire au moins une
césure (1) dans les vers de cinq à dix syllabes pour rendre notre
versification beaucoup plus musicale, les vers de trois et quatre syl-
lables pouvant s'en passer, grâce au retour fréquent du son plein de
la rime, qui leur donne une force rhythmique suffisante. C'est aussi
la raison pour laquelle les vers courts sont préférés aux vers longs
(1) C'est plutôt l'introduction d'un accent r(5gulier par vers que nous devrions
dire; mais nous conservons le mot césure, parce que tout le monde en connaît
le mécanisme. Il y a même une facililé dans l'emploi de cette règle que noua de-
vons signaler : celle qui permet d'élider ou non la syllable muette qui dépasse le
son plein de la césure. Ainsi l'on pourra écrire à volonté :
Rends-nous l'auda — ce et la fierté.
Ou bien :
Rends-nous l'auda — ce, la fierté.
Cette syllabe non élidée comptant dans le second membre du vers.
DE PARIS.
189
par les compositeurs. Si nous préconisons l'emploi de la césure dans
les vers de cinq, de six, do sept, de huit, et même de neuf et de
dix syllabes, c'est afin de couper chacune de ces différentes espèces
de vers en deux parties, pour doubler le nombre de leurs sons ac-
centués. ,
J.-B. RONGÉ.
(La mile prochainement.)
CONCODRS D'ORPHÉONS,
<le mnsiqaes d'iiarmonie et de fanfares, à Valence.
(7 Juin.)
Comme un vaillant compagnon du gaxj sçavoir, l'Orphéon fait son tour
de France, réveillant sur son passage et rendant à la vie musicale, au
goût et à la pratique de l'art, les villes endormies dans leurs glorieux
souvenirs. C'est ainsi qu'il est entré à Valence, dimanche dernier, con-
quérant le Dauphiné au chant clioral populaire, et déployant dans son
cortège les bannières de nombreuses sociétés musicales de la Drôme, du
Ubône, de l'Isère, de Saône-et- Loire et de l'Ardèohe.
Le défilé des sociétés concurrentes a ouvert la fête. La grosse cloche
de la cathédrale l'accompagnait de sa basse profonde. Elle ne pouvait
manquer de jouer son rôle dans ces réjouissances, cette camiiano dont
l'histoire musicale est liée à l'histoire politique du Dauphiné. Avant 1789,
sa voix de bronze rappelait aux liabitants de la ville pour quel mo-
narque ils devaient faire une part dans leurs prières. Quand les dernières
ondes sonores de la lente volée s'étaient perdues au loin, la cloche tin-
tait un nombre de coups égal à celui des chiffres ajoutés au nom du
roi régnant. Elle répétait chaque soir seize tintements, lorsque la hache
qui ensanglanta une page de nos annales fit tomber cette coutume avec
la tète d'un roi.
Les concours ont eu lieu sur la place Championnet et dans la char-
mante salle de spectacle, devant un jury présidé par M. Jules Monestier,
compositeur de musique. L'ensemble des épreuves a été satisfaisant.
Belles voix, sentiment et aptitudes musicales, voilà ce que présente à
la critique les sociétés de cette région de la France, — véritable pépi-
nière du chant clioral, qui emprunte une saveur particulière à l'accent
du patois valencien, dernier écho de l'idiome roman, et duquel on peut
bien dire que c'est une langue qui a éprouvé des malheurs.
Les premiers prix ont été remportés par le Cercle choral lyonnais,
l'Harmonie gauloise de Lyon, la Société chorale de Tain, la musique des
sapeurs-pompiers de Bourg-Saint-Andéol, la musique municipale de Gre-
noble, la Société philharmonique de Givors, et le Cercle Sainte-Cécile
de Montélimar.
Comme les hommes, les sociétés orphéoniques ont leurs amis qui les
aiment, leurs amis qui ne se soucient pas d'elles et leurs amis qui les
détestent. Les concurrents de Valence n'avaient là, paraîtrait-il, que des
amis de la première catégorie, car, — chose rare ! — la décision du jury
a été acceptée comme l'expression même de l'équité. Il est vrai que la
bonne justice ne va pas sans la miséricorde!
Le soir était venu, lorsque les sociétés ont dit adieu à Valence et à
son hospitalité, en chantant plusieurs chœurs d'ensemble au Champ de
Mars. Les éclats des fanfares, les applaudissements, les cris de joie de
la foule répondaient aux chœurs des orphéonistes, et tous ces bruits, et
toutes ces musiques, et toutes ces allégresses semblaient éclairer la nuit
et animer, dans ses majestueuses profondeurs , l'immense perspective
que l'œil embrasse de la place : la plaine de Valence, le cours du Rhône,
les forêts de Crussol , les coteaux de Saint-Péray et les montagnes du
Vivarais.
Les fêtes musicales de Valence ont été organisées, sous le patronage
de M. le marquis de Castellane, préfet de la Drôme — l'amour de la
musique est traditionnel dans cette famille — par une commission di-
rigée par MM. Menet et Lambert, et qui a rempli son mandat avec une
rare courtoisie.
Em. Mathieu DE MONTER.
p. S. — Renard, de l'Opéra, est en ce moment à Valence, où il donne
des représentations fort suivies.
le rédacteur en chef du Ménestrel, le collaborateur du Tintamarre
et dn Journal amusant, Jules Lovy, dont la nomination à^l'emploi de
secrétaire général au théâtre Lyrique avait été bien reçue de tous les
auteurs et compositeurs, est mort le 8 juin dernier, à la suite d'une
cruelle maladie.
Né en 1801, h Furth (Bavière), il était fils d'Israël Lovy, musi-
cien distingué, qui devint maître de cbant à la synagogue de Paris.
11 fit d'excellentes études sous la direction de son père, et commença
par se vouer à l'orgue et la musique sacrée, mais bientôt il
quitta la musique pour la littérature légère. De 1827 à 1863, il
n'a pas cessé d'être journaliste. En 1833, il fonda le journal le
Ménestrel, et, grâce à son caractère aimable et ob'igîant, il lança
dans la carrière une foule de jeunes compositeurs, dont quelques-
uns ont acquis un nom populaire. C'est au Ménestrel que L. Cla-
pisson, Alph. Thys, Ed. Brugnière, Adolphe Adam, et beaucoup d'au-
tres compositeurs, dont les noms nous échappent, ont fait leurs
premières armes.
Aussi modeste qu'il était instruit, Jules Lovy possédait deux qua-
lités qui s'excluent trop souvent : de l'esprit et du cœur. Malgré son
esprit tout français, il ne fut jamais agressif, et sa plume loyale a
été toujours au service de tous les jeunes débutants, littérateurs et
musiciens. Excellent fils, frère tendre, Jules Lovy s'était consacré
au bonheur de sa famille, et ses soins pieux ont contribué puissam-
ment à la mise au jour des compositions musicales hébraïques de son
illustre père.
Les obsèques de notre ami ont eu lieu mercredi, au cimetière du
Nord. Une foule d'artistes et de littérateurs a suivi avec recueillement
le convoi d'un collègue, d'un confrère, et avant tout, d'un ami, digne
des plus vives sympathies. D'après le vœu de la famille, aucun dis-
cours n'a été prononcé sur la tombe. Une prière très-touchante a été
dite par le rabbin, et des pleurs silencieux ont mouillé plus d'une
paupière. Pour notre part, nous n'oublierons jamais que Jules Lovy
nous a constamment donné des preuves de son excellent cœur, et
nous ne saurions trop en adresser nos remercîments à sa mémoire.
A. ELWART.
NECROLOGIE.
aUI/ESi I..OW.
La presse musicale vient d'être frappée en la personne d'un de
ses vétérans, dont la bonne humeur faisait oublier l'âge. Jules Lovy,
NOUVELLES.
/^ Lundi dernier le théâtre impérial de l'Opéra a représenté les Hu-
guenots. La recette s'est élevée à 10,000 francs. La représentation a été
fort belle. M. et Mme Gueymard chantaient les principaux rôles; Belval
rentrait par celui de Marcel; Mme Vandenheuvel-Duprez (Marguerite),
Bonnesseur (Nevers), Castelmary (Saint-Bris) complétaient un admirable
ensemble et l'interprétation a été à. la hauteur du chef-d'œuvre. M. Cas-
telmary, le fiancé de Mlle Sax, tenait avec succès l'emploi de basse à
Marseille ; il est d'une belle prestance et joue avec intelligence et dis-
tinction; sa voix est bien timbrée, puissante et agréable. S'il reste à
l'Opéra, il aura à se défaire de quelques habitudes provinciales, et à
apporter plus de sobriété dans ses gestes. Tel quel, il n'a qu'à se féli-
citer de la tentative qu'il vient de faire, et il a reçu du public un ac-
cueil très-flatteur. — Mercredi le Comte Ory et Giselle; vendredi, la
ihwtte, avaient rempli la salle.
,*^ Les Huguenots seront représentés aujourd'hui.
^*j On annonce la prochaine reprise de l'opéra d'Auber, le Dieu et la
Bayadère.
^*j On répète, pour la continuation des représentations de Mlle Mou-
ravielf, un ballet en un acte, les Saisons, de Saint-Léon, musique de
Pugni, qui sera intercalé dans les Vêpres siciliennes.
^*^ Rien n'est encore décidé pour la subvention de 100,000 fr. qu'il
est question d'accorder au théâtre Lyrique. Quoi qu'il arrive à l'égard d'un
subside si nécessaire et si bien mérité, l'activité et l'énergie de M. Car-
valho ne se ralentissent pas, et il ne néglige rien pour assurer le succès
de sa saison prochaine. Aux vides causés par le départ de Mmes Cabel.
Girard et Amélie Faivre, il oppose provisoirement Mme Charton-Demeur
et Mlle Muret, jeune et jolie élève de Duprez, douée d'une voix fraîche
ot agile. Parmi les hommes une excellente basse, M. Péront, lauréat
190
RKVLE ET GAZETTE MUSICALE
distingué du Conservatoire ; deux barytons, M. Ismaël, très-apprécié en
Belgique, et Liitz ; un ténor, M. Pilo, qui doit à sa belle voix et à une
vocation décidée, sa libération du service militaire, grossiront la troupe.
Quant aux ouvrages qui vont entrer en préparation, les Troijens, de Ber-
lioz, qui auront Mme Charton pour principale interprète dans le rôle de
DIdon, et Mireille, nouvelle partition de Gounod, occuperont le premier
rang. Viendront ensuite trois ouvrages de trois prix de Rome ; un acte
de M. Bartlie, trois actes de M. Bizet et un acte de M. Guiraud; puis
trois actes de M. Boulanger pour Mme Faure-Lefèvre, sans préjudice de
la reprise des Amours du diable et des meilleures pièces du répertoire.
11 serait difficile de désirer un programme plus intéressant et plus
complet.
^*a, Mme Carvalho part la semaine prochaine pour Londres , où elle
est attendue au théâtre de Covent-Carden.
^% On imaginerait difficilement la vogue de la Ronds du Brésilien;
la salle du théâtre du Palais-Hoyal est trop petite pour contenir la foule
qui accourt chaque soir pour l'entendre. Car ce n'est pas seulement que
la musique d'Offenbach est une des plus heureuses inspirations du
maestro, c'est que les paroles sont aussi bouffonnes que spirituelles. —
Arban vient de composer sur la Ronde du Brésilien une polka des mieux
réussies et qu'on entendra la semaine prochaine au concert des Champs-
Elysées. — L'édition de cette polka, pour piano, a paru, en même temps
qu'une édition populaire, sans accompagnement , de la ronde elle-
même.
^*^ Ainsi que nous le disions dans notre dernier numéro, l'opéra-
comique de Mlle Augustine Brohan, Il était une fuis un roi, musiquej de
neuf compositeurs, a été représenté au Cercle de l'Union artistique de-
vant une réunion de dames du grand monde plus ou moins ap-
parentées, selon la consigne, aux membres du Cercle. Au nombre de ces
derniers figuraient MM. le duc de Morny, de Ségur, Ernest André, etc.
L'œuvre a été interprétée par les artistes de divers théâtres. Parmi les
morceaux les plus remarqués et les plus applaudis de la partition, il faut
citer la charmante romance de M. Auber, un chœur de M. Costé, un
joli duo de M. Léo Delibes, un beau finale du prince Poniatowski.
Mlle Amélie Faivre, MM. Crosti et Berthelier ont vaillamment contribué
au succès de l'ouvrage, et rien n'a manqué à l'éclat et à l'agrément de
cette fête qui avait commencé par un beau concert.
,j*,j Plusieurs journaux ont annoncé que le prolongement de la rue
Lafayette donnerait lieu à la fondation d'un second théâtre d'opéra et
ont même cité les noms de deux personnes auxquelles le privilège en
aurait été accordé. Ivous nous croyons en mesure d'affirmer qu'il n'a jus-
qu'à présent été aucunement question de ce projet.
.j,*.j. En quittant Toulouse, Roger s'est rendu à Genève, où il doit don-
ner quelques représentations, après lesquelles le célèbre ténor reviendra
à Paris.
^'t Les recettes des théâtres impériaux subventionnés, des autres
théâtres, concerts, cafés-concerts, etc., se sont élevées pendant le mois
de mai à la somme brute de 1 ,448,912 fr. 61 c.
a,*» Meyerbeer a quitté Berlin pour se rendre aux eaux, comme il le
fait tous les ans.
,*.j, Adelina Patti est engagée pour une série de concerts à Manheim,
Francfort et Wiesbade, où la célèbre cantatrice se fera entendre pen-
dant le mois d'août.
„,** L'Orphéon de Paris (rive gauche) a tenu sa première séance an-
nuelle, dimanche dernier, au cirque Napoléon, sous la direction de M. F.
Bazin. L'exécution du programme, complètement satisfaisante, a fourni
la preuve des progrès obtenus dans l'enseignement général. Deux mor-
ceaux ont été redemandes. M. le préfet de la Seine assistait à cette pre-
mière séance. Comme la seconde aura lieu dimanche prochain , sous
la direction de M. Pasdeloup, nous rendrons compte de l'une et de
l'autre en même temps.
,1,*^ On lit dans la Gazette des étrangers : « M. Roland, ex-régisseur du
théâtre des Délassements, vient d'obtenir le privilège d'un nouveau
théâtre qui s'ouvrira à l'Eldorado, boulevard de Strasbourg. On y jouera
l'opérette et le vaudeville. »
^*.j, Les examens pour l'admission des élèves aux concours de la fin
de l'année ont commencé au Conservatoire impérial de musique. Les
morceaux de concours choisis pour les classes de piano, sont, pour les
jeunes filles, le concerto de Ries en ut dièze mineur, et, pour les jeunes
gens, le finale de la sonate en ut dièze de Beethoven, op. 27. Une dé-
cision, consignée au procès-verbal, a été prise d'un commun accord
parles professeurs de violon et les professeurs de piano; le morceau de
concours choisi par le comité devra être joué par les concurrents,
conformément au texte de l'auteur, et sans y introduire aucun chan-
gement.
^■"j Pasdeloup fera prochainement exécuter, par un très grand nom-
bre de chanteurs et d'instrumentistes, l'oratorio de Mendelssohn : Elle.
„*» Le ministre de l'intérieur, à Turin, vient de nommer une commis-
sion chargée d'examiner la situation des théâtres en Italie, et de lui
faire un rapport sur tout ce qui pourrait contribuer à leur amélioration.
a,** Les journaux anglais signalent le grand concert que doit donner, le
19 juin courant, Georges Pfeiffer, dont les compositions sont très-appré-
ciées à Londres: le jeune et brillant pianiste s'est assuré le concours
d'un excellent orchestre et de plusieurs artistes émineuts, au nombre
desquels on cite Mme Lemmens-Sherrington et le violoncelliste Lebouc,
qui débutera en Angleterre dans cette solennité. Georges Pfeiffer exécu-
tera son deuxième concerto entendu cet hiver à Paris avec un grand
succès ; le programme anglais n'oublie pas, selon l'usage, de faire rer
marquer que M. Lebouc fait partie de la Société des concerts du Con-
servatoire; h Londres, comme partout, c'est un titre d'honneur pour un
artiste français.
„** Léopold Meyer, qui a retrouvé à Paris dans le monde aristocra-
tique un accueil si distingué, se prépare à le quitter pour se rendre en
Suisse.
,j'\., Après avoir passé une semaine à Paris à son retour de Londres,
l'éminent pianiste compositeur Alf. Jaëll est parti pour Ems, Bade,
VViesbaden et Hombourg, où l'appellent de brillants engagements.
4,*,f Un salut solennel sera chanté à Saint-Roch le jeudi 18 juin, à
3 heures 1/2, pour l'œuvre du professorat de la musique vocale et ins-
trumentale. Le solo d'un 0 Salutaris, œuvre inédite de M. Auber,
composé pour la chapelle impériale, sera chanté par Mlle de Taisy,
artiste de l'Académie impériale de musique, avec accompagnement de
chœur d'hommes, par les pensionnaires et les élèves externes du Con-
servatoire; harpe et orgue. Les dames artistes de la chapelle impériale,
élèves du Conservatoire, la maîtrise de Saint-Roch, l'exceUente musique
de la garde de Paris, chef M. Paulus, prêteront le concours de leur ta-
lent à cette œuvre qui éveille partout de profondes sympathies. M. Gh.
Vervoittc, maître de chapelle à Saiiït-Uoch, dirigera l'exécution. Des
lettres d'invitation se trouvent chez tous les éditeurs de musique, gra-
tuitement.
.^*s, Les éditeurs G. Brandus et S. Dufour viennent de faire paraître
une édition facilitée de U Prière d'une Vierge, morceau de salon pour
piano, de Mme Thecla Badarzewska. Cette charmante composition se
trouve ainsi à la portée des élèves même peu avancés.
,i,*.j, Concours de composition musicale ouverts jiar le journal l'Orphéon:
— 1" Un concours est ouvert entre tous les musiciens français et étran-
gers pour la composition d'un chœur inédit à quatre voix d'homme
avec accompagnement de saxhorn contralto en si bémol, saxotromba
alto en mi bémol, saxotromba baryton en s* bémol et saxhorn en si bé-
mol. Ce dernier instrument pourra être doublé à l'octave inférieure par
un saxhorn contre-basse en si bémol. Un jury chargé d'examiner les ma-
nuscrits envoyés et de décerner les récompenses est en partie consti-
tué ; il se compose déjà de : MM. Georges Kastoer, membre de l'Insti-
tut, président ; Ambroise Thomas et Clapisson, membres de l'Institut; le
général Melliuet; Félicien David et Limnander, compositeurs de musi-
que; Elwart et Jonas, professeurs au Conservatoire, et Jules Simon,
secrétaire. Deux prix seront décernés : premier prix, une médaille d'or
de 200 francs; deuxième prix, une médaille d'or de 100 francs. Ces
deux médailles ont été offertes pour ce concours par M. Adolphe Sax.
— 2° Un concours est ouvert entre tous les compositeurs français. L'ob-
jet de ce concours, proposé par M. A. Sax, est un chant sans paroles
pour la voix, avec accompagnement de piano. Le caractère de ce chant
doit être la simplicité, la grandeur, la majesté; il doit, avant tout, être
propre à devenir un chant national. Quant à la forme, elle reste au
choix du compositeur, seulement il est indispensable qu'elle soit moulée
sur celle ou d'un des couplets, ou d'une des stances, ou d'une des
strophes admis dans notre poésie lyrique. Prix unique : une médaille
d'or de 500 francs. Ce prix est offert par IVI. Adolphe Sax. Le jury de
ce concours sera le même que celui du concours annoncé ci-dessus.
Les manuscrits devront être envoyés franco au bureau du journal l'Or-
j>héon, boulevard de Strasbourg, 61 bis, passage du uésir, 2 ; ils seront
reçus jusqu'au 31 décembre 1863 inclusivement. Chaque manuscrit por-
tera une épigraphe reproduite sur un pli cacheté qui l'accompagnera,
et dans lequel se trouveront le nom et l'adresse de l'auteur.
4*,, La chapelle du prince Hohenzollern-llechingen, à Loewenberg,
coûte 30,000 thalers par an ; elle a été formée uniquement dans le but
de donner des concerts. Les artistes ne font de service que pendant six
mois de l'année, et peuvent prendre des engagements ailleurs pour les
six mois restants. Les programmes de ces concerts indiquent toujours
ce qu'il y a de mieux et de plus nouveau en fait de compositions mu-
sicales.
,j*,i, La résurrection du Nain jaune est une heureuse idée et plus
heureusement exécutée encore. Les premiers numéros de ce spirituel
journal ont tout d'abord vivement piqué la curiosité, et les abonnés
sont arrivés par centaines. La variété du programme adopté , les
noms et la qualité des rédacteurs, les mille scènes de la vie parisienne
présentées sous la forme la plus piquante, ne pouvaient manquer de
produire ce résultat, et constituent les éléments d'un succès qui gran-
dira de plus en plus.
DE PARIS.
191
^*j Après avoir fait un assez long séjour à Saint-Pétersbourg et avoir
parcouru tout le nord de l'Europe, la Société chorale du Languedoc doit
arriver prochainement à Paris.
s,*,, Malgré la persistance du mauvais temps, l'attrait qu'offrent les
représentations de Debureau au théâtre du Chalet-des-Iles y attire beau-
coup de monde.
^*^ Dn seul jour lo mauvais temps a forcé Musard à fermer les grilles
du Pré-Catelan; mais si le soleil se montre aujourd'hui, il y aura re-
crudescence de visiteurs pour ce beau jardin et d'auditeurs pour l'ex-
cellente musique que son vaillant orchestre y fait entendre ; la musique
militaire, le théâtre des fleurs concourront aux plaisirs offerts par
Musard à son brillant public.
^■■% Dans la nuit du 9 au 10 juin, vers minuit, quelques heures à
peine après la représentation terminée, le théâtre Treumann, de Vienne,
est devenu ]a proie des flammes. Malgré tous les efforts faits pour maî-
triser l'incendie, le bâtiment, à i heures, n'était plus qu'un monceau
de cendres. Le théâtre Treumann était un théâtre de genre; il était
nouvellement construit; on y représentait des comédies, des vaudevilles,
des petits opéras ; c'est là qu'ont été joués les ouvrages d'Offenbach;
il était très-fréquenté.
i*^ A Wiesbaden vient de mourir le maître de chapelle et violoniste
Ear-Wolf ; c'était un élève distingué de Spohr.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
^*i Bordeaux. — La représentation organisée par MM. Mezeray et
Eloy, au Grand Théâtre, le 2 juin, a été très-brillante. L'ainée des deux
filles de l'habile chef d'orchestre, Mlle Caroline Mezeray, a paru pour
la première fois, dans le second acte de Guillaume Tell, et le succès de
la jeune débutante a été très-remarquable. A peine âgée de dix-huit
ans, Mlle Mezeray possède une charmante voix de soprano et une ai-
sance de comédienne qui a excité une agréable surprise. — Elle a dit
avec beaucoup de sentiment l'air Sombre foret, et son duo avec Dufrène
a enlevé la salle entière. Elève de son père, Mlle Mezeray, nous semble
destinée ii parcourir une carrière brillante, lorsque son talent aura pris
tout son dévoloppement. — La recette a été magnifique. — Le public a
jonclié la scène de lleur.i, et une belle palme d'or a été remise au chef
d'orchestre, M. Mezeray, au nom des abonnés de la magnifique scène
bordelaise.
„,*-,, Altjer. — Pour les adieux de Mlle 'Wertheimber, on a monté le
Prophète. En tenant compte des difficultés qu'offrait la mise en scène
d'un pareil ouvrage et du peu de jours qu'avait la direction pour cela,
on ne peut que lui savoir gré du résultat obtenu. La salle était comble,
et le chef-d'œuvre de Meyerbeer a été accueilli au bruit d'applaudisse-
ments répétés. Le rôle de Fidès est d'ailleurs un de ceux qui met le
mieux en relief le talent de Mlle Wertheimber, comme cantatrice et
comme tragédienne ; aussi lui a-t-il valu une véritable ovation. Elle a
été d'ailleurs aussi bien secondée que possible par M. Philippe (Jean de
Leyde), M. et Mme Pascal, MM. Gaspard et Marion.
CHRONIQUE lÉTRANGÈRE.
**, Bruxelles. — A peine le théâtre de la Monnaie a-t-il fermé ses
portes que la direction annonce la formation de sa troupe pour la sai-
son prochaine. Elle se compose jusqu'à présent de Mmes Camille de
Maësen, Boulart, Elmire, Meillet, Cébe et de Mlle Faivre, du théâtre ly-
rique deParis;deMM.Meillet, Périer, Jourdan, Aujac,iBertrand, Lederac,
Borsary, Brion-Dorgeval, Dubouchet, Mengal et Tyckart. On voit que
M. Letellier n'a rien épargné pour exploiter largement les deux réper-
toires d'opéra et d'opéra-comique.
**H= Bade. — Les hôtels et le salon de conversation commencent à se
peupler et chaque jour les listes d'arrivée contiennent les noms d'au-
gustes personnages. Vienne nous a même envoyé une partie de sa po-
pulation en trains de plaisir, et M. Benazet s'est empressé de faire aux
visiteurs viennois les honneurs de l'établissement en ouvrant et en
éclairant tous les nouveaux salons; il leur a de plus donné dans la
grande salle Louis Xlfl un très-beau concert. — En attendant la mise
à exécution du riche programme arrêté pour cette saison, la troupe
du théâtre Grand Ducal vient de clore la sienne par la représentation
de l'opéra de Lortzing : Czar et Charpenlier. Il y avait foule et les ap-
plaudissements de l'auditoire ont témoigné aux artistes ses regrets de
les voir partir. — A bientôt maintenant les artistes français.
t't Londres. — Rien de saillant n'a marqué cette semaine, si ce
n'est au théâtre de Sa Majesté la première représentation de Faust, qui
a eu lieu avec un grand succès. L'opéra de Goimod était interprété par
Giuglini (Faust), Mme Titjens (Marguerite), Mme Trebelli (Siebel),
Gassier (Mephistophelès), Santley (Valentin). — Après son immense
succès dans Leonora, du Trovatore , Adelina Patti s'est montrée dans
celui de Ninetta, de la Gazza ladra. Le remarquable cachet de
personnalité qu'elle imprime à chacun de ses rôles, quelque diffé-
rents qu'ils soient l'un de l'autre, s'est produit d'une façon non
moins marquante dans cette nouvelle création qui lui a valu un nou-
veau triomphe. — Les représentations au bénéfice de M. Lumley se
sont terminées par Don Giovanni, dans lequel Mme Piccolomini-Oaetani
chantait le rôle de Zerlina. Elle y a retrouvé les applaudissements qui
l'avaient accueillie dans la Traviata. Gassier, Vialetti, Giuglini l'ont tri^s-
bien secondée. — M. Salvi vient d'ajouter k ses engagements celui de
Ludovico Graziani, frère du célèbre baryton. Il chantera à Vienne dans
les mois d'avril et mai de la prochaine saison.
^*^ Hambourg. — Mlle Adelina Patti doit chanter ici au mois de sep-
tembre. Merelli vient de louer la salle du théâtre de la ville pour dix
soirées.
^** Vienne. — On annonce que l'opéra allemand ouvrira cette année
par Norma. M. Sontheim, du théâtre royal à Stuttgard, en représenta-
tion à Vienne, débuterait dans le rôle de Sévère. — Le théâtre de la
cour fera sa clôture par les Huijuenots. La recette est destinée au fonds
des pensions.
^*^, Turin. — Le théâtre national ouvrira par Slradella, opéra nou-
.veau pour Turin, composé par Flotovv, auteur de Marta. Il sera chanté
par la prima donna la signera Torricelli, le ténor Palermi , le baryton
Rota, la basse Basilio Bonato et le boufl"e Torricelli. Le ballet du pre-
mier acte sera dansé par Mmes Giustetti, Garbagnati et autres. La pre-
mière représentation aura lieu dans quelques jours. — Mardi, au théâ-
tre Vittorio-Emmanuele, soirée des plus brillantes avec .Mme de Rossi
qui avait ajouté à Marta la scène de l'ombre du Pardon de Ploërmel.
Fleurs, rappels, couronnes, etc.
^*^. Berlin. — Mlle Couqui vient de terminer ses représentations au
théâtre de la cour par la .toliii fille de Ganâ; elle y a obtenu, comme
dans toutes, le succès le plus éclatant. — Au théâtre de l'Opéra, nous
avons eu une brillante représentation de Robert le Diable; Mme llarriers
a repris le rôle de la princesse, qui lui a valu, comme précédemment,
le plus honorable succès; le rôle d'Alice a été chanté par Mlle Sauter.
f,*f Copenhague. — Le célèbre violoniste, H. 'Wieniawski, a donné le
21 mai un concert au théâtre du peuple; il y a été acclamé avec en-
thousiasme.
*■** Rosloek. — Dans la semaine de la Pentecôte, la grande Passion,
d'après saint Mathieu , par Sébastien Bach, a été exécutée à l'église
Saint-Nicolas. On se rappelle que lors de la première exécution de cette
œuvre gigantesque, Mendelssohn biffa une foule d'airs et de chorals ;
ils ont été rétablis à Eostock. Aussi le concert a-t-il duré trois heures
et demie ; mais l'auditoire n'en a pas moins montré l'attention la plus
soutenue jusqu'à la fin. Les soli ont été chantés par des artistes venus
de Berlin.
^*^ Kœnigsberg. — Le 27 mai a commencé ici le festival prussien,
qui a duré trois jours ; le dernier jour on a exécuté le Paradis perdu, de
Rubinstein, sous la direction de l'auteur.
,s*, Saint-Pétersbourg . — Notre théâtre national vient d'avoir un beau
et légitime succès. Devant une salle comble, malgré la saison et l'élé-
vation des prix, a été représenté le nouvel opéra de Serow, Judith, dont
on parlait beaucoup depuis quelque temps. W. Serow ne s'était fait
jusqu'à présent connaître que par des articles de critique musicale, at-
testant les connaissances de l'art, mais auxquels on pouvait reprocher
trop de passion, de parti pris et de prédilection pour la musique de
l'avenir. La partition qu'il vient de soumettre au jugement dn public,
et dont il a aussi écrit les paroles, participe bien un peu de ces ten-
dances, mais elle dénote dans son auteur des études sérieuses; aussi
a-t-elle été très-favorablement accueillie. A l'exemple de R. Wagner,
M. Serow a plutôt cherché ses effets dans l'orchestre que sur la scène;
l'harmonie tient donc la première place dans son œuvre, et sous ce
rapport on ne peut lui refuser l'entente de combinaisons originales et sa-
vantes ; mais elles sont obtenues, il faut bien le dire, aux dépens de
l'inspiration et de la mélodie. Les chœurs tiennent une grande place
dans la partition ; dans cette catégorie, les morceaux les plus remarqués
et les plus applaudis, sont la prière des juifs au premier acte, le grand
hymne final du cinquième et la scène de l'orgie que termine le meurtre
d'Holopherne. Les deux principaux rôles étaient interprétés par
Mme Blanchi et par Sariotti ; ils y ont déployé beaucoup de talent, et le
public ne leur a pas marchandé les applaudissements. L'orchestre et les
chœurs sous la direction de Liadow, ont fort bien marché. La mise en
scène et les décors sont très-soignés.
192
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TRANSPOSITION des airs suivants de la MUETTE DE PORTICl
2 bis. Air : Plaisir du rang suprême, pour mezzo-soprano 6 »
5 bis. BarcaroIIe : Amis, ta matinée est belle, pour baryton 3 75
5 ter. La même, transposée pour basse 3 75
1 2 bis . Air : Du pauvre, seul ami fidèle, pour baryton 3 »
13 bis. Cavatïne: Arbitre d'une vie, pour mezzo-soprano 3 73
1 5 bis. BarcaroIIe : Voyez du haut de ce rivage, pour baryton « 2 50
VAIilQUŒT. — Fantaisie très-facile sur le Comte Ory . 2 50 | KUMMEl. — Transcription de thèmes du Comte Onj . 6
FAVARGEU. — Op. h5. Fantaisie brillante sur le Comte Ory, pour le Piano 9 »
LA PARTITION
POUR CHANT ET PIANO DES
RDS
MUSIQUE DE
rrix net : lO fr.
Opéra bouffe en deux actes.
AIRS DE CHANT DÉTACHÉS AYEC ACCOMPAGNEMENT DE PIANO.
Format tn-S.
ARBAN. Quadrille, piano et à 4 mains U 50
MUSARD Valses, piano et à 4 mains. 6 »
MARX. Pulka 4 »
MICHEL (G.) Polka-mazurka h »
MERZ (C). Schotlisch U »
STRAUSS. Grand galnp 3 »
LEGARPENTIER. Bagatelle 5 »
HESS (CH.). Caprice-valse 6 »
VAI.IQUET. Valse très-facile 3 »
WOLFART. — Transcription facile pour le piano 5 » 1 DEPAS. — Fantaisie facile pour violon avec piano.
Voulez-vous accepter mon bras?
Avec accomp. de piano : 3 fr.
Sans accomp., in"8°, 1 fr.
Oruéc des portraits photographiés de Brasseur el Gil-Pér'cs.
Chantée au théâtre du Palais-Royal par BRASSEUR.
Paroles de Henri Meilhae et Ludovic Ualévij, musique de
J. OFFl^MMACIÎ
Avec Eccomp. de piano : 3 fr.
Sans accomp., in 8", 1 fr.
Ornée des portraits photographiés de Brassenr cl Gil-Pér*eï.
La Ronde du Brésilien : POLKA par Arban, pour le Piano, prix : 4 francs.
MORCEAUX NOUVEAUX POUR LE PIANO :
BERCEUSE
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F. Sclioen
Op. 1. — Prix : 6 fr.
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LÀ PRIÈRE D'UNE VIERGE
DE -
T. BadarscwsKa
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Mazurka par
F. Sclioeii
Op. 2. — Prix: 6 fr.
Fantaisie sur LA MUETTE DE PORTICl d Auber
Prix : 9 fr.
Fantaisie sur
\tmà»mA,&
Je Flotovv
Prix : 7 fr. SO.
Fantaisie sur
LE DOMINO IVOIR
PAR
Mélodie
MER CALME
Prix : 7 fr. bO.
REllÉ FATARCÎEII
Polka-Jlazurka de salon,
YVONNE
Prix : 7 fr. 50.
Du Siabat Mater de Rossini,
Transcription.
Mazurka de salon.
L'HYMNE DES VÊPRES
PAR
S MBT
Ou Stabat Mater de Rossini,
Transcription.
BRinfliEï RIClKARDiS
PAHIS — IMPRIHERIE CENTRA
nA»X ET C", EVE nF-r.r.ÙRE, 20.
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, I.
30« Année.
Olf S'ABONNE s
Dans les Départements et & l'Étranger, chez tous
les Uarchands de Musique, les Libroires, et aui
Pureaui des Uessogeries et des Postes.
iv.« 2r>.
REVUE
21 Juin 18G3.
PRIIC DE L'ABONNEUEHT:
Paris.. 24tr.p«r«n
Départements, Belgique et Suisse — 30 r, id.
Étrasger 3*» '*•
Le Journal parait le Dimaocbe.
GAZETTE MUSI
'-r\j^j\J\j\J\f\f\J\j\/\r^
SOMMAIRE. — Floquet (1" article), par Arthur Pongin. — De la poésie
lyrique (2' et dernier article), par J.-B. Rongé . — Extrait de l'Album d'un
pianiste en Egypte, par Charles Wehle, — Revue des théâtres, par
D. A. D. Saiiit-Yves, — Nouvelles et annonces.
FLOODET.
(Premier article.)
I.
Les provinces méridionales de la France se sont de tout temps
montrées fécondes en musiciens distingués dans toutes les branches
de l'art, compositeurs, instrumentistes ou chanteurs.
Parmi les compositeurs, nous leur devons Campra, notre premier
musicien national; le gracieux Mouret, Mondonville, Trial, Dalayrac,
Della-Maria, Gaveaux et Champein; puis l'organiste Marchand, les
fameux virtuoses Leclair et Gaviniés, qui peuvent à bon droit être
considérés comme les deux fondateurs de l'école française du violon,
école si justement célèbre aujourd'hui dans toute l'Europe. Enfhi,
dans l'art du chant, Jéliotte , Latour, Mlle Fel, la toute gracieuse
Mme Favart, qui fut à la fois chanteuse, comédienne, musicienne,
danseuse et écrivain, Gavaudan, l'incomparable Garât, dont le nom
seul rappelle chez nos vieux amateurs les souvenirs d'une admira-
tion sans mélange, Dérivis, et bien d'autres dont les noms m'é-
chappent. L'art moderne ne leur est pas moins redevable, puisque
MM. Berlioz, Félicien David, Alard, Bazin et plusieurs autres, nous
arrivent en ligne droite de ces beaux pays baignés par le soleil.
L'artiste aimable qui fait le sujet de cette élude reçut aussi le jour
dans ces belles contrées pleines d'air et de lumière, au sein de cette
riche et merveilleuse Provence, terre privilégiée, où l'âme se dilate,
où l'imagination s'exalte, et où les facultés intellectuelles doublent
leur puissance en présence du spectacle grandiose et saisissant d'une
nature qui ne se repose jamais.
Etienne-Joseph Floquet, issu d'une assez bonne famille, naquit le
25 novembre 1750 à Aix, ville si riche déjà en célébrités de tous
genres, qui avait donné le jour au géomètre Peiresc, à Brueys, le
poëte comique, au musicien Campra, au peintre Vanloo, aux natura-
listes Tournefort et Adamson, au navigateur Entrecasteaux, au phi-
losophe Vauvenargues, et qui devait le donner plus tard à l'un de
nos premiers magistrats, le comte Portails, ainsi qu'à Mignet , l'élé-
gant historien de la révolution française.
Floquet montra de bonne heure d'heureuses dispositions pour un
art dans lequel il devait un jour faire preuve de talent véritable,
et donna même l'exemple d'une précocité peu commune. Admis
comme enfant de choeur, dès l'âge de six ans, à la maîtrise de l'é-
glise Saint-Sauveur, il étudiait sous la direction d'un maître in-
connu,.et, cinq ans plus tard, faisait exécuter dans cette même
église un motet à grand chœur de sa composition. Quoique cet essai
fût bien informe sans doute — car, malgré de réelles aptitudes musi-
cales, Floquet ne posséda jamais cette flamme du génie qui, chez
un enfant précoce, peut jusqu'à un certain point tenir lieu de la
science et de l'expérience acquises — une œuvre de celte importance,
menée à fin dans un âge aussi tendre, excita à juste titre parmi ses
compatriotes un intérêt général et lui attira de nombreuses sympa-
thies. Son succès fut très-grand et l'encouragea vivement à continuer
une carrière à laquelle il semblait destiné, et qu'il entreprenait sous
de si heureux auspices. Il reprit donc ses études avec un zèle et une
ardeur qui ne se démentirent pas un instant.
Tout jeune encore, il eut le malheur de perdre son père, qu'il
aimait tendrement, ainsi qu'un frère aîné, devenu ainsi le chef de
la famille. Resté seul avec sa mère et une sœur cadette, dont cette
double perte le rendait l'unique appui , il prit la résolution de se
rendre avec elles à Paris, afin d'y tenter la fortune. Très-entrepre-
nant de sa nature, parfois même audacieux jusqu'à la témérité , Flo-
quet ne redoutait aucun obstacle, et ce fut là ce qui causa sa perte.
Sans trop songer aux difficultés que pouvait et devait rencontrer à
Paris un jeune artiste arrivant de sa province, et forcé de pourvoir
à l'existence de trois personnes, il ne songea qu'à mettre son projet
à exécution. Muni de quelque argent, il abandonna pour jamais sa
ville natale et prit, en compagnie de sa mère et de sa sœur, le che-
min de Paris. Après deux semaines environ d'un voyage sans en-
combre, il arriva dans cette cité qui devait être un jour si favorable à
son talent naissant, lui accorder un succès sans précédent, en France,
dans les annales de l'art musical, mais bientôt suivi d'une réaction
plus injuste encore que son triomphe d'un instant.
Une fois à Paris, Floquet ne perdit point de temps. Grâce à quel-
ques bonnes recommandations, il se fit présenter dans plusieurs sa-
lons où sa jeunesse, sa bonne mine et sa distinction prévinrent en
sa faveur. Il cherchait un poëme à mettre en musique et le deman-
dait vainement aux échos d'alentour. Qm pouvait, en effet, avoir con-
fiance en un jeune homme dont la vingtième année était à peine
accomplie ?
On comprend que les vœux de Floquet ne furent pas tout d'abord
exaucés, et que le poëme, objet de ses ardentes convoitises, ^ne lui
tomba pas à point nommé du ciel, ainsi que la manne aux Hébreux
194
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
dans le désert. Il eut cependant le bon esprit de ne se point décou- '
rager : voyant qu'il ne pouvait arriver tout droit à son but, il
finit par adopter la ligne courbe et prit, pour arriver au théâtre, le
parti de se faire connaître d'abord en dehors du théâtre. Son plan,
une fois décidé, il se mit à composer de la musique de genre, et
publia bientôt deux morceaux de chant avec accompagnement d'or-
chestre ; il fît ensuite une chacone (1), — qu'il plaça plus lard dans
V Union de l'Amour et des Arts, — et eut le bonheur de la faire en-
tendre dans un concert où elle excita un tel enthousiasme qu'il ne se
donna plus une séance musicale, publique ou particulière, sans qu'on
n'y exéculât ce morceau, connu pendant de longues années sous le
nom de Chacone de Floquel. Enfin, le h décembre 1772, il fit
exécuter dans l'église des Petits-Pères, pour le repos de l'âme de
Mondonville, mort le 8 octobre de la même année, une grande messe
en musique. Voici comment cette œuvre considérable était appréciée
par un recueil du temps, le Journal de Musique, dirigé à cette épo-
que par Framery, le collaborateur de Ginguené et de l'abbé Feytou
pour la partie musicale de V Encyclopédie du xviiie siècle : « Celte
messe étoit de la composition de M. Floquet, jeune musicien, né à
Aix, connu avantageusement par deux ariettes, avec symphonie, qui
ont para il y a quelques mois, et surtout par une excellente chacone,
exécutée avec le plus grand succès. Sa messe était précédée d'une
ouverture (2) du plus grand effet. Les chœurs ont paru d'une belle
harmonie. On a fort admiré dans le Tuba mirum, un morceau de
symphonie qui peignait le bouleversement du jugement dernier. Le
chœur. Pie Jesu, était d'un effet brillant, mais peut-être trop gai.
Le verset Susiinuit anima mea, chanté par une haute-contre, au mi-
lieu d'un chœur doux, accompagné de cors, a été entendu avec
plaisir. En général, cette messe élait un peu longue et trop chargée
de musique, mais on doit la regarder comme une preuve de zèle
et d'émulation de son jeune auteur, et elle ne peut que faire bien
augurer de son talent. » (Journal de Musique^ année 1773, n° 1,
page 75).
II.
Si modestes qu'ils fussent, et quoiqu'on France le théâtre soit presque
l'unique chemin par lequel un compositeur puisse arriver à la répu-
tation , ces différents essais n'avaient pas été sans mettre en relief
le nom de Floquet, et l'entourer d'un certain lustre. Grâce à ses
efforts, à sa persévérance et aussi à sa confiance en lui-même, il
allait loucher enfin le but si vivement poursuivi. Il s'était rencontré
dans le monde avec un certain Lemonnier (3), qui fut plus tard
commissaire des guerres, et qui était alors secrétaire intime du comte
de Maillebois , lieutenant général des armées de France. Connu déjà
par quelques ouvrages donnés au théâtre, Lemonnier avait notam-
ment écrit les poëmes du Maître en droit et du Cadi dupé, dont
Monsigny composa la musique, et, sous le pseudonyme de Devaux,
celui du Bon Fils, qu'il avait fait représenter avec Philidor. Sur une
recommandation pressante, il se hasarda à confier au jeune compo-
siteur deux actes d'opéra qu'il avait en portefeuille et qui avaient
pour titre, l'un Bathylle et Chloé , l'autre Théodore. Ivre de joie,
Floquel se mit au travail sans plus tarder et eut bientôt terminé sa
musique. Dès qu'elle fut prête , on l'exécuta dans le salon de la
personne chez laquelle il avait fait la connaissance de son collabora-
teur. Bien que cette exécution fût assez médiocre, celui-ci se montra
à ce point satisfait de la façon dont Floquet avait interprété ses
pensées, qu'il voulut compléter l'opéra en y ajoutant un troisième acte
(a) La chacone était un air de danse d'une étendue assez considérable, qui
servait souvent de finale dans les opéras ou les ballets.
(2) L'auteur aurait pu dire : Introduction.
(3) Qu'il ne faut pas confondre avec un autre écrivain du même nom et du
mCme temps, l'albé Lemonnier, auteur d'une traduction de Perse.
qu'il écrivit aussitôt sous le titre de la Tour d'amour. Cet ouvrage
élait donc, suivant l'usage établi depuis plus d'un siècle à l'Acadé-
mie royale de musique et enfreint seulement par exception, composé
de trois actes comportant trois actions différentes, formant chacun un
tout complet et n'ayant aucun rapport avec les deux autres.
11 semblait que tout concourût en ce moment à favoriser Floquet.
Un riche officier général, le marquis de Fleury, mestre de camp de
dragons et grand amateur de musique, avait assisté à l'audition des
deux premiers actes de sa partition et s'était pris de sympathie pour
le jeune compositeur, que son inteUigence et une conduite très-mé-
ritoire à l'égard de sa mère et de sa sœur rendaient véritablement
intéressant. Homme d'esprit, délicat et généreux, le marquis de Fleury
résolut de lui être utile et de l'aider à se faire connaître. L'idée lui
vint de faire faire, à ses frais, une répétition générale et complète de
l'opéra inédit. Dès que Floquet eut terminé la musique de son troi-
sième acte, on fit apprendre les rôles de l'ouvrage par les principaux
sujets de l'Académie royale, l'orchestre de ce théâtre fut convoqué
pour l'un des jours de relâche habituel, et, le lundi 26 avril 1773,
Floquet eut le plaisir d'entendre sa musique, exécutée avec le plus
grand soin. Son protecteur avait choisi pour lieu de réunion le su-
perbe Vauxhall de la foire Saint-Germain, qui avait élé, comme aux
jours de grande fête, décoré et éclairé d'une façon splendide ; des
invitations avaient été par lui adressées à tous les amateurs délicats,
ainsi qu'à un grand nombre de personnages de distinction. L'effet fut
très-grand, chacun se montrait enchanté, et Floquet reçut les applau-
dissements et les félicitations de l'assistance entière.
Il était difficile d'ouvrir la carrière à un artiste d'une façon plus
ingénieuse et plus charmante, avec plus de tact et de délicatesse, que
ne le faisait en cette occasion le marquis de Fleury. Malheureusement
tout n'était pas décidé par cet essai; l'obstacle le plus sérieux sub-
sistait encore, puisqu'il s'agissait de faire recevoir l'œuvre à l'Opéra,
ce qui n'était point chose aisée. Le moment pourtant pouvait sem-
bler propice. Rameau était mort depuis près de dix ans ; Mondonville,
dont la réputation, cent fois supérieure à ses facultés, pouvait nuire
à un débutant, s'était lui-même éteint l'année précédente. Parmi les
faiseurs habituels de l'Opéra, on ne comptait plus guère que Dau-
vergne, compositeur sans idées, qui était alors directeur de ce théâtre;
Berton, qui en avait été le chef d'orchestre et dont plusieurs ou-
vrages étaient justement estimés ; puis enfin le financier Laborde,
premier valet de chambre du roi, musicien-littérateur-amateur, érudit
sans science, compositeur sans imagination, immense compilateur des
œuvres d'autrui. Quant à Cardonne, Granier, Vachon et quelques au-
tres qui donnaient de loin en loin quelques ouvrages, leur peu de
valeur ne semblait pas devoir les rendre fort redoutables aux nou-
veaux arrivants.
Toutefois, malgré cet état de choses, la prétention de Floquet parut
tellement téméraire, qu'il vit aussitôt s'élever contre lui toutes les
basses intrigues, les coteries mesquines, les petites cabales de cou-
hsses qui, alors comme aujourd'hui, ne manquaient jamais dans nos
théâtres lyriques de se déchaîner contre un débutant. Le directeur
de l'Opéra, Dauvergne lui-même, était le premier à susciter au jeune
compositeur nombre de tracasseries el de difficultés. Grâce à de
puissants auxiliaires, celui-ci finit cependant par forcer les portes du
sanctuaire et par obtenir la réception de son œuvre. Mais, hélas 1 ce
résultat, laborieusement atteint, ne mit pas fin au mauvais vouloir
général, et ce fut, au contraire, pour Floquet, le temps le plus
terrible à passer que celui des éludes et des répélilions. C'était à
qui se mettrait en travers de sa route et chercherait à le faire trébu-
cher : directeur, chanteurs, danseurs, employés, tous semblaient se
liguer contre lui afin de le dégoûter et de le forcer à abandonner
la partie, ou tout au moins de faire tomber sa pièce. 11 tint bon
pourtant jusqu'au bout, et, après avoir été vingt fois sur le point de
DE PARIS.
195
perdre patience, il eut enQn la satisfaction de voir arriver le jour
fixé pour la première représentation.
C'était le 7 septembre 1773. Malgré sa foi, peut-être un peu exa-
gérée, en son talent, le succès qui accueillit le nouvel ouvrage fut
certainement plus grand et plus complet que jamais son auteur
n'eût pu l'imaginer. Quelques citations suffiront à prouver que je
n'exagère pas.
Arthur POUGIN.
(La suite prochainement.)
DE LÀ POÉSIE LYRIQUE.
(2« et dernier article) (1).
Maintenant, reprenons le rhythme de la Chanson du printemps,
composée de vers de cinq syllabes, coupés par une césure régulière:
I,es fleurs — sont é'clô— ses. . .
correspondant à- la formule musicale :
1,2 — 1, 2, 3 —
Frappons avec la pointe du doigt sur une vitre, deux petits coups
suivis de trois, et continuons cette cadence pendant quelques se-
condes ; nous allons voir se 'succéder une multitude de motifs popu-
laires que chacun fredonne sans se douter qu'ils ont une charpente
rhythmique analogue :
Le jour — radieux — ...
du Pardon de Ploërmel (chœur d'introduction).
Parmi — les guerriers — ...
des Mousquetaires de la reine (couplets).
A moi — la jeunes— se. . .
de Faust (duo du premier acte).
Ces chants — funérai — res. . .
du Trouvère {Miserere).
Enfin, — ma vengean— ce. . .
de la Reine Topaze (air du dernier acte).
Chasseur — diligent — ...
de Robin des bois (chœur).
Nous trouvons aussi dans LuUa-Roukh trois exemples de vers de
cinq syllabes, coupés en 2, 3 :
De près — ou de loin — ...
Charman— te vallé— e. . .
Bientôt — va parai— tre.
Qu'on veuille bien observer qu'il suffit de changer une ou plusieurs
syllabes dans une strophe pour la rendre lyrique :
De près — ou de loin, —
Il faut — avec soin —
Surveiller — la bel— le.
De peur — d'accident,
En hom— me prudent,
Fai— re sentinel— le.
Ce couplet renferme tous les rhythmes dont sont susceptibles les
vers de cinq syllabes, alors qu'il n'en fallait qu'un ; si les poètes
l'avaient chanté, la musique étant un calcul que l'âme fait à son
insu, leur aurait probablement dicté les vers suivants :
(1) Voir la n" 24.
De près — ou de loin —
Il faut — avec soin —
Veiller — sur la bel— le.
De peur — d'accident, —
En hom— me prudent, —
Faisons — sentinel — le.
La transposition d'une préposition et le changement du temps d'un
verbe ont rendu ce sixtain aussi bien rhythmé que la musique de
M. Félicien David.
Si nous voulions pousser nos investigations dans le répertoire ita-
lien ou allemand, pour trouver des paroles coupées d'après la formule
musicale qui nous occupe, nous n'en finirions pas. Rien que dans
l'opéra des Nozse di Figaro, Da Ponte en a fourni dix exemples à
Mozart, et Métastase, plus de cent aux grands compositeurs du siècle
dernier, dans ses admirables poésies lyriques.
On voit qu'un seul rhythme poétique peut donner naissance à un
nombre infini de mélodies entièrement originales.
Maintenant, observons que si l'on déplace la césure, on peut pro-
duire d'autres coupes musicales qui vont encore ouvrir de nouvelles
séries de chants différents. Par exemple, en la portant à droite, on
obtient, toujours pour les vers de cinq syllabes :
1 — 1, 2, 3, 4 —
formule musicale qui correspond à la sérénade de la Juive :
Loin — de son ami— e
Vi— vre sans plaisirs —
Si l'on recule la césure vers la gauche, on forme ce dessin rhythmi-
que :
4, 2, 3 — 1, 2 —
dont nous avons déjà parlé et qui a inspiré à Grétry le célèbre re-
frain de Zémir et Azor :
Du moment — qu'on ai— me
On devient — si doux —
Et je suis — moimê— me
Plus tremblant — que vous —
En examinant avec attention cette strophe de Marmontel, on ne
tardera pas à s'apercevoir que depuis 1771 nous n'avons guère amé-
lioré notre poésie lyrique. Si nos auteurs observent mieux les règles
de la symétrie en ce qui concerne le nombre de syllabes de leurs
vers et l'arrangement de ces derniers entre eux, pour former dos
périodes, il faut convenir qu'on n'a presque rien fait depuis un siècle,
pour introduire dans nos vers lyriques Vaccent, dont le retour régu-
lier forme le rhythme, sans lequel il n'y a pas de mélodie possible.
Nous l'avons dit et nous croyons l'avoir prouvé, l'emploi de la cé-
sure peut conduire à ce résultat : deux vers d'une même coupe suf-
fisent pour écrire le plus beau refrain ; quatre, six ou huit d'une
même formule rhythmique, pour inspirer une mélodie très-dévelop-
pée. Voilà à quoi se réduit la réforme du vers lyrique dont on s'est
fait jusqu'à ce jour un épouvantai!, et encore ces quatre, six ou huit
vers peuvent être de différentes longueurs, pour vu qu'ils soient
disposés dans un ordre symétrique quelconque.
Les poètes auront autant à se louer de cette réforme que les com-
positeurs, car leurs vers ne seront plus mutilés, brisés par ces der-
niers ; une fusion plus complète se remarquera bientôt entre la
musique et la poésie, et la cause qui désunit ces deux arts, faits
pour marcher ensemble, disparaîtra pour toujours. Quand nos libret-
tistes auront rhythmé des vers pendant quelque temps, ils ne vou-
dront plus en faire d'autres ; car si la césure les gêne dans les
premiers temps, dès qu'ils en auront l'habitude ils ne pourront plus
s'en passer. Quel est celui d'entre eux qui pourrait écrire des vers
de dix ou de douze syllabes sans observer la règle de la césure ? Ils
auraient, du reste, mauvaise grâce à refuser à leurs collaborateurs
l'iiitruduction d'un seul accent par vers ; M. Van Ilasselt, le poiJte
106
REVUE ET GAZETTE MUSlCALt
2,2,2,3,3.
lyrique par excellence, en donne des exemples nombreux; et il ne se
borne pas là, il nous montre des vers qui en contiennent deux, trois
et même quatre, comme on peut le voir par le spécimen suivant :
Je suis— le pâ— tre enfant— de la hau— te monta— gne
Le jour — m'éclai— re avant— d'éclairer— la campa- gne
On voit que notre langue n'est pas rebelle au rhythme, comme on
l'a prétendu trop longtemps. Ayons enfin le courage de réformer
notre poésie comme les Italiens et les Allemands ont réformé la
leur pour la rendre musicale. Que nos vers lyriques ne soient plus
le résultat d'une addition de syllabes, mais bien le produit de la
combinaison régulière des accents de la langue. En parcourant les
études rhythmiques de M. Van Hasselt, on sera bientôt convaincu
qu'aucune langue n'est plus souple, plus élastique, plus harmonieuse,
plus sonore, plus musicale enfin que la nôtre.
Si un seul rhythme poétique peut inspirer un nombre infini de
chants originaux, ainsi que nous croyons l'avoir démontré plus haut,
et qu'on réfléchisse à la quantité de rhythmes différents dont est
susceptible la versification française, on sera ébloui à la vue de ces
filons mélodiques encore inexplorés.
J.-B. RONGÉ.
EXTRAIT DE L'ALBUM D'UN PIANISTE EN EGYPTE.
Au Caire, 2 mai 1863
Le 17 avril nous arrivâmes à Alexandrie, oh nous fîmes immé-
diatement nos dispositions pour donner notre premier concert extra-
européen. Je craignais que le beau temps et les fortes chaleurs ne
missent leur veto à nos intentions musicales ; toutefois, nous ne nous
laissâmes pas décourager : il fallait commencer, et le désir de réta-
blir un peu d'équilibre dans nos finances stimulait puissamment notre
zèle.
Le plus difficile, c'était de nous procurer une salle convenable.
Après bien des recherches, et grâce à de hautes protections, on nous
promit la petite salle de la Bourse, de sorte que notre solennité mu-
sicale put être fixée au 25 avril.
Le programme était affiché, lorsque nous reçûmes la foudroyante
nouvelle que nous ne devions pas compter sur l'accomplissement de
la promesse qu'on nous avait faite, la ville ayant résolu de donner
un bal en l'honneur du vice-roi d'Egypte. Ainsi, même au pied des
pyramides, les souffrances d'un donneur de concerts parisien ne nous
furent pas épargnées ! Par bonheur, un génie tulélaire se révéla à
nous dans la personne de la maîtresse de l'hôtel Abbat. Cette dame
nous offrit son salon, qui, à l'aide de deux pièces contiguës, fut ap-
proprié à notre dessein. Nos affiches restèrent donc une vérité, et
le concert put avoir lieu le 25 avril à 8 heures 1/2 du soir. La salle
était comble, car, tout Alexandrie (rappelez-vous le « tout Paris » qui
dans la même soirée se trouve réuni dans les quatre salles de con-
cert et dans une demi-douzaine de théâtres), tout Alexandrie était
accouru pour admirer les « célèbres » artistes européens. La re-
cette fut bonne, car déduction faite de frais asser considérables, il
nous resta 2,000 francs. Toutes les nationalités étaient représentées
dans l'auditoire, mais ce n'était point l'élite des amis de l'art. Si, en
dépit des chaleurs, ces messieurs nous écoutèrent dans un profond
recueillement, sans doute nous en étions redevables à ce qu'ils
goûtent rarement les jouissances artistiques que nous avions l'avan-
tage de leur offrir.
Klelzer joua trois morceaux de Servais. Un duo brillant sur des
motifs de la Favorite, par Edouard Wolff et Batta, nous servit d'ou-
verture ; j'exécutai une romance sans paroles de Mendelsschn et quel-
ques-unes de mes compositions.
Pendant notre séjour à Alexandrie, nous avions souvent été invités
à déjeuner ou à dîner ; chaque jour nous nous faisions entendre
dans des sociétés plus ou moins nombreuses. Ces soirées ressemblant
aux raouts d'Europe comme deux gouttes d'eau, je ne m'y arrêterai
pas.
Une réunion qui avait été organisée à notre intention le 22 avril,
chez un riche négociant italien nommé Petranhi, mérite exception. Un
équipage vint nous chercher vers 9 heures du soir, et nous conduisit
à sa villa, charmante résidence située à vingt-cinq minutes de la
ville. Sa femme, une Anglaise parfaitement belle, fit les honneurs de
la maison de la manière la plus aimable. C'est avec un vif plaisir
que nous jouâmes, mon compagnon de voyage et moi, dans une so-
ciété aussi sympathique. Après qu'une sœur de la maîtresse du logis
nous eut chanté des airs français et italiens, on nous présenta un
grand amateur a de première force. » 11 était pianiste, et je le priai
de nous jouer un morceau de sa façon. Il avait déjà pris place au
piano, avant que je lui eusse demandé un échantillon de son ta-
lent ; il nous fit entendre une fantaisie sur des motifs de Norma, par
Fumagalli. J'étais sur les épines , et les dames ne se sentaient pas
non plus à l'aise, à ce qu'il me sembla; car pendant que le virtuose
égypto-italien accomplissait sa corvée sur le piano, elles se levèrent
toutes et se précipitèrent, pâles et tremblantes, vers la porte. Ainsi
que je pus m'en convaincre bientôt, leur effroi ne devait pas être
attribué uniquement à l'effet de cette production musicale ; car les
lustres, les murs et le sol tremblaient également au bruit des accords
du moderne Orphée. Tout dansait autour de nous, et j'assistai à un
vrai tremblement de terre, qui ne dura guère plus de deux secon-
des, mais les oscillations des objets inanimés persistèrent encore pen-
dant deux minutes.
Notre amateur ne s'apercevait de rien, et il tapota bravement
sa fantaisie sur Norma avec une ténacité digne d'une meilleure
cause.
Je mentionnerai encore M. et Mme Vigne, de Marseille. Ce couple
aimable est du nombre des vrais connaisseurs, qui sont rares
en tout pays. Nous pûmes leur offrir de la musique du meilleur aloi,
car nous étions sûrs d'être compris.
Mon piano, de Pleyel, qui était arrivé à Alexandrie en même temps
que moi, est un magnifique instrument ; dans la traversée de Paris
jusqu'en Egypte il avait si bien conservé l'accord, que l'accordeur,
M. Virâg, un Hongrois, ne se lassait pas d'en témoigner son admira-
tion. D'Alexandrie, le piano partit pour Suez, d'où il fera route avec
moi pour l'île de la Réunion.
En fait de musiciens allemands, j'ai trouvé à Alexandrie M. Alexan-
dre Dorn, fils du maître de chapelle à Berlin. Il y a huit ans il
était venu en Egypte pour une maladie de poitrine : le jeune homme
y est resté et gagne sa vie à donner des leçons.
Après nous être arrêtés treize jours à Alexandrie, nous sommes
partis le 29 avril à 8 heures 1/2 du matin pour le Caire, en chemin
de fer. . . Arrivés dans cette ville à 4 heures de l'après-dînée, nous
sommes descendus à l'hôtel du Nil, qui est tenu par un Allemand.
Le Caire, ce Moscou africain, est la ville la plus curieuse que j'aie
jamais vue. Vers 7 heures du soir, j'entendis pour la première fois
de ma vie un orchestre arabe, à la promenade ; il ne jouait que des
airs nationaux, et par cœur, comme les gitanes. II n'est pas ques-
tion d'harmonie; on joue tout à l'unisson; le rhythme en est tout à
fait original, et je n'y comprends trop rien. Je vais me procurer quel-
ques-uns de ces motifs, et je tâcherai de les adapter au piano. . .
Charles WEHLE.
DE PARIS
197
BEVUE DES THÉÂTRES.
Théatre-Franç4is : La Loge d'opéra^ comédie en un acte, et en
prose, par M. Jules Lecomte. — Gymnase : Le Train de minuit,
comédie en deux actes, par MM. Henri Meilhac et Ludovic Halévy.
— Variétés : Les Médecins, comédie en cinq actes, par MM. Edouard
Brisebarre et Nus. — Palais-Royal : Un Monsieur qui a 'perdu
son mot, vaudeville par M. Renard ; les Toréadors de Grenade,
excentricité musicale, par M. Hervé. — Théâtre du boulevard du
Temple : Reprise de la Famille Moronval, drame en cinq actes,
par M. Charles Lafont.
La Comédie française est enfin sortie de son long sommeil avec
un petit acte, très-agréable, de l'auleur du Luxe, qui est en même
temps le chroniqueur en titre du Monde illustré. Nous croyons même
nous souvenir qu'il a raconté, par avance, le sujet de sa pièce dans
les colonnes de ce journal. Il s'agissait d'un jeune aveugle, récem-
ment opéré de la cataracte, qui assistait à la toilette d'une dame,
sans que celle-ci se doutât qu'elle avait auprès d'elle deux yeux clair-
voyants. Quand ce secret lui était révélé, la nouvelle Diane confuse,
ne trouvait d'autre moyen de tourner la difiiculté de sa situation,
que par un bon mariage avec son Acléon. Mais ce nom à'Actéon nous
rappelle que Scribe a traité à peu près la même donnée avant
M. Jules Lecomte ; en cherchant bien, nous trouverions peut-être
aussi, dans le répertoire du Vaudeville, une farce d'Arnal, intitulée
l'Aveu'jle et son bâton, où ne manquent pas les points de ressem-
blance. Qu'importe, après tout, si la comédie des Français est aussi
bien faite et aussi amusante que ses aînées? Le public, heureusement
pour messieurs les auteurs dramatiques de nos jours, s'occupe peu
des analogies, et pourvu qu'on le déride, qu'on l'intéresse, et c'est
en quoi a très-bien réussi M. Jules Lecomte, il est content. Mais
pourquoi la pièce s'appelle -t-elle la Loge d'opéra? c'est que Mme de
Liria ne procède à sa toilette, en présence d'Henri Darcey, le faux
aveugle, que pour profiter d'une loge offerte par Anatole Duvivier,
le rival éconduit eu définitive. C'est le sel ajouté au ragoût ds l'a-
necdote. Dans tout cela, il y a bien du marivaudage, mais ne sommes-
nous pas sur le terrain du Jeu de l'amour et du hasard, et M. Jules
Lecomte, en confiant les destinées de sa comédie à Dressant, à Co-
quelin, à Mlle Madeleine Brohan, n'a-t-il pas emprunté à Mari-
vaux ses meilleurs interprètes en même temps qu'il lui empruntait
son spirituel langage?
Au Gymnase, le Train de minuit, comédie en deux actes, ne jus-
tifie guère mieux son titre que la Loge d'opéra. Un jeune homme,
à la veille de se marier, se décide à rompre avec la famille de sa
future. La lettre d'excuses qu'il lui adresse tombe entre les mains
d'une petite fille qui en fait des cocottes. Les relations ne sont donc
pas interrompues, et un beau jour notre jeune homme se laisse me-
ner à la mairie et à l'église. Ce n'est qu'après la noce qu'une expli-
cation a heu entre les deux époux. 11 est trop tard pour se séparer,
mais on vivra politiquement aux yeux du monde. Justement, voici un
couple amoureux qui vient rendre visite au nouveau ménage dans une
campagne des environs de Paris. C'est le cas, où jamais, de chercher
à sauver les apparences, les deux époux feindront conséquemment une
tendresse, supposeront une entente cordiale qu'ils sont loin d'éprouver
l'un pour l'autre, ils le croient du moins; mais lorsque leurs amis
se retirent, pour prendre le traiu de minuit qui doit les ramener
chez eux, le mensonge est devenu une réalité ; le mari adore sa
femme, la femme ne peut plus vivre sans son mari, et l'enfer
du mariage se transforme pour eux en un Eden plein de promesses
charmantes de félicité. Un personnage fort amusant, dont la mention
n'a pu trouver place dans notre courte analyse, est celui d'un vieux
commensal que le mari a fait venir auprès de lui pour se distraire,
en le forçant à jouer aux échecs du matin jusqu'au soir. Lesueur
excelle toujours dans ces sortes de rôles. Le Train de minuit est
d'ailleurs fort lestement mené par tous les artistes qui concourent
à sa représentation; nous pensons que le succès en sera durable.
— Oser faire la critique des membres de la Faculté, après Mo-
lière, c'est là une audace qu'on ne saurait s'expliquer, si l'on ne
songeait à la différence des temps. Les médecins d'aujourd'hui ont
bien aussi leurs travers ; mais ils ne ressemblent que de bien loin à
ceux que notre grand comique a mis en scène. W en est, peut-être,
plusieurs d'aussi ignorants ; mais leur insuffisance ne s'abrite plus
sous le bonnet carré et sous la robe noire, et, en général, ils ou-
blient leur vocabulaire, hérissé de latin et de grec, sur les bancs de
l'école. Nous ne reprocherons donc pas aux Variétés d'avoir rassem-
blé dans un cadre divertissant les nombreux types des médecins qui
se produisent dans notre société contemporaine, le médecin homœo-
pathe, le médecin spécialiste, le chirurgien militaire, le docteur des
théâtres, ce dernier surtout, qui rentre de droit dans les attributions
de la comédie satyrique. Le seul inconvénient de cette galerie de
portraits, c'est qu'il a fallu nécessairement, pour la mettre en action,
la faire graviter autour d'un malade imaginaire, seconde audace bien
moins facile à justifier que la première. Le malade des Variétés, qui
a reçu sur la main une goutte de teinture noire, à laquelle son ima-
gination prête les symptômes les plus sinistres, n'est pas de force à
lutter contre l'Argan de Molière. Cinq actes ne suffisent pas à
semblable besogne, et pourtant c'est beaucoup dans l'espèce ; quel-
ques spectateurs ont même trouvé que c'était trop.
— Le Palais-Royal a représenté deux pièces nouvelles dans la
même soirée, et toutes deux ont été assez mal accueillies. Il n'en
faut rien préjuger de fâcheux pour leur avenir ; car, à l'heure qu'il
est, elles ont l'air de se porter assez gaillardement. Parlons d'abord
du Monsieur qui a perdu son mot. Vous pourriez croire que c'est un
muet, et vous vous tromperiez. Le monsieur est tout simplement un
comptable qui a oublié le mot de passe avec lequel il ouvre sa
caisse, à l'instar du fameux : Sésame, ouvre-toi, des contes arabes.
La seule chose dont il se souvienne, c'est que ce mot était une injure
grossière, et aussitôt, voilà notre homme qui, pour retrouver la mé-
moire, cherche à se faire injurier par tout le genre humain. Enfin, ô
joie ! son frotteur le traite de crapaud I et le secret de la caisse est
rattrapé. El que l'on dise encore que nos occupations ordinaires
n'exercent pas une heureuse influence sur le cours de toutes nos pen-
sées ! L'auteur de cette petite pièce est, assure-ton, un financier
qui fait des vaudevilles dans ses moments perdus. Son acte du Palais-
Royal n'est-il pas caractéristique ? Et, avant celui-là, il en a fait re-
présenter un autre qui s'appelait Un million dans le ventre, et qui
roulait sur un monsieur ayant eu le malheur d'avaler un diamant, ce
qui le constituait fort riche au dedans et sans ressource au dehors.
René Luguet fait valoir avec beaucoup d'entrain le Monsieur ciui a
perdu son mot. Quant aux Toréadors de Grenade, c'est , comme le
dit l'affiche, une excentricité musicale, avec accompagnement de
courses de taureaux, de boléros, de cachuchas, etc. M. Hervé, selon
sa coutume, en a fait, à la fois, les paroles et la musique. Nous laisse-
rons de côté les paroles qui, le premier soir, ont soulevé une véri-
table tempête, pour signaler, dans la musique, un air comique assez
original et fort bien chanté par Bonnet, un boléro dans lequel Mlle Las-
sény, une débutante, a fait preuve de goût, et une chansonnette exé-
cutée par Mlle Schneider, qui aurait dû s'en tenir là , et nous faire
grâce de sa danse un peu lourde.
— Les reprises sont toujours à l'ordre du jour ; mais il en est peu
qui offrent autant d'intérêt que celle qui a succédé à Léonard sur la
scène du théâtre du boulevard du Temple. La famille Moronval est
un drame emprunté à l'ancien répertoire de la Porte-Saint-Martin.
Une action attachante, des péripéties terribles, une forme toute litté-
raire ont valu naguère à cette pièce un très-grand succès. C'était le
19S
BEVDE ET GAZETTE MUSICALE
début de M. Charles Lafont, dont le nom a acquis, depuis cette
époque, une honorable notoriété, à laquelle se rattache la représen-
tation, au Théâtre-Français, d'wi Chef-d'œuvre inconnu. Le rôle créé
par Mlle Georges est aujourd'hui rempli, dans la famille Moronval,
par Mlle Victorine de Gourlais, jeune et belle comédienne, que le
regain très-mérilé de ce drame célèbre ne peut manquer de recom-
mander à l'attention des directeurs en quête d'étoiles.
D. A. D. SAINT- YVES.
NOUVELLES.
^% Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi le Comte Onj et Gi-
selle ; mercredi Guillaume Tell et vendredi la Favorite avec le Marché des
Innocents.
^*^. La reprise des Vêpres siciliennes n'aura pas lieu avant la fin du
mois. Verdi a écrit pour Villaret une romance qui remplacera la cava-
tine chantée par le ténor au quatrième acte. Mlle Vernon est char-
gée d'un rôle important dans le divertissement de cet opéra.
j,** Nous avons annoncé, il y a quelque temps déjà, l'engagement au
théâtre impérial de l'Opéra de Mlle Amina Boschetti, et ses débuts au
mois d'octobre, dans un grand ballet composé en collaboration par
MM. Rota et Giorza. Le sujet serait celui de Don Juan, et la direction
a définitivement traité avec MM. Rota et Giorza qui comptent de nom-
breux succès en Italie, et qui y ont fait dernièrement applaudir la Corn-
tessa d'Egmont et Bianchi e Neri.
,** Après ses grands succès à Londres, Mme Amalia Ferraris va par-
tir pour Florence. Elle est venue passer quelques jours à Paris.
^** Zampa, Haydée et la Dame blanche constituent pour le théâtre de
l'Opéra-Comique un répertoire fructueux. Les deux dernières pièces
n'auront plus que quelques représentations , Achard prenant son congé
le 1" juillet. — Les Amours du Diable sont destinés à combler ce vide.
^*^ M. Mico ne s'étant pas trouvé en mesure de remplir à jour fixé les
obligations stipulées par le cahier des charges pour la concession du
privilège du théâtre Oriente à Madrid, a dû renoncer à cette conces-
sion, dont M. Bagier est devenu titulaire définitif.
*** Mme Anna Lagrange est arrivée à Paris; on sait que IVI. Bagier l'a
engagée pour la prochaine saison.
^*^ Au dernier voyage qu'a fait H. Berlioz à Weimar, S. A. R. la
grande-duchesse de Saxe-Weimar lui avait témoigné le désir de con-
naître sa partition des Troyens. Son Altesse, après l'avoir lue, a fait
adresser à l'auteur une lettre de félicitations et une riche bague ornée
de diamants.
»*3, Nous avons omis de citer dans la nomenclature des nouveautés
annoncées pour la saison prochaine par le théâtre Lyrique, les Mémoires
de Fanchette, dont M. Nuitter a écrit les paroles, et le comte Gabrielli
composé la musique.
»*^ La démolition de la salle du théâtre des Bouffes-Parisiens est ter-
minée. On va procéder à sa reconstruction. La troupe est à Ems.où elle
a dû commencer ses représentations.
^*^ Au théâtre Beaumarchais, tous les soirs, grande représentation,
Il est Pou J avec Taillade dans le principal rôle. Ce théâtre, placé de-
puis sept ans sous la direction intelligente de M. Eartholy, ne cesse
d'attirer la faveur du public; le talent remarquable des artistes, le choix
des pièces, le mettent aujourd'hui au rang des spectacles à la mode.
„*,t Dans l'incendie du théâtre Treumann, à Vienne, les artistes de
l'orchestre ont perdu leurs instruments, qui ontété la proie des flammes.
Un d'entre eux possédait un basson auquel il tenait beaucoup, qu'il em-
portait chaque soir chez lui, et que ce jour-là il eut la malheureuse
idée de laisser à l'orchestre; le lendemain, on voyait le pauvre artiste
errer, en pleurant, autour des cendres fumantes où étaient enfouis les
restes de son instrument chéri. On ne sait encore rien de certain sur
les causes qui ont amené ce sinistre.
»** Le nouveau directeur du théâtre de la Scala, à Milan, M. Bru-
nello, a passé quelques jours à Paris. Au nombre des engaf^ements qu'il
a faits pour la saison d'automne, on cite Wme Lafon; MM. Palmieri,
ténor; Colonese, barylon; Capponi, basse, et pour le carnaval le ténor
Carrion. M. Brunello s'est attaché aussi l'excellent maître de ballet
Perrot, M. Rota et Mlle Lamoureux, première danseuse.
^*^ On lit dans le Monde artiste : » La Société des auteurs, composi-
teurs et éditeurs de musique; a tenu sa séance annuelle, dimanche der-
nier, dans les salons de M. Souflleto. Notre lionorable trésorier, M. Plan-
tade, a lu un rapport financier très-clair, très-concis et surtout très-
satisfaisant. M. Sauvage, président, a prononcé ensuite un discours
remarqua'ble sur l'ensemble des faits et sur la situation générale de la
Société, qui maintenant est dans une véritable voie de prospérité, grâce
à l'activité intelligente, au zèle éclairé de M. Rollot, l'agent général , et
à l'administration sage et bienveillante de tout le syndicat. Pour rem-
placer les trois membres sortants du syndicat, l'assemblée a nommé
MM. Sylvain Saint-Étienne, auteur de paroles; Bazzoni, compositeur, et
Vieillot, éditeur. »
*** Deux concerts donnés par la ville de Nevers, la semaine dernière,
à l'occasion du concours régional, ont failli avoir pour un de nos plus
éminents artistes, D. Alard, des suites funestes. Il se rendait par un
train express de Bordeaux à Nevers, lorsque, dans la gare de Périgueux,
une méprise de l'aiguilleur dirigea le convoi sur un autre train en par-
tance. Le choc fut terrible, et une douzaine de voyageurs furent plus ou
moins gravement contusionnés. Alard, plus heureux que ses compagnons,
n'aurait eu aucune blessure, si sa boîte à violon, dont il ne se sépare ja-
mais et qu'il avait placée dans le filet, n'en était violemment sortie au
moment de la secousse, et n'était venue le frapper à l'avant-bras, au-
quel elle fit une profonde écorchure. On fréra't en pensant que, si elle
l'eût atteint un peu plus haut, elle l'aurait probablement tué. Cet ac-
cident n'a point empêché le célèbre violoniste de tenir l'engagement
qu'il avait pris, et il a joué ses belles fantaisies sur Robert, la Muette,
le Trovatore, Linda et Un Ballo avec un succès immense, et qui s'ac-
croissait encore à la pensée du danger couru. La ville avait convo-
qué, pour cette solennité, les deux excellents chanteurs, M. et Mme Meil-
let et Morère; M. Léo Delibes s'était chargé des fonctions d'accompagna-
teur. Le grand duo des Huguenots, le dernier acte du Trouvère, des
fragments du Maitre de chapelle, composaient le programme. C'est assez
dire que la fête a tenu tout ce qu'elle promettait.
,t**La musique des guides, sous l'habile direction de M. Mohr, leur chef,
a exécuté, dimanche dernier, à Saint-Germain, une grande et belle
marche triomphale, composée par Alexandre Batta. Ce morceau, d'une
large facture, a été vivement acclamé, et a obtenu un grand succès
parmi les artistes d'élite qui l'ont exécuté avec une rare perfection.
^*^ On vient d'inaugurer un buste de Beethoven, auprès de Vienne,
au bord du ruisseau de Dobbling, dans un endroit solitaire, où le grand
compositeur aimait à se reposer et à rêver. Ce buste a été modelé et
fondu par Fernkorn.
,t'*t Après avoir parcouru les Principautés danubiennes, Edouard Wolff,
l'éminent pianiste-compositeur, est de retour en Allemagne. — 11 était
ces jours derniers à Mayence.
*"'* La Marche des Cipayes, tel est le titre d'une fort jolie composition
pour le piano, que vient de publier M. Emmanuel Chabrier, jeune artiste
de grande espérance. Ce morceau caractéristique se distingue par l'élé-
gance du style, le tour vif et piquant des motifs, et le coloris d'une
harmonie pittoresque. Le succès fait rarement défaut à de si heureuses
qualités.
„,** Un grand concert sera donné à Douai, le 13 juillet. Sivori qui
devait quitter Paris à la fin de ce mois, a cédé aux sollicitations de
l'organisateur, M. François, et s'y fera entendre.
*% Nous sommes en retard pour annoncer une heureuse invention
de M. Delsarte pour l'accord des pianos. Son yuide-accord obtient un
succès mérité, et l'emploi en est recommandé par tous les profe.sseurs
à leurs élèves. — L'oreille est susceptible de se tromper; le guide-accord
est infaillible.
,j*^ Le chef de la célèbre librairie musicale Uofmeister, à Leipzig,
M. Wilhelm Hofmeister, a été nommé récemment professeur de bota-
nique et directeur du jardin botanique à Heidelberg. Les travaux de
M. Hofmeister, qui se rattachent â cette science, notamment sur les
cryptogames, ont fait sensation.
**^ La Société des fêtes de bienfaisance de Calais organise pour le 19
et le 20 juillet prochain un grand festival de musique d'harmonie, de
fanfare et d'orphéon, offert à toutes les sociétés musicales de la France
et de l'étranger. 11 sera accompagné de brillantes régates.
.^*.f A Wiesbaden et à Ems auront lieu cette année de splendides
fêles, qui réuniront les artistes les plus renommés. Déjà parmi les il-
lustrations on cite Alexandre Batta , engagé pour y faire entendre ses
dernières compositions, au nombre desquelles on cite comme très-re-
marquables sa grande fantaisie avec orchestre sur le Freisclmtz, dédiée
à S. M. le roi des Pays-Bas, et ses études-caprices de concert. Mme Es-
cudier-Kastner et Vieuxtemps; puis Vivier, Godefroid, Servais, Sivori,
Alard et Mme Cabel, se succéderont dans ces fêtes, qui attirent à chaque
saison nouvelle l'élite de l'aristocratie. Mme Escudier et A. Batta sont
aussi demandés à Spa et à Hombourg.
/\ La salle Robin a offert cette semaine un spectacle d'un attrait ir-
résistible et merveilleux ; il s'agissait d'étranges apparitions de spectres
et d'esprits impalpables. Jusqu'à ce jour on avait pu admirer sa caisse
DE PARIS.
199
battue par son prétendu médiam d'Inkermann; M. Robin donne mieux
encore, il évoque le fantôme de ce zouave comme il l'a fait à Londres
pendant l'exposiiion.
t*^ Au Pré Catelan, aujourd'hui dimanche, l'orchestre de Musard,
augmenté pour la ciiconstance, exécutera la grande ouverture en forn.e
(le marche composée par Meyerbeer pour l'Exposition de Londres.
M. Duprez a été spécialement engagé pour y jouer le solo de clarinette
basse. Tout Paris voudra applaudir cette œuvre magistrale.
**» Cette semaine ont eu lieu les funérailles de M. Pitre-Chevalier,
directeur-propriétaire du Musée des familles, qui a succombé à une très-
courte maladie. M. Pitre-Chevalier était né en Bretagne ; il a écrit sur
cette contrée de la France un ouvrage estimé; en outre il s'occupait de
littérature légère; l'hiver dernier, on a pu entendre dans plusieurs salons
un agréable proverbe de lui, le Cigare, exécuté par deux acteurs de
rodéon. M. Pitre-Chevalier recherchait beaucoup la société des artistes,
qui trouvaient chez lui une agréable hospitalité.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
^*, Bordeaux. — Le festival donné au Grand Théâtre par le Cercle
littéraire et artistique a été des plus brillants. La société élégante
avait voulu apporter son obole aux pauvres, en témoignant au nouveau
cercle son estime et sa sympathie. Dans la partie instrumentale , il y
avait M. Ileliking, notre habile violoncelliste, et un jeune violoniste
dont le nom nous était encore inconnu, SI. Magnin. Ce dernier venait
demander la consécration de son talent à ce même public qui, la veille
encore, applaudissait Vieuxtemps, Sivori, Alard, Becker. M. Magnin a
obtenu beaucoup de succès en jouant un concerto de Bériot , ainsi
qu'une fantaisie inédite à lui dédiée par le même maître. Il a été rap-
pelé après chacun de ses morceaux. Le lendemain, il s'est fait entendre
dans les salons du Cercle. M. le président l'a remercié dans les termes
les plus chaleureux, et lui a remis une magnifique palme au milieu
des applaudissements frénétiques.
i'^ Marseille. — Un grand festival orphéonique, organisé sous la di-
rection de M. Aug. Morel, au profit des ouvriers cotonniers, a été donné
dimanche dernier dans la salle du grand théâtre. Onze sociétés cho-
rales, unies aux deux musiques militaires du 24<= et du 64= de ligne,
formant la masse imposante de six cents exécutants, ont pris part à
cette magnifique solennité. A nombre des morceaux exécutés, la Marche
aux flambeaux, de lUeyerbecr, jouée par la musique du 24" de
ligne, sous la direction de son habile chef M. Vias, qui a parfaitement
compris cette page grandiose, a produit un immense effet. M. 'Vias a été
rappelé à grands cris et salué par d'unanimes applaudissements.
CHRONIQUE ETRANGERE.
/^ Londres. — Le début d'Obin s'est accompli d'une façon très-bril-
lante dans Bertram, de Bvbert le Diable. Il y a déployé toutes les belles
qualités qui le font toujours applaudir sur le théâtre de l'Opéra de
Paris, et il n'a nullement paru gêné par le nouvel idiome dans le-
quel il chantait. Le chef-d'œuvre de Meyerbeer a été d'ailleurs admi-
rablement interprété par Tamberlick et Mlle Battu, qui a pris avec
beaucoup de succès le rôle d'Isabelle à la place de Mme Fioretti. Cette
dernière a tout d'un coup disparu et quitté le théâtre sans qu'on sache
où elle est allée. M. Lumley, voulant témoigner à Mme Piccolomini-Gao-
tani sa reconnaissance de la gracieuseté qu'elle a mise à chanter à son
bénéfice, lui a fait hommage d'un très-beau bracelet dans le goût
étrusque. — Mlle Désirée Artot a chanté lundi dernier chez la princesse
de Galles. Leurs Altesses Royales sont venues féliciter la brillante
cantatrice en ajoutant : « Qu'ils ne tarderaient pas à aller l'applaudir
au théâtre de la Ueine. Mlle Artot avait dû chanter le même soir à la
Société philharmonique, où elle a obtenu un très-grand succès. La
princesse Hélène assistait ix ce concert.
,*,f Francfort. — Au mois de juillet on célébrera le vingt-cinquième
anniversaire de la fondation de l'institut Mozart. A la fête musicale
qui aura lieu à cette occasion, on entendra, entre autres, une ouverture
inédite de concert, par F. iJiller, et diverses compositions de MM. Bock
et Bruch, élèves de l'établissement. — A la dernière représentation des
Huguenots, se sont fait entendre trois artistes étrangers : Wachtel
(Uaoul), Mlle Zirndorfer (Valentine), et Mlle VYalbach (Marguerite).
,*^ Manheim. — Le 14 juillet, a été exécuté sur notre théâtre Loretci,
opéra nouveau de Geibel, musique de Bruch, élève de l'institut Mozart,
à Francfort.
»*» Berlin. — L'opéra de la salle KroU continue à compléter son ré-
pertoire : Martha, la Dame blanche, le Maçim et le Philtre ont déjà été
représentés pendant cette saison. Le Philtre avait attiré beaucoup de
monde ; Mlle Suvanny fait merveille dans le rôle d'Adine. — Le ministère
du commerce a vendu les bâtiments de l'ancien théâtre Kcenigstadt
au banquier Lévi, au prix de 200,000 thalers. — Peu de jours avant
la clôture du théâtre de la cour, Mlle Sau ter a chanté avec succès le
rôle d'Alice, dans Robert le Diable.
»*,s Turin. — Au théâtre Scribe a eu lieu la première représentation de
Don Carlo, de M. le chevalier de Ferrari ; composée d'abord pour le
théâtre Carlo Felice de Gênes, l'œuvre a été complètement remaniée et
même refaite dans certaines parties. Le sujet est le même que celui
de Filippo, d'Alfieri, et le livret du poète Eerninzone, sans être un
chef-d'œuvre, «ït raisonnable et amusant. La musique est en général
belle et même très-belle dans plusieurs morceaux ; aussi le succès a-t-il
été aussi grand que mérité, quoique la masse des chœurs et des musi-
ciens eût pu être plus considérable. L'exécution a été digne d'éloges. —
Mme de Giuli, aussi bonne actrice que cantatrice, le ténor Guidotti, la
basse Mezzanti, Cesaro, ont fort bien interprété le nouvel opéra du
maestro Ferranti.
^'^ Milan, — La dernière séance du Conservatoire avait attiré une
grande foule. Au nombre des morceaux exécutés figurait l'ouverture
du Pardon de Ploermel, vrai trésor de science et ;d'jnspiration musicale,
qui a soulevé les applaudissements de toute la salle.
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L'immense succès que les Pianos de la Maison Henri HERZ ont obtenu à l'Exposition universelle de Paris, en 1855,
vient de se reproduire à Londres avec plus d'éclat encore : aussi le Jury international vient-il, en plaçant ces instruments
au premier rang, d'accorder à l'unanimité, à M. Henri HERZ, la médaille, en motivant cette distinction par la perfection
reconnue dans tous les genres de Pianos et sous le rapport de la solidité, de la sonorité, de l'égalité, et la précision du
mécanisme dans les nuances d'expression. (Rapport du Jury international.)
fl'o médaille d^or
Exposition nationale françaisede 1849.
DÉCORUION DE LA LÉGION D'HONNEUII
Exposition de 1849.
MNDFÂCTDRE D'INSTRUMENTS DE KDSIQUE EN CDIVRE ET EN BOIS
FONDÉE A PARIS EN 1843 PAR
H'" médaille
Exposition nationale belge de 1841.
DÉCORATION DE LA COURONNE DE CHÊNE
de Hollande (1845).
1" médaille d'argent
Exposition nationale française de 18a4.
Grande médaille d'or
du Mérite de Prusse (1846).
Facteur de la maison militaire de l'Empereur.
RUE SAINT ■ GEORGES, 50
Seule grande mëdallle d'itonuenr à l'Expositien universelle de Paris (1S55). — Seule grande niëdallle
(Cotincil Metlal) à l'Exposition universelle de liondres (lS5t).
Organisateur et fournisseur de la musique des Guides et des autres musiques des régiments de la Garde impériale.
INVENTEUR DES FAMILLES DES
SAXO-TROMBAS. SAX-TUBAS. CLAIRONS-SAX.
SAXHORNS. SAXOPHONES. TROMBONES-SAX.
Forme et dispositions nouvelles de Trombones à 3, 4 et 5 cylindres ;
invention brevetée en i ssu.
Tous les Instruments à pistons avec addition d'une ou plusieurs
clefs; invention brevetée en 1S50.
Système d'instruments à pistons ascendants; inv. brev. en IS5%.
CORNETS-SAX (compensateurs).
CLARINETTES BASSES-SAX.
CLARINETTES CONTRE-BASSES-SAX.
BASSON-SAX (en cuivre et en bois).
Cors, Cornets, Trompettes, Trombones simples, les mêmes à pistons
ou cylindres, les mêmes forme Saxo-Tromba,
Clairons, Trompettes d'ordonnance, Fltites, Clarinettes, Bassons,
Caisses roulantes, Grosses Caisses, Tambours, Timbales, Cym-
bales, etc., etc.
PRIX ACCOUDÉ A l'unanimité a l'exposition
UNIVERSELLE DE LONDRES 1851.
rournisseor des inlnlstères de lu
Ouerre et de la Marine de France.
Seuls agents à Londres
CHAPPEU 4 HAMMOND, S" DE JDllIEN i C''
214, Régent Street.
MAISON FONDÉE EN 1803.
INSTRUMENTS DE MUSIQUE EN CUIVRE
ANTOINE COURTOIS
IIEDAILLE D ARGENT DE 1" CLASSE
A l'exposition universelle de PARIS 18S5.
ffactcur du Conservatoire et de
l'Académie Impériale de Paris.
Agent è, Saint-Pétersbourg :
A. BDTTNER,
Perspect. Newsky, maison de l'église St-Plerre.
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La maison ANTOINE COURTOIS ayant agrandi ses ateliers, est en mesure de satisfaire à toutes les demandes qui pourront lui être
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Chantée au théâtre. du Palais-Royal par BRASSEUR.
Paroles de Henri Meilhac et Ludovic Halévy, musique de
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on S'ABONNE 1
Dans les Départements et à l'Étranger, chez tous
les Blarchnnds de Musique, les Libraires, et aux
Purcaux des Messageries et des Postes.
IVo 26.
REVUE
28 Juin 1863.
PRIX DE L'ABONNEMENT :
Paris 24rr.par(m
DépartémeDts, Belgique et Suisse.... 30 -i id.
Élranser M .i id.
Le Jouroal parait le Dimanche.
ET
GAZETTE
SICA
— vuUWUWlAA'V'-
SOMMAIRE. — La Musique au théâtre, par Paul Smith. — Orphéon de
Paris, première et deuxiènie séances annuelles au Cirque Napoléon. — Festival
à Strasbourg. — Correspondance : Londres. — Nouvelles et annonces.
L& MUSIQUE AU THÉÂTRE.
Tel est le titre du livre dans lequel M. A.-L. Malliot retrace
l'histoire de tous nos théâtres lyriques, et traite les diverses ques-
tions qui s'y rattachent, au double point de vue de l'intérêt des mu-
siciens et de celui du public. Je commencerai par rendre pleine justice
à l'auteur et à l'ouvrage. M. A.-L. Malliot s'est fait, à Rouen, une
belle position d'artiste : professeur, il a formé d'excellents élèves;
compositeur, il a réussi au théâtre; écrivain, il s'est distingué dans
la presse, et le voilà maintenant qui publie un volume dont le mérite
n'est pas douteux. Personne jusqu'ici n'avait résumé avec autant
d'exactitude, de clarté, les annales de notre grand Opéra, de notre
opéra-comique, et des autres théâtres, sur lesquels la musique ob-
tint la permission de se produire pendant un temps plus ou moins
long, ou de s'installer définitivement. Personne n'avait réuni des do-
cuments aussi nombreux, aussi curieux sur les causes et les effets
des révolutions qui agitèrent le monde lyrique. Le chapitre du grand
Opéra remplit seul près de cent pages, et celui des Bouffes-Parisiens
en a plus d'une douzaine. D'autres chapitres sont consacrés à la
théorie, à la critique, et, si je ne suis pas toujours de l'avis de l'auteur,
du moins je constate avec plaisir qu'il lit assidûment la Revue et Ga-
sette musicale, qu'il la possède à fond, et qu'il en tire, pour les be-
soins de sa cause, une collection assez riche de faits et d'arguments.
La pensée dominante de M. A.-L. Malliot, c'est que le xix<^ siè-
cle, qui s'est signalé par tant d'améliorations, de progrès, n'a pas
fait pour la musique au théâtre ce qu'il aurait dii faire : « Tout le
monde, dit-il, parle musique, tout le monde s'occupe de cet art, tout
le monde l'aime et s'y livre. C'est plus qu'un goût, plus qu'une
mode, c'est un besoin. La musique dramatique, notamment, jouit
d'une grande popularité et domine les autres branches de cet art
charmant. Eh bien ! la musique dramatique, la musique au théâtre
est encore entravée, enchaînée dans les liens formés par les lois res-
trictives de l'ancien régime. La musique et les musiciens sont tou-
jours soumis à des règles d'exception, à des restrictions, à des
dîmes, à des impôts spéciaux qu'une longue habitude a consacrés, et
que l'on laisse subsister par cet amour presque invincible de la rou-
tine qui nous caractérise. » Le remède à ces maux, ce serait d'a-
bord la suppression des privilèges ; M. Malliot la demande, et il n'est
pas le seul : il veut, non pas une liberté absolue et sans ordre,
mais « une liberté réglée à laquelle serait jointe une protection
grande, efficace, féconde, qui élargisse les voies et renverse les bar-
rières multipliées comme à plaisir dans l'arène de l'art musical au
théâtre. » Tout cela serait fort beau sans dûute, mais je me permet-
trai de dire à M. Malliot que ce serait d'une exécution bien difficile.
Il fut un temps, où, comme lui, j'ai cru devoir proposer la liberté
des théâtres, mais dans des vues tout autres que les siennes, et sans
me persuader en aucune façon que cette liberté serait la panacée
d'un genre de douleurs, dont les musiciens, comme les auteurs, se
plaignent et se plaindront éternellement. Si on nous l'eût accordée
cette liberté, je sais bien de quoi l'on .se plaindrait aujourd'hui, et
sur quel mode les artistes chanteraient leur désespoir et leurs mi-
sères. L'air serait un peu changé, mais non la chanson.
Rien ne m'a jamais semblé moins raisonnable ni moins loyal que
d'accuser les institutions de ce qui tient à la nature des hommes et
des choses. Supposons la liberté des théâtres établie, et voyons en quoi
les musiciens compositeurs en profiteraient. Les scènes musicales
seraient-elles beaucoup plus nombreuses qu'aujourd'hui? Je ne le
pense pas, vu le prix des terrains et des chanteurs; rnais admettons
que je me trompe: alors les théâtres lyriques s'élant multipliés, hors
de toute mesure peut-être, il y aurait plus de chances à redouter,
plus de dangers à courir, plus de sinistres à déplorer. Les affaires
seraient moins bonnes et les directeurs moins solides : on aurait
peu ou point de garanties en traitant avec eux. C'est un inconvé-
nient qui se rencontre, il est vrai, sous tous les régimes, mais que
celui de la liberté ne pourrait certainement pas diminuer.
Du reste, que les théâtres soient privilégiés ou libres, reste tou-
jours la grande difficulté pour le musicien : se faire connaître, ins-
pirer -.confiance, et pour cela il n'existe pas de procédé â la
portée de tout le monde. Obtenez le prix de l'Institut, allez
à Rome et revenez-en, arrivez de Rouen, de Bordeaux, ou d'un
quartier de Paris quelconque, pour les directeurs vous êtes à l'état
de doute et de problème : vous êtes encore comme si vous n'étiez
pas. Inspirer confiance! voilà le prcnier travail d'Hercule à accom-
plir, et si vous en venez à bout, soyez tranquille, les onze autres
qui vous attendent ne seront guère plus aisés. Plaire au chef -d'or-
chestre, aux chanteurs, au public ! Réussir le premier jour, faire de
l'argent le second, le troisième, trouver un éditeur qui vous achète,
vous paie et vous grave ! Notez bien que plus il y aura de théâtres
et plus la marchandises s'avilira, plus l'éditeur deviendra rare ! Plus
aufsi vous aurez à redouter cette concurrence, qui déjà commence
à vous effrayer, celle du compositeur riche, qui a le moyen de payer
202
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
sa gloire, et qui, le cas échéanl, pourrait même aller jusqu'à se
payer un théâtre, pour lui tout seul, si la loi ne s'y opposait plus !
M. Maillot signale avec raison l'incertilude qui règne dans la des-
tinée des ouvrages de théâtre ; il dresse le catalogue de ceux qui
étaient reçus en 1827 à l'Académie royale de musique; il en trouve
vingt-quatre, et sur ce nombre on n'en a joué que deux ! c'était en-
core bien pis à l'Opéra-Comique : depuis 1740 jusqu'en 1827, nn
comptait plus de douze cents ouvrages dont la musique était faite et
qui n'avaient pas été représentés. « Est-il nécessaire, ajoute-t-il , de
faire ressortir tout ce qu'il y a d'odieux dans de pareilles décep-
tions? » Nous conviendrons que cela est très-fâcheux, mais odieux,
pas le moins du monde. Tous les métiers ont leurs conditions, et
quand on prend celui d'auteur, il faut savoir à quoi l'on s'expose.
Or, les productions destinées au théâtre ne sauraient être jugées ab-
solument comme un livre ou un tableau. C'est par conjecture , et à
l'aide d'une opération en quelque sorte divinatoire que l'on se rend
compte de leur valeur, ei qu'on parvient à en pressentir l'effet, le
succès ou la chute. Les plus habiles s'y trompent, et les auteurs sont
les premiers à se faire illusion. Comment donc s'étonner qu'à une
simple lecture, à une simple audition, les jugements différent sur
le même libretto, sur la même musique, et qu'un directeur ou un
jury blâme et rejette ce que d'autres avaient approuvé? Comment
ne pas admettre que la même personne varie à quelque distance de
temps et sous des impressions nouvelles? Or, comme il en coûte
beaucoup pour mettre un ouvrage en scène, il est tout simple qu'on
hésite, qu'on ajourne, lorsqu'on ne se croit pas bien sûr de son fait,
et que, comme au Palais, on demande une remise.
Je dirai plus : dans le fait signalé par M. Malliot et qualifié pjir lui
d'une façon trop sévère, je vois quelque chose de tout opposé, car
en général, au grand Opéra surtout, c'était le résultat d'une complai-
sance excessive. Les auteurs soumettaient leurs œuvres à un jury
composé d'illustrations littéraires et musicales, membres de l'Institut
pour la plupart. Le jury recevait ou refusait, mais chaque année le
minisire désignait les ouvrages qui seraient joués. On comprend que
dans une telle situation le jury devait incliner bien plus à l'indul-
gence qu'à la sévérité. Voici deux souvenirs à l'appui de ce que
j'avance : M. Delrieu, l'auteur d'Arlaxerce, venait de lire un poëme.
Le jury va aux voix et s'aperçoit, non sans horreur, qu'au fond de
l'urne il n'y a que des boules noires ! Refusé à l'unanimité ! La sen-
tence pouvait être juste, mais elle était bien dure pour un auteur
comme Delrieu. Tout le monde est de cet avis, et l'on convient de
recommencer pour mitiger un peu le verdict. On recommence donc,
et cette fois il n'y a dans l'urne que des boules blanches! Reçu à
l'unanimité!
La partition d'un musicien, fort honorable et fort bien placé
dans le monde, n'avait été reçue qu'à corrections; mais comme le
musicien n'était pas moins laborieux qu'ambitieux, il s'était empressé
de revoir son œuvre et de solliciter une seconde audition ; même
résultat qu'à la première. Le musicien revient encore à la charge,
et sa partition est reçue définitivement. Boïeldieu faisait partie du
jury et quelqu'un de ses amis lui disant : « Comment se fait-il que
» vous ayez reçu la musique de Z..., vous disiez qu'elle était si en-
» nuyeuse ! — Justement , répondit Boïeldieu , nous l'avons reçue,
» pour ne plus l'entendre. » Les deux ouvrages dont je viens de
parler figurent dans le catalogue, ainsi que le Protogène, dont le
poëme était de Scribe, et la musique de cette pauvre Mlle Pillore,
qui mourut sans avoir pu comprendre pourquoi Scribe s'opposait à
ce que l'on jojât son ouvrage, et qui le qualifiait sans scrupule de
tartufe et à'assassin !
L'auteur de la Musique au théâtre se garde bien d'oublier les lau-
réats de Rome, auxquels j'ai souvent témoigné un intérêt assez vif.
Il en reprend la liste ah ovo, c'est-à-dire depuis 1803 jusqu'eu 1857
et voici les conclusions qu'il en tire. Sur un total de cinquante pre-
miers prix, vingt-sept ont été plus ou moins représentés sur le théâtre
de rOpéra-Comique , et vingt-trois n'y sont jamais parvenus. Au
grand Opéra, huit seulement ont été joués; quarante-deux n'en ont
jamais franchi les portes. A la vérité, M. Malliot ne compte pas les
seconds prix, qui, comme Adolphe Adam, n'ont pas attendu le pre-
mier pour se lancer sur les deux scènes. Mais son observation n'en
est pas moins juste, et je m'en prévaudrai pour exprimer encore le .
regret que l'on accorde trop facilement les prix de Rome, trop faci-
lement en ce sens qu'on n'est pas assez édifié sur la vocation de
jeunes gens que l'on couronne, pour leur répondre de leur avenir
et pour leur dire d'un ton d'oracle : « Tu Marcellus eris. Tu seras
» compositeur et tu vivras de tes œuvres ! »
Le prix de Rome bien entendu n'est qu'une épreuve de plus ajou-
tée à plusieurs autres. On envoie les jeunes gens achever leur édu-
cation en Italie, et au retour on ne leur promet rien qu'un poëme,
qu'il est si difficile, pour ne pas dire impossible, de leur donner.
Sans doute, il y a quelque chose à faire pour arriver à tenir celte
promesse, ou bien il faut rayer des cahiers des charges la clause
fallacieuse, dont l'inexécution se dresse comme un reproche perpé-
tuel. Après cela, que demanderez- vous ? Que l'on assure aux lauréats
de Rome une suite non interrompue de poëmes excellents, une place
permanente sur l'afliche et au répertoire, tant qu'il leur plaira d'é-
crire, et une pension de retraite, quand ils n'écriront plus? En vé-
rité, ce serait trop de largesse, et le fameux droit au travail ne doit
être ressuscité pour personne. Si les lauréats de Rome ne sont pas
plus joués au grand Opéra et à TOpéra-Comique , c'est peut-être
aussi leur faute: s'ils n'inspirent pas confiance plus que les autres
artistes, n'est-ce pas à eux qu'ils doivent s'en prendre , et non à
l'Etat, qui plus qu'à tous les autres leur en a fourni le moyen ?
Il est un point sur lequel M. Malliot et moi nous aurions bien de
la peine à nous entendre. Je sais qu'il habite une grande ville de
province, et qu'il a fait jouer sur le théâtre de cette ville un opéra
représenté depuis à Toulouse, à Lyon et non encore à Paris. Cepen-
dant je ne comprends pas qu'avec le bon sens et l'esprit qu'il possède
il se soit fourvoyé dans l'absurde lieu commun de la décentralisation
lyrique. Je l'ai dit, il y a déjà longtemps : « Décentralisation est un
mot à peu près barbare et l'idée qu'il renferme ne l'est guère moins.»
Je pourrais tout simplement renvoyer M. Malliot à l'un de nos bons
confrères de Marseille, le judicieux 1\L Bénédict, qui a fait justice de
l'idée et du mot (1). Mais je tiens à lui dire en mon propre nom
que, dans tout ce qui touche aux beaux-arts, aux théâtres, cette
affreuse décentralisation n'est qu'une chimère, et que nulle puis-
sance au monde n'aurait la force de l'opérer, parce qu'on ne change
pas le cours des fleuves et qu'on ne les empêche pas d'aller se perdre
dans la mer. Quand vous serez parvenu à faire que Marseille , Bor-
deaux, Lyon ou Rouen aient une importance égale à celle de Paris;
quand vous aurez doté chacune de ces villes d'autant d'académies, de
collèges, d'écoles, de théâtres, de journaux, de salons ; quand vous
les aurez peuplées d'autant de magistrats, de savants, d'écrivains,
d'artistes, de critiques, d'hommes de loisir qu'il y en a dans la ca-
pitale, alors demandez, si cela vous plait , que leur jugement pèse
d'un poids égal dans la balance , autrement que gagnerez-vous à
lutter contre ce qui n'est ni une loi, ni un système, mais une invin-
cible nécessité. En Italie, en Allemagne, il y a eu de tout temps plu-
sieurs États, plusieurs gouvernements de valeur équipollente : la cen-
tralisation n'y existait donc pas. Il n'en est pas de même en France,
où Paris sera toujours le Léviathau des cités de l'empire. Par une
conséquence inévitable; Paris ne soumettra jamais son opinion à celle
d'une cité quelconque, et dans toute l'étendue de l'Empire il y aura
toujours un préjugé d'ailleurs fort plausible contre tout ouvrage qui
(1) Voir Gazelle musicale du 11 août 1850.
DE PARIS.
203
n'aura pu commencer sa fortune à Paris, qui ne se présentera pas
revêtu de l'estampille et des suffrages de la grande ville.
Dans son livre si instructif et si amusant, M. Maillot croit avoir
indiqué toutes les plaies de l'art musical : il me semble pourtant
avoir oublié la principale, et probablement la plus difficile à guérir.
Aujourd'hui tout le monde étudie la composition, tout le monde com-
pose, et c'est justement l'heure, oîi, par suite d'une production im-
mense, le génie même a moins de richesses à découvrir, moins de
ressources à exploiter. N'est-ce pas à peu près comme si, dans un
champ longtemps clos , oîi quelques moissonneurs travaillaient à
l'aise, on laissait tout à coup se ruer la multitude pour les quelques
épis qui restent seulement à glaner ?
Paul SMITH.
ORPHÉON DE PARIS,
Première et deuxième séanccfs aimnellcs au Cirque
mapoléon.
Comme l'année dernière, l'Orphéon de Paris a eu ses deux jour-
nées solennelles, dont l'une n'est plus l'exacte reproduction de l'au-
tre. Désormais chaque rive de la Seine a son chef et son programme.
La rive gauche a comparu, la première, sous la direction de M.- Bazin;
la rive droite est venue quinze jours après sous la direction de M. Pas-
deloup. Des deux côtés, il y avait à peu près égalité de force nu-
mérique : les exécutants, au nombre de douze cents, remplissaient
un quart de la vaste enceinte. Il y avait aussi dans l'exécution gé-
nérale une manifestation sensible de progrès, notamment en ce qui
touche la prononciation, l'accent, les nuances. Chacun des
deux chefs apporte naturellement à ce progrès l'influence
de ses qualités personnelles. M. Bazin se préoccupe davantage de
l'ensemble et de l'expression du morceau, sauf à en laisser flotter
quelques parties indécises. M. Pasdeloup veut au contraire que tout
soit net et marqué, que le rhythme, les forlc, les pw/îo^s'accusent
toujours avec vigueur : sous ce rapport on a remarqué l'excellent
parti qu'il tire de ses voix d'adultes, parmi lesquelles aucune n'est
perdue, et dont la réunion manœuvre avec la facilité, l'intelligence
du simple quatuor.
Les deux programmes n'offraient que quatre morceaux identiques,
le Départ, chœur général, douce et touchante inspiration de Men-
delssohn; un Ave Maria du xvi" siècle, autre chœur général; la
marche des Ruines d'Athènes de Beethoven, dépouillée de son or-
chestre et arrangée pour les voix, et le Vin des Gaulois, de Gounod,
chœur pour voix d'hommes , sans compter le Domine Salvum, qui
ouvre, et le Vive l'Empereur, qui clôt chaque séance. Le Vin des
Gaulois a eu le même sort à chaque exécution, soit de la rive gau-
che, soit de la rive droite; on l'a redemandé et redit au milieu des
bravos frénétiques. Nous avouerons que ce morceau n'a pas le don
de nous plaire, et pourtant il faut bien qu'il ait son mérite, ne fût-ce que
celui d'une sauvagerie outrée. Mais, en l'acceptant tout au plus
comme fantaisie d'artiste, nous ne concevons pas qu'on fasse appren-
dre et répéter des paroles (et non des vers) où. le stupide se mêle
au féroce : Mieux vaut vin nouveau que bière. Voilà une pensée!
Sang rouge et vin blanc, charmante alliance ! C'est le sang gaulois qui
coule !... J'ai bu le sang et le vin dans la mêlée horrible ! Et ce sont
de jeunes Français, qui, pour se réjouir, entonnent ces clianls de
cannibales ! Nous ne pardonnerons à la musique de M. Gounod que
quand il en aura changé le texte qu'elle popularise de la plus triste
façon.
Dans le programme de M, Bazin figuraient deux morceaux em-
pruntés à deux des plus beaux ouvrages d'Halévy, la Reine de Chypre
et le Val d'Andorre; au premier, on a pris un chœur ravissant qu'on a
cru pouvoir rattacher au commencement de l'air, le gondolier dans
sa pauvre nacelle; nous aurions mieux aimé entendre le chœur et
l'air séparément. Dans le second, c'est l'air du chevrier, qu'on a
choisi pour l'adapter à quatre voix d'hommes, et sans contredit il
produit beaucoup plus d'effet, lorsqu'il est chanté, comme l'auteur l'a
écrit, par une voix seule.
Evidemment la difificulté de composer des programmes pour des
séances comme celles qui se tiennent au Cirque Napoléon, est tou-
jours très-grande, et ce qui l'augmente, c'est que l'auditoire, musi-
calement parlant, se montre au-dessous des chanteurs qu'il vient
entendre; il ne comprend, n'aime et n'applaudit que ce qui a l'allure
et le mouvement des couplets de vaudeville : un accompagnement de
tambours ne lui déplairait même pas.
M. le préfet de la Seine assistait aux deux séances du 7 et du 21
juin, et par son approbation mêlée de conreils il a, comme il conve-
nait, encouragé les maîtres et les élèves.
P. S.
FESTIVAL A STRASRODRG. '
Les fêtes de Strasbourg avaient eu à l'avance un grand retentissement.
Aussi, dès le 18, la ville avait pris un aspect inaccoutumé: des drapeaux
innombrables français, allemands et suisses pavoisaient les maisons re-
liées l'une à l'autre par des guirlandes de chêne et de lierre. Une foule
bigarrée aux costumes pittoresques inondait les rues; partout des chants
joyeux, des fanfares, le bruit des tambours témoignaient de l'animation
générale. Le samedi 20, les corporations, bannières en tête, sont arri-
vées successivement par les voies ferrées de Fi'ance, d'Allemagne et de
Suisse, et leurs musiques ont donné dans la soirée des sérénades aux
principales autorités de la ville.
C'était dimanche 21 le grand jour du festival, et dès 6 heures du matin
des salves d'artillerie ont mis tout le monde en mouvement. A midi, les
sociétés chorales ont été reçues officiellement par les autorités munici-
pales, et, suivant la coutume, le vin d'honneur leur a été olTert. Le cor-
tège s'est ensuite rendu à la place Kléber, dans la vaste salle (elle est
longue de plus de 100 mètres) construite pour la cérémonie. Trois mille
chanteurs y ont pris place et cinq mille auditeurs ont achevé do la rem-
plir. On se ferait difficilement une idée, si on ne l'a pas entendu , de
l'effet produit par un ensemble de chanteurs aussi exercés que ceux
réunis pour cette solennité. Parmi les chœurs généraux, le chœur des
Montagnards, de Kiicken, maître populaire en Allemagne, qui dirigeait
lui-même, a produit un effet immense. Le chant de Bienvenue, de Liebe,
France, d'Ambroise Thomas, ont excité de longs applaudissements. Le
soir, un banquet a réuni à l'hôtel de la Ville-de-Paris les autorités ad-
ministratives et municipales, les chefs des principales sociétés et les
représentants de la presse allemande et française. De nombreux toasts
ont été portés par M. le préfet, M. Berlioz, M. Méry, M. Kiicken, etc.
Une brillante illumination de la cathédrale a terminé la journée.
Le principal attrait de la journée du 22 était le concert vocal et in-
strumental, où l'on devait exécuter des productions de MM. Schwab et
Elbel, des morceaux de musique classique, et enfin l'Enfance du Christ
de Berlioz, jouée dans son entier et sous la conduite du maître. Ici nous
ne pouvons mieux faire, pour en rendre un compte exact, que de re-
produire celui qu'en a donné le Courrier du. Bas-Rhin :
» Hier a eu lieu le concert vocal et instrumental du festival , magni-
fique complément des deux précédents concerts. L'art symphonique,
dramatique et instrumental y était représenté, comme l'était la veille et
l'avant-veille le chant choral. L'enthousiasme était le même, et la séance
aussi variée en épisodes et en triomphes. Ici, rien non plus n'avait été
épargné par le comité organisateur pour assurer aux œuvres admises
sur le programme une exécution digne de la solennité.
1' L'auditoire était encore immense, et sur l'estrade s'était rangée,
comme spectateurs cette fois, toute l'armée des chanteurs affranchis
maintenant des angoisses des concours, et qui joignaient leurs acclama-
tions expansives à celles du public.
» Nous renverserons l'ordre du programme pour parler d'abord du
succès brillant et complet obtenu par le chef-d'œuvre de M. Berlioz, qui
vient de remporter à Strasbourg un triomphe dont notre ville doit être
aussi fière que le maître peut en être heureux; Accueilli à son arrivée
au pupitre directorial par une triple sonnerie de fanfares, ce qui en
Allemagne, l'inventrice de celte forme d'ovation, équivaut au grand
triomphe des anciens lîomains, et par les acclamations de son immense
auditoire, M. Berlioz a paru vivement touché de cet éclatant hommage
que lui rendaient à la fois le public et les artistes. A mesure que l'œuvre
avançait, l'admiration de l'auditoire allait croissant, et bientôt chaque
morceau avait sa salve de bravos.
204
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
» M. Berlioz n'a pas dû attendre longtemps pour être complètement
rassuré sur la sonorité de la salle et sur l'effet que produisait son En-
fance du Christ. Nous n'avons plus à revenir sur cette superbe partition
dont riccmmer.t nous avons essayé l'analyse musicale, et qui est d'ail-
leurs unanimement reconnue comme un chef-d'œuvre de science et
d'inspiration. Cédons tout de suite au plaisir de constater que l'exécution
en a été parfaite, au point de dépasser les espérances raêmede l'auteur.
Les amateurs et dames de notre ville qui composaient le chœur mixte
peuvent se féliciter à bon droit de cette victoire, si bien préparée par
M. Liebe ; l'orchestre, les solistes ont rivalisé avec le chœur de talent
et de précision, et l'illustre maître n'a eu pour tous que des éloges et
des témoignages de satisfaction sans mélange.
X Le ténor Morini a dit les récits de VEnfance du Christ avec une ma-
gistrale ampleur, et l'auditoire a salué en lui par ses vifs bravos et le
compatriote dont la présence sympathique rehaussait l'éclat de la fête
et l'éminsnt chanteur.
» Le rôle du père de famille était rempli par une autre illustration de
l'art vocal, M. Battaille, dont l'organe puissant et incisif et la belle dic-
tion ont excité les applaudissements de tous les connaisseurs. JI. Lutz a
chanté saint Joseph avec la perfection que nous lui connaissons depuis
longtemps. Des amateurs distingués de notre ville remplissaient les autres
soli; M. Klein s'est acquitté avec un talent d'artiste de la partie d'Hé-
rode, comme Mlle Scheffer de celle de sainte Marie, à laquelle elle a
prêté le charme de sa voix pure et sympathique. Enfin, M. «essler avait
accepté Polydorus.
» Les chœurs, tous très-difficiles, ont été exécutés, nous le répétons,
avec une surprenante perfection. Nous citerons parmi les plus épineux
celui des devins, parmi les plus suaves le chœur d'anges Mleluia, finale
de la première partie, inspiration vraiment céleste, qui a transporté
l'auditoire.
» Le chœur des bergers de la seconde partie : Il s'en va loin de la terre,
a été acclamé comme une merveille de simplicité et de couleur locale.
La délicieuse introduction d'orchestre de cette partie, la Fuite en Egypte,
qui suit le Repos de la sainte Famille, raconté par le récitant, a été l'ob-
jet d'une aussi légitime admiration et constitue à elle seule un chef-
d'œuvre descriptif. Nulle part ne se révèlent d'une manière plus sensible
la puissance de la science orchestrale en général et le parti que peut
tirer un grand maître de ce côté de l'art musical au point de vue du
coloris et de l'expression.
» Dans la troisième partie, cette scène de l'hospitalité, si bien con-
duite par le père de famille (M. Battaille), on a applaudi le chœur: Que
de leurs pieds meurtris, si difficile par la variété des rhythmes superpo-
sés; et le suivant : Ailes dormir, bon père, ravissant de calme et d'amé-
nité hospitalière. — Enfin, le chœur final : 0 mon âme\ sans accompa-
gnement, c'est à-dire des plus dangereux pour la justesse, a achevé
de faire honneur à nos exécutants, et nous tenons de l'auteur même
que nulle part il n'a entendu ce chœur rendu avec autant de finesse, de
goût et de respect de la tonalité.
« L'orchestre, orchestre formidable, composé de l'excellente phalange
du théâtre renforcée d'artistes et d'amateurs de Strasbourg, de Bâle, de
Colmar, Mulhouse, etc., a bravement fait son devoir, et les parties pu-
rement symphoniques de l'ouvrage ont mis spécialement en relief l'ex-
cellence de cette armée instrumentale qui n'a cependant eu qu'un
nombre de répétitions fort restreint.
ï Un bijou d'originalité et de combinaisons sonores est enchâssé dans
cette partition qui renferme tous les trésors de l'instrumentation: c'est
le trio pour harpe et deux flûtes qui se joue chez le père de famille
en l'honneur de ses hôtes. Le maître a admirablement réussi dans la
couleur rétrospective qu'il a entendu donner à ce morceau, dont l'effet
est aussi charmant que l'exécution en est difficile. Le motif principal est
ravissant et les variations sont un chef-d'œuvre de rhythme et de con-
tre-point contrarié. Les e.xécutants de ce concert étaient MM. Krûger
le remarquable harpiste de Stuttgard, Bucquoy et Prédigam, flûtistes'
C'est dire que l'exécution a été parfaite, et les félicitations qu'ils ont
reçues de M. Berlioz, enchanté, le leur ont dit bien mieux que ces
lignes.
» A peine le chœur des anges avait- il chanté Amen qui termine pia-
nissimo Y Enfance du Christ, que des hourras enthousiastes ont éclaté de
toutes parts ; les cris de vive Berlioz 1 ont retenti, et en moins d'un
instant l'illustre maestro, chef d'orchestre incomparable, a vu son pu-
pitre jonché de fleurs et sa personne entourée d'admirateurs. — A. un
pareil triomphe, nous n'avons plus rien à ajouter, si ce n'est un senti-
ment de bonheur certainement partagé par tous nos concitoyens, qui
ont à cœur l'honneur artistique de la ville de Strasbourg. Avec la sym-
phonie en la de Beethoven et l'ouverture d'Eurijanlhc, l'orchestre sous
la direction habile et vivifiante de 11. Hasselmans, a remporté une belle
part de bravos et a bien mérité aussi de l'innombrable assemblée.
» Un fragment très-élendu de l'Océan, oratorio de notre compatriote
M. V. Elbel, formait un des numéros du programme. Nous ;ivons en son
temps fait ressortir toutes les qualités de cette œuvre considérable, deux
fois encore entendue au th('atre et produite cette fois devant un auditoire
immense, c'est-à-dire dans les conditions les plus favorables pour sa po-
pularité. Ce que nous avons à constater, et nous le faisons avec plaisir,
c'est l'accueil chaleureu-x dont la composition de M. Elbel a été l'ob-
jet hier , l'effet puissant qu'elle a produit par la bonne exécution qu'elle
a obtenue de l'orchestre, des chœurs et des solistes, MM. Lutz, Morini et
Mlle Scheffer. — Des bravos éclatants ont maintes fois retenti, et, à la
fin, une ovation brillante a été décernée à l'auteur, qui dirigeait lui-
même son œuvre. »
Pendant la matinée des deux journées ont eu lieu les concours entre
les sociétés. On a été surtout frappé des progrès faits dans la lecture ;
les épreuves de lecture à première vue ont donné des résultats remar-
quables et inattendus. •
Un bal au théâtre a clos cette fête, qui avait mis toute l'Alsace et la
vallée des Vosges en émoi.
Avant son départ pour Paris, les sociétés de chant du grand-duché
de Bade ont invité M. Berlioz à assister à une réunion à Kehl, et le
maestro français s'est rendu à cette -gracieuse invitation, en compagnie
de MM. Kïicken et Abt. Arrivés sur le pont du Rhin , ces éminents
hôtes furent reçus comme on reçoit des personnages princiers, par des
musiques militaires et par une salve de canons tirée des forts badois.
Toutes les sociétés étaient réunies au bout du pont, avec insignes et
bannières, et ont reçu M. Berlioz, présenté par M. Beker, par un triple
hurrah ! et par les démonstrations les plus enthousiastes en l'honneur
du maestro français.
On s'est rendu ensuite en cortège à l'église, où des places d'honneur
avaient été réservées à MM. Berlioz, Kiicken et Abt, et les sociétés ont
chanté le Chant allemand de Kalliwoda. M. Berlioz a remercié nos voi-
sins de l'accueil qui lui avait été fait, et M. Kiicken s'est chargé de
traduire en allemand ce discours plein de pensées élevées, auquel les
chanteurs ont répondu, malgré la sainteté du lieu, par des acclamations
et des applaudissements prolongés.
Y.
CORRESPONDANCE.
Londres, 25 juin.
Le nombre des concerts qui se donnent à Londres à cette époque de
la saison est innombrable, un numéro tout entier de la Gazette musicale
suffirait à peine pour eu donner la simple nomenclature; force nous
est donc de nous borner à n'en citer que quelques-uns. A leur tête
se place tout naturellement, et par ses qualités et par ses quanti-
tés, le concert annuel de Benedict, le plus important, le plus recherché
et aussi le plus formidable de tous. Quarante-quatre morceaux en for-
maient cette année le programme. Les artistes qui prêtaient leur con-
cours à M. Benedict, sans compter, bien entendu, l'orchestre et les
chœurs, étaient au nombre de vingt-neuf ; et ces artistes s'appelaient
Trebelli, Patti, Alboni, Arabella Goddard, Artot, Délie Sedie, Giuglini,
Piatti, etc.; — j'en passe et des meilleurs. Est-il besoin d'ajouter rien
de plus à ces noms pour constater la magnificence d'un tel concert 1
— Le bénéficiaire, le célèbre auteur du Lys de Jullerney, s'y prodiguait
lui-même en sa triple qualité de compositeur, de virtuose et de chef
d'orchestre. Parmi ses compositions inédites le fragment d'un concerto
pour piano avec orchestre (andante et allegretto), nous a semljlé le
plus mériter l'attention des musiciens véritables. Le souffle classique a
passé par là ; c'est une composition digne de l'élève favori de Charles-
Marie de Weber; un duo d'un opéra posthume et inachevé de ce der-
nier, ks Trois Pinlos, n'était certes pas le numéro le moins intéressant
de ce riche concert. Ce dernier morceau a été chanté par Mlle Parepa
et M. Severini, le jeune ténor, qui s'est fait connaître déjà d'une ma-
nière extrêmement favorable au dernier concert du Cristal- Palace, et
qui vient de confirmer au concert de Benedict les grandes espérances
qu'on peut fonder sur son brillant avenir.
Il y a tout un monde entre les proportions du concert de M. Benedict
et celles de la matinée annuelle de M.Blumenthal. Ici, pas d'orchestre, pas
de public bruyant, point de salle de concert encombrée ; et cependant
le grandiose n'y manque point non plus; seulement les quarante-quatre
morceaux du concert de M. Benedict sont remplacés sur le programme
de M. Blumenthal par quarante-quatre^dames patronnesses, toutes prin-
cesses, duchesses, marquises ; si vous n'êtes que simple comtesse mieux
vaut vous abstenir : vous vous trouveriez peut-être un peu honteuse.
Devant cet auditoire aristocratique M. Blumenthal a fait entendre quel-
ques-uns de ses morceaux dont le succès est assuré depuis longtemps,
mais surtout plusieurs compositions ncuvelles, parmi lesquelles nous
avons remarqué surtout celles qui portent les titres : les Ailes, la Danse
des gnomes, le Parfum. C'est, si vous voulez, toujours le même genre,
c'est écrit de la même manière que la Source, le premier et le plus
grand succès de M. Blumenthal, mais ce genre est aimable, cette ma-
nière est charmante, et, avant tout, cela plait. M. Blumenthal aurait
donc grand tort de changer sa manière ; — aussi ne le fera-t-il pas. —
DE PARIS.
205
Depuis quelque temps cependant, M. Blumenthal applique son système
également et tout à fait avec le même succès aux compositions vocales.
M. Tennant était l'interprète d'une nouvelle mélodie de M. Blumenthal,
Conu to tlnj laitice, ravissante inspiration, et qui obtiendra bien cer-
tainement le même succès que le Chemin du Paradis du même com-
positeur.
Le programme du très-beau concert donné la semaine dernière par
M. et Mme .Sainton (miss Dolby), contenait une composition extrême-
ment intéressante. C'est un concerto (en ré), pour violon, d'Auber, écrit
sans doute par l'auteur de la Muette avant qu'il eût songé à son pre-
mier ouvrage dramatique, mais qui révèle déjà cette fraîcheur, cette
netteté des idées qui n'ont point abandonné l'illustre compositeur pen-
dant sa longue et glorieuse carrière. M. Sainton a admirablement rendu
les pensées du jeune Auber, et interprété avec non moins de succès le
iio)if/o papaycno d'Ernst. Aime Sainton-Dolby, la contralto populaire,
Délie Sedie, qui a tant de succès cette année à Her Majesty's Théâtre,
mais dont l'exquise méthode s'apprécie mieux encore au concert qu'au
théâtre; Mlle Carlotta Patti et Mme Arabella Goddard étaient les autres
artistes qui partageaient avec M. Sainton les applaudissements d'une
assemblée d'élite.
Nous venons de nommer Mme Arabella Goddard qu'il faudrait nommer
cent fois s'il y avait possibilité de rendre compte de tous les concerts
dans lesquels cette jeune, belle et infatigable artiste prodigue son
merveilleux talent. C'est pour les grandes sociétés orchestrales surtout
que le concours de Mme Arabella Goddard est d'une valeur inappré-
ciable. Musique classique ou musique moderne, sous ses doigts tout
devient succès. Au dernier concert de la nouvelle Philharmonie,
Mme Arabella Goddard s'est chargée de l'exécution d'un concerto nou-
veau de la composition du directeur de cette société : M. Wilde, compo-
siteur plein de mérite du reste, et elle l'a enlevé comme si c'était
simplement du Beethoven ou du Mendelssohn.
Les théâtres n'ont rien offert de nouveau pendant la dernière quin-
zaine. A Covent-Garden le succès d'Obin se consolide de plus en plus
dans le rôle de Bertrani de Robert le Diable, et au théâtre de Sa Majesté le
Faust de Gounod poursuit sa carrière brillante, alternant avec les re-
présentations de Mme Ristorj. Mardi prochain, le théâtre de Covent-
Garden jouera à son tour l'œuvre populaire de Gounod.
Au dernier concert de la Société philharmonique, HUe Artot s'est fait
entendre, et a remporté un succès des plus éclatants avec le brillant
air de bravoure : Ahl corne rapida, de Meyerbeer.
Mlle Stella Colas, de la Comédie française, vient de faire son début
sur la scène anglaise d'une façon tout à fait remarquable dans le rôle
de Juliette, de Roméo et Juliette, de .Shakspeare.
L. B.
NOUVELLES.
,*^ Le Comte Ory et Gizelle, avec la Muette de Portici, ont lutté avan-
tageusement au théâtre impérial de l'Opéra contre les chaleurs de
cette semaine. — Demain on donnera les Huguenots.
f*f La reprise des Vêpres siciliennes est retardée d'une quinzaine. On
se rappelle la supériorité avec laquelle Obin y a créé le rôle de Procida;
M. Perrin a tenu à ce que cet élément de succès ne fît pas défaut à
la reprise de l'opéra de Verdi, et il s'est entendu avec le directeur du
théâtre de l'Opéra de Londres, M. Gye, qui avait engagé Obin, pour le
faire revenir. — Dans le ballet des Saisons, Mlle 'Vernon dansera le Prin-
temps, Mlle Schlœsser l'Été, Mme Zina-.Merante l'Automne, Mme ■Villiers
l'Hiver.
*** Un nouveau contralto, Mlle Dory, doit débuter vendredi dans
le rôle d'Azucena du Trouvère.
„,% Nous trouvons dans V Indépendance belge quelques détails sur le nou-
veau ballet en un acte dans lequel doit se produire MlleMourawief et qui a
pour titre Diarolina. Il est l'œuvre du chorégraphe Saint-Léon et du compo-
siteur Pugni ; entièrement nouveau, il a été commandé par la direction
de l'Opéra, afin de mettre en relief toutes les qualités de la nouvelle
danseuse. Ce ballet, qui est fort important et qu'on dit très-bien réussi,
est un ballet d'action, éminemment comique, dont la scène se passe à
Naples. Il sera dansé par Mlles Moura\vief, Marquet, Parent et par toutes
les danseuses du corps de ballet, auxquelles il faut joindre, pour les rôles
d'hommes, Mérante, Berthier, Dauty. On parle beaucoup dans le monde
des couliises de l'Opéra de deux pas fort curieux, dans lesquels
Mlle Mourawief déploie toutes les ressources d'un talent plein de nerf et
d'originalité, le pas de la Scarpetta ou de la mule, et le pas du tambour,
en costume de vivandière.
t** On a lu mardi aux artistes de l'Opéra-Comique l'opéra de
MM. Cormon et Michel Carré, musique de M. A. Maillart, intitulé Lara.
Cette lecture a obtenu un véritable succès. Les rôles de l'ouvrage .se-
ront confiés à Montaubry, Gourdin, Troy, Nathan, Potel, Mmes Galli-
Marié, Baretty, Tuai et Casimir. On voit par cette distribution l'impor-
tance qu'attache la direction à cette production nouvelle de l'auteur
des Dragons de Viltars, ce charmant opéra devenu aujourd'hui aussi
populaire en Allemagne qu'en France.
*% Le procès fait par le théâtre Lyrique au théâtre de l'Opéra-Co-
mique, à l'occasion des /amours du Diable, sera plaidé très -prochainement
au tribunal consulaire. Le procès est fait à M. Carvallho, par les au-
teurs MM. de Saint-Georges et Grisar, et soutenu en leur nom par la
commission des auteurs.
^** Mardi, le début de M. Mirai, dans le Chalet, a été heureux. Ce
jeune ténor est intellifçent ; il possède une jolie voix qu'il conduit avec
méthode. Il chantera au théâtre de l'Opéra-Comique pendant les mois
de juillet et août; après quoi il retournera â Lyon, où un engagement
le lie au théâtre de cette ville.
*% Avant de quitter le ministère d'État, S. Exe. le comte 'Walewski
a signé l'ordonnance qui accorde au théâtre Lyrique une subvention an-
nuelle de 100,000 francs.
*■** M. Carvalho, à la suite de la brillante rentrée qu'avait faite
Mme Ugalde au théâtre Lyrique dans Oberon, l'a engagée pour la réou-
verture. La célèbre cantatrice ne retournera donc pas aux BouEfes-Pa-
risieus, qui la remplaceront difficilement.
^** Nous donnions tout récemment la nomenclature des œuvres qui
doivent signaler la direction de M. Carvalho, pour la saison prochaine.
L'octroi d'une subvention de 100,000 francs aidera efficacement à
l'exécution de ses projets, dans lesquels entre celui de varier son ré-
pertoire, et de remonter pour Mme Carvalho les pièces qui ont com-
mencé sa grande réputation et l'ont placée au premier rang de nos
grandes cantatrices. La reprise de la Fanchonnette, l'un de ses plus
jolis rôles, paraît déjà décidée et ne peut manquer d'être bien ac-
cueillie.
*** Offenbach n'est resté à Paris que le temps de voir poser les fon-
dations du nouveau théâtre des Bouffes; il part pour Ems, où il va
mettre en scène son opérette il signor Fagolto. Delà il se rend à Berlin,
où doit se monter son opéra-comique en trois actes ; après quoi il ira
jusqu'à Vienne préparer la mise en scène d'un grand opéra en
quatre actes, les Fées du Rhin. Enfin il reviendra h Paris pour donner
tous ses soins à la pièce de réouverture des Bouffes : les Géorgiennes.
**:( Nous parlions dernièrement du nouvel opéra. Manette, ouvrage en
trois actes, auquel travaille en ce moment Mme Sebault, née Pauline
ïhys, et nous disions qu'elle en avait composé les paroles et la musi-
que! Mais nous apprenons de Mme Sebault, que le poëme est écrit par
elle en collaboration avec M. Léon Gozlan. Nous nous empressons de
réparer notre erreur et d'ajouter que ce poëme est des plus intéres-
sants. Quant à la musique , elle est depuis un an l'objet d'un travail
soutenu de la jeune artiste, et semble, comme nous l'avons dit, lui
promettre un beau succès.
*** Le théâtre Déjazet a dû donner hier la première représentation
des Spectres de l'Aurore, légende allemande en deuxacteset trois tableaux,
de Paulin Deslandes et Jules Dornay, avec décors, costumes et trucs
nouveaux. L'apparition de ces spectres est, dit-on, d'un grand effet.
j*^ Nous avons rendu compte du petit opéra : les Bourguignonnes,
de MM. L. Halévy et Meilhac pour les paroles, et de M. H. Deffès pour
la musique, représente pour la première fois à Ems. Il va très-prochai-
nement être donné au théâtre de l'Opéra-Comique, où il sera chanté
par Mlle Girard, Mme Decroix et Couderc. Le môme soir, Mlle Girard
débutera, dans la reprise de la Fausse Magie, qui aura pour interprètes
un débutant, M. Carrier, Gourdin, Ponchard et Mlle Revilly.
^*,i, A la salle Robin, la première représentation des Spectres vivants
impalpables a eu lieu samedi dernier avec un succès des plus
brillants. Rien de plus saisissant que ces apparitions produites par
un système complètement inconnu. Un public nombreux et choisi rem-
plissait la salle, et a accueilli ce nouveau spectacle avec de vifs et
chaleureux applaudissements; l'enthousiasme a été porté au plus haut
degré au moment où M. Robin passe à travers les fantômes qui l'absor-
bent entièrement.
^*^Le16 courant, a été signé, à Madrid, au ministère de l'inté-
rieur, le contrat par lequel M. Bagier prend la direction du théâtre
royal pour cinq nouvelles années, à partir du 1='' octobre prochain;
les cinq années écoulées, il est stipulé qus M. Bagier aura droit à une
prolongation de cinq années s'il le demande.
..f*,^. Plusieurs directeurs des théâtres allemands ont, dit-on, formé le
projet de se réunir h Dresde ou à Vienne, pour aviser aux moyens de
lutter contre les prétentions de plus en plus exagérées des chanteurs
et des danseurs.
4*4 Une jeune cantatrice, Mlle Elena Corani, qui s'est fait entendre à
Paris l'année passée dans plusieurs concerts, était partie pour l'Italie,
206
REVLE ET GAZETTE MUSICALE
où elle a fait son chemin. Tout récemment, on l'applaudissait dans
les Huguenots et dans la Muette, au théâtre de la Canobbiana, à Milan,
et nous apprenons qu'elle vient d'être engagée à la Scala pour l'au-
tomne et le carnaval prochain.
»*j Piir décret impérial du 23 juin, sont distraits du ministère d'Etat
et placés dans les attributions du ministère de la maison de l'Empereur
et des Beaux-Arts, l'administration des Beaux-Arts, l'Académie de France
à Rome, l'école d'Athènes, l'école spéciale des Beaux-Arts, les écoles
gratuites de dessin, les ouvrages d'art et de décoration d'édifices pu-
blics, les fêtes et cérémonies publiques, les encouragements des beaux-
arts, souscriptions, indemnités aux artistes, voyages et missions artis-
tiques, les théâtres, le Conservatoire impérial de musique et de décla-
mation, les succursales du Conservatoire, l'administration supérieure de
l'Opéra, l'examen et l'autorisalion des ouvrages dramatiques, les encou-
ragements à l'art dramatique et musical ; les monuments historiques, le
musée des Thermes et l'hôtel de Cluny. — Sont distraits du ministère
d'Etat et placés dans les attributions du ministère de l'instruction pu-
blique : l'Institut impérial de France, l'Académie de médecine, l'École
des chartes , les bibliothèques Impériale , Mazarine, de l'Arsenal , de
Sainte-Geneviève ; le service général des bibliothèques, le Journal des
savants, les souscriptions aux ouvrages des sciences et de littérature,
les encouragements et secours aux savants et hommes de lettres, les
missions scientifiques et littéraires.
*** La lettre intéressante de M. Ch. Wehle que nous avons publiée
dans notre dernier numéro, était adressée à M. Szarvady qui l'avait
envoyée au journal de Leipzig, intitulé Signale. C'est par une omission
tout à fait involontaire que la source où nous l'avons puisée n'a pas
été mentionnée.
,t*» Un arrêt de la Cour impériale de Paris, rendu à l'audience du
20 juin, a décidé qu'en cas de faillite d'un directeur de théâtre, les
artistes ne peuvent se prévaloir des privilèges résultant de l'article 2,101
du Code Napoléon, et 549 du Code de commerce, et qu'ils ont seulement
droit d'être admis à la faillite comme créanciers chirographaires.
„,*„, On nous écrit de Londres, que notre compatriote Georges Pfeiffer
y vient d'obtenir un très-grand succès. Toute la presse anglaise est
unanime à le constater, et nous extrayons, entre autres, du Daily News
les lignes suivantes: « M. Georges Pfeiffer est un pianiste et un com-
positeur de haute réputation à Paris, et son nom est bien connu de nos
cercles musicaux. Son concert d'hier soir à Saint James -Hall avait par
conséquent attiré un nombreux auditoire, dans lequel on remarquait la
plupart de nos artistes et amateurs. Le concert était organisé d'une fa-
çon plus complète qu'à l'ordinaire. L'orchestre et les chœurs réunis-
saient cent exécutants. Les chanteurs étaient Mme Lemmens-Sherrington,
miss Palmer, M. Wilbye Cooper et M. Wynn. M. Lebouc, violoncelliste de
la Société des concerts du Conservatoire, y faisait sa première apparition
en Angleterre. L'objet capital du concert était naturellement l'audition
des compositions de M. Pfeiffer et leur exécution par lui. Son .concerto
en mj bémol, pour piano et orchestre, a surtout fixé l'attention; c'est
un ouvrage de grand mérite, écrit d'un style vigoureux et hardi, bien
calculé pour faire valoir le son plein et riche, le jeu brillant et ferme
de l'exécutant. .Aussi a t-il éié accueilli par des applaudissements cha-
leureux et mérités, qui d'ailleurs n'ont pas manqué à, des productions
plus légères, telles que la Ruche et là 3" mazurka. La sonate bien con-
nue de Mendelssohn, en si bémol, a été jouée par MM. Pfeiffer et Lebouc
avec beaucoup de grâce et de fini. Plusieurs morceaujc de chœur ont
été très-bien chantés, et le concert s'est terminé par la cantate Dream-
land, de miss Virginia Gabriel, déjà favorablemeut connue du public. On
a admiré les beaux sons et la qualité du magnifique piano sur lequel
jouait M. Pfeiffer, et qui sort des ateliers de MM. Pleyel-Wolff, de Paris.»
,j*a. Le pianiste Fr. Bendel vient de recevoir du roi de Danemark
la décoration de l'ordre du Danebrog. — Le directeur de la société Sainte-
Cécile et du Liederkranz , à Mayence, M. Frédérik Luchs, a reçu du
duc de Saxe-Cobourg, auquel il avait dédié une nouvelle composition
intitulée : Hymne allemand, la médaille pour les lettres et les arts.
^*^ L'affluence qui se porte depuis quelques jours au concert des
Champs-Elysées, fait regretter que l'étendue de ce charmant jardin ne
soit pas plus grande ; l'espace manque à la foule de plus en plus com-
pacte qui se promène dans l'allée circulaire, et 11 faudra bientôt re-
culer cette promenade à l'extrême limite de la circonférence. Arban
captive toujours l'attention de cet auditoire d'élite, par ses belles fan-
taisies sur les Huguenots, Robert, Guillaume Tdl, la Muette. La belle
Marche aux flambeaux, de Meyerbeer, est un des joyaux de son riche
répertoire. Le hauboïste Lavigne se fait fréquemment entendre, et pro-
duit beaucoup d'effet. Depuis quelques jours le succès de la Ronde du
Brésilien s'est transporté aux Champs-Elysées sous la forme d'une déli-
cieuse polka, arrangée par Arban, et à laquelle Offenbach lui-même a
mis la main ; on y retrouve toute la verve qui a rendu la ronde elle-
même populaire, et l'orchestre l'exécute admirablement.
*** .\ l'occasion de l'ouverture du nouveau Casino, qui aura lieu le
20 juin, de grandes fêtes vont être données à Boulogne-sur-Mer. La
musique n'y est pas oubliée, et un brillant concert doit y réunir Mme
Vandenheuvel-Duprez et Warot, de l'Opéra; les deux illustres profes-
seurs du Conservatoire de Bruxelles, Servais et Léonard, s'y feront éga-
lement entendre.
„'",( Par la splendide journée de dimanche dernier, une foule aussi
nombreuse que brillante se pressait au Pré Catelan, où l'orchestre de
Musard offre aux promeneurs un attrait irrésistible. Ce jour là, du reste,
le programme justifiait par le style des morceaux annoncés l'empresse-
ment des visiteurs. En effet, entre l'ouverture de Ruy-Blas et un fragment
de symphonie de Mendelssohn, Musard avait placé l'ouverture en forme
de marche composée par Meyerbeer pour l'exposition de Londres, et
renforcé son orchestre afin que rien ne manquât à l'exécution de
ce morceau . Musard n'a qu'à se féliciter de ce choix. Le caractère gran-
diose de l'œuvre de Meyerbeer, les contrastes et les nuances dont elle
est remplie ont été parfaitement rendus par son orchestre et saisis par
l'auditoire, sur lequel elle a produit un immense effet.
,^** Aujourd'hui dimanche, grand festival militaire au Pré Catelan,
donné au bénéfice de l'Association des artistes musiciens. Pour rehausser
l'éclat de cette solennité, S. Exe. le maréchal Magnan a daigné
accorder à MM . le baron Taylor et Musard, organisateurs de cette fête
de bienfaisance, les musiques des régiments de ligne et de cavalerie du
1=' corps d'armée, ainsi que les fanfares des chasseurs à pied. Réunies
à l'orchestre de symphonie de Musard, et aux élèves trombonistes et
saxophonistes du Conservatoire impérial, qui se feront entendre sur les
nouveaux instruments d'Adolphe Sax, toutes ces musiques militaires
concourront à l'exécution d'un de ces concerts qui font époque dans
les annales de l'art.
**,(, Au nombre des morceaux d'harmonie militaire exécutés tous les
soirs dans le jardin du Palais-Royal par le corps de musique de la garde
de Paris, la Marche du couronnement, de Meyerbeer, très-bien arrangée
par son chef d'orchestre Paulus, est jouée fréquemment et obtient un
grand succès.
^*,fc M. le comte Gilbert des Voisins, qui avait épousé Mlle Taglioni,
vient de mourir.
^,*, On annoncj, à Turin, la mort du maître de chapelle Luigi Fellce
Rossi; outre un grand nombre d'œuvres de musique sacrée qui jouissent
d'une réputation légitime, Rossi, élève des savants contrapontistes Mat-
tel et Zingarelli, laisse des ouvrages didactiques estimés.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
^■^,1, Bade. — Mardi 16 a eu lieu, conformément au programme, la
première soirée musicale de la saison; elle a été suivie du premier bal
de réunion. L'un et l'autre ont été fort brillants ; car Bade compte déjà
un nombre respectable d'augustes visiteurs. Les artistes ont d'ailleurs
rivalisé de zèle et de talent pour transformer ce début en victoire. La
partie vocale était représentée par deux bons artistes du théâtre grand-
ducal , Mme Boni-Bartel et M. Brandès; Mlle Colin, jeune pianiste de
Paris, nouvelle venue à Bade, M. Heermann, violoniste, et sa sœur,
harpiste , ont tenu vaillamment la partie instrumentale. Mlle Colin a
exécuté avec un jeu net et pur plusieurs morceaux de musique clas-
sique et une marche de sa composition, après lesquels elle a été fort
applaudie.— Au second concert, les éléments^ pour avoir changé, n'é-
taient pas inférieurs. Mlle LItschner et M. Hauser, du théâtre de Carls-
ruhe ; un excellent violoncelliste , émule de Servais, M. Kellermann;
M. Ferrand, violoniste; Mlle Anna Meyer, pianiste, formaient un en-
semble qui n'a rien laissé à désirer. — Les réprésentations théâtrales
vont maintenant commencer, et nous attendons les artistes du Palais-
Royal.
„,** Ems. — Le beau programme de nos fêtes, si brillamment com-
posé par notre intelligent et infatigable directeur, M. Briguiboul, com-
mence à se dérouler. Le 16, la foule se pressait dans les beaux salons
du Kursaal pour assister au second concert de la saison. Alfred Jaell,
Léon Jacquard, l'éminent violoncelliste de Paris, et M. Wllhelmi, jeune
violoniste de l'école de Leipzig, devaient s'y faire entendre. Le public
leur a fait un chaleureux accueil. Alfred Jaell s'est surpassé, et on a
redemandé avec acclamation son caprice-valse sur le Pardon de Plo'érmcl.
MM. Jacquard et Wilhelml ont eu leur bonne part de bravos. — Le 20,
nous avons eu le début de la troupe des artistes des Bouffes-Parisiens
de Paris. Ils ont joué le Mariage aux lanternes et Bataclan devant une
nombreuse société, composée de la plus haute aristocratie allemande et
russe. — Offenbach est attendu , il vient surveiller les répétitions de
son opéra nouveau : // sigiior Fagotto.
,t*, Aix-la-Chai,etle. -- La société musicale Liedertafel vient de donner
un beau concert dont A. Jaell a fait les principaux frais. Il a reçu uu
DE PARIS.
207
accueil enthousiaste, el il a dû jouer trois morceaux de plus que ceux
indiqués au programme.
^*^ Wicsbackn. — Les concerts ont repris au Kursaal, qui a été com-
plètement restauré et peut compter parmi les salles les plus splendides
en Europe. Le premier grand concert a eu lieu le 12, devant un audi-
toire composé de la haute société cosmopolite ; on y a entendu le pia-
niste Booevvitz, qui a passablement exécuté la fantaisie de Thalberg sur
les Huguenots; le virtuose sur la flûte, Foltz; Mme Bertrand et
M. Schneider ont chanté un duo de Marschner. Un accueil très-flatteur
a été fait aux artistes. — La célèbre Jenny Lind se trouve ici.
»*a, Mayencc. — Les artistes de l'opéra de Darrastadt ont joué ici le
Prophète, l'Étoile du Nord, les Vêpres Siciliennes et les Huguenots. Parmi
les artistes qui ont débuté en vue d'un engagement, on a remarqué
M. Wagner, qui a chanté avec talent le rôle de Raoul.
^% Berlin. — Le .théâtre royal de l'Opéra vient de clore la saison
par une fort bonne représentation du Maçon, opéra-comique d'Auber.
Cette gracieuse et piquante partition est toujours en grande faveur en
Allemagne. Dans le rôle de Mme Bertrand, Mlle Gey a fait preuve de
beaucoup d'habileté dramatique et d'une excellente éducation musicale;
Mlle Gericke (Henriette) a surtout parfaitement saisi et rendu la partie
comique de son rOle. Woworsky (Roger) et Bost (Baptiste) sont éga-
lement très-convenables. Somme toute, cette reprise a fait le plus grand
plaisir. Pour la réouverture, le diapason de Paris aura été introduit
dans l'orchestre du théâtre royal de l'Opéra. •
^*» Schwèrin. — Au grand festival qui a eu lieu ici du 14 au 17 juin,
tontes les classes de la population, depuis la haute aristocratie jus-
qu'aux paysans, étaient représentées par leurs sociétés de chant. 11 y a
eu trois concerts sous la direction du maître de chapelle A . Schmitt.
A celui du dimanche, 14, a été exécuté Judas Macchabée, par Haendel ;
le lendemain, fragments d'Orphée, de Gluck; messe de S. Bach, la neu-
vième symphonie de Beethoven. Le troisième jour était réservé aux vir-
tuoses, parmi lesquels on cite Mme Harriers, de Berlin. Les chœurs de
l'église du château ont exécuté des morceaux de Palestrina, de S. Bach,
de Mozart et de Mendelssohn. Pendant ces trois journées les maisons de
la ville étaient pavoisées; il y a eu promenades en gondoles, illumina-
tions, sérénades. La neuvième symphonie de Beethoven, rendue avec
une netteté, une précision qui en a singulièrement facilité l'intelligence .
a été le morceau capital de la fête. Cette œuvre grandiose a produit
une sensation profonde.
j,*^ Stuttgart, 25 juin. — Samedi dernier a eu lieu la pose de la
première pierre de la Liedcrhallc. Après les cérémonies d'usage, la
société s'est réunie pour chanter quelques beaux iieder allemands.
J.-G. Fischer, l'orateur vvurtembergeois par excellence, a porté le pre-
mier toast à l'habile architecte, M. Frédéric Leins, dont les nombreux
travaux auront bientôt transformé l» ville de Stuttgart.
j% Francfort. — Le 25 juin, a été célébré ici le vingt-cinquième anni-
versaire de l'institut Mozart, avec le concours du Liederkranz, des socié-
tés Sainte-Cécile, Kilhl et de l'orchestre du théâtre. Voici les princi-
paux morceaux qui figuraient au programme ; ouverture de concert
(inédite), par Ferdinand Hiller; concerto pour violon, composé et exécuté
par M. Bott, maître de chapelle, boursier de l'établissement de 1843 à
1845 ; diverses compositions vocales par Bischoff", boursier de 1846-
48; par Brambach, Bruch et Denner, tous boursiers de l'institut Mozart,
et dont quelques-uns ont su se faire une certaine réputation.
^*j Vienne. — Cari Treumann a loué la salle du Carltheater pour
quinze ans , à raison de 28,000 florins par an, pendant les cinq pre-
mières années; pour les dix dernières, le loyer sera de 29,000 florins.
*% Turin. — Le théâtre Victor-Emmanuel a décidément fermé ses
portes pour les rouvrir seulement en automne. On affirme que cette
réouverture aura lieu avec le Pardon de Ploérmcl, le dernier opéra de
Meyerbeer. — Après le succès extraordinaire de Maria qui, pendant
deux mois consécutifs, a attiré un monde fou, il était naturel qu'on
songeât à nous faire connaître un autre opéra de M. de Flotow, Stra-
della, qui jouit en Allemagne d'une réputation égale à celle de son aînée.
Le théâtre national a donc donné mercredi Stradella, et nous devons dire
que malgré la faiblesse assez marquée de l'exécution, il a généralement
et beaucoup plu. Le second acte a surtout produit un grand effet, il
est beau du commencement à la fin. Les interprèles étaient la Torri-
celli, Palermi, Rota et Torricelli. Le rôle était un peu fort pour la pre-
mière, pourtant elle s'y est montrée bonne artiste, et chacun de ses
morceaux lui a valu des applaudissements. C'est Palermi qui a eu les
honneurs de la soirée; il a chanté cette musique à merveille et provo-
qué l'enthousiasme après le Salve Regina. Le rôle de Rota est écrit un
peu haut pour sa voix, néanmoins il s'en est tiré à son honneur, et l'on
a fort goûlé son joli et si original duo avec Torricelli, de même que le
trio sans accompagnement des trois basses. La manière dont ces mor-
ceaux ont été chantés a contribué au succès de l'opéra. Peu de chose à
dire du ballet ; les chœurs n'ont pas mal marché; il n'en a pas été de
même de l'orchestre. En somme, Stradella peut égaler le succès de Maria
dès que nous aurons une prima donna pour le chanter.
„,% Gênes. — La saison d'été est close au théâtre Carlo-Felice, depuis
le 11 courant; elle s'est terminée par une brillante représentation de
Maria, dans laquelle Graziani, toujours fêté, a dû répéter la fameuse
romance du troisième acte qu'il dit merveilleusement. Mmes Moro et
Tati ont partagé son succès. — La soirée du 12 a été consacrée à un
grand concert au bénéfice de la caisse de secours mutuels de l'art phil-
harmonique. On y a exécuté deux grandes ouvertures nouvelles pour
nous, et qui ont été brillamment rendues par l'orchestre de la ville,
sous la direction de M. Mariani. La première de Keyerbeer, Slruensée,
est un chef-d'œuvre que le public a beaucoup applaudi. L'autre est
une œuvre récente de Mercadante, qui brille par l'élégance, la passion
et la science. Elle n'a pas été moins bien accueillie. Le célèbre Tam-
burini, Graziani, Junca, la signera Agrone, Moro, s'étaient chargés de
la partie vocale. Le succès a été complet et la recette très-fructueuse.
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MUSIQUE FACILE DE PIANO
F. BEYER
Bouquet de mélodies, fantaisies faciles sur :
Robert le Diable
Obefon
Le Propkè/e.
Les Huguenots
L'Étoile du Nord
Maria
Le Pardon de Ploiirmel
Mosaïque sur le Lac des Fées
Le Trémolo de Bériot, arrangé pour le piano.
Op. 36. Petite fantaisie sur Marta
Op. 36. Petite fantaisie facile sur le Pardon
de Ploërmel
Op. 42. Souvenir des Puritains
Op. 59. Deux fantaisies sur les Diamants de
la couronne, 1 suites, cliaque
Op. 71. Morceau de salon sur la Part du
Diable
Op. 82. Deux fantaisies sur fioéerne BiaWe,
en 2 suites, chaque
Op. 108. Six tableaux élégants sur le Pro-
phète, 6 suites, cha'iuc
H. CRAMER
Fleurs det opéras, l'" collection, 12 mélanges
sur des opéras favoris de Rossini et Auber :
1 . Fra Diavolo
2. Les Diamants de la couronne
3. La Part du Diable, 1'
4. La Muette de Portici.
5. La Sirène
6. Guillaume Tell
7 . Moïse
8 . Le Domino noir
9. La Gazza ladra
10. La Part du Diable, 2« mélange
11 . Haydée
12 . Le Siège de Corint/ie
Fleurs des opéras, 2' collection, 12 mélanges
sur des opéras favoris de Meyerbeer, Rossini,
Donizetti, Weber, Adam, Flotow :
1. Le Barbier de Séville
2. Maria
3. Slradella
ù . Les Huguenots
5. Robert le Diable (air de Grâce)
6. Oberon
7 . Étoile du Nord
8. Le Prophète, n» 1
9. Le Prophète, n° 2
10. Hobert le Diable
11 . La Somnambule
12. Le Postillon de Longjumeau
CROISEZ
Op. 25. Fantaisie brillante sur la Sirène....
Op. 42. Petite fantaisie sur Haydée
Fantaisie facile sur Robert Bruce
Fantaisie élégante sur ie.s Dragons de Villars
— — l'Étoile du Nord
— — Joconde
Morceau de salon sur le Pardon de Ploërmel.
A. LEDUC
Op. 99. Fantaisie sur le Duc d'Olonne
Op. 110. — la Part du Diable...
Op. 124. — la Sirène
Op. 1 27. — la Barcarolle
Op. 137. Les Mignonnes, petites fantaisies :
1 . Le Domino noir
2. Les Diamants de la couronne
Op. 140. Fantaisie sur Robert Bruce
Fantaisie sur Haydée
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G. REDLER
Op. 79. Les Roses sans épines, 10 suites :
1. Huit petits airs faciles 5
2. Huit petits airs de divers caractères.. 5
3. Quatre bluettes , .. 5
4. Trois rondinos 5
5. Deux divertissements 5
6. Variations sur un thème original 5
7. Bagatelle sur les Huguenots 5
8. Bagatelle sur Robert le Diable 5
9. Bagatelle sur le Déserteur 5
Op. 115. Petit souvenir de Robert Bruce.... 5
Op. 116. Rondoletto sur Robert Bruce 5
Op. 134. Rondino sur des motifs de Haydée. 5
Op. H4. Fantaisie sur Giralda 5
Op. 147. PelileliHlaisiesar l'Enfant prodigue 6
LE CARPENTIER
Op. 37. Trois mélodies de Schubert, variées :
1. La Sérénade
2. Adieu
3. Rosmonde
Op. 94. Fantaisie facile sur la Sirène
12= bagatelle sur le Lac des Fées
13" — Guido et Ginevra
16= — la Tarentelle, de Rossini..
44' — Otello
45" — / Puritanl
46= — la Muette de Portici
47= — la Danse des Esprits....
48= — Moïse
4S= — le Cheval de bronze
50= — le Réveil d'un beau jour..
52= — la Barcarolle
54= — le Philtre
55= — le S^afca^, de Rossini
56= — le Serment
57= — le Comte Ory
59= — Fra Diavolo
63= — le Barbier de Séville
64" — la Donna del Lago
65= — la N or ma
66= — la Gazza II. dra
67= — il Malrimonio segreto
68= — la Fiancée
69= — le Dieu et la Bayadère. . .
70= — Italiana in Algieri
71" — Lestocq
75= — Sultana
76' .— le Siège de Corinthe
77= — le Pirate
78= — Joconde
79= — le Tromp. de M. le Prince .
82= — Robert Bruce
83' — Jcannot et Colin
84' — Eitsire d'amore
86= — zelmire
87= — les motifs d'Hérold
88' — la Bergère châtelaine
89' . — Cendrillon .-..
yO' — les Soirées de Rossini
91= — Actéon...
92' — Marie-Thérèse
93' — le Portefaix
94' — le Malheur d'être jolie...
95' — les Chaperons blancs
P8' — les Chasses, deLabarre...
593 — le Billet de loterie
100= — Tancredi
101' — Haydée
102= — la Niobé
103= — Anna Boléna
101' — Don Juan
108* — le Violon du Diable
109'etllO' — le Prophète, chaque
122=1" — l'Enfant prodigue
123' 2' — l'Enfant prodigue
127»etl25= — Zerline, chaque
132= — la Poupée de Nuremberg.
133= — le Farfadet , .
136' — le Toréador
153' — la Part du Diable
155= — le Domino noir
156' — Robert le Diable
157' — les Huguenots
158" — les Diamants de la couronne
159' — lePostillon de Longjumeau
161* — l'Ambassadrice
165*etl66' — l'Étoile du Nord, chaque.
1 85°et 186= — le Pardon de Ploërmel, ch .
187= — Marta
188' — les Dragons de Villars . . .
192= — les Bavards
193' — Stradetla
RUMMEL
Echos des opéras , fantaisies pour le piano
sur les motifs d'Ad. Adam, Auber, Meyer-
beer, Rossini, Flotow :
1. Fra Diaiolo
2. L'Etoile du Nord
3. Le Comte Ory
4. Le Domino noir
5. Les Diamants de la couronne
6. La Muette de- Portici
7. Robert le Diable
8. Le Pardon de Ploërmel
9. Les Dragons de Villars
1 0. Marta
11. Slradella
12. Le Postillon de Longjumeau
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4 50
4 50
H. LEMGINE
Op. 25. Divertissement sur l'Ambassadrice . 5
Op. 26. — le Domino noir. 6
Bagatelle sur les Diamants de la couronne. . S
— la Part du Diable 5
— la Sirène 5
H. VALIQUET
Op. 41. La Moisson d'or, vingt-cinq petits
morceaux très-faciles, soigneusement doigtés
et sans octaves, composés sur les plus jolis
motifs des opéras célèbres. En cinq séries,
vingt-cinq numéros :
1" série.
1. Les Huguenots. — 2. La Poupée de Nurem-
berg.— 3. L'Ambassadrice. — 4. Le Comte
Ory.— 5. La Fiancée.
2* série.
. 1. La Muette de Portici — 2. Le Pardon de
Ploërmel. — 3. Le Postillon de Longjumeau.
— II. Joconde. — 5. Les Diamants de la
couronne.
3' série.
1. Guillaume Tell. — 2. Haydée — 3. L'Etoile
du Nord. — 4. Les Pantins de Violette. —
5. La Part du Diable.
4= série
1. Marta.— 2. Fra Diavolo.— 3. Le Prophète.
II. Guido et Ginevra.— 5. La Sirène.
5* série.
1. Ifs Dragons de Villars. — 2. Giralda. —
3. Le Domino noir.—li. Robert le Diable.—
5. Les Deux Aveugles.
Chaque numéro 2
Chaque série .- 9
Les cinq séries réunies, net 10
Les mêmes morceaux, arrangés à 4 mains, ch. 5
Fantaisie facile sur les Pécheurs de Calane.. 6
Fantaisie facile sur l'Etoile de Messine 6
Petite- fantaisie sur les Dragons de Villars. 5
ÉD. WOLFF
La Jeune Pianiste , ouvrage élémentaire et
progressif. Six volumes divisés en 36 liv. :
Op. 123. Premier volume, Le Petit Podcet.
1. Richard Cœur de Lion, le Désert, Ro-
bert le Diable, l'Etoile du Nord
2. Robin des bois, Norma, le Carnaval
de Venise
3. Les Huguenots, mazurka, le Barbier
de Séville
4. Polka, valse allemande originale
5. Dernière pensée de Weber. Fra Diavolo
6. L' Prophète, la Norma
Op. 124. Deuxième vol., Le CnAPEnON rouge.
1. Mosaïque de l'Elisire d'amore
2. Le Pardon de Ploërmel, le Domino
noir, le Roman d'Elvire
3. Maria, rondo-valse de salon
4. Mosaïque du Templario
5. Polka de Strauss, les Huguenots
6. Air viennois, rondino de Guillaume
Tell
Op. 125. Troisième volume. Le Chat bottjE'.
1. Air allemand varié
2. Rondino sur une polka originale
3. Fantaisie mignonne sur la Vestale...
II. Mosaïque de Guido et Ginevra.
5. Petite fantaisie sur la Sonnambula . .
6. Valse de Preciosa ; l'Heureux Gondo-
lier, barcarolle de Dœhler
Op. 126. Quatrième volume, Cendrillon.
1. Fantaisie sur Béatrice di Tenda
2. Prière d'0<f;;o, de Ros ini
3. Rondo, mélodie de Meyerbeer
4. Air russe varié
5. Marche de Moïse, de Rossini
6. Fantaisie sur le Crocialo, de Meyerbeer
Op. 127. Cinquième vol., La Biche au bois.
1. Le Désert, mélodie arabe variée
2. Polonaise favorite des Puritains
3. Les Dragons de Villars
4. Saltarelle de Félicien David
5. Valse brillante de Strauss, variée ....
6. Fantaisie sur Adelia, de Donizetti. . . .
Op. 128. Sixième volume, Peau d'ane.
1. Variations brillantes sur la Niobé....
2. Nocturne sur la Berceuse, de Vivier. .
3. Divertissement militaire sur le Rhin
■ allemand, de Félicien David
4. Divertissement sur Marta
5. Petit caprice sur /a Poste, de Schubert
0. Thème original de Thalberg, varié...
Les six volumes, chaque
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30« Année.
I\° 27.
OR S'ABONNE l
Dans les Départements et à l'Étranger, chez tous
les Morchands de Musique, les Libraires, et sut
Pureaut des Messageries et des Postes, >
GAZETTE M
î> Juillet 1863.
PUIS DE L'ABOHNEIUENT :
Paris Sifr.paran
Départements, Belgique et Suisse — 30 u id.
Étranger 34 " '*•
Le Journal paraît le Dimanche.
—^\f\j\PJ\j\PJ\rj\r^/\r~
SOMMAIRE. — Floquet (2= article), par Arthnr Pougin. — Concours d'or-
phéon, de fanfares et de musiques militaires à Suresnes, par A. Elwart. —
Haydn et les princes d'Ësterhazy (3= article). — Nécrologie : Luigi-Felice Rossi,
par Arthur Pongin. — Revue des théâtres, par D. A. D. SSaint-
Iftes, — Nouvelles et annonces.
FLOODET.
(2' article) (1).
Grimm dit, à propos de la première représentation (2) : « L'Aca-
démie royale de musique se dédomnoage du mauvais succès des der-
niers intermèdes : elle a donné, le mardi 7 septembre, im ballet hé-
roïque intitulé l'Union de l'Amour et des Aris.. . Il paraît que cet
ouvrage doit le succès brillant dont il jouit à M. Floquet, jeune mu-
sicien dont le début annonce quelques talens , surtout pour la sym-
phonie. Son ouverture, ses airs de danse sont bien dessinés et d'un
chant agréable ; mais il manque à l'auteur ce qui manque et man-
quera toujours à tous nos musiciens français, c'est de ne savoir point
écrire la musique et de ne pas assez connaître le parti qu'on peut tirer
de l'accompagnement du chant (3). Quelques mois de l'école d'Italie
pourraient faire un charmant musicien de M. Floquet, qui ne man-
que ni d'idées ni de hardiesse. »
Bachaumont dit de son côté, en parlant de l'opéra nouveau (4) :
« 11 a été exécuté avec un succès extraordinaire. L'enthousiasme du
public a été porté au point, que dans le courant du spectacle on a
obligé plusieurs fois l'orchestre de s'arrêter, pour donner cours aux
applaudissemens et aux cris tumultueux avec lesquels on demandoit
l'auteur. Comme on ne s'est pas trompé sur celui qu'on désiroit voir,
à la fin du spectacle et la toile tombée, on a amené par un coin du
théâtre le sieur Floquet, qui a joui d'un honneur que n'a jamais eu
(1) Voir le n° 23.
(2) Correspondance littéraire, septembre 1173.
(3) Je ferai remarquer, non point le solécisme commis par Grimm , mais sa
constante injustice envers les musiciens français. Ce n'est pas huit ans après
la mort de Rameau, et lorsqu'on artiste supérieur, que la France n'aurait pas
dti oublier, Philidor, tenait la scène depuis quinze ans, ce n'est pas, cnfln,
lorsque Dczëdes commençait à établir sa réputation par des ouvrages aussi dis-
tingués que Julie et l'Erreur d'un moment-, que de tels reproches pouvaient ûtre
formulés.
(û) Mémoires secrets four servir à l'Histoire de la république des lettres,
7 septembre 1773.
Rameau. C'est le premier qui ait été demandé sur la scène lyrique
et qui ait paru (1). On a su combien ce musicien, âgé d'environ vingt-
trois ans, avoil eu de peine à faire recevoir son ouvrage, quelles mor-
tifications il avoit essuyées pendant les répétitions, et les spectateurs
indignés ont été bien aises de trouver cette occasion de le dédom-
mager de tous ces dégoûls. Au reste, son ouvrage est charmant à
bien des égards, mais ne mériloit pas cet excès de fanatisme. D'ail-
leurs, les danses variées, pittoresques et délicieuses, n'ont pas peu
contribué à faire tourner les têtes. »
Enfin, le Mercure de France, dans son numéro d'octobre 1773,
est plus chaleureux encore et s'exprime en ces termes : « La musi-
que de M. Floquet, jeune homme de vingt-deux ans, annonce du génie,
du goût et du talent. Il débute avec éclat dans cette carrière difficile
et périlleuse. Son premier essai est digne d'un grand maître. 11 entend
très-bien les grands effets d'harmonie ; ses airs de danse sont d'une
mélodie agréable, d'un ton neuf et saillant. On admire son duo et sa
belle chacone du second acte, le trio des vieillards, au troisième,
comparable aux plus beaux morceaux de ce genre. On peut désirer
peut être des motifs mieux choisis et plus soutenus dans son chant,
et une expression plus juste et plus sentie dans son récitatif, mais ce
jeune musicien se présente avec tant d'avantages et de connaissance,
qu'il doit être compté parmi nos savans compositeurs. On peut
même dire que le caractère et le style de sa musique annoncent du
génie et tiennent à un talent original. »
Pour en finir avec les éloges, je vais reproduire une lettre qui
fut adressée à Floquet le lendemain de la représentation de son
opéra, lettre qui fut insérée dans le troisième numéro du Journal de
musique :
« Monsieur,
« Si je vous faisois mon compliment, il ne pourroit que vous être
insipide après ce qui se passa hier : je veux me distinguer du général
en vous accablant de reproches. En effet, n'est-il pas affreux de don-
ner un opéra pendant lequel on n'a pas le tems de respirer; il
faut avoir des mains de fer, un tympan d'airain. Quoi , toujours des
surprises, de la noblesse, du goût, de la nouveauté, du génie! cela
est trop fort à votre âge. Monsieur, vous devriez mourir de honte ;
il vous sied bien à vingt-deux ans d'oser entrer en lice avec les res-
pectables suppôts de l'ancien genre : ce sont eux qui ont de l'acquit.
(1) Floquet fut en effet IjJjH^îmier auteur auquel le public de l'Opéra ait tait
un tel honneur. Voltaire avait paru ainsi, sur la scène de la Comédie française,
à l'issue de la représentation de Mérope, et la présence de Philidor avait été ré-
clamée de même, à la Comédie italienne, après l'éclatant succès dn Sorci'ir.
210
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
A la représentation de leurs graves ouvrages, on est forcé de rester^
immobile. . . Mais à vos idées singulières peut-on, avec un peu de
goût, se défendre d'un mouvement qui tient du convulsif ? Corrigez-
vous sur mes avis. . .; mais je gage qu'il n'en sera rien, et je jure-
rois que vous ferez de pis en pis. Oh ! j'en suis sûre, les Provençaux
sont intraitables! Je vous connois encore des ridicules singuliers, ce
sont ceux d'élre bon fils, bon frère, bon ami, humble sans bassesse,
honnête dans la prospérité, etc., etc., car vous êtes pétri de ces
misères-là, qui vous rendent original. Si vous persistez dans cette
étrange conduite, je vous condamne de ma pleine puissance et sou-
veraine autorité à subir toute votre vie, trois fois par semaine, le
supplice que vous a infligé le public juste et connaisseur.
» Fait en mon palais de la Modestie, scellé du sceau de l'Amitié,
ce lendemain d'un succès rare et mérité. Signé moi.
» J'embrasse respectueusement la plus respectable des mères et la
plus aimable des sœurs. »
Dans sa forme plaisante et légère, cette lettre, écrite par une
femme, renferme les éloges les plus flatteurs et exprime une con-
viction véritable.
Ce qu'il y a de certain, c'est que le succès de V Union de l'Amour
et des Arts, auquel on était fort loin de s'attendre, fut non-seule-
ment éclatant mais prolongé. Du 7 septembre 1773 à la fin de jan-
vier 177Z(, l'ouvrage fut représenté soixante et uue fois, et le fait
s'était rarement vu à l'Opéra. Il fut encore joué à Choisy, devant
le roi, le 9 février, et on en donna enfin, deux mois après, trois
représentations nouvelles pour la capitation des acteurs (1).
Ce succès était justifié jusqu'à un certain point, non par la distinc-
tion du style employé dans cet ouvrage, style presque toujours lâche
et parfois vulgaire, mais par des mélodies pleines de grâce, et
dont la franchise contrastait singulièrement avec la pauvreté d'ima-
gination qui régnait généralement dans les grands opéras à cette
époque.
Croit-on que la question fût complètement décidée par ce succès, et
qne les obstacles qui avaient entravé les premiers pas du jeune com-
positeur fussent écartés à jamais? Loin de là ; et la preuve, c'est que
le pauvre Floquet, qui s'était, par un traité conclu avec les directeurs
de l'Opéra, engagé à livrer sa partition contre une somme de mille
écus une fois payée, ne put même obtenir de ces derniers, malgré
les 200,000 livres que sa pièce jeta dans les coffres de l'Académie
royale de musique, une gratification qu'on ne refusait pas au compo-
siteur de la plus infime rapsodie. Encore celle somme de mille écus
fut-elle écornée par un procès qu il dut soutenir contre un éditeur
qui avait publié, sans son consentement, des airs détachés de son
opéra, dont la partition parut au mois de décembre 1773.
m.
Une telle injustice, venant se joindre aux procédés peu délicats
qu'il avait eu à supporter pendant les études de V Union de
l'Amour et des Arts, était bien faite pour exaspérer Floquet.
Malheureusement tout homme qui embrasse ce qu'on appelle
la carrière des arts, doit s'attendre à des chagrins de toute sorte.
Floquet le comprit, et ne chercha qu'à se mettre en mesure de pa-
raître de nouveau devant le public. Du reste, l'énorme succès de
son premier ouvrage lui était une large compensation de tous ses
ennuis, et si sa position n'était pas améliorée, — car il lui fallait
toujours, avec le peu qu'il gagnait, soutenir sa mère et sa sœur, et
l'on prétend que sa gêne était telle que, faute de pouvoir acheter de
chandelle, il s'étendait par terre, la nuit, et, couché sur le ventre,
travaillait à la clarté de la lune,— du moins son amour- propre était
(1) Les représentations données autrefois a pour la capitation des acteurs 3>
étaient ce que nous appelons aujourd'hui des bénéfices, et le produit leur en était
partagé.
satisfait. Confiant dans sa destinée, il s'occupa d'un opéra dont son pre-
mier collaborateur, Lemonnier, lui avait donné le poëme; mais il s'ef-
fraya du temps qu'il lui faudrait pour composer sa partition, faire les
démarches nécessaires à sa réception, et enfin procéder aux études de
l'ouvrage. Il avait en portefeuille une messe funèbre : quelques amis lui
suggérèrent l'idée de la faire exécuter dans une église, et de fixer une ré-
tribution à payer par chaque assistant, lui offrant de s'employer à cet effet.
Floquet goûta ce projet, et le 23 mars 177^, une foule nombreuse
se rendait aux Feuillants pour entendre cette nouvelle œuvre d'un
jeune compositeur aimé du public. Plus de cinq cents personnes
étaient présentes, et le prix des places ayant été fixé à 6 livres,
c'est environ 1,000 écus que Floquet vit tomber à cette occasion dans
son escarcelle.
Dès lors, il se remit au travail avec une nouvelle ardeur et son
opéra fut bientôt terminé. Le sujet de cet ouvrage, qui avait pour
titre, Asolan, était tiré du joli conte si connu de Voltaire, qui porte
le même nom :
A son aise dans son village
Vivait un jeune musulman.
Bien fait de corps, beau de visage.
Et son nom était Âzolaa.
Cette seconde production dramatique du jeune musicien provençal
n'était pas, s'il faut s'en rapporter aux chroniqueurs du temps, infé-
rieure à la première. Mais, entre la représentation de l'Union de
l'Amour et des Arts et celle d'Azolan, il s'était passé un fait
qui occupa tout Paris et devint fatal à la carrière du jeune
Floquet. Le 19 avril 1774, un homme de génie, auquel de profondes
méditations, des études poursuivies avec intelligence et ténacité et,
plus que cela, vingt ouvrages de différents caractères représentés sur
les scènes les plus importantes, avaient donné, outre la conscience de
sa valeur, l'expérience indispensable aux natures les mieux douées,
faisait représenter sur la scène de l'Acaaémie royale de musique une
de ces œuvres gigantesques, si sublimes, si parfaites dans toutes leurs
parties qu'elles marquent d'un trait de feu une de ces dates qui
restent dans l'histoire de l'art. Cet homme, c'était Christophe Gluck;
cette œuvre, c'était Iphigénie enAuUde. Quelques contradictions qu'eût
à subir le musicien allemand, son génie était si évident qu'il ne s'im-
posa pas moins aux suffrages de la foule, et que nos compositeurs
français, dont, il faut le- dire en toute justice, le rôle était assez ef-
facé à l'Opéra, furent complètement rejetés dans l'ombre. C'est à ce
moment que Floquet arriva avec une œuvre qu'il n'avait peut-être
pas assez méditée, mais qui, je le répète, si l'on doit s'en rapporter
,aux critiques du temps, n'en renfermait pas moins des parties très-
estimables.
Arthur POUGIN.
{La suite prochainement.)
CONCOURS D'ORPHÉOSS
De fanfare» et de musiques militaires à iSureenes.
Dimanche dernier, un grand nombre de sociétés chorales de Paris et
des environs, ainsi que dos fanfares et des musiques d'harmonie, ont
pris part au concours ouvert à Suresnes par l'association des sociétés
chorales de la Seine, sous le patronage de la municipalité de cette char-
mante localité.
Les concours de chant ont eu lieu à la salle Gaiddon (le Mabille
de l'endroit) et dans la belle usine de M. Bernadette, l'un des indus-
triels les plus estimés de Suresnes. Quant à ceux de musique militaire,
c'est dans le jardin assez mélancolique de la mairie qu'il avaient planté
leur tente voyageuse.
Deux belles médailles d'or avaient été données par S. M. l'Empereur;
et les autorités de la ville, ainsi que plusieurs dames patronnesses et
quelques riches habitants, avaient également offert des médailles en or,
en vermeil et en argent.
DE PAKIS.
211
Les deux jurys du chant avaient pour présidents MM. Ambroise Tlio-
mas et Georges Kastner, membres de l'Institut ; ceux de musique mili-
taire M. Meifred, professeur au Conservatoire. On remarquait parmi
les membres des trois jurys, .MM. Dauverné, Charles Battaille, F. Del-
sarte, F. Bazin, A. Elwart, Laurent de llillé, Semet, OEschner,
Simiot, Ermel, Vialon, etc., etc. La médaille d'or a été remportée
par les Enfants de Lutèce. Le choral de YOdéon, qui possède des
qualités excellentes, a remporté le second prix à ce concours si dis-
puté de la salle Gaiddon . La médaille de la salle Bernadette a été dé-
cernée à l'orphéon de Saint-Germain-en-Laye, et celles du jardin de la
mairie h la fanfare de Sainte-Geneviève et à l'harmonie d'Anet.
En général les chœurs imposés ont été bien exécutés, sans qu'il se
soit produit rien de très-remarquable. Quant à la musique militaire
(fanfare et harmonie), elle est en général assez médiocre. Cependant
l'orphéon de Suresnes et sa musique municipale ont fait généralement
plaisir Le premier chante avec goût et ensemble, et le second joue
juste. Nous avons entendu des clavicors dans certaines musiques mili-
taires!!! Espérons que le progrès qui se fait sentir à Bordeaux, Agen et
Toulouse introduira bientôt à Suresnes et dans les pays environnants,
les excellents instruments d'Adolphe Sax.
A. ELWART.
HiYDN ET lES PRINCES D'ESTERHAZY.
(3= article) (1).
Les archives musicales, d'ailleurs si riches, de la maison d'Es-
terliazy, ne possèdent que peu d'autographes de l'homme illustre
qui en avait été l'un des plus glorieux ornements. Le plus im-
portant de ces manuscrits est celui de la Pescatrice, opérette en un
acte, qui date de 1769. Les autographes de cinquante grandes compo-
sillons, dont Haydn, de son vivant, avait par contrat assuré la propriété
au prince, ont disparu sans laisser de trace, ainsi que les manuscrits
que M^hel Haydn, en reconnaissance de la pension qu'il devait
à la munificence de son Mécène, lui avait légués par testament. Il
paraît hors de doute que ces papiers sont en effet partis pour
Eisenstadt, car on ne trouve presque rien à Salzbourg, notamment
à l'église collégiale de Saint-Pierre. Des innombrables compositions
religieuses de Michel Haydn, cette église no possède qu'une litanie
du Saint-Sacrement, la deuxième messe de Requiem, inachevée, en
partition, cinq graduels, une séquence et un Veni, Sancle Spiritus,
transcrit pour clavecin.
A. Fuchs cite le manuscrit de la messe In tempore belli
comme se trouvant encore de son temps à Eisenstadt. Je l'ai cherché
vainement, ainsi que les autographes des cinquante lieder écossais,
qui n'ont disparu que depuis une vingtaine d'années ; l'autographe
d'une litanie que Cherubini avait écrite pour le prince Nicolas, est
également perdu.
En fait de manuscrit de Haydn, je n'ai trouvé dans ces archives que
deux lettres insignifiantes, de 1763 et de 1803 ; et chez le directeur actuel
de musique, M. Seitz, trente-six des quarante canons que J. Haydn
avait fait encadrer et accrocher aux murs de son appartement, afin,
disait-il avec un sentiment de légitime orgueil, d'avoir une décora-
tion d'appartement comme on n'en trouverait chez aucun souverain.
A part leur valeur musicale, le texte de ces canons offre un grand
intérêt ; évidemment, ils ne se suivent pas au hasard, mais d'après
un plan arrêté d'avance. Les paroles, tour à tour religieuses ou
philosophiques, empreintes de sensibilité ou d'humour, sont desti-
nées à offrir un résumé des idées et des opinions de celui qui habi-
tait cette demeure.
On trouve de nombreux autographes de J. Haydn à Vienne, à la
bibliothèque de la cour, aux archives de la Société de musique, à la
maison Artaria. La riche collection de Fischhoff est partie pour
l'étranger; quant à celle de A. Fuchs, la partie la plus importante
a été acquise par Thalberg ; le reste appartient à la maison Putsch
à Augsbourg.
(1) Voir le n» 23.
Haydn repose aujourd'hui dans l'église dite Berg-Kirche, à Eisenstadt,
où ses restes ont été transférés en 1819. Quand on ouvrit le cercueil,
on ne retrouva que le tronc : la têle avait disparu. On suppose quelle
aura été enlevée par quelque cranioscope enragé, peut-être un An-
glais. A cette époque, le culte de Haydn avait atteint son apogée à
Londres. Ce fut même sur les pressantes instances de l'aristocratie
anglaise que le prince fit ériger à la mémoire du grand homme un
monument fort simple., pour ne pas dire mesquin. C'est une plaque
en marbre, encadrée dans une des parois d'un cube en grès, auquel
un badigeonneur a essayé de donner un faux air de granit. Dans l'é-
pitaphe, le titre de « docteur de l'université d'Oxford « est seul écrit
en italiques ; ce qui semble assez plaisant, quand on songe que
Haydn est l'auteur de la Création, des Saisons, etc., titre qui vaut
bien celui do docteur de l'université d'Oxford. L'inscription serait-
elle d'origine britannique?
On ne saurait parler de Haydn et de !>on art sans que l'atten-
tion se porte tout naturellement sur l'illustre maison au service de
laquelle il a consacré la plus grande partie de son existence. En effet,
plusieurs faits problématiques, le développement tardif de son talent,
le contraste entre les œuvres qu'il a écrites à Esterhazy et celles
qu'il a composées à Eisenstadt, l'empiétement de plus en plus mani-
feste de la virtuosité, même dans les compositions religieuses de sa
dernière période, ne trouvent une explication naturelle et satisfaisante
que dans les rapports au milieu desquels il a vécu pendant près d'un
demi-siècle.
Haydn a rempli les fonctions de maître de chapelle sous les prin-
ces suivants de la maison Esterhazy-Galantha : Paul-Antoine, 1761 ;
Nicolas-Joseph, 1790; Antoine, 1794; Nicolas, 1803. 11 avait vingt-
huit ans lorsqu'il entra au service de la maison Esterhazy, en 1760 ;
il mourut sous le prince Nicolas, en 1809, à l'âge de soixante-dix-
sept ans. Comme Haydn n'a vécu qu'un an sous le prince Paul-An-
toine, et que pendant une partie du règne très-court d'Antoine il était
en Angleterre, nous n'avons à nous occuper ici spécialement que de
Nicolas-Joseph et de Nicolas, qui seuls ont exercé une influence déci-
sive sur sa carrière. Les commencements en furent des plus modestes.
Son talent musical fut tout d'abord mis à contribution pour un théâ-
tre de marionnettes d'une forme toute primitive. Au dire de Prinster,
un quatuor, composé de deux hommes et de deux femmes, chantait
le texte mis en musique par Haydn, pendant que les marionnettes al-
laient et venaient en gesticulant sur la scène. Nicolas-Joseph, qui
succéda l'année suivante à Paul-Antoine, apprécia bientôt le talent
dont son maître de chapelle faisait preuve dans ce genre de composi-
tion comme dans tous les autres ; son goût pour la musique, d'abord
restreint à ce théâtre de marionnettes et à quelques instruments favo-
ris, se développa peu à peu sur une plus grande échelle, et Haydn
ne tarda pas à être chargé des travaux les plus divers, qu'il exécu-
tait à la grande satisfaction du maître. L'augmentation de l'orchestre
en fut la conséquence; le nombre des artistes qui le composaient fut
porté à trente. Sur le théâtre de marionnettes, on chantait l'opérette,
sacrée ou profane, et pendant une visite qu'elle fit au château, l'im-
pératrice Marie-Thérèse ne dédaig-na pas d'y assister. Enfin, le prince
fit construire un petit théâtre d'opéra, pour lequel Haydn écrivit
treize opéras italiens et uue quantité incroyable de compositions de
tout genre, notamment de symphonies et de quatuors. La réputation
de ces ouvrages se répandait déjà au dehors et franchissait les fron-
tières de la Hongrie et de l'Autriche.
Le docteur l***.
NECROLOGIE.
Un artiste distingué vient de s'éteindre en Italie. Luigi-Felice
212
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Rossi, né à Brandizzo, petite commune située près de Chivasso, le
27 juillet 1805, est mort à Turin, le 20 juin dernier, après avoir
souffert toute sa vie des suites d'une maladie qui avait attaqué sa
première enfance.
Une flûte lui étant un jour tombée entre les mains, il s'exerça seul
à jouer de cet instrument, et il réjouissait ses compagnons en exécu-
tant des mélodies populaires. Quelques cahiers de musique lui sufGrent
pour apprendre le solfège sans maître. A seize ans il perdit son père,
et prit peu après les habits de clerc qu'il garda pendant tout le temps
qu'il resta au collège de Chivasso et au séminaire de Turin , où il
passa ses examens de doctorat. Ne se sentant aucune vocation pour
l'état ecclésiastique, il finit par obtenir, non sans peine, de sa mère,
la permission de se vouer à l'art musical. Il se rendit à Naples, et il
étudia successivement avec Raimondi et Zingarelli, deux maîtres en-
tièrement opposés de caractère et de méthode.
Ses éludes terminées, il partit pour Turin , ovi il fit représenter
au théâtre d'Angennes, gli Avvenlurieri, opéra-bouffe, dont le bril-
lant succès se prolongea pendant la saison entière. Mais à Milan, au
théâtre de la Scala, le même ouvrage lit un fiasco tel que Rossi jura
— e'v il tint sa parole — de ne plus jamais écrire pour le théâtre.
Revenu à Turin , il composa deux messes , l'une en ré mineur,
l'autre en fa mineur, toutes deux dédiées à don Ambrogio Campo-
donico, et un office de vêpres en fa. Peu de temps après il publia
sa m.esse facile en fa mineur, messe qu'il avait écrite alors qu'il
travaillait encore avec Zingarelli. Ces divers ouvrages obtinrent un
tel succès qu'il fut chargé d'écrire un service entier pour la com-
mune de Corio. Cette nouvelle œuvre est devenue depuis ce temps
extrêmement populaire dans tout le Piémont, où elle est connue sous
le nom de messe de Corio. Il écrivit aussi un nouvel office de vê-
pres, qui n"a jamais été publié.
H composa ensuite sa messe de Settimo et un troisième office de
vêpres qui prit le même nom. Puis il écrivit , pour l'académie de
Sainte-Cécile de Rome, dont il était membre, une grande composition
en huit morceaux, intitulée les sept Paroles de Jésus-Christ. Aujour-
d'hui encore, et après vingt années écoulées , on remarque dans cet
important ouvrage des beautés d'un caractère neuf et vraiment ori-
ginal. Un motet écrit sur le verset Quœro pacem, dont on dit grand
bien, et les deux messes dites messe d'Alexandrie et messe de Cres-
centino , suivirent de près ; ces deux messes sont considérées en
Italie comme des œuvres hors ligne.
Rossi écrivit aussi un grand nombre d'hymnes et de psaumes,
parmi lesquels on remarque surtout un Beati omnes, avec accompa-
gnement de simple quatuor, un Lœtatus, un Conplebor, un Laudate,
un Magnifical en mi bémol et un Tantum ergo choral. Puis il com-
posa encore deux messes, dont l'une, dédiée à la mémoire de sa
mère, morte en 1849, appartient à un autre genre que celui de ses
précédentes compositions, et rappelle les effets du chant à la Pales-
trina, trop oublié de nos jours. Dans les dernières années de sa car-
rière, il refit une symphonie qu'il avait écrite longtemps auparavant.
Enfin il publia nombre d'ouvrages didactiques. Je ne dois pas oublier
que, patriote ardent, Rossi salua les premiers pas de la régénération
italienne, en 18/i7, en composant un grand Te Demn et un hymne
populaire, ColV az-zurro coccarda sul petto.
Rossi était un lettré distingué. 11 a écrit la partie musicale de \En-
ciclopedia popolare de Pomba et du Gran dizionario délia lingua
'laliana de Tomaseo. On lui doit les deux traductions italiennes du
Traité de composition de Reicha et du Cours de contre-point et fugue
de Cherubini, qu'il a, de plus, enrichi d'excellentes notes critiques,
ainsi que les Etudes de contre-point de Beethoven, traduites aussi par
lui. Enfin il a donné un grand nombre d'articles à l'ancienne Gaz-
zctta musicale publiée par l'éditeur Ricordi.
On voit que la vie de Rossi a été bien remplie, et pourtant ce n'est
pas tout encore, car il consacrait un temps énorme au professorat.
Sans parler de ses élèves particuliers, qui tous, grâce à ses soins,
ont une belle position en Italie, M. Roberti, auteur de l'opéra Pietro
de Medici; M. Bodoira, organiste et compositeur; M. Villanis, qui a
eu de grands succès an théâtre; M. Roasio, pianiste-compositeur;
M. Ramorino, auteur de l'opéra Ezzelino da Romann; M. Borano,
critique et maître de chant; M. Tempia, violoniste-compositeur très-
renommé au-delà des Alpes ; M. Borelli, qui est presque naturalisé
français, sans parler, dis-je, de ces élèves et de bien d'autres encore,
Rossi fut le fondateur et le professeur de la première école de chant
populaire établie en Italie, à Turin, école pour laquelle il écrivit et
publia une méthode particulière. Il introduisit l'étude du chant dans
les écoles communales de Turin, dont il fut nommé directeur de mu-
sique, ainsi que dans l'œuvre royale de la Providence; il était aussi
professeur à l'institut de Saint-François de Paule.
Rossi était le modèle des vertus privées. Il fit de grands efforts
pour améliorer en Italie le sort des artistes, et soutint à cet effet des
luttes acharnées, qui lui suscitèrent de nombreux ennemis. Il encou-
rageait beaucoup les jeunes gens et a fait un certain nombre d'élèves
dont il n'a jamais voulu rien accepter. Sa conversation était pleine
de charme, sa bonté et son honorabilité le faisaient aimer et respec-
ter de tous, et il était l'ami de plusieurs hommes célèbres et distin-
gués, entre autres de Gioberti et de Tommaseo. Il est universellement
regretté en Italie (1).
Arthur POUGIN.
Le Musical World reproduit l'avis que contenait notre numéro du
7 juin , au sujet des compositions de Mme .Thiîcla Badarzewska.
Aucune réclamation de l'étranger ne nous ayant été adressée au su-
jet des affirmations énoncées dans cet article, nous répétons que les
quatre compositions ayant pour titre : La Prière d'une vierge — Douce
Rêverie — Souvenirs de ma chaumière et Mazurka , dont nous
sommes éditeurs, sont seules authentiques, et que toutes celles qui
ont pu ou qui pourront être publiées sous le nom de Mme Badar-
zewska sont apocryphes.
BEVUE DES THÉÂTRES.
Tiiéatre-Fbançais : Trop curieux ! coméàie en un acte et en vers,
par M. Edmond Gondinet ; fin des débuts de Mlle Agar. — Vau-
deville : Les Coups d'épingle, comédie en trois actes, par M. Er-
nest Capendu. — Palais-Royal : Les Mystères de l'Hôtel des ventes,
comédie-vaudeville en trois actes, par MM. Henri Rochefort et Al-
bert Wolff. — Ambigu : Reprise de Lalud'e; une Société de tem-
pérance, vaudeville en un acte, par MM. Commersou et Henri
Rochefort. — Gaité : Reprise du Fils du Diable.
Le nom de M. Adolphe Gondinet n'est pas tout à fait nouveau dans
la littérature, mais nous croyons qu'il n'a jamais paru sur aucune
affiche de théâtre. Or, si c'est à titre d'encouragement que la Co-
médie française a accueilli le petit acte de ce jeune auteur, intitulé
Trop curieux! nous ne saurions la blâmer de son bon procédé.
M. Edmond Gondinet annonce d'heureuses dispositions auxquelles
il ne manque peut-être, pour aboutir au succès, que la pratique de
la scène. Plus tard, quand il aura acquis un peu plus d'expérience,
il n'osera plus risquer sans doute des types aussi connus que ceux
qui figurent dans sa pièce de début. Lord Blount, cet Anglais spleené-
tique qui, pour n'avoir pas su fermer les yeux à propos, est arrivé
au dégoût de la vie, ce peintre issu de la Bohême, un domestique
(1) Le journal italien l'Opinione a donné, le 29 juin, une notice excellente et
trÈs-étendue sur cet artiste.
DE PARIS.
213
funèbre spéculant sur la mort de son maître ; tout cela est bien
vieux, bien usé, et malheureusement les rôles des femmes qui pour-
raient aviver les nuances du tableau, sont à peine indiqués. Clarisse
ne se montre qu'au dénoûment pour faire éclater son innocence
compromise et pour empêcher un duel entre son mari et le peintre
Léon Rodât, qu'il a institué son légataire universel, et qui, dans un
élan des plus désintéressés, veut absolument le tuer pour qu'il ne se
suicide pas. Quant à Stella, la jeune Napolitaine, elle n'a pour raison
d'être que les beaux yeux de Mlle Marie Royer. Reconnaissons d'ail-
leurs que les vers de M. Edmond Gondinet sont faciles, spirituels, et
qu'ils sont fort bie:i dits par Leroux, Got, Coquelin et Mlle Edile
Riquier. A tout prendre, la représentation de Trop curieux! n'est
pas absolument sans charmes, et peut être considérée comme une
promesse d'avenir.
Mlle Agar, dont les débuis ont eu un certain reteutissement , dij
non moins aux qualités incontestables de cette jeune tragédienne ,
qu'à l'accident qui les a interrompus, s'est montrée pour la dernière
fois dans la Clytemnestre à'Iphigénie en Aulide. Nous n'avons pas
encore entendu dire que le Théâtre-Français lui ait fait des proposi-
tions pour utiliser ses services.
— La nouvelle direction du Vaudeville vient d'inaugurer son rè-
gne par un de ces succès qui n'ont peut-être pas tout ce qu'il faut
pour passionner la foule , mais qui , sous plus d'un rapport, se re-
commandent à l'estime du public connaisseur. L'auteur des Coups
d'épingle, M. Ernest Capendu, a collaboré aux Faux Bonshommes
avec M. Théodore Barrière; il n'est donc pas le premier venu,
mais en même temps il n'a plus à l'indulgence de la critique les
droits d'un commençant inexpérimenté. Nous lui reprocherons donc,
sans scrupule, le choix et l'insuffisance de son sujet. Edmond Dornay
est amoureux de Mlle Fargis , et pour obtenir sa main, il songe à
s'assurei* la protection des époux CroisiUes. Mais ceux-ci ont une
fille à marier, et, dépités de voir qu'Edmond Dornay ne lui donne
pas la préférence, ils se vengent jésuitiquement en l'accablant de
coups d'épingle et en essayant de faire manquer son union avec
Mlle Fargis. Il y a là matière à un acte, et non à trois ; aussi, mal-
gré quelques scènes fort bien faites, la pièce serable-t-elle parfois
trop languissante. Selon le procédé qui lui a si bien réussi pour les
Faux Bonshommes. M. Capendu a cru devoir multipliei- les rôles
épisodiques, mais cette fois en pure perte. Tous ces personnages
plaqués, dont la mode est du reste tant soit peu passée, ne font que
gêner l'action. Félix, Félix lui-même, l'épisode incarné, dépense en
vain sa verve qui pétille et éclate dans le vide. Telle est pourtant
l'influence salutaire de deux ou trois situations vigoureuses, habile-
ment exploitées, que les Coicps d'épingle n'ont piqué personne au vif,
et qu'ils sont capables d'eflleurer, pendant longtemps encore, l'épi-
derme des spectateurs.
— Un livre curieux sur les Mystères de l'Hôtel des ventes a été
publié, il y a quelques mois, par M. Henri Rochefort. De ce livre
MM. Henri Rochefort et Albert Wolff ont tiré un vaudeville en trois
actes pour le Palais-Royal, et cette transformation a été fort goiitée.
C'est une de ces joyeuses pochades qui échappent à l'analyse, mais
qui, comme le Chapeau de paille d'Italie, ne laissent pas le temps au
public de se demander ce qu'on lui veut ni où on le mène. Les éclats
de rire se succédant sans interruption, ne permettent point à la raison
de protester; Tarte à la crème serait bien reçue, ma foi! au milieu
de ce déchaînement de folle hilarité qui convulsionne toute la salle.
Le prétexte des auteurs, c'est tout simplement, autant que nous l'a-
vons pu comprendre, un portrait de femme exposé à l'Hôtel des
venles, en l'absence de son possesseur, et qui est sur le point de
tomber entre les mains d'un mari jaloux et féroce. Comment ce por-
trait a-t-il été perdu? Comment voyage- t-il de main en main? Com-
ment parvient-il, sans catastrophe, à sa véritable adresse? C'est ce
que nous ne saurions dire ; mais si vous tenez à le savoir, allez le
demander aux étourdissants comiques du Palais-Royal, et nous pou-
vons vous affirmer que vous ne vous repentirez pas de votre soirée.
Il sont tous là, Gil Ferez, l'humoriste, déguisé en armoire; Brasseur,
le héros du travestissement; Lhérilier, le très-digne successeur de
Sainville; Mme Thierret, qui porte le bonnet à poils comme un vieux
grenadier, et tant d'autres que nous oublions bien malgré nous. Il
n'y aura pas de canicule pour les Mystères de l'Hôtel des venles.
— Que nous reste-t-il à signaler, si ce n'est, comme toujours,
des reprises dans les théâtres de drame? Il faut bien nous résoudre
à cette nomenclature rétrospective, sous peine de n'en plus parler
du tout. A l'Ambigu, Latudc, une des bonnes pièces de feu Guilbert
de Pixérécourt, retrouve sa vogue d'autrefois, grâce au talent des
acteurs, notamment de Castellano, qui a su donner une excellente
physionomie à ce mousquetaire, dont la folie originale avait fondé
en partie la réputalion de Saiut-Firmin, le premier Don César de
Victor Hugo. Ce drame est précédé, chaque soir, d'un très-agréable
lever de rideau, tout plein de mots drôles, et de couplets spirituels
qui, sous le titre de «ne Société de tempérance, est signé par deux
auteurs qu'il doit nous suffire de nommer, MM. Commerson et Henri
Rochefort.
— A la Gaîté, la reprise du Fils du Diable lutte avec avantage
contre les implacables chaleurs de la saison. C'est la seconde fois,
depuis trois ans, que ce drame, emprunté au répertoire de l'Ambigu,
traverse victorieusement l'été. 11 est vrai que la direction n'a rien
négligé pour lui conserver l'atlrait qu'il avait à l'époque de ses pre-
mières représentations. Le rôle d'Otto fournit à Dumaine l'occasion
de se distinguer sous une multitude d'aspects divers ; tour à tour
grand seigneur, juif ou dandy, il provoque à son gré la terreur, le
rire et les larmes. Jamais puissance du comédien sur le public ne
s'est manifestée d'une manière plus complète. Le rôle de Franz ap-
partient aujourd'hui à Léon Leroy, qui s'en acquitte à merveille, et
l'intéressant personnage de Noëmie est on ne peut mieux inter-
prété par Mme Glarence. Une pareille reprise équivaut à une créa-
tion.
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
^*.j, L'Opéra a donné cette semaine,, lundi et mercredi, les Huguenots
et Robert; telle est l'attraction inépuisable des deux chefs-d'œuvre de
Meyerbeer que, malgré la chaleur actuelle, la salle a été chaque fois
complètement remplie. Dans les deux rôles de Raoul et de Robert,
Gueymard a provoqué d'unanimes bravos; on sait que le rôle de Valen-
tine est un des meilleurs de Mme Gueymard, et Mme Vandenheuvel-
Duprez, Belval, Cazaux y ajoutent un magnifique ensemble.
^% Vendredi, te Trouvère a été donné pour la rentrée de Miohot et le
déijut de Mme Dory-Rottger, engagée depuis un an par la direction
précédente, mais qu'un traité antérieur avait appelée à Lisbonne.
Michot nous a semblé avoir retrouvé la pureté de sa voix, dont il use
encore sobrement et avec une certaine réserve. Quant à la débutante,
qui se produisait dans le rôle de la bohémienne, Azucena, elle possède
une belle voix de mezzo soprano, remarquable surtout par la franchise
et l'homogénéité parfaite. Son style est simple et pur, mais jusqu'ici
nous ne saurions dire si elle est douée de la chaleur et de l'accent
dramatiques, sans lesquels on n'obtient pas les grands succès ; nous la
jugerons dans d'autres rôles. Mme Gueymard, qui reprenait celui de
Léonore, y a déployé toute l'exubérance de sa belle et puissante voix.
Bonnehée chantait le rôle du comte de Luua avec plus d'intention que
d'effet.
^*^ Demain lundi, la première représentation de DiavoUna, de Saint-
Léon et Pugni, pour la continuation des débuts de Mlle Mouravieff.
, ,1,*,^ L'état de Mlle Livry s'est sensiblement amélioré. Elle peut main-
tenant recevoir quelques amis et causer avec eux. Les médecins lui ont
ordonné le séjour de la campagne. On avait parlé de Compiègne, mais
c'est à Neuilly qu'on va transporter l'intéressante malade, qui depuis
bientôt huit mois n'a pas quitté son lit de douleur.
*** Le congé annuel de M. et Mme Gueymard doit commencer le
12 juillet; les deux célèbres artistes ont l'intention d'aller se reposer
à Vichy.
214
REVLE ET GAZETTE MUSICALE
**t La direction du théâtre de l'Opéra-Comique a rengagé JlUe Cico
pour trois ans. — Mlle Rolin rentre à ce théâtre.
»*^ Achard a pris moaientanément congé du public de l'Opéra-Co-
mique dans la Dame Blanche. Il reviendra pour le 1°'' août.
,** Le théâtre de l'Opéra-Comique annonce pour mardi la représen-
tation de Galatée. Mme Ugalde chantera le rôle principal, qui fut l'une
de ses meilleures créations.
j,% Mlle Irène Lambert a débuté la semaine dernière dans Haijdéc.
Elle a reçu du public un accueil encourageant. Sa voix manque un peu
de force ; mais elle a de la fraîcheur et de la sonorité, surtout dans
le médium. Elle a chanté avec beaucoup de grâce et de méthode, et le
travail aidant, elle peut occuper une place utile au théâtre de l'Opéra-
Comique-
^*^ M. Bagicr, le nouveau directeur du théâtre Italien, est arrivé à
Paris et va partir pour Londres.
*** Mme Frezzolini a quitté Paris, elle va passer deux mois en
Italie.
**^ Le ministre d'Etat a accordé à M. Bagier, à titre de frais d'ins-
tallation, une somme ùe 30,000 francs, une fois payée. Elle lui sera
comptée en deux fois.
^*4 Hier samedi, l'Académie des beaux-arts a jugé le concours de
composition musicale. Un 1" prix a été décerné à M. Massenet, élève
de MM. r.eber et Ambroise Thomas, dont la cantate était exécutée par
Mme Vandenheuvel, M\I. Roger et Bonnehée. ^ Un 2= prix à M. Cons-
tantin, élève de M. Amb. Thomas, et qui avait pour interprètes Mlle Ba-
retty, MM. Duprez et Crosti. — Une mention honorable a été accordée à
M. Ruiz, éU've de M. Leborne, et dont l'œuvre avait été chantée par Mlle
de Taisy, MM. Colomb et Caron.
,j*. Par décret en date du 1"' juillet courant, une surintendance gé-
nérale des théâtres a été créée au ministère de la maison de l'Empe-
pereur et des beaux-arts. — Par un décret en date du même jour,
M. le comte de Baciocchi, premier chambellan de l'Empereur, a été
nommé surintendant général des théâtres.
j*i Par décret en date du 1=' juillet, M. Camille Doucet a été nommé
directeur de l'administration des théâtres au ministère de la maison de
l'Empereur et des beaux-arts. Cette administration est placée sous les
ordres du surintendant général des théâtres.
^*^ Roger a quitté la Suisse, où il a commencé une série de brillantes
représentations, pour venir passer quelques jours à Paris. Il est reparti
pour Lausanne.
^*^ La célèbre Schiller-Marche de Meyerbeer, dont il existe, outre les
arrangements pour le piano et à quatre mains, une transoriptioc très-
réussie de Liszt, vient de paraître, arrangée pour la musique mili-
taTe, par Léon Chic.
,1,*^ La Revue et Gazette des théâtres annonce l'inauguration pour le
15 août d'une vaste salle de concert, construite, sous la direction de
M. Pigeory, architecte de la ville, par M. Guerault, entrepreneur, au
boulevard Saint-Germain, en face des jardins du musée de Cluny, et
qui portera le nom d'Athénée musical. M. de Uaousset-Boulbon est le di-
recteur de cet établissement, dont M. Paquis dirigera l'orchestre. Un
grand nombre d'engagements d'artistes sont déjà faits, et on compte
parmi eux, outre M. Paquis lui-même, qui se fera entendre fréquem-
ment comme cor solo, le violon Collongues, le cornet à piston Del-
pech, le flûtiste Miramont, le hautbois Lavigne, le basson Espaignet, etc.
Le directeur de VAthénée musical paraît dans l'intention de soumettre
ses concerts, comme ceux des Champs-Elysées, à des conditions excep-
tionnelles d'honnêteté et d'élégance; nous ne pouvons que lui souhai-
ter tout succès.
^*^ Les répétitions de l'opéra de LitolEf, qui sera prochainement re-
présenté à Bade, se poursuivent avec beaucoup d'activité dans la salle
du théâtre Lyrique. Mme Colson et Jourdac, auxquels les principaux
rôles ont été confiés, se trouvent à leur poste et paraissent enchantés
de l'ouvrage de Litolff.
j\ Une actrice du théâtre de Bromberg, Mlle Bergguth, vient encore
d'être la victime d'un de ces accidents qui depuis quelque temps arri-
vent si fréquemment au théâtre. S'étatit trop approchée de la rampe,
le feu a pris à sa robe, et malgré de prompts secours, elle a reçu de
nombreuses et profondes brûlures auxquelles elle a succombé.
tf*t M. Salvi, directeur du théâtre italien â Vienne, a engagé Mlle Artot
pour la prochaine saison, à raison de 15,000 francs par mois.
/^ Dresde et Givet viennent de célébrer simultanément avec une
grande solennité le centième anniversaire de la naissance de Méhul.
A Dresde le théâtre royal a joué l'opéra de Jacoh et ses fils en Egypte,
et après un prologue qui précédait la pièce, à l'exécution de laquelle
les principaux artistes avaient tenu à concourir, le buste de Méhul a
été couronné de lauriers. — A Givet, un magnifique festival en l'hon-
neur de l'illustre compositeur françdis avait réuni plus de trente so-
ciétés d'harmonie et de chant. La Belgique s'y était fait représenter par
l'élite de ses chanteurs.
^*^ La Jiose de Saint-Flour était au nombre des pièces par lesquelles
a ouvert le théâtre de Spa. L'opérette d'Offenbach a beaucoup plu. Le
19, l'administration de la Redoute avait inauguré sa saison par un très-
beau concert.
.j,*^ La troupe Merelli a complètement échoué à Francfort. C'est
un véritable désastre pour les artistes dont elle se composait.
j*« Nous avions annoncé dans notre dernier numéro l'inauguration du
nouvel établissement de bains qui vient d'être construit par M. Debayser,
sous l'énergique impulsion de M. le maire de Boulogne-sur-mer. Cette
solennité avait attiré une grande aSluence. Nous n'avons pas à entrer
dans les détails de la construction du bâtiment, qui fait honneur à
l'architecte, mais nous dirons que le grand salon du Casino, outre sa
magnificence, est excellent comme salle de concert. Les nuances les
plus délicates, les plus fins détails y sont entendus de tous les points.
Aussi, dans ces conditions favorables, aniiriés par la présence de nom-
breux représentants de la presse pari-ieniie et du public d'élite qui
remplissait les galeries splendides et sonores du monument, les artistes
appelés pour le grand concert organisé sous la direction de la Société
philharmonique, se sont-ils surpassés et ont-ils été salués de bravos
enthousiastes. Nous avons dit que Mme Vandenheuvel-Duprez, MM. Wa-
rot. Servais et Léonard, défrayaient le très-beau programme de ce
concert. Mme 'Vandenlieuvel-Duprez a chanté la ballade et la scène des
bijoux de Faust, la Sicilienne des Vêpres, et avec Warot le grand duo
du Comte Ory. Servais a dit deux morceaux de sa composition : un
adagio religioso et rondo miliiaire, et une fantaisie sur Lestocq; Léonard,
sa fantaisie sur des motifs de Donizetti et des variations sur l'air na-
tional autrichien ; puis, avec Servais, un grand duo sur deux thèmes an-
glais. On se ferait difficilement une idée de l'effet produit par les deux
illustres artistes. Les ouvertures de Guillaume Tell et d'Oberon ont été
admirablement rendues par l'orchestre, trC'S-bien conduit par M. Char-
dard, et l'orphéon de Boulogne, sous la direction de M. Guilmant, a
fourni au concert un très-intéressant contingent.
*** M. Georges I-lainl, chef d'orchestre du théâtre de Lyon, et l'un
de nos violoncellistes les plus distingués, est en ce moment à Paris.
^"'^ L'éminent pianiste-compositeur Gustave Satter, en faveur duquel
un grand parti commence à se former en Allemagne, après avoir donné
cinq concerts à Vienne et sept à Pesth, s'est fixé à Vienne pour une
année. Il a fait paraître chez Charles Hasiinger, éditeur de la cour,
six compositions nouvelles qui jouissent d'une grande vogue, et il ter-
mine en ce moment deux symphonies-concertos à grand orchestre,
qu'il jouera l'année prochaine dans ses concerts. On fonde, non sans
raison, de grandes espérances sur son talent de compositeur.
,t*„ A OEdenbourg, en Hongrie, le premier festival de chant a eu lieu
le 28-29 juin; six cents chanteurs y ont pris part.
„,*„, Servais et Léonard viennent de passer deux jours à Paris. Ils
arrivaient de Boulogne-sur-Mer, et sont repartis pour Bruxelles.
**., L'excellent pianiste compositeur, M. D. Magnus, se rend à Spa et
à Wiesbade, pour s'y faire entendre,
a,*,j L'illustre compositeur italien Mercadantç, directeur du Conserva-
toire do Waples, vient de recevoir du roi d'Italie les insignss de com-
mandeur des saints Maurice et Lazare.
,fc*<, Pour répondre a de nombreuses demandes qui leur sont venues
de la province, les éditeurs des Bavards, le dernier succès des Bouf-
fes-Parisiens, font paraître la grande partition et les parties d'orchestre
de l'ouvrage d'Offenbach. La gravure en est presque terminée.
,1,'",^ Les ouvrages didactiques de A. Panseron continuent d'occuper
une place dans l'enseignement de la musique, et plus ils sont connus,
plus ils se répandent. Le solfège concertant était depuis longtemps
donné en prix aux élèves. Nous apprenons que par une décision toute
récente le solfège d'ensemble partagera désormais cette faveur.
„% Le Ménestrel annonçait dernièrement qu'à la suite de la mort de
sa mère, la santé de Mme Marie Wekerlin avait subi une atteinte grave,
et que la jeune artiste se trouvait dans un état alarmant.
^% Les nouvelles fantaisies de Favarger sur des thèmes de la Muette
de Portici, le Domino noir et Stradclla, obtiennent un très-grand succès.
Le premier tirage en a été rapidement épuisé.
^*^ Toujours grande affluence de beau monde au concert des Champs
Elysées; Arban y a joué cette semaine sa belle fantaisie sur le Pardon
de Ptoermet et la Schiller -Marsch de Meyerbeer. Ces deux' morceaux
produisent toujours un très-grand effet. — La polka du Brcsife'cn, jouée
tous les jours, est devenue populaire.
,*„ Le grand festival de musique miliiaire donné dimanche dernier
au Pré-Catelan, avait, malgré le temps un peu incertain, attiré une
grande affluence, et l'association des artistes musiciens, au bénéfice de
laquelle il avait été organisé, a dû, faire une recette fructueuse. L'or-
chestre do Musarda exécuté son programme avec sa supériorité ordi
naire, et l'on a beaucoup distingué un jeune violoniste du nom de
Danbé, qui a joué avec un talent du meilleur augure pour son avenir
une fantaisie sur le Trovatore. Les musiques d'harmonie ont produit
beaucoup d'effet; la retraite, à cheval, composée par M. Masson, chef
de la musique du 3° dragons, est une œuvre très-remarquable et qui a
été fort applaudie.
I>E PARIS.
215
3,** Aujourd'hui dimanche, Musard convie au Pré Catalan les ama-
teurs de bonne musique pour y entendre, tour à tour, sur le piston,
le hautbois et la flûte, trois des premiers solistes de la .capitale, Le-
gendre, Lalliet et Forestier aîné.
,*^, Le 24 juin, un des plus élégants théâtres de Florence, le Poli-
teama, est devenu, à lO heures et demie du soir, la proie des flammes.
On allait en ouvrir les portes pour un bal costumé organisé en commé-
moration de la bataille de Soiferino et pour la fête de la Saint- Jean-
Baptiste, patron de la ville, lorsque le feu a pris, on ne sait pas en-
core comment, et a duré vingt heures consécutives, malgré tous les
secours amenés en grande liâce. Outre la ruine du théâtre, on a eu à
déplorer dans ce sinistre la mort de trois personnes et des blessures
graves.
**, Charles Schuberth, né ii Magdeburg le 23 février 18M, inspecteur de
musique à l'école du théâtre de la Cour, et maître de chapelle à Saint-
Pétersbourg, est mort le 22 juin, à Zurich, où il était venu voir sa fa-
mille. C. Schuberth, qui possédiit un grand talent comme violoncel-
liste, habitait Saint-Pétersbourg depuis plus de vingt-huit ans. Ses
compositions pour le violoncelle sont très-estimées.
^*f Le chef d'une des plus anciennes et des plua considérables mai-
sons d'éditeur de musique de Londres, Cramer Beale et Wood, M. Fré-
déric Beale, est mort le 26 juin à Chislehurst, résidence de son gendre.
^*a, On annonce la mort de M. Achille Maurice, jeune architecte
chargé de la reconstruction du théâtre des Bouffes.
**:!, Le 27 juin est mort à Angleur, près Liège, M. André Jaspar, né
à Liège le 1S décembre 17y4, ancien directeur de l'orchestre des concerts
de la Société d'émulation et de la Société Grétry, maître de chapelle
de la cathédrale de Liège ((840-50). Parmi les meilleures productions
de cet artiste on cite Apollon et les Muses, prologue écrit pour la fête de
Grétry, et joué au théâtre de Liège, plusieurs symphonies, des airs de
musique sacrée, des mélodies pour violon dédiées à M. Léonard.
»*, Le directeur de musique C.-G. Muller, à Altenbourg, connu par de
nombreuses compositions, est mort le 29 juin dernier, dans sa soixante-
quatrième année. Il a dirigé pendant plusieurs années les concerts de
l'Ëuterpe à Leipzig.
a,** M. A. Cavos, architecte, qui s'était fait une réputation méritée
par la construction du grand théâtre de Moscou, et tout récemment
du théâtre Marie, à Saint-Pétersbourg, vient de succomber aux suites
d'une attaque d'apoplexie qui l'avait frappé l'an dernier.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
^% Dlois, 2 juillet. — Le concert donné par Mme Wartel a obtenu
un plein succès. Le talent large et magistral de l'éminente pianiste a
produit sur les auditeurs son effet habituel d'enchantement. On se sen-
tait saisi par cette interprétation si pure des grands maîtres, et bien
qu'il ne soit pas donné à toutes les organisations d'apprécier à leur
juste valeur les chefs-d'œuvre de la musique classique, Mme 'Wartel
avait si complètement su se mettre en rapport avec son public, que la
même passion avait envahi ce soir-li les âmes les plus rebelles. M. Xa-
vier Delsarte a dit avec esprit et verve deux fables de la Fontaine; c'est
le digne élève de son père. La soirée s'est terminée d'une façon char-
mante, par un proverbe de Mme 'VVartel, qui a tenu à nous prouver
qu'elle savait manier une plume aussi habilement qu'elle fait chanter
son piano. La célèbre artiste est si bien reçue en Touraine, qu'elle
passera tout l'été dans ce pays oii se retrouve l'élite de la société fran-
çaise.
»*» Charleville-Mézières. — Malgré la chaleur accablante de ces der-
niers jours, le concert de M. Carré avait attiré beaucoup de monde.
Outre le talent hors ligne de l'artiste, et qui lui a valu de chaleureux
applaudissements, on était fort désireux d'entendre la musique du 9" de
dragons, venue de Sedan tout exprès pour prêter à M. Carré son précieux
concours, et qui passe à bon droit pour une des premières parmi nos
musiques de cavalerie. Cette réputation, elle la doit au mérite
individuel de la plupart des artistes qui la composent et à la capa-
cité hors ligne de son habile chef, M. Bayer. On pouvait craindre que,
dans une salle de spectacle, ces vigoureux instruments en cuivre fissent
trop de bruit et produisissent un effet désagréable. Rien de pareil n'est
arrivé : on eût dit un concert d'instruments à cordes, tant les sons
étaient doux et moelleux, sans rien -perdre pourtant de leur plénitude
et de leur force. Quant à l'exécution, elle n'a mérité que des éloges.
chronique; étrangère.
j.** Londres, 3 juillet. — Le théâtre de Covent-Garden, à son tour,
vient de jouer le Faust, de Gounod, sous le titre de FaiwJ et Marguerite,
avec une grande magnificence de décors, do mise en scène, et, ajou-
tons, avec un très-grand succès. Les principaux rôles étaient chantés
par Tamberlick, Faure, firaziani, Tagliaflco et Mmes Carvalho, Nantier-
Didiée et Lustein. Trois morceaux ont été bissés : le chœur des vieillards,
celui des soldats et la chanson de Méphistophélès au second acte. Tous
les artistes ont été rappelés, à plusieurs reprises, et M. Gounod lui-
même à la fin du troisième acte. Les honneurs de la soirée paraissent
avoir été pour Faure (Méphistophélès). Comme le spectacle vient seule-
ment de finir à l'instant (à une heure du matin), nous sommes obligé
de réserver pour le prochain numéro les détails de cette représentation
remarquable. — Adelina Patti vient de chanter avec un grand succès
le rôle de Maria, dans l'opéra de Flotovv. — Mme Lind-Goldschmidt
a donné lundi son dernier concert avec le concours de Piatti et de
Thalberg. Toute l'aristocratie anglaise y assistait.
.j,*i Baden. — Le T juillet aura lieu un concert de musique classique,
dont la simple annonce a mis en émoi la foule des voyageurs que le
beau temps retient parmi nous. L'orchestre du théâtre de Mannheim y
exécutera la .symphonie en mi majeur de Beethoven ; les virtuoses qui
s'y feront entendre sont Mmes Viardot et Clara Schumann, le violoniste
Jean Becker et A. Millier de Darmstadt, contre-bassiste d'un grand ta-
lent. De plus, une société de chant, dirigée par un amateur distingué,
Mlle Lang, fera entendre un psaume de Marcello et VAve verum de Mozart.
,■■*„, Dresde. — Le 20 juin, le théâtre de la cour a joué pour la pre-
mière fois, la Clochette de l'ermite (les Dragons de Villars), d'Aimé Mail-
lait. Ce charmant opéra-comique a été accueilli avec grande faveur,
comme partout où il a été représenté jusqu'ici.
^*^ Vienne, 3 juillet. — Le compositeur Reyer se trouve ici pour
faire jouer son opéra Erostrate au théâtre de la cour, où les représen-
tations reprendront à partir du 1^' juillet. — Le nouveau grand-cham-
bellan, Prince Vincent Auersperg, a été chargé de la surintendance des
théâtres de la cour.
,^*,^ Florence. — Hier 24 juin, pour célébrer la fête de Saint-Jean,
nous avons eu une grande solennité musicale au palais de la Seigneurie,
dans la salle dite des Cinq-Cents. Parmi les artistes, d'élite appelés à y
prendre part, nous avons à citer Emilie Lagrua, la Tiberini et Pancani.
Ce concert a été hors ligne, et il ne pouvait en être autrement avec des
noms d'une pareille valeur. 11 y avait deux cents choristes et cent cin-
quante instrumentistes. On a commencé par une ouverture d'Auber.
Puis est venu un hymne à Jupiter, œuvre de la jeunesse de Meyerbesr
qui a infiniment plu. La Tiberini a chanté une polonaise de Mabel-
lini. Le duo du cinquième acte du Prophète a ensuite été dit par
Mmes Lagrua et Pancani aux applaudissements enthousiastes de l'audi-
toire. La Plainte du Barde, ouverture de Mercadante, la cavatine de la
Linda, par Pancani, l'hymne aux nations de Verdi, ont suivi, après quoi
de nouveaux applaudissements ont accueilli Mme Lagrua dans la cava-
tine du Prophète, qu'elle a chantée avec le plus grand talent. Enfin la
Bataille de Saint-Martin, chœur descriptif, et le duo de Poliuto, dit par
la Lagrua et Pancani, ont terminé triomphalement cette magnifique
audition, qui avait attiré une foule nombreuse et (ce qui vaut mieux
encore) qui a enthousiasmé tout le monde.
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l'Exposition universelle de Londres, en 1851. — Exposition universelle de Paris, 1855, les plus belles pages du Rapport officiel, 27'"'' Classe, pages 1835-1336. —
Exposition universelle de Lojidres, 1862, PRIZE MEOAL, avec cette mention : POUK EXCEILl/EXCE DE TOUTE ESPÈCE D'INSTROMKMTS DE CUIVRE.
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vient de se reproduire à Londres avec plus d'éclat encore : aussi le Jury international vient-il, en plaçant ces instruments
au premier rang, d'accorder à l'unanimité, à M. Henri HERZ, la médaille, en motivant cette distinction par la perfection
reconnue dans tous les genres de Pianos et sous le rapport de la solidité, de la sonorité, de l'égalité, et la précision du
mécanisme dans les nuances d'expression. (Rapport du Jury international.)
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50, rue Saint- Cieorg^eg,
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.=5ï«a
Facteur de la Maison militaire de l'Empereur. — Professeur au Conservatoire impérial de musique.
Seule grande Médaille d'honneur à l'Exposition universelle de 1855.
RÉSUMÉ DES AVANTAGES DES SaXHOKNS ET DES SAXOTROMBAS.
Le Saxotromba, ou le Saxhorn, est supérieur à ses analogues existants précédemment, comme proportion de tubes et par
conséquent comme son; supérieur comme j ustesse ; supérieur comme création de famille complète; supérieur comme facilité et
unité de doigté ; supérieur comme forme ou contour des tubes pour l'émission des sons ; supérieur comme forme pour le pla-
cement et le maniement de l'instrument; supérieur comme ayant une même direction des sons {avantage pour l'auditeur de
recevoir tous les sons avec la même puissance); supérieur en ce que quelques jours suffisent pour former, avec des amateurs ou
de simples conscrits militaires, une musique passable ; supérieur en ce que les plus gros instruments comme les petits se
tiennent facilement au moyen de la main gauche et du bras gauche, et laissent le bras et la main droite entièrement libres,
et dans la meilleure position pour le jeu des doigts sur les cylindres ; supérieur en ce que, quand un élève a déji fait des
études et qu'il est obligé de changer d'instrument faute de disposition des lèvres ou par tout autre motif, ses études acquises
servent pour le nouvel instrument, soit trompette, trombone ou tout autre instrument ; supérieur en ce que l'on peut faire les
études les plus longues et les plus difficiles sur l'instrument qui fatigue le moins et les reporter sur d'autres plus durs à jouer
ou plus lourds à porter; supérieur en ce que, dans les sociétés ou dans un régiment de cavalerie, surtout lors des congés, il
arrive souvent que tous les artistes d'une même catégorie d'instruments partent, et que, dans ce cas, on peut les remplacer
en prenant des musiciens dans les parties les mieux garnies pour occuper ou remplacer les parties manquantes; supérieur en
ce qu'on ne craint pas les c lups de tète des chevaux, qui, avec les anciens instruments, brisaient parfois les dents au cava-
lier; supérieur en ce que l'on peut jouer, le cheval au trot ou au galop, l'instrument suivant toujouis les mouvements du i\
corps; supérieur pour la musique en marche en ce que l'instrument ne se dérange pas survies lèvres, et conserve par consé- \
quent la même sonorité qu'au repos ; supérieur pour les corps de musique et pour le militaire surtout, où tout est régulier
(excepté les musiciens et les instruments d'après le système ancien), en ce que tout le monde se trouve dans la même position,
toutes les mains à la même hauteur et tous les instruments penchés de gauche à droite ; supérieur, pour la musique à cheval
ou de cavalerie, en ce que si, pendant que l'on joue, le cheval vient à faire un écart, il est facile de ressaisir les brides pour
le ramener, sans dérangf^r l'instrument de sa position,
la fabrique purlcnt l'intcriplioii suivante : Adolphe Sax, à Paris, factcur de la maison militaire de l'Empereur, le numéro d'ordre de riuslrnnienl et le poinçon oi-(iesiu!.
NOUVEAUTÉS MUSICALES POUR LE PIANO
E. COMBOUL
Op. 2. Caprice mazurka.
Op. 15. Morceau de salon.
Op. 19. Ave Maria, de Scliubert.
Publiées par Adolpbe Catelin
A. KUNC
13. Rêve perdu.
lli. Fiamma, mazurka.
15. L'Hirondelle de l'exilé.
F. LACAZE
Op. 2. Les Échos de la nuil.
Op. 4. Royal-Bolero.
Op. 5. Un Echo de France.
J. LEYBACH
Op. 47 La Diabolique, élude.
Op. li&. Vanlaisin sar les Puritains.
Op. 49. Fête des Moissonneurs.
. — iiipniMcitiF. r.Esi
iPOlEOK cil Al
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS,
30« Année.
N° 28.
12 Juillet 1803.
OR S'ABONNE 1
Itam les Dépnrtcmenls et à l'Étranger, chez tous
Ifi Unrchands de Musique, les Libraires, et aux
{tureaui des Ucssogeries et des Postes.
REVUE
PRIX DE L'ABONNEMEUT :
Paris 2*(r.piir«
Départcmeuts, Belgique et Suisse — 30» id.
Étranger 3* ' 'd-
Le Journal parait le Dimanche.
-^\A/ \PJ\f\rj\rjV\r-r~
SOMMAIRE. — L'Anneau des Nibelungen, par Richard Wagner (l" article). —
— Tliéâtre impérial de l'Opéra : Diavolina, ballet-pantomime en un acte de
M. Michel Saint-Léon, musique arrangée et composée par César Pugni. —
Hérold (1" article), par Fétîs père. — Correspondance : Londres. — Nouvel-
les et annonces.
L'ÀNBrEÂn DES NIBELUISGEN,
Par RICHARD WACilVER.
(1=^ article.)
Un poëte de l'antiquité. Properce, voulant annoncer au monde con-
temporain l'apparition de l'Enéide, s'écriait dans un vers devenu cé-
lèbre : « Je ne sais quoi de plus grand que l'Iliade s'apprête à voir
» le jour ! »
El nous aussi, nous pouvons le dire tout haut ; Voici quelque chose
d'immense, de colossal, de tiianique ! Arrière tous les poètes, dra-
matiques et lyriques, sauf les Chinois pourtant , dont quelques-uns
ont fait des pièces qui durent un mois entier! Richard Wagner ne
se permet pas encore de telles dimensions, mais il en approche !
L'auteur de Tannhœuser est un homme de parole: il nous avait pro-
mis une tétralogie, il nous la donne ! Nous la possédons, nous la te-
nons, cette œuvre formidable, écrite depuis dix ans, mais dont la
musique n'est pas encore complètement terminée. Cette œuvre n'est
autre chose que le livret d'un opéra nouveau, et ce livret, c'est un
livre, un gros livre, un épais in-odavo de hh^ pages, contenant en-
viron douze mille vers. Ne dites pas qu'il faudrait douze mille hom-
mes pour les lire ! L'auteur vous donne du temps. Il divise son la-
beur et le vôtre en trois journées. De plus, il y a un prologue, inti-
tulé la Veille, ce qui en réalité constitue la valeur de quatre opéras.
La Veille a près de dix huit cents vers, et cela fait trembler pour le
lendemain ! Richard Wagner vous demande quatre jours consécutifs
pour la représentation de son nouveau livret.
Aujourd'hui, nous l'avouerons, frappé de stupeur au seul aspect du
gigantesque monument, nous nous en tiendrons aux bagatelles de la
porte, et nous n'en franchirons le seuil que quand nous serons bien
sûr d'avoir la force de contempler les monstres qui l'habitent. Ri-
chard Wagner lui-même ne se dissimule pas que sa tétralogie pré-
sente quelques difficultés d'exécution, et il enseigne le moyen d'en
triompher dans sa préface. D'abord il ne veut pas d'un de ces théâtres
de premier ordre établis depuis longtemps, et pourvus d'un réper-
toire dont les influences pourraient nuire au nouveau chef-d'œuvre.
Ce qu'il faudrait pour atteindre son but, ce serait une ville de pro-
vince, ni trop grande, ni trop petite, éloignée des théâtres perma-
nents et du public qui les fréquente, pouvant recevoir et loger con-
venablement un certain nombre d'étrangers. On y construirait une
salle provisoire, toute simple, peut-être seulement en charpente et
uniquement disposée en vue des exigences artistiques. Cette salle de-
vrait être en forme d'amphi'.héâtre, et l'orchestre y serait soigneu-
sement dérobé aux regards de l'auditoire. Richard Wagner insiste
beaucoup sur ce point.
C'est là que, dans les premiers jours du printemps, on ferait venir
les chanteurs dramatiques les plus distingués, choisis dans les troupes
d'opéra de l'Allemagne, pour y étudier exclusivement la tétralogie,
sans Hre distraits par aucun autre fastidieux travail- (Autant que
possible, nous nous servons des expressions mêmes de Richard Wagner,
et nous espérons que le lecteur s'en apercevra.) Le public allemand
serait invité à se rendre dans cette ville aux jours fixés pour les re-
présentations. Le premier soir, « la veille, on donnerait l'Or du
Rhin, » et aux trois soirées suivantes : « la Walkyrie, Siegefroy et
les Dieux. »
Ordinairement le public se livre pendant la journée à des occupa-
tions de toute sorte et ne vient que le soir au théâtre pour se distraire.
Dans ce festival, au contraire, on passerait la journée à se distraire,
à se réjouir, et l'on ne serait que mieux disposé le soir à compren-
dre une œuvre d'art.
L'exécution de la tétralogie ne paraît possible à son auteur que
dans ces conditions, i L'opéra allemand, dit-il, manque complète-
ment de style, et l'incorrection presque burlesque de ses représenta-
tions ne permet pas d'espérer que, même dans un grand théâtre, on
puisse trouver réunis les éléments nécessaires. » Du moins, on n'ac-
cusera pas Richard Wagner de flatter ses compatriotes. Il ne recon-
naît de talent réel que chez quelques chanteurs qui n'ont été formés
à aucune école, et s'en vont errants chacun de leur côté. Ce qui ne
se rencontrerait sur aucun théâtre particulier, il faudrait l'obtenir
par une sorte de conscription exercée sur tous les théâtres, et l'on y
parviendrait, mais à quel prix? Richard Wagner dédaigne naturelle-
ment la question financière.
Ainsi réunis, rapprochés, voyez quel av.inlage pour ces artistes,
qui n'auraient à étudier qu'une seule œuvre, dont ils saisiraient le ca-
ractère d'autant plus vite qu'ils ne seraient jamais interrompus ! La
concentration de leurs forces sur un seul sujet, une seule lâche, ne
saurait être estimée trop haut, quand on songe aux faibles résultats
que l'on obtient par l'autre syslcnie. En effet, que peut-on attendre
d'un artiste qui la veille aurait chanté quelque méchante traduction
218
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
d'opéra italien moderne, et qui, le lendemain, devrait répéter Wodayi
ou Sigefroy, deux fragments de la tétralogie? La mise en scène pro-
fiterait également de cette application à une œuvre unique. Les mer-
veilles des théâtres de Paris et de Londres s'expliquent par cette
circonstance heureuse que, pour un certain temps, une seule pièce
y occupe la scène, et que les peintres, les machinistes ont pu s'y
vouer exclusivement. Par exemple, la représentation du prologue
rOr du Min ne saurait se concevoir sur un théâtre dont le réper-
toire varie continuellement comme en Allemagne. Notez, s'il vous
plaît, que dans ce prologue, les Trois Filles du Rhin nagent et sau-
tent constamment, tout en chantant leurs rôles! C'est l'école de na-
tation réunie à celle de la vocalise.
« Pour compléter l'effet que produirait une exécution préparée de
la sorte, ajoute Richard Wagner, je tiens beaucoup à ce que Vor-
chestre soit invisible. L'importance de celte disposition sera évidente
pour quiconque assiste à nos représentations d'opéra dans le but
d'obtenir l'impression réelle d'une œuvre dramatique, et en voyant
les mouvements mécaniques des musiciens et de celui qui les dirige,
est involontairement témoin d'évolutions techniques, lesquelles de-
vaient lui rester cachées. Cela produit un effet presque aussi fâcheux
que la vue des cordons, des baguettes et boiseries des décors qu'on
aperçoit dans les coulisses, ce qui, comme on sait, détruit toute
illusion.
» Si l'on a jamais pu se convaincre quel son transfiguré, pur et qui
n'est troublé par aucuns des bruits extra-musicaux que nécessite la pro-
duction des accords des instruments, émane d'un orchestre entendu à
travers un mur sonore acoustique, et si l'on se représente la posi-
tion avantageuse où se place le chanteur vis-à-vis de l'auditeur
lorsqu'il se trouve pour ainsi dire immédiatement en face de lui, on
n'a plus qu'à tenir compte, en outre, de la facilité plus grande à
saisir le sens des paroles qu'il prononce pour arriver à porter un
jugement favorable sur la disposition acoustique et archi tectonique
que je réclame. Or cette disposition ne pourrait être prise que dans
une salle provisoire construite exprès. »
Nous avons voulu citer textuellement ce passage, traduit avec tout
le soin possible, afin de ne rien changer, ni au vœu de l'auteur ni
à sa forme. Oserons-nous rappeler qu'à Paris nous avons déjà vu
quelques essais de ces orchestres invisibles et que nous n'en avons
été nullement charmé. Mais si nous n'avons jamais désiré qu'on ne
vît pas l'orchestre, en revanche il nous est amvé quelquefois de
souhaiter qu'il fûl possible de ne pas l'entendre.
Posons ici nos colonnes d'Hercule : nos citations auront suffi pour
mettre le lecteur en éveil ; nous éprouvons le besoin de reprendre
haleine avant d'aller plus loin. Lire douze mille vers, ce n'est pas une
petite affaire; et ce qui, dans le cas particulier, rend la tâche plus
difficile, c'est la diction bizarre, insolite de l'auteur. Chez lui, la cons-
truction, les termes ont une tendance constante au néologisme ; il
faut une attention ioutenue, courageuse, pour saisir sa pensée et la suivre
à travers les périodes compliquées où elle se développe parfois à perle
de vue — sans compter une infinité d'allusions aux sagas, aux lé-
gendes mythologiques du Nord qui ne sont pas familières à tout le
monde.
En attendant, voici un échantillon qui pourra donner une idée des
dispositions scéniques que Richard Wagner prétend introduire 'dans
son théâtre. C'est le commencement du prologue. La scène représente
le fond du Rhin : et c'est l'auteur qui parle maintenant : « Crépuscule
verdâtre, plus clair vers le haut, foncé en bas. La partie supérieure
est remplie par les eaux qui ondulent et coulent incessamment de
droite à gauche. Vers la partie inférieure, les eaux se résolvent en
une brume qui s'éclaircit graduellement, de telle sorte qu'à partir
du fond jusqu'à hauteur d'homme il y a un espace qui paraît en-
tièrement vide. Partout d'âpres rochers surgissent du sol, qui n'est
nulle part parfaitement uni, et fait supposer dans toutes les direc-
tions des gouffres plus profonds au milieu des plus épaisses ténè-
bres. »
Les acteurs qui figurent dans le prologue, sont : trois dieux, Wo-
dan, Donner, Froh ; trois Nibelungen, Loge, Albéric, Mime; deux
géants: Fasolt, Fafner ; trois déesses : Fricka, Fréia, Erda, et enfin
trois filles du Rhin : Woglinde, Wellgunde, Flosshilde. Quand la toile
se lève, la scène représente, ainsi qu'il a été dit, le fond du Rhin ;
autour d'un roc dont la pointe élancée s'élève jusqu'à la région des
flots, nage avec des mouvements gracieux une des filles du Rhin ,
Woglinde, en chantant ce qui suit :
Wogliiide. Wéïa, waga ! — Vogue, ô vogue, vogue vers le ber-
ceau ; Wagalaweïa ; wallala, weïala, weïa.
La voix de Wellgunde d'en haut : Woglinde, veilles-tu seule ?
Woglinde. Avec Wellgunde, nous serons deux.
Wellgunde (plonge d'en haut vers le roc). Voyons si tu fais bonne
garde. (Elle veut attraper Woglinde.)
(La voix de Flosshilde d'en haut) : Héïala ! wéïa !
Wellgunde. Flosshilde, nage ; Woglinde fuit, aide-moi à la pren-
dre.
Flosshilde (plonge en bas et s'élance entre ses deux sœurs qui
jouent). L'or qui sommeille, vous le gardez mal; soyez plus vigilan-
tes au lit du dormeur, sinon, vous porterez la peine du jeu.
(Pendant que les nymphes prennent leurs ébats , Albéric , un des
Nibelungen, sort de l'abîme; encore entouré d'obscurité , il s'arrête
et prend plaisir à regarder les ébats des filles du Rhin.)
Albéric. Eh ! eh ! que vous êtes gentilles ! Venu de la nuit de Ni-
belheim, je m'approcherais volontiers de vous, si vous vous penchiez
vers moi.
(Les nymphes s'arrêtent, lorsqu'elles entendent la voix d' Albéric.
Woglinde. Ah ! qui vient là.
Flosshilde. Voyez, qui nous épie !
Woglinde et Wellgunde. Fi , qu'il est laid !
Mon Dieu, que tout cela est beau ! Quelles vastes et splendides
perspectives ouvre un pareil prologue ! Il est à propos de constater
que la musique du Rheingold est achevée, et que dans ses concerts
l'auteur a fait exécuter cette année des fragments tirés des trois au-
tres parties de son travail.
En résumé, ce qui ressort virtuellement de la préface, c'est que
tout ce qu'on a fait, écrit, composé jusqu'ici, sous prétexte d'opéra,
doit être anéanti, déchiré en morceaux, réduit en cendres, et que
l' Anneau des Nibelungen est un chef-d'œuvre, pour la représentation
duquel nul sacrifice ne saurait être trop grand. 11 y est dit en propres
termes : « Si un prince allemand donnait la somme que lui coûte
annuellement son théâtre, on pourrait construire la salle provisoire
nécessaire aux Nibelungen. » Mais il est évident que cela ne suffirait
pas encore, et l'on ne mènerait l'entreprise à bonne fin qu'en fer-
mant du même coup les théâtres de Vienne, de Rerlin, de Munich,
de Dresde et de Stuttgard. Le peuple allemand regrelterait-il de ne
pas entendre pendant une année entière une seule note de Gluck,
Mozart, Weber et autres compositeurs dont les œuvres ne servent
qu'à offenser le goût?
(La suite prochainement.)
THEATRE mPERIAL DE L'OPËRÂ.
DIAVOIiliVA,
Ballet-pantomime en un acte de M. Michel Saint -Léon, musique
arrangée et composée par César Pugni, décors de MM. Cambon et
Thierry.
(Première représentation le 6 juillet.)
Ne parlons pas de ballet : il y en a si peu dans Diavolina! Parlons
DE PARIS
219
plutôt de danse et de danseuses : il y en a bien assez pour faire
passer une heure agréable. Cependant, il faut l'avouer, en voyant
quelque chose de si petit, de si ingénu, de si simple, on est frappé
de l'étrange disproportion qui existe entre le théâtre et l'œuvre ! Ce
n'est pas que nous professions une passion violente pour ces vastes
machines à trois actes divers, dans lesquelles la passion se démène à
travers les ronds de jambes et s'exprime par tous les langages, ex-
cepté celui dont l'espèce humaine a reçu le don spécial. Mais esl-ce
une raison pour appliquer l'idiome du geste aux escarmouches d'un
marivaudage dont les subtilités ne sont nullement de son ressort
et n'échappent pas moins à l'intelligence qu'à l'intérêt? Conçoit-
on que Saint-Léon, qui nous a donné la Fille de marbre et
le Violon du Diable, soit sorti de son repos pour mettre en panto-
mime quelques scènes du Dépit amoureux? Encore s'il se fût attaqué
au Tartufe ou au Misanthrope ! Il y viendra peut-être ; en attendant
il faut nous en tenir aux disputes et aux jalousies sans cause et sans
esprit, de Diavolina, la riche paysanne, et du pêcheur Gennariello.
L'action (nous sommes bien honnête) se passe aux environs de Ca-
serte, en l'année de grâce 1805, d'où il suit que les uniformes de
l'armée française se mêlent aux costumes napolitains. Diavolina et
Gennariello doivent se marier le jour même ; le fiancé est en retard,
et pour le punir, lorsqu'il arrive, la ûancée feint de dormir : puis
elle raconte ses rêves, qui épouvantent Gennariello. Il veut fuir,
mais Diavolina le retient dans son propre filet. La récouciliation
s'opère, mais plus tard une autre querelle survient; Gennariello se
croit trahi pour le sergent Bridoux, et cette fois il veut mourir; il re-
vient à la vie et le mariage se conclut.
C'est Mlle Mourawieff qui remplit le rôle de Diavolina: c'est pour
elle qu'il a été tracé. Nous l'y revoyons telle que nous l'avions déjà
vue, rien de plus, rien de moins. Toujours même perfection de mé-
canisme, même précision de mouvements, même audace de pointes,
mais aussi même indifférence de physionomie : plus de surprise et
d'admiration que de charme. Le pas de la Scarpetta est fort joli;
dans le pas de quatre avec Mérante, Mlles Beauregard et Baratte,
la jeune ballerine brille aussi comme une véritable étoile. Mais on
avait imaginé pour le dénoûment de coiffer l'étoile d'un bonnet de
police et de l'affubler d'un tambour, en l'entourant d'une oscouade
de vivandières et de soldats, le tout sous prétexte d'un pas militaire
digne à tous égards de la Porte Saint-Martin. Le pas militaire a été
bien vite supprimé; il n'aura vécu qu'une soirée, et maintenant Dia-
volina finit sans tambour, mais non sans trompette.
Nous soupçonnons le maestro Pugni d'avoir écrit sa partition sous
la dictée d'une mémoire toute remplie d'airs napolitains, qui se suc-
cèdent sans fin ni cesse. Exceptons du nombre la musique du pas
des canotiers, laquelle appartient au maestro Graziani, et il est juste
d'ajouter que le pas et la musique ont enlevé tous les bravos. Parmi
les artistes groupés autour de Mlle Mourawieff, citons Mérante, Ber-
thier, Dauty, et surtout Coralli, qui se montre excellent dans la ca-
ricature chorégraphique. Diavolina ne doit donc s'en prendre qu'à
elle-même, si elle n'a pas produit plus d'impression. Pauvre petite !
on l'a tout aussitôt mise en pénitence derrière un opéra en quatre
actes, le Trouvère, toujours le Trouvère! Il y a quelque temps, c'eût
été derrière Lucie ou la Favorite ! Verdi a hérité de Donizetti.
P. S.
Le grand succès de la reprise de Zampa ramène l'attention géné-
rale sur son illustre auteur. Nous profitons de l'occasion pour faire
connaître à nos lecteurs la belle notice consacrée à Hérold, par
M. Félis, dans la seconde édition de sa Biographie universelle des
musiciens.
HÉROLD
( Eiouis-Joseith-Feritinnnd ).
(Premier article).
Hérold naquit à Paris le 28 janvier 1791. Son père ne le
destinait point à suivre la môme carrière que lui; et, malgré
les heureuses dispositions qu'il montrait] pour la musique, l'édu-
cation qu'on lui donna n'avait pas pour but de les développer. A
l'âge de dix ans, il était placé dans un des meilleurs pensionnats de
cette époque (1), et il y faisait d'assez brillantes études dont les ré-
sultats n'ont pas été sans fruit pour ses succès d'artiste. L'auteur de
cette notice, alors élève du Conservatoire, demeurait dans la même
maison, où il était répétiteur pour le solfège. Ainsi que ses condisci-
ples, Hérold assistait à ses leçons ; mais ses progrès étaient bien plus
rapides que ceux de tous les autres élèves. La nature l'avait fait
musicien; il apprenait, ou plutôt il devinait l'art en se jouant, et
sans paraître se douter lui-même de sa destination.
La mort prématurée de son père changea tout à coup la direction
de ses études, et le rondit à sa vocation. Déjà bon musicien, il entra
au mois d'octobre 1806 comme élève de piano dans la classe d'Adam
au Conservatoire de musique. Ses mains étaient bien disposées pour
l'instrument qu'il adoptait ; bientôt les leçons du maître habile qui
le dirigeait dans ses études en firent un pianiste distingué, et le pre-
mier prix lui fut décerné au concours du Conservatoire dans le mois
de juillet 1810. Elève de Catel pour l'harmonie, il cultivait aussi avec
succès cette partie de l'art, et se disposait à recevoir les leçons de
Méhul pour achever de s'instruire dans l'art d'écrire les pensées
musicales qui déjà faisaient pressentir son génie. Ce fut au mois d'a-
vril 1811 que Méhul devint son maître. Les leçons de ce grand ar-
tiste, et peut-être plus encore sa conversation piquante et remplie
d'une spirituelle raison, exercèrent la plus heureuse influence sur le
développement des facultés d'IIérold. Ses progrès furent ceux d'un
homme né pour être artiste, et une année et demie d'étude lui suffît
pour être en état de disputer et d'obtenir le premier grand prix de
composition musicale au concours de l'Institut, au mois d'août 1812.
La cantate qu'il composa pour ce concours {ilachmoiselle de la Val-
Hère) ne donnait peut-être pas une mesure exacte du talent élevé
qu'il devait avoir un jour ; mais on ne peut nier qu'il ne s'y trouve
une indication certaine des plus heureuses dispositions.
Au mois de novembre de la même année, Hérold partit pour Rome,
en qualité de pensionnaire du gouvernement. La plupart des élèves
qui obtiennent au concours le grand prix de composition, objet uni-
que de leur jeune ambition, considèrent cependant comme un temps
d'exil celui que les règlements de l'Institut les obligent à passer en
Italie, et surtout à Rome : il n'en fut pas ainsi d'Hérold. Depuis
longtemps il soupirait après ce ciel de l'Ausonie sous lequel il lui
semblait qu'on ne devait trouver que de belles inspirations. Aussi a-
t-il souvent avoué depuis lors que le temps qu'il avait passé dans la
capitale du monde chrétien était le plus heureux de sa vie. Après
trois années d'études et de travaux, il quitta celte terre classique des
arts pour se rendre à Naples. Là, il lui sembla qu'il vivait d'une au-
tre vie. Un ciel incomparable, un air pur, vif et léger, un site ad-
mirable, l'enthousiasme naturel des habitants, tout enlin était fait pour
lui donner, dans ce pays, cette fièvre de production qu'on n'éprouve
point ailleurs avec autant d'intensité. Le désir d'écrire pour le théâ-
tre le tourmentait; l'occasion se présenta bientôt à lui, et, peu de
temps après son arrivée à Naples, il put y faire représenter un
opéra en deux actes dont le titre était : La Giovcntii di Enrico
Quinto. Hérold n'a pas fait connaître à ses compatriotes la musique
de cet ouvrage ; tout ce qu'on en sait, c'est qu'elle fut goûtée des
(Il Ce pensionnat était celui de Ilix, rue de Malignon, pris des Clminps-Elysiîiîs.
220
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Napolitains, et que l'opéra obtint pendant plusieurs représentations un
succès non contesté. Ce fait est assez remarquable; car, à l'époque
dont il s'agit, un préjugé presque invincible était répandu dans toute
l'Italie, et surtout à Naples, contre les musiciens de l'école française.
Un compositeur né sur les bords de la Seine écrivant pour le théâ-
tre Del Fondo, et des Napolitains écoutant sa musique et l'applau-
dissant, étaient une nouveauté.
De retour à Paris vers la fin de 1815, Hérold n'y resta pas long-
temps sans trouver l'occasion de faire l'essai de ses forces sur la
scène française. Boïeldieu, qui avait découvert dans ce jeune artiste
le germe d'un beau talent, voulut l'aider à faire le premier pas, tou-
jours difficile, à cause de la mauvaise organisation de nos théâtres
lyriques : il l'associa à la composition d'un opéra de circonstance au-
quel il travaillait, sous le titre de Charles de France. Cet ouvrage,
qui fut joué en 1816, fit connaître avantageusement Hérold, et le li-
vret des Rosières lui fut confié. Un opéra en trois actes fournit tou-
jours au musicien qui l'écrit des occasions de déployer ses facultés ;
Hérold sut profiter du cadre de celui-ci pour faire quelques mor-
ceaux où l'on pouvait voir qu'il ne serait pas un musicien ordinaire.
On y sentait encore l'inexpérience du jeune homme, et peut-être
aussi pouvait-on comprendre, à de certains éclairs de fantaisie qui s'y
faisaient apercevoir de temps en temps, que le compositeur s'y
était fait violence pour se mettre à la portée des habitués du théâtre
Feydeau de cette époque ; mais, nonobstant cette sorte d'incertitude
de manière qui se fait remarquer dans la partition des Rosières, on
ne peut nier qu'il y ait dans cet ouvrage des qualités brillantes, di-
gnes de l'estime des connaisseurs. Les Rosières furent représentées
vers la fin de 1816 à l'Opéra-Comique, et leur succès décida du reste
de la vie de l'artiste.
La Clochette, opéra en trois actes, suivit de près les Rosières.
Là, il y avait bien plus de force dramatique que dans le premier
ouvrage, bien plus de passion, et l'on y apercevait d'immenses pro-
grès faits par Hérold dans l'art d'appliquer la musique à la scène.
Le gracieux et piquant petit air: Me voici, me voilà, un duo au
deuxième acte, et plusieurs phrases charmantes répandues dans quel-
ques autres morceaux, démontraient qu'il y avait de la mélodie dans
la tête du compositeur ; l'air d'Azolin annonçait une âme passionnée,
et le finale du premier acte, ainsi que plusieurs morceaux du second
et du troisième, faisaient pressentir un compositeur dramatique d'un
ordre élevé. Il y avait d'ailleurs dans cette partition des effets d'ins-
trumentation d'un genre neuf; mais rien de tout cela ne fut compris.
La pièce réussit, mais plutôt à cause du sujet et du spectacle que par
le mérite de la musique.
FÉTIS père.
{La fin prochainement . )
Nous avons déjà eu occasion de parler des derniers instruments
d'Adolphe Sax, avec mécanisme de tubes indépendants. Une nou-
velle expérience vient de démontrer de la façon la plus concluante
que ce système réunit toutes les qualités désirables, et atteint pour
ainsi dire à l'idéal de la perfection en fait d'instruments de cuivre.
C'est ce dont les nombreux auditeurs des concerts des Champs-Ely-
sées ont pu se convaincre mardi, en écoutant le duo sur des motifs
de Guillaume Tell, composé par M. Demersmann pour trombone et
saxhorn-basse. Belle sonorité, justesse, pureté, agilité incomparable,
tels sont les principaux mérites de ces instruments exceptionnels
auxquels le compositeur peut désormais confier tous les passages
réservés jusqu'ici pour le violon ou pour la voix; qu'il peut, en un
mot, regarder comme fidèles interprètes de sa pensée tout entière,
sous quelque forme qu'elle vienne à se produire. Et n'oublions pas de
faire observer qu'avec l'invention des tubes indépendants, l'instru-
ment garde son timbre spécial dans toute sa sincérité, c'est-à-dire
qu'il n'y a pas la plus légère différence sous le rapport de la voix,
entre l'instrument simple et l'inscrumenl à pistons. Cette remarque a
son importance, car l'un des arguments favoris mis en avant par les
défenseurs de l'ancien système, c'est précisément que, suivant eux,
l'adjonction d'un mécanisme quelconque a toujours pour résultat d'al-
térer la qualité de son de l'instrument simple. Avec la nouvelle in-
vention d'Adolphe Sax, cette accusation se réduit à néant, et il de-
vient impossible à tout homme de bonne foi de s'en prévaloir.
Aucun instrument, flûte, clarinette, hautbois, violon, piano, n'a le
doigté aussi simple et aussi facile que les instruments à pistons in-
dépendants et ne module avec autant d'aisance. Il n'y a que la voix
qui puisse leur être comparée sous ce dernier rapport, c'est-à-dire
pour la faculté de monter ou de descendre d'un ton, d'un demi-ton
ou de plusieurs tons, sans, pour ainsi dire, s'en apercevoir, au point
de vue de l'exécution.
Nous croyons fermement ces instruments appelés à opérer une
nouvelle révolution dans les instruments en cuivre, et comme consé-
quence dans la musique instrumentale.
L'un des instruments que nous avons entendus, le saxhorn -basse,
est à pavillon tournant; c'est encore là une excellente création de
l'habile facteur. Grâce à une rainure mobile, le pavillon peut se tour-
ner à volonté et projeter le son dans quelque direction que ce soit.
Il n'est pas besoin de faire ressortir les avantages considérables de
celte ingénieuse application, qui peut, d'ailleurs, s'adapter à tous les
instruments de cuivre, même aux anciens instruments.
Il serait injuste d'oublier les protagonistes des nouvelles inventions
d'Adolphe Sax : MM. Hollebecke, trombone, et Robins, basse, dont
l'intelligente habileté sait si bien faire valoir la création du maître,
et qui doivent compter, sans contredit, parmi les meilleurs solistes
d'Arban.
Nous nous proposons de rendre compte, dans un de nos plus pro-
chains numéros, d'une visite très-intéressante que nous avons faite
aux ateliers et dans les magasins de M. J. Lacape, facteur de pianos,
au Marais. M. Lacape est encore jeune dans cette industrie, mais
nous serions bien surpris s'il tardait à s'y faire un nom ; car il a l'es-
prit inventif, et le mérite de l'exécution répond à sa grande in-
telligence. Outre les pianos de tout genre dont nous avons
apprécié l'excellente facture, nous avons également vu des pianos
qui jouent tout seuls, et dont l'ingénieux mécanisme laisse bien loin
derrière lui les pianos mécaniques de Debain, et autres du même
genre qui exigeaient pour marcher l'aide de deux hommes. Nous
comparerons d'ailleurs les deux systèmes, et cette étude profitera
dans tous les cas au commerce d'instruments à l'étranger, où la vente
de ces pianos se fait sur une assez grande échelle, et qui aura tout
avantage à connaître les inventions de M. Lacape.
D.
CORRESPONDANCE.
Londres, 9 juillet.
Ainsi que vous l'avez annoncé, déjà le théâtre de Covent-Garden, à
son tour, joue maintenant le Faust de Gounod. Monté incontestablement
avec plus de soins et de magnificence à Covent-Garden qu'à Her Ma-
jesty's Théâtre, l'œuvre de Gounod n'y a pourtant pas produit autant
d'effet. Le rôle da Faust ne convient pas à Tamberlick, qui n'y trouve
point l'emploi de ces magnifiques éclats de voix, l'une de ses facultés
les plus éiniaentes, et qui lui assure partout ailleurs tant de bra-
vos. Mme Nantier-Didiée plaît toujours et se trouve parfaitement à l'aise
DE PARIS.
221
lorsqu'elle paut mettre des habits d'homme; or celui de l'étudiant al-
lemand lui sied à ravir. M. Gounod a composé pour Mme Didiée un air
nouveau intercalé fort à propos dans la scène où Siebel vient conso-
ler Marguerite et jure do la venger; mais Mme Didiée aurait dû se con-
tenter de l'exquise ballade du deuxième acte, que l'air nouveau est
loin de valoir. Le rôle de Méphistophelès n'est certainement pas le plus
important dans la partition de M. Gounod ; mais Faure a prouvé ici
pour la centième fois qu'il n'y a pas de petits rôles pour les grands ar-
tistes. 11 a obtsnu un succès dont il est en droit de se glorifier autant
que de celui de Saint-Cris dans les Huguenots. Que Mme Carvalho voca-
lise avec une rare perfection le rôle de Marguerite, cela est incontes-
table, et qu'elle le chante et le joue tel qu'il doit être chanté et joué,
nul ne peut en douter, puisque c'est pour elle qu'il a été écrit. Chose
singulière cependant : bleu que ce rôle soit sa création et qu'elle y ait
obtenu son plus beau succès en France, on a de la peine à se faire à
la façon dont cette éminente artiste le comprend. Cela tient peut-être
à ce que la littérature et la poésie allemande ont pénétré plus profon-
dément en Angleterre qu'en France, et que le souvenir du Faust de
Goethe y est plus vivace. En effet, on s'imaginerait difficilement la
Gretchen deGoethe marchant à pas comptés, tenant constamment les yeux
baissés et à demi fermés, et paraissant pendant tout le cours de l'ou-
vrage dans un état de somnambulisme. Mais on ne devrait pas oublier
que Mme Carvalho n'est nullement chargée de représenter la Gretchen
de Goethe, qu'elle n'est même pas obligée de connaître, mais bien
la Marguerite du Faust de MM. Barbier et Carré, qui n'est pas, qui ne
peut et ne doit pas être celle de Goethe; ce qui n'empêche en
aucune façon que MM. Barbier et Carré n'aient fait un excellent livret
d'opéra.
Mlle Patti nous a gratifiés de deux nouveaux rôles, la Maria, de Flo-
tow et la Norina de Don Pasquale. Dans ces deux rôles le génie de la
séduisante artiste se montre sous des aspects différents, mais dans cha-
cun d'eux elle est inimitable.
Le théâtre de Her Majesty, pour terminer dignement la saison, va
remonter VOberou de 'Weber; et nous pouvons compter sur une belle
reprise, car c'est le digne élève de Weber, c'est Benedict hii-mëme qui
a composé les récitatifs et qui s'est chargé de tout l'arrangement mu-
sical de l'œuvre immortelle de son maître. Mlle Titjens chantera le rôle
de Rézia, et M. Sims Reeves, le plus aimé de tous les ténors, a été en-
gagé expressément pour chanter le rôle de Huon. Cependant Faust te-
nant constamment l'affiche, la reprise d'Oberon a été retardée. M. Sims
Keeves, qui s'ennuyait probab!ement, a consenti à chanter le rôle d'Ed-
gardo dans Lucia. Il va sans dire que M. Sims Reeves a eu un succès
prodigieux, et il serait inutile d'ajouter, car c'est chose convenue (et j'en
conviens! moi-même), que jamais, jamais le rôle d'Edgardo n'a
été chanté comme le chante le grand ténor anglais. Je souligne ces
mots parce qu'on ne désigne pas autrement ici M. Sims Reeves: c'est
le ténor des ténors, c'est le grand ténor anglais par excellence, et ce
serait un pléonasme que de dire M. Reeves, le grand ténor anglais, car
le grand ténor anglais ne peut être que M. Reeves, et la qualification
est devenue le synonyme de son nom. M. Sims Reeves est le grand té-
nor anglais comme le duc de Wellington était le duc. Au reste peut-être
a-t-on raison d'appeler M. Reeves te grand ténor anglais, car je défie
tout ténor non anglais de chanter de la manière dont chante -M. Sims
Reeves, mais aussi je défie toute organisation continentale de trouver
du charme dans cette manière. Qu'on ne me lapide pas cependant. Je
reconnais que le succès sans égal dont M. Sims Reeves jouit dans sa
patrie depuis vingt ou trente ans, est très-mérité et que son talent est
très-réel. Seulement il faut y être fait. Le charme particulier de cette
façon toute à lui de prononcer les voyelles, de chanter sans ouvrir
la bouche, échappe à notre compréhension.
Il ne faudrait pas non plus conclure de ce que nous venons de dire
qu'il soit nécessaire pour qu'un artiste anglais ait du succès dans son
pays qu'il adopte le genre de M. Sims Reeves. Non; car M. Santley,
par exemple, qui est Anglais aussi bien que l'autre, obtient avec sa
voix aussi franche que belle et sa méthode excellente de très-
grands succès à Londres, et il est parfaitement certain que ces succès
seraient absolument les mêmes s'il chantait à Paris, à Vienne ou par-
tout ailleurs. Mais sera-t-il jamais le grand baryton anglais ? — That
is tlie question.
Quel ravissant talent que celui de M. Reichardt ! Le charmant et
sympathique ténor vient de donner sa matinée musicale annuelle de-
vant un fidèle et nombreux auditoire, qui lui rendait en applaudisse-
ments ce que M. Reichardt lui prodiguait en morceaux ; car U. Rei-
chardt n'en a pas chanté moins de dix dans son concert, sans doute
pour montrer toutes les faces de son talent varié. En effet, soit qu'il
dise ses propres Lied^r, qui sont tous délicieux et qui jouissent à
Londres d'un succès de vogue, soit qu'il interprète les gracieuses mélo-
dies de son compatriote Blumenthal, ou qu'il fasse entendre Schubert,
Mendelssohn, Meyerbeer ou Beethoven, il sait donner à chaque morceau
la couleur qui lui convient. La JJarcarollc eft une nouvelle mélodie de
M. Reichardt ; elle est essentiellement chantante et expressive, et l'au-
ditoire en a paru ravi. M. Reichardt, après son fructueux concert, a
quitté Londres pour remplir de nombreux engagements sur les bord»
du Rhin, où de nouveaux succès l'attendent.
M. Engel, s'inspirant de M. Dlumenthal, qui, par une exception rare,
lui a prêté son concours, vient de donner son concert dans un salon
des plus aristocratiques, avec accompagnement obligé de dames pa-
tronnesses. Nul mieux que M. Engel ne sait faire valoir les immenses
ressources de l'orgue-Alexandre, instrument dont il se fait une con-
sommation fabuleuse en Angleterre. La Causerie, composition nouvelle
de M. Engel, a été trouvée pleine de goût et d'expression, et un grand
duo pour orgue et piano sur les motifs du Prophète a surtout révélé
les effets infinis de l'instrument et le grand parti que M. Engel sait en
tirer. Mlle Artot et M. Blumenthal ont partagé le succès de M. Engel.
11 faut ordinairement de longues années pour qu'un artiste étranger
réussisse à se faire une place à Londres, et rarement un talent a été dès
ses premières apparitions aussi bien apprécié que celui de M. Georges
Pfeiffer. "Vous avez déjj rendu compte du succès que ses compositions
aussi bien que son exécution hors ligne ont obtenu. Le jeune artiste
vient de retourner h Paris, et il doit être très-satisfait de l'accueil qu'il
a trouvé parmi nous.
Le succès de Mlle Stella Colas sur la scène anglaise prend des pro-
portions tout à fait extraordinaires, et cela paraîtra d'autant plus remar-
quable qu'il y a quelques mois, Mlle Stella Colas savait à peine quelques
mots d'anglais.
Mlle Lucca, la célèbre cantatrice de l'Opéra de Berlin, est impatiem-
ment attendue à, Covent-Garden, pour jouer le rôle de Valentine des
Huguenots.
L. B.
NOUVELLES.
»** Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi, avec le Comte Ory,
la première représentation de Diavolina, ballet en un acte de Saint-Léon
et Pugni; mercredi et vendredi, ce même ballet avec le Trouvère,
^*f, On annonce pour vendredi la reprise des Vêpres siciliennes.
j*^ La reprise de Galatée, qui a eu lieu mardi au théâtre de l'Opéra-
Comique, avec Mme Ugalde, a été fort goûtée. La célèbre cantatrice a
dit avec autant de verve et d'entrain qu'au jour où elle créa si brillam-
ment ce rôle, les couplets bachiques ; on l'a applaudie avec enthou-
siasme. Sainte-Foy est toujours un incomparable Midas; Troy et Ponchard
complètent un excellent ensemble du charmant opéra de .Massé. — On
annonce pour jeudi les premières représentations de la Bourguignonne
et de la reprise de la Fausse magie. — Celle des Amours du Diable sui-
vra de près. Capoul, Prilleux, Troy, Barielle, Potel et Mmes Galli-Marié,
Baretti, Casimir, Bélia et Tuai sont chargés de l'interprétation de ce
dernier opéra. — Zampa attire chaque soir beaucoup de monde.
^*^ Nous sommes informés que Mlle Adelina Patti a reçu, par ordre
de S. M. la reine d'Espagne, l'invitation de venir l'hiver prochain à
Madrid, sa ville natale, pour y chanter dans l'opéra espagnol. Les né-
gociations relatives à cet engagement sont presque conclues. Il faut donc
perdre l'espérance d'entendre, l'hiver prochain, la jeune et brillante ar-
tiste au théâtre Italien de Paris, où elle a laissé une impression qui ne
s'effacera pas facilement.
„,*^ Mme Borghi-Mamo vient d'être engagée par M. Bagier pour la sai-
son prochaine. Elle devra chanter une partie de la saison à Paris et
l'autre à Madrid. En attendant, la célèbre cantatrice vient d'être enga-
gée pour chanter deux mois à Cadix.
^*^ On annonce comme certaine la résolution prise par Mme Cabel
de se livrer désormais au chant italien. On ajoute même qu'elle serait
engagée pour la saison prochaine au théâtre San-Carlo, où elle débute-
rait dans la Traviata. Nous ignorons si la célèbre cantatrice a pris effec-
tivement ce parti, mais nous le verrions avec peine, pour nos théâtres
d'abord, qui perdraient en elle une artiste dont les qualités sont tout
à fait appropriées au genre de l'opéra-comique , et pour elle ensuite
parce que nous croyons qu'elle y perdrait plus qu'elle n'y gagnerait.
Mme Cabel s'y prend un peu tard pour aller se façonner en Italie à la
langue italienne et au style du chant italien ; et quant aux avan-
tages pécuniaiies qu'elle en retirera, nous doutons qu'ils surpassent ceux
qu'elle était toujours sûre de trouver en France.
t*^: Les débuts d'un ténor, M. Jaulain, dans la Juive, ont été l'occa-
sion, au grand théâtre de Bordeaux, d'un tumulte des plus regrettables.
A maintes reprises la pièce a dû être interrompue ; enfin au milieu
d'une tempête de sifflets d'une part, et d'un tonnerre d'applaudisse-
ments de l'autre, l'admission de M. Jaulain a été prononcée.
RKVIJE ET GAZETTE MUSICALE
a,** M. H. Crémieux et M. Ph. Gille. secrétaire du théâtre Lyrique
sous M. Rety, ont écrit les paroles d'une pièce en cinq tableaux, le
Don Juan de Porcntruy, dont J. Offenbach doit composer la musique.
i*t Les recettes dos théâtres impériaux subventionnés, théâtres secon-
daires, concerts, spectacles concerts, cafés-concerts, etc., se sont éle-
vées pendant le mois de juin à la somme de 1,026,781 fr. 6.ï c.
:f*4, L'Enlr'ncle annonce que MM. Micliel Carré et Jules Barbier ont
été autorisés par M. de Lamartine à faire un poëme d'opéra de Fior
d'Alizà, le dernier roman publié par le grand poëte.
s*,, Les concours à huis clos ont commencé hier au Conservatoire,
sous la présidence de M. Auber, par le concours d'harmonie écrite.
En voici les résultats : premier prix, M. Power, élève de M. A. Elwart ;
second prix, M. Bernsrd; premier accessit, M. Brunard; deuxième acces-
sit, M. Nitresko, élèves de M. L. Clapisson; troisième accessit, MM. Fan-
ton et Monnet, élèves de M. A. Ehvart. Quinze élèves avaient pris part
à ce concours remarquable. La basse et le chant avaient été donnés
par M. Leborne, l'éminent professeur du Conservatoire. Ensuite est venu
le concours des classes de clavier. Nous en donnerons le résultat di-
manche prochain. Les concours à huis clos continueront dans l'ordre
suivant : Demain lundi, orgue, contre-point et fugue ; mardi, contre-basse,
harmonie et accompagnement pratique; mercredi, solfège. — Voici quelle sera
la marche des concours publics : 20 juillet, harpe et piano; 21, chant
pour les classes d'hommes; 22, chant pour les classes de femmes;
23, opéra-comique; 24, violoncelle et violon; 25, grand opéra; 27, tragédie
et comédie ; 28 et 29, instruments à vent.
„,*„ Dimanche dernier a eu lieu à Sèvres le septième concours annuel
ouvert par la Société orphéonique du département de Seine-et-Oise.
M. Georges Kastner, M. Ed. Rodrigues et M. Elwart présidaient les trois
jurys institués pour la solennité; des médailles d'or ont été distribuées
aux vainqueurs.
,t*4 Un festival qui a duré plusieurs jours vient d'avoir lieu à Liège.
La musique n'y avait point été oubliée, et le directeur du Conservatoire,
M. Soubre, a donné en cette occasion une preuve de sa capacité ; car il
a organisé dans le délai d'un mois à peine un concert qui offrait de
sérieuses difBcultés à vaincre et qui a parfaitement réussi. Haendel et
Mendelssohn en ont fait les frais. La Fête d'Alexandre et Judas Machabée
du premier; la Nuit de l'Valpurgis du second, ont profondément remué
l'auditoire. Des artistes distingués avaient été appelés à Liège pour cette
solennité. Henri Wieniawski, prenîier violon solo des théâtres de Russie, a
joué trois morceaux, dont un concerto de Mendelssohn et un air varié de
sa composition fort remarquable, avec une pureté, un fini, une beauté
de sou qui ont excité un véritable enthousiasme. Mme Charton-Demeur
a chanté avec autant de style que de sentiment l'air dWlcesIc et celui du
Freischiitz. Jourdan et Stookhausen ont brillamment concouru au succès,
dont M. Soubre peut également revendiquer sa bonne part.
,t*j, Géraldy vient de passer quelques jours à Bade. Il s'y est fait en-
tendre dans le dernier concert de juin, donné à la Converiation. Va
grand et légitime succès a accueilli le célèbre chanteur, après le duo
du Barbier, l'Ange déchu et l'air du Philtre, qu'il a dits avec son talent et
sa supériorité accoutumés. — fîéraldy est attendu à Caen le 1'"' août,
pour le concert donné à l'occasion des courses ; — le 10 à Spa, où il
doit chanter avec Mme Cabel; — le 17 à Ems; — le 28 à .Saint-Halo, etc.
On voit que l'éminent artiste est partie obligée de toutes les belles fêtes
musicales de la France et de l'étranger.
,t*^ Adelina Patti doit donner plusieurs représentations à Prague au
mois d'août. La célèbre cantatrice est également attendue à Manheim
pour le 22 ou le 23 août.
,*,s Après le grand succès de son concert, Georges Pfeiffcr a quitté
Londres, et il est de retour à Paris.
^*^ M. Treumann, directeur du théâtre de ce nom à 'Vienne, et
W. Engel, directeur de l'établissement Kroll, h Berlin, sont en ce mo-
ment à Paris. v
,i,*,t Les quatre Marches aux flambeaux, composées par Meyerbeer
pour musique militaire, ont été arrangées pour un orchestre ordinaire
par M. 'Wieprecht, le célèbre chef de musique militaire en Prusse; elles
vont, sous leur nouvelle forme, paraître incessamment chez les éditeurs
Brandus et Dufour. C'est une bonne nouvelle pour les Sociétés phil-
harmoniques et les directeurs de concerts, dont le répertoire de mu-
sique d'orchestre se trouve ainsi enrichi de quatre œuvres d'une si
grande -valeur.
tt*-,. Mme Madeleine Graever vient de se faire entendre au deuxième
concert du Kursaal, à Wiesbaden. L'éminente pianiste y a exécuté le
concerto symphonique de Litolfif et la tarentelle de lAi'H avec le plus
brillant succès; elle a été rappelée plusieurs fois.
:t*, M. Scharfenberg, de la maison Scharfenberg et Luis, éditeurs et
marchands de musique à New-York, vient d'être nommé président de la
Société philharmonique de cette cité. M. Scharfenberg est un pianiste
distingué.
^*,^ Dimanche dernier on a exécuté dans l'église de Saint-Pierre de
Montrouge la deuxième messe de M. Ponce de Léon. Cette œuvre,
écrite à quatre parties dans un excellent sentiment religieux, a produit
le plus bel effet.
,f*t Au nombre des artistes récompensés à l'occasion de la dernière
exposition de peinture, M. Desmaisons, auquel on doit des productions
lithographiques d'un grand mérite, et qui a publié une galerie photo-
graphique très-intiressante des musiciens célèbres, a été nommé che-
valier de l'ordre de la Légion d'honneur.
,j*» A l'instar du concours décomposition musicale ouvert par le jour-
nal l'Orphéon, l'Union chorale annonce également un troisième concours
pour musiques d'harmonie. L'espace nous manque pour en donner les
conditions; mais nous pouvons dire que la commission est présidée par
M. Georges Kastner et se compose de plusieurs musiciens éminents :
M.Vl. Colliu, Elwart, Klosé, .\!ohr, Paulus, etc. ; que des instruments de
Sax de la valeur de 40 à /lOO francs seront donnés en prix aux lauréats,
et qu'on peut pour tous autres renseignements s'adresser au bureau de
l'Union chorale, 39, rue Rochechouart.
,i,*:t Pendant le premier semestre de cette année, quinze opéras nou-
veaux ont été représentés sur les différentes scènes italiennes ; ce sont :
liienzi, de Péri, à la Scala, k Milan ; l'Eroe délie Asturie, de Lucilla, au
théâtre Regio, à Modène; Feruccio, de Maglioni, au théâtre Pagliano,
à Florence ; Cinzica Sismondi, de Gaspare Brindangoli, à Assisi ; Zaira,
de Corona, à Livourne; Piccarda Donati, de Moscuzza, à la Pergola, à
Florence; Béatrice Cenci, de Rota, au théâtre Regio, à Parme; Vittoria
ta madré degli esercili, de Bona, au théâtre Carlo-Feliee, à Gênes; Orio
Soranzo, de Zescevich, à Trieste; // didi S. Michèle, de Quarenghi, à l'O-
péra-Comique de Milan ; liienzi, de Kaschperoff, à la Pergola, à Flo-
rence ; Giovanna \di Castiglia, de Battista, à San-Carlo, à Naples ; la Fi-
danzala di Marco Bozzari, de Frontini, h Catane; Ezzelino da Romano,
de Noberasco, au théâtre Carlo-Felioe, à Gênes. Deux autres opéras
nouveaux viennent aussi d'être représentés, l'un à Corfou, Il CasteUo
maledet'.o, de Lamelet ; l'autre à Bastia, Ivanhoé, de Suri.
**,, La Polka du Brésilien, d'Arban, et la valse des Bavards, de Mu-
sard, viennent de paraître arrangées pour le piano à quatre mains.
,j*a, L'éditeur Lavinée, 46, rue Notre-Dame-des-Victoires, vient de
faire. paraître un Prélude pour orgue ou clavecin, composé par F. Dau-
jou, ancien organiste de Notre-Dame de Paris, etc. Les ouvrages de ce
maître trop tôt retiré de la carrière artistique, ont toujours joui d'une
estime méritée. — Le même éditeur profite de cet avis pour faire savoir
à sa clientèle qu'à partir du 15 octobre, son magasin sera transféré,
11, rue des Saints-Pères. Sa spécialité sera toujours la musique an-
cienne.
^*,, Dans la bibliothèque du théâtre Frédéric-Wilhemstadt, on a re-
trouvé le manuscrit d'une partition de Lortzing, que l'on croyait perdue.
Cet opéra, qui s'intitule la Veille de Noël, est inédit et complètement
inconnu; il sera représenté dans le courant de l'hiver au théâtre Wil-
hemstadt.
a*,, L'archiduc Charles vient d'accorder une somme de 1 ,-500 florins
aux artistes de l'orchestre du théâtre Treumann, qui a, comme on sait,
été détruit dernièrement par un incendie, afin de remplacer leurs ins-
truments, devenus la proie des flammes.
,,** La salle Robin est remplie tous les soirs; les démonstrations
physiques du célèbre prestidigitateur, ses tableaux si curieux de la
formation de notre globe et des animaux antédiluviens, mais surtout
ses apparitions de spectres vivants et impalpables qui terminent le
spectacle et qui produisent un effet véritablement saisissant, justifient
l'empressement du public à assister à ces intéressantes séances.
,,*4 Au Pré-Catelan, aujourd'hui 12 juillet, concert d'adieux donné au
bénéfice de J. Legendre. Tout Paris assistera à cette belle matinée mu-
sicale, qui se recommande par la richesse de son programme. Les pre-
miers solistes de l'orchestre iMusard, le violon Danbé, le hautbois Lal-
liet et le piston Legendre, se feront entendre dans leurs principales
compositions.
,^*„, La mort de .VI. Achille Maurice n'a pas raleuti les travaux de re-
construction de la salle des Bouffes-Parisiens. Ils sont poussés avec une
grande activité. Ainsi que nous l'avons dit, la scène et la salle reçoi-
vent un notable agrandissement. La décoration intérieure de celle-ci
est confiée à des mains habiles, et c'est, entre autres, un jeune peintre
de talent, M. Emile Levy, qui doit peindre le plafond. L'entrepreneur
s'est engagé à livrer le théâtre au mois d'octobre.
DE PARIS.
223
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
^*^ Bade. — Les représentations de la troupe du Palais-Royal de Paris
ont commencé au théâtre par une jolie opérette de Sylvain Slanfîeant,
Danaé et sa bonne, chantée par Mlle Schneider, Mil. Pellerin et Bonnet,
et le Tigre du Bengale. Elles vont se continuer. — Il est certain qu'on
reprendra l'opéra de Berlioz, Béatrice et Benedict, dont nous eûmes la
primeur et qui obtint un si lieau succès dans la saison dernière. Cet ouvrage
offrira d'autant plus d'intérêt cette année que le célèbre compositeur y
a ajouté deux grands morceaux nouveaux, un trio de femmes et un
chœur. Mme Charton y conservera le rôle qu'elle a si brillamment créé.
Les autres seront tenus par Jourdan, Reynal et Mlles Henrion et Amélie
Faivre. — Il n'est question que du grand concert qui sera donné mardi
l/i dans le salon Louis XIII au bénélïce des veuves et des orphelins de
la chapelle musicale de Manheim.Le concert sera dirigé par le célèbre
Lachner. L'orchestre renommé de Manheim jouera la symphonie en la
majeur et l'ouverture du FreischiUs ; les quatre principaux chanteurs
du même théâtre diront à quatre voix des Licder de Lachner et de
Kùcken. La Société de chant, récemment organisée par Mme Lang,
accompagnera Mme Viardot dans un psaume de Marcello. La célèbre
cantatrice dira encore un air de Britannica de Graun et deux Lieder de
Robert Sohumann. Mme Schumann elle-même exécutera un concerto de
Mendelssohn. Enfin le violon de Becker et la contre-basse de Muller com-
pléteront ce magnifique ensemble. — Au cinquième concert de la sai-
son, nous aurons Morini et Mlle Richard, élève de Mme 'i^iardot. — On
se préoccupe déjà de l'opéra de Litoiff, le chevalier Nahel, dont les répé-
titions sont poussées avec beaucoup d'activité. C'est une œuvre plus
importante que toutes celles qui ont été composées pour le théâtre de
Bade, et qui comporte une grande mise en scène : aussi nécessite-t-elle
quelques modifications dans le programme des représentations d'opéra
annoncées; elles seront vraisemblablement données dans l'ordre sui-
vant : le Pré aux clercs, l'Épreuve villageoise et le Chalet. Ce dernier ou-
vrage serait substitué aux Noces de Jeannette.
»*^ Ems. — La troupe des BoulTes-Parisiens continue ses représenta-
tions sur notre théâtre avec un succès croissant. Tout son joyeux ré-
pertoire y passera, depuis les immortels Deux Aveugles jusqu'à Orphée
aux enfers. Offenbach est ici depuis dimanche, accueilli à bras ouverts
par tous ses amis, salué, quand il passe devant le kiosque, par la mu-
sique, qui joue ses plus jolis airs ; il donne les derniers soins aux répé-
titions d'/Z signor Fagotto, dont la première représentation est annoncée
pour samedi 11 juillet. On ne prédit pas à cette nouvelle production un
succès inférieur à celui des Bavards, dont nous eûmes la primeur l'été
dernier, et dont le succès s'est confirmé cel hiver à Paris d'une façon
si éclatante. Nous verrons bien.
,j*^ Vienne. — La saison allemande a commencé au théâtre delà cour
par le FreischUtz; puis on a donné Une nuit à Grenade et Lucrèce Borgia.
Les répétitions de l'opéra nouveau, Lorelei, par Max Bruch, commence-
ront immédiatement. — M. Salvi, directeur du théâtre de la cour, vient
d'arriver à Vienne, de retour de son excursion en Italie, à Paris et à
Londres. Pendant la saison italienne, on donnera Mazeppa, opéra de Pe-
drotti. — Les représentations duKarlcheater reprendront vers le 15 août.
^*^ Leipzig. — Dans le mois de juin ont été représentés les opéras
suivants au théâtre de la ville : les Huguenots, Dinorah (trois fois), la
Juive , Robert, Bèlisaire, Martha, les Gaies commères de Windsor, VAbbé de
Saint-Gall, par Herther ; Une nuit à Grenade.
.^*j, Munich. — Les 27, 28 et 29 septembre, un grand festival aura lieu
dans notre résidence, sous la direction de Fr. Lachner. L'orchestre se
composera de cent violons, quarante basses de viole, trente violoncelles
et trente contre-basses. Parmi les solistes on cite Mme Clara Schumann,
Stockhausen, Joachim, etc. On exécutera la symphonie héroïque, un
motet de Palestrina, l'ode à Sainte-Cécile, par Dryden (1687), Israël en
Egypte, oratorio par Haeudel, et des compositions de Fr. Lachner.
^** Trieste. — M. Laub a donné son concert d'adieux au Teatro
Grande. Cet artiste berlinois est rangé ici, par les journaux, parmi les
Slaves. « Si l'expression fait défaut à M. Laub, dit un des organes de la
presse de Trieste, on ne doit pas s'en prendre à lui, mais à sa nationa-
lité: il est Slave, et nul ne peut arriver â l'expression, s'il n'est pas né
en deçà de la botte (de l'Italie), i'
ERRATA.
Une omission a eu lieu à l'imprimerie dans la 2= colonne de la page
212 de notre dernier numéro. L'entrefilet relatif aux œuvres de
Mme Thecla Badarzevska devait être signé : G. Brandus et S. Dufour.
: s. DUFODR.
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224
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ET DES
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PREMIÈRE SÉniE
CHŒURS D'OPERAS
En partition
lie I^ac des Fées. .
lUnette de Porticl
, Slartha
Alceste
Armide
lie I^^abab
Srasons de Villars
lies llng^uenots . .
lie Prophète. . , .
Robert le Diable .
lie Comte Ory . . .
CfUillanme Tell . .
Bobert Bruce
Chœur des Ktudiants
Chœur de la Chapelle
Amour sacré de la patrie. . . .
Mélodie irlandaise
Vivez, aimez
Les plaisirs ont clieisi pour asile
Couplets du tabac, avec solo. .
Prière : Soutien de l'innocent. ,
Couplets des soldats huguenots .
Septuor du duel
Appel aux armes
Chœur dps Buveurs
Chœur de moines
Chœur et prière
Prière
Cliœur de la Conjuration. . . .
Chœur des Chasseurs
Chasse et prière du soir ....
Prière
phœur bachique avec solo . . .
DEUXIEME SERIE
CHŒURS DIVERS
1 . Ad. Adam . lies Boulaueers 1 »
2. — lies Fondeurs 1 »
3. — lies Garçons de restaurant 1 n
II. — lies Horlogers 1 »
5. . — lies Canotiers 1 »
6. — lies Postillons 1 »
7. — li'EnclHme 1 •
8. — lies Charpentiers 1 »
9. BEETiioviiN . Chant des Compasuons 1 50
10. — Chant élégîaque 1 50
11. — U^mne du sacrifice, avec solo 1 50
lies Canotiers de Paris - . . . . » 50
Saint impérial, God save français
JUarche du Prince Inipérial
Oymne national russe
La Fuite des captifs, chœur avec solo de ténor
Yseult l'impératrice
lies Veilleurs de unit
lia Chasse au tigre
lies (•oiidolîers Ténîtiens
Cavai.lo. .
Elwart .
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Le Chanl des Exilés
Chœur avec solo de ténor.
A la Patrie!
Chœur avec soU.
Couplets de la Cavalerie
De ^Étoile du Nokd, à quatre voix.
Les Joyeux Chasseurs
Chœur à quatre voix.
Invocation à la Terre natale
Sur le thème du God save the King.
Adieu aux jeunes Mariés I
Sérénade pour deux chœurs, à huit voix. J
Quatuor pour voix d'hommes.
Composés par
Le 91^ Psaume
Motet à huit voix {en deux chœurs)
Chœur des Bohémiens de PRECIOSA | AVAi\T LA BATAILLE (^rr^xE)
Cbœurs arrangés pour l'Orpliéon fie la fille de Paris, par PASDEIiOlIP, composés par
^BJLMIiEi»liJ^MIB m\
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19 Juillet 1863.
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Étnmger M - *d.
le Journal paruît le Dhnanche.
ET
GAZETTE MUSICALE
-•-'^A/ uvvaaaTjvvv^
SOMMAIRE. — La vérité sur la Marseillaise, par Fétis père. — Théâtre im-
périal de l'Opéra-Comique: les Bourguignonnes, opéra-comique en un acte,
paroles de M. Henri Meilhac, musique de M. Louis Deffès ; reprise de la Fausse
Magie, par lièon Durocher. — Projet de concours musical au théâtre Lyri-
que. — Conservatoire impérial de musique et de déclamation : concours â
huis clos. — Revue des théâtres, par D. A. D. Saiiit-IfTes. — Nouvelles
et annonces.
LÀ VÉRITÉ SUR LÀ MARSEILIÂISE".
Une anecdote fournie par l'imagination de M. de Lamartine dans
les Girondins, concernant VHijmne des Marseillais , vient d'être l'ob-
jet d'une rectification adressée au Courrier du Bas-Rhin par M. le
baron de Schauenburg Cette réclamation est conforme aux traditions
contemporaines recueillies dans plusieurs dictionnaires biographi-
ques; mais elle ne fournit pas de l'enseignement sur le point es-
sentiel de la composition de l'air célèbre dont les accents ont en-
flammé le courage des héros de la première république française.
C'est celte question sur laquelle je .viens jeter une lumière inat-
tendue.
Rouget de l'Isle n'est pas l'auteur de la musique de la Marseil-
laise: j'en fournirai la preuve tout à l'heure. Capitaine du génie, il
était employé dans la place de Strasbourg en 1792, au moment de
la déclaration de guerre, et partagea l'enthousiasme patriotique dont
fut saisie toute la garnison à celte importante nouvelle. Dans son
exaltation, il composa, sous le titre de Chant dé guerre, les strophes
énergiques dont le début,
Allons, enfants de la patrie,
Le jour de gloire est arrivé !
était prophétique. Des copies de ces strophes se répandirent avec ra-
pidité : on. les chanta sur un air d'opéra qui était alors en vogue, et
sur lequel je crois que la poésie fut composée. Une des copies du
Chant de rjuerre de Rouget de l'Isle, parvenue à Paris, tomba entre
les mains d'un bon musicien, connu sous le nom de Navoigille,
quoique le sien fût Julien. Ardent républicain, Navoigille s'émut à
la lecture de ces vers, et enfanta immédiatement le chant sublime
qui leur assura l'immortalité. Comme tous mes contemporains.
(1) Nous devons rappeler à l'occasion de cet article ceux qui furent publiés sur
le même sujet en ISdS par M. Georges Kastner, dans les n" 13, 15 et 16 de la
gazette musicale. Nous laissons naturellement h chacun de nos deux éminents
rédacteurs la responsabilité personnelle de ses assertions.
j'ai cru longtemps que l'auteur des paroles était aussi celui
de la musique ; je le croyais même lorsque j'ai publié la notice de
Rouget de l'Isle dans le septième volume de la première édition de
]a Biographie universelle des musiciens (18/il). J'avais connu Rouget
de l'Isle en 1809 chez mon élève, Mme Gail, auteur des opéras les
Deux Jaloux et de la Sérénade. Il venait souvent chez cette femme
remarquable, qui avait de l'amitié pour lui, écrivait les romances
qu'il composait d'instinct (car il était très-médiocre musicien), et lui
en faisait les accompagnements de piano. J'éprouvais, je l'avoue, de
l'étonnement qu'avec une si pauvre éducation musicale, il eût pu
trouver la mélodie si belle, si régulière et si bien rhythmée à la-
quelle il est redevable dj sa renommée ; mais aucun doute ne s'était
jamais élevé contre la paternité de cette œuvre, et je n'avais aucun
motif pour la mettre en question.
Une circonstance heureuse et fortuite me fit acquérir, en 1847,
deux collections qu'il serait peut-être impossible de réimir aujour-
d'hui. La première se compose de tous les chants révolutionnaires et
républicains, en petites feuilles volantes ; l'autre renferme tous les
morceaux composés par Gossec, Gatel, Lesueur, Cherubini, JaJin, etc.,
pour les fêtes républicaines, pour le Champ de Mars, et pour le;
Temples de la Raison. Les lecteurs de la Gazette musicale peuvent se
représenter l'étonnement dont je fus saisi en trouvant dans la pre-
mière de ces collections, parmi les petites feuilles qui se vendaient, à
l'époque de la Convention, puis du Directoire, six sous à la porte des
théâtres, et qui contenaient les chants patriotiques, et ceux des opéras
nouveaux, le chant de la Marseillaise avec ce titre : Marche des
Marseillais, paroles du citoyen Rouget de l'Isle, musique du cito'jen
Navoigille; à Paris, chez Frère, passage du Saumon, où l'on trouve
ions les airs patriotiques des vrais sans-culottes ! Un autre exem-
plaire du même chant, avec accompagnement de guitare, porte seu-
lement au titre • Marche des Marseillais, musique du citoyen Navoi-
gille , accompagnement de guitare par le citoyen Mathieu. Et au bas :
Au magasin de musique d l'usage des fêtes nationales, rue Joseph,
section de Brutus.
On sait que les vrais sans-culottes ou terroristes n'ont eu qu'une
existence politique d'environ dix-huit mois, pendant 1793 et 1794,
jusqu'au mois de juillet. C'est donc en 1793 que la Marseillaise, était
connue de tous comme l'ouvrage de Navoigille pour la musique, et
qu'elle se vendait et se colportait publiquement sous son nom, sans
qu'aucune réclamation de Rouget de Lisle se soil produite alors, ni
plus tard. Quand il écrivit les paroles de cet hymne, il n'avait cru
faire que des couplets de circonstance et n'avait pas prévu la portée
qu'ils auraient par la mélodie. Michaud jeune, qui avait eu des rela-
226
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
lions personnelles avec Rouget de Lisie, dit, dans le supplément de
la Biographie universelle (t. 80, p. 57),- que ce fut en chantant cet
hymne que les Marseillais attaquèrent le château des Tuileries au
10 août, et que ce fut de là que ce chant de guerre prit le nom de
la Marseillaise, auquel l'auteur n'avait pas songé. Il ajoute : « Il
» a déploré plus tard assez iiaut ces funestes résultats , et l'on sait
» que les manifestations trop franches de ce mécontentement le firent
» arrêter sous le règne de la terreur. Il ne sortit de prison qu'après
» la chute de Robespierre et vint alors habiter la capitale. » Fixé à
Paris, où l'on chantait la Marseillaise comme l'œuvre de Navoigille
pour la musique, c'était alors qu'il aurait dû réclamer publiquement
si cette musique eût été la sienne; nwis il n'en fit rien. De plus, il
publia dans l'an V (1797) un volume in-S», sous le titre d'Essais en
vers et en prose : on y trouve les paroles de la Marseillaise, intitu-
lée simplement : Chant de guerre, et pas un mot relatif à la musique.
Ce n'est que près de trente ans après que Rouget de Lisle a publié
sous son nom la musique de cet hymne, dans un recueil qui a pour
litre : Cinquante chants français, paroles de différents auteurs, mis
en musique par Rouget de Lisle. Paris, l'auteur, 1825, m-l\°, gravé.
Navoigille était mort depuis quatorze ans.
Je crois ne devoir pas terminer cet article sans donner quelques
renseignements biographiques sur l'auteur d'un si beau chant, qui,
en l'absence même de tout autre titre, suffirait pour rendre son nom
digne de passer à la postérité.
Guillaume Julien, dit Navoigille, compositeur et violoniste de quel-
que talent, naquit à Givet (Ardennes), en 17Z(5. Il quitta cette ville
pour étudier la musique à Paris, où un hasard heureux lui procura
la connaissance d'un noble Vénitien qui, charmé de ses heureuses dis-
positions, le prit en affection, le logea chez lui et lui donna le nom sous
1 equel il était connu. Plus tard, Monsigny le fît entrer dans la maison
du duc d'Orléans. Après la mort de ce prince, Navoigille chercha des
ressources dans son art. Il s'était fait une réputation honorable comme
chef d'orchestre, par le taleni dont il avait fait preuve en dirigeant
celui des concerts de la loge Olympique, alors célèbres, et pour les-
quels Haydn avait écrit six belles symphonies. Bon violoniste, Na-
voigille avait établi chez lui une école gratuite de son instrument
dont le produit le plus remarquable fut l'excentrique Alexandre
Boucher.
En 1789, Navoigille entra comme chef des seconds violons à l'ex-
cellent opéra italien, établi au théâtre Feydeau, appelé alors théâtre
de Monsieur. Cinq ans après, il donna sa démission de cette place
et accepta celle de chef d'orchestre de la Pantomime nationale,
connue plus tard sous le titre de théâtre de la Cité. Il dirigeait en-
core la musique de ce théâtre en 1797 ; mais la- banqueroute du
directeur le laissa sans emploi et dans une situation peu fortunée.
Lorsque Plantade fut choisi (en 1805) pour diriger la musique de
Louis Bonaparte, roi de Hollande, il fit entrer dans la chapelle de
ce prince son ami Navoigille ; la réunion de la Hollande à la
France ramena celui-ci à Paris, où il mourut au mois de novem-
bre 1811.
Navoigille avait écrit pour le théâtre de la Pantomime nationale
quelques ouvrages, parmi lesquels on avait remarqué l'Héroïne suisse,
dont la muïique avait de la nouveauté dans ses mélodies. Il avait aussi
publié des sonates, des duos et des trios de violon qui obtinrent
quelques succès; mais son plus beau titre de gloire, celui qui recom-
mandera sa mémoire à la postérité, est la création du chant de la
Marseillaise.
FÉTIS père.
THÉÂTRE mPERIÀL DE L'OPERA- COMIQUE.
liES BOVRCsicïivoararcis,
Opéra - comique en un acte, paroles de M. Henri Meilhac,
musique de M. Louis Deffês.
(Première représentation le 16 juillet.)
Ce petit ouvrage a été représenté pour la première fois, l'an passé,
à Ems. C'est aujourd'hui un assez bon moyen d'être joué à Paris,
que de se faire jouer en Allemagne, tant il est vrai que le chemin
des écoliers n'est pas toujours le plus long !
Nous ne savons si les Bourguignonnes ont passé à Ems pour une
œuvre originale. A Paris, il n'est guère possible d'y méconnaître l'i-
dée qu'Alfred de Musset a traitée avec tant d'esprit, de grâce et de
délicatesse dans cette charmante comédie intitulée Un caprice. Un
mari, las du bonheur, trop uniforme peut-être, que lui donnent l'a-
mour sans coquetterie et le caractère toujours égal de sa jeune
femme, imagine qu'un peu de variété et quelques aventures rom-
praient la monotonie de son existence. Son ciel est trop serein, trop
bleu, il y veut absolument des nuages. Il adresse ses hommages à
une femme jeune, belle et spirituelle, qui se moque de lui, et le ra-
mène, confus et repentant, aux pieds de celle dont l'unique tort est
de l'avoir trop aimé. M. Meilhac n'a changé à cette donnée que les
circonstances extérieures, la position sociale des personnages, leur
costume, leur langage et les détails accessoires. Il a fait de M. Cha-
vigny un fermier bourguignon, et de Mme de Léry une jeune
paysanne, cousine de la fermière, et qui est venue passer quinze jours
auprès d'elle avant de se marier. Pendant que Thérèse, la fermière,
s'occupe des détails de l'exploitation, vérifie les comptes, fait la ba-
lance des frais et des recettes, etc., M. Landry fait la cour très-ou-
vertement à la cousine Manette, en présence même de Thérèse, qui
s'en afflige, mais qui, d'ailleurs, n'y met aucun obstacle. Cela n'est
ni vrai ni vraisemblable. Ce qui l'est encore moins, c'est que Ma-
nette explique à Thérèse le fort et le faible de sa situation, le dan-
ger d'une humeur trop égale, d'une application trop constante aux
intérêts communs, d'un dévouement trop absolu, et lui donne des
leçons de coquetterie. Une jeune fille de dix-huit ans n'en sait pas,
d'ordinaire, aussi long, et celles qui ont acquis tant de savoir en
font rarement un bon usage.
Ces réserves faites, nous reconnaîtrons volontiers qu'il y a dans la
pièce de M. Meilhac des scènes amusantes, celle, entre autres, où
Landry, forcé d'étudier le dossier d'une affaire que Thérèse, con-
seillée par Manette, lui a laissée sur les bras, entend l'orchestre du
bal où il n'a pu aller, et danse, malgré lui-même, les pièces du pro-
cès à la main. D'ailleurs, il y a souvent de l'esprit dans le dialogue
de M. Meilhac, et l'on ne peut nier qu'il n'entende la construction
et la conduite d'une pièce de théâtre un peu mieux que la plupart
des librettistes d'à présent.
Les mêmes auteurs avaient fait précédemment — à Ems aussi —
le Café du roi Louis XV, qui a été joué l'année dernière au théâtre
Lyrique, et la partition de M. Uelfès avait obtenu un agréable succès.
Celle-ci ne nous a pas semblé aussi richement pourvue d'idées. La
chanson bourguignonne que Manette chante dans la première scène,
dont le motif fait presque tous les frais de l'ouverture, et qui, vers
la fin de la pièce, devient l'air de danse qui met Landry en mouve-
ment, a un rhythme très-franc, et ne manque pas de caractère. C'est,
à notre avis, le morceau le mieux trouvé de tout l'ouvrage. La ro-
mance de Thérèse, qui finit par ce refrain assez prétentieux : Pour
oublier, souvenons-nous, se recommande par une élégante simplicité
qu'on voudrait rencontrer plus souvent dans les Bourguigiionnes. L'au-
teur en a chargé le second couplet d'un accompagnement de cor
destiné sans doute à en augmenter l'effet : je doute qu'il ait atteint
son but. Dans le duo qui suit, Manette chante des couplets d'un
DE PARIS.
227
rhythroe un peu vague, et d'un style assez lourd. Mais comme Ma-
nette les a dits d'un air très-cmne, en tenant son verre à bras tendu,
et en criant de toute sa force, le parterre s'est enthousiasmé pour les
cris, le bras tendu, le verre plein, le nez au vent et la taille cambrée
de Manette ; on a applaudi, acclamé, on a trépigné, on a crié bis I. .
Nous ne voulons pas troubler la joie du parterre, mais il nous est
bien permis de la lui laisser. Le trio renferme un passage syllabique
très-rapide, dont l'intention paraît comique, mais où, malheureuse-
ment , nous n'avons pu saisir un seul mot. L'effet de ces sortes de
morceaux est à peu près nul quand on n'entend pas les paroles, et
tout ce que nous en pouvons dire, c'est qu'il fait trop penser au trio
syllabique de la Fille du régiment. Les couplets, également syllabi-
ques, dits par Manette dans son duo avec Landry, nous ont fait beau-
coup plus de plaisir. Le tour en est gracieux et fin, et l'actrice, qui
se trouve là sur .son terrain, les babille avec beaucoup d'esprit.
Celte actrice est Mlle Girard, qui a définitivement quitté le théâtre
Lyrique, et qui débutait sur la scène de la place Boïeldieu par le
rôle de Manette Nous n'aurions qu'à répéter le bien que nous avons dit
si souvent de cette piquante artiste, si nous n'étions obligés , celte
fois, de lui reprocher ses efforts excessifs pour augmenter la sono-
rité de sa voix. Tout ce qu'elle y gagne, c'est de la rendre dure et
criarde. Il est à souhaiter, dans son intérêt comme dans celui du public,
qu'elle renonce au plus vite à cette fantaisie. Son succès, d'ailleurs,
n'a pas été douteux un seul instant. La critique raisonne, compare,
discute, et se permet de temps en temps quelques observations, pour
maintenir son droit, et afin qu'on n'oublie pas qu'elle est la critique ;
mais il est bien rare aujourd'hui que le public, quoi qu'il voie et quo'
qu'il entende, n'ait pas l'air complètement satisfait. _J
Reprise de la JPauaae MMagie.
■ Cet ouvrage de Marmontel et de Grélry date de 1775, et n'avait
pas été représenlé à Paris depuis 1828. De 1775 à 1863 il y a qua-
tre-vingt-huit ans. N'est-ce pas un bel âge ? Et connaît-on beaucoup
d'œuvres musicales auxquelles il ait été donné de vivre aussi long-
temps? De 1828 à 1863 il y a trente-cinq ans. Ne devait-on pas la
croire ensevelie pour toujours et définitivement oubliée' Elle n'était
qu'endormie, comme cette jeune fille que le Christ réveilla sur son
lit de parade, au moment même oiiron préparait ses obsèques et où
les musiciens du cortège accordaient leurs instruments : « Et cuin
venisset Jésus in domum principis, et vidisset tibicines et turbam
tumultuantem, dicebat : Recedite, non enim mortua est puella, sed
dormit. »
Non, les œuvres du génie ne meurent pas. L'art se transforme inces-
samment, et les habitudes du public se modifient. En musique surtout
il vient un moment oîi l'on est fatigué de certaines formes de style, de
certaines cadences, de certains tours de phrases, de certains pro-
cédés d'accompagnement qui sont comme le costume particulier à
chaque siècle, à chaque époque. Ce que les grands artistes ont
inventé a été si souvent reproduit, si brutalement exploité par les
imitateurs que le dégoîit, un beau jour, succède à l'admiration, et
que l'on s'écrie tout d'une voix : En voilà assez de ce tonneau-là :
tirez-nous-en d'un autre ! C'est ainsi que pendant trente années le
glorieux nom de Gluck a disparu de l'affiche de l'Opéra. C'est ainsi
que les Italiens ont si bien oublié Cimarosa que Mme Penco, lors-
qu'elle dut étudier, il y a deux ans, le Mariage secret, qui lui était
complètement inconnu, s'écriait avec un étonnement naïf : « C'est
incroyable! Je ne sais si je me trompe, mais il me semble que cette
musique est merveilleusement belle. »
Ou joue encore un peu Rossini chez nous, parce que l'éloignement
nous a préservés de la majeure partie de ses imitateurs; Mais en Italie
on a les oreilles si cruellement rebattues des formules rossiniennes
que les œuvres du maître y sont tombées pour la plupart dans le
domaine de l'archéologie. Les savants seuls en peuvent parler en con-
naissance de cause.
Grétry en était là chez nous, il y a une vingtaine d'années, et
quand l'Opéra-Comique, dans un moment de détresse, s'avisa de re-
prendre Richard, ce fut pour le public, — les vieillards exceptés, et
ces débris d'un autre âge ne sont jamais très-nombreux, — ce fut,
disons-nous, comme une révélation. Les formules de Grétry, si
vieilles en 1820, étaient inconnues à la génération de 18/|0; elles
parurent toutes nouvelles, et Richard Cœur de Lion eut autant de
succès qu'une partition de M. Auber. M. Perrin n'a guère été moins
heureux, dernièrement, avec Zémire et Azor. Dans l'invervalle, le
Tableau parlant, l'Amant jaloux et V Epreuve villageoise, sans
obtenir un succès aussi marqué, avaient fourni honorablement leur
carrière.
11 y a pour tout grand composiieur trois époques : 1» celle où il
est à la mode; 2° celle où il est démodé; — c'est pour lui le mo-
ment de la retraite et de l'oubli ; — 3" celle où, étant tout à fait en
dehors des questions de mode, on ne le juge plus sur la forme de
ses morceaux, mais sur la valeur de ses idées. Grétry et Gluck en
sont là depuis longtemps.
La Fausse Magie a été écoutée avec une religieuse attention et un
plaisir extrême par tous les musiciens, et surtout par les musiciens
connaisseurs. Dès les premières mesures de l'ouverture on reconnaî ^
un style original, une touche individuelle. Les idées qu'on trouve là
sont bien à celui qui les y a mises, et personne ne tentera de s'en
servir que l'emprunt ne soit aussitôt signalé, car, ainsi que le disait
Voltaire, pour voler impunément il faut tuer celui qu'on vole, et
Grétry n'est pas de ceux qu'on peut tuer. Tous ses motifs ont uu
cachet indélébile et qui se reconnaît sur-le-champ. Nul compositeur
n'a eu plus de facilité, de naturel, d'élégance sans apprêt, de grâce
naïve, et surtout nul n'a jamais eu l'expression plus juste. Il chante
toujours, et il semble toujours parler. Quoiqu'on ne l'ait jamais rangé
parmi les musiciens savants, on ne peut nier que ses morceaux ne
soient conduits souvent avec une remarquable habileté, et nous par-
lons des plus difQciles à faire, de ceux où il faut que le discours mu-
sical s'adapte à une scène donnée, en suive les mouvements, en
marque les péripéties. Grélry, en pareil cas, devient un poëte dra-
matique plein de tact et d'adresse, sans cesser un instant pour cela
d'être un admirable musicien. Y a-t-il rien au monde de plus vive-
ment conçu, de mieux mis en scène, de plus vivement mené, de
plus vrai, de plus franchement comique que le fameux *duo des deux
vieillards que tous les musiciens savent par cœur, et qui sera éter-
nellement un des modèles du genre bouffe? Y a-t-il rien de plus ado-
rablement naïf et de plus charmant que le duo des deux amants :
Vous souvient-il de cette fête,
Où l'on voulut nous voir danser?
Et le trio ! et le quatuor qui termine le premier acte ! et la marche !
et le chœur qui accompagne l'entrée de la fausse magicienne ! Et
ceci, et cela encore, car, à vrai dire, il n'y a pas un morceau fai-
ble, et il faudrait citer tous les airs de la partition.
Un ami trop zélé a cru devoir aider Grétry de son expérience mo-
derne, et l'orner de ses combinaisons instrumentales. Nous avons en-
tendu des trombones dans certains morceaux, — trois trombones,
s'il vous plaît ! C'est le pavé ajusté si habilement et avec tant d'à-
propos par l'ours de la fable. L'orchestre de Grélry, toujours conçu
avec esprit, et souvent écrit avec plus d'art qu'on ne le suppose,
est plein de traits ingénieux et fins, et d'effets d'une extrême déli-
catesse. Ne voit-on pas que toutes ces beautés de détail disparaissent
sous les trombones? On peut les comprendre, à la rigueur, dans une
pièce chevaleresque et guerrière , comme Richard Cœur de Lion.
Mais dans la Fausse Magie, comédie du xviii" siècle, où tous les ac-
228
REVUE ET GAZETTE MUSICALK
teurs sont poudrés, où tout se passe en conversation, où le person-
nage mystifié ne songe même pas à se fâcher un seul instant! En
vérité, c'est pousser un peu bin !e goût du cuivre, et l'amour du
bruit. Nous ignorons qui a mis là ces trombones, et nous ne voulons
pas le savoir ; mais, quel que soit son nom, c'est un musicien, qui
ne comprend pas Grétry, et ne le romprendra jamais.
M. Carrier, en revanche, le comprend à merveille. On ne saurait
rendre avec plusd'esprit, de.verveef de goût, le duo des vieillards et
les autres parties de son rôle. Il a une bonne voix de ténor, fraîche,
bien timbrée, bien posée ; il chante bien, il dit bien, il joue à mer-
veille. L'Opéra-Comique ne pouvait faire une meilleure acquisition.
Mlle Girard a montré dans la Fausse Magie les mêmes qualités que
dans les Bourguignonnes, et le même défaut, c'est-à-dire la même
tendance à forcer sa voix. Ces efforts, que rien ne motivait dans une
musique si calme et dans un rôle sans passion , lui ont fait
exécuter lourdement et sans correction l'air célèbre du second acte,
Comme un éclair la flatteuse espérance, qui est tout en vocalises, et
ne demande que de la légèreté et de la grâce.
M. Gourdin se tire assez agréablement du rôle de l'oncle, bien
qu'il y soit parfois un peu affecté. M. Ponchard et Mlle Révilly sont
de vieux serviteurs auxquels on doit des égards. Ne les contristons
pas et célébrons plutôt le retour de Mme Decroix, qui vient de ren-
trer à l'Opéra-Comique et qui chante le rôle de Thérèse, dans les
Bourguignonnes, avec une voix charmante, une correction irrépro-
chable et une rare élégance.
LÉON DUROCHER.
PROJET DE CONCOURS MSICÂL AU THÉÂTRE LYRIQUE.
En accordant au théâtre Lyrique une subvention bien méritée par
ses services, le ministère n'a pas oublié l'intérêt des compositeurs,
lauréats de l'Institut, dont la situation est l'objet de plaintes inces-
santes. A leur retour d'Italie, on leur promet un tour de faveur pour
la représentation dans l'année d'un ouvrage de leur composition;
mais ce tour de faveur, comment en profiter, si l'on n'a pas de
poërae ? Les cahiers de charges portent bien que les directeurs se-
ront tenus de leur eu fournir un, mais presque toujours cette obli-
gation est illusoire. Comment les directeurs pourraienl-ils contraindre
les auteurs à travailler pour les lauréats, s'ils préfèrent travailler
pour d'autres? D'ailleurs, jusqu'à présent il ne s'agissait qu-î d'un
poëme en un acte, et rien n'est moins favorable aux jeunes musi-
ciens, aujourd'hui surtout que l'on dîne si tard et que les petits
ouvrages se jouent devant les banquettes. A moins de faire un chef-
d'œuvre, on est sûr de vivre et de mourir incognito.
Une autre combinaison vient d'être proposée aux lauréats par
M. Camille Doucet, directeur de la division des théâtres. Chaque
année, un concours sera ouvert entre les premiers prix qui n'au-
ront pas eu d'ouvrages représentés. Un poëme en trois actes leur
sera offert, et la partition reconnue la meilleure obtiendra les hon-
neurs de la scène. Ainsi, M. Carvalho prend l'engagement de jouer,
chaque année, un opéra en trois actes dont la musique sera d'un lauréat
nouveau et sur un nouveau poëme. Pour que nulle garantie de lumières
et d'équité ne manque aux concurrents, l'administration leur propose
de choisir eux-mêmes, et d'un commun accord, trois membres sur
cinq, dont se composera le jury. Les deux autres seraient le direc-
teur du théâtre Lyrique et un fonctionnaire désigné par l'adminis-
tration.
Il y a déjà plusieurs jours que les compositeurs lauréats de
l'Institut ont été convoqués pour entendre l'exposition du projet
dont nous venons d'indiquer les bases. La plupart d'entre eux ont
accueilli, comme cela devait être, une idée qui n'a d'autre but que
de leur ouvrir une voie de salut extraordinaire. C'est une chance de
plus ajoutée à celles qu'ils peuvent avoir, et une chance qui ne pré-
judicie nullement à leurs droits.
On a dit, nous le savons, qu'après avoir subi l'épreuve des concours
académiques et remporté le prix de l'Institut, on devait se croire au-
dessus des concours de tout genre, et que c'était se dégrader que
de venir se soumettre encore à d'autres jugements, à d'autres compa-
raisons et s'exposer à de nouvelles défaites. La défaite, ajoutait-on,
sci'ait une marque de défaveur, de réprobation, dont il n'y aurait
plus moyen d'appeler.
Ces objections nous semblent à peine spécieuses et ne soutiennent
pas l'examen.
Jamais on ne s'est dégradé en travaillant et en faisant de son mieux
pour mériter un avantage. On a vu les plus grands artistes accepter
la loi des concours, et nul d'eux ne s'est cru déshonoré.
Selon nous, ce qu'il y a de pis pour les lauréats, c'est de ne rien
faire; c'est de coiffer sainte Catherine, et de vieillir avec ce titre
ridicule de jeune compositeur. S'il est quelqu'un pourtant qui aime
mieux le statu guo, rien ne le force d'en sortir. On lui entr'ouvre
une porte; s'il croit y voir un piège , rien ne l'oblige à franchir
le seuil. Mais qu'on n'allègue pas la crainte d'échouer dans le con-
cours, et les inconvénients qui en seraient la conséquence ! Si la
crainte vous retient, ne travaillez pas, même pour le public, car de-
vant lui le fiasco serait encore plus terrible et vous rejetterait bien
plus loin qu'un échec devant un jury, avec la certitude de pouvoir
prendre votre revanche au bout d'un an.
En résumé , le projet de concours musical s'appuie sur trop de
bons motifs pour n'être pas mis en pratique: après quoi, l'expé-
rience décidera.
P. S.
CONSERVATOIRE IISPËRIAL DE MUSIQUE ET DE DËCUMTION.
Concours A baf s clos.
Dimanche dernier nous avons donné le résultat du' concours d'har-
monie qui avait eu lieu la veille ; voici celui du concours qui est
venu immédiatement après :
Etitde du clavier. — 1"^ médailles, Mlles Viguier, élève de
Mme Emile Réty ; Ginisty, élève de Mlle Jousselin ; Petit, élève de
Mme Emile Réty; Nondin, élève de Mlle Jousselin; Midoz, élève de
Mme Emile Réty. 2""^^ médailles, MM. Hammerel, élève de M. An-
thiome ; Joséphine Wilden, élève de Mme Emile Réty; Chart, élève
de Mme Emile Rety ; Louise Wilden, élève de Mme Réty ; Forestier,
élève de M. Croharé, 3"""' médailles, Mlles Biot, élève de Mme Réty;
Régnier, élève de Mlle Jousselin ; Girardot, élève de Mme Réty ;
Le Callo, élève de Mme Réty; Gœthals, élève de Mme Lemarchand.
Classe d'orgue ^professeur, M. Benoist). — Pas de premier prix.
2" prix, M. Sieg. 1" accessit, M. Girard ; 2" accessit, M. Blondel ;
3<= accessit, M. Leavy.
13 juillet.
Contre-point et fugue. — l'''' prix, MM. Henri Hess et Massenet,
élèves de M. Ambroise Thomas; 2' prix, M. Blondel, élève de M. Le-
borne. V accessit, M. Boisseau, élève de M. Henri Reber ; 2"= ac-
cessit, M. Lepot-Delahaye, élève de M, A. Thomas; 3° accessit,
M. Taffanel, élève de M. Reber.
14 juillet.
Contre-hafse (professeur, M. Labro). — 1" prix, M. Thévelin.
l'"' accessit, M. Schubert.
Harmonie et accompagnement pratique (classe des hommes, pro-
fesseur, M. Bazin). — 1'" prix, MM. Coloraer et Lavignac ; 2° prix,
M. Pradeau. 1°'' accessit, M. Vygen; T accessit, M. Rosen; 3" ac-
cessit, M. Rabuteau.
DE PARIS.
229
Classes des femmes : l'^'' prix, Mlle RouUe, élève de M. Bienaimé ;
1" prix, Mlle Duprez, élève de Mme Dufresne. V accessit, Mlle Noël,
élève de Mme Dufresne ; 2'' accessit, Mlle Hardouin, élève de M. Bien-
aimé; 3"" accessits, Mile Mangot, élève de Mme Dufresne, et Mlle Al-
bazaër, élève de M Bienaimé.
15 juillet.
Solfège (classes des hommes). — 1'"= médailles, MM. Bonnange,
élève de M. Duvernoy; Taudou, élève de M. Alkan; Wormser, élève
de M. Durand; Forestier, élève de M. Duvernoy ; Leseurre, élève de
M. Durand ; Lamart, élève de M. Batiste; 2""^' médailles, MM. Soiiplet,
élève de M. Alkan ; Pastou, élève de M. Batiste ; Mareux , élève de
M. Savart ; Dardet, élève de M. Alkan ; Hammerel, élève de M. Batiste;
Palianti, élève de M. Savart; Bourgeois, élève de M. Batiste; 3'""'' mé-
dailles, MM. Bousquet, élève de M. Hatiste ; Tirpenne, élève de M. Du-
rand ; Brun, élève de M. Jonas; Muntardon, élève du même; Marie,
élève de M. Durand; Bauch, élève de M. Duvernoy; Courtade, élève
de M. Batiste ; Singer, élève de M. Duvernoy.
Classes des femmes : l''"^ médailles, Mlles Beaumont aînée,
élève de Mme Maucorps; Davignon-Monpoii, élève de Mlle Leclercq ;
Cayrol, élève de Mme Doumic; Nortmann, élève de Mme Maucorps;
Larcéna jeune, élève de Mlle Leclercq; Meingan, élève de M. Batiste ;
Picamelot, élève du même ; Viguier, élAve de Mme Maucorps; Bloch,
élève de M. Lebel; Lhomme, élève du même; Nicaise, élève de
M. Batiste; Jégouzo , élève de Mme Maucorps. 2"°'^ médailles,
Mlles Cantin, élève de M. Goblin ; Savit, élève de Mlle Barles ; André,
élève de Mlle Mercié-Porte ; Creutznach, élève de Mlle Hersant ; Biot,
élève de M. Lebel ; Dacasse, élève de Mme Maucorps; Renaud, élève
de Mlle Mercié-Porte; Laporte, élève de Mlle Hersant; Sinner, élève
de M. Lebel; Leprévost, élève de Mlle Hersant; Courtois, élève de
M. Batiste ; Beaumont 2=, élève de Mme Maucorps; de Massas,
élève de M. Batiste. 3'"^' médailles, Mlles Clause, élève de M. Lebel ;
Lecallo, élève de .Mlle Leclercq; Séguin, élève de Mme Doumic; Bapp,
élève de M. Batiste; Desmonts, élève de Mme Maucorps ; Nondin jeune,
élève de Mme Doumic ; Chain, élève de Mlle Hersant; Bottollier,
élève de M. Lebel ; Mention, élève de Mlle Hersant , Félix , élève de
Mlle Hersant; Coevoet, élève de Mme Maucorps; Alizier, élève de
Mlle Barles; d'Almeïda, élève de M. Lebel; Legros , élève de
Mlle Mercié-Porte; Midoz, élève de M. Lebel; Salomon, élève de
Mme Doumic ; Blankenstein, élève de Mlle Mercié-Porte.
BEVUE DES THÉÂTRES.
Gymnase : Le Démon du jeu, pièce en cinq actes, par MM. Théo-
dore Barrière et Crisafulli. — Théâtre impérial du Chatelet :
Le Secret de miss Aurore, drame en ciuq actes et huit tableaux,
par MM. Lambert Thiboust et Bernard Derosne. — Théâtre Dé-
JAZET : Les Spectres de l'aurore, légende allemande en deux ac-
tes et trois tableaux, par MM. Paulin Deslandes et Jules Dornay. —
Salle Bobuv.
Le Gymnase, bravant les chaleurs tropicales qui nous accablent,
vient de risquer la représentation d'une grande pièce en cinq actes,
dont le succès pourrait bien donner raison à son audace. 11 ne s'agit
pourtant point, dans cette œuvre nouvelle, d'une idée originale et
inexploitée à la scène ; tant s'en faut. Depuis le Joueur de Regnard
jusqu'au drame de Trente ans, triomphe de Frédérick-Lemaître, que
de fois n'avons-nous pas vu le Démon du jeu diriger les fils d'une
action dramatique et présider aux péripéties les plus émouvantes du
répertoire, tant ancien que moderne? Mais certaines passions, et le
jeu est du nombre, conservent le triste privilège d'intéresser tou-
jours une société où la fiction marche de pair avec la réalité. Tant
qu'il y aura des joueurs dans le monde, le théâtre aura le droit de les
tradui.-e à sa barre, sans lasser le public. Ainsi que beaucoup de
jeunes gens, dont chacun de nous peut facilement désigner un ou
plusieurs émides dans son entourage, Raoul de Villefranche a d'abord
joué par désœuvrement ; puis un jour est venu où l'amour a pris vic-
torieusement la place que ce travers avait usurpée dans son cœur;
vous remarquez que le jeu n'est encore pour lui qu'un travers. Ce-
pendant, la famille où il veut entrer s'en inquiète, et il est poliment
éconduit. Que fait-il alors? Il enlève Amélie et l'épouse. Or, c'est au
lendemain de cette passion satisfaite que le démon du jeu le ressaisit,
dans la personne d'un grec, nommé Hector d'Argelès, qui s'empare
de lui, et d'un travers, lui constitue un bel et bon vice. Nous n'en
sommes pas encore au crime, mais cela viendra. En effet, Raoul joue
loyalement, jusqu'au jour où, à force de perdre, il ouvre l'oreille aux
conseils perfides du entateur qui lui apprend à faire sauter la coupe
et à préparer des parties clandestines de cartes. Un dernier effo'^t de
conscience l'empêche néanmoins de mettre en pratique l'admirable
théorie à l'aide de laquelle Hector lui enseigne à corriger la fortune,
et de cet essai avorté surgit un de ces dénoùments inattendus qui
enlèvent de haute lutte la réussite d'une pièce. Pendant que Raoul
Bit au jeu, on s'aperçoit des tricheries d'Hector et on le chasse igno-
minieusement; mais Raoul, favorisé par une chance extraordinaire,
est frappé de terreur à la pensée que ses cartes ont été arrangées par
Hector, et que bientôt on va lui faire subir la même honte qu'à
son complice. Peu à peu l'obsession devient tellement forte qu'il
rejette les cartes avec horreur et veut s'enfuir. Mais on reconnaît que
le hasard seul l'a fait gagner ; on le proclame joueur heureux et loyal.
La leçon du reste a profité, et désormais Raoul peut jurer en toute
assurance à sa femme et à sou beau-père qu'on ne l'y prendra
plus.
Ce drame fort bien conduit, et dont les plus charmants épisodes
échappent à notre analyse, fait grand honneur au talent de iMM. Théo-
dore Barrière et Crisafulli, ainsi qu'au mérite de leurs principaux
interprètes. De tels adieux ne peuvent qu'accroître les sympathies
que le couple Lafontaine emportera à la Comédie française.
— Si l'actualité est en tout temps, pour les théâtres, une res-
source plus certaine que l'habileté la plus consommée, elle est sur-
tout d'un prix inestimable à cett'3 époque de l'année où l'indifférence
du public ne cède qu'à des moyens d'une énergie exceptionnelle.
Mais comment résister lorsqu'une direction, toujours bien inspirée
comme celle du théâtre impérial du Chatelet, ne se contente pas
d'une actualité et en offre deux à la fois? La première consiste dans
l'exploitation d'un roman à la mode, et la seconde dans l'exhibition
d'un truc nouveau, ou plutôt renouvelé des spirites du siècle der-
nier. Parlons d'abord du roman de miss Braddon, que la traduction
de M. Bernard-Derosne est en train de populariser en France, sous
le titre du Secret de miss Aurore.
La vogue immense qu'il a en Angleterre se manifeste par un grand
nombre d'éditions, et par son arrangement en drame dans deux ou
trois théâtres. Nous lui souhaitons le même sort chez nous, mais, en
même temps, nous nous permettons d'émettre quelques doutes à cet
égard. Le Secret de miss Aurore est peut-être neuf de l'autre côté du
détroit, mais à coup sûr il ne l'est pas de celui-ci. Guilbert de Pixé-
récourt, et, après lui, plusieurs de ses confrères, ont défloré la situa-
lion d'une femme mariée à un misérable indigne d'elle , et qui, le
croyant mort, se donne le luxe d'un second mari. Le premier repa-
raît, impose des exigences de plus en plus menaçantes, et meurt enfin
de la main d'un complice. Il n'y a rien là qui ne se retrouve, à peu
de chose près, dans la Femme à deux maris. Mais ce qui fait la
différence des deux drames, c'est précisément le hors-d'œuvre em-
prunté également, comme moyen d'actualité, à une résurrection an-
glaise, et plaqué tant bien que mal à la fin du Secret de miss Aurore.
Des spectres impalpables, obtenus par une combinaison de miroirs
et de lumières disposés d'une certaine façon, produisent un effet de
fantasmagorie des plus saisissants. C'est ce secretlà bien plus que
230
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
celui de miss Aurore qui attire les curieux au théâtre du Châtelet.
Deux concurrents essaient de lui arracher quelques spec ateurs, le
théâtre Déjazet, avec les Spectres de l'aurore, légende allemande en
deux, tableaux , et le prestidigitateur Robin avec ses apparitions de
fantômes. Certes, les spectres du boulevard du Temple sont tout aussi
complets, tout aussi bien réussis que les spectres de M. Hostein;
mais, il faut bien l'avouer, l'illusion est plus grande sur cette grande
scène, où le fantastique acquiert des proportions qu'aucun autre théâtre
ne peut espérer d'atteindre. La pièce est d'ailleurs fort bien montée
et les décorations très-belles, surtout celle du grand bois et de la
scène finale. Une part du succès revient aussi à M. A. de Groot, qui
a composé pour le Secret, de miss Aurore une musique fort originale,
dans laquelle on a remarqué et fort applaudi de jolis airs de danse,
la ronde du jockey et la chanson du houblon.
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
^*^ Lundi le théâtre impérial de l'Opéra avait fait précéder Diavolina
de la Favorite. — Mercredi M. et Mme Gueymard ont fait leurs adieux au
public pour un mois, dans une belle représentation des Huguenots qui
avait attiré beaucoup 'de monde. — Vendredi on a donné de nouveau
Diano'ina précédée du Comte Ory. — La reprise des Vêpres siciliennes est
affichée pour demain.
^*a, Mlle Boschetti, que la direction de l'Opéra a engagée pour créer
le rôle principal dans le ballet de Don Juan, dont s'occupe le choré-
graphe Rota, vient d'arriver à Paris.
^*.^ Nous avons annoncé que Dulaurens quittait l'Opéra; il va partir
pour Lyon.
**» Les nouveaux chœurs composés par Meyerbeer, pour voix d'hom-
mes sans accompagnement, se répandent rapidement parmi les sociétés
chorales, où ils produisent un très-grand effet, surtout quand, par des
études sérieuses, les chanteurs sont parvenus à les exécuter de façon à
faire bien ressortir les nuances et les beautés de premier ordre qui
abondent dans ces morceaux.
^*^ Mlle Saint-Urbain, qui a fait pendant plusieurs années partie du
personnel du théâtre Italien, vient d'être engagée pour trois ans au
théâtre des Bouffes-Parisiens.
*** En annonçant la mort d'un jeune architecte, M. Achille Maurice,
plusieurs journaux avaient avancé qu'il était chargé de diriger les tra-
vaux de reconstruction de la salle des Bouffes-Parisiens. L'Entfacte
rectifie cette assertion en disant que c'est M. Th. Charpentier fils qui
est l'auteur du projet de reconstruction, et qui en a toujours seul di-
rigé l'exécution. Le même journal donne, sur l'état des travaux, les
détails suivants : « Tout l'ancien bâtiment a été détruit. C'est donc un
théâtre entièrement nouveau et sans le moindre rapport avec l'ancien
qui s'élève. Les planchers et le comble seront en fer ; les escaliers du
public, en pierre et d'une largeur double de celle qui avait été donnée
aux escaliers de l'ancien théâtre. La largeur des couloirs sera également
doublée, et un grand vestibule régnera sous la salle. L'éclairage aura
lieu à l'aide de riches girandoles. Quant â la ventilation, comme le
théâtre jouera désormais toute l'année, elle devra être l'objet d'études
particulières; les expériences faites ailleurs profiteront à cette nouvelle
application. La salle enfin contiendra 860 places, où l'on se trouvera
fort à l'aise. •
.j*;t Le (1 juillet a eu lieu au théâtre du Kursaal, d'Ems, la première
représentation d'il signor Fagollo, opéra-bouffe composé par J. Oflfen-
bach, sur les paroles de MM. Nuitter et Tréfeu. On nous écrit que
cette nouvelle partition du maë.stro est charmante et qu'elle a été ac-
cueillie par les plus vifs applaudissements. Sans être précisément neuf,
le sujet est amusant. Dans une petite ville d'Italie, habite avec sa fille
Clorinda, un bourgeois fanatique de musique, nommé Bertolucci. Clorinda
aime un jeune musicien, Fabriccio, qui a peu d'espoir d'obtenir de Ber-
tolucci la main de sa fille, car elle est promise à l'antiquaire Caramello.
11 imagine alors de se faire pisser pour il signor Fagotto, maestro cé-
lèbre dans toute l'Italie, et dont une circulaire vient d'annoncer la pro-
chaine arrivée. Bertolucci se prépare à recevoir de son nlieux le plus
grand génie musical de l'univers et autres lieux. Fabricio, pour justifier
cette réputation, après avoir donné à Bertolucci un spécimen brillant
de ses talents, qui l'ont déjà à moitié subjugué, le convie à la représenta-
tion d'un grand opéra de sa composition. L'enthousiasme de Bertolucci
est au comble, et il jure de donner sa fille à l'auteur d'une œuvre aussi
grandiose, s'il daigne lui en faire la demande. Fabriccio alors se nomme
et obtient la main de Clorinda. — Offenbach a tiré des situations plai-
santes que lui offrait cet excentrique imbroglio, un excellent parti. On
cite parmi les morceaux les plus saillants, le quatuor d'entrée. Il arrive;
la leçon de musique donnée à Clorinda par Fabriccio; le grand air du
faux Fagotto, énumérant ses divers talents, et dans lequel il imite sur
un accompagnement inoui, le chant du coq, l'aboiement du chien,
le miaulement du chat, le tocsin, etc., un charmantduettino; la Chanson
de l'Antiquaire, terminée par un chœur très-original, enfin, le morceau
final et capital de l'ouvrage, qui est censé le sextuor du chef-d'œuvre
attribué à son personnage et dont l'orchestration renferme de vérita-
bles beautés. Cette nouvelle production de l'infatigable compositeur,
que nous ne tarderons .sans doute pas à entendre à Paris, a été fort
bien interprétée par Mmes Taffanel, Bouffar, Dartaux, et MM. Desmonts,
Gerpré et Guyot.
^*^ On nous écrit de Stuttgard que pour l'anniversaire de la naissance
du roi de Wurtemberg, au mois de septembre prochain, le théâtre de la
cour représentera : Axar, opéra de Salieri; le texte est de l'auteur du
libretto de Don Juan, Da Ponte. Lindpaintner avait entrepris d'écrire
une nouvelle instrumentation et des récitatifs nouveaux pour cette
partition; le directeur actuel de l'orchestre du théâtre, Eckert ter-
mine ce travail en ce moment.
,1,*^ Les principaux airs du Comte Ory viennent de paraître transposés
pour différentes voix. — Des transpositions des airs de chant de la Muette
dePortici avaient été publiées récemment.
„,*„, La nouvelle donnée par plusieurs journaux de l'intention qu'aurait
Mme Cabel de se vouer à la carrière italienne et de l'engagement qu'elle
aurait contracté au théâtre San Carlo, est dénuée de fondement. La cé-
lèbre cantatrice chantera cet hiver au grand théâtre à Lyon.
^,*,t L'éditeur Tito di Ricordi vient de faire paraître une traduction de
Struensée, drame en cinq actes, de Michel Béer. Ce n'est pas seulement
de la part du célèbre éditeur une heureuse idée que d'avoir ajouté
cette traduction à celle que Pltalie possède déjà de plusieurs pièces
du répertoire français, mais il a fait preuve d'un grand discerne-
ment en confiant cette traduction au chevalier Andréa Maffei, si connu
dans la république des lettres par ses admirables traductions de Gessner,
de Moore, de Byron, de Klopstock, du théâtre complet de Schiller et
du Paradis perdu de Millon. A l'occasion de cette traduction, le Tro-
vatore ajoute : <■ A présent que voilà Struensée transplanté en Italie, ne
pourrions-nous le voir représenté sur une de nos grandes .scènes lyri-
ques, avec la belle musique de Meyerbeer ? Ce serait un spectacle nou-
veau pour nous et dont le théâtre de la Scala de Milan pourrait pren-
dre l'initiative l'automne ou l'hiver prochain, lorsqu'il aurait une bonne
troupe dramatique ! »
^*,^ Dans sa séance du 11 juillet courant, l'Académie impériale des
beaux-arts de Plnstitut de France a nommé membre correspondant
étranger M. F.-F. de Valdemosa, directeur des concerts de S. M. la reine
d'Espagne et professeur de chant au Conservatoire royal de Madrid.
C'est à Paris qu'en 1838 et 1839 M. F.-F. de Valdemosa perfectionna ses
talents sous la direction de Bordogni et d'A. Elvvart. Professeur de chant,
F.-F. de Valdemosa a doté les grandes scènes de l'Italie d'excellents su-
jets ; compositeur, il tient un rang élevé parmi ceux de sa nation ;
théoricien, il a publié /'^çuinotoïion, ingénieux système qui réduit toutes
les clefs en une seule ; traducteur intelligent, il a, en 1845, traduit en
langue espagnole l'excellent Petit manuel d'harmonie, d'A. Elwart, et grâce
à sa traduction élégante et fidèle, cet ouvrage, à Madrid comme à Paris,
répand les connaissances harmoniques parmi le monde musicah
„,*„ Dn grand concours de musiques militaires, auquel seize régiments"
ont pris part, a eu lieu le 9 juillet à Montmartre. Le SOi^ de ligne
a brillamment enlevé la Marche aux flambeaux de Meyerbeer. Le 60° s'est
distingué dans l'ouverture de Mariha; des applaudissements enthou-
siastes ont été prodigués au 97= de ligne, après sa magnifique exécution
de la conjuration et de la bénédiction des poignards des Huguenots. Ont
été décernés : l"' prix, au 70" de ligne (médaille d'or) ; 2° prix, au 9=
d'artillerie, l'" médaille en vermeil au 3'^ d'artillerie ; 2=, au 75"= de
ligne; 3', au 89'= de ligne. 1'" médaille en argent au 30" de ligne; 2°, au
12" de dragons; 3% au 72« de ligne. Le jury était composé de MM. A.
Tliomas, membre de l'Institut, président ; Georges Kastner, membre
de l'Institut; Bazin, Pasdeloup, Dorus, Gallay et Dauverné, professeurs
au Conservatoire.
^*^ S. M. 4a reine d'Espagne Isabelle II vient de nommer comman-
deur de son ordre royal de Charles Ilf, M. Georges Kastner, membre
de l'Institut.
,j*j, Mme Marchés!, la célèbre cantatrice et profcssora, qui a déjà
fourni tant de sujets brillants aux théâtres de l'Europe, .s'est décidée,
non sans peine, à accepter une position au Conservatoire do Cologne,
mais elle ne s'y rendra qu'à la fin de mars de l'année prochaine et res-
tera tout l'hiver à Paris. Nous avons sous les yeux la lettre charmante
que lui a écrite Rossini pour la remercier de la dédicace des vingt-
quatre vocalises pour mezzo-soprano, dont elle est l'auteur. Son mari,
M. Marches! vient de donner à Londres avec un très-grand succès
une matinée musicale historique, dans laquelle, par suite de l'absence
d'un acteur, qu'on attendait, il a dû jouer le double rôle de lecteur et
de chanteur. On n'en a pas moins rendu pleine justice à l'expression
DE PARIS.
231
puissante et dramatique de sa voix. Benedict tenait le piano avec sa su-
périorité liabitue.le.
^% Les journaux américains sont remplis de détails sur l'entrée de
l'armée française à Mexico. En défilant sur la plaza Major, nos soldats
ont trouvé la garde nationale, qui les a accueillis aux sons de la marche
mexicaine, chant national du pays. Le New York Htrald donne l'histo-
rique de cette composition musicale. C'était en 1848. Henri Herz par-
courait trioiiiphalemeut l'Amérique. Le président de la République, le
général Avista, désirant avoir un air patriotique digne de cette nation,
mit au concours les paroles d'un hymne dont le grand artiste fut en-
suite invité à composer la musique. Henri Herz, inspiré par la circons-
tance, improvisa sur-le-champ, une marche grandiose dont le trio est
tout empreint du caractère de la musique de ce peuple. La marche inexi-
raine devint rapidement populaire; mais qui aurait pu prévoir qu'elle
saluerait un jour l'entrée victorieuse des troupes françaises à Mexico !
^*^ Cette semaine, M. Francis Wartel, l'éminent professeur de chant,
a fait entendre à la salle Herz, trois de ses élèves, Mlles Slarie BoiUy,
Felisson et Christine Nelson. Si les succès qu'ont déjà obtenus au théâ-
tre plusieurs élèves de M. Wartel n'avaient pas établi avec éclat l'ex-
cellence de sa méthode , les qualités qu'ont montrées dans cette inté-
ressante audition les trois jeunes personnes dont nous venons de citer
les noms, ne laisseraient aucun doute à cet égard. Les invités, au nom-
bre desquels on remarquait Ambroise Thomas, ont témoigné à maintes
reprises par leurs applaudissements leur juste appréciation du succès
obtenu par M. Wartel, et le maître n'a pas dû en être moins fier que
ses élèves.
,fc*,s La Musique à Paris, de MM. Albert de Lasalle et Ev. Thoinan, est
un recueil contenant tous les faits et gestes musicaux de l'année 1862.
Nous nous en occuperons prochainement.
^*^ .M. Engel, directeur et chef d'orchestre de l'établissement Kroll à
Berlin, qui se trouvait à Paris la semaine dernière, vient d'engager pour
une série de concerts deux des meilleurs solistes de l'orchestre de Mu-
sard, M.\I. Legendre et Lalliet.
^*^ Une nouvelle œuvre musicale, la Pêche au Trident dans le golfe de
Naples, chœur à quatre voix d'hommes, dont le poëme est de M. An-
tony Deschamps, vient de paraître et d'ajouter une page et un mérite de
plus aux compositious aussi remarquables que variées de M. Ch. Manry.
Ce chœur, dont les paroles sont très-poétiques, a beaucoup de style; la
mélodie est bien empreinte de la couleur locale, et les voix d'hommes,
si difficiles à écrire, sont disposées avec autant d'art que de naturel.
Il sera, sans nul doute, promptement adopté par les sociétés chorales
auxquelles il est destiné.
^*f, Mme BochkoUz-Falconi était la semaine dernière à Paris, qu'elle
quitte définitivement pour se fixer à Vienne, où elle est engagée pour
plusieurs années comme professeur des soprani et contralti à l'école
spéciale de chant du théâtre impérial de Vienne.
.^*^ L'éditeur Pagnerre vient de mettre en vente un nouvel ouvrage
de M. Oscar Commettant : les Civilisations inconnues. C'est une étude
fort curieuse des mœurs du Japon, du royaume Hawaïen, du Paraguay,
du Brésil, du Pérou, etc. La lecture en est des plus intéressantes et
nous en reparlerons.
**„, Aujourd'hui dimanche, au Pré Catelan, grand concert vocal et in-
strumental donné au bénéfice de M. Lalliet, le célèbre hautboïste. La
partie vocale de ce beau festival, dirigé par Musard, sera représentée
par plusieurs artistes, illustrations de nos scènes lyriques, et par de
joyeux diseurs de chansonnettes comiques. Dans la partie instrumen-
tale, on entendra les solistes Danbé, Robyns, Tafifanel et Lalliet. l'iu-
sieurs musiques et fanfares militaires ont bien voulu promettre leur
concours pour cette solennité musicale.
„,'** La foule continue à remplir la jolie salle Robin. Les apparitions
vraiment surnaturelles des spectres justifieront cette affluence. Ce n'est
pas d'ailleurs le seul attrait qu'offrent les séances' de M. Robin, dont
les tours de prestidigitation, les expériences de physique et les ta-
bleaux de la de la formation du globe, suffiraient largement pour inté-
resser les spectateurs.
^"^ Nous venons de perdre le doyen de nos confrères dans la critique
musicale; mais la part qu'il y prenait n'était que la moindre de ses
occupations littéraires et artistiques. Etienne-Jean Delécluze, né à Paris
le 20 février 1781, avait achevé seul une éducation que la révolution
était venue interrompre. D'abord il se voua à la peinture et travailla
dans l'atelier de David; il se produisit même dans plusieurs expositions,
mais en 1814 il renonça au pinceau pour la plume et devint le collabo-
rateur de divers journaux, le Lycée, le illonileur et enfin le Journal- des
Débats, auquel il était attaché depuis plus de quarante ans. Il y rendait
compte des œuvres de peinture, de sculpture, architecture, ainsi que
des représentations du théâtre Italien. Il faut dire que dans cette der-
nière fonction, M. Delécluze était un peu en retard, et que ses admira-
tions, ses affections remontaient presque toutes au commencement du
siècle. Mais il s'était exercé avec succès dans l'histoire et le roman.
Parmi ses meilleures productions , on peut citer Mlle Justine de Liron,
la Première Communion, le Mécanicien roi, Dona OUjmpia, Florence et
ses vicissitudes, Louis David, son école et son temps, Delécluze ne cessa de
travailler qu'en cessant de vivre, et pourtant le travail n'avait jamais été
pour lui qu'un plaisir, et non une nécessité. Propriétaire d'une maison
située rue de Chabanais, au coin de la rue des Petits-Champs, et qu'il
habita toujours, sauf ses résidences à la campagne, il jouissait d'une hon-
nête aisance. C'est à Versailles qu'il est mort, et que ses obsèques ont
eu lieu modestement, en présence de quelques cullaborateurs et amis.
Aucun discours n'a été prononcé sur sa tombe.
f*^ 11 est question d'ériger dans le Rosenthal, promenade située au-
près de Leipzig, un monument au célèbre compositeur Charles Zaelner.
Le comité fera prochaiuement, à cet effet, un appel aux réunions de
chants de l'Allemagne et de l'Autriche.
CHROI^lQUE DÉPARTEMENTALE.
^*^ Cannes. — On nous fait espérer pour la l" août l'inauguration
de notre nouveau casino, dont la construction est dirigée avec la plus
grande activité. Le propriétaire-directeur, M. Cresp, n'épargne rien pour
que cet établissement soit splendidp et n'ait rien à envier à ceux du
même genre que possèdent les grandes villes de l'Europe. La salle du
concert sera magnifique. Les fêtes musicales seront dirigées par un chef
d'orchestre habile, ayant sous ses ordres des artistes nombreux et
choisis et un répertoire â l'avenant. Chaque jour le programme sera
nouveau. On annonce pour le 25 de ce mois l'arrivée du personnel
artistique.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
^*,j Bade. — Après le splendide concert donné de compte à demi entre
Bade et Manuheim, nous avons eu au dernier concert de réunion de la
saison MM. Perelli, Becker et Léon Jacquard. Ces trois artistes, doués,
chacun dans leur genre, d'un talent de premier ordre, ont été largement
fêtés. Une élève de Mme Viardot, Mlle Mera, était chargée de la partie
vocale. Soit timidité, soit défaillance, la jeune artiste s'est montrée fai-
ble dans ce début. Il faut l'entendre une autre fois pour la juger. —
Les représentations de la troupe du Palais-Royal vont faire place à
l'opéra-comique. On annonce pour le 17 l'Epreuve villageoise, avec
.Mme Faure-Lefevreettrois autres artistes du théâtre Lyrique, Mme Duolos,
Reynal et Legrand, et le Chalet, interprété par Jourdan, Balanqué et
Mlle Am. Faivre. — Le 20, le Pré aux clercs nous montrera Mmes Henrion,
Faure-Lefèvre et les chanteurs que nous venons de nommer. — Le fa-
meux ténor Niemann est ici, mais en simple amateur.
^*^ Wiesbaden, — La saison est dans tout son éclat; le nombre des
étrangers qui résident dans notre petite capitale ou qui y ont passé quel-
ques jours, s'élève à près de 18,000 : en moyenne, il nous arrive
.300 voyageurs par jour. Dans la foule qui se promène au Kursaal ou
dans le parc, au bord du lac, on entend parler à la fois presque toutes
les langues de l'Europe; de même, dans les concerts qui ont lieu chaque
jour à la promenade, le lied et la valse des Allemands alternent avec
le quadrille français, la cavatim italienne, le boléro espagnol et les czardas
de Hongrie. Je n'ai pas besoin de vous dire que le nombre des virtuo-
ses qui accourent à nos fêtes est légion. L'administration du Kursaal a
déji donné son troisième concert ; nous y avons entendu le célèbre
ténor Wachtel et le violoniste cosmopolite M. Hauser. Mme Graever a
joué avec le talent que vous lui connaissez, Vadagio et le scherzo du
quatrième concerto symphonique pour p;ano et orchestre, de Litolff.
— Au théâtre, Wachtel a chanté jusqu'ici : G.Brown dans la Dame Blanche;
Raoul dans les Hugwnuti, et le Postillon de Lon jumeau ; son succès a
été des plus brillants dans les trois rôles. — Le Maennergesanyvereinde
Cologne a donné deux concerts, qui ont, comme toujours, attiré beau-
coup de monde.
,^*,^ Scluvalbach. — Meyerbeer est parmi nous depuis une quinzaine.
A son arrivée, nos sociétés de chant ont organisé, en son honneur, une
ovation aux flambeaux et lui ont doniié une sérénade.
.^*,^Mu7ïich. — Mlle Anna Deinet a chanté avec le plus grand succès
le rôle d'Isabelle (Robert), celui de Martha et celui de Léonore {Trouvère),
au théâtre de la cour. A la suite de ce brillant début, Mlle Anna Deiuet,
qui est de Francfort, a été engagée au théâtre de cette ville. — Le
célèbre peintre Cornélius, qui habite parmi nous, termine en ce mo-
ment un opéra eu trois actes, dont le sujet est tiré du Cid.
^*,^ Vienne — A l'occasion du centième anniversaire de l'inaugura-
tion du théâtre de la cour, on y a joué la Flûte enchantée de Mozart ;
Mlle Weyriiiger s'y est particulièrement fait remarquer dans le rôle de
la reine de la Nuit. Son second début dans le rôle d'Isabelle {Robert} a
été plus heureux encore. Schmid est à coup sûr aujojrd hui un des
meilleurs interprètes du rôle de Bertram ; son puissant organe, l'ex.
pression dramatique de son jeu ont produit un grand effet dans les scènes
du deuxième et du troisième acte; enfin Mlle Krauss et Mlle .Millerscheclc
ont été plusieurs fois très-vivement applaudies Cette représentation
du chef-d'œuvre de Meyerbeer a été marquée par un incident assez
curieux ; pendant l'ouverture, le gaz s'est éteint, et tout le premier
acte a été joué au milieu d'une nuit profonde.
232
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l'Exposition universelle de Londres, en 1851. — Exposition universelle de Paris, 1855, les plus belles pages du Rapport officiel, 27'°= Classe, pages 1835-1336. —
Exposition universelle du Londres, 1862, PltlZE MEDAL, avec cette mention : POUR EXt!Klil..EI«CE DE TOUTE ESPÈCE D'INSTRUMBNTS DE CUIVRE.
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au premier rang, d'accorder à l'unanimité, à M. Henri HERZ, la médaille, en motivant cette distinction par la perfection
reconnue clans tous les genres de Pianos et sous le rapport de la solidilé, de la sonorité, de l'égalité, et la précision du
mécanisme dans les nuances d'expression. (Rapport du Jury international.)
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conséquent comme son ; supérieur comme justesse ; supérieur comme création de famille complète ; supérieur comme facilité et
unité de doigté ; supérieur comme forme ou contour des lubes pour l'émission des sons ; supérieur comme forme pour le pla-
cement et le maniement de l'instrument ; supérieur comme ayant une njênie direction des sons (avantage pour l'auditeur de
recevoir tous les sons avec la même puissancf')^ supérieur en ce que quelques jours suffisent pour former, avec des amateurs ou
de simples conscrits milit.aires, une musique passable; supérieur en ce que les plus gros instruments comme les petits se
tiennent facilement au moyen de la main gauche et du bras gauche, et laissent le bras et la main droite entièrement libres,
et dans la meilleure position pour le jeu des doigts sur les cylindres ; supérieur en ce que, quand un élève a déjà fait di-s
études et qu'il est obligé de changer d'instrument faute de disposition des lèvres ou par tout autre motif, ses études acquises
servent pour le nouvel instrument, soit trompette, trombone ou tout autre instrument ; supérieur en ce que Ton peut faire les
étuiles les plus longues et les plus difficiles sur l'instrument qui fatigue le moins et les reporter sur d'autres plus durs à jouer
ou plus lourds à porter; supéiieur en ce que, dans les sociétés ou dans un régiment de cavalerie, surtout lors des congés, il
arrive souvent que tous les artistes d'une même catégorie d'instruments partent, et que, dans ce cas, on peut les remplacer
en prenant des musiciens dans les parties les mieux garnies pour occuper ou remplacer les parties manquantes; supérieur en
ce qu'on ne craint pas les coups de tète des chev:iux, qui, avec les anciens instruments, brisaient parfois les dents au cava-
lier; supérieur en ce que l'on peut jouer, le cheval au trot ou au galop, l'instrument suivant toujours les mouvements du
corps; supérieur pour la musique on marche en ce que l'instrument ne se dérange pas sur les lèvres, et conserve par consé-
quent la même sonorité qu'au repos; supérieur pour les corps de musique et pour le militaire surtout, oii tout est régulier
les musiciens et les instruments d'après le système ancien), en ce que tout le monde se trouve dans la même position, toutes les mains à la même
instruments penchés de gauche à droite; supérieur, pour la musique à cheval ou de cavalerie, en ce que si, pendant (jue l'on joue, le cheval vient
est facile de ressaisir les brides pour le rameiier, sans déranger l'instrument de sa position. (f/îTxl
Tou! bs insirntmDt! lortoni de la fabrique porieni l'inseription snivanie : Adolphe Sax, à Paris, facteur de la maisou militaire de l'Empereur, ^§\
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Avcc le procbatn noinéro, nos abonnés recevront
un morceau de piano intitulé Bereeuae, première
œuvre de FERDINAIVD SCHOEIV.
SOMMAIRE. — Tliéâtre impérial de l'Opéra : reprise des Vêpres sicilienyies, pa-
roles de Scribe et Duveyrier, musique de Verdi. — Floquet (3' article), par
Arthur Poogin. — Conservatoire impérial de musique et de déclamation :
concours publics. — J. Hajdn et les princes d'Esterhazy (4' et dernier article).
— Coriespondance : Londres. — Nouvelles et annonces.
THEATRE IMPERIAL DE L'OPÉRA.
Reprise des Vêj^rea aicitiennea.
Paroles de Scribe et Duveyrier , musique de Verdi.
(Lundi, 20 juillet.)
L'apparition des Vêpres siciliennes remonte au mois de juin 1 855.
Jérusalem et Louisa Miller, deux opéras du même maître, avaient
été donnés déjà sur le même théâtre; mais ce n'étaient que des tra-
ductions, des arrangements, des importations d'Italie, plus ou moins
revues et corrigées; tout au contraire, la musique des Vêpres sici-
liennes avait été expressément composée par Verdi pour notre scène
française. On s'en aperçoit sans peine aux changements qu'a subis
la manière du compositeur. Quoique la force et la grandeur ne man-
quent pas à la partition nouvelle, on y respire un certain soufQe
d'élégance et de grâce dont ses autres ouvrages alors connus, même
le Trovafore, représenté six mois plus tôt au théâtre Italien, ne don-
naient pas l'idée.
La fortune des Vêpres siciliennes profita largement des circons-
tances. C'était l'année de l'exposition universelle, qui remplissait la
vaste salle de l'Opéra de spectateurs venus de tous les coins du
monde; et puis Sophie Cruvelli, ce météore, cette comète à l'éclat
prestigieux, Sophie Cruvelli, disons-nous, déployait sa rare beauté,
sa voix plus rare encore dans le rôle de la duchesse Hélène. Guey-
mard, Obin, Bonnehée, dans toute la fleur de leur talent, chantaient,
à côté d'elle, les rôles de Henri, de Procida et de Montforl Le suc-
cès fut grand, mais il ne se prolongea pas : la fin de l'exposition, le
départ de la cantatrice, en marquèrent le terme; les diverses re-
prises tentées depuis cette époque ne produisirent que peu d'effet.
Qu'adviendra-t-il de celle qui s'est accomplie lundi dernier? Rien
n'a été négligé pour la résurrection de l'œuvre ; le compositeur lui-
même a présidé aux répétitions, qui ont été nombreuses. Obin et
Bonnehée ont gardé leurs rôles, mais Mlle Marie Sax a pris la place
de Sophie Cruvelli, et Villaret celle de Gueymard. Puisqu'il fallait
absolument donner d'autres interprètes aux personnages d'Hélène et
de Henri, on ne pouvait rien trouver de mieux. Mlle Marie Sax est
une jeune et belle cantatrice : sa voix a de la puissance, de l'accent
dramatique ; on lui voudrait un peu plus de nuances, de lé-
gèreté, dans quelques moments. A tout prendre, c'est une des voix
les plus riches qne l'on ait entendues à l'Opéra : ses progrès sont
remarquables, et il lui est permis de chanter Is rôle d'Hélène, tel
qu'il avait .été écrit pour Sophie Cruvelli, sans y rien changer, sauf
le trille du charmant boléro qu'elle supprime. Heureusement le bo-
léro n'y perd pas grand'chose ; on l'applaudit et on le redemande,
comme aux premiers temps, et c'est toujours ce morceau qui a l'hon-
neur de soutenir le cinquième acte.
k l'air que chantait Gueymard, au commencement du quatrième,
le compositeur a substitué une romance dont le principal mérite est
de fournir à Villaret l'occasion de développer sa voix dans toute son
étendue et tout son charme. Villaret, lui aussi, a fait dts progrès,
mais pas assez pour qu'on ne regrette pas Gueymard. C'est déjà un
chanteur que l'on écoute avec grand plaisir ; ce n'est pas encore un
artiste s'identifiant avec le rôle qu'il joue. Parviendra-t,-il jamais à
le devenir? c'est ce que nous verrons; en attendant, le doute est
possible. 11 avait été question de donner à Cazaux le rôle de Procida,
créé par Obin d'une façon magistrale ; Obin est revenu à temps pour
rentrer dans son bien. Nul n'aurait dit aussi bien que lui l'air qui
ouvre le second acte : Et toi, Palerme, 6 beauté cju'on outrage, et
qui lui vaut chaque fois plusieurs salves de bravos les mieux mé-
rités.
Le ballet des quatre saisons est plus que jamais l'épisode heureux
du troisième acte. On l'a rajeuni de toutes les manières, et quand on
regarde les danseuses qui en font les honneurs, en n'aperçoit que
le printemp.s. Mlle Vernon, Mme Zina-Mérante, Mlles Schlosser et
Villiers s'y disputent le prix, qu'on serait tenté d'accorder à toutes
les quatre. Il y a aussi au second acte une charmante tarentelle, que
dansent avec beaucoup de verve Mlle Baratte et Réraond La seule
chose que la direction actuelle n'ait pu rendre aux Vêpres skilieniies,
c'esti l'exposition universelle ; mais la locomotion habituelle a pris un
tel essor depuis huit années qu'elle est tout près d'égaler ce que l'on
avait alors , et que les opéras anciens ou nouveaux n'ont plus rien
à craindre de la chaude saison, même sans le secours des circons-
tances extraordinaires.
P. S.
234
REVUE ET GAZE'ITE MUSICALE
CONSERVATOIRE IMPÉEIAl DE lUSIQUE ET DE DÉCLAMATION.
Concours publics.
Aujourd'hui nous nous bornerons à enregistrer les résultats des
concours qui ont eu lieu pendant la semaine ; nous y reviendrons
dimanche prochain avec plus de détails, et nous parlerons en même
temps des concours qui vont terminer la série annuelle dans les
séances de lundi, mardi et mercredi prochains.
Lundi, 20 juillet, harpe (professeur, M. Prumier). — Pas de premier
prix; 2' prix, Mlles Waldteufel et Rapp. 1" accessit, Mlle Jansen.
Piano (classes des hommes). — l" prix, M. Delahaye, élève de
M. Marmonte! ; a^e prix, M. Martin, élève du même. 1^ accessit,
MM. Suiste, élève de M. Mathias, et Launay, élève de M. Marmontel ;
2°" accessit, MM. Lack et Power, élèves du même; 3°"= accessit,
M, Lœwenlhal, élève de M. Mathias.
Classes des femmes. — 1" prix, Mlles Jeanne Cellier et Lévy,
toutes deux élèves de M. Lecouppey, et Deshays-Meifred, élève de
Mme Coche; 2"*= prix, Mlles Jungk, élève de M. Henri Herz, de Bié-
ville et Paul Gayrard, élèves de Mme Coche, l'^' accessit, Mlles Can-
tin, Noël et Laviolette, élèves de M. Lecouppey; 2™ accessit,
Mlles Abazaer, élève de M. Lecouppey; Lenoir, élève de Mme Far-
renc, et Delage, élève de M. Henri Herz; 3""= accessit, Mlles Davi-
gnon-Monpou, élève de M. Lecouppey, etLeybaque, élève de M. Henri
Herz.
Mardi, 21 juillet, chant (hommes). — l"' prix, M. Bach, élève de
M. Grosset; 2"" prix, M. Souslelle, élève du même. 1«' accessit,
M. Vidal, élève de M. Laget, et M. Pons, élève de M. Grosset; 2°"= ac-
cessit, M. Bougé, élève de M. Masset, et M. Simon, élève de
M. Grosset ; 3""= accessit, M. Mareux, élève de M. Masset, et M. Bos-
quin, élève de M. Laget.
Mercredi, 22 juillet, chant (femmes). — 1" prix, MlleEbrard, élève
de M. Laget, et Mlle Rey, élève de M. Révial ; 2""= prix, Mlle Lagye,
élève de M. Grosset. 1'^' accessit, Mlle Lévy, élève de M. Grosset;
Mlle Lombia, élève de M. Fonlana, et Mlle de Beaunay, élève de
M. Laget; 2"'"= accessit, Mlle Laporte, élève de M. Révial; Mlle Gas-
ton, élève de M. Laget, et Mlle Roumieu, élève de M. Grosset; 3""
accessit, Mlle Mauduit, élève de M. Laget; Mlle Pichenot, élève du
même, et Mlle Icard, élève de M. Giuliani.
Jeudi, 23 juillet, opéra-comique (hommes).— Pas de premier prix ;
2™ prix, MM. Troy, élève de M. Mocker; Vidal, élève de M. Morin,
et Caillou, élève du même. 1" accessit, MM. Rougé, élève de
M. Mocker, et Mareux, élève de M. Morin; 2""° accessit, M. Simon,
élève de M. Mocke. ; 3""= accessit, M. Lozier, élève de M. Morin.
Femmes. — 1'=' prix, Mlle Ebrard, élève de M. Morin ; 2""= prix,
Mlle Lagye, élève du même, l'"' accessit, Mlle Lévy, élève de
M. Mocker; 2""= accessit, Mlle Pichenot, élève du même, et Mlle Rou-
mieu, élève de M. Morin.
Vendredi, 24 juillet, violoncelle. — 1" prix, MM. Thalgrun et Ca-
bassol, élèves de M. Franchomme; 2""= prix, M. Schidenhelm, élève
du même, l'"' accessit, MM. Bernardel et Darecq, élèves du même ;
2"'' accessit, M. Waldteufel, élève du même; 3""= accessit, M. Delsart,
élève du même.
Violon. — r'- prix, MM. Colonne, élève de M. Sauzay, et Desjar-
dins, élève de M. Massart; 2""= prix, MM. Montardon, élève de
M. Dancla, et Chomanowski, élève de M. Massart. l^' accessit,
MM. Wehrié, élève de M. Alard, et Taudou, élève de M. Massart.
Trois autres premiers- accessits ont été donnés à Mlles Bastin, élève de
M. Alard; Fanny Clauss, élève de M. Dancla, et Vivien, élève de
M. Alard ; 2'"" accessit, MM. Gatelier, élève de M. Sauzay, et Rinck,
élève du même; 3»"^ accessit, M. Paquolte, élève de M. Dancla.
Samedi, 25 juillet, opéra (hommes). — !■=' prix à l'unanimité,
M. Soustelle, élève de M. Duvernoy ; 2""= prix, MM. Rougé, élève de
M. Duvernoy, et Colomb, élève de M. Levasseur. !"■■ accessit,
MM. Faure et Juillia, élèves de M. Duvernoy; 2""' accessit, M. La-
vitte, élève de M. Duvernoy; 3°"^ accessit, M. Wagner, élève de
M. Levasseur.
Femmes. — 1'^'' prix à l'unanimité, Mme Soustelle, élève de
M. Duvernoy; 2°"' prix, Mlles Lombia et Azimon, élèves de M. Du-
vernoy. \" accessit, Mme Nivet, élève de M. Levasseur, et Souka,
élève de M. Levasseur; 2""^ accessit, Mlles Laporte, élève de M. Du-
vernoy, et de Beaunay, élève de M. Levasseur.
Ce dernier concours a été des plus brillants ; il s'est signalé par
un fait jusqu'ici sans exemple. Un mari et une femme, unis depuis
peu de temps, y ont obtenu chacun un premier prix, décerné par le
jury à l'unanimité.
FLOODET.
(3' article) (1).
Azolan ou le Serment indiscret, « ballet historique » en trois actes,
fut donc représenté à l'Opéra le 22 novembre lilk et joué par Lar-
rivée, Legros, Beauvalet, Mlles Beaumesnil et Rosalie, au milieu de
manifestations ouvertement et systématiquement hostiles de la part
du public. C'est ce qui ressort des lignes que Bachaumont, le 23 no-
vembre, consacre à l'annonce du nouvel ouvrage : « On a remarqué
dans le parterre visiblement deux partis ; ce qui empêche de fixer
encore une opinion certaine sur cet ouvrage. » Et plus encore de
celles-ci, qui sont du 1" décembre : « L'opéra A'Asolan, que les mau-
vais plaisants appellent désolant, excite une guerre vive entre les par-
tisans de Floquet et ceux de Gluck. Ces derniers intriguent tellement
que l'orchestre s'y prend de son mieux pour faire tomber l'ouvrage
du compositeur français, par son exécuiion gauche et capable de dé-
sorienter les chanteurs et même les danseurs. C'est au point que le
mardi, jour de la quatrième représentation, les directeurs n'ont pas
eu 100 louis de rétribution. Le pauvre Floquet a été obligé de faire
des bassesses auprès de ces ménétriers, pour les solliciter en sa fa-
veur et leur faire oublier les choses dures qu'il leur avait dites dans
ses moments d'humeur. Les défenseurs de ce musicien, en convenant
de la supériorité des talents de l'Allemand, ajoutent qu'il y a de très-
jolis morceaux dans Asolan, et qu'enfin on doit encourager un jeune
homme qui n'a que vingt-quatre ans, et ne pas le comparer à un
compositeur consommé de soixante. » Enfin il dit, trois jours après :
« Azolan, malgré la forte cabale contra're, et les mauvaises inten-
tions des acteurs et de l'orchestre, se soutient et acquiert même du
succès (2). »
Asolan, cependant, n'obtint point de succès réel, et ne fut joué
que peu de temps. C'est alors que Floquet, dont l'éducation musi-
cale était restée incomplète, se décida, sur les conseils de quelques
personnes qui s'intéressaient à lui et lui offraient d'en faire les frais,
à entreprendre un voyage en Italie afin de perfectionner son talent.
Le comte de Maillebois, qu'il avait connu par l'entremise de son col-
laborateur Lemonnier, prit l'initiative d'une souscription dans ce but,
et bientôt les fonds suffisants ayant été réunis, le jeune homme se
mit en devoir de franchir les Alpes. Il partit dans les premiers mois
de 1775 et resta envijon deux ans hors de France.
A peine s'était-il éloigné que l'Opéra reprit VUnion de l'Amour et
des Arts, qui obtint un très-beau regain de succès. Floquet l'apprit
à Naples, où il s'était rendu tout d'abord pour étudier le contre-
point avec Sala. Cette nouvelle lui devait être d'autant plus agréable
que sa pièce avait été remise à la scène à cause que YOrphée, de
Gluck, joué l'année précédente, venait lui-môme d'être repris sans
succès.
(1) Voir le n° 27.
(2) Mémoires secrets pour servir à l'histoire de la République des lettres.
DE PAHiS.
235
Il séjourca quelque temps à Naples, et se rendit à Bolo-
gne, où il suivit les leçons du père Martini. Après avoir complété ses
éludes avec ce dernier maître, et avant de s'éloigner de Bologne,
Floqiiet voulut se faire rei;evoir membre de l'Académie des philhar-
moniques de cette ville, ce qui alors n'était pas un vain titre. Les
aspirants à cette dignité avaient trois séances pour faire leurs preu-
ves : dans la première, ils devaient composer une fugue à cinq
parties; dans la seconde, un motet à voix seule, enfin, dans la troi-
sième, un canto fermo. Floquet n'abusa pas du temps que les règle-
ments laissaient à sa disposition, et, dans une seule séance de deux
heures et demie, il remplit si bien les conditions de celte triple
épreuve qu'il obtint d'emblée son diplôme.
11 relourna ensuite à Naples, où il fit exécuter un Te Deum
solennel. Bachaumont nous donne encore des détails à ce sujet :
« Tandis que M. Floquet, dit-il le 28 août 177ti, partage ici la scène
lyrique avec le chevalier Gluck {V Union de l'Amour et des Arts avait
été reprise de nouveau le 9 juin 1776, et l'Opéra la donnait concur-
remment avec Alceste, qui était alors dans sa nouveauté; cet ou-
vrage est le seul, et cela confirme son mérite, qui put se soutenir à
la scène à côté des chefs-d'œuvre du maître allemand), on écrit d'I-
talie qu'il y jouit du plus grand succès: que le 5 juillet dernier, ayant
fait exécuter à Naples un Te Deum de sa composition devant une
assemblée très-brillante, il a reçu des applaudissemens unanimes ;
que le prince d'Ardore, grand claveciniste, lui a dit des choses tout
à fait flatteuses ; mais que ce qui l'a le plus ravi, c'a été de s'en-
tendre louer par les plus habiles professeurs de l'école de cette ville,
tels que les sieurs ^sdrile, Duamicis et Sala. Une belle et sublime
invention, si l'on en croit le rapport des connoisseurs, caractérise
surtout cette nouveauté, où la musique imitative est d'ailleurs pous-
sée à une expression singulière, multipliée et variée à l'infini. Du
reste, une fécondité étonnante, beaucoup de naturel, une noblesse
soutenue, et quantité de chant confirment et décident un talent su-
périeur dans l'auteur (l). )<
De Naples, Floquet se rendit à Florence, où une troupe française,
dirigée par un nommé Rutini, représentait avec grand ^succès les
ouvrages de Grétry. Il écrivit de celte ville au célèbre compositeur
une lettre datée du 19 septembre 1776 et dont j'extrais les lignes sui-
vantes : « On vous met ici au-dessus de tous les maîtres qui ont tra-
vaillé dans ce genre (celui de l'opéra-comique) ; M. le marquis de
Ligniville, parent du grand-duc, m'a dit qu'un seul morceau de Zé-
mire et Azor achèteroil tous les o/ieca-comiques italiens qui ont été
faits depuis trente ans... Le quatuor de Lucile a été recommencé
trois fois avec des applaudissemens étonnans. Je vous rends les
choses telles qu'elles se sont passées. Vous devez des remercimens
au signor Rutini, maître de chapelle de cette cour, qui a fait toutes
vos répétitions avec la même exactitude que si les ouvrages lui eus-
sent appartenu ; et les jours de représentations, il s'est mis lui-même
au clavecin pour faire aller l'orchestre. Je crois que sous peu de
tems on verra l'opéra de Zémire et Asor sur tous les théâtres d'I-
talie. »
Enfin, après deux années de voyages et de travaux, Floquet ren-
tra en France, où de nouvelles épreuves l'attendaient. Avant de cou-
rir une troisième fois les chances de la scène, avant même de s'oc-
cuper d'une nouvelle œuvre dramatique, il voulut faire connaître
aux amateurs le Te Deum qui lui avait valu à Naples tant de succès
et de si honorables suffrages. C'est le 20 mai 1777 qu'il fit exécuter,
au Concert spirituel, cette importante production : l'effet fut tout
contraire à ce qu'il en attendait, et le jugement général ne lui fut
pas favorable. Las critiques ne lui manquèrent pas, et on lui repro-
cha principalement des réminiscences d'œuvres connues , trop peu
d'ampleur dans la forme et un emploi trop exclusif des forces ins-
(1) Mémoires secrets, etc.
Irumentales. J'enregistre strictement, à ce sujet, les appréciations des
contemporains, celte œuvre n'étant pas venue jusqu'à nous.
Cette rentrée dans la carrière n'était pas encourageante, et Floquet
préludait mal aux nouveaux succès qu'il espérait remporter à la
scène. Nous allons le revoir à l'œuvre.
IV.
Une fois réinstallé à Paris, Floquet ne songea plus qu'à se re-
mettre au travail. L'occasion devait lui en être fournie bientôt; mais
le sort du nouvel ouvrage qu'il allait entreprendre ne fut pas
heureux, et le résultat fâcheux de son troisième essai tint aux
circonstances singulières qui signalèrent le laborieux enfantement du
poëme dont il eut le tort de se charger.
Un M. de la Boullaye, intendant de la ville d'Auch en même temps
que maître des requêtes, amoureux fou de musique sans y rien con-
naître, avait trouvé dans un fatras de papiers dont- il avait hérité,
le livret d'un opéra en cinq actes intitulé Hellé. D'aucuns prétendirent
qu'il avait acheté ce manuscrit d'un pauvre diable. Quoi qu'il en soit,
comme le titre d'homme de lettres (même in partibus) donnait un
certain poids dans le monde, l'ambitieux maître des requêtes conçut
le projet de faire mettre cet ouvrage en musique , d'en obtenir la
représentation sur notre première scène lyrique et de se proclamer
l'auteur du poëme. Par malheur, ce poëme n'était pas en état de voir
le jour: il y fallait faire des changements importants, que le sieur
de la Boullaye était parfaitement incapable de mener à bonne fin.
Après quelques hésitations, il prit l'héroïque parti de s'adresser à
Crébillon fils et de lui demander des avis ; celui-ci lut le manuscrit,
y trouva de bonnes situations musicales, mais déclara qu'il fallait
refaire l'ouvrage presque entièrement et le raccourcir beaucoup. L'au-
teur prétendu consentit sans trop se faire prier, et tous deux se
mirent de la partie. Les voilà donc à l'œuvre, coupant de ci, rognant
de là, retranchant de nombreux vers d'un côté, en ajoutant quel-
ques-uns de l'autre; bref, faisant tant et si bien qu'à l'issue de ce
travail, la pauvre Hellé, eslropiée et réduite à quatre actes, leur parut
un chef-d'œuvre accompli, digne des accents inspirés d'un musicien
de génie.
M. de la Boullaye était un des protecteurs de Floquet, auquel
peut-être il avait eu l'occasion de rendre de réels services ; il lui porta
\e malencontreux livret, fruit avorté de ses labeurs opiniâtres, en le
priant de le mettre en musique. Floquet ne se le fit pas dire deux
fois. Il travaillait depuis peu de temps à sa nouvelle partition, lors-
qu'un jour son premier collaborateur, Lemonnier, venant le voir et le
trouvant assis à son clavecin, jeta les yeux sur le manuscrit posé sur
l'instrument: c'était celui d'/Zc'/t'. Or, voici que dans ce manuscrit
Lemonnier reconnaît, à n'en pouvoir douter, un opéra qu'il avait fait
au sortir du collège et relégué plus tard au fond de ses cartons sur
le refus de Mondonville, auquel il l'avait présenté pour qu'il en
écrivît la musique. Gomment ce manusicrit était-il ensuite sorti de
chez lui, comment le lui avait-on dérobé? c'est ce qu'il fut impos-
sible de découvrir. Floquet continua nonobstant son travail, et l'ouvrage
fut bientôt prêt à être présenté à l'Opéra, qui avait changé de direction.
Hellé fut en effet présentée, et l'administration de l'Opéra voulut
bien la recevoir, à condition qu'elle serait encore revue et diminuée.
Le nouveau directeur, de Vismes, chargea un sien frère, un certain
de Saint-Alphonse, de cette opération. Hellé, donnée le 5 janvier 1779,
n'eut que trois représentations. Cette fois encore, comme lors de
l'apparition d'Azolan, Floquet semble avoir été la victime d'une op-
position systématique. Floquet, le seul romposileur français éclos de-
puis quelques années qui donnât des espérances pour l'avenir d'un
art national, devait succomber sous les attaques acharnées des diffé-
rentes sectes opposantes, gluckiste, piccinniste, bouffoniste, luUiste,
ramiste, qui, ennemies les unes des autres, mais ne voulant pas lais
ser renverser leurs idoles, se réunirent dans un commun effort pour
236
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
faire sombrer le jeune musicien assez audacieux, bien que Français
et vivant, pour faire montre d'un talent réel.
Floquet s'était engagé à livrer son ouvrage à de Vismes moyennant
une rétribution de 10,000 livres, dont un quart seulement devait lui
être payé immédiatement, le reste de la somme étant échelonné en
plusieurs paiements, qui prenaient époque sur tel nombre fixé de re-
présentations. La pièce n'en ayant eu que trois, le surplus du mar-
ché se trouva annulé de fait, et le compositeur dut se tenir satisfait
de ce qu'il avait reçu d'abord.
Arthur POUGI.N.
{La suite prochainement.)
J. HÂTDN ET LES PRINCES D'ESTEBHÂZT.
(4^ et dernier article) (1).
Par malheur, Nicolas-Joseph, cet excellent prince, ne devait point
voir son protégé parvenir à l'apogée de sa gloire. Les principaux
ouvrages d'Haydn, ceux qui assurent l'immortalité à son nom, ont
paru presque tous après sa mort, sous le prince Antoine, qui ne régna
que quatre ans, et que Haydn, alors en Angleterre, ne vit qu'en
passant, et pendant le règne du prince Nicolas, sous lequel il vécut
quinze ans, de 1794 jusqu'à son dernier jour.
Les renseignements que j'ai pris au sujet de ce prince dans le
pays ont singulièrement modifié le portrait que nous en font les
notices biographiques.
Le caractère compliqué de ce bizarre personnage doit rester une
énigme psychologique pour quiconque ne tient pas compte de la
marche qu'avait suivie son éducation. Il avait passé sa jeunesse au-
près du comte Esterhazy, archevêque d'Erlau, l'un des hommes les
plus nobles, les plus vertueux dont on ait jamais entendu parler.
Toute sa vie n'a été qu'une chaîne non interrompue de bienfaits et de
bénédictions ; et finalement, après avoir fondé une infinité d'écoles et
d'hospices, d'églises et d'hôpitaux, auxquels, par humilité chrétienne,
il n'avait pas même attaché son nom, il mourut tellement pauvre
qu'on ne trouva pas chez lui de quoi payer les frais d'enterrement.
Au sortir de cette excellente école, le prince entra dans celle du
grand monde, que ses voyages dans toutes les parties de l'Europe lui
avaient fait connaître, avec son luxe, ses folles dépenses, et la jactance
de ses goûts artistiques. Après la mort du prince Antoine, il avait
enfin recueilli cet immense héritage, qui, comme on sait, a fait de
cette maison princière une des plus riches de l'Europe.
Ces circonstances nous expliquent en partie les contrastes, inconci-
liables, en apparence, qu'offrait le caractère du prince Nicolas. Il
était dévot et allait deux fois par jour à l'église, matin et soir, et
dans la société il joignait l'aisance aimable de l'homme du monde à la
dignité du grand seigneur. Sobre et d'une tempérance sévère dans
les jouissances de la table, il déployait d'un autre côté un faste qui
dévora peu à peu son immense fortune. A sa cour se trouvaient par-
fois réunis quarante à cinquante seigneurs des premières familles de
l'Europe, surtout à l'époque des célèbres chasses d'automne. Ce de-
vait être un singulier et imposant spectacle lorsqu'aux jours de grande
fête tous ces personnages, et parmi eux le prince, dont le costume
hongrois tout chargé d'or et de pierreries valait plus d'un million
de florins, se rendaient en carrosses à quatre et six chevaux riche-
ment harnachés, précédés de coureurs dans leur costume fantasti-
que, à la VergJiirdie, escortés de deux cents hommes de'la magnifique
garde du prince, et de cinquante chasseurs ii cheval, pendant que des
hauteurs voisines tonnaient des pièces de 12 et de 24.
(1) Voir le n» 27.
D'après ce qui précède, le lecteur comprend h quoi il faut s'en
tenir au sujet de l'amour des arts chez ce prince, notamment par
rapport à la musique et au grand compositeur qui en était le repré-
sentant à sa cour. En tirer vanité, être à cet égard comme pour le
reste le premier gentilhomme de l'Europe, voilà à quoi cela se ré-
duit, quand on y regarde de près. Son goi!it pour les compositions
religieuses de Michel Haydn, de Reulter, de Hoffmann, ne doit pas
nous faire illusion ; évidemment ce n'était qu'une manie se rattachant
à des impressions de jeunesse reçues à Erlau, chez cet homme qui
ne comprenait ni Palestrina, ni Bach, ni Haendel, ni Joseph Haydn,
et qui, dans les arts et en littérature, ne possédait que l'instruction
sommaire d'un homme du monde.
Ce n'est guère qu'à cet amour du faste que la célèbre chapelle
doit son origine. Jamais un particulier n'en eut de pareille ; dans ses
beaux jours elle comptait jusqu'à quatre-vingts artistes, tous vir-
tuoses. Il y avait, pour ne citer que les plus connus : Henneberg,
Bévilaqua, les deux Tomasini, les deux Prinster , HyrtI , Forti ,
Wild, etc. ; des gentilshommes amateurs y faisaient quelquefois leur
partie, tels que le prince Rasoumowski, comte Fuchs, Lamberg. Un fait
qui témoigne de l'excellence de cette chapelle, c'est qu'en 1818 année
où elle fut dissoute, les biens du prince ayant été mis sous séquestre,
les artistes qui en faisaient partie trouvèrent immédiatement à se re-
placer avantageusement, soit dans des chapelles de cour, soit dans de
riches familles nobiliaires. Ce qui prouve combien le prince était fier
d'avoir à son service ce corps d'élite musical, c'est qu'aux bals qui
avaient lieu au château, c'étaient des musiciens qu'on faisait venir
du dehors qui jouaient les airs de danse, tandis que les membres de
la chapelle se trouvaient dans la salle à titre d'invités.
Parfois, le prince invitait des célébrités musicales à Eisenstadt ; on
y vit venir Salieri, l'abbé Vogler, Gyrowelz, Kreutzer, Beethoven. Ce
dernier ayant cru remarquer que le prince et Hummel avaient ac-
cueilli d'un air narquois sa messe en ut, se remit en route immédia-
tement, et partit comme un ouragan.
Le vice-maître de chapelle Fuchs conduisait l'orchestre quand il
exécutait dés morceaux de musique d'église ; Hummel dirigeait les
concerts et les opéras. Même après avoir été mis à la retraite, Haydn
conserva le rang et le titre de chef d'orchestre ; il dirigeait en per-
sonne ses compositions; pour le reste, il ne jouissait nullement à la
cour du prince de l'autorité et du crédit auxquels sa célébrité et ses
chefs-d'œuvre lui auraient donné droit. Ce fait étrange m'a été cer-
tifié par tous les témoins que j'ai encore trouvés vivants.
Les procédés du prince, qui ne lui donnait quelque marque de
faveur que lorsqu'elle lui était arrachée par l'intercession de la prin-
cesse Marie, son épouse, le confirmeraient, ainsi que le silence élo-
quent que Haydn gardait au sujet de ce prince, tandis que de son cœur
débordaient des paroles de reconnaissance et d'amour pour le prince
Nicolas-Joseph et la princesse Marie. Du reste, les humiliations qu'il
lui fallait essuyer de la part du singulier personnage sous lequel il
devait terminer ses jours, ne troublaient en rien la sérénité et la
bonhomie du grand compositeur, auquel les économies faites pendant
son séjour h Londres assuraient d'ailleurs une existence indépendante.
Une fois seulement, par occasion, il dit à la cantatrice, Mme Siiss,
qu'il était dur pour un homme de son âgs d'aller à pied, tandis que
le valet de chambre avait un équipage à sa disposition.
En revanche, les artistes de l'orchestre avaient pour lui le dévoue-
ment le plus enthousiaste. Mais ce qui devait surtout consoler Haydn
du peu de sympathie que lui témoignait son Mécène, c'était l'attache-
ment et la vénération qu'éprouvait pour lui la princesse Marie : elle
le soignait, elle le choyait avec la tendre sollicitude d'une mère pour
son nourrisson ; détournant de son favori les humiliations, lui faisant
parvenir les bons morceaux. De son côté, Haydn chérissait sa pro-
tectrice, et lui avait voué l'amitié la plus vive et la plus respec-
DE PARIS.
237
tueuse. <t Sans la princesse Marie et le vin généreux qu'elle m'en-
voie, répélait-il souvent, c'en serait fait de moi, pauvre vieillard que
je suis. »
Le Docteub L**'-
Nul n'est, Jit-on, prophète en son pays. M. Adolphe Sax vient de
donner un éclatant démenli à ce vieil adage. Il n'est bruit à Bruxelles
que du triomphe obtenu par les récentes inventions de l'habile fac-
teur : ses inslruments à pavillons tournants, à six pistons et à tubes
indépendants. Nous avons rapporté, il y a une quinzaine, l'effet pro-
digieux produit par le trombone et la conlre-bas?e , aux mains de
MM. Hollebecke et Robyns ; ce sont les mêmes artistes qui se sont
chargés d'initier les Bruxellois à la justesse, à la sonorité, à l'agilité
de ces instruments incomparables, et c'est encore dans le beau duo
composé sur des thèmes de Guillaume Tell, par M. Demersmann,
que ces excellents virtuoses sont surtout parvenus à impressionner et
à ravir les compatriotes de M. Adolphe Sax. Victoire d'autant plus
glorieuse, ajouterons-nous, que d'injustes préventions et d'envieuses
coteries se sont maintes fois opposées à son succès en Belgique. Quoi
qu'il en soit, il a bien fallu céder à l'évidence, et les inimitiés les plus
vivaces ont dû baisser pavillon devant les bravos, les trépignements,
les acclamations des quinze mille auditeurs désintéressés qui se pres-
saient dimanche dernier au concert de la Société zoologique, dirigé
par MM. Singelée et L. Sacré.
On nous assure que MM. Hollebecke et Robyns n'ont pas obtenu
une moindre réussite, le jour suivant, en présence de plusieurs artistes
et amateurs distingués, des principaux professeurs du Conservatoire
et de leur illustre chef M. Fétis ; pour être moins bruyante que celle
du jardin zoologique, cette ovation à huis clos sera certainement
tout aussi agréable à M. Sax. Ni la valeur, ni le nombre des suf-
frages, rien n'aura manqué à l'ingénieux inventeur.
CORRESPONDANCE.
Londres, 2i juillet.
La saison touche à sa fin, et l'on s'éton.Tait que les Huguenots, cette
œuvre capitale du répertoire, cet ouvrage en même temps si grandiose,
et si populaire, n'eût pas encore paru cet été à Covent-Garden. C'est
que M. Gye nous réservait une surprise, et une agréable surprise, en
effet, quand samedi dernier, nous avons pu lire pour la première fois
de l'année , sur l'atEclie , l'annonce des Huguenots , accompagnée de
cette autre annonce en petits caractères, « pour les premiers débuts à
Londres de Mlle Pauline Lucca. » Il y avait bien quelques initiés qui sa-
vaient que Mlle Lucca, toute jeune qu'elle est, jouit déjà d'une grande
réputation en Allemagne, qu'elle est en possession d'un engagement
superbe à l'Opéra royal de Berlin, et que c'est à elle que Gojnod doit
l'étonnant succès de son Faust dans la capitale de la Prusse; mais pour
la masse du public c'était une inconnue. Oui, elle l'était hier ; mais le
miracle a eu lieu, et son nom est dans toutes les bouches aujourd'hui.
Et c'est bien un miracle pour qui sait ce qu'il faut de patience, de
persévérance, d'efforts longs et constants pour réussir et pour se faire
adopter à Londres; pour qui sait que les plus grands artistes, les Grisi,
les Malibran, les Lablache, ont dû passer par là! Une seule exception h.
cette règle avait eu lieu jusqu'à présent duns les fastes du théâtre de
Londres, c'était lors de l'apparition de la Patti. Elle aussi, l'inconnue
d'hier, était célèbre le lendemain. 11 y a du reste plus d'un rapproche-
ment ù. faire entre Jllle Lucca et Mlle Patti, bien que le genre de ta-
lent des deux artistes soit tout différent. Mais de même que Mlle Patti,
Mlle Lucca est très -jeune, très-petite de taille et très-brune de
complexion; un éclat étrange brille dans ses yeux; comme chez
Aille Patti, il y a une spontanéité d'impression qui subjugue et
qui échappe à l'analyse. En voyant Jllle Lucca, on se demande si c'est
bien cette petite fille qui a joué ce rôle de Valentine, le plus grand,
le plus beau, le plus fortement dramatique qui ait jamais été conçu,
écrit pour la scène lyrique, et dans lequel les Grisi, les Cruvelli, les
Viardot ont laissé d'ineffaçables souvenii's sur la scène de Covent-Gar-
den, dans lequel enfin Mlle Titjens, à la taille majestueuse, brille encore
à l'heure qu'il est à lier Majesty's Théâtre ; et involontairement on se
rappelle ce qu'on disait de Garrick; .1 qu'il était petit, mais qu'il avait
six pieds lorsqu'il représentait un des héros de Shakspeare. »
Le rôle de Valentine ne commence réellement qu'au troisième acte
(ici le deuxième); mais dès l'apparition de cette petite personne sur le
grand escalier du château de Chenonceaux, la sympathie lui était ac-
quise : sa jolie figure prévenait en sa faveur, en même temps que sa
démarche dégagée rassurait complètement sur son compte. D'ailleurs
si Mlle Li.cca eût pu conserver encore la moindre peur (ce qu'on ne
pouvait du reste soupçonner) en paraissant pour la première fois sur
une scène étrangère, pour y chanter dans une langue également étran-
gère, cette peur a dû complètement disparaître après les applaudisse-
ments qui ont couvert sa voix pendant son duo avec Marcel, et devant
le rappel enthousiaste qui suivit imméJiatement cet émouvant mor-
ceau. Après le duo sublime avec Raoul, le double rappel , les ap-
plaudissements ont éclaté si spontinément et avec une telle unani-
mité que toute incertitude avait cessé sur l'impression extraordinaire
produite par la jeune artiste . Inutile d'ajouter qu'après la chute du
rideau les applaudissements et les rappels ont redoublé. C'est donc
un succès aussi grand qu'inattendu, et c'est un nouveau coup de for-
tune pour M. Gye. La voix de Mlle Lucca est un vrai soprano, à peu
près de la même étendue que celui de Mlle Cruvelli; elle donne et
soutient sans broncher !'»( dans le duo avec Marcel. Ce n'est pourtant
pas une voix d'un grand volume, mais elle est pénétrante, fraîche et
égale dans tous ses registres. Mlle Lucca, qui est très jeune, a un bel
avenir devant elle; elle a la voix, l'énergie; elle a au plus haut degré
l'intelligence dramatique, et avec cela une certaine crânerie qui lui
sied fort bien ; elle porte sur le front la marque divine des grandes vo-
cations.
Les autres rôles de l'œuvre immortelle de Meyerbeer étaient remplis
par Formés (Marcel), qui, si sa voix n'est plus ce qu'elle a été, n'atteint
pas moins, quant à la conception du rôle, un idéal qu'il serait difficile
de surpasser ; par Faure, le plus dramatique, le plus artistique, le plus
complet des Saint-Bris qui ait probablement jamais paru sur aucune
scène; enfin par Mario, si noble, si sympathique dans le rôle de Raoul,
malgré les défaillances de sa voix. Mme Didiée, heureuse d'endosser cette
fois encore le costume de page, était ravissante, et ses deux airs (vous
ne connaissez pas à Paris le second, qui est un chef-d'œuvre de grâce)
ont été couverts d'applaudissements. J'ai gardé pour la fin Mlle Battu,
qui est admirable, parce qu'elle est là dans son véritable élément de chan-
teuse légère, dans le rôle coquet de la reine de Navarre. N'oublions
pas non plus Tagliaflco, irréprochable dans le rôle de Nevers.
La reprise d'Oôeron à fier M.ajesty's Théâtre a été extrêmement bril-
lante. Imaginez-voud une distribution comme celle-ci : Mlle Titjens qui
atteint la perfection dans le rôle de Rezia, Mme Alboni dans le rôle de
Katma, Mîle Trebelli, Puck ; M. Bettini, Santley, et enfin Sims Reeves,
expressément engagé, et à grands frais, pour jouer le rôle de sire
Huon de Bordeaux. Ces noms ne disent-ils pas d'eux-mêmes toutes les
louanges qu'on pourrait y ajouter? Mais les plus grands éloges appar-
tiennent à M. Benedict, auquel on doit l'arrangement de la partition,
arrangement rendu indispensable pour une scène italienne qui n'admet
pas le dialogue parlé. M. Benedict est l'élève de Weber, et il a accompli
un travail de maître.
Je vous entretiendrai dans ma prochaine lettre de deux nouvelles
créations de l'inimitable Adelina Patti, VEiisire rf'oHîore, qu'elle vient de
jouer, et la Fille du régiment, qu'elle doit jouer la semaine prochaine,
ainsi que de quelques autres jouissances et amertumes musicales qui
abondent en ce moment.
B. S.
P. S. — La deuxième représentation de Mlle Lucca a eu lieu hier
soir dans ce même rôle de Valentine de l'œuvre éblouissante des
Huguenots. Le salle élait pleine jusqu'aux combles, le succès étourdis-
sant. En vérité, je vous le dis, une étoile nouvelle s'est levée parmi
nous.
NOUVELLES.
„*„, Le théâtre impérial de l'Opéra a donné trois fois cette semaine tes
Vêpres siciliennes. Nous rendons compte de la première soirée. Villaret
s'est de plus en plus familiarisé avec le rôle d'Henri, et il l'a chanté avec
beaucoup plus d'assurance vendredi. Le succès de Mlle Sax s'accroît à
chaque représentation. Celui d'Obin dans Procida est fait depuis long-
temps.
i,*^ Deux reprises importantes paraissent décidées â l'Opéra; ce sont
celles de Mmse et du Dieu et la Bayadère.
,j*,t A l'avant dernière répétition à l'orchestre des Vêpres siciliennes,
Verci ayant cj'u remarquer du mauvais vouloir dans une partie de
l'orchestre, s'en plaignit vivement à M. Dietsch. La réponse de celui-ci
ne lui ayant pas paru satisfaisante, il prit son chapeau et se relira.
A la suite de cet incident, une lettre du ministre a informé M. Dietscl),
chef d'orchestre provisoire, qu'il était admis à faire valoir ses droits à
238
REVLE ET GAZETTE MUSICALE
la retraite, et il. Georges Ilainl, chef d'orchestre du théâtre de Lyon,
a été appelé à le remplacer. M. Ilainl est entré en fonction vendredi et
a dirigé la troisième représentation des Vêpres siciliennes.
^*» A la suite de l'incident qui a eu lieu jeudi i la répétition des
Vêpres siciliennes. Verdi n'a point reparu à l'Opéra. Le célèbre maestro
a quitté Paris et s'est rendu à Bussetto.
■i.*t Nous apprenons que M. Georges Hainl, qui a été pré.senté jeudi
aux musiciens de l'orchestre de l'Opéra, auxquels il a exprimé en termes
fort convenables sa satisfaction de se retrouver au milieu d'anciens ca-
marades pour la plupart, et d'être appelé à l'honneur de les diriger,
a été fort bien accueilli. M. Hainl a du reste fait ses preuves. Ancien
premier prix du Conservatoire, violoncelliste des plus éminents, com-
positeur distingué, il a dirigé pendant longues années l'orchestre du grand
théâtre de Lyon avec un talent et une autorité iuconteslables. Disons
tout de suite qu'en prenant possession du pupitre M. Hain! a justifié
peinement la bonne opinion qu'on avait conçue de lui. Les musiciens qui
composent l'orchestre sont des hommes distingués, et tous des artistes de
premier mérite ; ils ont tenu à honneur de prêter un concours cons-
ciencieux il leur nouveau chef, dont ils connaissaient aussi la valeur ;
aussi une salve prolongée d'applaudissenienls a-t-elle accueilli l'ouver-
ture des Vêpres, admirablement rendue, et dans tout le cours de l'opéra,
on a pu remarquer l'ensemble qui n'a cessé de régner dans l'exécution
et le soin tout particulier avec lequel les nuances ont été observées.
M. Ilainl sait les partitions par cœur; son oreille est partout ; son œil
ne quitte pas les chanteurs, et tous les exécutants se sentent en con-
fiance avec lui. Nous croyons qu'il eût été difficile de faire un meilleur
_ choix.
^,*t M. Emile Perrin vient de choisir M. Léon Gastinel pour composer
la musique delà cantate qui se chante annuellement à la représentation
extraordinaire donnée au théâtre impérial de l'Opéra le 1.5 août, à
l'occasion de la fête de S. M. l'Empereur. Les parole's sont de M. Edouard
Fournier.
^*^. Le succès des Bourguignonnes, de MM. Meilhac et Deffès, s'est plei-
nement confirmé aux représentations suivantes : cette pièce avec la
Fausse magie constitue un spectacle des plus attrayants.
,i,*:i, C'est daus le Caïd que doit débuter incessamment M. Eugène Bat-
taille, la nouvelle basse engagée par la direction du théâtre de l'Opéra-
Comique. Il chantera le rôle du tambour-major, et Mlle Girard celui de
Virginie.
^"'g, M. Auber est en train de terminer sa partition de la Fiancée du
roi de Garbe.Seloa toutes apparences, cet opéra, qui va entrer en rér
pétitions, ouvrira la saison d'hiver.
,*,!, Une ordonnance rendue par M. Benoit-Champy, président du tri-
bunal civil, vient de nommer M. Saint Salvi séquestre judiciaire de la
salle Ventadour et l'a autorisé à en prendre possession provisoire. Cette
décision vapermettre i M. Saint-Salvi dépasser un bail avec M. Bagierpour
la location de ce théâtre, ce qui n'avait pu être accompli jusqu'à présent.
Le nouveau directeur voulait avoir Bottesini pour chef d'orchestre, mais il
a été devancé par Verger qui a engagé le célèbre artiste pour le théâtre du
Lycée à Barcelone. — Zucchini est à Jlilnn, et il vient d'être engagé
pour la prochaine saison du cai'uaval au théâtre Argentina à Home.
Le public du théâtre Italien regrettera cet excellent bouffe qui sera dif-
ficilement remplacé. — M. Bagier a engagé une première basse, Anto-
nucci, qui a fait brillamment trois saisons à Lisbonne.
^'"^ Le litige existant entre Mme Penco et l'ancienne direction du
théâtre Italien paraît s'être aplani, car on annonce comme certain
l'engagement de la célèbre cantatrice au théâtre San-Carlo à Naples.
*** La direction du Théâtre-Lyrique fonde de grandes espérances sur
les Troyeiis. Rien ne sera épargné pour donner à cet opéra , dont les
répétitions sont commencées, toute la splendeur possible.
^,*« On annonce pour le 1" septembre la réouverture du Théâtre-
Lyrique par les Noces de Figaro. Mme Carvalho conserverait son rôle
du page, Mme Ugalde prendrait celui de Suzanne, et le rôle de la com-
tesse serait interpiété par Mlle Maria Brunetti, qui ensuite se rendra à
Milan, où elle est engagée au théâtre de la Scala pour les saisons du
carnaval et du carême.
^.*,i, On annonce comme prochain le mariage de M. Michel Carré
avec Wlle Berthe Baretti, sœur de l'arliste du théâtre de l'Opéra-Co-
mique.
:t*,, M. C.aetano Gaspari, compositeur de musique sacrée, maître de
chapelle de la célèbre basilique San-Petronio de Bologne, bibliothécaire
du Conservatoire de la même ville, fonctions qu'a occupées le savant
père Martini, vient d'être nommé membre correspondant étranger de
l'Académie des beaux-arts de l'Institut de I-'ranco.
*** Deux artistes italiens, M. et Mme Murri, victimes de la mauvaise
administration du directeur qui les avait engagés, annoncent pour le
5 août, dans la salle Beethoven, un grand concert qu'ils donneront
avec le concours des artistes les plus distingués résidant à Paris
en ce moment, Le produit en est destiné à les tirer de l'embarras
où ils se trouvent. M. et Mme Murri sont tout à fait dignes d'intérêt, et
l'appel qu'ils font aux amateurs de musique, et surtout à leurs compa-
triotes, sera certainement entendu.
^*^ Rossini vient d'achever une grande messe avec chœurs et or-
chestre. Malheureusement cette nouvelle œuvre, comme la plupart de
celles que l'illustre maître a écrites à Paris, n'est pas destinée h voirie
jour. Rossini l'a refusée aux pressantes sollicitations du baron Taylor,
qui lui demandait l'autorisation de la faire exécuter au profit de l'as-
sociation des artistes musiciens.
s,*;s Sivori est parti pour l'Italie.
^*^ Dimanche dernier a eu lieu au château de Maisons-Laffite une
matinée musicale organisée pour aider à la construction de l'église.
L'assistance était aussi nombreuse que brillante. 11 ne s'agissait pas de
moins que d'un magnifique programme exécuté par Mme la baronne
Caters, Mmes de Méric Lablache, Napoléon Uossi, Agnesi, Nicolini, le
violoniste Sarasate, et de Un caprice joué par Mmes Augustine Brohan et
E. Fleury. Aussi la fête a-t-elle été fructueuse; car outre la grosse
recette provenant du placement des billets, une quête faite par
Mmes de Caters et de Méric a produit près de 1,500 francs.
^*^ Richard Wagner a été victime d'un vol. On lui a enlevé une
riclie tabatière dont on lui avait fait présenta Saint-Pétersbourg; quant
aux manuscrits de Tristan et des Nibelungen, les voleurs n'y ont pas
touché.
jg*jf La Société chorale du Conservatoire impérial de musique exé-
cutera, le dimanche 2 août 1863, à 10 heures très-précises, dans Té-
glise Saint-Eustache, la messe à trois voix égales de M. François Bazin.
Les soli seront chantés par MM. Barbet, Fontange et Chevalier. M. IIu-
rand, maître de chapelle de la paroisse, dirigera l'exécution. M. Edouard
Batiste, professeur au Conservatoire, directeur de la Société, tiendra le
grand orgue.
^,*„ La fête de chant qui a eu lieu récemment à OEdenbourg avait
attiré une grande afiiuence. Les sociétés allemandes ont reçu à la gare
du chemin de fer un accueil des plus cordial. On a chanté cinq chœurs
en hongrois et neuf en langue allemande. Parmi ces derniers on a sur-
tout applaudi Loreley et Vineta. Au banquet, le premier toast a été porté
à l'empereur François-Joseph.
**^ Le pianiste-compositeur G. Perrelli est de retour à Paris ; il ar-
rive de Bade, où il s'est fait entendre dans les concerts des 9 et 14 de
ce mois. Le succès de l'éminent virtuose a été complet ; ses fantaisies
sur le Trovatore, la Fille du régiment et son Capricio alla mazurka, lui
ont valu les plus chaleureux applaudissements de même que plusieurs
rappels.
:,*,( Il résulte du rapport de la Société des auteurs, compositeurs et
éditeurs de musique, pour l'année 1862, que la Société est en notable
progrès. Le nombre de ses membres est aujourd'hui de neuf cent soi-
xante-seize. Les recettes se sont élevées, pour l'exercice 1862-1863, à
148,830 fr. 12 c, tandis que l'exercice 1860-1861 n'avait produit que
11b,43A fr. 67 c, et celui de 1861-1862, 120,455 fr. 12 c. On voit que
la progression est importante, et il en faut féliciter l'administration.
^*;i, Par les soins de M. Camille Doucet, directeur de l'administration
des théâtres au ministère de la maison de l'Empereur, et qui a fait par-
tie de la commission instituée pour préparer la loi relative à la pro-
priété littéraire, un volume in-4" contenant les rapports â l'Empereur,
les décrets, procès-verbaux et autres documents concernant cette loii
vient d'être distribué aux notabilités commerciales et industrielles
qu'elle intéresse plus particulièrement.
,1,'*^, On écrit de Rome : « Franz Liszt habite depuis quelque temps
plusieurs pièces dans l'ancien couvent des Dominicains, près de l'église
du St-Rosaire, au Moute-Pincio. Ces jours derniers, le Saint-Père, accom-
pagné seulement du cardinal de Mérode, d'un camérier et de quelques
gardes nobles, est venu surprendre le célèbre pianiste-compositeur dans
sa solitude. F. Liszt joua deux compositions en présence du pape, l'une
sur l'harmonium, l'autre sur le piano. Quand il eut terminé, Pie IX le
remercia de la manière la plus gracieuse , et lui dit : « Vous avez
un beau talent; il vous est donné de faire retentir à nos oreilles le
chant des sphères célestes; mais les plus sublimes harmonies, nous les
entendrons un jour là-haut. »
,t*» Le corps de musique du régiment d'infanterie autrichienne ba-
ron "Wernbarclt, a été engagé pour une série de sept concerts au palais
de Cristal, ù Londres.
s,*i, La Société des concerts, fondée h Saint-Pétesbotrg sous la direc-
tion d'Ant. r.ubinstein, a donné, la saison dernière, des concerts fort
intéressants dont les pi-ogrammes offraient un choix très varié de mu-
sique classique, ancienne et moderne. Us ont été fort suivis. Le Conser-
HE PARSS.
2S.9
vatoire, à la tète duquel le même Rubinstein est placé, s'est ouvert
le S septembre 1862. Le nombre des élèves des deux sexes admis dans
l'année a été de cent soixante-quinze, comprenant des personnes d'âges
ditrérenis et de toutes les classes de la société sans exception. L'ensei-
gnement des élèves se compose de tout ce qui tient à l'art musical, et
ceux qui le désirent, reçoivent en outre, en russe, en allemand ou en
italien, une instruction complète sur la littérature, l'histoire, la géo-
grapliie, les mathématiques, la religion, la calligraphie et la copie de la
musique. Les élèves payent 100 roubles de pension par an (environ iOO fr.),
en deux termes, de six mois en six mois. Us sont libres de quitter le
Conservatoire après six mois, s'ils le désirent. Il n'a pu y avoir d'exa-
men public cette année, mais l'examen privé qui a eu lieu fait on ne
peut mieux augurer de l'avenir.
„*,t Tout ce qui reste à Paris de monde distingué prend tous les soirs
le concert des Champs-Elysées pour but de promenade. Plusieurs nou-
veautés intéressantes y ont été exécutées par l'orchestre d'Arban : une
symphonie héroïque de iM. Meyqui renferme de très-bonnes choses ; une
marcbe irlandaise de Léopold Dancla, remarquable par un motif ori-
ginal exécuté par la clarinette-basse, le fameux duo de Guillaume Tell,
de Demerssmann , exécuté sur le saxhorn - basse et le trombone
d'Ad. Sax, par M.M. Robyns et Hollebeke; enfin la Ronde du Brésilien,
d'OCfenbach, la polka la plus chantante, la plus dansante qu'on ait en-
tendue depuis longtemps.
^*^ Aujourd'hui dimanche, au Pré Catelan, grande fête musicale, dans
laquelle llusard fera exécuter les oeuvres de deux jeunes compositeurs.
Outre les variations sur la flûte jouées par M. Taffanel, M. Danbé
exécutera le solo de violon de Nelhj, gracieuse valse de V. Joncières ;
et M. Forestier, le solo de petite flûte du Colibri, brillante polka de
M. Sellenick.
^*^ A la salle Robin, l'affluence ne diminue pas aux séances quoti-
diennes de physique, d'électricité et de prestidigitation. La supériorité
avec laquelle M. Robin produit l'apparition des spectres impalpables,
étonne et intéresse vivement le public, qui trouve dans ces soirées un
passe-temps aussi agréable qu'instructif..
^"^ L'ancien chanteur du théâtre do la cour à Munich, Bayer, est
mort le 7 du courant, dans sa propriété à Grabenstadt; il était âgé de
soixante-deux ans. Dans son temps, Bayer passait pour un des premiers
ténors de l'Allemagne.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
^*^ Bade. — Les représentations d'opéra suivent leur cours ; après
celles de VEpreuve villageoise, du Chalet et du Pré au clercs, nous allons
avoir, le 24, la première représentation de la Fille de ïorféorc, opéra
(inédit) en un acte, de MM. Ed. Poussier et Leroy, musique de M. Mem-
brée, d'après la ballade d'Uhland, le Maître de chapelle, et pour le 27, le
Comte Onj : le tout en attendant l'opéra de Litolff. Si nous en croyons
les bruits de coulisses qui suivent les répétitions partielles, le Chevalier
Nahel renferme des morceaux d'une grande originalité et tout à fait
appropriés à la couleur du sujet, qui est une fois encore la lutte de
l'esprit du mal contre l'esprit du bien, et dont une âme est l'enjeu.
Ici, c'est Satan prêtant son aide au chevalier pour perdre une chanteuse
bohémienne que protège sainte Cécile. Cette première œuvre lyrique
de Litolff doit être jouée dans les premiers jours de septembre.
„,*, Wiesbudcn. — Le 10 juillet l'administration du Kursaal a donné
son troisième concert. Le célèbre baryton Stockhausen y a chanté des
Lieder de Schumann ; le maitre de concerts David, de Leipzig, s'est fait
entendre sur le violon ; Mlle Molnar, de l'Opéra de Darmstadt, a chanté
le grand air d'Ernani; en outre, nous avons eu occasion d'apprécier
pour la première fois le talent de l'émineat pianiste Bendel, de Prague,
et de l'habile virtuose sur la guitarre, Sokolowski, également de Pra-
gue. — Le 17, M. Pallat, pianiste à Wiesbaden, a donné un concert
dans lequel ont successivement paru plusieurs notabilités musicales:
le ténor VVachtel ; le baryton W. l'ormès, du théâtre de Hambourg; le
maître de concerts Baldenecker; Grasmann, virtuose sur le zither;
Lux, maitre de chapelle à iMayence; et, enfin. Kellermann, violoncel-
liste de Copenhague. Kellerman a exécuté VAoe Maria et la Romanesca,
de Schuljert, avec un immense succès. La Romanesca lui a été rede-
mandée au milieu des acclamations et des applaudissements.
,f** Ems. — A la suite du brillant succès obtenu par Ofl^enbach avec
Il signor Fagotto, quelques amis complimentaient le maestro sur sa
merveilleuse facilité; l'un d'eux parla qu'Ofl"enbach était homme à écrire
en une semaine la musique d'une opérette dont il se faisait fort de li-
vrer le poème immédiatement; après quelques objections le pari fut
tenu, etilnous a valu.à jour dit, la j'eprésentation de Liesehcn et Frilz-
chen, paroles de M. P. Dubois. C'est une pochade des mieux réussies et
dans laquelle Offenbach a prodigué l'inspiration et la mélodie; elle mé-
rite qu'on y revienne. Elle était précédée d'une petite pièce nouvelle
de M. Ch. Narrey : Quand on a ses nerfs, qui est pleine d'esprit et qu'on
a chaleureusement applaudie. — Samedi, nous aurons la deuxième re-
présentation à'Il signor Fngolto, reculée sur la demande d'une auguste
princesse, qui désirait voir les Rendez-vous bourgeois, et la première de
Une chaîne de peurs, comédie de M. Aurélien Scholl.— Nous avions ces jours
derniers à Ems M. Treuman, le directeur du théâtre de Vienne portant
son nom, et qui est devenu la proie des flammes. On sait que M. Treu-
man a loué pour quinze ans le Cari Thea'.cr. Or nous apprenons que
venu exprès à Ems pour assister à la première représentation d'/( signor
Fagotto, JL Treuman s'était empressé de traiter avec Offenbach, afin
que son nouvel ouvrage fit partie de ceux qu'il donnera pour la
réouverture de son théâtre, annoncée pour lë 15 août.
,5*,^ Berlin. — Le Liederkranz a offert à son d'recteur Dasse, avan-
tageusement connu par ses compositions, un bâton de mesure du meil-
leur goût, avec cette inscription: « Le Liederkranz à M. Daase, 11
juillet 1863. » — Parmi les objets ayant appartenu îi Frédéric le Grand,
qui sont exposés en ce moment dans la salle des concerts du Schaus-
pielhaus, on remarque un Te Deum de Graiin, 1757; le manuscrit au-
tographe des compositions du roi pour la flûte, et le manuscrit d'une
fugue â six voix par Bach.
,*if Neio-York. — L'opéra allemand a joué pendant huit mois sous la
direction de M. Anschutz. 11 a donné cent trente représentations et
vingt-sept concerts du dimanche. La recette totale s'est élevée à 72,000
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HaléYy. Charles F/, mélodie.
Meycrbeer. Le Prophète^ arioso.
Rossîui. Complainte n la fio'i/e, cavatine .
Ueyerbeer. Le Prophète, complaime.
Mozart. La Prise de Jéricho, scène et air.
Haléry. La Juive, cavatine.
Anber. La Muette de Por/ici, cavatine.
Rossini. Le Siège de Corintlie, prière.
Cilnck. Iphigéuie en Tauride, air de Pylade.
Uendelssobn. Elie, air.
HaléTy. La Reine de Chypre, cavatine.
Olnck. Air d'iphigénie.
Haydn. La Cré ition du monde, air.
Halévy. Le Juif errant, légende.
Sacchini. Œdipe, air.
Rossini. Soirées vmsicales, la pastourelle.
Haendel. Benaud.
Stradella. A ria di Chiesa.
C M. de 'Weber. Frcij.schiitz, cavatine.
F. Schubert. Ave Maria, mélodie.
Auber. Le Domino noir, cantique.
Schubert. Les Astres, mélodie.
Meyerbeer. La Fille de l'air, ballade.
liabarre. V Indienne et son fils, romance.
Masset. L'Orpheline, romance.
Mecalti. L'Automne, romance.
F. Schubert. La Jeune Mère, mélodie.
Cherubiui. Les Deu.x Journées, romance.
Dessauer. Consolation du poète, mélodie.
Pauserou. Montagnes tranquilles.
Duprez. La Vie d'une fleur, pastorale.
Cinti-Damoreau. Le Refrain du pâtre.
liabarre. L'Enfantelet, romance.
Eiabarre. Dors, mon Jésus, mélodie.
liabarre. La Mèn, romance.
Lihuilller. Mon douxpays, savoyarde.
Herald. Le Pré aux Clercs, romance.
Adam. La petite Chanteuse, romance.
Nicole. Cendrillon couplets.
Dessauer. La Prière, mélodie.
ViTier. L'Enfant s'endort, berceuse.
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ItS. Uossini. Guillaume Tell, romance.
44. Blumenthal. Le Chemin du paradis.
Û5. Auber. L'Enfant prodigue, romance.
46. Blendelssohn. Le mois de mai, mélodie.
47. Rossini. Guillaume Tell, tyrolienne.
48. Panseron. Kyrie.
49. Pauserou. 0 salutari^.
50. Auber. La Part du diable, romance.
51 . Auber. Le Domino noir, chœur de nonnes.
52. Panneron. Agnus.
53. Pauserou. La Veille des vacances, nocturne
de demoiselles.
54. Carcassi. L'heureux temps, à deux voix.
55. Pauserou. Priez avant devons coucher,noc-
turne à deux voix .
56. jUarcello. Psaume.
&7. li'abbé Clari. Duetto.
58. Meyerbeer. Les Huguenots, litanies à 2 voix.
59. Pauserou. A toi mon seul bonheur, canti-
que à trois voix .
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œuvre de FERDINAND SCDOEN.
SOMMAIRE. — Conservatoire impérial de musique et de déclamation : concours
publics, par Paul Smith , — La Marseillaise, lettres de M. Fétls père et
Rong^et de Lisle. — Floquet (4' article), par Arthur Pongin. —
Nouvelles et annonces.
CONSERVATOIRE IISPËRIÂL DE MUSIQUE ET DE DËGUMÂTION.
Concours publics.
Fais ce que dois, advienne que pourra : telle est la maxime à
l'usage de chacun au Conservatoire, professeurs et élèves. Qui sait
jamais si, sur le terrain le mieux cultivé, le plus propice, la moisson
lèvera aussi riche qu'on l'espère? Il y a tant d'orages imprévus, tant
de coups de vent funestes ! La veille des concours, le jour même, on
a vu plus d'une fois s'évanouir l'espérance de toute une année! Et il
y a de bravesi gens qui s'en vont disant avec candeur que les prix
sont donnés d'avance! Si encore ils avaient la bonté de nous com-
muniquer leurs listes, ils nous épargneraient des surprises qui se re-
nouvellent périodiquement.
Ce ne sont pas les concours de harpe ni ceux du piano qui nous
ont procuré la somme la plus haute de ces émotions inattendues.
Les choses s'y sont passées dans l'ordre, et les prévisions raisonnables
n'ont pas été démenties. Pour la harpe, il y avait quatre concur-
rentes, et c'est beaucoup, lorsqu'on songe au prix élevé de l'ins-
trument; mais pourquoi pas un seul concurrent? Les orchestres
auront pourtant besoin de se recruter, et il faudra payer les harpistes
au pcidsdel'or. C'est peut-être cela qu'ils attendent pour se décider.
Le piano comptait onze hommes et vingt-six femmes ; le morceau de
concours était, pour les uns, le finale de la sonate en m« dièse mineur
de Beethoven ; pour les autres, un concerto de Ries, dans le même
ton. En Allemagne, nous a-t-on rapporté, un pareil choix a fait rire
les forts qui n'estiment que les difficultés. — Que sert de s'attarder,
disaient-ils, à des œuvres si faciles qu'aujourd'hui les enfants les
jouent par-dessous jambe? — Oui, c'est vrai, les enfants les jouent,
mais comment? Ce qu'il y a de certain, c'est que nous avons entendu
des virtuoses les jouer fort mal. L'enseignement n'est pas obligé de
suivre dans leurs audaces, dans leurs excentricités, les compositeurs
de l'époque : de même tous ceux qui voyagent en Suisse ne sont
nullement forcés d'escalader les cimes du mont Blanc. L'enseigne-
ment ne sort pas du cercle classique. Pour le violon il s'en tient à
Viotti, Rode, Kreutzer, Bail lot, et ne va pas jusqu'à Paganini. Pour
le piano, il en reste à Hummel, Moschelès, Field, Hiller, Chopin, et
s'arrête devant Liszt. Le classique s'enseigne, tandis que la fantaisie
se devine, autant que le permettent l'instinct et le goût de celui qui
s'aventure dans ses parages.
De tous les concurrents choisis dans les classes de Marmontel et
deMathias, un seul, élève du premier de ces professeurs, M.Delahaye,
a su rendre le finale de Beethoven en musicien consommé, jouant de
l'intelligence autant que des doigts, soutenant sans faiblir, sans er-
rer, le sens de l'œuvre. Ses émules ont montré des qualités sans
doute, mais ils ont été, pour la plupart, incertains, vacillants, tantôt
pressant, tantôt ralentissant hors de propos, pour faire de l'expres-
sion et tombant dans la manière. Les concurrentes, qui avaient à
exécuter le concerto de Ries, sortaient de quatre classes différentes,
tenues par M. Henri Herz et M. Lecouppey, Mme Farrenc et Mme Co-
che. En général, il y a plus d'égalité dans le jeu des élèves de ce
sexe, plus de soin, de finesse et d'élégance. La classe -de M. Le-
couppey, qui a obtenu le plus de nomipations, se distingue surtout
par une minutieuse étude des détails ; c'est le mérite particulier de
Mlles Jeanne Cellier et Lévy. Dans les autres classes, deux élèves
de Mme Coche ont remporté, l'une un premier prix, et l'autre un
second ; Mlle Deshays-Meifred s'est fait remarquer par une correction
sévère, et Mlle Paul Gayrard, fille du sculpteur si prématurément
enlevé, par sa fermeté mâle et sa lecture habile.
Les concours de violoncelle et de violon , sans promettre une
grande quantité de solistes hors ligne, ont mis en lumière d'excel-
lents sujets qui tiennent ou tiendront honorablement leur place.
M. Colonne, qui a obtenu l'un des deux premiers prix de violon, a
déjà vingt-cinq ans et figure dans nos meilleurs orchesires ; son jeu
a de l'ampleur, de la pureté, de la noblesse : c'est un talent presque
accompli. M. Desjardins, qui a remporté le second premier prix, n'a
que seize ans et peut grandir encore. Moins large et moins élevé que
celui de M. Colonne, son style a quelque chose de très-séduisant, et,
comme plusieurs de ses émules, il s'est signalé par la dextérité d'un
archet qui excelle dans le staccato, soit ascendant, soit descendant.
Quatre jeunes personnes ont pris part au concours de violon.
Comme on le voit, le nombre des concurrentes est en progrès, et
avec le temps l'invasion aurait chance de s'augmenter encore. Deux
sœurs, au nom desquelles se rattache le souvenir d'une affreuse ca-
tastrophe, Mlles Jenny et Fanny Glauss , entraient en lice avec
Mlles Bastin et Vivien. Dans le précédent concours, Mlle Jenny Clauss
242
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
avait obtenu un second cccessit, et dans le concours de celte année,
le jury a cru devoir accorder un premier accessit à chacune des trois
autres jeunes filles, sans rien retrancher des distinctions méritées
par les jeunes gens, et sans leur porter préjudice. N'est-ce pas
à peu près comme si le jury eût tenu ce langage aux trois jeunes
filles qu'il décorait ? « Mesdemoiselles, vous avez bien travaillé ;
vous jouez fort agréablement sans doute; mais le violon n'est pas
l'instrument de votre sexe, et quand on l'aborde comme vous, il
faut y exceller ; c'est seulement ainsi qu'on justifie sa hardiesse. Or,
vous ne la justifiez pas tout à fait. Le jury vous tient compte de
vos efforts, et il n'examine pas s'il y a des différences entre vous, si
Mlle Bastin, par exem.ple, n'est pas un peu plus forte que Mlles Vi-
vien et Fanny Clauss. 11 vous décerne un premier accessit, comme
témoignage de satisfaction et d'estime ; peut-être ferez- vous bien de
vous y tenir, à moins que tout à coup il ne s'opère un miracle. Mais
prenez-y bien garde : puisque les femmes ne sauraient prétendre
aux orchestres, il faut qu'elles soient solistes, et c'est un rude médier,
lorsque l'on n'est pas douée d'une vocation extraordinaire. » Au con-
cours de l'année prochaine, nous verrons si nos jeunes violonistes
ont compris le langage et les intentions du jury.
Les concours de chant, d'opéra-comique et de grand opéra conti-
nuent de jouir d'une popularité immense. L'affluence y est toujours
la même, à quelque degré que monte le thermomètre. On veut en-
tendre, juger, applaudir et surtout critiquer, non pas tant les élèves
que les professeurs. A ces derniers surtout s'attaquent les détracteurs
systématiques, et nous en savons trop la raison. Paris est rempli de
professeurs qui ne seront jamais du Conservatoire : de là l'envie, le
blâme, l'injure même, qui, par bonheur, font plus de bruit que de be-
sogne. Les belles voix d'hommes et de femmes n'étaient pas rares
dans les deux concours de chant, où, comme toujours, il y a eu des
erreurs commises et des succès avortés. C'est une grave affaire que
le choix d'un air pour les concurrents, et c'est là souvent qu'ils
échouent, à force de vouloir choisir trop bien. Parmi les plus heu-
reux, il faut citer M. Bach, qui a délicieusement chanté l'air de la
Dame blanche. Viens, gentille dame, et qui, le lendemain, au con-
cours d'opéra-comique, disait si mal l'air du même ouvrage ; Ah!
quel plaisir d'être soldat! M. Soustelle avait été bien inspiré aussi
en prenant l'air de Joseph : Vainement Pharaon; mieux inspiré encore
en le chantant avec une modération que jusqu'alors il avait semblé ne
pas connaître. C'est un roman tout entier que le récit des travaux et
des progrès de cet élève, marié depuis peu de temps à Mlle Wal-
liang, élève du Conservatoire comme lui, et qui vient de partager
avec lui les honneurs de la campagne lyrique.
M. Soustelle est un enfant de troupe : il servait dans les chas-
seurs en Afrique. Son père et ses deux frères sont morts au
champ d'honneur, et lui-même, à dix-sept ans, dans une seule ren-
contre, il reçut treize blessures, dont une lui a laissé des traces au
visage. Possédant une voix de ténor non moins étendue que puis-
sante, on lui conseilla de quitter le service et de se faire artiste.
Il vint au Conservatoire, où M. Auber s'empressa de l'admettre.
Mais d'abord il crut pouvoir s'y conduire comme dans les camps :
il voulut tout conquérir par la force, tout enlever d'assaut : il prodi-
guait sa voix, comme naguère il exposait sa vie. Mais sa voix,
malgré sa vigueur exceptionnelle, aurait fini par se briser, ni plus
ni moins que les vitres de la salle d'étude. Grâce aux conseils de
M. Grosset, son maître de chant, et à l'influence persuasive de
M. Duverooy, son professeur d'opéra, chef du pensionnat en outre,
l'énergique et chaleureux élève comprit la nécessité de se soumettre
à un régime différent, et il eut assez de force pour l'obtenir de lui-
même. Le fait est qu'une transformation merveilleuse s'est réalisée,
et que les premiers symptômes s'en révélèrent à nous lorsque nous
l'entendîmes chanter l'air de Joseph.
Cette transformation se manifesta plus encore au concours de
grand opéra, dans le troisième acte d'Otelto, dans le grand duo de
la Reine de Chypre, dans le duo du quatrième acte de la Juive,
entre le cardinal et Eléazar. Jamais on n'avait trouvé d'organe plus
robuste, plus touchant, plus sympathique, uni à des gestes plus
vrais, à une physionomie plus expressive.
Le troisième acte à'Otello, M. Soustelle l'a joué avec sa femme,
qui concourait ainsi que lui. L'événement est connu de reste : le
jeune couple a triomphé ensemble : un premier prix a été décerné
à chacun des époux, et à l'unanimité. Cela ne s'était jamais vu et
ne se reverra janmais peut-être. Le Conservatoire n'est assurément
pas destiné à servir d'agence matrimoniale ; l'hymen n'est pas le dieu
qu'on y révère le plus, mais pourtant on ne saurait l'y proscrire,
et l'on est heureux de voir que pour deux braves jeunes gens qui
s'aiment, et se sentent prédestinés l'un à l'autre, c'est encore quel-
que chose de saint et de sacré, préférable de beaucoup à des liai-
sons folles et passagères. Cet Otelh de Nîmes a trouvé rue Ber-
gère une Desdemone de Mulhouse : le Midi et le Nord ont contracté
alliance, et nous espérons que l'art n'aura pas moins à s'en féliciter
que la morale.
Aujourd'hui nous ne pouvons qu'enregistrer les résultats des trois
concours qui ont eu lieu dans les premiers jours de la semaine,
sauf à y revenir dimanche prochain. Demain lundi se fera la distri-
bution des prix, sous la présidence de M. le maréchal Vaillant, mi-
nistre de la maison de l'Empereur et des beaux-arts.
Lundi %1 juillet, tragédie^ hommes. — Pas de 1" prix; 2" prix,
M, Etienne, élève de M. Beauvallel. l""' accessit, M. Beauvallet,
élève de M. Beauvallet; 2" accessit, M. Verdellet, élève de M. Régnier.
Femmes. — l^' prix, Mlle Colombier, élève de M. Régnier; 1'^ prix,
Mlle Estebenet, élève de Mlle Brohan. l'^ accessit, Mlle Petit, élève
de M. Beauvallet.
Come'ï^îe, hommes. — 1" prix, M. Seveste, élève de M. Régnier;
2'= prix, M. Verdelet, élève de M. Régnier. V' accessit, M. Etienne,
élève de M. Beauvallet.
Femmes. — Pas de 1" prix; 2"^ prix, Mlle Petit, élève de M. Beau-
vallet ; Mlle Estebenet, élève de Mlle Brohan ; Mlle Colombier, élève
de M. Régnier, et Mlle Blanc, élève de M. Régnier. 1"' accessits,
Mlle Bédard, élève de Mlle Brohan, et Mlle Samary, élève de M. Ré-
gnier ; 2'^* accessits, Mlle Leprevost, élève de M. Régnier ; Mlle
Bloch, élève de M. Samson, et Mlle de Marcilly, élève de Mlle Brohan.
Mardi 28 juillet, flûte (professeur, M. Dorus). — l'^'prix, M. Canlié,
élève civil; 2'=s prix, MM. Martin et Simon, élèves civils. 1" acces-
sit, M. Denui jeune, militaire; 2° accessit, M. Corlieu, élève civil;
3=5 accessits, MM. Rauch et Krebs, élèves civils.
Hautbois (professeur, M. Triebert). — !'='■ prix, M. Lavagne, mili-
taire; 2*^ prix, MM. Stoll, Barrez et NicoUeau, civils. 1" accessit,
M. Mouge, militaire.
Clarinette (professeur, M. Klosé). — Pas de premier prix; 2" prix,
MM. Parme, civil, et Mastio, militaire; !""■ accessit, MM. Hemme et
Turban, civil; 2" accessit, M. Devos, militaire; 3'= accessit, M. Fau-
rès, civil, et M. Cousin, militaire.
Basson (professeur, M. Cokken). — 1" prix, M. Baussart; pas de
deuxième prix ; 1" accessit, M. Lalande.
Cor ordinaire (professeur, M. Gallay). — 1" prix , M. Brunel ;
2° prix, M. Delgrange ; 1" accessit, M. Collin; 2e accessit, M. Strobbe ;
3° accessit, M. Seygaud de Lachérade.
Cor à pistons (professeur, M. Meifred). — Pas de premier prix;
2'^ prix, M. Lelong jeune.- Pas d'accessit.
Trompette (professeur: M. Dauverné). — 1'^'^ prix, M. Laurent;
2" prix, MM. Dossunet et Duseigneur ; l»'' accessit, M. Amrheim ;
2° accessit, M. Roger ; 3= accessit, M. Morlot.
Mercredi 29 juillet : Trombone à coulisse (professeur, M. Dieppe).
— 1" prix, M. Burthez, élève civil ; 2^ prix, MM. Mangean et de
Lorenzo, élèves civils.
DE PARIS.
22(3
Trombone à pistons (système Sax) ; (professeur, M. Dieppo). —
1<=' prix, MM. Dufour et Bouchard, élèves militaires ; 2= prix, MM. Jean
et Elie, élèves militaires ; V accessit, MM. Rustang et Eck, élèves
militaires.
Cornet à pistons (professeur : M. J. Forestier). — 1"" prix,
MM, Lamare et Excoula, élèves militaires ; 2'' prix, M. Leclerc,
élève militaire ; 1"" accessits, MM.Quirin et Pugenc, élèves militaires;
2° accessit, M. Thiébaud, élève militaire.
Saxophone (professeur : M. Adolphe Sax). — 1"" prix, MM. Gluck,
Dagard, et Bernhard, élèves militaires ; 2" prix, MM. Compère, Fel-
gas et Sibillot, élèves militaires; 1™ accessits, MM. Lévy et Grison,
élèves militaires ; 2«' accessits, MM. Gayraard et Thuillier, élèves
militaires; 3^» accessits, MM. Chabert, Grandmaire et Léonard, élèves
militaires.
Saxhorn (professeur : M. Arban). — l" prix, MM. Lacoste et
Discher, élèves militaires ; 2" prix, MM. Dumons et Kah, élèves
militaires ; 1" accessit, M. Feningre, élève militaire ; 2^ accessit,
M. Sutter, élève militaire.
Paul SMITH.
CORRESPONDANCE.
« Bruxelles, le 29 juillet 1863.
>>Â M. le Directeur de la Revue et Gazette musicale.
I) Mon cher collaborateur,
» J'étais occupé à la rédaction du travail que vous m'avez demandé
pour la Gazette musicale, lorsque, hier soir, m'est arrivée la lettre
ci-jointe de M. Rouget de Lisle, ingénieur civil, et parent de celui
qui est connu comme auteur de la Marseillaise. La publication de
cette lettre me paraît plus urgente que mon travail : je vous prie de
vouloir bien lui donner place dans le numéro de la Gazette qui pa-
raîtra dimanche prochain, en la faisant précéder de celle-ci.
» Je viens de répondre à M. Rouget de Lisle, en lui faisant observer
qu'il n'est pas exact de dire, comme il le fait, que j'attribue la
Marseillaise à Navoigille; que je n'attribue pas, et que je me borne
simplement à dire que ce chant a été publié, vendu, distribué,
sous le nom de Navoigills, et que Rouget de Lisle n'a pas fait de
réclamation. M. Rouget de Lisle m'apprend que Gossec, ayant inter-
calé la Marseillaise instrumentée dans son Offrande à la liberté, se
l'est attribuée et l'a publiée sous son nom. Son parent, dit-il, alors
détenu à Saint-Germain pour incivisme, n'a pu réclamer ; mais il est
sorti de prison, et il n'a rien dit : voilà ce qui me paraît inexplica-
ble. De plus, quand il a réuni cette pièce aux autres mélodies de sa
composition, lesquelles ont été publiées en 1827 (1), il ne l'a accom-
pagnée d'aucune observation.
» La plupart des faits mentionnés dans la lettre de M. Rouget de
Lisle m'ont été rapportés dans ma jeunesse: aussi n'avais-je jamais
douté que son parent fût l'auteur de la Marseillaise avant la décou-
(1) Nous croyons que notre savant collaborateur commet ici une légère erreur.
Le recueil auquel il fait allusion nous parait être celui qu'il a mentionné dans la
première édition de sa Biograptiie universelle des musiciens, à l'article Rouget
de Lisle, et qui fut publié par Maurice Schlesinger en 1830 sous le titre de
Quaranie-huil chants français, paroles de différents auteurs, mises en musique
avec accompagnement de piano, par Rouget de Lisle. Dans ce recueil, le n° 23,
Ilijmne des Marseillais, est précédé de la mention que voici : o Je fis les paro-
les et l'air de ce chant à Strasbourg, dans la nuit qui suivit la proclamation de
la guerre, fin d'avril 1792. Intitulé d'abord Chant de l'armée du Rhin, il parvint
à Marseille par la voie d'un journal constitutionnel, rédigé sous les auspices de
l'illustre et malheureux Diétrick. Lorsqu'il fit son explosion quelques mois après,
j'étais errant en Alsace sous le poids d'une destitution encourue à Huningue pour
avoir refusé d'adhérer à la catastrophe du 10 août, et poursuivi par la proscrip-
tion immédiate qui, l'année suivante, dès le commencement de la terreur, me jeta
dans les prisons de Robespierre, d'où je ne sortis qu'après le 9 thermidor. R.D.L.n
verte des exemplaires dont je viens de signaler l'existence. Je n'ai
pas de système à défendre à cet égard, ra'étant simplement appuyé
sur des pièces palpables. Au surplus, M. Rouget de Lisle a un moyen
très-simple de terminer tout débat à ce sujet, lequel consisterait à
produire l'édition du chant dont il s'agit, paroles et musique, impri-
mée typographiquement à Strasbourg en 1792. Après cette produc-
tion, il n'y aura plus de discussion possible.
» En attendant qu'il juge à propos de la faire, je mo vois dans la
nécessité de détacher un de mes exemplaires du volume qui contient
un recueil de Vingt-quatre chants patriotiques avec accompagnement
de guitare, publié au magasin de musique des fêtes nationales, et de
vous l'envoyer, en vous priant de le communiquer aux personnes qu i
désireraient voir cette Marseillaise gravée sous le nom de Navoigille,
vous priant aussi de la garder avec soin; car si cet exemplaire s'é-
garait, il est à peu près certain que je n'en trouverais plus un autre
pour compléter mon recueil , qui contient le Chant du départ , par
Méhul; l'Eymne de guerre, par le même; l'Hijmne de la victoire, par
Catel ; le Chant pour l'inauguration du buste de Marat, par Gossec ;
le Chant funèbre sur la mort du représentant Ferraud, par le même;
te Chant des triomphes de la France, par Lesueur; l'Hymne du
combat, par Cherubini; la Carmagnole, etc. Ce n'est qu'avec peine
que je me suis décidé à faire briser la rehure de mon volume pour
vous envoyer cette pièce.
» Recevez, mon cher collaborateur, mes salutations affectueuses .
» FÉTIS père. »
« Paris, 27 juillet 1863.
A M. Fétîs Père, directeur du Conservatoire royal de musique
à Bruxelles.
» Monsieur,
» J'ai lu avec une extrême surprise et une très-grande douleur
un article signé par vous intitulé : La vérité sur la Marseillaise, et
publié dans la Revue et Gazette musicale (numéro du 19 juillet
dernier) .
» Vous attribuez à tort à Julien aîné, dit Navoizille, la mélodie
de la Marseillaise, à laquelle vous donnez une date originaire pos-
térieure au 10 août 1792.
» Le véritable auteur de ce chant immortel, comme vous l'appelez
(paroles, musique et accompag-nement), est Claude-Joseph Rouget de
Lisle, mon parent, qui l'a composé à Strasbourg dans la nuit du
26 au 27 avril 1792.
Ce chant a été imprimé typographiquement à Strasbourg dans le
commencement du mois de juin de la même année, avec ce titre :
Chant de guerre pour l'armée du Rhin, dédié au maréchal Luckner.
Il a été orchestré pour musique militaire par Fuchs, puis chanté à
Marseille par Mireur, dans un banquet patriotique, le 27 juin, et im-
primé le 29 dans un journal de la localité.
» On le trouve dans la Trompette du père Duchéne (numéro du
23 juillet 1792), et l'auteur de cette publication explique dans une
note l'impossibilité de reproduire la musique.
» Les procès-verbaux de l'administration de l'Opéra de Paris, prin-
cipalement ceux de la Convention nationale, qui a décerné à Rouget
de Lisle une récompense pour son chant patriotique (juillet 1795),
constatent à son profit la paternité de la Marseillaise, que tous les
auteurs français (excepté Caslil-Blaze, 1852), lui ont toujours ac-
cordée.
» La Marseillaise a été orchestrée par Gossec, et représentée sur
le théâtre du Grand Opéra, le 26 octobre 1792, sous le titre do :
Offrande à la liberté, comprenant une introduction et la strophe
connue de : Veillons au salut de l'Empire.
I) Les procès-verbaux de l'administration de l'Opéra constatent en-
core la paternité de cette œuvre multiple au profit de Rouget de Lisle,
nh
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
quoiqu'elle ait été publiée sous le nom de Gossec, comme auteur de
la musique, vers la fin de 1793. A cette époque, Rouget de Lisle
était emprisonné à Saint-Germain, pour cause d'incivisme.
» Le volume des Essais en vers et en prose par Rouget de Lisle,
auquel vous donnez la date de 1797, au lieu de 1796, renferme, con-
trairement à votre assertion, une note positive qui indique que
la Marseillaise et les autres chants de l'auteur, avec accompagne-
ment de piano, ou de guitare, ou de violon, se vendent chez Pleyel-
Gaveaux, etc. Divers spécimens de ces chants avec accompagne-
ments de l'auteur, existent à la Bibliothèque impériale de Paris, à
Londres, à Berlin, etc., et je puis vous aflarmerque Mme Gail, votre
élève, n'a jamais fait ni pu faire les accompagnements des mélodies
composées par Rouget de Lisle.
» Je vous afiBrme que la musique des cinquante chants français
(Paris, 1825), à l'exception de celle de l'hymne à la liberté, musique
de Ignace Pleyel, a été composée par mon illustre parent. J'espère
que vous ne lui refuserez pas cette très-faible gloire, même en lui
accordant vne pauvre éducation musicale, que je ne conteste nulle-
ment.
» Permettez-moi, au moins, de solliciter votre indulgence en fa-
veur du poëte, qui joignait à la poésie les faibles qualités d'un mu-
sicien mélodiste et instrumentiste.
» Je ne vous parle pas des connaissances de Rouget de Lisle comme
officier du génie, de ses travaux et de ses actes militaires, de ses
écrits politiques, etc. La nomenclature des excellentes choses qu'il a
faites nous mènerait trop loin et hors de l'objet de ma réclama-
tion.
» Quant à présent, je me borne à vous adresser une réclamation,
et à solliciter de votre obligeance une réponse prompte et rectifica-
tive sur la Marseillaise.
» Je travaille en ce moment et depuis plusieurs mois à recueillir
les œuvres éparses, publiées ou non publiées, de mon illustre parent,
pour en former un ouvrage que je me propose de faire imprimer.
» Aujourd'hui je m'adresse à vous pour éclaircir un fait que vous
signalez dans votre article, en lui attribuant une notoriété inexacte,
d'après une publication postérieure de plus de huit mois à la créa-
tion du Chont de guerre, autrement dit la Marseillaise, par Rouget
de Lisle, capitaine du génie à Strasbourg.
» Plusieurs journaux me sollicitent depuis quelques jours de ré-
pondre à votre article, et je viens solliciter d'abord vos explications
avani de publier une rectification honorable.
1) Soyez donc assez bon pour m'adresser une prompte réponse et
m'indiquer le numéro de la pièce que vous indiquez dans votre ar-
ticle.
» lia vérité svr Bovget de Lisle est nécessaire, et vous me per-
mettrez de la solliciter de votre franchise et de votre loyauté.
» Veuillez agréer l'expression de ma considération la plus distin-
guée, avec laquelle je suis,
» Monsieur,
j> Votre très-humble serviteur,
» A. Rouget de Lisle,
» Ingénieur civil, Vun des rédarteurs principaux du
Dictionnaire des arts et manufactures, etc. »
FlOODET.
(4' article) (1).
Voilà donc les espérances de Floquet ruinées une seconde fois, et
il faut avouer qu'il expiait cruellement son premier succès. Tout en
l'afQigeant profondément, ces revers cependant n'altéraient en rien
(1) Voir le n°
son énergie, sa ténacité. Il recommença sur de nouveaux frais, et,
cette fois du moins, le résultat devait lui être plus favorable.
Rochon de Chabannes, poëte médiocre, mais entendant assez bien
la scène, lui avait donné à mettre en musique un opéra intitulé le
Seigneur bienfaisant. Le rôle principal de cet ouvrage exigeant une
comédienne accomplie, Rochon, d'accord en cela avec son collabora-
teur, l'avait confié à Mlle Durancy. De son côté, Floquet, qui désirait
plutôt une virtuose, préféra Mlle Laguerre, quoiqu'elle eût compro-
mis son Hellé ; et, comme si ce n'était pas encore assez de deux ac-
trices, par complaisance pour certaines recommandations et protec-
tions, il offrit encore le rôle à une troisième personne, la demoiselle
Rosalie. Mais ce qu'il y a de curieux, c'est qu'aucune des trois ne
joua dans l'ouvrage. Après de longs débats, ce fut définitivement à
Mme Saint- Huberti, arrivant alors d'Allemagne, où elle avait obtenu
de grands succès, que l'on confia le rôle de Lise, et voici ce qu'écri-
vait Bachaumont le lendemain de la première représentation : « La
cabale a été si forte hier à la première représentation du Seigneur
bienfaisant, que n'ayant pu résister à l'impression du second acte,
dont les tableaux terribles et touchants ne permettent pas à la criti-
que de se faire entendre, elle s'en est dédommagée au dernier
acte et a redoublé de fureur, au point de siffler le sieur Laïs, chan-
tant une ariette de bravoure, applaudi avec un transport continu aux
répétitions, et de chercher à le troubler et l'interrompre. Cet achar-
nement a rendu fort équivoque le succès de l'ouvrage, qui avoit bien
pris jusque là. » (Mémoires secrets, etc., 15 décembre 1780.)
Cependant, le succès du nouvel ouvrage finit par s'établir sans
conteste; la musique de Floquet était aidée par un poëme qui, à dé-
faut d'autres qualités, contenait du moins une certaine dose d'inté-
rêt, « Le Seigneur bienfaisant, dit encore Bachaumont, quoique d'un
genre déjà traité plusieurs fois sur la scène lyrique, offre cependant
d'heureuses innovations. On n'avait que la pastorale et la comédie
dans cetie classe des opéra-ballet (sic). M, Rochon de Chabannes a
tenté d'y introduire le drame, c'est-à-dire une fable naturelle, inté-
ressante, qui ne nous occupe que des peines et des malheurs de nos
semblables. 11 a été plus hardi encore, il a osé en retrancher l'a-
mour, presque toujours fade à ce théâtre ; ensuite, il a trouvé le
secret d'égayer sa pièce par des fêtes et divertissements tenant à
l'action et en découlant; enfin, il a lié trois actions différentes, ce
qui étoit sans exemple : les poëmes de cette espèce n'ayant jamais
été une intrigue suivie et se partageant toujours en trois petits sujets
n'ayant aucun rapport entre eux.
» Dans le premier acte, le seigneur bienfaisant réconcilie un villa-
geois avec son père ; dans le second, il quitte la noce de sa fille
pour voler au secours de ces malheureux incendiés ; au troisième, il
répare par ses largesses les pertes qu'ils ont souffertes.
» Le poëte, ayant des paysans pour principaux acteurs, a placé la
scène en Béarn et l'a reculée à l'époque de Henri IV, parce que le
costume de ce siècle lui a paru plus théâtral et plus anobli. Il a
choisi la saison de la vendange, ce qui amène, dès le commencement
du spectacle, des divertissemens et de la gaieté. Les effets funestes,
trop fréquents dans les villages, du tonnerre, lui fournissent des ta-
bleaux terribles et touchans qui succèdent, et les noces de la fille
du seigneur ramènent la joie, les plaisirs et la danse qui terminent
cet opéra-ballet extrêmement varié, où l'on passe avec les nuances
convenables du triste au gracieux, du plaisant au sévère, contraste
nécessaire et que les auteurs travaillans (sic) pour le grand maître,
le chevalier Gluck, ont rarement eu l'adresse de lui fournir.
» Le retranchement de l'ariette qui avait occasionné tant de brouhahas,
la suppression de l'acte du bal, présenté désormais comme la suite seu-
lement du second acte, le rôle du bailli, très-mal exécuté la première
fois par le sieur Durand et beaucoup mieux par le sieur Laïs qui le
remplaçoit, ont ôté toute prise à la critique : le Seigneur bienfaisant
a eu un succès complet hier. On a mieux senti les beautés de la
DE PARIS.
245
musique, pleine d'énergie et d'onction successivement, et l'envie a
frémi de voir impuissans les efforts des cabales des gluckistes,
piccinisles, bouffonistes, des comédiens italiens même réunis, de
n'avoir pu empêcher de reparoîlre la musique françoise, c'est-à-dire
une musique aisée, gracieuse et chantante, m (Mémoires secrets. —
20 décembre 1782.)
On fit bon nombre d'épigrammes sur l'ouvrage. C'était l'usage à
cette époque, et les ennemis de Floquet se fussent bien donné de
garde d'y manquer. En voici une que Grimm rapporte, en la faisant
précéder de quelques lignes qui constatent la valeur de la pièce :
Vit-on jamais opéra si mécliant ?
Musique et vers, tout en est détestable,
Disait tout haut un critique tranchant.
Mais comme^en tout il faut être équitable.
Pour moi, j'y trouve un tableau très-touchant.
De beaux habits, un ballet agréable;
Bref, retranchez le poëme et le chant,
On en peut faire un ouvrage passable.
Arthur POUGIN.
{La suite prochainement.)
NOUVELLES.
t*^ Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi les Vêpres sicilien-
nes, mercredi Lucie de Lammermoor avec Diavolina, et vendredi la Muette
de Portici.
j*^ Toute la presse a été unanime à constater les grands progrès
qui se sont accomplis dans le chant et la méthode de Mlle Sax, progrès
qui se sont manifestés d'une façon si éclatante dans son rôle d'Hélène
des Vêpres siciliennes. Les représentations qui ont suivi la première de
cette reprise de l'opéra de Verdi, les ont encore confirmés, et chaque
soir, c'est la salle entière qui se charge de témoigner à la jeune artiste
combien elle l'apprécie. 11 est de fait que le rôle d'Hélène équivaut à
une véritable création pour Mlle Sax, car elle n'a pu s'inspirer de
l'exemple de sa devancière MlleCruvelli,et c'est à elle-même et à son tra-
vail qu'elle doit ses effets dramatiques, et les heureuses modifications
que vient de subir son talent. Quant à la beauté de son organe, elle
est exceptionnelle ; Mlle Sax est donc une des cantatrices sur lesquelles
la direction de l'Opéra peut le plus sûrement compter, et qui s'est
montrée de force à aborder tous les grands rôles qu'on voudra lui
confier.
»*^ La pension de retraite de M. Dietsch, ancien chef d'orchestre pro-
visoire de l'Opéra, a été liquidée à 3,500 fr. De plus, il continuera jus-
qu'à la fin de l'année à recevoir ses appointements de chef d'orchestre.
j.% Les répétitions du Dieu et la Baijadère \ont commencer. Mlle Laure
Fonta et Warot rempliront les principaux rôles.
^*^ Mercredi matin, Mlle Sax descendait de son appartement pour se
rendre à l'enterrement de Mlle Emma Livry, lorsqu'ayant manqué une
des premières marches de l'escalier, elle tomba de toute sa hauteur.
Relevée, évanouie et assez fortement contusionnée, Mlle Sax a dû garder
le lit depuis lors, et par suite de cet accident, qui n'aura point heureu-
sement de suites graves, les Vêpres siciliennes ont été remplacées ven-
dredi par la Muette de Portici.
,** Le directeur du grand théâtre de Lyon n'a pas vu sans un vif
regret le départ de son chef d'orchestre, Georges Uainl. Afin de l'en
dédommager autant qu'il était en son pouvoir, M. Hainl a obtenu de
M. le directeur de l'Opéra qu'il consentit à laisser partir pour le l'^"' sep-
tembre M. Dulaurens, dont l'engagement n'expirait que le l'' novem-
bre, et qui a traité, ainsi que nous l'avons dit dernièrement, avec la
direction du théâtre de Lyon pour y chanter les rôles de premier
ténor.
,■",( Dimanche soir, après huit mois et demi de souffrances endurées
avec le courage et la résignation d'une martyre , Mlle Emma Livry a
succombé à Neuilly, où elle avait été transportée et au moment même
où l'on concevait l'espoir de la conserver. Ses obsèques ont eu lieu
mercredi matin, à 10 heures, en l'église de Notre-Dame de Lorette, qui
s'est trouvée trop petite pour recevoir la foule des notabilités de toutes
les classes de la société, accourue pour rendre un éclatant hommage
autant à la jeune fille qu'à l'éminente artiste. Les premiers sujets de
l'Opéra s'étaient spontanément offerts pour chanter la messe funèbre
de leur camarade, si sincèrement regrettée de tous. Le Libéra de
Plantade et le Pie Jesu de Panseron ont été exécutés sous la direction
de M. Vauthrot, chef de chant à l'Opéra, par Villaret, 'W'arot, Marié,
Bonnehée, Obin, Belval, Cazaux, Bonnesseur et les principaux choristes
de l'Opéra. Après la cérémonie, le cortège s'est dirigé vers le cime-
tière Montmartre, au milieu d'une triple haie de personnes dont l'atti-
tude recueillie témoignait de l'estime et de l'admiration si bien méritées
qu'avait su leur inspirer Emma Livry. M. Petipa, maître de ballet de
l'Opéra, a prononcé sur sa tombe quelques paroles qui ont profondé-
ment ému l'auditoire.
,1,*^ Carrier est définitivement adopté par le public du théâtre de
rOpéra-Comique : c'est un artiste consciencieux qui rendra de bons ser-
vices. — Zampa alterne avec la Fausse magie et les Bourguignonnes, et
chacun de ces ouvrages remplit la salle. La Dame blanche et Haijdêe no
tarderont pas d'ailleurs à varier ce spectacle, car la direction a racheté
un mois du congé d'Achard, et le charmant ténor rentre au mois d'août.
— En attendant on presse les répétitions des Amours du Diable, et le
théâtre a fait relâche samedi pour une répétition générale. Grisar a
enrichi son œuvre de plusieurs morceaux nouveaux, et l'on s'accorde à
dire qu'ils ont encore ajouté à la valeur de cette charmante partition.
L'interprétation du rôle d'Ariel est confiée à Mme Galli-Marié, qui met
beaucoup d'amour-propre à y justifier le bon accueil qu'elle a trouvé
à la salle Favart; elle sera, d'ailleurs, vaillamment secondée par Capoul,
Barrielle, Prilleux et Mlles Baretti et Tuai. Quant à la mise en scène,
l'administration n'a rien négligé pour qu'elle fût splendide. — Sainte-
Foy va prendre son congé.
^,*,i, M. Bagier, directeur du théâtre Italien, vient d'informer le public
par une circulaire, qu'en l'absence de tous documents antérieurs sur
l'abonnement à ce théâtre, les personnes qui désireraient des loges ou
autres places pour les représentations de la saison prochaine, qui com-
mencera le l^r octobre et finira le 30 avril suivant, sont priées de vou-
loir bien lui adresser leurs demandes, au théâtre Italien, jusqu'au 1 5 août
courant. — Le grand nombre de demandes, qu'a déjà reçues la direction
l'a déterminée à donner aux abonnés cinq représentations par semaine :
les dimanche, mardi, mercredi, jeudi et samedi, et de faire disparaître
pour eux les inconvénients des nombreuses représentations extraordi-
naires données en dehors des abonnements. — Chaque abonnement se fera
pour toute la durée de la saison, et, à la demande de l'abonné, pour
un, deux, trois, quatre ou cinq jours par semaine. La préférence sera
donnée aux abonnements demandés pour le plus grand nombre de re-
présentations.—La distribution des loges et stalles attribuées aux abon-
nés aura lieu dans les premiers jours de septembre, époque à laquelle
sera publié le programme de la saison et le tarif des places.
^*^ On I ous écrit de Londres, que Mlle Titjens vient de jouer
au théâtre de Sa Majesté le rôle de la comtesse dans les Nozze di
Figaro de la façon la plus brillante. Les applaudissements, les rap-
pels, les acclamations ont accueilli ses deux grands airs : Porgi amor et
Dove sono qu'elle a dits avec un sentiment exquis. Douée d'une admi-
rable voix, qui se plie à tous les genres ; cantatrice éminemment dra-
matique, Mlle Titjens a toutes les qualités voulues pour occuper le
premier rang sur les grandes scènes lyriques. Cette année comme l'an-
née dernière, la célèbre artiste a été la tête de colonne de la magnifi-
que troupe de M. Mapleson.
^*^ Berthelier est en ce moment à Bade. Dans les entr'actes des
pièces jouées au théâtre, le joyeux chanteur bouffe fait les délices de
l'auditoire par son irrésistible comique. Il a obtenu surtout, ces jours -
ci, en chantant une tyrolienne de Plantade, Furtunia. un succès inouï.
Jamais, dit VUlustration de Bade, Alsacienne délaissée n'a pleuré, en pro-
voquant pareil fou rire, l'infidèle dont les traits la font sec comme un
hareng saur, un homme que tout le Haut et le Bas-Rhin s'arrachent, qui
a six pieds, « et plusieurs puces. »
a,'*t La mort de Mme Geneive, la malheureuse acrobate qui s'est tuée
la semaine dernière à Birmingham, a ému la reine d'Angleterre. Elle a
voulu intervenir, elle au=si, dans le mouvement do réaction qui se
manifeste dans l'opinion publique contre les exhibitions du genre de celle
qui vient de coûter la vie à cette infortunée, et elle a fait exprimer au
maire de Birmingham son désir que le parc, inauguré par elle et son
époux bien-aimé, cessât, h l'avenir, d'être déshonoré par des spectacles
de cette nature.
^*^ Par suite des grands succès qu'il a obtenus à Londres dans les
concerts publics et particuliers, M. Marchesi vient d'être engagé par
M. Mapleson, directeur du théâtre de Sa Majesté, en qualité de basse-
baryton, pour chanter dans les opéras de Mozart et Rossini.
^,*^ Nous annonçons avec un véritable plaisir le retour ù Paris, après
plus d'une année d'absence, d'Edouard WoltT, l'éminent pianiste-compo-
siteur. Après avoir parcouru l'Allemagne, où son talent l'a fait parlent
sympathiquement accueillir, il a poussé son excursion artistique jusqu'en
Valachie et il est resté huit mois à Bucharest, charmant les Valaques
par des concerts fréquents et appelé à faire partie de toutes les réu-
246
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
nii ns musicales de l'aristocratie du pays. Edouard WolEf a mis d'ail-
leurs ce temps à profit; son talent de virtuose, par un travail incessant,
a gagné en vigueur et en agilité, et il nous rapporte, en outre, une
quarantaine de compositions nouvelles, plus originales les unes que les
autres et que nous serons à même d'apprécier cet hiver.
**» Le dernier festival de chant, à Brunsvcick, a été marqué par un
épisode intéressant. Le concert commençait par une cantate de Meth-
fessel, qui en avait écrit la musique et les paroles. Le digne vétéran
des compositeurs allemands parut lui-même à la fête et fut accueilli
avec enthousiasme par les 1,300 chanteurs présents. Methfessel, qui
touche à sa quatre -vingtième année, qui n'y voit plus guère et qui
est sourd, a néanmoins dirigé lui-même l'exécution de son œuvre ; à la
fin du morceau il a été rappelé et accueilli par une pluie de bouquets
et les plus bruyantes acclamations. C'est la société de l'orphéon de
Hanovre qui a remporté le premier prix, consistant en une coupe
donnée par le duc de Brunswick.
^*^ SI. Louis Lacombe, l'éminent pianiste-compositeur, vient d'avoir
la douleur de perdre sa mère, décédée à Vienne à l'âge de soixante-trois
ans.
*** S. A. R. le duc de Saxe-Cobourg-Gotha a daigné accepter la dé-
dicace d'une fantaisie, avec accompagnement d'orchestre, sur l'opéra
de Sainte Claire, que le pianiste Ferdinand Schœn a fait entendre avec
succès dans ses concerts.
^*^ Gariboldi, après avoir dirigé l'orchestre de la troupe italienne à
Bayonne, est parti pour Biaritz ; il va y monter une opérette : Bataille
de pères, paroles de J. Ruelle, dont il a composé la musique. Elle sera
interprétée par une partie de la troupe des Bouffes-Parisiens engagée
pour deux mois à Biaritz.
^,*^ Une réunion d'artistes a eu lieu mardi à Saint -Sulpice, pour en-
tendre sur le grand orgue de MM. Cavaillé-Coll, un jeune organiste,
M. Ch. Widor, de Lyon. Cette audition se composait de sept morceaux
de dilTérents maîtres, Haendel, Hesse, S. Bach, Lemmens. On a surtout
remarqué un allegro de Haendel, une fanfare, une prière et un grand
chœur final de Lemmens, parfaitement appropriés au caractère d'un
grand orgue dans une grande église. Le jeune organiste a d'ailleurs
très-bien interprété les œuvres qu'il a fait entendre, et particulièrement
celles de M. Lemmens, dont il est un des meilleurs élèves.
^*^ Au concours de composition musicale ouvert pour 1863 par la
Société d'agriculture, sciences et arts de l'arrondissement de Valen-
ciennes, et auquel s'étaient présentés quarante concurrents, M. José
Barrière, de Cherbourg (Manche), a obtenu le premier prix, consistant
en une médaille d'or. Le deuxième prix (médaille d'argent) a été ac-
cordé à M. G. Stem, de Paris. Trois mentions honorables à MM. J.
Boutines, de Montmartre ; André Vechsner, du Havre, et J. Franck, de
Paris.
^*f. Le guide-accord Delsarte, invention d'une utilité primordiale
pour les personnes qui veulent accorder elles-mêmes leur piano, vient
d'être récompensé par l'obtention d'une médaille d'or à la Société des
sciences industrielles, arts et belles-lettres de Paris.
^*^ I;e succès que les compositions pour le piano de Brinley Richards
ont obtenu dès leur apparition en France, n'a fait qu'augmenter. Parmi
les morceaux que ce compositeur, si populaire en Angleterre, a fait pa-
raître récemment, ses transcriptions du Qais est homo et du Pro peccatis
du Stabat Mater de Rossini, sont surtout très-appréciées. Czarina, nou-
velle mazurka de salon d'une grande originalité, sera, sans nul doute,
accueillie avec la même faveur, ainsi que son fameux Hymne des vêpres,
qui vient également d'être publié en France, et dont cinq éditions
ont été épuisées eu peu de temjjs en Angleterre.
**, La Société chorale du Conservatoire impérial de musique exé-
cutera aujourd'hui dimanche, à 10 heures très-précises, dans l'église
Saint-Eustache, la messe à trois voix égales de M. François Bazin. Les
soli seront chantés par MM. Barbet, Fontange et Chevalier. M. Uurand,
maître de chapelle de la paroisse, dirigera l'exécution. M. Edouard Ba-
tiste, professeur au Conservatoire, directeur de la Société, tiendra le
grand orgue.
,t*„, Continuant l'œuvre commencée par Lesueur, poursuivie plus tard
par Choron et Niedermeyer, M. Sain-d'Arod, maître de chapelle hono-
raire de la cour de Turin, accomplit depuis plusieurs années son en-
treprise en parcourant toutes les grandes villes des départements, et
en y organisant tantôt des concerts spirituels et historiques, tantôt,
dans les grandes églises, des messes de charité, qui ont déjà fait verser
plus de 60,000 francs dans les caisses de la bienfaisance publique. Dans
l'intérêt le plus vrai de la musique religieuse, dont le style est regretta-
blement néglifçé aujourd'hui, le retour définitif à Paris d'un artiste do
la valeur de M. Saiu-d'Arod serait du meilleur augure, et l'on ne saurait
trop encourager ses honorables tentatives.
i*,^ Mme Corinne de Luigi , l'éminente cantatrice élève de Rossini ,
vient de partir pour une grande excursion aux eaux thermales de
l'Allemagne, de la Suisse et de l'Italie. Elle est accompagnée par .M. Fa-
villi, violoniste distingué, qui a eu l'honneur de se faire entendre cet
hiver aux Tuileries, devant Leurs Majestés Impériales.
*** Le concert de M. de Besselièvre continue à jouir delà plun grande
vogue. C'est à peine si le vaste local des Champs-Elysées peut contenir
le public nombreux et élégant qui s'y rend chaque soir. L'orchestre, uq
des meilleurs de l'Europe, dirigé par Arban, fait merveille. Chaque soir,
nouveaux morceaux exécutés avec une perfection et un ensemble ad-
mirables. Parmi les nouveautés qui font fureur, il faut citer la fantaisie
sur le Déserteur, la ronde du Brésilien et l'étourdissant quadrille : Gai I
gai ! mon officier. Les solistes Arban, Lavigne, Demersseman, Genin,
Gobert, Soler, Gobin, Castegnier, François, Dihau, Bardey, Hollebeke,
Lacoste, Calendini et Richir se font applaudir à tour de rôle.
,^*,t Au Pré Catelan, au concert d'aujourd'hui dimanche, le remarqua-
ble orchestre de IMusard jouera pour la première fois, une belle fantai-
sie deSingelée, tirée des motifs de .Vorma. Les plus gracieuses cantilènes
de l'œuvre divine de Bellini se retrouvent dans cette belle composition.
— Pour la première fois aussi M. Danbé, virtuose du plus grand mé-
rite, exécutera sur le violon les brillantes et capricieuses variations
que Saint-Léon a récemment composées sur II Bacio d'Arditi. Par la
richesse et la variété du programme, la matinée musicale que Musard
offre au public d'élite du Pré Catelan, sera, sans contredit, l'une des
plus attrayantes de la saison.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
^*.j, Londres 30 juillet. — Plus la clôture approche, plus le direc-
teur du théâtre de Covent-Garden redouble d'activité. Dans l'es-
pace de huit jours, il nous a fait connaître Mlle Patti dans deux
nouveaux rôles, celui d'Adina de VElisire d'amore, et de Marie de la
Fille du régiment. Ces deux ouvrages ne sont pas précisément ce qu'il
y a de plus neuf; cependant, lorsqu'on les voit représentés par
Mlle Patti, on est persuadé qu'ils viennent d'être expressément écrits pour
la voix et le talent de ce petit démon. Avec quelle rare intelligence
Mlle Patti a su se rendre maîtresse du rôle d'Adina, dans lequel la
Persiani et la Bosio ont laissé à Londres de si éclatants souvenirs I Ces
deux grandes devancières ont pu aussi bien chanter le rôle, jamais
on ne l'a mieux joué avant Mlle Patti, qui sait s'identifier comme actrice
et comme cantatrice aux moindres nuances du rôle. Qu'Adine soit
coquette ou sentimentale, gaie ou réservée, Mlle Patti est toujours na-
turelle et elle-même. Et par exemple, dans la scène où Nemorino lui
dit qu'il ne peut pas renoncer à son amour pour elle, la manière dont
elle accentue sa réponse : « Tu non puoi ? perche ? » est quelque chose
d'inimitable, et à lui seul tout un petit poëme do malice et de senti-
ment. La gracieuse artiste a été rappelée plus d'une fois, et le Prcndi,
per me, avec la cabaktta qui suit, et qui appartient, je crois, -i un autre
ouvrage de Donizetti, ont été bissés. VElisire d^amore nous a fourni en
même temps la bonne fortune de revoir Ronconi. Kaudin, dans le rôle
de Nemorino, est excellent. — La verve de Mlle Patti dans la Fille du ré-
giment a, surpassé encore en audace tout ce qu'elle a osé jusqu'ici;
mais la fortune, qui est chargée de protéger les audacieux, ne lui a pas
fait défaut cette fois non plus, et son succès a surpassé toutes les
espérances. — Le théâtre de Covent-Garden fera sa clôture samedi
prochain par la deuxième représentation de la Fille du régiment. — Un
concert daus lequel chantaient Tamberlick, Mme Nantier Didiée, Mlle
Carlotta Patti, MM. Graziani et Ciampi, avait attiré dix mille auditeurs
au palais de Cristal. — Le jeune Lotto, violoniste, lauréat du Conserva-
toire de Paris, a donné, le 13, son premier concert dans ce même pa-
lais, et il a produit une incroyable sensation. Inconnu la veille, il est
aujourd'hui l'objet d'un enthousiasme général.
„*^ Bade, 27 juillet.— L'opéra de MM. Foussier et Leroy, la Fille de
l'orfèvre, vient de recevoir un bon accueil. C'est une poétique ballade
d'Uhland qui en a fourni le sujet. Un orfèvre de Nuremberg a une II lie
qui s'est fait aimer d'un jeune étudiant ; mais un jour il a disparu sans
dire où il allait et quand il reviendrait. Marie est en proie à la dou-
leur et aux regrets lorsque le puissant comte Huber, qui revient de
la croisade, suivi d'un brillant cortège, s'arrête devant la boutique de
son père, où il vient choisir des bijoux et de riches parures pour sa
fiancée. Quelle n'est pas la stupeur de la jeune fille en reconnaissant
dans le comte l'étudiant à qui elle a donné son cœur, et son désespoir
en se voyant choisie par lui pour essayer les parures dont il vient de
faire empiète et qui sont destinées à une rivale. Succombant sous cette
humiliation, elle tombe évanouie; mais le comte relève la douce et
chaste jeune fille qu'il n'a point oubliée et auquel il est resté fidèle;
il a voulu seulement l'éprouver, et c'est elle qu'il épouse et qui parta-
DE PARIS.
W
ger& son trône. M. Membrée a peut-être eu le tort de donner à la mu-
sique qu'il a écrite sur ce liferetto si peu compliqué, des proportions
que le sujet ne comportait pas; mais à part cette critique, on recon-
naît dans la partition le savoir du maître. Cette musique est bien faite
et de tout point distinguée; les morceaux les plus remarqués par le
public sont : le chœur d'introduction des ouvriers orfèvres, l'air do
paresse de l'apprenti, et surtout le duo linal entre lUarie et le comte, qui
renferme de jolies choses, mais qui a le tort d'être beaucoup trop long.
En somme, c'est un succès auquel ont vaillamment concouru Balanqué,
Mlles Henrion et Faivre, MM. Mengal et Froment. — Les répétitions de
l'opéra de Litolff se font à l'orchestre et l'on pense qu'il pourra être
joué du 12 au 15 août. Le directeur du théâtre de l'Opéra et celui
du théâtre Lyrique de Paris doivent, dit-on, assister à la première re-
présentation.
„,*„ Ems. — Nous n'avons dit que quelques mots de la jolie saynète
Lieschen et Frilzchen, ce tour de force de la merveilleuse facilité d'Of-
fenbach, qui défraie toutes les conversations. C'est une petite pastorale
dont le sujet est tout à fait simplet. Lieschen est une jeune Alsacienne
qui fait le commerce de petits balais ; désireuse de revoir son vieux
père, elle vient de se mettre en chemin pour son village, lorsqu'elle est
rencontrée par Fritzchen, que son maître, impatienté de son inintelli-
gible baragouin alsacien, a renvoyé et qui retourne également au village.
Dans la conver.-iation, ils se reconnaissent pour être frère et sœur. Cette
découverte vient mal à propos, car ils se sentaient fort disposés à nouer
une amitié plus que fraternelle, et Lieschen, dans son innocence,
marcherait vite sur cette pente, si Fritzchen, plus timoré, ne jugeait
prudent de se soustraire à la tentation en prenant une autre route.
Heureusement pour cet amour naissant, une lettre révèle aux deux en-
fants, au moment où ils vont se séparer, un secret de famille qui res-
titue à Lieschen sa véritable qualité de cousine et non de sœur de
Fritzchen. Le reste se devine. C'est sur ce fabliau qu'Offenbach a trouvé
le moyen d'écrire une ouverture champêtre, d'une charmante couleur
germanique ; une chansonnette pour Fritzchen, un très-joli air pour
Lieschen, un duo très-original et très-gai dans le style alsacien, dans
lequel un motif plein de suavité a provoqué des bravos unanimes et la
répétition du morceau ; enfin un air plein de naïveté : le Rat de ville et
le Bat des champs, et le duo final dans lequel règne une mélodie soutenue
qui a mené à son apogée le succès de ce nouveau bijou musical du
maestro. Mlle Bouffar a été charmante dans le rôle de Lieschen, et
M. Jean-Paul, dans celui de Fritzchen, a partagé avec elle les applau-
dissements légitimes et répétés de l'auditoire.
^*^ Bruxelles. — Les concours des élèves du Conservatoire sont presque
terminés, et les résultats connus jusqu'à ce jour des plus satisfaisants.
^*^ Hambourg, 25 juillet. — Avant-hier a eu lieu au Kursaal le plus
brillant concert de la saison. Les honneurs de la soirée ont été pour
le célèbre pianiste Wieniawski et le maître de concert David, de
Leipzig, un des plus éminents violonistes der.\llemagne. Mlle Marguerite
Zirndorfer a chanté un air de l'opéra IVeibertreue (les épouses (idèles),
par G. Schmidt ; le baryton Hell, des Lieder de Meyer et Abt. Le mor-
ceau le plus applaudi a été le trio û'Une nuit à Gremwte, par C. Kreutzer.
^*^. Wiesbade. — A l'occasion de l'anniversaire du jour de naissance du
duc régnant de Nassau, nous avons eu, le 23, un grand festival mu-
sical, dans lequel nous avons entendu le célèbre Vieuxto."nps, Alfred
Jaell, Mme Dutsmann-Meyer, première cantatrice du théâtre impérial de
Vienne; Wacbtel, le célèbre ténor allemand, et iVI. Oberthiir, harpiste
distingué de Londres. Tout était loué à l'avance ; la salle était comble
et on a dû refuser plus de trois cents personnes. Jamais pareil concert
à Wiesbade n'avait attiré pareille affluence ; on offrait 60 à 80 francs
pour une entrée. 11 est vrai que des talents de cette valeur se trouvent
rarement réunis, et le programme d'ailleurs était à la hauteur de ledr
mérite. Un concerto de Vieuxtemps exécuté avec la perfection qui est
le partage de ce grand artiste, un duo concertant par Vieuxtemps et
Jaell; le concerto en la pour piano de Schumann, par Jaell, qui s'y est
surpassé, étaient les morceaux les plus im.portants ; ils ont excité un
véritable enthousiasme. On n'a pas moins applaudi la belle voix de
Mme Dutsmann, \'ut dière de Wachtel et la harpe de M, Oberthiir.
Quoique le concert commencé à 7 heures et demie, continuât encore à
1 1 heures, pas un auditeur n'a quitté la place. Pour qui connaît nos
habitudes, il n'y a pas de plus bel éloge à en faire 1 Nous attendons
maintenant, pour le 31, le concert de l'éminent violoniste Wieniawski.
— MM. Vieuxtemps et Jaell joueront encore au grand concert du 28.
t*^ Spa, 2.') juillet. — Le grand concert donné hier dans la salle de
la Redoute par l'administration des jeux, a pleinement réussi. Au
nombre des artistes qu'on a le plus remarqués et le plus applaudis, il
faut citer M. Magnus, pianiste-compositeur éminent, qui a joué sur le
piano (excellent instrument de Pleyel) un caprice sur les Hugenols, ar-
rangé par lui avec beaucoup de goût. M. Magnus y a déployS un style
large, une exécution à la fois brillante et sévère. Uans sa 'Réminiscence
de l'Eclair et le Steeple-chase, galop de bravoure de sa composition, il a
prouvé que la délicatesse et l'agilité ne lui étaient pas moins familières.
Il a produit beaucoup d'effet, et M. Laenders, jeune violoniste d'un grand
talent, a partagé son succès.
j*^ Vienne, 27 juillet. — aujourd'hui le théâtre de l'opéra de la cour
donnera Stradella, de M. de Flotow, avec Mlle d'Alvsleben, du théâtre
royal de Dresde, qui chantera le rôle de Léonore, et M. Krenn (Mal-
voglio).— Mme Kapp-Youug, du théâtre allemand de Pesth, est loi en re-
présentation ; elle débutera dans le rôle de Valentine (Huguenots.) —
Rubinstein, l'auteur des Enfants des Landes, est arrivé ici, venant de
Saint-Pétersbourg. — Le joyeux ballet de Borrl : le Carnaoal de Paris,
vient d'être repris avec le plus brillant succès à l'opéra de la cour.
Borri a écrit pour le théâtre un ballet nouveau : le Diable au bal ; la
première représentation aura lieu au mois d'octobre.— Lians le courant
de la saison d'été, seront représentés il/areo Spada, d'Auber, et un opéra
posthume de Marschner.
^*^ Breslau. — Les corps de musique de la garnison ont donné un
concert monstre au profit de la caisse des pensions militaires. La
Marche du couronnement, par Meyerbeer, est le morceau qui a produit
le plus d'effet.
„*,j Dresde. — Notre société d'artistes musiciens se compose de
210 membres. Dans le courant de la saison, 53 compositions instrumen-
tales ont été exécutées à la salle de l'hôtel de Saxe.
**^ Prague. — Pour son avant-dernière représentation, Mme Harriers
avait choisi le rôle de Valentine, des Huguenots, où elle a eu un succès
d'enthousiasme. M. Harriers fera ses adieux au public dans Eunjante de
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Le Saxotromba, ou le Saxhorn, est supérieur à ses analogues existants précédemment, • comme proportion de tubes et par
conséquent comme son ; supérieur comme j ustesse ; supérieur comme création de famille complète ; supérieur comme facilité et
unité de doigté ; supérieur comme forme ou contour des tubes pour l'émission des sons ; supérieur comme forme pour le pla-
cement et le majiiement de l'instrument ; supérieur comme ayant une même direction des sons (avantage pour l'auditeur de
recevoir tous les sons avec la mémo puissance); supérieur en ce que quelques jours suffisent pour former, avec des amateurs ou
:r de simples conscriis militaires, une musique passable; supérieur en ce que les plus gros instruments comme les petits se
tiennent facilement au moyen de la main gauche et du bras gauche, et laissent le bras et la main droite entièrement libres,
et dans la meilleure position pour le jeu des doigts sur les cylindres ; supérieur en ce que, quand un élève a déjà fait des
études et qu'il, est obligé de clianger d'instrument faute de disposition des lèvres ou par tout autre motif, ses études acquises
servent pour le nouvel instrument, soit trompette, trombone ou tout autre instrument ; supérieur en ce que l'on peut faire les
études les plus longues et les plus difficiles sur l'instrument qui fatigue le moins et les reporter sur d'autres plus durs à jouer
ou plus lourds à porter; supérieur en ce que, dans les Eociétés ou dans un régiment de cavalerie, surtout lors des congés, il
arrive souvent que tous les artistes d'une même catégorie d'instruments partent, et que, dans ce cas, on peut les remplacer
en prenant des musiciens dans les parties les mieux garnies pour occuper ou remplacer les parties manquantes; supérieur en
ce qu'on ne craint pas les coups de tête des chevaux, qui, avec les anciens instruments, brisaient parfois les dents au cava-
lier; supérieur en ce que l'on peut jouer, le cheval au trot ou au galop, l'instrument suivant toujours les mouvements du
corps; supérieur pour la musique en marche en ce que l'instrument ne se dérange pas sur les lèvres, et conserve par consé-
quent la même sonorité qu'au repos; supérieur pour les corps de musique et pour le militaire surtout, où tout est régulier
lea musiciens et les instruments d'après le système ancien), en ce que tout le monde se trouve dans la même position, toutes les mains à la même
instruments penchés de gauche à droite ; supérieur, pour la musique à cheval ou de cavalerie, en ce que si, pendant que l'on joue, le cheval vient
est facile de ressaisir les brides pour le ramener, sans déranger l'instrument de sa position. ifJK^
Tous Us iDsirnmenii soriani de la fabrique portent l'inscription saivdiiie : Adolphe Sax, à Paris, facteur de la maison militaire de l'Empereur, ^1^
le numéro d'ordre de l'inilrumenl et le poinçon ci-après : jlSjoli
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UNIVERSELLE DE LONDRES 1851.
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en 18a. — Prix d'honneur, médaille d'or, en 1843. — Médaille d'argent à l'Exposition de Paris, ISiili. — MEEiECUK par le gouvernement belge pour visiter
l'Exposition universelle de Londres, en 1851. — Exposition universelle de Paris, 1855, les plus belles pages du Papport officiel, 27'"° Classe, pages 1835-1336. —
Exposition universelle de Londres, 1862, Pli/ZE MEDAL, avec cette mention : POUR EXCEIiliEMCE DE TOUTE ESPECE D'INSTRUMKNTS DE CUIVRE.
— .Membre de l'INSTITllT POLYTECHNIQIE de Paris, membre de l'ASSOCIATION INTERNATIOINALE POUR LE PROGRÈS DES SCIENCES SOCIALES. —
MEDAILLE D'OR et Membre du CORPS SCIENTIFIQUE DE L'HOTEL DE VILLE DE PARIS.
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REVUE
9 Août 18G3.
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Paris 24fr.paroa
Déparlements, Bdgique et Suisse — 30 r) id.
Étranger •-• 34 >' W.
Le Jouroal paraît le DimaDcUc.
GAZETTE IHUSI
-,/w \-PJ\Ar JVTiAA/v^-
SOMMAIRE. — Conserratoire impérial de musique et de déclamatiou : séance
solennelle, par Paul ISmllh. — Effets des circonstances sur la situation ac-
tuelle de la musique, au point de vue de la composition ; ce qu'il faudrait faire
pour améliorer cette situation (1" article), par Fétis père. — Revue des théâ-
tres, par D. A. D, Saiut-lfTes. — Correspondance: Londres.— Nouvelles
et annonces.
CONSERVATOIRE IIIPERIÂL DE MUSIQUE ET DE DÎCLÀIIIÂTION.
séance solennelle.
Le Moniteur universel du mardi 4 août s'exprimait en ces termes :
« La distribution des prix a eu lieu aujourd'hui , au Conservatoire
impérial de musique et de déclamation, à la suite du concours de
l'année scolaire 1862-1863.
S. Exe. le maréchal Vaillant, ministre de la maison de l'Empereur
et des beaux-arts, est arrivé au Conservatoire à une heure, accom-
pagné de MM. Alphonse Gautier, conseiller d'Etat, secrétaire général
du ministère : Camille Doucet, directeur de l'administration des théâ-
tres; le colonel Monrival, aide de camp du maréchal, et Delacharme,
chef (lu cabinet du ministre.
Son Excellence, reçue à son arrivée par M. Auber, membre de
l'Institut, directeur du Conservatoire, et par M. Edouard Monnais,
commissaire impérial, s'est rendue dans la partie de la grande salle
qui avait été préparée pour cette cérémonie, et a pris place au mi-
lieu des professeurs; on remarquait à ses côtés le général Mellinet,
MM. Ambroise Thomas et Clapisson, membres de l'Institut.
La séance ayant élé déclarée ouverte, le ministre a prononcé le
discours suivant :
« Jeunes élèves,
» Le concours est terminé, la lutte est finie ; je viens au miheu
de vous couronner les vainqueurs sur le théâtre de leurs exploits.
1) Innocents combats que les vôtres ! guerres fraternelles où la dé-
faite même a sa gloire, où le succès des uns ne fait que stimuler le
courage des autres, et d'où les vaincus se relèvent sans honte et sans
amertume, pleins de confiance parce qu'ils ont en eux la force, pleins
d'espoir parce qu'ils ont devant eux l'avenir.
» J'aime à vous parler de l'avenir, quand, plus qu'un autre peut •
être, je serais autorisé à faire l'apologie du passé.
» J'ai vu, en effet, briller du plus grand éclat les arts divers que
l'on vous enseigne ici; j'ai applaudi, sur bien des scènes, de grands
artistes qui appartiennent aujourd'hui à l'histoire et qui semblaient
ne pouvoir jamais être égalés; mais en remontant plus loin encore
dans mes souvenirs, n'ai-je pas assisté aux débuts obscurs de ceux
dont la retraite fut si regrettée ; n'ai-je pas vu des élèves inconnus
succéder en tremblant à des artistes célèbres qu'ils devaient éclipser
plus tard? Chacun, tour à tour, reçoit pour ainsi dire en héritage
les admirations de ses pères et en lègue d'autres à ses enfants.
» Loin de moi donc la faiblesse de croire que le dernier mot de
l'art ait jamais été dit; loin de moi la pensée de déprécier vos maî-
tres au profit de leurs devanciers. Regrettons tous ceux qui nous ont
charmés, soit qu'ils s'éloignent volontairement de la scène comme
votre excellent professeur M. Samson, soit qu'ils succombent dans la
retraite comme votre plus cher modèle Mme Damoreau, soit qu'ils
disparaissent avant l'heure comme celte jeune et aimable enfant que
je n'ose nommer, tant sa perte est récente et douloureuse ! Justes
envers le passé, ne lui sacrifions pas l'avenir ; admirons tout ce qu'il
convient d'admirer ; gardons la mémoire de tout ce qui mérite qu'on
s'en souvienne; mais ne prétendons pas arrêter le monde aux jours
où nous nous sommes arrêtés nous-mêmes ; si doux que soient nos
souvenirs, ne disons jamais d'aucune époque : C'était le bon temps.
I) C'est toujours le bon temps , mes amis ! S'il y a toujours des
vieillards qui finissent et qui regrettent, il y a toujours des jeunes
gens qui commencent et qui espèrent.
» Toujours aussi, et en présence des maîtres qui m'entourent, je
n'aurais garde de l'oublier, il y a de vrais artistes et d'éminents pro-
fesseurs qui, par d'utiles conseils et par des exemples plus utiles
encore, conservent la tradition et la transmettent.
» A leur tête j'aime à voir l'illustre et infatigable chef de l'Ecole
musicale française, de cette brillante école dont un contemporain de
Rameau eut l'injustice de douter, et qui a réfuté si victorieusement
cette assertion de Jean- Jacques Rousseau : « Les Français n'ont point
» de musique et n'en peuvent avoir, ou si jamais ils en ont une, ce
» sera tant pis pour eux. »
1) La France, et c'est tant mieux pour elle, a aujourd'hui sa musi-
que et ses musiciens.
» Qu'ils composent ou qu'ils exécutent, qu'ils soient à l'Ecole de
Rome ou à l'Institut, au Japon ou au Mexique, qu'ils charment le
public dans les théâtres ou qu'ils conduisent nos soldats à la victoire,
les musiciens de la France n'ont rien à envier à personne, et tandis
que les œuvres de nos compositeurs sont applaudies sur toutes les
scènes, les étrangers eux-mêmes rendent hommage à l'incomparable
orchestre de notre Conservatoire.
)) Heureux d'être auprès des artistes l'interprète d'une auguste
bienveillance, je ne saurais trop leur dire que l'Empereur les aime,
250
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
et que son intérêt s'attache aux travaux des maîtres comme aux pro-
grès des élèves. Avant de vous couronner en son nom, mes jeunes
amis, je vous annonce que pour reconnaître de tons services et de
nombreux succès, pour donner à tout le corps enseignant du Con-
servatoire un témoignage de sympathie el un encouragement, l'Em-
pereur accorde la croix de la Légion d'honneur à l'un de vos plus
anciens et de vos plus heureux professeurs, M. Le Couppey.
» Et maintenant, jeunes ai'tistes, le prix de vos efforts vous at-
tend; votre heure est venue, et la carrière s'ouvre devant vous. Hé-
ritiers et successeurs de ceux qui vous ont généreusement confié le
secret de leur art, vous avez appris d'eux à les imiter ; vous les éga-
lerez un jour, et ce sera leur plus douce récompense. »
Ce discours, écouté avec un très-grand intérêt, a été fréquemment
interrompu par de nombreux applaudissements.
La séance s'est terminée par un exercice dramatique et lyrique
exécuté par les principaux lauréats.
Cet exercice se composait notamment du troisième acte de Marie
Stuart, d'une scène du Mariage forcé et du quatrième acte à! Othello,
de Rossini.
Cette cérémonie a fini à /j heures. »
Entre la distribution des prix et l'exercice, S. Exe. le ministre de
la maison de l'Empereur et des beaux-arts, conduit par M. Auber, a
visité le musée Clapisson, cette collection si riche et si curieuse
d'instruments de musique, rangés dans un ordre qui a paru excel-
lent, et dont l'exposition sera bientôt publique. Puis il est venu s'as-
seoir dans la loge d'honneur, et l'exécution du programme a com-
mencé. Ce programme nous ramène nécessairement à celui des
concours différents, dont il offrait le résumé sommaire, avec une dé-
croissance d'effet qu'il faut bien reconnaître , mais qu'il est facile
d'expliquer.
Au concours, c'est l'imprévu : l'auditoire ne sait rien, ne s'attend
à rien de ce que les concurrents vont faire, et leur tient compte de
tout ce qu'ils font; la satisfaction s'accroît même d'une certaine dose
de surprise, et parfois, la bienveillance aidant, le succès dépasse le
mérite. Tout au contraire, à la séance solennelle, d'une part les lau-
réats tiennent à justifier leurs titres; de l'autre, l'auditoire se consi-
dère comme appelé à les reviser ; on n'est plus en famille : noblesse
oblige, et l'on peut ajouter qu'en pareille circonstance noblesse re-
froidit. C'est ce qui est advenu l'autre jour encore, sans toutefois
jeter trop de glace dans la salle. M. Bach a fort agréablement chanté
l'air : Viens, gentille dame. Mlle Rey a montré qu'elle avait de la
voix et de l'art en redisant, comme M. Bach, son morceau de con-
cours, l'air du premier acte de la Somnambule. Mlle Ebrard avait
cru devoir échanger un air de l'Enfant prodigue contre un autre air
de Philémon et Baucis : chacun son goût, mais le sien n'est pas le
nôtre. Elle n'en a pas moins prouvé qu'elle est comédienne autant
que chanteuse. Elle rappelle, de loin encore, le style et le goût de
Mme Carvalho ; puisqu'elle est engagée au théâtre Lyrique, elle achè-
vera de se former à son école. M. Colonne a joué sagement un assez
triste solo de violon qui ne doit pas être jeune, quoiqu'il soit de
Bériot, car il porte une large perruque.
Le fragment du troisième acte de Marie Stuart réunissait Mlles Co-
lombier, Petit, Leprévosf, MM. Beauvallet et Verdellct. C'est là une
de ces scènes qui se jouent pour ainsi dire toutes seules : on n'a
qu'à ouvrir la bouche pour y produire de l'émotion, et Mlle Colom-
bier n'y a pas manqué. Cependant avouons qu'elle ne nous a pas
donné l'idéal de la reine d'Ecosse : ce sont plutôt les fureurs que
les douleurs de Marie Stuart, dont elle s'est rendue l'interprète. Elle
a été plus terrible que touchante. Mlle Colombier est brune et
Mlle Petit blonde : l'une et l'autre étaient donc dans la tradition his-
torique; à cela près, il nous semble que le rôle de Marie Stuart eût
convenu mieux à Mlle Petit, jeune et gracieuse personne, et celui
d'Elisabeth à Mlle Colombier, dont l'énergie n'est pas douteuse. La
scène du Mariage forcé fait toujours grand honneur à Molière : un
héritier du nom de Séveste, jeune garçon de dix-sept ans à peine,
en a profité pour enlever son premier prix , peut-être un peu vite ;
l'année dernière, le jury n'avait accordé qu'un second prix à M. Par-
fouru, qui n'avait pas témoigné moins de vocation, de mémoire, d'ac-
tivité que M. Séveste. Le Mariage forcé faire rire beaucoup plus aux
concours qu'aux séances solennelles, oii le génie même n'absout pas
du soupçon de parade.
Enfin le couple Soustelle a reparu dans le troisième acte d'Othello,
et le jugement de première instance a été confirmé en appel.
Mme Soustelle avait pour elle l'avantage d'un rôle où il faut chanter
plus que déclamer, tandis qu'Othello, dans cette partie du chef-
d'œuvre, doit déclamer plus que chanter. On ne pouvait donc juger
le lauréat tout entier; mais on a été frappé de ses qualités drama-
tiques, et l'on a reconnu en sa femme une admirable voix, un sen-
timent vrai, une expression poétique. Elle a dit la romance et la
prière de façon à mériter des applaudissements sur toutes les scènes.
Au surplus, on dit que les deux époux sont engagé.s à l'Opéra :
M. Emile Perrin, nous le croyons, n'aura jamais fait ni meilleure ni
plus prompte justice.
Après un combat, une lutte de plusieurs jours, il reste des blessés
sur le champ de bataille. Faut-il chercher à les consoler, à les gué-
rir, en versant un peu de baume sur leurs plaies? Faut-il dire à
M. Vincent, qui, l'année dernière, avait obtenu le second prix de
chant, que s'il n'a pas obtenu le premier cette année, c'est qu'il avait
mal choisi son air? Il y a des airs charmants qui ne seront jamais
des morceaux de concours : celui de la Fiancée, que chantait si bien
Chollet à son entrée, n'est pas assez étoffé, pas assez important: c'est
le bonjour de quelqu'un qui doit vous revoir et vous en dire plus
une autre fois. En effet, dans la délicieuse partition d'Auber, Chol-
let en disait bien davantage. Un autre blessé du concours de chant,
M. Troy, frère de l'artiste de l'Opéra-Comique, méritait une distinc-
tion par la manière dont il a chanté un air fort difficile du Raymond
d'Ambroise Thomas, et qui avait été écrit pour Bussine, mais du
moins il a pris une brillante revanche dans les Noces de Jeannette,
où par le jeu, par l'organe, il offre une seconde édition de l'excellent
Couderc. Comme lui, M. Caillou s'est dédommagé dans une scène du
Postillon, du peu de faveur qui l'avait accueilli dans l'air de Zampa,
quoique chanté avec beaucoup d'art. M. Mareux a réussi également
dans le chant et dans des fragments de Galaiée, de l'Eau merveil-
leuse. Nous ne sachions pas de plus remarquable produit du travail :
la nature n'avait donné à M. Mareux qu'une voix de ténor fraîche et
timbrée, mais il lui fallait acquérir tout le reste, et il en est venu à
bout. Ce sera l'un des trial les plus précieux. Il chante bien et il est
comique. M. Teste nous permettra de lui dire qu'il a complètement
dépassé le but : il a chargé au point de n'être plus tolérable ; il eût
paru hors de toute mesure, même sur les tréteaux.
Dans les classes d'instruments à vent, il règne une émulation très-
méritoire : celles de flûte , de hautbois , de clarinette, de cor, de
trompette, de trombone, tenues par MM. Dorus, Triebert, Klosé,
Gallay, Dauverné, Dieppo, et dans lesquelles l'élément militaire se
mêle à l'élément civil, ont brillé par la quantité non moins que par
la qualité. La classe de cornet à pistons, tenue par M. Forestier, a
fait de grands progrès. Quant à celles de saxophone et de saxhorn ,
dont les professeurs sont MM. Adolphe Sax et Arban, elles ont con-
servé leur supériorité ordinaire : tous les élèves qui en font partie
ont obtenu des récompenses, soit en prix, soit en accessit , et il faut
convenir que tous se distinguent par une exécution de solistes et
par une réelle faculté de lecture. Cela tient sans doute au talent des
maîtres, aux avantages que présentent les instruments, et à la
DE PARIS.
251
discipline qui, dans les classes exclusivement militaires, ne souffre
pas le temps perdu.
Les concours d'instruments à vent étaient divisés en deux journées:
ceux de la seconde ont eu pour président M. le général Mellinet.
M. Auber, voulant assister le matin aux obsèques de la pauvre Emma
Livry, avait prié le glorieux général de vouloir bien prendre sa place,
et à son retour il l'a prié de la garder.
Paul SMITH.
EFFETS DES CIRCONSTANCES
sur la situation actuelle de la musique, au point de
Tue de la composition.
CE qu'il faudrait faire I'OUR améliorer cette SITUATIOIV.
(Premier article.)
J'aborde un sujet qui me préoccupe depuis longtemps et sur lequel
j'ai des opinions qui trouveront peut-être des contradicteurs ; mais
en exposant mes idées, je songe à être utile et non à être approuvé
de tous ceux qui me liront. Quand on se propose d'indiquer les
causes d'un mal considérable, il ne faut pas craindre de dire toute la
vérité.
La création de la grande musique, comme celle de la grande pein-
ture, ne se trouve que dans le passé. L'évidence est ici telle, que
la discussion n'est pas à craindre. N'ayant pas la grande musique,
faite uniquement pour l'intelligence et le sentiment, nous avons la
grosse, dont le but est l'émotion nerveuse, à l'aide des effets de
rhythme et de sonorité. En faisant cette comparaison, on pourrait
croire, au premier aperçu, que ces deux déterminations de l'art ré-
pondent à des besoins d'époques en tout différentes; mais il n'en est
pas ainsi, car j'ai assez vécu pour avoir la preuve qu'en aucun temps
les oeuvres les plus belles des plus grands maîtres n'ont été aussi
bien comprises ni aussi généralement admirées qu'elles le sont au-
jourd'hui. Il y a là une anomalie qu'on serait tenté de croire impos-
sible, et dont il faut chercher les causes.
La première est une illusion née du mouvement imprimé par la
révolution française de 1789. Les tendances de transformation qui
se manifestèrent alors en toute chose, parurent applicables à l'art
comme à la politique, aux mœurs et aux sciences. Il y eut de cer-
tains esprits qui se persuadèrent qu'il fallait faire disparaître l'ancien
régime, comme on disait alors, de la peinture et de la musique
comme il avait disparu dans la nouvelle organisation de la société.
Plus d'églises, partant plus de musique religieuse ni de sujets puisés
dans la Bible ou dans le Nouveau Testament pour les tableaux. Au
théâtre, la mélodie paraissait bien fade à d'énergiques républicains.
Je me souviens que lorsque je fus admis comme élève au Conserva-
toire de Paris, sous le Directoire, on y levait les épaules lorsque je
prononçais le nom de Grétry et parlais de ses ouvrages. On y parlait
de bonne foi de la création d'une musique nouvelle qui serait en
rapport avec les sentiments d'une nation régénérée. Euphrosine ou
le Tyran corrigé, Ariodant et Adrien, de Méhul; Médée, de Cheru-
bini; la Caverne, de Lesueur; Montana et Stéphanie, et le Délire, de
Berton, étaient considérés comme les préludes de cette musique par-
faite, née d'un système vers lequel on se dirigeait. Qu'on lise deux
ou trois discours prononcés par Méhul aux séances de la classe des
beaux-arts de l'Institut, dans les premières années de ce siècle, on y
trouvera ces idées clairement exprimées. Certes, il y avait de très-
belles choses dans les ouvrages que je viens de citer ; mais pour la
première fois l'esprit de système s'introduisait dans une école de
composition, et ce système préparait la décadence de l'art. Il la pré-
parait en supposant que l'art a un passé, un présent et un avenir,
au lieu de reconnaître en lui ce que nous montre l'histoire, à savoir,
le développement de l'unité de sentiment et d'idée dans des évolutions
de formes ; il la préparait en supposant la possibilité de créer dans
l'art par l'action de la volonté et de dessein prémédité, à l'aide de
vues préconçues et antérieures aux déterminations spontanées de l'i-
magination; il la préparait, enûn, en accordant à certains procédés
de facture, à certaines formules d'école, le pouvoir de réaliser des
beautés conçues systématiquement.
Et qu'on ne croie pas que j'exagère et que je prête à d'illustres
artistes des idées, des vues, des théories qui n'auraient pas été les
leurs, car je suis plein encore du souvenir de certaines paroles qui
me furent dites par Méhul en 1802. J'avais alors dix-huit ans et
j'étais élève au Conservatoire. Je me trouvais chez Ignace Pleyel,
qui me recevait avec bonté ; Méhul y vint pendant que je parlais
avec enthousiasme du plaisir que je venais d'éprouver à entendre le
Matrimonio segrelo de Cimarosa , au petit théâtre de la rue de la
Victoire. C'était la première fois que cet ouvrage était entendu à Pa-
ris. Méhul sourit de mon admiration chaleureuse et me dit : « Jeune
homme, à votre âge on se laisse aller à ses impressions et l'on se
passionne volontiers ; pour nous qui savons comment se fait cette
musique, ce qui s'y trouve, et ce qui y manque, nous sommes moins
prompts à nous exalter. La musique italienne fait son temps , mais
elle passera. Vous êtes assez jeune pour voir s'accomplir la révolu-
tion commencée dans l'art par l'école française, et pour être témoin
de son triomphe sur les autres écoles. »
L'Italie, concentrée en elle-même, ne s'occupait ni de la musique
allemande, ni de la française : elle n'estimait, ou plutôt ne connais-
sait que la sienne. En possession d'écoles où d'anciennes traditions
étaient encore vivantes , elle voyait ses compositeurs se former par
des études de dix à douze années dans les conservatoires , et ses
chanteurs ne se hasardaient sur la scène qu'avec une belle voix et
une éducation vocale complète. Malheureusement, la France venait de
porter atteinte à la robuste constitution de l'art ancien de l'Italie par
l'introduction de l'esprit révolutionnaire dans cette péninsule , par
l'ébranlement de ses institutions, et par la dilapidation d'une partie
de ses ressources. Les conséquences de celte perturbation ne se firent
pas sentir immédiatement; mais de grands artistes, compromis dans
ce mouvement, disparurent et ne purent continuer les traditions par
lesquelles ils s'étaient formés; les écoles s'affaiblirentprogressivement
et les études cessèrent d'être sérieuses. Dans cette situation survint
un homme de génie dont les œuvres furent une source des plus vives
jouissances pour toute la génération contemporaine et forment, no-
nobstant de certaines imperfections, une des époques les plus inté-
ressantes de l'histoire de l'art. Il ne faut pas se le dissimuler pour-
tant: une des causes du succès universel de ces mêmes œuvres fut
l'alliance du caractère national de la musique italienne avec l'art
exotique ; l'harmonie et l'instrumentation allemandes y apportèrent
leur contingent. On put dès lors prévoir que là ne s'arrêteraient pas
les emprunts que ferait l'Italie pour sa musique aux nations étran-
gères, et que le caractère national de l'art italien continuerait de
s'affaiblir en raison de l'accroissement des ressources étrangères
dont on croirait l'enrichir. Ce fut en effet ce qui arriva lorsque Bel-
lini eut donné à ses mélodies le caractère syllabique et déclamé de
la musique française.
On sait quelles furent les innombrables imitations de la musique
de Rossini d'abord, puis de Beliini, qui virent le jour et moururent
dans l'espace d'un demi-siècle. Pendant ce temps, la décadence des
études continuait, au point que l'on en est venu à ne pouvoir écrire
une partition qui puisse soutenir l'examen d'un connaisseur. L'art du
chant n'était pas dans une meilleure situation. Aux professeurs qui
l'enseignaient autrefois avec de si beaux succès n'avaient pas succédé
d'autres maîtres. La rareté des bons chanteurs italiens étant venue,
les entrepreneurs des théâtres de Milan , de Venise , de Rome et de
Naples en demandèrent à la France, à l'Allemagne, à l'Angleterre, et
252
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
*a décadence du caractère national de la musique italienne n'en devint
que plus active. A l'art du chant succéda la force vraie ou factice des
poumons ; à celle-ci succédera bientôt le silence : car on ne trouvera
pas plus de crieurs que de chanteurs : la consommation en est trop
rapide.
L'Italie elle-même, bien que préoccupée et malade de sa situation
politique, a poussé récemment son cri de détresse sur la perte de
Fart qui lit autrefois sa gloire et sa joie. Un journal de musique qui
se publie à Florence (Boccherini) constatait dans un de ses derniers
numéros que n'ayant plus ni compositeurs dramatiques d'un mérite
suffisant, ni chanteurs, la musique, besoin de toutes les âmes sensibles,
devait chercher un refuge dans le style instrumental. Cette pensée est
sans doute commune à toute l'Italie, car presque au même instant se
sont organisées dans la plupart des grandes villes des sociétés de mu-
sique de chambre et d'orchestre : des prix ont été fondés pour la
composition de quatuors, de symphonies et d'autres pièces de musique
instrumentale. Il appartient aux âmes énergiques de ne désespérer ni
de soi ni de l'art; mais pour opérer une régénération, il faut com-
mencer par le commencement. Or, le commencement, c'est l'art
d'écrire : pour que cet art, à peu près perdu , se retrouve, il faut
fortifier l'enseignement dans les écoles. Si l'on veut composer des
œuvres qui aient le mérite de celles de Haydn et de Mozart, il ne
faut pas se borner à les étudier; encore moins faudrait-il prendre
Beethoven pour modèle, car on ne deviendrait que les copistes de ces
grands hommes. Pour les égaler, si l'on a du génie comme eux, il faut
puiser à la source où eux-mêmes sont remontés; il faut étudier les
règles des anciens maîtres, règles fécondes qui s'appliquent à tout, et
qui sont les bases de l'art dans toutes ses déterminations. Ces règles
et leurs applications pratiques sont déposées dans des livres où il faut
que des hommes intelligents et bons musiciens les cherchent et se les
identifient de manière à les bien enseigner. Alors il pourra encore
se former de grands compositeurs ; mais alors seulement. L'art d'é-
crire, que depuis trente ans on a tant décrié , et contre lequel il y a
tant de révoltes, parce qu'il est difficile et qu'on n'a pas eu le cou-
rage de l'apprendre ; cet art, onl'étudiait avec persévérance alors que
se succédaient sans interruption ces grands artistes du passé auxquels
nous sommes obligés de recourir pour retrouver le sentiment du beau
que nous ne trouvons pas dans les élucubrations impuissantes des
hommes du jour, lesquels ne savent rien de cet art ou le savent mal.
Commençons d'abord par apprendre : plus tard, si nous avons quelque
chose à dire, nous le dirons bien.
L'Allemagne est peut - être dans une situation pire que la
France et l'Italie, eu égard à l'état actuel de la musique, après avoir
été placée plus haut qu'aucune autre nation par la faculté de création
dans cet art. Pendant cent cinquante ans (1675 à 1825), pour ne
parler que des astres puissants autour desquels les autres ont gravité,
on voit sans interruption se succéder ou vivre contemporains Jean-
Sébastien Bach et Haendel, Charles-Philippe-Emmanuel Bach, Haydn,
Gluck, Mozart, Beethoven et Weber. Je n'ai pas besoin de dire ce
que sont ces inventeurs; on le sait et j'en ai dit ailleurs mon
sentiment. A peine trente ans se sont écoulés depuis le temps
où j'ai vu les Allemands se prosterner devant les œuvres de leur
génie. — Il n'en est plus de même aujourd'hui. Non qu'il n'y ait en
Allemagne, comme partout, une population d'élite qui sera toujours
sensible au véritable beau ; mais il s'y trouve aussi en très-grande
quantité des partisans fanatiques des monstruosités enfantées dans
ces derniers temps. A l'égard des artistes, ils se partagent en plu-
sieurs camps, et suivant l'un un drapeau, l'autre un autre, sans
autre règle que la fantaisie, le caprice, ou guidés par des considéra-
tions systématiques étrangères au véritable but de l'art. Ils ont des
opinions sur l'objet de cet art et sur ses produits, mais ils n'ont plus
de foi. La réforniation luthérienne porte en eux ses derniers fruits.
Mendeissohn est le dernier compositeur allemand qui soit resté fidèle
aux traditions classiques, c'est-k-dire à l'art vrai, éternel. C'était
d'ailleurs un musicien éminemment instruit, qui cultiva l'art d'écrire
avec une grande distinction. Tant que Mendeissohn vécut, Schumann
eut peu de partisans, nonobstant l'influence de la Nouvelle Gazette
musicale de Leipzick, qu'il aviit fondée pour appuyer ses tendances
d'innovation dans la forme. Aujourd'hui Mendeissohn a perdu beau-
coup de ses adeptes qui se sont faits schumanistes . D'autres consi-
dèrent Schumann comme arriéré et se tournent vers un autre astre
nébuleux qui a nom Brahms. Celui qui écrit le plus mal et heurte
les oreilles des associations de sons les plus étranges ; celui surtout
qui trahit le plus souvent le sentiment tonal, est considéré par
beaucoup d'Allemands comme le génie le mieux inspiré, le plus ori-
ginal. Je ne serais pas étonné que M. Richard Wagner ne fût réputé
quelque jour une ganache classique. Dans une certaine portion de la
population d'outre-Bhin, l'instinct de l'art, c'est-à-dire de ce qui mé-
rite ce nom, semble à jamais éteint, et le désordonné paraît seul
pouvoir faire naître l'émotion.
De l'excès naît en général la réaction : cette réaction, nous la
voyons dans le sentiment public en France comme en Italie. En
sera-t-il de même en Allemagne? Je l'ignore, mais j'en ai quelque
doute. La nation allemande, portée vers la méditation, a plus de pro-
fondeur que les autres et peut s'élever aux plus hautes régions de la
science : mais il n'est pas dans sa nature de poser de limites à sa
faculté de connaître. C'est ainsi qu elle s'égare. En philosophie, après
la réforme de Kant et les rigoureuses déductions de la logique de
Fichte, elle parvint à l'idéalisme transcendental de Schelling, bientôt
dépassé par l'aôsoizf de Hegel; et parmi les disciples de celui-ci, il
s'en trouva qui l'accusèrent de timidité dans l'application de sa doc-
trine, et qui, voulant faire eux-mêmes cette application, se trouvè-
rent placés fatalement entre le panthéisme et le scepticisme. Depuis
lors, une sorte de découragement, de dégoût de la philosophie, sem-
ble s'être emparé de la nation allemande. Plus grande encore, son
erreur à l'égard d'une sorte d'absolu en musique lui a persuadé
qu'on avance vers la solution du problème à chaque évolution de
l'idée et de la forme, en sorte qu'elle va s'égarant de plus en plus
dans sa recherche, sans se poser pour limite la nécessité de satisfaire
le sentiment et la raison. Les Allemands ne nous présentent pas,
comme les autres peuples, dans l'histoire des sciences et des arts,
des moments où, s'apercevant qu'on a fait fausse route, on s'arrête
et l'on revient sur ses pas.
Cependant, il n'ya que la réaction du sentiment public qui puisse
obliger les artistes allemands à revenir de la voie sans issue où ils
se sont engagés. Cette réaction se fera-t-elle ? C'est là qu'est le pro-
blème pour moi.
Je me suis proposé, dans ce premier article, d'établir que la mu-
sique est partout en décadence et d'en rechercher les causes. Dans
la suite de ce travail je dirai mes idées sur la restauration possible
et probable de cet art dans son domaine, et j'indiquerai aux jeunes
artistes les moyens par lesquels je crois cette restauration infaillible.
FÉTIS père,
{La suite ■prochainement.)
BEVUE DES THÉÂTRES.
Théâtre-Français : Reprise de la Jeunesse, comédie en cinq actes et
en vers, de M. Emile Augier. — Ambigu : la Sorcière ou les États
de Blois , drame en cinq actes et dix tableaux , par MM. Aaicet
Bourgeois et Jules Barbier. — Théâtre du Boulevard du Temple :
te Mauvais sujet, drame en cinq actes et sept tableaux, par M. Eu-
gène Nyon.
Je ne sais si la remarque en a été faite, mais il est hors de doute
que plus de la moitié du répertoire moderne de la Comédie fran-
DE PARIS.
253
çaise ne lui est arrivée que de seconde main, et qu'elle l'a empruntée
à d'autres scènes, principalement à celle de l'Odéon. Comme il y a
gros à parier que la plupart de ces conquêtes, razziées sur l'ennemi,
ont d'abord essuyé les rebuffades du comité de la rue Richelieu, cette
méthode, avouons-le, si elle ne fait pas l'éloge de la hardiesse et de
l'initiative de messieurs les sociétaires de S. M. l'Empereur, plaide
du moins en faveur de leur modestie et de leur respect pour la
chose jugée. Qui a empêché la Jeunesse, de M. Emile Augier, d'être
jouée pour la première fois au Théâtre-Français? Il y a là un mys-
tère de coulisse que nous ignorons et que nous voulons ignorer.
Toujours est-il qu'à la suite de la Ciguë, du même auteur, de la
Bourse, de M. Ponsard, et de tant d'autres œuvres consacrées par
le succès, elle est venue grossir le nombre de ces recrues étrangè-
res qui constituent le plus clair des forces de la littérature drama-
tique de notre époque. Quoique interprétée presque exclusivement
par des artistes qui ne font pas encore partie de l'illustre aréopage,
la Jeunesse n'en a pas moins reçu un excellent accueil, et la char-
mante idylle du cinquième acte n'a pas produit un moindre effet qu'à
l'Odéon.
— Le nouveau drame de l'Ambigu, la Sorcière ou les Etais de
Blois, se distingue par un double courant d'idées qui se développent
parallèlement, sans pouvoir parvenir à jamais se mêler. D'un côté,
l'histoire sanglante de la lutte des Valois et des Guise , sombre et
grandiose épisode terminé par l'assassinat du Balafré. Rien n'égale
l'intérêt puissant de ces scènes qui ont inspiré la remarquable trilo-
gie de M. Vitet et le saisissant tableau de Paul Delaroche. C'est en
elles que réside tout l'attrait de la pièce de l'Ambigu. Quant à la
Sorcière qui, d'autre part, traverse l'action et fait de vains efforts
pour s'y rattacher tant bien que mal, nous ne voyons guère de rai-
son d'être que dans l'aclualité du livre de M. Michelet. C'est une ex-
plication, mais, franchement, ce n'est point une excuse. Il eût été plus
sage et plus prudent de laisser ce malencontreux personnage dans
les bas-fonds malsains d'où on l'a tiré. L'histoire, voilà le drame et
le vrai drame ; combien pâlissent auprès d'elle les aventures plaquées
de cette femme, de cette sorcière, puisque vous le voulez absolument,
qui cherche partout les traces de sa progéniture égarée, qui la pour-
suit de sa haine, sans la connaître, et qui, la connaissant , l'entoure
de sa protection secrète ! Mme Marie Laurent a beau prêter tout le
prestige de son incontestable talent aux caprices de ce rôle hybride,
les sympathies du public passent par-dessus, et vont tout droit à ces
grandes figures historiques du duc de Guise et de son assassin royal,
habilement présentées par Crindeau et Rouvière, deux artistes cons-
ciencieux. A tout prendre, il ne faudrait peut-être que quelques de-
grés de moins au baromètre pour que la Sorcière, émondée avec
soin, avec discernement , fît entrer de fructueuses recettes dans la
caisse de l'Ambigu.
— Alléché par la vogue réellement extraordinaire de Léonard et
de sa légion d'égoutiers, le théâtre du boulevard du Temple a voulu
tenter sur nouveaux frais une seconde édition de cette épopée po-
pulaire, au mépris de l'axiome si connu : non bis in idem. Il y a
bien certainement, dans te Mauvais sujet, tous les ingrédients néces-
saires pour constituer un drame émouvant, où le rire se mêle aux
larmes dans de justes proportions. Le sort de cet homme faible qui,
entraîné par de mauvais conseils, par des exemples déplorables,
est arrivé, de folies en folies, à commettre des actions déshonorantes
qui rejaillissent sur sa famille entière, s'il n'est pas d'une morahté
bien neuve, offre pourtant une leçon dramatiquement déduite et
mise en relief par des situations attachantes ou terribles. Le seul tort
du Mauvais sujet, c'est de venir après Léonard. Que faire à cela ?
Les sept décorations nouvelles annoncées sur l'affiche n'y peuvent
rien, et la musique elle-même, de M. Auguste Léveillé, quelque
prodigue qu'elle se fasse, n'est pas de force à lutter contre les sou-
venirs de la romance de la Cigale et de la ronde des Egoutiers. Et
cependant il n'y a pas moins de trois rondes dans le Mauvais sujet,
et quels titres! les Trois refrains, la Brigue-Titi, et les Parisiens
de Paris. Ce que c'est que de ne pas venir à son heure, surtout en
fait de théâtre !
D. A. D. SAINT- YVES.
CORRESPONDANCE.
Londres, le 6 août 1863.
La deuxième représentation de la Fille du régiment a terminé samedi
dernier la saison de 1863 à Covent-Garden. Mlle Patti, qui durant toute
la saison avait soutenu la fortune du théâtre, était donc encore
chargée de faire les adieux au public. Peut-être M. fiye a-t-il voulu
par ce choix augmenter les regrets de cette clôture si strictement
exacte.
Ce rôle de la Fille du régiment, qui a tenté tant de grandes cantatrices,
à commencer par Jenny Lind — (oui, madame Goldschmidt, vous ne le
croirez pas, mais vous avez porté un jour, et fièrement porté, je vous
l'assure, le pantalon bleu et le baril d'eau-de-vie) — ce rôle que
Mlle Patti abordait cette année pour la première fois, a été un de ses
plus grands triomphes. Jamais la jeune cantatrice n'a montré plus d'en-
train et de verve, et jamais réception ne fut plus cordiale ni plus en-
thousiaste. Sins compter les rappels nombreux dans le courant de l'ou-
vrage, Mlle Patti a été rappelée à la chute du rideau, d'abord avec toute
la troupe, et ensuite elle a été obligée, par deux fois, de reparaître seule.
Puis, à la demande générale, c'a été le tour de M. Costa de venir de-
vant le rideau recevoir le-î applaudissements, juste hommage rendu
d'ailleurs à l'excellent orchestre et à son chef, ou plutôt au chef célè-
bre de tout ce qui concerne la musique dans ce bel et si artistique
établissement de Covent-Garden. Enfin, pour terminer suivant l'usage,
l3 rideau s'est levé de nouveau pour l'exécution de l'hymne
national. A la très-agréable surprise de l'auditoire, Mlle Patti s'est
chargée des soli, et la surprise a été double, car non-seulement
Mlle Patti les a chantés admirablement, mais elle a encore déclamé les
strophes avec une prononciation anglaise des plus pures , ce à quoi les
artistes italiens ne nous ont guère habitués. Mlle Patti chantant le God save
m'a rappelé liachel chantant jadis la Marseillaise, et aussi Mme Viardot,
qui possède le don et la science de parler toutes les langues en per-
fection.
Telle a été, le 1^' août, la clôture de la season de Covent-Garden.
Covent-Garden fermé, le théâtre de Her Majesty attire d'autant plus
notre attention. Ce théâtre, qui, malgré toutes ses vicissitudes, a su
s'attacher et garder la plus belle voix du monde, — nous avons nommé
Mlle Tietjens, — a déployé pendant la saison qui vient de finir une ac-
tivité vraiment prodigieuse, et il la prolonge même au-delà du terme fixé.
Mais s'il est juste de reconnaître l'activité dont M. Mapleson a fait
preuve, c'est surtout au zèle infatigable de Mlle Tietjens que nous de-
vons payer notre tribut d'admiration, car pour rendre service à son
théâtre, cette grande artiste n'a pas hésité à chanter souvent les six
jours de la semaine. Ses grands rôles, tels que la Valentine des Hugue-
nots ou la Norma, sont devenus des types qui ne seront jamais dépassés
et qu'on ne discute plus. Les deu.ii; dernières créations dans lesquelles
il nous a été donné d'applaudir cette belle interprète des grandes choses,
étaient les rôles de Rézia, dans Oberon, et de la comtesse des Nozze di
Figaro. Je vous ai déjà rendu compte de la maestria avec laquelle
Mlle Tietjens s'acquitte du rôle de Rezia, uu des plus ardus qui soient
au répertoire, et pour lequel il est si difficile de trouver une interprète,
non-seulement qui consente à rendre fidèlement le texte de Weber,
mais encore qui en soit capable.
Quant aux Nozze di Figaro, la reprise du chef-d'œuvre de Mozart à
Her Majesty''s Théâtre est un véritable événement, et l'interprétation du
rôle de la comtesse par Mlle Tietjens est d'une supériorité telle que la
tâche du critique, et même du simple rapporteur, devient presque im-
possible, car il n'y a absolument rien à dire si ce n'est que c'est par-
fait. Ici encore, dans les scènes d'intrigue aussi bien que dans les scènes
de sentiment et de passion, il faut admirer cette vénération religieuse
que Mlle Tietjens professe pour le texte des maîtres, et en même temps
l'intelligence exceptionnelle avec laquelle elle sait les rendre. Jamais
les deux grands airs Porgi amor et Dove sono n'ont trouvé dans une voix
plus superbe et plus limpide une expression plus éloquente et plus
vraie, un goût plus exquis et plus pur. M. Sautley (comte Almaviva) est
un partenaire tout à fait digne de Mlle Tietjens, et c'est le plus beau
compliment que nous puissions faire à cet artiste si remarquable sous
tant de rapports, et qui possède la voix de baryton la plus sonore que
nous connaissions. Le page ne pouvait trouver d'interprète plus brillant
que Mlle Trebellj, qui, bien qu'elle ait cru devoir transposer l'air Non
so piu, aussi bien que la ballade Voi che sapote, a cependant dit ces deux
ravissants morceaux d'une manière si exquise et avec un accent si vraj
254
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
qu'on aurait vraiment mauvaise grice à lui chercher querelle : aussi le
Voi che sapeie \m a-til été bruyamment redemandé. M. Casser (Figaro)
ne mérite que des éloges, et l'air de Basilio fn quegli ami, dont M. Bet-
tini a bien voulu se charger, a été parfaitement rendu par ce cons-
ciencieux artiste.
Mlle Liebhardt, du théâtre impérial de Vienne, abordait pour la pre-
mière fois la scène italienne dans le rôle de Suzanne, et nous ne
pouvons que féliciter M. Mapleson de cette nouvelle et excellente
acquisition. Nous avons eu occasion déjà de constater le succès que
Mlle Liebhardt obtient dans les concerts, succès pleinement justifié par
son talent gracieux et par sa façon éveillée de dire les Lieder viennois,
et qui nous ont souvent rappelé la jadis si charmante Jenny Trefftz.—
Mlle Liebhardt apporte toutes ses bonnes qualités à la scène ; sa voix
est bien timbrée, sa méthode excellente et son jeu laisse peu à désirer;
seulement la langue italienne paraissait la gêner beaucoup le premier
soir et lui faire peur. Allons, mademoiselle Liebhardt, un peu de cou-
rage et quelques bonnes leçons avec /( signor Eitore, et cela ira tout
seul. En somme, les Nosze di Figaro font le plus grand honneur à Her
Majesiy's Théâtre, et cette pointe poussée dans le domaine classique lui
portera certainement bonheur et profit.
L. B.
NOnVELLES.
t*» Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi le Comte Ory. Par
suite d'une indisposition de Mlle de Taisy, Mlle Saint-Aguet a dû jouer
le rôle du page au pied levé. Elle s'en est très-bien acquittée et a montré
qu'on pourrait lui confier des rôles plus importants que ceux qu'elle a
remplis jusqu'à présent.— Pendant la représentation de Giselle qui sui-
vait, Mlle Mouravieff s'est donné une légère entorse, malgré laquelle
la courageuse artiste a voulu finir le rôle. Heureusement l'accident
n'aura pas de suite. — Mercredi et vendredi on a donné les Vêpres sici-
liennes.
*** Avant la représentation à l'Opéra ds l'important ballet Don Juan,
dans lequel Mlle Amina Boschetti devait faire ses débuts , il en sera
monté un autre de proportions plus réduites, dû également d'ailleurs à
la collaboration du maître de ballet Rota, du compositeur Giorza et
de M. de Saint-Georges. Il pourra être représenté au commencement
d'Octobre, et la célèbre ballerine y fera sa première apparition.
**, M. Martin, secrétaire général de l'administration de l'Opéra, a
donné sa démission. 11 est remplacé par M. Guillet.
*** Nous parlions dernièrement et notre correspondance de Londres
nous entretient encore aujourd'hui du grand succès obtenu par
Mlle Titjens; nous ne pensions pas alors que Paris allait être ap-
pelé très-prochainement à juger cette éœinente artiste. Nous apprenons
qu'elle va débuter vers la fin du mois au théâtre impérial de l'Opéra,
dans le rôle de Valentine des Huguenots.
*** Le directeur du théâtre impérial de l'Opéra M. Emile Perrin,
vient d'engager M. Soustelle, qui s'est fait si brillamment remarquer aux
derniers concours du Conservatoire, où il a obtenu le premier prix de
chant. Sa femme, qui n'a pas été moins favorisée que lui, va, dit-on,
être également engagée.
»** La direction du théâtre de l'Opéra-Comique vient d'engager pour
trois ans M. Justin Née, qui chantait avec succès l'emploi de ténor en
province.
*** La première représentation des Amours du Diable sera reculée à
mercredi vraisemblablement. On a encore fait relâche hier soir pour la
répétition de cette œuvre dont la mise en scène est très-compliquée. La
direction ne veut rien épargner pour les décors et les costumes qui
seront splendides. On dit surtout merveilles d'un enfer peint par
M. Despléchin. — Montaubry prend son congé le 1S, Zampa n'aura
donc plus que quelques représentations.
**:s Mlle Adelina Patti est à Paris depuis quelques jours. Les offres
brillantes de M. Bagier l'ont emporté, et la jeune et célèbre cantatrice,
qui était toute prête à signer son engagement au théâtre de l'opéra
espagnol, appartiendra du 5 novembre au 15 décembre au théâtre de
l'Oriente, et du 15 décembre au 5 février au théâtre italien de Paris.
Mlle A. Patti se rend à Francfort, Hambourg et Berlin, où l'appellent
les divers engagements qu'elle a contractés,
*** Le théâtre Lyrique a engagé Mlle Ebrard, qui a obtenu le pre-
mier prix de chant et d'opéra-comique aux derniers concours du Con-
servatoire; Mlle Lagye, deuxième prix et premier accessit, et M. Caillou,
jeune ténor, deuxième prix aux mêmes concours. En outre, M. Car-
valho a engagé comme premier violon solo, M. Albert Vizentini, élève
de Léonard, déjà connu par de brillants succès.
*■** C'est dans le rôle de Leporello, de Don Giovanni, que M. Marches!
a fait son début à Londres au théâtre de la Reine ; son succès a été franc
et légitime. Ce qui le rend encore plus remarquable, c'est qu'au prin-
temps dernier, le même artiste chantait à "Weimar le rôle de Don Juan
dans le même opéra. Nous croyons rendre service aux directeurs en les
informant que M. Marches! n'a pas encore contracté d'engagement
pour la saison prochaine.
»** Le Morning Star annonce que le théâtre royal de Jersey a été
détruit par le feu dans la nuit de vendredi à samedi. Tout ce qu'il con-
tenait a été brûlé. L'origine de cet incendie est encore inconnue. C'é-
tait une jolie petite salle qui avait coûté 125,000 francs. Elle n'était
assurée que pour 25,000 francs par la société d'actionnaires qui l'avait
fait construire.
*** Hector Berlioz vient de partir pour Bade, où l'on va jouer de
nouveau son dernier opéra, Béatrice et Benedict. Mme Charton Demeur,
qui chante le rôle principal, s'y trouve déjà.
t*i La cantate qui sera exécutée le 1 5 août au théâtre de l'Opéra -
Comique est de M. Edouard Borcastel; M. Lefébure-Wély en a composé
la musique.
»*^ Un brillant concours de musiques militaires, dont nous rendrons
un compte détaillé dimanche prochain, a eu lieu vendredi dernier au
camp de Châlons. MM. Ambroise Thomas et Georges Kastner, membres
de l'Institut, avaient été invités par S. Exe. le maréchal Baraguey-
d'Hilliers, commandant en chef, à présider ces coni;ours, dont les jurés
avaient été choisis parmi les officiers supérieurs présents au camp.
^*^ M. Eugène Ketterer, pianiste compositeur, vient de recevoir de
S. M. la reine d'Espagne, en témoignage de sa satisfaction, la décora-
tion de l'ordre royal de Charles III.
*** A la distribution des prix qui a eu lieu jeudi 30 juillet à l'école
religieuse, les prix de plain-chant et celui d'orgue, première division,
donnés par S. Exe. le ministre de la justice et des cultes, ont été dé-
cernés à M. Laurent Girond, élève boursier de Mgr de Belley.
^*^ De grandes fêtes orphéoniques se préparent à Rouen pour le
dimanche 30 de ce mois; plus de cinquante sociétés chorales et vingt
sociétés instrumentales so sont fait inscrire pour y prendre part.
.j,*^ Les concerts populaires de musique classique fondés par M. Pas-
deloup ont acquis une juste célébrité. L'orchestre est nombreux, et tous
les soins, tous les efforts de M. Pasdeloup tendent à en obtenir l'en-
semble et la perfection nécessaires à l'exécution des œuvres d'élite qu'il
fait entendre. Il faut donc qu'il rencontre chez ses artistes un bon vou-
loir et une soumission à toute épreuve. Peu satisfait sous ce rapport
d'un de ses premiers violons, M. Girard, artiste de talent d'ailleurs,
M. Pasdeloup dut lui notifier un jour qu'il ne faisait plus partie des
concerts populaires. Le tribunal de commerce, appelé à prononcer sur
le différend, avait cru voir dans les conventions verbales intervenues
entre les parties, un engagement réciproque de cinq années, et, ne ju-
geant pas les plaintes de M. Pasdeloup sufiSsamment fondées, il avait
condamné ce dernier a réintégrer M. Girard dans sou emploi. M. Pas-
deloup a interjeté appel de ce jugement; il a soutenu : 1° qu'aucun
traité n'ayant été signé entre M. Girard et lui, il n'y avait pas de durée
déterminée; 2° qu'en sa qualité de chef d'orchestre, il a le droit d'im-
poser des règles de discipline aux artistes composant l'orchestre et de
congédier ceux qui ne s'y .-loumettent pas; que M. Girard ne s'y étant
pas soumis, il a eu le droit de le congédier. La i" chambre de la cour,
présidée par M. Anspach, considérant qu'il résulte de la nature de l'en-
treprise qu'une règle de discipline sévère doit exister au profit du chef
d'orchestre entre lui et ses artistes ; que c'est une condition absolue
de succès; que d'ailleurs il n'existe pas d'engagement régulier, a infirmé
le jugement des premiers juges et débouté M. Girard de sa demande.
*** Mercredi de la semaine passée, a eu Heu à Vichy le concert de
Mlle Octave Caussemille. L'éminente pianiste y a exécuté un grand
morceau caprice sur le Trovatore, la Napolitaine de Lysberg, et le galop
d'Ascher, Sans-Souci, avec un talent qui lui a valu, après chaque mor-
ceau, les applaudissements enthousiastes de l'assemblée.
^*^ Une grande fête nationale et militaire sera donnée le 1 6 août au
Pré Catelan par la Société chorale de l'Odéon, sous la direction de
M. Delafontaine. Il y sera chanté, avec accompagnement de grand or-
chestre, une cantate de M. T. de Saint-Félix : l'Aigle de France, dont
Alfred Musard a écrit la musique.
„,*» Aujourd'hui dimanche, après le concert de Musard, Eugène Go-
dard, aéronaute breveté de l'Empereur, opérera , au Pré-Catelan, une
première ascension avec son nouvel aérostat, le Monde.
^*t M. Canaple, chef d'attaque des chœurs à l'Opéra, est mort avant-
hier matin, frappé d'apoplexie, en prenant un billet au chemin de fer
d'Auteuil.
,,*, On annonce, à Plaisance, la mort du père Davide, compositeur
de musique et organiste renommé; Ricordi, de Milan, a publié quinze
sonates et soixante-douze petits versets pour l'orgue, dus au talent du
P. Davide, qui appartenait à la famille des fameux chanteurs de ce
nom.
DE PARIS.
255
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
^*, Bade. — La première représentation de Volage et jaloux, pro-
verbe lyrique en vers, imité de Kotzebue, par M. Tliomas Sauvage,
musique de Rosenliain, à eu lieu le 3 août. Le sujet en est des plus
simples et consiste dans l'action d'un mari qui se déguise pour mettre
l'amour de sa femme à l'épreuve. On devait déji à M. Rosenliain un
opéra en deux actes, le Démon de la nuit, paroles de Bayard, joué dans
le temps à l'Opéra. L'œuvre nouvelle qu'il vient de faire représenter à
Bade n'est donc point, comme on l'a dit à tort, son coup d'essai au
théâtre. On s'en aperçoit aisément à la science avec laquelle est traitée
l'instrumentation et à la bonne adaptation de la musique aux voix. Les
morceaux qu'on a surtout remarqués et applaudis sont : l'ouverture,
le premier air d'Emma, la romance du comte', le duo des deux époux
et le rondo de la femme. Mme Faure Lefèvre a délicieusement chanté,
et le ténor Froment l'a brillamment secondée. Nous reviendrons sur
cette partition de M. Rosenhain; il a dû être flatté du bon accueil qu'elle
a reçu.
^*» Spa. — Les concerts se succèdent de plus en plus brillants. Le
31, c'était le tour de Mme Escudier-Kastner, d'Al. Batta et de Mme Peu-
defer, cantatrice de Paris. Mme Escudier s'est acquis une réputation
grande et méritée dans l'interprétation des oeuvres classiques ; elle l'a
largement justifiée en jouant le concerto en mi bémol de Beethoven.
Cette admirable conception du maître a valu à Mme Ka^tner de longs
applaudissements qui se sont renouvelés après l'exécution, par elle et
Batta, du duo de Thalberg et de de Beriot. pour piano et violoncelle,
sur les Huguenots, et celle du Carnaval de Venise, de Schulhof, parfai-
tement rendu par l'éminente artiste. Les belles qualités qui distinguent
Batta sont assez connues pour que nous ayons besoin de les mentionner
longuement. Disons qu'il a constamment partagé les bravos de l'auditoire,
surtout après sa charmante fantaisie sur Robert et sa délicieuse chanson
de Passijlore, qu'il a dite avec un sentiment exquis. Mme Peudefer a
brillamment contribué au succès de ce beau concert, qui a valu des
remercîments mérités à l'actif et intelligent directeur des eaux, M. Da-
velouis. — Nous attendons Mme Cabel pour le concert du 10.
„,*» Cologne. — A la dernière séance de la société musicale, nous
avons eu la jouissance d'entendre le trio en si bémol majeur pour
piano, violon et violoncelle, de Fr. Schubert, magistralement exécuté
par MM. Breunung, V. Kœnigslœwet A. Schmitt. On se ferait difficilement
une idée de l'enthousiasme excité par cette composition qui porte le
cachet du génie. Ce qui la distingue en particulier, c'est que l'auteur y
a fait une part égale à chacun des trois instruments.
^*.^, Aio>la-Chapelle. — Les 6 et 7 septembre sera célébré ici le pre
mier festival de l'association de chant du Rhin. Au concours qui aura
lieu à cette occasion, prendront part les sociétés vocales d'Anvers, de
Bruxelles, de Liège, de Bruges, de Namur, etc.
^*, Vienne.— Mme P. Markowitz a terminé ses représentations par le
rôle de Marguerite dans les Huguenots : sa voix fraîche et sympathique
a produit le plus grand effet. Mme Dustmann a fait sa rentrée dans le
rôle de Valentine, où elle a été très-applaudie. M. Schmid a fait merveille
dans celui de Marcel. — Dans Robert le Diable, les principaux rôles ont
été parfaitement interprétés par Mme Leutner-Peschka (Isabelle),
M. Pauli (Raimbaut), et Mme Fabri-Mulder (Alice). — Wachtel a débuté
avec le plus éclatant succès dans Guillaume Tell. — On annonce l'enga-
gement d'un ténor qui fait sensation en Italie, Pepo Libéra, pour l'o-
péra italien de la cour. — La réouverture du Carl-theater est fixé au
1A août.
^*^ Mayence. — A la halle aux blés, a eu lieu le festival de chant
du Miltel-Rhin {Rhin central).
^*^ Nauheim. — Nous avons eu ces jours derniers un concert qui avait
attiré beaucoup de monde. Les honneurs de la soirée ont été pour le
violoncelliste Kellermann qui a joué quatre de ses compositions avec
beaucoup de goût et une suavité incomparable de son. Nous avons en-
tendu, en outre, Mlle Diehl, cantatrice, et Mlle Sophie Ilummler, violo-
niste, qui a exécuté quelques fantaisies d'Alard.
^*.^ Turin. — Voici la composition de la troupe d'opéra que M. Mar-
tinotti, notre actif directeur du théâtre Victor-Emmanuel, a réunie pour
l'automne prochain : Mmes de Roissi, prima donna, Stolz; Flory, MM. Gio-
vanni, Anastasi Salvatore, premiers ténors; E. Florenza, Leoni, Vincenzo,
G.Foli,Marchisio Giovanni; Comprimarie : Mmes M. Luigia, G. Giuseppina;
MM. M. Luigi, G. Michèle, S. Defendente. Le théâtre ouvrira le 5 sep-
tembre par Gli ultimi giorni di Suii, opéra de Ferrari ; après quoi on
jouera Marta, Stradella et V Anima délia tradita, de Flotovv.
^*^ Imola. — On vient de représenter avec un grand succès sur notre
théâtre l'opéra de Filippo Zappata, Paolo Monii. La musique en est
claire, mélodique et italienne par excellence; les idées brillent par la
légèreté et la nouveauté. Le maestro a été rappelé quinze fois avec les
artistes. Des applaudissements prolongés ont rappelé quatre fois de
suite la Pozzi-Branzanti, qui a dû répéter sa cavatine au milieu d'une
pluie de fleurs. C'est uu succès de bon aloi et qui grandira.
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13. —
14. RossiNi. . .
18.
19.
20.
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lie liac des Fées. . Chœur des Etudiants
Uaette de Portici Chœur de la Chapelle
— Amour sacré de la patrie. . . .
, Hartlia Mélodie irlandaise
Alceste Vivez, aimez
Armide Les plaisirs ont cheisi pour asile
lie IVabab Couplets du tabac, avec solo. .
Dragons de Villars Prière : Soutien de l'innocent. ,
lies Huguenots . . Couplets des soldats huguenots ,
Septuor du duel
Appel aux armes
Chœur des Buveurs
Chœur de moines
Chœur et prière
Prière
Chœur de la Conjuration. . . .
Chœur des Chasseurs
Chasse et prière du soir ....
Prière
Chœur bachique avec solo . . .
lie Propbëte. . .
Robert le Diable
lie Comte Ory .
Ctuillaume Tell
Robert Bruce
BEUXIÈSIE SÉRIE
CHŒURS BIVERS
9.
Beethoven
10.
—
11.
12.
Cavallo. .
13.
Elwart .
14.
—
16.
KUCKEN .
17.
—
19.
Labarre. .
liCS Boulangers
lies Fondeurs
lies Cîarçoiks de restaurant
lies Horlogers
lies Canotiers
lies Postulons
li'Enclnme
lies Charpentiers
Chant des Compagnons
Chant élégiaque
Hjmne do sacrifice, avec solo
liCs Canotiers de Paris
fSalut impérial, God Save français
Marche du Prince Impérial
Hymne national russe
La Fuite des captifs, chœur avec solo de ténor
Yseult l'impératrice
lies Meilleurs de nuit
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IV« 33.
16 Août 1863.
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Départements, Uelgique et Suisse..., 30 n id.
Étranger 34 •. id.
Le Journal paraît le Dimanche.
MUSICALE
-^\Aj u\AAf JVTiAAA/—
SOMMAIRE. — La Marseillaise, lettres de MM. Fétis père et Bon§;et de
liisle. — Commission de la propriété littéraire et artistique, documents. —
Concours de musiques militaires au camp de Cliàlons, par A. Elwart, —
Derniers jours de Mendelssobn {1"' article), par Henri Charley. — Cories-
pondances : Londres et Bade. — Nouvelles et annonces.
LÀ MARSEILLAISE.
" Bruxelles, le 11 août 1863.
>'A M. le Directeur de la Revde et Gazette musicale.
» Mon cher collaborateur,
» Je vous renvoie la deuxième lettre de M. Rouget de Lisle que
vous m'avez communiquée ; je n'ai que peu de choses à dire sur son
contenu ; mes observations se réduisent à ce qui suit :
» 1° On n'a jamais contesté à feu Rouget de Lisle la composition des
strophes de la Marseillaise : ce sont les paroles qui excitaient l'in-
térêt des hommes de la révolution, fort peu sensibles au mérite d'une
mélodie quelconque. L'édition publiée par Frère (passage du Sau-
mon) porte en tête : La Marseillaise, paroles du citoyen Rouget de
l'Jsle, musique du citoyen Navoigille. A l'égard ,de la musique, le
passage des Essais sur la musique, de Grétry, cité par M. Rouget de
Lisle, prouve que la notoriété n'était pas aussi bien établie.
» 2° M. Rouget de FJsle désire des renseignements sur l'existence
réelle de Navoigille et de Mathieu: ces deux artistes n'étaient pas
des gens de rien, comme il paraît le croire. J'ai donné, dans mon pre-
mier article sur la Marseillaise, une notice abrégée sur le premier;
M. Rouget de Lisle en trouvera une beaucoup plus étendue publiée
par feu Roquefort, auteur du Glossaire de la lawjue romane, dans
le Magasin encyclopédique de Millin (octobre 1814); il y verra que
Navoigille était un mubicien de grand mérite, aussi estimé comme
homme que comme artiste. A l'égard de Mathieu, M. Rouget de Lisle
est à peu près le seul qui ne sait pas que ce fut un professeur du
Conservatoire, lequel devint ensuite maître de chapelle de la ca-
thédrale de Versailles, qu'il en remplit les fonctions pendant plus
de trente ans, et qu'il était en vénération dans cette ville.
» 3» M. Rouget de Lisle objecte que les éditions citées par moi
n'ont pas de date ; ne sait-il donc pas que toute la musique publiée,
non-seulement en France, mais dans toute l'Europe, n'est pas datée?
On ne datait autrefois que les œuvres imprimées en caractères mo-
biles. M. Rouget de Lisle insiste beaucoup sur ce que les éditions de
Frère et du magasin de musique des fêtes nationales n'auraient été
publiées qu'en 1794 ou 1795; il ne voit pas que la conclusion du
fait, s'il était prouvé, serait précisément contraire à celle qu'il en
veut tirer; car si, pendant plusieurs années, la Marseillaise eût été
connue, paroles et musique, comme l'œuvre de feu Rouget de Lisle,
personne n'eût eu l'audace de s'en attribuer ostensiblement la com-
position.
» Remarquez, mon cher collaborateur, que les fondateurs du maga-
sin de musique des fêtes nationales étaient des hommes considérables
qui n'auraient pas fait légèrement une publication d'œuvres dont ils
n'auraient pas connu l'origine. C'était Ozy, célèbre bassoniste, pro-
fesseur du Conservatoire et auteur de la méthode de basson adoptée
pour cette école ; Catel, l'un des compositeurs dramatiques les plus
renommés de la France, auteur du Traité d'harmonie, professeur,
puis inspecteur du Conservatoire, et qui fut membre de l'Institut; en-
fin, Sarrette, directeur du Conservatoire. Après la fondation de cette
école célèbre, le magasin de musique des fêtes nationales fut trans-
porté rue Bergère, et l'on y publia tous les ouvrages élémentaires
destinés à l'instruction des élèves de cette même école. Ce magasin
portait encore le même titre lorsque j'entrai au Conservatoire, sous
le Directoire, en 1799. Ce ne fut qa'en 1802 qu'il prit le titre de
Magasia de musique du Conservatoire.
'■ Remarquez encore que la vente des éditions avec le nom de
Navoigille, comme compositeur, ne se fit pas en cachette. Gomme
je l'ai dit, les petites feuilles éditées par Frère (que j'ai connu pas-
sage du Saumon pendant plus de vingt ans) se vendaient tous les
soirs à la porte des spectacles ; les éditions du magasin des fêtes na-
tionales étaient considérées comme authentiques ; enfin, vous avez
pu voir sur l'exemplaire que je vous ai envoyé le nom d'un mar-
chand de musique et d'estampes du Palais Egalité (Palais-Royal),
qui, sans doute, les prenait en nombre, à la condition que son
adresse fût imprimée sur les exemplaires. Voilà, certes, de la publicilé
s'il en fut jamais.
» 4° J'ai dit que la production d'un exemplaire de l'édition citée
par M. Rouget de Lisle, comme ayant été imprimée à Strasbourg, en
1792, par les procédés typographiques, ferait cesser toute discussion
et établirait d'une manière certaine les droits de feu Rouget de Lisle
comme compositeur, car ceux du poëte ne sont pas contestés.
M. Rouget de Lisle n'a pas cet exemplaire ; mais il existe chez une
personne qu'il nomme : il l'affirme. A cela, je n'ai pas d'objection à
faire.
» Dans cette situation, la question me semble suffisamment éclair-
258
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
cie, et je de'clare que je ne rentrerai plus dans une discussion qui
doit être aussi ennuyeuse pour les lecteurs de la Gazette musicale
qu'elle le devient pour moi-même.
» Agréez, mon cher collaboraleur , mes salutations amicales,
» FÉTIS père. »
a Paris, 5 août 1863.
Benseisnements ponr servir à l'histoire véritable de la
HABSElIiliAISE.
1 A M. le Directeur de la Revue et Gazette siiisicale.
» Monsieur le Directeur,
» Vous m'avez fait l'honneur d'imprimer dans la Gazette musi-
cale du 2 août une lettre confidentielle que j'ai écrite à M. Fétis
père, à Bruxelles, en sollicitant de sa loyauté une rectification véri-
dique sur l'origine de la Marseillaise, dont l'auteur , paroles et
musique, est Claude-Joseph Rouget de Lisle, qui l'a composée et
chantée chez Fritz de Dietrich, premier maire de Strasbourg, dans
une réunion de famille, le 27 avril 1792.
» M. Fétis avait écrit précédemment dans votre ifeDwe du 19 juillet :
« Rouget de Lisle n'est pas l'auteur de la musique de la Marseillaise;
» j'en fournirai la preuve tout à l'heure. »
» Et la preuve fournie aujourd'hui par le savant collaborateur de
votre Gazette musicale, est un seul morceau de musique, sans date,
portant ce titre :
ï MARCHE DES MABSEiLLAis, musique du cîtoî/ere Navoigille, ac-
» compagnement de guitare par le citoyen Mathieu.
» Cette pièce a été détachée, dit M. Fétis, d'un Recueil de vingt-
» quatre chants patriotiques, avec accompagnement de guitare, pu-
» blié au magasin de musique des fêles nationales. »
n Le premier paragraphe de la lettre de mon savant contradicteur,
insérée dans le n" du 2 août, commence ainsi :
« Je viens de répondre à M. Rouget de Lisle (1), en lui faisant
» observer qu'il n'est pas exact de dire que j'attribue la Marseillaise
» à Navoigille; que je n'attribue pas et que je me borne simplement
» à dire que ce chant a été publié, vendu et distribué sous le nom
» de Navoigille, et que Rouget de Lisle n'a pas fait de réclamation.
» Au surplus, ajoute-t-il en terminant le paragraphe suivant de sa
» lettre, M. Rouget de Lisle a un moyen très-simple de terminer
» tout débat à ce sujet, lequel consisterait à produire l'édition du
» chant dont il s'agit, paroles et musique, imprimés typographique-
» ment à Strasbourg, en 1792. Après cette production, il n'y aurait
» plus de discussion possible. »
« C'est ici le cas de rappeler et d'appliquer les sages paroles d'un
illustre écrivain :
)) La plupart des disputes, chez les hommes, dit Pascal, viennent
» de ce qu'ils ne s'entendent pas sur la valeur des mots. Commen-
» cez par fixer celte valeur et vous commencerez à vous entendre. »
» Je commencerai donc par préciser la valeur des mots de ma let-
tre, et je demanderai d'abord à M. Fétis, avant d'enlaraer aucune
discussion sur les faits, de vouloir bien m'indiquer la date de la
première publication de Navoigille, et de celle aivc accompagnement
de guitare, par Mathieu ; en un mot, les dates des deux documents
qu'il invoque proprio motu pour déposséder Rouget de Lisle de
son œuvre musicale et de ses titres glorieux à l'estime publique.
» L'existence réelle, l'individualité et les œuvres musicales de Ma-
thieu sont trois choses également importantes à constater et sur les-
quelles j'appelle toute l'attention du savant auteur de h Biographie
des musiciens.
» Mais, avant d'attendre ces diverses constatations, qui offriraient
(1) La lettre de M. Fétis m'est parvenue le samedi 1" août.
certainement un très-grand" intérêt pour l'histoire de la Marseillaise
et pour la glorification de Navoigille et de Mathieu, je crois devoir
faire remarquer à M. Fétis qu'il déclare implicitement, dans son ar-
ticle du 19 juillet 1863, que Navoigille est le plagiaire ou l'éditeur
posthume de l'œuvre de Rouget de Lisle.
» Ainsi, il dit :
« Une des copies du chant de Rouget de Lisle, parvenu à Paris,
» tomba entre les mains d'un bon musicien connu sous le nom de
» Navoigille, quoique le sien fût Julien. Ardent républicain, Navoi-
» gille s'émut à la lecture de ces vers et enfanta immédiatement le
» chant sublime qui lui assura l'immortahté. »
» Au lieu de discuter les assertions hasardées sans preuves, con-
tredites ou modifiées par M. Fétis lui-même, dans sa lettre postérieure
du 29 juillet, je vais me borner, quant à présent, à transcrire les
documents ayant des dates certaines et antérieures de plusieurs mois
(je l'affirme avec certitude) aux publications citées par M. Fétis.
» Mais d'abord, pour répondre catégoriquement à la sommation
épistolaire qu'il m'adresse, je déclare que M. Heitz, imprimeur-li-
braire à Strasbourg, possède, à mon défaut, l'édition primitive et ty-
pographique du chant immortel de Rouget de Lisle, portant ce titre :
« CHANT DE GUEniiE POUR l' ARMÉE DU RHIN, dédié au maréchal
» Luckner, à Strasbourg. De l'imprimerie de Dannebach, imprimeur
» de la municipalité. »
» La date de la publication de ce chant, d'après les renseigne-
ments et les traditions que mon père m'a transmis, et qui sont res-
tés dans mes souvenijs, doit remonter au mois de juin 1792. Pour
justifier celte date, je puis citer l'ouvrage ayant pour titre : la Trom-
pette du Père Duchesne (n" 67 du 23 juillet 1792), dans lequel on
trouve le même titre et le même chant , accompagné d'une note
ainsi conçue :
« Comme il n'est pas possible de donner ici l'air en musique, je
» me suis contenté d'en donner les paroles. »
» Il est donc hors de doute que, le 23 juillet 1792, le chant et la
musique de Rouget de Lisle étaient connus à Paris, et par consé-
quent avant l'arrivée des Marseillais, qui a eu lieu le 31 suivant.
«Navoigille et tous les autres musiciens de l'époque ont donc connu
ou pu connaître en même temps les paroles et la musique du même
auteur; et Navoigille par conséquent n'a pas pu enfanter immédiate-
ment, ainsi que le dit M. Fétis, mais seulement vers la fin de 1792
ou au commencement de 1793 (ce que je conteste encore), une œuvre
musicale née en avril 1792 et ayant une date certaine de juillet 1792.
» Les deux Recueils de chants patriotiques cités par M. Fétis ren-
ferment même des pièces publiées pour la première fois en 1794 et
1795.
»La pièce déposée dans les bureaux de la Gazette musicale appar-
tient à la catégorie des chants publiés vers le mois de décembre 1795
ou au commencement de 1796. Dans tous les cas, cette pièce n'a
pas élé publiée au magasin de musique des fêtes nationales, rue
Saint-Joseph, section de Brulus, mais chez Goujon, grande cour du
palais Egalité, ainsi que l'indique la mention imprimée dans le pli de
la feuille, i — Celte publication apocryphe, a mon avis (j'en fournirai
plus tard les preuves ou les présomptions), n'a jamais été vendue et
distribuée publiquement, parce qu'elle est dépourvue du timbre rouge
de la République, sans lequel toutes les pièces de l'espèce ne pou-
vaient être livrées à la consommation.
«Une remarque bien singulière et que tout le monde peut faire de
visu, c'est que ladite pièce porte le nom de Navogille, au lieu de
Navoigille. Celle mauvaise orthographe du nom fournit encore une
forte raison de suspecter l'authenticité et la sincérité de l'œuvre, pos-
térieure dans tous les cas, je le répète avec la plus entière convic-
tion, à la création originale de Rouget de Lisle (27 avril 1792).
))Au résumé, la date et l'authenticité de la création de Rouget de
DE PARIS.
2'59
Lisle, paroles el musique, sont constatés par divers témoignages ir-
récusables.
• « On a attribué, dit Grétry {Mémoires, 1797, t. III, p. 13), l'air de
» la Marseillaise à nDoi et à tous ceux qui y ont fait quelque accompa-
» gnement ; l'auteur de cet air est le même que celui des paroles, c'est
« le citoyen Rouget de Lille. Il m'envoya son hymne : Allons, enfants
» de la patrie, de Strasbourg, où il était alors, six mois avant qu'il fût
» connu à Paris; j'en fis, d'après l'invitation de l'auleur, tirer plusieurs
>) copies que je distribuai. »
» Dans le Courrier dé Strasbourg (27 octobre 1792, p. 1013), on lit
cette note du journaliste :
n II est notoire que cette fumeuse chanson (la Marseillaise], pa-
» rôles et musique, a été composée à Strasbourg, le printemps passé,
» et a l'ingénieur De Lille pour auteur. »
» On trouve aux archives historiques du ministère de la guerre un
1) état des officiers civils et militaires destitués provisoirement de
leurs fondions par les commissaires de l'assemblée nationale à l'armée
du Rhin, et dans lequel Rouget de Lisle est qualifié d'officier du génie,
auteur de la Marseillaise, destitué à Huningue, le 26 août 1792. »
Cet état, en duplicata, dont l'original a été adressé à l'assemblée na-
tionale (îéance du 1" septembre 1792), est signé par Coustard, Car-
net, Ritter et Prieur, députés ; il porte la date du 21 septembre 1792.
«Après la bataille de Valmy (20 septembre 1792), Kellermann, gé-
néral en chef, avait écrit à Ervan, ministre de la guerre, pour obte-
nir la permission de faire chanter en mémoire de cette batiaille un
Te Deum dans son camp ; et le ministre lui répondit « que l'hymne
» national, connu sous le nom des Marseillais, était le Te Deum de la
» République, que celui-là était le plus digne de frapper les oreilles du
>) Français libre...» {Moniteur du 3 octobre 1792.)
Le 27 septembre 1792, Kellermann écrivait encore au ministre de
la guerre :
« Je substituerai très-volontiers au Te Deum l'hymne des Marseil-
» lais que j'ai trouvé joint à votre lettre, et le ferai chanter solen-
» nellement avec la même pompe que j'aurais mise au Te Deum. »
(Archives historiques du ministère de la guerre, armée du Nord.)
J'ai déjà invoqué, dans ma lettre à M. Fétis, les procès-verbaux
des séances de la Convention (juillet 1795), et il me sera permis d'en
transcrire ici quelques extraits, empruntés au Moniteur des H et 27
juillet 1795 :
« Jean Debrij. ... Je demande que l'hymne à jamais célèbre des
» Marseillais, cet hymne qui nous fit gagner tant de battailles, soit
» consigné tout entier dans le procès verbal d'aujourd'hui, et que le
» comité militaire donne des ordres pour que cet air soit joué chaque
» jour à la garde montante. (On applaudit.)
» La proposition de Jean Debry est adoptée au milieu des bravos.
» Jean Debry. Je demande que le nom de l'auteur de l'hymne des
» Marseillais, de Rouget de Lille, soit honorablement inscrit au procès-
» verbal d'aujourd'hui... Cette proposition est adoptée. » (Séance du
26 messidor an III.)
« Feron. . . .J'appelle l'intérêt et la justice des comités du gouver-
» nement sur l'auteur de l'hymne {Maneillaise) que vous venez d'en-
» tendre, sur Rouget de Lille, qui sait également chanter la liberté et
» combattre pour elle. Ce nouveau Tyrtée n'a point quitté la tête des
B colonnes républicaines, commandées par Hoche (à Quiberon) ; il n'a
» point quitté les représentants du peuple, et, n'ayant point d'emploi
» dans nos armées, quoique officier du génie réintégré, c'est en volon-
» taire qu'il a servi dans cette mémorable action.
» Il est blessé à la cuisse d'un coup de mitraille. Je demande que
» le comité de salut public s'occupe promptement des moyens de le
1) récompenser, en lui donnant de l'emploi dans les armées de la Ré-
1) publique.
» Cette dernière proposition est décrétée. . . » (Séance du U ther-
midor an m.)
))Je ne crois pas devoir rien ajouter démon propre fonds aux témoi-
gnages publics accordés à Rouget de Lisle, comme auteur de la Mar-
seillaise; je me borne seulement pour clore l'exposé de mes rensei-
gnements et pour éviter à l'avenir toute discussion sur un sujet brû-
lant, je me borne, dis je, à poser cette simple question :
«Pourquoi Navoigille n'a-t-il pas réclamé publiquement ses prétendus
droits d'auteur? Les faits et le bon sens disent et répondent à
M. Fétis que les prétendus droits de Navoigille ne reposent que sur
une pièce sans date, apocryphe, erronée ou mensongère.
» A. ROUGET DE LISLE, ingénieur civil. »
COMiniSSIOli DE LÀ PROPRIÉTÉ LITTÉRAIRE ET ARTISTIQUE.
Nous avons signalé dès son apparition le recueil des travaux de
cette commission, vouée à l'étude de l'une des plus hautes questions
de la société moderne. On ne saurait trop remercier le ministre d'Etat
d'avoir livré à la publicité des documents d'un intérêt universel pour
tous ceux qui pensent, qui écrivent et qui lisent. C'est en assistant
d'aussi près que possible à des discussions pleines de lumières et de
conscience, que les esprits s'élèvent, se modèrent, et se rendent
compte des difficultés sérieuses qui s'opposent souvent aux plus no-
bles désirs, aux plus légitimes ambitions.
C'est par un rapport en date du 28 décembre 1861, soumis à
S. M. l'Empereur par le ministre d'Etat, M. le comte Walewski, que
la question fut soulevée. La commission , nommée en conséquence
de ce rapport , s'assembla pour la première fois le 22 janvier 1862,
et pour la dernière le 20 mars 1863. Dès sa troisième séance, elle
avait jugé à propos de déléguer ses pouvoirs à une sous-commission
chargée de proposer un projet de loi pour réglementer la propriété
littéraire et artistique, en prenant pour base de son travail le prin-
cipe de la perpétuité. La sous-commission ne tint pas moins de dix-
huit séances, dont plusieurs furent employées à entendre des hommes
spéciaux, libraires, éditeurs, représentants des diverses associations
des gens de lettres, des auteurs et compositeurs dramatiques, des ar-
tistes peintres, sculpteurs, graveurs, dessinateurs, etc., etc.
Huit séances de la commission entière, dix-huit séances de la
sous-commission, couronnées par un nouveau rapport de M. le comte
Walewski à S. M. l'Empereur, rapport suivi d'un projet de loi, tel
est en résumé le cercle d'examen et de controverse parcouru dans
l'espace de seize mois. Tout ce qui s'est dit d'important , de grave
soit au point de vue de l'histoire, soit à celui de la spéculation pure,
se retrouve consigné dans les pages du recueil, dont la rédaction
est tout à fait digne du sujet et des circonstances.
M. Camille Doucet remplissait les fonctions de secrétaire de la com-
mission ; c'est lui aussi qui a présidé à la composition générale de
l'ouvrage, destiné à servir de commentaire à une loi dont il aura
préparé la naissance. Les secrétaires adjoints étaient MM. G. Guif-
frey, Eugène Pion et Eugène Ferrand, qui tous ont accompli labo-
rieusement leur tâche.
Nous ne savons encore ce qui adviendra, mais, en tout cas, la
question de la propriété littéraire et artistique, depuis si longtemps
posée, n'aura jamais été approfondie avec plus de clarté, disculée
avec plus de force. On ne pourra plus l'aborder qu'en revenant aux
débats de cette conférence dont il faudra bien prendre les travaux
pour point de départ, si l'on ne consent à les adopter comme der-
nier terme.
Dans l'histoire de la pensée, le 28 décembre 1861 restera une
époque.
P. S.
260
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
CONCOURS DE lUSIQUES HLITÂIRES AU CAMP DE CHÂLONS.
(7 Août.)
•Ainsi que nous l'avions annoncé, un brillant concours de musique
militaire, dont l'initiative appartient au maréchal Baraguey-d'Hilliers,
a eu lieu au camp de Chalons le vendredi 7 de ce mois.
En moins d'une heure, dix-neuf musiques ont été réunies par les
soins du général chef d'état-major général du maréchal.
C'est au théâtre du camp, car le camp est pourvu d'une char-
mante salle de spectacle, que le concours a eu lieu, sous la prési-
dence de MM. Ambroise Thomas et Georges Kastner, de l'Institut, as-
sistés de MM. Mesnard, Mugnier, capitaines d'artillerie, Cahen, capi-
taine du génie, et Chariot, lieutenant de la même arme.
Deux séances ont été consacrées à ces luttes si intéressantes, et,
nous pouvons le dire, si brillantes, que nous espérons bien les voir
se renouveler chaque année.
De 6 heures du matin jusqu'à 10 heures, on a entendu les mu-
siques d'infanterie. Après deux heures de repos, le concours des fan-
fares et des bataillons de chasseurs a été ouvert ; il a duré de midi à
2 heures de relevée.
C'est par ordre des numéros de division et des numéros de régi-
ments que les musiques se sont présentées au concours.
Chaque musique ne faisiit entendre qu'un seul morceau, au choix
de son chef.
Le nombre des exécutants, élèves compris, n'excédait pas le chiffre
fixé par les règlements. C'est dans le parterre de la salle , dont les
banquettes avaient été enlevées, que se tenaient les musiques concur-
rentes. Le corps des officiers occupait les galeries ; les sous-officiers
étaient assis à l'amphithéâtre ; quant aux caporaux et soldats, ils oc-
cupaient le dessus des galeries et de l'amphithéâtre.
Quatre prix, consistant en belles médailles à l'effigie de S. M.
l'Empereur, et trois mentions honorables ont été décernées ;
Infanterie.
1" prix, au 47' de ligne; 2™ prix, au Sôf de ligne.
l''^ mention honorable, au 57' de ligne ; 2™', au 12« de ligne.
Cavalerie.
Prix, au i« dragons.
Mention honorable, au 9' dragons.
Chasseurs à pied.
Prix, au 2' bataillon.
Ce concours, dans lequel les plus belles inspirations de Meyerbeer,
d'Auber, d'Halévy et d'Adolphe Adam ont souvent retenti, a été re-
marquable par l'excellente tenue des musiques, par la justesse, l'en-
train et le sentiment de morceaux si divers de style et de facture.
Nous sommes heureux d'avoir à constater de nouveau les services
immenses que les instruments du système d'Ad. Sax rendent à l'in
terprétation des œuvres des maîtres les plus illustres.
A. ELWARÏ.
DERNIERS JOURS DE MENDELSSOHIÏ.
(Premier article.)
Beaucoup de personnes pensent comme moi que, par la mort pré-
maturée de Mendelssohn, le développement musical de l'Allemagne
a subi un dommage sensible, peut-être irréparable.
J'ai passé les trois dernières journées d'août, en 1847, auprès de
lui, à Interlaken, en Suisse, peu de temps avant son retour à Leip-
zig, et avant l'invasion de la maladie qui s'est terminée par sa mort,
le 4 novembre de la même année. II me paraissait vieilli, triste et
plus abattu que je ne l'avais encore vu ; mais son sourire n'avait
jamais été plus radieux ni son accueil plus cordial.
Par une journée aussi sereine, aussi resplendissante de soleil que
jamais la Suisse en ait pu voir, nous étions arrivés de grand matin
à Interlaken, et tout d'abord il voulut me faire connaître le pays et
ses sites pittoresques. « En plein air nous pourrons mieux causer
de nos affaires, » me dit-il. Nous sortîmes pour nous promener sous
les noyers en face de la Yungfrau. Plus tard, quand les hôtelleries se
vidèrent peu à peu en versant leurs habitants par groupes dans la rue,
nous nous dirigeâmes par le bois, vers une hauteur, le Hohenbiihl,
si je ne me trompe, d'où le regard domine le lac de Thun, la plaine
de Neuliaus et d'Unterseen, ainsi que les monts couverts de neige '
qui se dessinent au loin.
Pendant notre ascension, les tintements des clochettes des trou-
peaux nous arrivaient des pâturages voisins ; ils rendent le senti-
ment de la solitude dans la montagne plus vif, au lieu de le faire
cesser. Mon compagnon s'étant arrêté, prêta l'oreille quelque temps,
puis il se prit à fredonner les variations du ranz des vaches, dans
l'ouverture de Guillaume Tell : « Comme Rossini a bien rendu cela!
dit-il; cette introduction est tout à fait suisse. » Puis il se remit à
chanter ce motif, et fit ressortir les ressources de m'.se en scène
qu'offre la Suisse, avec une vivacité qui tenait de la passion. « J'aime
ces sapins, et jusqu'à l'odeur de ces vieux rochers couverts de
mousse. " Avec une joie presque enfantine, il évoqua le souvenir des
excursions qu'il avait faites avec sa femme et ses enfants. « A
l'avenir je viendrai ici tous les ans. N'est-ce pas ravissant d'être assis
sur ce banc, en face de la Yungfrau, de causer et d'oublier Londres
et hanover-sguare-room ? n
Mais, même à Interlakein, Mendelssohn dut retourner à la salle de
concert. On lui avait proposé d'écrire une composition nouvelle pour
l'ouverture de la magnifique salle de concert à Liverpool, et il s'a-
gissait de nous entendre à cet égard. Il fut d'abord question d'un
fragment de la Bataille d'Arminius, de Klopstock; du Passage des
Alpes par le général Bonaparte. Je proposai l'ode de Woodsworth,
sur le pouvoir de la musique (the Power of Sound); mais il semblait
regarder l'idée de peindre les divers effets de la musique, comme
trop usée ; il fit remarquer que d'ailleurs Haendel avait complètement
traité ce sujet dans la Fête d' Alexandre. Il craignait de ne pouvoir
rien terminer pour le jour fixé : « Vous savez, ajouta-t-il, qu'on doit
exécuter une œuvre de ma composition dans la cathédrale de Co-
logne, pour la consécration de la nef. Voilà une occasion! mais
alors je ne vivrai plus. » Il porta la main à sa tête, et ses traits
prirent une expression de souffrance et de fatigue.
Il me dit qu'il avait travaillé pendant son séjour à Interlaken ; il
mentionna en particulier cet étonnant quatuor en fa mineur, connu
comme le morceau le plus profondément empreint de tristesse et de
mélancolie qui existe dans la musique instrumentale, et quelques
pièces liturgiques pour l'Église protestante d'Angleterre. « Cela m'a
fait du bien de travailler, dit-il, faisant allusion à la perte de sa
sœur (Fanny Hensel), qui l'avait beaucoup affecté; mais il me faut du
repos, sinon je mourrai. »
Je ne jurerais pas que ce soient là les propres paroles de Men-
delssohn, mais ce jour est trop profondément gravé dans ma mé-
moire pour que je puisse oublier jamais quelque point important,
un trait, un mot caractéristique de notre conversation. La vie offre
peu de souvenirs pareils.
Je m'informai de l'opéra dont on le supposait occupé alors. Il
s'expliqua tout au long et avec franchise au sujet du théâtre et de
ses projets, « Le moment est venu pour moi d'essayer mes forces.
Peut-être, quand j'aurai écrit quatre ou cinq opéras, ferai-je quelque
chose de bon ; le difficile, c'est de trouver un sujet. » Il discuta ceux
que je lui avais proposés; et à cette occasion il témoigna en termes
très-vifs son mé contentement de l'abus qu'on avait fait de son nom
ni-: PARIS.
261
à Londres, où l'on avait annoncé que l'opéra h Tempête, composé
par lui, serait représenté à une époque fixée, -i Le livret est trop
français; le troisième acte ne vaut rien du tout. Jamais je ne me
lierai pour une époque arrêtée d'avance. Quand j'aurai complè-
tement fini mon œuvre, je la ferai représenter quelque part » Il
continua son examen des pièces de Shakespeare, en particulier du
Conte d'hiver, dont on lui avait soumis l'arrangement. « Avec l'^u-
tolycus, ajouta t-il, ou pourrait faire quelque chose de fort plai-
sant. » On a vu par son opérette le Retour de l'étranger, publié de-
puis, où le joyeux colporteur Kantz joue un rôle éminent, ce qu'il
était capable d'écrire dans ce genre. Dans le domaine de la musique
allemande, nous n'exceptons pas même l'Enlèvement au sérail, il
n'y a rien d'aussi gai que l'air de dansé chanté par ce délicieux
coquin, ni que sa partie dans la sérénade donnée à la jeune paysanne,
où le chant monotone du garde de nuit allemand est parodié avec
une sentimentalité si baroque.
« Nous n'avons pas en Allemagne un seul poëto capable d'écrire
les paroles d'un opéra, poursuivit Mendelssohn. Ah! si Kotzebue vi-
vait! Eu voilà un qui avait des idées! » Il y eut de l'animation dans
ses paroles lorsqu'il se rappela qu'une occasion aussi prosaïque que
l'ouverture du nouveau théâtre de Pesth avait inspiré à Kotzebue
une œuvre aussi caractéristique que les Ruines d'Athènes, qui parut
digne d'être mise en musique à un homme tel que Beethoven. « Eh
bien, soit; je ferai mon possible pour Loreley; Geibel s'est donné
beaucoup de mal pour ce poëme. Nous verrons. » Puis il s'interrom-
pit : « Mais à quoi bon faire des projets ? Ma vie tire à sa fin ! n
Hb-NRi CHORLEY.
[La suite ■prochainement.)
CORRESPONDANCE.
Londres, 11 août.
Hier soir, Her Majesly^s Tcalre a donné à son tour sa dernière re-
présentation de l'année, et clos ainsi définitivement la saison musi-
cale de 1863. Cette représentation d'adieu se composait de différents
actes de Faust, du Trovatore et d'Oberon. Dans ces trois ouvrages il nous
a été donné d'admirer encore une fois l'art consommé et la voix sans
pareille de Mlle Tietjens; nous avons salué une dernière- fois la gracieuse
Mme Trebelli, qui s'était chargée du rôle de Fatima dans Oberon, à la
place de Mme Alboni ; nous avons revu encore M. Santley, l'incompa-
rable baryton, ainsi que MM. Giuglini et Bettini, les deux excellents et
zélés ténors ; enfin toute la brillante troupe de M. Mapleson a reparu
presque en entier pour la dernière fois devant nous. Après que les trois
ouvrages eurent été joués et toutle monde rappelé, le rideau, selon l'u-
sage de rigueur, se leva de nouveau, et tout le personnel du théâtre,
M. Arditi, chef d'orchestre en tête, se trouvèrent encore une fois
devant le public. M. Arditi avait là une magnifique occasion de faire chan-
ter en chœur et à grand orchestre son Bacio : cela aurait varié un peu
nos plaisirs, et pour ma part j'y comptais positivement. .Mais il parait
avoir décidément abandonné son chef-d'œuvre à Mlle Artot et aux
orgues de Barbarie. J'en fus donc pour mes espérances, et c'est pour
entendre l'hymne national que, sur un signe du inaësiro, l'assemblée se
leva respectueusement. Le God save the queen achevé, tout était consommé.
Cette saison qui vient de finir comptera parmi les plus brillantes
dans les annales du théâtre de Her iiajesiij; mais, il faut le reconnaître,
la gloire en revient pour la plus grande partie à Mlle Tietjens, qui,
non-seulement par son talent hors ligne, mais encore par une bonno
volonté sacs exemple, est venue si puissamment en aide à son direc-
teur. Soixante-dix représentations en tout ont été données durant les
trois mois de la saison, et sur ce nombre, Mlle Tietjens a paru dans
cinquante-six soirées et dao.s douze rôles différents : trois fois dans
Nicolo de Lapi, l'ouvrage nouveau de M. Schira ; sept fois dans le Tro-
vatore; deux fois dans I Puritani; treize fois dans les Huguenots; quatre
fois dans Lncia ; quatre fois dans Lucrezia Borçjia ; six fois dans un Ballo
in marchera ; deux fois dans les Nozze di Fiijaro; une fois dans Norma ;
une fois dans Don Juan (dona Anna) ; trois fois dans Oberon, et vingt
fois dans Faust, la nouveauté de la saison. En vous énuraérant ces ou-
vrages, j'ai voulu vous donner la mesure de l'aptitude extraordinaire
que possède cette grande artiste à s'approprier les rôles les plus divers.
Je ne puis quitter lier Majestifs Tlieatre sans exprimer le regret d'a-
voir si rarement eu l'occasion d'applaudir la méthode parfaite et le
talent plein de charme de ce consciencieux artiste qui a nom Delle-
Sedie, et qui a obtenu un si grand et si légitime succès dans le Ballo
in maschera, le seul ouvrage dans lequel nous l'aj'ons entendu cette
année.
Vous ai-je dit que la troisième et dernière représentation de
5111e Lucca dans le rôle de Valenline, des Huguenots, a entièrement ré-
pondu à l'immense succès de son début, et que la jeune et vaillante
artiste vient d'être engagée par M. Gye pour trois saisons, à des con-
ditions royales?
Les cottcerts de samedi à Crystal-Palace, sous la direction de leur
e.^cellent chef d'orchestre, M. Manns, ont été extrêmement brillants
cette année, et viennent, aussi de clore Ipur saison par un grand
concert extraordinaire dont la partie vocale comprenait tout à la fois
les noms de Mme Miolan et de Mlle Adelina Patti, de Tambevlick et de
Mario, deGraziani et Formés. C'e«t la première fois probablement que ces
deux prodiges de vocalisation. Mme Miolan et Mlle Patti, se trouvaient
en présence. Mme Miolan avait choisi le rondo si brillant de la Son-
namhula, et elle l'a chanté comme elle seule sait le chanter; Mlle Patti,
la simple et louchante ballade àe.Marta: Qui sotauiVjî'nrnso. Le programme,
tout italien, indiquait que le morceau serait chanté dans cette langue;
mais Mlle Patti, qui connaît son public, bien que ce fût la première fois
qu'elle chantât au Crystal-Palace, fit entendre The last rose of summer
en anglais le plus pur. Je vous laisse à penser les enchantements et les
applaudissements sans fin prodigués à cette attenLÎon et à cette délicate
surprise.
C'est dans les concerts de Crystal-Palace aussi que le talent de ce
grand violoniste que, il y a peu de temps encore, vous appeliez à Paris
le petit Lotto, s'est révélé au public anglais. M. Lotte vient de nous
quitter, mais il doit revenir bientôt, car il est engagé pour une série
de grands concerts que M. Mellon, le chef d'orchestre de la Musical So-
ciety, vient d'inaugurer dans la salle devenue libre de Covent-Garden.
La grandiose ouverture en forme de marche de Meyerbeer a dignement
ouvert cette nouvelle entreprise de concerts populaires, dirigés par un
des meilleurs musiciens de l'Angleterre.
Je voudrais vous signaler encore un autre jeune violoniste de beau-
coup de talent, M. Auer, qui s'est fait connaître cette année pour la pre-
mière fois à Londres, et qui, dans les Mondoy popular Concerts, aussi bien
que dans ceux de VlJnion musicale, de M. Ella, a fait preuve d'une exé-
cution peu commune en interprétant Haydn, lleethoven et Spohr; mais
qui, du reste, joue avec tout autant de talent la musique moderne,
ainsi qu'il l'a montré dans le concert de Mlle Michal, une compatriote et
élève de Jenny Lynd, et dans lequel il a partagé les applaudissements
avec la bénéficiaire, avec Jenny Lind elle-même et avec Mlle Artot.
Et, puisque je vous parle de violonistes, je ne veux pas oublier de
vous donner des nouvelles de celui, entre tous, qui nous inspire le plus
de sympathie, de ce pauvre Ernst, qui vient de passer quelques jours à
Londres. Bien que toujours souffrant, les eaux de Malvern, pourtant, pa-
raissent lui avoir fait du bien, car nous I avons trouvé beaucoup mieux
qu'à son arrivée en Angleterre, il y a que.ques mois. L'excellent artiste
nous a quittés jeudi dernier pour aller respirer l'air de la campagne,
dans le manoir de Knebworth, dans le Herfordshire, propriété de son
ami, sir Bulwer-Lytton, le célèbre romancier.
Si en France tout finit par des chansons, dans ce bon pays de la
vieille Angleterre nous finissons tout par des toasts et des banquets.
Accordez-moi donc, pour terminer ma correspondance de la saison,
quelques lignes encore pour vous dire un mot du banquet qui vient
d'avoir lieu à Freemasons-Tavern . Bien quo la réunion eût un caractère
tout privé, je me croirais cependant coupable de la passer sous silence,
parce que le motif qui l'a provoquée intéresse, je le sais, grand nombre
de vos lecteurs. Il s'agissait, en effet, de la présentation du Testimonial
(je cherche vainement le mot français, mais j'ai expliqué la chose dans
une autre lettre) offert à l'honorable et très-honoré .VL Charles-Lewis
Gruneisen. M. Gruneisen, par ses écrits aussi bien que par son intel-
ligente activilé, a puissamment contribué à l'introduction et à la pro-
pagation de la bonne musique et des saines doctrines musicales dans sa
patrie, ainsi qu'à la fondation, sur ses bases actuelles, de l'Opéra de
Covent-Garden. M. Gruneisen est un des meilleurs écrivains de son pays,
et la crit'que musicale doit l'honorer comme un de ses membres les
plus éminents, les plus compétents et les plus dignes.
Et à présent que les théâtres lyriques sont fermés, que la srason of-
ficielle est bel et bien terminée, et que la chaleur devient étouffante,
permettez-moi de prendre congé de vous, pour aller faire un tour dans
les montagnes d'Ecosse. Si dans mes lettres que vous avez bien voulu
accueillir j'ai parfois prodigué les superlatifs aux artistes que j'aime,
j'espère que ces artistes me pardonneront ina rude franchise ; si j'ai
risqué çà et là quelques plaisanteries inoffensives, j'espère n'avoir bltjssé
aucune susceptibilité, et avant tout je crois vous avoir toujours ren-
seigné avec véracité : Fun is good, but truth t's bettcr, and love is best
of ail.
L. B.
Bade, 10 août.
Le Chevalier Nahel vient de faire son apparition sur notre théâtre.
On sait tout l'intérêt qui s'attachait à cette production de l'auteur d"œu-
262
KEVLE ET GAZETTE MUSICALE
vres symphcniques d'un grand mérite. Disons tout de suite que l'attente
de notre brillante société, dans laquelle Litolff compte de nombreux
admirateurs, n'a pas été trompée.
Le Chevalier Nahel est une con.ioption musicale grandiose, originale,
et dans laquelle se manifeste une véritable individualité.
Kous avons fjit connaîire le prologue du libretto ; il donnait une idée
assez nette du sujet de cet opéra, très-mouvementé et qui offre plu-
sieurs scènes très-dramatiques. L'action se passe au début de la guerre
de trente ans. Le duc Bernard de Saxe-Weimar est aimé de Wilhelmino
d'Offenbourg; mais il lui préfère une jeuue bohémienne, Cécilia, douée
d'une voix merveilleuse, qui aime un cornette de dragons suédois, Max
Kœrner, et qui en est aimée. Les opérations militaires du duc et les
amours de Willielmine er Cécilia sont traversées par les intrigues d'un
chevalier Kahel, espèce de sorcier, qui joue dans la pièce le rôle d'un
mauvais génie et prend plaisir à mettre dans les positions les plus cri-
tiques chacun des person nages du drame. Enfin Max Kœrner le tue d'un
coup de pistolet, et il se trouve que la bohémienne Cécilia n'est
autre que la lille du roi Gustave-Adolphe, qui la donne à Max, tandis
que le duc Bernard épjuse Wilhelmine. — Telle est l'analyse très-
incomplète de l'œuvre sur laquelle M. Litulff a été appelé à exercer ses
hautes facultés musicales avec un succès qui destine inévitablement sa
partition à l'un des théâtres lyriques de Paris.
L'ouverture est une introduction d'un beau caractère où les instru-
ments de cuivre jouent le principal rôle; elle se termine par un cres-
cendo d'un très bel effet. Le premier acte contient peut-être les morceaux
les plus saillants ; la grande scène par laquelle il s'ouvre, offre des effets
d'instrumentation d'une grande originalité; la ballade de ta Pauvreté,
chantée, par Cécilia, avec un délicieux accompagnement de harpe et de
cor, est admirablement réussie. Le Couvre-feu et la ronde des Hulans, ont
beaucoup de couleur, et l'air satanique de Nahel, qui procède de la ma-
nière de Weber, termine très heureusement ce premier acte.
Il faut citer dans le second un chreur des soldats suédois, chanté ;\ demi-
voix sur un accompagnement d'instruments à cordes d'un bon sentiment,
puis les couplets des Dragons de Saxe-Weimar, admirablement chantés
par Wilhelmine (Mme l'Eure Lefebvre) , et redemandés par la salle en-
tière. Après une agréable cavatine de Max, vient le morceau capital de
l'ouvrage, te sextuor des Invisibles, dans lequel se détache l'invocation de
Bernard!, 0 mon épée! qui se termine par l'entraînant appel aux armes
de Cécilia et le chœur général des Saxons : Allons mourir pour la foi
paternelle! Ce finale, traité avec beaucoup de puissance et d'entente
des sonorités, fait beaucoup d'honneur au coaipositeur.
Les principales parties du troisième acte consistent dans un beau duo
entre Wilhelmine et Nahel, où se trouve une phrase admirable : Sans
amour, sans pain, eic.[; dans les couplets du valet Pangolem, contre la
dureté des maîtres, écrits dans un excellent style bouffe, et que Ber-
thelier a dû redire ; dans une délicieuse valse chantée, et enfin dans toute
la scène du dénouement, exprimant les alternatives de rage, de déses-
poir et de repentir de Nahel expirant.
La direction du théâtre de Bade n'a eu guère que quinze jours pour
monter le Chevalier Nahel, et certes, on ne s'en douterait pas, à voir
combien la mise en scène est somptueuse. Quant à l'exécution, confiée
à Mme Colson (Cécilia), Mme Faure (Wilhelmine), à Balanqué (\'ahel),
Jourdan (Max), et Berthelier (î'angolem), elle a été à la hauteur de
l'œuvre. Litolff dirigeait l'orchestre, et il a dû à plusieurs reprises se
lever pour répoudre aux chaleureu-es acclamations provoquées par les
principaux morceaux de l'opéra.
J'aurais voulu vous parler de la représentation, par les Allemands,
du Boi Enzio, d'Abert, mais les bornes de cette correspondance me
pormetlent seulement de vous dire qu'il n'a pas obtenu moins de succès
qu'en Allemagne. Jo serais bien étonné si M. Abert n'arrivait pas à de
hautes destinées comme compositeur d.'-amatique. Du reste vous serez
sans doute à même d'en juger avant peu, puisque M. Alphonse Royer
vient de lui confier le livret d'un opéra destiné à l'une des scènes de
Paris.
E. R.
NOUVELLES.
**,j La Muette de Portici, au théâtre impérial de l'Opéra, le Postillon
de Longjumcau et te docteur Mirobolan au théâtre de l'Opéra-Comique,
composaient les représentations gratuites données à l'occasion de la fête
du 15 août.
,t*,i, C'est Mlle Sax qui a chanté, le 1 S août, le rô'e de la France, dans la
cantate de M. Edouard Fournier, composée par M. (iastinel pour cette
solennité. Les Génies du Mexique étaient chantés par Bonnesseur, Dulau-
rens, et M mes de Taisy et Godfrend.
,*,j Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi les Vêpres siciliennes.
Mercredi, Diavolina et la Lucie. Vendredi, les Vêpres siciliennes.
*** Mlle Tietjens arrive à Paris cette semaine.
»** On annonce la mort de Mme Ferraris, femme du député italien.
Elle s'appelait Ottavia Malvani et elle avait acquis une grande réputation
de cantatrice sur les principales scènes d'Italie.
**» Le talent montré par M. Hainl dès son début dans ses nouvelles
fonctions de chef d'orchestre de l'Opéra, le désintéressement dont il
avait fa't preuve en acceptant des appointements inférieurs à ceux qu'il
avait au théâtre de Lyon, ne pouvaient manquer d'être appréciés par
M. Emile Perrin, qui s'est empressé de les signaler à l'attention du
ministre. Aussi, la semaine dernière, M. Hainl a-t-il été agréablement
surpris d'apprendre, par une lettre des plus flatteuses du directeur de
l'Opéra, que ses appointements étaient élevés à 12,000 fr.
**„, La première représentation de la reprise d.'s Amours du Diable a
été ajournée à demain lundi ; peut-être même à mercredi.
,t*i Mlle .Monrose, que le théâtre de la Monnaie avait enlevée à notre
Opéra-Comique, rentre à ce dernier théâtre; M. de Leuven vient de
l'engager pour trois ans.
,f*jf Après la victoire , tel est le titre de la cantate de M. Bouscatel ,
musique de L-îfébure-Wély, qui a été chantée le -15 août au théâtre de
l'Opéra-Comique, par Mlle Girard, Troy, Crosti, et les chœurs.
,,*,t Immédiatement après la reprise des Amours du diable, le théâtre
de l'Opéra-Comique reprendra le Caïd.
*** Nous avons appris avec plaisir que l'excellent baryton Délie Sedie
ferait partie du personnel engagé par M. Bagier pour la saison pro-
chaine.— Le maestro GiulioAlary a été choisi pour directeur duchant, et
le maestro Castagneri pour chef d'orchestre , en remplacement de
M. Bonotti.— Le peintre Ferri sera chargé des décorations.— Malgré les
dénégations de plusieurs journaux, la Furza del destino sera représentée
cet hiver.
**,j Le chiffre brut des recettes faites pendant le mois de juillet 1863
par les théâtres impériaux subventionnés, les théâtres secondaires,
concerts, spectacles et cafés-concerts, etc , s'est élevé à la somme de
859,û6/i fr. 08 c.
,j*s On sait que Pradeau était à Toulouse et fort aimé du public,
lorsque Offenbach l'y découvrit et l'enleva pour les Bouffes-Parisiens
qu'il venait de fonder. Aussi est-ce toujours avec grande joie que l'excellent
comique y est reçu, lorsque ses congés lui permettent d'y aller. En ce
moment, il fait les délices du théâtre de Toulouse en y jouant, îvec ce
talent d'excellente bouffonnerie qu'il possède à un si haut point, Alco-
fi-ibas des Pantins de Violette, Beaujolais de Tromb-al-Cazar, Marcachu de
la Rose de Saint-Flour, Croquefer, etc. Chaque soir, il est salué par les
plus vifs applaudissements et redemandé.
**,t Après avoir chanté avec un grand succès à Turin et à Florence,
Mme Emmy Lagrua vient de contracter un engagement de six mois à
12,000 fr. par mois, avec la direction du théâtro du Lyceo à Barcelone,
en qualité de prima donna assoluta M. Verger aura d'ailleurs un très-
beau personnel pour la saison prochaine ; on y remarque Mmes Colson
et Grosso, — MM. Negrini et Gambetti, ténors, — Cresci et Squarcia,
barytons, — Bremond et Selva, basses. — Bottesini est chef d'orchestre.
**,j, Pendant les courses de Caen, la Société des beaux-arts a donné
un très-beau concert auquel Géraldy et Mlle Ebrard, premier prix du
Conservatoire, ont pris une part brillante. Au nombre des morceaux
exécutés, on a chaleureusement applaudi l'air du Pardon de Plo'crmel,
celui de la Fille du régiment et les ouvertures de Guillaume Tell et de
Preciosa.
a,*t C'est M. Luigini qui remplace M. Georges Hainl comme chef d'or-
chestre au théâtre de Lyon. — Le directeur, outre Mme Cabel et Dulau-
rens, a engagé Mlle Lagye, couronnée aux derniers concours du Conser-
vatoire.
,,,*,, On sait le succès avec lequel Al. Bettini et Mme Trebelli-Bettini, sa
femme, ont chanté , cette saison , au théâtre de Sa Majesté, à Londres.
M. lUapleson, outre la tournée artistique qu'ils feront avec lui en Ecosse
et en Irlande, au mois de septembre et en novembre, vient de les engager
pour la saison prochaine.
3,*» Dans notre numéro du 12 juillet, nous avons annoncé le grand
festival qui aura lieu à Munich les 27, 28 et 29 septembre. Voici le dé-
tail des morceaux qui y seront exécutés : — Le premier jour, la sym-
phonie héroïque de Bfethoven et l'oratorio à' Israël en Egypte, de Uaendel,
Le lendemain : 1" Symphonie en ré mineur, de Franz Lachner; — SoMotet
à huit voix, de Palestrina; — 3° Scène de l'oratorio de Tobie, d'Haydn ;
— h" Prélude et fugue pour orchestre, de J. S. Bach; — 5° Finale
du deuxième acte d'Idomeneo, de Mozart ; — 6" Marche et chœur des
Huines d'Athènes, de Beethoven ; — 7° Ode à sainte Cécile, de Uaendel.—
La dernière journée sera consacrée à l'audition de quelques-uns des
plus éminents virtuoses de l'Allemagne. Mme Schumann et M. Joachim
sont déjà annoncés. Tout semble donc promettre au festival de Mniuch
un merveilleux éclat.
„,*» Le privilège du grand théâtre San Carlo, de Naples, va être in-
cessamment mis en adjudication publique. La commission aura une durée
de trois années, et sera exploitée à partir du 1" octobre prochain. Le
théâtre devra être ouvert chaque année pendant six mois; une sub-
vention annuelle est accordée par l'État : le chiffre en est fixé à 90,000
I>E PARIS.
263
ducats. Cette somme représente, suivant le change ù, déterminer ulté-
rieurement, de 380 h 400,000 francs.
*** Vn des meilleurs comiques de Paris, Brasseur, profite d'un
congé de deux mois, et va les employer à une excursion artistique pen-
dant laquelle il exploitera son excellent répertoire de chansonnettes.
On sait avec quelle perfection Brasseur chante ce genre, et le succès
exceptionnel qu'il a rencontré tout dernièrement dans la Rride du Bré-
silien, d'Offenbach. Interprétée par lui, cette ronde deviendra dans les
provinces aussi populaire qu'à Paris.
*** Trois mille exécutants composant quatre-vingts sociétés musicales-
doivent prendre part à la fête orphéonique de Rouen. La date avait été
fixée au 30 août; mais l'ouverture de la chasse devant avoir lieu le
même jour, la commission d'organisation a indiqué les 6 et 7 sep-
tembre.
«** Le célèbre trombone Nabich fait en ce moment une tournée
artistique dans les villes de bains. Partout où il a donné concert, au
Havre, à Trouville, à Etretat, etc., il a obtenu le plus grand succès.
^*, Ischia, c'est le titre d'un petit poëme italien, en trois chants, dont
l'auteur, M. Marcello, nous raconte l'origine en quelques pages de pré-
face explicative. Ne doit-on pas reconnaissance, hommage et actions de
grâce à qui vous a rendu la vie? Si l'auteur vit encore, c'est par la
vertu du ciel enchanteur et des eaux salutaires d'Ischia, qui l'ont sauvé
alors qu'il étudiait sous la direction du célèbre Mercadante. Son poëme
est donc à certains égards un hymne, plein d'inspirations consolantes
et brillantes. Les malades en profiteront sans doute, et les gens 'bien
portants ne le liront pas avec moins de plaisir.
^*^ Le préfet de la Côte- d'Or a approuvé une décision du conseil
municipal de Dijon, autorisant l'érection d'une statue sur une place
de cette ville à la mémoire de Rameau, né à Dijon, le 24 septembre 1683.
Cette status doit être en bronze ; l'exécution en sera confiée à un
sculpteur dijonnais ; elle sera payée par souscriptions et dons volon-
taires, et inaugurée solennellement le 12 septembre 1861, anniversaire
séculaire de la mort du grand musicien.
,1,*^. Après leur grand succès à Vichy où ils ont eu l'honneur de jouer
devant S. M. l'Empereur, qui les a fort applaudis, les deux frères Emile
et Auguste Sauret viennent de partir pour Bade, où ils sont appelés
pour plusieurs concerts.
»*<, On lit dans le journal de Fécamp : « Un de nos artistes les plus
éminents, Ernest Nathan, violoncelliste, qui s'était rendu ici pour y
donner concert, vient de s'entendre avec le Crédit suisse pour prendre
l'exploitation et la direction du Casino. C'est une véritable bonne for-
tune, et cous avons déjà pu juger par la fête d'inauguration qui vient
d'avoir lieu, et à laquelle ont concouru le célèbre trombone Nabich,
Mlle Chaudesaigues et Mme Pithoii-Chpret , des plaisirs qui nous sont
promis pour les deux mois de saison qui nous restent encore. La se-
maine prochaine, les plaisirs prendront an Casino une marche régu-
lière: chaque jour il y aura réunions de familles et soirées dansantes au
piauo ; le jeudi, bal avec quatuor; le dimanche, concerts et spectacles.»
^*^ Les morceaux détachés de la partition d'Hamlet, de M. Vietorin
Jôncières, jouée cet hiver avec succès "i l'hôtel du Louvre, viennent de
paraître chez MM. Gambogi, éditeurs de musique.
^*^ A Munster, en Westphalie, les étudiants de l'Académie viennent
de représenter au théâtre de la ville OEdipe roi, tragédie de Sophocle,
dans la langue originale ; les chœurs étaient chantés sur la musique
d'un jeune philologue de Berlin, II. Bellermann. Quelques joiirs après,
OEdipe soutenait sa thèse de docteur ; parmi les « opposants » se distin-
guaient Jocaste et Créon, le beau-frère d'OEdipe.
^*^ Musard a voulu célébrer dignement la solennité du 15 août. Aujour-
d'hui dimanche a lieu au Pré Catelan, au bénéfice de l'Association des artistes
musiciens, un festival musical qui attirera tout Paris. Par autorisation
spéciale de S. Exe. le maréchal Magnan, toutes les musiques du l'"'
corps d'armée, réunies au nombre de 1165 exécutants, les musiques de
la ligne, de l'artillerie, de la cavalerie et les fanfares des chasseurs à
pied, secondées par trois cent cinquante tambours, clairons et trom-
pettes, après avoir joué les plus belles compositions des plus grands
maîtres, exécuteront une Fantasia militaire d'un effet entièrement nou-
veau. La Société chorale de l'Odéon, sous l'habile direction de M. Dela-
fontaine, l'un des plus intelligents professeurs de la capitale, chantera
avec accompagnement de grand orchestre, l'Aigle de France, cantate
dont IL T. Saint-Félix a écrit les paroles et A. Musard fait la musique.
Pour couronner dignement cette solennité, les régiments de ligne, ayant
àleur tète tous les tambours et 'clairons commandés par un tambour-ma-
jor en grande tenue, précédé par les fanfares des chasseurs à pied,
flanqués par les musiques d'artillerie avec leurs trompettes, et escortés
par les dragons à cheval, exécuteront, en décrivant une immense spi-
rale dans le Pré Catelan, une nouvelle Retraite de la ligne, spécialement
composée pour cette fête nationale.
^*.^ Les arts viennent de faire une grande perte dans la personne du
célèbre peintre Eugène Delacroix, qui a succombé jeudi à une mala-
die de poitrine.
**» L'Allemagne a vu s'éteindre une de ses premières notabilités
musicales. Le directeur de musique Adolphe- Frédéric liesse est décédé
à Breslau, après une longue et douloureuse maladie. liesse, qui étai
sans contredit l'un des plus forts organistes contemporains, et i qui l'on
doit d'excellentes compositions pour sou instrument, était né le 30 août
1809, dans la ville où il est mort.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
/, Boulogne-sur-Mer, 13 août.— La belle salle de l'établissement
des bains réunissait hier dans sa brillante enceinte deux artistes
depuis, longtemps célèbres : Thalberg et Godefroid ont tenu tour
à tour sous le charme le public qui s'était porté en foule à ce concert
pour juger de la perfection à laquelle peut atteindre le talent, et les
a accueillis avec un enthousiasme indescriptible. Thalberg a joué
le Trille, les Airs irlandais et les Airs russes, et, de plus, répondant au
vœu du public, le Hon'ie sweet home non porté au programme. — Félix
Godefroid a fait entendre les Guutles de rosée, le Vieux menuet du
xvii» siècle, le Rêve et la Danse des sylphes qu"on lui a redemandés; il a
terminé par son Carnaval de Venise, véritable prodige d'habileté.
Mme Peudefer, cantatrice très-distinguée, a fait preuve d'une belle voix
et d'une excellente méthode dans les airs de la Pri:e de Jéricho et du
Billet de loterie; dans la Valse de Marguerite, de Clémentine Batta, ainsi
que dans deux romances : Vieille chanson du jeune ternis, de Joseph
O'Kelly, et Renlruus chez nous, do Pauline Thys. — L'orchestre, dirigé
par M. Chardard, a fort bien exécuté les ouveitures du Lac des fées,
d'Auber, et de la Harpe d'or, composition symphonique de Félix Gode-
froid, parfaitement écrite et qui a eu beaucoup de succès.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
^*^ Hombcurg. — Nous n'avons jamais eu une telle afïluence. Les ma-
gnifiques jardins du Kursaal ne désemplissent pas, aussi les fêtes se
.succèdent sans interruption. Kous avons eu vendredi un très-beau
concert dans lequel Mlle Parepa, cantatrice anglaise, a chanté l'air
de l'Ombre du Pardon de Ploermel de manière à satisfaire les diiet-
tanti les plus difficiles. Seligmann a chanté sur son violoncelle un an-
dante de Rode, véritabls poëuie d'amour, et l'on sait si Seligmann ex-
celle dans ces morceaux d'expression. Son succès n'a pas été moins
grand dans un beau morceau sur %l Trocatore. Mme Escudier-Kastner,
qui arrivait de Spa, a fait admirer son beau talent. M. Behrens, artiste
suédois, a été fort applaudi dans l'air du Chalet, chanté en allemand.
— On espère que S. M. l'empereur d'Aulriclie et les autres souverains
réunis à Francfort pour le congrès, vitu iront visiter llombourg. On
prépare des fêtes. MM. Gindreau et Fouilleroux ont engagé pour le
prochain concert A. Jaell, Vieuxtemps et Servais, et pour le mois pro-
chain on annonce un festival musical. Des chœurs nombreux venant de
toutes les parties de l'Allemagne y prendront une large part.
^",1. Berlin. — Le directeur de l'établissement Kroll, M. Engel, pen-
dant son séjour â Paris, a engagé deux des solistes les plus renommés
de l'orchestre Musard, M. Legendre, cornet à pistons, et H. Lalliet, hau-
boïste. Leur début vient d'avoir lieu avec un grand succès; on a
surtout admiré les beaux sons et la merveilleuse agilité de M. Legendre
dans sa fantaisie sur le Carnaval de Venise. M. Lalliet n'a pas produit
moins d'effet dans les morceaux qu'il a exécutés; il se fait un jeu des
difficultés les plus ardues. Aussi a-t-on prodigué aux deux artistes fi-an-
çais les applaudissements les plus chaleureux. — Le 3 août, le théâtre
de la cour a fait sa réouverture par le Lac des Fées d'Auber; en dépit
des chaleurs tropicales il y avait beaucoup de monde. Le lendemain,
au ballet de Flick-Flock, par Taglioni, la salle était comble.
,j*^ Vienne. — Le nouvel intendant général des théâtres de la cour,
prince Auersperg, vient d'entrer en fonctions. — Les répétitions gé-
nérales de l'opéra d'Auber, Marco Spada, ont commencé.— Mlle Liebhart
est de retour de sa brillante et fructueuse tournée en Angleterre. L'émi-
nente cantatrice doit faire sa rentrée par le rôle de Martha ; celui de
Lyonel serait chanté par le célèbre ténor Wachtel. — Ofl'enbach vient
d'adresser au directeur de l'opéra de la cour, ,M. Salvi, la partition de
son nouvel ouvrage : Armgarnd ou les Esprits du Rhin, paroles alle-
mandes de M. le comte de Vollrogen, k qui l'on doit une excellente
biographie de Mme Schrœder-Devrient .
^■% Pyrmont. — Nous avons ici une troupe d'opéra tout au moins
passable. M. Gunz, du théâtre de la cour à Hanovre, a donné deux
représentations ; il a chanté les rôles de Chapelou, du Postillon, et de
Georges Brown, de la Dame Blanche, avec beaucoup de succès.
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unité de doigté ; supérieur comme forme ou contour des tubes pour l'émission des sons ; supérieur comme forme pour le pla-
cement et le maniement de l'instrument; supérieur comme ayant une même direction des sons (avantage pour l'auditeur de
recevoir tous les sons avec la même puissance): supérieur en ce que quelques jours suffisent pour former, avec des amateurs ou
de simples conscrits militaires, une musique passable ; supiSrieur en ce que les plus gros instruments comme les petits se
tiennent facilement au moyen de la main gauche et du bras gauche, et laissent le bras et la main droite entièrement libres,
et dans la meilleure position pour le jeu des doigts sur les cylindres ; supérieur en ce que, quand un él^ve a déjà fait des
études et qu'il est obligé de changer d'instrument faute de disposition des lèvres ou par tout autre motif, ses études acquises
servent pour le nouvel instrument, soit trompette, trombone ou tout autre instrument ; supérieur en ce que l'on peut faire les
études les plus longues et les plus difficiles sur l'instrument qui fatigue le moins et les reporter sur d'autres plus durs à jouer
ou plus lourds à porter; supérieur en ce que, dans les sociétés ou dans un régiment de cavalerie, surtout lors des congés, il
arrive souvent que tous les artistes d'une même catégorie d'instruments partent, et que, dans ce cas, on peut les remplacer
en prenant des musiciens dans les parties les mieux garnies pour occuper ou remplacer les parties manquantes; supérieur en
ce qu'on ne craint pas les cinps de tête des chevaux, qui, avec les anciens instruments, brisaient parfois les dents au cava-
lier; supérieur en ce que l'on peut jouer, le cheval au trot ou au galop, l'instrument suivant toujours les mouvements du
corps; supérieur pour la musique en marche en ce que l'instrument ne se dérange pas sur les lèvres, et conserve par consé-
quent la môme sonorité qu'au repos; supérieur pour les corps de musique et pour le militaire surtout, où tout est régulier
(excepté les musiciens et les instruments d'après le système ancien), en ce que tout le monde se trouve dans la même position, toutes les mains à la même
tous les instruments penchés de gauche à droite ; supérieur, pour la musique à cheval ou de cavalerie, en ce que si, pendant que l'on joue, le cheval vient
écart, il est facile de ressaisir les brides pour le ramener, sans dérang;r l'instrument de sa position. if/T^
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30^ Année.
!V« 34.
23 Août 1863.
on 8'ABONNE 1
Hans les Déi>nrlements et à l'Étranger, chez tous
les Btnrchands de Musique, les Libraires, et aur
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REVUE
PRIS DE L'ABONHEUEHT s
Paris 24tr. paras
Déparlemeuts, Belgique et Suisse... 30» id.
ÉlraDjer 31 - Id.
Le Journal paraît le Simaiicbe.
GAZETTE MUSICALE
-- ^\Aj \PJ\pj^J\rjy\r^ —
SOMMAIRE. — Floquet ( 5' et dernier article) , par Arthur Pongin. —
Un artiste musicien en Italie, en 1739 (1" article), par Em. Mathieu de
Monter. — Hérold (2' et dernier article), par Cétis père. — Nouvelles et
annonces.
FLOODET.
(5' et dernier article) (1).
Relevé dans l'estime du public par le succès du Seigneur bienfai-
sant et consolé de sa précédente défaite, Floquet voulut essayer son
talent sur une scène dont les allures fussent moins solennelles que
celles de l'Opéra. Il tenait d'un certain abbé Robineau, attaché à la
bibliothèque du roi, et connu dans les lettres sous le nom de Beau-
noir, qui était l'anagramme de son nom véritable, le manuscrit d'une
« comédie eu trois actes, mêlée d'arieltes », intitulée la Nouvelle
Omphale. Le sujet de cette œuvre était emprunté à un conte de
Sénecé, Camille, ou la Manière de filer le parfait amour. Floquet
en composa la musique, et l'ouvrage fut représenté à la fin de 1782.
Le roi et la reine en eurent la primeur, car la pièce fut jouée pour
la première fois sur le théâtre particulier de Versailles, le 22 novem-
bre ; puis, le 26 du même mois, à la Comédie-Italienne, oii, malgré
la froideur du poëme, elle obtint un très-grand succès, grâce à la
partition et au jeu des acteurs, Trial et sa femme, Clairval et la
charmante Mme Dugazon.
Floquet avait retouché la musique du Seigneur bienfaisant , qui al-
lait être repris à l'Opéra et auquel Rochon avait ajouté un acte nou-
veau. Ce ne fut pas sans difficulté que cette reprise eut lieu. Rachau-
mont nous l'apprend dans ces lignes que je lui emprunte : « Malgré
les efforts des différentes cabales qui s'étaient formées contre le nou-
vel acte du Seigneur bienfaisant et contre l'ouvrage ancien même
que l'on était fâché de voir remis, il a franchi la seconde représenta-
tion avec non moins de succès que la première. Aux menées des
auteurs de l'Embarras des richesses (2), se joignaient celles des Glu-
ckistes , des Piccinistes, des Sacchinistes, outrés de voir les ou-
vrages de leurs chefs respectifs retardés et s'imaginant que les étran-
gers doivent exclure les nationaux de leur propre domaine. »
(1) Voir le n» 31.
(2) Lourdet de Santerre et Grétry, auteurs du poômo et de la musique de cet
C'est le 23 décembre 1782 que reparut à la scène le Seigneur bien-
faisant ainsi revu, corrigé et augmenté. Floquet se laissa-t-il étourdir
par le succès qu'obtint cette réédition d'un ouvrage accueilli déjà une
première fois par le public avec une faveur marquée, et prit-il com-
plètement le change sur la valeur réelle de son talent? Cela est pos-
sible, probable même, car la nature l'avait doué d'un excessif amour-
propre, et j'estime qu'il n'eût accueilli que comme un hommage
sincère et légitime l'acclamation de tout individu lui déclarant qu'il
était le premier musicien de son temps. Toujours est-il qu'un projet
extravagant lui passa par la cervelle, et que, dans son orgueil, il ne
rêva pas autre chose que de détrôner Gluck.
Le marquis Razins de Saint-Marc avait retouché VAlcesie de Qui-
nault. Floquet accepta la tâche périlleuse d'écrire sur ce poëme ainsi
remanié une nouvelle musique. Pour se bien rendre compte de l'au-
dace d'une telle tentative, il faut se souvenir que la représentation
de VAlceste de Gluck remontait seulement à l'année 1776, et que,
depuis, l'ouvrage n'avait cessé de se maintenir au répertoire.
Floquet, aidé sans doute en cette circonstance par son puissant
collaborateur, eut le crédit de faire recevoir son Alceste à l'Opéra.
Mais son illusion fut courte, et son espoir bientôt déçu d'une façon
fâcheuse pour son amour-propre. Dès la première répétition l'ou-
vrage fut déclaré impossible, et les auteurs reçurent l'avis que l'ad-
ministration se refusait à le monter.
Est-ce aux suites de cette déception cruelle, mais parfaitement
méritée, que doit être attribuée la mort prématurée de ce jeune ar-
tiste, dont le talent n'égalait pas l'outrecuidance et la présomption ?
Je ne sais. La plupart de ses biographes l'affirment, tandis que d'au-
tres, copiant Bachaumont, assurent que des excès de débauche, alors
trop communs, le conduisirent à sa perte.
ouvrage, qui était tombé à plat, essayèrent en effet, mais vainement, d'enrayer
par une cabale le succès nouveau du Seigneur bienfaisant.
La représentation à l'Opéra de l'Embarras des richesses donna lieu à ce cou-
plet satirique :
Embarras d'intérêts.
Embarras de paroles,
Embarras de ballets.
Embarras dans les rôles,
Enfin, de toute sorte,
On ne voit qu'embarras ;
Mais allez à la porte,
Vous n'en trouverez pas.
266
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
VI
Comment se formerait-on une opinion sur le mérite de Floquet
sans consulter ses œuvres, et seulement d'après les jugements con-
temporains ? Ces jugements se contredisent et sont toujours marqués
au coin d'une extrême partialité. Aucun écrivain de son temps, si ce
n'est Grimm — et celui-ci n'était pas coutumier du fait — n'a su
garder la mesure envers lui, et, de nos jours, M. Fétis est le seul
qui l'ait sainement et judicieusement apprécié.
Si l'on s'en rapporte au rédacteur de la Biographie Michaud :
V Floquet était un savant harmoniste; mais ses opéras ont prouvé
que la science est impuissante sans le génie. Sa mélodie est mono-
tone et languissante ; ses chants sont surannés, et, à l'exception de
sa Chaconne et du Trio des Vieillards, ses productions sont à peu
près oubliées. »
Je crois avoir prouvé, contrairement aux assertions contenues dans
les lignes précédentes, que Floquet n'était rien moins qu'un « savant
harmoniste. » Il avait parfois des trouvailles heureuses, mais en gé-
néral son harmonie était incorrecte, débile, et manquait autant de
solidité que d'imprévu. Quant à sa o mélodie monotone », à ses
(I chants surannés », ce sont autant d'erreurs du biographe. C'est préci-
sément par la fraîcheur et la jeunesse des idées, l'heureuse abondance
des motifs, la grâce du tour mélodique, que Floquet brille encore,
aux yeux de ceux qui l'étudient, d'un vif et pur éclat. Ses œuvres,
je ne saurais trop le répéter, n'ont rien qui le puisse faire passer
pour savant en son art : son style est généralement lâche et sans
fermeté, son harmonie trop souvent pauvre et misérable; mais il ra-
chète jusqu'à un certain point ces graves défauts par le naturel et la
facilité de sa phrase mélodique, à laquelle il sait donner d'aimables
contours, par une grande justesse et une grande sobriété d'expres-
sion, enOn par l'élégance, la richesse et la variété de son orchestre,
qui se dislingue par des effets de rhythme et de sonorité aussi heu-
reux, aussi piquants que neufs et inattendus.
Grimm, disais-je tout à l'heure, est le seul des écrivains contem-
porains de Floquet qui ait su lui rendre justice ; voici en effet ce que
disait, en rendant compte du Sabimcs de Gossec, représenté sans
succès en 1774, ce critique atrabilaire : « Si Floquet ne compose pas
avec autant de force, avec autant d'art (que Gossec), il a des idées
de chant bien plus fraîches, bien plus agréables, plus piquantes.
L'un rappelle une beauté triste et froide qu'on admire sans goût et
sans plaisir; l'autre, une jeune nymphe qui plaît, malgré l'irrégula-
rité de ses traits, qui plaît sans presque y songer, et parce que la
nature l'a voulu ainsi. » Il est impossible, dans un jugement aussi
rapide, de donner avec plus de tact un aperçu plus juste et plus
vrai de la valeur d'un artiste.
Quelle place faudrait-il assigner à Floquet parmi tous les musi-
ciens qui ont plus ou moins illustré son époque? Il n'y brilla qu'un
instant, et cet instant fut si court qu'il n'eut pas le temps même de
se produire complètement. Pour être juste, il faudrait donc, en quel-
que sorte, le juger, non sur ce qu'il a fait, mais sur ce qu'il aurait
pu faire. En ne le jugeant que d'après ce qu'il nous a laissé, nous
trouvons qu'il y avait en lui l'étoffe d'un artiste véritable. Si ses
idées manquaient parfois d'élan et de grandeur , si les ailes un peu
courtes de sa fantaisie avaient peine à s'élever à la hauteur des su-
jets qu'il entreprit de traiter, si les défauts provenant d'une mau-
vaise direction d'études l'empêchèrent de se montrer avec tous ses
avantages et de lutter avec plus de succès contre les grands noms
qui l'écrasaient, on ne peut toutefois lui refuser des qualités réelles,
solides et nombreuses. Il avait la grâce et l'élégance, il avait la dé-
licatesse et le goût ; il possédait, enfin, le don de plaire et de char-
mer, qualilé indispensable à qui s'adresse à la foule, et sans la-
quelle toutes les antres ne sont rien. Sa phrase caressante, qui, mal-
heureusement, ne s'achevait pas toujours avec autant de bonheur
qu'elle avait commencé, se déroulait avec une limpidité, une trans-
parence parfaites. La trame de sa pensée mélodique était ourdie avec
art, et il donnait à celte pensée des contours pleins d'harmonie. Son
orchestre était soigné, délicatement travaillé, toujours plein d'ani-
mation, brillant ou coquet, selon le besoin, sonore sans brutalité,
aimable sans fadeur, et il y savait apporter une variété d'accents sin-
gulière, ainsi qu'un remarquable coloris.
Comme homme, on a pu voir que Floquet était rempli d'orgueil ;
mais les défauts de son caractère, comme ceux de son talent, étaient
compensés par d'excellentes qualités. « Il fut bon fils, bon frère,
bon ami » , dit un de ses biographes. Le succès inattendu de son
premier ouvrage, succès qu'on ne pouvait surtout pardonner à son
jeune âge, lui avait créé de nombreux ennemis qui ne songèrent
qu'à entraver sa carrière. Floquet n'en garda jamais rancune, et ne
chercha pas un instant à rendre le mal pour le mal. Comme, à la
représentation de l'ouvrage d'un de ses rivaux qui ne lui avait
ménagé ni les sarcasmes ni les mauvais procédés, on le voyait ap-
plaudir très-fort, quelqu'un s'en étonnant : « Les beautés de l'ou-
vrage, dit-il, me font oublier la haine de l'auteur. » C'est là, certes,
la preuve d'un excellent cœur et d'un esprit élevé. Très -recherché
dans le monde, il y apportait, dit-on, beaucoup de candeur et une
franche et naïve gaieté.
Arthur POUGIN.
UN TOURISTE OUSICIEN EN ITALIE,
En 1939.
(Premier article.)
Le 30 mai 1739j le comte Charles de Brosses, oonseiller au par-
lement de Bourgogne, et quatre gentilshommes de la province, ses
amis, quittaient Dijon et se mettaient en route pour l'Italie. A cette
époque, et malgré le mot célèbre du grand roi, il y avait encore des
Pyrénées et surtout des Alpes. Les traverser, c'était entreprendre un
véritable voyage de découvertes. L'Italie artistique était inconnue.
Ses richesses avaient échappé au partial et lourd commentaire des
Relations de Labat, de Misson ou de Burnet, et le Journal de Mon-
taigne ne les avait pas encore désignées à l'admiration des gens de
goût.
Ces cinq « gentilshommes du pays de Bourgogne » allaient donc
à la découverte du beau, persuadés que cette recherche ne se divise
pas en études rivales et en manifestations d'antagonisme. Ce principe
est admis aujourd'hui, mais en 1739 il y avait un certain mérite à
le prendre comme règle de conduite. Tous les cinq, ils étaient de la
famille de ces esprits éclairés de nos jours, qui croient que Mozart
et Newton, que Gluck et Shakspeare, que Rubens et Leibnilz, que
Michel-Ange et Molière, que tous les vrais génies ont marché aussi
droit les uns que les autres vers l'éternelle lumière où se complète
l'harmonie des inspirations sublimes. Seulement, pour atteindre plus
rapidement le but, les cinq voyageurs s'étaient partagé la tâche, et
tandis que les frères Lacurne de Sainte-Palaye, devaient compulser
les manuscrits anciens et les monuments littéraires ; tandis que
MM. de Montmort et de Migien allaient étudier la peinture et la sta-
tuaire, Charles de Brosses devait s'attacher à l'art par excellence qui
fut le culte et l'amour de toute sa vie : la musique. Des cinq, à vrai
dire, il était le mieux partagé. Tartini, Hasse, Léo, brillaient alors
en Italie; tous les théâtres chantaient Pergolèse, et c'étaient les
meilleurs jours de Métastase.
Le comte de Brosses est un des hommes du xvni' siècle qui ont
le plus honoré la France par leur esprit, par leur savoir et par leur
caractère. Le chancelier d'Aguesseau le tenait en haute estime. Buf-
fon, qui le connut beaucoup, vante la supériorité de son esprit et la
DE PARIS.
267
finesse de son discernement. Voltaire lui-Kiême, Voltaire, qui lui
avait volé quatorze moules de bois, qui plaida quinze ans contre lui
devant toutes les juridictions du pays, et qui fut percé à jour et
morigéné, en enfant menteur et mutin, par une de ses lettres. Vol-
taire, à la fin de sa carrière, rendait hommage aux rares qualités du
président de Brosses, « fils de Dijon, disait-il, de cette ville où le
mérite de l'esprit semble être un des caractères des citoyens. »
Au xviii" siècle, un gentilhomme français spirituel, instruit, ai-
mable, élégant et riche, ne pouvait qu'être fort remarqué dans cette
Italie qui a tant aimé, qui aime tant encore le faste, le bruit et
l'éclat. Reçu par le pape Clément XII à Rome , par Charles III à
Naples, par Charles-Emmanuel à Turin, le comte de Brosses se vit
accueilli de la princesse Borghèse, du marquis Crescenzi, des cardi-
naux de Tencin et Larabertini, depuis Benoit XIV, admis dans l'inti-
mité des Toscarini et des Tiepolo à Venise, des Caraffa et des Mon-
teleone à Naples. C'est ainsi, c'est dans les salons et les loges aima-
bles de la noblesse italienne, toujours si gracieuse et si prévenante
pour les étrangers, que le touriste bourguignon entendit les grands
artistes et étudia le mouvement musical de cette époque. C'est de
ce milieu intelligent et élevé qu'il écrivit à ses amis de Dijon —
hommes distingués, charmantes femmes bien faits pour le compren-
dre — ses impressions, ses observations de chaque jour. En pour-
suivant cette correspondance , en communiquant à des esprits qui
sympathisaient avec le sien, ce qu'il voyait et ce qu'il apprenait,
naturellement, au courant de la plume, sans se croire astreint à for-
cer son admiration et à dépenser hors de propos de cet enthou-
siasme banal qui est la monnaie courante des récits de voyage en
Italie, sans songer surtout à faire un livre, Charles de Brosses a fail
un livre vrai, intéressant, un livre d'une vivacité attachante, et qui
présente le tableau le plus exact, le plus brillant et le plus spirituel
de l'Italie musicale de son temps.
Elles n'ont pas vieilli, ces lettres heureuses! elles gardent encore
leur saveur et leur charme. II y a profit et enseignement, non moins
que matière à comparaisons curieuses, à les parcourir, à refaire, en
musiciens touristes, ce voyage d'un touriste musicien, à un moment
de l'année oià l'Italie, ce vaste et magnifique musée, est visitée
par tant d'hommes de loisir, depuis l'Anglais nomade, confortable-
ment blotti dans sa chase de voyage, qui envoie ses gens s'assurer
de la fidélité des descriptions du Murray's hand-book, jusqu'aux ar-
tistes qui vont demander à cette terre poétique et fertile en génies;
le secret des belles œuvres sans vieillesse.
Gênes est la première ville que le comte de Brosses visita en Ita-
lie. A peine débarqué, il court à la cathédrale entendre la messe so-
lennelle de la Saint-Jean, à laquelle le doge assistait, « messe chan-
tée, dit-il, en assez méchante musique. » Ce qui lui plaît davantage
— et je n'ai pas de peine à le croire, — « c'est un petit abbé à
talons rouges, et un éventail à la main, qui, pendant la communion,
debout au milieu du chœur, joua supérieurement de la serinette!»
Qui se serait attendu à voir la serinette en cette affaire ?
Comme Charles de Brosses n'était pas précisément venu en Italie
pour étudier l'emploi de la serinette dans les cérémonies du culte, il
quitta Gênes fort dépiié, et nous le retrouvons à Milan, fréquentant
les théâtres,» où l'on joue des pièces détestables, » et n'y rencontrant
que des chanteuses « très-inférieures à la Vanloo » : — la femme
du peintre Carie Vanloo, belle, excellente et spirituelle artiste, qui
popularisera la musique italienne de ce côté-ci des Alpes. « Quant
à leurs castrats, poursuit-il, ces sortes de voix ne me plaisent pas du
tout : à l'exception d'un ou deux, tout ce que j'ai oui m'a paru misé-
rable. Ils ne chantent pas; ils piaillent et glapissent... De plus, leurs
récitatifs et leurs airs sont baroques... Je me suis fait beaucoup pri-
ser et chérir des principaux musiciens du pays en criant bravissimo
à tout propos, et en ménageant on ne peut pas moins leur modestie.
Ici, il faut dire d'une chose passable : très-bien. » Ici, c'est l'Italie;
mais c'est à croire que de Brosses parle de la France.
Il paraît qu'en 17Z|9, on n'avait rien de mieux à faire en arrivant
à Vérone, que d'aller au théâtre pour se délasser, quoique la modi-
cité du prix des places ait eu de quoi inquiéter la fierté d'un gentil-
homme bourguignon. Le comte de Brosses nous le dit, tout en dé-
boursant ses •• six sols » et en pénétrant au milieu de l'ancien am-
phithéâtre « où il y a de quoi placer trente mille personnes qui, de
partout, entendent admirablement ». Il admire fort une jeune dan-
seuse, « qui fait vingt entrechats de suite, sans se reprendre, battus
à huit, et de même tous les entre-pas de force qu'on admire dans nos
maîtres; auprès d'elle la Camargo est une danseuse de pierre de
taille. Mais, tout à coup, ajoute-l-il, une cloche de la ville ayant
sonné V Angélus, je vis fuir les actrices, quoiqu'il il y en eût une
qui, selon son rôle, fût alors évanouie. Toute l'assemblée se mit
promptement à genoux, tournée vers l'Orient ; les acteurs s'y jetèrent
dans la coulisse; on chanta fort bien VAve Maria; après quoi, l'ac-
trice évanouie revint, fit fort honnêtement la révérence, se remit
dans son état d'évanouissement et la pièce reprit Il y a à Vé-
rone, continue de Brosses, une académie dite des Philharmoniques.
Son institution avait pour but de renouveler la musique ancienne.
Les académiciens devaient savoir jouer du barbitos, de la cithare et
du sistre ; mais, comme beaucoup d'autres académiciens, ils ne font
rien de ce qu'ils devraient faire ; de sorte que je fus frustré de l'es-
poir de voir exécuter une cantate dont les paroles seraient de Pin-
dare et la musique de Timothée. »
En traversant Vicence, de Brosses visite et décrit le théâtre cons-
truit par Palladio sur le modèle des théâtres romains. De Vicence à
Padoue, le paysage lui paraît ressembler « à une décoration d'opéra
fort bien imitée ». A Venise, il se fait présenter au compositeur
Adolphe Hasse, à sa femme, Fauslina Bardoni , a qui chante d'un
grand goût ; » à Qartini, « charmant garçon, cavalier distingué, dont
le jeu est dans le genre de celui de Le Clerc, et qui raisonne comme
un ange sur la musique ; » à Vandini, excellent violoncelliste. Mais,
pour notre touriste, la meilleure musique de Venise est celle des hô-
pitaux. (I II y en a quatre, écrit-il , composés d'orphelines élevées
par l'Etat et exercées uniquement à exceller dans la musique. Aussi
chantent-elles comme des séraphins, et jouent du violon, de la flûte,
de l'orgue, du hautbois, du basson ; bref, il n'y a si gros instrument
qui puisse leur faire peur. Elles sont cloîtrées. Il n'y a rien de si
plaisant que de voir une jeune et jolie religieuse, en habit blanc, avec
un bouquet de grenades sur l'oreille, conduire l'orchestre avec toute
la grâce et la précision imaginables. Leurs voix sont adorables pour
la tournure et la légèreté, car on ne sait ici ce que c'est que sons
filés à la française. La Zabetta des Incurables est surtout étonnante
par l'étendue de sa voix et les coulis d'archet qu'elle a dans le go-
sier. Pour moi, je ne fais aucun doute qu'elle n'ait avalé le violon de
Somis... C'est là seulement qu'on entend ce premier coup d'archet,
si faussement vanté à l'Opéra de Paris. »
A Bologne, « le premier et le plus essentiel- de tous les devoirs est
d'aller trois fois par semaine à l'Opéra, dans un petit village, à quatre
lieues de la ville, où l'on se rend en poste, à quatre chevaux. On
soupe dans les loges. Les dames font la quête pour le luminaire de
la paroisse. » Voilà bien l'Italie ! Mais de Brosses n'est pas content de
Bologne, « ce séminaire de la bonne musique. » La Cazzoni, la Per-
nozzi, Caffarello, les grands artistes l'ont quitté. Farinelli, lui-même,
l'illustre. .. soprano n'y est plus. Il s'est fixé à Madrid, où il a, de
la cour et du roi, le logement, la table, les habillements, les che-
vaux, les voitures, et plus de 80,000 livres de rente. Un ténor de nos
jours n'est pas mieux traité. Et de Brosses ajoute : « Le roi l'a anobli,
lui et toute sa postérité! » Le trait est gaulois, je dirai même :
bourguignon ! i
Ce qui séduit le plus notre touriste, et ce dont il parie avec le
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REVUE ET GAZETTE MUSICALE
plus de complaisance dans ses lettres, ce sont les converzationi de la
noblesse, véritables soirées musicales. Pour lui faire fête, on invite
les artistes en renom. A Florence, il entend ainsi Veracini, Tagnani
« qui a inventé une clef aux violons comme celles des flûtes, et qui
a ajouté sous le chevalet sept petites cordes de cuivre »; et Lom-
bardini « qui joue du théorbe et de l'archi-luth aussi bien que possi-
ble, et qui m'a convaincu par là, écrit-il, qu'on avait bien eu raison
d'abandonner ces instruments. »
Au théâtre de Lucques, le comte de Brosses est très-surpris de voir
» que la catastrophe (le dénoûment) de la pièce est un grand feu
d'artiOce distribué le long de la salle, au travers des toiles peintes
et des loges. » Le spectacle le plus singulier qu'il a pendant son sé-
jour à Sienne, lui est donné, raconte-t-il, par le chevalier Perfetli,
improvisateur habile. « Je lui proposai comme sujet Yaurore boréale.
Il rêva un instant, au son d'un clavecin qui préludait à demi- jeu ;
puis, il se mil à déclamer doucement, accompagné du clavecin qui
frappait des accords entre les strophes. Peu à peu, la verve du poêle
s'anima, et à mesure qu'elle s'échauffait, le son du clavecin se ren-
forçait aussi. Sur la fin, improvisateur et clavecin rivalisèrent de ra-
pidité et d'enthousiasme. Au sortir de là, Perfetti paraissait fatigué.
Le claveciniste était exténué. » Je le crois bien : mais on le serait à
moins !
Quelques jours après cette pittoresque séance, de Brosses entrait
à Naples, « la capitale du monde musicien, d'oii sont sortis la plu-
part des fameux compositeurs, Scarlatti, Léo, Vinci, les Zinaldo, La-
tilla et le charmant Pergolèse. » Toutes ses soirées se passent au
théâtre. Pour ne rien perdre des opéras bouffes de Léo, il apprend
le napolitain, « le baragouin le plus détestable dont on se soit avisé
depuis la fondation de la tour de Babel. » Quand les représentations
de celte Frascatana lui laissent quelque répit, il va entendre au théâ-
tre du palais, Parthempe, un opéra .de Sarli. Le roi, vêtu d'un vieux
habit de droguet brun à boulons jaunes, arrive un soir au lever du
rideau. 11 cause pendant la uioitié de l'opéra, et dort pendant l'autre;
et de Brosses, qui sait son Molière, de s'écrier :
Cet homme, assurément-, n'aime pas la musique /
A IVaples, à cette époque, un opéra sans bataille ne plaisait guère.
« Dans Parthenope, il y avait une action de cavalerie effective. Les
deux mestres de camp, avant que d'en venir au mains, chantèrent
à cheval un duo contradictoire d'un chromatique parfait. Les che-
vaux, seuls, n'avaient pas l'air de le goûter et de se plaire sur les
planches. »
Em. Mathieu DE MONTER.
{La fin prochainement. )
HÉROLD
( Iiouîs-Josepli-I'erdinand).
(2= et dernier article) (1).
Près de dix-huit mois se passèrent avant qu'Hérold obtînt un
poëme d'opéra après la Clochette, et ce temps fut employé par lui à
écrire des fantaisies de piano et d'autres pièces, genre dans lequel il
a produit de jolies choses qui n'ont pas obtenu le succès qu'elles mé-
ritaient. Son goût le reportait toujours vers le théâtre, et quelquefois
il s'irritait contre l'injustice qui lui en rendait les abords si difficiles.
Fatigué d'attendre le bon ouvrage après lequel il soupirait, il finit
par consentir à écrire la musique du Premier Venu, comédie en trois
actes, spirituelle, mais froide, et la pièce la moins propre à être
mise en opéra. Cet ouvrage n'avait point d'ailleurs le mérite de la
(1) Voir le n" 28.
nouveauté ; depuis longtemps il était au répertoire du théâtre Louvois
en comédie, d'où Vial l'avait retiré pour le transporter à l'Opéra-
Comique. Bien n'était moins favorable au développement des facultés
chaleureuses d'Hérold que cette pièce : aussi ne put-il parvenir à la
réchauffer, et peut-être lui-même fut-il pris de froid en l'écrivant;
mais, comme il faut toujours que l'homme de talent se manifeste,
même dans l'ouvrage le plus médiocre, il y avait dans la partition du
Premier Venu un trio excellent de trois hommes qui feignent de dor-
mir. Cet opéra fut représenté vers la fin de l'année 1818.
Le désir de produire tourmentait Hérold, mais l'aliment lui man-
quait toujours ; les auteurs semblaient n'avoir pas de confiance en
son talent et ne lui confiaient pas de poëmes. Ce fut cet abandon oij
on le laissait qui le décida à reprendre l'ancien opéra-comique des
Troquews (1), et à lui adapter une musique nouvelle. Cette pièce fut
jouée en 1819 : le talent des acteurs lui procura quelques représen-
tations, mais le genre de l'ouvrage ne convenait plus au goût de
cette époque ; il ne put se soutenir au théâtre. Une sorte de fatalité
semblait poursuivre celui dont les débuts avaient annoncé une car-
rière plus brillante. Un opéra en un acte, dont le titre était l'Amour
platonique, lui avait été confié; la musique en fut composée avec ra-
pidité, mise à l'étude, et bientôt arriva la répétition générale (en
1819), où l'on remarqua des choses charmantes; mais la pièce était
d'une faiblesse extrême, et les auteurs la retirèrent avant qu'elle fût
jouée. Hérold ne se laissait point encore abattre par la mauvaise for-
tune, et le besoin d'écrire le tourmentait toujours. Planard lui donna,
en 1820, ime jolie comédie intitulée : l'Auteur mort et vivant. Mal-
heureusement cette pièce était d'un genre peu favorable à la musique;
le compositeur ne put y développer son talent, et le succès assez
froid des représentations n'ajouta rien à sa renommée. 11 paraît que
cette sorte d'échec acheva de jeter le découragement dans l'âme
d'Héiold, car, pendant les trois années suivantes, il se condamna
au silence et sembla avoir renoncé au théâtre.
Dans cet intervalle, la place de pianiste-accompagnateur de l'Opéra-
Ilalien devint vacante ; Hérold la demanda et l'obtint. Dès lors les
devoirs de cette place s'emparèrent de la plus grande partie de son
temps ; le reste fut employé à écrire un assez grand nombre de mor-
ceaux de piano. Cet artiste, dans la fleur de l'âge et du talent, se voyait
en quelque sorte repoussé de la scène pour laquelle il était né. Il y a
de ces phases de mauvaise fortune dans la vie de presque tous les
hommes de mérite.
Le repos de trois années auquel Hérold s'était condamné lui avait
rendu cette ardeur de production qui est ordinairement le présage
des succès. En 1821, il avait été envoyé en Italie par l'administra-
tion du théâtre Italien pour y recruter des chanteurs ; ce voyage fut
favorable au retour de sa faveur d'artiste comme à sa santé. Son
premier ouvrage, après ce long silence, fut le Muletier, représenté
en 1823, à l'Opéra - Comique , avec un succès qui ne s'établit point
sans contestation, mais qui finit par se consolider, et qui fut dû seu-
lement au mérite de la musique. Celte musique est colorée, dramati-
que, et remplie de traits heureux et d'effets nouveaux. Lasthérde,
composition d'un genre gracieux, qui n'avait d'autre défaut que d'a-
voir pour base un sujet grec, à l'époque où ce genre ne jouissait
d'aucune faveur, Lasthénie fut jouée à l'Opéra dans le cours de la
même année. Cet ouvrage ne fit point une vive sensation sur le pu-
blic; mais les connaisseurs rendirent justice au talent du musicien, et
la pièce obtint un certain nombre de représentations. Les succès de
l'armée française dans la guerre d'Espagne de 1823 donnèrent lieu à
la composition d'un opéra {Vendôme en Espagne) auquel Hérold prit
part conjointement avec M. Auber. Les morceaux improvisés qu'il
(1) Les Troqueurs, opOra- comique eu un acte, avaient été mis en musique par
Dauvergne. Ce fut le premier ouvrage de ce genre qu'on écrivit en France.
DE PARIS.
269
écrivit pour cette partition renfermaient de jolies choses qu'il a em-
ployées depuis avec succès dans d'autres ouvrages.
En 1824, Hérold fut encore chargé par l'administration de l'Opéra-
Comique de la composition d'un opéra de circonstance qui a sur-
vécu au moment qui l'avait fait naître ; cet ouvrage est intitulé le
Roi René. L'année suivante il écrivit pour le même théâtre un acte
qui avait pour titre le Lapin blanc. Rien ne fut jamais moins musical
que celte bluette; aussi le musicien fut-il mal inspiré : paroles et
musique, tout était également faible dans cet ouvrage.
C'est ici le lieu de faire remarquer le changement qui s'était opéré
dans la manière d'Hérold pendant les trois années oii il s'était abs-
tenu de travailler pour le théâtre. Témoin des brillants succès des
œuvres de Rossini, dont il accompagnait la musique au théâtre Ita-
lien, il se persuada qu'il n'existait plus qu'un moyen d'obtenir les
applaudissements du public, et que ce moyen consistait dans l'imita-
tion plus ou moins exacte des formes de la musique à la mode. Beau-
coup d'autres partageaient son erreur, mais ils n'avaient pas son ta-
lent ; po\ir lui, cette erreur fut déplorable , car elle le détourna
pendant quelque temps de la route qui seule lui convenait.
Marie, opéra en trois actes, représenté à rOpéra-Comique,lel2 août
1826, marqua le retour d'Hérold vers le genre qui lui appartenait; ce
fut à la fois et son plus bel ouvrage jusqu'à ce moment, et son plus
beau succès. Sa sensibilité s'était livrée dans cette production à plus
d'expansion qu'elle n'avait fait jusque-la ; de là vient que tous les
morceaux obtinrent dans le monde une vogue que n'avait point eue
auparavant la musique d'Hérold. Le moment était favorable, et peut-
être l'arliste aurait-il pris dès lors le rang dont il était digne, si son
entrée à l'Opéra comme chef du chant lui avait laissé le temps de
profiter de la justice tardive qui venait de lui être rendue. Depuis
deux ans il avait quitté la place d'accompagnateur au théâtre Italien
pour celle de chef des chœurs. En 1827, il renonça à celle-ci pour
la position dont il vient d'être parlé. Dès lors, fatigué de mille de-
voirs incompatibles avec la liberté nécessaire aux travaux de l'imagi-
nalion, il se vit hors d'élat de profiter des circonstances favorables
qui s'offraient à lui pour mettre le sceau à sa réputation, et ses loi-
sirs ne furent plus employés qu'à écrire la musique de quelques bal-
lets. C'est ainsi qu'il donna à l'Opéra Astolphe et Joconde, ballet en
trois actes, en 1827; la Somnambule, ballet en trois actes, dans la
même année ; Lijdie, ballet en un acte, en 1828 ; la Belle au bois
dormant, ballet en trois actes, dans la même année. C'est aussi vers
la même année qu'il écrivit l'ouverture, les chœurs et quelques autres
morceaux pour le drame de Missolonghi, représenté à l'Odéon. Le
3 novembre de la même année, il reçut la décoration de la Légion
d'honneur, distinction qui lui était due à juste titre.
Trois années s'étaient écoulées depuis que Hérold avait donné Marie
à rOpéra-Comique, lorsqu'il écrivit, en 1829, un acte rempli de
choses charmantes sous le titre de l'Illusion. La musique de cet ou-
vrage était mélancolique et passionnée ; Hérold y transporta l'ouver-
ture qu'il avait écrite autrefois pour l'Amour platonique.
Emmeline, opéra en trois actes, représenté en 1830, ne réussit pas;
mais, l'année suivante, Hérold prit une éclatante revanche par
Zampa, en trois actes (joué ie 3 mai 1831), production digne d'un
grand maître, et qui plaça enfin l'artiste au rang des compositeurs
français les plus renommés. Abondance de motifs heureux, passions
bien exprimées, force dramatique, génie de l'instrumentation et de
l'harmonie, tout se trouve dans cet ouvrage, dont le succès n'a pas
été moins brillant en Allemagne qu'en France. Peu de temps après,
Hérold prit part avec plusieurs autres musiciens, à la composition de
la Marquise de BrinvUUers , opéra en trois actes.
Soit à cause de ses travaux de l'Opéra, soit par suite de la fatigue
occasionnée par ses derniers ouvrages, Hérold commençait à ressentir
quelque altération dans sa santé. Jeune encore, il aurait pu arrêter les
progrès du mal par le repos et le changement de climat ; mais rien
ne put le décider à s'éloigner du théâtre de ses succès récents, et à
cesser de travailler. Malgré les représentations de ses amis, il conti-
nua le genre de vie qu'il avait adopté, et ce ne fut que lorsque la
maladie eut abattu ses forces, que la crainte commença à s'emparer
de lui. La nouvelle administration de l'Opéra-Comique éprouvait le
besoin d'avoir des opéras nouveaux qui fussent appris en peu de
temps; Hérold avait en portefeuille la partition du Pré aux Clercs;
mais elle exigeait des études et des préparatifs trop longs pour la
situation du théâtre; Hérold le comprit et improvisa le petit opéra
de la Médecine sans médecin, bagatelle où l'on retrouve la touche
d'un maître. Cette dernière production de l'artiste précéda de peu de
temps la représentation du Pré aux Clercs (qui eut lieu le 15 dé-
cembre 1832), ouvrage d'un genre plus doux que Zampa, mais non
moins heureusement conçu, non moins original. Ce fut le chant du
cygrfe. La maladie de poitrine qui dévorait l'existence d'Hérold faisai*
chaque jour d'effrayants progrès. Les agitations de la mise en scène
et du succès en hâtèrent le développement : un mois après le dernier
triomphe de l'artiste, elle le précipita dans la tombe, laissant dans
une douleur profonde tous ceux qui avaient pu apprécier en lui les
qualités de l'homme de bien, et dans le regret d'une vie si courte
ceux qui ne connaissaient que son génie. Il mourut le 19 janvier 1833,
aux Thèmes, près de Paris, et fut inhumé au cimetière du Père-La-
chaise, non loin du tombeau de son maître Méhul. 11 avait laissé
inachevée la partition d'un opéra en deux actes, intitulé Ludovic;
Halévy termina cet ouvrage, qui fut joué avec succès en 183ii.
La liste des compositions d'Hérold pour le piano est considérable;
on y remarque : 1" Sonates pour piano seul, op. 1, 3, 5, Paris, Janet,
Schonenberger, Lemoine. — 2° Caprices avec quatuor, œuvres 8,
9; Paris, Érard. — 3° Kondo à k mains, op. 17; ibid. — h" Caprices
pour piano, œuvres h, 6, 7, 12, 58; Paris, Lemoine, Érard, etc. —
5° Rondeaux et divertissements, op. 10, 14, 16, 18, 20, 22, 27, 31,
34, 37, 40, 41, 44, 47, 53, 55; Paris, Janet, Lemoine, Érard, etc.
— 6° Fantaisies, op. 2, 15, 21, 28, 33, 43, 49; ibid.— T Varia-
tions, op. 19, 30, 35; ibid. — 8° Pots-pourris, etc.
FÉTIS père.
NOUVELLES.
a,*^ Le théâtre de l'Opéra a donné lundi la Favorite, suivie du pre-
mier acte de Giselte ; mercredi, la Juive, et vendredi, de nouveau la
Favorite, avec Diavolina. M. et Mme Gueymard sont rentrés après leur
congé dans ces deux pièces, et ils y ont reçu le plus chaleureux ac-
cueil. — Faure reparaissait également après sa saison à Londres, dans
le rôle d'Alphonse, et il y a retrouvé son succès accoutumé. — Mlle Mou-
ravieiT n'a plus que quelques représentations à donner; elle doit se
trouver à Saint-Pétersbourg pour la réouverture du théâtre Impérial.
*** Les, spectacles gratis du 15 août au théâtre de l'Opéra et de l'O-
péra-Comique n'avaient pas laissé une place disponible dans ces deux
théâtres assiégés dès le matin ; la Muette de Poriici a provoqué, à cha-
cune des belles scènes qu'elle contient, d'enthousiastes applaudisse-
ments, et Mlle Vernon, attendue à la sortie du théâtre par une partie
du public, a été l'objet d'une flatteuse ovation. — La cantate de iVlM. Ed.
Fournier et Gastinel, Mexico, chantée vaillamment par Mlle Sax , Du-
laurens et Bonnesseur, et Mlles de Taisy et Gocifrend, a produit un grand
et légitime efTet; Mlle Sax a été rappelée au milieu de frénétiques bra-
vos. — Le PosUllon de Longjumeau n'a pas été moins bien accueilli à
l'Opéra-Comique, et on a beaucoup applaudi la cantate de MM. Bous-
catel et Lefébure-Wélj', Après la victoire.
^"^ La première représentation des Amours du Diable est de nouveau
annoncée irrévocablement pour demain lundi ; la répétition générale
a eu lieu vendredi. — Montaubry a pris son congé. — En attendant
la rentrée d'Achard, la direction do l'Opéra a gracieusement per-
mis à Warot de chanter deux fois le rôle de Georges Erown de ta
Dame htanclie, et cola à la grande satisfaction du public, qui a témoigné
par ses applaudissements au consciencieux ténor combien il appréciait
son excellente méthode et le charme de sa voix. — Jeudi, Achard a
reparu dans llaydce et y a reçu un chaleureux accueil.
*** Plusieurs journaux ont annoncé que Mlle Luoca devait venir à
270
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Paris, et donner deux représentations au théâtre de l'Opéra; nous
sommes autorisés à affirmer que cette nouvelle est complètement dé-
nuée de fondement.
f,*t Mlle Tietjens est à Paris depuis mardi. Elle assistait ce jour-là
même à la représentation de la Dame blanche, à rOpéra-Comique, et,
mercredi, à la rentrée de Gueymard dans la Juive, à l'Opéra. Ses débuts
auront lieu le 26, le 28, le 31 août, et le 4 septembre dans le rôle de
Valentine, des Huguenots. Faure chantera pour la première fois dans ces
représentations le rôle de Nevers.
t*:f AU nombre des cantates exécutées le 15 août sur les théâtres de
Paris, nous devons mentionner celle qu'a écrite M. Hostein, directeur
du théâtre impérial du Châtelet, et dont M. de Groot, chef d'orchestre,
a composé la musique. Chanlée par les Enfants de Lutèce, elle a été
applaudie avec acclamations et bissée.
»*» M. Emile Perrin, directeur de l'Opéra, a bien voulu se joindre
aux artistes éminents qui forment le comité de ras.sociation pour le
monument à ériger dans la ville de Dijon, à la mémoire de Rameau.
*** M. Mapleson, directeur de Her Majesly^s Tlieatre, est en ce mo-
ment à Paris.
*** Adelina Patti a été appelée d'Ostende à Francfort pour y chanter
dans la représentation de gala qui devait être donnée au théâtre de la
ville devant l'empereur d'Autriche et tous les princes allemands réunis.
Le sénat de la ville de Francfort, aux frais duquel cette représentation
avait lieu avant-hier, n'avait admis dans la salle, qui offrait un aspect
féerique, aucune personne non invitée par lui. Il Barbiere di Seviglia
avait été choisi pour la solennité. Adelina Patti s'y est montrée admira-
ble, et bien que, suivant l'étiquette, tout signe d'approbation fût in-
terdit, la salle entière n'a cessé d'applaudir Mlle Patti de la manière la
plus bruyante. L'empereur d'Autriche lui-même était le premier à donner
le signal des bravos, et c'est sur la demande de Sa Majesté Impériale
que la valse de la Gioja insolita de Strakosch, intercalée par Mlle Patti
dans la leçon de chant, a dû être répétée. Quel que fût le prix exorbi-
tant offert pour les billets d'entrée, le public a été rigoureusement ex-
clu de la salle ; on cite, en cette occurrence, un Anglais qui, ayant vu
refuser l'offre de 100 livres sterling qu'il faisait pour une stalle, a
corrompu à prix d'or un choriste pour le remplacer sur la scène. C'est
grâce à l'intervention officieuse de Mlle Patti que le choriste infidèle
n'a pas été renvoyé. — 10,000 francs ont été comptés à la jeune et
célèbre artiste pour cette représentation. — A la demande géné-
rale Mlle Patti devait chanter une seconde fois le lendemain pour le
public.
^,*^ La fête organisée au Pré-Catelan dimanche dernier par le baron
Taylor et Alf. Musard, au bénéfice de l'Association des artistes musi-
ciens, a tenu tout ce qu'elle promettait, et elle a été magnifique. Plus
de dix mille spectateurs ont applaudi les brillantes fanfares des chas-
seurs à pied, les excellentes musiques de la ligne, de l'artillerie et des
dragons, puis l'admirable orchestre de Musard. Sa cantate, VAigle de
France , paroles de M. T. de Saint-Félix, très-énergiquement chantée,
avec accompagnement de grand orchestre, par Viard, jeune artiste de
talent, a provoqué d'immenses applaudissements.
*** Le grand concours orphéonique de Rouen est définitivement fixé
au dimanche 6 septembre. La fête devait durer trois jours, deux con-
certs devant suivre le concours ; mais en présence des difficultés qui
se présentaient pour retenir à Roueu, trois jours de suite, les meil-
leures Sociétés., il a été arrêté qu'il y aurait, lundi soir, un seul concert,
sur lequel seraient reportés les plus puissants moyens d'attraction.
^*^, Mme Corinne de Luigi et M. Favilli ont donné le 12 août, à Aix-
la-Chapelle, le grand concert pour lequel ils étaient attendus. Une nom-
breuse et élégante société y assistait, et les deux artistes ont obtenu un
brillant succès.
^*^, La musique de chambre n'est pas moins goûtée en province qu'à
Paris : au concert donné le 18 au Casino des bains de mer du Mail à la
Rochelle, MM. Rideau, Masseau, Meneau, Battanchon et Rigondeau ont
exécuté un quintette d'Onslow pour deux violons, alto, violoncelle et
contre-basse, qui a fait le plus grand plaisir et qui a valu aux exécutants
de chaleureux applaudissements.
»*„, MM. G. Alary et Jules Lefort ont donné jeudi dernier un très-in-
téressant concert à Enghien, avec le concours de Mme Trebelli-Bettini,
MM. Al. Bettini et Sighicelli. Un élégant auditoire remplissait les salons
de rétablissement des bains, et a proaigué des applauaissements cha-
leureux et bien mérités d'ailleurs aux excellents artistes qui lui fai-
saient entendre les morceaux les mieux choisis de leur répertoire;
plusieurs leur ont été redemandés. Un air de Nicolo dei Lapi de Sohira,
et le brindisi de Lucrezia Borgia, délicieusement chantés par Mme Tré-
belli, la sérénade de Gouuod, une mélodie nouvelle et bien inspirée
d'Alary, la tarentelle de Rossini, et la romance de Maria, fort bien dites
par J. Lefort et par Bettini, ainsi qu'une tarentelle fort originale, et
supérieurement exécutée par oighicelli sur le violon, ont surtout obtenu
un véritable succès.
.^*i^ VEté, journal d'Ems, annonce que la troupe des Bouflfes-Parisiens
a clos ses représentations par une dernière représentation des deux
ouvrages nouveaux d'Olïenbach, Il signor Fagotlo et Licschcn et Fritschen.
€ Bravos, rappels, bouquets, rien n'a manqué, dit VElè, à celte soirée
d'adieux, qui a été pour le compositeur et pour les artistes une soirée
de triomphe mérité. »
t*. Par décrets en date du 14 août, ont été promus ou nommés dans
l'ordre de la Légion d'honneur, sur la proposition de S. Exe. le ministre
de la maison de l'Empereur et des Beaux-Arts : — Au grade de grand-
officier : M. le comte de Nieuwerkerke, surintendant des Beaux-Arts,
membre de l'Institut. — Au grade d'officier : MM. Octave Feuillet,
membre de l'Académie française; de Courmont, directeur de l'admi-
nistration des Beaux-Arts. — Au grade de chevalier : M.W. Lépreux,
architecte; Auguste Morel, directeur du Conservatoire impérial de
musique de Marseille; Morin, directeur de l'école de' peinture et de
dessin de la ville de Rouen ; Pasdeloup, fondateur des concerts popu-
laires; Reignier, professeur à l'Ecole impériale des beaux-arts de la
ville de Lyon ; Salles, secrétaire du conseil des bâtiments civils ; Victo-
rien Sardou, auteur dramatique; Thomas Sauvage, auteur dramatique;
Sauzay, professeur au Conservatoire ; Scudo, critique musical et com-
positeur de musique ; Thierry, peintre décorateur.
,*„, S. M. le roi Victor-Emmanuel vient de conférer au célèbre vio-
loniste D. Alard, l'ordre des Saints Maurice et Lazare.
»*» M. Kœkert, qui chantait avec succès au théâtre de Strasbourg,
vient d'être engagé par la direction des théâtres impériaux pour l'O-
péra allemand de Saint-Pétersbourg, qui fait, dans cet artiste, une ex-
cellente acquisition.
^*^ En même temps que le fils du célèbre violoniste Vieuxtemps se
distinguait au concours général de nos collèges, la fille de M. Adrien
Boïeldieu, par conséquent la petite-fille de l'auteur de la Dame blanche,
obtenait à la distribution des prix de la maison impériale de Saint-Denis,
sept prix et la médaille d'honneur qu'elle a reçus des mains mêmes de
S. M. l'Impératrice. — Un chœur pour voix de jeunes filles de M. E.
Barateau, la Messagère du printemps, dont M. A. Boïeldieu avait composé
la musique, avait précédé la distribution et valu à l'auteur les félicita-
tions de l'assemblée.
^,*^ La distribution des prix du Conservatoire impérial de musique de
Lille, présidée par M. Vallon, préfet du Nord, entouré des premières
autorités civiles et militaires, s'est faite comme les années précédentes.
Les chœurs et les soli ont été rendus d'une manière remarquable et fort
applaudis par un auditoire nombreux et choisi. M. le préfet, avant la
remise des couronnes, a, par quelques paroles bien senties, fait ressortir
l'importance progressive de cette école, parfaitement dirigée par M. V.
Magnien, qui, secondé par des professeurs d'un mérite reconnu, place
cet établissement très-haut dans l'opinion des connaisseurs.
:j,*^: Le festival de chant de Moravie et de Silésie (autrichienne) a été
célébré le 15 août à Schœnberg, jolie ville manufacturière, en Moravie;
quarante-six sociétés de chant y ont pris part. La fête a commencé par
la messe dite à un autel improvisé sur l'estrade des chanteurs, lequel se
trouvait dans Une plaine située aux portes de la ville. Les choeurs réunis
ont chanté une messe de Storch, sous la direction de l'auteur. Pendant
la cérémonie a été bénite la bannière de la Société vocale de Schœn-
berg. Treize sociétés ont pris part au concours de chant ; les trois prix
ont été remportés par celles de Briinn, d'Ollmiitz et de Hohen-Elbe
(Bohême).
»*,j Le nombre des sociétés de chant augmente de jour en jour dans
les provinces allemandes de la Russie ; elles commencent même à prendre
faveur parmi les populations russes. A Riga, les Russes ont fondé la So-
ciété Bayge, où l'on ne chante que des Lieder nationaux. C'est la pre-
mière association vocale qui ait été établie en Russie.
^*^ On lit dans l'Indépendance belge : « M. Panofka, le célèbre profes-
seur de chant de Paris, se trouve en ce moment à Bruxelles. Ses excel-
lents ouvrages didactiques, qui ont été adoptés non-seulement en France
et en Belgique, mais encore en Italie et en Espagne, même en Amé-
rique, sont considérés comme les meilleures méthodes de chant. En de-
hors d'une publication en espagnol de son Abécédaire vocal, qui a déjà
paru en français, en anglais, en allemand et en italien, l'éminent pro-
fesseur publiera prochainement douze vocalises d'artistes, qui termine-
ront dignement son œuvre vocale. »
,(*„, Le deuxième volume des lettres de Félix Alendelssohn vient de
paraître; il contient des lettres des années 1 833-1 8Z|7, qui vont jusqu'à
sa mort. Le maître de chapelle Julius Rietz a joint à ce deuxième vo-
lume un catalogue, par ordre de dates, de toutes les compositions de
Mendeissohn, tant de celles qui ont été publiées, que des nombreux ou-
vrages qu'il a laissés en manuscrit.
„,% 11 vient de paraître chez l'éditeur Saint-Hilaire deux morceaux
pour violon par M. Delavault. C'est le début d'un jeune artiste qui an-
nonce de l'avenir.
,j*,j Kous avons sous les yeux un recueil d'airs nationaux espagnols,
arrangés pour chant et piano par Santesteban, fils de l'éditeur de ce nom
à Saint-Sébastien. Nous le recommandons à l'attention des amateurs.
Plusieurs de ces chansons sont d'une grande originalité, et l'arrangement
de M. Santesteban leur donne encore plus de couleur. Ce recueil ob-
tient beaucoup de succès en Espagne, et il en sera certainement de
même en France lorsqu'il y sera connu.
DE PARIS.
271
i*« Si l'hiver a les concerts populaires de Pasdeloup , l'été a ceux de
M. Besselièvre aux Champs-Elysées. Ce n'est pas seulement à la par-
faite composition de la société qui s'y donne rendez-vous, au voisi-
nage des beaux arbres qui l'entourent, que cette heureuse institution a
dû son succès, c'est aussi à son orchestre fourni de premiers sujets et
dirigé par Arban. Nous ne saurions trop louer le choix et le goût qui
président au programme quotidien, et grâce auxquels la grande musique
est si habilement variée de musique légère.
^*j Salle Robin. — Le public, appréciateur juste et désintéressé,
place en première ligne les merveilleuses apparitions de spectres de
M. Robin; du r.ste, il serait difficile, si ce n'est même impossible,
d'exécuter ce genre d'illusions aussi bien que lui. Le succès de ces
apparitions, joint aux intéressantes expériences de physique amusante
et scientifiques qui composent les soirées de M. Robin, laisse le public
dans un enchantement réel ; aussi n'est - il pas étonnant de voir sa
jolie salle remplie tous les soirs.
*% Hier samedi, les obsèques de F. MasinI, compositeur de romances qui
ont eu beaucoup de réputation, ont eu lieu à la maison municipale de
santé du faubourg Saint-Denis, où Son Exe. le maréchal Vaillant avait fait
admettre l'infortuné compositeur. Ledeuil était conduit par M. A.EIwart,
auquel plusieurs amis de F. Masini s'étaient réunis. F. Masini était à
peine âgé de soixante ans ; il a succombé aux suites d'une affection de
poitrine.
,% Le pianiste Julius von Kolb, professeur aa Conservatoire de Munich,
vient de mourir à Feldaflng, sur le lac de Starnberg. M. Kolb, qui était
dans toute la force de l'âge, a succombé à une attaque de typhus.
^*t M. Pierre-Joseph Mailly, maître de chapelle à l'église de Saint-
Jean-Baptiste-au- Béguinage, vient de mourir à Bruxelles. Tous les ar-
tistes de la capitale de la Belgique, le vénérable M. Fétis en tête, as-
sistaient à ses obsèques, où l'on a exécuté un Pie Jesti de la composition
de M. Henry, ex-maître de chapelle de Sainte-Gudule, œuvre d'un style
non moins grandiose que religieux.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
^*^ Cannes. — Nous avons annoncé la prochaine ouverture du casino
musical dont M. Cresp-Sicard vient de doter la ville de Cannes. La soirée
d'inauguration a été des plus brillantes; les autorités de l'arrondisse-
ment de Grasse et de Cannes y assistaient, et ont félicité M. Cresp-
Sicard sur le bon goût qui a présidé à la décoration de l'établissement,
au choix de ses artistes, à l'ensemble et au talent déployés par les
musiciens de l'orchestre, sous la direction de leur chef M. Tavernier-
Devigo.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
.j% Bade. — H. Berlioz vient de nous quitter, après avoir assisté à la
reprise de son opéra Béatrice et Bcnedict, dont il a dirigé lui-même l'exé-
cution. On se rappelle l'effet que produisit cet ouvrage la saison dernière,
et surtout le délicieux duo de femmes qui termine le premier acte.
Quoique quelques-uns des excellents interprètes qui créèrent Béatrice et
Benedict aient fait cette fois défaut au compositeur, le succès n'a pas été
moindre que l'année passée, et les mêmes applaudissements enthousiastes
ont accueilli chacun des morceaux capitaux de la partition. Berlioz est
un maître par excellence ; chaque mesure de sa musique est pleine d'o-
riginalité ; chaque trait y est dessiné d'une main sûre, et si parfois cette
originalité pouvait paraître étrange à l'auditeur, c'est qu'il ne se serait
pas suffisamment familiarisé avec le style et le sentiment du maître, car
sa musique a le don de charmer aussitôt qu'on la connaît et qu'on la
comprend. On ne peut pas imiter Berlioz, qui n'emploie jamais deux fois
les mêmes moyens, qui ne procède d'aucun autre, qui se montre toujours
nouveau, surprenant, en un mot, qui est lui. Maître accompli dans l'art
de l'instrumentation, son orchestre est d'une richesse et d'une variété de
couleurs qui enchantent les connaisseurs. Dans Béatrice et Benedict, Ber-
lioz a montré un côté nouveau de son talent; il y a fait preuve d'un
humour qu'on pourrait appeler» shakspearien b. En même temps son
orchestration y est d'une simplicité qui le justifie victorieusement du
reproche qu'on lui a fait quelquefois de ne savoir écrire que pour les
grandes masses et pour des orchestres formidables. — Mme Charton-
Demeur a chanté avec sa supériorité ordinaire; elle a été rappelée par
de bruyantes acclamations après son grand air : Jl m'en souvient. Jourdan
remplaçait Montaubry, Mlle ilenrion Mlle Monrose, et Mlle Faivre
Mme Geoffroy. Après le duo des deux femmes, on a également rappelé
Mlles Henrion et Faivre. Inutile d'ajouter que l'orchestre a été admira-
blement dirigé. — L'opéra de Berlioz avait été précédé de.Maîlre Wulfram,
d'Ernest Ueyer, représenté pour la première fois à Bade, et qui a obtenu
un succès franc et de bon aloi.
^*^ Berlin. — Mlle Lucca vient de faire sa rentrée par le rôle de
Léonora, dans le Trovatore. L'éminente cantatrice, qui a obtenu récem-
ment un si brillant succès à Londres, a reçu l'accueil le plus chaleu-
reux et a été fréquemment applaudie pendant le cours de la représen-
tation.
^*^ Vienne. — Wachtel vient d'aborder le rôle si dramatique et si
difficile de Raoul, des Huguenots ; il a obtenu un véritable triomphe.
C'est surtout dans le duo avec Marguerite, et plus tard dans celui avec
Valentine, que par la beauté de sa voix et par la puissance passionnée de
son jeu, il a excité l'enthousiasme de toute la salle. Mlle Liebhart s'est
fait applaudir dans le rôle de Marguerite. Quelques jours auparavant
l'éminente cantatrice avait interprété avec succès le rôle de Martha et
partagé les honneurs de cette brillante soirée avec Wachtel (Lionel). —
Mlle Opfermann, nièce de Fanny Elssler, débutera incessamment dans
Satanella, ballet de M. Taglioni. — Nous connaissons la composition de
la troupe italienne qui défraiera cette saison le théâtre de la cour :
prime donne, Mmes Artot, Barbot et Lotti delta Santa; Mongini et Gra-
zîani, ténors; Graziani, baryton, frère du ténor; Zucchini, bouffe, et
Angelini, basse-taille.
,k*,t Philadelphie. — On annonce comme prochaine au théâtre de l'Aca-
démie de musique les représentations, durant une quinzaine, de la belle
troupe d'opéra de Maretzek, qui vient de faire sensation à la Havane et
à New-York ; Mme Medori et le jeune et splendide ténor Mazzoleni en
font partie. On jouera entre autres l'opéra de Petrella, Jane ou les Der-
niers jours de Pompe'i. Quant aux engagements pour la saison prochaine,
M. Grau est parti pour le continent, à la recherche des artistes qui de-
vront compléter son personnel.
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30 Août 1863.
PRIX DG L'ABONNEMENT :
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. ... 34 » id.
te Journal paraît le Diiiiaoche.
GAZETTE MUSICALE
mm WM,MiM.
-~^a; vrvAAAATiAA/^^'
SOMMAIRE. — Théâtre impérial de l'Opéra: début de Mlle Thérèse Tietjens
dans te Huguenots, par Paul Smith. — Théâtre impérial de l'Opéra-
Comique: te Amours du Diable, opéra en quatre actes, paroles de M. de
Saint-Georgps, musique de M. Albert Grisar, par liéon Unrocher. — Effets
des circonstances sur la situation actueUe de la musique, au point de vue de
la composition ; ce qu'il faudrait faire pour améliorer cette situation (2" article),
par Fétis père. — Revue des tliéâtres, par D. A. D. Saint-YTes. —
Nouvelles et annonces.
THEATRE mPERIÂL DE L'OPERA.
Débat de lllle Tliércise Vietjens dans tea Xtttguenola .
Voici encore une de ces cantatrices dont la renommée et la fortune
sont faites en Europe, et qui viennent soumettre leurs titres au juge-
ment du public parisien. Faut-il rappeler en peu de mots le glorieux
passé de Mlle Thérèse Tietjens? Née à Hambourg le 17 juillet 1833,
elle manifesta dès ses premiers ans de rares dispositions musicales,
et c'est pendant qu'elle étudiait le piano que se révéla sa précoce
vocation de cantatrice; avec l'ardeur dont l'avait douée la nature,
ses progrès furent si rapides qu'avant d'avoir atteint sa dix -septième
année, elle parut à Francfort sur-leMein dans Freischutz, Martha,
le Nozze di Figaro, etc. L'éclatant succès qu'elle obtint lui valut
une série d'engagements pour les principales scènes d'Allemagne.
Parvenue au théâtre impérial de Vienne, elle s'y maintint pendant
six années, et ne le quitta que pour celui de Sa Majesté à Londres,
lorsque M. Lumley l'y appela, comme l'héritière désignée des Jenny
Lind et des Piccolomini. Au mois d'avril 1858, Mlle Tietjens se pro-
duisit dans les Huguenots et chanta ce même rôle de Valentine,
qu'elle a choisi pour ses débuts chez nous. Le théâtre changea de di-
rection, mais Mlle Tietjens en demeura le plus solide appui; elle se
montra successivement dans tous les opéras dont se compose son
riche répertoire : Fidelio, Il Trovatore, Lucrezia Borgia, I Purilani,
Martha, Freischutz, Oberon, Faust, Don Giovanni, Robert le Diable,
le Prophète, Ernani,les Vêpres siciliennes , le Nozze di Figaro, Lucia
di Lammennoor, Un Ballo in Maschera, Don Pasquale, Nortna, Se-
miratnide.
Dans la musique sacrée, d'une importance si grande en Angle-
terre, dans les oratorios de Haendel, Haydn, Mendeissohn, que l'on
exécute périodiquement aux solennités de musique sacrée, Mlle Tiet-
jens s'est conquis une suprématie non moins élevée qu'au théâtre.
Pour la fameuse commémoration du centième anniversaire de Haen-
del, quatre à cinq mille voix avaient été réunies au Crystal Palace,
et l'organe sonore de la cantatrice, dominant les masses, pénétrant
jusqu'aux extrémités de la vaste enceinte, sortit victorieux d'une
lutte de trois journées.
Telles sont les conditions dans lesquelles l'artiste favorite de l'Al-
lemagne et de l'Angleterre s'est présentée à nous. Comme Jenny
Lind, elle n'a pas dit avec orgueil, en parodiant Hamtet : « France
not delighls me, nor ihe French too. » Tout au contraire, elle a
voulu savoir ce que penserait d'elle et de son talent un public qui
ne passe pas pour manquer d'intelligence, qui a fait bien des répu-
tations et en a défait aussi beaucoup d'autres. Elle est venue franche-
ment, loyalement réclamer nos suffrages et se livrer à nos critiques;
elle a d'avance annoncé qu'elle jouerait quatre fois de suite le rôle
de Valentine, des Huguenots. Quatre fois ! comprenez-vous bien?
Cela signifie que n'ignorant pas les périls de l'entreprise, ne se dissi-
mulant aucun de ses hasards, elle n'a pas consenti a être jugée dé-
finitivement le premier jour : allemande de naissance, anglaise
d'adoption, elle a demandé à ses juges français le temps de se
reconnaître, de s'acclimater, et quatre audiences ne lui ont pas
semblé de trop pour que sa cause fût e.xpliquée, entendue.
Eh ! bien, nous ferons comme Mlle Tietjeus l'a désiré : nous ne pro-
noncerons pas aujourd'hui sans appel ; nous n'entrerons pas dans de
minutieux détails d'examen et d'analyse, mais nous énoncerons som-
mairement notre opinion. Oui, Mlle Tietjens est une artiste d'élite,
qui n'a rien usurpé de ses brillants et nombreux succès. C'est une
des plus franches et vigoureuses organisations de cantatrice et d'ac-
trice que nous ayons rencontrées. Sa voix, un peu fatiguée dans le
médium, a dans les cordes hautes une ampleur et une force qui sa-
tisfont pleinement l'oreille. Elle chante facilement, largement, mais
peut-être a-t-ellele défaut de pluscomptersurl'inspirationque sur l'art,
sur la puissance que sur la méthode, et de manquer de ce fini, dont
nous ne saurions faire grâce à nos artistes. Comme actrice, elle n'a
aucun parallèle à redouter ; ses gestes sont excellents, ses poses ex-
pressives, et la souplesse de ses mouvements se prête aux nuances
les plus variées. Si l'on avait pu l'apprécier dans le grand duo du
troisième acte, sauf quelques accidents dont l'émolion est responsa-
ble, le quatrième acte devait lui être bien plus favorable encore. Elle
a supérieurement chanté la l'omance que trop souvent on s'est permis
de supprimer, et dans le duo avec Raoul, duo qui vaut tout un opéra,
elle s'est placée au niveau des meilleures interprètes de cet admi-
rable rôle de Valentine, colombe passionnée élevée dans un nid
d'aigle.
274
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
De l'exécution entière du chef-d'œuvre nous aimerions à parler
longuement, mais il faut bien obéir aux lois du temps et de l'espace.
Ce que nous dirons du moins, c'est que jamais la musique du grand
maître ne nous a causé plus d'émotion ; c'est que jamais nous n'avons
mieux senti jusqu'à quel point le génie musical peut s'imposer à une
page d'histoire, et se l'incorporer de telle façon que désormais toute
séparation devienne impossible. Nulle part ailleurs la Saint-Barthé-
lémy n'est plus vivante qu'à l'Opéra : les Huguenots ont surpassé
tous les tableaux et tous les livres.
Rendons aussi bonne justice aux artistes qui escortaient Mlle Tiet-
jens. Le premier, c'est Gueymard, qui n'a pas failli à sa mission dans
le rôle de Raoul. Il ne faut pas moins de courage que de voix pour
soutenir un tel rôle, et Gueymard s'est habilement servi de l'un pour
suppléer dans un ou deux moments aux défaillances de l'autre. Faure
avait une lûche bien plus aisée : le rôle de ISevers n'est qu'un jeu
pour un artiste de sa valeur, il n'a que peu de phrases à dire, mais
il en dit quelques-unes avec tant de charme et de maestria, que des
bravos unanimes les ont fort justement saluées; Obin et Cazaux méritent
aussi plus qu'une mention dans les rôles de Marcel et de Saint-Bris;
Mlles Hamakers et de Taisy, chargées des rôles de la reine et du
page Urbain, se contenteront de la mention simple.
Félicitons chaleureusement l'orchestre et son nouveau chef,
Georges Hainl. C'est comme un réveil que nous avons à signaler
dans toute la région instrumentale. Chacun y marche lestement sous
le regard du musicien dont l'expérience égale le zèle. Le solo de ia
viole (l'amour a été joué comme si l'illustre compositeur eût été pré-
sent. La danse n'a pas voulu non plus rester en arrière : Mlles Beau-
grand et de Villiers se sont montrées des plus alertes. Maintenant
que le chef-d'oeuvre a repris ses allures naturelles, nous ne de-
mandons qu'une chose, c'est qu'on s'y tienne et qu'on se garde
de vouloir encore presser le pas.
Paul SMITH.
THEATRE IMPÉRIAL DE L'OPÉRA- COMIODE.
XiSS AMOVRiS DU DIABIiË,
Opéra en quatre actes, paroles de M. de Saint-Georges,
musique de M. Albebt Grisar.
(Première représentation le 24 août.)
C'est le 11 mars 1853 que cet ancien ballet, transformé en opéra-
comique , fut représenté pour la première fois au théâtre Lyrique du
boulevard du Temple. Il réussit : mais son succès ne fut pas, ce
semble, en proportion des frais qu'avait occasionnés sa mise en
scène. Nous souhaitons vivement que l'Opéra-Comique soit plus
heureux. Les auteurs, éclairés par l'expérience, et peut-être aussi
par la critique, l'ont retouché, l'ont abrégé. Ils l'ont allégé , notam-
ment, d'une grande scène fantasmagorique oîi Satan appelait à grands
cris démons et diablesses qui, à sa voix, sortaient de terre par des
trappes, et venaient se ranger autour de leur souverain. Cela res-
semblait un peu trop à l'évocation des nonnes, au troisième acte de
Robert le Diable. On regrette qu'ils n'aient pas fait de même pour
la dernière scène du premier tableau, où l'imprudent Frédéric, excité
par la courtisane Phcebé, comme Robert par Bertrarn, perd aux
trois dés son argent comptant, son château, ses terres, ses vassaux,
tout ce qu'il possède, puis s'emporte, et dit des injures aux gagnants.
11 est dangereux de refaire une scène déjà faite, et le librettiste
met ainsi son musicien dans la situation la plus incommode. Le mal-
heureux est obsédé sans cesse, malgré qu'il en ait, pai le souvenir
des motifs qu'a trouvés son devancier, des procédés qu'il a em-
ployés, des effets qu'il a obtenus; quand ce devancier s'appelle
Meyerbeer, l'embarras doit être grand, et le malaise intolérable. On
s'explique sans peine que l'imagination d'un musicien, quel que soit
d'ailleurs son mérite, soit opprimée par un aussi terrible cauchemar.
Les Amours du Diable ou le Diable amoureux, — ce premier titre
nous paraît bien meilleur que le second, — étant un ouvrage suffisam-
ment connu, nous ne croyons pas nécessaire de raconter aujourd'hui
la pièce, ni d'apprécier en détail chaque morceau de la partition;
il nous suffira de citer les plus saillants. C'est d'abord, au second
acte, le trio du chapeau, oià les alternatives de chant passionné et
de chant bouffe, selon que Frédéric porte son tricorne sur sa tête
ou le tient dans sa main, sont très-spirituellement conçues, où l'idée
du poëte est rendue avec beaucoup de bonheur. Ce contraste, d'a-
bord très-piquant, revient seulement, à notre avis, une fois de trop,
car son effet doit évidemment s'émousser un peu à. chaque reprise.
La romance de Frédéric, au premier acte : Batis un rêve délicieux.
est pleine de charme et de passion; elle a été bissée. Le même
personnage a déjà chanté un peu auparavant un très-joli couplet :
Quel repas charmant,
Lorsque tout m'accable !
Ah! vraiment le Diable
Est fort bon enfant 1
L'air de ce diable ou diablotin , ou plutôt de cette diablotine,
quand elle s'éprend de Frédéric, est mélodieux, expressif, et forte-
ment inspiré ; son retour produit beaucoup d'effet, au quatrième
acte, où il annonce la révolution opérée dans le cœur de la diablesse,
que l'amour élève jusqu'au dévouement et au sacrifice. En général,
la musique de M. Albert Grisar a beaucoup de naturel et beaucoup
de grâce ; mais les situations fortes ne ront pas son fait. On dirait
qu'il sent lui-même que dans certaines occasions, — et le livret du
Diable amoureux lui en offre beaucoup de cette espèce, — sa main
n'est pas assez vigoureuse. Il y supplée comme il peut avec les trom-
bones. . . Le cuivre jette du bruit dans la salle, mais il ne donne pas
d'énergie à la pensée.
L'exécution d'aujourd'hui nous a paru bien supérieure à celle d'il
y a dix ans. M. Talion, le Fi-édéric d'autrefois, criait très-fort ;
M. Capoul chante avec beaucoup de grâce, de charme, et une ex-
pression très-passionnée, quand il le faut. Mme Galli-Marié montre,
dans le rôle du Diable amoureux, une grande intelligence dramati-
que. Gaie, piquante, tendre, sardonique ou passionnée tour à tour
et selon l'occurrence, elle est à chaque scène, à chaque mot, ce qu'il
faut qu'elle soit. Elle chante comme elle joue, avec une grande va-
riété d'intentions, une justesse d'expression qui ne se dément ja-
mais, et la verve la plus remarquable. 11 est à souhaiter seulement
qu'elle perfectionne sa vocalisation, qu'elle rende sa voix plus égale,
son exécution plus légère, qu'elle adoucisse ses notes élevées, qu'elle
ajoute à toutes ses qualités de cantatrice une qualité de plus qui
doublera le prix de toutes les autres : la grâce.
M. Troy n'a qu'un air à dire dans son rôle de Beizébuih : il le
hurle comme un diable qui a la rage. Peut être a-t-il raison. Peut-
être chante-t-on ainsi en enfer. Nous aimons encore mieux le croire
que d'y aller voir.
De son. côté, M. Barrielle crie comme un damné, ce qui ne va pas
trop mal à un pirate, et surtout à un pirate turc, mais ce qui est
bien peu flatteur pour des oreilles chrétiennes.
Mlle Bélia chevrote beaucoup, et prononce très-pou. M. Polel et
Mlle Tuai, chargés de rôles secondaires, s'en acquittent à l'entière
satisfaction de tout le monde.
Mlle Baretti e t jolie dans le rôle de Lilia comme dans tous les
autres. On la trouverait plus charmante encore si elle minaudait
moins. Si sa voix est faible, elle chante avec grâce. Si elle pouvait
prononcer mieux, s'animer, s'échauffer dans l'occasion , se pénétrer
un peu plus du sens de ce qu'elle dit, on l'applaudirait bien davan-
tage. — Nous entendons par on le public, et non les claqueurs.
La mise en scène est très-soignée, les costumes splendides , les
DE PARIS.
275
décors dignes de la répulation des habiles artistes qui les ont faits.
Tous les trucs ont manœuvré sans accident. Seulement, la foudre
qui devait frapper le Diable amoureux à la porte de la chapelle, est
arrivée, à la première représentation, quelques minutes trop tard.
Espérons qu'on l'aura guérie de ces distractions, et que le surlende-
main elle n'aura plus manqué son entrée.
LÉON DUROCHER.
EFFETS DES CIRCONSTANCES
sur la situation actuelle de la niusftiae, an iioiut de
fue fie la comipositlon.
CE qu'il vaudrait faire l'OUR ASIÉLIORER CETTE SITUATION.
(2= article) (1).
L'esprit révolutionnaire a faussé le sentiment des artistes : il est
seul cause de leurs égarements et de l'abaissement des arts. C'est
lui qui, par degrés, a fait perdre de vue en musique la véritable
notion du grand, et a conduit à Vexafféré, au gigantesque ; c'est lui
qui a fait substituer la manière à l'inspiralion naïve; c'est lui, enfin,
qui a jeté les musiciens, comme les peintres, à la recherche du
nouveau, leur faisant croire que faire, par système, autrement que les
grands hommes d'autrefois, c'est avoir comme eux du génie. Que
dis-je ? pour les impuissants de notre temps, ces bonnes gens du
passé ont eu du mérite pour le temps oii ils ont vécu, mais le mo-
ment est arrivé oià l'art va enfanter des œuvres complètes dignes de
l'admiration de tous les siècles ! Car, remarquez-le bien, c'est tou-
jours au futur que se placent nos artistes : l'œuvre qu'on termine, ou
plutôt qu'on ébauche, est enfin la résolution du problème , et quand
elle se sera révélée, c'en sera fait de toutes les vieilleries dont on
s'est contenté jusqu'à ce jour, faute de mieux. Les adhérents, les
journaux affldés, annoncent le Messie en termes hyperboliques ; on
fait grand bruit du miracle avant qu'if Soit connu. Peuple, prosternez-
vous, car voici le nouveau monde de l'art et son créateur ! Ecoutez !...
— On écoute... puis une nouvelle déception vient s'ajouter à cent
autres. C'est à ce résultat qu'arrivent inévitablement les aspirations
de l'esprit révolutionnaire qui agite l'humanilé depuis la fin du
xviiie siècle. Jamais on n'a tant parlé de rénovation ; jamais on ne
s'est plus éloigné de la seule chose qu'il soit donné à l'homme de
créer : la spontanéité de l'idée.
Trouver du nouveau, et faire de l'effet, sont les deux préoccupa-
tions incessantes de nos artistes, parce que ce sont les deux condi-
tions que leur impose leur siècle révolutionnaire. Ils ne comprennent
pas que l'alliance de ces conditions, au point de vue où ils se placent,
implique contradiction ; car la nouveauté de l'idée ne peut être que
le fruit de l'imagination, et la réalisation de l'effet procède du souve-
nir. L'effet inattendu est, sans aucun doute, adéquat à l'idée ; mais
ce n'est pas ainsi que l'entendent les musiciens de l'époque actuelle :
pour eux, comme pour le vulgaire, c'est, à certain moment du déve-
loppement de l'œuvre, l'emploi de tel rhythme ou de telle combi-
naison sonore, parce que l'impression, Veffetqa'oa veut produire n'est
qu'une sensation physique. Il ne s'agit ni de toucher le cœur ni de
satisfaire l'intelligence, mais d'ébranler le système nerveux. Qu'on
examine avec attention ce qui se passe à la représentation d'un
opéra; on verra que dans certaines situations dramatiques l'émotion,
l'enthousiasme du public se manifestent par des applaudissements
frénétiques lorsque le compositeur, arrivant par degrés à une explo-
sion vigoureuse des ressources de l'orchestre, imprime aux nerfs de
son auditoire de violentes commotions que complète la puissance du
rhythme. Qu'au sortir de la représentation, on lise dans la partition
(1) Voir le n° 32.
le morceau qui a produit une sensation si vive, et souvent on sera
frappé d'étonnement de n'y trouver que des lieux communs dont tout
le mérite réside dans l'expérience acquise des effets rhythmiques et
sonores. 11 est si vrai que Veffet, dans le sens qu'on y attache au-
jourd'hui, n'a pas d'autre signification que la sensation nerveuse, que
lorsqu'un directeur de théâtre lyrique imagine de remettre à la scène
d'anciens ouvrages devenus célèbres, son premier soin consiste à
chu-ger un musicien connu de fortifier l'instrumentation, et surtout
d'y ajouter des cors, des trompettes, des trombones et des timbales,
parce que, dit-on, l'ancienne partition ne produirait pas d'effet dans
son état primitif. C'est ainsi qu'on a déDguré, alourdi, gâté Richard
Cœur de lion, le Déserteur, et vingt autres opéras qui n'avaient pas
été conçus dans ces conditions ; mais le succès a prouvé que les au-
teurs de ces sacrilèges avaient bien jugé leur temps.
Les aberrations de la critique concernant la nouveauté, tant dans
les idées que dans la forme, n'ont pas été moins funestes à l'art
que la recherche de l'effet depuis près d'un demi-siècle. Les artistes
les plus heureusement doués n'ont pas échappé à leur influence , se
persuadant que l'extraordinaire est le beau. C'est ainsi que Beetho-
ven, arrivant par degré au dédain des œuvres de sa première ma-
nière, où le charme s'unit à l'originaUté nati'relle , se jette, dans la
seconde, à la recherche des développements de la forme et les exa-
gère. Puissant génie de création, il y découvre des trésors de nou-
veautés ; mais les succès qu'il obtient le poussent de plus en plus
à la recherche de l'inusité, dont le résultat est sa nébuleuse troisième
manière , dans laquelle l'inspiration libre et pure va s'affaiblissant
progressivement. De grandes beautés se trouvent encore dans les
œuvres de cette dernière période de la carrière de cet homme illus-
tre ; mais, plus souvent, le vague de la pensée devient évident ; l'ef-
fort se trahit partout, et la bizarrerie sans charme y succède à l'ori-
ginalité spontanée. Oulibicheff a désigné, avec beaucoup de justesse,
par le nom de chimère , le penchant qui portait alors Beethoven à
pousser l'art dans des voies qui ne sont pas les siennes.
Mendelssohn, grand musicien, dont l'individualité de sentiment et
d'inspiration ne peut être révoquée en doute, bien que la portée de
son génie n'égale pas celle des grands maîtres dont il fut le succes-
seur; Mendelssohn, dis-je, n'a pas échappé à l'influence des préjugés
de son temps sur la nécessité de rénovation de la musique. Inces-
samment préoccupé de la crainte de tomber dans ce qu'il appelait
le commun, il évite avec soin la cadence de terminaison des phrases
par la modulation, faisant à chaque instant élision de deux, trois,
quatre phrases, par le même procédé, et n'arrivant en quelque sorte
qu'à regret à la conclusion finale. On a reproché à Mendelssohn de
manquer de variété; ce défaut n'a pas d'autre cause que sa recherche
de la nouveauté en ce sens, laquelle avait fini par devenir le carac-
tère distinr.tif de son talent.
Robert Schuinann est un des exemples les plus significatifs des
égarements où peut entraîner la funeste recherche systématique de
la nouveauté dans la musique. Doué d'un sentiment distingué de mé-
lodie mélancolique, il ne le laissait se produire sans contrainte que
dans les petites choses auxquelles il n'attachait pas d'importance. Ses
Lieder sont charmants, et dans quelques pièces pour piano seul, il a
mis un charme inexprimable; mais dans les grandes compositions
telles que ses symphonies, ouvertures, concertos, quatuors, cantates,
la recherche de la nouveauté le jette dans la bizarrerie, l'indécision
de la pensée et de la forme, et fait disparaître de ses productions
les deux qualités essentielles, à savoir le charme et la clarté. Il est
juste de faire exception à cet égard pour son quintette de piano et
instruments à cordes, où se trouvent des parties vraiment belles ,
particulièrement un adagio d'un sentiment exquis. A Paris, comme à
Bruxelles, la musique de Schumann, à part quelques Allemands isolés,
n'a pas trouvé de partisans chez les artistes, et a provoqué l'ennui
et le dégoût dans le public : il n'en est pas de même en Allemagne,
276
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
particulièrement en Prusse et en Saxe. Les défauts qui la rendent
antipathique aux Français sont précisément la cause des succès qu'elle
obtient à Berlin, à Dresde et à Leipzig. Ainsi que je l'ai dit dans
mon premier article , tant que Mendelssohn vécut , l'enthousiasme
qu'inspiraient ses œuvres aux Allemands laissa dans l'ombre les pro-
ductions de Schumann. L'âme d'artiste de celui-ci en souffrit; il
éprouva le besoin de ramener l'attention de ses compatriotes sur ses
vues esthétiques et fonda la nouvelle Gazette musicale de Leipzig, où
ses doctrines furent exposées avec une certaine originalité de style.
Un parti se forma alors pour lui, mais peu nombreux en comparai-
son de celui des admirateurs de l'auteur de Paulus et d'Elias. La
domination de Mendelssohn ne cessa que par sa mort, suivie presque
immédiatement par les orages révolutionnaires de 1848 et de IB^Q,
qui mirent en péril l'existence de l'empire d'Autriche, des royaumes
de Prusse et de Saxe, ainsi que de toutes les principautés de l'Alle-
magne. Ce fut le commencement de la vogue obtenue par les œu-
vres de Schumann dans les années suivantes, et qui s'est accrue pro-
gressivement dans la proportion de l'affaiblissement de l'enthousiasme
pour les productions de son rival.
Cette époque de l'explosion révolutionnaire de l'Allemagne (1848)
est remarquable et digne d'attention au point de vue de la musi-
que, car elle inaugura les nouvelles et déplorables tendances qui s'y
sont manifestées dans le public et chez les artistes. Antérieurement,
M. Wagner, alors maître de chapelle du roi de Saxe, avait fait jouer
à Dresde Rienzi, son premier opéra. Conçu dans un ordre d'idées
analogue aux drames de Charles-Marie de Weber, cet ouvrage avait
été bien accueilli par la population saxonne. 11 n'en fut pas de même
du Hollandais volant (le vaisseau fantôme), composition dans laquelle
le musicien novateur avait abordé résolument son système de ré-
forme et que le sentiment public repoussa. Après ce premier essai
vint Tannhœser, dont la chute fut décidée à la première représen-
tation, bientôt suivie de la révolution qui chassa le roi de Saxe de
sa capitale. Compromis dans cette bagarre, M. Wagner fut obligé de
fuir, lorsque le roi rentra à Dresde avec le secours de l'armée prus-
sieiane. Retiré à Zurich, l'auteur de Tannhœser y fut entouré du parti
démocratique, qui le considérait comme un martyr de sa cause. Ce-
pendant ce ne fut point par là qu'il se releva d'abord comme musi-
cien ; Liszt seul a tout fait pour la résurrection de la musique de
Wagner, et la petite cour du grand-duché de Saxe-Weimar a été le
refuge de l'œuvre révolutionnaire. On y enrôla sous sa bannière de
jeunes artistes, des journalistes et des femmes du monde. Le mo-
ment était favorable, car le levain des révolutions était partout, et le
désir de l'innovation, à quelque prix que ce fût, agitait les têtes rê-
veuses d'outre-Rhin. De là lès applaudissements frénétiques prodi-
gués à Tannhœser et à Lohengrin dans beaucoup de villes de second
et de troisième ordre, et même à Vienne. En vain, quelques con-
naisseurs, fidèles au sentiment de l'art digne de ce nom, ont-ils fait
remarquer que, laissant à part les atteintes brutales portées à ce
même art par ces conceptions monstrueuses, elles ont le défaut ca-
pital d'être profondément ennuyeuses, et que le ridicule y est en-
core plus saisissant que l'absence d'idées musicales ; ces critiques
sensées n'ont pas eu d'écho dans un monde qui, fatigué du beau,
s'est dit : Voici autre chose! On ne peut en douter, c'est là qu'est
le principe de ces succès qui sont la honte de notre siècle ; je n'en
veux pour preuve que le livre d'un philosophe allemand que je viens
de lire, et qui a pour titre : Esthétique du laid. L'auteur y établit
d'une manière sérieuse que Vacjréable (confondu par lui avec le beau)
a été si longtemps l'objet des travaux des artistes, qu'il est temps
de rechercher si les difformités physiques et morales n'ont pas leur
côté poétique ; c'est cette même recherche qui a été le sujet de son
livre, où les paradoxes les plus absurdes sont accumulés pour dé-
montrer que, dans cet ordre de faits et d'idées, il y a une source
abondante de nouveautés à exploiter pour le talent. Je ne crois pas
nécessaire de commenter une pareille théorie, qu'on peut considé-
rer comme le dernier mot du réalisme.
Peut-être m'objectera-t-on qu'il est un monde d'élite où de pareils
égarements ne se produisent pas, parce qu'ils ne peuvent se rencon-
trer que chez les organisations grossières du vulgaire ; toutefois les per-
sonnes qui m'opposeraient celte exception seraient elles-mêmes dans
l'erreur ; car c'est dans le monde aristocratique le plus cultivé que se sont
trouvés les protecteurs les plus dévoués des nouvelles tendances mu-
sicales, ou plutôt antimusicales. J'ai dit plus haut l'accueil bienveil-
lant fait aux productions de Richard Wagner par la cour de Wei-
mar, dont les princes ont cultivé la musique avec succès. On sait
aussi quel patronage dévoué Mme de Metternich accorda à l'au-
teur du Tannhœser et à ses ouvrages. Mme de Kalergi, dont
le talent ferait honneur à un artiste, ne le considère pas seulement
comme un compositeur de génie, mais comme le Messie de la nou-
velle musique, et les journaux nous ont appris avec quelle magnifi-
cence S. A. I. madame la grande-duchesse Hélène de Russie a té-
moigné son admiration à ce messie du laid.
Je prie mes lecteurs de fixer leur attention sur la situation morale
d'un jeune compositeur à l'aurore de sa carrière, se trouvant en
face de pareilles tendances, particulièrement en Allemagne et dans
les régions du Nord ! Je le suppose heureusement doué des qualités
nécessaires : qu'en fera-t-il? Entrera-t-il en lutte avec son époque?
A peine le génie de Mozart y suffirait-il. D'ailleurs il est à peu près
impossible que son caractère ait assez d'énergie et ses convictions
assez de fermeté (eût-il la puissance du talent), pour n'être pas en-
traîné d'une part par l'exemple, de l'autre par le désir du succès.
Bramhs, de Hambourg, m'offre à cet égard un exemple qui doit être
cité ici. A peine sorti de l'enfance, il fit entendre une sonate de sa
composition à Liszt, qui, frappé de sa belle organisation, donna à
sa famille le conseil de confier son éducation de compositeur à
Schumann. Dans son admiration pour les facultés de son nouvel élève,
ce musicien rêveur annonça, par un article inséré dans la nouvelle
Gazette musicale de Leipsig, qu'un second Mozart était né pour la
gloire de l'Allemagne. On comprend comment Schumann pouvait être
le guide d'un musicien adolescent; convaincu, comme il devait l'être,
de la bonne issue de la voie où lui-même s'était engagé, il y poussa
son élève, et celui-ci ne put douter que cette voie ne fût la meilleure,
lorsque l'expérience lui eut démontré que le goût général dans sa
patrie s'accordait avec l'enseignement qui lui avait été donné. Ainsi
qu'il arrive presque toujours, Brahms a dépassé son maître dans ses
erreurs:' sa pensée, qui d'abord eut de la clarté, s'est obscurcie par
degrés ; le naturel et la grâce en ont disparu ; enfin tout ce qu'il
produit aujourd'hui est évidemment le fruit de pénibles recherches,
dans lesquelles je crois pouvoir affirmer qu'il n'a pas lui-même
conscience de ce qu'il veut faire. Or, cette même musique a, au
moment où j'écris, des admirateurs fanatiques dans toute l'Alle-
magne.
Où s'arrêteront ces égarements ? 11 est maintenant impossible de
le prévoir ; car, suivant l'opinion de beaucoup de jeunes musiciens
allemands, la musique ne doit pas être un art, parce que l'art sup-
pose l'observation de certaines règles que le génie ne peut admettre.
Le génie (celui de ces messieurs) est, par sa nature, parfaitement
indépendant, et n'a d'autres règles que celles qu'il s'impose lui-même.
Les expressions goût, charme, grâce, ne peuvent plus avoir de sens
depuis que la musique s'est affranchie de ses gothiques entraves,
et marche librement dans sa nouvelle voie. — Il faut les entendre
lorsqu'ils parlent des grands maîtres d'un autre temps : Beethoven
même n'a été que le commencement de la réforme ; les préjugés de
son éducation l'ont empêché d'atteindre le but. De Haydn et de Mo-
zart il ne faut plus parler. Un de ces extravagants, grand mécanicien
sur le clavier du piano, nous disait il y a peu de temps : « Quand
DE PARIS.
277
je joue de mon instrument, je prends au hasard un cahier dans
ma bibliothèque de musique; s'il contient des œuvres de Mozart
je le rejette avec dégoût. »
FÉTIS père.
[La suite prochainement.)
REVUE DES THÉÂTRES.
Vajuétés : La Chanson de la Marguerite, comédie-vaudeville en
deux actes, par MM. Delacour et Thiéry ; Dans mes meubles, vau-
deville en un acte, par M. Jules Prével ; reprise du Chevreuil. —
Gaité : Peau-d'Ane, grande féerie en vingt tableaux, par MM- Van-
derburch, Laurencin et Clairville.
Après un assez long chômage, provoqué par l'intensité des chaleurs
que nous venons de subir, les théâtres commencent à donner signe
de vie. Ceux qui sont restés ouverts renouvellent leurs affiches, ou,
tout au moins, se préparent à les varier prochainement; ceux qui
sont fermés annoncent leur réouverture. La rude besogne qu'ils nous
taillent nous fait donc un devoir de déblayer le terrain, quelque
stérile qu'il soit encore.
Toute la récolte de la quinzaine se borne en effet à deux pièces
nouvelles aux Variétés et une féerie à la Gaîté. Pour procéder par
ordre, disons d'abord un mot des deux vaudevilles du boulevard
Montmartre. La Chanson de la Marguerite reporte notre pensée aux
jolis couplets que Mlle Darcier chantait dans le Val d'Andorre. Il
m'aime un peu.. . beaucoup. . . passionnément. . . pas du tout. Quelle
est la jeune fille qui peut se vanter de n'avoir jamais fredonné in
petto ce refrain entaché d'une populaire superstition? La Margue-
rite des Variétés ne s'en cache pas, elle. C'est une jeune et gentille
ouvrière qui est courtisée de très près par un compatriote, égaré
comme elle dans le labyrinthe parisien et menant la vie à grandes
guides. Lucien est peut-être de bonne foi dans son amour pour Mar-
guerite, mais l'existence qu'il a adoptée et qui, des frais ombrages
de Mabille le conduit tout droit à la retraite forcée de Clichy, offre
peu de garanties pour l'avenir de l'ouvrière. Aussi, influencée par la
chute fatale de sa chanson qu'elle interroge en désespoir de cau^e,
se décide-t-elle à chasser de son cœur l'image de Lucien pour y
substituer celle de Cocavoine, une espèce de chien de Terre-Neuve,
qu'elle trouve toujours sur ses pas, tout prêt à se dévouer pour
elle. La pointe de sentiment que ce rôle comporte et qu'on est si
peu habitué à rencontrer dans les vaudevilles des Variétés, n'a pas
empêché la Chanson de la Marguerite d'avoir des partisans zélés et
convaincus. Il est vrai que Mlle Judith Ferreyra, cette éternelle enfant
prodigue qu'on ne se lasse pas de voir revenir frapper à la porte du
logis paternel, est charmante sous les traits de l'ouvrière Marguerite,
et que Charles Perey lui donne très-convenablement la réplique dans
le rôle de Cocavoine.
Le second vaudeville est de M. Jules Prével et s'appelle : Dans
mes meubles. C'est un agréable lever de rideau qui tend à prouver,
de la façon la plus paradoxale, qu'il vaut mieux habiter en garni
que dans ses meubles, vu que les soucis de la propriété empoisonnent
cruellement les jouissances du propriétaire. Si les meubles qui
ornent votre appartement n'étaient pas à vous, combien peu vous
vous inquiéteriez des accidents qui peuvent les détériorer, ou des
soins à prendre pour les conserver dans tout leur lustre! Mais, à
ce compte-là, comme il n'y a pas au monde de possession qui n'ait
ses petits inconvénients, où irions-nous, grand Dieu ! avec le para-
doxe de M. Jules Prével? Ce sont de ces jeux d'esprit dont on
s'amuse pendant une heure, mais qu'on ne prend pas au pied de la
lettre.
La reprise du Chevreuil nous fournit l'occasion de payer un juste
tribut de regrets à la perte de Lassagne, ce joyeux successeur
d'Odry, pour qui cet ancien vaudeville avait été pour ainsi dire un
triomphe in extremis. C'est aujourd'hui Dupuis qui le remplace, et
qui a trouvé moyen de s'y faire applaudir sans l'imiter.
— Quoiqu'il y ait eu déjà une Peau-d'Ane à la Porte-Saint-Mar-
tin en 1838, il y a peu de rapports entre cette pièce et la splendide
féerie que la Gaîté vient de représenter avec un succès des plus
éclatants. C'étaient pourtant les mêmes auteurs, moins M. Clairville,
qui avaient fabriqué celle de la Porte-Saînt-Martin ; mais à cette épo-
que, la direction qui avait mis à la scène tous les beaux drames
de Victor Hugo et d'Alexandre Dumas, dont on ne perdra pas de
sitôt la mémoire, n'en était pas moins aux expédients, et l'état de
sa caisse ne lui permettait pas de donner à une féerie les vastes pro-
portions que ce genre d'ouvrage a acquises de nos jours. Peau-d'Ane
n'avait donc alors que neuf tableaux, et ne brillait pas trop par la
magnificence des costumes ni des décorations. En revanche, MM. Van-
derburch et Laurencin avaient pris exemple sur Mme de Maintenon,
qui, pour dissimuler l'absence du rôti, faisait à ses convives les hon-
neurs d'une histoire piquante et spirituelle. A présent, nous
ne voulons pas dire que l'adjonction de M. Clairville ait fait com-
plètement disparaître cette qualité précieuse de l'œuvre primitive.
Seulement, par un effet d'optique assez naturel, ce sont les richesses
déployées avec une véritable profusion par la direction de la Gaîté,
qui priment le dialogue et les couplets de la féerie nouvelle. Au lieu
de neuf tableaux on en compte vingt, c'est assez dire la différence
qui existe entre celle-ci et son aînée. Nous n'avons pas à raconter
Peau-d'Ane, en dépit de l'encouragement donné à cette narration
par les vers de la Fontaine. Nous ferions injure à nos lecteurs en sup-
posant qu'ils ont oublié les contes dont on a bercé leur enfance.
Nous nous bornerons à leur recommander d'aller voir à la Gaîté
comment on a traduit, nous oserons même dire, embelli la moralité
de Perrault. Que de surprises le décorateur leur ménage, depuis le
palais de l'âne jusqu'à la grotte d'azur, aux jardins de la fée Co-
quette, aux mines de diamants, et par-dessus tout à ce fameux
aquarium qui, à la première représentation, a excité un si vif en-
thousiasme qu'il a fallu que M. Chéret, le peintre, vînt recevoir en
personne les témoignages de l'universelle satisfaction de la foule.
Il y a beaucoup de musique dans cette pièce, et nous devons des
félicitations à M. Fossey, qui l'a arrangée et parfois composée. Les
ballets, montés par M. Fuchs, sont fort gracieux, et Its danseuses,
moitié anglaises, moitié françaises, sont toutes jolies. Le rôle de Peau-
d'Ane, ou plutôt de Lilia, créé à la Porte-Saint-Martin par une de-
moiselle Blés, bien complètement oubliée aujourd'hui, fait ressortir
la beauté d'une débutante, Mlle Frasey, dont la voix est en outre des
plus sympathiques. Mlle Alix Tousez , autre débutante non moins
bien accueillie, est la fille de cet excellent Alcide Tousez , l'un des
comiques les plus aimés de l'ancienne troupe du Palais-Royal. Du
côté des hommes, citons Perrin, Alexandre, Gaspard, et un ex-ar-
tiste des Bouffes-Parisiens, Tayau, qui, partout où il joue, est tou-
jours condamné à exécuter, dans ses rôles, un grand air de violon. II
s'en acquitte assez bien, du reste, pour qu'on n'ait pas encore à re-
gretter cette persistance. Somme toute, Peau-d'Ane deviendra archi-
centenaire, et renouvellera, au square des Arts-et-Métiers, le fabu-
leux succès du Pied de mouton à la Porte-Saint-Martin.
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
it*f. Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi le Comte Orij et Ci-
selle. — Mercredi, la Favorite et Diavoiina. — Vendredi, les Huguenots
pour le premier début de Mlle Titjens. La célèbre cantatrice chantera
de nouveau demain, mercredi et vendredi. Samedi, elle repartira pour
Londres.
»*:,, La deuxième représentation des Amours du Diable a confirmé
KKVLE KT GAZETTE MUSICALE
pleinement le succès de la première; la salle était comble, et l'on a lé-
gitimement applaudi Mme Galli-Marié, Capoul et Mlle Caretti.
^*^ La reprise du Caïd, interprété par Mlle Girard et Carrier, qui y
continueront leurs débuts, et par Eug. BattaiUe, doué, dit-on, d'une
très-belle voix et qui débutera dans le rôle du tambour-major, aura lieu
mardi. — Le cbarmant ouvrage d'Ambroise Thomas serait précédé de
la reprise de Joconde. — C'est dans le Songe d'une nuit d'été que Mlle Mon-
rose fera sa rentrée ; Achard chantera le rôle de Shakspeare.
,*» Presque tous les journaux s'occupent des modifications introdui-
tes par le nouveau directeur du théâtre italien dans les aménagements
intérieurs de la salle Ventadour, des pièces qu'il doit jouer et ne pas
jouer, des artistes qu'il doit avoir et qu'il n'aurait pas, d'augmentation
éventuelle du prix des places, etc., etc. Il est fort difficile de discerner
la vérité dans tous ces on dit ; aussi nous abstenons-nous de les répé-
ter. M. Bagier, s'il ouvre le 1"' octobre, ne peut tarder à publier son
programme ; on saura alors positivement à quoi s'en tenir, et nous
sommes d'avance persuadés que ce programme répondra pleinement
aux exigences du public.
»*^ L'administration du théâtre impérial Italien , voulant modifier le
service des chœurs, prie les artistes qui désireraient en faire partie, de
se présenter à !a direction de 11 heures du matin à i heures du soir.
»*,. Nous avons fait connaître partiellement les engagements faits par
M. Carvalho pour la saison d'hiver. Nous donnons aujourd'hui la liste
complète des artistes qui composeront son nombreux personnel. Ce sont:
IMM. Monjauze, WorJni, l'etit, Ismaël, Lutz, Cabel, de Quercy, Pilo, Fe-
ront, Girardot, Gabriel, Wartel, Legrand, Caillot, Trillet, Jiasson, Guyot,
Teste, et Mmes Miolan-Carvalho, Ugalde, Charton-Demeur, Faure-Lefèvre,
Prunetti, de Slaesen, Ebrard, Bloch, Mezeray, Dubois, Estagel, Vie, Wil-
lème, Reboux, Doria, Duclos, Albretch, Bayon, Martin. L'orchestre con-
tinuera à être dirigé par M. Delolïre. — Mardi, le théâtre Lyrique de-
venu, par suite de la subvention qui lui a été accordée, tliéàtre impérial,
fera son ouverture par la 1i6« représentation des Noces de Figaro.
Mme Ugalde chantera Suzanne, et Mme Miolan-Carvalho, Chérubin. Le
rôle de la comtesse sera chanté par Mlle Brunetti, une étoile de l'école
Duprez; Petit remplira le rôle du comte, et Lutz débutera par celui de
Figaro. — Mercredi, reprise de la Statue, d'Ernest Reyer. Monjauze fera
sa rentrée dans le rôle de Sélim, qu'il a créé avec tant d'éclat, et
Mlle l'iosa Bloch débutera dans le rôle de Margyane. — Mme Faure-Le-
fèbvre reparaîtra dans son joli rôle de Denise de l'Epreuve villageoise, un
de ses grands succès à l'Opéra-Comique. — La première représentation
des Pécheurs de perles, opéra en trois actes, de M. Georges Bizet, grand
prix de Rome, aura lieu dans les premiers jours de septembre. M. Car-
valho n'a pas attendu l'effet de la subvention qui lui a été accordée
pour ouvrir son théâtre à un lauréat de l'Institut. L'opéra de M. Bizet
aura pour interprètes : Ismaël et Mlle de Maesen, deux artistes déji
connus par leurs grands succès en France et à l'étranger, et le ténor
Morini, qui a débuté d'une manière si brillante dans le rôle de Faust.
— Puis viendront /es Troyens, de Berlioz, chantés par Mme Charton-De-
meur, et par Monjauze et Petit. Mireille, de Gounod, avec Mme Miolan-
Carvalho, Morini et Ismaël pour principaux interprètes. En attendant
ces deux opéras nouveaux, le théâtre Lyrique représentera successive-
ment les grands ouvrages de son répertoire : la Perle du Brésil, la Fan-
chonnette, la Reine Topaze, Faust, les Dragons de Villars, le Val d'Andorre,
Oberon, Joseph et le Freijscliiitz, qui sera rendu au public dans son
intégrité.
»*» A en juger par la lenteur apportée dans la reconstruction de la
salle des Bouffes-Parisiens, il ne paraît pas probable que ce théâtre
puisse rouvrir avant le milieu ou la fin de novembre.
,*,t L'illustration conquise par Scribe pendant sa longue carrière
dramatique , vient d'être consacrée par une décision du Conseil mu-
nicipal de la Seine, qui donne son nom à la prolongation de la rue
Mogador.
»*<, Les journaux italiens annoncent que Mme Ferraris est engagée
pour donner douze représentations le mois prochain au théâtre de Pe-
ruftia, et que Mme Rosina Stolz chantera pendant la saison d'automne au
théâtre Victor-Emmanuel à Turin.
**» Charles flallé , l'éminent pianiste-compositeur qui s'est fixé en
Angleterre, mais que Paris n'a pas oublié, se trouve pour quelques
jours ici.
i*:j Une grande partie des artistes qui composent le personnel de
l'opéra italien de Saint-Pétersbourg est déjà en route pour la Russie.
Ce personnel conserve ses quatre prime donne : Mmes Barbot, Fioretti,
Nantier-Didiée et Bernardi ; les ténors Tatnberlick et Calzolari, auxquels
on a joint Ciuglini, en remplacement d'Alessandro Bettini ; les barytons
Graziani, Everardi et Fortuna ; plus Méo, qui chantait à l'opéra russe;
la basse Angelini et une basse bouffe, Fioravanti, nouvellement engagé.
La réouverture aura lieu vers le 15 septembre.
,*» On sait que la femme de Dulaurens, qui passe de l'Opéra au théâ-
tre de Lyon, est une danseuse de beaucoup de talent, et qu'elle suit en
cette qualité son mari au même théâtre. L'auteur de l'Etoile de Mes-
sine, le comte Gabrielli, vient de composer pour elle, sur un scénario
inédit de Mazillier, la musique d'un ballet qui lui servira de début.
^*,i. Tous les amateurs fervents qui suivent les séances de la Société
des concerts du Conservatoire applaudiront à la décision qu'elle vient de
prendre de donner à l'avenir quatre concerts supplémentaires destinés
à ceux qui, ne jouissant pas du privilège d'être abonnés, sont privés du
plaisir d'entendre la musique classique exécutée avec une incomparable
perfection. Le premier de ces concerts extraordinaires aura lieu en no-
vembre, et les trois autres se suivront de quinzaine en quinzaine. La
session de 1864 commencera, selon l'usage, le deuxième dimanche de
janvier.
^*f, Sur la proposition de M. Bazin, directeur de l'enseignement du
chant, des concours entre diverses écoles communales de la ville de
Paris viennent d'être institués par l'administration. Ce puissant moyen
d'émulation, qui n'avait pas encore été pratiqué dans nos écoles , con-
tribuera, sans aucun doute, aux progrès de l'enseignement musical.
L'exécution d'un chœur, des questions sur la théorie musicale, et la
lecture à première vue d'ua solfège à plusieurs voix composaient le
programme de ce concours, qui a été très-brillant. Les membres du
jury étaient MM. Victor Foucher, président de la commission de l'en-
seignement du chant; le général Mellinet, Ambroise Thomas, François
Bazin, Ermel, Foulon, Spennor et Danhauser.
^•^,1, L'éminent pianiste Jacques Baur a quitté Paris pour se rendre à
Aix (Savoie).
^*^ A l'occasion des récents concours du Conservatoire royal de
Bruxelles, le Guide musical faisait remarquer rexcellence et la solidité
des pianos de la maison Erard. Le grand piano royal qui a figuré dans
ces concours a non -seulement servi à l'exécution des morceaux de piano,
interprétés par les élèves de Slme Pleyel, de MM. Dupont et Steveniers,
mais encore à tous les accompagnements des solistes. Pendant huit ou
dix jours qu'ils ont duré, ce piano ne paraît pas avoir été accordé, et
cependant le son est demeuré aussi clair, aussi pur le dernier jour qu'il
l'avait été au début, et le toucher n'a pas subi la moindre altération,
malgré les efforts que les accompagnateurs ont faits parfois pour ne
point être écrasés par le double quatuor. C'est prodigieux, et l'on ne
peut pas assez faire ressortir des qualités aussi précieuses !
^*^ Le concours de chant d'ensemble qui a eu lieu dimanche 23 aoiit,
à 'fourcoing, a été favorise par un temps superbe ; une grande quan-
tité d'étrangers y était venue, empressée d'entendre les Sociétés
françaises et étrangères, présentes à cette solennité. Le concours
des sociétés étrangères était présidé par M. Ferdinand Lavainne, le
concours d'honneur par M. Elwart. Le morceau imposé pour la divi-
sion supérieure était intitulé : le Réveil, de F. Lavainne. Bruges et
Yxelles ont partagé le premier prix. Dans le concours d'honneur, la So-
ciété royale de Bruges a chanté le Révetl une deuxième fois avec un
immense succès, qui lui a valu le prix unique donné par l'Empereur.
Parmi les sociétés étrangères, la Lgre ouvrière de Bruxelles a obtenu
le premier prix de la première division. Les sociétés françaises, quoi-
que moins remarquables que les sociétés belges, ont cependant e.xcité
un grand intérêt. L'Avenir, société de Lille, a obtenu le premier prix
de la division supérieure; le morceau imposé était intitulé : sur l'Eau,
de Gevaert; il a été parfaitement inttj'prété. Les premiers prix de la
première et deuxième division ont élé remportés par l'Union chorale de
Roubaix, et le Cercle musical d'Iiazebrouok. Ces deux concours étaient
présidés par M. Denefve, de Mons.
»*,(. Nous engageons les amateurs à aller visiler les nouveaux magasins
de pianos que MM. Pape et C« viennent d'ouvrir place de la Bourse, 9.
Outre les vastes proportions des salons qui peuvent contenir jusqu'à
cent instruments, et leur riche décoration, les amateurs trouveront
dans ce bel établissement le choix le plus varié de pianos de tous mo-
dèles, de tous prix et de la facture la plus soignée.
^*^ Jeudi, 3 septembre, fête de saint Grégoire le Grand, l'Association
philanthropique des artistes des églises de Paris fera célébrer â 11 heures
précises une messe solennelle dans l'église Saint-Germain l'Auxerrois.
Cette messe sera exécutée en plain-chant et à l'unisson par soixante
basses-tailles. Les soli du Credo (de Dumont) seront chantés par M. Bar-
bertéguy-d'Eyhéralde. Legrand orgue sera touché par M. Vast. A l'élé-
vation, un 0 Saluiaris de la composition de M. Renard sera chanté par
M. de Keghel, avec accompagnement de hautbois (M. Crasse, de l'Opéra)
et orgue (M. Vannson). Le produit de la quête est destiné à la caisse de
secours de l'Association.
f*ji: Un nouveau journal de musique vient de se fonder à Londres. Il
a pour titre Ttie choir et musical record, et il s'occupera principalement
de musique religieuse. 11 paraît le samedi de chaque semaine et coûte
un penny. Il compte au nombre de ses rédacteurs M. Edw. Rimbault,
MM. Hopkins, organiste, Mac-Farren, professeur d'harmonie, le révérend
F. Smith, etc. Il donnera des (ac-simile de musique ancienne, des chœurs
rares ou inédits des grands maîtres, etc., etc.
^*^, Le concert des Champs-Elysées vient de faire entendre une nou-
velle valse du comte Maxirailien Graziani, compositeur qui jouit d'un
nom justement célèbre en Italie, et auquel le roi Victor Emmanuel vient
de décerner une grande médaille d'honneur. Le comte Graziani a déji
reçu ses lettres de naturalisation en France, par le succès qu'ont ob-
tenu ses compositions musicales, et particulièrement la Chasse aux
279
Hirondelles, intercalée dans le ballet DiavoUna. Cette nouvelle valse,
appelée les Cydopcs, admirablement exécutée par l'orchestre de M. Ar-
ban, a été vivement applaudie. — On publie aussi en ce moment une
délicieuse romance d'Edouard Plouvier, dont M. Maximilien Graziani a
fait la n-.usique. Cette romance a pour titre : Les Leçons du grand-ijapa.
Nous l'avons entendu chanter par M. Ouidon, et cette première audi-
tion lui promet un grand succès.
:t*^ Le Pré-Catelan oÊfre en ce moment aux Parisiens une triple sé-
duciion qu'on ne saurait trouver nulle part ailleurs; l'orchestre de sym-
plionie de Musard, toujours si remarquable entre tous ; les ascensions
aérostatiques ; et ses splendides corbeilles de fleurs si fraîches de cou-
leurs et si riches de parfums.
^*^ M. Delsarte vient de perdre un fils de dix-neuf ans à peine, Xavier
Delsarte, qui donnait les plus belles espérances pour l'art dramatique,
auquel il appartenait.
^*^ Le ténor Bayer, en son temps le plus célèbre chanteur drama-
tique de l'Allemagne, ancien membre du théâtre de la cour à Munich,
est mort dans sa propriété sur le lac Chiemsée, en Bavière, dans sa
soixante et unième année.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
^*j. Arras. — Notre Société philharmonique a donné le 25 août son
troisième concert, plus brillant encore, s'il est possible, que les précé-
dents, et qui avait attiré tout ce que la ville renferme de richesse, de
luxe et d'élégance. Il est vrai de dire que les noms et la réputation des
artistes convoqués pour la solennité étaient bien faits pour justifier cet
empressement. 11 ne s'agissait pas moins, cette fois, que d'Alard, de
Graziani, de Mme Bettini-Trebelli et de son mari A. Eettini. Trois
des beaux morceaux de son répertoire, joués par le célèbre violoniste
avec une variété de talent et une perfection incomparables; le duo du
Baibkr, la valse de Faust et le brindisi de la Lucrezia, chantés par
Mme Trebelli-Bettini avec une pureté, une justesse et un brio qui dé-
fient les plus exigeants; l'admirable voix de Graziani, la tareniella dite
avec un entrain charmant par Bettini, ont valu à chacun de ces artistes
des applaudissements réitérés et dçs bravos enthousiastes. L'orchestre
de la Société avait dit avec beaucoup d'ensemble et de vigueur les ou-
vertures de Zampa et de Charles VJ. M. Jlathon s'est, comme toujours,
distingué par son talent d'accompagnateur.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
^*tf Ems. — La saison théâtrale est terminée. Les concerts devien-
nent donc la principale distraction des baigneurs, et la direction du
Kursaal ne néglige rien pour les rendre aussi brillants que possible.
Après nous avoir fait entendre mardi le célèbre violoniste llaumann,
une jeune organiste, Mlle Marie Descbamps, qui ont exécuté un duo
de la composition de M. le marquis d'Aoust ; Geraldy, qui a dit supé-
rieurement l'air du chasseur du Pardon de Ploërmcl, et le Nid abandonné;
A. Batta, l'excellent violoncelliste, qui s'est surpassé dans le Songe d'en-
fant, merveilleuse composition de Mme Clémentine Batta', transcrite
pour le violoncelle, et le beau concerto de Herz pour piano, par
5111e Peschel, nous allons avoir samedi la magnifique réunion de ta-
lents qui se nomment Mmes Rosa Escudier, Czillag, MM. Vieuxtems,
Alard, Vivier, etc.
^*^, Hambourg. — Le 21 août, a eu lieu, dans les salons du Kursaal,
devant un auditoire aussi nombreux qu'élégant, le concert le plus
splendide de la saison. Les habiles directeurs de l'établissement avaient
engagé pour cette occasion Alfred Jaell, Vieuxtemps et Servais : admi-
rable trinité de virtuoses ! Aussi à peine parurent-ils sur l'estrade qu'un
murmure flatteur leur fit pressentir l'accueil enthousiaste qui leur élait
réservé. L'expression ne s'en fit pas attendre après la magnifique po-
lonaise composée et exécutée par Vieuxtemps, après l'air de l'Ombre du
Pardon de Ploërmel, joué par A. Jaell, et le Carnaval, par Servais;
enfin après le beau duo composé par Edouard Wolff et Vieuxtems (duo
inédit) sur les motifs de Preciosa. Chacun de ces morceaux, les plus re-
marquables du concert, était à peine terminé que l'artiste était rappelé
au milieu d'acclamations réitérées. — La partie vocale avait été confiée
il iMme Wernike et à SI. Ricolo, qui s'en sont vaillamment acquittés.
^*,g liade. — La deuxième représentation du Chevalier Nahel a con-
firmé le succès que l'œuvre de Litoiff avait obtenu à la première. —
Le 17, a eu lieu une belle représentation cVOrphée, de Gluck, avec
Mme Viardot ; Mlle Marcy faisait Eurydice, et Mlle Marie Faivre, l'Amour.
LL. M.M. le roi de Hollande, la reine Auguste de Prusse, S. A. U. la
grande-duchesse de Bade, et le prince héréditaire de Saxe-Weimar,
assistaient à cette solennité, dans laquelle S. M. néerlandaise a daigné
féliciter Mme Viardot et lui faire remettre un riche bracelet. — Le 20,
la célèbre cantatrice avait été invitée par Mme la comtesse Tascher de
la Pagerie à une soirée musicale intime qu'elle donnait au roi de Hol-
lande. — Le 25, ont commencé les représentations du théâtre italien
par la Lucia, dans laquelle Mlle Battu, Naudin et Délie Sedie ont ob-
tenu le plus grand succès.
^*^ Cologne. — Au théâtre Victoria vient d'avoir lieu la première re-
présentation de Dinorah, de Meyerbeer. Le dernier chef-d'œuvre du
maître a obtenu, comme partout, un succès d'enthousiasme. M le L'Ar-
ronge a parfaitement interprété le rôle princ;pal.
^*j, Bruxelles. — Dans quelques jours le théâtre de la Monnaie va
rouvrir ses portes. La troupe engagée par M. Letellier se composera
pour cette saison de MM. Bertrand, Jourdan, Aujac, Tyckaert, ténors;
Dubouchet, Mengal, ténors comiques; Meillet, Lederac, barytons ; Pe^ié,
Brion, Borsary, Gales, basses; de Mmes Mayer-Houlart, Meillet, Bor-
ghèse, Faivre, Cèbe, Saué et Ouille, duègne. — M. Ch. Hanssens di-
rigera l'orchestre.
,1,*^ Hessc-Cassel. — Le 20 août, jour anniversaire de la naissance de
l'électeur, le théâtre de la cour a donné l'opéra la Réole, de G. Schmidt.
Le succès a été des plus brillants. Chaque morceau de chant a été
applaudi. On a remarqué en particulier la romance de Marguerite, avec
chœur de femmes, et le grand air d'Amanda au premier acte; le second
acte presque tout entier, et au troisième, le chœur des cavaliers.
^** Briinn. — Les 25 et 26 août a eu lieu ici le festival de chant
slave, à l'occasion du 1000» anniversaire de l'établissement du christia-
nisme en Moravie. Une cinquantaine de sociétés vocales, comptant mille
voix environ, y ont pris part.
:j** léna. — L'académie de chant, sous la direction de M. Naumann,
directeur de musique de l'Université, a donné un concert spirituel in-
téressant, dont voici le programme : Cantate, de S. Bach; de Profundis,
de Gluck; Prière, solo avec chœur de femmes, par Tottmann; Te Deum,
de Haendel.
**„ Berlin. — Le théâtre de l'opéra royal a obtenu un grand succès
avec les Nozze di Figaro, do Mozart. Les trois rôles de femme ont
trouvé dans Mmes de Ahna, Ilarriers et Lucca, des interprètes comme
il serait diflîcile d'en réunir ailleurs. Cette représentation a fourni de
nouveau l'occasion d'apprécier l'excellent effet produit par l'abaisse-
ment du diapason, qui porte beaucoup plus sur les instruments que sur
la voix. — Le Songe d'une nuit d'été, avec la musique de Mendelssohn,
qui jusqu'ici faisait partie du répertoire du Schauspielhaus, sera joué
dorénavant au théâtre de l'opéra de la cour. — Pendant le mois d'oc-
tobre, la société Merelli, avec Adelina Patti, donnera des représentations
au théâtre Victoria.
„,'% Vienne. — Le théâtre Treumann a fait sa réouverture le 19 de
ce mois. Le maître de chapelle Stenzel avait composé une ouverture
pour la circonstance ; il y a eu prologue, etc. La salle est louée d'a-
vance pour plusieurs représentations.
,f*^ Turin. — Nous venons d'avoir, au théâtre Gerbino, la première
représentation d'un petit opéra nouveau du maestro Petrella, Il follctlo
di Gresy. C'est une œuvre très-gracieuse, digne en tout point de l'au-
teur des Precauzioni et de Don Bucefalo, et qui clôt brillamment la
saison.
,„*j, Milan. — Un jeune compositeur, M. Sinico, auquel on doit déjà
l'opéra des Moschettieri, vient de faire représenter un nouvel ouvrage
dont le sujet est emprunté au fameux roman de Paul Féval : le Bossu.
Il a pour titre Aurora di Nevers, et il a obtenu un bon accueil. On a
remarqué surtout l'ouverture, morceau capital de la partition ; un
chœur d'introduction et un finale bien réussis ; la cavatine du baryton
au premier acte et un brindisi au deuxième acte, très-bien chantés par
la voix puissante de Cotigni ; une chanson-boléro au troisième acte,
qui, avec l'aria du premier acte, ont valu à Mme Elvira Demi de cha-
leureux applaudissements.
.^*^ Sydney. — Ce n'est pas sans plaisir que nous voyons le culte de
la musique se propager en même temps que s'accroît la prospérité de
l'Australie, et nous signalons avec empressement le concours aussi actif
qu'utile que cette propagation rencontre dans le zèle et les efforts de
M. Andersen, chef de notre premier établissement commercial de mu-
sique et d'instruments, et de son fils, M. Alfred Anderson jeune, artiste
de beaucoup de savoir et de talent. Mous avons pu constater tout ré-
cemment ces heureux résultats dans le grand concert qui vient d'être
donné au bénéfice du Randwick azytum dans la salle de l'Opéra, et qui
avait été organisé précisément par W. Alfred Anderson, avec le concours
des principaux artistes du théâtre, de toutes les sociétés chorales de la
ville et des musiques militaires de différents régiments, sous la direc-
tion de M. Callen. Le programme, aussi complet que varié, était parfai-
tement choisi : on y distinguait notamment le Gloria de la douzième
messe de Mozart, une hymne de Haydn, des fragments de Norma, l'air
de grâce de Robert le Diable, très-bien dit par Mlle Simmons, la barca-
rolle d'Haydée, et un air de Spohr, chantés par M. Ellard et Mlle Cor-
dier, un duo Irès-brillant pour deux pianos sur VEtuilc du Nord , par
MM. Anderson et Ellard , et une belle fantaisie sur la Rase de CasHlle,
composée et jouée par M. Alfred Anderson, dont le succès a été des
plus éclatants. Un auditoire nombreux assistait à cette solennité, dont
le produit a été fructueux pour le Randwick azylum.
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Le Saxotromba, ou le Saxhorn, est supérieur à ses analogues existants précédemment, comme proportion de tubes et par
conséquent comme son ; supérieur comme j ustesse ; supérieur comme création de famille complète ; supérieur comme facilité et
unité de doigté ; supérieur comme forme ou contour des tubes pour l'émission des sons ; supérieur comme forme pour le pla-
cement et le maniement de l'instrument ; supérieur comme ayant une même direction des sons (avantage pour l'auditeur de
recevoir tous les sons avec la même puissance); supérieur en ce que quelques jours suffisent pour former, avec des amateurs ou
do simples conscrits militaires, une musique passabla ; supérieur en ce que les plus gros instruments comme les petits se
tiennent facilement au moyen de la main gauche et du bras gauche, et laissent le bras et la main droite entièrement libres,
et dans la meilleure position pour le jeu des doigts sur les cylindres ; supérieur en ce que, quand un élève a déjà fait di;s
études et qu'il est obligé de changer d'instrument faute de disposition des lèvres ou par tout autre motif, ses études acquises
servent pour le nouvel instrument, soit trompette, trombone ou tout autre instrument ; supérieur en ce que Ton peut faire les
études les plus longues et les plus difficiles sur l'instrument qui fatigue le moins et les reporter sur d'autres plus durs à jouer
ou plus lon/'ds à porter; supérieur en ce que, dans les sociétés ou dans un régiment de cavalerie, surtout lors des congés, il
arrive souvent que tous les artistes d'une même catégorie d'instruments partent, et que, dans ce cas, on peut les remplacer
en preniint des musiciens dans les parties les mieux garnies pour occuper ou remplacer les parties manquantes; supérieur en
ce qu'on ne craint pas les coups de tête des chevaux, qui, avec les anciens instruments, brisaient parfois les dents au cava-
lier; supé'ieur en ce que ron peut jouer, le cheval au trot ou au galop, l'instrument suivant toujours les mouvements du
corps; supérieur pour la musique en marche en ce que l'instrument ne se dérange pas sur les lèvres, et conserve par consé-
quent la même sonorité qu'au repos ; supérieur pour les corps de musique et pour le militaire surtout, oii tout est régulier
(excepté les musiciens et les instrumenis d'après le système ancien), en ce que tout le monde se trouve dans la même position, toutes les mains à la même
tous les instruments penchés de gauche à droite ; supérieur, pour la musique à cheval ou de cavalerie, en ce que si, pondant que l'on joue, le cheval vient
écart, il est facile de ressaisir les brides pour le ramener, sans dérang'T l'iaslrument de sa position. . /[JT^
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MÉDAILLE d'argent DE 1" CLASSE
A l'exposition universelle DE PARIS 1855.
Vactcur ilu Conservatoire et de
l'Académie imiiérialo de Paris.
Agent à Saint-Pétersbourg :
A. BDTTNER,
Perspect. Newsky , maison de l'égliseSt-Pierre.
S 8, rue aea JTMnrais - Saint - lUttt'lim , S 8
Ci-devant rue du Caire, 21.
La inaison ANTOINE COURTOIS ayant agrandi ses ateliers, est en mesure de satisfaire à toutes îss demandes qui pourront lui être
adressées; elle garantit réellement à sa clientèle des instruments irréprochables sous tous les rapports.
:", RUE DCRGÉRE, 20.
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, I.
30« Année.
1V« 36.
ON S'ABONNE t
Dans lei Départements et i rÉtraDgrer, chez tous
les Marchands de Kusique, ks LibroireSi et auc
Pureaux des Messugeries et des Postes.
REVUE
6 Septembre 18C3.
PRIX DE L^ABONHEUEHT S
Paris 24 (r. par an
Dépnrtemeuts, Belgique et Suisse.... 31) » id.
Étranger ■■■ 34 » Id.
Le Journal paraît le Diinunche.
GAZETTE MUSICAL
— ^vv vAAAAAPovv^^-
SOMMAIRE. — Théâtre impérial de l'Opéra: Mlle Tietjens et les Huguenots,
par Paul Smith . — Réouverture du théâtre Lyrique impérial. — L'Anneau des
Nihelungen, par Richard Wagner ( 2' article ) . — Un touriste musicien en
Italie, en 1739 ( 2° et dernier article ) , par Em. Mathieu de Ilonter, —
Littérature musicale : la Musique à Paris, par Albert de Lasalle et Er. Thoinan.
— Nouvelles et annonces.
THÉÂTRE IMPÉRIAL DE L'OPÉRA.
mile Kletjens et les Mlwgwenots.
L'épreuve est accomplie : les Huguenots ont élé représentés qua-
tre fois de suite, et chaque fois Mile Tietjens s'y est montrée avec
un progrès manifeste ; chaque fois le succès qu'elle avait obtenu dès
le premier jour est devenu plus prononcé, plus décisif ; chaque fois
elle a été applaudie, rappelée avec plus de chaleur, et enfin, pour
tout résumer en un mot d'une éloquence irrésistible , chaque fois la
recette s'est élevée à ce chiffre qui est Vultima ratio des auteurs,
des artistes et des directeurs.
II y a huit jours, nous disions que Mlle Tietjens avait elle-même
posé les termes du cartel et que, pour être bien jugée, elle avait
demandé quatre soirées; mais savez-vous que pour toute autre
qu'elle, au heu d'être une garantie, ces quatre soirées eussent élé
un danger de plus, et nommez s'il vous plaît la cantatrice qui se se-
rait sentie de force à l'affronter? Mlle Tietjens a fait mieux : elle en
a triomphé sans effort, sans fatigue. Quelques jours lui avaient suffi
pour apprendre à dire en français ce rôle de Valentine, qu'elle avait
si souvent chanté en allemand et en italien. Nommez encore la canta-
trice qui eût, avec la même facilité, mené à bonne fin l'opération
contraire.
Mlle Tietjens est venue à Paris s'essayer devant un public qu'elle
ne connaissait nullement, dans un idiome qu'elle connaissait à peine.
Nous vous étonnerions beaucoup, et vous ne nous croiriez peut-être
pas, si nous affirmions qu'elle n'a rencontré sur son chemin que d'af-
fectueuses sympathies. Laissons de côté les obstacles moraux ; ne
parlons que des difficultés matérielles. Mlle Tietjens n'avait eu que
quelques semaines pour étudier son rôle, sur un lit de douleur, oîi
un accident l'avait jetée; elle n'a eu qu'une répétition au théâtre, et
pourtant elle est parvenue à se faire reconnaître unanimement
pour grande artiste. Elle a rempli sa tâche aussi bien que la
plupart de ses devancières ; elle a chanté, elle a joué mieux que
plusieurs d'entre elles, et la foule ne l'a pas abandonnée un seul ins-
tant. Nous savons la part qui revient au chef-d'œuvre dans cette
bonne fortune, nous faisons aussi celle des artistes, dont la débutante
était environnée, mais nous lui réservons la sienne, et nous deman-
dons s'il était possible d'espérer quelque chose de plus significatif,
y compris même les doutes, les critiques, leshostihlés perfides ou vio-
lentes, qui toujours servent d'escorte au talent et de témoignage au
succès.
Que Mlle Tietjens retourne aux pays oh elle jouit d'une popularité
immense, du moins elle ne pourra pas dire qu'elle a été méconnue
par laFrance, qui lui a contre-signe son brevet de grande artiste. Si en
Angleterre on lui adresse la question que la reine Marguerite fait
à Valentine dans les Huguenots :
Dis -moi le résultat de ton hardi voyage?
elle répondra, nous l'espérons, qu'elle n'a pas à s'en plaindre et
qu'elle est prête à recommencer.
Paul SMITH.
RÉOUVERTURE DU THÉÂTRE LYRIQUE IMPËRIM..
Oui, impérial ! Il ne l'était pas il y a trois mois : il l'est aujour-
d'hui, et c'est vraiment un beau litre, car il y a dessous la bagatelle
de 100,000 francs. Les théâtres impériaux sont les théâtres subven-
tionnés par l'Empereur, et M. Carvalho a obtenu, comme on sait,
l'honneur d'entrer dans cette noble catégorie.
Il a fait sa réouverture le jeudi 3 septembre, et nous a rendu ce
soir-là le Mariage pardon! les Noces de Figaro. Mme Carvalho
y a repris le rôle du page, et Mme Ugalde celui de Suzanne.
Mlle Brunetti a débuté dans le rôle de la comtesse, et M. Lutz dans
celui de Figaro. M. Petit, qui n'en est plus, depuis longtemps, à ses
débuts, a rempli pour la première fois le rôle du comte Almaviva.
M. Petit et M. Lutz sont deux barytons. Les rôles de Figaro et du
comte ont été écrits pour deux véritables basses-tailles. Obligés de
donner presque constamment les notes de leur voix les plus faibles,
les plus sourdes, ils ont dîi borner leur ambition à se faire entendre
tant bien que mal, et ils n'y ont pas toujours réussi. Nous connais-
sons M. Petit, et nous nous bornerons à le plaindre d'avoir vu son
talent soumis à cette épreuve. Le théâtre sans doute ne pouvait se
passer de son concours, et il s'est immolé. Louons ce généreux dé-
vouement qui, nous l'espérons, recevra bientôt sa récompense. — La
manière dont il joue le rôle d'Almaviva prouve d'ailleurs que ses
2S2
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
études dramatiques ont grand besoin d'être complétées. Il a un beau
chapeau galonné, et un riche pourpoint de velours, mais il en est bien
empêtré. Il se pose et se meut gauchement. Il dit froidement le
dialogue, et son débit a les pâles couleurs. Il ne sait ni railler, ni se
mettre en colère. Ce n'est pas tout que d'être chanteur : il faut en-
core être comédien.
M. Lutz nous semble avoir aussi, à cet égard, beaucoup à faire.
Mlle Brunetti, qui a débuté jadis à l'Opéra, a parcouru depuis le
monde, et chanté sur quantité de théâtres soit de !a province, soit de
l'étranger. De si grands travaux lassent les ©jrganes les plus vi-
goureux. — Quel piano, après dix ans de service, a la même sono-
rité qu'en sortant de l'atelier du facteur? — La voix de Mlle Brunetti
est donc un peu fatiguée, son chaut manque de couleur, d'accent, de
passion. Peut-être était-elle intimidée. La justice donc, et la politesse
nous commandent d'attendre qu'elle soit rassurée pour avoir sur elle
une opinion définitive.
Il ne faut plus parler de la voix de Mme Ugalde, qui était de ce
monde où les plus belles choses ont le pire destin. Mais elle a de
l'entrain, de la gaieté, de la verve, de l'audace... trop d'audace même.
Ne pourrait-elle en donner un peu à Mlle Brunetti?
Mme Carvalho chante avec une grâce parfaite l'air du second acte
et le duo du troisième. C'est toujours l'admirable artiste que l'on ne
se lasse pas d'entendre et d'applaudir. A elle tout le succès de la
soirée. Si elle fuisait l'effort de rendre ce Chérubin, Cherubino di
amore, ce page infernal, ce page endiablé, comme dit Almaviva, un
peu moins mélancolique, quel gré lui en sauraient tous ceux qui ont
lu Beaumarchais !
L. D.
L'ÂNNEÂU DES NIBELUNGEN,
Par BICHARD ^VACNEB.
(2= article) (1).
Deux mois d'entr'acte, c'est un peu long, n'est-ce pas ? Mais que
nos lecteurs nous pardonnent cette halte inusitée dans l'analyse d'un
ouvrage qui dépasse toutes les proportions ordinaires! Quelques-uns
d'entre eux s'impatientaient, nous le savons, et par leurs sommations
amicales nous engageaient à reprendre la tâche interrompue. D'au-
tres, et c'est le plus grand nombre, auront complètement oublié ce
que nous leur avons dit des Nibelungen et de leurs trois journées,
précédées d'un prologue, au milieu duquel nous les avons brusque-
ment quittés pour étudier l'œuvre entière. Ils ne se souviennent
plus des conditions proposées par Richard Wagner pour la représen-
tation de cette œuvre : une petite ville de province, une salle en
bois, un orchestre invisible, et surtout une troupe d'artistes choisis
parmi les meilleurs du pays, pour s'occuper uniquement d'apprendre
et de jouer leurs rôles dans la tétralogie.
Puisqu'il nous faut revenir à ce prologue, dont nous n'avons cité
que le début, rappelons qu'il a pour titre l'Or du Rhin (Rheingold),
qu'il se passe dans l'eau, dans la brume, entre des rochers et des
abîmes ; que les nymphes du fleuve, gardiennes de ses trésors, y
chantent en nageant et y nagent en chantant; enfin, qu'Albéric, l'un
des Nibelungen, entre en scène et goûte un certain plaisir à con-
templer les ébats de Weglinde, de Wellgunde et de Flosshilde.
Ajoutons que ce rôle exigerait les qualités d'un clown de première
force. Albéric, faisant la chasse aux belles nageuses , monte, des-
cend, bondit, court sur la crête des rocs, plonge, remonte, plonge
derechef et, l'instant d'après, sans reprendre haleine, se met à
(1) Voir le n° 28.
chanter. De guerre lasse, écumant de rage, harassé, épuisé, il s'ar-
rête et montre le poing aux nymphes qui se sont moquées de lui 1
Tout à coup, une lueur, qui devient de plus en plus vive , tombe
d'en haut, traverse les ondes et va frapper le milieu du rocher où
l'or du Rhin rayonne. Les nymphes chantent un trio dont voici en
abrégé le texte : « Heia, jaheia ! heia heia ! Wallahalla la la, leiajohei !
Or du Rhin! or du Rhin! Volupté luisante ! comme tu souris pur et
clair! Le fleuve étincelle, l'onde flamboie! Nous voguons en plon-
geant, en chantant et en dansant dans ton lit , comme dans un bain
délicieux, etc. » Chanter en nageant, ce n'était déjà pas mal, mais
danser au milieu (des vagjaes, c'est encore plus fort!
Alhéric veut savoir d'où vient cet éclat soudain , et Wellgunde lui
répond : « Le monde appartiendrait à celui qui façonnerait cet or
en anneau; sa puissance serait sans limites. » Woglinde lui dit en-
core : « Celui qui renoncera aux joies de l'amour, celui-là seul con-
naîtra le charme à l'aide duquel l'or peut se plier en forme d'an-
neau. » Albéric s'écrie : « Par toi je serais maître du monde ! — Si
par la force je n'obtiens pas l'amour, du moins par la ruse j'aurai
la volupté! (Prenant une voix terrible.) Raillez toujours: voici le
Nibelung qui s'approche de vos jeux! (Il s'élance avec fureur sur le
rocher et grimpe jusqu'au sommet, malgré les cris des nymphes.]
J'éteins la lumière qui vous éclaire ! J'arrache l'or des entrailles
du roc ! Je forgerai l'anneau vengeur ! car — que le fleuve l'entende
— je maudis l'amour ! » Albéric s'enfuit avec son trésor et disparaît
dans l'abîme, où les filles du Rhin le suivent en criant au voleur !
Ici la scène change : les eaux se transforment eu nuages, puis en
brouillard; une contrée montagneuse apparaît; sur le haut d'un ro-
cher, un château dresse ses créneaux. Odin, que l'auteur appelle
Wotan, et Frigga, sa femme, qu'il nomme Fricka, sommeillent sur le
gazon fleuri.
A leur réveil, ils ont ensemble un loug entretien qui nous apprend
que les géants Fasolt et Fafner ont construit le château, et qu'en re-
tour Odin a promis de leur livrer Freïa, sœur de Frigga. Les géants,
armés de gros bâtons, viennent réclamer le prix de leur travail. Sur
le refus d'Odin de les satisfaire, ils enlèvent Freïa de vive force, en
promettant de la lui rendre, s'il cousent à les mettre en possession
de l'anneau des Nibelungen.
A peine Freïa est-elle partie, que les ténèbres enveloppent la scène :
les dieux pâlissent et semblent atteints d'une subite vieillesse. L'un
d'eux. Loge ou Loke, dit qu'il connaît la cause de cet effet. Ils n'ont
pas encore mangé en ce jour des pommes d'or du jardin de Freïa,
et ce sont elles qui leur donnent la vigueur et la jeunesse. « Sans
ces fruits, vous vieillissez, le monde vous raille et la race divine
s'éteint. »
Odin et Loke prennent le parti de descendre à Nibelheim, capitale
du pays des Nibelungen ; ils plongent dans l'abîme sulfureux, et re-
paraissent en ramenant Albéric, qu'ils ont garrotté. Odin lui arrache
l'anneau, et Albéric est débarrassé des liens qui l'étreignaient. «Suis-je
libre maintenant ? s'écrie-t-il , réellement libre ? Eh bien , voici le
premier salut que vous adresse ma liberté ! Par une malédiction, je
me suis emparé de l'anneau, qu'il soit maudit à son tour! Si son or
m'a donné une puissance sans limite, que son charme donne la mort
à celui qui le porte ! que le maître de l'anneau en soit l'esclave, qu'il
souffre et se consume, jusqu'à ce que ce joyau soit de nouveau en
ma possession ! »
Freïa est rachetée ; les géants s'en vont avec l'anneau ; Odin et
Frigga se retirent dans le château de Walhalla.
Que vous en semble, lecteurs? Est-ce là un prologue? Est-ce là
une conception lyrique, dramatique, allégorique? Avez-vous percé
les profondeurs de ces symboles, de ces emblèmes, de ces lambeaux
d'une mythologie des plus obscures? En ce cas, nous vous en faisons
bien notre compliment, car vous êtes plus heureux que nous-même.
DE PARIS.
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Nous nous sommes tiré, comme nous l'avons pu, du dédale inextri-
cable de scènes, du déluge infini de vers, dont ce prologue se com-
pose ; nous avons de notre mieux dégagé le squelette informe d'ac-
tion que nous avons trouvé dans ses quatre-vingt-quinze pages, for-
mant à peu près le quart du volume et de l'œuvre. Que de plus forts
et de plus habiles fassent le reste ; puissent-ils découvrir un monde
oîi nous n'apercevons que le chaos ! Ce qui nous console un peu,
c'est de voir qu'en Allemagne on apprécie assez nettement le sys-
tème de Richard Wagner et l'application qu'il en fait au théâtre. Un
journal, l'Echo de Berlin, s'exprimait dernièrement en ces termes :
c( Nous ne discuterons pas la question de savoir si la tradition des Nibe-
limgeti peut être dramatisée avec succès. En tout cas, le drame veut
des hommes véritables , des sentiments humains, une volonté hu-
maine. Tous les poètes dramatiques modernes qui ont traité ce
sujet, soit d'après le poëme épique des Nibehmgen, soit d'après les
ancio'iims Sagas, se sont attachés à faire ressortir l'élément humain.
Ricl.ard Wagner a pris une route opposée : il a puisé dans les Lieder
de l'Edda ; il suit la généalogie des Nibelungen, nous conduit à tra-
vers les ténèbres primitives qui enveloppent les dieux du Nord, nous
initie à leurs rapports de famille, à leurs querelles. Dans l'Anneau
des Nibelimgm, il n'y a d'autres personnages, outre les dieux et les
demi-dieux, que des hommes de nature hybride, parents de ceux qui
se meuvent dans le monde des puissances magiques. » Et quand on
songe que tout cela est destiné à être mis en opéra! Quand on songe
que dans l'intention de l'auteur, il faudrait écouter pendant quatre
jours consécutifs de pareils poëmes ornés d'une musique dans le
genre de celle de Tannhœuser ou de Lohengrin, peut-être même de
Tristan et YseuU! En vérité, le vertige vous prend, comme lorsqu'on
regarde au fond d'un précipice! Pour se remettre, pour revenir à
soi, l'on a besoin de se rattacher à cette idée , bientôt changée en
conviction, que Richard Wagner a rêvé l'impossible.
Nous aussi, qui voulions esquisser l'analyse des trois poëmes dont
VOr du Rhin n'est que l'introduction, nous avions trop présumé de
notre courage, de notre patience. Nous risquerions trop à poursuivre
une entreprise pleine de périls et plus encore d'ennui. Qui sait ? peut-
être nous soupçonnerait-on d'inventer ce que nous nous bornerions
à transcrire, car, il faut l'avouer, jamais le vrai ne fut moins vrai-
semblable que dans les productions d'un auteur pour qui l'avenir
seul a quelque attrait. Donc, au lieu d'examiner minutieusement et
pas à pas les trois journées, en trois actes chacune, intitulées :
la Valkyrie, Sigefroy et le Crépuscule des Dieux (Gœtterdammerung,
titre qui n'est pas plus clair en allemand qu'en français), nous les
parcourrons à vol d'oiseau, nous arrêtant seulement aux endroits
les plus saillants, aux singularités les plus dignes d'être remarquées.
Vous savez que les Valkyries étaient des divinités Scandinaves
qui, sur le champ de bataille, coupaient la trame de la vie des guer-
riers, et dans le palais de Walhalla, leur versaient la bière et l'hydro-
mel. Dans la première journée, à laquelle la Valkyrie prête son nom,
nous retrouvons Odin et Frigga. Il est question d'une épée enfoncée
par Odin dans le tronc d'un chêne, et qui doit appartenir à celui
dont le bras sera assez vigoureux pour l'en arracher. Un certain Sieg-
mond est cet homme prédestiné : il arrache l'épée, avec laquelle il
doit combattre un ceitain Hunding, son mortel ennemi, par suite de
ces haines de famille infiniment trop prolongées. Odin veut que Sieg-
mond triomphe ; mais Frigga n'entend pas que Hunding soit vaincu,
et, sur ses remontrances, Odin change d'avis.
Suivent des conversations interminables entre Odin et la Valky-
rie, Brunnhilde, que désole le changement d'avis. Odin lui dit entre
autres choses : ^ Aibéric a maudit l'amour et a conquis ainsi l'or bril-
lant du Rhin, et avec lui une puissance sans bornes. Son anneau je
le lui ai enlevé par la ruse, mais je ne le rendis pas au Rhin ; je le
donnai aux géants qui m'avaient bâti Walhall, d'où je gouvernai dès
lors les hommes. Erda, qui sait tout, me dissuada de garder l'an-
neau et m'avertit de la fin éternelle (sic). Je voulus en savoir davan-
tage, mais cette femme disparut. »
En dépit de ces explications et de bien d'autres encore , lorsque
Siegmond et Hunding sont en présence, Brunnhilde se déclare en
faveur du premier. On la voit, à la lueur des éclairs, planer au-des-
sus de sa tête et le couvrir de son bouclier ; on l'entend lui crier :
« Frappe le Siegmond ! Aie confiance dans l'épée victorieuse ! » Mais
la voix d'Odin se fait entendre aussi, et sa lance brise en éclats
l'épée de Siegmond : Hunding lui plonge la sienne en pleine poi-
trine. C'est tout à fait un combat à la façon des dieux et des héros
d'Homère. Odin jure de punir la Walkyrie, et disparaît au bruit du
tonnerre.
Au troisième acte, Brunnhilde, toujours poursuivie par Odin, re-
met à la fille de Siegmond les morceaux de l'épée de son père, en
lui annonçant que le fils qu'elle porte dans son sein et qui se nom-
mera Siegfried ou Siegefroy (le victorieux) forgera avec ces fragments
une épée nouvelle. Pour punir la Walkyrie qui lui a désobéi, Odin
la renferme dans un château enchanté, entouré de flammes éter-
nelles, oîi elle dormira jusqu'à ce qu'un héros vienne la réveiller.
La seconde journée a Siegefroy pour principal personnage. Le pre-
mier acte se passe dans une forêt; on y voit à gauche sur le devant
une caverne, et dans le fond une forge, avec une enclume formée
d'éclats de rocher. Mime, un nain, se tient debout devant l'enclume
et s'occupe à forger une épée ; puis il s'arrête et chante : « Con-
trainte et ennui ! peines perdues ! La meilleure épée que j'aie jamais
forgée ! Elle résistait très-bien dans la main des géants ; mais lui,
pour qui je l'avais faite, ce petit drôle, il la casse et la brise comme
un joujou d'enfant ! »
Siegefroy, grossièrement vêtu en habitant des bois, entre brusque-
ment. Il a attaché un ours énorme à une corde faite d'écorce d'arbre
et il ne cesse de l'exciter contre Mime. Saisi de terreur, ce dernier
laisse tomber l'épée et se sauve derrière l'enclume. Siegefroy le pour-
suit avec son ours, qu'il lance toujours contre lui. Voici un échan-
tillon de leur dialogue :
Siegefroy. — Hoïho ! hoïho! mords-le ! mords-le ! mange-le ! Mange-
le ! (Il éclate de rire) .
Mime. — Eloigne la bête !... A quoi bon cet ours?
Siegefroy. — Je viens à deux pour mieux te pincer. {S'airessant à
l'ours) Brunet, informe-toi de l'épée.
Mime. — L'arme est là-bas : je l'ai terminée tout à l'heure.
Siegefroy. — Te voilà sauvé pour aujourd'hui. (Il ôte la bride à
l'ours et lui en donne un coup sur le dos). Cours, Brunet, de toi je
n'ai plus besoin.
Mi7ne (il sort tremblant de sa cachette derrière Venclumé). — J'aime
bien te voir tuer les ours, mais pourquoi les amener vivants?
Siegefroy {fatigué de rire, s'assied pour reprendre haleine). —
Je cherchais un meilleur ouvrier que je n'en ai chez moi ; au
fond des bois j'ai fait résonner le cor (si un ami voulait se joindre
à moi); voilà ce que demandaient les sons de l'instrument. Du fourré
sortit un ours qui m'écoutait en grognant ; je le trouve plus à mon
gré que toi, mais j'en rencontrerai sans doute encore de meilleurs. {Il
se lève et se dirige vers l'épée.)
Mime saisit l'épée pour la présenter à Siegefroy. — J'ai solide-
ment trempé l'arme ; tu seras satisfait de son tranchant.
Siegefroy prend l'épée. — A quoi sert le tranchant, si l'acier
n'est pas dur et solide! {IL l'essaye de la main). Eh! qu'est-ce que
ce bibelot? Cette broche- là, tu l'appelles une épée? {Il la brise
sur l'enclume, et la fait voler en éclats ; Mime saute de côté avec
terreur). Tiens, voilà les morceaux, misérable gâte-fer ! que ne te l'ai-
284
REVUE ET GAZETTE MUSlCALlS
je cassée sur le crâne ! Me laisserai-je duper encore par ce hâbleur !
Il parle de géants et d'exploits, il s'offre à me forger des armes, il
vante son art, comme s'il était passé maître, et d'un seul coup je
casse sa drogue ! Si le drôle ne me semblait pas trop galeux, je le
briserais avec son joyau. Je n'aurais plus à me mettre en colère! (Il
se jette furieux sur un banc de pierre, à droite.)
Mime (qui s'est constamment tenu sur ses gardes). — Voilà que tu
te démènes encore comme un forcené ! Ma foi, tu es un vilain in-
grat! Tu mangeras bien, n'est-ce pas? Tiens, voilà le rôti que
j'ai retiré de la broche ; veux-tu goûter à la boisson que j'ai brassée
pour toi? (Siegefroy, sans se retourner, lui fait tomber des mains le
pot et le rôti.)
Mime. — De toutes mes peines, voilà le prix ! Le fou-
gueux enfant me tourmente et me hait.
Siegefroy. — Tu m'as enseigné bien des choses, et j'en ai appris
aussi ; mais ce que tu aimerais le mieux à ra'enseigner, et ce que
je n'ai jamais pu apprendre, c'est à pouvoir te souffrir. Quand je te
vois aller et venir, cligner des yeux, il me prend envie de t'em-
poigner par !a nuque et de te faire ton affaire. L'arbre, l'oiseau, les
poissons dans le ruisseau, je les aime mieux que toi. — Gomment se
fait-il que je revienne ici?
Mime. — Ce que pour l'oiselet est l'oiseau qui le nourrit avant
qu'il puisse voler, voilà ce que Mime est pour toi !
Siegefroy. — Ah! Mime, si tu as tant d'esprit, apprends-moi en-
core ceci. Les petits oiseaux chantaient avec tant de bonheur au
printemps : l'un appelait l'autre; tu me dis que c'était le mâle et la
femelle Or, où as-tu vu. Mime, ta femelle aimée,
pour que je l'appelle ma mère?
Mime (embarrassé). — Je suis pour Loi père et mère en même
temps
Siegefroy (le prend à la gorge) — Parleras-tu? qui est mon père?
qui est ma mère?
C'est bien malgré nous que nous ajournons à huitaine la réponse
à cette question; mais nous espérons que nos lecteurs n'auront pas
été insensibles au charme littéraire du petit morceau que nous ve-
nons de leur servir dans sa native simplicité.
( La suite prochainement.)
UN TOURISTE IIIUSICIEN EN ITALIE,
En t939.
{2' et dernier article) (1).
Le comte de Brosses et ses amis arrivèrent à Eome dans les pre-
miers mois de 1740. Ils y firent un assez long séjour, interrompu
par de fréquents voyages à Turin, à Milan, à Parme et à Modène.
De ces excursions, le touriste bourguignon rapportait d'amusants sou-
venirs. « Pendant le carnaval, à Milan, écrit-il, impossible de rien
entendre au théâtre. Messieurs du parterre font la conversation du
plus haut de la voix, et applaudissent par des hurlements. Ils ont de
longs bâtons dont ils frappent tant qu'ils peuvent sur les bancs, par
forme d'admiration. Dans les loges chacun s'élance à mi-corps pour
saisir au passage les feuilles lancées d'en haut et contenant un sonetto
imprimé à la louange de la signora ou du virluoso qui vient de
chanter. Le plus grand carillon est le plus grand triomphe, et le dé-
noûment de la pièce est un mal de tête prodigieux infligé aux as-
sistants. »
(1) Voir le n' 34.
Une fête moins tumultueuse le retient chez le duc de Modène, qui
célèbre, à sa cour, la première représentation d'un opéra de sa
composition : le Carnaval et la Folie. Après le spectacle on sert un
souper au parterre, dans chaque loge, sur le théâtre et à l'orchestre.
Au dessert, la duchesse de Modène, Mlle de Valois, fille du régent,
figure habillée en homme, dans un ballet de circonstance.
En traversant Turin, le comte de Brosses ne manque pas d'aller
présenter ses hommages au marquis de Senneterre, ambassadeur de
France « qui n'a pas inventé la poudre, mais, ce qui est bien pré-
férable, qui aime passionnément la musique. » En son honneur, M. de
Senneterre organise un concert. Lanzetti, violoncelliste, et les deux
Besozzi, hautbois et basson, « y eurent de petites conversations mu-
sicales dont il fallait se pâmer d'aise, » et de Brosses avoue « que
dans sa vie il n'a rien éprouvé de plus enchanteur, et que cela ne
se peut comparer qu'à la Nuit du Corrége. »
Le carnaval terminé, notre voyageur revint à Rome, son séjour de
prédilection, à Rome qui l'attirait par de puissantes séductions artis-
tiques. Il y retrouvait ses amis, ses compositeurs aimés, et les deux
fils du prétendant Jacques III, Charles-Edouard, le glorieux vaincu
de Gulloden, et le cardinal d'Yorck, son frère, qui l'avaient pris en
affection. Le premier jouait très -bien du violoncelle, le second chan-
tait avec une jolie petite voix d'enfant, du meilleur goût. Tous deux
aimaient passionnément la musique, et les concerts qu'ils donnaient
étaient les plus suivis de Rome. On faisait encore d'excellente musique
chez le doyen du sacré collège, Ottoboni, grand amateur des psaumes
en langue vulgaire du Vénitien Marcello. Ces réunions d'élite con-
solaient de Brosses de la pitoyable exécution, au théâtre Gapranica,
de Mérope, opéra nouveau :« Il y avait, dit-il, ce soir-là, une foule à
étouffer ; les décorations n'étaient ni finies ni tendues ; on voyait les
murailles de tous côtés, les violons ivres, les rôles mal sus, les ac-
teurs enrhumés, une Mérope abominable, un Polyphonie à rouer de
coups. Le lendemain, le gouverneur de Rome fit mettre en prison
l'entrepreneur, la pièce et les acteurs. In questo modo fii finita la
eommedia. » Je m'explique la colère du comte de Brosses. Il ne
vivait alors, il ne parlait, il n'écrivait que de musique. Sa corres-
pondance est bien certainement le traité le plus complet, le plus
technique, et en même temps le plus attrayant de l'art musical en
Italie à cette époque. 11 étudie, il discute, il compare : nature des
voix, méthodes d'enseignement, composition des orchestres, exploi-
tation des théâtres, analyse des pièces, ressources musicales de la
langue italienne, aptitudes spéciales du peuple, parallèle entre le gé-
nie français et le génie italien, tout devient pour lui matière à exa-
men et à jugement. Depuis lors, ces questions ont été bien souvent
agitées ; le débat est clos, sinon vidé maintenant ; mais on n'a jamais
mieux vu, mieux pensé et mieux dit que Charles de Brosses.
Au milieu de ces études, une grande douleur le frappe : la mort
de Pergolèse. « Ah ! le gracieux génie, simple et nalural ! — s'écrie-
t-il avec une émotion qui vient du cœur. — On ne pouvait pas
écrire avec plus de facilité, de charme et de goût. Consolez-moi
dans mon affliction ; mon pauvre favori vient de mourir de la poi-
trine, à l'âge de trente-trois ans.. . » Les regrets de de Brosses fu-
rent sincères et durables ; mais, soit qu'il ne voulût pas en at-
trister ses amis de Dijon, soit que son heureuse nature reprît le
dessus, nous le voyons bientôt revenir à ses judicieuses critiques,
à ses anecdotes piquantes, à ses charmantes vivacités et à ses élans
de jeunesse. Lisez ce qu'il écrit après une promenade à Baïa : «... La
bonne compagnie, en vérité, que l'on trouvait là du temps de Cioé-
ron, d'Horace, d'Auguste, de Mécène et de Catulle ! Les jolis soupers
qu'on allait faire, en se promenant au son des flûtes, à la bastide
de LucuUus, près du promontoire de Misène! le beau spectacle pour
sa soirée que ces nefs dorées, que cette mer couverte de roses , que
ces barques pleines de jolies femmes, que ces concerts sur l'eau,
DE PARIS.
285
que tout ce luxe en un mot, si sottement blâmé par Sé.jèque! »
N'est-ce pas là le langage d'un artiste et d'un grand seigneur, et
savez-vous quelque chose de plus pimpant et de plus frais?
Les devoirs de sa charge de conseiller au Parlement ne permirent
pas au comte de Brosses de prolonger son voyage autant qu'il l'au-
rait voulu, mais il était resté assez longtemps en Italie pour y former
son goût, et pour y acquérir les connaissances musicales approfon-
dies qu'il mit ensuite en lumière dans un grand nombre d'ouvrages
spéciaux. Le temps a ratifié ses appréciations. Non plus dans ses let-
tres d'Italie, mais dans dautres lettres écrites de Paris eu 1754, il
disait de l'opéra de son compatriote Rameau, Castor et Pollux :
« Pièce à la française, noble, belle, triste, assez ennuyeuse. » Et il
mettait en regard la musique italienne des Bouffons : « Combien
tout ceci est au-dessus de notre musique française!. . . La musique
leur doit beaucoup à Paris; ils oiit commencé d'y apprendre (d'y
enseigner) ce que c'était que du coup d'archet, des nuances et de
l'accompagnement, choses dont on n'avait pas même de soupçon. Il
est étonnant combien ils ont perfectionné l'orchestre de l'Opéra, qui
commence à être un bon écolier. » Du Devin du villaçie, de Rous-
seau, dont tout le monde raffolait alors, il jugeait sans hésiter et en
homme qui sait de quoi il s'agit : « C'est une petite misère villa-
geoise, qui est jolie et agréable la première fois, quand on ne la sait
pas ; quand on la sait, ce li'est plus qu'un lampion et un pont-neuf.
Il n'y a point d'étoffe là-dedans. » En 1756, il proposait comme in-
novation et souhaitait, à son grand honneur, « de voir établir à Paris
un opéra italien, en laissant subsister le nôtre tel qu'il est. « Ce
vœu est maintenant une réalité ; mais puisque le vent est, de nos
jours, aux œuvres de justice et de réparation, j'aimerais assez à voir
le buste du comte de Brosses au foyer du théâtre Italien. De tels
fondateurs honorent uue fondation.
Jlembre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, premier
président au Parlement de Dijon, ami de tous les hommes supérieurs
de son temps, l'ancien touriste musicien de 1739 resta jusqu'à la fin
fidèle à son éducation artistique italienne, et de même que Bayle et
Diderot avaient créé la critique littéraire exacte , émue, fine et em-
pressée, le comte de Brosses créa, pendant son voyage en Italie, la
critique musicale vive, féconde, pénétrante, et, si je puis dire, il lui
trouva son âme. C'est que pour lui la meilleure manière, non-seule-
ment de sentir, mais de faire valoir les belles œuvres, c'était de se
laisser faire chaque fois en les entendant, en parlant d'elles ; d'ou-
blier, autant qu'il le pouvait, qu'il les possédait de longue main, et
de recommencer avec elles, comme s'il ne les connaissait que de la
veille. Le jugement, ainsi retrempé à sa source, diît-il rester infé-
rieur quelquefois à ce qu'on avait trouvé précédemment, y reprend
du moins de la vie et de la fraîcheur.
A l'exemple du président de Brosses, les musiciens, les hommes
de goût et de loisir devraient, pour eux seuls, revenir , tous les qua-
tre ou cinq ans, sur leurs anciennes et meilleures admirations, les
vérifier, les remettre sur le pupitre comme nouvelles, c'est-à-dire les
réveiller, les rafraîchir, au risque même de voir s'y faire çà et là
quelque dérangement; l'essentiel est qu'elles soient vives. Toutes
celles de ces admirations qui sont bien fondées, si les artistes eux-
mêmes ne sont pas devenus, dans l'intervalle, moins dignes de
comprendre le beau, toutes ou presque toutes gagneront et s'accroî-
tront à cette revue sincère. Les vraiment belles choses paraissent
de plus en plus telles en avançant dans la vie et à proportion qu'on
a plus comparé. Ce sera la moralité que nous pouvons tirer de notre
voyage en Italie, à la suite du noble touriste « du pays de Bourgogne.»
Em. Mathibd de monter.
littërâtdre musicale.
liA UCSIQtJB A PARIS,
Par Albert de Laiialle et Er. Vboinan.
Acquittons une dette déji ancienne, en nous occupant d'un ou-
vrage auquel toutes nos sympathies sont acquises et qui ne mérite
pas moins celles de nos lecteurs. Nous aimons beaucoup les vieux
journaux, dans lesqiie's le passé se représente à nous par fragments
dépareillés, sans ordre, sans méthode, oîi chaque pas amène une
trouvaille, une surprise, qui réveille les souvenirs en foule. Nous
n'avons pas moins de goût pour les annuaires, véritables miroirs
d'une époque, sur lesquels il suffit de jeter un coup d'œil pour re-
trouver ce que l'on cherche, pour vérilier un fait, s'assurer d'une
date, rattacher le fil des événements, et, si le cœur vous en dit, re-
monter des effets aux causes. La Musique à Paris n'est autre chose
que le miroir exact et fidèle de l'année 1862, prise au point de vue
musical. Tout ce qui s'est accompli, tenté, risqué en ce genre pen-
dant les douze mois de cette période, a été saisi au vol et conscien-
cieusement enregistré par les deux auteurs sous les rubriques sui-
vantes : Actes de l'autorité, InsHtut de France, Théâtres, Concerts,
Musique religieuse, Enseignement musical. Littérature muicale,
Nécrologie, Variétés.
La plus grande difliculté pour l'auteur d'un livre, tel que celui dont
nous parlons, c'est de l'écrire avec une certaine impartialité, mais en
même temps avec assez d'esprit et de sel pour en rendre la lecture
constamment agréable et facile. Nos deux chroniqueurs n'ont pas
mal réussi dans cette double tâche. Sauf de rares exceptions, leurs
jugements nous ont paru de tout point justes et raisonnables.
Si, dans leurs comptes rendus de pièces nouvelles ou de reprises,
ils n'ont pas toujours parfaitement observé la différence qui doit exis-
ter entre le style d'un article écrit le lendemain et celui d'un an-
nuaire, fait pour être lu à distance, nous nous plaisons à reconnaître
qu'ils n'ont jamais dépassé les limites d'une ironie permise, et qu'ils
ont su critiquer sans laisser de blessure trop profonde. A propos
des concerts qui se multiplient durant le carême, quand l'heure des
grandes orgies musicales est sonnée, ils se sont bien gardé de con-
fondre ce qui doit être soigneusement séparé, l'œuvre d'art et celle
de métier. Ils n'ont pas eu le tort de prendre pour un concert ce
qui n'est qu'une réclame, que tout artiste a bien le droit de donner
annuellement dans l'intérêt de sa chentèle.
Bref, ta Musique à Paris est assurément fort digne de l'attention
des artistes et des amateurs : sa place est marquée dans les biblio-
thèques, oià elle se rangera entre les ouvrages savants, composés
pour l'avenir, et les productions légères, destinées à ne vivre qu'un
jour.
P. S.
NOUVELLES.
**« L'Opéra a donné cette semaine les Huguenots pour les trois der-
nières représentations de Mlle Tietjen».
^,** Mme Tedesco est de retour à Paris après une absence d'un mois
qu'elle a passé à Wiesbaden.
,*» Mlle Wertheimber vient d'être engagée à l'Opéra ; elle y débutera,
demain lundi, dans le rôle d'Asucena du Troucèfe ; Villaret remplira le
rôle de Manrique.
**, M. de Saint-Georges travaille activement avec MM. Rota et Giorz»
au ballet destiné aux débuts de Mlle Amina Boschetti. On pense qu'il
sera prêt vers la fin d'octobre.
29Û
REVLE ET GAZETTE MUSICALE
^*t, Un journal annonce le prochain mariage de la jeune danseuse de
l'Opéra Mlle Vernon avec M. Gaïffe, homme de lettres.
^*» Mlle Tietjens est partie hier matin, pour Londres; Aless. Bettini
et sa femme, Mme Trebelli-Bettini, sont partis également. Ces Irois ar-
tistes, avec Mmes Lemmens-Sherriugton, Weiss, Wilkinson et Palmer ;
MM. Sims-lieeves, Montene, Santley, Boissi et Weiss, sont engagés pour
chanter au festival musical de Korwich, qui doit avoir lieu le Ji sep-
tembre et se prolonger jusqu'au 18. Les chœurs et l'orchestre compren-
dront quatre cents exécutants, sous la direction de Benedict. Le pro-
gramme se compose, entre autres, des oratorios Judas Machabéc et le
Messie, de Ilaendel; Elie. de Mendelssohn; Richard Cœur de Lion, nou-
velle cantate de Benedict, et une sérénade nuptiale, composée par
M. Cusins à l'occasion du mariage du prince de Galles.
:i,** Les Amours du Diable continuent à attirer beaucoup de monde au
théâtre de l'Opéra-Comique. — Hier soir on a représenté les Noces de
Jeannette et le Caïd ; le nouveau baryton Eug. Battaille débutait dans
le chef-d'œuvre d'Amb. Thomas.
a,*j. Le directeur du théâtre Italien vient de publier son programme
de la saison. Les artistes engagés jusqu'à ce jour pour la double exploi-
taiion de Madrid et Paris sont : Prime do7ine soprani, mezza sojjrani et
coniralti, Mmes .\nna de la Grange. Borghi Mamo, Calderon, Gassier,
de Méric-Lablache, Marchisio (Carlotta), .Marchisio (Barbara), Patti (Ade-
lina), Vander-Beek, Mariotti. Primi tenori, MM. Baragli, Fraschini, Mario,
Musiani, .^'■colini, Pagans. Primi bariloni, MM. Agnesi, Delle-Sedie, Gi-
raldoni, Guicciardi, Guadagnini, Mofelli. Primi bassi , iMM. Antonucci,
Bouché. PiiHif bufft MM. Rovère, Scalese. Parti comprimarie et secondarie,
M,M. Arnoldi, Capello, Leroy (lenori), Mercuriali, Padovani, Vairo (bassi).
Diretlore d'crchcstra, M. Castagneri. Dircttorc del canio, M. Alary, Ùiret-
ture dei cori, M. Gautier. Piltore scenografo, M. Ferri. — Outre le répertoire
co'irant, deux ouvrages nouveaux sont annoncés: la Forza del destina
(.1 Simon ISoccanegra, de Verdi. On reprendra, outre le Mose de Rossini,
Béatrice di Tenda, de Bellini, Linia di Chamounix, Maria di Rohan,
Saffo^àe Pacini. — Les représentations auront lieu les dimanche, mardi,
mercredi, jeudi et samedi ue chaque semaine. — Diverses modifications ont
été apportées à l'aménagement intérieur de la salle. Le parterre .est
supprimé; des loges supplémentaires sont construites sur son emplace-
ment. Un amphithéâtre a été disposé aux quatrièmes pour tenir lieu
des places de parterre. Le prix en a été fi.xé à i francs. La profondeur
de la scène a été diminuée de 2 mètres, de sorte que les loges d'avant-
scène qui se trouvaient au-delà de la rampe seroni, désormais en deçà.
L'orchestre sera dans toute sa longueur divisé par une allée spacieuse,
qui permettra à cliacun de se rendre commodément à sa stalle.
^*f Le théâtre Lyrique impérial a fait jeudi sa réouverture par les
Noces.de Figaro, devant une nombreuse et brillante assemblée. — Vendredi
il a donné la Statue; Monjauze y a reparu aux nombreux applaudisse-
ments-de l'auditoire. .Mlle Reboux y débutait dans le rôle de la Statue,
créé par Mlle Baretti.
»*a, Meyerbeer vient d'arriver à Paris; il va se rendre aux bains de
mer de Dieppe.
^*.j, H. Panofka est de retour de son excursion en Belgique.
.^*^ M. Marchesi est engagé pour la saison prochaine au théâtre de
Sa Majesté à Londres : il y jouera le double répertoire ancien et mo-
derne. D'ici là, il doit se rendre dans plusieurs villes d'Allemagne ,
où le rappellent ses derniers succès au théâtre et dans les concerts.
-j,*^ Au nombre des artistes qui parcourent en ce moment les pro-
vinces d'Angleterre après la saison de Londres, noiis devons une men-
tion spéciale à M. et Mme Volpini qui y donnent, en compagnie de Sant-
ley et de la basse Rossi, des concerts très-suivis. On se rappelle le
succès de Mme Volpini au théâtre Italien; celui qu'elle a obtenu au
théâtre de la Reine à Londres n'a pas été moins grand. Quant à son
mari, il tenait une belle place sur les scènes d'Amérique. A Derby, où
Mme Volpini a donné son premier concert, elle a provoqué un vérita-
ble enthousiame.
:,,*» Un arrangement pour petit orchestre de YOuverture en forme de
marclie, composée par Meyerbeer pour l'exposition de Londres, vient de
paraître. On en a retranché les parties de clarinette basse, troisième
et quatrième basson, deuxième petite flûte, troisième et quatrième
trompette, de façon à en rendre l'exécution accessible à toute réunion
musicale.
*** Le Ménestrel de dimanche dernier contenait, sous le titre de pe-
tite chronique , une anecdote concernant EUeviou et la répétition de
l'opéra-comique, le Poète et le musicien. La petite chronique était pré-
cédée de la note suivante : « On lit dans le journal le Tliéâlre: « Nous
découvrons dans une feuille de jadis l'histoire suivante; elle nous a paru
avoir son piquant, etc.» Pourquoi ne compléterions-nous pas cette note
en disant que la feuille de jadis est la Iteme et Gazelle musicale ?En effet,
au n° 21 de l'année 1842 de ce journal, on trouvera le fragment re-
produit par nos deux confrères et portant la signature de Paul Smith,
qui tenait l'anecdote de M. Dupaty lui-même.
tT't, Les journaux de Londres sont unanimes à constater l'immense
succès que continue d'obtenir le violoniste Isidore Lotto, « pupil of
M. Massart, an eminent professer of the Paris, Conservatoire », dit le
Times du 25 août. A l'un des derniers concerts de M. Alfred Mellon,
ajoute le Morning Star, M. Lotto a joué un charmant concerto de Viotti,
avec un fini exquis et une puissance magistrale , puis le Mouoement
perpétuel de Paganini; après l'exécution de ce délicieux et brillant
morceau, le public enthousiasmé rappela plusieurs fois le jeune artiste
et lui demanda les variations sur le Carnaval de Venise, qu'il s'empressa
d'exécuter au milieu des applaudissements et des acclamations frénéti-
ques de l'auditoire.
„,■*, On écrit d'Ems : « Le dernier concert du Kursaal a été le plus
beau auquel il nous ait été doniié d'assister. Après le grand trio en ré
mineur de Mendelssohn, exécuté par Mme Escudier-Kastner, MM. Batta
et Vieuxtemps, Mme E. Kastner s'est surpassée dans l'admirable et si
difficile fantaisie sur le Prophète, de Liszt; Vieuxtemps a joué sa Fanta-
sia appassionata et deux mélodies irlandaises avec un talent qui ne
compte plus de rivaux. Enfin Vivier a exécuté avec sa merveilleuse ha-
bileté et une expression de sensibilité qui mouillait tous les yeux l'Eloge
des larmes, de Schubert. En vérité, Vivier est un grand artiste ! A côté
de ces célébrités do premier ordre, Monari Rocca s'est fait applaudir
en chantant avec goût et d'une voix sympathique l'air du bravo de
Mercadante. «
»** Pendant le séjour qu'a fait l'empereur d'Autriche à Darmstadt, le
directeur du théâtre de cette résidence et du théâtre de la ville, à
Mayence, M. Tesoher, a reçu de Sa Majesté la décoration de chevalier
de l'ordre de François-Joseph.
^*,j On lit dans la Gazette musicale universelle do Leipzig : « Après
la première représentation de Fidelio, de Beethoven, au théâtre de
Dresde, le 29 avril 1823, le directeur général de la chapelle et du
théâtre de la Cour, baron de Kœnneritz, lui adressa le billet suivant :
« A M. le maître de chapelle Beethoven, à Vienne: Votre opéra de Ficif/io
vient d'être représenté avec un succès complet ; je me réjouis de pou-
voir vous le faire savoir, et je joins à ma lettre le montant de vos ho-
noraires (40 ducats), avec l'expression de ma gratitude; je vous prie de
me renvoyer signée la quittance ci-incluse, pour la caisse du théâtre.»
,j*,t Franz Liszt a eu dernièrement une audience au Vatican. A cette
occasion il a reçu du pape un fort beau camée. Le célèbre pianiste-
compositeur a écrit une liymne pour la fête de Saint-Cyrille, l'apôtre
des Slaves, à l'églisii de San Girolamo degli Schiavoni.
jf*^, M. le docteur Ludwig Nohl, qui écrit une nouvelle biographie de
Beethoven, prie les personnes en possession de lettres, documents ou
renseignements quelconques sur la vie du maître, de lui en donner avis
où de lui en faire adresser copie à Munich, Schiilergarten, U, docteur
Ludwig Nohl.
t** M. de Filippi, l'un des hommes les plus érudits qu'il y ait pour
l'histoire du théâtre, s'était occupé, depuis nombre d'années, de ras-
sembler les matériaux d'une étude sur l'opéra italien de tous les temps
et de tous les pays. Ce travail se compose aujourd'hui de plus de huit
mille articles. Obligé de s'en séparer à cause de la difficulté de le trans-
porter en voyage, M, de Filippi s'est volontiers contenté d'un prix mi-
nime pour que sa collection ne fût pas dispersée et pût devenir utile.
A défaut de la bibliothèque du Conservatoire et des archives du théâtre
Italien auxquelles un travail de ce genre paraissait logiquement destiné,
c'est l'administration de la Bibliothèque impériale qui a eu le bon es-
prit de s'en emparer. Cette précieuse compilation, que rien ne rem-
placerait, est allée rejoindre les collections non moins précieuses de
Bsffara, au département des manuscrits de la Bibliothèque, où l'on
pourra désormais la consulter.
/h. Mme Trebelli-Bettinii Aless. Bettini, son mari, et M. Kowalsky,
pianiste distingué, viennent de donner au Casino de Saint-Malo un con-
cert qui avait attiré beaucotip de monde, et qui a valu aux trois excel
lents artistes les plus chaleureux applaudissements.
tf,*^, Nous apprenons avec regret qu'Arban vient d'accepter un engage-
ment très-avantageux et cessera à l'avenir de diriger l'orchestre des con-
certs des Champs-Elysées.
,j*^ Le concert des Champs-Elysées, ce rendez-vous élégant de la
meilleure société, annonce sa clôture annuelle pour le 15 septembre.
U y aura concert de jour, comme les années précédentes, les diman-
ches 20 et 27 septembre, 4, M, 18 et 25 octobre, de 2 à S heures du
soir. M. de Besselièvre conserve tout son orchestre pour ces matinées
musicales, qui ont eu tant de succès l'automne dernier.
^■".i, Demain dimanche, au Pré-Catelan, second grand bal d'enfants.
Exiiériences aérostatiques et l'excellent orchestre de Musard.
4*^ Tous les soirs la jolie salle de M. Robin est remplie; ses inté-
ressantes expériences de physique et d'électricité, ses apparitions de
spectres si admirablement réussies lui ont donné une vogue qui s'ac-
croît de jour en jour.
I>E PARIS.
^*^ Une jeune pianiste dont nous avons bien des fois signalé les suc-
cès, Mlle Ida Boullée, vient dr succomber à une courte maladie.
»*4 Le directeur du bal qui portait son nom, M. Victor Mabille, est
mort à Neuilly la semaine dernière à l'âge de quarante-trois ans. C'é-
tait eu outre un homme instruit et qui avait publié d'assez jolies
poésies.
^*^ M. Schodel ancien maître de chapelle du théâtre national de
Pesth, mari de la cantatrice jadis célèbre de ce nom, vient de mourir à
l'hospice de Saint-Kouh, à Vienne.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
^*^ Marseille. — Le Grand-Théâtre vient de faire sa réouverture par
les Mousquetaires de la reine. Le directeur M. Halanzier avait fait
précéder cette réouverUire de la publication de son programme, et
l'avait accompagné de réflexions fort sensées sur les difficultés qu'é-
prouvent aujourd'hui les directeurs de province pour composer une
troupe d'opéra, et sur la nécessité d'écouter avec iudulgence les débuts
des artistes engagés. Ceux qui débutaient dans l'opéra d'Halévy n'avaient
d'ailleurs pas besoin de cette recommandation, car leur réputation
n'était point à faire auprès de notre public. Aussi les principaux in-
terprètes des Mousquetaires, Mme Gasc, M. et Mme Dufrène, M. Bru-
neau, Mme Dumestre, MM. Charansonnay et Durand n'ont-ils eu qu'à
se louer de l'accueil qui leur a été fait.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
^*^ Bade. — Les représentations de la troupe italienne ont continué
cette semaine. Le Trovatore a été chanté par Naudin , Delle-Sedie,
Mmes Charton-Domeur et Demeric-Lablache. Nous ne pensons pas que
l'œuvre de Verdi ait jamais été mieux interprétée au théâtre italien de
Paris. Naudin a déployé dans le rôle de Manrico d'admirables qualités;
Delle-Sedie est un comte de I,una excellent, et le rôle de Leonora a été
pour Mme Charton-Demeur un véritable triomphe. Mme Demeric ex-
celle dans celui d'Azucena, auquel elle donne un caractère de pas-
sion sauvage qui produit le plus grand effet. — Au Trovatore a succédé
Rigolelto, non bien moins rendu par Naudin, Delle-Sedie, Balanqué,
Mmes Battu et Demerio. iN'audin a dû répéter la chanson : la donna è
mobile, qu'il a dite avec une légèreté et un goût parfaits. Le brillant
auditoire qui peuplait la saile a fait également bisser le quatuor. Meyer-
beer assistait à ces deux représentations.
^*4 Berlin. — Formés ayant été pris d'une indisposition subite une
heure avant le lever du rideau, il a dû être remplacé dans le rôle de
Raoul des Huguenots par un M. Polenz, qui s'en est tiré de son mieux.
MUeLunca, comme toujours, a fait merveille dans le rôle de Valentine.
^*^ Vienne. — Ander est parfaitement rétabli; le 9 ou le 10 sep-
tembre, jour où finit son congé, l'excellent ténor fera sa rentrée
dans le rôle de Jean de Leyde du Prophète, celui de Fides sera chanté
pour la première fois par Mlle Destinn. — VVachtel a chanté pour la
seconde fois le rôle de Raoul, dans tes Huguenots. — Les répétitions de
Vlphigénie de Gluck se poursuivent avec activité, — Le premier chan-
tre de la communauté isréalite, et professeur émérite au Conservatoire
de Vienne, M. Sulzer, a reçu l'ordre du Médjidié; il avait offert au sultan
l'excellent ouvrage connu sous le nom de « Schir-Zion », recueil de
chants liturgique.
^^^,New-York, 19 août. — Au concert de M. Thomas, la symphonie
d'Hector Herlioz : Harold en Italie, a été accueillie avec toute la fa-
veur possible. Les bravos étaient unanimes et l'on aurait voulu faire
recommencer la symphonie entière. Nos sociétés philharmoniques se
proposent de faire exécuter, l'hiver prochain, plusieurs des grandes
compositions du maître français. — Nous avons perdu M. Michaele Ra-
petfi, excellent musicien, violoniste de première force, qui avait tenu
le bâton de chef d'orchestre de l'opéra italien, pendant vingt ans au
moins ; fatigué de la vie publique et jouissant d'une fortune honora-
blement acquise, il s'était voué à l'instruction et ne paraissait en public
qu'à de longs intervalles, pour des actes de charité. Sous la direction
de son ami, .M. L. Dachauer, on a exécuté à ses obsèques la magnifique
messe de Requiem d'Ambroise Thomas, ainsi que des fragments, en
plain-ohant, arrangés pour quatre voix, par V. Verrimst.
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. lUartba
Alceste
Armide
lie IVabab
Dragons de Villars
Eies Hnguenots . .
lie Prophète. . , .
Robert le Diable .
lie Comte Ory . . .
«nillannie- Tell . .
Robert Rrnce
Chœur des Etudiants
Chœur de la Chapelle
Aniour sacré de la patrie. . . .
Mélodie irlandaise
Vivez, aimez
Les plaisirs ont chcisi pour asile
Couplets du tabac, avec solo. .
Prière : Soutien de l'innocent. .
Couplets des soldats huguenots ,
Septuor du duel
Appel aux armes
Chœur dfs Buveurs
Chœur de moines
Chœur et prière
Prière
Chœur de la Conjuration. . . .
Cliœur des Chasseurs
Chasse et prière du soir ....
Prière
Chœur bachique avec solo . . .
DEUXIEME SÉRIE
CHŒURS DIVERS
9. Beethoven
10. —
11. —
12. Cavallc.
13. Elwart .
16. —
15. —
16. Kl'CKEN .
17. —
18. —
19. Lababre. .
20. —
lies Bonlauirers 1 »
lies Fondeurs . 1 »
lies Carçons de restaurant i u
lies Horlogers 1 »
lies Canotiers i »
lies Postillons 1 n
li'Enclame 1 n
lies Charpentiers 1 »
Chant des Compag^nous i 50
Chant élégâaque 1 50
H^mne du sacrifice, avec solo 1 50
lies Canotiers de Paris ' . . . . » 50
Saint impérial, God Save français » 40
Uarche du Prince Impérial » 40
Hymne national russe » 25
La Fuite des captifs, chœur avec solo de ténor . . lï 50
Yseult l'impératrice » 50
lies Veilleurs de nuit » 50
lia Chasse an tig^e 1 50
lies Gondoliers Ténitiens d 50
Chaque partie séparée de Ténor ou de Basse se vend séparément 20 centimes net.
lies %0 ciiœiirs, réunis en un volume in-S° Itrociié, prix : G francs net.
Le Chant des Exilés
Chœur avec solo de ténor.
Les Joyeux Chasseurs
Chœur à quatre voix.
Adieu aux jeunes Mariés
Sérénade pour deux chœurs, à huit voix.
Chaque partition net : 1 rn. SO.
A la Patrie!
Chœur avec soli.
L'Amitié
Quatuor pour voix d'hommes.
Le 91^ Psaume
Slotet à huit voix [en deux chœurs) .
Composés par
Chant Guerrier
Do Struensée, chœur à quatre voix.
[Invocation à la Terre natale
I Chœur sur le thème du God save the King.
Couplets de la Cavalerie
De TÉtoile du Nord, à quatre voix.
Les Parties séparées : 20 centimes.
lOniO niETERBEER
Chœur des Bohémiens de PRÉCÏOSA | AVAÎVÏ LA BATAILLE (
Clicenrs arrangés pour l'Orpliéon ae la ville de Paris, par PASIDEIiOUP, composés par
ÏIABZIALE
ET ANDANTE
SOLFÈGE CHORAL
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pagnement par les exercices fondamentaux d'intonation dans tous
les tons et dans toutes les mesures, par
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Membre de la Commission de surveillance du chant et de la Société
pour l'inslmclion primaire.
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ÂBÊGÉDâlBE
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Dans les Dâportcments et à l'Étroiigcri chez loua
les Uarchaods de Uusiquc, les Libraires, et aux
Pureaui des Messageries et des Poites.
N« 37.
REVUE
13 Septembre 1863.
PRIS DE L* ABONNEMENT :
Paris 24 fr. par an
Départements, Belgique et Suisse.... 30 « id.
Étranger. .
Le Journal paraît le Dimanche.
34 >• id.
GAZETTE MUSIC
—y\/^j\PJ\f\j\f\Pj\j\rj~-
SOMMAIRE. — Tliéàtre impérial de l'Opéra et théâtre impérial de l'Opéra-
Comique: rentrées et débuts, par Paul Smith. — L'Anneau des Nibelun-
gen, par Richard Wagner ( 3" article ) . —Concours orphéonique de Rouen.
— Derniers jours de Mendelssohn (2* et dernier article), par Ilenri Chor-
lej. — Revue des théâtres, par O. A. D. Saint-YTes. —Nouvelles et
annonces.
THEATRE mPÉRIÂL DE L'OPÉRA
ET
THÉÂTRE mPERIÀL DE L'OPERA- COMIQUE.
Rentrées et débuts.
Dans la représentation du Trouvère, que notre grand Opéra
donnait lundi dernier, le ténor Villaret prenait possession de son
troisième rôle ; notez bien qu'en sa qualité de débutant il n'a pas
encore quitté l'Italie. D'abord le chant, le drame ensuite. De Guil-
laume Tell il a passé aux Vêpres siciliennes et des Vêpres siciliennes
au Trouvère. Le rôle de Manrico lui convient-il plus ou moins que
celui d'Arnold ? Ce qu'il y a de certain, c'est que dans l'un comme
dans l'autre sa belle voix trouve l'occasion de déployer largement ses
aptitudes mélodiques. S'il n'est pas encore arrivé à ce degré d'émo-
tion que l'artiste complet doit ressentir et communiquer, il chante
du moins en amateur habile, qui, dans son propre plaisir, trouve
la garantie de celui qu'il procure aux autres. En effet, on aime
la voix de Villaret pour elle-même, on est heureux d'en écouter le
son indépendamment de toute application à un rôle quelconque.
Dans celui de Manrico, il n'a besoin de s'animer qu'à la lin du troi-
sième acte, dans la cabalette de son air, et il n'a pas failli à son
devoir ; il a prouvé que lorsqu'il le voudrait résolument , il pourrait
atteindre à l'expression dramatique. En attendant, c'est encore la
phrase du Miserere . Je meurs, heureux encore si ton cœur est à
moi, qui lui est le plus favorable et le montre avec tous les avan-
tages dont la nature l'a doué. Quand on songe aux progrès que l'art
lui a fait faire en quelques mois, on ne peut se refuser à des espé-
rances que le temps conDrmera sans doute; jusqu'ici Villaret a mar-
ché d'un pas tranquille, mais sûr.
C'était presque une rentrée que faisait Mme Gueymard dans le rôle
de Léonore, qui lui a servi pour ses débuts sur notre grande scène
lyrique. Nous ne dirons pas qu'elle ait gagné en talent depuis cotte
époque, mais nous constaterons avec plaisir qu'elle a toujours sa
grande et puissante voix, à la vérité un peu essoufQée, et qui ferait
plus d'effet si elle ne s'efforçait de la pousser violemment au-delà de
ses limites. Si Mme Gueymard n'est pas plus dramatique, on ne sau-
rait s'en prendre à sa volonté, mais à sa nature.
Mlle Wertheimber, qui nous revenait après une longue absence dans
le rôle de la bohémienne, Azucena, nous a semblé pécher aussi par
excès d'ambition : elle a trop enflé sa voix, et par conséquent s'est
privée de la ressource inappréciable des nuances. Elle a le sentiment,
elle a le geste, il ne lui reste qu'à prendre le diapason du théâ-
tre et à gouverner son chant avec goût et prudence.
Caron n'a mérité que des éloges dans le rôla du comte de Luna ;
il le chante et le joue avec tant de talent qu'il mérite bien qu'on lui
en donne un autre, et le plus tôt sera le mieux.
Au théâtre de l'Opéra-Comique, la reprise du Caid s'est accomplie
sous les plus heureux auspices. Depuis Mme Ugalde, qui a créé le
rôle de Virginie, nous ne croyons pas qu'une cantatrice s'y soit es-
sayée avec de meilleures chances que Mlle Girard. C'est une Virginie
par excellence que cette piquante dugazon, si vraie et si fine, si
naïvement spirituelle et moqueuse. Que surtout Mlle Girard se pé-
nètre bien de l'idée que malgré sa jolie voix, malgré sa vocalisation
brillante, elle n'est nullement appelée à l'emploi de prima donna.
C'est pour elle, dirait-on, qu'a été fait le vers : Tel brille au second
rang qui nous n'achèverons pas le reste, d'autant qu'au théâtre
il n'y a réellement ni premier ni second rang: il y a l'effet que l'on
produit sur le public, et cet effet détermine seul l'ordre des talents,
l'importance des artistes.
A côté de Mlle Girard, constamment applaudie pour son chant et
pour son jeu, débutait Eugène Bataille (et non Battaille), annoncé
par de nombreux succès de province. Heureusement le débutant n'a
rien de provincial : au contraire, il nous apporte des manières
d'homme qui a vu le monde comme il faut et qui sait y tenir sa
place. Il chante bien d'une voix de baryton franche et timbrée : il
parle encore mieux, et ne joue pas mal. Cependant, pour le juger
définitivement comme acteur, nous lui laisserons le temps de se dé-
faire d'une certaine timidité qu'augmentait la récente indisposition
dont sa voix se ressentait encore. M. Eugène Bataille remplissait le
rôle de tambour-major, et M. Carrier celui d'Ali Bajou. On se sou-
vient que M. Carrier s'est montré à nous pour la première fois dans
le rôle d'un des vieillards de la Fausse Magie. 11 n'est pas moins
bien dans celui d'Ali Bajou, si on le compare à lui-même ; ce n'est
que la comparaison avec Sainte-Foy qui lui ferait grand tort. Pon-
290
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
chard est toujours très-amusant dans le rôle de Biroteau ; Mlle Ro-
lin et Nathan complètent l'ensemble. Quant à la musique d'Ambroise
Thomas, elle a conservé toute sa fraîcheur et sa verve : les an-
nées ont passé sans laisser la moindre trace.
Paul SMITH.
L'ÂNIÎEÂD DES NIBELUNGEN,
Par RICHARD 1VAGIVER.
(3" article) (1),
Toujours de plus fort en plus fort ! Encore un peu de patience et
nous arrivons au nec plus ultra des combinaisons dramatiques et
lyriques. Jamais dans aucun temps, dans aucun pays, le règne ani-
mal n'a été aussi hardiment exploité que dans la tétralogie de Ri-
chard Wagner. Tout à l'heure nous avions un ours; bientôt nous
allons avoir une bien autre bête !
Se souvient-on que nous avons laissé Siegefroy serrant fortement à
la gorge le nain Mime pour l'obliger à lui décliner les noms des au-
teurs de ses jours ? Mime, ne pouvant plus résister à cette somma-
tion énergique, se décide à l'informer que SiegUnde, fille de Sieg-
mond, est sa mère ; qu'il l'a trouvée dans la forêt, conduite à sa
caverne, où elle est morte en mettant au monde Siegefroy. Sur le
point d'expirer, Sieglinde lui a laissé deux morceaux de l'épée que
portait son père dans son dernier combat. Siegefroy veut que le nain
lui en fabrique une pour le jour même, et il quittera immédiatement
la forêt pour courir les aventures. Il s'éloignera de Mime pour jamais.
Là-dessus il rentre précipitamment dans la forêt. Mime reste seul et
son émotion n'est pas médiocre. Wotan ou Odin se présente sous la
forme et le nom d'un voyageur.
Wandrer heist mich die Welt
Weit wandert'ich schon.
Auf der Erde Rucken
Ruhrt' ich mich viel.
Le dieu propose au nain une gageure, dont sa tête sera l'enjeu.
Il s'oblige à répondre aux questions que le nain lui adressera. Ces
questions sont au nombre de trois, et ne font que résumer tout ce
que nous savons déjà du sujet et des incidents de la pièce. A son tour,
le dieu se met à interroger Mime. Il lui adresse aussi trois questions,
dont les deux premières sont de même catégorie que celles du nain
au dieu. Pour la troisième, il lui demande : « Avec les morceaux de
l'épée de Siegefroy, qui pourra forger l'épée digne d'être appelée No-
thung? » Mime avoue qu'il l'ignore et qu'il l'a déjà lui-même essayé
en vain. Alors Odin reprenant la parole : « Celui-là seul, dit-il
pourra forger Nothung, qui n'a jamais eu peur ! » Le pauvre Mime
ouvre de grands yeux : Odin se dispose à partir en lui disant : «Ta
tête m'appartient? Je l'abandonne à celui qui ne connaît pas la
crainte. »
Mime, demeuré seul, se livre à des réflexions d'une nature peu
rassurante. Le géant Fafner habite une caverne dans la forêt; c'est
lui qui garde l'anneau des Nibelungen, et il a pris la figure d'un ser-
pent formidable, ayant quelque chose d'un lézard monstrueux. Le
nain croit le voir marcher sur lui, ouvrant la gueule pour le dévo-
rer ! Il tombe éperdu derrière l'enclume. Siegefroy revient et lui de-
mande ce qu'il faisait là ? Mime lui répond :
« J'apprenais la peur afin de te l'enseigner. » Siegefroy lui dit :
« Qu'est-ce que la peur?» Mime s'épuise en explications auxquelles
le jeune héros ue comprend rien. Pour en finir, il offre de conduire
Siegefroy à la caverne du géant Fafner, qui ne manquera pas de le
(1) Voir les n" 28 et 36.
mettre au fait. Siegefroy consent, mais il veut d'abord avoir son épée
Mime lui ayant avoué qu'il n'en peut venir à bout, Siegefroy se met
à l'œuvre. Il place sur le feu les deux morceaux de l'arme pater-
nelle, et quand le fer est incandescent, il le pose sur l'enclume et
chante : « Hoho ! haliei ! hoho ! Forge, ô mon marteau, une dure
épée ! hoho ! hahei ! hoho ! la braise t'a rougie, ta dureté s'amollit
sous le marteau ! Domptée dans ta colère, tu lances des étincelles ;
que ces étincelles me réjouissent ! La vigueur de la colère sied à
l'audacieux ! Tu me souris gaiement ! Que le rouge de la pudeur pâ-
lisse à présenti Redeviens froide et dure comme auparavant. » Quand
l'épée est forgée, il chante : « Nothung, Nothung, tu es neuve, ra-
jeunie ! Je t'ai ressuscitée! tu étais morte, en morceaux, maintenant
tu luis fière et belle ! Frappe l'hypocrite ! abats le scélérat ! Mime,
forgeron, regarde ! vois comment coupe l'épée de Siegefroy. » D'un
coup de cette arme, il fend l'enclume en deux morceaux : Mime
tombe à la renverse; le jeune héros lève réjée en l'air avec des cris
de joie, et la toile tombe.
Le second acte commence; il fait nuit : au fond du théâtre on aper-
çoit une caverne. Albéric entre, et peu après lui, Odin, toujours
sous la forme de voyageur. Au moment où le dieu sort de la forêt,
un éclair illumine la scène. Odin avertit le nain qu'un héros appro-
che pour exterminer Fafner. Le géant qui a entendu la menace n'y
répond que par ces mots : « Il me tarde de le manger. » Quelques
instants après il bâille et dit encore : « Je suis couché, je possède,
» laissez-moi dormir. » Le dieu disparaît dans le bois, Albéric se
cache au milieu des rochers.
Mime et Siegefroy paraissent. Le nain va s'asseoir au bord d'une
fontaine , et lorsqu'il s'éloigne, il se dit à lui-même : « Fafner et
Siegefroy ! Siegefroy et Fafner ! Puissent - ils s'exterminer l'un
l'autre ! » Siegefroy , resté seul, coupe avec son épée un roseau
pour en faire une flûte, sur laquelle il essaye, mais sans suc-
cès, d'imiter le chant des oiseaux ; puis il joue un air joyeux sur
son cor d'argent. On entend du bruit dans le fond, et ici vient la
scène extraordinaire, la scène entièrement neuve, qu'on n'a jamais
jouée sur aucun théâtre, et que, nous avons nos raisons pour le
craindre, on n'y jouera peut-être jamais ! Fafner, sous la forme d'un
énorme serpent ou lézard (m der Gestalt eines ungeheuren eidech-
senariigen Schlangenwurmes), a surgi de sa couche dans la caverne:
il sort du taillis et s'avance vers la partie élevée du théâtre. Atten-
tion générale ! curiosité universelle ! Quel sera le premier mot du
monstre ainsi présenté ? Le premier mot, ce sera (nous traduisons
littéralement) un bâillement fort (siarken). Quel début heureux pour
un duo ! Siegefroy se retourne, regarde et se met à rire. « L'air que
j'ai joué, dit-il, a fait venir quelque chose de charmant! Tu me
semblés un fier gaillard !
Fafner {s' arrêtant à la vue de Siegefroij). — Qui est là?
Siegefroy. — Parbleu, tu es un animal qui parle ! on pourrait
peut-être apprendre quelque chose de toi ? — Voici quelqu'un qui
ne connaît pas la crainte : pourrais-tu la lui enseigner? Sinon, je me
jette sur toi.
Fafner [riant). — Je voulais simplement boire et je trouve aussi à
manger (il ouvre la gueule et fait voir ses dents).
Siegefroy. — Tu me montres là un fort élégant râtelier ! des dents
qui rient dans la gueule du gourmand ! Il serait bon de te la fermer;
tu l'ouvres trop grande.
Fafner. — Elle ne vaut rien pour de vaines paroles ; elle servira à
te dévorer {il le menace de sa queue).
Siegefroy. — Oh! oh ! comme tu es féroce ! Être digéré par toi,
cela ne m'irait pas ; ce qui serait bon et à souhaiter, c'est que tu
crèves ici sur-le-champ.
Fafner {mugissant). — Prouh! Viens, enfant vantard!
DE PARIS.
291
Siège froy {saisissant son épée). — Gare à toi, grognon! le vantard
vient !
Siegefroy marche vers Fafner. De son côté, celui-ci s'avance et
dirige sur son ennemi le souffle de ses naseaux. Siegefroy s'es-
quive en sautant ; Fafner manœuvre de sa queue pour le saisir. Sie-
gefroy bondit par dessus, mais Fafner insiste et persiste. Au moment
où il va saisir sa proie, Siegefroy blesse de son épée la terrible
queue. Fafner la retire promptement en mugissant plus fort que ja-
mais : il se cabre pour envelopper Siegefroy, et par ce mouvement
découvre sa poitrine. Siegefroy en profite pour lui plonger l'épée au
cœur. Fafner se cabre de nouveau et tombe. Siegefroy lui crie :
« Reste-là couché, méchant envieux, tu as l'épée Nothung dans le
cœur. ))
Stupete gentes l Quelle scène ! quel tableau ! que de génie ! et
quelle musique on peut faire pour un tel duo!
{La suite prochainement.)
CONCOURS OBPHEONKinE DE RODEN.
Le temps a failli compromettre cette belle manifestation, organisée
avec tant de zèle et d'entente par l'administration municipale : une
pluie diluvienne était tombée toute la nuit et n'a pas discontinué toute
la matinée ; mais à midi le soleil a reparu, et une foule immense s'est
portée au-devant dos Sociétés chorales.
Le cortège, réuni à Saint-Sever, s'est mis en marche à midi. C'était
un spectacle imposant que cette masse d'hommes, portant de magnifi-
ques bannières, au milieu de bruits d'applaudissements et de fleurs
jetées des fenêtres. Sur tout le parcours, fanfares, musiques et orphéons
ont été acclamés.
Sur la place de rilôtcl de Ville était élevé un quadrilatère de magni-
fiques estrades. Le défilé, qui a duré vingt minutes au moins, s'est fait
devant une tribune adossée à l'Hôtel de Ville, où avaient pris place le
sénateur préfet, en costume officiel, le maire de Rouen et tes adjoints,
également en grand costume, l'amiral Cécille, tous les membres du
conseil municipal, les diverses illustrations formant le jury, des mem-
bres de la presse parisienne et départementale, etc., etc.
A midi et demi, les Sociétés, ayant à leur tête leurs jurés, se diri-
gèrent vers les locaux qui leur avaient été assignés, et où commen-
cèrent alors les divers concours, qui eurent lieu partout en présence
d'une foule considérable de curieux.
Les chœurs imposés étaient dus à MM. Kucken, Saintis, Becker, Amé-
dée Méreaux, Besozzi et Gastinel. On a remarqué particulièrement la
Prière, de M. Besozzi, et la Veille de bataille, de M. A. IMéreaux.
A 5 heures du soir, les autorités commençaient à se réunir sur
l'estrade d'honneur pour procéder à la distribution des récompenses.
Les Orphéons, bannières déployées, et les fanfares, arrivèrent suc-
cessivement sur la place de l'Hôtel de Ville.
Quand tous les membres du jury furent réunis, M. Delaporte monta
sur une petite estrade, au pied do la grande tribune, et là, rassemblant
autour de lui tous les Orphéons, prit la direction de cette masse clio-
rale imposante, et fit exécuter deux chœurs: France l France l et la
Retraite. Ces milliers de voix, chantant avec un ensemble remarquable,
produisirent un effet prodigieux sur la foule immense qui garnissait la
place de l'Hôtel de Ville tout entière.
La distribution des récompenses, précédée d'un discours du maire, a
commencé immédiatement après.
A 1 heures, les autorités municipales conviaient à un magnifique
banquet les illustrations parisiennes et rouennaises qui avaient accepté
les fonctions de jurés. Le maire de Rouen présidait ce banquet. Il
avait à ses côtés le sénateur préfet, le premier président, l'amiral Cé-
cille, le général de Lioux, M. Pouyet-Quertier, député.
Parmi les célébrités musicales se trouvaient le ténor Duprez, aujour-
d'hui professeur; M. Victor .Massé, l'auteur de Galalce; M. Semet, l'au-
teur de Gil Blds; M. Adrien Boïeldieu, MSI. Georges Hainl, chef d'or-
chestre à l'Académie impériale de musique, Elwart, Gastinel, Jouas, De-
laporte, Maillot, Dautresme, etc.
Pendant le dîner, la musique du 16° de ligne a fait entendre des
symphonies quiont toutes été chaudement applaudies; mais quand
l'orchestre militaire commença l'ouverture de la Dame Blanche, un ton-
nerre d'applaudissements retentit de toutes parts. Le buste de Boïeldieu,
la tête ornée de couronnes d'immortelles, avait été placé au milieu de
la salle. Quand l'ouverture fut achevée, les applaudissements redoublè-
rent. M. Boïeldieu fils se leva alors, et, en face du buste de son père
prononça des paroles de remercîment avec une émotion qui gagna toute
l'assemblée.
Après cet incident, le sénateur préfet s'est levé et a porté un toast
à l'Empereur ; le maire a porté ensuite un toast à ses hôtes. Enfin, ce
banquet charmant s'est terminé par une chanson de Déranger, le Dieu
des bonnes gens, dite par Duprez avec une âme, une vigueur toute ju-
vénile.
Le soir, un grand festival choral et instrumental donné au cirque
Sainte-Marie attirait une affluence immense, tant à l'intérieur qu'aux
alentours du cirque.
Les Orphéons ont chanté les plus beaux chœurs du répertoire avec
un plein succès.
La musique de la garde de Paris, sous l'habile direction de M. Paulus,
a joué l'ouverture de la Muette et le morceau imitatif intitulé Fremersberg.
M. le maire de Rouen a remis à M. Paulus une médaille d'or.
Après le festival, plusieurs sociétés chorales se sont rendues près
de la statue de Boïeldieu et ont chanté plusieurs chœurs en l'hon-
neur du célèbre compositeur.
Cette fête vraiment magnifique laissera de profonds souvenirs dans
la population rouennaise.
B. M.
DERNIERS JOURS DE MENDELSSOHIÎ.
(2e et dernier article) (1).
Qui aurait pu se laisser aller de si tristes pressentiments , près
d'un homme chez lequel se révélait une telle abondance d'énergie ,
de puissance de raisonnement et d'esprit d'entreprise ! J'avoue qu'à
cette époque je n'attribuai son appréhension de la mort qu'à la
profonde impression que lui avait faite la perte d'une sœur qu'il ai-
mait tendrement. Mais d'autre;; idées pénibles surgissaient dans son
esprit. La situation politique l'inquiétait. Ses yeux se rempli.ssaient
de larmes, car jamais homme n'a été plus sérieusement dévoué à sa
patrie. Ensuite il revenait à ses projets pour l'avenir. Souvent j'avais
entendu des artistes manifester le désir de se soustraire à toute rela-
tion personnelle avec le public ; jamais personne ne manifesta cette
pensée plus vivement que Mendelssohn le fît ce jour-là, et il était
décidé à la réaliser. « Quand on n'est plus jeune, disait-il, il ne
faut plus courir le monde pour donner des concerts. » 11 songeait à
s'établir quelque part sur le Rhin, mais non dans une ville, pour s'y
livrer avec plus d'ardeur que jamais à la composition. » J'y serai à
proximité de l'Angleterre, ajouta-t-il ; je pourrai m'y rendre à
mon gré ; à l'aide des chemins de fer, il me sera facile d'atteindre
une de nos villes ; mais il me faut de la tranquillité, pas d'interrup-
tion, si je dois vivre. » 11 revint encore à sa triste prédiction : il pâlit,
et son regard mélancolique remplit l'âme de celui qui était près de
lui d'une profonde douleur.
J'avais l'intention d'aller à Fribourg avec mon compagnon de
voyage et m'informai de l'orgue célèbre de Moser. J'engageai Men-
delssohn à y venir avec moi. « Non, s'écria-t-il en riant ; les orga-
nistes n'aiment pas que d'autres jouent de leur instrument. On ren-
contre toujours des difficultés, et puis cela fait trop de bruit. Je dois
renoncer à l'orgue. De plus, l'hiver approche, et nous ferons mieux
de rentrer tranquillement au pays. » Il fut également question d'un
voyage que Mendelssohn devait faire à Vienne pour affaires musi-
cales. Jamais je ne l'avais vu aussi préoccupé de plans qu'il formait
pour l'avenir; et à coup sûr, jamais artiste n'était arrivé d'une ma-
nière plus honorable à une célébrité bien méritée et universelle. Va-
nitas vanitatum !
Le lendemain de notre arrivée à Interiaken, le ciel était couvert
de nuages ; par intervalles , il pleuvait à verse. Mendelssohn passa
presque la journée tout entière avec moi. Je me rappelai alors ce
qu'on dit de Walter Scott, qu'il était tellement prodigue de son temps
(1) Voir le n° 33.
292
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
avec ses amis, qu'on eût dit qu'il n'avait rien à faire que de songer
à les amuser. Je ne pouvais guère m'expliquer comment Mendelssohn
s'y prenait pour travailler. Il fut de nouveau question de Fribourg.
11 se montra d'abord disposé à m'y accompagner; mais au bout d'une
demi-heure il revint à sa première résolution. En revanche il s'offrit
à jouer sur un petit orgue qu'il avait découvert dans un village des
environs; il y avait trouvé l'église ouverte , et personne ne l'ayant
empêché d'entrer, il y avait été'Iplusieurs fois pour toucher de
cet instrument.
C'était par une triste et froide journée : nous nous embarquâmes
pour aller à Riegenberg. La petite église s'élève toute grise sur une
hauteur voisine du lac, dans une conlrée silencieuse et solitaire;
on y monte par des degrés grossièrement taillés, couverts de mousse
et de lierre. Ce jour-là, les portes de l'église étaient ouvertes et nous
pûmes monter à l'orgue. C'était l'œuvre d'un constructeur du Valais;
le son en était assez médiocre, comme on peut se le figurer sans
peine. Un jeune garçon se montra disposé à faire aller les soufflets
pour quelques batz, et Mendelssohn prit place devant l'instrument,
pour complaire à ses trois auditeurs. J'ai su depuis que c'était la
dernière fois qu'il avait joué de l'orgue.
Après quelques motifs de Sébastien Bach, il commença une impro-
visation en ut mineur, qui prit d'abord la forme canonique d'une
fugue et d'un prélude. Peu à peu son imagination s'alluma, ses
traits rayonnèrent de ce pur et sublime sourire qui leur donnait
une expression transfigurée, et que tous ceux qui l'ont connu doivent
se rappeler ; tandis que sous ses doigts se déroulait ce splendide tissu
d'accords, qui, comme a dit Milton, « ouvrent tous les deux à nos
regards. » 11 me semble que jamais je n'entendrai plus rien de pa-
reil; ce qu'il mêlait de science à cette imposante manifestation de
son art, prenait de riches couleurs sous le feu de l'inspiration dont
l'absence se fait trop souvent sentir en pareille occasion. (î'était l'ar-
tiste complet dans la plénitude de son talent ; vieux par l'expérience
et jeune par le cœur : ce jour-là, il me sembla plus prodigieux que
jamais.' Sans aucune ostentation il dispensait les jouissances qui le
charmaient lui-même, et qu'il tirait d'un fonds inépuisable de pensées
grandioses et d'idées sublimes. De pareils moments doivent finir,
mais on ne saurait jamais les oublier.
Le soir, la conversation tomba par hasard sur la musique italienne.
Mendelssohn parla de nouveau avec l'accent de l'admiration la plus
chaleureuse de Guillaume Tell de Rossini, et, à ma grande surprise, avec
une bienveillance cordiale de la Fille du'régiment de Donizetti. « Cet
opéra est si gai, dit-il, il a une allure toute militaire : il passo pour
être mauvais; et certes, ajouta-t-il d'un air humoristique, par forme de
corectif, c'est singulier avec quelle facilité on s'habitue à la mauvaise
musique. «Puisil s'informa de Verdi;il avaitentendu dire quececomposi-
teur avait trouvé une espèce d'effet nouveau dans les finales; il voulait
savoir à quoi s'en tenir. 11 exprima également le désir d'entendre
bien jouer un jour les concertos pour orgue de Haendel, en mani-
festant toutefois quelques scrupules à l'endroit des passages frivoles
et surannés par les soloregister dont ils sont pleins. Puis il parla
avec beaucoup d'intérêt du grand Opéra de Paris, pour lequel il se
montrait disposé à écrire quelque jour (il me semble même qu'il y
avait eu des pourparlers à cet égard) ; il rappela aussi son séjour à
Rome, lequel, disait-il, avait eu une influence décisive sur son édu-
cation musicale.
Le lendemain, Mendelssohn vint avec nous à Lauterbrunnen. L'as-
pect de la Yungfrau et du Silberhorn était magnifique quand nous
remontâmes la vallée : jamais le Siaubbnch n'a pu offrir un coup
d'oeil plus magique que sous la splendide illumination de cette
journée d'arrière-saison : ses eaux étincelaient comme des fusées par-
tant des bords du rocher et s'élançant dans l'abîme.
Un de mes derniers souvenirs me montre Mendelssohn au milie\i
de l'arc-en-ciel que la fée des Alpes jette sur la cascade, comme on
sait, si on a lu lUanfred de Byron ; il regardait en haut, ravi du
spectacle merveilleux qu'offrait cette grande scène de la nature. Puis
je le vis, et pour la dernière fois, quand il retourna seul à Inter-
laken, pendant que nous gravissions le chemin de la Wengern-Alp
au Grindenwal. Mes yeux suivaient sa stature, que le petit habit
noir et le chapeau de paille entouré d'un crêpe ne faisaient pas pa-
raître plus jeune. Je remarquai encore une fois qu'il avait l'air très-
fatigué, et que sa démarche était pénible. Mais qui aurait pu croire
que sa vie terrestre déclinât si rapidement vers sa fin?
Henei CHORLEY.
BEVUE DES THEATRES.
Théâtre-Français: reprise d'Eugénie, drame de Beaumarchais. —
Odéon , réouverture : les Ouvrières de qualité, comédie en cinq
actes et en prose, par MM. Paulin Deslandes et Louis d'Anthoine ;
la Fille de Dancourt , comédie en un acte et en vers , par MM .
N. Fournier et H. Bonhomme. — Variétés : représentations de
Ch. Mathews ; Vn Anglais timide. — Palais-Royal : les Diables
roses, vaudeville en cinq actes, par MM. Eugène Grange et Lam-
bert Thiboust.
Le Théâtre-Français a repris, on ne sait trop pourquoi, le drame
d'Eugénie , qui n'avait pas été représenté depuis fort longtemps.
Cette première pièce de Beaumarchais, qui date de 1767, et qui a
précédé de huit ans le Barbier de Séville, ne méritait guère l'hon-
neur qu'on vient de lui faire. Beaumarchais, dans la préface qu'il a
mise en tête d'Eugénie, voudrait nous faire croire que son drame
a été reçu par les uns avec dédain, mais par d'autres avec enthou-
siasme. La vérité est qu'il n'a jamais soulevé d'autre sentiment que
celui de l'indifférence, tant il est loin de faire présager l'auteur bril-
lant et incisif de Figaro. Si la Comédie française a cru pouvoir le
réhabiliter dans l'opinion, elle s'est étrangement trompée. Il faudra
désormais laisser reposer Eugénie dans les œuvres de Beaumarchais,
où les curieux et les érudits seront libres d'aller la lire pour appré-
cier la distance énorme qui existe entre ce point de départ incolore
et la trilogie triomphante du célèbre barbier.
— L'Odéon a fait sa réouverture dans les premiers jours du mois
avec deux pièces nouvelles, les Ouvrières de qualité, comédie en
cinq actes et en prose, par MM. Paulin Deslandes et Louis d'An-
thoine, et la Fille de Dancourt, comédie en un acte et en vers, par
MM. Narcisse Fournier et Bonhomme. La première est moins une
piècede mœurs qu'une pièce d'intrigue, etmême d'intrigue très-com-
phquée. L'exemple des émigrés qui utilisaient à l'étranger leurs ta-
lents et leurs connaissances pour se procurer des moyens d'existence,
n'a pas, à ce qu'il paraît, été perdu. Le grand monde fourmille d'ou-
vrières aristocratiques qui, sous le voile de l'incognito, ne dédaignent
pas de se livrer à des occupations vulgaires qui les aident à dissi-
muler de mystérieux embarras d'argent et à tenir leur rang dans la
société. Voici, par exemple, Mme de Castéjac, la femme d'un banquier,
qui relève la fortune compromise de son mari, en faisant secrètement
des modes ; puis Mlle Léa de Sivry qui vend en cachette des ou-
vrages de broderie sortis de ses mains de fée ; puis enûn Mlle Va-
lentine de Lacenay qui peint des aquarelles et donne des leçons de
piano. Que cela se passe ainsi dans le noble faubourg à l'état d'ex-
ception, nous le voulons bien ; mais que ce soit une chose ordinaire
et généralement pratiquée, c'est là un paradoxe que nous avons quel-
que peine à admettre. Les ouvrières de qualité sont rares, fort heu-
reusement pour celles qui n'ont d'autre ressource que leur industrie.
Quoi qu'il en soit, et comme si ce n'était pas assez de ce trio nobi-
liaire, faisant œuvre d'émigrées à l'intérieur, il se trouve dans le
même cercle un monsieur encore plus étonnant, qui, se voyant re-
DE PARIS.
293
poussé par une jeune fille en raison de sa trop grande richesse,
sème son or sur les chemins pour se rendre digne d'elle. Le public
de la première représentation a peu goûté ces imaginations roma-
nesques, en retard de plusieurs siècles. Depuis, la pièce a été écoutée
avec plus d'indulgence ; mais il est peu probable qu'elle accomplisse
une longue carrière.
Quant à la Tille de Dàncourt, c'est une petite comédie anecdo-
tique sans prétention, et qui par cela même a la chance de vivre un
peu plus longtemps. Dàncourt, auteur et comédien, ferme les portes
du théâtre à tout concurrent qui lui porte ombrage. Mais , en son
absence, sa fille, touchée d'une tendre sympathie pour le jeune La-
chaussée, fait jouer une pièce de lui comme étant de son père, et
quand celui-ci revient, il n'y a plus de remède. Lachaussée a forcé
les barrières, et Dàncourt se voit contraint de l'accepter en qualité de
confrère et de gendre. Une action vive et piquante, de jolis vers, et
par-dessus tout le jeu de Mlle Picard, que nous verrons, un jour ou
l'autre, au Théâtre-Français, ont valu à cette comédie un accueil des
plus honorables.
— Il paraît que le besoin se faisait sentir d'exhiber des acteurs
anglais sur nos scènes parisiennes. Nous avons vu d'abord le fameux
Henderson dans Nip-Nip aux Folies-Dramatiques ; puis, aujourd'hui,
nous avons l'inimitable Ch. Malhews, dans une pièce de sa façon,
au.x Variétés. Cette pièce, qui s'appelle Un Anglais timide, a été jouée
deux cents fois à Londres, et nous pouvons parier à coup sûr qu'elle
n'atteindra pas le même chiffre à Paris. Quoi de plus vieux, en
effet, que la donnée sur laquelle elle repose? Un touriste d'Al-
bion, du nom de Brown, fait la rencontre, sur les bords du Rhin,
du jeune Gogo, un Parisien, qui entre en liaison avec lui et lui donne
son adresse, que Brown égare en route. Cependant, arrivé à Paris,
il se met à la recherche de son ami Gogo, tombe chez une famille
du même nom, s'y installe pour l'attendre et y met tout sens dessus
dessous. Survient le fils de la maison : ce n'est pas le Gogo des
bords du Rhin. N'importe ! Brown s'attache à ce jeune homme, et
ne s'en va qu'après avoir, en dépit de tout le monde, assuré par
un mariage le bonheur de son nouvel ami. Et voilà ce que c'est
^p!un Anglais timide ! Que penser de ceux qui ne le sont pas ?
M. Mathews, bon comédien, plutôt servi que gêné par son accent
natal, inspire un sympathique intérêt que, sans lui, on refuserait
peut-être à sa pièce.
— Sous le titre des Diables roses, le Palais-Royal a joué tout ré-
cemment un de ces vaudevilles enfiévrés d'entrain et de folies dont
ce théâtre a le monopole. Il a eu parfois la main plus heureuse en
fait d'invention, mais non en fait de détails drolatiques. Antonin
Boucart est sur le point d'entrer dans une famille qui professe des
principes d'un rigorisme exagéré : aussi est-il de toute nécessité
qu'il divorce, avant le mariage, avec un passé embelli par ces char-
mants démons qu'il appelle des diables roses, mais qui sont plus
spécialement désignés sous le nom de cocolfes. Dans le nombre se
trouvent : une blanchisseuse sentimentale qui ne veut pas être quittée;
une Brésilienne, à la tête ardente, qui prétend se venger en livrant
Antonin à la vengeance de son mari, un maître d'armes expert dans
l'art de tuer ses semblables, et enfin une danseuse, qui ne consent
à rendre les lettres d' Antonin qu'à raison de 500 francs pièce, et
Antonin avait l'affreuse manie d'écrire. On comprend aisément les
tribulations de ce pauvre diable , au milieu des périls se-
més autour de lui par ses anciennes maîtresses. Néanmois, il sort
victorieux de tant d'épreuves, et nous avons l'honneur de vous faire
paît de son mariage avec Mlle Adeline Belzingue. Il y a bien des
scènes moisies, bien des mots frelatés dans les cinq actes dont
celte bouffonnerie se compose ; mais que ne passerait-on pas à la
verve enragée de ses interprètes, et en première ligne, de Gil-Pérez,
d'Hyacinthe et de Mme Thierrct?
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
,*:> Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi et mercredi le
Trouvère et Diavolina. — Vendredi, les deux premiers actes de Guillaume
Tell, le premier acte de Gisclle et Diavolina.
^*^ L'affiche de ce théâtre annonce pour aujourd'hui par extraordi-
nair<^ et pour la dernière représentation de Mlle Mouravieff, le Trouvère,
Diavolina, et pour demain lundi la Juive.
»*a, La direction du théâtre de l'Opéra a renouvelé l'engagement de
Mlle Mouravieff pour deux étés. Après sa saison au théâtre impérial
russe, la jeune ballerine, qui a su si promptement captiver le public
parisien, nous reviendra au printemps.
^*^ Nous avons annoncé, d'après un journal mal informé, le mariage
de Mlle Marie Vernon. Ce bruit est complètement inexact. — La char-
mante danseuse, qui était aux bains de mer d'Ostende, est de retour à
Paris.
»** L'Opéra-Comique va donner le Tableau parlant pour la continua-
tion des débuts de M. Carrier et de Mlle Girard, qui chantera le
rôle de Colombine. — Demain lundi, Mlle Monrose rentrera par le rôle
d'Elisabeth dans le Songe d'une nait d'été ; Achard jouera celui de Shak-
speare, et Crosti celui de Falstaff.
^*^ Au théâtre Lyrique impérial , les Noces de Figaro ont alterné
depuis la réouverture avec la Statue. Vendredi a eu lieu, dans Joseph,
le début annoncé du ténor Pilo et la rentrée de Mme Faure-Lefèvre
dans le rôle de Benjamin. Si nous nous en souvenons bien, ce fut une
des premières et des plus sympathiques créations de la charmante can-
tatrice au théâtre de l'Opéra-Comique ; nous l'y avons retrouvée, ven-
dredi, aussi parfaite qu'à l'origine, et nous avons joint avec un vif plaisir
nos applaudissements à ceux que lui ont valus l'air du deuxième acte
et le duo du quatrième. On avait dit à l'avance beaucoup de bien de
Pilo ; il l'a justifié ; il est doué d'un physique agréable, sa tenue est
bonne, il a de l'intelligence et de la physionomie. 11 a fort bien dit son
air d'entrée : X'ainement Pharaon dans sa reconnaissance, et avec beau-
coup d'expression et de charme la fameuse romance : .-1 peine au sortir
de Venfance. Sa voix est d'une force suffisante, bien timbrée, et l'on voit
qu'il a été à bonne école. Il a obtenu un franc succès. Petit, dans le
rôle de Jacob, a eu de beaux accents et a été redemandé après le duo
du quatrième acte. — Dans l'Epreuve villageoise, où triomphe également
Mme Faure-Lefèvre, un jeune lauréat du Conservatoire, M. Caillot, a
fait également son début, et il n'a qu'à se féliciter de l'accueil qu'il a
reçu ; il n'est nullement gauche et il a une fort jolie voix.
^"^ On annonce comme prochaine la reprise â'Oberon, et l'on presse
les répétitions des Pêcheurs de perles, opéra de M. Bizet, dans lequel doi-
vent débuter le baryton Ismaël et Mlle de Maesen, qui ont obtenu de
grands succès en province.
4*4 Mme Charton-Demeur, après ses triomphes à Bade, est de retour
à Paris. Son arrivée va donner une nouvelle impulsion aux études du
grand opéra de Berlioz : les Troyens, qui se poursuivent quotidienne-
ment.
^** M. le comte Bacciochi, surintendant des théâtres, a reçu mardi
dernier aux Tuileries, le personnel de la direction des théâtres et les
commissaires impériaux près les théâtres subventionnés. Le directeur
du théâtre impérial de l'Opéra et son personnel administratif, l'admi-
nistrateur du Théâtre-Français et le comité administratif, les directeur
et professeurs du Conservatoire de musique ont eu également l'honneur
d'être reçus par M. le surintendant. Vendredi, M. le comte Bacciochi
a reçu les directeurs des autres théâtres de Paris.
j% Mlle Adelina Patti est attendue à Monaco; la célèbre cantatrice
a été engagée par le directeur du Cercle pour s'y faire entendre .
*** Nous avons donné dernièrement la composition de la troupe du
théâtre italien de Saint-Pétersbourg. Celle de Moscou se trouve égale-
ment au complet ; elle se compose de Mmes Antonietta Fricci, Rosina
Laborde, Brayda Lablache, prime donne; Emilio Pancani, Neri Baraldi et
Grossi, tenori; Francesoo Stelleri, baryton ; Gassier, Vialetti, Finocohi,
hassi; Francesco Frizzi, butfo, etc.
,*,,. Le théâtre de la ville, à Cologne, vient de publier son programme
pour la réouverture de la saison 1863-1864. Les représentations seront
très-variées. Outre /es Catacombes, de Hiller, Lalla-Iiouck de David, Bigolctto
et le Bal masqué, de Verdi, etc., on répète déjà le Prophète, de Meyer-
beer; Hans Heiling, de Marschner; Undine, de Lortzing; les Joyeuses Com-
mères de Windsor, de Nicolaï; rEtoile du Nord, Dinorah, de Meyerbeer;
la Part du Diable, d'Auber, etc., etc.
^*^ A Hambourg , les représentations de l'opéra italien de Merelli
ont commencé le 10 septembre par la Sonnambula. Adelina Patti chantait
lo rôle principal.
294
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
**, Berthelier, après ses succès à Bade, a pris part à un très-beau
concert donné par Louis Brassin dans les salons de la Redoute à Spa. Il
a tenu l'auditoire sous l'empire d'un riro inextinguible en chantant ses
ébouriffantes chansonnettes, et, entre autres, C'est ma fille.
:j*,j Dans un concert donné dernièrement à Dieppe, au bénéfice de
l'orchestre du Casino, on a exécuté la cantate qui a obtenu le second
grand prix au dernier concours de l'Institut : David Bizzio, musique de
M. Charles Constantin. On a applaudi dans cette œuvre de fraîches
inspirations mélodiques, un beau style et une remarquable orchestra-
tion. M. Constantin est élève d'Ambroise Thomas.
^*3, Ida Bertrand, la célèbre cantatrice, qui se'repose des fatigues de
l'hiver dans sa jolie villa de Pierrefonds, a été priée de chanter à
l'église, pour une quête au profit de l'asile. Elle a profité du séjour de
Lefebure Wely pour dire VAve Maria de Gounod, accompagnée par
lui sur l'orgue. Sa sœur joignait sa harpe aux harmonies de l'orgue et
d'une voix puissante que l'on entendra certainement encore au théâ-
tre. Cet ensemble parfait a charmé l'assistance entière.
»** Le pianiste Mortier de Fontaine a trouvé, dit-on, une composi-
tion inédite de Haendel pour clavecin, écrite de la main de J.-Ehr.
Smith ; il se propose de l'exécuter dans un de ses concerts historiques.
,** Mme Corinne de Luigi a donné à Ems, avec le violoniste Favilli,
un concert dans lequel les deux artistes ont eu un grand succès.
,*» Un fait dont la singularité mérite au moins d'être mentionnée
vient de se produire en Italie. Le gouvernement italien ayant décidé
qu'un Conservatoire royal de musique serait établi à Palerme, nomma
une commission chargée d'examiner les titres des artistes qui se pré-
senteraient comme aspirants aux fonctions de directeur de l'école. Cette
commission, dont le siège est à Florence, est composée, à ce qu'on as-
sure, d'hommes respectables à tous égards, et dont la compétence en
matières musicales ne saurait être mise en doute. C'est précisément ce
qui rend plus étrange encore le fait dont nous voulons parler. Parmi
les concurrents s'était présenté le chevalier Petrella, compositeur de
talent, auteur d'un grand nombre d'opéras représentés sur les premières
scènes italiennes; entre autres Mario Visconli, le Precauziani, VAssedio
di Leyda, lone et il Folletto di Gresy, qui obtinrent de grands succès,
soit à la Scala de Milan, soit au Fonde ou à San-Carlo de Naples, soit
sur les théâtres de Turin. Eh! bien, le croirait-on! la commission a
iavité M. Petrella à lui présenter un travail spécial destiné à prouver
sa connaissance de l'art, spécifiant rigoureusement un canon ou une
fugue. Nous n'avons pas à discuter ici le plus ou moins de valeur des
œuvres livrées au public par M. Petrella; mais, ou la commission devait
l'écarter du concours pour une raison quelconque, ou elle ne devait
pas exiger de lui un travail que l'on pourrait à peine demander à un
élève de contre-point de troisième année. Il est arrivé de tout ceci que
M. Petrella s'est offusqué à bon droit d'une telle façon d'agir, et qu'il a
retiré sa demande.
^*^ Alf. Jaell vient, pour la deuxième fois, d'être appelé à Aix-la-Cha-
pelle ; entre autres morceaux qu'il a joués, le concerto en la de Schu-
mann lui a valu des applaudissements enthousiastes.
^,*i, Le 20 août dernier a été célébré, à Londres, le mariage de
Mlle Alice Benedict, fille de l'éminent compositeur Jules Benedict, si
populaire à Londres, avec M. Joseph-Emile Boulan, de Bordeaux.
^*^ La cinquième livraison du Trésor des pianistes, publiée par M. et
Mme Farrenc, vient de paraître ; elle contient les deux livres de pièces
de clavecin de Chambonnières, claveciniste de Louis XIV, publiés en
1670; vingt trois pièces de Dominique Scarlatti ; les trois sonates de
Beethoven, dédiées à Joseph Haydn ; la sonate œuvre 7, en mi bé-
mol, et les trois sonates œuvre 10 du même compositeur. Le succès
de cette importante publication est désormais assuré non-seulement en
France, mais dans tous les pays où se trouvent des intelligences d'élite
parmi les personnes qui cultivent le plus riche de tous les instruments.
La notice biographique sur Beethoven n'ayant pu être terminée pour
paraître avec la cinquième livraison, sera jointe à une des prochaines.
a,"*., M. Cavaillé-Coll , l'excellent facteur d'orgues, ayant reconnu chez
Alexandre Musard, petit-fils de feu Musard, le célèbre compositeur de
musique, des dispositions exceptionnelles pour l'orgue, vient de lui ac-
corder l'entrée de sa manufacture (rue de Vaugirard), en mettant à sa
disposition les orgues nécessaires à son instruction. M. Alexandre Mu-
sard fait entendre les mercredis et vendredis, de 11 heures à midi et
demi, des morceaux improvisés.
^*^ M. Weitzmann, qui s'est fait connaître par une monographie du
Lied, vient de publier un nouvel ouvrage : l'Hisloire du piano, dé-
dié à l'illustre Mécène de l'art musical, le prince de Hohenzollern-
Ilechingen.
a,*^ Les lecteurs de la Gazelle musicale auront ùù être assez intrigués
en vo) ant dans la deuxième partie de l'article intitulé : Un touriste en
Italie (page 285, première colonne, ligne 23), publié dimanche dernier,
la musique du Devin de Village comparée par le comte de Brosses à
un lampion, et ils ont dû saisir difficilement l'analogie. C'est dans une
coquille faite par le compositeur qu'il faut en chercher l'explication. Il
a imprimé lampion au lieu de lampon, terme connu en musique et qui
désignait une espèce de chanson populaire.
**,j Le pianiste Charles Halle, de Londres, vient de donner un con-
cert au théâtre de Francfort-sur-Mein. Il y a exécuté le concerto
(en mi majeur) de Beethoven, ainsi que plusieurs compositions de
Chopin, Steph. Heller, et Mendelssohn, avec un admirable talent, et il
a obtenu les plus vifs applaudissements.
**,, Au nombre des morceaux exécutés dimanche dernier au concert
du Pré Catelan, figurait le Galop, composé par M. Charles Manry, et qui
y avait été plusieurs fois exécuté avec succès. Cette nouvelle audition
en a mieux encore fait ressortir le mérite et il a été fort applaudi.
*■** Outre les notabilités musicales qui composent l'excellent orchestre
de Musard, on entendra aujourd'hui, au Pré Catelan, deux remarquables
artistes sur la flûte et le cornet à piston. Il y aura, en outre, grand
bal d'enfants.
*** Les journaux de New-York annoncent la mort de Mlle "Vestvali,
la célèbre cantatrice qui s'est fait applaudir sur la scène du théâtre
impérial de l'Opéra. Elle a succombé à la rupture d'un anévrisme.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
^*i. Boulogne. — Décidément la vogue est acquise au nouvel établisse-
ment de bains. Au concert du 9, une brillante société remplissait le
grand salon des fêtes et ses annexes pour entendre Vieuxtemps,
Mme Arabella Goddard-Davison, et M. et Mme Soustelle. Le premier a
joué avec le prodigieux talent qu'on lui connaît une ballade et polonaise,
avec orchestre, dans le style pastoral, qui renferme des beautés de
premier ordre. Dans son Bouquet américain. Vieuxtemps a exécuté des
traits éblouissants : Saint-Patrick' s day particulièrement est un caprice
paganinien, prouvant que dans tous les genres le génie reste à sa hau-
teur. Dans le beau duo sur Oberon, avec Mme Goddard-Davison, les deux
éminents artistes ont produit un immense effet. En outre, Mme Goddard
a obtenu sa part d'applaudissements enthousiastes, en faisant entendre
la paraphrase du concerto de Liszt et la fantaisie sur Lurline, d'Ascher.
La partie vocale de ce concert était confiée à M. et Mme Soustelle,
lauréats des derniers concours du Conservatoire. On a reconnu et ap-
précié dans ces deux artistes les qualités qui leur ont valu cette dis-
tinction.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
^*^: Bruxelles. — Le 1"'' septembre a eu lieu la réouverture du théâtre
de la Monnaie par l'Ambassadrice, dans laquelle Mme Mayer-Boulard a
reçu le plus brillant accueil. — Dans le courant de la semaine, tous les
nouveaux chanteurs ont été entendus, et l'impression causée par la plu-
part d'entre eux a été des plus favorables. Il y a unanimité, parmi les
habitués du Théâtre-Royal, pour reconnaître que la troupe chantante
n'avait pas offert depuis longtemps un ensemble aussi distingué. Le suc-
cès de Mme Meillet, première chanteuse dramatique, a été complet dans
les Huguenots et dans la Juive. Mlle Faivre a conquis toute la faveur du
public dans les rôles du page, des Huguenots, et de Gertrude, du Maître
de chapelle, qu'elle a chantés après avoir fait un premier début très-heu-
reux dans l'Ambassadrice. Le Maître de chapelle a été également pour
M. Meillet, baryton d'opéra-comique, l'occasion de déployer un talent
auquel pleine justice a été rendue. Mlle Borghèse, qui vient tenir sur
notre scène l'emploi de contralto, demeuré vacant l'année dernière, a
reçu un accueil sympathique dans Galalée, où elle a chanté avec un
talent incontestable le rôle de Pygmalion. M. Lédérac, baryton du grand
opéra, et M. Bryon-Dorgeval, basse-taille d'opéra-comique, ont fait leur
première apparition dans les Huguenots; mais les rôles de Nevers et de
Saint-Cris sont trop peu importants pour que l'opinion ait pu se pro-
noncer à leur égard. On les attend â des épreuves plus concluantes.
^.*,j Baie. — Les courses ont occupé toute cette première semaine de
septembre. — Après avoir clos brillamment ses repi'ésentations par un
ballo in Maschera, la troupe italienne a cédé la place à la comédie fran-
çaise.—Le 10, à l'occasion de la fête de S. A. R. le grand-duc de Bade,
un grand concert a été donné au profit des hospices de la ville. Il nous
suffira d'en citer le programme pour faire connaître l'intérêt qu'il devait
offrir à notre aristocratique public et le succès qui l'a couronné. Ce
DE PARIS.
programme se composait de 1° Ouverture de l'opéra la Grande-Duchesse
Catherine (F. de Flotow); 2° Addio àella moriente (A. Peruzzi), par M. Délie
Sedie ; 3° a) nocturne dramatique (A. Jaell) ; 6) allegro (Kirnberger) ;
c) Caprice, valse sur Dinorah (A. Jaell); 4° duo : Stabat Mater (Rossini),
par Mlle Battu et Mme Lablache de Méric; 5° morceau de concert sur un
Lied de Schubert (Seligmann), par M. Seligmami; 6° variations de Cene-
rentola (Rossini), par Mlle Battu ; 7° fantaisie sur le Trouvère (Alard), par
M. Alard; 8° o) arioso du Prophète (Meyerbeer); b) brindisi de Lucrezia
Borgia (Donizetti), par Mme Lablache de Méric ; 9° fantaisie sur des
motifs de VElisir d'amore (E. Kriiger), par M. G. Kriiger; 10° duo de
Don Pasquale (Donizetti), par Mlle Battu et Délie Sedie. L'orchestre était
conduit par M. M. Kœnnemann.
^*^ Aix-la-Chapelle. — Soixante et une sociétés de chant, dont trente-
sept appartiennent à l'Allemagne, ont pris part au festival qui a eu lieu
ici les 6 et 7 septembre ; il y avait en outre dix-sept sociétés belges et
sept hollandaises. Le prix d'honneur a été vivement disputé par les
deux associations belges, Legia, de Liège, et la Société d'amateurs de
Huy. Pour le concours on avait choisi un morceau des plus difficiles,
intitulé le Matin. Les deux Sociétés rivales se sont acquittées de leur
tâche épineuse avec une perfection rare ; une légère nuance a distingué
la Legia, qui a obtenu le premier prix d'honneur ; un magnifique vase
de porcelaine, donné par le roi de l'russe, et 250 thalers. Le deuxième
prix, remporté par la Société de Huy, consistait en un laurier en argent
doré et émaillé; il était dû à la munificence de la Société d'encourage-
ment pour la saison des eaux. Le lendemain, 7 septembre, a eu lieu un
concert dans le nouveau Kursaat, qui est vraiment splendide.
»% La Haye. — Les 3 et 5 septembre a eu lieu un festival national, où
on n'a exécuté que des compositions d'auteurs hollandais : Psaume, par
Lubeck, la Résurrection, oratorio de Heinze; ouverture, par Boert; la
Délivrance de Leyde, par R. Hol, etc.
i^*n Hambourg. — Nous venons d'avoir une excellente représentation
de Guillaume Tell. M. Rûbsam, qui a été engagé au théâtre de la ville
après de brillants débuts, a eu dans le rôle principal un double succès
comme acteur et comme chanteur. — La société Merelli est attendue
pour le 13 de ce mois. — Le comité de la bourgeoisie s'est opposé à
l'abaissement du diapason, que le Sénat avait autorisé.
,*4 Berlin. — A l'occasion du congrès de statistique, le théâtre royal
devait donner Nurmahal. Une indisposition subite de Mlle Lucca a forcé
l'administration à remplacer l'opéra de Spontini pa.v Faust, de Gounod.
— L'opérette-bouffe Venise à Paris a été représentée au théâtre Wilhelm-
stadt ; le succès de la musique a été légèrement compromis par la
niaiserie du texte. — Pendant cette saison on jouera pour la pre-
mière fois la Réole, de Schmidt, et la Rose d'Erin, de Bénédict.
— La direction du théâtre Victoria avait traité avec Offenbach
pour la représentation d'un nouvel opéra : la Fée Rosa; mais comme le
maestro voulait user de la faculté qu'il s'était réservée de refuser, aux
répétitions, ceux des artistes qui ne lui conviendraient pas, la direc-
tion a préféré résilier son traité, et Offenbach, qui avait déjà livré la
partition de cet opéra, l'a reprise et a quitté Berlin.
*** Vienne. — La reprise du ballet Esmeraïda, au théâtre de la Cour,
n'a obtenu qu'un succès d'estime ; à sa première apparition, il avait été
reçu avec enthousiasme. Le goût du public a changé depuis ; on ne
cherche plus dans un ballet qu'un simple divertissement de danse.
Mlle Couqui était fort bien dans le principal rôle. — Oberon a fait salle
comble ; Wachtel, dans le rôle de Huon, a eu de beaux moments ; quant
à Mme Dustmann, celui de Rézia dépasse tant soit peu la mesure de ses
forces physiques. — Au premier jour, Mlle Hasselt-Barth, la fille de la
célèbre cantatrice, doit débuter au Karltheater. — L'académie de chant
a publié pour la saison le programme suivant : Requiem, de Mignon, et
la Malédiction du chanteur, par K. Schumann ; la pastorale Acis et Gala-
tée, par Haendel ; une cantate et l'oratorio de Noël, par S. Bach.
^*^ Turin. — Autant qu'on peut le savoir, le nouvel opéra que le
maestro Petrella écrit pour la prochaine saison du carnaval, au théâtre
royal de Turin, aura pour titre la Pazza d'Ischia.
^*^ Milan. — La nouvelle direction du théâtre de la Scala a livré sa
première bataille d'automne, le 5, par le Vieux de la montagne, de Ca-
gnoni, et Oronos, ballet de Costa. Elle a obtenu une demi-victoire
avec l'opéra et subi les trois quarts d'une déroute avec le ballet. Elle
n'a doue pas plus à triompher qu'à se livrer au désespoir. Nous n'avons
pas à entrer dans des détails sur l'opéra de Cagnoni, qui a pendant
trois ans fait ses preuves au Théâtre Carignan, de Turin; nous dirons
seulement que la Palmieri, avec une belle voix, manque de chaleur; que
Prudenza, au contraire, avec une voix puissante, manque de douceur ;
mais que le baryton Cotogni est un artiste sympathique qui chante avec
âme et tire très-bon parti de ses moyens.— Quant au ballet, il pèche
par l'invention, par la musique et par l'exécution.
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conséquent comme son ; supérieur comme justesse ; supérieur comme création de famille complète ; supérieur comme facilité et
unité de doigté ; supérieur comme forme ou contour des tubes pour l'émission des sons ; supérieur comme forme pour le pla-
cement et le maniement de l'instrument ; supérieur comme ayant une même direction des sons (avantage pour l'auditeur de
recevoir tous les sons avec la mêms puissance); supérieur en ce que quelques jours suffisent pour former, avec des amateurs ou
de simples conscrits militaires, une musique passable ; supérieur en ce que les plus gros instruments comme les petits se
tiennent facilement au moyen de la main gauche et du bras gauche, et laissent le bras et la main droite entièrement libres,
et dans la meilleure position pour le jeu des doigts sur les cylindres ; supérieur en ce que, quand un élt-ve a déjà, fait des
études et qu'il est obligé de changer d'instrument faute de disposition des lèvres ou par tout autre motif, ses études acquises
servent pour le nouvel instrument, soit trompette, trombone ou tout autre instrument ; supérieur en ce que l'on peut faire les
études les plus longues et les plus difficiles sur l'instrument qui fatigue le moins et les reporter sur d'autres plus durs à jouer
ou plus lourds à porter; supérieur en ce que, dans les sociétés ou dans un régiment de cavalerie, surtout lors des congés, il
arrive souvent que tous les artistes d'une même catégorie d'instruments partent, et que, dans ce cas, on peut les retuplacer
en prenant des musiciens dans les parties les mieux garnies pour occuper ou remplacer les parties manquantes; supérieur en
ce qu'on ne craint pas les coups de tête des chevaux, qui, avec les anciens instruments, brisaient parfois les dents au cava-
lier; supérieur en ce que l'on peut jouer, le cheval au trot ou au galop, l'instrument suivant toujours les mouvements du
corps; supérieur pour la musique en marche en ce que l'instrument ne se dérange pas sur les lèvres, et conserve par censé-
quent la même sonorité qu'au repos; supérieur pour les corps de musique et pour le militaire surtout, où tout est régulier
excepté les musiciens et les instruments d'après le système ancien), en ce que tout le monde se trouve dans la mêine position, toutes les mains à la même
tous les instruments penchés de gauche à droite ; supérieur, pour la musique à cheval ou de cavalerie, en ce que si, pendant que l'on joue, le cheval vient
écart, il est facile de ressaisir les brides pour le ramener, sans déranger l'iastrument de sa position. ifJTxl
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rangpée par ARBAW, le grand saccês d'été des concerts
des CIiamps-Elysées.
SOMMAIRE. — Effets des circonstances sur la situation actuelle de la musique,
au point de vue de la composition ; ce qu'il faudrait faire pour améliorer cette
situation (3« article), parFétis père. — Théâtre impérial de l'Opéra-Comique :
reprise du Somje d'une nuit d'été, par liéon Duroclier. — L'Anneau des
Nibelungen, par Richard Wagner (4= et dernier article), par J. Daesberg
et S***. — Nouvelles et annonces.
EFFETS DES CIRCONSTANCES
sur la sitnation actuelle de la mnsfqae, an point de
vue de la composition.
CE qu'il faudrait faire pour améliorer cette situation.
(3« article) (1).
L'intérêt pur de l'art ne peut se séparer de' celui des artistes ; car
si les circonstances ne favorisent pas ceux-ci, ils peuvent, quel que
soit leur talent, être laissés dans l'obscurité, se décourager, et, do-
minés par les besoins de la vie matérielle, finir par se résigner, et cher-
cher le pain quotidien dans de vulgaires emplois de leurs facultés.
Je ne crois pas au génie incompris, quand il a pu se produire, mais
j'ai la conviction de l'existence de talents inconnus, parce que toutes
les voies leur sont fermées dans l'état actuel des choses. Je parle pour
la France et la Belgique dans cet article.
La plupart des jeunes gens qui sortent des écoles de composition,
rêvent les succès du théâtre, parce que ce sont ceux-là qui procu-
rent les avantages ds la popularité. Obtenir un livret d'opéra, en
écrire la musique, avoir une audition d'un des directeurs des scènes
lyriques, enfin, arriver à la représentation de l'œuvre projetée,
composent le plan du roman conçu par tous les lauréats de concours
de musique. Mais pour que le roman se transforme en réalité, il faut
commencer par le commencement, c'est-à-dire obtenir un livret,
Obtenir un livret! De qui? D'un des auteurs en renom, qui ont assez
(1) Voir le n° 35.
de crédit pour faire Jouer leurs ouvrages, et qui, à d'ifaut d'idées,
ont du moins l'expérience des procédés de fabrication. Les plus har-
dis tentent l'essai, s'informent des accointances du librettiste qu'ils
ont en vue, parviennent parfois à se faire présenter à lui, et font
avec timidité leur demande. L'homme de lettres est poli ; il a son
thème tout fait pour les requêtes de ce genre : « Mon jeune ami,
dit-il, je ne vous refuse pas, car je ne doute pas de votre talent; mais
vous n'êtes pas connu; or le nom du compositeur est pour beaucoup
dans le succès d'un opéra, et vous devez comprendre qu'un poëte
ne se prive pas à plaisir de cot appui pour ses ouvr.nges. Faites-vous
connaître, et vous me trouverez tout disposé à faire pour vous ce
que vous me demandez. — Mais, Monsieur, comment pourrai-je me
faire connaître si je n'ai pas une pièce pour en composer la musi-
que ? — Ceci, vous devez le comprendre, n'est pas mon affaire ;
c'est la vôtre. Je ne doute pas qu'avec votre talent, vous ne réus-
sissiez. I)
Après cette conversation, qui a dissipé une première illusion, il ne
reste plus que la ressource d'un jeune littérateur inconnu, qui ait be-
soin d'un musicien pour son essai de drame, comme le musicien
d'un librettiste. De ce côté, la réussite est plus facile ; on ne tarde
pas à s'entendre, et bientôt ce bienheureux livret, objet d'incessan-
tes aspirations, est entre les mains tressaillantes du compositeur
qui, plein d'ardeur, se met immédiatement à l'œuvre. Il ne s'est pas
informé si l'ouvrage a été admis par le directeur du théâtre auquel
il le destine, et quand sa partition est achevée, il apprend que l'exis-
tence de la pièce est aussi ignorée du directeur que celle de la mu-
sique. Alors commence le second acte de la désillusion. Dans l'ordre
ordinaire des choses, le jeune artiste se rend chez le directeur, et
apprend, du concierge de la maison, que pour ce qui concerne les
affaires du théâtre, M.... ne reçoit qu'à son cabinet, au théâtre
même. Il y court. Le concierge l'arrête au moment où il se dirige vers
l'escalier de la direction : « Où allez-vous? — Je désire parler à M...
— Il n'est pas ici. — A quelle heure peut-on lui parler? — Oh!
il n'a pas d'heure fixe. — Pensez-vous que je puisse venir demain
à midi. — Il ne vient pas sitôt. — A deux heures? — Essayez. »
Le lendemain, l'artiste se rend au théâtre à l'heure dite, et cette
fois, il s'arrête à la loge du concierge : « M. le directeur? — Il n'y
est pas. — C'est moi qui suis venu hier. — Ah 1 oui, je vous recon-
nais ; eh bien I vous jouez de malheur, il vient de sortir. »
Après trois ou quatre scènes de ce genre, le concierge ennuyé de
revoir toujours le même individu, lui dit de monter au cabinet de
M. le secrétaire de la direction. L'artiste s'y rend, et s'adressant à
une personne assise à un bureau : « Monsieur, je désire parler à
298
r.EVIJK El' GAZETTE MUSICALE
M.... — Hr. le directeur est en affaire, Monsieur, et ne pourra vous
recevoir ; mais si vous voulez me confier l'objet de votre visite, je
lui en' parlerai ce soir. » Enchanté de ce bon accueil, le jeune
homme décline son nom, celui de son poêle, et parle de son désir
d'une lecture de la pièce et d'une audition de la musique. « Ah! tu
es un auteur (dit en lui-même le secrétaire) ; je te réponds que nous
te donnerons le temps de corriger ton ouvrage ! » Cependant rien
ne paraît sur sa flgure de ses dispositions pour le nouveau venu,
qu'il accompagne avec politesse jusqu'au bout du corridor. Il serait
trop long de détailler les courses inutiles avant que l'audience du di-
recteur soit enûn accordée. Dans cette séance, l'entrepreneur promet
de lire la pièce ; mais, dans le cas où il la jugerait digne d'être re-
présentée, il ne peut cacher au compositeur qu'il a des engagements
pris pour plus de deux ans, et qu'il sera nécessaire que les auteurs
s'arment de patience. Et vraiment la recommandation n'est pas inu-
tile, car les mois s'écoulent et les démarches se multiplient avant
qu'un résultat soit obtenu. Après une si longue attente et tant de
temps perdu, si le refus n'est pas absolu, les auteurs en ont à peu
près l'équivalent dans la demande de corrections indiquées sommai-
rement au crayon sur le manuscrit. Dans la supposition que ces cor-
rections soient de nature à satisfaire la direction, et qu'enlin la pièce
soit reçue après une nouvelle attente non moins longue, tout est à
recommencer pour l'audition de la musique, dont il faut copier les
rôles et les parties d'orchestre. Vingt fois remise à des époques
plus ou moins éloignées, celte audition est enfin fixée pour tel jour...,
à minuit, après le spectacle. Chanteurs et artistes de l'orchestre ac-
cablés de fatigue, haletant et dé.sirant le repos, exécutent avec ennui,
mauvaise humeur, ne saisissent pas toujours les intentions et font
ressortir à plaisir les fautes du copiste ; dans ces conditions, un di^
recteur, étranger à la musique, juge du mérite de la composition.
S'il la reçoit cela ne l'engage à rien : il fera jouer l'ouvrage quand
cela lui conviendra. Si, de guerre lasse, et fatigué de sollicitations,
de recommandations et d'influences directes ou indirectes, il accorde
enûn le tour de représentation, les auteurs sont prévenus qu'on
ne peut mettre à leur disposition que les acteurs de second ou de
troisième ordre (relativement) pour l'exécution de leur opéra, parce
que les premiers sont destinés à un grand ouvrage auquel un tour de
faveur est accordé. Ou accepter ces conditions, ou refuser de se faire
connaître, est l'alternative par laquelle se termine souvent une at-
tente de plusieurs années. Tel est le sort du jeune musicien qui, à
l'aurore de sa carrière, à Paris, se sent entraîné vers la composition
pour le théâtre.
11 ne faut pas croire que les choses se passent toujours avec là
politesse qu'on vient de voir, dans le tableau vrai que j'ai tracé des
tribulations d'un jeune compositeur. Le directeur privilégié d'un des
théâtres lyriques s'y est pris d'autre manière, il y a quelques mois,
avec un jeune artiste, grand musicien, que je considère comme l'es-
poir du présent et de l'avenir, mais que je ne nomme pas, pour ne
pas ameuter contre lui les médiocrités. Il avait remis au directeur
dont il s'agit le manuscrit d'un livret dont il a fait la musique, le
priant de le lire et de décider de sa réception ou de son refus. A
quelque temps de là, il lui demanda s'il l'avait lu : n Non, Mon-
sieur. — Voudriez-vous me fixer un jour pour connaître votre déci-
sion? — Non.^ Pourquoi? — Parce que je ne lirai pas l'ouvrage. —
Pourquoi ne voulez-vous pas le lire? — Parce que c'est mauvais. —
Mais comment pouvez-vous savoir ce que c'est sans le lire. — Parce
que vous m'avez dit que c'est d'un jeune homme, et qu'un jeune
homme ne 'peut rien faire de bon. Au surplus, je n'ai que faire de
nouveaux auteurs; fui mon monde, vous n'en êtes pas ! » Que
dites- vous de cette aménité, cher lecteur?
Voilà pour le théâtre. Supposons maintenant que le jeune artiste
soit doué d'une de ces organisations exceptionnelles qui peuvent
trailer tous les genres de musique avec succès, et que convaincu de
l'impossibilité de réaliser ses vues à la scène, dans l'état actuel des
choses, il ait pris la résolution d'appliquer les qualités de son génie
à la musique instrumentale. Le voilà donc qui compose des sympho-
nies, des ouvertures de concert, des quintettes, quatuors, trios, enûn,
tous les genres de musique d'orchestre et de chambre. Que fera-t-il
de tout cela? Gomment fera-t-il connaître au public les produits de
son imagination et de ses longues études ? Il y a à Paris deux or-
chestres symphoniques de musique sérieuse, puis des concerts de
futilités, de casinos et de mauvais lieux. Homme de talent vrai, il
ne peut vouloir livrer ses œuvres qu'à la Société des concerts du
Conservatoire, ou bien aux concerts populaires, fondés et dirigés par
M. Pasdeloup ; mais pour lui, ces institutions sont murées, car on
n'y peut être entendu qu'à la condition d'être mort. Quelques essais
ont été faits de loin en loin, à la Société des concerts, d'ouvrages
dont les auteurs n'étaient pas descendus dans la tombe, mais ce
furent de rares exceptions obtenues par de certaines influences, et
rarement goûtées par le public fossile de ces concerts. Pour l'admis-
sion des œuvres nouvelles dans les concerts de cette société, fussent-
elles les plus belles du monde, il y a deux obstacles à peu près
invincibles, à savoir, l'obligation de faire des répétitions pour l'or-
chestre, et les préjugés de l'auditoire. A Paris, chacun est si occupé
de ses propres affaires, qu'on n'a pas de temps à sacrifier pour l'art,
pour étendre le cercle des idées et sortir de la routine. On y vit
dans un tra-la-la qui est toujours le même. A la pensée de se réunir
pour une symphonie nouvelle, avec les soins qu'elle exigerait, tous
les artistes d'un orchestre se sentent pris de frémissements. Si, par
aventure, on ne peut éviter cette corvée, on regarde vingt fois les
aiguilles de sa montre pendant sa durée. A quoi bon d'ailleurs passer
du temps à déchiffrer des nouveautés? N'avons-nous pas assez de
belle musique que nous savons par cœur et qui nous laisse le loisir
de faire nos affaires? Et puis, notre public ne la préfère-t-il pas à
tout ce que nous pourrions lui faire entendre d'inconnu. — Telles
sont les objections qui ont vingt fois frappé mon oreille , lorsque je
pressais les membres de la Société des concerts de sortir des étroites
limites de leur répertoire.
A l'égard du public, les difficultés ne sont pas moins sérieuses. 11
a ses habitudes, ses traditions d'enthousiasme et la garantie des noms
célèbres, qui ne l'obligent pas à faire usage d'intelligence pour porter
le jugement qu'exigerait une œuvre nouvelle. Il sait qu'il va goûter
du plaisir à un passage qui le chatouille depuis trente ans, et il s'en
réjouit d'avance : il n'aime que les surprises qu'il connaît. C'est un
honnête public, fier de sa qualité de classique, qu'il suppose syno-
nyme de borné.
Dans ses concerts populaires de musique classique, M. Pasdeloup
aurait pu prendre une autre allure, ou plutôt il l'aurait dû , car son
jeune orchestre subit une comparaison désavantageuse avec celui de
la Société des concerts, au point de vue de la perfection d'exécution,
dans des œuvres connues de tout le monde jusqu'à satiété. La longue
existence de la Société du Conservatoire, les excellentes traditions de
son orchestre, l'habitude qu'a depuis longtemps la majorité des mem-
bres de cet orchestre de l'unité d'accentuation, donnent à sa ma-
nière de rendre hs ouvrages de son répertoire une précision, une
délicatesse, un fini, auxquels ne peut atteindre un orchestre qui ne
jouit pas des mêmes avantages. Mais là, comme partout à Paris,
c'est la routine qui l'emporte. La qualification de classique, ajoutée par
M. Pasdeloup au titre des concerts populaires, lui a vraisemblable-
ment persuadé qu'elle l'obligeait à suivre les errements de la Société
des concerts; mais toute musique bien faite, dans les conditions de
l'art sérieux, est classique. Or, il en existe une quantité immense
complètement inconnue à Paris, et si les abords des concerts popu-
laires étaient rendus faciles aux hommes nouveaux, il s'en produirait
encore, j'en ai la conviction. M. Pasdeloup n'aurait pas à craindre
de son public l'empire des habitudes de celui du Conservatoire : ce
DE PAHIS.
299
public lui-même est nouveau dans la voie qui lui est ouverte ; il n'a
pas les préjugés de l'autre et se laissera faire , si la musique est
bonne, quel que soit le nom sous lequel elle se produise. Je ne
serais pas étonné toutefois d'entendre M. Pasdeloup me faire une ob-
jection qui, pour lui, serait très-sérieuse ; il me dirait probablement :
« Les n3uf symphonies de Beethoven, les quatre ou cinq de Mo-
zart et les dix ou douze de Haydn qu'on exécute, les trois symphonies
de Mendelssohn, les ouvertures de ces auteurs et quelques autres,
sont sçues de tous les artistes. Avec ces compositions, une ou deux
répétitions au plus suffisent pour chaque concert ; il eu faudrait beau-
coup plus pour des œuvres inconnues, ce qui serait un inconvénient
des plus graves, sous tous les rapports. Ne me parlez donc pas de
substituer un autre répertoire à celui qui ne me donne pas d'embar-
ras, et avec lequel je remplis ma salle de fond en comble. »
Que si le jeune compositeur dont j'ai parlé, se voyant repoussé
par la Société des concerts et par M. Pasdeloup, prend la résolution
de renfermer son génie dans le cadre de la musique de chambre, il
portera ses quintettes, ses quatuors, ses trios à MM. Alard, Fran-
chomme, Casimir Ney, ou à MM. Maurin, Chevillard, Viguier et Saba-
tier, ou à M. Armingaud, etc., les priant d'essayer sa musique.
Pleins de bienveillance, ces artistes accueilleront sa demande et fe-
ront quelque effort, afin de trouver un moment qui convienne aux
quatre ou cinq exécutants pour l'essai projeté. Habiles autant qu'in-
telligents, ils saisiront bien les intentions du jeune artiste, apprécie-
ront les beautés de l'œuvre, et adresseront à l'auteur de sincères
félicitations. Ravi d'avoir enfin trouvé le chemin qui doit le conduire
à la célébrité, le compositeur se persuadera que ces mêmes artistes
vont exécuter ses ouvrages dans leurs séances babil uelles de musique
de chambre : ici encore une illusion va se dissiper.
« Nous ferions très-volontiers ce que vous nous demandez, lui
dira-t-on ; mais nous sommes obligés de satisfaire le goût de nos
abonnés, lesquels ne veulent entendre que les œuvres des grands
maîtres que nous avons l'habitude d'exécuter, et qui accueillent mal
toute nouveauté. Quel que soit le mérite de votre composition, nous
ne pouvons donc vous promettre de la faire entendre à nos ha-
bitués. ))
On voit que c'est toujours la même chose : Quand voies serez
connu, quand vous aurez acquis de la célébrité, nous serons prêts à
tout faire pour vous ; mais nous ne voulons pas vous aider à vous
faire connaître.
Convaincu enfin qu'il n'a rien à attendre des spéculateurs qui ne
font de l'art qu'un moyen, l'artiste se décide à s'adresser aux ama-
teurs désintéressés de cet art, pour la publication de ses œuvres.
Un éditeur était précisément témoin de l'exécution d'un de ses ou-
vrages par les artistes que j'ai nommés^ des éloges qu'ils en ont
faits, et avait joint ses compliments aux leurs. Nul doute qu'il n'ac-
cueille avec empressement la proposition que l'artiste va lui faire de
la cession de propriété de ses compositions, pour les faire imprimer
et répandre partout. 11 se hâte de se rendre chez lui et de l'infor-
mer de l'objet de sa visite. De nouveaux éloges sont prodigués à
l'auteur pour la beauté de l'ouvrage qu'on a entendu. Malheureuse-
ment ce genre de musique, dont on aime à entendre l'exécution par
d'habiles artistes, ne se vend pas. Le goût frivole du public ne s'ac-
commode que de petites choses dont les opéras nouveaux fournissent
la plupart des thèmes. Quel que soit le penchant qu'auraient les édi-
teurs à ne s'occuper que de ce qu'il y a de beau et de sérieux dans
la musique, ils ne peuvent oublier qu'ils sont négociants, et comme
tels obligés de faire honneur à leurs affaires, en ne publiant que des
choses dont le débit est assuré. C'est donc à regret qu'on se voit
obligé de décliner une offre qu'on aurait été heureux d'accueillir dans
des circonstances plus favorables.
Que s'est-il donc passé depuis le commencement du xix" siècle ?
Sans parler des prédécesseurs de Haydn, qui sont en grand nombre,
deux mille symphonies ont été publiées par ce grand homme , ses
contemporains et ses successeurs, Beck, Benda, Brodosky, Carmerloher,
Cannabich, Cambini, Crocs, Danzi, Dittersdorf, Fiala, Filz, Giulini,
Gossec, Graun, Harrer, Hiller, Hoffmann, Hoffmeisler, Holzbauer,
Horn, Kleinknecht, Kozeluch, Kuntzen, Lampugnani, Leduc, Martini,
Misliwaeczeck, LéopoldMozart,Wolfgange, Amédée, Mozart, Naumann,
Neruda, Nichelmann, Pichl, Richler, Riegelg, Roelli, Schmidt, Schmit-
bauer, Seiffert, Sonnleithner , Stamitz , Toeschi, Sterkel, Vannhall ,
Van Maldère, Wagenseil, Wranilzky, Gyrowetz, Pleyel, Abel, André,
Beethoven, Feska, Kaliiwoda , Krommer, Kûffner, Lachner, Lentz ,
Maurer, Méhul, Mendelssohn, Moralt, Onslow, Reicha, Reissiger, Ries,
André Romberg, Schneider, Schubert, Schumann, Spohr, Tomaschek,
Vogler, Ch. M. de Weber, Winter, Woelff, M""'= Farrenc, et beaucoup
d'autres dont les noms m'échappent. Depuis mon enfance , j'ai en-
tendu les compositions de la plupart de ces artistes : elles étaient
exécutées dans beaucoup de petites villes, parce qu'elles n'exigea^nt
pas de puissants orchestres, et offraient aux amateurs l'avantage de
la variété, que nous n'avons plus. On objectera sans doute que peu
de noms tirés de cette foule ont survécu : il en est toujours ainsi,
car le génie est rare. Toutefois ce n'est pas à dire qu'il n'y ait dans
le reste des œuvres fort estimables et même d'heureuses inspirations.
Par exemple, Sterkel, Vannhall, Gyrowitz et Wranitzky, dont les noms
sont maintenant oubliés , furent des artistes de grande distinction ,
dont les œuvres renfermaient des choses pleines d'intérêt. Si les édi-
teurs d'autrefois n'avaient pas publié les ouvrages de tous ces auteurs ;
si tous les orchestres ne les avaient pas exécutés, les grands artistes
dont nous admirons aujourd'hui les productions seraient restés dans
l'obscurité.
Il en est de même pour toute la musique de chambre. J'ai vu le
temps où tout ce qui s'écrivait de quintettes, de quatuors, de trios
et de sonates était publié, et où il y avait à Paris cent maisons d'a-
mateurs dans lesquelles on exécutait ce genre de musique, cultivé
également dans les provinces, en Belgique, en Hollande, en Angle-
terre, en Espagne et dans toute l'Allemagne. La consommation de ces
ouvrages égalait celle des babioles de notre temps, et les éditeurs
s'enrichissaient.
FÉTIS père.
[La suite prochainemeni.)
THÉÂTRE IIPÉRIÂL DE L'OPÉRA-COffllOUE.
Reprise da Songe ti'ttne atttil d'ete-
Rentrée de Mlle Monrose. — M. Léon Ach4rd. — M. Crosti. —
M. Justin.
Jamais titre ne fut mieux justifié que celui-ci, car on n'a jamais
mis sur la scène une histoire plus fantastique. Il y a, dans les Dia-
mants de la couronne, une reine de Portugal qui fait, il est vrai,
des choses bien extraordinaires ; mais c'est une reine qui n'a pas de
nom, et qui n'a jamais existé. Mais la reine du Songe d'une nuit
d'été se nomme Elisabeth, rien que cela ! C'est cette terrible fille
d'Henry VIII, que, de son vivant comme après sa mort, tout le
monde, jusqu'à M. de Leuven, avait prise au sérieux. L'héritière
des Tudors et des Plantagenets, la fière souveraine de l'aristocratique
Angleterre, amoureuse de Skakspeare, le rencontrant la nuit dans un
cabaret, après avoir couru les aventures dans les rues de Londres,
lui prêchant la tempérance pendant qu'il s'enivre, le couvrant d'un
manteau quand il est tombé ivre mort, et le faisant transporter dans
son parc de Richmond, où il se réveille amoureux comme un fou, —
comme un poëte, si vous le préférez, — de l'idéale beauté qui lui a
dit, au milieu de son orgie : « Je suis ton génie, et je viens te ren-
dre le respect de toi-même, etc., etc. ! » Quel auteur dramatique a
300
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
jamais pris plus de libertés avec l'histoire, avec la vraisemblance, et
poussé plus loin la fantaisie ? Elisabeth était née en 1633, et Skaks-
peare en 156Z| : il y avait entre ces étranges amants trente et un ans
de distance! Mais qu'importe à l'Opéra-Comique? Elisabeth y a
l'âge de Mlle Monrose, et Skakspeare celui de M. Achard. Ils sont
jeunes tous deux, en dépit de l'histoire, et on ne leur demande pas
d'être vraisemblaràes , mais bien d'être amusants. Or, on les voit
coup sur coup dans des situations aussi délicates, aussi difficiles
qu'inattendues ; ils ont tout l'esprit de M. de Leuven , doublé de
M. Brunswick, et ils chantent la musique de M. Ambroise Thomas!
On les écoule donc avec un intérêt qui va croissant de scène en
scène, et que viennent soutenir ou ranimer, chaque fois qu'il en est
besoin, la jalousie de lord Lalimer, et les bouffonneries épisodiquas
de sir John Falstaff.
La partition du Songe d'une nuit d'été est une des plus heureuses
de M. A. Thomas, une de celles oîi son talent fin, gracieux et bril-
lant s'est trouvé le plus à l'aise, et s'est déployé avec le plus d'am-
pleur. Sa mélodie est facile et distinguée, son harmonie toujours
élégante ; son instrumenlalion est pleine d'éclat, et fourmille d'ingé-
nieux détails. Toute la partie bouffe — c'est le rôle de Falstaff — est
écrite avec autant d'e.sprit que de verve. Le duo de la reine et d'O-
livia, au premier acte, est d'une élégance rare... — L'auteur nous
pardonnera-t-il de regretter seulement qu'il y ait donné, comme
dans tout le rôle d'Ehsabeth, une trop large place à la vocalise? —
La romance de Skakspeare, quand il se réveille dans le parc de Ri-
chmond, est délicieuse; son duo avec la reine est plein de passion
et d'ardeur. Quant au chœur des gardes-chasses, il est si connu, on
l'a tant répété partout, et tant bissé, qu'il ne reste plus qu'à le sa-
luer comme un des modèles du genre.
Mlle Monrose avait déjà chanté le rôle d'Elisabeth à l'Opéra-Comi-
que, avant ses voyages. La Belgique nous l'a rendue plus jolie que
jamais : mais il nous semble que sa voix n'a pas résisté aussi vic-
torieusement que son frais visage à l'inclémence du climat septen-
trionaL Est-ce une erreur de notre oreille? Est-ce l'efiet de l'émo-
tion où d'une fatigue accidentelle? Nous ne savons, mais ses notes
aiguës nous ont paru voilées, et d'une émission difficile ; elle a de la
peine à soutenir un son prolongé ; elle tourne au trille involontaire.
Aurait-elle donc chanté souvent, et sans prendre les précautions con-
venables, la musique de M. Verdi ?
M. Léon Achard dit avec autant de sentiment que de grâce la
romance du second acte, dont nous parlions tout à l'heure. Dans
d'autres parties de son rôle, on le croirait préoccupé de la funeste
pensée de devenir un fort ténor. 11 pousse sa voix avec violence,
lui ôtant ainsi toute flexibilité, et gâtant ce timbre délicat et char-
mant que lui a donné la nature. Qu'il le regrettera amèrement,
quand il l'aura perdu ! Cetle tendance à l'excès, qui, chez lui, pa-
raît nouvelle, se trahit même dans le dialogue. 11 crie la prose de
M. de Leuven autant que la mélodie de M. Thomas. 11 a bien tort :
l'une demande a être ménagée et nuancée tout autant que l'autre.
M. Crosli aussi (Falstaff) exagère la sonorilé et trille sans le vou-
loir. Heureusement qu'il n'a encore rien perdu de son agilité cor-
recte et brillante. D'ailleurs, plein de feu, et très-gai par moments,
ce jeune artiste a tout ce qu'il faut pour s'élever au premier rang,
comme acteur et comme chanteur; mais il faut qu'il se surveille et
se modère.
M. Justin, qu'on ne connaissait pas encore à Paris, est jeune
aussi, si l'on s'en rapporte à l'apparence, et il semble peu expéri-
menté. Mais il chante correctement, sagement, avec un excellent
style et une expression fort juste. Qu'il devienne seulement un peu
moins timide, et son succès est certain.
Mlle Bélia joue f.rt bien le rôle d'Olivia, et le chante très-agréa-
blement. M. Nathan a plus de talent qu'il n'en faut pour celui du
tavemier, mais ne nous en plaignons pas. C'est seulement quand les
petits rôles sont donnés à des gens de talent qu'une pièce est jouée
avec ensemble.
LÉON DUROCHER.
L'ÂNNEÂD DES NIBELUNGEN,
Par RICHARD IVAGMER.
(/je et dernier article) (1).
Il paraît que les géants, lors même qu'ils se déguisent en mons-
trueux lézards, et qu'ils ont reçu un coup en pleine poitrine, ne per-
dent pas leur présence d'esprit. Fafner, blessé, comme nous l'avons
vu, trouve encore la force de dire à Siegefroy : « Qui donc es-tu,
hardi garçon, qui m'as frappé au cœur ? Ce n'est pas ta cervelle qui
a couvé ce que tu viens de faire. » Avant de mourir, le monstre lui
conseille de se tenir sur ses gardes, car celui qui l'a poussé à cet
exploit, médite sa perle. Siegefroy arrache le fer du cœur du géant,
et le sang en rejaillit sur sa main qu'il porte vivement à sa bouche.
0 merveille des merveilles ! Ce sang du dragon qu'il a terrassé, lui
communique la faculté de comprendre le chant des oiseaux, et il. en
profite à l'instant même. Un oiseau chante dans le tilleul, et voici
le sens de son ramage : << A Siegefroy appartient le trésor des Nibe-
lungen. Le tannhelm, ou, si vous aimez mieux, le casque, dont la
vertu rend invisible celui qui le porte, aiderait puissamment à exé-
cuter de grandes choses, mais l'anneau rendrait son possesseur maître
du monde. » Siegefroy s'enfonce dans la caverne. Albéric et Mime,
qui se tenaient cachés, paraissent sur la scène : ils se disputent à
qui des deux appartiendront le casque et l'anneau. Tous les deux se
sauvent à l'aspect de Siegefroiy, qui revient avec les deux talismans.
L'oiseau l'avertit derechef d'avoir à se méfier du nain. Un homme
averti en vaut deux : le nain se montre, et après un dialogue assez
obscur, Siegefroy le tue d'un coup de son épée. L'oiseau chante alors :
n Siegefroy a tué le méchant nain: maintenant j a connais une femme
ravissante. Elle dort sur un rocher élevé qu'entourent des flammes.
S'il passe il réveillera sa fiancée, et Brunnhilde est à lui. » Le héros
se décide à tenter l'aventure : il sort précédé de l'oiseau, qui lui
montre le chemin.
Nous voici à l'acte troisième de la seconde journée, et pour va-
rier, le théâtre représente, comme toujours, des montagues, des ro-
chers. Il fait nuit : l'éclair brille, le tonnerrre gronde. Le voyageur,
c'est-à-dire Odin, à l'entrée d'une caverne, évoque Erda qui, en ar-
rivant, répand autour d'elle une clarté bleuâtre. La déesse semble
couverte d'vne gelée blanche : ses cheveux, ses vêlements ont le
scintillement de la glace. Tout ce qu'il nous a été possible de déga-
ger d'une conversation apocalyptique se réduit à ceci : Odin com-
mande à Erda de redescendre dans le sein de la terre pour y dormir
d'un sommeil éternel. Celui qu'il a choisi a conquis l'anneau des Ni-
belungen. La malédiction d'Albéric ne saurait l'atteindre : la peur
lui est restée inconnue. Erda disparaît, la grotte redevient sombre.
Odin veut empêcher Siegefroy d'y entrer; il lui crie : « Redoute le
gardien du rocher ; ma puissance y tient renfermée une jeune fille
endormie. Celui qui la réveillerait, qui en ferait la conquête, celui-là
mettrait fin à ma puissance ! Lève les yeux, vois les torrents de lu-
mière, la flamme va te dévorer. » Siegefroy lui dit : « Arrière, fan-
faron : je dois diriger mes pas vers Brunnhilde. — Si tu ne crains
pas le feu, répliqua Odin, que ma lance te barre le chemin. L'épée
que tu portes, cette arme l'a déjà coupée en deux autrefois. Que la
tienne se brise également contre la lance éternelle ! » Siegefroy s'é-
crie : « Ennemi de mon père, je te retrouve ici! quelle belle occasion
(1) Voir les n" 28, 36 et 37.
DE PARIS.
301
pour ma vengeance. » La lutte s'engage, Siegefroy fait voler en éclats
la lance d'Odin, qui s'enfuit en disant : « Marche donc en avant, je
ne puis l'arrêter. » Un vaste incendie remplit le théâlre; Siegefroy
s'y précipite en sonnant du cor. Peu à peu les flammes pâlissent et
Siegefroy trouve Brunnhilde ; il soulève le bouclier d'Odin et réveille
la valkyrie. Suit une interminable scène, où les deux amants se li-
vrent aux transports de la passion, dans un style dont il serait diffi-
cile de donner une idée. Le langage de Brunnhilde est d'ailleurs em-
preint d'une rêverie mystique et d'allusions obscures, qui font dire à
Siegefroy : « Le doux chant de la voix, je l'entends; mais quant à
ce que lu me dis en chantant, étonné, je ne puis comprendre. » Le
lecteur est tout à fait dans le même cas : à la fin, les deux amants
tombent dans les bras l'un de l'autre, c'est la conclusion de la se-
conde journée.
Italiam! ItaliamI Enfin nous voici à la troisième journée, à ce
Crépuscule des dieux, dont nous renonçons à débrouiller les ténèbres.
Un prologue y conduit, et trois nomes se montrent en longs vête-
ments flottants, comme des espèces de voiles ; elles tressent des
cordes prophétiques, que la première attache par un bout à une
branche de sapin, l'autre à la saillie d'un rocher ; la troisième lance
le bout de la corde derrière elle. Tout en se livrant à ces exercices,
elles chantent une espèce d'hymne en trio ; ce chant résume ce qui
s'est passé dans les pièces précédentes. La première norne dit : « La
nuit s'évanouit, je ne trouve plus les fils de la corde ; Albéric a ravi
jadis l'or du Rhin ; sais-tu ce qu'il est devenu ensuite? » La seconde
norne dit ensuite : « L'anneau des Nibelungen surgit à mes yeux
du sein de l'envie et du nialheur. Une malédiction ronge les fils de
ma corde, etc. » Les trois nornes ensemble : « Notre science éternelle
est à bout! les sages n'annoncent plus rien à la terre; descendons
auprès de la mère. » Elles disparaissent et le jour luit aussitôt.
Au commencement du premier acte, Siegefroy et Brunnhilde sortent
d'une chambre taillée dans le roc. Siegefroy, qui veut quitter Brunn-
hilde pour voler à de nouvelles prouesses, lui fait présent du fameux
anneau. La malédiction d' Albéric va produire son effet. Nous entrons
dans le cercle des traditions qui servent de base au poëme épique
des Nibelungen. Nous sommes aux bords du Rhin, chez les Gie-
bichungs, c'est-à-dire les descendants de Giebich. Hagen , homme
haineux, plein d'astuce, implacable dans ses vengeances, qui a amené
la terrible catastrophe dans le poëme, joue ici un rôle semblable. Il
sait que Brunnhilde a l'anneau des Nibelungen ; pour s'en emparer, il
conçoit le projet de lui faire épouser son frère Gûnther. Quant à
Siegefroy, on lui donne un breuvage qui a les vertus des eaux du
Léthé ; aussitôt qu'il y a goijté, il oublie Brunnhilde et s'enflamme
d'une vive passion pour Guthrune, femme de Hagen. Brunnhilde est
assise à l'entrée de la chambre taillée dans le roc, les yeux fixés sur
l'anneau de Siegefroy. Arrive IFaltrante, l'une des valkyries : « Dans
le conseil des dieux, Odin a dit : Si Brunnhilde rendait l'anneau aux
filles du Rhin, Dieu et le monde seraient rachetés de la malédiction
d'Albéric. C'est de cet anneau que tu portes au doigt qu'il est ques-
tion. Ecoute mon conseil : pour Odin, jette-le loin de toi, rends-le
aux filles du Rhin !
Brunnhilde. — Moi, qu'aux filles du Rhin je rende l'anneau ? es-tu
folle ? le gage de son amour ! Retourne vers les dieux ; dis-leur qu'ils
ne me prendront pas mon amour, quand même le palais orgueilleux
de Walhall devrait s'écrouler.
Wallrante. — Malheur! malheur! malheur à toi, ma sœur! mal-
heur aux dieux de Walhall ! »
Le cor de Siegefroy résonne dans le lointain ; Brunnhilde court
au-devant de lui. II s'avance; il est coiffé du Tarnhelm (casque ma-
gique) et il a !a figure de Gûnther. Brunnhilde est effrayée. « Je suis
un Giebichung, » lui dit-il ; « Gûnther est le nom du héros que lu
dois suivre. » Brunnhilde, désespérée, éclate en imprécations furieuses.
Siegefroy lui arrache l'anneau et lui ordonne de le recevoir dans sa
chambre. Jusqu'à présent il avait pris la voix de Giinther; mais c'est
avec sa voix naturelle qu'il prononce ces mots, en tirant son épée :
« Nolhung, sois témoin que j'ai recherché Brunnhilde en tout bien,
tout honneur ! gardant ma foi envers mon frère, sépare-moi de ma
femme. » La toile tombe fort à propos ; mais ne devinez-vous pas un
peu ce qui se passe dans l'entr'acte, ou plutôt ce qui ne se passe pas?
Siegefroy revient avec Brunnhilde et avoue qu'il a partagé sa couche,
mais séparé d'elle par Nothung. Brunnhilde dément Siegefroy ; qui
des deux faut-il croire? à qui s'en rapporter? Hagen s'offre à punir
Siegefroy, quoique la valkyrie l'ait rendu invulnérable, mais n'im-
porte ; comme il n'a jamais fui, le charme ne s'étend pas jusqu'à
son dos. C'est donc par derrière que Hagen le frappera de l'avis de
sa femme.
Au troisième acte, le théâtre représente une vallée dans la forêt
sur les bords du Rhin : nous retrouvons les trois nymphes chanteuses
du prologue. Siegefroy entre en scène et veut leur rendre l'anneau :
mais elles le refusent : « Garde-le, héros, lui disent-elles, jusqu'à ce
que tu comprennes les malheurs qui y sont attachés. » Qui croirait
que le héros garde sottement l'anneau qu'il n'aurait qu'à jeter dans le
fleuve pour détourner l'effet de la malédiction ?
Enfin, Hagen tue Siegefroy à la chasse : Giinther lui dispute la
possession de l'anneau et tombe sous les coups de son frère. Quand
Hagen veut retirer l'anneau du doigt de Siegefroy, celui-ci, tout mort
qu'il est, lève les mains d'un air menaçant. Guthrune tomba sur le corps
de son mari et ne bouge plus jusqu'à la fin. Brunnhilde fait cons ■
truire un immense bûcher sur les bords du Rhin, et ordonne d'y
porter le corps de Siegefroy, puis elle chante : « Maudit cercle ! ter-
rible anneau ! Je saisis ton or et je m'en défais. Sages sœurs, dans la
profondeur des eaux, vous m'avez donné un loyal conseil ! Ce que
vous demandez, je vous le rends. Prenez-le dans mes cendres, que
le feu qui me consume le purifie de la malédiction. — Vous, corbeaux,
volez chez vous ! Dites à votre maître ce que vous avez entendu ici
sur les bords du Rhin ! La fin des dieux approche : c'est ainsi que je
jette le brandon dans le palais de 'Walhall ! Si la race des dieux a
passé comme un souffle... je lègue au monde le trésor de ma science
la plus sainte. Ni l'or, ni la magnificence, ni maisons, ni biens, etc.,
l'amour seul nous rend heureux dans la volupté et dans la souf-
france. »
Brunnhilde fait amener son coursier, y monte, et d'un bond s'élance
au milieu du bûcher qui flamboie. Tout à coup le bûcher s'écroule ;
le Rhin déborde et roule ses flots sur les cendres. Les trois nymphes,
filles du Rhin, arrivent en nageant : à leur aspect Hagen est saisi de
vertige ; il jette ses armes et se précipite dans le Rhin, oi!i les nym-
phes le saisissent et l'entraînent vers le fond.
La pièce finit par une aurore boréale ; et c'est assurément ce qu'i^
y a de plus clair pour nous dans l'immense logogriphe que Richard
Wagner appelle une tétralogie.
Ici notre tâche s'arrête. Pour faire connaître à des Français l'œuvre
étrange de Richard Wagner, il n'y avait pas deux partis à prendre,
nous ne pouvions que la raconter, l'exposer aussi intelligiblement
que nous le permettaient la longueur et la bizarrerie du texte. En-
core ne nous flattons-nous pas d'avoir évité les contre-sens, les er-
reurs; souvent nous avons marché dans ce labyrinthe comme un
aveugle qui a perdu son bâton. Toute discussion d'ailleurs était im-
possible. Bien fou qui chercherait à corriger, modifier, amender des
conceptions qui n'ont ni précédents, ni analogues dans aucun réper-
toire théâtral. C'est tout simplement à prendre ou â laisser.
Que les lecteurs qui nous ont suivi, s'il y en a quelques-uns, fassent
donc à leur guise! Quant à nous, on sait déjà notre opinion. V Anneau
des Nibelungen n'est qu'un conte légendaire, dont nous abandonnons la
valeur poétique à des juges plus compétents, plus experts surtout
dans la langue allemande.
302
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Comme œuvre dramatique, l'auteur nous paraît avoir composé quelque
chose d'aussi absurde, mais de beaucoup moins amusant que le Pied
de mouton, les Pilules du diable et autres féeries de même force.
Ce qui nous étonne le plus, c'est qu'un musicien ait méconnu la mu-
sique au point de croire qae l'Anneau des Nihelungen fût propre à en
inspirer, nous ne disons pas de bonne, mais seulement de tolérable,
et que s'il existe dans l'univers un seul homme capable d'en écrire
sur ce texte, il pût s'en rencontrer un seul autre en état de l'é-
couter.
J. DUESBERG et S***.
NOUVELLES.
**;t Le théâtre impérial de l'Opéra a commencé dimanche dernier ses
représentations du dimanche par le Trouvère et Diauolina. Mlle Moura-
vieff a dansé une dernière fois dans le ballet et a fait de brillants adieux
au public parisien.
*** Lundi, on a donné la Juive. Warot a chanté pour la prercière fois
le rôle de Léopold avec beaucoup de charme.— Mercredi, par suite d'une
indisposition de Faure, le Trouvère a été substitué à la Favorite annoncée
avec le Marché des Innocents. Mlle Sax a chanté admirablement le rôle
de Leonora.— On devait donner vendredi les Huguenots ; mais Mme Guey-
niard étant à son tour indisposée, le chef-d'œuvre de Meyerbeer a été
remplacé par le Comte Ory et le Diable à quatre.
*** Mlle Vernon a reparu mercredi dans le Marcfié des Innocents, aux
grands applaudissements des amateurs de la nouvelle étoile. C'est elle
qui remplissait vendredi le rôle de Mazourka dans le Diable à quatre.
*** Le Prophète, de Meyerbeer, sera représenté incessamment, avec
Mlle Wertheimber dans le rôle de Fidès.
**:(, On s'occupe activement de la reprise de Moïse et du nouveau
ballet dans lequel Mlle Amina Boschetti doit faire ses débuts.
**:j Mlle Cico est de retour à Paris.— Montaubry revient aujourd'hui.
— Le nouvel opéra d'Auber, la Fiancée du roi de Garbes, va entrer en
répétitioD. — Les études de l'opéra de Maillart, Lara, commenceront
très-prochainement.
*** Quoique la transformation intérieure que subit la salle Ventadour
ne doive pas être entièrementaooomplie pour le !'='■ octobre, la réouverture
de l'Opéra Italien n'en aura pas moins lieu k cette date, et vraisemblable-
ment elle se fera par io Lucia, interprétée par MraeLasrange et Fraschini ;
Giraldoni débutera dans le rôle d'Ashton.— 11 paraît décidé par M. Bagier
que pendant les premiers mois de la saison, la troupe de Paris se com-
posera de Mmes Lagrange , de Méric-Lablache, Gassier, Vanderbeck,
Vestri, et de MM. Fraschini, Baragli, iNicolini, Giraldoni, Délie Sedie,'
Bouché, Rovère; tandis que le théâtre de l'Oriente, à Madrid, sera défrayé,
pendant le même temps, par Mmes Borghi-Marao, les sœurs Warchisio,
Calderon, et MM. Mario, Musiani, Guicciardi, Antonucci Scalese. Quanta
Mlle Adelina Patti, nous avons dit, lorsqu'elle fut engagée, que ses re-
présentations commenceraient à Madrid et qu'elle ne serait ici que vers
la fin de décembre. — Baragli débutera dans le rôle du comte Alma-
viva dHl Barbiere.
*** Joseph et l'Epreuve villageoise attirent beaucoup de monde au
théâtre Lyrique. — On devait donner vendredi la première représen-
tation du Pêcheur de perles, mais elle a été ajournée à demain, par suite
d'une indisposition de Mlle de Maësen.
*** Les recettes brutes des théâtres impériaux subventionnés, des
théâtres secondaires, des concerts, spectacles et cafés-concerts se sont
élevées, pendant le mois d'août 1863, à 939,266 fr. 56 c.
*** On écrit de Bade que le roi de Hollande, qui a fort remarqué le
talent de Mlle Artot pendant son séjour dans cette résidence, a fait of-
frir à l'éminente cantatrice un engagement de plusieurs années au
théâtre de la Haye, avec 30,000 florins de traitement et un congé de
cmq mois, et qu'elle a refusé ces brillantes propositions.
**« On écrit de Pérouse que Mme Ferraris vient d'obtenir une véri-
table ovation dans un nouveau ballet de Diani Grazidla. La célèbre
danseuse tant admirée à Paris, à Londres, à Saint-Pétersbourg, s'y est
surpassée. Elle aurait dû répéter tous ses pas si elle avait obéi aux ac-
clamations enthousiastes du public. Les plus belles fleurs lui ont été
jetées, la salle croulait sous des tonnerres d'applaudissements, et enfin
un honneur tout à fait inusité à une première représentation lui a été
décerné par la musique municipale, qui s'est rendue sous ses fenêtres
pour lui donner une sérénade. A la seconde représentation l'enthou-
siasme s'est encore accru.
*** Mlle Lucca, qui a eu dernièrement l'honneur de se faire enten-
dre chez la princesse royale de Prusse, à Potsdam, vient de recevoir
de Son Altesse un bracelet magnifique et d'un goût exquis. — Un grand
personnage a daigné aussi envoyer de Londres à l'éminente cantatrice
une bague enrichie de diamants.
j.** Après une excursion de plusieurs mois en Suisse, en Allemagne, etc.
signalée par des succès sans nombre, Roger est de retour à Paris, et
nous donnons une bonne nouvelle à nos lecteurs en les informant que
le célèbre ténor va ouvrir un cours de chant et de déclamation lyrique.
**» Nous avons eu l'occasion de parler dernièrement du beau concert
donné par Louis Brassin dans les salons de la Redoute, à Spa, et de men-
tionner le succès qu'y avait obtenu Berthelier. Nous avons omis de dire
qu'outre l'éminent pianiste Brassin et son jeune frère, violoniste plein
d'avenir, l'administration des jeux avait demandé le concours de Mlle
Balbi,du théâtre de l'Opéra-Comique, et de Mlle Uélène de Katofl", la char-
mante violoncelliste, élève de Servais, qui s'est fait applaudir l'hiver der-
nier à Paris dans plusieurs concerts. Digne élève de son maître, Mlle
de Katolï a e.xécuté, avec accompagnement d'orchestre, le Désir et des
fantaisies brillantes sur la Muette de Portici, deux belles compositions
de Servais. Le public a été vivement impressionné par le style large,
toujours élevé et gracieux en même temps de Mlle de Katoff, et, en en-
tendant ces sons pleins de charme, de sentiment et de chaleur qu'elle
sait tirer de son instrument, il a battu des mains avec enthousiasme.
,^*^ Le Musical World consacre six colonnes au compte rendu du ma-
gnifique festival qui vient d'avoir lieu k Worcester. Le choix des mor-
ceaux était grandiose, l'exécution a été admirable. Nous nous bornerons
à signaler les résultats de ces trois solennelles journées : — Le mardi
8 septembre, à midi, à la cathédrale, devant nn auditoire de dix-sept
cents personnes : Elle , de Mendeissohn. Mmes Lemmens , Banks ,
Palmer et M. Wilbye-Cooper en ont chanté la première partie ; Mmes
Tietjens, Sainton-Dolby et M. Sims-Reeves, la seconde partie ; M. Weiss
a interprété la partie du prophète en entier. Le soir, concert à la
galle du Collège, avec la participation des artistes susnjentionnés. Le
produit de cette journée a été de liv. st. 333 (environ 8,000 francs.) —
Mercredi, à midi, le Requiem, de Mozart, le Christ au mont des Oliviers,
de Beethoven et un hymne de Mendelsshon (chant d'actions de grâce).
Le soir, !a Première nuit de Walpurgis, de Mendeissohn (soi! :
Miss Palmer, MM. Wilbye et Weiss), et un conçoit. Produit de la
recette, liv. st. 2-50 (environ 6,200 francs.)— Jeudi, à midi, devant deux
mille cent soixante-dix personnes, l'oratorio de Schachner, IsraeVs return
from liabijlon, la nouveauté par excellence de ce festival, avec Mme Tiet
jens, Miss Palmer, M.Vl. Sims-Reeves et Santley. La deuxième partie de
cette matinée était remplie par des fragments d'œuvres de Haendel, in-
terprétés par les artistes déjà mentionnés. Cette troisième journée
a produit, avec des dons supplémentaires, environ liv. 300 (7,500 francs.)
— L'année dernière le produit total avait atteint liv. 1,300 (32,300
francs.) L'Angleterre est encore certainement le seul paj's où une so-
lennité musicale puisse atteindre a un pareil chififre de recette.
,1,*^ Le Mœnncr-gesang-verein de Vienne a donné un concert à Press -
bourg, avec le concours de la Lieder-tafel de cette ville, au profit des
pauvres de la basse Hongrie. Au moment où les chanteurs viennois
montèrent sur l'estrade, la salle de la Redoute, où la fête avait lieu,
retentit d'applaudissements et d'acclamations enthousiastes. Presque tous
les morceaux exécutés par les chœurs ont été bissés. On a particuliè-
rement remarqué : Vineta, la Rose dans les bois, le Laurier et la Rose, etc.
Olschbauer a chanté un solo : Espérance, par Schubert, et Ah! que
n'en est-il toujours ainsi, de Rubinstein. La Liedertafel de Pressbourg a dit,
entre autres, un chœur de Tinody du xvf siècle, et un lied populaire
par le comte Léon Fesztetits, qui a eu un succès extraordinaire et qui a
été redemandé.
^*^ L'éminent violoniste Lecieux vient de donner au casino de Trou-
ville un brillant concert avec le concours de Mme Cartelier, de la cha-
pelle impériale, de Mlle de Corteuil, pianiste de Caen, et de Berthelier.
Après l'exécution de plusieurs compositions distinguées de M. Lecieux,
Mme Cartelier a chanté avec beaucoup de charme une très-jolie valse
de concert encore inédite de M. Emile Ettling, et Berthelier a excité
des rires inextinguibles en disant sa charmante chanson du Coquelicot
et la bouffonnerie si originale : C'est ma fille.
^,*,t Nathan et Ravina viennent de donner un charmant concert au
casino d'Etretat. L'éminent violoncelliste a joué avec une pureté et un
sentiment exquis ses compositions Hommage à Bellini, Chansons napoli-
taines et la Berceuse. Ravina a enlevé avec son inimitable talent trois
morceaux originaux, le Nocturne, la Mahoura, Havanera, et M. Maro-
chetti, avec Mlle Dellernos, se sont très-bien acquittés de la partie vo-
cale. Cette soirée, la deuxième de la saison, a été charmante, et a valu
de fréquents applaudissements aux artistes.
,i,*,t. L'éminent pianiste-compositeur Henri Wieniawski est de retour
à Paris, et son frère le célèbre premier violon du théâtre impérial
russe est retourné à Saint-Pétersbourg. Les deux frères ont donné à
Spa et dans différentes villes d'eaux des bords du Rhin, des concerts
où leur magnifique talent leur a valu d'unanimes applaudissements.
j.*,^ On écrit de Leipzig en date du 12 septembre, que M. Paul Men-
deissohn, frère du célèbre compositeur, a depo.se entre les mains du
magistrat municipal une somme de 1,500 thalers, produite par la vente
des lettres de son frère. Ce don a été désigné comme « Fondation de
Félix Meodelssohn-Bartholdy, » et ce capital sera administré par le
magistrat. Le 3 février, jour anniversaire de la naissance dé feu Men-
DE PARÎS.
303
delssohn, les intérêts en seront remis à deux veuves d'artistes de l'or-
chestre de Leipzig, lesquelles seront désignées par le même magistrat
municipal de cette ville.
j,*« Jacques Baur, l'éminent pianiste, vient de donner deux beaux
concerts ù Aix en Savoie, dont l'un avec le concours du ténor Bettini
et de Swetschin, violoniste, au bénéfice des incendiés du hameau de
Tresserve, a produit près de 1,300 francs net. L'élite de la société d'Mx
s'était rendue à ces deux concerts dans lesquels les artistes ont été
chaleureusement applaudis.
,,*:,, Aujourd'hui dimanche, grande matinée musicale au Pré Catelan.
Musard, l'éminent et populaire artiste, vient de renouveler son pro-
gramme et d'y ajouter de nouvelles richesses. L'excellent corniste Cor-
tiani et le célèbre flûtiste Forestier se feront entendre dans deux de
leurs plus charmantes compositions. — Avant-dernier grand bal d'enfants
avec les fanfares militaires.
a,** Aujourd'hui dimanche, au concert des Champs-Elysées, première
matinée musicale, de 2, à 5 heures. L'orchestre sera dirigé par M. Go-
bert.
^*t Le magasin de musique ancienne de Lavinée est transféré, à partir
de ce jour, 1 1 , rue des Saints-Pères.
^*^ Les lettres viennent de faire une grande perte! L'auteur de Cinq-
Mars, de Stella, de Chatterton, Alfred de Vigny, membre de l'Académie
française, vient de succomber dans sa soixante-quatrième année, à une
longue et douloureuse maladie.
^*^ Une cantatrice italienne, qui jouit autrefois d'une grande cé-
lébrité, Mme Schoberlechner, née Dali' Occa, vient de mourir à .Saint-
Pétersbourg. Des revers de fortune lui avaient imposé la dure nécessité
de donner, sur ses vieux jours, des leçons de chant dans cette capitale.
Mme Schoberlechner avait été prima donna de la première société ita-
lienne qui y donna des repré-sentations de 1829-1830. Peu de temps
après l'entrée en fonctions de l'intendant des théâtres, M. de Kustner,
cette cantatrice, déjà sur le retour, se fit entendre sans beaucoup de
succès à l'Opéra de Berlin.
4*,t On annonce la mort, à Turin, d'une cantatrice de grand talent,
Mme Palmire Tacchinardi, nièce du célèbre chanteur de ce nom, et qui
s'était déjà fait applaudir sur plusieurs scènes italiennes.
.j,*^ M. Moreau, qui a tenu longtemps, en province, d'une façon dis-
tinguée, l'emploi de ténor, vient de mourir à l'âge de soixante ans; il
était frère de Moreau Sainti.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
,1,*^ Dinan. — A l'occasion des fêtes qui ont accompagné les courses,
M. Kovalsky, pianiste distingué, avait organisé avec M. et Mme Archain-
baud, chanteurs de talent, des soirées musicales terminées par de petits
opéras-comiques qui ont eu beaucoup de succès, et qui ont valu aux
trois artistes des applaudissements légitimes.
^*^ Lyon. — Robert le Diabk avait été choisi pour la réouverture du
grand théâtre, mais les honnêtes gens qui venaient jouir du chef-d'œu-
vre de Meyerbeer n'ont rencontré dans la salle que tumulte et scandale.
Une bande de spectateurs du plus bas étage avait organisé contre un
artiste de talent, gendre du directeur, M. Danguin, une cabale aussi
absurde qu'injuste, devant laquelle il a dû se retirer en jurant que ja-
mais il ne chanterait devant un public comme celui de Lyon. Après
cette déclaration faite par le régisseur, l'opéra a pu continuer, et Du-
laurens a effectué son début. Ce début, malgré l'émotion d'une scène
aussi dégoûtante, a d'ailleurs eu lieu avec un grand succès qui, depuis
la phrase : « Chevaliers, c'est à vous que je bois, » a été en croissant
jusqu'à la fin de la représentation. — Il n'en a pas été de même de celui
de Mlle Olivier dans le rôle d'Alice; elle a été impitoyablement siflée.
— Le deuxième début de Dulaurens dans Guillaume Tell, n'a pas été
moins heureux que le premier. — Mme Cabel, qui passionne toujours
notre public, a reparu plus belle et plus brillante que jamais dans
Marie de la Fille du Régiment ; Mirai y faisait son troisième et très-fa-
vorable début. M. Fabre, ténor léger, et Mlle Lagye, jeune lauréate
du Conservatoire de Paris, ont été admis sans opposition, et compléte-
ront bien l'ensemble de la troupe.
j^*^, Marseille. — La rentrée de MM. Lefranc et IJumestre dans Guil-
laume Tell, a été pour ces deux artistes un véritable triomphe. M. Le-
franc a été acclamé par la salle entière et applaudi à tout rompre. Un
accueil analogue était quelques instants après fait à M. Dumestre. Le
rôle de Mathilde a servi de premier début à Mlle Moreau, belle personne
et cantatrice de talent, qui n'avait besoin que de paraître pour se faire
accepter. Son second début dans le rôle de Marguerite des Huguenots a
d'ailleurs confirmé pleinement ce premier succès. — La Juive a fourni
à Mme Ecarlat-Geimar l'occasion d'un deuxième début très-brillant;
enfin la direction a fait une excellente acquisition dans M. Gilbert, basse
d'opéra-comique, qui possède une voie franche et sonore, conduite avec
art. Notre saison lyrique s'annonce donc sous les meilleurs auspices.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
„*,s Bruxelles. — Lucie, Martha et Faust ont défrayé cette semaine
le théâtre de la Monnaie. Le charmant opéra de Flotovv est toujours
bien accueilli, et le succès antérieur de Faust se soutient très-bien.
— On nous annonce comme prochaines les représentations successives
des Noces de Figaro, du Val d'Andorre, de Quentin Durward. etc. — La
direction monte en outre Oberon, de Weber, la Statue, de Reyer, etc.
j*„ Bade. — La troupe italienne a fait place à la comédie française ;
la troupe allemande seule donne encore des représentations lyriques ;
elle a joué cette semaine l'Lpkigénie en Aulide, de Gluck. Le chef-d'œuvre
du maître a été chanté par Brandes, Ilaiiser et IVlme Boni, avec un ta-
lent, une conscience et un respect de l'œuvre qui leur fait honneur.
Ces trois chanteurs, doués, comme on sait, de voix magnifiques, ont
été bien secondés par le reste de la troupe. Les chœurs sont excellents,
et l'orchestre a justifié sa bonne réputation. — Nous sommes encore
sous l'impression de l'effet produit par le magnifique concert donné à
l'occasion de la fête de S. A. [\. le grand-duc de Bade. Mlle Marie Battu,
Mme Lablache de Méfie, M. Delle-.Sedie pour le chant; MM. Alard, Jael
Kriiger, harpiste, et Seligmann pour la partie instrumentale, étaient
chargés de l'exécution du splendide programme que nous avons publié,
et dont Donizetti, Meyerbeer et Rossini faisaient les frais. S'il fallait
entrer dans le détail des perfections apportées par chacun de ces vir-
tuoses merveilleux à l'interprétation de ce programme, la place et l'ex-
pression nous feraient défaut. Contentons-nous de dire (jue cette per-
fection a encore surpassé ce qu'on pouvait attendre, et que, si le concert
a été donné devant des têtes couronnées, il n'a pas cessé un instant
d'être à la hauteur de l'auguste auditoire qui l'honorait de sa présence.
^*^ Stuttgard. — Pour l'anniversaire de la naissance du roi le théâtre
de la Cour doit donner: Axur, roi d'Ormus, opéra de Saliéri, paroles de
Lorenzo da Ponte, l'auteur des paroles de Don Juan. L'ancien maître
de chapelle, feu Lindpaintner, avait commencé à écrire pour cet opéra
une nouvelle instrumentation et des récitatifs ; le chef d'orchestre
actuel Eckart s'est chargé de terminer ce travail.
^*,i. Berlin. — L'Académie de chant s'est proposé d'exécuter le TeDeum
ds Graun, le jour anniversaire de celui où cette composition fut dite
pour la première fois, il y a cent ans, en présence de Frédéric le Grand.
Dans le concert qui aura lieu ensuite, on entendra le : Lauda Sion, de
Mendelssohn, et le Magnificat, de S. Bach. — Le pianiste de la cour,
M. Hans de Biilow, et M. Carlberg donneront en outre une série de con-
certs avec orchestre. — Une cantatrice de concert, qui a eu du succès
Sx Londres, Mme Parepa, est arrivée ici ; elle se fera entendre d'abord
dans les concerts du Gevvandhaus.
,,,*„, Hambourg. — La société Merelli a donné laSunnambula au théâtre
de la ville. Mlle Patti a chanté le rûle d'Aminade manière à faire tour-
ner la tête au public, pourtant assez peu impressionnable, de la grande
cité marchande. — La représentation d'il Barbiere, qui était attendue
avec une vive impatience pour samedi, a été ajournée au mardi 15 du
courant, par suite d'une indisposition de la jeune et célèbre artiste.
^*^ Prague. — Kaudin vient d'obtenir un beau succès au théâtre de
la ville : il a chanté de la façon la plus dramatique le rôle d'Edgardo,
de Lucie de Lammermoor. — Le maître de chapelle M. Jahn, qui demeure
parmi nous, a été nommé maître de chapelle de la cour, à Weimar, en
remplacement de Franz Liszt.
^*^ Vienne. — Le théâtre de la Cour a donné la Juioe, d'Ilalévy ; les
principaux rôles étaient interprétés par dts artistes étrangers. MmeFabri-
Mulder, qui est bonne musicienne et qui chante correctement, n'a pas
toute Pénergie voulue pour le rôle de Rachel; elle a eu toutefois quelques
beaux moments. Wachtel (Eléazar) était en voix ; il a parfaitement dit l'air
du quatrième acte; malheureusement chez l'excellent ténor, le talent
dramatique laisse à désirer. — Bokitansky, du théâtre de Prague, doit
chanter le rôle de Marcel (Huguenots) lundi 14 ; le lendemain, Ander
fera sa rentrée dans Fidclio, de Beethoven. — Outre ses deux dernières
partitions, il Signor Fagotto et Lieschen et Fritzchen, Offenliach a livré au
Carlthéater celle d'un opéra en trois actes : les Géorgiennes.— Mlle Barlh
doit débuter au théâtre Treuraann par le rôle de Mme Denis, dans la
pièce d'Offenbach. — On annonce que Piscliek, l'ancien baryton du
théâtre royal de Stuttgard, donnera prochainement quelques représen-
tations au théâtre do la Cour.
,j*„, Milan. — Après la représentation de : il Veccliio de la Montagna
et du malencontreux ballet Oronos, Nurma est venue nous apporter un
magnifique dédommagement. Jamais l'épopée lyrique de Bellini ne nous
est apparue aussi triomphante. Mme Marie Lafon est bien la prêtresse
terrible, faite pour inspirer aujourd'hui comme autrefois la terreur à
plus d'un Pollion et à plus d'un Adalgise. Son chant, tour à tour tendre
sans fadeur, gracieux sans alfectation, dédaigneux sans rudesse, violent
et emporté sans exagération, a valu à la célèbre cautatrice un véritable
triomphe. Mlle Corani l'a vainement secondée dans Adalgise, et Capponi
a été très-beau dans Oroveze.
SERIE.
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QUADRILLES
Galops, PolKa-Iazurkas, Schottischs, Mazurkas, Redowas
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1 Pardon de Ploërmel Taise.
s Coucou el Cricri Folka.
* Sturm-Galop Galop.
s Diane Po]Ra-Mazurh.
2? SERIE:
6 Les Tambours de la Garde. . . Quadrille
1 les Bavards Valse.
8 Polka des Enfants Polka.
9 Rose de Juin jPoMa-Mazuria
10 Redowatslca Rèdowa -Polka.
4eSERIE:
16 Les lanciers Quadrille.
il Aurora Valse.
18 les Horloges delaForét-Noire . . Polka.
. Chaque N"
Les Quadrilles «La Berbère des Alpes... .^eVwa.
■T . o 0 20 Champagne Galop.
CMgi/BSEB/E. f2f
3? SE RIE:
11 Les Dragons de Villars . . . Quadrille.
12 les Chants duDanuhe Valse.
13 Jenny lind Polka.
14 Le Trompette de Spahis . .Schotusch.
15 Express -Train Galop.
5? SÉRIE:
21 Le Gothique Quadrille.
22 Les Etoiles du Soir Valse.
23 La Ronde du Brésilien Polka.
24 Rèdowa de Wallerstein .... Rêdo wa. les Quadrilles
25 LEtoile du îîori Polka-MazurJca. * • ^o
lES S SÉH/ES MUMES.- iâ^fset
Chaque îl°
3Î
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BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, I.
30« Année.
!V« 39.
on S'ABONNE I
Dttos tes r>iipartements et à l'Étranger, chez tom
les Marchonds de Musique, les Libraires, et aux
PureauY des Messageries et des Postes.
REVUE
27 Septembre 1863.
PRIS DC L* ABONNEMENT :
Paris 24fr.paroi
Départements, Belgique et Suisse.... 30 » id.
Le Journal paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
WB WAWLËBn
JVPiAAAAfiA/w- —
SOMMAIRE . — Chanl guerrier, chœur pour voix d'hommes, composé par Meyer-
beer, par Adolphe Botte. — Phénomènes acoustico-physiologiques (1" ar-
ticlel, par Charles Meerens. — Le royaume Hawaïen, par Oscar Co-
mettant. — Nouvelles et annonces.
CHANT GUERRIER.
Cboear ponr voix. d'Iiommes compasé par IBeyerbeer
ponr la tragédie de Stvwenaêe.
Après VOuverture et la Polonaise de Siruensée, si bien exécutées
aux concerts de Pasdeloup, et qui ont produit une si vive et si pro-
fonde sensation, on vient encore d'extraire de cette partition uu très-
beau Chant guerrier (cliœiir pour voix d'hommes). Malheureuse-
ment, le reste de l'ouvrage n'est guère connu ici; mais comme il nous
a été donné de l'entendre dernièrement et que tout a excité l'ad-
miration, nous voulons essayer de rendre compte de nos impres-
sions.
Michel Béer, auteur de la tragédie, avait, dit-on, un admirable
instinct de la scène; comme son frère, il possédait le génie dra-
matique, ce don précieux, inestimable, refusé à tant de grands poètes
et à tant de grands musiciens. L'histoire de Struensée, histoire pleine
de grandeur, de passion, de larmes et d'amour, luijnspira, on le
sait, un vrai chef-d'œuvre. Cette tragédie obtint le plus grand et
le plus légitime succès en Bavière d'abord, puis dans toute l'Alle-
magne ; elle promettait un écrivain digne de recueillir une bonne
part de l'héritage de Goëlhe et de Schiller. Mais aussi quelle for-
tune pour un poëte d'avoir un tel collaborateur, et combien Michel
Béer eût été heureux et fier de se voir ainsi compris, chanté, et,
osons le dire, agrandi!
Soutenu et entraîné non-seulemsnt par son imagination, mais en-
core par sa piété fraternelle, par le souvenir d'une perte cruelle,
par tout ce qui est la source féconde des talents vraiment grands,
nous voulons dire les nobles, pures et religieuses pensées, Meyer-
beer en composant la musique de Struensée a fait une œuvre belle
et durable. Même dans les courts passages qui, pas à pas, suivent
quelquefois l'action, il a su faire un emploi nouveau et original de
certaines combinaisons instrumentales, il a su créer un genre
d'intérêt trop négligé dans les solennités de nos deux théâtres fran-
çais. Si nous assistons quelque jour à la représentation de celte
tragédie, habilement traduite; si la musique de Meyerbeer, exécutée
comme elle demande à l'être, vient animer et colorer les scènes
principales, nous compterons certainement un grand succès de plus;
nous applaudirons à cette heureuse et fertile alliance de la poésie et
de la musique dont les tragiques grecs tirèrent de si beaux effets,
et dont la savante et large musique de Mendelssohn, entendue na-
guère à rOdéon, lors des représentations à'Aniigone, nous donna
une si ingénieuse quoique si infidèle imitation.
On peut diviser la partition de Meyerbeer en cinq morceaux prin-
cipaux : VOuverture, la Révolte, la Polonaise, la Villanelle et le
Songe de Struensée.
L'ouverture s'étend bien au delà de ce que le titre annonce ;
c'est à la fois la préface et le résumé plein d'ampleur de la tragé-
die; c'est une grande page où, grâce à un art consommé, les variétés
de la couleur, les richesses du développement et des motifs se fondent
en une remarquable unité. La noblesse et la majesté de;ia marche du
début, l'élégance, le pathétique du magnifique chant en ut dièse
mineur, chant confié aux violoncelles, délicatement accompagné et
ramenant, par une ravissante enharmonie, la marche, développée
d'une façon charmante, intéressante et nouvelle; la passion,
l'agitation de l'allégro, attaqué par les premiers violons; les
rêves d'amour, de gloire; les couleurs les plus brillantes, les plus
tranchées, les tableaux les plus mouvementés, les plus divers y sont
mariés dans une telle harmonie qu'ils rendent en quelques pages
saisissantes et vivantes, tout ce que la pensée du poëte recèle de
plus éclatant et de plus magnifique. Est-il besoin de le dire? cette
ouverture est le morceau capital de la partition. Il y a là des ren-
trées, des dessins, des modulations, une plénitude de pensées qui
commandent l'enthousiasme. Quant à la polonaise, c'est parce que
Meyerbeer trouve souvent de semblables merveilles, qu'il unit à
la gloire de compositeur dramatique la grâce, la légèreté et l'esprit
qu'on admire dans les œuvres les plus aimables et les plus simples
des grands maîtres de la symphonie. Pourtant , même dans cette
charmante polonaise, tout n'est pas grâces et sourires, mouvements
vifs et voluptueux, gaieté noble et décente : le puissant génie de
l'auteur se montre bientôt. Nous sommes au bal, il est vrai; mais
à cette fête se trame la perte de Struensée et de la jeune et belle
reine : des accents fiévreux, des jalousies dévorantes grondent dans
cette riche orchestration; le rhythms de la polonaise fait place à
d'autres rhythmes. On retrouve là celte beauté de conception , cette
complexité de sentiments et d'images, ce style énergique et concis,
ces mélodies resplendissantes de coloris et de verve qui distinguent
tout ce qu'écrit Meyerbeer.
306
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Dans le premier entr'acte : la Révolte, après un motif délicieux,
entendu déjà dans l'ouverture et peignant chaleureusement l'amour
de Struerisée, amour profond, inaltérable, un de ces amours comme
il y en eut même au xvni" siècle, qui subjuguent, épurent et élèvent
l'homme, l'orchestre quitte bientôt les accents de la tendresse : les
roulements du tambour, des timbales, l'agitation qui se manifeste,
la couleur sombre d'une pédale de dominante, sur laquelle se déve-
loppe crescendo un rapide dessin en triolets, annoncent quelque
grand événement; en effet, c'est une révolte qui éclate tout à coup.
Par son charme mélodique, par sa franchise d'accent, par la ri-
chesse de ses harmonies et, plus encore peut- être, par un splendide
développement instrumental qui plusieurs fois en multiplie et en
change complètement la physionomie primitive, le beau chœur pour
voix d'homme, publié récemment, tient, par ses dimensions ainsi
que par son mérite, une très-grande place dans l'ouvrage. Inspiré
par une célèbre mélodie danoise, ce chœur, dont les quatre parties
ont toutes une élégance, une distinction singulièrement remarqua-
bles, est vraiment entraînant. A chaque strophe, on est frappé de
la variété harmonique, des piquantes et passagères tonalités (parfois
à peine indiquées) jetées là incidemment et sobrement pour donner
du relief et de la nouveauté à ce chant populaire plein de franchise,
d'entrain, sinon de grandeur et d'originalité. Il faut entendre la mé-
lodie de ce chœur (dite d'abord par les voix seules, puis par les
ténors soli) pour se faire une idée de tout ce que la science peut
ajouter à un thème de mouvements éloquents et de beautés inatten-
dues.
On découvre à chaque instant dans cette scène de la révolte,
mille jolies choses admirablement traitées, remplies de mouvement,
de vie, de poésie, et oîi ne manquent aucunes de ces larges combi-
naisons familières à la plume qui traça les impérissables beautés du
Prophète et des Huguenots. Le ravissant solo de hautbois, par exem-
ple, qui accompagne les quatre ténors, et oii brillent les plus Gués
coquetteries du contre -point ; puis les dialogues si habilement en-
chevêtrés de l'orchestre et du chœur, où les sentiments des soldats
et ceux de la cour marchent parallèlement : tout cela et beaucoup
d'autres passages encore qu'il serait trop long de citer, fait com-
prendre d'une façon claire et saisissante les caractères si divers qui
se pressent en foule dans cette scène éminemment dramatique et ré-
volutionnaire. Toujours essentiellement vrai et pathétique, lors même
qu'il est resserré dans un cadre étroit, Meyerbeer a tracé ici avec la
fermeté, la concision et l'éloquence tant admirées dans ses grands
ouvrages, un de ces tableaux vigoureux qui captivent la foule aussi
bien que les gens de goût ; il a peint avec un art que nous ne sau-
rions trop louer les poignantes émotions accumulées dans ce deuxième
acte ; il a tiré de la conception du poëte des effets et des beautés
que d'autres musiciens n'y eussent assurément pas trouvés.
Avec le troisième entr'acte, on entre dans un tout autre ordre de
sentiments et d'idées. Plus de cour, plus d'éclat, plus de fêtes; mais
aussi plus de fausses joies, plus de tragiques douleurs. A Copenha-
gue on conspire, on veut faire expier au ministre plébéien et tout-
puissant son génie, sa naissance et son amour ; à la reine (ce qu'on
ne pardonne guère davantage), sa jeunesse et sa beauté. Nous ne
sommes plus au palais de Christianbourg, nous sommes dans une
pauvre auberge de village oîi l'on boit, où l'on chante, où l'on rit
et où l'on aime, s'il faut en croire certains trilles, certaines indiscré-
tions des flûtes, des clarinettes et des hau bois. Rien de plus frais,
de plus gracieux, de plus original que la villanelle qui compose cet
entr'acte : c'est un chef-d'œuvre de pensée et de style. A notre avis
elle vaut la polonaise. C'est enchanteur comme invention , mais c'est
aussi merveilleusement travaillé. Cela fait songer à Virgile, à Théo-
crite, à tout ce qui est délicat, féminin, tendre et enjoué. Après les
éclats, les agitations qui précèdent, cette jeunesse, cette naïveté,
cette simplicité, forment le plus heureux contraste. Nous tenons à
insister sur la simplicité de cette villanelle, car elle frappera cer-
tainement, comme elle nous a frappé, tous ceux qui entendront cette
charmante inspiration, dans laquelle l'auteur s'est pourtant fréquem-
ment contenté des accords de tonique et de dominante, et où il n'a
employé que très-discrètement les mille détails, les dessins expres-
sifs, les courtes et belles modulations dont il a le secret.
Dans le quatrième entr'acte qui succède à cette scène rustique, le
compositeur nous fait encore une fois changer d'émotions. Toute la
musique qui accompagne les derniers moments de Struensée, entre
autres la Marche funèbre, est d'une tristesse navrante. Struensée
endormi repasse en lui-même sa vie si agitée, ses rêves de rénova-
tion sociale ; bercé par une douce, tendre et mélancolique mélodie,
il murmure le nom de la reine, et ce qu'il se rappelle surtout, ce sont
les heures enivrantes passées à la contempler.
Au seul point de vue musical, ce songe doit produire à la scène
un effet prodigieux ; il est plein de larmes, de soupirs entrecoupés,
de religieux et chastes accents.
Tout est beau dans ce cinquième acte ; mais une des pages les
plus tristes et les plus pénétrantes est la noble et pathétique mélodie
de l'avant-dernière scène. Le pasteur de Struensée accourt bénir et
embrasser pour la dernière fois son fils bien-aimé; alors un chant
large, simple, exprimant une douleur mâle et contenue s'élève de l'or-
chestre. Dit par trois violoncelles, harmonisé avec un goût exquis,
ce chant est assurément l'un des plus émouvants de l'œuvre.
Y a-t-il dans Meyerbeer lui-même, qui pourtant a écrit de si belles
marches, des inspirations supérieures à la marche par laquelle dé-
bute l'ouverture et à celle qui termine si lugubrement la tragédie ?
A-t-il beaucoup de morceaux plus riches d'harmonie, plus remarqua-
bles comme expression, comme invention et, ajoutons, comme ins-
trumentation que l'ouverture tout entière, que la célèbre polonaise
et que cette adorable villanelle qui, mieux connue, pourrait bien de-
venir la benjamine des dilettantes, et qui, brillante antithèse, atteste
à quel peint le génie, presque toujours, unit à la force et au gran-
diose, l'esprit, la grâce et la noblesse? On en jugera bientôt, nous
l'espérons. En attendant, et sans parler des magies de l'orchestration
qui ne font jamais défaut à Meyerbeer, tous ce.ux qui étudieront
cette partition désireront vivement, nous ne craignons pas de l'af-
firmer (surtout dans un temps si peu fertile en chefs-d'œuvre), que
Paris puisse, à son tour, goûter avec la poésie brillante et élevée de
Michel Béer, la musique profonde, originale et variée de l'auteur de
Robert et du Fardon de Phërmel.
Adolphe BOTTE.
PHENOMENES ÂCODSTICO-PHTSIÛLOGIQOES.
(Premier article.)
Les artistes doués d'un sentiment musical délicat, s'aperçoivent
fréquemment du désaccord qui règne dans les intervalles du piano,
et c'est alors que ceux d'entre eux qui ignorent la théorie de l'art,
s'en prennent souvent à l'accordeur; cependant ils ont pu remarquer
que le piano paraît plus discord un jour que l'autre, et, dans d'autres
circonstances encore, jouit d'une justesse qui semble satisfaisante.
L'accordeur ne peut remédier à cet état de choses; il est obligé
aujourd'hui de faire une répartition tempérée de l'octave en douze
intonations équidistantes, déterminées par le cycle des douze quintes
également altérées, chacune du douzième de comma pythagorique :
de là, les tierces majeures trop fortes, les tierces mineures trop fai-
bles, et, enOn, une désorganisation générale dans les rapports ra-
tionnels des intonations des gammes et des accords.
Il suflît de mettre en regard les rapports numériques rigoureux
des sons constituant l'accord parfait majeur, donnant respectivement
Dli PAHIS.
307
4, 5 et 6 vibrations ( soit Zi.OOO, 5,000 et 6,000) dans le même
temps, avec ceux qui résultent de la répartition d'un tempérament
égal, qui sont dans la même proportion Z;,000, 5,040 et 5,903, pour
avoir sous les yeux une idée de l'altération de ces intervalles.
Au sujet des rapports numériques des intervalles, Leibnitz dit : que
l'oreille sans évaluer les nombres mêmes, -aperçoit l'effet de leurs
rapports et de la concurrence des vibrations simultanées lorsqu'elles
reviennent ensemble; elle fait pour le temps ce que l'œil fait pour
l'espace lorsqu'il est affecté d'une manière agréable par des rapports
justes des formes sans mesurer ni sans calculer les rapports mêmes.
Chladni, au sujet du tempérament, dit que si l'on entend un in-
tervalle qui diffère peu d'un autre exprimable par des nombres d'un
rapport plus simple, ou croit entendre le plus simple; et que cette
illusion est d'autant plus parfaite que la différence est moindre.
C'est un fait d'expérience incontestable que si l'on entend des mo-
dulations sur un instrument à sons fixes, dans lesquelles une note
commune se trouve constamment intercalée, l'intonation de cette
note semble se modifier, et on croit distinguer les transitions et les
mouvements enharmoniques ou diacomatiques, ce qui confirme les
assertions de Leibnitz et de Chladni.
Cependant la délicatesse de l'ouïe est quelquefois trop grande
pour que celle-ci puisse s'accommoder facilement à des altérations
quelque minimes qu'elles soient ; on peut s'en convaincre en accor-
dant par tempérament égal un piano soi-même quand on en a l'habi-
tude, sinon en prêtant une attention soutenue au travail d'un accor-
deur. Cette opération surexcite tellement le.s parties nerveuses de
l'organe, que lorsqu'on touche du piano immédiatement après, il
semble plus discord qu'auparavant ; c'est probablement pour ce
motif que certains accordeurs engagent les pianistes à laisser re-
poser l'instrument pendant quelques heures lorsqu'il vient d'être ac-
cordé, ne se doutant pas que c'est l'oreille et non le piano qui de-
mande le repos.
Le système de tempérament égal devenant une progression géo-
métrique entre le son fondamental et son octave, il s'ensuit que
l'altération de chaque degré chromatique varie selon l'intervalle qu'il
forme dans la modulation ; mais dans les systèmes de tempéraments
inégaux, quelques intonations jouissent constamment, au détriment
d'autres modulations, d'une justesse rigoureuse lors du passage de
certains accords à un autre, et cependant ces intonations sem-
blent aussi se modifier; cette modification est uniquement le fait du
changement de caractère de l'intonation.
L'intonation est donc empreinte du caractère qui détermine l'in-
tervalle qu'elle forme à l'égard d'une autre intonation, et l'harmonie
ou l'accompagnement, de même que les sons (mélodiques) qui l'en-
tourent, viennent fixer ce caractère; de là résulte, du reste, le cachet
différent d'une même mélodie harmonisée de plusieurs manières, et
la sensation tonale qui reste dans les accords ayant une basse autre
que la tonique.
Ce caractère des intonations provient du rhythme vibratoire auquel
nous soumettons les sons dans leur perception. De même que nous
pouvons à volonté tenir pour temps fort chaque 1", 2«, 3", 4°, 5« ou
6«, etc., oscillation du balancier du métronome, quoique son mouve-
ment soit parfaitement isochrone, nous jouissons de la faculté de
diviser les vibrations du corps sonore par 1, 2, 3, h, 5 ou 6, etc.,
c'est-à-dire que nous percevons le son par série ou groupe d'une ou
plusieurs vibrations successives, et le nombre de vibrations dont
chaque série se compose détermine le caractère de l'intonation. Ainsi,
le rhythme résultant de 1 ou 2 et les puissances de 2 (soit /)• 8,
16, etc.), nous fournira le caractère de la tonique, et si nous divisons
les vibrations du son par 3, nous entendrons l'effet de la dominante;
par 5, celui de la tierce majeure, etc., lors même que le son se pro-
duit isolément; mais ce caractère est forcément marqué lorsque deux
ou plusieurs sons se produisent simultanément, puisqu'alors il se formo
un synchronisme périodique, c'est-à-dire qu'il y a des instants de
départ coïncidant, après deux ou plusieurs nombres premiers entre
eux de vibrations respectives.
Cela étant, on s'explique que le quatrième degré (fa) tende à s'ap-
proprier le caractère de tonique ; son rapport numérique étant 4/3,
il exécute un nombre de vibrations provenant d'une puissance de
2, pendant que le mouvement vibratoire de la tonique se trouve di-
visé par 3 et acquiert ainsi le caractère de dominante.
A l'égard du mode mineur, le rhythme vibratoire par 2" de la
tonique se maintient, grâce à son rapport avec sa dominante 3/2,
car la tierce mineure, par son expression 6/5, détourne le caractère
de la tonique et la conduit au ton majeur dans lequel elle serait mé-
diante 5, tandis que la tierce mineure elle-même, en vertu de son
rhythme 6 (doublement de 3) y deviendrait dom.inante. C'est ainsi
que dans le cri du coucou, par exemple la tierce mineure, sol mi,
nous sommes enclins à apercevoir le majeur dont la tonique u( est
sous-entendue. Ce n'est qu'à condition de concevoir la dominante si
que nous pourrions nous figurer le ton de mi mineur. C'est le si qu'
doit procréer le rhythme binaire de la tonique. Dans le mineur la
tonique est donc rhythmée par 2 sur 3 à l'égard de la dominante,
et par 5 sur 6 à l'égard de la tierce ; il y a embarras.
On doit attribuer à la coexistence des deux rhythmes vibratoires
dans les sons constituant l'accord mineur, les dispositions mélancoli-
ques que ce mode inspire; on doit attribuer encore à ce double
rhythme vibratoire l'impression moins sympathique qui est exercée
par le mineur sur les personnes médiocrement organisées pour la
musique, et aussi le phénomène qui, chez certaines gens douées
d'une organisation musicale inculte, fait qu'elles n'éprouvent pas la
sensation du repos dans cet accord parfait. Les sons aliquoles (har-
moniques) dénotent d'ailleurs que ce mode est factice.
Les personnes bien organisées, cherchent naturellement à in-
tercaler le rhythme de 6 dans la série des rapports numériques
des intervalles de la musique ; mais 6 ayant un commun divi-
seur avec tous les nombres plus petits que 5, se réduirait consé-
quemment avec ceux-ci à un rapport plus simple, et 5 étant le seul
qui, avec 6, constitue deux nombres premiers entre eux, se trouve
forcément désigné ; cela explique le charme de la tierce mi-
neure, et de son renversement à l'égard d'une intonation tonique de-
venant 5 pour elle. Dans l'accord parfait mineur, le synchronisme
des trois sons n'existe qu'après chaque 10, 12 et 15 vibrations res-
pectives; 10 se rapporte à 15 comme 2 à 3, et à 12 comme 5 à 6.
Ainsi, dans le rapport 10 à 15, les vibrations repartent ensemble
après chaque 2 et 3 vibrations respectives, tandis que dans celui
de 10 à 12 ce départ coïncidant n'a heu qu'après 5 vibrations de
la tonique 10 sur 6 de la tierce mineure 12.
Charles MEERENS.
{La suite prochainement.)
lE BOTÂUME HiWÂlEN ">.
Je viens d'acquérir la preuve qu'il ne faut jamais parler légère-
ment des rois, des royaumes et des chefs d'orchestre.
Je crois même pouvoir assurer qu'il est surtout imprudent de par-
ler légèrement de ces derniers.
Cela demande quelques explications, les voici :
Il y a quelques jours, en rentrant chez moi, je trouvai une carte
de visite sur laquelle je lus : Monsieur Vidal, consul général de Sa
(1) Sous ce titre, les Civilisations inconnues, notre excellent confrtro , Oscar
Comettant, publiait rdcemmont un volume rempli de nolions curieuses ot vari(Ses.
Pour en donner un ùcliantillon, nous reproduisons le chapitre qu'on va lire et qui
se rattache à notre spécialité.
308
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Majesté Bawdienne. M. Vidal m'annonçait sa visite pour le lendemain
du jour oîi il m'avait fait remettre sa carte. N'ayant pas à ce mo-
ment encore l'honneur de connaître personnellement le consul gé-
néral de Sa Majesté Hawaïenne et ne sachant du peuple kanake que
bien juste ce que tout le monde peut en savoir par les récits de Cook
et de Lapeyrouse, je me demandai naturellement ce que pouvait
avoir à me dire M. Vidal.
Tout à coup, ô souvenir inquiétant ! je me rappelai que, dans un
feuilleton du Siècle, d'après un journal américain et sous cette ru-
brique : Nouvelles de l'autre monde, j'avais dit quelques mots d'une
représentation, extraordinaire sous tous les rapports, d'un des opé-
as de Verdi, Il Trovatore, dans la ville de Honolulu.
Ma conscience s'inquiéta de ce souvenir, et j'eus peur de m'être
égayé à tort à la suite du journaliste américain sur un gouvernement,
sur un peuple, sur des dilettanti et sur un chef d'orchestre, tous
dignes d'un compte rendu plus sérieux. ,
« Parce que le groupe des Sandwich s'étend du 19'= au 23" degré
de latitude nord-est et du 157" au 159" degré de longitude ouest, ce
n'est point une raison, me dis-je, pour que les habitants de ces pays
lointains (par rapport à nous) ne se montrent pas sensibles à la bonne
musique, et qu'il n'y ait pas là-bas, comme ici, d'habiles chefs d'or-
chestre. A la vérité, pensai-je encore, les habitants des îles Sandwich
mangeaient, il y a peu de temps, leurs prisonniers de guerre, sans
scrupule aucun et de bon appétit ; mais rien n'empêche qu'ils soient
à cette heure de véritables gandins, professant avec le goût de la
gibelotte de lapin, l'horreur du gigot d'homme. »
Et je me rappelai avoir connu à New- York un collectionneur de
médailles, jeune homme charmant, de manières élégantes, dont le
seul défaut peut-être était une excessive timidité, et dont l'oncle, en-
core vivant à cette époque, avait, en sa qualité de sauvage coman-
che, servi de tombeau vivant à un Algonquin, à deux Sioux, à un
nègre marron, à trois Apalachites et à un plus grand nombre de
Hurons-lroquois dont les opinions politiques étaient en désaccord
avec les siennes.
Alors je recherchai le numéro du Siècle où j'avais parlé d'Hono-
lulu, et je relus les lignes suivantes, que, pour ma punition autant
que pour l'intelligence de la question, il me faut reproduire ici :
« Pour passer à un sujet moins sérieux dans cette revue de l'autre
monde, laissez-moi vous raconter une représentation, à coup sûr
fort curieuse, de l'opéra II Trovatore dans la ville de Honolulu.
» Vous savez sur quel point de notre boule terrestre est situé
Honolulu. Celte ville est la capitale d'une des îles Sandwich, et
par conséquent elle se trouve baignée par la mer Pacifique dans la
Polynésie. Or, dans ce pays lointain, qui ne nous est connu que de •
puis 1778, grâce aux voyages de Cook, on ne se prive nullement des
douceurs de la musique, on y joue l'opéra italien, avec des artistes
bien autrement distingués qu'on ne le fait d'ordinaire dans les capi-
tales d'Europe.
» Et Tamberlick ? — me direz-vous .
» 11 s'agit bien de Tamberlick ! Le ténor qui figure dans la troupe
de Honolulu est un roi, ni plus ni moins, et la prima donna une
reine. Peut-être le talent vocal de ce couple couronné laisse-t-il
quelque chose à désirer, mais il ne faudrait pas le dire trop haut à
Honolulu. Chacun s'y montre donc on ne peut plus satisfait de la
méthode exquise de Sa Majesté Kamehameha et de son auguste
épouse.
» Une correspondance des îles Sandwich, reçue par la voie de
San Francisco, nous apprend l'immense effet produit par l'œuvre
de Verdi sur les dilettanti kanakes, auxquels on est redevable de
la fondation d'une société philharmonique à Honolulu.
» Cette société, qui compte trois guitaristes, deux flûtistes, un
violoniste, quatre joueurs de marimba, et quelque chose comme six
miriitons, s'élait jointe à l'orchestre royal pour la représentation du
Trovatore. L'orchestre de Sa Majesté Kamehameha étant composé
des mêmes éléments à peu près que ceux de la société philharmo-
nique, on peut juger de la valeur instrumentale de cet ensemble.
» C'est un barbier irlandais établi à Honolulu qui s'était chargé
d'arranger la partition de Verdi, en l'accommodant au goût du pays.
«la salle présentait un coup d'oeil magique. Presque toutes les
dames étaient habillées, et bon nombre de spectateurs étaient aussi
vêtus. Plus de deux cents chandelles de suif végétal éclairaient l'as-
semblée. Après une courte introduction d'orchestre , étrangère à
l'oeuvre du maestro italien, et qui pourrait bien être de la composi-
tion du barbier irlandais, on vit apparaître les chanteurs. Ils eurent
tous beaucoup de succès. Mais les honneurs de cette mémorable
journée artistique devaient être pour Sa Majesté Kamehameha, dans
le rôle de l'amant de Leonora, et pour sa compagne, qui, d'après la
correspondance à laquelle nous empruntons ce fait, n'avait pas eu
besoin de se bistrer la peau pour jouer le personnage de la bohé-
mienne. Il faut renoncer à peindre la sensation produite par le Mi-
serere. Quelques personnes déchirèrent le peu de vêtements qu'elles
avaient, en témoignage d'admiration. Le barbier irlandais a reçu une
récompense digne de ses talents. Quel autre eût pu transcrire la
partition du Trovatore pour guitares, flûtes, marimbas, et quelque
chose comme douze mirlitons ? Verdi lui-même y eût renoncé.
» Eh bien ! entre le plaisir que nous fait éprouver à nous autres
Parisiens l'orchestre de l'Opéra et celui qu'éprouvent les habitants
de Honolulu en entendant le leur, l'avantage reste aux habitants des
îles Sandwich. Le beau absolu serait-il une illusion de notre esprit,
et le beau relatif existerait-il seul? Non, pourtant. Mais où donc est
le beau absolu? »
Après cette lecture, je restai convaincu d'une chose : c'est que
M. Vidal n'avait pas pris la peine de venir chez moi pour attacher à
la boutonnière de mon habit les insignes de la décoration de Sa Ma-
jesté Hawaïenne.
Le lendemain donc, M. Vidal se présenta chez moi, et je vis en
lui ce que les Anglais appellent un parfait gentleman.
— Je viens, monsieur, — me dit-il, — vous prier de rectifier une
erreur, involontaire j'en suis sûr, et vous offrir le moyen de rendre
publiquement justice au gouvernement d'un monarque aussi loyal que
généreux, en même temps qu'au peuple sur lequel il règne et qui a
déjà obtenu une belle place parmi les peuples civilisés. Il s'agit du
compte rendu que vous avez fait dans le Siècle.
— Ah ! oui, du Trovatore à Honolulu.
— Avec le roi Kamehameha IV pour premier ténor.
— Et son auguste épouse pour prima donna.
— Et un barbier irlandais pour arrangeur de partition.
— Et deux cents chandelles de suif végétal pour éclairer la salle.
— Et la salle remplie de dilettanti par trop légèrement vêtus.
— Et les instruments hyperboliques de l'orchestre.
— Et le chef d'orchestre lui-même, qui est furieux contre vous, et
qui d'ailleurs ne dirige aucun orchestre à Honolulu, où il n'y en a
pas, mais où il ne peut manquer d'y en avoir bientôt.
— Comment ! ce chef d'orchestre ne dirige pas d'orchestre ?
— Non, monsieur, mais il n'en est pas moins un excellent chef
d'orchestre.
— Ce sont les meilleurs.
— Je le crois comme vous. Toujours est-il que le chef d'orchestre
d'Honolulu est un musicien distingué qui dirige avec la même habi-
leté les orchestres présents et les orchestres absents. Témoin l'or-
chestre de rOpéra-Italien aux Etats-Unis, et celui de la Havane, qui
sont de véritables orchestres composés de véritables instrumentistes
et d'instruments très-réels, et qu'il a tour à tour conduits à la ba-
guette, c'est le cas de le dire.
— Mais, répliquai-je, en serait-il des chanteurs d'Honolulu comme
de l'orchestre de cette capitale, et la représentation du Trovatore,
DE PARIS.
309
conduite par l'habile chef d'orchestre des îles Sandwich, n'aurait elle
existé que dans l'imagination du journaliste américain dont je me
suis si imprudemment fait l'écho?
— Non, monsieur, il y a réellement des chanteurs qui chantent à
Honolulu, et s'il n'y a pas d'orchestre dans cette ville, il y a du
moins un chef d'orchestre comme vous l'avez très-bien dit, et une
société philharmonique qui mérite tous les encouragements. Du reste,
— ajouta avec beaucoup d'amabilité M. Vidal, — voici une lettre
qui m'est adressée par le directeur de cette société, avec prière de
vous la communiquer.
Je pris cette lettre et je lus :
« Il n'existe pas de société philharmonique à Honolulu... »
— Ah ! mon Dieu ! — dis-je en m'interrompant moi-même, — si
l'orchestre n'existe pas et qu'il n'existe pas non plus de société
philharmonique, qu'existe-t-il donc en fait d'institution musicale?
Je continuai :
(1 II existe une société musicale, composée d'amateurs, dont l'ob-
jet principal est la culture du chant et l'exécution des œuvres des
maîtres anciens et modernes. »
— Mais n'est-ce pas la même chose? demanda M. Vidal.
— Exactement, — lui dis-je. Et je poursuivis :
« La société a été formée, en 1853, par quelques amateurs étran-
gers, résidant à Honolulu, sur le .modèle de celles d'Europe, ne
donnant de concerts publics que quand il s'agit de venir en aide à
la charité. La société musicale de Honolulu se compose de quarante
membres actifs et d'un certain nombre de membres honoraires, qui
tous sont étrangers, à l'exception de trois dames nées ici, mais dont
deux sont mariées à des étrangers. Il n'y a pas d'orchestre à Hono-
lulu ; quelques-uns des membres, amateurs distingués, se font en-
tendre de temps à autre sur leurs instruments respectifs (flfite et
violon) , avec accompagnement de piano. Lrs autres instruments
dont on parle dans le feuilleton du Siècle n'existent que dans l'ima-
gination du correspondant de ce journal.
» Les membres de la société musicale ont donné, il y a quelque
temps, une représentation opérative (sic) privée, ou plutôt une re-
présentation de tableaux opératiques (sic), à laquelle Leurs Majestés
le roi et la reine ont assisté, ainsi que les familles et les amis des
membres de la société. Une scène du Trovalore (le chœur des en-
clumes) et celle du marché, de l'opéra Martha, de Flolow, ont été
représentées d'une manière très- satisfaisante (bien entendu avec ac-
compagnement de piano seul) ; tous les rôles furent chantés et joués
par des membres de la société. Sa Majesté le roi, qui est, comme
vous le savez, excellent juge en matière musicale, ayant entendu les
plus grands artistes pendant son voyage en Europe, a saisi cette oc-
casion pour donner à la reine le plaisir de voir une représentation
opératique (dramatique), et, avec sa générosité bien connue, non-
seulement il a facilité par tous les moyens possibles l'exécution do
ce projet, mais il a défrayé toutes les dépenses de l'entreprise. Il y
a deux ans que la société m'a confié la direction de la partie musi-
cale, et je me permets d'ajouter, pour l'édification de M. Oscar Co-
meltant, que celui qu'il se plaît d'appeler un barbier irlandais est un
de ses compatriotes, aussi bon Français que lui, ancien chef d'or-
chestre de l'Opéra Italien aux Etats-Unis et à la Havane, et bien
connu dans ce pays.
» Signé: E. ilASSLOcuER. »
— M. Vidal, — dis-je au consul général du royaume hawaïen, —
je suis de ceux qui veulent qu'on rende à César ce qui appartient à
César, et aux chefs d'orchestre ce qui appartient aux directeurs de
sociétés chorales. En conséquence, je ferai dans le journal même où
j'ai commis le crime, la plus large rectification concernant la fameuse
représentation du Trovalore et l'habile chef qui en dirigeait l'exécu-
tion ; mais j'attends de vous la réalisation de la promesse que vous
avez bien voulu me faire pour me mettre à même de rendre au
royaume hawaïen la justice qu'il mérite comme peuple civilisé.
Oscar COMETÏANT.
NOUVELLES.
^*^ Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi et vendredi les Vêpres
siciliennes. Caron y remplace Bonnehée dans le rôle du duc de Mont-
fort; il s'y est fait applaudir; le duo du quatrième acte et le boléro du
cinquième sont un grand succès pour Mlle Sax. — Mercredi, la Favorite
et le Marché des Innocents occupaient l'afficlie. — .\ujourd'liui dimanche
on donne ce même spectacle.
^'% Gueymard est depuis une dizaine de jours en proie à de violentes
douleurs de goutte sciatique qui le tiennent éloigné de la scène.
,*^ La reprise du Songe d'une nuit d'élé est fructeuse pour le théâtre
de l'Opéra-Comique. Remise d'une émotion, bien naturelle le jour de sa
réapparition sur cette scène, Mlle Monroso s'acquitte très-bien du rôle
de la reine, et Achard chante d'une façon charmante celui de Shakes-
peare.— Un débutant nommé llénault a remplacé Justin dans le rôle de
Latimer. — Demain lundi, Montaubry et Mlle Cico, de retour de leur
congé, reparaîtront dans Lalla Roukh. — On jouera avec l'opéra de
Félicien David le Tableau parlant.
^*^ Malgré l'activité déployée dans les travaux intérieurs de la salle
Ventadour, on commence à craindre qu'elle ne soit pas prête à recevoir
les spectateurs à l'époque fixée ; mais il ne s'agirait que d'un délai de
quelques jours, et la direction fait annoncer que les représentations re-
tardées seraient rendues aux abonnés dans le cours de la saison. En
attendant, l'abonnement marche à souhait, et l'on affirme qu'il dépasse
aujourd'hui le chifïre de 500,000 francs. — Mario a traversé Paris, ve-
nant d'Italie et se rendant à Madrid, où il commence la saison. — On
répète activement les principaux opéras du répertoire.
^*^ L'indisposition de Mlle de Maesen se prolongeant, la première re-
présentation des Pécheurs de perles est ajournée à la semaine prochaine.
On espère qu'elle pourra être donnée le £8. — En attendant, les Noces
de Figaro, Joseph et l'Epreuve villageoise attirent chaque soir un nom-
breux public au théâtre Lyrique impérial. — On y remonte avec acti-
vité la Perte du Brésil, de Félicien David, qui aura pour principaux in-
terprètes Mme Carvalho, Pilo et Georges Cabel.
j,*^ Mme la baronne Vigier, née Sophie Cruvelli, est en ce moment à
Paris.
/^ La municipalité de la ville de Bayonne a ouvert un concours agri-
cole le 20 septembre, et à cette occasion des concours d'orphéons, de
fanfares et de musique d'harmonie militaire y ont eu lieu au milieu
d'une population immense, qu'une véritable pluie diluvienne n'avait
pas arrêtée. Les jurys étaient présidés par M. A. Elwart et Cadeaux,
assistés de MM. Grosset, Collin, Laurent de Rillé, Bafîarra et Wilfrid
d'Indy. Le premier prix du chant a été remporté par les Neustriens de
Caen, celui de fanfare par la Société d'Orbec, et celui d'harmonie par
la musique municipale de Caon.
,'% Après avoir donné quelques représentations à Cologne, M. Mar-
chesi s'est rendu à Ostende, où il a chanté avec sa femme devant un
bon nombre d'amateurs. M. Blumner, pianiste de Londres, s'était joint
au couple musical et a partagé son succès dans le concert qui avait
lieu le 16 de ce mois.
,*^ La ville de Colmar (Haut-Rliin) a inauguré sa saison théâtrale
par un opéra-comique en trois actes et en dialecte alsacien, libretto de
M. Mangold, pâtissier à Colmar ; quant à la musique, elle est de H. J.-B.
Wekerlin, dont nous avons souvent eu occasion de parler. Cet ouvrage
s'appelle die dreifache Hochzitt ira BœsœUial {les Trois noces dans la vallée
des balais); son succès a été on ne peut plus brillant; acteurs et auteurs
ont été rappelés sur la scène ; le troisième acte a été bissé à peu près
tout entier. L'orphéon de Colmar a offert deux couronnes aux auteurs.
**, Bertlielicr poursuit le cours de ses triomphes. Depuis Levassor, la
chansonnette comique n'avait pas rencontré de plus joyeux interprète.
Cette semaine au Havre, dans le salon Frascati, sous le patronage de
Mme Orfila et avec le concours de Lecieux, un concert avait été pour
ainsi dire improvisé, qui avait rempli la salle, et dans lequel la scène
comique C'est ma fille, l'Humour britannique, Coçue/i'co/, ont fait pâmer de
rire l'assemblée. — Le lendemain, à Villers, concert improvisé en deux
heures et même succès.
**:,; Après son retour de Bade, où il s'est fait enlendre plusieurs fois
et où il est engagé pour le concert d'octobre avec Batta, Vivier est
parti pour Biarritz ; le célèbre corniste y a été mandé pour jouer à la
villa Eugénie.
„*^ Nous avons eu la bonne fortune d'entendre jeudi dernier, dans
une réunion privée, une jeune femme d'origine italienne, mais qui de-
310
REVUE lîT GAZETTE MUSICALE
puis plusieurs années était fixée en Espagne, et en dernier lieu à Sé-
ville, où sa belle voix et une excellente métliode cliarmaient les dilet-
tanti des salons aristocratiques et des concerts. Le cercle philharmonique
de Séville entre autres lui a dû de belles soirées et de grands succès.
Mme Gagliano. c'est son nom, était venue passer quelques jours à Paris;
mais après s'être fait entendre devant quelques connaisseurs, il lui a
été difficile de se refuser aux instances qui lui ont été faites d'y restor
cet hiver et de s'y faire connaître. Mme Gagliano possède une voix de
mezzo-soprano dont le timbre et la sonorité sont des plus agréables,
et elle la conduit en artiste qui a été à bonne école. Son séjour en Es-
pagne l'a de plus familiarisée avec la musique populaire du pays, et
personne ne chante avec plus de verve et d'entrain les chansonnettes
espagnoles dans lesquelles excellaient Mme Léonard et Mme Viardot. Les
bonnes chanteuses de concert sont rares ; nous croyons donc pouvoir
prédire à Mme Gagliano une grande vogue pour ceux, de la saison pro-
chaine.
»*t Le lycée musical de Bologne, dont Rossini et Donizetti furent les
élèves, et qui fut si célèbre autrefois, lorsqu'il eut à sa tête le père
Martini, puis le père Stanislas Mattei, va, dit-on, retrouver son an-
cienne splendeur sous la direction du maestro G. B. Beretta, de Vérone,
qui vient d'être appelé par le conseil communal de Bologne à ces im-
portantes fonctions. Musicien consommé, érudit profond, critique plein
de tact et de jugement, M. Beretta, qui est encore jeune d'âge et d'es-
prit, est, assure-t-on, le meilleur choix que l'on pût faire en cette cir-
constance. La nomination à ce poste élevé était pendante depuis plus
de deux ans ; plusieurs maéstri distingués s'étaient mis sur les rangs, et
M. Beretta a été élu par la presque unanimité des membres du conseil.
»** Une correspondance du Nord parle avec grands éloges d'une jeune
cantatrice moscovite, Mlle Catherine Massoni, qui a chanté plusieurs
fois avec un grand succès au kursaal d'Ostende. Mlle Massoni, qui
possède une belle voix de mezzo-soprano, se destine au théâtre et va
perfectionner en Italie ses études musicales.
*** La musique a dignement tenu sa place dans les fêtes du congrès
de Gand, qu'elle a brillamment terminées par un concert donné le ven-
dredi au Grand-Théâtre. On s'était assuré le concours de Mlle Marie
Sax, de Vieuxtemps et de Wicart. Quoique le prix des places eût été
augmenté, la salle était complètement remplie et offrait un magnifique
coup d'œil. Après l'ouverture de Freysclmts, Wicart a chanté le grand
air d Eléazar, de ta Juiuo, l'un des rôles qui ont le plus contribué
à établir sa réputation. Il s'y est surpassé. Dans les trois morceaux
chantés par Mlle Sax, Robin des Bois, Pierre de Medicis et le Trouvère,
elle a été chaleureusement applaudie et chaque fois rappelée. Quant à
Vieuxtemps, son triomphe habituel était d'avance assuré; son concerto
en la mineur et sa ballade polonaise lui ont valu des acclamations fré-
nétiques, et les honneurs d'une ovation décernés par l'unanimité du
public. Une belle page de Gevaert, l'ouverture de Hugues de Somer-
gcm, deux chœurs, l'un de la Création de Haydn, et l'autre du Messie
de Haendel, chantés par six cents exécutants appartenant aux écoles
communales de Gand, ont été particulièrement remarqués, et ont ri-
chement complété le programme de ce beau concert dont le souvenir
sera longtemps gardé dans nos annales artistiques.
^"^ L'ouverture des concerts populaires, sous la direction de M. Pas-
deloup, est fixée au 25 octobre prochain.
**, Après son concert à Ems, Mme Corinne deLuigi, avec MM. Favilli,
Monari-Rocca et Pallat, n'a pas eu moins de succès à "Wiesbaden. On
l'attendait à Hombourg.
*** Nous lisons dans les journaux italiens, qu'à l'imitation de ce qu'a-
vait entrepris l'éditeur Guidi à Florence, le chef d'un des principaux
établissements d'Italie, M. Tito di Ricordi, éditeur à Milan, vient de
prendre la louable initiative de fonder, dans la ville musicale par ex-
cellence, une Société de quatuors, qui a pour but principal d'encourager
le culte de la musique, d'en conserver les bonnes traditions et de faire
connaître les œuvres classiques des maîtres. Nul doute que M. Ricordi
ne soit chaleureusement secondé dans sa louable tentative. La Société
organisera des concours et des prix y seront affectés; elle aura en outre
une Gazette musicale, qui sera l'organe de la Société. Enfin elle admet-
tra des associés-fondateurs qui paieront 40 livres par an, des associés
ordinaires qui paieront 25 livres, et des associés correspondants qui
paieront 20 livres. On peut s'adresser pour tous autres renseignements
à 1 établissement musical de Tito di Ricordi à Milan, piazza délia Scala.
,*, On annonce la publication prochaine d'un premier quadrille d'A-
lexandre Musard, petit-fils de feu Philippe Musard, le célèbre chef d'or-
chestre et compositeur. Le public accueillera, sans nul doute, favora-
blement les premiers essais de ce jeune artiste dont la situation ins-
pire un véritable intérêt.
*** Le professeur éminent F. Bonoldi, de retour à Paris, se propose
d'entreprendre incessamment et plus tôt que d'habitude les séances de
musique vocale d'ensemble qu'il donne gratuitement à ses élèves.
**» M. J.-Ch. Hess ouvrira un nouveau cours de piano le 15 octobre
prochain, à son domicile, rue Monsieur-le-Prince, 30.
»*, Aujourd'hui dimanche, une grande matinée musicale et drama-
tique, organisée par M. Samary, sera donnée à Ville-d'Avray, au profit
des pauvres, dans les magnifiques salons d'été de Mme la duchesse
de Riario-Sforza. Roger, Mme Charton-Demeur, Georges Mathias, Samary,
White, Maton et autres artistes prêteront leur concours à cette solennité.
Mlles Marie Samary et Camille Dortet, nièces de Mmes Augustine et
Madeleine Brohan, joueront V Idylle, d'Alfred de Musset, qu'elles ont dite
pour la première fois au Cercle de l'Union artistique, avec un succès
constaté par toute la presse.
**^ Seligmann est de retour à Paris.
,.s**Dans une soirée musicale donnée ceUe semaine chez M. Steph.de la
Madeleine, on a chanté la Leçon du, grand-papa, paroles d'Ed. Plouvier,
musique du comte M. Graziani. Cette très-jolie mélodie, dont nous avons
déjà parlé, a obtenu dans cette réunion de connaisseurs un véritable
succès.
,*» Le docteur Otto Lindner, de Berlin, qui s'est fait connaître par
son excellent travail sur les Commencements de l'opéra allemand, vient de
réunir en un volume les articles qu'il avait fait insérer successivement
dans divers journaux. Ce volume, intitulé : Zar Tonkunst (m. à ra.
pour la musique), contient entre autres des études intéressantes sur les
maîtres anciens, et mérite sous ce rapport de fixer l'attentioa des mu-
sicologues.
**j. L'éditeur Adolphe Catelin vient de publier une très-belle édition
de la célèbre Marche funèbre de Beethoven, pour piano, à deux et à
quatre mains.
s,*:,, Aujourd'hui dimauche, de 2 à 5 heures, deuxième matinée musi-
cale, au concert des Champs-Elj'sées. Ces réunions musicales, organisées
avec le plus grand soin par M. de Besselièvre, obtiendront tout le succès
qu'avaient si justement mérité les soirées de cet été. L'orchestre est
dirigé par un habile artijte, M. Gobert, dont le talent est aussi brillant
que sympathique.
»*„ Nous annonçons la publication d'une romance sans paroles : la
Pensée, pour piano, composée par Mlle Joséphine Caye, de Metz. C'est le
coup d'essai d'une jeune artiste qui révèle dans ce morceau l'avenir
d'un joli talent.
»*„ Sous le titre de Trailé des intonations, méthode pour prendre tou-
tes les intonations, même les plus bizarres et les plus étranges, avec
la même facilité, M. Aulagnier vient de traiter une question des pins in-
téressantes pour les chanteurs et un complément indispensable à tous
les solfèges existants. Nous le recommandons à l'attention des maîtres
de chant. Il se vend 1 franc net chez l'auteur, 18, rue de la Grange-
Batelière.
^*^ Voici la liste des ouvrages envoyés cette année à l'Académie des
Beaux-Arts par les pensionnaires musiciens de l'Académie de France à
Rome : Messe solennelle et une ouverture, par M. Dubois, pensionnaire de
première année, élève de MM. Ambroise Thomas et François Bazin. —
Opéra bouffe italien et une ouverture, par M. Paladilhe, pensionnaire de
deuxième année, élève de M. Halévy. — Opéra-comique français et une
ouverture, par M. Giraud, pensionnaire de troisième année, élève de
Al. Halévj'. — Deux morceaux de symphonie et des fragments d'un opéra
Italien, par M. Samuel David, pensionnaire de quatrième année, élève
de MM. IJalévy et François Bazin.
^*<, Le casino de la rue Cadet a rouvert ses portes au public et Arbaii
y a repris le bâton de chef d'orchestre, qu'il a tenu tout l'été si magis-
tralement aux Champs-Elysées. Il avait composé pour la solennité, sur
les motifs de Zampa, une de ces belles fantaisies dans lesquelles il ex-
celle, et elle a été accueillie par les plus chaleureux applaudissements.
Il faut dire qu'elle a été exécutée avec un admirable ensemble par les
arlistes d'élite qui composent l'orchestre du Casino, et parmi les-
quels, sans parler de leur chef, se distinguent des solistes du premier
mérite.
»** Aujourd'hui dimanche, grande fête au Pré-Catelan. Dernier grand
bal offert par Musard à la jeunesse p.arisieane. Orchestre de symphonie
avec son riche programme, fanfares et musiques militaires.
,^*^, Salle Robin . — Leurs Excellences les ambassadeurs annamites
ont honoré de leur présence, jeudi dernier, la représentation de M. Ro-
bin ; une foule immense encombrait la salle et plus de mille personnes
n'ont pu y pénétrer. Leurs E.xcellences ont paru émerveillées toute la
soirée, et leur admiration a particulièrement portée sur les expériences
scientifiques. Les tableaux de l'agioscope leur ont causé un plaisir in-
fini, et leur surprise a été des plus agréables en voyant les tableaux
des grottes Qaam-am a Touranne en Cochinchine, tableaux que M. Pobin
avait eu la gracieuseté de faire peindre exprès pour eux. La représen-
tion a été terminée par les Spectres, dans lesquels M. Robin a fait appa-
raître une personne de leur suite qu'ils ont parfaitement reconnue. Telle
était la surprise annoncée et ce qu'on nomme dans les théâtres, comme
aux feux d'artifice, le bouquet.
DE PARIS.
311
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
**, Londres. — Les concerts de M. Alf. Mellon sonl toujours très-sui-
vis. Le concours de Mlle Carlotta Patti et du violoniste Lotto leur donne
un grand attrait. A l'une des dernières soirées on leur avait adjoint
l'excellent baryton Santley, dont la belle voix est chaleureusement ap-
plaudie. Mais la surprise agréable du concert de samedi a été la grande
marche du Prophète, à l'exécution de laquelle concourait la musique
des « coldstream guards. >> Cette magnifique composition a produit un
immense effet.
^*» Wiesbade. — L'administration du Cursaal vient de donner son
dixième concert. Cette soirée, l'une des dernières de la saison, mérite
une mention toute spéciale. Hans Biilow, le merveilleux pianiste, a joué
trois morceaux : un concerto de Franz Liszt, une caracole de Rubins-
tein, et une fantaisie de Liszt sur Robert le Diable, servais s'est fait en-
tendre ensuite, Servais qui tire de son instrument des sons d'une dou-
ceur et d'une suavité enchanteresses, et qui joint à cette inappréciable
faculté un style large, d'une distinction parfaite et la plus brillante
exécution. Les splendides cadences de sa fantaisie et ses variations sur
le Carnaval, ont soulevé des tonnerres d'applaudissements. Colosanti,
l'Ole Bull de l'ophicléide, a fait à son tour admirer la perfection qu'il
a su acquérir sur cet instrument. Les trois artistes ont reçu du pu-
blic les témoignages les plus flatteurs de sympathie.
„*^ Cologne. — La Dinorah de Meyerbeer continue d'être la pièce
d'attraction et fait la fortune de notre théâtre Victoria. Douze représen-
tations de suite — et c'est beaucoup pour notre ville — sont loin d'avoir
épuisé l'intérêt et ralenti l'empressement de la foule qui accourt pour
entendre le dernier chef-d'csuvre de Meyerbeer. Mme l'Arronge mérite
sous tous les rapports son grand succès dans le rôle principal, et l'on
admire à juste titre la correction de sa méthode et la plus charmante
voix du monde. MM. Grunow-//oé7 et Erber-Coren(m s'acquittent on ne
peut mieux de leur tâche. Enfin la mise en scène est assez soignée
pour qu'on oublie complètement que ce n'est pas au grand théâtre que
les'représentations ont lieu. — Le directeur du théâtre de la ville vient
de compléter son personnel. Parmi les artistes engagés pour un certain
nombre de représentations, on remarque Mlle Désirée Artot et le ténor
Carrion.
,*^ Hambourg. — Mlle A. Patti avait choisi le Pardon de Plo'érmel
pour sa troisième représentation, et ce choix lui a porté bonheur. Dans
les rôles d'Amina et de Rosine, Mlle Patti avait déployé toutes les qua-
lités qui distinguent la cantatrice hors ligne; mais celui de Dinorah a
été son triomphe; jamais on n'avait entendu chanter ce rôle si poétique
avec autant do [grâce et de sensibilité qu'y en a mis la jeune artiste.
L'annonce seule de la représentation du dernier chef-d'œuvre rie Meyer-
beer avait d'ailleurs attiré une affluence considérable de spectateurs, et
la salle était comble. Les délicieux motifs qui abondent dans cet opéra
étaient saisis et appréciés par le public, qui applaudissait à chaque ins-
tant avec un enthousiasme dont il ne se montre pas en général fort
prodigue. En un jnot, le Pardon de Phérinel chanté ainsi a été un véri-
table événement pour Hambourg.
,** Brème. — L'académie de chant a repris ses études ; elle doit exé-
cuter dans le courant de la saison la grande messe de Beethoven et
l'oratorio, Paulus de Mendehsohn.
^*^ Vienne. — Le célèbre lénor Wachtel vient d'interrompre brus-
quement ses débuts à la suite de discussions assez vives qu'il a eues
avec la direction du théâtre de la cour. Wachtel avait chanté chaque
fois devant une salle comble, et avait obtenu récemment un véritable
triomphe dans le rôle de Alanrico du Trouvère; après la fin du troi-
sième acte il avait été rappelé quatre fois. Heureusement les hostilités
n'ont pas été de longue durée, et la paix qui a été signée a satisfait , tout
le monde, y compris le public. Mardi 22 septembre, Wachtel a paru
pour la première fois dans Alessandro de Stradella, non plus en qualité
de débutant, mais comme ténor désormais attaché à l'opéra de la cour.
— Rokitansky, du théâtre de Prague, a terminé ses représentations par
le rôle de Bertram, de Robert le Diable; Mme Fabri Mulder chantait
celui d'Alice, et Mlle Liebhart Isabelle. — M. Rokitansky a été engagé
pour quatre ans au théâtre de l'Opéra. — Mme Csillag vient d'arriver
ici.
^*j Hanovre. — Il a été décidé que l'opéra de Heller, les Catacombes,
texte de M. Hartmann, sera représenté au théâtre de la cour le 2i oc-
tobre prochain.
*** Francfort-sur-Mcin, — Une œuvre posthume de Marschner : Hiarne,
e Roi du chant, opéra eu quatre actes, vient d'être représenté pour la
première fois au théâtre de la ville. Les chœurs sont en général fort
beaux. Le reste de la partition trahit malheureusement l'influence des
doctrines émises par Richard Wagner. On a toutefois remarqué un air
d'Hiarne au quatrième acte, le finale du deuxième et du quatrième acte,
la cavatine du premier et celle du quatrième acte.
f*^ Darmstadl. — Le tliéàtre de la cour vient de donner les Hugue-
nots avec Mlle Stœger, de Munich, dans le rôle d'Alice, et M. Braun-
Biern, du théâtre national de Pesth, dans celui de Raoul.
^*^ Berlin. — Mme Parepa doit débuter, dit-on, au théâtre royal par
le rôle de Lucrèce Borgia. — Mme Carlotta Patti, la sœur d'Adelina, est
attendue ici au printemps prochain ; elle a été engagée pour l'opéra de
la cour, par l'entremise de l'imprésario Ullmann. — Les représentations
d'opéras sont terminées pour cette saison, à la salle KroU. Le directeur,
M. Engel, n'y fera plus exécuter que des concerts.
*** Gratz. — Aucun ouvrage n'est mieux joué sur notre scène et
n'attire autant le public que la Dinorah de Meyerbeer. La direction,
du reste, n'a reculé devant aucun sacrifice, et tous lest artistes rivali-
sent de zèle pour rendre dignement la magnifique partition de Meyer-
beer. Une grande part des éloges revient à notre excellent chef d'or-
chestre, M. Stolz.
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312
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conséquent comme son ; supérieur comme justesse ; supérieur comme création de famille complète ; supérieur comme facilité et
unité de doigté ; supérieur comme forme ou contour des tubes pour l'émission des sons ; supérieur comme forme pour le pla-
cement et le maniement de l'instrument ; supérieur comme, ayant une même direction des sons (avantage pour l'auditeur de
recevoir tous les sons avec la même puissance); supérieur en ce que quelques jours suffisent pour former, avec des amateurs ou
de simples conscrits militaires, une musique passable ; supérieur en ce que les plus gros instruments comme les petits se
tiennent facilement au moyen de la main gauche et du bras gauche, et laissent le bras et la main droite entièrement libres,
et dans la meilleure position pour le jeu des doigts sur les cylindres ; supérieur en ce que, quand un élève a déjà fait des
études et qu'il est obligé de changer d'instrument faute de disposition des lèvres ou par tout autre motif, ses études acquises
servent pour le nouvel instrument, soit trompette, trombone ou tout autre instrument ; supérieur en ce que l'on peut faire les
études les plus longues et les plus difficiles sur l'instrument qui fatigue le moins et les reporter sur d'aiitres plus durs à jouer
ou plus lourds à porter; supérieur en ce que, dans les sociétés ou dans un régiment de cavalerie, surtout lors des congés, il
arrive souvent que tous les artistes d'une même catégorie d'instruments partent, et que, dans ce cas, on peut les remplacer
en prenant des musiciens dans les parties les mieux garnies pour occuper ou remplacer les parties manquantes; supérieur en
ce qu'on ne craint pas les coups de tête des chevaux, qui, avec les anciens instruments, brisaient parfois les dents au cav.a-
lier; supérieur en ce que l'on peut jouer, le cheval au trot ou au galop, l'instrument suivant toujours les mouvements du
corp's; supérieur pour la musique en marche en ce que l'instrument ne se dérange pas sur les lèvres, et conserve par consé-
quent la même sonorité qu'au repos; supérieur pour les corps de musique et pour le militaire surtout, où tout est régulier
excepté les musiciens et les instruments d'après le système ancien), en ce que tout le monde se trouve dans la même position, toutes les mains à la même
tous les instruments penchés de gauche à droite ; supérieur, pour la musique à cheval ou de cavalerie, en ce que si, pendant que l'on joue, le cheval vient
écart, il est facile de ressaisir les brides pour le ramener, sans déranger riastrument de sa position. (f^^
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Départements, Belgique et Suisse — 30 » id.
Étranger 34 >» id.
le Joutnal paraît le Dimanche.
GAZETTE MUSICALE
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SOMMAIRE. — Théâtre Lyrique impérial : les Pécheurs de perles, opéra ea trois
actes, paroles de MM. Michel Carré et Cormon , musique de M. Bizet, par
liéon Durocher. — Répétition du premier Requiem de Cherubini. — Un
facteur de clavecins, — Lettres de Mendelssohn, traduites par J, Doesberg^.—
Nouvelles et annonces.
THEATRE LYRIQUE IMPERIÂI.
liES PÊCnUlJBS DE! PERLES,
Opéra en trois actes, paroles de MM. Michel Carré et Cormon,
mîisique de M. Bizet.
(Première représentation le 30 septembre.)
Ceci n'est point un opéra-comique, d'abord parce qu'il ne s'y
trouve rien de comique, ensuite, parce que la musique n'y chôme
pas un seul instant. — Chant et récitatif, il n'y a pas autre chose.
Les récitatifs y sont même très-rares, et de plus, très-courts. — Trop
courts, diront sans doute ceux qui, en voyant une pièce, ciiment à
savoir de quoi il s'agit, car c'est dans les récitatifs qu'on met d'or-
dinaire les explications, les préparations, les narrations, tout ce qu'on
a besoin de connaître pour comprendre la situation des personnages,
les sentiments qui les animent, les passions qui les agitent, le but
de ce qu'on leur voit faire. Si le drame de MM. Cormon et Carré
est à peu près aussi transparent qu'une bouteille d'encre, c'est à la
rareté des récitatifs qu'il faut s'en prendre, et au voile symphonique
dont l'auteur a couvert, presque partout, le peu qu'il y en a.
Voici ce que nous avons pu distinguer à travers le bruissement
continu de l'orchestre :
La scène est aux Indes, dans un lieu (nous ne savons lequel) où l'in-
dustrie de la population consiste à pêcher des perles. L'Océan se dé-
veloppe sur la toile du fond, borné du côté droit par une falaise
abrupte qui le surmonte. Au sommet le plus escarpé de cette falaise
s'élève une pagode à l'architecture massive et bizarre, comme on en
voit dans l'Hindoustan. Après que les bayadères ont dansé sur la
plage et que les pêcheurs de perles ont chanté, Zurga, l'un d'eux,
leur fait une harangue : — Mes amis, il nous faut un chef. Choisissez-
le sur l'heure. — Très-bien! répondent les pêcheurs ; c'est toi que
nous choisissons, Zurga. Sois notre chef ! Zurga ne demande pas
mieux. A dater de ce moment, il a droit de vie et de mort sur tout
ce qui l'entoure. Le gouvernement du pays s'en arrangera comme il
pourra.
Parmi ces pêcheurs, Nadir se fait remarquer par une superbe barbe
noire, ornement dont tous ses camarades sont dépourvus. Nadir re-
vient on ne sait d'où, et Zurga le revoit avec plaisir. Ce sont deux
vrais amis, dignes du Monomotapa. Nous ne savons trop ce qu'ils
se disent. Il paraît qu'ils ont été amoureux l'un et l'autre d'une
femme inconnue, qu'ils font serment d'oublier. — Pourquoi ? C'est
ce que nous n'avons pu comprendre. Bientôt arrive un vieux brah-
mine, desservant de la pagode, et porteur d'une longue barbe blan-
che. II amène une femme vêtue de blanc et voilée. Pour réussir
dans leurs opérations, les pêcheurs ont besoin d'être éclairés— c'est
pendant la nuit qu'ils vont chercher des huîtres au fond de la mer,
et personne, jusqu'à présent ne s'en était douté — d'être éclairés,
disons-nous, par des feux allumés à la porte du temple, et encou-
ragés par les chants d'une prêtresse. Mais il faut que cette prêtresse
soit vierge, qu'aucun mortel ne connaisse son visage, et qu'elle n'ait
point d'amant. Si ces trois conditions ne sont pas remplies, les pê-
cheurs trouveront des huîtres, en cherchant bien, mais il n'y aura
point de perles dans leurs écailles. Léila, c'est le nom de l'inconnue,
se dévoue à cet office de vestale. Elle accepte les trois conditions,
et se soumet d'avance à la mort si elle y manque. A peine a-t-elle
prêté ce serment téméraire qu'elle reconnaît parmi les pêcheurs, à
travers son voile de mousseline. Nadir, le beau Nadir, qu'elle aime,
et dont elle est aimée. Nadir ne peut la voir, mais il se trouble à
sa voix.
Le soir vient, on allume les feux. Léila s'installe sur la pointe d'un
rocher pour jeter au vent sa chanson magique, et l'imprudente, se
croyant seule, écarte son voile, afin que sa voix porte plus loin. Na-
dir s'était endormi au pied du rocher ! Ces sons lui vont au cœur et
le réveillent en sursaut. 11 se lève, il regarde, il reconnaît sa maî-
tresse, et n'a plus qu'une pensée : pénétrer dans la pagode, quoi
qu'il en puisse advenir.
Il ne réussit que trop! Et le malheureux renouvelle avec Léila la
scène de Licinius avec Julia. Le vieux prêtre, qui n'était pas loin,
survient à pas de loup, et le surprend aux genoux de la vestale infi-
dèle. Le signal d'alarme est donné, les pêcheurs accourent en foule
et poussant les cris les plus horribles, les plus fanatiques, ils lèvent
leurs poignards, et massacreraient les deux infortunés séance tenante,
sans Zurga, qui entreprend de sauver son ami. A sa voix, la ven-
geance est suspendue; mais les deux coupables sont chargés de fers.
Léila obtient de Zurga une audience. Elle veut mourir seule. Elle
implore la grâce de Nadir. Zurga la voit à son tour : c'est l'inconnue
dont il est épris depuis si longtemps ! Cette découverte le met en fu-
reur. — Ahl lu l'aimes à ce point! Eh bien, il périra, et toi aussi;
je vous accorde la faveur de mourir ensemble. — D'où te vient tant
3U
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
de cruauté? — C'est que je suis jaloux, car je t'aime aussi, moi ! —
Ah! s'écrie Léiia (et son cri est le plus perçant qu'on ait ja-
mais entendu sur aucun théâtre), s'il en est ainsi, je n'ai plus d'es-
poir. Adieu ! Voici mon collier.
Pourquoi donne-t-elle ainsi, in extremis, son collier à son juge?
Nous ne l'avons pas compris, mais nous aimons à croire qu'elle a de
bonnes raisons. Zurga reste seul un moment, et paraît assez étonné
de ce cadeau. Tout à coup il pousse un grand cri à son tour, fuit un
grand geste, et ïe précipite hors de sa demeure.
La scène change, et la décoration représente une forêt; dans cette
forêt, une clairière; dans cette clairière, la statue de Brahma; au pied
de la statue de Brahma, Nadir attendant la mort; autour de Nadir, les
bayadères se livrant aux danses les plus folâtres et les plus insul-
tantes pour la victime. On amène bientôt Léila, et le sacrifice va
s'accomplir, quand Zurga vient derechef troubler la fête. — Que
faites-yous donc là? Ne voyez vous pas l'effroyable danger qui vous
menace? Allez d'abord éteindre l'incendie. En effet, la forêt s'éclaire
de reflets rougeâtres. Zurga reste seul avec Nadir et Léila.
— Pour sauver vos jours, j'ai mis le feu à la forêt. — Ah ! —
Oh! — Qui pouvait s'attendre?... — C'est tout simple. Ton col-
lier, Léila, me prouve que c'est toi qui jadis m'as sauvé la vie. Il est
juste que je sauve la tienne. Fuyez tous deux par ce chemin qui est
encore libre. Moi, je reste ici.
Les flammes se rapprochent, le chœur revient, et comme per-
sonne ne songe à prendre la route qui est encore libre, on a tout lieu
d'espérer que l'Inde sera débarrassée de cette racaille sanguinaire et
stupide, qui voulait tuer un beau jeune homme et une belle fille
parce qu'ils avaient pris la liberté grande de s'aimer sans sa permis-
sion. On regrette seulement que ce brave Zurga s'obstine à rôtir
comme les autres. Il méritait mieux. Mais volenti non fit injuria.
Parlons de la musique, premier ouvrage dramatique de M. Bizet.
Voilà, pour le coup, un jeune compositeur! M. Bizet a obtenu le
prix de l'Institut en 1857. Il ne se plaindra pas d'avoir attendu trop
longtemps l'heure désirée de son début. Peut-être aurait-il mieux
valu, dans son intérêt, qu'on ne le fît pas commencer par une aussi
grande enjambée. Il y a dans le métier de compositeur une foule
de choses qu'on n'apprend que par expérience.
M. Bizet sait tout ce qu'on enseigne à l'école, et même beaucoup
au delà. C'est un harmoniste habile et hardi ; son instrumentation est
claire, brillante, vigoureuse. Il a de l'ardeur, de la verve; plus que
de la verve, de la fougue. 11 manque de mesure, de goût, et la na-
ture, qui lui a donné tant de qualités remarquables, ne parait pas
avoir été prodigue envers lui à l'endroit de l'invention mélodique.
Nous ne voyons donc pas dans sa partition beaucoup de morceaux
de chant dont nous puissions faire une mention particulière. Le duo
entre Nadir et Zurga (premier acte) contient une phrase d'un style
large et noble, et fort bien accompagnée. L'auteur y a marié la harpe
à l'orchestre habituel de la façon la plus heureuse. Ce passage a
produit un grand effet sur l'auditoire, qui était d'ailleurs aussi favo-
rablement disposé que peut le souhaiter un débutant. L'air de Léila
au commencement du second acte, qu'on aurait le droit de considérer
comme un duo pour soprano et violoncelle, est assez mélodieux pour
qu'on puisse accuser M. Bizet d'y avoir fait infidélité à ses principes.
Il doit se reprocher, comme un acte de faiblesse, une indigne con-
cession aux préjugés du public. La romance que chante Nadir avant
d'entrer dans le temple, — et c'est, par parenthèse, un assez mau-
vais moyen d'y entrer incognito, — est surtout remarquable par un
effet de crescendo trôs-adroiteraent ménagé. 11 y a dans l'introduction
un chœur d'hommes, à trois temps, dont le rhythme et l'harmonie
ont de l'énergie et de la grandeur. Le chœur de femmes qui salue
l'arrivée de Léila a beaucoup de couleur et ne manque pas de grâce.
C'est un dialogue assez piquant entre les voix et les clarinettes, et
l'harnionie des harpes en double l'effet. Est-ce tout ? non ; il y a en-
core le chœur qui se chante dans la coulisse au début du second
acte, lorsque la toile se lève, avec accompagnement de tambour de
basque, et répliques de flageolet. L'effet en est original et piquant.
Dans tout le reste de l'ouvrage, la m.élodie brille comme les ima-
ges de Caton et de Brutus brillaient dans la salle où délibérait, sous
Tibère, le sénat romain — par son absence. L'auteur y supplée par
la déclamation, par des harmonies recherchées, par des effets d'or-
chestre plus ou moins connus, car, en ce genre, il est difficile au-
jourd'hui de faire du neuf; enfin, et principalement, par un déploie-
ment de sonorité dont on aurait peine à donner une idée exacte.
Nous ne nous étions pas vu à pareille fête depuis les concerts de
M. Wagner, depuis l'ouverture du Vaisseau fantôme et le fameux
chœur du Lohengrin. Sauf les quelques passages que nous avons
mentionnés tout à l'heure, et qui font exception, la tempête instru-
mentale et vocale mugit d'un bout à l'autre de ce terrible opéra.
Un fortissimo qui dure trois heures ! C'est à vous rendre sourd
ou à vous faire devenir fou. Il y a surtout le finale du second acte,
au moment où les distractions de Léila sont révélées à la foule fu-
rieuse, qui dépasse, en fait de bruit, toutes les proportions connues.
Les opticiens ont des moyens de grossir et de diminuer à volonté
les objets. Si, à notre époque de brutalité musicale, un aimable phy-
sicien inventait un petit appareil par lequel on piit diminuer à vo-
lonté la sonorité de ce qu'on entend, il ferait rapidement sa fortune.
La représentation de cet ouvrage intéressait à un double titre. On
y voyait le début de deux artistes parfaitement inconnus à Paris , et
que le théâtre Lyrique vient d'enlevsr à la province: Mlle de Maesen
et M. Ismaël. Mlle de Maesen est un soprano d'excellente qualité,
— voix étendue, d'un timbre éclatant et naturellement agréable. —
Il ne cesse de l'être que quand la cantatrice se laisse emporter par
le compositeur comme une écuyère par un cheval qui a pris le mors
aux dents. Alors, elle glapit : ce n'est qu'à moitié sa faute. Habi-
tuellement elle chante et chante bien. Ses intonations sont justes,
elle fait fort bien le trille, et le gruppelto encore mieux. Elle a de
l'expression, et par conséquent du sentiment et de l'intelligence.
M. Ismaël est un baryton vigoureux et bien timbré, qui prononce à
merveille, qui a l'habitude de la scène, de l'aplomb, de l'autorité.
Est-ce par goût personnel ou par dévouement pour M. Bizet qu'il
hurle avec la même férocité chaque phrase, chaque mot, chaque
note de son rôle ? Nous saurons ce qu'il en faut penser quand nous
lui en aurons entendu chanter un autre.
M. Morini (Nadir) lutte contre M. Ismaël avec un admirable cou-
rage : mais ce courage n'est pas toujours heureux.
11 n'y a là que M. Guyot (le brahmine), qui chante d'un bout à
l'autre comme on doit chauler, sans aboyer, sans hurler, sans mu-
gir, sans rugir , et qui ne se pose en rival d'aucune bête sauvage.
Nos compliments à M, Guyot !
LÉON DUROCHER,
BÉPËTITION DU PREMIER REQUIEM
De CHEBlfBINI.
Dans la séance tenue le 13 septembre dernier par l'Académie de
i\Iarseille, notre excellent confrère Bénédit a lu une remarquable no-
tice sur Cherubini. Nous en reproduirons le passage suivant, comme
également honorable pour deux de nos plus grandes illustrations
musicales.
Après avoir parlé de l'effet que produisait toujours la présence
du maître, lorsqu'il venait assister à la répétition d'un de ses chefs-
d'œuvre, notre confrère demande la permission de retracer celle qui
eut lieu le Iti octobre 183^, à l'occasion du service funèbre en l'hon-
neur de Boïeldieu :
DE PARIS.
315
« Ce jour-là, dit-il, tout était disposé pour la répétition du pre-
mier Requiem à quatre parties. Les musiciens, au nombre de quatre
cent cinquante, comptaient parmi eux les premiers artistes de l'A-
cadémie royale réunis aux meilleurs élèves du Conservatoire. Cheru-
bini parut sur le front de l'orchestre, et fut reçu comme un général
devant son armée, par d'énergiques acclamations.
» Le Requiem commença. Je ne vous parlerai pas de l'ensemble de
cette exécution, dont rien ne peut donner une idée. Les bassons et
les violoncelles, au lieu de notes écrites, articulaient des paroles mé-
lancoliques et sombres dont l'accent allait droit au cœur. Toute
cette masse d'instruments et de voix semblait dirigée par une seule
âme; c'étaient des implorations, des anéantissements et des cris
sublimes qui faisaient naître tour à tour l'espérance ou la terreur.
» Parmi l'auditoire choisi qui assistait à cette incomparable
séance, un homme se faisait remarquer surtout par sa ferveur et
son recueillement. Placé dans une loge obscure du rez-de-chaussée,
il était debout et découvert. Sa figure, pâle et sévère, ombragée
par une abondante chevelure, rappelait, comme dit Barthélémy dans
son poëme du Fils de l'homme :
<' Un tableau de Rembrandt, chargi'! de teintes sombres,
B Dont la pâleur des chairs se détache des ombres.
» Vers la Dn du premier fragment, qui se termine par le Kyrie,
l'auditeur, toujours plus attentif, rapprocha les deux mains de son
visage, l'inclina doucement sur le bord de la loge, et demeura dans
cette pose méditative jusqu'au fragment du Graduel. La Prose îal
pour lui une source féconde d'émotions. . . Il se levait de temps en
temps, prononçait des paroles que je ne pouvais entendre, ses yeux
se mouillaient de larmes, et il paraissait absorbé dans une de ces
extases qui vous séparent du monde pour une éternité. Seul , au
milieu des applaudissements enthousiastes des assistants, il n'applau-
dissait pas et restait alors immobile à sa place comme frappé de
stupeur.
» Les basses-tailles attaquèrent VOfferfoire, dont l'effet fut im-
mense. Le Sed signifer, chanté par Ponchard, Adolphe Nourrit,
Alexis Dupont, et soutenu par le frémissement aérien de l'orchestre,
expira lentement dans une nuance insaisissable qui se perdit aux
cieux. Mais le moment suprême approchait.
» La fugue du Quam olim Ahraœ remplit les voûtes de ses chants
de triomphe. De toutes les fugues que l'on remarque dans la musi-
que sacrée, celle-ci est peut-être la seule qui puisse trouver grâce de-
vant la majesté du lieu saint, et l'on peut dire sans crainte que
Mozart lui-même a été vaincu par Cherubini dans cette partie de son
art. Les trois fugues du Requiem allemand sont en effet des mor-
ceaux profanes oîi la pensée religieuse se trouve constamment étouf-
fée par les combinaisons de la science, et rappellent l'époque arrié-
rée oii l'on faisait de la fugue un si étrange abus
» La fugue de Cherubini marchait avec impétuosité ; l'orchestre
et les voix luttaient de force, de précision et d'énergie. Pas une
note n'était négligée dans toutes ces parties audacieuses, qui se croi-
saient, revenaient sur elles-mêmes et se confondaient ensuite pour
éclater avec plus de puissance. L'auditeur, que nous avons laissé
tout à l'heure absorbé dans son admiration contemplative, suivait
avec anxiété toutes les phases de cette foudroyante péroraison. On
eût dit qu'une force invisible présidait à l'interprétation de cette
merveille musicale, dont les mille voix semblaient courir dans l'es-
pace avec la rapidité des vents. Toutes les poitrines étaient haletan-
tes, tous les visages étaient en feu ; le beau délire qui régnait alors
parmi les chanteurs et les musiciens faisait pressentir une explosion
imminente'. En effet, arrivé à ce beau passage de VEt semini ejus
où le 7-é bémol formidable des basses-tailles semble tripler l'impul-
sion vocale, l'auditeur mystérieux, dont le visage avait pris depuis
longtemps une expression de poésie indéfinissable, sortit brusquement
de sa loge et reparut presque en même temps sur l'estrade, tenant
dans ses bras M. Cherubini.
» Nous assistons encore à cette scène immense. Au même instant,
la salle entière fut ébranlée comme par une secousse électrique. Une
exaltation surhumaine s'empara de toutes ces intelhgences d'artistes ;
les spectateurs présents à cette répétition descendirent tumultueuse-
ment des premières galeries. C'étaient des cris, des vivat et des ac-
clamations comme les échos du Conservatoire n'en répètent jamais.
Pendant que le parterre franchissait les barrières, l'orchestre roula
comme une avalanche du haut de son harmonieuse pyramide et
vint se confondre dans cette ovation inouïe, peut-être sans exemple
dans l'histoire de l'art. L'auteur du Requiem dut éprouver là une
de ces félicités qui laissent dans le cœur une empreinte ineffaçable ;
un moment on en craignit les suites; mais bientôt le rempart hu-
main se brisa de lui-même et découvrit à tous les yeux l'artiste de
génie, l'interprète sublime des paroles de l'Ecriture, à qui Dieu ré-
vélait en ce moment une part des jouissances célestes ; et c'était un
spectacle touchant, je vous jure, que de voir ce vieillard vénérable,
dont le visage rayonnait alors comme dans une auréole, et qui, pour
témoigner sa reconnaissance , exprimait par des gestes ce que son
émotion ne lui permettait pas de rendre avec la voix.
» Après le spectacle imposant de cette manifestation, un désir me
restait encore, c'était de connaître l'auditeur mystérieux qui venait
d'allumer ce bel enthousiasme ; jugez de ma surprise, lorsqu'on ré-
pondit à ma demande par le nom de Meyerbeer. Je renonce à rendre
les sentiments que réveillèrent en moi ce grand nom artistique.
On saura seulement que depuis plusieurs années, je formais le vœu
de me trouver en face de cet homme illustre, et que mon voyage de
Paris était un pèlerinage fait dans cette intention. »
m FACTEUR DE CLiVECINS.
Ce facteur s'appelait Schmidt, et l'on n'aurait jamais prévu la ter-
rible gloire posthume qui devait éclairer son nom !
Tout le monde sait comment le docteur Guillotin fut chargé par le
comité de législation de l'assemblée constituante, dont il était membre,
de trouver un genre de supplice qui, tout en exigeant un grand ap-
pareil, supprimât presque entièrement la douleur. Dans la simpH-
cité de son âme, le docteur proposa une machine qui n'avait été en-
trevue à Paris que dans une parade d'Audinot , quoique jadis elle
eût été d'usage en Italie.
Telle était la tradition consacrée ; mais voici qu'une publication
récente, les Mémoires de Sanson, vient déranger les idées reçues et
donner au docteur Guillotin un collaborateur inattendu, qui jusqu'à
présent avait gardé l'anonyme.
Le collaborateur, c'est l'Allemand Schmidt , habile mécanicien et,
comme Sanson lui-même, grand amateur de musique. Si l'on en croit
les mémoires, Sanson et Guillotin lui auraient confié l'embarras qu'ils
éprouvaient à résoudre le problème dont ils s'occupaient pour le
bien de l'humanité. Schmidt avait trouvé la solution, mais il la gar-
dait pour lui, parce que l'instrument nouveau n'était pas du genre de
ceux qui souriaient à sa bonhomie.
« Schmidt, dit le pelit-Qls de Sanson, auteur des mémoires, venait
très-souvent s'escrimer sur le clavecin, tandis que Charles- Henri
Sanson faisait gémir son violon ou soupirer son violoncelle. Or, un
soir, entre un air d'Orphée et un duo à'Iphig6nie en Aulide, on
changea d'instruments, si je puis faire cet horrible jeu de mots, et
mon grand-père revint à celui dont il cherchait avec tant de per-
plexité la forme. « Attentez, che crois que ch'ai fotre affaire, ch'y ai
I) bensé », répondit Schmidt; et prenant un crayon, il traça rapide-
ment en quelques traits un dessin : c'était la guillotine!
316
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
» La guillotine, avec sa lame d'acier tranchante, suspendue entre
deux poteaux, et que le simple jeu d'une corde faisait mouvoir; avec
le patient attaché tout de son long sur une planche à bascule , de
façon que, cette planche baissée, son cou se trouve juste à l'endroit
où la lame vient frapper en tombant. La difBculté était vaincue , le
problème résolu : Schmidt avait enfin trouvé le moyen d'exécuter le
patient dans la position horizontale et de le mettre hors d'état de
faire manquer l'exécution.
» Charles-Henri Sanson ne put retenir une exclamation de surprise.
» — Che ne foulais bas m'en mêler barce que , foyez-fous , c'est
la mort du brochain ; mais che fous foyais trob ennuyé. Si nous re-
brenions cette bedide air d'Armide, que nous afons chouée l'audre
chour.
» — De grand cœur, mon bon Schmidt, répondit mon grand-père,
qui vit qu'il voulait éloigner une idée pénible. Et le clavecin et le
violoncelle se mirent à marcher comme de plus belle.
)) Voilà pourtant comment la guillotine naquit au milieu d'un
concert! »
Si les choses se sont ainsi passées, le facteur de clavecins a joui
d'un avantage immense sur le docteur : il n'a pas baptisé son œuvre,
et son nom n'est pas resté pour toujours inséparable de sa sinistre
invention !
LETTRES DE lENDELSSOHN.
Le second volume de la correspondance de Mendelssohn vient de
paraître ; il s'y trouve cent soixante et une lettres, écrites de 1833-
1847, et datées pour la plupart de Leipzig, de Berlin et de Dusseldorf.
Bien que ces lettres abondent en renseignements biographiques, elles
serviront beaucoup moins à nous faire connaître la vie extérieure de
l'auteur, qu'à nous initier de plus en plus à la connaissance de son
caractère, comme compositeur et comme homme. Nous en choisirons
les passages les plus saillants, se rattachant au mouvement musical
de l'époque où il écrivait, sans nous astreindre à l'ordre chronolo-
gique.
Révolution musicale. — « Je n'aime pas qu'à propos de Lafont,
tu me parles de révolution musicale depuis Paganini. De telles révo-
lutions, je ne les admets pas dans l'art, tout au plus dans les hommes.
Je crois que tu aurais trouvé les mêmes défauts et les mêmes qua-
lités à Lafont, si tu l'avais entendu avant l'apparition de Paganini. On
me montre à l'instant plusieurs journaux de musique français où il
est constamment question d'une réforme du goût et d'une révolution
musicale qui auraient eu lieu depuis quelques années, et dans les-
quelles, moi aussi, je jouerais un fort beau rôle. Cela me donne des
maux de cœur
» A mon avis,, il y a une grande différence entre ré-
forme et révolution. La réforme, je la voudrais en toute chose, dans
la vie et dans l'art, dans la politique et dans le pavé des rues. La
réforma est simplement négative à l'égard des abus; mais une révo-
lution par suite de laquelle ce qui est bon cesserait de l'être, me
semble la chose la plus intolérable ; au fond, ce n'est que la mode.
Voilà pourquoi je n'ai pas voulu écouter Fanny, quand elle est venue
me dire que depuis Paganini le jeu de Lafont ne saurait plus avoir
d'intérêt; car si son jeu a pu m'intéresser une fois, il m'intéressera
toujours, quand même l'ange Gabriel se serait fait entendre sur le
violon dans l'intervalle. Mais voilà de quoi les journalistes dont j'ai
parlé tout à l'heure ne se doutent pas : les bonnes choses restent
jeunes, même en vieillissant. Ce qui vient après a nécessairement un
autre air, parce que c'est l'œuvre d'hommes nouveaux. Voilà pour-
quoi je fais une si piètre mine quand on m'accorde, comme tu dis,
l'honneur de me compter au nombre des chefs du mouvement. Je
sais fort bien que la vie entière d'un homme est nécessaira pour qu'il
se forme lui-même, et souvent elle n'y suffit pas. Pour guider le
mouvement des autres, il faut être en mouvement soi-même
mais que je ne renie pas au moins la réforme que j'espère opérer
un jour dans la musique, tu le comprends bien, puisque je suis mu-
sicien ; pour moi, cela n'a pas d'autre sens. »
Sur l'oratorio de Paulus. — « Depuis que je suis ici, je n'ai cessé
de travailler au Paulus, ayant pris la ferme résolution de ne publier
l'œuvre que quand je l'aurais rendue aussi parfaite que possible. Je
sais positivement que le commencement de la première partie et la
fin de la deuxième sont devenus trois fois meilleurs qu'ils ne l'étaient ;
donc c'est mon devoir. En effet, dans un travail aussi étendu, je ne
parviens que peu à peu à rendre complètement ma pensée et à la
présenter sous une forme claire, surtout quant aux détails. Quant
aux pensées principales, aux morceaux fondamentaux, je n'y peux
plus rien changer, car ils me viennent tout d'une pièce dès le com-
mencement ; encore ne puis-je dire cela de tous ; je ne suis point
encore assez fort. Mais voilà déjà plus de deux ans que je travaille à
ce seul oratorio, c'est beaucoup sans doute ; et je vois avec bonheur
venir l'instant où j'aurai fini de corriger les épreuves et où je pour-
rai commencer autre chose. »
Ouverture de Ruy-Blas (extrait d'une lettre adressée à la mère de
Mendelssohn). — « Tu me demandes des détails sur l'origine de
l'ouverture de Ruy-Blas; c'est une assez drôle d'histoire. Il y a six
ou huit semaines que, pour une représentation au profil du fonds des
pensions du théâtre de la ville (Leipzig), on voulait donner Ruy-Blas.
Je fus prié d'écrire une ouverture, ainsi que la musique d'une ro-
mance qu'on chante dans la pièce, parce qu'on se promettait une re-
cette plus abondante, si mon nom figurait sur l'affiche. Je lus la pièce,
qui est mauvaise au-delà de toute idée, et je répondis que je n'avais
pas le temps d'écrire une ouverture, mais que je ferais la romance.
Lundi, il y a aujourd'hui huit jours, devait avoir lieu la représenta-
tion. Le mardi précédent, les gens viennent me trouver, me font leur»
remercîments pour la romance, en disant qu'il était fâcheux que je
n'eusse pas écrit d'ouverture ; mais que du reste ils comprenaient
qu'une œuvre pareille exigeât du temps, et que, si je le leurpermettai,
l'année prochaine, ils viendraient me prévenir plus tôt. Je me piquai
au jeu ; j'y pensai le soir, je commençai ma partition ; le mercredis,
les répétitions pour le concert prirent toute la matinée ; il y eut con-
cert jeudi, et néanmoins vendredi l'ouverture était entre les mains du
copiste ; le lundi elle fut répétée trois fois dans la salle des concerts
et une fois au théâtre. Le soir on la joua pour cette maudite pièce ;
rarement une de mes compositions m'a fait autant de plaisir. Au
prochain concert nous la ferons entendre de nouveau, sur la de-
mande du public; mais celte fois sous le titre d'ouverture, au profit
du fonds des pensions, et non pas de Ruy-Blas. »
u A madame Frécje, à Leifzig.
Londres, 31 août 1835.
» Ma chère dame,
» Vous avez toujours pris un si vif intérêt à mon oratorio Elle, que
je regarde comme un devoir de vous écrire après l'exécution et de
vous en rendre compte. Si donc cela vous ennuie, la faute en est à
vous ; pourquoi m'avez-vous laissé venir chez vous, la partition sous
le bras, et vous en jouer les morceaux à moitié terminés? Pourquoi
m'en avez-vous tant chanté à première vue ? A vrai dire, cela vous
imposait l'obligation de faire avec moi le voyage de Birmingham, car
il ne faut pas mettre l'eau à la bouche des gens et leur faire prendre
leur situation en grippe, si on ne veut leur venir en aide, et juste-
ment l'état où je trouvai ici la partie solo du soprano était pitoyable
et sans ressource.
» Par contre il y avait tout de bonnes choses, qu'à tout prendre
DE PARIS.
317
j'eu ai rapporlé la meilleure impression, et que je me suis dit sou-
vent que vous aussi vous en auriez été contente.
» Les sons de l'orchestre et de l'orgue immense, les chœurs nom-
breux qui chantaient avec un enthousiasme sincère; le formidable
écho, dans cette salle magnifique et gigantesque; un excellent ténor
anglais, Staudigl, qui faisait de son mieux, et dont vous connaissez
le talent et les qualités ; en outre, plusieurs bonnes voix de second
soprano et de second alto, tout cela exécutait la musique avec un
singulier entrain, beaucoup de fraîcheur et de plaisir, et faisait res-
sortir, à côté des plus vigoureux /b^'/mmo, dt^s piano ravissants, tels
que je n'en ai jamais entendu dans de pareilles masses ; un public
impressionnable, favorablement disposé, gardant le plus profond si-
lence : voilà de quoi se contenter, à une première exécution. Aussi,
de ma vie je n'en ai entendu de meilleure, voire même d'aussi bonne ;
je doute que jamais j'en entende de pareille, précisément parce qu'il
y avait là une réunion de tant de circonstances favorables.
» A côté de toute cette lumière, l'ombre ne manquait pas, comme
je viens de le dire ; c'est surtout la partie de soprano qui faisait tache.
Tout en était si joli, si mignon, si élégant, si dénué d'âme et d'in-
telligence, la musique prenait un air si faux d'expression aimable,
qu'aujourd'hui encore je ne puis me tenir quand j'y pense. Quant à
la voix de contralto, elle ne suffisait pas à remplir la salle et à se
maintenir à côté de toutes ces masses et de pareils chanteurs, mais
elle disait bien et avec un sentiment musical : de telles qualités
rendent le défaut de voix supportable. Pour moi, du moins, il n'y a
rien en musique de plus choquant qu'une certaine espèce de coquette-
rie froide, qui par elle-même est anlimusicale, et qiii pourtant chez
beaucoup d'artistes forme la base du chant et du jeu des instruments.
Chose singulière! je trouve ce défaut plus rarement chez les Italiens
que chez nous autres Allemands. Il me semble toujours que nos com-
patriotes doivent être dévoués de tout cœur à la musique, sous peine
d'être accusés de cette froideur abominable, stupide et affectée par
dessus le marché.
» Moschelès étant tombé malade lundi, je fus forcé de diriger toutes
les répétitions. Le soir venu, vers 10 heures, les Italiens arrivèrent et se
comportèrent avec leur nonchalance habituelle; mais la Grisi, Mario
et Lablache se mirent à chanter; je rendis grâce à Dieu du fond de
mon cœur. En voilà du moins qui savent ce qu'ils veulent! Ils chan-
tent avec pureté et en mesure. Si leur musique ne me convient
guère, la faute n'en est pas à eux. »
Traduit par J. DUESBERG.
MOUVELLES.
;t% Dimanche dernier le théâtre impérial de l'Opéra a donné la Fa-
vorite et le Marché Jes Innocents. Faure dans le premier ouvrage, et
Mlle Vernon dans le second, ont eu les honneurs de la soirée. — Lundi,
dans les Vêpres siciliennes, Mlle Sax, quoique légèrement enrhumée,
s'est surpassée, et elle a été applaudie avec enthousiasme. Villaret et
Caron font chaque jour de nouveaux progrès. — Mercredi, le Comte Ory
et Gisello avaient été choisis pour les ambassadeurs annamites, qui ho-
noraient la représentation de leur présence. Mme Zina Merante, qui a
pris le rôle de GisoUe après Mlle Mouravieff, y a déployé un véritable
talent, différent sans doute de celui de sa devancière, mais qui l'égale
et le surpasse même sous plu.'sieurs rapports. — Vendredi, le Trou-
vère, dans lequel Mlle Sax et Villaret se sont montrés très-dramatiques.
— Aujourd'hui dimanche, la Favorite et le Marché des Innocents sont de
nouveau annoncés. — L'indisposition de Gueymard entrave singuliè-
rement le répertoire. Il y a cependant de l'amélioralion dans son état,
et l'on espère que l'éminent ténor ne tardera pas à reparaître.
„,*» On sait que lorsqu'il fut question de monter la Muette, le rôle de
Masaniello avait été confié à Mictiot et que sa maladie l'empêcha de le
chanter. Il le répète en ce moment pour le reprendre.
,f*^ Au moment même où la direction de l'Opéra remonte brillam-
ment Moïse, on lit dans les journaux italiens que le théâtre Pagliano
de Florence vient de rouvrir par le chef-d'œuvre de Rossini, et que la
Scala, de Milan, va le reprendre également pour l'ouverture de la saison
du carnaval.
j,*» M. Merly est rengagé à l'Opéra. Il chantera prochainement le
rôle du comte de Luna du Trouvère, et Guillaume TsU.
^*a, L'administration de l'Opéra vient d'engager David pour chanter
l'emploi de basse-taille. Ce jeune artiste, qui a tenu le même emploi
au Grand-Théâtre de Marseille, l'année dernière, possède une excel-
lente voix, et son talent comme chanteur fait honneur à M. P. Bénédit,
l'émineut critique musical du Sémaphore, dont il est l'élève. — On
annonce également l'engagement de Mlle Battu.
*** li'opéra en cinq actes de M. Mermet, Roland à Roncevaux, vient
d'être reçu par l'administration de l'Opéra.
,*.i, Une plaque provisoire portant l'inscription de rue Scribe a été pla-
cée à l'angle de la nouvelle rue ouverte du boulevard des Capucines à
la rue Neuve-des-Mathurins, qui longe la façade ouest de la nouvelle
salle de l'Opéra; on sait que la voie opposée portera le nom de rue
Flalévy.
,^*^ La nouvelle de la mort de Mme Vestvali ; qui a circulé dans la
publicité des journaux américains et qui a fait le tour de la presse eu-
ropéenne, ne s'est pas jusqu'à présent confirmée.
:t*a< La rentrée de Montaubry et de Mlle Cico dans Lalla-Roukh, qui
a eu lieu lundi, avait attiré beaucoup de monde, et le plus chaleureux
accueil a été fait aux deux artistes. La distribution des rôles est restée
là même qu'à la première représentation ; aussi l'opéra de Félicien Da-
vid a-t-il marché avec autant d'ensemble que de succès. — On donnait
en même temps le Tableau parlant avec Mlle Girard dans le rôle de Co-
lombine; elle y a été pétillante de verve et d'esprit. Sainte-Foy est
un admirable Cassandre, et Potel très-plaisant dans celui de Léandre.
L'œuvre charmante de Grétry a été constamment applaudie. — Un té-
nor qui a joué à Bruxelles, M. Henault, a remplacé dans le Songe d'une
nuit d'été, M. Justin qui jouait le rôle de Latimer; il s'est bien acquité
de sa tâche et il a surtout très-bien dit la romance du premier acte.
a,*„ Le Songe d'une nuit d'été, et Lalla-Rouck, avec le Tableau parlant,
composent au théâtre impérial de l'Opéra-Comique un spectacle alter-
nant qui remplit la salle chaque soir. — M. Auber s'occupe des répéti-
tions de la Fiancée du roi de Garbes, et ce nouvel opéra de l'illustre
compositeur pourra être représenté au plus tard vers la mi-novembre.
a,*i L'ensemble des travaux entrepris dans l'intérieur du théâtre Ita-
lien touche à son terme, cependant l'ouverture ne paraît pas pouvoir se
faire avant la fin de la semaine prochaine ; on devait commenéer par la
L'ucia; mais, à son arrivée à Paris, Fraschini s'étant trouvé encore fatigué
du traitement qu'il a suivi aux eaux thermales de Louesch, la Traviata a
été choisie, et l'opéra de Verdi réunira Mme de Lagrange, le ténor Ni-
colini et le baryton Giraldoni. Immédiatement après Fraschini débutera
dans la Lucia.
*'» M. Bagier vient d'engager Mme Julienne Dejean , qui dans le
temps a chanté à l'Opéra, et qui, à diverses reprises, a obtenu beaucoup
de succès au théâtre italien de Madrid. On l'entendra d'abord dans Po-
liuto et dans Un ballo in maschcra.
j,*4 Le procès intenté par Mme Penco à M. Calzado, en paiement de
ses appointements, vient, à ce qu'il paraît, de recevoir une solution
amiable. L'illustre cantatrice s'est contentée du tiers de la somme
qu'elle recevait pour une saison entière.
,j*^ Le théâtre Lyrique a donné mercredi les Pécheurs de perles, de
MM. Michel Carré et Cormon, musique de M. G. Bizet. Nous en rendons
compte. — Les études des Troijens,de II. Berlioz, marchent rapidement;
les principaux rôles sont sus, et l'ouvrage pourrait être prêt pour le
15 novembre, si les décorateurs et les machinistes n'y apportent pas
de retard. — En attendant , M. Carvallio va faire conn;iître au public
parisien un opéra très-populaire en Allemagne, les Joyeuses commères de
[Vindsor, de Nicola'i, qui sera représenté dans quelques semaines.
a,** J. OITenbach, de retour de Vienne, est en ce moment à Etretat,
où il passera une quinzaine de jours, après quoi il retournera en Alle-
magne. Son opéra, les Fées du Rhin, sera donné dans le courant de
novembre.
j*;i, Le privilège d'exploitation du théâtre Beaumarchais expirant pro-
chainement, plusieurs candidats se présentent, au nombre desquels
notre confrère M. Charles Desolme, directeur de l'Europe artiste, paraît
réunir les vœux des auteurs et des artistes et avoir beaucoup de chance
de l'obtenir. On ne pourrait d'ailleurs faire un meilleur choix.
,*i Brasseur vient de donner à Lyon et à Genève de nombreuses re-
présentations aussi suivies que fructueuses. Il y a obtenu un succès fou
avec la Ronde du Brésilien. De retour à Paris, il est reparti pour Lille,
où il est engagé jusqu'au 10.
,*^ Le théâtre royal de la Scala, à Milan, a complété son personnel
pour la saison d'automne ; il se compose de Mme Lotti Délia Santa, de
MM. Carion, Limberti, Bertolini, Bartolini et Capponi.
„,*„, Mme Médori a été engagée comme prima donna pour l'opéra Ita-
lien de iNew-York, par l'imprésario Maretzeck.
^*.^ Nous avons annoncé il y a quelque temps l'engagement de
318
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Mlle Lagrua au théâtre du Liceo à Barcelone ; Mme Colson, MM. Ne-
grini, Squarcia et Selba compléteront la troupe.
t*t Avant de quitter Londres, Nerl-Beraldi y a épousé Mlb Anto-
nietta Fricci. Les deux artistes font partie de la troupe italienne du
théâtre de Moscou, qui compte encore dans son personnel Mme La-
borde, MM. Pancani, Gassier, Vialetti et Steller. La saison a été inau-
gurée par Maria, une indisposition subite de Pancani ayant forcé d'a-
journer les Huguenots, par lesquels le théâtre devait rouvrir. Aassi
l'opéra de M. de Flotow a-t-il été joué au pied levé et sans aucune ré-
pétition préalable. Quoi qu'il en soit, cette gracieuse musique, qui avait
pour interprètes Mmes Laborde et Honoré, Neri-Beraldi, Frizzi et Via-
leti, a fait le plus grand plaisir. Vialetti est fort aimé du public, et sa
chanson du porter a été saluée par les plus vifs applaudissements.
Mme Laborde détaille avec une rare perfection le rôie de lady Hen-
riette, et elle a reçu le plus chaleureux accueil. — Cette année, l'opéra
russe, à défaut de chanteurs indigènes, s'est recruté de chanteurs al-
lemands, et cette tentative a parfaitement réussi. Il y a foule à chaque
représentation.
^*^ Au nombre des pièces données pour la réouverture du théâtre
de Bruges, sous la direction de M. Vachot, Tromb-al-Cazar, joué par
Mme Geoffroy, MM. Neveu et Gavé, a obtenu un succès fou. Il en avait
été de même à Ostende, où ces trois artistes avaient également repré-
senté cette opérette si gaie d'Offenbach.
t*:i La direction du festival de Valenciennes s'était assuré le concours
de Mme Charton-Demeur, de Vieuxtemps et de Delle-Sedie. Trois artis-
tes de ce talent et de cette réputation devaient donner à la fête un
lustre inusité : aussi un enthousiasme extraordinaire et des applaudis-
sements sans fin ont-ils accueilli ces éminents virtuoses, après chacun
do leurs morceaux.
,■** Hier samedi, l'Académie des beaux arts a tenu sa séance annuelle
pour la distribution des prix et l'exécution de la cantate couronnée.
M. Beulé, secrétaire perpétuel, a lu une notice historique sur Horace
Vernet. A dimanche prochain les détails.
,*^, Alexandre Batta et Vivier étaient de nouveau à Bade ces jours-ci.
M. Benazet les y avait appelés pour faire entendre dans le dernier con-
cert do la saison le duo de Rossini, Mira la bianca luna, arrangé pour
cor et violoncelle. Les deux célèbres artistes l'avaient exécuté à Ems
avec un succès éclatant qui s'est renouvelé à Bade.
*** Une commission composée de MM. Camille Doucet, directeur de
l'administration des théâtres au ministère de la maison de l'Empereur
et des beaux-arts ; Noyon, directeur des affiches municipales à la pré-
fecture de la Seine; Alphand, ingénieur en chef de la préfecture de la
Seine; Emile Perrin, directeur de l'Opéra; Marseille, commissaire de
police; Humbert, chef de bureau à la préfecture de police; Dormeuil,
ancien directeur de théâtre ; Planté, inspecteur des théâtres, a été nom-
mée pour examiner la question de l'affichage des théâtres de Paris. Cette
commission sera présidée par M. le comte Bacciochi.
,j'*» La rentrée des classes du Conservatoire in)périal de musique a eu
lieu jeudi !"'■ octobre.
»■*» M. Auguste Morel, directeur du Conservatoire de mu.sique de Mar-
seille, récemment décoré de l'ordre impérial de la Légion d'honneur,
vient d'être l'objet d'une nouvelle distinction des plus flatteuses : l'Aca-
démie des beaux-arts lui a décerné le prix fondé par Chartier , et des-
tiné à encourager les compositions de musique de chambre. Ce prix
consiste en une somme de 700 francs. En outre, la section de musique
de l'Union des arts de Marseille a pris la généreuse initiative d'ouvrir
une souscription pour couvrir les frais de publication des quatuors et
des quintettes de l'auteur du Jugement de Dieu.
*'*(, S. M. le roi Victor-Emmanuel vient de conférer au pianiste-
compositeur Eugène Ketterer la décoration de l'ordre royal des Saints-
Maurice et Lazare.
t^*\ Mme Thérèse Marschner, la veuve du célèbre compositeur, s'est
fixée à Vienne, sa ville natale ; elle y a été nommée professeur de chant
au Conservatoire.
*■*» Nous avons lu avec beaucoup d'intérêt dans la Gazelta musicale de
Naples le discours d'ouverture du cercle artistique musical , prononcé
par M. Ferdinand Bonamici, fondateur de cette institution, à laquelle
toutes nos sympathies sont acquises. Nous nous ferons un devoir d'eu
suivre la marche et d'en signaler les progrès.
^*i Les fêtes nationales de la Haye qui ont eu lieu au commencement
du mois de septembre, ont été fort brillantes. La musique y était di-
gnement représentée par des concerts populaires qui ont provoqué un
grand enthousiasme, et dont l'organisation a fait beaucoup d'honneur
aux soins dévoués et intelligents de M. Lefebvre, chef de la maison
■Weygand et C'', éditeurs de musique à la Haye. Aussi le roi des Pays-
Bas, qui, lui-même, cultive la musique avec succès, a daigné conférer
à M. Lefebvre, en témoignage de son auguste satisfaction, l'ordre de la
Couronne de chêne.
^*^ Le ministre des beaux arts et de la maison de l'Empereur vient
de souscrire pour les bibliothèques publiques à l'Histoire générale de la
musique religieuse et au Recueil des principales séquences du moyen âge, mises
en harmonie, avec accompagnement d'orgue, par M. Félix Clément. Ces
ouvrages ont déjà été l'objet d'une mention très-honorable à l'Acadé-
mie des inscriptions et belles-lettres. M. Fétis a consacré deux articles
dans la Gazette musicale à l'examen du travail de M. Félix Clément.
,1,*^ La France méridionale, journal scientifique et littéraire, publié
à Nice, et spécialement consacré aux étrangers, annonce qu'elle paraîtra
désormais deux fois par semaine. Indépendamment d'études climatolo-
giques et de balcéation maritime, li France méridionale contient des ar-
ticles de littérature et de beaux-arts, des feuilletons inédits, des corres-
pondances particulières de Paris, de Londres, d'Allemagne, etc.
^*,t On lit dans une correspondance de Plndépendance belge : « On a
annoncé dans les journaux de Paris que M. Camille Doucet renonçait à
se présenter à l'Académie française, où. la mort regrettable d'Alfred de
Vigny laisse encore un fauteuil vacant. Je crois savoir qu'il n'en est
rien et que M. Camille Doucet maintient sa candidature. Il y a deux
hommes dans M. Camille Doucet : un fonctionnaire estimé et dont la
participation active aux travaux du traité sur la propriété littéraire dit
suffisamment les sympathies pour les travaux d'intelligence ; mais il y
a aussi un véritable homme de lettres qui compte des succès au théâ-
tre, et c'est celui-là seul, je crois, qui se présente. »
t^*,!, Le parc nouvellement créé dans le bois du Vésinet attire tout
l'été de nombreux visiteurs. Outre une charmante promenade , les con-
certs du dimanche que M. Maury y avait organisés avec une rare in-
telligence, offraient aux promeneurs un grand attrait et justifiaient leur
empressement. Aujourd'hui il s'agit d'un véritable festival musical.
L'orchestre sera composé de cent musiciens ; on y entendra pour la
partie vocale des artistes de nos divers théâtres et la Société chorale
des enfants de Lutèce ; pour la partie instrumentale, M. Maury et
MM. Garcin et Rose, violon et clarinette soli de l'Opéra.
^*g. Aujourd'hui dimanche, à .2 heures, troisième matinée musicale au
concert des Champs-Elysées. Dimanche dernier, il y avait grande
foule chez M. de Besselièvre. Le programme d'aujourd'hui , dont nous
avons pris connaissance, promet une journée musicale des plus inté-
ressantes. On entendra entre autres les ouvertures de Robin des buis et
de Guillaume Tell, la belle fantaisie sur le Déserteur, et un solo par
M. Hollebeke.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
J'^ Bruxelk-f. — Le théâtre de la Monnaie vient de donner une re-
prise de M art/m, qui a fait le plus grand plaisir. Jourdan est un char-
mant Lyonel, M. Périé joue et chante le rôle du fermier Plunkett avec
une verve et un entrain délicieux, et grâce à Mlle Borghèse, nous avons
pu entendre enfin la musique de Flotow exécutée comme elle a été
écrite. Mlle Borghèse fait ressortir avec beaucoup de brillant les pas-
sages jusqu'ici restés dans l'ombre, faute d'une chanteuse suffisante.
M. Mengal relève le personnage presque sacrifié de Tristan. — Le grand
concours international de chant d'ensemble, organisé par la Société
royale h Réunion lyrique, avec l'assistance des autres sociétés chorales
de la ville et du faubourg, avait prêté un grand éclat aux fêtes natio-
nales; la journée du samedi 26 septembre marquera dans les annales
des sociétés de chant. Les sociétés françaises se sont particulièrement
distinguées; Lille, Cambrai et Saint-Omer ont enthousiasmé l'auditoire,
qui longtemps avant le jury avait, d'après son impression, décidé de la
victoire des trois sociétés. La Légia , seule société inscrite pour le
grand prix d'honneur, s'est fait entendre ensuite. Cette nombreuse pha-
lange de chanteurs entonna avec un éclat superbe le chœur des Cor-
saires grecs, de M. Soubre, admirable morceau, très-bien écrit pour les
voix, quoique très-difficile à rendre. L'exécution du chœur imposé, les
Abenccrrages, n'a pas été aussi parfaite ; l'extrême difficulté de ce mor-
ceau en rend l'exécution impossible ; jamais aucune société ne parvien-
dra à l'interpréter d'une manière satisfaisante. Néanmoins le jury, re-
connaissant la supériorité de la Légia, lui a décerné à l'unanimité le
grand prix d'honneur, décision que le public a ratifiée en applaudissant
à tout rompre. Sur trois prix réservés aux Sociétés allemandes, la
ville d'Aix-la-Chapelle en a remporté deux. VAachner Sanger Yerein a
obtenu le premier, VAmphion, le troisième. Le deuxième a été décerné
au Mœnnergesang Vercin, de Neuss, dirigé par M. Hartmann.
,1,*^, Londres, 30 septembre. — Deux œuvres nouvelles se distinguaient
dans le programme du festival de Norwich : Joash, oratorio de M. Silas,
qui avait fait exécuter avec beaucoup de succès une symphonie à la
Société musicale de Londres, et une cantate de Benedict, Richard Cœur
de lion, expressément composée pour la solennité. L'oratorio n'a pas
produit l'effet qu'on pouvait en attendre. Les ressources orchestrales y
sont prodiguées, mais, eu somme, il y a plus de bruit que de charme.
La cantate de Benedict a été reçue avec enthousiasme, et l'on ne sau-
rait en parler que sur le ton de l'éloge le plus prononcé, le plus légi-
time. Rappelé par des acclamations et des bravos, auxquels prenaient
part l'orchestre et les chœurs, Bénédict a obtenu un triomphe éclatant.
r>E PARIS.
319
Le produit du festival laissera un notable bénéfice. L'exécution artistique
n'a pas été moins satisfaisante et méritera d'occuper une place dans les
annales des fêtes provinciales de l'Angleterre.
»*a, Munich, 27 septembre. — La première journée du festival a com-
plètement réussi : on }' a exécuté la Symphonie héroïque et Israël en EgxjpU.
Le roi Louis et le prince Adalbert honoraient la solennité de leur pré-
sence.
**, Cologne. — La nouvelle société du théâtre de Cologne, sous la
direction de M. Ernst, a donné depuis l'ouverture deux opéras : Une
nuit à Grenade, par Kreuizer, et les Huguenots ; ce dernier opéra avait
attiré une foule considérable.
^** Berlin. — Une artiste qui passe à Londres pour une des meilleures
cantatrices de concert, miss Perega, a choisi Nurma pour son début.
La beauté de sa voix, la distinction de son chant, une belle prestance
et un physique sympathique la placent au rang des plus célèbres vir-
tuoses italiennes. Mais sur la scène elle est dépaysée; là, il lui manque
un élément essentiel de succès, la verve, l'animation dramatique. — On
nous annonce, comme prochaine, l'arrivée de Désirée, Artot et de Car-
lotta Patti. — Au théâtre Victoria, nous aurons la société llerelli avec
Adelina Patti et Naudin.
^"J'rague. — Naudin, après s'être fait entendre avec un grand succès
au théâtre de cette ville , a proposé à l'administration de donner
une représentation au profit des pauvres , pour témoigner sa re-
connaissance au public. Nous n'avons pas besoin d'ajouter que l'offre a
été acceptée avec empressement.
^*,i, Hanovre. — Les Calacombes, opéra de Hiller, ont été représentées
avec succès au théâtre de !a cour. Le texte, qui est dû à l'un des meil-
leurs poètes contemporains de l'Allemagne, Moritz Hatmann, est mieux
écrit que ne le sont d'ordinaire les libretti d'opéra, mais il affecte trop
souvent la forme épique. Aussi la partition de M. Pliller, malgré tout
son mérite, offre-t-elle peu de scènes dramatiques. On cite toutefois le
finale du premier acte et les chœurs comme très-remarquables.
»*^ Vienne. — VEloile du Nord a été représentée au théâtre de la
cour. Nous ne parlerons pas de l'effet produit par cette œuvre si origi-
nale dans laquelle le génie de l'auteur des Huguenots s'est révélé sous
une face toute nouvelle : il a été le même que celui qu'elle a rencon-
tré sur toutes les scènes de l'Europe, saisissant et intéressant au plus
haut degré. Les principaux rôles étaient interprétés par Mlle Wildauer
(Catherine), Beck (Péters) , M eyerhofer (Gritzonko). — Pour le ^" oc-
tobre on annonce les Huguenots , de Mejerbeer , avec Mme Kapp-
Young. — Wachtel a été très - applaudi dans Oberon,' de Weber. —
M. de Flotow,-qui se trouve parmi nous en ce moment, vient de
terminer une partition nouvelle qu'il va présenter prochainement k la
direction de l'opéra de la cour. — 11 est question de jouer à ce théâtre
Campanella, opérette en un acte, de Donizetti. — Au mois de novem-
bre on doit y monter un nouveau ballet de Borri, dont un compositeur
milanais a écrit la musique. — L'excellent ténor Erl va fêter prochai-
nement le vingt-cinquième anniversaire de son entrée au tliéâtre de la
cour ; il chantera, dans Guillaume Tell, le rûle d'Arnold, par lequel il
débuta en 1838.
,*^ Turin. — Pour la réouverture du théâtre Victor-Emmanuel, la
direction a eu l'heureuse idée de remonter Maria, le charmant opéra
de Flotovv, qui obtint la saison dernière le plus grand succès et rem-
plit la salle pendant trois mois de suite. Outre le personnel engagé
pour la saison d'automne, et dans lequel figurent Mmes Bendazzi, Van-
denhaute, MM. Graziani (ténor), Corsi, Colonese, Boccolini et Junca,
M. Martinoti, notre habile directeur, avait engagé pour remplir le rôle
de Marta, Mlle N. de Roissi, qui le joue et le chante dans la perfection.
Aussi l'ouvrage si connu et si attrayant de M. de Flotow, ainsi inter-
prété, attire-t-il chaque soir un nombreux public.
,j*j i?ome. — C'est le chef-d'œuvre de Meyerbeer, Roberlo il Diavolo,
qui a inauguré la saison au théâtre Argentina. Représenté l'année der-
nière au printemps, il avait produit sur notre public une trop grande
impression pour qu'on ne désirât pas vivement l'entendre de nouveau.
Aussi le succès a t-il été cette fois supérieur encore à. celui de la pre-
mière audition. L'interprétation en était confiée à Mmes Carozzi-Zucchi
et Monti et à MM. Junca, Limbcrti et Gounari. C'est Junca qui a eu
les honneurs de la soirée. Précédé d'une belle réputation à Rome, il
l'a complètement justifiée. Doué d'un physique avantageux, d'une voix
belle et puissante, il réunit toutes les qualités du rôle de Bertram. Le troi-
sième acte, surtout, a été pour lui un triomphe continuel, et on a fait
répéter le trio sans accompagnement. Mme Carozzi-Zucchi (Alice) a une
belle voix et beaucoup d'àme. Sa cavatine, l'ariette et le duo avec Ber-
tram lui ont valu de chaleureux applaudissements. Mme Monti a bien
tenu le rôle d'Isabelle, et a chanté avec beaucoup de goût et de dis-
tinction l'air de Grâce! Limberti (Roberto) a eu de très-beaux moments.
Son bel organe a plusieurs fois remué l'auditoire, particulièremenl; dans
le trio sans accompagnement. Le ténor Gounari est un excellent Ram-
baldo; sa voix est sympathique, bien timbrée et flexible, et il joue avec
beaucoup d'intelligence. Les chœurs et l'orchestre ont bien marché.
Les décorations sont splendides. — Le théâtre Apollo a complété sa
troupe; les artistes engagés sont : Mmes Poinsot, ïiberini, Ortolani,
Grossi; MM. Tiberini, Sicchia, Zucchi, Cima, Zucchini.
^*,i, Saint-Pétersbourg. — Nos théâtres ont rouvert : la troupe dra-
matique d'abord et l'opéra russe ensuite. Celui-ci a fait une perte
regrettable dans Mme Leonoff; Mlle Schrœder qui lui succède est loin
d'avoir l'expérience et le talent de sa devancière, quoiqu'on ne puisse
lui refuser des qualités qui font bien augurer de son avenir. Outre
YOberon de Weber et Indra de Flotow, nous aurons le Gromovoï de
Wertovski et VOndine de Lwoff. — Quant à l'opéra italien, dont le
personnel s'est recruté du ténor Giuglini et de la basse bouffe Fioravanti,
il est en retard. C'est, dit-on, par te Trouvère qu'on commencera. La
Sonnanbula servira de début à Giuglini, eil'Elisire d'amore à Fioravanti.
— Outre les opéras du répertoire, la direction se propose de nous faire
connaître un opéra populaire en France, la Dame blanche de Boïeldieu,
et le Faust de Gounod, dont le succès a gagné l'Allemagne. On donnera
également la Fiorina de Mercadante. — Mlle Mouravieff nous est re-
venue toute chargée des lauriers cueillis par elle au théâtre de l'Opéra
de Paris. Saint-Léon va s'occuper activement du Konek Gorbounok (le
Cheval enchanté) qu'il monte pour elle ; tandis que Petipa travaille à
celui {la Beauté du Liban) dans lequel le principal rôle doit être créé
par Mme Petipa, sa femme, dont les plus vifs applaudissements ont
salué la rentrée dans' le Corsaire.
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Adam (A.) . Fantaisie sur la Muette de Por-
tici, composée par S. Thalberg, ar-
rangée pour le mélodium et piano .
Alday (F.). Op. 15. Les Huguenots, fan-
taisie brillante pour harmonium. . .
— Fantaisie de salon sur l'Etoile du Nord
Badarzewska (T.). La Prière d'une
vierge, pour harmonium
Brigsen. Adagio de Beethoven , transcrit
pour harmonium ou orgue et piano.
— Casta Dii>a, cavarine de Norma, trans-
crite pour harmonium ou orgue ,
piano et violon
— La Somnambule, trio pour harmonium
ou orgue, piano et violon
— La Charité, chœur de Rossini , trans-
crit pour harmonium ou orgue, piano
et violon
— Op. 66. Marta, trio pour piano, orgue
et violon :
— Op. 69. Robert le Diable, grand duo
caractéristique pour piano et orgue .
— Op. 70. Le Pardon de Ploêrmel, duo
de concert pour piano et orgue, . .
— Op. 71. Méditation sur le chœur reli-
gieux du Pardon de Ploêrmel,
transcription pour piano, orgue et
violon ou violoncelle
Dnrand. Première romance sans paroles de
Mendelssohn, en trio pour violon, or-
gue et piano
— Ouverture de la Sirène, pour harmo-
nium et piano
Eng^el (L.). Fantaisie pour harmonium sur
l'Etoile du Nord
— Grande fantaisie pour orgue-harmonium
sur le Pardon de Ploêrmel ....
— Grand duo pour piano et harmonium
sur le Pardon de Ploêrmel ....
Fessy. Fant. sur le chœur du iïoniino noir
— Réminiscence du Stabal Mater de Rossini
— Andante et boléro
— Cavatine de Torquato Tasso et caprice
— Six morceaux sur des motifs de Rossini,
Auber et Donizetti, 2 suites, chaque.
Herz et Fessy. Deux duos concertants,
pour harmonium et piano, 2 suites,
chaque
1. Cavatine de Vaccaj.
2. Thème de Beethoven.
7 50
7 50
7 50
7 50
7 50
7 50
Frelon. Trois marches pour orgue expressif
à percussion :
1. Marche du sacre du Prophète. . .
2 . Marche de Robert Bruce
3. Marche de la Muette de Portici. .
— La Part du Diable, fantaisie po'.ir or-
gue et piano 1
— Le Prophète, fantaisie de concert pour
orgue avec accomp. de piano obligé. 1
— Romance sans paroles de Thalberg pour
orgue et piano
liebeau. Op. Ii2. L'Abandon, romance sans
paroles pour harmonium
— Op. 45. Danse bretonne, villanelle pour
harmonium:
— Op. iû. La Rosée du malin, caprice
pour harmonium
— Op. 45. Sylvie, souvenir d'autrefois,
pour harmonium
— Op. 45. En mer, chant maritime, pour
harmonium
— Op. 47. Impromptu pour harn;onium. .
liOnis. Op. 271. Entretiens familiers pour
orgue et piano, 3 suites, chaque. . .
Hlarîns Ccnelt. Op. 34. Cinquante mor-
ceaux de différents caractères, classés
ton par ton, et disposés de manière à
pouvoir servir d'Antiennes ou de Ver-
sets aux chants de l'ofiBce divin, pour
orgue ou harmonium, 2 suites, chaq. i
UereaBX. Op. 65. Grand caprice sur Ro-
bert le Diable, pour harmonicorde ,
piano et violon '
Uorean. Ouverture de Giralda, pour orgue
et piano
— Ouverture des Diamants de la Cou-
j'onne, pour orgue et piano
lliolan. Fantaisie sur Moïse, composée par
S. Thalberg, arrangée pour mélodium
et piano
Biballier. Cavatine du sommeil de la
Muette de Portici, pour orgue, piano
et violon, ou violoncelle
Bomano (Giuseppe). La Carita, chœur re-
ligieux de Rossini, pour harmonium
seul
— Ave Maria, de Schubert, pour harmo-
nium seul
— Prière de Stradella {Pieta signor],
pour harmonium seul
Harmonium seul :
F. BRISSON
LES DÉLASSEMENTS DE L'ÉTUDE
NODVELLE ÉDITION,
48 HËIiODIES OU AIBS FAVORIS
Tirés des opéras de
AD. ADAM, AOBER, FLOTOW, HALÉVÏ, MAILLAUT, «EÏEB-
BEER, MOZART, ROSSINI, A. THOMAS et WEBER,
Les quatre suites, chaque 7 50
1" SUITE. 3' SUITE.
Dragons de Villars.
Pardon Je Ploêrmel.
Le Roman d'Elvire.
Le Comte Ory.
La Fiancée.
Pardon de Ploêrmel.
La Muette de Portici .
L'Etoile du Nord.
Nozze di Figaro .
Haydée
Pardon de Ploêrmel.
Le Roman d'Elvire.
4* SUITE.
L'Ambassadrice,
Les Huguenots,
La Fée aux Roses.
Guillaume Tell.
La Fiancée.
Pardon de Ploêrmel .
Le Roman d'Elvire.
Robert le Diable,
Fra Diavolo,
Le Domino noir.
Le Roman d'Elvire.
Le Cheval de bronze.
Le Prophète. Î5.
Pardon de Ploêrmel. 26.
Stradella, 27.
La Muette de Portici, 28,
Zerline, 29
Robert le Diable. 30
Oberon, 31.
Le Postillonde longjumeiu. 31,
Le Prophète, 33.
La Muette de Portici, 34.
Marta, 35.
. La Sirène, 36,
2" SUITE.
Le Philtre, 37,
, Guillaume Tell, 38,
Lestocq, 39.
L'Etoile du Nord. 40 .
, Haydée. 41
, M arts. 42.
, La Fiancée. 43.
, LeFoslilloidiiLDiigJDmeiu. 44.
. Le Domino noir. 45.
. La Muette de Portici. 46
, Les Huguenots, 47
, Le Prophète, 48
SOUS PRESSE
F. BRISSON
sous PRESSE
Trente Mélodies de Scbuberl, transcrites pour Harmonium seul, en deux séries :
4» SÉRIE :
1 . Adieu . 8 .
2. La Jeune Mère. 9.
3. Eloges des larmes. 10,
4. La Rose. 11 .
a. Sur le bord du lac, 12,
6, La plainte du pitre. 13,
7. Les larmes, 14, La cloche des agonisaota
15. Mes rêves sont finis.
Les astres,
La berceuse.
La jeune Fille et la Mort.
Rosemonde,
La sérénade.
Ave Maria.
1. Le Chasseur des Alpes
2. Tu es le repos.
3. L'illusion.
4. L'Exilé,
5. A Mignon.
6. Impatience.
7. Dans le bosquet.
15, Sois toujours mes seules amours.
8. Les plaintes de la jeune fille.
9, Le voyageur,
10. Bonjour.
11 . Le pêcheur.
12. Chanson des chasseurs.
13. La Truite.
14. Le joueur de vielle.
lIPItlUEUlE CENTHALE I
KAPOtÉOS CUAIX ET C", RUE BF.BGÉnE, 20.
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, I.
30« Année.
^0 41.
11 Octobre 1863.
ON S'ABONNE t
Dans les Dôpnrlements et à l'Étranger, chez tous
les Hnrchanûs de Musique, les Libraires, et aux
Purcaux des Messageries et des Postos.
REVUE
PRIS DE L'ABONMEUENT :
Paris 24 (r. par on
Départements, Belgique et Suisse... 30 n id.
ÉtraDger 34 n Id.
Le Jouroal paraît le UimiiDcbc.
GAZETTE MUSICALE
-- ^\A/ u^j\i\r j\r jvv\. —
SOMMAIRE. — Effets des circonstances sur la situation actuelle de la musique,
au point de vue de la composition ; ce qu'il faudrait faire pour améliorer cette
situation (4' article), par Fétis père. — Académie des Beaux-Arts, par PanI
Smith. — Correspondmce : Munich. — Revue des théâtres, par D, A.
D. Saiut-Yves. — Nouvelles et annonces.
EFFETS DES CIRCONSTANCES
sur la situation actuelle de la musique, au point de
vue de la composition.
CE qu'il faudrait faire pour améliorer cette situation.
(4' article) (1).
Pourquoi suis-je toujours obligé d'invoquer les souvenirs du passé
pour trouver des circonstances favorables à l'afrt, à la production
des belles œuvres, à la manifestation du talent des artistes, ainsi
qu'à la sécurité de leur existence ? Pourquoi ? Je pourrais le dire
peut-être ; mais il me faudrait, pour expliquer ce problème, aborder
des considérations politiques et morales sur l'époque actuelle qui
pourraient me mener loin, et froisseraient bien des convictions sans
résultat de réforme. Je préfère donc rester dans le domaine des faits,
cil je me suis placé dans ce travail, et continuer la simple compa-
raison de ce qui est aujourd'hui et de ce qui fut jadis.
Il y a aujourd'hui une protection oflQcielle accordée aux arts, à ce
qu'on croit, et qui, en réalité, est rendue illusoire par son mode de
distribution. Depuis les premiers jours du consulat, où s'est établi le
système de concentration administrative, on a cru pouvoir tout i-é-
gler par les bureaux; et l'art, cette béatitude du cœur et de l'esprit,
cet antipode des règlements et de la sécheresse des formules pape-
rassières, s'est vu aussi casé, étiqueté, classé par dossiers dans les
cartons d'un ministère. Or, l'administration ne peut faire que ce qui
est dans sa nature : elle n'est pas sentimentale, elle n'a pas d'en-
thousiasme, pas même de sympathie pour ces arts qu'on a placés
dans ses attributions. A vrai dire, ils lui sont un embarras sans cesse
renaissant, parce que, d'une part, ils résistent, par leur propre es-
sence, aux allures systématiques qui s'appliquent ssns difficulté aux
choses positives et matérielles; de l'autre, parce qu'il n'y a pas d'art
sans artistes, et qu'entre ceux-ci, les luttes d'intérêt et d'amour-pro-
pre se reproduisent perpétuellement, et mettent à chaque instant
(1) Voir le n" 38.
l'administrateur le mieux intentionné dans des perplexités dont il ne
sort que par des résolutions quelque peu despotiques, qui ne sont pas
toujours les meilleures. C'est avec ce système qu'a commencé l'a-
moindrissement de la musique, et, ce qui est pis, celui du sentiment
des compositeurs pour leur art.
La protection naturelle, efficace, pour la musique et pour les
compositeurs ne peut venir que d'un goiit passionné pour les belles
œuvres de cet art, lorsque ce goût se rencontre dans l'âme d'un
prince souverain ou d"un grand seigneur comme il y en eut autre-
fois. Aux xv'^ et xvF siècles, les empereurs, les rois, les électeurs de
l'Allemagne, les princes des divers Etats de l'Italie, furent tous des
amateurs ardents de musique, de peinture et de poésie. Ils recher-
chaient les grands artistes, se les disputaient par leurs largesses, leur
écrivaient de leur main pour les attirer à leur cour, les admettaient
dans leur familiarité, enfin les comblaient d'honneurs et de bienfaits.
Ce fut le temps des grandes choses. Animés d'émulation par le haut
prix attaché aux œuvres de leur talent, les peintres, les musiciens
de cet âge d'or de l'art, se montraient de véritables géants par l'a-
bondanee et l'importance de leurs œuvres. Quand on examine avec
attention les productions d'art de cette grande époque, on est frappé
d'étonnement de n'en pas trouver de médiocres, et l'on est conduit
à se demander ce que sont devenus les ouvrages des mauvais mu-
siciens et des mauvais peintres de ce temps, ou bien s'il n'y eut alors
que des maîtres dignes de ce nom.
La splendeur de la cour de Louis XIV continua cette tradition dans
la seconde moitié du xvn" siècle, avec un sentiment plus faible de
l'art, à la vérité, mais avec un faste qui fut imité dans d'autres cours
et qui créa pour les artistes une multitude de positions honorables.
Quatre maîtres de la chapelle du roi, ayant les titres de surinten-
dants de la musique, se relevaient de trois en trois mois dans la
direction de cette chapelle, et y faisaient exécuter leurs ouvrages.
Leurs avantages étaient considérables, quoiqu'ils n'eussent que trois
mois de service chaque année. Quatre organistes étaient également
attachés à la chapelle royale et ne servaient que par quartier. Il y
avait, en outre, un maître de la musique de la chambre, dirigeant
un orchestre pour tous les divertissements des grands et petits ap-
partements. Après la mort de Louis XIV, le duc d'Orléans, régent
du royaume, amateur passionné de musique et compositeur, non-
seulement continua toutes les traditions du grand roi pour l'organi-
sation de la musique de la cour et pour les récompenses accordées
aux artistes, mais il eut aussi sa musique particulière, son maître de
chapelle, et son théâtre au Palais-Royal. Dans le même temps, le
duc et la duchesse du Maine se montraient généreux Mécènes des ar-
322
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
listes musiciens ; à leur petite cour de Sceaux. Il y avaient chaque
jour des concerts et souvent opéra.
Eq Allemagne, l'empereur Charles VI, assez habile musicien pour
diriger parfois lui-même son orchestre, attira de toutes parts les ar-
tistes les plus remarquables, après la paix d'Utrecht (1713), et em-
ploya chaque jour plusieurs heures à la culture de la musique. A la
même époque, le duc de Saxe-Weimar, Auguste, roi de Pologne et
électeur de Saxe, et le prince d'Anhalt-Coethen, se montraient ama-
teurs passionnés, et se disputaient la possession de Jean-Sébastien
Bach pour en faire leur maître de chapelle, tandis que la reine
Anne, en Angleterre, et plus tard Georges II et le duc de Chandos
comblaient Haeudel de faveurs et de richesses, employant son talent
dans les circonstances importantes.
Il n'y eut pas moins d'encouragement et de protection pour
la musique et pour les musiciens pendant toute la durée du
xviii'' siècle jusqu'à la révolution française. En France, la musique
du roi, sous les règnes de Louis XV et de Louis XVI, continua d'of-
frir aux compositeurs des emplois honorables, lucratifs, et de fré-
quentes occasions de faire entendre leurs ouvrages. Le comte de
Clermont, le prince de Conti, le prince de Guéraéné, eurent à leur
service des orchestres et des maîtres de chapelle ; les financiers
mêmes, tels que les fermiers généraux Bouvard et la Poplinière, se
donnaient ce luxe intelligent. On sait que ce fut chez celui-ci que se
firent les premiers essais des compositions de Rameau; et lorsque
ce grand musicien, découragé par l'insuccès à'Hippolyte et Aricie,
son premier opéra, voulut renoncer à travailler pour le théâtre, ce
fut ce même la Poplinière qui releva son courage et l'obligea à tra-
vailler, en lui prédisant d'éclatants succès qui ne manquèrent pas
en effet. Dans ce même temps, la cour de Marie-Thérèse était un
centre de musique où Gluck trouvait le plus sympathique accueil
pour ses créations, oii l'éducation musicale des enfants de cette
grande princesse, Joseph et Léopold, qui devinrent empereurs, et
Marie-Antoinette, infortunée reine de France, fut confiée aux artistes
les plus célèbres. A leur tour, ces princes furent des protecteurs
généreux de l'art qu'ils cultivèrent eux-mêmes avec succès. En Prusse,
Frédéric II, dit le Grand, ne cessa, nonobstant ses grandes préoccu-
pations politiques, guerrières et administratives, de cultiver avec
passion la musique comme exécutant, comme compositeur, et combla
de faveurs et de distinctions les Graun, les Bach, les Benda, Quanz,
et beaucoup d'autres artistes. Les princes de sa famille, Henri de
Prusse, Amélie, et la margrave de Bayreuth, eurent aussi leurs mu-
siques particulières et furent eux-mêmes de véritables artistes, La
cour de Dresde était à la même époque toute musicale; les plus il-
lustres compositeurs, Hasse, Porpora, et les chanteurs les plus re-
nommés de l'Italie y étaient appelés et récompensés avec magnifi-
cence; l'électrice elle-même composait des opéras.
A une époque plus rapprochée, nous voyons Frédéric-Guillaume II,
roi de Prusse, attirer de tous les points de l'Europe les premiers ar-
tistes pour en composer sa musique, à laquelle lui-même s'associait
comme exécutant; et l'empereur Joseph II, passionné pour la musi-
que italienne, combler de faveurs Salieri, Paisiello et Martini. Malheu-
reusement, son goût trop exclusif lui fit méconnaître le génie de
Mozart, le plus grand, le plus complet des musiciens. En Autriche,
non-seulement ce prince, non-seulement Léopold, son successeur,
non-seulement l'empereur François II, virtuose violoniste, accordè-
rent à l'art et aux artistes une protection aussi intelligente que bien-
veillante, mais les grands seigneurs de l'empire, les princes Ester-
hazy, les comtes de Mortzin, les comtes de Harrach, les comtes de
Thun, les princes de Lobkowitz, de Kinsky, de Lichnowsky, les ba-
rons de Wetzlar, et vingt autres, firent de la musique les délices de
leur existence et devinrent les patrons des plus illustres composi-
teurs. Presque toute l'œuvre colossale de Haydn fut enfantée dans la
maison d'Esterhazy et y fut acclamée par ces princes avant de se
répandre dans le monde. Ce fut au palais du prince de Schwarzen-
berg que l'oratorio de la Création du monde fut entendu pour la pre-
mière fois. Les princes de Lobkov?itz, de Kinsky, de Lichnowsky et
la comtesse de Thun furent les protecteurs dévoués de Beethoven;
si leur appui lui eût manqué. Dieu sait ce qui fût advenu de ce puis-
sant génie. Je ne finirais pas si je voulais énumérer tous les artistes
de talent qui ne se sont fait connaître pour ce qu'ils étaient que par
l'assistance de la haute noblesse, passionnée pour l'art.
Aujourd'hui, presque sans exception, tous les trônes sont sourds
et les grands seigneurs jouent à la bourse. C'en est fait de cette dis-
tinction gentilhommière qui s'associait à l'amour de l'art; c'en est fait
de cette protection de bon goût par laquelle le talent ne se sentait pas
humilié ; il faut donc de toute nécessité en revenir à la protection
oflîcielle, en essayant de déterminer celle-ci à s'engager dans une
voie plus sûre et plus facile que celle des concessions de privilèges
et de subsides sans garantie de bon emploi.
11 y a quelque trente-quatre ou trente-cinq ans que je m'avisai,
dans l'intérêt de mes élèves de composition du Conservatoire de
Paris, d'aller trouver M. Vitet, alors chef de la division des beaux-
arts au ministère de l'intérieur, et de lui dire à peu près ceci : « Les
privilèges subsidiés de théâtres ont pour principal inconvénient de
monopoliser au profit d'un petit nombre d'artistes l'abord de la scène,
qui devrait être rendu possible pour tous ; car il faut mettre à l'essai
beaucoup d'individualités, si l'on veut rencontrer l'organisation ex-
ceptionnelle qui fait le grand artiste. Si l'on ne veut pas accor-
der la liberté des théâtres et si l'on veut maintenir l'institution des
privilèges avec subside pour les théâtres lyriques, imposez au moins
dans la concession de ces faveurs l'obligation pour le concessionnaire
de représenter chaque année un certain nombre d'opéras en trois
actes et en un; par exemple, deux des premiers et quatre des autres,
lesquels seraient fournis par le gouvernement. Pour ces ouvrages, un
concours serait ouvert deux fois par an, devant une commission com-
posée de littérateurs et de compositeurs de l'Institut, qui jugerait les
livrets et les partitions, choisirait les meilleurs, et les transmet-
trait au ministre de l'intérieur pour être représentés. Faute d'exé-
cution de cette clause du contrat, le privilège et le subside seraient
retirés.
» De plus, on accorderait aux six villes principales de France un
subside peu élevé, par exemple 20,000 francs à chacune, aux mêmes
conditions. On aurait alors une situation à peu près semblable à celles
de l'Italie et de l'Allemagne , où les compositeurs peuvent écrire
tour à tour pour différents théâtres. Soyez convaincu qu'il sortirait
quelque chose de cette organisation. Pour gagner à la loterie des ta-
lents nouveaux, ajoutais-je, il faut y mettre. »
Homme d'intelligence et animé da désir du bien, M. Vitet goûta
fort le plan et s'occupa sérieusement de sa réalisation. Malheureuse-
ment il quitta sa pcsition peu de temps après, et fut remplacé par
Royer-Collard , homme d'esprit , causeur agréable , et même savant
médecin, disait-on, mais flâneur et insouciant. Je lui reparlai de mes
idées; mais il m'arrêta dès les premiers mots, pour me débiter cette
fausse maxime, qu'il faut laisser les arts et les artistes faire eux-
mêmes leurs affaires, et imiter le gouvernement anglais, qui les laisse
en pleine liberté et ne leur accorde aucune protection, aucun se-
cours. — Vous parlez, lui dis-je, comme quelqu'un qui n'a aucune
connaissance de l'art et des artistes. Les Anglais ne font rien pour la
musique dramatique, mais ils n'en ont, pas; ils vivent d'emprunt. —
Eh bien ! nous ferons comme eux : il n'est pas nécessaire que nous
ayons une musique nationale. — Mais vous n'êtes pas conséquent avec
vos principes, puisque vous accordez des privilèges de théâtres et
donnez des subsides ; vous parlez de liberté , et vous créez un mo-
nopole. Vous dépensez beaucoup d'argent pour les expositions de
peinture, et ne voulez rien faire pour la musique ; vous commandez
des tableaux et des statues aux artistes que vous protégez, et laissez
DE PARIS.
323
les autres dans le besoin. — Oui, nous avons les torts que vous
dites, mais ce n'est pas une raison pour en créer de nouveaux. —
En prenant vos principes à la lettre, il faudrait supprimer votre place.
— On ne ferait pas mal. — Nous nous quittâmes ainsi.
Ce qu'on n'a pas voulu faire alors, je persiste à croire qu'on le
peut, qu'on le doit. Il est de toute évidence que le gouvernement et
le parlement français n'ont pas l'intention, en accordant des sub-
sides aux entreprises de théâtres lyriques, de faire la fortune des
entrepreneurs, ou, ce qui est plus exact, de leur fournir un appât
avec lequel ils mettent souvent leurs dettes à la charge de leur suc-
cesseur. Au fond de cette faveur, accordée souvent, à la vérité, sans
discernement et avec une légèreté qui pourrait être blâmée, au fond
de cela, il y a la pensée d'être utile à l'art ; car s'il n'en était pas
ainsi, la prodigalité et le monopole seraient inexcusables. Or, qui
veut la fin, veut les moyens. Pour atteindre le but, il faut un enga-
gement positif de la part des directeurs privilégiés tant de Paris que
des départements. Cet engagement doit être tout en faveur de l'art
et des artistes : alors, seulement, les privilèges et les subsides seront
justifiés; alors il y aura une véritable protection accordée au talent
qui se sent exister et ne peut se produire en l'état actuel des choses.
Le domaine de la musique n'est pas renfermé dans l'enceinte d'un
théâtre : deux de ses plus belles manifestations se font à l'église et
dans le champ sans limite de l'idéal appelé musique instrumentale.
Je n'ai pas de vœu à émettre à l'égard de la musique d'église en ce
moment, car une question a surgi et n'a pas reçu de solution jusqu'à
ce moment. Cette question est celle-ci : la musique peut-elle être
conservée à Féglise, ou doit-elle être remplacée définitivement par le
plain-chant ? Et dans le cas où la musique serait conservée pour
l'usage du culte, doit-elle être écrite seulement pour les voix mariées
à l'orgue ou ■peut-on y admettre les instruments ? Si j'avais à me pro-
noncer là-dessus, je dirais que ces questions sont des non-sens, car
depuis plus de trois siècles le plain-chant, la musique d'église écrite
pour les voix seules, et la musique avec orchestre ont été en usage
pour les divers degrés de la solennité du service divin jusque dans
le sanctuaire de la capitale du monde chrétien. Quelqu'un se chargera-
t-il aujourd'hui de déclarer que toute l'Église a erré jusqu'à ce
jour en ce qui concerne le chant qui convient aux louanges de Dieu ?
Ceux qui, imprudemment, agitent aujourd'hui ces questions me sem-
blent appartenir à la secte des puritains qui, au xvii'^ siècle, con-
damnaient l'usage de l'orgue pour l'accompagnement des psaumes et
des cantiques des protestants. Mais ce n'est pas à moi qu'il appar-
tient de mettre fin à ce que je considère comme de vaines dispu-
tes : l'Église seule a le droit de prononcer en cette matière.
Il reste donc la musique instrumentale, la plus élevée de toutes les
conceptions humaines, parce qu'elle est la seule qui soit dans le do-
maine pur de l'idéal, que rien ne la rattache aux choses réelles , et
qu'elle procède uniquement du sentiment et de la pensée. Une opi-
nion est généralement répandue en Allemagne sur l'incapacité des
Français à traiter ce genre avec succès et à s'élever jusqu'à la hau-
teur où Haydn, Mozart et Beethoven ont placé cette belle manifes-
tation du génie de l'art. Il y a toujours un vice de raisonnement à
conclure de ce qu'une chose ne s'est pas faite dans un temps, qu'elle
ne pourra pas se faire dans un autre. A juger de l'aptitude fran-
çaise pour la philosophie d'après le matérialisme de Condillac et de
Diderot, on n'aurait pas imaginé au xvin° siècle la transformation
radicale qui s'est faite dans cette science au xix^ chez ce même
peuple français. Ce qui est certain, c'est que beaucoup d'esprits se
sont tournés en France vers la musique instrumentale, qu'il s'est pro-
duit dans ces derniers temps des œuvres de ce genre dignes de l'in-
térêt des vrais a.nais de l'art, et qu'il est désirable que ces œuvres se
produisent au grand jour par des moyens suffisants d'exécution. Le
gouvernement seul peut satisfaire à ce besoin, ce qui n'occasionne-
rait qu'une dépense modérée, ou pour mieux dire minime. Voici ce
que je proposerais :
Il serait donné chaque année six concerts d'orchestre aux frais de
l'État, lesquels seraient destinés à faire entendre les grandes œuvres
instrumentales de compositeurs vivants et français. Chacun de ces
concerts, y compris les répétitions, coûterait à peu près 2,500 francs,
soit 15,000 francs pour les six concerts, qui seraient donnés dans la
grande salle du Conservatoire avant ou après l'époque des concerts
de la Société privilégiée, et l'excellent orchestre de cette même So-
ciété serait chargé de l'exécution.
Une somme égale serait partagée entre trois associations de musi-
que de chambre pour donner chacune par année quatre séances de
quintettes, de quatuors et de trios de compositeurs vivants. Si le
public payant ne venait pas d'abord à ces séances, on inviterait les
artistes, les amateurs et toutes les intelligences sociales ; la foule ne
tarderait pas à s'y porter.
FÉTIS père.
{La fin prochainement. )
ÂCADÉIIE DES BEÀUX-ÂRTS.
séance annuelle. — Ouverture. — Cantate. —
Eloge d'Horace Vernet par JU. Benlé.
La musique tenant une large place dans cette séance , parlons-en
tout d'abord, et disons que l'ouverture composée expressément par
M. Guiraud, pensionnaire de troisième année, n'ajoute guère à lo-
pinion que nous nous sommes formée du talent de ce jeune
homme. C'est un de ces morceaux bien faits qui manquent de
caractère et de couleur, parce qu'ils ne posent sur aucune idée et
ne marchent vers aucun but. Comment voulez-vous qu'un débutant
triomphe de difficultés dont les maîtres ne sortiraient qu'à grand'-
peine? Donnez un librelto à M. Guiraud et vous verrez alors comment
il s'y prendra pour écrire une ouverture, qui cette fois ouvrira quel-
que chose. Avec le savoir et l'art dont il est abondamment pourvu, il
y mettra sans doute ce que son sujet lui fournira, ce que, proportions
gardées, Freyschutz a fourni à Weber, Guillaume Tell à Rossini. Le
rapport sur les envois de Rome mentionnait avec éloges divers tra-
vaux d'autres pensionnaires plus anciens ou plus nouveaux : deux
morceaux de symphonie et des fragments d'un opéra italien de
M. Samuel David, un opéra-bouffe italien et une ouverture de M. Pa-
ladilhe; une messe solennelle et une ouverture de M. Dubois. Mais
ces envois demeurant lettres closes pour tout le monde, excepté pour
les membres de l'Académie, nous ne pouvons nous en occuper.
La musique de la cantate couronnée, David Rissio, avait pour au-
teur M. Jules Massenet, jeune musicien dont la vocation s'est mani"
festée de très-bonne heure et avec une force décisive. Elève de
MM. Ambroise Thomas et Reber, il avait mérité l'année dernière une
mention honorable; et cette année, à peine majeur, il a remporté le
premier prix. Assurément sa partition est une des meilleures que
nous ayons entendues en pareille circonstance, et pourtant nous ne
voulons pas dire que ce soit un chef-d'œuvre. Depuis vingt-trois ans
que nous assistons régulièrement à l'exécution des cantates, il nous
est arrivé d'en rencontrer de complètement mauvaises, pas une qui
fût complètement bonne. Ce sont toujours des œuvres de jeunesse
auxquelles surtout manquent l'invention , l'originalité. Celle de
M. Jules Massenet ne fait pas exception à la règle : son intro-
duction instrumentale prouve qu'il sait écrire, et quelques pas-
sages de ses scènes vocales qu'il est capable de chanter. Il a
profité de l'occasion que son texte lui offrait, de placer là une bal-
lade écossaise; la ballade est suivie d'une espèce de sérénade non
moins agréable; mais la partie dramatique de l'œuvre nous a semblé
324
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
beaucoup moins heureuse : le style en est vague, confus, sans effet.
Vers la fin, le musicien se relève un peu, et bien lui a pris d'avoir
choisi un interprète tel que Roger, dont la belle et puissante diction
n'a pas laissé perdre une syllabe du rôle de David Eizzio. Mme Van-
denheuvel-Duprez a rendu le même service au rôle de Marie Stuart;
Gourdin a fait ce qu'il a pu de celui de Douglas. Comme à l'ordi-
naire, l'orchestre aérien de l'Académie était conduit par l'excel-
lent M. Battu.
En général, nous attachons peu d'importance au texte des cantates :
notre indulgence est acquise (et par de bonnes raisons) à ceux qui
se chargent d'une besogne plus difficile qu'elle n'en a l'air, mais
dont le public se soucie fort peu. Une circonstance particuUère nous
oblige à y faire plus d'attention aujourd'hui. L'auteur des paroles de
Bavid Rizzio, M. Chouquet, a pour ami intime un M. Gamma, cri-
tique pour le moins aussi grand qu'il est lui-même grand poëte,
mais qui, par excès de zèle, ne laisse pas de lui nuire.
L'année dernière, pour préparer les voies au triomphe de son
ami, M. Gamma traitait fort rudement la cantate choisie. Ne
voilà-t-il pas qu'il s'en repent et s'en excuse, jurant, mais un peu
tard, qu'il ne se permettra plus le moindre mot à l'égard des fabri-
cants de cantates ? Eh bien, veut-il que nous lui parlions franche-
ment ? il aurait tort : la vérité est toujours bonne à dire quand elle
est vraie, el au lieu d'abdiquer sitôt, que n'a-t-il charitablement averti
M. Chouquet des fautes par lui commises ? D'abord n'eùt-il pas dû
lui faire observer que le sujet de Marie Stuart n'est pas neuf ; que
M. Jouy l'avait déjà exploité en 1808, et M. Léon Halévy en 1837 ?
Puis, il l'aurait engagé à ne pas débuter par deux vers aussi étran-
gement construits que les suivants :
L'astrologue Damiot m'a prédit que l'orage
Tour à tour frapperait moi, la reine et le roi.
Il lui aurait conseillé de ne pas prodiguer les vulgarités telles que
je tremble. . . je me sens frémir d'un vague effroi. . . je sens renaître
le calme et sa douceur, et surtout à ne pas affliger l'oreille de con-
sonnances assez barbares pour faire supposer qu'il y a préméditation :
Je mourrais pour ta cause
Marie, ô blanche rose,
Noble fleur des StuartsI I
L'ami Gamma devait-il souffrir que son poëte fît parler ainsi Marie :
Laissons la politique :
Je veux emplir ma nuit de vers et de musique.
Nous n'en finirions pas s'il nous fallait souligner tout ce que le
crayon d'un ami sincère aurait dû noter dans la poésie de M. Chou-
quet, et la fleur du souci, et le bleu chardon, et la guerrière fleur, el
la vivante fleur parmi les fleurs, et le fuis vite, que Marie lance à
David, et la platitude des vers qui servent à l'entrée de Douglas, etc.
Si M. Gamma, le critique, ne se fût pas tant hâté de jeter la férule,
combien M. Chouquet, le poëte, y eût -il gagné ! Mais on nous af-
firme que M. Chouquet et M. Gamma ne sont qu'une seule et même
personne, deux esprits en un corps! Nous nous refu sons à le croire.
Quand on essaie de tenir une plume, il nous semble qu'on doit avoir
au moins l'adresse de ne pas s'en barbouiller tristement.
Ceci terminé, souhaitons bonne chance à M. Massenet, qui la mé-
rite plus que tout autre par son dévouement musical. Comme à ses
devanciers, nous lui dirons : sur quel frêle esquif s'embarque votre
avenir de compositeur ! Mais enfin il est possible que cet esquif re-
vienne, avec le temps, à son point de départ. L'Académie vous cou-
ronne, l'Académie vous attend!
C'était la seconde année que M. Beulé, le nouveau secrétaire per-
pétuel, prononçait un éloge historique; après Halévy, il avait choisi
Horace Vernet, double preuve de goût, d'à-propos et de courage! La
notice sur la vie et les ouvrages du peintre si justement appelé na-
tional, a été écoutée avec un vif intérêt, une attention soutenue et
souvent entrecoupée de bravos, dont trois salves ont retenti après la
un du discours. M. Beulé avait déjà pris son rang parmi les orateurs
académiques : il vient de s'y établir avec plus d'éclat que jamais.
Paul SMITH.
CORRESPONDANCE.
Munich, 30 septembre.
Notre festival est terminé ; il a duré trois jours. Huit années se sont
écoulées depuis que l'Académie de musique a organisé la première fête
de ce genre, et la seconde vient d'être donnée. Sans doute, on aura
compris que chez nous l'art musical est au-dessous du niveau de la
peinture et de la statuaire. Et pourtant le talent musical ne manque
certes pas à la population. « Tout chante en Bavière » , a dit, il y a déjà
longtemps, le célèbre poëte Schubart ; « et même le dialecte du pays,
qui passe pour être si rude, devient doux et sonore dans la bouche
de la jeune fille qui chante un Lied populaire. » Lorsqu 'après la réunion
du Palatinat avec la Bavière, l'orchestre et les acteurs du théâtre vin-
rent se fondre avec la troupe de Munich, l'opéra de cette capitale jeta
un vif éclat pendant un certain temps; mais quant à la musique de
chambre et d'orchestre, elle fut complètement abandonnée jusqu'au
moment où— il y a de cela vingt-cinq ans — Franz Lachner fonda les con-
certs de rodéon, qui ont lieu huit fois par année. La Société d'oratorios,
fondée, il y a cinq ans, par le baron Perfall, est la seule société pour
chœur mixte qui existe en Bavière.
Le deuxième festival se composait de trois concerts : les deux pre-
miers ont eu lieu au Palais de cristal, à midi ; le troisième, le soir, à
rOdéon : uu concert de virtuoses, comme on dit, qui, depuis l'organi-
sation du festival du Rhin par Mendelssohn, termine et conclut ce genre
de solennités. Un fait qu'on ne s'explique pas, c'est que, dans le pro-
gramme, les noms d'Orlando Lasso et de Gluck, dont les statues s'élè-
vent sur la place des promenades, brillaient par leur absence.
Au Palais de cristal, nù ont été donnés les deux premiers concerts,
l'effet acoustique a été meilleur qu'on ne pouvait l'espérer dans un si
grand espace ; les jyiano les plus délicats se dessinaient avec la finesse
la plus précise; mais dans les passages fortement accentués, surtout
quand le mouvement était très-accéléré, on remarquait une certaine
confusion .
Les honneurs du festival reviennent de droit à l'orchestre, en particu-
lier aux violons, qui ont fait merveille, notamment dans les Suilet:
de Lachner, celle en ut mineur surtout, qui a été saluée d'applaudisse-
ments enthousiastes ; ces bravos s'adressaient au chef d'orchestre aussi
bien qu'au compositeur. Pour les chœurs, la sonorité de la salle se
montra moins avantageuse que pour les instruments : ils étaient con-
duits par Mme de Hetzenecker, autrefois cantatrice dramatique des
plus célèbres, aujourd'hui femme d'un fonctionnaire haut placé.
Parmi les solistes on a surtout distingué Mme Dietz. Cette excellente
cantatrice dont le talent brave l'influence des années, outre les mor-
ceaux qui lui avaient été primitivement confiés, dut encore exécuter,
au dernier moment, un air de soprano, hérissé de difficultés — dans
l'ode à Sainte-Cécile — et s'acquitta de cette tâche imprévue avec une
sûreté et une vigueur vraiment surprenantes. A côté de Mme Dietz —
qui est attachée au théâtre de la cour depuis vingt-cinq ans — s'est
lait remarquer une artiste plus jeune sans doute et plus belle —
Mlle Edelsberg — mais dont la voix de contralto a besoin d'être per-
fectionnée par le travail.
La magnifique ode à Sainte- Cécile, par Ilsendel, a électrisé l'auditoire;
l'oratorio du même compositeur — Israël en Egypte — n'a pas produit
autant d'effet. Mlle Edelsberg a chanté un air de l'oratorio : Retour de
Tohie, qu'une critique ignorante a pris, il y a quelques années, pour une
œuvre inédite de Haydn. Il est prouvé par un passage d'une lettre de
J. Fr. Reichhardt, que cet oratorio a été e-xécuté au Burg-Ttieater, à
Vienne, en <80S.
L'intérêt du troisième concert se concentrait tout entier dans la
personne de trois artistes hors ligne : Mme Schumann, Mme Dustmann
et le violoniste Joachim. Le succès de Mme Dustmann a été des plus
éclatants. Dès la veille, elle avait éclipsé tout son entourage, dans un
air de dona Anna. Au concert elle a chanté : air de Jessonda, un Lied
de Schumann, un Lied de Mendelssohn et « la liose dans la bruyère » de
Schubert. La soirée était déjà avancée ; l'aiguille de la pendule allait
marquer onze heures, et pourtant Mme Dustmann, après avoir été rap-
pelée trois fois, a dû se résigner à redire la délicieuse composition de
Fr. Schubert. Quant à Clara Schumann et Joachim, ils sont restés à
la hauteur de leur renommée.
La salle était comble au concert des virtuoses ; un second aura lieu
demain; de sorte que toutes les inquiétudes financières des entrepreneurs
sont calmées.
DE PARIS.
325
EEVDE DES THÉÂTRES.
TuÉATUE IMPÉRIAL DU Chatelet, — Aladifi, ou la Lampe merveil-
leuse, grande féerie en quatre actes et vingt tableaux, par MM. Den-
nery et H. Crémieux.
Cette année, l'époque des vacances a été très-fructueuse pour la
plupart de nos théâtres : aussi, depuis un mois, se sont-ils généra-
lement abstenus de pièces nouvelles. Mais l'heure de la rentrée est
venue, et les nouveautés vont surgir de tous les points de l'horizon.
Pour prévenir l'encombrement, nous allons donc déblayer le terrain,
qui n'est d'ailleurs obstrué que par une grande féerie, représentée
au théâtre impérial du Ghâtelet.
On a déjà mis plusieurs fois à la scène le fameux conte à'Aladin,
et toujours avec succès. L'opéra de ce nom , musique de Nicolo ,
achevé par Benincori, joué en 1S22, a laissé d'excellents souvenirs.
Dans le même temps, Léontine Fay, encore enfant, jouait au Gym-
nase la Petite Lampe merveilleuse, et Bouffé préludait à sa grande
renommée, dans une pièce du même titre, au Panorama-Dramatique.
Mais enfin, la génération actuelle n'a pas vu les merveilles de ce
temps antédiluvien, et le théâtre du Ghâtelet a bien fait de les re-
prendre eu sous-œuvre. Si jamais un livre a offert tous les éléments
d'un spectacle grandiose et splendide, c'est, à coup sûr, celui des
Mille et une Nuits. Et, convenons-en, jamais théâtre ne fut mieux
disposé pour l'exécution de ces immenses féeries, qui ont atteint, de
nos jours, les dernières limites du possible, ou, du moins, peu s'en
faut. MM. Dennery et Crémieux n'avaient donc qu'à tailler en plein
drap dans le recueil de ce bon M. Galland, qui contait si bien! Pour-
quoi ne l'onl-ils pas fait, et pourquoi ont-ils substitué leur imagina-
tion à celle du rêveur oriental ? Il y a là sans doute une raison de
boutique, comme, par exemple, le besoin de tracer des rôles con
formes aux moyens des acteurs, ou d'utiliser des effets de mise en
scène tenus en réserve. Toujours est-il qu'on regrette de ne pas
trouver dans la pièce de ces messieurs tous les incidents connus qui
ont popularisé l'histoire d'Aladin. Eu revanche, on y rencontre des
personnages et des événements dont on chercherait en vain la trace
dans les Mille et vn,e Nuits. Ainsi, le caractère naïf du fils du tail-
leur chinois est devenu presque sérieux, et il a fallu le dédoubler
pour lui adjoindre un frère de lait chargé d'égayer les spectateurs.
Le magicien africain s'est transformé en un vizir ridicule, qui na-
guère a été empalé, et qui ne peut ni s'asseoir ni se courber, à
cause du fragment de pal qui lui est resté dans le corps. Enfin, la
mère d'Aladin s'est effacée devant une certaine princesse Grudindoie,
dont ie nom seul est une triple révélation. Il en est de même de
l'action, qui a subi çà et là d'étranges métamorphoses. Nous ne
pouvons les citer toutes, mais il en est une qu'il nous est difficile de
comprendre ; c'est celle d'après laquelle la princesse Grudindoie se
laisse maladroitement enlever la lampe merveilleuse, au lieu de la
vente, si bien justifiée, que la mère d'Aladin en fait à son premier
possesseur.
Quoi qu'il en soit de ces chicanes secondaires, les vingt tableaux
de cette féerie composent, en somme, un très-beau et très- attrayant
spectacle. Nous avons rarement vu de surprises mieux réussies que
celle de ce gigantesque champignon qui se change tout à coup en
uu kiosque à trois étages, et celle de ce vaisseau, battu des flots, qui
fait place instantanément à un palais resplendissant de richesses. Il
faut aussi admirer sans restriction les décors de la salle de bain,
du palais de la lampe, du lac éclairé par les pâles reflets de la lune,
et, enfin, de l'apothéose.
Quant h la partie dialoguée, elle n'est pas trop absurde, et le rôle
épisodique de Baba y jette assez de gaieté; deux où trois couplets y
sont faits de main de maître, et l'on fait chaque soir bisser celui de
l'Araignée.
Les deux ballets des Génies de la lampe et des Filles du Soleil ont
paru trop longs. Nous conseillons à M. Honoré d'en réduire un peu
la durée. M. de Groot, le chef d'orchestre, est habitué à nos éloges,
ce qui n'empêchera pas de lui en adresser de nouveaux pour sa
musique de danse, qui est vraiment charmante, et pour ses accom-
pagnements d'entrées et de sorties, que l'on remarque trop peu, se-
lon nous, car ils dénotent chez le compositeur un goût parfait, ainsi
qu'une science sohde.
Il faut croire que ce n'est pas une petite affaire de rassembler en
nombre suffisant des artistes capables de jouer une férié, puisqu'on
va maintenant les emprunter à tous les théâtres de Paris. Ceux d'^-
ladin, qui d'ailleurs sont excellents, forment une singulière olla-po-
drida. Consultez le programme : le schah d'Angora est joué par
Charles Potier, des Variétés ; le visir Mesrour, par Tacova, des Bouf-
fes-Parisiens ; la princesse Grudindoie, par Mlle Taulin, des Variétés
déjà nommées; Aladin, par Rosier, provenance inconnue, et la belle
Bradoulboudour, par Mlle Théric, retour de Russie. Il n'y a que Gol-
brun qui soit dans son cadre; mais Golbrun, à lui seul, vaut tous
les autres ; c'est la vraie providence des féeries du théâtre du Ghâ-
telet, et celle-ci est destinée à occuper l'affiche tout l'hiver.
— Nous constatons, en terminant, que le Carnaval de Noples,
drame en cinq actes et en neuf tabieaux, de M. Paul Foucher, vient
d'obtenir un très-brillant succès à la Porte-Saint-Martin, avec Mlle
Fanny Génat, qui s'est fait applaudir comme danseuse à l'Opéra, et
qui, comme comédienne, s'est essayée, cet hiver, au Gymnase, non
sans éclat. Nous reviendrons sur cette pièce et sur son interprète.
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
^*^ Dimanche dernier, le théâtre impérial de l'Opéra a donné la Fa-
vorite et le marché des Innocents. Lundi, Guillaume Tell. Villaret a fort
bien chanté le rôle d'Arnold, et Mme Vandenheuvel-Duprez celui
de Mathilde. — Mercreai, le Trouvère et Graziosa. — Vendredi , la
Xacarilla et Giselle. Aujourd'hui on annonce Guillaume Tell.
j*^. Quoique allant mieux, Gueymard n'est pas encore en état de re-
prendre son service.
»*^ La Muette de Portici. qui va reparaître demain, a subi quelques
remaniements dans le personnel de ses interprètes. Faure prend le rôle
de Pietro ; Michot celui de Masaniello^ et Warot celui d'Alphonse.
Mme Vandenheuvel-Duprez et Marie Vernon conservent le leur.
,'*j Le premier rôle dans lequel on entendra maintenant Villaret, est
celui d'Eléazar, de la Juive; il le sait complètement, et on n'a plus be-
soin que de quelques répétitions d'ensemble pour que le chef-d'œuvre
d'Halévy puisse être représenté.
^*4 Nous avons annoncé l'engagement de Mlle Marie Battu. C'est dans
le rôle d'Anaï, de Moïse, que la jeune et célèbre artiste doit faire son
premier début. Le chef-d'œuvre de Rossini, avec sa nouvelle distribu-
tion, est entré en répétition et paraît, sauf modification, devoir être
interprété par Villaret, Faure, Obin, Mlle Sax et Mlle Battu ; il serait
joué dans six semaines.
^** Merly, dont nous avions annoncé la rentrée â l'Opéra, a reparu
lundi dans Guillaume Tell; il nous a semblé avoir perdu quelques-unes
des qualités qu'il pcssédait lors de sa première apparition sur cette scène.
Peut-être sera-t-il plus heureux dans le rôle du comte de Luna, du
Trouvère, qu'il doit chanter pour son second début.
^*^ On répète maintenant chaque jour le ballet de MM. Rota, de Saint-
Georges et Giorza, qui doit nous faire connaître la célèbre ballerine,
Amina P.oschetti.
^*, Vendredi, le théâtre impérial de l'Opéra-Comique a donné pour
les ambassadeurs annamites, une représentation des Amours du Diable,
qui a paru leur faire grand plaisir.
j,"*^ Le rôle de Latimer, dans le Songe d'une nuit d'été, est depuis quel-
ques représentations tenu par Capoul ; la voix de cet artiste lui prête
un grand charme et complète de la façon la plus heureuse l'exécution
du chef-d'œuvre d'Ambroise Thomas.
**» L'administration du théâtre Italien avait fait annoncer que les tra-
vaux de réparation et de restauration de la salle devant être très pro-
chainement terminés, elle espérait pouvoir ouvrir hier samedi 10. Mais
elle a dû ajourner encore à mercredi 14 cette ouverture, qui se fera
toujours par la Traviata, avec Mme de La Grange, Nicolini et Délie
KEVLE Kt GAZETTE MUSICALE
Sedie. Ce dernier y remplace Giraldoni, empêché par un mal de gorge
qui exige plusieurs jours de repos et de soins. — Sur la demande de beau-
coup d'abonnés, la direction a rétabli l'uniformité dans le prix des fau-
teuils d'orchestre, qui demeure fixé à 14 francs pour chacun indistinc-
tement, pris au bureau ou en location, et à 12 francs par abonnement.
^,*^ Mme Tedesco est de retour à Paris.
**» Mme Penco va partir pour l'Espagne ; la célèbre cantatrice,
après l'arrangement amiable intervenu entre elle et M. Calzado, a signé
un engagement pour vingt-cinq représentations avec M. Rizzoli, direc-
teur (les théâtres italiens de Cadix et de SévlUe,
»*» Les travaux de reconstruction de la salle des Bouffes-Parisiens
sont poussés avec activité, mais il ne paraît pas possible qu'ils soient
terminés avant le mois de décembre.
»** L'ancienne salle du théâtre Lj'rique va définitivement disparaître
du boulevard du Temple. L'adjudication des matériaux de démolition a
eu lieu hier à l'Hôtel de ville.
*** A l'occasion du passage à Bordeaux de S. M. le roi de Portugal,
il y a eu représentation extraordinaire au grand Théâtre. Le spectacle
se composait de deux actes de la Dame Blanche et du quatrième acte des
Huguenots. Le ténor Jaulain et Mme Rey-Balla chantaient les rôles de
Raoul et de 'Valentine. Jamais Mme Rey-Balla ne s'était montrée aussi
belle et n'avait joué avec plus de passion cette magnifique page de mu-
sique dramatique. Aussi le roi a-t-il daigné la faire complimenter sur son
beau talent.
»*t M. Raousset-Boulbon annonce que la salle de concerts qu'il fait
construire au faubourg Saint-Germain, près de l'hôtel Cluny, pourra
être inaugurée au commencement de novembre. L'orchestre sera com-
posé de cinquante musiciens sous la direction de M. Paquis, premier cor
solo du théâtre italien. L'administration prend la louable initiative d'ac-
cueillir et d'y faire exécuter les œuvres des jeunes compositeurs.
*** MM. Cremieux et Gille ont arrangé sur le sujet de Don Juan un
libretto dont J. Offenbach composera la musique.
*** MM. Legendre et Lalliet, les deux remarquables solistes des con-
certs Musard, l'un sur le cornet à pistons et l'autre sur le hautbois,
après avoir passé l'été à Berlin, engagés au théâtre KroU, où ils ont eu
de nombreux et brillants succès, sont de retour à Paris.
*** Les recettes brutes des théâtres impériaux subventionnés, des
théâtres secondaires de vaudevilles et petits spectacles, de concerts,
spectacles-concerts, etc., se sont élevées, pendant le mois de septem-
bre, à la somme de 1 ,403,968 fr. 05 c.
H,** Le mariage de Mlle Cabanis, fille de l'honorable fonctionnaire du
ministère d'Etat, a eu lieu il y a huit jours, à l'église Saint-André
d'Antin. Plusieurs artistes distingués, entre autres Delle-Sedie, du théâ-
tre Italien, et Mme Lefébure-Wély, se sont fait entendre pendant l'of-
fice.
**t Une dépêche télégraphique de Madrid a fait savoir que le théâtre
Italien avait rouvert ses portes le 4, jour de la fête du roi, par // Bar-
biere di Siviglia. Le théâtre était illuminé extérieurement a giorno et la
représentation était splendide. Mme Borghi-Mamo a été applaudie avec
enthousiasme. Mario a chanté délicieusement ; Guadagnini, qui débutait
dans le rôle de Figaro, a brillamment réussi. Le bouffe Scalese et An-
tonucci ont partagé le succès.
*** On nous écrit de Melbourne (Australie), en date du 2S avril, que
la Société philharmonique de cette ville a donné un fort beau concert
dans lequel le directeur, M. Horsley, a fait exécuter l'Ouverture en forme
de marche de Meyerbeer, la marche d'Auber et la cantate de Sterndale-
Bennett, composées pour la grande exposition de Londres. M. Horsley,
sans savoir que Meyerbeer avait eu la même idée lorsqu'il fit exécuter
cette ouverture à Beriin, avait introduit les chœurs au moment où vient
le Bute Britannia ; l'effet a été grandiose, et l'ouverture bissée aux ac-
clamations de la salle entière.— les Huguenots montés au Grand-Théâtre
de Melbourne, le printemps dernier, ont obtenu un si grand succès que
le chef-d'œuvre de Meyerbeer a été donné vingt-quatre fois de suite
sans avoir satisfait l'empressement du public. Aussi la direction se
propose-t-elle de monter Bobert le Diable pour l'ouverture de la saison
prochaine.
**, Nous avons constaté le succès enthousiaste qui a accueilli Adelina
Patti, à Hambourg, dans Dinorah. Nous devons y ajouter un détail que
nous trouvons dans la Gazette des Étrangers : « Chaque phrase (écrit le
correspondant de ce journal) faisait éclater des applaudissements fré-
nétiques. A l'air de l'Ombre, notamment, l'enthousiasme n'a plus connu
de bornes. Je vous citerai un fait caractéristique. A la suite de ce mor-
ceau et au milieu des bravos et des rappels, l'orchestre a spontanément
joué la fanfare d'honneur, se joignant ainsi au public pour honorer et
féliciter la jeune et brillante artiste. A Paris, une semblable manifesta-
tion paraîtrait ridicule; on en suspecterait la bonne foi. Ici, elle est
d'usage; on n'en abuse pas d'ailleurs, et elle a rencontré l'assentiment
général. »
*** Le concert donné le 3 octobre à Bade, et auquel ont concouru
comme nous l'avons dit brièvement, A. Batta et Vivier, a été plus bril-
lant peut-être et plus nombreux que tous ceux de la saison. Il était
honoré de la présence de LL. MM. le roi et la reine de Prusse. Mme de
Rudersdorf, artiste célèbre en Allemagne, M. Mortier de Fonfaine,
pianiste de la grande écolo, et le violoniste Wilhelmi y avaient été éga-
lement appelés et les applaudissements ne leur ont pas manqué. Mais le
morceau capital de la soirée a été la Sérénade de Rossini, jouée en duo
par A. Batta et Vivier, et dans laquelle ces inimitables artistes se
sont surpassés. A peine la dernière note expirait-elle, qu'un enthou-
siasme indescriptible, dont le roi et la reine ont donné le signal, a
éclaté dans l'auditoire, et LL. MM. ont voulu elles-mêmes adresser leurs
félicitations aux deux virtuoses. On allait d'une voix unanime redeman-
der cette Sérénade, lorsque l'ordonnateur de la fête est venu annoncer
qu'un second concert, où elle serait répétée, aurait lieu exprès le
samedi 17.
**^ Après s'être reposé deux mois en Italie, auprès de sa famille, Ca-
mille Sivori est de retour à Paris. Le célèbre violoniste a l'intention de
se rendre le mois prochain à Copenhague et à Stockholm. Il reviendrait
en janvier pour prendre part au mouvement de la saison musicale
à Paris.
^** M. Adolphe de Groot vient encore d'être l'objet d'une nouvelle
distinction de la part de S. M. l'Empereur, qui lui a fait remettre, à
l'occasion des fêtes du 15 août, une très-belle médaille d'argent du
grand module. Nos lecteurs se souviennent que M. de Groot a déjà ob-
tenu la même faveur à l'époque des fêtes de l'annexion, et que tout
récemment Sa Majesté lui a fait remettre, par S. Exo. M. le comte Bac-
ciochi, une très-belle épingle en émeraude entourée de brillants, pour
une cantate composée à l'occasion du septième anniversaire du Prince
Impérial.
»*^ On écrit de Cologne le 7 octobre : « Mlle Désirée Artot a débuté
hier au soir au théâtre de la ville, par le rôle de Rosine, dans II Bar-
biere. Son succès est allé croissant de scène en scène, et le duo avec
Figaro a été notamment l'occasion d'un véritable triomphe pour l'émi-
nente ai'tiste ; du reste, elle a été très-bien secondée par M. Lang, qui a
parfaitement interprété sa partie dans l'œuvre si spirituelle de Rossini. •
i,*^ Mme Marchesi, de retour à Paris, a repris le cours de ses leçons
qu'elle continuera pendant tout l'hiver. M. Marchesi passera cette saison
à Londres, où l'appellent divers engagements.
^*^ Les concerts populaires de musique classique rouvriront le diman-
che 25 octobre, à 2 heures, au cirque Napoléon. MM. les abonnés qui
voudront conserver leurs places sont priés d'en faire retirer les cou-
pons dans les bureaux de location à partir de ce jour ; après le jeudi
15 octobre, l'administration en disposera.
^*^ L'éminent pianiste compositeur D. Magnus est de retour à Paris.
^*^ L'excellent professeur du Conservatoire J.-J. Masset, directeur de
musique à la maison impériale de Saint-Denis, vient de changer de do-
micile, et demeure maintenant cité Pigalle, 5 (rue Pigalle).
^.*^ Mlle R'iuget de Lisle, pianiste et musicienne des plus distinguées,
a été nommée professeur de clavier au Conservatoire, en remplacement
de Mme Lemarchand, démissionnaire.
^*^ Mme Charlotte de Tiefensée, qui a quitté Paris le mois dernier,
se trouve en ce moment à Spa, où, malgré la saison avancée, l'émi-
nente cantatrice vient d'être engagée à se faire entendre dans un con-
cert donné par les soins du bourgmestre et de quelques amateurs de
musique.
^*^ Nous constatons avec plaisir les succès brillants que vient d'ob-
tenir Mlle Peschel aux eaux d'Allemagne. Elle a successivement pris
part aux beaux concerts donnés à Ems, Wiesbaden, Hombourg, etc.;
partout l'éminente artiste a recueilli les applaudissements dus à son
beau talent.
*** Le pianiste Ch. Wehle et le violoncelliste Feri-Kletzer, dont nous
annonçâmes dans le temps le départ pour les Indes, étaient au mois
d'août dernier à Port-Louis (île Maurice), où ils ont donné plusieurs
concerts au grand plaisir de la population. Outre plusieurs morceaux
de sa composition, M. Wehle a joué un morceau de KuUack sur l'Etoile
du Nord, qui a produit beaucoup d'effet et qui a été bissé. M. Kletzer
s'est de même fort distingué, et lorsque les deux éminents artistes ont
quitté l'île, ils ont été accompagnés par un cortège nombreux d'amis et
d'artistes.
:j** M. Gabriel Baille est un des soutiens les plus actifs de l'orphéon
en province. Directeur de celui de Perpignan, il a composé plusieurs
morceaux fort bien disposés pour les Sociétés chorales. M. Baille est en
outre un excellent organiste, et il a écrit plusieurs messes et mor-
ceaux religieux d'un véritable mérite. Tout récemment, une messe cho-
rale, à quatre voix d'hommes, dédiée à la mémoire de Georges Bousquet,
a été couronnée au concours de composition musicale institué par VU-
nion chorale de Paris, et c'est une œuvre qui lui fait beaucoup d'hon-
neur. Elle vient d'être publiée dans le format in-S", chez l'éditeur
Benoît.
^,% Pour célébrer dignement l'anniversaire de son inauguration ,
rUnion des arts, de Marseille, met au concours une ouverture de con-
cert dont la forme et le caractère sont laissés au choix du composi-
teur. — Un prix de 300 francs sera décerné par la section musicale de
DE PARIS.
327
VVnion des arts à l'auteur de la composition couronnée. — Tous les
compositeurs français ou étrangers sont admis à prendre part au con-
cours, qui sera clos le 31 décembre 1863. — Les manuscrits devront
être envoyés franco au secrétariat de l'Union des arts avant le 31 dé-
cembre 1 863, terme de rigueur. Une épigraphe et trois lettres de l'al-
phabei devront être inscrites en tête de la partition. Cette épigraphe
et ces troig lettres seront reproduites sur une enveloppe cachetée, la-
quelle contiendra le nom, le lieu de naissance et la demeure de l'auteur.
— Cette enveloppe sera elle-même renfermée dans une seconde en-
veloppe portant l'adresse suivante : Concours musical, M. le secrétaire
général de VVnion des arts, allées de Meilban, 54, à, Marseille. — Le nom
de l'auteur de l'ouverture couronnée sera seul connu des juges et du
public.
,*» MM. Léon Gastinel et Lefebure-Wely viennent de recevoir de
S. M. l'Empereur de très-belles médailles en or, en témoignage de sa
haute satisfaction de leurs cantates du 15 août dernier.
^*^ On parle de l'apparition à Londres d'un nouveau journal de mu-
sique qui a pris pour titre : The Orchestra. A en croire le prospectus,
ses dimensions en feraient le plus grand organe musical connu ; reste
à savoir s'il en sera le meilleur.
:j*^ Un élégant local, pouvant contenir deux cents personnes, et dis-
posé de la manière la plus favorable pour des auditions musicales et
des réunions artistiques, vient de s'ouvrir rue Vivienne, li, sous la
qualification de Salon des Arts.
t*t Le beau temps qui se soutient permet à M. de Besselièvre d'of-
frir tous les dimanches, aux promeneurs, l'attrait d'un concert de jour.
Ces concerts, qui ont lieu de 2 à 5 heures, attirent un public nom-
breux. Aujourd'hui dimanche, 11 octobre, aura lieu le quatrième con-
cert.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
**, Marseille. — Rien d'intéressant pendant la dernière semaine au
grand théâtre, si ce n'est l'engagement de Depassio, dont la nouvelle
a fait grand plaisir ; car pour les Marseillais c'est l'interprète pas-
sionné et consciencieux de Meyerbeer ; c'est le Marcel et le Bertram
des chefs-d'œuvre du maître; en un mot, c'est l'idole de nos dilettantes.
M. Depassio reparaîtra le 22. — M. Coulon, ex-artiste de l'Opéra de
Paris, malgré les qualités qu'on lui a reconnues, n'a pas été admis.
^*^ Nice. — Les étrangers commencent à arriver en foule pour pas-
ser l'hiver sous notre délicieux climat. Aussi M. Avette, le directeur
de notre théâtre, en a-t-il profité pour inaugurer sa saison par le début
de sa troupe française, et le 10 la troupe italienne va reparaître dans
Attila, interprété par le ténor Di Benedetto, le baryton Caliva, la basse
Segri Segara et la prima donna Franchi-Capello. — Le 12, la Cenerentola
sera donnée pour les débuts de M. Cantoni, ténor, et la rentrée de
Mlle C. Ferni, de Ronconi et de Varesi. — M. Avette nous promet pour
le ccuraut de la saison les deux charmants ouvrages de Flotow, Marta
et Stradella.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
»*^ Bruxelles. — Rien de nouveau au théâtre de la Monnaie. — L'ad-
ministration communale a organisé un concert pour entendre la cantate
composée par Gevaert pour les fêtes de Gand. C'est une œuvre d'inspi-
ration fort bien appropriée au sujet et qui a produit un grand efïet.
Elle a été également exécutée dimanche au théâtre de la Monnaie, par
la Société royale des chœurs de Gand, composée de cinq cents chanteurs
(trois cents hommes et deux cents enfants) . — L'Echo du parlement,
l'Office de xjublicilé, etc., sont unanimes pour proclamer la valeur ex-
ceptionnelle du Requiem que vient de composer et de faire entendre
M. Pierre Benoît. C'est, disent-ils, une véritable révélation et la compo-
sition la plus inspirée qui ait été produite dans la musique religieuse de
notre pays. Le Dies irœ est une page colossale qui sufSrait à elle seule
pour placer son auteur au premier rang. — Le l" octobre a eu lieu,
par la Dame blanche, l'inauguration du nouveau théâtre de Namur. Une
fatalité semblait s'attacher à ce théâtre qui, incendié il y a quelques an-
nées, devint de nouveau la proie des flammes au moment où, recons-
truit, il allait être rouvert. Les Namurois n'auront d'ailleurs pas perdu
pour attendre; M. Fumière, architecte de la ville, a fait cette fois une
salle qui réunit tous les suffrages et qui ne le cède à aucune des mieux
réussies en Europe, tant pour l'élégance de la construction que pour les
dispositions et les commodités intd'rieures, la richesse et le goût de la
décoration et son excellente acoustique.
,*, Munich. — La souscription ouverte pour la construction projetée
du nouveau théâtre populaire a déjà recueilli 194,000 florins (près de
400,000 francs); c'est, d'après les devis approximatifs, le tiers delà somme
nécessaire .
- A l'occasion de la fête de la reine, le théâtre de la
cour a donné Jessonda, opéra de Spohr, qu'on n'avait pas entendu de-
puis longtemps. Malgré de fort beaux morceaux, empreints d'une sen-
sibilité profonde, cette partition n'a jamais pu se soutenir au théâtre :
c'est une élégie plutôt qu'un drame, lime Harriers-Wippern et Mlle San-
ter ont été souvent applaudies dans les rôles de Jessonda et d'Amazili.
— Le 14 de ce mois, la Société Merelli doit commencer ses représen-
tations par le Barbie.re, de Rossini. Le théâtre Victoria ouvrira ses
portes par Lucia di Lammermoor. Mlle Adelina Patti et le ténor Naudin
en seront les principaux interprètes. Les artistes amenés par .M. Merelli
sont : Achille Corsi, ténor; Mauro Zacchi, baryton ; Luigi Ruiz, basse,
et Benedetto Mazetti, basse bouffe. Le chef d'orchestre est M. L. Orsini.
On annonce, outre Lucia, le Barbier, la Sonnambula et la Traviata.
»** Darmstadt. — Carrion, qui doit donner plusieurs représentations
au théâtre de la cour, a débuté de la manière la plus brillante par le
rôle d'Arnold, dans Guillaume Tell.
^*,t Francfort. — Les Sociétés de chant réunies ont inauguré la saison
par un concert où l'on a entendu avec plaisir le pianiste Martin Wal-
îenstein, qui a exécuté entre autres le magnifique concerto en ré ma-
jeur de Mozart.
j*j Hambourg. — Après son succès dans le Pardon de Ploërmel, Ade-
lina Patti s'est montrée dans la charmante partition de M. de Flotow.
Elle a chanté le rôle principal de manière à électriser la salle. A la
perfection de la méthode, au goût le plus délicat, la jeune artiste joint
une facilité et une grâce exquise. Mlle Spohr a eu sa bonne part des
applaudissements dans le rôle de Nancy. Brunner (Lyonel), Ropiczek
(Plumkett) ont contribué au succès de l'ensemble.
,^*^ Hambourg. — Au dernier concert du Kursaal, on a entendu
Mme Corinne ds Luigi, le violoniste Favilli et Colasanti. Ces trois émi-
nents artistes ont fait le plus grand plaisir et ont été applaudis avec
enthousiasme. Aussi la direction du Kursaal les a-t-il engagés d'avance
pour l'année prochaine.
i*^ Vienne. — Mme Capp-Young, qui se trouve ici en représentation,
a débuté par le rôle de Valentine. Une préoccupation visible , jointe à
une légère indisposition, paralysait les moyens de l'estimable artiste,
qui n'en a pas moins eu les honneurs du rappel après le troisième et
quatrième acte. Le rôle de Marguerite est un des meilleurs du réper-
toire de Mlle Liebhart. Mme Capp-Young doit chanter en outre les rôles
de Rachel {Juive), de la comtesse Almaviva (Noces de Figaro) et de Fide-
lio. — Pour la fête de l'empereur, le théâtre de la cour a donné Faust,
de Gounod. — L'opéra d'Halévy, les Mousquetaires de la reine, est en ré-
pétition. — Au Theater an der Wien a eu lieu la lecture d'une nouvelle
bouflonnerie d'Offenbach, Un candidat au trône de Grèce. — G. Satter a
terminé son grand concerto symphonique. On en dit beaucoup de bien.
L'auteur fera jouer cette œuvre importante après une série de quatre
lectures satiriques qu'il se propose de donner sur la musique, les mu-
siciens et les critiques. Ces lectures auront lieu vers la fin du mois, et
d'avance elles excitent beaucoup d'intérêt dans notre public, car elles
passeront en revue la musique en Amérique, les pianistes de l'époque
actuelle, Liszt, Wagner et les musiciens feuilletonistes. ^ Les concerts
philharmoniques sous la direction de Dessoff, maître de chapelle de la
cour, reprendront dans les premiers jours de novembre.
^*^ Dublin. — Les représentations de la troupe du théâtre de la reine
ont commencé le 26 septembre par la Lucia. On a donné ensuite le
Trovatoreet Maria. Mmes Titjens, "Volpini, MM. Sims-Reeves, Volpini. Sant-
ley, Bossi, composent un fort bel ensemble. Mme Volpini s'est fait ap-
plaudir avec enthousiasme dans les rôles de Lucia et de Marta; rappelée
à plusieurs reprises, outre l'hommage d'un magnifique bouquet, elle a
été gratifiée par une dame de la haute société d'un splendide bracelet
que cette dame a détaché de son bras pour le passer à celui de la char-
mante cantatrice. Dans Marta on lui a fait répéter trois fois la romance
de la Rose. Mme Trebelli et son mari Bettini, Sims-Reeves, Santley et
Bossi ont eu leur part de ce succès, he Trovatore a. fait chaleureusement
applaudir Mlle Titjens, très-belle dans Leonora, et le ténor Volpini,
doué d'une voix sympathique et qu'il dirige avec infiniment d'art et de
goût. — On annonce Faust et Norma.
^** Trieste. — La direction du Teatro grande a été mise au concours
pour trois ans : la commune accorde une subvention de S4,000 florins
argent. — Le nouvel opéra de Verdi, /a Forzadel destino, n'a obtenu qu'un
médiocre succès. — On vient de mettre en répétition Alessandro Stra-
della, opéra nouveau du compositeur Sinico.
^*^ Saint-Pétersbourg. — C'est par f Puritani que notre théâtre italien
s'est décidé à rouvrir. La salle était peu remplie, car le beau monde
est encore dans ses terres ou à l'étranger; l'absence de la cour, celle do
la garde impériale font d'ailleurs un grand vide dans la capitale, et les
théâtres principalement ont â en souff'rir. Quoi qu'il en soit, Mme Fio-
retti, Calzolari et Graziani n'en ont pas moins bien interprété le c'nef-
d'œuvre de Bellini ; les trois excellents artistes ont été accueillis avec
328
REVnK ET GAZETTE MUSICALE DR FAP.IS.
enthousiasme. — C'est la semaine prochaine dans les Huguenots ou dans
la Sonnambula que doit débuter Giuglini. — 'A Moscou, les Huguenots ont
été donnés pour la 2« représentation de l'abonnement. Le succès a été des
plus grands. Aa premier acte, de frénétiques applaudissements ont ac-
cueilli la romance chantée par Pancani, et ces applaudissements se sont
répétés au deuxième et au troisième acte, après la cavatine d ' la reine
Marguerite, chantée par Mme Laborde, le duo de Yalentine avec Marcel
et le beau septuor du duel . Mais c'est au quatrième acte, après le grand
duo de la Fricci et de Pancani, qu'éclata un enthousiasme extraordi-
naire, suivi du rappel des deux artistes huit fois de suite. Après le
splendide trio du cinquième acte, tous les artistes durent reparaître
six fois. L'exécution, il faut le dire, a été excellente. La Fricci, Pancani,
Mme Laborde, Mme Honoré, Vialetti, sont des artistes du premier mérite
et habitués au triomphe.
„,*„, New-York. — L'imprésario Maretzek nous promet d'inaugurer
la saison italienne le S octobre et de la rendre aussi bri liante que pos-
sible, tant par la composition de sa troupe que par le choix des ouvra-
ges et la richesse de la mise en scène et des costumes. Les artistes qu'il
a engagés sont : soprani , Mmes Medori, Louise Keliog, Antonielta
Brignole-Ortolani, Lida Harris ; contralto, Marietta Sulzer ; ténors ,Maz-
zoleni, Giovanni Sbriglia ; barytons , Bellini, G. Ippolito ; basses ,
Biacchi, Coletti. — On nous promet Fausto, Giuàitta, Esmeralda (œuvre
nouvelle d'un Américain, M. Fry) et plusieurs autres nouveautés.
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vient de se reproduire à Londres avec plus d'éclat encore : aussi le Jury inlernational vient-il, en plaçant ces instruments
au premier rang, d'accorder à l'unanimité, à M. Henri HERZ, la médaille, en motivant cette distinction par la perfection
reconnue dans tous les genres de Pianos et sous le rapport de la solidité, de la sonorité, de l'égalité, et la précision du
mécanisme dans les nuances d'expression. (Rapport du Jury international.)
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Facteur de la Maison militaire de l'Empereur. — Professeur au Conservatoire impérial de musique.
Seule grande Médaille d'honneur à l'Exposition universelle de 1855.
RÉSUMÉ DES AVANTAGES DES SAXBOHNS ET DES SAXOTROMBAS.
Le Saxotromba, ou le Saxhorn, est supérieur à ses analogues existants précédemment, comme proportion de tubes et par
conséquent comme son ; supérieur comme j ustesse ; supérieur comme création de famille complète ; supérieur comme facilité et
unité de doigté ; supérieur comme forme ou contour des tubes pour l'émission des sons ; supérieur comme forme pour le pla-
cement et le maniement de l'instrument ; supérieur comme ayant une môme direction des sons (avantage pour l'auditeur de
recevoir tous les sons avec la même puissance); supérieur en ce que quelques jours suffisent pour former, avec des amateurs ou
de simples conscrits militaires, une musique passable ; supérieur eu ce que les plus gros instruments comme les petits se
tiennent facilement au moyen de la main gauche et du bras gauche, et laissent le bras et la main droite entièrement libres,
et dans la meilleure position pour le jeu des doigts sur les cylindres ; supérieur en ce que, quand un élève a déjà fait des
études et qu'il est obligé de changer d'instrument faute de disposition des lèvres ou par tout autre motif, ses études acquises
servent pour le nouvel instrument, soit trompette, trombojie ou tout autre instrument ; supérieur en ce que l'on peut faire les
études les plus longues et les plus difficiles sur l'instrument qui fatigue le moins et les reporter sur d'autres plus durs à jouer
ou plus lourds à porter; supérieur en ce que, dans les sociétés ou dans un régiment de cavalerie, surtout lors des congés, il
arrive souvent que tous les artistes d'une même catégorie d'instruments, partent, et que, dans ce cas, on peut les remplacer
en prenant des musiciens dans les parties les mieux garnies pour occuper ou remplacer les parties manquantes; supérieur en
ce qu'on ne craint pas les coups de tête des chevaux, qui, avec les anciens instruments, brisaient parfois les dents au cava- ,= — z
lier; supérieur en ce que Ton peut jouer, le cljeval au trot ou au galop, l'instrument suivant toujours les mouvements du i
corps; supérieur pour la musique en marche en ce que l'instrument ne se dérange pas sur les lèvres, et conserve par consé-
quent la même sonorité qu'au repos; supérieur pour les corps de musique et pour le militaire surtout, où tout est régulier
excepté les musiciens et les instruments d'après le système ancien), en ce que tout le monde se trouve dans la même position, toutes les mains à la même
tous les instruments penchés de gauche à droite ; supérieur, pour la musique à cheval ou de cavalerie, en ce que si, pendant que l'on joue, le cheval vient
écart, il est facile de ressaisir les brides pour le ramener, sans déranger l'instrument de sa position. lŒ^
ToD! Us insirumenii «oriani de la fabrique porieni l'inscription suivante : Adolphc Sax, à Paris, facteur de la malsou militaire de l'Empereur, ^^r\
le numéro d'ordre de l'inilrumenl et le poinçon oi-aprbs : jpo^
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Départements, Belgique et Suisse — 30 u id*
Étranger U •> ii.
Le Journal parait le Diitiunche.
GAZETTE MUSICA
— '^/^J^AAAAA^'JVv\/ —
SOMMAIRE. — Théâtre impérial italien: réouverture; la Traviala, Mme de la
Grauge et Nicolini, par Paul Smith. — La guerre de cent ans des orga-
nistes, clavecinistes et des maîtres à danser du royaume de France, 1680-1774
(1" article), par Em. llathien de Monter. — Phénomènes acoustico-
physiologiques [2' et dernier article!, par Charles lleerens. — Revue
critique. — Correspondance. — Nouvelles et annonces.
THEATRE mPËRIÂL ITÂUEN.
RéouTerture.
Miti Traviata, Mme de la «range et IVicoliBl.
(Mercredi, 14 octobre.)
Si la réouverture du théâtre Italien a tardé de quinze jours cette
année, ce n'est pas trop, sans doute, en présence des difficultés que
la direction nouvelle a dû rencontrer. Le rajeunissement de la salle
a demandé plus de temps qu'on ne croyait, et encore n'a-t-il pas
atteint son dernier terme. En général, les changements déjà faits
ont été approuvés. La conversion du parterre en stalles, d'un abord
facile et où les dames sont admises, est un notable progrès du côté
de l'élégance. Il n'y a qu'une chose à souhaiter, c'est que ces stalles
soient toujours remplies. Le contrôle a fait volte-face ; aujourd'hui
l'on n'entre plus par le grand péristyle, mais par le côté gauche du
théâtre, où l'on trouve l'avantage d'être clos et couvert si la foule
s'y presse et vous oblige à un stage de quelques instants. Pour un
directeur qui doit désormais demander au public la subvention que
l'Etat ne lui donne pas, M. Bagier n'a rien négligé de ce qui lui était
immédiatement possible, à «ommencer par la composition de sa
troupe et de son répertoire ; mais il ne s'en tiendra pas là, dès que
sa liberté d'action lui sera complètement acquise.
Sans les indispositions et les contrariétés de plus d'une espèce,
la Traviata eût-elle été choisie comme pièce de début pour le
théâtre et pour Mme de la Grange ? Nous ne le pensons pas. La Tra-
viata, que Verdi écrivit si vite après Rigolello et le Trovatore, est
loin d'avoir l'importance et la valeur de ces deux ouvrages. C'est
une inspiration pleine de mélancolie et de grâce dans quelques dé-
tails, mais dont la nature n'était pas propre à constituer un opéra.
Les situations capitales d'une œuvre lyrique y manquent : les rôles
n'y sont que des moitiés de rôles, et cela n'a rien d'étonnant puisque
le principal personnage est celui qui devrait chanter le moins. Vous
rappelez-vous la petite cantatrice du nom de Piccolomini, qui se
croyait tenue de tousser à la fin de chaque phrase ! Il y a eu
certainement, de la part de Mme de la Grange, extrême modestie ou
extrême dévouement à reparaître dans ce rôle, où elle ne peut mon-
trer qu'à demi son rare talent. Pour ceux qui ne la connaissaient
pas, autant que nous, qui ne l'avaient pas suivie dans les principales
époques de sa carrière, Mme de la Grange ne s'est pas révélée encore.
On n'a pu voir en elle qu'une femme de noble aspect, .singulière-
ment distinguée dans sa tenue comme dans sa mise ; on a compris
qu'elle possédait au plus haut degré l'art du chant ; aux quelques
notes piquées d'un point d'orgue avec la rigoureuse précision, l'ad-
mirable netteté du plus habile archet, on a jugé qu'elle savait tirer
de sa voix des effets extraordinaires ; mais n'importe, on n'a pas
deviné ce qu'elle est, ce qu'elle peut être. Pour en donner une juste
idée, il faut que Mme de la Grange aborde, comme elle l'a fait en 1853,
un rôle comme celui de Rosine, du Barbier de Séville, et qu'elle y
intercale un air hongrois ou autre, pour s'y livrer eu toute liberté
à sa verve et à son audace .
Nous avions assisté au premier début de la cantatrice, alors qu'elle
vint en 1840, au théâtre de la Renaissance, s'essayer comme simple
amateur dans une représentation à bénéfice. Plus tard, en 18/|8 et
1849, nous l'entendîmes à l'Opéra dans Othello, dans Robert le Diable;
mais elle ne jouissait pas de tous ses moyens, et puis peut-être son
heure n'était-elle pas sonnée ; elle nous revint en 18i33, et une de ces
transformations dont on parle tant, mais qu'on voit si peu, s'était
opérée.
Voici ce que nous disions d'elle dans ce journal (1) : n La voiz de
Mme de la Grange embrasse trois octaves. Mais qu'est-ce que son
étendue comparée à son agilité ? Que sont les variations de Rode si
longtemps fameuses à côté des vocalises qu'exécute Mme de la Grange
avec la plus incroyable facilité ? Vous diriez qu'elle a dans le gosier
l'archet de Paganini, et vous ne sauriez expliquer autrement la volu-
bilité de ses arpèges, la prestesse de ses notes détachées, qui se suc-
cèdent aussi rapidement que si elles étaient liées, avec le même effet
que celui du staccato le plus nettement articulé. Rien n'arrête , rien
n'effraye la cantatrice, ni les intervalles semés d'abiraes qu'elle fran-
chit sans broncher, ni l'escarpement des gammes montantes jusqu'au
pic vocal le plus élevé, par lesquelles tous ses traits se terminent, et
la dernière note, qui doit être pour le moins un fa suraigu, retentit
constamment avec une sonorité métallique. C'est vraiment à défier
les touches d'un piano d'Erard. »
Nous concevons que, même à dix ans d'intervalle, Mme de la Grange
n'ait pas voulu reparaître, dans le même rôle et avec les mêmes
(1) Voir Revue cl Gazette musicale, 27 mars 1853.
330
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
prestiges; mais alors il lui fallait un aulre rôle, oii l'actrice pût
se manifester à défaut de la cantatrice. Dans la Traviata le champ
est si limité, que l'artiste y ressemble à l'oiseau dont le gosier
a besoin d'air, les ailes d'espace et qu'on enferme dans une cage où
il ne peut se remuer. Dans son agonie, Mme de la Grange a trop de
vigueur encore, et elle marque trop énergiquement le forle du déli-
cieux passage chromatique de son duo in extremù avec Alfredo.
Ce rôle, que Mario n'avait pas dédaigné lorsque l'ouvrage nous
fut donné d'abord, est rempli aujourd'hui par un jeune ténor qui,
sous le nom de Nicolini, déguise son origine française. Au Conserva-
toire, à rOpéra-Comique, oi\ il débuta dans les Mousquetaires de la
reine et dans Zampa, engagé par M. Emile Perrin, il s'appelait
Nicolas. En Italie, il a fait un chemin rapide, et, comme tout chemin
mène h Rome, le voilà revenu à Paris, oi!i il a été reçu avec faveur.
Sa voix est toujours d'une qualité charmante, bien franche et bien
timbrée. Eans le finale du second acte, il a donné de belles notes
qui feraient espérer un ténor de force, si d'ailleurs les ténors gra-
cieux et d'encolure non ridicule n'étaient presque aussi nécessaires
pour la représentation convenable des opéras.
Delle-Sedie faisait sa rentrée dans le rôle du père, et la suavité de
son chant lui a mérité une approbation incessante. L'un des torts de
la Traviata c'est de ne donner lieu à aucun rappel final. Hâtons-
nous donc de passer à quelque ouvrage d'un succès plus retentis-
sant, plus significatif. L'orchestre et les chœurs ont bien marché
sous leurs nouveaux chefs, dont nous parlerons davantage lorsque
nous les connaîtrons un peu mieux.
Paul SMITH.
LA GUERRE DE C£IT ÂKS
" DES ORGANISTES, CLAVESSINISTES ET DES MAITRES A DANÇER »
Da royaniue do France.
(1680-177Z|.)
I.
De toutes les guerres civiles qui ont divisé, à travers les âges, le
monde musical, la moins connue et la plus importante, cependant,
par sa persistance et par ses résultats, est celle des « Organistes,
Clavessinistes et Maîtres à danger n du royaume de France. Si cette
rivahté, qui dura près d'un siècle, a été moins étudiée que d'au-
tres querelles artistiques, c'est qu'elle prit naissance, qu'elle se pour-
suivit et se termina à des époques de troubles généraux, oîi la
grande voix des calamités publiques couvre, pour l'historien, le
bruit des discussions personnelles. Néanmoins, à y regarder de près,
on en retrouve la marche et le dessin dans les documents originaux
de 1680 à 177/i. La considération et la liberté de la profession
musicale sortirent de cette Guerre de cent ans. Ses soldats eurent
l'honneur de prendre, les premiers, pour devises et pour cris de
ralliement, ces mots altiers d'indépendance, ces vœux d'affranchis-
sement moral et matériel, que l'on formulait déjà vaguement, que
l'on caressait comme de secrètes aspirations, et qui devaient, en
s'incarnant dans les faits, transformer si profondément, quelques an-
nées plus tard, la vieille société française.
II.
En 1657, après la chute de la remuante dynastie ménétrière des
Con.-tantin, et au moment où la couronne de roi des violons pas-
sait sur la tête de Dumanoir I", les « maîtres à dauçer », membres I
de la confrérie belliqueuse de Saint-Julien, descendants des jongleurs
et des appointeurs de rebec et de viole du moyen âge, avaient
tenté de faire payer tribut à tous les joueurs d'instruments du
royaume. Le violon et le hautbois ayant fermement soutenu leurs
prérogatives, et produit les lettres patentes qui garantissaient l'indé-
pendance de leur art, les prétentions de la Ménestrandie s'étaient
évanouies. La paix durait encore en 1691, lorsque Louis XIV, dans
l'intérêt de sa cassette particulière, créa quatre offices de jurés hé-
réditaires de la communauté des maîtres de danse, moyennant une
provision de 30,000 livres. La communauté versa la somme, mais à
la condition de prélever à l'avenir le tribut supprimé. Le Pariement
repoussa une seconde fois sa requête. Elle prit alors l'offensive, et
se plaçant hors la loi, elle résolut, « pour s'indemniser de sa fi-
nance », de battre monnaie en dépit des arrêts, de porter la main
sur la corporation des organistes, des clavecinistes et des composi-
teurs de musique, et de mettre à contribution « toute l'harmonie de
la ville et des provinces. »
C'était s'attaquer à forte partie. La majesté du sanctuaire abritait
encore les organistes de son inviolable égide. En eux semblait s'être
réfu^;iée la poésie religieuse des siècles de foi. Le peuple se les re-
présentait volontiers austères, inspirés, hôtes mystérieux de cette
forêt sculptée des orgues, que la légende peuplait d'anges et d'oi-
seaux chanteurs. Espérant avec le croyant, disant les joies saintes
des élus , consolant l'affligé , calmant le superbe , faisant tonner à
Pâques la prose triomphale de la résurrection, ou chantant, de leurs
jeux les plus caressants, les vieux noëls de la Nativité, la symphonie
pastorale delà crèche, parmi les lueurs et les parfums de la messe
de minuit, les organistes idéalisaient tous les symboles du dogme,
et passaient pour entendre dans le ciel ces harmonies qu'ils tradui-
saient à la foule agenouillée dans les basiliques.
Sur un terrain plus profane, les compositeurs et les musiciens ne
jouissaient ni d'un moindre renom, ni d'une estime moindre. Aux as-
semblées royales, dans les salons de la noblesse, quelle faveur et quels
triomphes ! C'était une tradition à la cour de France, que le culte
et l'amour de la musique. Charlemagne et Charles le Chauve avaient
touché de l'orgue. Robert II, revêtu de ses habits royaux , couronne
en tête, quittait les camps et venait à Saint-Denis diriger, au chœur
de matines, l'exécution de ses antiphones. Charles IX s'était plus
d'une fois assis au lutrin. On avait vu le farouche Agrippa d'Aubi-
gné, au lendemain des arquebusades, écrire des chansons légères et
de printanières saynètes pour les académies musicales des Valois,
ces premières et princières sociétés philharmoniques. Henri III avait
écrit des cantiques et des psaumes. La belle voix de basse de Henri IV
avait souvent réveillé les échos du vieux Louvre. Après avoir chan-
sonné le grand cardinal, Louis XIII avait composé des motets, im-
provisé des ballets, joué du luth et de la trompette, organisé un
corps royal de musique, établi à la cour des concerts réguliers.
Louis XIV suivait l'exemple de ses prédécesseurs en le rehaussant de
tout l'éclat de son règne. Versailles, Saint-Germain, le Louvre et le
Palais -Royal donnaient pour cadre aux créations de l'art par excel-
lence leurs splendeurs architecturales. On fêtait, on applaudissait, on
enrichissait les compositeurs et les musiciens, et si les grands sei-
gneurs, un instant oublieux de leur morgue, les félicitaient et leur
tendaient la roain, pour imiter le maître, la chronique rapporte —
est-elle ou non fidèle? — que de grandes dames savaient leur offrir
une protection. . . moins orgueilleuse, jalouses peut-être de ces fières
patriciennes de Rome que les satiriques latins, sortant à l'aube de la
villa de Mécène, rencontraient, chancelantes, sous le portique de
Vesta, dans les bras de joueurs de cithare et de flûte.
Les prétentions de la confrérie de Saint-Julien se répandirent en
France, dès qu'elles furent connues, avec la rapidité des mauvaises
nouvelles. Un long frémissement de colère agita la société musicale.
En ce temps de privilèges, chacun tenait aux siens : là était la lé-
galité; là était la force. Paris et les provinces se préparèrent à la
DE PAHIS.
331
lutte. Il ne pouvait y avoir ni défections à craindre, ni incertitude
sur le plan de conduite. Communauté d'intérêts , communauté de
dangers : nécessité commune, par conséquent , de se défendre et
de profiter de la victoire espérée.
Pour diriger les opérations, on choisit le grand Couperin, orga-
niste de Saint-Gervais et du roi, claveciniste de la chambre, « le plus
remarquable, dit M. Félis, de tous les organistes français, et qui s'est
élevé à une hauteur qui tient du prodige. » Couperin, homme aciif,
entreprenant, s'adjoignit des aides de camp énergiques : Nicolas Gi-
gault, organiste de l'église du Saint-Esprit ; Antoine Le Bègue, orga-
niste du roi, par quartier; Charles Buterne, écuyer, fils d'un capi-
toul de Toulouse, maître de clavecin de la duchesse de Bourgogne.
Sans perle de temps, ces défenseurs du bon droit entrèrent en cam-
pagne, et l'affaire s'engagea au Châtelet.
Quatre ans, on plaida; quatre ans, on se battit. De part et d'autre
on porta de grands coups et l'on fit de grandes choses. Les adver-
saires s'interpellaient, comme autrefois les Francs de Mérovée, comme
avant eux les héros d'Homère. De telles discussions n'étaient pas de
nature à résoudre promptement la question. Aussi, le Châtelet, en
présence des difficultés qu'il éprouvait à débrouiller le chMS des
ruses des deux camps, prit-il sagement le parti de décliner sa com-
pétence. Changement de terrain et d'arbitres. Après les robes noires,
les simares rouges et l'hermine. Un appel porta l'afl'aire au Parle-
ment. Là, un plus grand calme dans les débats, une plus haute sa-
gesse dans le conseil, mais la même fougue dans les rencontres des
beUigérants. Enfin, comme tout se termine, même les procès, la
question fut solennellement décidée sur les conclusions du procureur
général, et par arrêt du 7 mai 1695, on débouta de leur demande
les jurés des maîtres à danser.
Les musiciens étaient vainqueurs. Les danseurs quittèrent en dé-
sordre le champ de bataille et payèrent les frais de la guerre « ès-
mains du trésorier fiscal. » Leur roi, Dumanoir I", « auquel, dit un
pamphlet contemporain, on avait fait quitter la retraite et la vie pri-
vée pour se mettre à la tête de ses troupes, ne servit qu'à illus-
trer le triomphe de ses ennemis, et il ne parut plus après cette écla-
tante défaite. »
Il était permis de supposer qu'un premier engagement aussi déci-
sif disperserait à tout jamais les troupes légères de Saint -Julien.
Malheureusement, après l'amitié des fourbes, il n'est rien de plus
dangereux que de les avoir pour ennemis. Les compositeurs et les
organistes devaient expérimenter à leurs dépens cette philosophie,
qui n'est pas celle de Caton ou de Zenon, mais bien la morale plus
pratique d'Atticus ou d'Alcibiade. Le 5 avril 1707, après douze ans
donnés au repos, les maîtres de danse reviennent à la charge, avec
plus d'ardeur que jamais, contre « les harmonistes » et leurs liber-
tés. Ils surprennent des lettres patentes auxquelles ils font ajouter
frauduleusement le privilège exclusif» d'enseigner à jouer de tous
les instruments de musique et tablature, de quelque espèce que ce
pût être, sans aucune exception, et notamment du ckwessin, »
Ruse de guerre habile ! mais ruse que les clavecinistes éventent
sans coup férir. Ils s'opposent à l'enregistrement de ces lettres pa-
tentes ; ils prouvent qu'elles sont l'œuvre de faussaires. Les dan-
seurs sont condamnés à les rapporter honteusement. Le Parlement,
chambres assemblées, les lacère et en brise le sceau. Les « harmo-
nistes » s'en partagent les fragments, et, célébrant bruyamment ce
nouvel avantage, jurent de les conserver « comme un monument de
leur succès et de la défaite des danseurs ! »
Le 18 mai suivant, le Parlement expédie aux maîtres de danse do
nouvelles lettres patentes : leur rédaction ne mentionne plus que le
privilège d'enseigner à jouer du violon, et rappelle les arrêts précé-
demment rendus contre la communauté de Saint-Julien. Les danseurs,
trouvant ces titres plus favorables aux libertés des organistes, dont
les droits étaient spécialement réservés , qu'à leur propre vanité et
à leurs prétentions, ne les accueillent qu'avec dédain, au cabaret de
l'Epée de bois, rue de Venise, les maculent de vin, et se dispensent
de les faire enregistrer.
Prompts à la riposte et pressés d'en finir avec ces adversaires de
mauvaise foi, organistes et clavecinistes rentrent dans la mêlée. Il
ne s'agit plus, cette fois, de remporter une victoire d'amour-propre,
comme dans un tournoi à armes émoussées. Il faut imiter les grands
généraux de 1 époque. Il faut écraser l'ennemi, tailler en pièces ces
Marlborough de la chaconne, du passe-pieds et de la sarabande !
Plus de discussions, mais des actes ; plus de procédures, mais des
faits ! Le dictateur Couperin frappe un coup hardi. Au nom de son
armée, il demande justice au roi. On ne pouvait Ilatter plus délica-
tement Louis XIV que de s'adresser alors à sa justice. Le vieux roi
oubliait ainsi les revers de ses armes et son soleil éclipsé. Couperin
et les membres du pouvoir exécutif des harmonistes sont reçus à
Versailles dans les petits appartements. Ils représentent très-hum-
blement à leur auguste protecteur : « qu'étant fondés à craindre de
nouvelles attaques de la part des ménétriers, ils ont un intérêt direct
à l'enregistrement et à l'exécution des titres qui les maintiennent
dans l'exercice de leurs droits, sans que la communauté de Saint-
Julien puisse y porter atteinte, » et ils réclament les pouvoirs né-
cessaires. Le roi, « voulant sauvegarder la profession des organistes
et des clavecinistes, fait défense aux maitres à danser ds les trou-
bler désormais, et ordonne à ces derniers de se renfermer exacte-
ment dans les bornes qui leur sont prescrites, v
Le serpent était chassé et son pommier abattu. La paix fut con-
clue, et l'on se jura de part et d'autre, une amitié éternelle que les
gazetiers du temps couronnèrent, en leurs articles, des plus radieu-
ses épithètes.
Em. Mathieu DE MONTER.
{La suite prochainement.)
PHÉNOMÈNES AC0ÏÏSTIC0-PÏÏYSI5LOGIQDES.
(2e et dernier article) (1).
En vertu de la grande célérité qui règne dans le mouvement vibra-
toire sonore, il nous est aussi permis de concevoir un rhythme com-
posé dans les vibrations du son, lorsque son rapport numérique avec
le son concomitant ou sous-entendu ne s'exprime pas par un nombre
premier. En effet, par exemple, dans l'accord de septième de domi-
nante, le second degré 9 excite en nous une impression intégrale
formée du caractère de quinte de dominante. Il est incontestable qu'à
cette fin nous décomposons chaque 9 vibrations en 3 fois 3 ; de sorte
que l'ensemble 9 forme un caractère absolu, constitué par la pro-
gression ré-sol-do, qui en définitive ne se déclare formellement à
notre attention que lorsque nous voulons la décomposer.
Pour la même raison et par un mécanisme semblable, il est admis-
sible que le caractère composé de la note sensible, subsemitonium-
modi 15, peut revêtir à volonté celui de quinte de mediante 3 fois 5,
ou mediante de dominante 5 fois 3 ; mais, dans le ton, cette faculté
de notre entendement ne s'étend guère au-delà de deux intervalles.
Le musicien expérimenté comprend que là elle doit s'évanouir pour
opérer un changement de ton.
Par là, n'est-il pas amplement démontré que les nombreux dldac-
ticiens de l'école de Pythagore, qui ont basé la philosophie musicale
sur des progressions illimitées de quintes ou de tierces , sont dans
l'erreur, et que toutes leurs combinaisons ingénieuses ne sont que des
jeux d'esprit? Ces auteurs n'ont pas pensé à l'impossibilité de cette opé-
ration instinctive, c'est-à-dire de ce fastidieux exercice intellectuel qui
naîtrait pour nous dans les sons et qui détruirait tout le charme de la
(1) Voir le n" 33.
332
REVUE ET GAZETTE MUSlCALli
musique, si nous étions obligés de comprendre la raison d'êlre de
l'intonation par une ramification éloignée d'intervalles aboutissant au
point de départ générateur. Ainsi dans l'accord do-mi-sol, pour com-
prendre la signiQcation, l'origine ou, si l'on veut, l'étymologie de mi,
on devrait, d'après eux, recourir au quatrième terme d'une progres-
sion triple, et faire pour mi cette opération mentale : mi-la-ré-sol-do.
Ces théories sont évidemment fausses et de plus renversées par le
calcul.
Quelques auteurs, Rameau entre autres, font même tourner à l'ap-
pui de leurs démonstrations les différences, négligeables en pratique,
mais amenées par le calcul. C'est comme s'ils posaient cet axiome :
2 et 2 font S, parce que ce n'est jms juste.
L'intervalle d'octave est le seul par lequel nous jouissions d'une
manière illimitée de cette faculté transpositive : 1" parce que son
rapport numérique 1/2, constituant une progression binaire, ne com-
plique pas le rhylhme caractéristique auquel nous soumettons les vi-
brations du son ; elle n'en dénature pas non plus les rapports , puis-
que 1 n'est pas un nombre. C'est ainsi qu'en faisant subir à l'into-
nation une transposition multiple par octaves, elle conserve dans
toutes sa même fonction et ne fatigue pas notre intellect , lorsque
nous voulons la ramener ; son déplacement imaginaire, d'une oc-
tave dans l'autre, dans certains cas, s'opère même en dépit de notre
volonté ou à notre insu.
2" Parce que l'intervalle d'une octave étant lui-même exprimé
par la raison 2. ne détermine pas à chaque terme de la progression
binaire une impression tonale différente.
Voilà pourquoi cette transposition par octave est tellement simple
et nous est si familière ; voilà aussi pourquoi l'intervalle d'une ou
plusieurs octaves fut désigné par le nom de réplique, équissonnance
ou redoublement.
C'est, en effet, le seul intervalle que nous puissions confondre : si
l'on touche, à une distance de plusieurs octaves, deux mêmes notes
sur un clavier, le meilleur musicien ne pourra que deviner le nom-
bre d'octaves qui sépare ces notes. 11 arrive quelquefois dans les
manufactures de pianos, lorsque certains faits du hasard le favorisent,
qu'en accordant rapidement un piano neuf pour la première fois,
n'est-à-dire lorsqu'il a ses cordes tendues à l'aventure, que l'accor-
deur se trompe d'une octave, et qu'en refaisant après plus attenti-
vement son travail, il rencontre des intonations qui font entendre la
double octave de l'une, intonation voisine du même nom et l'unisson
de l'autre. Enfin, lorsque deux instruments de timbre diflérent pro-
duisent chacun la même note à l'unisson, nous les croyons souvent
distantes d'une octave : faits impossibles par d'autres intervalles.
On doit conclure de là que la transposition par octave s'effectue
pour nous quelquefois avec une rapidité excessive que l'on pourrait
comparer à celle de l'électricité.
D'un autre côté, en vertu de la grande simplicité de ses rapports
1 à 2, l'expérience nous apprend que l'octave ne supporte pas la
moindre altération pour rester agréable à l'oreille, et l'histoire nous
enseigne que cet intervalle a toujours été respecté dans les nom-
breux systèmes de tempérament jadis proposés et en vigueur.
Celte grande facilité d'entendre le même son dans une autre oc-
tave est un phénomène physiologique qui joue un rôle très-important
dans la science; afin de l'analyser à fond, il est bien permis d'y
avoir insisté un peu.
Charles MBERENS.
REVUE CRITIOOE.
R. Favarger. — La Mi/ette de Portici , le Domino noir , Stra-
DELLA, fantaisies de salon ; la Mer calme , mélodie; Yvonne, polka-
masurka, pour le piano.
M. René Favarger a prouvé plus d'une fois qu'il n'avait besoin d'em-
prunter ses idées à personne pour composer d'agréables morceaux qui
ne font pas moins d'honneur à son imagination qu'à son goût et à son
savoir. Aussi a-t-il acquis la droit de s'appuyer de temps en temps sur
l'autorité des maîtres, chez lesquels il se plaît à puiser les éléments
d'une de ses Fantaisies que la mode a consacrées, non sans quelque
raison. Le titre d'un opéra connu et aimé est un passeport puissant
auprès des amateurs et des élèves, pour qui le souvenir d'une mélodie
favorite devient un allégement aux études sérieuses qu'ils sont forcés
de s'imposer. Les Fantaisies de M. Favarger sur le Comte Ory, sur les
Huguenots et sur Marta, ont obtenu un succès que nous avons constaté
à mesure qu'il s'est produit, et que le temps n'a pas diminué.
Ces précédents heureux ne peuvent donc que nous disposer favora-
blement à l'égard des trois nouvelles Fantaisies de salon que M. Favarger
vient de faire paraître sur la Muette de Portici, sur le Domino noir et sur
Stradella. Toutes trois se recommandent, en effet, par le même tact, la
même élégance, le même soin de.i détails qui nous ont frappé dans la
composition de leurs devancières.
La Fantaisie sur la Muette est un morceau brillant qui peut soutenir
la concurrence avec tout ce que le merveilleux opéra d'Auber a en-
fanté de transcriptions, et le nombre en est grand. Après une courte
ot vive introduction, tirée de quelques mesures de l'ouverture, appa-
raît le gracieux motif de la cavatine chantée au premier acte par Elvire,
et qui se prête, comme on sait, aux broderies les plus variées. Parmi
l'immense quantité de mélodies qui abondent dans l'œuvre du maestro,
et dans lesquelles il fallait faire un choix, aucune assurément n'aurait
su mieux atteindre le but du transcripteur, jaloux de mêler ses inspira-
tions à celles du compositeur qu'il a pris pour modèle et pour guide.
A cette cavatine est enchaînée, par une transition habile, la barcarolle
du Hoi des mers, fidèlement traduite, et terminée par une coda à grand
effet.
Pour sa Fantaisie sur le Domino noir, M. Favarger a choisi l'air de
Jacinthe, ainsi que plusieurs mélodies du troisième acte, qui lui ont
fourni, dans sa première partie, de douces et suaves inspirations dans
lesquelles domine un sentiment religieux très-nettement accusé. Puis,
comme contraste, survient VAragunaise du dernier acte, encore un mo-
tif à variations dont le transcripteur, du reste, n'a pas trop abusé. Un
crescendo en triolets clôt de la façon la plus saisissante ce morceau
distingué, où se retrouvent à un très-haut degré les qualités de brio,
de couleur et de style qui ont placé M. Favarger au premier rang de
nos pianistes-compositeurs.
Les deux principaux motifs de la fantaisie sur Stradella sont emprun-
tés aux airs de ballet et à la fameuse [chanson à boire des deux bandits.
Quoique assez facile, ca morceau n'est pas moins très-brillant, très-
uuancé, et très-riche de modulations.
De même que dans l'Escarpolette et dans Caliban, deux compositions
originales qui ont laissé des traces, la pensée qui a présidé à la mise
en œuvre de la mélodie intitulée h Mer calme, appartient tout entière
à M. Favarger. Le titre de ce morceau indique suffisamment l'intention
du compositeur et nous dispense de tout commentaire. Nous nous con-
tenterons de reconnaître qu'il est fort bien traité et qu'il justifie à
merveille le nom de mélodie, sous l'invocation duquel il s'est placé. Rien
de mieux trouvé, rien de plus clair et de plus élégant à la fois que le
motif qui lui sert de début. Dne grande simplicité, une sorte de laisser-
aller plein de mollesse et de rêverie, les nuances les plus fines et les
plus délicates, un smorzando final d'un effet délicieux, tels sont les mé-
rites de ce morceau, qui a, en outre, l'avantage de ne pas être d'une
exécution ardue, et dont le compositeur a pris la précaution utile de
doigter lui-même plusieurs passages.
D'un genre tout différent, Yvonne est une polka-mazurka aussi vive,
aussi animée que la précédente mélodie est douce et tranquille. M. Fa-
varger n'y a rien épargné, ni les accords nourris, ni les oppositions
piquantes. Nous la croyons destinée à un très-grand succès de salon.
Crînley-BicliarUis. — Pro Peccaiis, transcription du Stakat Mater,
de Rossini; Hymne des vêpres; la Czarina, mazurka de salon, pour
piano.
L'immortel Stabal de l'auteur de Guillaume Tdl a déjà tenté bien
des transcripteurs; mais bien peu ont été aussi heureusement inspirés
que M. Brinley-Richards, qui a choisi pour thèmes le Pro peccalis et le
Quis est homo ? On sait tout ce que ces stances, traduites par Rossini
DE PAUIS.
333
renferment de terreur mystérieuse et de majesté suprême. M. Brinley-
Richards a su conserver à son arrangement le caractère véritable de
ce morceau grandiose. Une certaine sobriété de détails, mais en même
temps une grande richesse d'harmonie, distinguent le travail de l'habile
et savant pianiste anglais, qui s'est montré très-réservé sur le choix
des ornements que comporte l'idée première du compositeur. 11 a voulu
aussi mettre sa transcription à la portée du plus grand nombre, en lui
donnant une facilité relative, et il y a complètement réussi.
Dans le même ordre d'inspirations, VHymne des vépns n'est pas moins
bien venue. C'est un motif, très-simple et très-naïf, sur lequel le com-
positeur a brodé de brillantes variations, où son individualité se révèle
à chaque pas, souvent avec éclat, et toujours avec méthode. M. Brinley-
liichards a eu raison de prendre pour épigraphe ces belles paroles de
Chateaubriand : « Le chant nous vient des anges, et la source des con-
certs est dans le ciel. »
Passant du grave au doux, du sévère au plaisant, le même composi-
teur a joint à ses chants sacrés une Mazurka de salon, intitulée la
Czarina, qui procède également par un thème posé avec franchise, et
varié avec une grâce, avec une coquetterie des plus remarquables. Ce
morceau profane partagera le succès des deux autres, et sera adopté,
comme eux, non moins pour la forme que pour le fond.
CORRESPONDANCE.
Paris, 16 octobre 1863.
Mon cher directeur.
Un article publié dans plusieurs journaux allemands, et reproduit par
la Gazette musicale de dimanche dernier, annonce que je compose un
ouvrage sous le titre de Don Juan, et semble insinuer que le sujet est
le même que celui de l'immortel chef-d'œuvre de Mozart. Tous ceux
qui me connaissent connaissent aussi ma religieuse admiration pour
ce grand maître, et n'ont pu prendre cette nouvelle au sérieux; mais
pour ceux qui pourraient ou qui voudraient y être trompés, je vous
serai fort obligé de publier ma réclamation, il faudrait avoir perdu tout
bon sens pour songer à refaire certains chefs-d'œuvre. Dieu merci, je
n'en suis pas là. La vérité est que parmi les sujets que je me propose
de traiter, il en est un qui s'appelle la Jeunesse de don Juan ■ mais ce
nom est l'unique point de similitude qui existe entre mon ouvrage
et celui de Mozart.
Veuillez agréer, mon cher directeur, l'assurance de mes sentiments
les plus distingués.
Jacques OFFE^BACH.
NOUVELLES.
f*^, Aujourd'hui dimanche, représentation extraordinaire du Trouvère
et de Gisellc. — Demain lundi, Gueymard reparaîtra dans les Huguenots.
^*-,j, Le théâtre impérial de l'Opéra a donné dimanche dernier Guil-
laume Tell. Villaret y est toujours fort applaudi. Un élève de l'excel-
lent professeur Bénédiot, M. David, artiste marseillais, y débutait par
le rôle de Walter ; il y a déployé une excellente voix de basse et une
bonne méthode, qualités qui seront mieux appréciées dans un rôle plus
important. — Trois fois de suite la Muette, le chef-d'œuvre d'Auber, in-
terprété par Michot, Faure, Warot et Mme Vandenheuvel-Duprez, a
rempli la salle. On ne peut rendre avec plus d'e.\pression et de pa-
thétique que Mlle Vernon le rùle do Fenella, et Mlle Laure Fonta,
qui danse le pas nouveau au quatrième acte, est chaque soir ap-
plaudie avec plus d'enthoutiasme, et rappelée. Sa Majesté le roi des
Hellènes assistait à la représentation de vendredi dans la loge impériale.
^*^ C'est dans le courant du mois prochain que le nouvel opéra
d'Auber, la Fiancée du roi de Garbes, fera son apparition au théâtre de
rOpéra-Comique. Le célèbre compositeur en suit les répétitions avec la
plus grande régularité, et si l'on en croit les premières révélations de
personnes compétentes, l'auteur de la Muette n'aurait jamais été mieux
inspiré. — En attendant, les Amours du Diable sont de plus en plus
goûtés et alternent avantageusement avec Lalla Roukii et le Songe d'une
nuit d'éti..
:,** Le théâtre Italien adonné sa seconde représentation jeudi. Plus
maltresse d'elle-même, Mme de la Grange a rendu admirablement le rôle
de Violetta; il est impossible d'y être plus distinguée et de chanter
avec plus de perfection que la célèbre cantatrice. — On annonce pour
aujourd'hui liigoletto, dans lequel elle chantera le rôle de Gilda avec
Délie Sedie et Mcolini. .Mme Demeric-Lablache y débutera dans celui de
Maddalena.
^*^ Les Noces de Figaro n'auront plus que quelques représentations au
théâtre Lyrique. On y presse les répétitions du nouvel opérai de Berlioz,
les Troyens, afin qu'il puisse être représenté au plus tard le 1 5 novem-
bre. En attendant, on s'occupe de la reprise de la Perle du Brésil, de
Félicien David, qui aura pour principaux interprètes Mme Miolan-Car-
valho, Pilo et Petit. ~ Ismaël, Morini et Mme Carvalho chanteront le
nouvel opéra de Gounod, Mireille.
^*^ On a commencé à l'Opéra impérial de Vienne les répétitions de
l'ouvrage en quatre actes d'Offenbach. Le titre définitif de cet opéra
dramatique est, comme on le sait, les Fées du Rhin, Le poëme, de
M. Quitter, a été traduit en allemand par M. de Wolzogen, un des meil-
leurs littérateurs de l'Allemagne, qui a su donner à ce travail difficile
la valeur d'une œuvre originale. Les costumes et les décors seront exé-
cutés avec le plus grand luxe. Cette partition comprend cinq rôles
principaux : soprano, Mlle Wildauer ; mezzo soprano, Mme Destine ; té-
nor, M. Ander; baryton, M. Decker; basse, M. Schmidt. — Huit jours
après la première représentation de cet opéra à Vienne, il sera joué
â Francfort, où on le répète déjà..
,*^ L'opéra anglais de Londres, qui joue à Covent-Garden, répète le
nouvel opéra de Wallace, la Fleur du désert; on en dit beaucoup de
bien. — On doit représenter aussi très-prochainement, à Londres, un
opéra, Jessy Lea, dont la musique est due à un compositeur irlandais,
M. Mac-Farren.
*•*» M. Grau, l'imprésario du théâtre italien en Amérique, était à Paris
ces jours derniers; il vient de repartir pour New-York, après avoir com-
plété sa troupe pour la saison de 1863-1864. Elle se composera de
MM. Brignoli, le ténor le plus goûté en Amérique, Stefani et Tamaro;
les barytons sont Morelli-Ponti et Amodie; les basses, Susini et Barili.
Les chanteuses, au nombre de cinq, sont Mmes Vera-Lorini, Cordier,
Castri, Simon, et Mme Morenzi, contralto.
/* Le théâtre de Liège va donner Stradella. C'est le ténor Wicart
qui jouera le rôle principal de l'opéra de Flotow.
:i,*^ Un journal annonce que Carlo Patti, le frère des deux sœurs
Adelina et Carlotta Patti, qui servait dans l'armée des confédérés, vient
d'être fait prisonnier par les fédéraux.
»■** Nous avons annoncé l'arrivée à Paris d'une cantatrice italienne
très-distinguée, Mme Gagliano ; l'opinion que nous avons émise sur son
talent n'a pas tardé à se propager. Dans une soirée artistique donnée il
y a trois jours chez un de nos plus célèbres professeurs de piano,
Mme Gagliano a conquis tous les suffrages par la manière dont elle a
chanté plusieurs morceaux et des chansonnettes espagnoles.
^*^ On sait qu'après ses grands succès en Amérique, Carlotta Patti
a été amenée en Angleterre par le célèbre imprésario Ullmann, et qu'elle
a reçu, dans les concerts où elle a chanté, le plus brillant accueil. Il
paraît que l'intention de M. Ullmann serait de faire connaître également
à Paris et dans le reste de l'Europe, la digne sœur d'Adelina. Seule-
ment, il nous paraît difficile qu'il trouve des spéculateurs disposés à
payer les prix fabuleux que, à l'exemple de M. Strakosch, il annonce
vouloir mettre au talent de Carlotta.
:,,'** Le 4 novembre prochain sera inauguré le nouveau théâtre
construit à Hombourg; la salle est décorée avec autant de goût que de
luxe; elle a trois rangées de loges et peut contenir douze cents per-
sonnes. Une excellente troupe française doit y donner des représenta-
tions cet hiver.
^*^ Le tliéâù'e allemand, passage de l'Opéra, rouvre ses portes samedi
1T courant, par un Amour illicite, de Maser; V Heureux présage, de Béué-
dix, et Tout pour l'amour de l'art, également de Maser, avec musique de
Conradi. Keprésentations tous les soirs à 8 heures.
^*^ Un accident de chasse a failli coûter la vie à S. A. R. le duc
Ernest de Saxe-Cobourg-Gotha, le compositeur de Sainte Claire, de Dia?ie
de Solangcs, etc. Un cerf, qu'il était en train de forcer sur ses terres
en Moravie, s'est retourné et a grièvement blessé le prince. Il est heu-
reusement en voie de guérison aujourd'hui.
j,*^ Ernest Ueyer est de retour à Paris après avoir accompli la mis-
sion dont le gouvernement l'avait chargé. Nous lirons incessamment
dans le Moniteur les appréciations du savant compositeur sur l'état
de )a musique en Italie, en Allemagne, en Illyrie, Moravie et Hongrie,
qu'il vient de parcourir en observateur compétent. — Il est question
de monter, à l'Opéra, Erostrate, représenté à Bade il y a un an avec
un succès que nous avons été les premiers à constater. L'ouvrage se-
rait complété pour notre première scène lyrique et précéderait avan-
tageusement le ballet.
^*^ Berthelier est de retour à Paris. Liège était sa dernière étape ;
il y a donné une représentation au théâtre du Gymnase de ses deux
dernières créations, Jean Torgnole et l'Oiseau fait son nid. Son succès
a été des plus grands. On a bissé plusieurs couplets et on a rappelé
le joyeux artiste après chaque acte.
.j*.t M. Léopold Kotton, frère du pianiste , vient d'être attaché au
Théâtre-Lyrique en qualité d'accompagnateur.
,.j*, Joseph Eranck, de Liège, de retour de son brillant voyage en
334
REVUE Kl GAZETTE MUSICALE
Belgique et en Allemagne, recommencera ses cours et leçons particu-
lières de musique, piano et autres, le 3 novembre prochain.
**,., Ainsi que nous l'avons annoncé, dimanche prochain 23 octobre,
à 2 heures, au cirque Napoléon, réouverture des concerts populaires.
Voici le programme de cette première séance : ouverture de h-ométhée,
de Beethoven ; symphonie (u') 43) d'Haydn ; Galante, air de danse, de
Mozart ; h Songe d'une nuit d'été, de Mendelssohn (ouverture, appassio-
nato, scherzo, nocturne, marche). L'orchestre sera dirigé par iM. Pasde-
loup.
g,*^ La charmante partition d'Offenbach, les Bavards, vient d'obtenir
le plus grand succès à Francfort. Tous les morceaux ont été applaudis,
plusieurs bissés; les auteurs ont été rappelés à chaque acte. Breslaw,
Kœnigsberg, Hambourg, Dresde, montent dans ce moment cet ouvrage.
Enfin, le grand Opéra de Berlin, qui a déjà joué mainte partition d'Of-
fenbach, le Mariaije aux lanternes, Pepito, etc., va jouer à son tour les
Bavards.
**,j Thalberg est en ce moment à Leicester où il donne des séances
musicales qui ont un grand succès. Ces séances, organisées par SI. Ni-
cholson, ont pour exécutants, outre le célèbre pianiste, Vieuxtemps,
Ascher, Reichardt, Ferranti, Mlle Carlotta Patti et Mme Iluddart.
„** Mme .Madeleine Graever vient de nous quitter. L'éminente pianiste
est partie pour Bruxelles, et de là elle est appelée par de beaux engage-
ments en Hollande, à Copenhague et à Stockholm.
^'^ L'organiste Lasser, qui passait pour être le dernier descendant
d'Orlando Lasso, vient de mourir à l'âge de quatre-vingt-deux ans, à
Munich.
^,*^ On a célébré mardi de cette semaine, à l'église de Notre-Dame
de Lorette, le mariage de M. Louis Messemaeckers, pianiste composi-
teur, avec Mlle Mathilde Thomas.
,(*,s Mlle Jlarie Ferez, professeur de piano au Conservatoire de Mar-
seille, a profité des yacances pour venir pour quelques semaines à
Paris, afin de connaître et entendre nos célébrités artistiques. L'accueil
flatteur que reçoit partout la jeune et brillante pianiste, et le succès
qu'obtient son talent, l'obligeront à revenir à Paris dans le courant de
l'hiver pour faire apprécier dans un de nos grands concerts les rares
qualités de son jeu classique et élégant à la fois. Le public parisien ra-
tifierj. certainement alors l'opinion émise par nos professeurs les plus
éminents sur la valeur du talent de Mlle Verez.
^*j. Le comité de l'Association de secours mutuels des artistes dra-
matiques s'occupe activement de l'organisation d'une brillante représen-
tation qui doit avoir lieu le 27 de ce mois, avec le concours des artis-
tes de la Comédie-Française, et de Samson dans le rôle du bourgeois
gentilhomme. Animé des plus généreuses intentions à l'égard de cette
Association, S. Exe. M. le comte Bacciochi, surintendant général des
théâtres, a daigné autoriser les théâtres impériaux à prêter leur con-
cours à la représentation. MM. de Leuven et Ritt se sont empressés de
mettre à sa disposition la salle du théâtre impérial de l'Opéra-Comique.
^*^ Le célèbre tromboniste Nabich est en ce moment à Boulogne, où
il donne des concerts fort suivis; celui qui était annoncé le 14, au
théâtre, avait attiré une nombreuse assemblée, qui l'a chaleureusement
applaudi et rappelé plusieurs fois. Ce n'est pas, du reste, la première
fois que nous parlons de l'immense talent de M. Nabich sur un instru-
ment ingrat, dont il est incroyable qu'il ait pu se rendre maître à ce
point; toute la presse musicale a été à cet égard d'un avis unanime.
i*. On nous écrit de Bruxelles qu'on y a fêté la rentrée d'un com-
positeur et pianiste distingué, M. Martin Lazare, élève de M. Fétis, de
Zimmerman et d'Ad. Adam, auteur d'œuvres fort appréciées et qui lui
ont valu plusieurs distinctions honorables. Après un séjour prolongé en
Amérique et en Angleterre, il est revenu se fixer en Belgique, où il est
né et où il compte bien faire entendre ses productions, au nombre des-
quelles le Roi de Bohême, opéra en trois actes, a obtenu au grand con-
cours de Hollande la médaille d'or, et la Marguerite au rouet et l'Âtalante
sont devenues populaires à Londres.
,f'^ L'Ecole complète du piano, tel est le titre d'une publication des
plus utiles qui est faite en ce moment par M. Patrice Valentin. Cette
nouvelle méthode d'enseignement est divisée en plusieurs livres et part
des principes les plus faciles. Ainsi le premier livre peut se jouer sans
que l'élève sache encore faire la gamme; le deuxième, également facile,
donne le passage des doigts pour les petites mains, et progressivement
on arrive sans s'en apercevoir à la difficulté. L'ouvrage contient en outre
des études à quatre mains, faisant suite aux précédentes et destinées â
familiariser l'élève avec la musique d'ensemble. Les unes et les autres
sont d'ailleurs chantantes et remplies de traits consciencieusement doig-
tés. Aussi VEcole complète du piano se trouve-t-elle déjà entre les mains
de nombreux élèves, désireux de faire de rapides progrès.
,„*:j ,11 va paraître incessamment une traduction en espagnol de VAbé-
cédaire vocal de H. Panofka. Nous avons à plusieurs reprises constaté le
mérite de cet ouvrage élémentaire, essentiellement pratique et si utile
à ceux qui veulent étudier rationnellement l'art du chant.
„,■*„ Le célèbre chef d'orchestre Jullien a laissé un fils qui marche sur
les traces de son père; on écrit de Londres qu'il organise au théâtre de
Sa Majesté des concerts analogues aux concerts fondés par Musard à
Paris. Ils doivent commencer le 7 novembre et se continuer jusqu'à la
fin de décembre, époque à laquelle commenceront les représentations
de l'opéra anglais à ce théâtre.
»** Dans le feuilleton du Constitutionnel de dimanche dernier, M.Er-
nest Lépine, chef du cabinet de S. Exe. le président du Corps législatif,
propose un projet d'auditions périodiques des œuvres musicales des ar-
tistes vivants. Ce serait le complément nécessaire de l'exposition uni-
verselle qui doit avoir lieu en 1867. L'auteur du projet, qui est un
homme de beaucoup d'esprit, sollicite l'examen et la discussion pour
ses idées; nous nous ferons un devoir et un plaisir de répondre à son
appel.
^*,^ A l'époque de la rentrée des classes au Conservatoire et dans
tous les établissements où la musique est l'objet d'un enseignement sé-
rieux, on ne saurait trop rappeler les ouvrages d'un maître dont la vie
presque entière fut consacrée au professorat. Nul autre plus que Pan-
seron n'y porta d'activité, d'intelligence et de talent ; nul autre n'em-
brassa plus complètement l'art dans tous ses degrés, depuis l'A B C, de-
puis les solfèges de tous genres, jusqu'aux sommités de l'harmonie. Le
simple catalogue de ses œuvres ressemble à une encyclopédie musi-
cale, où les élèves trouvent sans peine tout ce qui est nécessaire à
leur éducation.
^*„. Si nnn e vero e ben trovato. Sous la qualification de Télégraphie mu-
sicale, un Américain, M. C. P. Hachenberg, décrit dans un journal de
son pays une invention merveilleuse, selon son expression. « Je me suis
proposé, dit ce génie, de doter chaque maison de conduites électriques
qui, de même que les conduites d'eau et de gaz y amènent l'eau et le
gaz, mettront à la diposition de ses habitants, de la musique. J'établirai
au centre de la ville ma fabrique de musique : elle consistera en un
piano, comme machine, et en un pianiste de force et de talent, qui
fera mouvoir la machine. — Chaque personne qui s'abonnera chez moi
à la distribution de la musique, recevra un piano qui sera relié au
piano-machine au moyen de fils électriques, de manière que si mon
pianiste, qui sera choisi parmi les virtuoses d'élite, joue, par exemple,
l'ouverture de Don Juan, avec tout le prestige de son talent et le sen-
timent le plus attendrissant, tous les pianos, qui sont en rapport avec
l'instrument central, rediront la même œuvre de la même manière et
avec les mêmes nuances. Il dépendra de la participation des habitants
que le piano-machine fonctionne jour et nuit, et il suffira de tour-
ner un robinet adapté au piano, pour que les mélodies les plus suaves
et les plus variées retentissent sans interruption. »
^*^ Nous appelons l'attention de nos lecteurs sur la nouvelle publi-
cation de M. Valiquet, les Flcurs de la danse, qui viennent de paraître
chez les éditeurs Bii.\ndus et Dufodr. Le succès extraordinaire qui a
accueilli la Moisson d'or, du même auteur, l'a engagé à publier de la
même manière les plus jolis quadrilles, valses, polkas, galops, schottischs,
composés par les maîtres en ce genre, et arrangés pour les petites
mains. C'est un recueil très-intéressant, bien choisi et admirablement
doigté. Non-seulement il sera la plus agréable récréation des enfants
qui étudient le piano, mais il deviendra l'indispensable des soirées
d'hiver, en offrant aux jeunes personnes, même peu avancées sur le
piano, aux maîtresses de maison un charmant répertoire très-facile, au
moyen duquel elles pourront à première vue, faire danser leurs amies.
,t*4 Le succès qu'a obtenu, auprès des lecteurs de la Gazette musicale,
l'étude qu'y a donnée notre collaborateur Arthur Pougin sur le compo-
siteur Floquet, l'a décidé à la publier en brochure. Cette curieuse
biographie d'un musicien peu connu sera certainement lue avec le plus
grand intérêt par tous ceux qui s'occupent de l'art musical.
,t*ai Le besoin d'un nouveau journal de théâtre se faisait sentir, à ce
qu'il parait, en Allemagne. Pour combler cette lacune, un M. Koffka,
rédacteur de la Gazette de Manheim, vient de fonder la Gazette des théâ-
tres de l'Allemagne méridionale.
^*,^ Le chevalier de Stainhauser publie également, pour l'année 1864,
l'Annuaire du théâtre de l'Opéra de la cour.
**,t. Le concert des Champs Elysées annonce pour aujourd'hui di-
manche son avant-dernière matinée musicale. L'orchestre, sous la di-
rection de M. Gobert, exécutera l'ouverture de Sémiramis, la marche
des soldats, de Faust, l'ouverture du Cheval de bronze, la Danse napoli-
taine, de Lefébure-Wély, et la fantaisie sur Rigolctto. M. Demersseman
jouera un solo de flûte. Le concert des Champs-Elysées est, chaque di-
manche, le véritable point de réunion du dilettantisme parisien.
,j% Afin de convaincre sans réplique les contradicteurs et les incré-
dules, Nadar donne aujourd'hui au Champ de Mars la double épreuve
de la force ascensionnelle et de la grandeur de son ballon le Géant. Elle
consistera 1° dans une première ascension captive avec chargement com-
plet de voyageurs ; 2" dans le gonflement et le départ libre simultané
d'un second ballon, celui des grandes fêtes officielles.
^'■'.^ M. Damoreau, mari de la célèbre cantatrice que nous avons per-
due il y a sept mois, et ancien artiste lyrique, est mort samedi der-
nier, à Ecouen, à l'âge de soixante-dix ans.
DE PARIS.
336
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
»*» Marseille. — C'est l'opéra-coraique qui règne à noire grand théâtre.
Les Diamants de la couronne avec M. Dufrene et Mme Gaso et Hayiée
ont été revus avec un grand plaisir. — La reprise do Lucie avec Mlle Mo-
reau et Morère a été le fait capital de la semaine, si l'on en excepte
pourtant la chute éclatante d'un nouveau ballet de M. Wonplaisir, inti-
tulé la Dut Je Teresilla, véritable pasquinade indigne d'une scène de
premier ordre. Par compensation, on attend une charmante danseuse,
Mlle Pitteri, qui se rend à iMilan, où elle est engagée au théâtre de la
Scala, et qui nous donnera k son passage ici quelques représentations.
— La direction nous annonce que le Prophète et le Pardon de Ploërmel sont
mis à l'étude, et que nous aurons successivement, comme nouveautés,
Lalla-Roukh, Faust, la Part du Diable, le comte Orij, le Philtre, etc.
^*^ Nice. — iVotre théâtre impérial italien a rouvert ses portes sa-
medi 10 par ^Ȕ(a, de Verdi. Mme Franchi-Capello, MU. Di Bcnedetto,
Coliva et Segri-Segara y ont fait leurs débuts et, chacun dans son
genre, avec succès. — Deux jours après, la Cenerentola a servi de dé-
buts à M. Cantoni, ténor léger, et Mlle Carolina Ferni, MM. Ronconi et
Varesi y ont fait leur rentrée. La représentation a marché avec un en-
semble admirable. M. Cantoni est un chanteur de la bonne école;
quant à Mlle Ferni et à ses partenaires, ils ont reçu du public un ac-
cueil qui leur a prouvé tout le plaisir qu'il avait à les revoir.
CH.RONIQUE ÉTRANGÈRE.
,j*,, Bruxelles. — Le théâtre de la Monnaie vient de reprendre les
Noces de Figaro, devant une salle comble et avec un succès complet,
Mme Mayer-Boulart y a reparu dans le rôle de Suzanne, qu'elle avait
créé il y a deux ans de la manière la plus heureuse ; Mme de
.Maesen l'a secondée de son mieux ; Mlle Faivre a prêté beaucoup de
gentillesse au petit page; Meillet, qui avait créé le rôle de Figaro à
Paris, l'a joué et chanté avec beaucoup de verve; M. Bryon montre de
la distinolion dans le personnage du comte, et Aujac est un excellent
Basile. — On annonce la prochaine arrivée d'une danseuse russe qui
a de la réputation, Mlle Friedberg, engagée pour le ballet.
„,*„ Francfort. — Au premier concert du musée, on a entendu la
huitième symphonie de Beethoven; la lempête, motet par Haydn; Mes-
sage du printemps, de M. Gade, composition pleine de fraîcheur et de
charme. Le lied populaire si connu, « Le ciel le veut, et rien n'y fait «,
(Es ist beslimmt, etc.), mis en musique par Sc.humann, a été bissé. Un
fort bon violoniste, M. Komperlé, a joué un concerto de Spohr. L'ou-
verture d'IIamlet, par Gade, a terminé la soirée.
^*.^, Gotha. — Le pianiste de la cour, M. Léopold Brassin, a inauguré
la saison par un concert où il a joué divers morceaux : on a surtout
applaudi la sonate pour piano et violon, de Beethoven ; la partie du
violon était tenue par Gottschalk.
„*,t Berlin. — L'orchestre nouvellement créé par M. Karlberg a
donné le premier des six concerts annoncés pour le courant de la
saison. Les débuts de cette nouvelle institution musicale ont été
très-heureux. La polonaise de Strucnsée et l'ouverture d'Obéron ont été
convenablement rendus. L'exécution de la ballade inédite, la Fille du roi
des Aulnes, pour orchestre, chœurs et solo, par Oade, a laissé beaucoup
à désirer; il est vrai que c'est une musique raffinée, qui abonde en
modulations et en nuances délicates et souvent presque imiierceptibles.
Nous ayons entendu une autre nouveauté dans cette séance, l'ouverture
de Vincta, opéra de M. Wiierst. — L'opéra de Wicolaï, les Joyeuses com-
mères de ]Vindsor, a été donné au théâtre royal avec une nouvelle dis-
tribution de rôles ; la première représentation remonte à 1849, année
de la mort du compositeur. Le premier acte est le meilleur, puis l'In-
térêt va toujours en s'atTaiblissant ; néanmoins la pièce a été bien ac-
cueillie , grâce surtout à la verve et à l'entrain de Mlle Lucca. —
Mme Koester, à titre de membre honoraire de l'opéra royal, doit don-
ner une série de représentations.— Incessamment la première de l'opéra
de Schmidt : la Piéole.
^*.j, Nuremberg. — La saison de l'opéra vient d'être brillamment inau-
gurée par une fort bonne représentation des Huguenots. Salle comble,
succès d'enthousiasme.
„,** Dresde. — On a donné pour la première fois, au théâtre de la
cour, OEdifie à Colonr, traduit par Donner, avec la musique de Men-
delssohn.
.„*.t, Luberk. — Un compositeur suédois vient de faire représenter ici
un opéra sans paroles, le Dernier jour de Pompm'a, dont il a pris le su-
jet dans le roman de Bulwer.
,t*a, Leipzig. — Le 8 oclobre a eu lieu le premier concert du Geivand-
haits. Mme Parepa, de Londres, y a chanté de sa belle voix pleine de
charme et d'une rare étendue, un air de Judas Machabée, de Haendel,
et un air de la Création, de Haydn.
„** Vienîie, — Lundi 12 octobre, le théâtre de l'opéra de la cour a
repris, après dix ans, les Mousquetaires de la reine, opéra d'Halévy, avec
une distribution de rôles entièrement nouvelle. — Dans le courant de
cette saison sera mis à la scène : Concino Concini, opéra nouveau de
M. Loewe, de Vienne, M. Salvi se propose de faire jouer désormais
tous les ans un opéra nouveau écrit par un compositeur viennois. — La
Société des amis de la musique annonce pour la saison six concerts,
où sera exécutée, entre autres, la musique de Faust, par Schumann,
avec le concours do M. Stockhausen. — Le célèbre ténor Erl a célébré,
le 9 octobre, le vingt-cinquième anniversaire de son entrée au théâtre
de la cour. Né à Vienne en 1811, Joseph Erl commença par être en-
fant de choeur; de 1828 à 1834, il chanta dans les chœurs du théâtre
de la cour. Après avoir pris des leçons de Cicimara, il obtint un en-
gagement à Pesth; plus tard, on le retrouve an théâtre Josephstadt, à
Vienne; puis au théâtre VVilhelmstadt, à Berlin. Depuss 1838 il appar-
tenait au Kaernthner-Thor-Theater. La fêto a été des plus brillantes.
Dès son apparition sur la scène, Erl fut salué de longs applaudisse-
ments : une couronne de laurier tomba à ses pieds ; â la fin du spec-
tacle ses camarades lui ont offert une magnifique coupe en argent sur
laquelle sont gravés les titres de tous les opéras de son répertoire.
^^''.j, Milan. — On vient de mettre en répétition un opéra nouveau,
1 Profughi Fiamminghi, d'un jeune compositeur, il signer Faccio, qu'on
dit être un talent de premier ordre. Cet ouvrage sera interprété par
Mmes Palraieri et Corani, MM. Prudenza. Cotogni, Capponi et Ales-
sandrini. La première représentation pourra avoir lieu vers le 10 no-
vembre.
.j,*^ Florence. — La commission du concours Basevi, réunie pour dé-
cerner les prix, a jugé que le premier prix devait être divisé entre le
professeur J.-B. Croff, de Milan, et le maestro Hector Fiori, de Li-
vourne. Il n'y a pas eu lieu à accorder de second pi'ix. Une mention
honorable a été obtenue par le professeur Francesco Anichini. Kous
savons que le professeur Basevi ouvrira l'année prochaine un autre
concours de quatuors auquel pourront prendre part non-seulement les
Italiens, mais encore les étrangers ; il y aura deux prix et des mentions
honorables. Le premier prix sera de 400 fr., et le second de 200 fr.
,f*^ Rome. — Le succès de Roberto il Diavolo grandit chaque soirée
Limberti, plus maître de lui, a pu y déployer tous ses moyens et il
est applaudi et acclamé avec enthousiasme ; Junca et Mm Carozzi-
Zucchi sont fêtés après chacun de leurs morceaux ; Mmes Monti et
Gennari complètent un excellent ensemble.
„,*,, Barcelone. — La réouverture du théâtre du Licoo s'est faite le 3
par i'opéray one de Petrella. Quoique ayant eu un succès mérité en Italie,
et peut-être parce qu'il n'a pas été bien compris à une première audi-
tion, cet ouvrage a été assez froidement accueilli. Aussi le contraste
a-t-il été grand, lorsque le 5 a eu lieu la représentation de Norma,
pour la première apparition de Mme Emy Lagrua. Précédée de la
réputation qu'elle s'est faite par ses brillants succès en Amérique, en
Russie et en dernier lieu à Turin, la célèbre cantatrice n'avait pas fini
la cavatine de Casta diva que déjà elle avait tout justifié et con-
quis notre public, lequel pourtant ne se laisse pas facilement séduire.
Mais le 7, à la deuxième représentation, Negrini ayant pris le rôle
de PoUione, que Lambelli chantait à la première, Mme Lagrua s'est
surpassée, et nous pouvons dire qu'elle a transporté la salle, liappelée
deux fois après sa cavatine, son grand duo avec Pollione, dans lequel
Negrini a été admirable, a soulevé des applaudissements frénétiques, et,
après le finale, les deux grands artistes ont dû reparaître cinq fois.
C'est pour .Mme Lagrua une ovation d'autant plus flatteuse qu'on n'en
est pas prodigue chez nous. Bremond, dans le rôle d'Orovèse, l'a di-
gnement secondée.— Pour la .semaine prochaine on annonce Sa[[u, l'une
des belles créations de la célèbre prima donna.
Chez a. filiANDUS et S. DUFOUR, éditeurs, lOÔ, rue Richelieu, ait /".
LES DÈLASSERflENTS DE L'ÉTUDE. St;
cent mélodies et airs favoris des opéras célèbres, arrangés pour va«-
lon, fliitc, rornnt, clarinette, bRi-iuouSum, Hu^ïoitlione,
divisés en quatre suites.
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1 Les Bavards ^ûlse.
8 Polka des Enfants PoiAs.
9 Rose de Juin jPoJlca-Mazuria.
10 Redowatslca. .... Rèdowa
4eSERlE:
16 Les Lanciers QuaàrUle.
■ ChaqueN. ^.Aurora Valse.
' 18 les Horloges delaForêt-Noire . . Pollâ.
Les Q uadrilles f 9 La Berbère des Alpes ... . Ae'dofira.
4'. 00 20 Champagne ûa/o/>.
3? SERIE:
11 Les Dragons de Villars . . . Quadrille.
12 Les Chants duDanube Valse.
13 Jenny Lind Polka.
14 Le Trompette de Spatis .Schottisch. ^
is Express -IVain ffalop.
5? SÉRIE:
21 Le Gothique Quadrille.
22 Les Etoiles du Soir Valse.
23 La Ronde du Brêsilieii Polka.
2+ Rédowa de Wallerstein .... Rédo tva.
2S LEtoile du î^ord PoI^a-MazurJca.
PAR] S
G.BRANDUS &• S.DUFOUREdit^^rueRichelieu.lOS.aur
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30« Année.
IVo 43.
ON S'ABONNE I
Dans tes Dtipartcments et à l'Étranger, chez tous
les Marchands de Kusique, les Libraires, et aux
Purcaux des Mcssogerics et des Postes.
REVUE
2!> Octobre 1803.
PRIS DE L'ABONNEMENT:
Paris 21fr.par8
Départements, Belgique et Suisse. ... 30 o id>
Étranger ■■■ M " 'â-
Le Journal paraît le Diiuunche,
ES
GAZETTE MUSICALE
VUUVWJlTlAAA^-
SOMMAIRE . — Théâtre impérial de l'Opéra-Comique : reprise du Domino noir ;
M. Léon Achard et Mlle Cico, par I^éon Dnrocher. — Théâtre impérial
italien: Mme de la Grange et Nieolini dans Rigoletto, par Paul Smith. —
La guerre de cent ans des organistes, clavecinistes et des maîtres k danser
du royaume de France, 1680-l772i (2° article], par Em. Uathîen de
Hanter, — Revue des théâtres, par D. A. D. Saint-Yves. — Nouvelles
et annonces.
THÉÂTRE mPEBIÂL DE L'OPERJL-COffllOUE.
Reprise da JOou%ino ttoit*. — H. liéon Acbard. —
HUe Cleo.
En attendant la Fiancée du roi de Garbe, dernier né de cette nom -
breuse et charmante famille qui a dû le jour à l'heureux mariage de
Scribe et d'Auber, l'Opéra-Comique vient de remettre en scène le
Domino noir.
Il n'y a pas longtemps, à la vérité, qu'il avait di.=paru du réper-
toirei et l'on peut tenir pour certain qu'il ne subira jamais que des
éclipses momentanées , de courtes occultations. C'est comme ces
constellations qui, chaque année, disparaissent à l'occident, pour
remplir bientôt après de leur éclat inaltérable la région opposée du
ciel. Le Domino noir est, en effet, un des astres les plus brillants
qui se soient jamais levés à Diorizon de l'Opéra-Comique. C'est un
des chefs-d'œuvre du genre : c'en est peut-être le plus parfait mo-
dèle. Quelle donnée ingénieuse et piquante ! Quelle richesse d'imagi-
nation et quelle habileté magistrale dans la conduite des événements,
dans l'agencement des scènes ! Quel intérêt vit et palpite dans ces
trois actes, depuis le lever du rideau jusqu'au dénoûment! Que
d'esprit et de grâce dans le dialogue!
Et le musicien s'est maintenu jusqu'au bout au niveau du poëte.
Y a-t-il à l'Opéra-Comique une partition où vous trouviez plus d'i-
dées mélodiques, plus d'élégance, plus de charme, des harmonies
plus fines et plus distinguées, des accompagnements plus piquants, un
coloris plus frais et plus vif? Voilà vingt-six ans qu'on joue le Do-
mino noir, et depuis vingt-six ans cette œuvre merveilleuse n'a pas
encore été égalée.
C'est dans le rôle d'Angèle, si notre mémoire n'est pas en défaut,
que Mlle Cico a fait son premier début au sortir du Conservatoire.
Elle y est aujourd'hui telle, à peu près, qu'elle était alors, charmante
de visage, élégante dans toute sa personne, jouant avec convenance,
chantant avec une facilité correcte, et faisant regretter parfois que
la nature ne lui ait pas donné plus d'entraînement, de chaleur, de
passion.
Le rôle d'Horace a été écrit pour M. Couderc, dont la voix avait
déjà perdu l'étendue et le timbre sonore qui avaient donné tant d'é-
clat à ses débuts. C'est un rôle de comédien plutôt que de chanteur.
M. Léon Achard, qui est plutôt chanteur que comédien , n'y trouve
guère l'occasion de briller par les qualités qui lui sont propres. Il
n'a pourtant pas jugé nécessaire de faire imprimer sur l'affiche,
comme on vient de lui en donner l'exemple sur un théâtre voisin,
qu'il jouait ce rôle par complaisance. Il faut le louer de ce bon goiît
et de cette modestie. Il s'est borné, en artiste sincère et conscien-
cieux qu'il est, à faire tout justement ce qu'il fallait faire, à être, du
commencement à la fin, le jeune homme ardent, quoique timide, et
naïvement passionné qu'a imaginé Scribe. Il a rendu les situations
avec intelligence, avec chaleur. Il a fait valoir la grâce spirituelle du
dialogue. Bref, il a réussi, et nous joignons avec un plaisir extrême
nos applaudissements à ceux du public.
LÉON DUROCHER.
THÉÂTRE mPÉRIÂL ITÂUEN.
nme de la erange et Kricollnl dans Higoielto,
Le vœu que nous exprimions dimanche matin s'est réalisé le soir
même. Mme de la Grange, qui la veille encore chantait le rôle
de Violetta, un peu étroit pour sa large envergure de cantatrice
et d'actrice, en venait à celui de Gilda, où elle devait prendre un
libre essor. En effet, nous l'y avons vue et entendue telle que nous
la vantaient tous les échos du monde musical, telle que l'Italie, la
Hongrie, l'Amérique, l'Espagne, l'annonçaient à la France. Outre l'art
du chant, dont elle est souveraine maîtresse, elle a déployé cette
chaleur, cette force, ces élans de passion qui n'appartiennent qu'aux
grandes artistes, et dont l'action s'exerce irrésistiblement. Au second
acte, elle avait enjolivé, brodé avec un goût exquis l'air charmant
que murmure à demi-voix Gilda en remontant l'escalier ; mais à
l'acte suivant, dans le duo qu'elle chante avec son père, elle s'est
élevée à l'accent tragique, à l'expression vive, éloquente. Dans le
quatuor du quatrième acte, elle a été plus admirable encore, et les
bravos de la salle entière le lui ont prouvé. Seulement, il faut le
dire, sa voix, sa douleur, ont quelque chose de trop vigoureux, de
trop marqué pour le caractère du rôle. Ce n'est plus le désespoir de
la jeune fille, mais celui de la femme trompée, trahie indignement :
338
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Gilda disparaît et dona Anna prend sa place. Nous faisons une obser-
vation et non une critique ; beaucoup de gens trouveront d'ailleurs
qu'ils ne perdent pas au change.
Le jeune Nicolini faisait son second début dans le rôle du duc de
Mantoue, et, comme Mme de la Grange, il y trouvait une meilleure
chance que dans la Traviata. On se plaint si souvent de la préten-
due rareté des ténors ; on reproche si souvent au Conservatoire de
ne pas produire assez de chanteurs pour la consommation nationale,
qu'il est bien juste de mettre en ligne de compte ceux qui émigrent
à l'étranger. Est-ce que, par hasard, nous ne saurions pas employer
nos propres élèves? En voilà un qui nous revient, comme Duprez
dans son temps, et qui, sans égaler le grand maître, nous rapporte
un fort joli talent, formé d'abord à notre école. M. Nicolas (qui, par
parenthèse, a débuté sous la direction de M. Emile Perrin, et nulle-
ment dans les Trois Nicolas) avait pour professeur M. JMasset; il ne
chantait déjà pas mal lors de ses débuts, et pourtant on l'a dédai-
gné, laissé partir : à qui la faute? 11 en a été de même de Gassier,
d'Everardi, et de bien d'autres, qui sont devenus prophètes en d'au-
tres lieux que Paris. Certainement M. Nicolini ne saurait être com-
paré à Mario, le meilleur des ducs de Mantoue, mais il a fort bien
dit sa chansonnette : La donna è mobile, que les ténors étrangers
s'obstinent à chanter dans la tenue agréable d'un sergent à la pa-
rade, la tête droite et les bras tendus. Il a parfaitement exécuté
sa partie du quatuor : il y a mis cette morbidesse, ce sensualisme
ardent que le morceau demande, et l'on a pu y juger les heureuses
qualités de sa voix.
Délie Sedie a repris possession du rôle de Rigoletto, avec les hon-
neurs que son double talent mérite. Donc, il n'a qu'à se louer de
sa rentrée dans l'emploi de fou royal ou ducal. Bouché, l'ancienne
basse-taille de notre grand Opéra, et Mme Demeric-Lablache, au nom
doublement célèbre, ont droit à nos remercîments pour s'être mo-
mentanément résignés aux rôles de Sparafucile et de Maddalena, en
attendant un début sérieux et personnel.
Paul SMITH.
LÀ GUERRE DE CENT MS
« DES ORGANISTES , CLAVESSINISTES ET DES MAITRES A DANÇER »
Bd royaume de France.
1680-177/1.
{2« article) (l).
IV.
Cet édifice de concorde, élevé au prix des luttes du passé, fut
brusquement renversé par un artiste célèbre, le Piémontais Jean-
Pierre Guignon. Maître de violon du dauphin , compositeur distingué
de sonates et de morceaux d'ensemble, rival de Leclair pour l'agi-
jité et la pureté de l'exécution, fort en vogue à Trianon et à Marly,
Guignon aspira à faire revivre en sa faveur un titre mort et presque
oublié depuis près d'un demi-siècle : celui de roi des violons. Louis XV
lui conféra celte dignité « afin — disent les lettres patentes — de
faire revivre un office si nécessaire au rétablissement du bon ordre
compromis par la mauvaise administration des jurés de la commu-
nauté. » Guignon le Bienvenu, acclamé, la messe dite en l'église de
Saint-Julien, par les jurés, les maîtres, confrères et apprentis de la
corporation ménétrière, crut devoir signaler la sagesse de son gou-
vernement, et rétablir le bon ordre, en signant un décret qui plaçait,
bonnement et simplement, tous lesmusieiens du royaume sous sa ju-
ridiction.
(1) Voir le n" 42.
Un des caractères les plus saillants de la lutte que nous essayons
de raconter, c'est que les parties adverses ne rompent pas, même
quand elles échouent dans leur but principal. Elles dissimulent leur
échec et font retraite en bon ordre, pour revenir bientôt à la charge.
Jamais elles ne mettent le marché aux choses, en disant : tout ou
rien ! Leur propre est de ne point casser, même aux plus dures ren-
contres, de feindre, d'attendre, de se contenir, d'avancer lentement,
et de ne pas jeter, comme on dit, le manche après la cognée.
Devant l'envahissement de territoire du roi Guignon, les organistes
courent aux armes, jaloux de renouveler les prouesses des grands
jours de la « rivalité ». Ils se retranchent, comme dans une forte-
resse, derrière leurs droits indiscutables : déclaration de 1692, arrêts
de 1695, lettres patentes de 1707. Landrin, Calvières et Daquin, de
'a chapelle du roi, commandent cette vaillante armée. Il y a là les
organistes de Saint-Séverin, de Sainte-Geneviève, de Saint-Etienne
du-Mont, de Saint-Merry, de Saint-Eustache, de Saint-Jacques la Bou-
cherie, de la Pitié, de Sainte-Marie-Madeleine, de Notre-Dame de
Bonne-Nouvelle, des Jacobins de la rue Saint-Honoré et de la rue
Saint-Jacques, de la Charité, de Saint-Germain l'Auxerrois, de Saint-
Martin, des Théatins, des Petits-Pères, de Saint-Sauveur, Saint-Josse,
Saint-Leu , Saint-Lazare , Saint-Louis en l'Isle , Saint-Esprit , Saint-
Jacques du Haut-Pas, Saint-Nicolas du Chardonnet, Saint-Médard, où
Louis XV venait de défendre à Dieu et aux convulsionnaires de faire
des miracles. Armand-Louis Couperin, organiste de Saint-Gervais,
représente sa glorieuse famille, et marche au premier rang. Un bril-
lant état-major se forme. On y remarque René Drouart du Bousset,
maître de musique de l'Académie des sciences et inscriptions;
Charles-François Le Tourneur, maître de clavecin de la dauphine et
des enfants de France ; André Chéron, maître de musique de l'Opéra ;
Marin, Denis de Lair, Claude de la Porte, musiciens distingués. La
province elle-même, si indolente d'ordinaire, si indifférente , si éloi-
gnée de ce qui passionne la capitale, la province apporte bravement
son contingent aux cadres de la résistance. Saint-Denis, Versailles,
Saint-Cyr, Saint-Cloud, Melun , Caen , Reims , Orléans, Poitiers, An-
goulême, Bordeaux, Strasbourg, etc., délèguent leurs principaux or-
ganistes. Aux bannières de cette armée musicale brillent les effigies
des plus grands saints du paradis et les vocables des principales
églises du royaume. Enfin, et de toutes les recrues la plus intéres-
sante, les locataires des ménétriers, les pères de la doctrine, qui oc-
cupaient les dépendances de Saint-Julien, se rangent parmi les exaltés
et les plus téméraires, semblables à ces moines cuirassés et morion-
nés de la Ligue, dont les arquebuses tiraient si juste , et dont les
épées tranchaient si dru !
<( Étrange guerre que celle-là ! — dit une brochure contemporaine
de cette levée de boucliers. — Il s'éleva des discussions qui trou-
blèrent la concorde du sacerdoce et de l'empire, et l'on vit, ô vanité
des choses humaines 1 des religieux et des ménétriers , respirant le
même air, logeant sous le même toit, se reprocher amèrement des
usurpations réciproques. »
Le siège commençait. Assiégeants et assiégés se bombardaient de
pamphlets, de mémoires et de plaidoiries. L'écrivaillerie est le symp-
tôme des siècles débordés et des procès que la mauvaise foi en-
gendre.
« — Joueurs d'orgue et de clavecin ! — s'écriaient les ménétriers,
— vous n'êtes pas d'une essence supérieure à la nôtre. Pourquoi
prendre avec nous des airs de supériorité ? N'avez-vous pas été cons-
tamment asservis aux lois de saint Julien? »
« — Notre force, — répondaient les organistes, — est basée sur
les monuments précieux dont nous sommes redevables à la bonté
protectrice des rois. Est-il nécessaire d'ajouter que nous n'avons ja-
mais appartenu à votre compagnie, que nous n'avons jamais été
convoqués à ses assemblées, ni compris dans ses cotisations? »
Repoussés sur ce point, les danseurs, munis d'engins nouveaux,
w
DE PARIS.
339
escaladaient la place. « Nous n'attachons, — répliquaient- ils, — au-
cune importance aux titres dont vous êtes si fiers, et nous passons
outre. Comme notre roi ne peut être présent dans toutes les villes du
royaume, il vient de lui être accordé le droit de nommer des lieu-
tenants de province. Invoquez donc vos droits ! Nous empêchent-ils
de prélever nos revenus sur vos terres ? »
« — C'est là — s'écriaient les organistes — une source honteuse
d'exactions ! Pour payer leur charge, vos lieutenants vont violenter,
torturer les pauvres ménétriers de campagne. Ceux-ci seront forcés
d'augmenter le prix des danses, qui sont la seule joie des ha-
meaux... Vous compromettez ainsi le bien public... La cupidité
est insatiable. Vous en viendrez à persécuter tout malheureux ins-
trumentiste. Cors de chasse, trompettes, tambourins, cornemuses,
violes et guimbardes vont déserter la terre de France ! . . . »
« — Ce n'est rien encore , — poursuivaient imperturbablement les
danseurs. — Nous allons vous astreindre à faire preuve de capacité
devant les jurés de Saint-Julien. »
Grand émoi dans l'enceinte musicale ! La brèche était ouverte.
« Cela répugne à la pensée, — répondaient les organistes. — L'or-
gue, le plus noble des instruments, jugé par les pochettes ! L'har-
monie, la science, l'inspiration, appréciées par des malheureux qui
savent à peine jouer du violon sur un diminutif! n
Sensible à cette attaque, le roi Guignon ajoutait : « — Aucune
personne ne pourra jouer en pubUc d'un instrument, en requérant
salaire, ou donner des sérénades, sans avoir été initié à la commu-
nauté que je gouverne. »
Et les organistes de répliquer allègrement : « — Pouvons-nous pro-
mener de par les rues et donner des aubades aux belles avec nos
clavecins et nos orgues d'église ? »
« — Jouez-en donc tant qu'il vous plaira — continuaient les jurés
de Saint-Julien ; — mais si vous démontrez la pratique de tout autre
instrument, nous vous poursuivrons et nous vous ferons payer... les
violons! »
Les musiciens répondaient majestueusement : « Libres, nous som-
mes ; libres, nous demeurerons. Ce n'est pas notre faute si nos con-
naissances augmentent, et, partant, si le domaine de notre enseigne-
ment s'agrandit, tandis que vous restez stationnaires, vous trémous-
sant des bras et des jambes. Vous êtes inféodés à vos exercices de
corps ; vous êtes esclaves de vos statuts qui vous forcent, entre au-
tres conditions humiliantes, à servir tout le temps qu'on vous loue
pour les noces, les festins, les bals et les spectacles. Nous, composi-
teurs, organistes, clavecinistes, nous ne relevons que de notre génie,
et nous avons le droit de disposer de tous les instruments qui peuvent
traduire nos inspirations. Vous faites un travail manuel ; nous exer-
çons une profession intellectuelle. Grande est la distance qui nous
sépare! N'est il pas absurde de vouloir nous obliger à entrer dans
votre confrérie, à nous faire recevoir maîtres à danser ! Ce métier
est-il compatible avec notre profession que des prêtres, des gentils-
hommes s'honorent d'exercer?. . . Estimerait-on un art qui implique
la servilité de baladin ? » ,
Ces différentes phases de la lutte sont nettement accentuées. Les
héros de la « rivalité » se meuvent dans le grand jour que le soldat
d'Homère demandait aux dieux pour combattre. D'un côté, les mé-
nétriers attaquent sans trêve, sans tactique, sans but précis. De
l'autre, les musiciens se défendent froidement, prudemment, en mé-
nageant leurs forces. Ils ont des qualités qui sentent déjà le philoso-
phe. Ils intéressent, ils attachent vivement par leur polémique, même
lorsqu'on voit qu'ils sont de leur nature plus enclins à s'y surfaire
qu'à s'y oublier. Ils trouvent moyen de convaincre à la fois de leur
véracité et de leur jactance ; les fiertés de leur style nous rendent
bien celles de leurs personnes et de leur courage.
Les assauts continuaient. La place ne se rendait pas. Dans les pre-
miers jours de 1747, Guignon, lassé de l'opiniâtreté des organistes,
leur envoya des parlementaires porteurs d'un traité qui se résumait
ainsi :
» 1° — Oubli des grief mutuels.
» 2° — La communauté de Saint-Julien renonce à prélever une
redevance annuelle sur les organistes et clavecinistes.
» 3° — Comme gage de concorde et à titre de compensation, les
organistes et clavecinistes autorisent les maîtres de danse à ensei-
gner les instruments d'harmonie, violon, flûte, hautbois, etc. »
Les musiciens répondirent à ces propositions dérisoires, en adres-
sant au roi Guignon une copie des condamnations précédemment
encourues par les danseurs, pour avoir fait , soixante ans aupara-
vant, ce qu'ils réclamaient de nouveau comme un moyen de ter-
miner le différend. Mais Guignon n'avait employé cet expédient
que pour distraire l'attention de l'ennemi, gagner du temps, s'établir,
par de savantes contre-marches, dans une position plus forte, et
exercer ses troupes légères au maniement d'une arme de son pays,
perfectionnée par l'esprit français, une arme à trempe vigoureuse,
sous une forme séduisante, et dont Beaumarchais allait bientôt écrire
l'effrayante théorie : — la calomnie !
Obéissant au mot d'ordre de leur roi, les danseurs dirigeaient
contre les musiciens leurs pointes les plus acérées. Sous le
manteau de la cheminée des petits salons ovales, blanc et or, tout
adornés des mignardises de Boucher, près des clavecins aux touches
noires, enguirlandés de fleurs et de bergerades, les confrères de
Saint-Julien narraient, « avec des airs adorables, et des poses de dé-
licieux portrait, » la chronique scandaleuse du monde musical. La
caricature des organistes avait, naturellement, une teinte d'irré-
ligion ; et c'était si bien le goût du jour ! Un grain de libertinage
se glissait, non moins naturellement, dans la satire des professeurs
de musique ; et l'on aimait tant alors ces intrigues de boudoir et
d'alcôve ! Tout cela était dit, du reste, avec un esprit ! un charme !
un entrain ! La cour et la ville faisaient leurs délices de ces médi-
sances vipérines qui pénétraient partout, avec leurs auteurs. Les
filles de Louis XV elles-mêmes. Mesdames royales, un peu musi-
ciennes, un peu peintres, un peu légères, et fi fort commères et
chiffons, • au témoignage de leur père, enjolivaient à loisir les his-
toriettes de la rivalité, et les colportaient de Versailles à Paris.
Soit dédain de telles attaques, soit défaut de causticité, les orga-
nistes laissaient la calomnie s'écraser sous son propre poids. A peine
daignaient-ils parfois relever le gant, dans les discussions du café
Procope, du café de la Régence et du café de l'Arménien Pascal, au
quai de l'École — tavernes enfumées, où les artistes et les gens de
lettres se réunissaient, jugeaient les œuvres nouvelles et péroraient
bruyamment sur les bruits du jour. Notre pays a toujours produit les
meilleurs grenadiers pour prendre une redoute, et les meilleurs cau-
seurs pour enlever une méchanceté. Ces discussions n'avaient pas
toujours gardé un caractère pacifique. Les musiciens étaient presque
toujours battus par les vivacités et les intempérances de langage
de leurs adversaires. Us ne savaient pas mettre les rieurs de leur
côté, et, chaque jour, les brochuriers de Londres, les chansonniers
de Liège, les gazetiers de Hollande, les causeurs de Paris se pre-
naient à rouvrir à coups de flèches et d'épigrammes finement ai-
guisés, les blessures de leur amour-propre.
Em. Mathied de monter.
{La suite prochainement.)
340
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
BEVUE DES THÉÂTRES.
Théâtre-Français : Jean Baudnj, comédie en quatre actes et en
prose, par M. Aug. Vacquerie. — Odéon : Diane au bois, comédie
héroïque en deux actes et en vers, par M. Th. de Banville. —
Vaudeville : Reprise des Ressources de Quinola, comédie en cinq
actes, par H. de Balzac. — Variétés : les Voyages de la Vérité,
vaudeville fantastique en huit tableaux, par MM. Th. Cogniard et
Eug. Grange. — Porte-Saint-Martin : le Carnaval de ISaples,
drame en cinq actes et neuf tableaux, par M. Paul Fouché. —
Ambigu : l'Aieule, drame en six actes, par M. Ad. Dennery. —
Théâtre Déjazet : Simon Terre-Neuve, opérette en un acte, de
M. Colomb, musique de Fr. Barbiei ; rentrée de Mlle Déjazet dans
Gentil Bernard. — Réouverture du Théatreallemand, à la salle
Beethoven.
Jamais nous n'avons vu un pareil débordement, et M. Mathieu
(de la Drôme) ne l'avait pas prévu celui-là : aussi nous prend-il à
l'improviste. Tâchons donc de nous en tirer le plus lestement possi-
ble, ou nous courons le risque d'être noyé.
Qu'est-ce d'abord que le Jean Baudry des Français ? La question
n'est pas facile à débrouiller, et nous sommes quelque peu embar-
rassé d'asseoir une opinion sur l'œuvre nouvelle de l'auteur de Tra-
galdabas. Lui, le Séide de ce Mahomet, l'adorateur fanatique de ce
soleil couchant qu'on nomme Victor Hugo, a-t-il bien réfléchi, en
prenant la plume, à ce qu'il allait faire ? Rappelons-nous la thèse des
Misérables : instruisez le pauvre, dit le poëte ; répandez la lumière
dans les mansardes, dans les chaumières, dans les bouges même, et
il n'y a plus de 7nisérables, et le vice est supprimé. Eh bien ! c'est
précisément ce que fait Jean Baudry, et il en est, ma foi, bien ré-
compensé! Le brave homme sent, un jour, une main s'égarer dans
sa poche; il la saisit, et au lieu de la briser, comme le mari de
Gaëtana, il la serre affectueusement, interroge le propriétaire de cette
main, qui en est à ses débuts dans le métier, et, pour arracher celte
recrue à la grande armée de l'infamie, il se charge de l'avenir du
jeune Olivier, lui fait donner une excellente éducalion, et exerce en
un mot sur lui tous les droits, tous les devoirs de la paternité. L'ap-
prenti filou , en grandissant , mord à la science , comme le veut
M. Victor Hugo, et alors qu'arrive -t-il ? Jean Baudry est à la veille
de reconstituer la fortune compromise d'un ami, en épousant sa fille,
qui consent à ce mariage. Mais Olivier est amoureux de Mlle Andrée
Bruel ; et en apprenant que son bienfaiteur va la lui enlever, il sent
bouillonner en lui ses mauvais instincts d'autrefois. Jean Baudry n'est
plus pour lui qu'un odieux rival ; il veut lui arracher Andrée ; mais,
après une scène de menaces et même de voies de fait, dont Jean
Baudry a failli devenir victime, celui-ci, cédant à un mouvement
soudain de générosité sans exemple, se sacrifie au bonheur de son
protégé et lui cède la main d'Andrée Bruel. Il est vrai qu'Olivier,
honteux de son ingratitude, s'enfuit sans accepter ce nouveau bien-
fait ; mais on devine que Jean Baudry ne tardera pas à le ramener.
Certes, nous sommes loin de nier les bienfaits de l'éducation pour
le peuple: nous les appelons de tous nos vœux; mais, en nous rap-
prochant sur ce point de l'opinion de M. Victor Hugo, nous faisons
nos réserves. L'éducation, selon nous, doit être basée sur la religion,
qui nous apprend le renoncement, le sacrifice. Olivier n'est , après
tout, que la négation du système de M. Victor Hugo, parce que
M. Vacquerie a complètement oublié ce principe, qu'il eût d'ailleurs
vainement cherché dans le livre des Misérables.
Aussi, quel est le personnage intéressant de la comédie nouvelle?
ce n'est pas Olivier; bien loin de là. C'est Jean Baudry, l'honnête
homme, à qui l'on ne peut guère reprocher qu'une trop grande in-
dulgence pour son prochain. Mais, à part ces critiques de fond,
M. Vacquerie n'en a pas moins fait une pièce très-remarquable, sans
avoir eu recours, cette fois, aux excentricités dont il a été jusqu'à
ce jour si prodigue. C'est une œuvre littéraire dans toute l'acception
du mot, avec une excellente exposition, un bon troisième acte et une
scène des plus dramatiques au quatrième. Nous croyons à un très-
beau succès, dont Régnier pourra revendiquer sa part, pour le talent
qu'il a mis dans la composition du rôle de Jean Baudry. Delaunay,
Barré, Coquelin, Mlles Favart et Jouassain le secondent à merveille.
— Du temps où les ballets héroïques régnaient à l'Opéra, le sujet
de Diayie au bois, dansé par la Guimard, eût rempli toutes les con-
ditions nécessaires pour réunir les suffrages du côté du roi et du côté
de la reine. La chaste déesse, dont l'influence a éloigné l'Amour, ou,
si vous préférez le grec, le jeune Eros du vieil Olympe, laissa sur-
prendre son cœur par le malin petit dieu, déguisé en berger galant.
Un faune a découvert le secret de la vengeance d'Eros, et Diane,
qui n'aime pas les curieux, témoin Actéon, le change en Terme de
jardin. Sur ce canevas mythologique, M. Théodore de Banville, un
amant obstiné de la Muse, a brodé un très-agréable tissu, dont les
détails ingénieux ont fait oublier au parterre de l'Odéon qu'au lieu
d'être parlée, cette comédie aurait pu être dansée avec quelque
avantage.
— Balzac nous a laissé un assez bel héritage en nous léguant sa
Comédie humaine, pour qu'il nous paraisse au moins inutile de vou-
loir le réhabiUter aujourd'hui comme autenr dramatique. Les deux
seules pièces de lui qui aient trouvé grâce devant le public, Mercadet
et la Marâtre, avaient été remaniées de fond en comble par des
collaborateurs anonymes. Quant à Vautrin et aux Ressources de Qui-
nola, on sait leur sort. Ce dernier ouvrage surtout l'avait bien mé-
rité. Il reposait pourtant sur une idée puissante, celle de l'inventeur
aux prises avec les préjugés, avec les passions de ses juges. Mais
Balzac, cet homme de génie, avec une maladresse dont ne se serait
pas rendu coupable le premier faiseur venu, n'avait pas su dégager
sa pensée du chaos dans lequel elle était enfouie. L'accessoire avait
tué le principal. Nous croyons néanmoins que le directeur du Vaude-
ville n'a pas eu tort d'exhumer cette comédie des limbes de l'Odéon,
où elle était tombée, quand on discutait encore le talent de Balzac
vivant. Depuis sa mort, il a conquis de si nombreux admirateurs,
qu'il s'en rencontrera toujours assez qui, pleins de respect, sinon
pour sa conception, du moins pour l'esprit brillant dont il l'a enve-
loppée, voudront aller applaudir les Ressources de Quinola, montées
avec beaucoup de soin, interprétées supérieurement par Félix et
iutti quanti, et rempliront pendant une certaine série de représen-
tations la salle du Vaudeville.
— Lorsque les Variétés n'ont pas une grande revue à nous offrir,
elles s'élancent à corps perdu dans la poésie ou dans le fantastique.
Le jeu est périlleux, vu les dépenses de décors, de trucs, de mail-
lots qu'il faut faire.
Un autre danger que ces différents genres entraînent, c'est celui
d'oublier toute mesure dans la fantaisie et de demander à un sujet
plus qu'il ne peut donner. C'est là, nous le craignons, le défaut des
Voyages de la Vérité .Huit tableaux consacrés à la lutte de la Vérité
et du Mensonge qui s'attachent aux pas d'un paysan niais et de sa
fiancée villageoise, c'est trop, c'est beaucoup trop ; et cependant, à
les voir pérégriner au hasard, à Paris, chez les Turcs, chez les sau-
vages, etc. , il n'y a aucune raison pour que cela finisse. Le public
qui d'abord avait ri des infortunes de M. Blaisot et de Mlle Mar-
gotte, s'est refroidi peu à peu, en dépit de l'entrain de Dupuis et de
Mlle Alphonsine, de la gentillesse de Mlle Judith Ferreyra, et des char-
mes agaçants d'une nombreuse phalange féminine. Avant de s'en-
gager dans un si long voyage, les auteurs de cette pièce eussent bien
fait de consulter le Lorgnon, de Scribe, qui leur aurait montré la Vé-
rité telle qu'elle doit être vue.
— Puisque nous en sommes sur les pièces à spectacle, qu'il nous
soit permis de déplorer certaines conséquences de l'abus qu'on en
fait. Plusieurs théâtres, et entre autres celui de la Porte-Saint-Martin,
qui avaient, il y a quelques années, un budget raisonnable, ont vu.
DE PARIS.
341
grâce au système des féeries, leurs frais s'enfler d'une façon si
désordonnée , qu'une pièce qui ne fait pas tous les jours une recette
de trois à quatre mille francs, est supprimée sans pitié à la suite
d'une quinzaine de représentations: c'est le cas du Carnaval de Na-
ples. Et, à côté, un autre théâtre moins accablé de dépenses main-
tiendra cent cinquante fois sur l'afHche des drames comme Gérald
ou Léonard, avec cinq cents francs de recelte. Est-ce à dire que ces
deux dernières pièces soientdes chefs-d'œuvre, et que leCarMauai de
Naples soit un ouvrage des plus médiocres ? Eh ! mon Dieu non ;
c'est à peu près le contraire qu'il faut en penser. Tout cela est une
question d'optique, et pas autre chose. Ce qui semble un grand suc-
cès à travers le prisme de plusieurs centaines de représentations
économiques, perdrait à coup sur une bonne portion de son prestige
si le cadre était changé. Ne jugeons donc pas la pièce de M. Paul
Fouché d'après la destinée qu'on lui a faite. En d'autres temps, elle
eût accompli une longue carrière, aux applaudissements de la foule.
Elle avait, pour cela, toutes les conditions requises, un heureux cadre,
de l'intérêt, du spectacle, et par-dessus tout, une forme très-littéraire.
Le principal rôle, celui de la danseuse Giulietta était, en outre, in-
terprété par une comédienne parfaitement douée, et qui s'y montrait
sous les aspects les plus variés et les plus satisfaisants. Mlle Fanny
Génat prendra bientôt, nous n'en doutons pas, une revanche éclatante;
mais le Carnaval de Naples, qui le dédommagera du tort que lui
ont causé le Pied de Mouton et les Pilules du Diable ?
— Combien de drames n'a - 1 - on pas bâtis sur une donnée d'em-
poisonnement ! M. Dennery lui-même n'en saurait compter le nombre
dans son bagage immense. Mais cet auteur sait si bien ce qu'il faut
servir à son public du boulevard, qu'il n'hésite pas à lui faire accep-
ter, dans l'occasion, plusieurs moutures du même sac, et il s'y prend
avec tant d'habileté qu'avec lui on croit toujours avoir la fleur de la
farine. L'espace nous manque pour parler comme il convient de
Y Aïeule, le dernier drame de M. Dennery, qui va emphr la caisse de
l'Ambigu pendant trois ou quatre mois. Rarement, nous avons
vu la curiosité et la terreur poussées à un si haut degré. Avant de
soupçonner l'aïeule, qu'on croit paralytique, d'empoisonner la sœur
de sa petite-fille, née d'un second mariage, que de péripéties émou-
vantes viennent dérouter l'esprit du spectateur aux abois ! C'est
le nec plus ultra de la ficelle dramatique; arrivée à ce point, cette
ficelle peut s'appeler du talent. Aussi, la pièce de V Meute a-t-elle été
aux nues; et, en cette circonstance, ce ne sont pas les acteurs qui ont
exclusivement contribué à ce résultat; bien au contraire. Mme Lau-
rent, Mme Alexis, qui vient du Vaudeville, Castellano ; Boutin, doi-
vent remercier l'auteur d'avoir si bien su mettre leurs qualités en
relief.
— La campagne d'hiver du théâtre Déjazet s'est ouverte brillam-
ment par plusieurs reprises importantes et par la première repré-
sentation de Simon-Terre-Neuve, opérette qui a été donnée autrefois
en vaudeville au Gymnase. La musique que M. Frédéric Barbier a
composée sur cette ancienne pièce nous a paru fort gracieuse.
Sujol, qui y joue le principal rôle, s'est fait entendre, il y a quel-
ques années, au théâtre Lyrique ; c'était alors un des bons ténorinos
de la province ; c'est aujourd'hui un excellent acteur, à qui il reste
plus de voix qu'il n'en faut pour chanter l'opérette. Tout récem-
ment, Mlle Déjazet a fait sa rentrée dans Gentil Bernard, et a ra-
mené avec elle les beaux jours d'un petit théâtre qui port3 son glo-
rieux nom.
— A la salle Beethoven, la troupe allemande^ dirigée par Mme Ida
Briining, vient de reprendre le cours de ses représentations, qui sont
toujours fort suivies. Nous tiendrons nos lecteurs au courant des
nouveautés qui y seront montées cet hiver.
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
:f*» Le théâtre impérial de l'Opéra a donné dimanche, en présence
du roi des Hellènes, une fort bonne représentation du Trouvère et du
premier acte de Giselle. Mlle Marie Sax s'est surpassée dans le rôle de
Leonora, et Villaret a été fort applaudi dans celui de Manrique.
Mlle Wertlieimber donne beaucoup de caractère à celui d'Azucena. —
Lea Huguenots étaient annoncés pour lundi ; mais Gueymard avait trop
présumé de ses forces, et on a dû leur substituer la Favorite et Graziosa.
— Mercredi la Muette a été honorée de la présence de LL. MM. l'Empereur
et le roi des Hellènes. — Vendredi, les Huguenots, dans lesquels repa-
raissait Gueymard, avaient rempli la salle ( la recette s'est élevée à
9,500 fr. ). Mme Gueymard chantait Valentine; Cazaux Saint-Bris; et
Faure, Nevers. Le chef d'œuvre de lleyerbeer a produit son effet ac-
coutumé. — Aujourd'hui dimanche on joue la Muette.
^*^ La Juive, avec Villaret dans Eleazar, sera donnée vendredi.
Mmes Marie Sax, Vandenheuvel et MM. Warot et Belval chanteront les
autres rôles.
^*^ L'événement de la semaine a été la représentation au théâtre im-
périal de ropéra-Comique du Domino noir, demandée par le jeune roi
des Hellènes, qui occupait avec sa cour la loge impériale. Nous ren-
dons un compte spécial de cette représentation dont la recette a dé-
passé 7,000 francs, et dans laquelle Achard et Mlle Cico jouaient les
principaux rôles.
^*^ Un jeune ténor nommé Albert a débuté cette semaine dans le
rôle d'Andréa à'Haydée ; il l'a interprété très-convenablemeut.
a,** On s'occupe d'une reprise de Vlrato de Méhul, dans lequel doit
débuter Mlle Ilenzel Colas, sœur de Mlle Stella Colas, artiste du théâtre
de Saint-Pétersbourg.
**s, Nathan a pris, dans les Amours du Diable, le rôle de Brancaccio,
qui avait été créé par Barielle. On annonce que cet artiste quitte le
théâtre de l'Opéra-Comique.
^*,j Hier, Fraschini a fait son premier début au théâtre Italien dans
le rôle d'Edgardo de Lucia; nous en rendrons compte dimanche.
Mme de la Grange chantait le rôle principal, et Morelli celui d'Ashton.
— On répète un Ballo in maschera pour les débuts de Mmes Julienne
Dejean, Lumley, Vanderberck, et Fraschini y continuera les siens.
^*j, Plus les répétitions des Troyens avancent, plus on attend de
l'œuvre nouvelle de Berlioz. On a parlé déjà d'un très-beau septuor,
d'un duo dit a mezza voce par Montjauze et Mme Charton,et d'une délicieuse
barcaroUe qui sera chantée par Dequercy. Voici la distribution exacte
des principaux rôles : Enée, Montjauze ; Narbal, Petit : Joras, Dequercy ;
Jolas, Cabel; Panthée, Feront; Didon, Charton-Demeur; Ascagne,
Mme Estagel ; Anna, Dubois-Thibault. Les autres rôles seront remplis
par Guyot, Trillet, Mmes Albrecht et Duclos, etc.
j*^, L'ouverture du théâtre des Bouffes-Parisiens sera retardée jusque
vers la fin de novembre. La salle a été entièrement reconstruite, et
contiendra mille places confortables. Quant au personnel , la partie
masculine, qui comptait déjà des artistes justement goûtés, tels que
MM. Pradeau, Désiré, Léonce, Edouard- Georges, etc., a été renforcée
dans les emplois du chant proprement dit. Le personnel féminin a été
presque entièrement renouvelé. M. Varney a engagé bon nombre de
jeunes et jolies artistes, à la tête desquelles il faut citer la gracieuse
Mlle Saint-Urbain et Mlle Irma Marié, dont le talent ne le cède en rien
à celui de sa sœur, Mme Galii-Marié, de l'Opéra-Comique. Elle débu-
tera dans une opérette que M. i. Offenbach écrit exprès pour elle.
Le répertoire des nouveautés de l'année sera à la hauteur du reste.
Outre les deux pièces que M. J. Offenbach a fait jouer cet été à Ems,
outre les fameuses Géorgiennes , dues aussi à sa brillante fécondité,
M. Varney s'est assuré des partitions signées de noms nouveaux, et
même d'auteurs pour lesquels le succès n'est plus une question,
MM. Grisar, deFlottow et de Saint-Georges. L'orchestre, renforcé selon
les besoins du local, sera dirigé par un maître digne en tout point de
remplacer M. Varney, par M. Eugène Prévost.
^*^ Mme Czillag, l'éminente cantatrice allemande, vient d'arriver à
Paris, où elle compte faire quelque séjour.
,t%, Aujourd'hui à 2 heures, au cirque Napoléon , réouverture des
concerts populaires sous la direction de Pasdeloup. Nous en avons
donné le programme : ouverture de Prométhée, de Beethoven ; sympho-
nie en ré majeur, d'Haydn ; Galante, air de danse de Mozart ; Songe
d'une nuit d'été, de Mendolssohn.
,j** La nouvelle loi sur la propriété artistique et littéraire sera pré-
sentée au Corps législatif pendant la session qui va s'ouvrir le 5 no-
vembre. La section des finances au conseil d'Etat a été chargée d'en
342
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
examiner le projet, et M. Riche, ancien député, conseiller d'Etat, d'en
faire le rapport.
**» Le grand succès qu'ont obtenu les nouvelles créations musicales
de M. Fétis a décidé ce dernier à les livrera la publicité. Nous appre-
nons que la maison Schott de Bruxelles a traité avec notre savant col-
laborateur pour cette publication, et qu'elle va faire paraître la parti-
tion in 8» et les parties séparées in-i" des œuvres suivantes : 1'° sym-
phonie, en mi bémol, à grand orchestre ;— 2'= symphonie, en soi mineur;
— 1" quintette, en la mineur, pour deux violons, deux altos et violoncelle;
—'2' quintette, en ré mineur, pour les mêmes instruments; — sextuor, en
mi bémol, à quatre mains, deux violons, alto et basse. La publication
des œuvres de H. Fétis est plutôt un hommage rendu au maître éminent
qu'une spéculation : aussi est-elle faite dans des conditions de bon marché
qui la mettront à la portée de tout le monde. On souscrit aux éta-
blissements de MM- Schott à Mayence, à Bruxelles, à Londres et à Paris.
La liste des souscripteurs sera publiée en tête des partitions.
»** On nous écrit du Havre que l'éminent pianiste Bauer vient de s'y
faire entendre avec un succès constaté unanimement par la presse de
la localité. Le jeune artiste a joué la Sérénade de Schubert, la Marche
funèbre de Chopin et plusieurs autres morceaux avec une supériorité
magistrale. Son talent se distingue à la fois par une extrême douceur
et par une surprenante énergie. Il a joué encore avec un violoniste très-
distingué le duo de Léonard, Une fièvre brûl ante, de façon à enthou-
siasmer l'auditoire.
»*» M. Brochon, président du Cercle philharmonique de Bordeaux,
est à Paris en ce moment, avec l'intention, dit-on, d'organiser un Con-
servatoire dans la capitale de la Gironde. En attendant, il engage des
artistes pour les premiers concerts de son cercle.
,** On nous écrit de Stuttgardt que l'éminent pianiste W. Kruger,
en compagnie du violoniste Becker, dont on se rappelle les grands suc-
cès à Paris, vient de donner un brillant concert dans lequel M. Kru-
ger a fait entendre un nouveau concerto de sa composition, avec
accompagnement d'orchestre. Cette œuvre, l'une des plus importantes
qu'il ait écrites, a produit un immense effet. M. Becker a été fort applaudi
après la délicieusa fantaisiede Paganini, sur l'air Nel cor piu nonmi sento.
Peu de jours après, Kruger a exécuté dans une soirée intime chez le
prince royal, avec le concours de ses deux frères, deux artistes de ta-
lent, l'un harpiste et l'autre flûtiste, son trio sur l'hymne national russe,
qu'avait désiré entendre S. A. I. Mme la grande-duchesse, sœur de S. M.
l'empereur de Russie. Il a reçu de Leurs Altesses Impériales les félici-
tations les plus flatteuses.
*** M. G. Jacobi, premier prix du Conservatoire (1861) et premier
violon au théâtre impérial de l'Opéra, annonce pour le 1" novembre
l'ouverture d'une classe de violon professée d'après les méthodes adop-
tées au Conservatoire.
*** S. Exe. le ministre de la maison de 1'
vient de souscrire pour cent exemplaires à
sique à Véglise, de M. J. d'Ortigue.
«** M. Salvator vient de rouvrir chez M.
que, ses cours de lecture musicale, piano ,
Ces cours, basés sur une méthode rationnelle
ont donné des résultats aussi avantageux
trois fois par semaine.
'Empereur et des beaux-arts
l'ouvrage intitulé : la Mu-
Gambogi, éditeur de musi-
harmonie et composition,
et essentiellement pratique,
qu'appréciés. Us ont lieu
^*ij: M. C. Stamaty reprendra, au l»' novembre, les cours d'artistes
qu'il a fondés chez MM. Pieyel-Wolfl", rue de Richelieu, 95. Ces cours
s'adressent spécialement aux jeunes personnes et aux jeunes gens qui
veulent suivre la carrière artistique et professorale. Les cours gradués
pour entants et jeunes personnes rouvriront au 1" décembre.
«■*, A l'occasion de la fête organisée le 16 du courant, pour la con-
struction de la cathédrale de Cologne, a eu lieu un concert avec le
concours de Mme Harriers-Wippern et de MM. Niemann et Joachim.
On y a exécuté, entre autres, le Benedictus et le Sanctus de la Missa
solennis de Beethoven , et la troisième partie de l'oratorio : Salamon, par
Haendel.
,** L'académie musicale de l'institut royal de Florence, dans sa séance
du 2 octobre 1863, a nommé M. Joseph d'Ortigue au nombre de ses
membres correspondants.
,** Dimanche dernier, une messe d'actions de grâces réunissait dans
l'église de Suresnes plusieurs artistes des plus distingués qui avaient bien
voulu concourir à l'exécution de diverses œuvres de musique religieuse
pour cette solennité. Nommer MM. White, Lebouc et Georges Pfeiffer,
c'est dire que cette exécution pour la partie instrumentale a été supé-
rieure ; la partie vocale était remplie par Mlle Doré jeune et nouvelle
cantatrice, élève de M. Bassine, et par M. Lafont, qui a dit avec
une voix puissante et un très-beau style le Credo de Dumont et VÀve
Maria de Cherubini, auquel le compositeur Ettling a fort habilement
adapté un accompagnement de violoncelle. Ce dernier morceau, accom-
pagné par l'ingénieux arrangeur, a produit un grand efl"et sur l'audi-
toire, émerveillé d'ailleurs de l'exécution admirable des diverses parties
musicales ajoutées à la solennité.
a,*» Nous avons appelé, l'hiver dernier, l'attention de nos lecteurs sur
l'Ecole normale de musique, dirigée par Victor Tirpenne, d'après son
cours de musique appliqué au piano, et approuvé par l'Institut de France
aussi bien que par les plus célèbres pianistes, professeurs et composi-
teurs. Nous nous empressons d'annoncer que ces cours vont recommen-
cer à partir du 1" novembre, S5, rue Saint-Lazare (Chaussée-d'Antin),
et que M. Tirpenne s'est adjoint pour chaque partie spéciale du cours
les professeurs les plus distingués. Les résultats obtenus par la méthode
Tirpenne, laquelle consiste à simplifier l'étude et à la rendre attrayante;
à faire marcher simultanément la théorie et l'exécution ; à analyser et
indiquer, autant que possible, les nuances, l'expression, le style et l'es-
prit de la phrase mélodique; à initier l'élève à la science, en le con-
duisant, sans pénibles efforts, des principes les plus élémentaires aux
combinaisons harmoniques ; à être enfin simple , clair, et cependant
très-concis; ces résultats, disons-nous, ont été assez remarqués l'hiver
dernier, assez incontestables pour que M. Tirpenne ne voie pas encore
cette année s'accroître le nombre de ses élèves.
**,t Le jeune A. Musard, qui parait vouloir marcher sur les traces de
son grand-père, le célèbre chef d'orchestre, a été appelé dernièrement
à conduire, dans une matinée musicale donnée par un ambassadeur
étranger, un orchestre de quarante musiciens, et, quoique âgé seulement
de seize ans, il a déployé dans ces fonctions un aplomb et une auto-
rité qui font on ne peut mieux augurer de son avenir.
^** Au théâtre Robin, la centième représentation des spectres vivants
impalpables, a eu lieu devant un public d'élite, dont l'enthousiasme était
encore plus grand qu'à la première représentation. Malgré la foule qui
ne cesse de se presser aux charmantes soirées de cet habile physicien,
M. Robin, pour tenir la promesse qu'il nous a faite de varier souvent
son spectacle, nous annonce pour samedi prochain de nouvelles expé-
riences et de nouveaux spectres : c'est un rendez-vous donné aux ama-
teurs du merveilleux.
*** Au concert des Champs Élysées, aujourd'hui dimanche, clôture
des matinées musicales. La dernière réunion promet d'être brillante, à
en juger par le programme qui porte les ouvertures de Guillaume Tell,
de Robin des Bois, des Vêpres siciliennes et de la Sirène , accompagnées
de la marche du Tannhauser, de celle des soldats de Faust, et de la
délicieuse fantaisie sur le Déserteur, M, Genin jouera un solo de petite
flûte.
**t M. Ch. de Besselièvre, directeur des concerts des Champs-Elysées,
faisait partie du train de voyageurs venant de Versailles, qui a éprouvé
un accident à l'entrée de la gare de Paris. M. de Besselièvre a été con-
tusionné.
:t*^ Par les soins de la direction du Maenner-Gesang-Verein à Vienne
les restes mortels de Beethoven et de Franz Schubert ont été exhumés
du cimetière de Wahringen. Sauf les os des tempes, qui ont sans doute été
égarés lors de l'autopsie pratiquée le 27 mars 1828, et dans laquelle le
crâne a été scié en plusieurs parties, le corps de Beethoven a été re-
trouvé entier ; on l'a déposé dans un cercueil de plomb. Quelques côtes
manquaient au corps de Franz Schubert ; ses dépouilles mortelles ont
également été renfermées dans un cercueil de plomb. Après que les deux
cercueils ont été fermés et scellés, on les a transportés à la chapelle
du cimetière, où ils resteront déposés jusqu'à ce que les caveaux destinés
à les recevoir, soient terminés. La Gazette de Cologne annonce que la fa-
mille de Beethoven a protesté contre ce fait qu'elle considère comme une
profanation de la tombe du grand compositeur, et dont elle n'a été
informée que par la voie des journaux.
*** Un deuil est venu affliger cette semaine les nombreux amis de
l'honorable famille Pacini. La vénérable femme du doyen des éditeurs'
de musique, Mme Pacini, née Rosier, est décédée le 1 1 octobre, à l'âge
de quatre-vingt-quatre ans. Mme Pacini était aïeule et bisaïeule de
nombreux petits-enfants qui l'entouraient de soins et de vénération.
^*^, Hermann WoUenhaupt, pianiste allemand d'un talent distingué
et compositeur de morceaux de genre devenus populaires en Allemagne
et en Amérique, vient de mourir à New- York et a été enterré le 20 sep-
tembre. Plusieurs sociétés chorales, entre autres le Liederkranz, l'ont
accompagné jusqu'à sa dernière demeure^
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
»*, Versailles. — L'inauguration du grand orgue que la^ maison
A. Cavaillé-Coll vient de terminer à la cathédrale, aura lieu mardi pro-
chain, 27 octobre, à 2 heures, par M. Lefébure-Wély.
DE PARIS.
3Zi3
*** L^jon. — Le début de M. Coulon, ancienne basse du théâtre de
l'Opéra de Paris, n'a pas tenu tout ce qu'il promettait; il possède sans
contredit un grand talent de chanteur et de comédien, mais la voix
manque de fraîcheur et de sonorité. C'est du moins l'effet qu'il a pro-
duit dans les Huguenots, dont la représentation avait attiré une foule
immense au Grand-Théâtre. Il doit se faire entendre pour son second dé -
but dans la Juive. — Nous reparlerons de l'Etoile du Nord dont la repré-
sentation est attendue avec impatience. Le rôle de Catherine est un des
triomphes de Marie Cabel. — On monte également le Pardon de Ploërmel
pour la célèbre cantatrice qui a créé avec tant de supériorité à Paris
le rôle de Dinorah.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
,% Londres ^ — Le nouvel opéra de Wallace, la Fleur du désert, dont
on attendait avec impatience la première représentation, a été donné
lundi dernier avec un très-beau succès. Le librelto est une adaptation
de celui de Jaguarita, faite avec beaucoup d'intelligence par M. A. Harris.
La musique a été trouvée généralement abondante en mélodie, en ex-
pression dramatique et aussi bien traitée que ce que l'auteur a fait de
mieux. L,'opéra était interprété par miss Louisa Pyne , Susan Pyne,
MM. Harrison, Weis^, Corri et Cooke. Les costumes et les décors ne
laissent rien à désirer, et le ballet a été très-bien dessiné par M. Payne.
Quant aux chœurs et à l'orchestre, sous l'habile et énergique direction
de M. Mellon, il n'y a que des éloges à leur donner. L'opéra a été joué
déjà cinq fois qui ont confirmé pleinement le succès de la première
soirée. On fait chaque fois bisser l'air de M. "Weiss, celui de miss Louisa
Pyne, et celui de M. Harrison. Les applaudissements se font entendre
du commencement à la fin de l'opéra, et il n'y a aucun doute que la
Fleur du désert ne conquière pour longtemps, comme Maritana et Lur-
line, la faveur du public. — Le nouvel opéra de Balfe, the Duke's Motto,
dont M. John Brougham a écrit le livret, est à la copie. Il sera prochai-
nement représenté. — Le 31 de ce mois commencera au théâtre de Sa
Majesté une série de cinq représentations d'opéra italien, qui auront
pour interprètes Mmes Tietjens, Volpini, Trebelli ; MM. Bettini, Sims-
Reeves, Santley, etc.
^*:i, Cologne. — Mlle Artot a continué ses représentations par le rôle
de Léonore, dans le Trovatore. 11 y avait foule, et l'éminente cantatrice
a reçu de nombreuses marques de sympathie.
ji*4 Lubeck. — La cantatrice Mlle Marie Kaufmann vient d'avoir un
début fort heureux dans le rôle de Norma ; elle a chanté en outre et
avec le même succès le rôle de Martha, et celui de Léonore, dans Slra-
della.
^,*^ Leipzig. — En tête du programme du deuxième concert du Gewand-
haus figurait la quatrième symphonie de Schumann, qui, à tout prendre,
a été bien exécutée. Mlle Euphrosine Parepa, dans un air de J. Bene-
dict et un air de la Flûte enchantée, a de nouveau donné des preuves
éclatantes d'un incontestable talent. — M. Brassin, élève du Conserva-
toire de Leipzig, a joué deux de ses compositions : Rêverie pastorale
et Ronde fantastique. C'est un pianiste d'une force peu ordinaire. — Une
cantate de Weber a été exécutée dans la seconde partie du concert.
,,*,( Berlin. — Le 14 du courant, la troupe italienne a débuté par le
Barbiere. La salle était comble et cela se conçoit : Adelina Patti chantait
le rôle de Rosine. Nous le lui avions déjà entendu chanter il y a deux
ans : c'est toujours la même perfection ; la voix a même pris plus
de force. Adelina Patti est, sans contredit, une des premières cantatrices
de notre temps. — Après le Barbier, l'Opéra italien a donné Lucia; inu-
tile d'ajouter que le rôle principal a été chanté par Adelina, et qu'elle
a eu le même succès que dans le Barbier de Sevillc. Dans le rôle d'Ed-
gardo, Naudin rappelle beaucoup la manière de Roger ; il a charmé notre
public par la chaleur et la passion qu'il a déployées tour à tour : aussi
i'a-t-on applaudi et rappelé avec enthousiasme.
»*^ Vienne. — Au théâtre de la cour on annonce la reprise des Noces
de Figaro ; Mme Kapp-Young chantera le rôle de la comtesse ; Mlle Tell-
heim, pour la première fois, celui du page. — M. Merelli a en-
gagé Mlle Patti pour les mois de février, mars et avril. — L'opérette
de M. Hornstein: les Pages de Versailles, a fait fiasco au Carltheater.
— M. de Flotow est depuis quelque temps ici, où il termine, dit-on,
une partition nouvelle qu'ilva présenter à la direction du théâtre de la
cour.
,*, Dresde. — Les musiciens de la chapelle royale, sous la direction
de deux maîtres de la chapelle de la cour, donneront cette année, comme
les années précédentes, six concerts d'abonnement, dans lesquels on
exécutera des ouvrages capitaux de Beethoven, Haydn, Mozart, Cheru-
bini, Gade, Lachner, Schumann, Bach, Catel, etc.
^*^ Trieste. — Le 12 octobre, la Société chorale Liedertafel a donné
un grand concert dans lequel l'éminent pianiste-compositeur Alfred
Jaell s'est fait entendre. Le célèbre artiste se retrouvait là au milieu
de ses compatriotes, qui l'ont accueilli avec enthousiasme et lui ont re-
mis le diplôme de membre honoraire de la Société. — Quelques jours
plus tard, à l'occasion de l'arrivée de la députatlon mexicaine, il y a
eu concert à la cour, au château de Miramar, et Alfred Jaell avait
reçu l'invitation d'en faire partie. LL. AA. l'archiduc Maximilien et l'ar-
chiduchesse ont daigné lui dire les choses les plus flatteuses, et le len-
demain il recevait uue magnifique bague en diamants aux initiales de
Leurs Altesses. — Alfred Jaell donnera prochainement un concert au
grand théâtre. — La direction vient de faire venir le chorégraphe Bodi
et sa femme, Mme Pochini-Bodi, danseuse célèbre, pour monter l'E-
toile de Messine, ballet qui a obtenu un grand succès à Paris et dont
Mme Ferraris avait si brillamment créé le principal rôle. On sait que la
musique de ce ballet a été composée par le comte Gabrielli et qu'elle
n'a pas peu contribué au succès. En lui demandant sa partition, le
directeur l'a invité à écrire un nouveau ballet pour le théâtre impérial
de Vienne.
*** Madrid. — Après le Barbier, donné pour la réouverture du théâ-
tre de l'Oriente, les sœurs Marchisio ont fait leur réapparition dans la
Semiramide. M. Agnesi chantait le rôle d'Assur. Les deux jeunes artistes
y ont produit un effet immense, particulièrement dans le duo, qui a été
rendu avec une finesse de nuances, un ensemble dont on n'avait pas eu
d'exemple jusqu'à présent, tant les deux grandes artistes savent admi-
rablement marier leurs voix. — Aux sœurs Marchisio a de nouveau
succédé, à son tour, dimanche, Mme Borghi-Mamo, dans un de ses triom-
phes, la Favorita qu'elle chantait avec Mario, Guicciardi et Antonucci.
Les journaux espagnols Ibcria, Discusion, sont unanimes pour dire que
la célèbre cantatrice y a fait fanatisme. Quoiqu'on dise Mario en déca-
dence, on ne s'en serait pas douté ce soir-là, car il a déployé toutes
les qualités d'un grand artiste, et il a été couvert d'applaudissements.
^*^ Saint-Pétersbourg. — Tamberlick et Mme Nantier-Didiée viennent
de faire leur rentrée dans le Trovatore. Le public leur a témoigné par
des applaudissements enthousiastes le plaisir qu'il avait à les revoir,
quoiqu'il n'ait pas retrouvé complètement dans Tamberlick son puissant
chanteur d'autrefois. C'était à Mme Fioretti qu'avait été confié le rôle
de Leonora. Jusqu'à présent l'emploi de chanteuse légère dans lequel
elle s'était fait applaudir par la merveilleuse flexibilité et par le timbre
enchanteur de sa voix, avait été le partage de Mme Fioretti. Ce n'était
donc pas sans une certaine hésitation qu'elle abordait le rôle si drama-
tique et si passionné de Leonora auquel ne paraissaient convenir ni son
physique ni la froideur de son jeu. Mais si elle a laissé à désirer sous
certains rapports, elle n'en a pas moins été fort applaudie et elle n'a eu
qu'à se féliciter du succès de ;sa tentative. Le prochain opéra dans le-
quel elle chantera est la Sonnambula. — Mme Barbot à laquelle une
indisposition n'avait pas jusqu'à présent permis de paraître, a fait sa
rentrée dans Fidelio de Beethoven . — On attend Giuglini pour les pre-
miers jours de novembre. — Fioravanti a débuté dans VElisire d^amore ;
il n'a pas plu à notre public, qui l'a trouvé médiocre comme chanteur
et comme acteur. Le rôle d'Adina a été chanté |avec une grâce char-
mantepar Mme Bernardi, qui est fort aimée de notre public ; on sait
avec quelle perfection Calzolari chante le rôle d'e Nemorino, et Everardi
celui de Dulcamara. — On nous promet Don Pasquale et Saffo.
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unité de doigté ; supérieur comme forme ou contour des tubes pour l'émission des sons ; supérieur comme forme pour le pla-
cement et le maniement de l'instrument ; supérieur comme ayant une même direction des sons (avantage pour l'auditeur de
recevoir tous les sons avec la môme puissance); supérieur en ce que quelques jours suffisent pour former, avec des amateurs ou
de simples conscrits militaires, une musique passable ; supérieur en ce que les plus gros instruments comme les petits se
tiennent facilement au moyen de la main gauche et du bras gauche, et laissent le bras et la main droite entièrement libres,
et dans la meilleure position pour le jeu des doigts sur les cylindres ; supérieur en ce que, quand un élève a déjà fait dos
études et qu'il est obligé de changer d'instrument faute de disposition des lèvres ou par tout autre motif, ses études acquises
servent pour le nouvel instrument, soit trompette, trombone ou tout autre instrument ; supérieur en ce que l'on peut faire les
études les plus longues et les plus difficiles sur l'instrument qui fatigue le moins et les reporter sur d'autres plus durs à jouer
ou plus lourds à porter; supérieur en ce que, dans les sociétés ou dans un régiment de cavalerie, surtout lors des congés, il
arrive souvent que tous les artistes d'une même catégorie d'instruments partent, et que, dans ce cas, on peut les remplacer
en prenant des musiciens dans les parties les mieux garnies pour occuper ou remplacer les parties manquantes; supérieur en
ce qu'on ne craint pas les coups de tête des chevaux, qui, avec les anciens instruments, brisaient parfois les dents au cava-
lier; supérieur en ce que l'on peut jouer, le cheval au trot ou au galop, l'instrument suivant toujours les mouvements du
corps; supérieur pour la musique en marche en ce que l'instrument ne se dérange pas sur les lèvres, et conserve par consé-
quent la même sonorité qu'au repos; supérieur pour les corps de musique et pour le militaire surtout, où tout est régulier
excepté les musiciens et les instruments d'après le système ancien), en ce que tout le monde se trouve dans la même position, toutes les mains à la même
tous les instruments penchés de gauche à droite ; supérieur, pour la musique à cheval ou de cavalerie, en ce que si, pendant que l'on joue, le cheval vient
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Départements, Belgique et Suisse.... 30 n id.
Étranger M '» ^^^
Le Journal paraît le Dimanclie,
GAZETTE
— ^-A/vrjWTiAPJvxA^-
SOMMAIRE . — Effets des circonstances sur la situation actuelle de la musique,
au point de vue de la composition ; ce qu'il faudrait faire pour améliorer cette
situation (5" et dernier article), par Fétis père. — Théâtre impérial de l'O-
péra: Villaret dans la Juive. — Théâtre impérial italien: Début de Fraschini
et de Morelli dans Lucia di Lammermoor, — Concerts populaires demusique
classique au cirque Napoléon par Paul iStmltta. — Revue critique. — Nouvelles
et annonces.
EFFETS DES GIRCONSTÂNCES
«or la sltaatlon actaelle de la maslqne, au point de
vne de la composUlon.
CE qu'il faudrait faire l'OUR AMÉllORER CETTE SITUATION.
(5« et dernier article) (1).
Si les moyens que j'ai proposés dans l'article précédent étaient
adoptés, la voie serait ouverte aux compositeurs français et belges,
plus large qu'elle ne fut jamais. A eux incomberait alors l'obligation
de justifier la protection qui leur serait accordée. Il est incontesta-
ble que cette justification se ferait moins par le nombre des produc-
tions que par leur mérite : aussi n'est-ce que pour les hommes de
talent que la protection est réclamée. En musique, le talent ne se
manifeste que par l'exécution de l'oeuvre qu'il a produit ; car la
musique sur le papier n'existe que pour ceux qui peuvent et veuleni
la lire, ce qui revient à dire qu'elle est à peu près comme si elle
n'existait pas. L'exécution seule met donc en évidence la valeur ou
la nullité de l'ouvrage du compositeur ; d'oii il suit que pour trouver
quelques bonnes choses, il faudrait en entendre beaucoup de mé-
diocres ou même de mauvaises. Cet inconvénient est inévitable ;
mais ce n'est pas un motif suffisant pour ne pas tenter l'épreuve. Les
frais des expositions annuelles de peinture sont considérables ; or,
pour quelques bons tableaux qu'on y voit, il y a des centaines de
médiocrités, sans compter les monstruosités j ce qui n'empêche pas
qu'une autre exposition n'y succède, dans les mêmes conditions.
Le génie puissant et rénovateur est chose fort rare ; en musique,
on en citerait à peine vingt dans l'espace de quatre siècles; mais
après lui il y a le génie de certaines parties de l'art qui perfectionne
ce qu'un autre a créé ; il y a le génie de la forme après celui de
l'idée ; or, la form% parfaite est une condition essentielle de la beauté
.1'' ' - _^__________
(1) Voir le n° 14.'' ■•'
des produits de l'art. Tel artiste a, dans de certaines limites, le don
de la faculté créatrice ; tel autre a le mérite du style. Citons un des
exemples les plus admirables du génie de la forme : j'ai nommé
Haydn. A la simplicité, au peu de recherche d'un grand nombre de
ses motifs, on serait tenté de croire qu'il ne s'agit que d'une oeuvre
médiocre ; mais à cette donnée première succède bientôt un enchaîne-
ment non interrompu d'épisodes charmants, de traits inattendus et
de transformations du thème primitif, dont les détails réalisent la
perfection dans toute l'acception du mot. Le génie du grand homme
à qui nous devons ces merveilles de l'art est d'un autre ordre que
celui de Mozart, que la fougue grandiose de Beethoven, et n'a de
rapport ni avec celui de Jean-Sébastien Bach, ni avec celui de Haen-
del ; mais ce n'en est pas moins le génie proprement dit. La sponta-
néité du génie de -ce genre est moins immédiate que chez les grands
artistes que je viens de nommer; la méditation s'y allie; elle est
pour une part importante dans les produits de l'imagination, car c'est
elle qui en perfectionne les fantaisies. Méditer est donc nécessaire
pour les œuvres dont le mérite consiste moins dans l'inspiration spon-
tanée d'une idée originale que dans les détails de la forme.
L'artiste dont les études ont été assez fortes pour qu'il puisse
porter lui-même un jugement sur ses facultés, doit se diriger dans
ses travaux par cette connaissance. Avant tout, étudier beaucoup et
longtemps est indispensable ; je devrais dire étudier toujours , car
on n'est jamais au bout de ce qu'on devrait savoir. Le grand mal,
dans l'état actuel de la musique, consiste dans l'insuffisance de l'ins-
truction technique des compositeurs : les songe-creux romantiques
ont produit ce résultat. Il m'arrive rarement d'entendre une produc-
tion de la nouvelle école, de quelque part qu'elle vienne, sans que
mon sentiment soit blessé par une multitude d'énormités harmoniques
et tonales. On fait des études de composition dans les 'conservatoires;
mais on les fait à la hâte, avec ennui, parce que les règles sont con-
sidérées comme restrictives de la liberté de l'imagination, tandis
qu'elles ne sont que l'expression rationnelle des nécessités sentimen.
laies de l'art. On traverse ainsi péniblement la classe du professeur,
et lorsqu'o en est sorti, on se hâte d'oublier le peu qu'on y a ap-
pris. Cependant on ne peut se dissimuler celte vérité, qu'il n'y a de
succès et de réputation durables que pour l'artiste qui possède la
connaissance pleine et entière de son art. En vain espérerail-ou at-
teindre à la royauté des grands maîtres, si l'on ne possédait comme
eux toutes les ressources par lesquelles ils ont développé, orné, en-
richi les idées produites par d'heureuses inspirations. C'est par la
réunion des qualités qui constituent l'art d'écrire avec celles de l'i-
3/Ï6
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
magination que se produisent les œuvres qui passent d'un âge à un
autre sans rien perdre de leur valeur.
L'originalité , saisisable sous un point de vue quelconque, est une
des nécessités de l'œuvre musicale, pour lui donner la vitalité. Cette
originalité peut se manifester de plusieurs manières, à savoir : par la
nouveauté de la pensée, par celle de la forme dans son ensemble et
dans ses détails, par le caractère mélodique, par la modulation, par
le rhylhrae, par la variété des combinaisons sonores, enfin par des
emplois simultanés de plusieurs de ces éléments caractéristiques.
Heureux l'artiste doué d'une puissante faculté d'invention dans toutes
les parties dont se compose l'immense domaine de l'art, et qui joint
à cet avantage le savoir étendu qui seul fait le musicien complet !
Mais ce phénomène est si rare, qu'on ne peut citer jusqu'à ce jour
que Mozart comme exemple. Parmi les autres compositeurs, les plus
célèbres se sont distingués par une qualité dominante, ne possédant
les autres qu'à un degré inférieur. L'artiste ne peut changer sa
nature ; il ne peut se donner les facultés qui n'appartiennent pas à
son organisation ; mais il peut perfectionner celles qui lui ont été
départies. C'est ce qu'ont fait à différentes époques des hommes qui
jouissent d'une célébrité méritée. Ainsi Palestrina reste le modèle du
sentiment religieux uni à l'art d'écrire le plus pur qu'on puisse ima-
giner ; Monteverde, né pour la transformation radicale de la tonalité
et de l'harmonie , jette avec profusion dans l'art des aperçus de
nouveautés importantes qu'il n'a pas la faculté de perfectionner ;
Alexandre Scarlatti devient le plus grand artiste de l'Italie vers la fin
du xvn'= siècle, par la création de l'expression pathétique dans le
drame musical. Son contemporain Keiser, plus varié dans la forme,
brille par l'originalité de son style, et crée une instrumentation qui ne
ressemble en rien à ce qui a été fait avant lui. Jean-Sébastien Bach,
le plus profond harmoniste de son temps , se montre à la fois plein
de fantaisie dans la forme, et le plus puissant génie de combinaison
dans les grandes masses ; Hœndel n'a pas d'égal pour le sentiment
de la grandeur et la puissance du rhythme ; Gluck est le génie de la
tragédie lyrique ; alliant la clarté , la simplicité de la pensée à la
richesse d'imagination dans les développements, Haydn crée la sym-
phonie et la musique de chambre ; Beethoven, plein de feu et doué
d'un sentiment énergique , se fait remarquer particulièrement par la
grandeur des proportions, qu'il pousse parfois jusqu'à l'exagéré. Tou-
jours original, il manque assez souvent de goût. Cherubini, Charles-
Marie de Weber et Mendelssohn ont aussi des qualités éminentes et
toutes personnelles, qui donnent à leur production, le cachet de l'in-
dividualilé , et ne permettent pas de les confondre avec d'autres.
En France, l'éducation musicale a été tardive, et la personnalité
des compositeurs ne s'y est pas caractérisée d'une manière aussi
précise que chez les grands artistes de l'Allemagne et de l'Italie ;
néanmoins LuUy, Rameau, Philidor, Monsigny, Dalayrac, Méhul,
Berton, Boïeldieu, Hérold, brillent tous par des qualités qui leur
sont particulières, et qui donnent à leurs ouvrages le cachet indi-
viduel par lequel on les distingue l'un de l'autre.
Ainsi qu'on le voit, je ne parle que du passé : plusieurs raisons
m'y déterminent, mais la plus importante est que ce qui appartient
au passé est jugé d'une manière définitive, ce qui n'a pas lieu pour
les artistes vivants, sur lesquels les opinions sont contradictoires ou
controversées. Je n'ai cité aussi que les auteurs des grandes œuvres
religieuses, dramatiques et instrumentales; mais à côté d'eux, et
dans des choses de moindres proportions, ou de musique que j'ap-
pellerai intime, il s'est produit de grands artistes dont les ouvrages
révèlent également quelque qualité dominante qui a fait leur répu-
tation. Dans la musique de clavecin et de piano, par exemple, à part
les hommes illustres que j'ai déjà cités, il suffit de rappeler les
noms de Couperin , de Dominique Scarlatti , de Charles-Philippe-
Emmanuel Bach, créateur de la sonate moderne, de Clémenti, de
Dusseck, de Hummel et de Chopin, pour réveiller aussitôt le sou-
venir d'autant de caractères différents de talent, tous distingués, et
quelques-uns de premier ordre. Dans la musique de violon, il en
est de même de Corelli, de Tartini, de Viotli et de plusieurs autres,
également originaux par le sentiment, par la pensée, ou par la
forme.
Un préjugé s'est répandu dans ces derniers temps et semble ac-
quérir chaque jour plus d'importance ; il consiste à dire que les
ressources de l'art s'épuisent et qu'il reste peu de chose à faire
après les maîtres reconnus comme classiques. Combien de fois j'ai
entendu dire : « Il n'y a que huit notes, douze au plus, en comp-
» tant les demi-tons : on les a combinées de tant de manières, qu'il
» faut bien que les combinaisons s'épuisent et qu'on soit réduit un
» jour à refaire ce qui a été fait. » Ce langage prouve de la part
de ceux qui ie tiennent qu'ils ne comprennent pas l'essence de la
musique, puisqu'ils n'y voient que des combinaisons de notes. Eh
quoi! n'ont-ils jamais senti les énormes différences d'impressions
que produit le même son en raison de l'accentuation que lui
donnent le sentiment et la passion, son mouvement, le rhythme
auquel il appartenait, le timbre de l'orgaue employé pour le pro-
duire, etc. ? Or, qu'est-ce qu'un son auprès de l'inspiration poé-
tique qui les associe l'un à l'autre?
Non, non, jeunes artistes, ne vous laissez pas ébranler par
ces fausses idées ; stycz foi dans l'immensité inépuisable de l'art,
ayez foi en vous-mêmes. A ne considérer même que les res-
sources matérielles de la musique et le mécanisme de leur emploi,
que de richesses encore inexplorées',! J'ai déterminé à priori tout un
nouveau monde de successions harmoniques, d'oîi naissent une
foule de modulations aussi pleines de charme que saisissantes par
la nouveauté, et dont un très-petit nombre seulement a été essayé.
Tout cela, sans aucun doute entrera avec le temps dans le domaine
de la musique. J'ai aussi démontré, dans un travail spécial, la
possibilité d'une multitude de rhythmes inconnus jusqu'à ce jour,
lesquels offriraient d'immenses ressources de variétés de formes;
j'en ai donné les formules. La nouveauté du sujet a causé partout
une vive émotion dont j'ai reçu les témoignages : néanmoins, per-
sonne, depuis lors, n'est entré dans cette voie. D'autre part, la fac-
ture des instruments s'est perfectionnée; beaucoup d'instruments
nouveaux, différents de volume sonore et de timbre, ont été produits
depuis peu. On ne les a considérés jusqu'à ce moment que comme
des acquisitions de moyens bruyants ; mais un jour viendra où l'on
comprendra qu'on en peut faire des organes d'accentuation et d'oppo-
sition, en les employant par familles de timbres divers. Rien de tout
cela ne peut remplacer la pensée musicale, dira-t-on. Mon Dieu !
personne n'en est plus convaincu que moi ; mais on y trouvera des
ressources de variété d'accentuation pour cette pensée. Lorsque les
instruments à vent s'introduisirent dans l'orchestre, jusqu'alors réduit
au quatuor d'instruments à archet, il ne manqua pas de détracteurs de
cette nouveauté. La musique n'a que faire de tout cet attirail, disait-
on. Laisses le hautbois et la flûte aux bergers, le cor à la chasse,
et la trompette à la guerre. Quand on eut tout dit, ces instruments
et d'autres restèrent dans l'orchestre. Qui ne sait aujourd'hui les sai-
sissantes impressions qui ont été produites par eux? Il y a d'adora-
bles beautés dans un quatuor de Haydn, de Mozart et de Beethoven,
exécuté par deux violons, un alto et un violoncelle ; mais ces beau-
tés appartiennent à un autre ordre d'idées que les symphonies de
ces grands hommes.
Jeunes compositeurs, ne repoussez donc rien des nouveaux éléments
qui vous sont offerts, mais ne vous trompez pas sur l'emploi que
vous devez en faire ; ne leur accordez pas trop d'importance, et,
surtout, gardez-vous de formuler votre pensée d'après ces moyens.
Etudiez le caractère de votre talent, et lorsque vous aurez assez pro-
duit pour le connaître, perfectionnez par la méditation les qualités
qui donneront de la valeur à vos œuvres. On n'arrive pas à ce qu'on
DE PARIS.
347
cherche du premier coup. Le moment de la production est toujours
jusqu'à certain point une fièvre, et tout paraît bon au moment où
l'on pose la plume ; mais il faut laisser reposer l'ouvrage jusqu'à ce
qu'un autre vienne occuper la pensée ; alors on peut le revoir, la
fièvre est passée et la raison est venue : c'est elle qui châtie les
écarts de l'imagination. La méthode que j'indique était celle de Haydn.
Gardez-vous, si vous aspirez aux succès réels et sérieux, de l'excès
de confiance que montre trop souvent la jeunesse dans ses forces, et
souvenez-vous que les plus beaux ouvrages des plus grands artistes ap-
partiennent à la maturité de leur âge et de leur talent. On se persuade
volontiers que la vitalité inhérente à la jeunesse est le génie : cette
erreur a perdu plus d'un artiste destiné par la nature à se distinguer.
Mozart, le grand, le sublime Mozart, nous donne à cet égard une
grande et belle leçon. Plus que tout autre sa jeunesse avait été pré-
coce ; à un âge où l'on commence à peine l'étude de la composition,
il était considéré comme un maître par les plus grands musiciens, et
l'Italie avait applaudi trois de ses opéras ; eh bien, quinze ans après,
ayant produit Idoménée, V Enlèvement du sérail, les Noces de Figaro
et Don Juan, il disait à un musicien de Prague, émerveillé de ce
dernier ouvrage qu'il venait d'entendre à la répétition : c Oui, je suis
sûr de moi maintenant. J'ai beaucoup travaillé depuis dix ans à per-
fectionner mon style, et je crois que désormais j'écrirai de bonnes
choses. I) Ce même grand homme, quelques années après, au mo-
ment où il expirait, à l'âge de moins de trente-six ans, témoignait
la crainte de n'avoir pas fait assez pour sa gloire !
Il y a loin de là, jeunes artistes, aux allures de notre temps. Aucun
de vous n'a fait à' Idoménée, de Noces de Figaro ni de Don Juan, ce
qui n'empêche ni certains journaux de vous traiter d'éminents et
d'illustres, ni, vous, d'accepter ce ridicule sans la moindre répugnance.
L'orgueil est, je le sais, une des maladies les plus invétérées de notre
époque ; cependant il est impossible que vous vous persuadiez que
pour le peu que vous avez fait, vous êtes éminents ou illustres. La
postérité seule a le droit de qualifier ainsi les hommes dont les œu-
vres importantes ont subi l'épreuve du temps et sont encore accueillies,
après plusieurs générations, par des témoignages d'admiration. Croyez-
moi, revenons à la dignité des vrais artistes, occupons-nous de l'art
sérieux, et repoussons ces flagorneries qui se prodiguent à tous ve-
nants, car il y a aujourd'hui d'illustres saltimbanques.
A l'œuvre, à l'œuvre ! travaillons avec dévouement comme les
grands hommes qui nous ont précédés ; aimons notre art divin, et
recherchons en lui de pures jouissances qui nous indemnisent des
misères de la vie réelle.
FÉTIS père.
THÉÂTRE IMPÉRIAL DE L'OPÉRA.
Villaret dans in tfttive.
Il y a deux mois à peine, Villaret, dont l'avènement théâtral est
si récent, s'essayait dans son troisième rôle, celui de Manrique du
Trouvère, après avoir chanté Arnold de Guillaume Tell et Henri des
Vêpres sicilimnes. Comme nous le faisions remarquer alors, il n'é-
tait pas encore sorti de l'Italie et il lui restait à se montrer dans le drame
lyrique français. Villaret, disions-nons, a marché jusqu'ici d'un pas
tranquille, mais sûr, et il a réussi dans tout ce qu'il a entrepris.
Cette dernière épreuve, qu'il avait à tenter, il vient de la subir avec
autant de bonheur que de talent! 11 en est sorti victorieux, et la ma-
nière dont il a rempli le rôle d'Eléazar dans la Juive ne laisse plus
de doute sur sa vocation.
Tout le monde savait d'avance que l'artiste chanterait bien ce
rôle, porté si haut par Adolphe Nourrit et par Duprez. Cependant
on était encore loin de compte, et on n'a pu se défendre d'un mou-
vement de surprise en entendant Villaret donner à pleine poitrine
la belle phrase du finale du premier acte : O ma fille chérie, mon
seul bien, mon espoii ! Dans le second acte, l'artiste n'a pas moins
bien dit l'air delà Pâque, le trio avec Eudoxie et Léopold. C'est là que
ses progrès dramatiques ont commencé à se manifester. Ils se sont
produits avec plus d'évidence encore dans tout le trio final, et le
chanteur a remporté un triomphe complet par l'énergie avec laquelle
il a lancé l'anathème : Chrétien sacrilège et que l'enfer protège.
On l'attendait au grand air du quatrième acte : Rachel, quand du
Seigneur la grâce tutélaire, et Villaret l'a chanté avec une facilité,
un charme qui ont mis en relief toutes les précieuses ressources de
sa voix. Interrompu à plusieurs reprises par les bravos de la salle
entière, l'artiste a été rappelé à grands cris, rappelé deux fois de
suite et salué par d'unanimes acclamations.
Quand on songe que Villaret ne compte pas une année de théâtre,
et que si peu de temps lui a suffi pour se faire une belle place sur
notre première scène lyrique, lui qui vivait dans un milieu tout
autre, on ne peut qu'admirer les rares facultés dont l'avait doué la
nature. Le génie vocal était en lui, cela n'est pas douteux, mais l'ac-
teur était entièrement à faire, et il s'est développé, animé avec une
promptitude sans exemple ; quelques efforts de plus, et tout sera dit.
La physionomie de Villaret, sa tenue, ses gestes ont été excellents,
et n'ont donné prise à aucun reproche ; il ne s'agit que d'en accuser
encore un peu plus fortement quelques traits.
Jamais plus belle voix que celle de Mlle Marie Sax ne s'est dé-
ployée dans le rôle de Rachel : aussi a-t-elle obtenu un succès que
celui de Villaret n'a pas diminué, tout au contraire. Les deux artistes
se soutenaient mutuellement, quoiqu'à vrai dire la peur à laquelle ils
étaient en proie eût fort bien pu les faire chanceler. Et comment
peut-on chanter avec tant d'éclat, lorsque l'émotion vous serre le
gosier et vous ferme la bouche?
La représentation du chef-d'œuvre de Scribe et d'Halévy, ces
deux morts immortels, avait quelque chose d'imposant : on retrou-
vait, non sans une vive impression, ce drame attachant, cette mu-
sique inspirée et cette mise en scène pittoresque- qui ont fait de la
première représentation de la Juive une des époques de nos annales
lyriques. Aujourd'hui le temps nous manque pour entrer dans les
détails : disons seulement que Mme Vandenheuvel-Duprez, Belval et
Warot ont aussi mérité des suffrages dans les rôles d'Eudoxie, du
cardinal Brogni et de Léopold.
11 y a eu quelques fausses notes commises par les cors et les haut-
bois : nous les attribuons à la température, et nous voudrions qu'on
pût en dire autant de celles dont quelques coryphées se sont rendus
coupables.
P. S.
THÉÂTRE IMPÉRIAL ITALIEN,
Début de Fraschlnl et de Uorelll dans Miucia ai
MtnwmnevtMoor.
Depuis plus de vingt ans on nous parlait de Fraschini, et nous ne
le connaissions pas encore. Depuis huit jours que nous l'avons en-
tendu, nous avons peine à concevoir qu'un tel artiste se soit dérobé si
longtemps à notre admiration, à notre enthousiasme. Il faut donc que
la renommée, qui si souvent exagère, n'ait pas cette fois atteint la
vérité; il faut que les directeurs aient été bien né^;Iigents, ou Fras-
chini bien dédaigneux. 11 n'avait pas besoin de nous, c'est vrai,
pour se faire une existence magnifique et pour arriver à dire comme
cet autre : Amphion Thebas, ego dotnmn ; Amphion a bâti Thèbes,
et moi ma maison. Encore une maison, ce serait peu, et Fraschini
3/|8
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
pourrait dire des maisons, des villas, des palais ! Mais les directeurs
qui se seraient enricliis grâce à lui, et qui ne méprisent pas ce
genre d'agrément , ont donc manqué de sagacité, d'éloquence?
M. Bagier, qui possédait Fraschini dans sa troupe de VOriente à
Madrid, a réussi enfin à le conduire chez nous; mais on assure que
ce n'est pas sans peine, et que, la veille de son début, l'artiste offrait
à son directeur 100,000 francs pour s'en dispenser. 100,000 francs,
la somme est ronde et jolie : seulement le directeur savait qu'en te-
nant son marché, il gagnerait bien davantage.
M. Fétis, notre savant et illustre collaborateur, dans le tome III
de sa Biographie universelle des musiciens , publié l'année der-
nière, s'exprimait en ces termes sur le célèbre artiste :
« Fraschini (Gaetano), ténor dramatique, né à Pavie en 1815,
se livra d'abord à l'étude de la médecine; mais, doué d'une des
voix de ténor les plus puissantes qu'on ait entendues au théâtre , il
résolut de la cultiver et prit des leçons d'un maître nommé
Moretli, qui lui fit faire de rapides progrès. En 1837, Fraschini fit
l'essai de son puissant organe vocal dans la cathédrale de Pavie ;
l'effet qu'il produisit le fit engager immédiatement pour chanter à
Pavie le second ténor dans le Belisario de Donizetti, puis à la foire
de Bergame, le rôle de Rodrigo dans VOtello de Rossini. Etonné de
trouver un pareil rival, ï'Otello, qui, je crois, était Poggi, ne dut
pas lui dire avec trop d'assurance dans la belle scène du second
acte, ti dispresso (je te méprise). En 1840, Fraschini chanta au
théâtre de la Scala de Milan et y produisit une profonde impression.
De là, il alla à Naples et fut attaché pendant plusieurs années au
théâtre Saint-Charles. Je l'y trouvai en 1841 : il remplissait cette
vaste salle de sa voix formidable et attaquait les notes les plus aiguës
avec une énergie extraordinaire. Je le retrouvai à Bergame en 1850,
et fus frappé de retrouver sa solide voix, qui n'avait rien perdu de
sa fraîcheur, en dépit de la musique exagérée sur laquelle il avait
dû s'exercer depuis neuf ans; mais il avait appris à mieux chanter.
Les villes où il s'est fait entendre sont Milan, Naples, Bologne, Ve-
nise, Turin, Padoue, Vicence, Londres, Bergame, Vienne, où il est
retourné plusieurs fois et où il se soutenait dans la faveur du pu-
blic, en 1852. »
L'appréciation de M. Fétis est celle d'un grand maître , et la ma-
nière dont il caractérise Fraschini fournit une preuve de plus à
l'appui de la sûreté de son goût. Depuis 1852, Fraschini s'est en
quelque sorte naturalisé en Espagne , en Portugal : la France restait
pour lui en dehors de la carte. M. Bagier a si bien fait que le voilà en-
tré dans Paris, et impatronisé en quelques heures. Jamais nous n'avons
assisté à un succès plus incontesté, plus rapide. Nous avons par
devers nous dans nos souvenirs une riche collection de ténors, et
dans Lucia notamment, nous avons entendu tous ceux qui se sont
présentés, y compris Rubini, Duprez, Mario, Moriani, et tant d'autres
dont la liste ne finirait pas. Sans user de parallèles blessants et
inutiles, nous dirons que Fraschini est égal au meilleur, supérieur à tous
par les admirables qualités de sa voix. On a pu en juger dès son
entrée au premier acte. Malgré la peur qui l'étranglait, cette voix
sortait toujours pure, onctueuse et puissante: toutes les notes en étaient
liées, homogènes , et pas une ne se heurtait contre l'autre. L'expres-
sion générale de son chant réalisait l'idéal du personnage. Le bruit
avait couru que Fraschini ne se souciait ni du costume, ni du jeu
dramatique: il aurait donc fait encore, à ce point de vue, d'immenses
progrès , car jamais nous n'avons rencontré d'artiste satisfaisant
mieux que Fraschini à toutes les conditions du rôle. Il a joué, dé-
clamé, chanté la scène finale du second acte avec le plus grand effet :
il a dit admirablement le terrible 4^-' makdeita ! et le dernier
acte a été le complément de son beau succès.
C'était encore Mme Anne de la Grange qui remplissait le rôle de
Lucia, après avoir joué dans la Traviata et dans Rigoletto. Depuis
le jour de l'ouverture du théâtre, elle n'a cessé d'être sur la brèche ;
son dévouement ne le cède en rien à son talent. Ce talent s'est
montré avec éclat dans Lucia ; mais on aurait voulu qu'elle se sou-
vînt moins de sa prodigieuse vocalisation dans la scène de folie et
qu'elle y chantât plus simplement.
Un débutant du nom de Morelli, mais n'ayant rien de commun
avec le Morelli qui, du théâtre Italien, où il était d'abord, avait passé
au grand Opéra français, s'essayait dans le rôle d'Ashton. Sa voix
est pesante et dure ; sa physionomie ressemble beaucoup à sa voix:
on l'a reçu avec une froideur marquée. Bouché, qui a marché dans
un tout autre sens que l'ancien Morelli, en quittant la France pour
l'Italie, nous revenait dans le rôle du vénérable Raimondo. 11 l'a
chanté avec une bonne voix et un accent de douleur profonde, trop
profonde peut-être : il y a des économies à faire sur ce chapitre.
Un jeune chanteur, qui, formé au Conservatoire de Paris, comme
Nicolas, a été ensuite comme lai, en Italie, M. Leroy, nous a semblé
offrir le meilleur spécimen d'Arturo qu'il fût possible de désirer.
L'orchestre et les chœurs font de leur mieux sous des chefs intelli-
gents, et ce mieux est réellement bien.
CONCERTS POPULAIRES DE KUSIQUE CUSSIQUE
An Ciriine IVapoléon.
M. Pasdeloup a repris dimanche dernier ses concerts vraiment po-
pulaires, et une foule immense s'est trouvée fidèle au rendez -vous.
Le programme était excellent, et nous en dirons autant de l'exécution.
Jamais, en aucun lieu du monde, le Songe d'une nuit d'été, de Men-
delssohn, n'a pu être rendu avec plus d'intelligence, de délicatesse
et de fini. Dans la même séance, nous avons entendu pour la pre-
mière fois une symphonie d'Haydn, en ré majeur, n» 43, et nous
ne connaissons rien de plus charmant que cette œuvre d'une simpli-
cité naïve et juvénile. Depuis la dernière saison, le fondateur des
concerts populaires a reçu la juste récompense de ses services : l'Em-
pereur l'a décoré de la Légion d'honneur ; les artistes de son or-
chestre ont voulu s'associer à cette distinction, dont l'éclat rejaillit
sur eux-mêmes. A la répétition qui précédait le premier concert, ils
ont offert à leur jeune et glorieux chef une croix en diamants. C'est
un témoignage nouveau de leur entente cordiale.
Paul SMITH.
BEVDE CRITIQUE.
F. Scliœn. — Berceuse ; Souvenir de Berlin , pour piano.
Nous avons affaire ici à une individualité nouvelle, et qui se mani-
feste d'une façon vraiment peu ordinaire. Nous connaissions déji M. F.
Schœn comme un pianiste très-distingué ; mais nous n'avions encore vu
aucune de ses compositions. Il entre en lice armé de toutes pièces, et
son coup d'essai nous semble être un coup de maître. Sa Berceuse, dont
le titre pourrait faire croire à un emprunt fait au Pardon de Ploërmel,
ne rappelle cependant en rien la mélodie du célèbre auteur de Robert
le Diable. C'est une inspiration toute personnelle et toute frappée au
coin de l'originalité la mieux accusée. On imaginerait difficilement
quelque chose de plus gracieux et de plus mélodique que le début de
cet andanlino écrit en entier sur un mouvement de six-huit. Point de
monotonie pourtant dans l'ensemble du morceau, parce qu'il est court,
et qu'il tient continuellement l'attention en éveil par des détails d'une
variété, d'une saveur remarquables. Les marches d'harmonie y sont
excessivement soignées, et les basses y jouent un grand rôle. Nous le
répétons, cette première page de M. F. Sctiœn est si bien venue, et
dénote de si heureuses inspirations unies à une science si consommée,
qu'on est tout étonné de se trouver en face d'un débutant dans la car-
rière de compositeur.
Le Souvenir de Berlin est d'un tout autre genre que la Berceuse, et
DS PARIS.
349
nous ne pouvons que nous féliciter de ce contraste qui nous présente
M. F. Schœn sous deux points de vue très- différents l'un de l'autre.
Ce second morceau est une mazurka brillante, au rhythme piquant, aux
modulations imprévues, aux développements pleins d'élégance et de
franchise. L'harmonie, moins plantureuse peut-être que celle de la
charmante mélodie dont nous avons parlé d'abord, n'est pas travaillée
avec moins de conscience et n'excite pas un moins vif intérêt. Par
exemple, les difficultés ne manquent pas dans ces deux morceaux, et
les rendent impropres à être traduits dignement par des mains peu
exercées. Ce n'est pas trop du talent d'exécution de M. F. Schœn pour
les faire valoir comme il convient. Déjà, l'hiver dernier, ils ont été le
principal attrait de son concert annuel ; espérons qu'il renouvellera
cette épreuve l'hiver prochain, et qu'il assurera ainsi leur succès dé-
finitif.
Ed. JSnyders. — Les Dragons de Villabs, petite fantaisie
pour piano.
Si jamais opéra a enfanté de nombreuses transcriptions, c'est à coup
sûr celui d'Aimé Maillart, qui en compte autant qu'il a de charmantes
mélodies, et ce n'est pas peu dire. Mais puisque toutes sont d'une
exécution brillante, à laquelle ne peuvent atteindre les jeunes élèves,
c'est donc une heureuse idée , dont nous devons tenir compte à
M. Edouard Snyders, d'avoir songé aux commerçants, en leur consa-
crant une petite fantaisie, qui rappelle les principaux motifs des
Dragons de Villars, la marche de l'ouverture, le duo du premier acte,
la pastorale, la romance de Sylvain, le chœur des dragons, et bien
d'autres piquants détails, arrangés avec goût et enchaînés avec art. Sous
de pareils auspices, il est impossible que cette petite fantaisie ne soit
pas accueillie avec faveur et ne fasse pas un chemin rapide.
Tbécla Badarzeivsksi. — La Prière d'une vierge,
morceau de salon pour piano {édition facile).
Tout a été dit sur cette charmante mélodie, qui, après avoir fait le
tour de l'Allemagne, est venue recueillir les bravos de la France. Il y a
peu d'exempler, d'un pareil succès, et pourtant de quoi s'agit-il? D'un
thème fort court, avec cinq ou six variations. Mais ce thème est un
joyau mélodique, bien préférable à certains morceaux ambitieux dont
on donnerait volontiers toute la science pour une simple inspiration
de huit mesures, allant tout droit à l'âme comme la Prière d'une vierge.
Ne soyons donc pas trop surpris de toutes les transcriptions que cette
œuvre a suscitées. Il n'y manquait qu'un arrangement simplifié, acces-
sible à tous, et respectant néanmoins l'harmonie primitive. C'est cette
lacune qui vient d'être comblée avec tout le soin qu'imposait une pa-
reille tâche, dont nous félicitons sincèrement l'arrangeur anonyme.
Ernest Depais. — Fantaisie sur lés Bavards, d'Offenbaoli, pour violon
J. Cb. Hess. -
liecarpentïer.
pour piano.
Les Bavards, fantaisie pour piano.
— Les Bavards, Stradella, 192« et 193°
Personne n'a oublié la vogue dont a joui, l'hiver dernier, au théâtre
des Bouffes-Parisiens, l'opérette ou plutôt l'opéra-comique de Jacques
Offenbach, intitulé les Bavards. Certes, nous ne contesterons pas que
Mme Ugalde ait été pour une part quelconque dans le grand succès
de cet ouvrage. Toutes les fois que cette éminente cantatrice a fait une
création, il a fallu nécessairement compter avec elle, et le rôle de Ro-
land, comme tant d'autres, a emprunté à son talent un certain prestige.
Mais, disons-le bien haut, parce que c'estia vérité, la partition d'Offen-
bach avait par elle-même tout ce qu'il faut pour réussir sans le secours
d'aucune étoile. Toute la presse en a jugé ainsi et a mis cet opéra au ni-
veau des meilleurs de l'auteur d'Orphée aux enfers. Il n'y a donc pas
lieu de s'étonner si les Bavards sont traités avec les mêmes égards que
certaines œuvres d'élite, représentées sur des théâtres plus importants,
et si, comme à celles-là, on leur fait les honneurs de transcriptions et
d'arrangements destinés k en rappeler le souvenir à leurs nombreux
applaudi^seurs. Nous avons sous les yeux quatre morceaux de ce genre,
inspirés par les plus jolis motifs de la pièce des Boufles-Parisiens. Le
plus important est une Fantaisie brillante et concertante, en la majeur, pour
piano et violon, par M. Ernest Depas, membre correspondant de la So-
ciété libre d'émulation de Liège. Cette Fantaisie, qui est exempte de dif-
ficultés, est faite cependant avec une parfaite entente des ressources
dont les deux instruments auxquels l'exécutioa en est confiée, sont
susceptibles. Quoique le violon soit un peu mieux partagé dans la dis-
pensation du chant, le piano n'en a pas moins de fréquentes occasions
d'intervenir avec avantage, notamment dans la célèbre chanson de
table, dont le motif lui est abandonné.
C'est cette même mélodie, si neuve et si gracieuse, qui forme l'introduction
de la Fantaisie pour piano que M. J.-Ch. tless a écrite sur les Bavards,
et qui est ramenée au milieu du morceau sous forme d'andantino bril-
lant. Un autre attrait de cette Fantaisie, c'est la transcription de la
romanes : Sans aimer, ah ! peut-on vivre ? Tout cela est travaillé avec
beaucoup de goût et d'habileté. On y sent toujours l'inspiration du
compositeur sous l'arrangement du transcripteur. Aussi faut-il être déjà
d'une moyenne force pour aborder ce morceau, riche de détails et de
combinaisons harmoniques qui lui donnent une grande valeur.
Signalons aussi une Bagatelle de M. Lecarpentier, qui, selon son
usage, l'a tracée en vue des pianistes débutants. On retrouve dans ce
dernier travail, très -agréable et très-soigneusement fait, le finale du
deuxième acte, la chanson de table et un chœur avec couplets comiques.
C'est un véritable tour de force que cet arrangement, où la simplifica-
tion du transcripteur ne fait aucun tort à la pensée de l'auteur.
Mais puisque nous trouvons IVI. Lecarpentier, nous ne le quitterons
pas, quoique la place soit assez mal choisie, sans lui adresser nos
compliments sur sa cent quatre-vingt-treizième Bagatelle, arrangée d'a-
près des motifs de Stradella. Un peu plus compliquée que la précédente,
elle est néanmoins d'un abord convenable pour les jeunps élèves. De
plus, le choix des motifs, triés parmi les plus charmants de l'opéra
de M. de Flotow, la rend fort attrayante et la recommande aux ama-
teurs qui ont suivi depuis deux ans les soirées du théâtre Italien.
NOUVELLES.
*** Dimanche dernier, le théâtre impérial de l'Opéra a donné la
Muette. Lundi, les Huguenots n'avaient pas attiré moins de monde que
le vendredi précédent, et la représentation a été excellente. — Mer-
credi, le Comte Ory et Diavolina, ballet dans lequel Mlle Vernon suc-
cédait à Mlle Mouravief. — Enfin, vendredi, la Juive, dans laquelle
Villaret a chanté le rôle d'Eléazar.
^*^ Aujourd'hui dimanche, par extraordin.^ire, les Huguenots.
,*^ On répète activement Muïse. — Bientôt Mlle Wertheimber chan-
tera le rôle de Fidès dans le Prophète.
/"g, Les constructions de la nouvelle salle de l'Opéra avancent
visiblement ; les sept arcades de l'entrée principale reçoivent en
ce moment leurs cintres. Ces arcades sont précédées d'un perron de
huit marches. C'est, en d'autres termes, le rez-de-chaussée du nouvel
Opéra, qui se termine en élévation. Sur ces sept arcades, surmontées
d'un vigoureux entablement, va s'élever la grande colonnade couplée à
peu près comme celle du Louvre.
^*^ La représentation donnée samedi au théâtre de l'Opéra-Comique, au
bénéfice de l'association des artistes dramatiques, a été fort brillante et
avait attiré beaucoup de monde. Outre l'attrait de voir Samson et
les meilleurs acteurs de la Comédie-Française dans le Uourgeois gentil-
homme l'opéra y était représenté par ses plus charmantes danseuses, et
la soirée était fort gaiement terminée par une excellente représentation
du Tableau parlant, interprété avec autant d'esprit que d'entrain par
Sainte Foy, Ponchard et Mlle Girard.
a,** On a revu avec grand plaisir Montaubry dans le Postillon de Long-
jumeau, qu'il chante et joue avec beaucoup d'esprit et d'entrain.
^*^ L'opéra d'Adam est accompagné de la Servante maîtresse, l'un des
meilleurs rôles de Mme Galli-Marié.
^*^ Le Domino noir continue à remplir la salle du théâtre impérial
de l'Opéra-Comique. Achard et Mlle Cico s'y font applaudir chaque
soir. — Lundi, Montaubry reparaîtra dans Zampa, dont le congé pris
par l'artiste avait interrompu les représentations au milieu de leur
succès. Mlle Monrose y chantera le rôle de Camille.
*'** Après la Fiancée du roi de Garbes, qui ne tardera pas à faire son
apparition, viendra l'opéra eu trois actes de Maillart, Lara; puis on mon-
tera le capitaine Henriot, en trois actes également, paroles de MM. Dumas
et de Leuven, musique de Gevaert.
^*^ Le ténor Fraschini a de nouveau chanté, jeudi, dans la Lucia; tout
à fait maître de lui, le célèbre ténor a produit encore plus d'effet
qu'aux représentations précédentes. Hier il a continué ses débuts dans
Poliuto ; Mme Julienne Dejean y commençait les siens par le rôle de
Pauline ; nous en rendrons compte dimanche prochain. — M. Bagier a
engagé un nouveau ténor, M. Agresti, pour Paris et Madrid.— En outre,
voulant témoigner au ténor Nicolinisa satisfaction, le nouveau directeur
du Théâtre-Italien lui a annoncé le soir do la première représentation de
Rigoletto qu'il doublait ses appointements. — Selon toutes apparences,
il y aura changement dans l'ordre adopté d'abord pour les représenta-
350
REVDE KT GAZETTE MUSICALE
tions de Mlle Adelina Patti, qui ne devaient commftncer que vers le 25
décembre. La jeune et célèbre cantatrice est attendue ici à son retour
de Berlin, et elle devait se rendre à Madrid ; mais pour soulager Mme
Lagrange, qui ne pourrait résister au service qu'elle fait depuis la réou-
verture du Tliifitre, Mlle Patti commencerait tout de suite ses repré-
sentations par la Sonnambula-, on aurait en même temps les débuts de
Giraldoni, et de Baragli.
*** Mme Frezzolini est de retour à Paris.
*** M. UUmann, qui était à Paris ces jours derniers, est parti pour la
Belgique et la Hollande, afin d'organiser les concerts que doit y don-
ner Mlle Carlotta Patti.
^*^ Mme Ferraris va donner à la Pergola de Florence une douzaine
de représentations
^*^, On va représenter très-prochainement Stradella, de Flotow,
au théâtre 'Victor-Einmanuel, à Turin.
^*^ On annonce le départ pour Nice de Mme Damoreau-Wekerlin, qui
va chercher sous ce ciel plus clément le rétablissement de sa santé.
*** M. Ernest Reyer vient d'intenter à M. Carvalho, directeur du
théâtre Lyrique, un procès à l'occasion de la Statue, que le jeune com-
positeur prétend avoir été jouée dans de mauvaises conditions, et qu'il
veut retirer au théâtre.
**^ M. Ernest Meumann, compositeur distingué, a fait entendre ré-
cemment, dans les salons de musique de M. Lebouc, plusieurs œuvres de
lui qui ont été fort appréciées des amateurs. Au nombre de ces mor-
ceaux, la sonate pour piano et violon, qui avait produit beaucoup d'ef-
fet, a été exécutée la semaine dernière en petit comité, dans les salons
du prince Poniatowski, par l'auteur et M. Ferrand, violoniste, et y a
rencontré le même succès.
*** Aujourd'hui dimanche, à 2 heures, a lieu au cirque Napoléon le
deuxième concert populaire de musique classique, sous la direction de
Pasdeloup. — On se rappelle l'immense succès qu'obtint l'année der-
nière le célèbre violoniste Sivori à l'un de ces concerts. M. Pasdeloup a
voulu faire jouir de nouveau son public de ce magnifique talent, et on
l'entendra dans le concert d'aujourd'hui, dont voici le programme :
1° ouverture de Fidelio en mi majeur de Beethoven; 2° symphonie
n° 53 de Haydn (introduction, allegro, adagio, menuet final) ; 3" con-
certo pour violon de Mendelssohn, exécuté par Sivori ; 4" larghetto du
quintette 108 de Mozart, pour tous les instruments à cordes ; 5° ouver-
ture à'Oberon.
^*t Le Comité de l'Association des artistes musiciens s'occupe active-
ment de l'organisation de la messe de Sainte-Cécile, qui doit être célé-
brée dans l'église de Saint-Eustache, lundi 23 novembre, sous la direc-
tion de M. Pasdeloup, qui fera exécuter par scn orchestre la première
messe en ut de Beethoven, Cette œuvre, du célèbre compositeur, n'a ja-
mais été entendue dans une église à Paris.
^*^ Parmi les élèves admis dernièrement au Conservatoire, on a re-
marqué le fils de Massol, doué d'une très belle voix de baryton et d'une
grande intelligence musicale. Il suivra le cours de M. Fontana.
^** Un concert a été récemment donné, à Strasbourg, par une jeune
violoniste de neuf ans, Mlle Liebé, qui déjà sait se faire écouter des
plus difficiles. Née dans une famille toute musicale, formée à l'art du
violon par M. Weber père, l'excellent professeur, elle égale ou surpasse
toutes les virtuoses précoces de sou sexe et de son âge. Elle se propose
de finir son éducation au Conservatoire de Paris.
^*» Son Exe. le ministre de la maison de l'Empereur et des
beaux-arts a daigné souscrire pour vingt exemplaires de chacun des
ouvrages didactiques de M. Henri Duvernoy, l'un des professeurs les
plus justement estimés du Conservatoire. Ces deux ouvrages remarqua-
bles, qui ont pour titres : Solfège à changements de clefs et Solfège ar-
tistique, ont été, l'an dernier, couronnés par l'Institut de France , et
ont valu à leur auteur les adhésions les plus flatteuses d'un grand nom-
bre de compositeurs et de professeurs, tant français qu'étrangers.
^*\,. Charles Dancla vient de faire paraître, sous le titre Symphonie
concertante pour deux violons et violoncelle, avec accompagnement
d'orchestre, de quatuor ou de piano, dédiée aux trois sœurs Clauss, une
œuvre nouvelle dans laquelle se retrouvent à un haut degré les qualités
sérieuses qui distinguent l'éminent professeur du Conservatoire, et qui
n'est pas destinée à moins de succès que ses aînées. Nous reviendrons
sur cette publication.
*** Les nouveaux points d'orgue composés par M. Georges Pfeiffer
pour les concertos de Beethoven, seront prochainement publiés par les
éditeurs Brandus et Dufour.
^*^ On se rappelle les séances de musique données l'an dernier par
la Société nationale des beaux-arts du boulevard Italien n" 26, Cette heu-
reuse tentative, s'est renouvelée cette semaine par une séance de mu-
sique de chambre, organisée par la section de musique de la Société
que préside M. Félicien David. On y a exécuté des morceaux de Haydn,
de Kreutzer et de Mozart avec beaucoup d'ensemble et de talent.
»*^ L'inauguration et la bénédiction du grand orgue de la cathédrale
de Versailles ont eu lieu mardi dernier ; l'affluence des fidèles était
considérable. M. Lefébure-Wcly a exécuté quatre splendides improvisa-
tions et un offertoire de sa composition, avec ce style magistral qui
fait de cet artiste une des premières célébrités musicales. Chacun a
pu admirer la puissance, la douceur, la netteté des diûérents jeux de
l'orgue, dont M. Cavaillé-CoU vient de faire un des meilleurs instruments
qui existent en France.
*** En annonçant la publication par MM . Schott frères, à Bruxelles,
de diverses œuvres symphoniques de M. Fetis, nous avons omis de dire
qu'elles paraîtront à la fin de novembre prochain et qu'on peut sous-
crire à Paris chez MM. G. Brandus et S. Dufour.
^** Le carillon célèbre qui va être rétabli au faîte de la vieille église
de Saint-Germain-l'Auxerrois, désormais restaurée complètement, se
composera de trente-huit cloches, — trois gammes chromatiques, plus
deux notes, qui enverront des bouffées d'harmonie à tous les échos. Ce
que le carillon de Saint-Germain-l'Auxerrois aura de particulier, c'est
que son clavier sera semblable à un clavier de piano, et qu'il sera touché
par le premier pianiste venu, à la condition que ce pianiste ne manquera
ni de goût, ni de prudence. Car cette nouvelle application du clavier ne
sera pas sans danger. — L'instrumentiste devra se garder de faire valoir
l'agilité de ses doigts. Trop de notes lancées à la fois dans l'air produi-
raient une grande cacophonie. La cloche étant un instrument à sons
relativement prolongés, il arriverait que les notes d'un accord se confon-
draient avec celle de l'accord suivant, ce qui serait juste l'effet discor-
dant produit par le piano lorsqu'on néglige de fermer à temps la grande
pédale.
**:j La Société des compositeurs de musique a repris le cours de ses
réunions du samedi, dans son local ordinaire, 95, rue de Richelieu,
succursale Pleyel-Wolff et C<=. Par décision du comité, la première
séance mensuelle est fixée au 28 novembre prochain.
*** Dans sa séance du 8 octobre, l'Académie royale de Belgique (classe
des beaux-arts) a maintenu à son programme des concours de 1864 la
question suivante : « Faire l'éloge de Grétry ; déterminer ce qui caracté-
rise son talent dans les cinq genres de musique dramatique, à savoir : la
comédie sérieuse, la comédie bouffonne, la pastorale, le grand opéra de
demi-caractère et la tragédie lyrique. » — Le prix est de 600 francs.
C'est la troisième fois que cette question figure au programme. Au der-
nier concours, l'Académie a reçu deux mémoires qu'elle n'a point jugés
dignes du prix. Les concurrents s'étaient mépris sur l'intention de
l'Académie : ils avaient cru qu'il s'agissait d'un concours d'éloquence.
Ce qu'on demande avant tout, c'est l'interprétation et l'analyse des
œuvres de l'illustre maestro. L'éloge doit ressortir de cette analyse. Il
s'agit plutôt d'une étude sur Grétry que de la glorification de son génie.
— Les mémoires destinés au concours doivent être écrits lisiblement en
français, en latin ou en flamand, et adressés, franco, au secrétaire per-
pétuel de l'Académie, avant le T' juin 186/i.
,1,'*;^ Nous avons récemment parlé des promenades-concerts que le fils
du célèbre chef d'orchestre JuUiea se propose de donner au théâtre de
Sa Majesté, à Londres ; on nous écrit qu'il vient d'engager Sivori pour
y jouer pendant un mois. M. JuUien serait également dans l'intention
de lui adjoindre quelques artistes du théâtre Italien.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
j^*j^ Lyon. — Notre grand théâtre vient d'avoir une belle soirée, impa-
tiemment attendue d'ailleurs. On se souvenait de la supériorité de
Mme Cabel dans le beau rôle de Catherine de l'Étoile du Nord et la
reprise du chef-d'œuvre de Meyerbeer était une véritable solennité ; la
direction y avait, de son côté, mis tous ses soins. Coulon, le transfuge de
l'Opéra, était chargé du rôle de Peters ; Fabre de celui de Danilowits.
M. Mirai et Mlle Laurentis chantaient ceux de Georges Skavronski et de
Prascovia. M. Coulon a eu de beaux moments et a mis de l'âme et de
l'expression dans la célèbre romance du troisième acte ; on aurait
désiré de lui plus d'éclat et d'énergie dans la scène de la révolte; mais
la marche sacrée, qui termine si pompeusement le second acte, a produit
un immense effet. — Mme Cabel a dit avec beaucoup de crânerie les
couplets charmants du Bonnet sur l'oreille, et la scène avec les Tartares,
qu'elle ne joue pas moins bien qu'elle ne la chante, lui a valu les plus
chaleureux applaudissements ; elle n'a pas eu moins de succès dans l'air
du troisième acte et ses vocalises ont été merveilleuses. — L'air des Tartelettes
a été très-bien chanté par M. Fabre, et on a fort applaudi Melchisedec,
qui faisait Gritzenko, dans l'air de Grenadier moscovite. Enfin, Mlle Lau-
rentis a dit avec beaucoup de goût la villanelle du premier aute et ses
couplets du troisième. Il n'y a que des éloges à donner aux chœurs et
à l'orchestre. — Nous attendons maintenant le Pardon de Ploermel pour
compléter le brillant répertoire de notre saison.
^"'^ Marseille.— Depassio vient de faire un éclatant début dans la Juive.
D'enthousiastes bravos ont accueilli l'artiste qu'on n'avait pas oublié et
DE PARiS.
351
qu'on a revu avec grand plaisir. — Les Huguenots ont eu deux belles
représentations consécutives ; — Mlle Pitteri a rendu au ballet la plus
grande animation ; dans le Jugement de Paris nouveau ballet de M. Mont-
plaisir; la jeune et jolie ballerine qui représentait Vénus a été couverte
d'applaudissements.
CHRONIQUE ETRANGÈHE.
»*.j, Bruxelles. — On n'a point oublié deux charmantes pochades d'un
jeune compositeur, Léo Delibes, élève d'Adam, les Deux vieilles Gardes
et VOmelette à la Follembuche , dont la musique leste, gaie et pimpante a
consacré le succès. Nous avons retrouvé toutes ces qualités dans un petit
opéra, le Jardinier et son seigneur, que vient de nous donner le théâtre
de la Monnaie, et qui a été fort applaudi. — Nous attendons des nou-
veautés plus importantes, et il est bientôt temps que Mlle Frielberg
arrive pour ressusciter notre ballet. — Il paraît maintenant certain que
la troupe de Merelli viendra vers la fin de la saison, avec Mlle Désirée
Artot, donner quelques représentations à Bruxelles.
*** Berlin. — Le nouvel opéra de 6. Schmidt, la Rcole, a reçu
un accueil assez froid au Théâtre-Royal. — La Société des amis de
la musique donnera son premier concert sous la direction de Hans de
Biilow, le 31 de ce mois ; on y exécutera la neuvième symphonie de
Beethoven avec chœur. — Mlle Patti a été magnifique dans la Traviata,
au Théâtre- Victoria, et y a surtout produit un effet prodigieux. — Le
succès de Naudin continue. Après Lucia, il a chanté plusieurs fois la
Traviaia et la Sonnambula. Le roi suit assidûment les représentations
du Théâtre-Italien.
,*^ Vienne. — Les dépouilles mortelles de Beethoven et de Schubert ont
été déposées dans les caveaux. Après une messe de requiem, dite à la
chapelle du cimetière, les deux cercueils ont été portés au pied de la
croix qui s'élève au milieu du champ de repos, et, de là, transférés dans
leur dernière demeure. Les membres de l'Académie de chant et du
Mœnner-Gesang-Verein ont chanté un choral de Beethoven et un choral de
Schubert. — La basse Schmidt, qui a été engagée par M. Gye pour le
théâtre de Covent-Garden, doit principalement chanter Robert le Diable
et les Huguenots ; il étudie les rôles de Bertram et de Marcel. — Wachtel
étudie en ce moment le rôle de Masaniello, de la Muette. Une très-gra-
cieuse ballerine, Mlle Couqui, remplira celui de Fenella. — Nous avons
eu une excellente représentation de 7îo6erî le Diable, qui, comme toujours,
avait attiré la foule. On a particulièrement distingué Mme Fabri-Mulder
(Alice) et Mlle Liebhart (Isabelle). Prochainement : Iphigénie en Aulide,
de Gluck ; puis viendra la Fée du Rhin, par Ofifenbach. — La fameuse
ronde du Brésilien, qui est populaire à Paris, vient d'être chantée avec
le plus grand succès au théâtre An der-Wien.
»*,f Francfort. — Le Muséum a donné son deuxième concert. La sym-
phonie en ré mineur de Ilaydn a fait le plus grand plaisir : l'air de
Samson, par Haendel, rappelle la vigueur, la puissance des plus beaux
passages du Messie ; enfin, Mme Clara Schumann a joué le concerto de
Mendelssohn de manière à captiver la salle, même après l'effet produit
par l'air de Haendel.
j*^. Ancône. — Mlle Aug. Gonetti (un nom itialianisé) vient de débuter
avec éclat à l'ouverture du nouveau théâtre Vittorio Emmanuele de
cette ville. Le rôle de Paolina dans l'opéra Poliuto , de Donizetti, a donné
à Mlle Gonetti, qui pour la première fois paraissait devant le public,
l'occasion de faire admirer une très-belle voix de niezzo-soprano d'un
timbre chaud et sympathique, une exécution brillante et une expres-
sion dramatique que l'on a été fort surpris de trouver aussi développée
chez une débutante. L'air et le duo avec le ténor bissés et de nombreux
rappels ont dû prouver à Mlle Gonetti combien le public était sous le
charme de son jeune talent.
^*^ Trieste. — L'opéra nouveau : la Fanciulla délie Aslurie, par Sachi,
n'a obtenu qu'un succès d'estime.
„,** Barcelone. — Après son triomphe dans Norma, Mlle Lagrua vient
d'en remporter uu nouveau et non moins décisif dans la Saffo de Pa-
cini, le public a fait le plus chaleureux accueil à Cresoi, de nombreux
bravos accompagnés de rappels ont été prodigués à Mlle Lagrua, après
son duo avec le ténor Fabbris; elle a dû répéter l'adagio de celui
qu'elle chante avec Mme Grossi; le trio a fait fureur et a motivé
le rappel de trois artistes, et le rondo final, chanté par la célèbre
cantatrice, a soulevé un enthousiasme indescriptible et des ovations
sans fin. Le public l'a encore appelée à plusieurs reprises. — On a mis
en répétition la Linda, qui sera chantée par Mme Colson, et il Giu-
ramento par Mlle Lagrua, Mme Grossi, MM. Negrini et Cresci
M. Verger se propose de monter la Fatucchiera, opéra de maestro Guy as,
compositeur espagnol.
^*^ Madrid. — La représentation du Trovatore au théâtre de l'Oriente
a été pour les sœurs Marchisio l'occasion d'un nouveau triomphe. Après
la cabalette de son duo avec le baryton et après le Miserere, la Car-
lotta a été saluée des plus vifs applaudissements et rappelée. Sa sœur
Barbara n'a pas eu moins de succès dans le rôle d'Azucena. — A l'oc-
casion de la présence dans nos murs de S. M. l'Impératrice des Fran-
çais, une représentation de gala a eu lieu au tliéâtre Royal, dont S. M.
la reine avait loué toutes les places; L'opéra de Rossiui, la Semira-
mide, avait été choisi pour la circonstance et il a été admirablement
chanté par les sœurs Marchisio, Agnesi et Padovani.
„,*„ Moscou. — Nous avons à enregistrer une nouvelle victoire du té-
nor Pancani, dans l'un des chefs-d'œuvre de Meyerbeer, U Projeta,
dont le succès a été immense. A peine Pancani, qui interprétait le rôle
de Jean de Leyde, avait-il paru sur la scène, qu'une salve enthousiaste
d'applaudissements partit de tous les points de la salle. Le célèbre chan-
teur a tenu d'ailleurs à justifier ces marques de sympathie; il a chanté
admirablement et avec toute la puissance de ses moyens. Chaque mor-
ceau lui a valu des bravos et il a dû reparaître plusieurs fois, tantôt
seul, tantôt avec ses partenaires qui l'ont dignement secondé. La di-
rection de notre théâtre n'avait d'ailleurs rien épargné pour donner à
cotte reprise tout l'éclat qu'elle méritait.
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SOMMAIRE. — Théâtre Lyrique impérial : les Troyens, opéra en cinq actes pré-
cédés d'un prologue, de M. Hector Berlioz, par liéon Durocber. — Théâtre
impérial italien et Concerts populaires de musique classique, par Pan! Smith.
— Projet d'auditions périodiques d'œuvres musicales d'artistes vivants , par le
même. — Lettres de Félix Mendelssobn, traduites par J. Dnesberg. — Re-
vue des tliéàtres, par ». A. D. Saint-ITTes. — Nouvelles et annonces.
THEATRE LYRIQUE IfflPÉRIAl.
IaK» TROYESrS,
Opéra en cinq actes précédés d'un prologue, par M. Hector Berlioz.
(Première représentation le 4 novembre.)
Il n'est pas commun d'être à la fois poëte et musicien. Cela ne
s'était point vu en France, si nous avons bonne mémoire, depuis
l'opéra-comique intitulé Ponce de Léon, dont Berton a fait, succes-
sivement ou à la fois, les paroles et la musique. Cela suppose la
réunion de facultés diverses que la nature ne donne qu'à de très-
rares élus. Mais notre collaborateur et ami Hector Berlioz avait de-
puis longtemps fait ses preuves dans les deux arts. A l'apparition de
ses deux grandes symphonies, tout le monde avait compris que
l'harmoniste était doublé d'un poëte. On avait vu le poëte dans la
Damnation de Faust comme dans Roméo et Juliette, et quand l'En-
fance du Christ fut exécutée dans la salle Herz, on fut si peu surpris
de voir la partition et le livret signés du même nom que personne, ou
presque personne, n'en fu la remarque. Lorsqu'on apprit que Béa-
trice et Bénédict, ainsi que les Troyens, étaient, comme Pallas, sortis
tout armés d'un cerveau unique, proies sine maire creata, on trouva
cela tout simple. Tant on s'accoutume vite aux choses les plus dignes
d'admiration !
Donc, ces Troijens que l'on attendait depuis si longtemps, et avec
une curiosité si ardente, ont fait leur entrée sur la scène du théâtre
Lyrique mercredi dernier. Celte entrée a été triomphale, on peut le
dire. Chaque morceau a fait éclater de bruyants applaudissements.
Un des plus importants a été bissé, — un septuor, notez -le bien !
Que le public soit saisi par le tour piquant d'un couplet légèrement
accompagné, dont le style leste el simple se comprend sans effort,
et se loge du premier coup dans la mémoire, cela se voit tous les
jours, et n'a rien de très-étonnant. Mais un morceau à sept voix
d'une harmonie aussi savante qu'agréable, escorté de l'accompagne-
ment instrumental le plus ingénieux, le plus pittoresque^ plein de
hardiesses harmoniques, de modulations imprévues et saisissantes,
voilà un triomphe rare , et dont peu de compositeurs peuvent se
vanter !
Dans ce morceau, chanté par Énée et son fils Ascagne, Didon, sa
sœur Anne — Anna soror — et de grands dignitaires carthaginois
dont le nom nous échappe, il n'est question, si nous avons bien en-
tendu, que du plaisir qu'on éprouve à respirer, sous le ciel africain,
à la clarté de la lune et des naissantes étoiles, la brise tiède et em.
baumée du soir. Mais il y a dans l'âme du chef des Troyens et de
la reine de Carlhage une pensée plus secrète, un sentiment plus
mystérieux, qui ne se manifeste point par des paroles, mais dont la
musique est, pour ainsi dire, imprégnée. La fière Didon, domptée
par Vénus, appartient tout entière au fils de la déesse, et le lui a
déjà prouvé. A la fin de l'acte précédent, on les a vus, chassés par
l'orage, chercher ensemble un abri dans la grotte fatale
Ruunt de moutibus amnes . . .
Speluncam Dido dux et trojanus eamdem
Deveniunt ....
C'est le souvenir de ce moment d'ivresse qui flotte comme un nuage
vaporeux et parfumé sur cette suave harmonie, et qui la sature de
tendresse et de volupté.
Enée et Lidon restent seuls, el le septuor devient duo. Mais la mu-
sique ne change pour cela ni de mesure, ni de rhylhme, ni de couleur.
Le duo n'est que la prolongation du septuor, un peu moins voilée
seulement, et beaucoup plus passionnée.
O nuit d'ivresse et d'extase infinie ! o *
Blonde Pliœbé, grands astres de sa cour, ^
Versez sur nous votre lueur bénie !
I'"leurs des cieux, souriez à l'immortel amour !
Dire ce qu'il y a dans cet ensemble de mélodie tout à la fois gra-
cieuse el ardente, d'harmonie délicate et de détails ingénieux, et
d'instrumentation piquante et fine dans les développements qui lui
succèdent et le ramènent... nous n'y réussirions jamais. Bornons-
nous donc à le signaler au lecteur d'aujourd'hui, qui sera spectateur
et auditeur demain. ' ;. .
Appelons également son attention sur la chanson du matelot Hylas,
qui ouvre l'acte suivant : '■ "''
55h
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Berce mollement sur ton sein sublime,
0 puissante mer, l'enfant de Dindyme I . . .
Celle canlilène est un peu monotone, et devait l'être. C'est le
caractère invariable de tous les chants des hommes de mer. Ce qui
serait ailleurs un défaut, est donc ici une beauté de premier ordre.
La contemplalion habituelle de la mer donne à l'homme le sentiment
de l'immensité, la perception de l'infini, où s'effacent et disparaissent
tous les menus détails qui produisent la variété. Le marin qui s'é-
loigne du rivage dit adieu â sa patrie, à sa famille, et ne sait jamais
s'il les reverra. Son éternelle mélancolie n'est, hélas ! que trop fré-
quemment justifiée. — Avez-vous vu cet admirable tableau de Léo-
pold Robert, les Pécheurs de l'Adriatique ? Avez-vous senti tout ce
qu'il y a de tristesse profonde et morne sur ces rudes visages altérés
par l'émotion, dans ces regards humides "et voilés, où la résolulion
intrépide ne brille qu'au travers des larmes? Tout ce que la mer-
veilleuse composition du grand peintre vous a fait éprouver, envahira
de nouveau voire cœur, s'il n'est pas insensible, quand vous enten-
drez les vagues et tristes accents que le musicien-poëte a mis dans
la bouche du jeune matelot Hylas. Cette mélodie semble n'avoir pas
de cadence finale. Elle reste comme suspendue au-dessus de l'abîme...
Qui sait, en effet, si celui qui chante et qui va partir reviendra
jamais !
Les douces sonorités qui se balancent mollement dans l'orchestre
pendant que cette délicieuse canlilène se développe au fond de la
scène, en doublent le charme et l'effet. Cet adorable petit morceau
— il est formé de trois couplets que rien ne sépare, — est celui de
tous peut-être que l'auditoire du premier jour a le moins compris.
Il prendra bientôt, nous le prédisons sans craindre, la place qui lui
est due.
Telles sont les parties de l'œuvre nouvelle qui nous ont le plus
vivement frappé. Nous en pourrions signaler beaucoup d'autres : —
le chœur du prologue, qui se chante derrière la toile du fond, la-
quelle représente Troie en ruine; — les deux airs de Didon, son duo
avec sa sœur Anne, où règne, autant que nous en avons pu juger,
beaucoup de charme ; —le finale du premier acte; — le chant funé-
raire des prêtres de Pluton, etc. Mais il y a dans presque tous une
force si intense, des complications harmoniques si multipliées, une
telle recherche et une toile nouveauté d'effets d'instrumentation, que
l'on est un peu ébloui, — disons-le même, un peu étourdi, — que
l'on se perd au milieu de toutes ces richesses, et que nous, désespé-
rons d'en parler congrûment après une seule audition. Il faut atten-
dre, et il ne nous sera pas défendu d'y revenir. Nous avons indiqué
les parties de cette volumineuse partition qui nous ont paru, de
prime abord, les plus remarquables. C'est assez pour cette fois. A
chaque jour suffit sa peine, comme dit judicieusement l'Évangile.
L'histoire des Grecs et des Troyens, de Cassandre et du cheval de
bois, d'Enée et de Didon est d'ailleurs si connue, que nous ne sen-
tons nullement le besoin de la raconter. Feu Virgile ne nous a rien
laissé à faire à cet égard. Rouvrez l'Enéide, monsieur, livres II et
IV, et ne manquez pas cette occasion de relire les plus beaux vers
qui aient jamais été écrits dans aucune langue.
Mme Charton-Demeur joue le rôle de la reine de Carthage en
vaillante actrice. Elle a le regard fier, le front superbe, la taille no-
ble, le corsage opulent, le geste impérieux que l'imagination prête
par avance à la fondation de l'empire carthaginois. Elle a la voix
puissante, l'accent énergique, allier, tendre, voluptueux, ému, pa-
thétique ou terrible qu'exigent les situations diverses où elle se
trouve placée. Berlioz n'aurait pu trouver une plus intelligente et
plus digne interprète.
M. Monjauze n'a ni la voix ni le port d'un héros, et l'on a de la
peine à croire, en le voyant, qu'il soit le fils d'une déesse. Ce n'est
pas sa faute. Il fait assurément tout ce qu'il peut.
M. Cabel dit la romance du matelot avec beaucoup de charme.
Ce jeune ténor a fait de grands progrès dont nous devons lui tenir
compte. Les chœurs et l'orchestre, dont la puissance a été augmentée
pour cette circonstance solennelle, fonctionnent aussi bien qu'on peut
l'imaginer.
L'administration n'a rien épargné pour joindre au plaisir des
oreilles le plaisir des yeux. On dit qu'elle a dépensé des sommes
considérables. Elle n'a point perdu son argent. Les décors — très-
nombreux — sont dessinés et peints avec un talent remarquable,
et nous regrettons de n'en pouvoir nommer les auteurs. Les cos-
tumes sont d'une richesse éblouissante, mais qui n'est pas toujours
d'un goût irréprochable. Les guerriers troyens portent des manteaux,
des tuniques, des armures dont l'éclat fatigue l'œil, des casques
d'une dimension démesurée, prodigieuse. Un peu plus de simplicité et
de modestie siérait mieux, ce semble, à des vaincus, à des dépos-
sédés, à des fugitifs, à des naufragés. Virgile ne les fait pas, à beau-
coup près, si brillants, et il prend même le soin de décrire leur
costume asiatique, surmonté du bonnet phrygien. On leur a donné
le costume grec, qui ne devait pas beaucoup leur plaire.
LÉON DDROCHER.
THÉÂTRE mPÉRIÂL ITALIEN.
Et Concerts populaires de mnsiqne classique.
C'est dans Poliuto que Fraschini a fait son second début avec
moins d'éclat peut-être, mais non moins de talent que dans Lucia .
Son chant large et pur y trouvait naturellement l'occasion de s'y dé-
velopper; sa voix a toute la vigueur et l'étendue nécessaires pour y
atteindre au plus grand effet ; cependant il en a produit moins que
Tamberlick, qui s'y montrait plus inspiré, plus chaleureux dans quel-
ques moments. Tamberlick enlevait le Credo avec plus de furia re-
ligieuse et vocale : il marchait au martyre avec plus d'enthousiasme.
Il ne chantait pas l'air du second acte que Fraschini a cru devoir
restituer, et nous trouvons qu'il faisait bien , car l'air est faible et
vulgaire. Quoique Fraschini n'ait pas besoin de revanche, il nous
tarde de l'entendre dans le Ballo in maschera où l'on dit qu'il est
admirable ; on dit aussi que dans Rigoleito il chante mieux que
personne la Donna è mobile, que Mario disait si bien. A côté de Fras-
chini, Mme Julienne Dejean nous revenait dans le rôle de Paolina.
Pour la première fois , celle cantatrice, que nous avions vue au grand
Opéra français, nous apparaissait depuis sa transformation italienne.
Nous parlerions plus volontiers de ce retour, s'il s'était accompli
sous de plus heureux auspices; mais notre public n'a témoigné qu'une
froideur marquée à l'artiste que l'étranger accueillait avec une vive
sympathie. Non-seulement on l'applaudissait en Italie, en Espagne,
mais Verdi écrivait pour elle le rôle d'Amélie du Ballo. Est-ce la
fatigue, est-ce l'émotion qui communiquait l'autre soir à sa voix cette
rudesse, celte roideur dont l'oreille était si peu charmée? Pour pro-
noncer, nous attendrons ; la voix humaine est sujette à tant de va-
riations, de caprices! Dells Sedie s'acquitte fort convenablement du
rôle de Sévère, quoiqu'on pût y désirer plus de force et de feu.
Quelques jours après Poliuto, nous avons revu Norma, et
Mme Anna de la Grange s'est réellement élevée très- haut dans ce
rôle capital. Son tort unique ou plutôt son malheur, c'est de venir
après tant d'artistes qui ont prodigué des trésors de talent et de
passion dans le même rôle. Mme Vander Beek , qui possède une
charmante voix de mezzo soprano, s'est bien acquittée du rôle d'A-
dalgise, et Nicolini n'a qu'à se louer de celui de Pollion.
11 avait été question de la rentrée immédiate de Mlle Adeline
Patli ; la jeune artiste arrivait de Berlin, où son succès au théâtre
Victoria a été prodigieux, comme partout; mais, décidément, rien
DE PARIS.
355
ne sera changé à son engagement ni à son itinéraire. Elle est par-
tie pour Madrid, et ne nous reviendra qu'au mois de janvier.
Au second concert du cirque Napoléon, Sivori jouait le concerto
de Mendelssohn, et son admirable talent y a fait merveille. On
ne saurait imaginer un jeu plus extraordinaire et à la fois plus char-
mant, plus de douceur dans la force, plus d'aisance dans la diCS-
culté. On croirait qu'il n'est rien de plus abordable, de plus com-
mode que ce diabolique concerto , tant la sonorité persiste à être
flatteuse et l'archet léger! Si l'enthousiasme était banni de ce
monde, ou serait sûr de le retrouver au cirque Napoléon. Aussi,
jugez comment Sivori a été reçu, applaudi, rappelé par des milliers
de voix, et jamais su(rra:;es n'avaient été plus légitimes !
Il ne fallait pas moins que l'andante de Mozart, exécuté par tous
les instruments à cordes, pour succéder à Sivori et soutenir sa ter-
rible concurrence. On a bissé l'andante : l'ouverture à'Oheron aurait
pu l'être, si elle n'eût terminé la séance .
Paul SMITH.
PROJET D'ADDITIONS PÉRIODIQUES
D'oeuvres moisicales d'artistes vivants.
C'est le moment ou jamais de parler dans l'intérêt des artistes
musiciens. Nos lecteurs savent déjà ce que notre illustre collaborateur,
M. Fétis, réclame en leur faveur (1). Cela peut se résumer ainsi:
1° concours ouverts deux fois par an pour des libretti et des parti-
tions, lesquels seraient ensuite transmis au ministre et exécutés par
son ordre; 2' subvention de 20,000 fr. à chacune des six villes prin-
cipales de France, avec obligation de représenter un certain nombre
d'opéras en un et trois actes; 3° allocation d'une somme de 15,000 f.
pour six grands concerts de musique instrumentale par année ;
4'et enfin, allocation égale pour séances de musique de chambre qui
seraient données par trois associations.
Dans un feuilleton du Constitutionnel , M. E. l'Epine a proposé
en outre d'étendre à la musique le bénéfice des expositions publiques
si largement concédé à la peinture, à la sculpture, à la gravure et à
l'architecture , et voici sur quels motifs il appuie sa proposition :
« Plus encore que les peintres, dit-il, les musiciens ont besoin qu'une
main puissante les soutienne et les encourage. Ils n'ont que peu de
ressources pour se faire connaître , aucun moyen de faire entendre
leurs productions. Le peintre peut se placer sur le chemin de la for-
tune et attirer au passage un regard de la dame; car enfln, un bon
tableau, ne fût-il exposé que dans une échoppe, a chance d'appeler
l'attention d'un connaisseur. Il faut, au contraire, que la fortune vienne
au-devant du musicien, et cette démarche est peu dans ses habitudes.
Un cadre, un clou, un rayon de lumière, voilà toute la mise en scène
nécessaire au peintre. Il faut au compositeur un libretto , qui, s'il
est mauvais, l'entraînera dans sa chute; — un directeur assez bienveil-
lant pour l'écouter, assez riche pour tenter l'épreuve ; — des inter-
prètes qui feront tout pour le renverser, s'ils ne sont pas contents
de leur rôle. Il lui faut un public qui ait bien dîné, qui n'ait pas trop
chaud, qui soit bien assis, etc., etc. »
Comment ne serions-nous pas du même avis que M. E. l'Epine ?
Comment ne nous rallierions-nous pas à une proposition si spirituel-
ment formulée ? Nous avons toujours pensé qu'on devait aux artistes
musiciens tout ce qu'il était possible de leur donner. Le recours à
une sorte d'exposition, dans le genre de celle dont les arts plastiques
ont le monopole, est-il possible pour la musique? La question se réduit
là, et nous croyons que ce recours sera praticable, dès que le
(1) Voir Us quatre lettres, dont la dcrnitre a paru dans le numéro précédent.
gouvernement le voudra, sauf ensuite à en balancer les profils et
les pertes. Mais, par exemple, il faudra que le gouvernement se
décide à se charger de toutes les dépenses. Ainsi, dans un des ar-
ticles de son règlement provisoire, M. E. l'Epine suppose que les
élèves du Conservatoire impérial et des écoles de musique subven-
tionnées par l'État pourraient être appelés à faire partie gratuitement
de l'orchestre et des chœurs. M. E. l'Epine ignore peut-être qu'au
Conservatoire il n'est pas d'instrumentiste, si petit qu'il soit, qui ne
travaille pour gagner sa vie, pour aider sa famille, qui n'appartienne
à quelque orchestre pour y jouer le soir et y répéter le matin. Le Con-
servatoire et les écoles reçoivent des subventions, mais non les élè-
ves, et il n'y aurait que stricte justice à les indemniser de leurs
peines et travaux. Du reste, ce n'est qu'un détail, et rien ne serait
plus aisé que d'arranger l'affaire à la satisfaction de tous.
Quant aux produits de l'entreprise, M. E. l'Epine nous permettra
de lui dire que nous n'y croyons pas. Il y a entre les arts beaucoup
de rapports, mais aussi beaucoup de différences. On se dérange, on
paie même pour aller voir une exposition de tableaux, dont le plus
grand nombre est médiocre ; on n'en ferait pas autant pour aller en-
tendre de la musique douteuse. La foule remplirait-elle chaque di-
manche le cirque Napoléon, si elle n'y était conviée par le renom
de chefs-d'œuvre de premier ordre ; si même la Société des Con-
certs, oîi l'on ne pouvait pénétrer, n'eût servi, pendant plus de trente
ans, de réclame aux solennités de la Société nouvelle? Une exposi-
tion des refusés serait-elle possible en musique ? On la fuirait comme
le feu, tandis que celle de peinture offrait un certain attrait et sur-
tout ne causait aucune fatigue.
Rayons le chapitre des recettes, et ne dissimulons pas que le gou-
vernement paierait tout seul les violons, s'il jugeait à propos qu'il y
eût de la musique. Qu'il en coûte un peu plus ou un peu moins,
qu'importe ! Il y a tant de musiciens sans ouvrage qu'on ne saurait
trop les favoriser, et il en restera toujours assez qui ne pour-
ront vivre en travaillant pour le théâtre, même lorsque le principe
de liberté sera entré dans la pratique, et que l'on pourra jouer des
opéras partout où l'on voudra ! Le nombre des compositeurs
grossira dans la même proportion que celui des théâtres : c'est la
nécessité, c'est la loi, et tous ceux qui ont appris à composer ne
sont pas prédestinés à obtenir des succès de nature à faire prospérer
des entreprises théâtrales. C'est là, pour le dire en passant, le vice
radical d'une institution dont moins que personne nous demanderions
la suppression : mais n'y aurait-il pas moyen d'y apporter quelque
réforme? Nous voulons parler du prix de l'Institut. Chaque année
l'Académie couronne un jeune musicien et l'envoie à Rome, sans avoir
pu exiger de lui autre chose qu'un témoignage de ses bonnes et
saines études, un style pur, correct, une orthographe irréprochable.
L'Académie lui fait bon marché des idées, parce qu'elle sait bien qu'à
cet âge ce serait demander trop et trop tôt. D'où il suit que,
toutes choses étant forcément égales entre les lauréats, l'Académie
tire le même musicien à dix, vingt, trente exemplaires. Pas la moin-
dre différence, pas la moindre nuance entre tous ces élèves formés
par les mêmes leçons. Or, quoi de plus fatal dans une famille d'ar-
tistes que cette uniformité par trop fraternelle de physionomies, d'où
il résulte que l'on confond entre eux les individus. Comment un di-
recteur se reconnaîtrait-il à travers tous ces jumeaux de Bergame?
Comment le public apprendrait-il à les distinguer ? Jetez dix ou vingt
noms dans un chapeau et tirez au hasard : vous n'en serez pas plus
mal servi!
En attendant qu'on découvre le moyen de donner aux jugements
de l'Académie une base plus sûre, à ses horoscopes de l'avenir des
jeunes musiciens une garantie plus positive, accueillons-les le mieux
que nous le pouvons, à leur retour de la villa MéJicis ; ouvrons pour
eux de nouveaux concours ; faisons exécuter leurs productions.
356
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
quel qu'en soit le genre, mais livrons aux anathèmes du public celui
d'entre eux qui, s'égarant dans une voie déplorable, aura déclaré
(suivant un mot connu) qu'il se repentait d'avoir trop sacrifié à la
mélodie \
Paul SMITH.
LETTRES DE FEUX IHENDELSSOHIÏ
( Suite. )
Mendelssohn revenait souvent à son projet d'écrire un opéra, et aux
conditions qui lui semblaient indispensables. « Quant au texte d'o-
péra en question, dit-il, je désirerais en voir tout d'abord le scéna-
rio, pour être à même de me mettre en garde contre les difficultés
qui pourraient survenir, et contre des infirmiUs déjà développées.
Si elles sont inhérentes au sujet, le mieux c'est d'y renoncer, ce qui
sera encore possible alors sans désagréments pour les deux parties.
Si les infirmités ne sont pas incurables, on pourra y remédier sans
attaquer l'organisme tout entier.
» Pour parler sans image, ce qui peut m'erapêcher d'écrire la
musique d'un librelto, et ce qui m'en a toujours empêché en effet
jusqu'ici, ce ne sont point les vers, les paroles isolées, la forme, ou
comme vous voudrez l'appeler ; c'est la marche de l'action, le drame,
les incidents, le scénario. Si celui-ci ne me semble pas bon en soi
et solidement assis, j'ai l'intime conviction qu'il en sera de même à
l'égard de la musique ; et l'ensemble ne satisfera point à mes exi-
gences, quoiqu'elles puissent, à la vérité, différer complètement de
celles du public. Quant à me conformer à celles-ci, j'y ai renoncé
une fois pour toutes, par la raison toute simple que cela est impos-
sible ; par conséquent, je dois me régler sur ma conscience après
comme avant. Le texte de Planché — avec la meilleure volonté des
deux côtés — ne fera pas un ouvrage tel que je le désire; je suis
sur le point de regarder aussi cette tentative comme avortée. J'aime
mieux no pas écrire d'opéra du tout que d'en faire un que dès le
principe je regarderais comme une œuvre médiocre. Au surplus, je
ne le pourrais même pas, quand même vous me donneriez le
royaume de Prusse tout entier.
» Tout ceci et les nombreux désagréments qui surgissent quand
un libretto est terminé, me font un devoir d'aller plutôt pas à pas,
plutôt trop lentement que trop vite ; voilà pourquoi je me suis pro-
posé de ne plus engager de poëte pour un si grand travail, qui en
définitive n'aboutirait pas, avant de m'être entendu avec lui sur le
scénario. Qa'il soit court ou étendu, simplement esquissé ou longue-
ment développé, je ne prétends pas imposer d'obligation à cet égard,
aussi peu que sur la question de savoir si l'opéra doit avoir trois,
quatre ou cinq actes. S'il me convient tel quel , huit actes ne se-
ront pas de trop, et un acte me suffira. Je ne tiens pas non plus à
ce qu'il y ait un ballet ou qu'il n'y en ait pas. La seule chose que
j'exige, c'est que le scénario s'accorde avec mon talent musical et
ma manière d'être, ce que je suis en état d'apprécier d'après un
simple scénario tout aussi bien que d'après un texte complet, n
" De la signification des compositions musicales. — On parle
tant de la musique et l'on dit si peu de chose! V.n général,
je pense que la parole ne suffit pas, et si je trouvais qu'elle
est suffisante, je finirais par ne plus écrire de musique. D'ordi-
naire les gens se plaignent de ce qu'on peut interpréter la musique
de tant de manières différentes ; de ce que l'on sait si pou ce qu'elle
veut dire, tandis que tout le monde comprend les paroles. Pour moi,
c'est tout le contraire. Et il ne s'agit pas seulement de discours en-
tiers, mais de paroles isolées; celles-là même me paraissent suscep-
tibles de tant d'interprétations, et si vagues en comparaison d'une
vraie musique, laquelle vous emplit l'âme de mille choses meilleures
que des paroles ! Ce que me dit une musique que j'aime, ce ne sont
pas pour moi des pensées trop vagues, mais trop précises pour être
exprimées en paroles. Ainsi, dans toutes les tentatives d'exprimer
ces pensées, je trouve du vrai, mais j'y sens aussi quelque chose
d'incomplet ; et il en est de même à l'égard des vôtres, mais ce
n'est pas votre faute, c'est la faute des paroles qui sont insuflisantes.
Si vous me demandez ce que j'ai pensé en les écrivant les
Romances sans paroles, je vous répondrai : Précisément la ro-
mance telle qu'elle est. Et si, en écrivant l'une ou l'autre, j'ai eu
dans la pensée une parole ou des paroles, je ne veux pourtant pas
les énoncer, parce que la même parole ne dit pas à l'un ce qu'elle
dit à l'autre, parce que la romance seule peut dire à l'un exactement
ce qu'elle dit à l'autre, et réveiller chez l'un le même sentiment que
chez l'autre, sentiment qui ne pourrait pas s'exprimer par les mêmes
paroles.
» Résignation, mélancolie, louanges de Dieu, chasse à courre; l'un
ne se figure pas la même chose que l'autre. La résignation est pour
celui-ci ce que la mélancolie est pour celui-là. Sans doute, si un
homme était de son naturel un chasseur passionné, la chasse à
courre et les louanges de Dieu pourraient se confondre chez lui en une
seule et même idée; pour lui, les fanfares du cor de chasse seraient
véritablement les louanges de Dieu. Pour nous, cela ne serait qu'une
chasse à courre, et nous aurions beau discuter, cela ne nous avance-
rait à rien. La parole a des sens divers ; quant à la musique, nous la
comprendrons tous les deux parfaitement.
1) Voulez-vous agréer ceci comme une réponse à voire question
(relative au sens de plusieurs Romances sans paroles)? C'est du
moins la seule que je puisse vous donner, quoique ce ne soient éga-
lement que des mots qu'on peut expliquer de bien des manières, n
Traduit par J. DUESBERG.
REVUE DES THEATRES.
Odéon : Les Indifférents, comédie en quatre actes et en prose, par
M. Adolphe Belot. — Gymnase : Montjoye, comédie en cinq actes,
par M. Octave Feuillet.
M. Adolphe Belot, l'un des auteurs du Testament de César Giro-
dot, est évidemment de l'école d'Alexandre Dumas fils et de Théo-
dore Barrière. Il vise à la comédie de caractère, et il est plus pré-
occupé de la silhouette de ses personnages que du fond du tableau
dans lequel il les place. Mais pour leur donner le relief qui leur est
propre, il n'a pas au même degré l'esprit d'observation d'Alexandre
Dumas fils ni la repartie brillante et incisive de Théodore Barrière.
Sa manière se rapproche davantage des teintes douces de Picard ou
d'Alexandre Duval. On n'en doit pas moins reconnaître chez ce jeune
auteur des qualités estimables qui, avec un peu d'acquis et beau-
coup de persévérance, lui feront peut-être un jour trouver le secret
de la bonne comédie. Les Indifférents, de l'Odéon, viennent à l'ap-
pui de notre opinion. Les portraits n'y manquent pas, quoique assez
monotones; mais l'action, trop vulgaire, trop percée à jour, ne les
soutient pas suffisamment. La famille Simonnet végète dans une in-
dolence coupable. Le père ett un franc égoïste qui ne se dérangerait
pas pour son meilleur ami; la mère s'absorbe béatement dans ses
pratiques dévotes; le fils est apathique avec délices, et la fille elle-
même n'a pas le courage moral qu'il faut pour se préserver des
atteintes de la médisance. Au milieu de ce quatuor d'indifférents
tombe tout à coup un jeune officier de marine, amoureux de Mlle Si-
monnet, et comme il ne lui convient pas d'entrer dans une famille
de fakirs, il entreprend une cure générale , en réveillant tous ces
DE PAKIS,
357
gens-là de leur torpeur par les moyens les plus énergiques. 11 leur
persuade que la jeune Simonnet est gravement compromise par les
propos d'un fat, et dès lors tous nos dormeurs commencent à se
frotter les yeux et à s'émousliUer de la belle façon. Le drame est
bien près d'empiéter sur la comédie ; mais l'officier de marine étend
la main, tout s'arrête, comme dans une féerie, et la leçon se termine
par un bon mariage. Les indifférents sont-ils corrigés? That is Ihe
question; mais, du moins, la pièce est sauvée, et M. Adolphe Bélbt
compte un succès de plus, succès anodin pourtant, et qui l'oblige à
ne pas s'immobiliser dans Yindifférence de sa famille Simonnet.
— Il n'en est pas ainsi de l'académicien Octave Feuillet, qui vient
de prouver, en remportant une éclatante victoire au Gymnase, que
les lauriers de l'Institut ne sont pas toujours des pavots, comme on
pourrait le croire. Monijoye est , sans contredit, le chef-d'œuvre
dramatique de M . Octave Feuillet, et nous le constatons avec plaisir,
tout en faisant nos petites réserves. Et d'abord, est-ce bien une
comédie de mœurs, dans toute l'acception du mot? Nous ne le
pensons pas. Si l'auteur a voulu peindre toute une classe de la
société contemporaine, dans cet industriel profondément égoïste,
criminellement ambitieux, qui échafaude sa fortune dans une infamie
bien caractérisée, nous croyons qu'il s'est trompé et qu'il a fait
fausse route.
Montjoije est peut-être une individualité ressemblante, mais rien
de plus. Les faiseurs de son espèce finissent tôt ou tard devant la
cour d'assises ou, tout au moins, devant la police correciionnelle;
mais ils ne constituent pas une caste nombr'euse qu'il soit nécessaire
de démasquer et de ilétrir en masse, selon le but de la vraie
comédie. Nous en savons beaucoup, tous parvenus millionnaires,
qui ont un écu à la place du cœur, qui n'ont d'autre affection qu3
celle de leur personne ou de leur caisse, qui ne reculent devant aucune
habilité juridiquement licite pour s'arrondir ou pour s'élever. Mais
ce n'est pas tout à fait ainsi que procède Montjoye. Au début .de sa
carrière, il a ruiné un associé, en supprimant traîtreusement des
lettres qui pouvaient conjurer sa perte. Cet associé s'est suicidé, et
Monijoye a hérité de ses dépouilles. Plus tard, il devient riche à
millions ; il est un des heureux du siècle. Et alors, bien moins pour
réparer sa faute originelle que pour en faire perdre les traces, il
songe à marier sa fille au fils pauvre de son ancien associé. Car
voici son calcul : à la veille de se lancer dans la politique, de
briguer la députation et d'arriver peut-être au ministère, il faut que
rien ne puisse faire ombre à sa considération ; or, si son crime a
fait naître quelque soupçon rétrospectif, qui donc osera l'accuser
lorsqu'on verra le jeune Sorel s'allier à l'homme qui, à en cj-oire la
calomnie, aurait armé le pistolet de son père?
Il est certain que celte adroite combinaison réussirait pleinement,
si l'heureux Montjoye, gâté par le sort, ne prenait lui-même la peine
de la renverser , en intro<luisant jusque sous son toit une intri-
gante dont il est fortement épris. Sa femme s'indigne et fait des
remontrances; mais de quel droit? Monijoye, qu'elle a rendu père de
deux enfants, ne l'a pas épousée, afin de mieux se réserver l'avenir.
Si elle n'est pas d'humeur à .souffrir une rivale dans sa maison,
elle n'a qu'à en sortir, et c'est ce qu'elle fait en emmenant ses en-
fants. La réaction n'attendait que ce dernier excès de l'homme
heureux. Il a dans ses bureaux un brave employé qui connaît le
secret de la mort de Sorel. Indigné de l'odieuse conduite de son
patron , il va trouver le fils du suicidé et lui fournil les preuves du
crime du Montjoye. Le jeune homme oublie que ce misérable est le
père de celle qu'il aime; il le provoque; un duel a lieu dans les
jardins de l'hôtel, et Monijoye blesse grièvement son adversaire,
sous les yeux de. sa fille, que ce spectacle foudroie. C'est la fin du
quatrième acte ; l'intérêt est à son comble ; le drame succédant à la
comédie, est noué de main de maître. Mais comment M. Octave
Feuillet vat-il se tirer de là? 11 y a deux voies : l'une au bout de
laquelle Monijoye doit se montrer logique et mourir dans l'impéni-
tence finale , l'autre au contraire , qui le conduit tout droit au
remords et à la réparalion. C'est cette dernière que l'auteur a
choisie comme étant la plus sûre, mais elle est en même temps la
plus puérile. Il y a trente ans et plus que les choses se passent de
la sorte au Gymnase; M. Octave Feuillet eijt sans doute craint de
dérouter ce bon pubHc en ne le renvoyant pas chez lui très-rassuré
sur le compte de cet estimable Montjoye, qui, après avoir commencé
par le vol, finira par le prix Monthyon.
La nouvelle comédie de l'auteur de Dalila n'en est pas moins une
œuvre d'un mérite incontestable, si l'on en excepte le dénoûment;
et encore plaira-t-il à un grand nombre de spectateurs. Elle est
d'ailleurs merveilleusement jouée par tous ses interprètes, et en
première ligne par Lafont, Landrol, Dieudonné et Mlle Delaporte.
C'est un succès qui durera tout l'hiver.
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
^*t Au théâtre impérial de l'Opéra, les Huguenots ont été représentés
dimanche dernier devant une assemblée fort nombreuse, malgré le
jour de la Toussaint qui éloigne beaucoup de monde des théâtres.
L'exécution du chef-d'œuvre de Meyerbeer a été très-satisfaisante, et
les applaudissements chaleureux. Lundi et vendredi, Villaret a con-
tiûué, avec un succès aussi grand que mérité ses débuts dans le
rôle d'Eléazar de la Juive, et mercredi la Favorite a été donnée avec
Diavolina.
^*^ Aujourd'hui dimanche, par extraordinaire, la Muette de PorticL
^*.j, Les répétitions de la Fiancée du roi de Garbes touchent à leur fin.
La direction de l'Opéra-Comique apporte le plus grand soin à la mise
en scène du nouvel ouvrage d'Auber, dont les trois actes contiennent
six tableaux. On vient d'engager six élèves du Conservatoire pour
augmenter un chœur de pages^ dont on dit le plus grand bien.
^*^ PJaudin, revenu do Berlin, comme Mlle Patti, et comme elle en-
gagé par M. Bagier, est aussi parti pour Madrid, où il doit se faire en-
tendre pendant six semaines, ensuite il chantera au théâtre Italien de
Paris.
t** Le théâtre Lyrique impérial annonce les dernières représentations
des Noces de Figaro et la prochaine reprise d'Oberon pour les débuts du
ténor de Quercy. Mme Faure-Lefebre chantera le rôle de Fatime, et
Mme Ugalde celui de Rézia dans l'opéra de Weber.
^.** M. de Flotow vient de présenter à la direction du théâtre de la
cour, de Vienne, un opéra nouveau en trois actes, intitulé : Naïda. Le
texte est de MM. Saint-Georges et L. Halévy ; il a été traduit par Din-
gelsledt
^*^ Les théâtres de Carlo-Felice à Gênes, et Victor-Emmanuel à Turin,
viennent de représenter le StradcUa de Flotovy, qui a été accueilli avec
une grande faveur.
^*^ Le Pirate, de Turin, annonce que la célèbre cantatrice, Mme Frez-
zohni, se dispose à faire une tournée en Italie, avec une troupe qui
prendra pour titre : Compagnie lyrique italienne d'Ermini'a Frezzolini,
dirigée par Vittorio Longhera.
^** M. Bonetti, l'ancien chef d'orchestre du théâtre Italien de Paris,
est engagé au théâtre Italien de Cadix, où Mme Penco va donner une
série de représentations.
^*f Carlotta Patti, sœur d'Adellna, doit se rendre à Paris le mois
prochain, après avoir donné des concerts en Hollande, en Belgique
et dans le nord de la France.
,,■% Dans le discours prononcé par l'Empereur à l'ouverture de la
session législative. Sa Majesté a annoncé le décret qui supprime les
privilèges exclusifs pour les théâtres.
^*;i, Lorsque la commission des thâtres, nommée en octobre 1848,
eut à examiner la même question, qu'elle décida aussi dans le sens de
la liberté, la Ikcue et Gazette musicale appuya fortement ce vote par
des articles qu'on a souvent cités, et qu'on retrouve dans son année
1849 sous les titres : Utopies théâtrales et Privilège et liberté. Ces articles,
auxquels nous aurons l'occasion de revenii-, indiquaient nettement ce
qu'il y avait à attendre du régime de la liberté, sans se faire illusion
sur ses avantages et sur ses périls.
358
KEVLE KT GAZETTE MUSICALE
i*» La commission de l'affichage des spectacles, sous la présidence
de M. le comte Bacciochi, est sur le point de terminer ses travaux.
Entre autres mesures qui paraissent décidées, on cite celle qui a pour
but d'étendre l'affichage des théâtres de Paris aux communes annexées.
A cet effet, le nombre des affiches quotidiennes, qui était de 150 par
théâtre, sera porté à 200, les KO exemplaires supplémentaires étant
destinés à l'ancienne banlieue. En outre, les affiches ne seront plus
collées sur les murs : l'administration fera établir pour les recevoir,
dans les différents quartiers de Paris, 200 petits kiosques spéciaux qui,
le soir, seront éclairés au gaz et dont la construction est évaluée à
5C0 francs environ par kio.sque.
,** La grande question de la propriété littéraire et artistique, qu'une
commission d'hommes éminents a été chargée de régler en France par
un projet de loi qui sera soumis à la Chambre dans la présente ses-
sion, est aussi à l'ordre du jour en Allemagne. Les membres de la
commission fédérale se sont réunis à Francfort , et ont commencé
leurs délibérations en vue d'arrêter une loi commune à tous les Etats
allemands. Deux projets leur ont été soumis, l'un par l'Autriche et
l'autre par la Saxe; ils doivent servir de base à la discussion.
^*^ Voici le programme du troisième concert populaire de musique
classique qui aura lieu aujourd'hui, sous la direction de Pasdeloup, au
cirque Napoléon : 1° symphonie earé majeur, op. 7, de Mozart; 2° po-
lonaise de Slruensée, de Meyerbeer; 3° ouverture de la Grotte de
Fingal, de Mendelssohn ; 4° adagio du 6" quatuor, pour tous les instru-
ments à cordes, de Haydn ; 5° symphonie en la, de Beethoven.
»*» La séance de musique moderne donnée récemment par M. Lebouc
offrait un programme des plus variés. Parmi les morceaux de chant, on
remarquait une fraîche et simple mélodie de Meyerbeer, Près de toi,
avec accompagnement de violoncelle, fort bien chantée par Mlle Dorus.
a,'i Mlle Augustine Gonetti, dont nous avons annoncé dimanche der-
nier le brillant succès au théâtre d'Ancône dans le rôle de Paolina
de Poliuto, avait eu l'avantage d'être dirigée dans son éducation
vocale et dramatique par deux professeurs excellents, MM. Panofka et
Schimon, qui lui ont donné pendant plusieurs années les conseils les
plus utiles. Nous avions déjà parlé de cette jeune artiste après l'avoir
entendue chanter chez M. Panofka plusieurs morceaux du répertoire
italien, et, entre autres, ce même air de Poliuto, qui lui a valu un si
beau succès à son début en Italie. Elle a dit alors cet air très-difficile
avec une maestria et une vocalisation si parfaites, que, dès ce jour,
nous lui prédisions le plus bel avenir. Mlle Gonetti , comme Mlle
TreboUi, n'a d'italien que le nom ; elles sont toutes deux Françaises.
^*^ L'enseignement de Mme .Marchesi a repris toute sa vogue : beau-
coup d'artistes françaises et étrangères viennent lui demander des
conseils. Les vocalises composées par elle sont adoptées dans plusieurs
Conservatoires; dans celui de Gand notamment, on les a chantées pour
les concours. En outre, Mme Marchesi vient d'écrire des exercices élé-
mentaires gradués pour la voix, 12 vocalises pour le chant large dé-
diées à Mme Gevaert, et 12 vocalises pour le chant brillant, dédiées à
Mme Edouard Monnais. L'œuvre est complète et paraîtra bientôt.
a,*'* Mme Madeleine Graever vient d'arriver à Bruxelles et s'y fera en-
tendre au premier concert de la Société de la Grande harmonie. Un vif
intérêt s'attache au début en Belgique de cette excellente pianiste,
l'ancienne élève, devenue émule de Litolff.
^*» Géraldy est de retour à Paris. L'éminent chanteur et professeur
y restera comme d'habitude pendant tout l'hiver.
^*^ J. Becker, le violoniste, si applaudi dans les concerts historiques
donnés par lui l'hiver dernier, a terminé sa tournée en Allemagne et
obtenu les plus grands succès, particulièrement à Stuttgard, Manheim
et dans le Palatinat. 11 doit revenir à Paris vers le mois de janvier et
visiter plusieurs villes de France, où l'appellent des engagements.
^*^, On vient de fonder à Côme une Société musicale dans le but
de propager les œuvres instrumentales des maîtres anciens et vivants,
comme il en existe à Milan, Florence, Naples et Modène.
j** S. Exe. le ministre de la maison de l'Empereur et des beaux-
arts vient de souscrire pour dix exemplaires à la magnifique collection
du Trésor des Pianistes, publiée par M. et Mme Farrenc.
**» M. A. Bessems, de retour de ses voyages, prévient ses nombreux
élèves qu'il ouvre un cours d'accompagnement de musique classique,
chez lui, rue Godot-de-Mauroy, 15, sa nouvelle demeure, les mardi et
vendredi de chaque semaine, de 2 à 4 heures.
,1,*:^ La partition du Comte Ory, arrangée pour le piano seul, qui
n'existait qu'en grand format, vieut de paraître chez les éditeurs Bran-
dus et Dufour, dans une édition nouvelle in-8°, et à un prix très- ré-
uit.
**» Frédéric Brisson est de retour à Paris et va reprendre ses cours
d'orgue et de piano. 11 rapporte avec lui plusieurs compositions impor-
tantes qu'il nous fera entendre cet hiver.
**^. On nous annonce que MM. Charles Lainoureux, Emile Rignault,
Adam et Colonne donneront très-prochainement des Séaiices populaires
de musique de chambre. L'exécution hors ligne de ces quatre virtuoses,
leur style magistral dans l'interprétation du quatuor, et la modicité du
prix des places, nous font prédire le plus grand succès et la plus grande
vogue à cette entreprise.
^*^ Dimanche prochain 8 novembre, à l'occasion de la fête patronale
de Saint-Eustache, sera exécutée à 10 heures très-précises en ladite
église la deuxième messe en musique avec orchestre, de la composition
de M. Hurand, maître de chapelle de la paroisse. Le grand orgue sera
touché par M. E. Batiste.
:^*^ Le Messager des sciences historiques, de Gand, vient de commencer
la publication d'un travail des plus curieux et des plus érudits, sous
le titre de : La musique aux Paijs-Bas avant le xix° siècle ; documents
inédits et annotés par M. Ed. Vanderstraeten. Ce travail sera tiré à part
à cent exemplaires. Le même auteur avait déjii publié en 1855 ses Re-
cherches sur la musique à Audenarde avant le xix" siè le, résultat de lon-
gues et laborieuses investigations danâ les archives de sa ville natale
a,** La douzième publication annuelle de la Société Bach, qui vient
de paraître, contient, en deux livraisons : la Passion, selon saint Jean,
et dix cantates d'église.
<,*, W. Kruger, l'excellent pianiste - compositeur, est de retour de
son excursion en Allemagne.
s,*a, M. J. Rummel vient de faire paraître un ouvrage intitulé : Sou-
venirs de VOpéra français, et contenant une collection de duos pour
le piano à quatre mains, composés sur les plus célèbres opéras du
répertoire. Ces morceaux d'une excellente facture , très-brillants, bien
que faciles, obtiendront probablement le même succès que les Echos des
Opéras du même auteur, collection de fantaisies pour le piano seul,
qui a été adoptée par la plupart des professeurs.
J'^ M. Otto Jahn, professeur à l'Université de Bonn, se propose d'é-
crire Vhistoire de la vie et des ouvrages de Joseph Haydn, sur le plan qu'il
a suivi avec tant de succès dans la biographie de Mozart. Dans la col-
lection du cardinal archiduc Rodolphe, léguée par celui-ci à la Société
des Amis de la musique, ou a trouvé un oratorio de Haydn, dont aucun
de ses biographes ne fait mention. Il est intitulé : le Sacrifice d'A-
braham .
„,'** Le premier volume de la nouvelle biographie de Weber, par son
fils, vient de paraître.
^*3, Do, ré, mi, fa, sol, la, si! Chacune de ces notes trouve son ex-
pression dans un récit romanesque plein d'intérêt, de sentiment et
d'esprit que M. Oscar Comettant vient de faire paraître sous le titre
de la Gamme des Amours, chez Dentu et k la librairie centrale. Varia-
tions sur un thème connu, dit M. 03car Comettant dans son sous-ti-
tre. Le thème est connu sans doute, et cependant, quoi de jilus tou-
jours nouveau sous le soleil que ce thème charmant qui lui a inspiré
de si intéressantes variations?
,i,*,f Sous le titre : La Musique, poëme d'humoriste, M. Courtat publie
une œuvre tout à la fois plaisante et sérieuse, où la saillie abonde, et
qui surtout ne manque pas d'actualité.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
,j*^ Lyon. — Le grand succès que l'Etoile du Nord a obtenu k sa re-
prise ne fait qu'augmenter. Mme Cabel obtient un véritable triomphe
dans le rôle de Catherine. — Outre le Pardon de Ploërmel, dont la re-
prise est prochaine, Charles Vlet Jaguarita vont être mis en répétition.
„,■*« Tarbes. — L'Orphéon de cette ville ayant eu l'honneur de chanter
devant l'Empereur, les Enfants de Bigorre ont obtenu de S. M. le titre
d'Orphéon du prince impérial. Le Salut impérial d'Ëlwart, ce véritable
God save français. Vive VEmpereur! de Gounod, et les Maçons, de Saintis,
tels sont les morceaux qui ont été parfaitement exécutés par les orphéo-
nistes de Tarbes, auxquels avaient été adjoints les enfants de l'école
communale. Le directeur, M. Guthmann, a eu l'honneur de parler à
l'Empereur et de recevoir des félicitations.
,j** Marseille. — Le Comte Ory vient d'être repris aux applaudisse-
ments d'une salle bien garnie. Mmes Gasc et Dumestre et M. Dufresne
s'y sont montrés très-remarquables. — Le Pardon de Ploërmel va entrer
en répétition au grand théâtre.
hE PARIS.
SSS-
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
f*^ Londres. — Les représentations d'opéras italiens au théâtre de
Sa Majesté sont très-suivies ; Mmes Tietjens et Trebelli y brillent au
premier rang. — Dans les cinq représentations de Faust, M. Marcliesi a
chanté le rôle de Méphistophélés, en alternant avec M. Rossi, et il s'y
est également fait applaudir comme acteur et comme chanteur. Sa voix
est d'une qualité excellente, et il l'a conduit avec un vrai talent de mu-
sicien. — M. Bénédict annonce un grand concert à Saint-James-Hall, où
l'on entendra pour la première fois à Londres sa nouvelle cantate, liichard
Cœur de lion, qui a été tant applaudie au récent festival de Norwich.
— Mlle Carlctta Patti vient de chanter pour la onzième fois au palais de
Cristal, devant plus de 8,000 auditeurs, affluence inouïe, si l'on songe à
la saison avancée. Son succès a été très-grand. La célèbre artiste doit se
faire entendre encore une fois à Londres dans un grand concert, qui est
fixé au 10 novembre. Elle partira ensuite pour l'Irlande. — La sixième
saison des Monday-Popular-Concerts a été inaugurée avec un grand éclat.
Le programme se composait de morceaux de Bach, Haydn, Beethoven,
Spohr, Meudelssohn et Schubert. Les exécutants étaient MM. Lotto,
L. Ries, Webb, Piatti et Ch. Halle. Le jeune violoniste Lotto, qui a pro-
duit à Londres une sensation extraordinaire au Cryst.nl-Palace et récem-
ment aux concerts de M. Mellon, vient d'y consolider sa réputation,
déjà grande par son talent supérieur dans l'exécutiou de la musique
classique.
^'» Berlin. — Mlle Lucca vient d'être nommée chanteuse de la cour,
et une pension considérable lui est accordée à ce titre. — Le théâtre
d'hiver de Wallner vient d'ouvrir par une bouffonnerie intitulée le
Prince Acapulco, musique d'Offenbach. — La saison italienne est finie au
théâtre Victoria; la clôture a eu lieu par une représentation dite
grande miscellanea. La salle était comble. C'est encore Mlle Patti qui a
eu les honneurs de la soirée ; son merveilleux talent s'est montré sous
les faces les plus diverses dans les fragments de ses trois meilleurs
rôles: Rosine, Aminé (de la Sonmamhule) et Zerline (Ae Don Juan). Nau-
din a très- bien chanté l'air de Fernando dans Coù fan latte. — L'or-
chestre du théâtre royal de l'opéra vient d'ouvrir la série de ses soi-
rées de symphonies. — Dans le premier concert d'abonnement à la salle
de l'académie de chant, 1\L Hans de Bulow a joué le premier concerto
de Liszt. — La Société de cliant Stern célébrera le 27 novembre une fête
commémorative à propos de la mort de Mendelssohn; on y exécutera le
93= psaume, la Nuit de Walpurgis, Ane Maria, la Marche de la noce, et
le finale de Loreley, chanté par Mlle Lucca.
^*j Leipzig. — Au quatrième concert du Gevvandhaus a été exécuté,
pour la première fois dans cette ville, Loreley, par Ferdinand Hiller,
texte par Wolfgang Millier, pour orchestre, cliœur et solo. C'est une
des meilleures productions de Hiller ; elle a été fort applaudie, quoique
l'exécution ait laissé à désirer. Les solos ont été chantés par Mme Docker,
et M. Rudolph, de l'Opéra de Berlin. Mme Decker a fait entendre en
outre un air de la Création de Haydn; elle a reçu le meilleur accueil
du public, ainsi qae Mlle Hélène Hecrmann, qui a joué une fantaisie
de Parish Alvars sur la harpe.
^*f, Dresde. — SchulhoÊf est de retour de son excursion au Tyrol.
Don Juan, avec une mise en scène nouvelle, a été donné au profit du
fonds de pension.
^\ Vienne. — La saison a été inaugurée par le premier concert phil-
liarmonique, sous la direction de Dessow. L'intérêt de la soirée portait
avant tout sur la symphonie de Berlioz, Roméo et Juliette. Le succès a
été complet; ou a surtout applaudi l'adagio, où sont exprimées toutes
les angoisses, toutes les plaintes de l'amour. Une bonne part du succès
revient à l'orchestre, qui a magistralement exécuté la Fée Mab. — On
annonce pour le 19 novembre le nouveau ballet de Borris, Aventures
d''une danseuse, avec Sllle Couqui. Le sujet serait un épisode de la vie
de Lola Montés. — Le pianiste Gustave Satter donnera cette année une
série de six soirées.
^*^ Florence. — Le Faust, de Gounod, vient d'être représenté avec
succès à la Pergola.
^*^ Home. — La Muta di Porlici, dont ia censure retarde la représen-
tation, sera jouée au théâtre Argentina sous le titre de il Pescatore di
Urindisi. On y entendra Junca, Liberti et la Monti.
^** Madrid. — Les sœurs Marchisio sont toujours très applaudies au
théâtre de l'Oriente. Elles viennent de se faire entendre avec beaucoup
de succès dans le Uallo in rnaschera et dans Norma. Mme Borghi-Mamo
b'est montrée avec beaucoup d'éclat dans la Favorite.
^\i, i\cw York. — La saison du théâtre Italien a été inaugurée par
Robcrto d'Eoreux, dans lequel se sont distingués Mmes Medori et Suizer,
le ténor Mazzoleni et le baryton Bellini. Le public était accouru en foule.
Iligaletto et Norma ont été donnés ensuite.
^3" M. Hocmelle, organiste de Saint Philippe du Roule et de la
chapelle du Sénat, vient de faire paraître son opéra ayant pour titre
Un service d'ami. Cet ouvrage est gravé, avec le dialogue parlé. Comme
musique, il a l'importance d'un opéra-comique en un acte moins les
chœurs. La mise en scène étant à peu près nulle, il est très-facile à
monter. Prix de chaque exemplaire, piano chant et dialogue, 7 francs.
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le concert de M. Hocmelle, qui aura lieu salle Herz au mois de février
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% Uvralsons par an, cUacnne d'environ 300 pages de mnslqne et de texte ponr les notices biographiques, etc.
CONTENU DES LIVRAISONS PUBLIÉES :
l" livraison: Emmanuel Bach, douze sonates en deux livres. —
Rameau, deux livres de pièces. — Durante, six sonates. — Porpora,
six fugues. — %' livraison : E. Bach, six sonates. — Jean Kuhnau,
sept sonates. — Henri Purcell, recueil de pièces. — Dominique Scar-
latti, pièces n"' 1 à 26. — Hummel, op. 8, Chanson autrichienne, variée;
— op. 9, Marche des Deux journées, id.; — op. 10, God save the King,
id.; — op. 15, air des Deux petits Savoyards, id. — 0. A. Lindemann,
diverses pièces. — Sohwanenberg, deux menuets. — S" livraison :
Le P. Martini, douze sonates. — Fr. Couperin, 1« livraison de pièces.
— Hummel, op. 21, Chanson hollandaise, variée; — op. ZiO, Marche de
Cendrillon, id.; — op. 57, Gavotte d'Armide; op. 73, la BelU Marie,
chanson anglaise variée.— 4« livraison : Emm. Bach, douze sonates
en deux recueils. — Haendel, suites de pièces 1, 2, 3, et 4 livres.
B" livraison : Chambonnière, recueils de pièces , livres 1 et 2. —
Dominique Scarlatti, pièces n"' 27 à 49. — Beethoven, sept sonates,
œuvres 2, 7 et 10.
La G° livraison paraîtra avant la fin de décembre; elle contien-
dra six sonates d"Em. Bach; — douze polonaises et une sonate de Wil-
helm Friedemann Bach ; — le recueil de pièces d'anciens auteurs an-
glais (VV. Byrd, John Bull et Orlando Gibbons), intitulé Parthenia (fin
du xvi" siècle) et d'autres pièces de la même époque, entre autres le
fameux Carman's Whislle (le Sifflet du charretier), ancienne chanson
populaire anglaise variée, par W. Byrd; — les sonates de Beethoven,
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15 Novembre 1863.
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Étranger ••■ 3i " M-
Le Journal paraît le Dimuoehe.
GAZETTE MUSICALE
— vu vrj\PiPj\rjw\- —
SOMMAIRE. — La musique populaire et dans les cités ouvrières en 1863 (1"
article), par Hanrice Cristal. — La guerre de cent ans des organistes,
clavecinistes et des maîtres k danser du royaume de France, 1680-1774
(3' article), par Em. Mathieu de Uonter. — Lettres de Félix Men-
delssohn , traduites par J, Dnesberg. — Troisième concert populaire de
musique classique. — Musique de chambre : audition du 3' quatuor de M. Char-
les Manry, par A. Elwart. — Nouvelles et annonces.
LA MSIQUE POPULAIRE
ET
DANS LES CITÉS OUVRIÈRES
En 1S63.
(Premier article.)
Les progrès du goût et, par suite, du besoin de la musique , sont
incontestables. A Paris, il ne s'écoule pas une heure, il n'est pas un
lieu où l'oreille ne saisisse, bon gré mal gré, quelques sons, quel-
ques accords qui en fournissent de nouveaux témoignages.
On sait qu'en Allemagne les maili-es chanteurs, Meislersasuger,
en même temps poètes et musiciens, foisonnaient autrefois, et qu'ils
se formaient presque tous dans la chambre étroite de l'ouvrier.
Hans Sachs était un cordonnier de Nuremberg. Les diverses corpo-
rations avaient leurs confréries de poètes qui s'inspiraient laborieuse-
ment d'un sujet donné, presque toujours de leur profession, dont ils
rimaient les joies et les misères, les règles et la discipline, et dont
ils cherchaient à reproduire les moindres bruits, les moindres traits
caractéristiques par l'arrangement matériel des vers, l'harmonie imi-
tative des mots, mise encore en relief par le rhythme et par la mé-
lodie de l'air qu'ils y appliquaient ensuite. Quelques grandes inspi-
rations ont jailli de là ; mais l'avantage réel consistait en ce que
l'élément poétique circulait dans le peuple, et que les côtés obscurs
de la vie de chaque jour en recevaient comme une douce lumière.
L'amour du métier s'en accrut, le sentiment de l'art s'y fortifia. Une
émulation continuelle de chants s'alluma entre les divers maîtres
chanteurs des corporations diverses. Les ouvriers s'animaient à l'ou-
vrage en s'accompagnant de chansons nées de cet ouvrage même et
graduées comme lui. Dès lors la semence du chant se répandit et se
fructifia sur toute la terre allemande. Les chants de corporation for-
mèrent une chaîne qui s'étendit sans interruption, et à laquelle les
maîtres chanteurs modernes ont ajouté de nombreux anneaux.
En Italie, la musique populaire a produit les mêmes résultats, bien
moins sensibles aujourd'hui qu'il y a deux ou trois cents ans. Un
exemple curieux et peu connu de l'alliance des goûts élevés de la
poésiî et de la musique populaire a été donné à Palerme, oîi les
mendiants aveugles se sont constitués en académie. Cette académie,
qui existe encore, a tenu ses séances depuis Fan 1661, où elle fut
fondée, jusqu'à nos jours dans le vestibule de la maison professe des
jésuites, que le général de cet ordre leur donna pour lieu de réunion
en 1690. Depuis on a essayé de les en chasser; mais les lieutenants
et gouverneurs ont maintenu les droits de ces musiciens aveugles
qui gardent précieusement dans une cassette à trois serrures le re-
cueil de leurs privilèges qu'ils ne peuvent pas voir et qu'ils ne mon-
trent à personne. Ils sont au nombre de trente troubadours et chan-
teurs. Les irovalori composent : les rapsodes et joueurs d'instru-
ments vont colporter leurs chants dans les villes et dans les cam-
pagnes. Ils s'engagent à ne pas chanter dans les mauvais lieux, à ne
pas dire de chansons profanes dans les églises, à réciter tous les jours
leur rosaire, enfin à présenter et à exécuter avec orchestre et chœur,
chaque année à la Congrégation, le 8 décembre, jour de la fête de
l'Immaculée-Conception, une hymne en l'honneur de la Vierge. Ils ont
aussi leurs luttes de musique de voix et d'instruments, et de chansons
profanes d'amour, de fantaisie et de métier. Tous les premiers jeudis
du mois, un père jésuite reçoit leur confession et fait passer à la
conserve leur musique et leurs chansons. En 1861 nous avons assisté
à une de ces luttes de troubadours, et nous avons entendu deux im-
provisateurs échanger devant le public des couplets avec musique,
composés par eux au moment même sur un sujet donné, en s'accom-
pagnant sur la guitare ou sur le piano. Dans un ouvrage publié il
y a un an, Gregovorius, le savant voyageur allemand, a pu constater
que rien n'est encore changé aux habitudes de l'association.
Il serait facile de prouver que chez nous la diffusion musicale s'est
opérée aussi bien que partout ailleurs. La musique se répand dans
toute la France avec les musiques militaires, avec les gais refrains
des musiciens ambulants, avec les jeunes artistes cheminant à pied,
avec les voyageurs entraînés par la locomotive. On a secondé le
mouvement en introduisant l'étude du chant dans les écoles primaires.
Les méthodes d'enseignement se perfectionnent chaque jour ; on
étouffera insensiblement le barbare chant de l'ivrogne, le sauvage va-
carme des parades des spectacles forains, l'assourdissant charivari des
instruments de la rue; dans nos foires, on peut souvent constater que
le gaz et de bons orchestres remplacent les pâles lampions et l'atroce
musique qui en faisaient le complément obligé.
Il faut le reconnaître, la musique a fourni en France la première
base de réunion pour les ouvriers. Nos orphéons sont aujourd'hui
célèbres. Chaque ville aura bientôt le sien. Chaque société s'est
362
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
formée spontanément, mais elle vit en communauté avec toutes les
autres sociétés, soit de France, soit de l'étranger. C'est la commu-
nion de l'art que les frontières n'arrêteront jamais et qui s'éten-
dra à tout l'univers.
Nos orphéons se sont établis aux frais des ouvriers qui les com-
posent. Quand les ouvriers anglais les ont vus et se sont rendu
compte de leur organisation si simple, il s'est opéré comme une mé-
tamorphose ; ils ont compris qu'entre eux et nous il y avait frater-
nité et non plus antagonisme. C'est un résultat plus profitable qu'une
victoire et qu'un traité.
Lorsque j'étudiais l'organisation si belle de nos cités ouvrières, au-
jourd'hui sans rivales, j'ai pu constater moi-même combien l'amélio-
ration des mœurs des ouvriers a été facilitée par la musique. Je
n'en citerai que quelques exemples. Dans la cité ouvrière fondée par
MM. Scrive, à Marc en Barœul, à une heure de Lille , un bal fut
organisé. Le bal, c'était bien : mais la musique, oij la prendre? Le
plus avisé des ouvriers établit une cotisation. On fait venir un pro-
fesseur, des leçons sont données, au bout de six mois le bal avait son
orchestre. Les premières notions reçues, chacun s'instruit lui-même
et instruit les autres. Mais on ne danse pas toujours, et quand on a
touché l'art, on a bientôt des inspirations élevées. Aujourd'hui l'orches-
tre d'abord limité à la musique des bals, joue la musique de chambre,
aborde la musique sacrée des églises, et, dans les graves circonstan-
ces, atteint la grande musique des maîtres. Le chant n'y est pas
oublié, et j'ai rapporté d'admirables couplets très-agréablement mis
en musique par un des ouvriers du lieu qui serait bien étonné si on
lui disait qu'il a fait un chef-d'œuvre.
C'est dans un semblable milieu que s'est formé l'incomparable
orphéon de Narbonne que tout Paris a pu applaudir il y a cinq ans,
et dont l'uniforme simple et brillant, — toque blanche flottante, cra-
vate rouge, blouse grise à parements argentés, pantalon noir enfoncé
dans des bottes molles, — produisait tant d'étonnement. Aujourd'hui,
les ouvriers se sont constitués en troupe mobile : ils chantent l'opéra,
fournissent eux-mêmes l'orchestre, les chœurs et les protagonistes du
chant, en même temps qu'ils ont fourni le matériel du théâtre, des
décors et des machines, les machinistes eux-mêmes et les construc-
teurs du théâtre. Lors du grand succès d'Oi-phée à Paris, ils montè-
rent ce chef-d'œuvre, et l'ont exécuté avec beaucoup de goût et de
sentiment.
A Mulhouse, à Thann, à Bellevue, les ouvriers de M. Kestner ont
organisé, dans leurs cités ouvrières, des réunions musicales qui ont
déjà mérité de sérieux encouragements. Les ouvriers de Sedan ont
également obtenu des succès musicaux. La musique de chambre, le
quatuor y est très en faveur, et j'y ai entendu des solistes vraiment
remarquables bien que très-modestes.
Une observation que j'ai faite, c'est que les ouvriers employés dans
les mines sont encore plus sensibles à la musique que les autres. J'en ai
connu qui économisaient sur leur maigre salaire pour acheter des in-
struments, des méthodes, des partitions. J'ai trouvé chez l'un d'entre
eux les psaumes de Marcello, et il m'a parlé avec un sentiment
très-pur, très-distingué,[de la musique sacrée. Le soir on m'invita à un
thé de famille. Quelques amis étaient réunis, et j'y entendis avec un
sincère plaisir la grande cantate de Mozart, David pénitente. Toujours
enfermés dans la noire prison souterraine, leur âme s'y était fait un
ciel, et le concert divin qui bruissait sans cesse dans l'exaltation de
leur cerveau, les consolait des tristesses de la vie.
A Rouen, dans les cités ouvrières, bâties sur la colline dite la Cali-
fornie, je fus tout étonné, un soir, d'entendre un trio de voix hu-
maines chantant la sérénade de Schubert réduite à trois parties, avec
beaucoup de tact et de bonheur. Le même trio chanta ensuite le
Bengali de Monpou, également réduit à trois voix. J'étais dans l'ad-
miration. La nuit était pure, la lune brillait dans le ciel bleu, et
les voix chantaient admirablement. On me nomma les trois ouvriers^,--
Us étaient là avec leurs femmes et leurs enfants, et nous dirent que,
tous les soirs, ils se réunissaient chez l'un d'eux. C'était la basse
qui arrangeait les morceaux. Il composait lui-même, et la femme du
baryton lui fournissait des couplets. Je demandai à en voir, mais je
n'osai insister parce que j'alarmais la modestie de cette jeune femme.
Néanmoins je pus juger sa poésie, car le trio se hâta de chanter un
chœur ravissant intitulé le Matin du lundi, pris aux sources vives de
l'existence de l'ouvrier. Quand le chœur fut terminé et que j'eus ap-
plaudi, on ne me dissimula pas le nom de l'auteur, qui, toute rou-
gissante, se cachait de peur d'être complimentée.
On sait qu'à Reims les ouvriers de la rue Tournebonneau ne se
confondent pas avec les ouvriers des autres quartiers. C'est que
ces ouvriers, outre les jardins qu'ils cultivent, se sont adonnés à la
musique. J'ai entendu exécuter par eux à la messe de mort d'un de
leurs camarades le Requiem, de Mozart, admirablement interprété.
Des dames artistes s'étaient jointes à eux. L'ensemble fut parfait.
Comme auditoire, il n'y avait que des ouvriers.
A Mulhouse, oîi se trouve la plus gigantesque et la mieux orga-
nisée de toutes les cités ouvrières du monde entier, j'ai entendu,
dans plusieurs des délicieuses maisons enclavées de jardins qui
composent cette idéale ville qu'on dirait rêvée par un poëte, de
la musique de chambre très-minutieusement détaillée; j'y ai, en re-
vanche, entendu peu de voix humaines, excepté un ravissant quatuor
de jeunes filles ou femmes. Les paroles et la musique avaient été
composées par une de ces dames dont la voix aérienne m'avait
charmé. Malheureusement, cette jeune dame portait sur sa joue pâlie
le triste signe d'une maladie qui trop souvent frappe l'élite des
hommes, et des femmes que hante la poésie.
A Vaucluse, où de semblables études m'appelèrent dernièrement,
je fus fort étonné d'entendre un chœur à six parties, très-purement
chanté sous la voûte de la grotte, au pied de la dune formée par les
éruptions de la fontaine que Pétrarque a immortalisée. C'étaient des
compagnons faisant leur tour de France; ils s'étaient rencontrés ; des
goûts communs les avaient liés. Instruits par les orphéons, ils avaient
cultivé des aptitudes naturelles , et ils se donnaient le (plaisir de
saluer les lieux consacrés par la célébrité, par quelque haut fait ou
par la mémoire d'un grand homme, avec des chœurs pieux dont ils
composaient en commun les vers el la musique. Partout oh il s'arrê-
taient on leur faisait fête, et, en bien des endroits, ils ont payé leur
écot avec leurs chants. J'avoue qu'un semblable tour de France me
séduirait beaucoup.
Maurice CRISTAL.
[La suite •prochainement.)
LÀ 6U£BB£ D£ CENT ÂKS
« DES ORGANISTES, CLAVESSINISTES ET DES MAITRES A DANÇER »
Du royaume de France.
1680-1774.
(3» article) (a).
Pour reconquérir le terrain qu'ils avaient perdu, les organistes
lancèrent dans le public, par l'intermédiaire de M. Delaguette, procureur
au Châtelet, un précis des faits de la rivalité; — document présentant
les titres d'indépendance de l'art musical ; réfutant les mensonges
des maîtres de danse par une argumentation calme, mais serrée et
pénétrante ; établissant, d'après l'ensemble même des actes incriminés,
que les organistes et clavecinistes n'avaient apporté ni haine, ni dé-
loyauté à la légitime défense de leurs droits.
(1) Voir les n"' 42 et ,
DE PARIS.
363
« Le roi des ménétriers aurait dû, — concluait ironiquement ce
précis — par l'effet d'une politique bien ménagée, dérober à la con-
naissance du public la faiblesse de son état, et s'appliquer à l'entre-
tenir uniquement dans l'accord parfait et dans la douceur qui doivent
lui être propres; mais ce potentat sonore, animé de vues ambitieuses
et de projets intéressés, cherche à étendre les bornes de sa domina-
tion.., Il entreprend de s'asservir de nouveaux sujets qui, sous une
autorité plus puissante que la sienne, ont conservé dans tous les
temps la liberté de leur art... C'est au bras de la justice à l'arrêter
dans les incursions qu'il veut faire sur des terres étrangères. » Les
contemporains, on le voit, comparaient déjà la rivalité des organistes
et des maîtres de danse à une action militaire, et le Châtelet lui-
même n'en parlait qu'à grand renfort d'images guerrières.
Les musiciens ne s'étaient pas trompés. Le bras de la justice
« brisa l'épée du roi des violons. » Le 30 mai 1750, les ménétriers
battirent enfin en retraite devant un arrêt du Parlement, prononcé à la
grand'chambre, « gui confirmait la liberté que possédaient les compo-
siteurs de musique, organistes et clavecinistes d'enseigner la mu-
sique, de jouer de tous les instruments, et qui cassait les nouveaux
statuts de la communauté de Saint-Julien. » Le 26 juin de la même
année, l'arrêt fut enregistré, et les organistes firent au Parlement le
dépôt de leurs titres, afin de prévenir tout empiétement nouveau.
V.
Le roi Guignon donna l'exemple de l'obéissance, et renonça à le-
ver tribut sur les bals et les fêtes. La guerre semblait donc terminée;
mais, après les longs combats, la lutte ne s'arrête pas en même
temps sur tous les points où elle s'est engagée. Après que la re-
traite a sonné, elle se poursuit çà et là dans les profondeurs du
champ de bataille. Les maraudeurs épuisent leurs dernières muni-
tions et agissent pour leur propre compte.
Abusant de la modération ou de la lassitude de Guignon, les quatre
jurés de la communauté de Saint-Julien créent et vendent, de leur
agrément et à leur profit, des charges héréditaires de lieutenants
généraux du roi des violons, leur assignent des circonscriptions, et
concèdent aux titulaires le droit de lever des contributions sur les
musiciens, et de nommer des lieutenants particuliers.
Sur ces entrefaites, un certain Barbotin d'AyrauIt-Bajet, gentillàtre
aux ressources, prend, de son autorité privée, le titre de lieutenant
général, confisque et exploite l'industrie des jurés, nomme des lieu-
tenants en Bourgogne, en Bretagne , en Franche-Comté, en Alsace,
en Normandie, en Champagne, en Touraine, dans le Poitou, le Lyon-
nais, la Bresse, le Dauphiné, et répand dans toutes ces provinces un
arrêt rendu par la chambre de justice d'Angers, qui « fait défense à
tous musiciens, même à ceux des églises, d'enseigner la musique vo-
cale et instrumentale, de jouer des instruments , n'importe lesquels,
que, préalablement, ils ne se fussent engagés à acquitter une rede-
vance annuelle aux lieutenants du sieur Barbolin d'Ayrault-Pajet. »
Le succès de cette audacieuse entreprise ne peut s'expliquer que
par l'ignorance dans laquelle étaient les tribunaux et les musiciens
de province des conquêtes remportées par les organistes parisiens, de
1750 à 1772. Pendant que ces « grandes choses » se passaient au
sein de la rivalité, les querelles entre la juridiction civile et les pré-
tentions ecclésiastiques, les remontrances du Parlement abolies, l'exil
des présidents et des conseillers de requêtes, avaient absorbé l'at-
tention des magistrats provinciaux, et ne leur avaient pas permis de
tenir une note exacte des sentences de la grand'chambre.
Manelli et ses intermèdes; les Bouffons peints par Latour; l'en-
gouement de Paris pour la musique italienne ; les lettres de Rous-
seau ; les pamphlets de Grimm ; l'orchestre de l'Opéra brûlant , en
efiBgie, le citoyen de Genève ; la Justification de la musique française.
par le chevalier de Mouhy, qui, de son propre aveu, ne pouvait cé-
der le pas dans l'art d'écrire qu'à M. de Voltaire j la publication du
Petit prophète de Bœhmischbroda ; les Observations de Rameau sur
la musique ; la traduction de la Serva padrona, de Pergolèse ; l'en-
thousiasme de la ville ; l'inscription projetée pour le nouveau rideau
de l'Opéra : Hic Marsyas Apollinem, inscription traduite ainsi par
Diderot :
0 Pergolèse inimitable 1
Quand notre orchestre impitoyable
T'immole sous son violon.
Je crois qu'au rebours de la fable,
Marsyas écorche Apollon.
Mlle Clairon jouant sans paniers l'Orphelin de la Chine, de Vol-
taire : — toute une révolution théâtrale, rien que cela ! — tant et
de si graves événements, et leur contre-coup en province, avaient
empêché les musiciens de s'enquérir de leurs nouvelles prérogatives.
Ils avaient chanté : ils payèrent.
Cet état de choses ne pouvait durer longtemps. Des plaintes se
firent jour ; elles formèrent bientôt un faisceau considérable. Plus de
sept mille compositeurs, professeurs et instrumentistes, poursuivis
par Barbolin et ses agents pour le paiement de redevances iniques,
adressèrent leurs réclamations au Corps de la musique du roi, « comme
étant, par son service habituel auprès de Sa Majesté, plus à portée
de les faire parvenir au pied du trône. » Les gentilshommes de la
chambre, au nom du Corps de musique, représentèrent au roi « que
les provinces étaient les pépinières des musiciens, qui servaient à
compléter le Corps même de la musique , l'Académie royale, le
Concert spirituel et les autres spectacles ; que si les ménétriers
pouvaient continuer à tourmenter les musiciens, à les attaquer, à
les priver de leurs prérogatives, à porter le trouble et le désordre
jusque dans les églises, à contraindre des prêtres vénérables à se
faire recevoir maîtres à danser, l'étude de la musique serait bientôt
négligée, l'ému'ation ne tarderait pas à se dissiper, et l'art musical
serait anéanti. »
Ces raisons, parfaitement déduites, dictèrent la décision du roi,
et — fait peut-être unique dans tout ce règne ! — Louis XV dé-
créta, de son propre mouvement, sans lenteurs ni atermoiements,
« que les lieutenants du roi des ménétriers étaient destitués de leurs
charges ; que la complète indépendance des musiciens était et de-
meurait maintenue ; qu'il y avait lieu d'abolir les privilèges et sta-
tuts de la communauté, que les jurés associés au sieur Barbotin
avaient décorée du titre pompeux d'Académie royale des arts et scien-
ces de la musique, de la danse et des jeux de tous instruments de
musique et d'harmonie, de chez le roi et de la ville de Paris. »
Le décret royal fut expédié à tous les baillages, sénéchaussées et
sièges de ressort du royaume « pour y être lu, publié et registre. »
Ce fut le coup de grâce. La communauté des ménétriers, privée de
ses revenus et de ses droits surannés, n'avait plus de raison d'être.
Guignon le comprit. Quelle figure pouvait faire dans le monde un
roi sans royauté, sans sujets, sans couronne, sans palais, sans flat-
teurs et sans liste civile? Guignon abdiqua. 11 colora son départ d'un
reflet de générosité, affirmant « qu'il voulait ainsi donner une preuve
de son amour pour un art au progrès duquel il croyait avoir con-
tribué par son talent sur le violon. » Abattus, épuisés, les méné-
triers ne songèrent ni à retenir leur roi ni à le remplacer. Ils pleu-
raient sur leur confrérie renversée, sur leur violon brisé. Cette fin de
monarchie eut toute la mélancolie d'un coucher de soleil : elle fut
éclatante et rapide. Le 13 mars 1773, deux mois après l'édit quj
abolissait les lieutenances, Louis XV supprimait la royauté ménétrière
« qui paraît nuire, disait la sentence, à l'émulation si nécessaire au
progrès de la musique , que notre intention est de protéger de plus
en plus. »
364
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Cette louable intention ne devait pas être réalisée. L'année suivante,
en 1774, Louis le Bien-Aimé et Guignon le Bienvenu, le roi de
France et le roi des violons descendaient dans la tombe : le premier,
trop tôt pour l'srt dont il avait promis de favoriser les développe-
ments ; le second, trop tard pour s'ensevelir, en mourant, dans la
pourpre raénélrière, convoitise et vanité de toute sa vie d'artiste.
Dès que la sentence d'abolition de la royauté de Saint-Julien eut
été signifiée, le corps royal de musique recueillit, classa et lit im-
primer les documents de la rivalité, ces témoignages glorieux de
l'honneur et de l'art musical. « Le corps de musique de Sa Majesté
est persuadé — dit l'avertissement qui précède ce recueil — que les
musiciens du royaume lui sauront bon gré de cette sage précaution,
puisqu'elle leur procure les moyens de se défendre, si, contre toute
attente, il arrivait que la communauté des ménétriers voulût attaquer
de nouveau la liberté de leur profession. »
La musique avait son code. Il ne restait plus aux danseurs que la
ressource de répéter, avec les pères délaissés des poëmes et de l'O-
rient: nos petits-fils nous vengeront! Saint-Julien des Ménétriers,
dépossédé, dépouillé, reprit humblement son vieux nom de Saint-Ju-
lien le Pauvre. Etait-ce l'emblème du présent? Etait-ce le présage de
l'avenir? A qui, hélas! des musiciens ou des danseurs, revenait l'iro-
nie du vocable?
Em. Mathied de MONTEE.
{La fin prochainement . )
LETTRES DE FEUX IIENDELSSOHIÏ
( Suite. )
A Monsieur le maître de chapelle Spohr, à Cassel.
Dusseldorf, le 8 mars 1838.
Recevez mes remercîments pour votre lettre amicale. L'annonce
(d'un concours) à Vienne m'a intéressé : je n'en avais pas entendu
parler. Elle m'a fait de nouveau sentir combien il me serait impos-
sible de composer quoi que ce fût en vue d'un concours. Je ne par-
viendrais même pas jusqu'au commencement, et si pour se faire mu-
sicien il fallait subir un examen, j'aurais échoué tout d'abord, car je
n'aurais pas à beaucoup près aussi bien répondu que je l'aurais pu.
L'idée d'un prix ou d'une décision me rend distrait, et pourtant je
ne puis m'en affranchir tout à fait au point de l'oublier. Mais si vous
vous sentez quelque disposition, ne négligez pas — gardez- vous en
bien — d'écrire une symphonie, car je ne sais pas gui parmi les vi-
vants serait en état de vous disputer le prix (deuxième motif), et nous
aurions une nouvelle symphonie de vous (premier motif). Au sujet
des membres du comité, juges du concours à Vienne, j'ai mes idées
à moi, qui toutefois ne sont pas légitimes, mais tant soit peu révo-
lutionnaires. Que si j'étais juge, le comité tout entier n'aurait pas le
prix, au cas qu'il concourût.
Vous voulez que je vous parle de mes travaux ; je vous remercie
de cœur de m'en avoir informé. 11 y a environ un an que j'ai com-
mencé un oratorio qui sera terminé le mois prochain, et dont le
sujet est Saint Paul. Quelques amis en ont extrait les paroles de la
Bible et les ont coordonnées ; je crois que le sujet est musical et sé-
rieux, ainsi que le texte. Pourvu que la musique réussisse au gré de
mes désirs! Tout au moins j'ai eu beaucoup de plaisir en l'écrivant.
J'ai également composé, il y a quelque temps, ane nouvelle ouver-
ture pour la Belle Mélusine, et j'en ai une autre dans ma tête. Je
désirerais ardemment faire un opéra, mais je ne sais où trouver un
texte ou un poëte. Ceux qui pourraient faire le poëme détestent la
musique, ou bien ils ne connaissent pas la scène ; les autres ne con-
naissent ni la poésie ni les hommes ; ils ne connaissent que les
planches et les quinquets, les coulisses et les décors, de sorte que
je ne parviens pas à déterrer le texte d'opéra que j'ai tant cherché,
mais vainement. De jour en jour je le regrette davantage : aussi
j'espère toujours trouver enfin l'homme tel que je le souhaite.
En outre j'ai composé plusieurs morceaux de musique instrumen-
tale, la plupart pour piano ; vous me permettrez, j'espère, de vous
en envoyer quelques-uns, quand l'occasion s'en présentera.
A sa famille.
Leipzig, 6 octobre 1835.
Voilà huit jours qne je tâche de trouver une heure de loisir pour
répondre à vos chères lettres... Maintenant que tout s'est bien
passé, j'ai enfin un peu de tranquillité.
Le lendemain du jour où j'avais accompagné les Hensel à Délilsch,
arriva Chopin ; il ne voulait rester qu'un jour : aussi nous le passâmes
ensemble et nous fîmes de la musique. Je ne puis te cacher, ma
chère Fanny, que j'ai trouvé que, dans tes jugements, tu ne lui
rends pas justice ; peut-être n'était-il pas bien disposé lorsque tu l'as
entendu, ce qui peut bien lui arriver assez souvent. Quant à moi,
son jeu m'a de nouveau enchanté ; et je suis certain que notre père
et loi, si vous aviez entendu quelques-uns de ses bons morceaux,
vous auriez jugé de même. Il y a dans son jeu quelque chose de
foncièrement original, et de si magistral à la fois, qu'on peut l'ap-
peler un virtuose complet ; et comme j'aime tout ce qui est parfait,
je passai une journée des plus agréables. J'étais heureux de me
trouver avec un véritable musicien ; non pas un de ces demi-vir-
tuoses, de ces demi-classiques, qui, en musique, voudraient avoir
en même temps (les mots entre guillemets sont en français dans
le texte) « les honneurs de la vertu et les plaisirs du vice » , mais
avec un de ceux dont la direction est complètement accusée. Et si
éloignée qu'elle puisse être de la mienne, je m'en accommode à mer-
veille. Dimanche soir, lorsque j'ai dû lui jouer mon oratorio, que
de gens curieux de Leipzig se glissaient dans l'appartement, pour
avoir vu Chopin ! Puis Chopin , dans Tintervalle de la première
et la deuxième partie, fit vigoureusement retentir ses études nou-
velles et son concerto aux oreilles de messieurs de Leipzig qui
étaient émerveillés, — puis je reprends mon Saint Paul. — C'était
comme si un Iroquois et un Cafre se rencontraient et conversaient
ensemble. Il a aussi un tout gentil nouveau nolturno ; j'en ai retenu
plusieurs passages, que je jouerai à Paul (frère de Mendelssohn) pour
son plaisir. Nous passâmes ainsi le temps gaiement, et il me pro-
mit très-sérieusement de revenir cet hiver, si je voulais composer
une symphonie nouvelle et la faire exécuter en son honneur. Nous
le jurâmes tous les deux en présence de trois témoins, et nous
verrons si nous tenons tous les deux notre serment.
Avant son départ arriva ma collection des œuvres de Haendel.
Chopin en eut une joie d'enfant. Mais vraiment, c'est si beau, que
je ne peux m'en réjouir assez : trente-deux gros in-folio reliés à
l'élégante manière anglaise, en peau verte, épaisse ; au dos, en gros-
ses lettres capitales, le titre général, et l'indication du contenu du
volume ; sur le premier, on lit en outre : « Au directeur F.-M.-B. :
le comité du festival de Cologne, 1835. » Il y avait de plus une
lettre très-amicale de tout le comité, avec toutes les signatures. Et
puis, j'en tire à tout hasard Samson, et tout d'abord je trouve un
grand air de Samson, que personne ne connaît, parce que M. de Mosel
l'a biffé, et qui en beauté ne le cède â aucun autre air de HBendel.
— Vous pouvez vous figurer ma joie.
Chopin n'était pas encore parti quand arriva Moschelès, et dès la
première demi-heure, il me joua mon deuxième cahier de romances
sans paroles, à ma plus grande joie. Il est toujours le même, mais
DE PARIS,
365
l'exlérieur a vieilli ; du resle frais et dispos, et il joue admirable-
ment. C'est une autre espèce de virtuose parfait, et un maître.
Ensuite viennent successivement les répétitions pour le premier
concert d'abonnement, et avant-hier au soir j'entrais en fonctions,
comme directeur de musique à Leipzig. Je ne puis vous dire com-
bien je suis satisfait de ce commencement L'orchestre est
fort bon, et j'espère que dans six mois il sera encore meilleur. Je
voudrais que vous eussiez entendu l'introduction de mon oeuvre : Le
calme sur mer . Dans la salle comme à l'orchestre régnait le silence
le plus complet; on en entendait les sons les plus ténus, et ils exé-
cutèrent tout l'adagio magistralement. La symphonie de Beethoven en
si majeur marcha à merveille, et après chaque partie, le public ap-
plaudit avec jubilation.
Après le concert, je fis et je reçus des félicitations à l'orchestre :
d'abord les musiciens, puis les élèves de l'école Saint-Thomas — de
charmants jeunes gens qui entrent et partent si exactement, que je
leur ai promis la décoration d'un ordre ; — puis vint Moschelès, avec
un cortège de dilettantes ; puis les deux gazettes musicales, et ainsi
de suite. Vendredi Moschelès donne son concert : je dois y jouer
avec lui son morceau pour deux pianos — hommage à Hœndel ; —
en outre il jouera mon nouveau concerto ; mes Hébrides y figure-
ront également. Cette après- dinée, Moschelès, Clara Wieck et moi,
nous jouons le triple concerto de Bach en ré mineur. Combien Mos-
chelès est aimable avec moi, combien il s'intéresse à ma position
ici, vous pouvez vous le figurer, car vous le connaissez, no-
tamment toi, mon cher père. Ce sont là d'heureux jours, et si je
travaille peu, je me retrouve avec le plaisir dont je jouis.
Je n'ai pas eu d'agitations à propos de mon premier concert, ma
chère mère, mais, je l'avoue à ma honte, jamais je n'ai été aussi
saisi, quand on m'a rappelé, que cette fois Je n'avais pas en-
core vu de concert pareil
Vivez tous en bonne santé et heureux, et, je vous en prie, écrivez-
moi souvent.
Traduit par J. DUESBERG.
TBOISIÈIDE CONCERT P0F1MIBE DE MUSIQUE CLASSIQUE.
Le programme de ce concert commençait par la symphonie en ré
majeur de Mozart, et se terminait par la symphonie en la de Beetho-
ven. Entre ces deux compositions de haut bord étaient placées des
œuvres d'une étendue moindre, mais d'un prix infini; et d'abord la
Polonaise de Struensée, cette inspiration si élégante et si dramatique,
dans laquelle il n'y a pas moins d'émotion que de grâce. Meyerbeer
a trouvé moyen d'imprimer à ce morceau le cachet de son génie, en
l'animant des passions qui dominent dans une cour et l'agitent au
sein des plaisirs. C'est à M. Pasdeloup que revient l'honneur de nous
avoir fait connaitre ce chef-d'œuvre, dans le temps oi\ il en était
encore réduit à son pe'it orchestre de la salle Herz, et cependant il
avait fait comprendre tout ce que renferme d'originalité, de distinction
et d'effets de tout genre non-seulement la Polonaise, mais quelques
autres fragments de Struensée, et notamment l'admirable ouverture
qui résume le drame entier. Au cirque Napoléon, tous ces morceaux
ont grandi, comme le chef et l'orchestre: l'illustre compositeur n'a
plus rien à désirer. Par ses bravos redoublés, l'auditoire a prouvé
combien l'œuvre lui était sympathique.
La Grotte de Fingal est une des plus belles et des plus curieuses
productions de Mendeissohn. L'orchestre l'a rendue avec une rare
perfection, et les instruments à cordes ne se sont pas moins distingués
dans l'exécution de l'adagio du sixième quatuor d'tJaydn. Comme on
le voit, le programme ne brillait pas moins par la quantité que par
la qualité.
P. S.
fflUSIQUE DE CHADBBE.
Andillon da 9"^" quatuor de M. CUarIcs Manry.
Nous avons entendu cette nouvelle composition de M. Ch. Manry,
exécutée par MM. Lamoureux, Colonne, Adam et Norblin. Ce qua-
tuor est en ut mineur. Une introduction sévère prépare l'entrée de
Vallegro con gusto, qui, par d'heureux contrastes, produit un intérêt
toujours croissant.
Vandantino, en la bémol majeur, est une élégie du plus haut style.
Le violoncelle, l'alto et le deuxième violon exécutent des croches
syllabiques en pizz-icato , ci bientôt le premier violon entre avec ma-
jesté et chante une mélodie passionnée. Lorsque le ravissant motif
de l'andantino reparaît, le second violon l'accompagne par un trait
qui l'enveloppe et le serre étroitement. Si ce morceau était exécuté
par tous les instruments à cordes de la Société des concerts ou de
l'orchestre des concerts populaires, nul doute qu'il n'obtînt les hon-
neurs du bis.
Le scherzo, dont le trio surtout est rempli de grâce et d'élégance,
est suivi du finale, morceau dans lequel le style fugué se montre
avec tous ses avantages, c'est-à-dire sans traîner à sa suite la fatigue
et l'ennui.
A. ELWART.
NOUVELLES.
^** Au théâtre impérial de l'Opéra, la Muette de Portlci, la Juive et
Robert le Diable ont défrayé le répertoire pendant la dernière semaine.
Villaret, plus sûr du rôle d'Eléazar, s'y montre à chaque représentation
plus remarquable. Robert le Diable a prouvé que sa force d'attraction
était toujours la même. La recette s'est élevée à près de 10,000 francs.
Gueymard chantait le principal rôle, et l'exécution générale a été fort
belle.
„*^ Aujourd'hui, par extraordinaire, ta Juive avec Villaret dans le rôle
d'Eléazar.
^•\ Après la Boschetti, qui répète en ce moment le grand ballet qui
sera donné cet hiver, l'Opéra vient d'engager pour trois ans Mlle Fio-
retti, premier sujet de la danse au théâtre de la Scala.
^.% La reprise de Zampa obtient beaucoup de succès à l'Opéra-Co-
mique, et la vogue du Domino noir augmente. Les chefs-d'œuvre d'Hé-
rold et d'Auber attirent la foule. Dans ,1e premier, Montaubry remplit
avec plus de voix et de talent que jamais le rôle principal.
j*^ Mlle Darcier, fille du chanteur populaire, vient d'être engagée.
t** Aujourd'hui dimanche, le théâtre Italien donnera le Trovatore,
dont les principaux rôles seront chantés par Fraschini, Sterbini,
Mmes Anna de la Grange et de Méric-Lablache. Lucia, Poliuto, Rigo-
letto et Norma ont été représentés successivement dans le cours de la
semaine.
*** Mme Borghi-Mamo est arrivée à Paris pour chanter au théâtre
Itahen.
»** Les débuts du ténor Baragli sont annoncés pour la semaine pro-
chaine.
f*^ Hier, samedi, au théâtre Lyrique a eu lieu la reprise â'Oberon.
f*^, Les Troyens de Berlioz en sont à leur sixième représentation et
attirent beaucoup de monde.
*** Les recettes des théâtres, concerts et spectacles de tout genre se
sont élevées pendant le mois passé à la somme de 1,806,597 francs.
-j,*^ M. Camille Doucet, chef de la direction des théâtres, est en ce
moment à Compiègna, où il doit passer huit jours. On pense que ce
voyage n'est pas étranger à la question théâtrale, dont la solution nous
est promise pour une époque très-prochaine.
^*^ Voici quelles seraient, d'après le journal la France, les principales
clauses du décret sur la liberté des théâtres projetée : « 1» tout ci-
toyen aura le droit de construire et d'exploiter un théâtre, tant à Paris
que dans les départements ; 2° la liberté des genres serait assurée,
avec interdiction formelle du droit d'altérer le texte des ouvrages tom-
366
REVDE ET GAZETTE MUSICALE
bés dans le domaine public ; 3° les spectacles de curiosités et les con-
certs seraient désormais affranchis de tout prélèvement au profit des
directeurs privilégiés des départements ; 4» enfin , les directeurs de
théâtres, autres que les théâtres subventionnés, seraient désormais af-
franchis de toutes les clauses des cahiers des charges actuels dans ce
qu'elles ont de contraire au présent décret. La mise en vigueur du
décret serait, si nous sommes bien informé, fixée au !'■■ juillet 186i.
,*» Voici un extrait de VExposé de la situation de l'Empire, distribué
aux membres du Corps législatif, en ce qui concerne les théâtres : « A la
fin de la dernière session , le Corps-Législatif exprimait le vœu qu'une
subvention fût allouée au théâtre Lyrique, pour encourager de louables
efforts et récompenser de brillants succès. Ce vœu vient d'être exaucé.
L'exploitation du théâtre Italien ayant pu être concédée dans des con-
ditions nouvelles, et l'entrepreneur lui-même ayant offert de s'en char-
ger sans le secours de l'Etat, la somme annuelle de 100,000 francs qui
restait ainsi disponible, a été attribuée au théâtre Lyrique. L'intérêt
des compositeurs français, notamment celui des élèves de Rome, lau-
réats de l'Institut, n'a pas été perdu de vue en cette circonstance , et
il a obtenu des garanties sérieuses, qui déjà commencent à produire
leur effet. Un décret impérial avait chargé une commission de préparer
un projet de loi sur la propriété littéraire et artistique. Ce projet, élaboré
avec soin, est aujourd'hui soumis au Conseil d'Etat. Une mesure non
moins importante , et qui depuis longtemps était réclamée, comme le
meilleur encouragement à donner à l'art et à la littérature dramatique,
la liberté des théâtres, vient d'être prise par la généreuse initiative de
l'Empereur, et le conseil d'Etat est saisi de l'examen d'un projet de décret
ayant pour objet de sanctionner cette décision.
*** r.oger donne des représentatious très-suivies à Gand. Le célèbre
ténor enthousiasme le public dans Lucie de Lammermoor.
,*^ Mme Tedesco se fait entendre avec beaucoup de succès au théâtre
de Lille, où elle est engagée pour huit représentations.
*** Aujourd'hui dimanche, au quatrième concert populaire de mu-
sique classique, dirigé par Pasdeloup, on exécutera : symphonie en ut
(n» 42), de Haydn ; air de ballet de Prométhée, de Beethoven (le solo de
violoncelle par M. Poëncet) ; suite en re majeur, de J.-S. Bach (ouver-
ture, air, gavotte) ; symphonie en la majeur, de Mendelssohn.
^*^ M. Marchesi est venu passer quelques jours à Paris, mais il re-
tourne immédiatement en Angleterre, où le rappellent divers engage-
ments. Il doit chanter, le 21 de ce mois, dans un concert au palais de
Cristal, et, le 25, à Manchester.
*** L'excellent pianiste compositeur, M. Bergson, revenu de son voyage
en Suisse, a repris ses cours et leçons.
^*^ La Société des concerts donnera, les dimanches 6 et 20 décembre
à 2 heures, deux concerts extraordinaires, en dehors des concerts par
abonnement, qui, selon l'usage, ne commenceront que le deuxième di-
manche de janvier. Une prochaine affiche fera connaître les jours et
les ures où le bureau de location sera ouvert au public pour les deux
concerts extraordinaires.
/* Bazzini, le célèbre violoniste, est arrivé d'Italie; il a passé par
notre ville, en se rendant à Bruxelles et dans les Pays-Bas, pour y don-
ner des concerts et revenir ensuite à Paris. Il a composé plusieurs mor-
ceaux qui, par leur caractère mélodique et le peu de difficultés qu'on
y rencontre, seront fort bien reçus des amateurs.
*** Le célèbre ballet des Scythes, de Gluck, qui obtient chaque année
un si grand succès aux concerts du Conservatoire, vient d'être transcrit
pour le piano par M. Félix le Couppey. On retrouve dans ce travail le
tact exquis et le goût pur qui distinguent les autres ouvrages de Fémi-
nenl professeur.
/■* Le concours d'harmonie et de composition pour les élèves des
classes militaires a eu lieu aujourd'hui au Conservatoire impérial de
musique. En voici le résultat : l"" prix, M. Sibillot, du 11= d'artillerie,
élève de M. Emile Jonas, et M. Grison, du 5'^ de ligne, élève de M. Bazin.
2"' prix, M. Simon, du 96« de ligne, élève de M. Bazin, et M. Gluck, du
6" lanciers, élève de M. Emile Jonas. !"■ accessits, M. Elle, du 78'= de
ligne, et M. Leschevin, du IT de ligne, élèves de I\l. Bazin. 2" accessit,
M. Dufour, du 15" de ligne, élève de M. Bazin. 3= accessit, M. Devos,
du 5= de ligne, élève de M. E. Jonas.
,„** Mme Gagliano, dont nous avons signalé les brillants succès, vient
d'être engagée pour le prochain concert de la Société philharmonique
de Boulogne.
t*a. Nous nous empressons d'annoncer à nos lecteurs que Mme Oscar
Comettant, l'éminente cantatrice, ouvrira un cours de chant italien et
français, le 13 décembre prochain, dans les salons de Mme Moreau de
Saint-Ludgère, 57, rue de Bourgogne. Le cours de Mme Comettant, qui
alternera avec les cours de piano de Mme Moreau de Saint-Ludgère
fondés en 1 838, aura lieu les mercredis et samedis, de 1 heure à 3 heures.
,*^ Le violoncelliste Piatti, qui jouit en Angleterre d'une réputation
égale à son talent, vient d'arriver à Paris.
a,** Haendel est devenu l'objet d'un hommage unique dans son
genre. Dans l'égtise Sainte-Marie Redcliff, on lui a dédié une fenêtre
sur laquelle sont exécutés des groupes d'anges qui sont censés chanter
des passages du Messie.
*** S. E. le ministre de la maison de l'Empereur et des beaux-arts
vient de souscrire à vingt-cinq exemplaires de la nouvelle méthode de
violoncelle, de M= Lebouc, pour être répartis entre les conservatoires
des départements et autres écoles communales de musique de France.
La méthode de M. Lebouc est déjà adoptée par les conservatoires de
Paris et de Bruxelles.
*'^j, Mlle Charlotte de Tiefensée a donné récemment un concert dans
la salle du Kurhaus à Aix-la-Chapelle. Son répertoire est des plus variés;
cette artiste remarquable connaît tous les genres et chante dans presque
toutes les langues.
^*, A Zittars, on a placé à côté de la porto de la maison où naquit
Marschner, une plaque commémorative en marbre avec cette inscrip-
tion : « Dans cette maison est né Henri Marschner, le 16 août 1795. »
»*a, Le ministre de l'instruction publique vient de prescrire pour les
établissements universitaires de l'Empire, lycées et collèges , l'étude de
la musique vocale. Elle se trouve désormais classée parmi les exercices
supplémentaires de ces grandes écoles.
»** La fête de sainte Cécile sera célébrée à Saint-Eustache, lundi 23
novembre, à 11 heures , avec la plus grande solennité, par les soins du
Comité de l'Association des Artistes musiciens. M. Pasdeloup fera exécu-
ter par l'orchestre et la chorale populaire de musique classique, sous sa
direction, la première messe en ut de Beethoven, qui n'a pas encore été
entendue à Paris. Mgr Darboy, archevêque de Paris, assistera à cette céré-
monie. Les premiers artistes de l'Académie impériale de musique chan-
teront les soli. A roffertoire, M. Alard exécutera sur le violon un andante
de Beethoven. — Le grand orgue sera tenu par M. Edouard Batiste. —
Le produit de la quête et des chaises sera versé dans la caisse de secours
de l'Association. — On se procure à l'avance des billets d'enceinte ré-
servée, chez M. BoUe-Lasalle, trésorier de cette Société de bienfaisance,
68, rue de Bondy.
^*^ M. Mansour annonce pour le lundi 16 novembre la réouverture
de ses cours de piano : cours normal pour les élèves de force sujiérieure
qui se destinent à l'enseignement (une leçon de deux heures par se-
maine pour quatre élèves), et cour.' progressif pour les élèves de petite
ou grande moyenne force (deux leçons de deux heures par semaine
pour huit élèves}.
^*^ M. Wilhelm Langhans, compositeur et chef d'orchestre, qui a
donné un concert l'hiver dernier dont nous avons rendu compte, est
arrivé cette semaine à Paris avec sa femme, excellente pianiste.
,j*a, Le Comité du progrès artistique rappelle aux compositeurs de
musique que ses deux concours seront clos le 15 janvier prochain. S'a-
dresser à M. le secrétaire, 23, rue d'Hauteville, Paris.
^*^ Philippe Hœrter, violoniste et compositeur d'un vrai talent, est
mort le 6 de ce mois à Strasbourg, Né dans cette ville en 1795, il a
écrit des opéras allemands, des chœurs et des cantates très-remarqua-
bles. — Toutes les sociétés chorales de la ville et l'harmonie militaire,
dirigée par l'habile M. Roth, assistaient aux obsèques de cet artiste,
dont la )nodestie rehaussait le mérite. Un chœur de sa composition y a
été parfaitement exécuté par la masse chorale. Pensionnaire de l'asso-
ciation des artistes musiciens, Ilœrter laisse une veuve à laquelle plu-
sieurs membres du comité central se sont empressés de donner des
preuves effectives de la sympathie qu'elle est en droit d'inspirer.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
,j*j, Lyon. — En attendant la reprise du Pardon de Ploërmel, retardée
par une indisposition de Mme Cabel, Charles VI a été représenté devant
une salle comble et a obtenu un très-grand succès. Mlle Lacombe,
MM. Melchisedec, Dulaurens et Coulon ont fort bien rempli les rôles
de l'œuvre magistrale d'Halévy,
^*,^ Bordeaux. — La Société de Sainte-Cécile, présidée par l'hono-
rable M. Brochon et dirigée par M. Ch. Mezeray, exécutera, le
26 novembre, à l'église Notre-Dame du chef-lieu de la Gironde, la
messe solennelle à trois voix, solo, chœur et grand orchestre, de
M. A. Elwart. — A l'issue de la messe, l'orchestre exécutera la belle
ouverture de Spartaciis de M. Saint-Saens. — Ces deux compositions
DE PARIS.
367
ont, à huit ans de distance, obtenu le premier prix au concours annuel
de la Société de Sainte-Cécile.
*** Nice. — Les débuts do la troupe italienne au théâtre impérial,
sons la direction habile de M. Avette, viennent de se terminer et ont
obtenu en grande partie les suffrages du public. Deux très-jeunes can-
tatrices, Mlles Ferni et Varesi, le ténor Cantoni et le baryton Coliva s'y
sont très-distingués. De nouveaux ouvrages vont être montés, parmi
lesquels le Siradella de Flotow.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
j*^ Londres. — Dn opéra de salon, Jcsstj Lea, paroles d'Oxenford, mu-
sique de Macfarren, vient d'être représenté avec succès sur la scène de
Gallery of Illustration. — Les concerts-promenades sous la direction de
Jullien fils, attirent la foule. Mme Yolpini et le cornettiste Legendre y
sont beaucoup applaudis. Sivori va s'y faire entendre, ainsi que Sims
Reeves et Santley. La réussite de cette entreprise parait donc assurée.
^*jf Bruxelles. — C'est dans Robert le Diable, joué devant une salle
comble et en présence de la duchesse de Brabant, que le début de
Mlle Fredberg a eu lieu. La gracieuse danseuse a obtenu un succès
éclatant et va continuer ses débuts dans la Muette de Portici.
^*^ Amsterdam. — Mme Trebelli-Bettini et M. Bettini sont engagés avec
Mlle Artot pour la saison d'hiver, à l'opéra italien, et se feront entendre
dans une série de concerts avec le concours de MM. Jaëll, Rubinstein
et deVroye.
»*,j Berlin — On annonce les prochains débuts du célèbre ténor
Niemann, de Hanovre, qui se fera entendre ici dans Robert le Diable, la
Favorite, Fernand Cortez, etc. — La pièce d'Offenbach : ïe Prince Acapulco,
qui a obtenu récemment tant de succès au théâtre de Wallner, n'est
autre que le Brésilien, joué au théâtre du Palais-lîoyal , à Paris, et conte-
nant la fameuse ronde du Brésilien d'Offenbach.
:t\ Hanovre. — M. Joaohim, le célèbre violoniste, a repris ses séances
de quatuor : dans la première on a exécuté des compositions de Haydn,
Mozart et Beethoven.
,1,*^ Francfort. — Après avoir joué au îiusée, Mme Clara Sehumann
a donné deux concerts très-suivis. — La Société de Sainte -Cécile an-
nonce pour cette année trois concerts : dans le premier, on exécutera
£tie ; au deuxième, cantate de Bach, chœur par F. Hiller ; au troi-
sième, le Messie.
s*t Leipzig. — Hans de Bùlow a donné dans la salle du Gewandhaus
la première de ses trois soirées pour cette année. Comme l'an passé ,
lui seul a rempli la séance ; il a joué neuf grands morceaux, de mé-
moire, sans broncher, avec une vigueur qui n'a pas faibli un moment;
ce sont diverses compositions de Bach, Mendeissohn, A. Rubinstein, Mosohe-
lès, Liszt, Hummel et Kiel. Au cinquième concert du Gewanxihaus s'est
fait entendre Hugo Fleermann, qui a exécuté avec talent et succès un
concerto de Spohr, et air varié de Vieuxtemps.
*** Vienne. — Le premier concert de Société a été une véritable fête ;
on y a exécuté deux ouvrages de Hseiidel : VOde à sainte Cécile, pour la
première fois en cette ville, et Samson. L'exécution de ces deux œuvres
capitales a été parfaite. Dans la première , lessolos ont été chantés par
Mme Passy-Cornet et par M. Schnarr de Carolsfeld, le chœur final, une
des plus belles choses qu'ait écrites le célèbre compositeur, a produit un
effet immense. — Hellmesberger a repris ses séances de musique de
cbambre; il y en aura huit dans le courant de l'hiver. — Au théâtre de
l'opéra de la cour, on répète : Iphigénie, de Gluck, et le nouvel opéra
d'Offenbach, les Fées du Rhin ; ensuite sera rais à l'étude l'opéra nouveau
Concino Concini , par M. Loewe. — Une belle représentation des
Huguenots vient d'être donnée au même théâtre. Les honneurs de la soirée
ont été pour Mme Fabri-Mulder qui, dans le rôle de Valentine, a prodoit
beaucoup d'effet, surtout dans le duo du troisième et dans celui du qua-
trième acte. — On se propose de remettre à l'étude Joseph. Cette belle
partition de Méhul n'a jamais cessé de faire partie du répertoire de
l'opéra en Allemagne.
„** Milan. — La réouverture du théâtre Carcano a eu lieu par l'opéra
Folletto di Gresy,fovt bien accueilli par un nombreux public. Au théâtre
de la Scala un nouveau ballet de Pellerini, Attéa, obtient du succès.
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latti, pièces n™ 1 à 26. — Hummel, op. 8, Chanson autrichienne, variée;
— op. 9, Marche des Deux journées, id.; — op. 10, God save the King,
d.; — op. 15, air des Deux petits Savoyards, id. — 0. A. Lindemann,
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Le P. Martini, douze sonates. — Fr. Couperin, 1« livraison de pièces.
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Cendrillon, id.; — op. 57, Gavotte d'Armide; - op. 73, la Belle Marie,
chanson anglaise variée. — 4° livraison: Emm. Bach, douze sonates
en deux recueils. — Haendel, suites de pièces 1, 2, 3, et 4 livres.
5"= livraison : Charabonnière, recueils de pièces , livres 1 et 2. —
Dominique Scarlatti, pièces n°' 27 à 49. — Beethoven, sept sonates,
œuvres 2, 7 et 10.
La «j= livraison paraîtra avant la fin de décembre; elle contien-
dra six sonates d'Em. Bach; — douze polonaises et une sonate de Wil-
helm Friedemann Bach ; — le recueil de pièces d'anciens auteurs an-
glais (W. Byrd, John Byll et Orlando Gibbons), intitulé Parthenia (fin
du x\i'^ siècle) et d'autres pièces de la même époque, entre autres le
fameux Carman^s Whislle (le Sifflet du charretier), ancienne chanson
populaire anglaise variée, par W. Byrd; — les sonates de Beethoven
œuvres 13, 14, 26, 27 et 28 (sept sonates).
MANUFACTURE DE PIANOS — MAISON HENRI HERZ
1£uc de la Victoire, 4§, à Paris.
L'immense succès que les Pianos de la Maison Henri HERZ ont obtenu à l'Exposition universelle de Paris, en 1855,
vient de se reproduire à Londres avec plus d'éclat encore : aussi le Jury international vient-il, en plaçant ces instruments
au premier rang, d'accorder à l'unanimité, à M. Henri HERZ, la médaille, en motivant cette distinction par la perfection
reconnue dans tous les genres de Pianos et sous le rapport de la solidité, de la sonorité, de l'égalité, et la précision du
mécanisme dans les nuances d'expression. (Rapport du Jury international.)
MANUFACTURE GÉNÉRALE D'INSTRUMENTS DE MUSIQUE EN CUIVRE ET EN BOIS
50, rue Saint-Cieorges,
à Paris.
ADOLPHE SAX
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50, rae ISaint-Cieorgreg
à Paris.
Facteur de la Maison mUUaire de l'Empereur. — Professeur au Conservatoire impérial de musique.
Seule grande Médaille d'honneur à l'Exposition universelle de 1855.
RÉSUMÉ DES AVANTAGES DES SAXHOKNS ET DES SAXOTROMBAS.
Le Saxotromba, ou le Saxhorn, est supérieur à ses analogues existants précédemment, comme proportion de tubes et par
conséquent comme son ; supérieur comme j ustesse ; supérieur comme création de famille complète ; supérieur comme facilité et
unité de doigté ; supérieur comme forme ou contour des tubes pour l'émission des sons ; supérieur comme forme pour le pla-
cement et le maniement de l'instrument ; supérieur comme, ayant une même direction des sons (avantage pour l'auditeur de
recevoir tous les sons avec la même puissance); supérieur en ce que quelques jours suffisent pour former, avec des amateurs ou
de simples conscrits militaires, une musique passabla ; supérieur en ce que les plus gros instruments comme les petits se
tiennent facilement au moyen de la main gauche et du bras gauche, et laissent le bras et la main droite entièrement libres,
et dans la meilleure position pour le jeu des doigts sur les cylindres ; supérieur en ce que, quand un élève a déjà fait des
études et qu'il est obligé de changer d'instrument faute de disposition des lèvres ou par tout autre motif, ses études acquises
servent pour le nouvel instrument, soit trompette, trombone ou tout autre instrument ; supérieur en ce que l'on peut faire les
études les plus lorjgues et les plus difficiles sur l'instrument qui fatigue le moins et les reporter sur d'autres plus durs à jouer
ou plus lourds à porter; supérieur en ce que, dans les sociétés ou dans un régiment de cavalerie, surtout lors des congés, il
arrive souvent que tous les artistes d'une même catégorie d'instruments partent, et que, dans ce cas, on peut les remplacer
en prenant des musiciens dans les parties les mieux garnies pour occuper ou remplacer les parties manquantes; supérieur en
ce qu'on ne craint pas les coups de tête des chevaux, qui, avec les anciens instruments, brisaient parfois les dents au cava-
lier; supérieur en ce que l'on peut jouer, le cheval au trot ou au galop, l'instrument suivant toujours les mouvements du
corps; supérieur pour la musique en marche en ce que l'instrument ne se dérange pas sur les lèvres, et conserve par consé- ^
quent la même sonorité qu'au repos; supérieur pour les corps de musique et pour le militaire surtout, où tout est régulier
excepté les musiciens et les instruments d'après le système ancien), en ce que tout le monde se trouve dans la même position, toutes les mains à la même
tous les instruments penchés de gauche à droite ; supérieur, pour la musique à cheval ou de cavalerie, en ce que si, pendant que l'on joue, le cheval vient
écart, il est facile de ressaisir les brides pour le ramener, sans déranger l'instrument de sa position. ifjK^
Ton» lis iniirnmenii soriant de la fabrique porieni l'inieription snivanie : Adolphc Sax, à Paris, facteur de la maison militaire de l'Empereur, ^Ih
le numéro d'ordre de l'initrumeiit el le poinçon oi-aprcs : |kj^
BUREAUX A PARIS : BOULEVARD DES ITALIENS, I.
30^ Anïîéc.
!V« 47.
22 Novembre 1863.
Olf S'ABONNE I
Dans tes Diîpartcmcnts et à rÉtranger, chez tous
les Uarchanils de Musique, les libraires, et aux
Bureaux des Messageries et des Postes.
REVUE
PRIS DE L' ABONNEMENT S
Paris... 24 fr. par 01
Départements, Belgique et Suisse.... 30 u id.
" ÉtroDger 34 -p Id.
Le Journal parall te Dimanche.
Vv bTb ^B hHI
Wm WM^WLIB.
-^\,\i \J\PJ\rj^J'uV\r^ —
1864 Sf" AUTSTEE 1864
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
Prîmes
OflTerfes anx anciens et nonTcaux Abonnés.
Pour satisfaire au désir qui nous a été exprimé par un grand
nombre de nos Abonnés, nous offrons, à l'occasion du renouvelle-
ment de l'année :
1"
LE SECOND VOLUME
RÉPERTOIRE DE IMP WORERl
Dont le premier volume a été accueilli avec tant de faveur l'année
CE VOUJME, FORMAT IN-S», CONTIEIVT LE CHOIX SUIVAMT DE
1. AIiKAN. — Op. 32. Fanlasietta alla moresca.
i. BLUMENTHAL. — Op. 1. La Source, caprice.
3. CHOPIN. — Op. 10. Deux études.
4. CZERNY. — Op. 754. Tarentelle.
5. DŒHIiER. — Op. 42. Deux études.
6. FAVARGER. — Op. 42. Caliban, grande valse.
7. GORIA. — Op. 41. Grande mazurka.
8. HELLER (Stéphen). — Op. 56. Sérénade.
9. HENSELT. Poëme d'amour.
10. HERZ (H.). — Op. 143. Mazurka.
11 . JAELL. — Le Carillon, morceau élégant.
12. IiACOMBE. —Op. 54. Marcbe turque.
13. liESCHETIZKY. - Chant du soir, idylle.
14. LITOLFF. — Chanson du rouet.
15. LISZT. — Deuxième marche hongroise.
16. BIENDELSSOHN. — Presto scherzando.
17. UOSGHELÈS. — Op. 95. Trois études.
18. PRUDENT. — Op. 33. Farandole.
19. THAIiBERG. — Op. 35. Le Trémolo.
20. VOSS. —Op. 161. Ecume de Champagne.
2°
Un recneil contenant six llorceanx de Chant :
MÉLODIES ET CHANSONS
IRLANDAISES, ÉCOSSAISES, ESPAGNOLES ET HAVANAISES
Avec paroles françaises :
Ces morceaux, d'une grande originalité et entièrement inconnus en
France, sont chantés avec un grand succès dans ses concerts par Mlle
CARI<OTTA PAXTI
Nous tiendrons ces Primes à la disposition des Abonnés anciens et
nouveaux à partir du 10 décembre 1863.
SOMMAIRE. — Théâtre impérial italien: reprise du Trovatore et du Barbiere.
— Quatrième concert de musique classique au cirque Napoléon. — La musique
populaire et dans les cités ouvrières en 1863 (2' et dernier article ) , par
Maurice Cristal. — La guerre de cent ans des organistes, clavecinistes
et des maîtres à danser du royaume de France, 1680-1774 (4° et dernier
article), par Em. llatbien de Monter. — Revue critique. — Corres-
pondance : Saint-Pétersbourg. — Nouvelles et annonces.
THÉiTRE IMPÉRIAL ITAUEN.
Reprise du Vrovatofs et du Barbiewe. — Débuta de
.timo de Uérlc-Iiablaclie, de SteritinI, de Barasli et
de Bovere. — Rentrée de Unie Borgbl-llamo.
La représentation du Trovatore, donnée dimanche dernier, a été
certainement la meilleure, la plus complète de toutes celles qui "ont
eu lieu depuis la réouverture, et la preuve, c'est qu'elle a rajeuni un
ouvrage dont on a tant abusé, que le besoin est loin de s'en faire
sentir. Fraschini s'est emparé du rôle de Manrico avec toute la puis-
sance de sa voix et de son talent : il s'y est élevé peut-être encore
plus haut que dans l'Edgardo de Lucia. Il en a si bien fait valoir les
moindres détails, que l'auditoire est constamment resté sous le charme
et ne cessait de l'écouter que pour l'applaudir. Après les bravos,
c'étaient les rappels, et les bis n'auraient pas manqué non plus, si
Fraschini n'eiit contracté l'excellente habitude de ne jamais s'y prê -
ter. Mme Anna de la Grange l'a fort bien secondé dans le rôle de
Leonora : elle est grande, elle est noble ; on ne saurait chanter mieux
qu'elle, et si l'émotion lui manque parfois, ce n'est pas faute d'en
posséder parfaitement la mimiqu3 et d'en pratiquer l'imitation avec
un art consommé.
Deux débutants, pour Paris du moins, s'essayaient dans l'œuvre de
Verdi; Sterbini chantait le rôle du comte de Luna, et Mme de Méric-
Lablache celui d'Azucena, la bohémienne. Celte dernière s'était déjà
montrée à nous, il y a quelques années, dans le petit rôle de Gondi,
de Maria di Rohan. Depuis, elle a réussi en beaucoup de pays et sur
beaucoup de scènes. Sa voix de contralto est timbrée, vibrante et
mordante; elle monte facilement à des notes qui dépassent son dia-
pason ordinaire. Quel dommage que son articulation soit déparée par
un grasseyement intolérable même chez nous, où l'on grasseyé à dire
d'experts, mais où l'on s'en corrige quand onUe veut, par des pro-
cédés qui n'exigent que de la patience ! Mme de Méric-Lablache
370
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
tient beaucoup à se montrer dramatique, mais elle exagère le senti-
ment comme elle exagère la vieillesse. La mère de xManrico n'est nulle-
ment obligée de trembler sur ses jambes, d'autant moins qu'avec
sa Ggure basanée, rougie par le soleil, on pourrait s'y tromper
et croire que c'est l'effet, non de l'âge, mais du vin. Slerbini a une
voix douteuse et variable : on l'entend à peine quand il chante
piano; on l'entend trop quand le forte arrive. Peut-être faut-il s'en
prendre à la terreur, et l'équilibre finira-t-il par se rétablir avec le
temps.
Jamais, jusqu'à présent, la mise en scène du Trovatore n'avait été
plus soignée ; comme dans Lvcia, plusieurs décors nouveaux ré-
jouissaient les regards, notamment au troisième acte, qu'on a rétabli
sur un pied de luxe inusité. Par exemple, rien n'a été changé à la
pauvre défroque du Barbiere; c'est toujours la vieille place publique,
toujours le vieux salon I Et à travers tout cela une musique toujours
jeune , qui persiste à vivre et à se soutenir, en dépit du costume et
de l'exécution. 11 n'y avait pas moins que la différence du
jour et de la nuit entre la représentation du Trovatore et celle du
Barbiere, donnée le mercredi suivant. Nous ne saurions nous
empêcher de le dire à l'orchestre : il n'est pas permis d'exécuter
une délicieuse ouverture avec la nonchalance, la froideur, la bruta-
lité dont, l'autre jour, il s'est rendu coupable. Jadis, pendant cette
adorable symphonie , on eût entendu voler une mouche : aujour-
d'hui personne ne s'en soucie, personne n'y prend garde, parce que
l'orchestre et son chef donnent l'exemple de l'indifférence. Comment
voulez-vous qu'on écoute des gens qui ne se font pas l'honneur de
s'écouter eux-mêmes? C'est le mot si juste et si vrai de Mme de
Staël. Malheureusement, l'ouvrage entier n'a guère été mieux traité
que l'ouverture.
On sait qn'un télégramme avait été chercher Mme Borghi-Mamo
à Madrid , la surprendre au milieu de ses succès, pour l'appeler à
Paris en toute hâte. La cantatrice est venue et a fait sa rentrée par
le rôle de Rosine , lequel n'est pas le meilleur de son répertoire.
Elle n'est pas assez vive , assez espiègle pour bien jouer la pupille
du docteur Bartolo, et puis elle porte des robes trop longues. Elle
chante toujours fort bien, mais le Bacio qu'elle a dit dans la scène de
la leçon n'est plus assez neuf, assez distingué pour nous. Le débu-
tant, Baragli , fort agréable de sa personne, est un tenorino dont la
voix nous a paru d'abord interceptée par le brouillard. C'est du moins
une voix des plus minces, qui rachète en agilité ce qui lui manque
en volume. Rovere, l'autre débutant , le nouveau Bartolo, n'a plus
l'ombre d'une voix : c'est un bouffe sur le retour, qui ressemble à
un vieux clown par les gestes et les grimaces. Bouché s'est trop
complu dans l'air de la Calumnia: il l'a détaillé si savamment, si pe-
samment que le public ne se tenait plus d'impatience : aussi n'a-t-il
obtenu pour sa peine qu'un chut des plus prononcés. Délie Sedie
n'est qu'un demi-f'igaro, et si nous ajoutons que tous ces artistes n'ont
pas l'habitude de jouer ensemble, on comprendra pourquoi la re-
présentation du Barbiere ne doit figurer que pour mémoire.
QUATRIÈME CONCERT POPULAIRE DE MUSIQUE CLASSIQUE
an Cirque Kaiioléon.
Ce qui piquait le plus vivement la curiosité dans le programme de
ce concert, ce n'était ni la symphonie en vt d'Haydn, ni la sympho-
nie en la majeur de Mendelssohn, malgré leur qualité bien reconnue
de chef-d'œuvre, ni même l'air de ballet écrit pour l'rométhëe, par
Beethoven, et que l'auditoire a unanimement redemandé: mais c'était la
suite de morceaux en ré majeur, composés par Jean-Sébastien Bach,
ce maître des maîtres, mort depuis plus de cent ans. Ces morceaux,
ces fragments rangés sous les titres à'ouverture, d'air et de gavotte
ont été écoutés dans le silence le plus profond; aucun signe d'appro-
bation ni d'improbation n'en a interrompu la marche, et à la fin des
bravos d'estime, sinon d'enthousiasme, se sont fait entendre. Avouons
que ce genre de composition est tout à fait dépourvu de charme et
n'offre qu'un intérêt purement archéologique. M. Pasdeloup a bien
fait d'en donner un spécimen, mais nous ne pensons pas qu'il y re-
vienne souvent. C'est, si l'on veut, de la musique classique, mais ce
ne sera jamais de la musique populaire. L'exécution en a été par-
faite, et il ne fallait pas moins pour sauver quelques passages bien
capables d'exciter un peu l'hilarité moderne.
P. S.
LA MUSIQUE POPULAIRE
ET
DANS LES CITÉS OUVRIÈRES
En 1SG3.
(2e et dernier article) (1).
Après avoir cité quelques-uns des résultats favorables que produit
la musique, voici maintenant des faits qui montreront comment ces
progrès s'opèrent et quels en sont les commencements presque tou-
jours inaperçus.
Dans la rue de Crimée, à la Petite-Villette, près de la route d'Al-
1 emagne, on peut entendre les dimanches, les jours de fête, et même,
chaque jour, à certaines heures , des choeurs exécutés avec soin et
choisis le plus souvent dans les œuvres des maîtres. Nous avons été
aux renseignements, et voici ce que nous avons appris. Qu'on nous
permette quelques détails , ce que nous allons dire appartenant aux
actes sublimes de l'humanité.
Bien des gens ont eu le spectacle de ces escouades de balayeurs
hommes, femmes, adolescents des deux sexes, qui, dès l'aube, et
quelquefois plus tôt encore, font la toilette de Paris. Ces ouvriers de
la première heure sont presque tous des émigrés allemands que la mi-
sère a chassés de leur pays, et qui, entendant parler des immenses
travaux publics qui s'exécutent dans la capitale de la France, com-
ptent y trouver à vivre plus facilement que dans leur patrie. Mal-
heureusement, ils ne rencontrent pas toujours chez nous la terre pro-
mise qu'ils avaient rêvée , et comme ils ont du courage et de la
probité, plutôt que de mendier, ils se résignent aux plus humbles oc-
cupations, aux plus modiques salaires, et commencent habituellement
par le métier de balayeurs des rues. L'homme gagne 2 fr. 50 c. par
jour, la femme 1 franc pour sa demi-journée, car il faut donner le
reste du temps à son pauvre ménage. Avec ces 3 fr. 50 c. subsiste
une famille qui compte souvent cinq ou six enfants : aussi vont-ils
se loger dans les quartiers les plus excentriques, oi!i ils vivent aban-
donnés, dans la misère et dans l'ignorance. C'est là qu'un homme
admirable et sa compagne sainte sont venus apporter l'instruction et
la propreté, le sentiment du beau, des arts, de Dieu.
C'est par la musique que l'œuvre de civilisation a commencé.
Mme X. — je dirai son nom bientôt — qui appartient à une des plus
nobles familles prussiennes, sait la musique; elle en possède au fond
de l'âme l'intelligence la plus élevée ; il s'agit de communiquer aux
pauvres sauvages à qui elle a voué ses talents et sa vie, et qui ne
savent pas même ce que c'est que la lecture, l'écriture et l'alphabet,
le goût et les connaissances de l'art qui refait les âmes, et leur
ouvre toutes les joies, toutes les consolations, toutes les aspirations.
Pour commencer son œuvre, Mme X. s'adresse d'abord aux enfants.
Pendant que les parents balayent nos rues, ils sont livrés à
eux-mêmes, et, demi-nus, affamés, ils vagabondent au soleil ou à la
DE PARIS.
371
pluie , dans les ruisseaux et dans la boue. Ces enfanls trouvent
chez Mme X. du pain, de la viande, du vin , un abri, des soins, de
l'affection. Les voilà attirés. Alors, avec une patience infinie, MmeX.
leur enseigne, et les éléments de la musique appropriés à leur igno-
rance de toute chose, et à chacun, en même temps, sa partie dans
des chœurs choisis parmi les plus belles œuvres des maîtres de toutes
les écoles.
Ce n'est point dans un palais que Mme X. les abrite ainsi. Son mari
et elle, quand ils arrivèrent à Paris, voulurent opérer le bien sans
retard. Bâtir prend du temps. Sans rien attendre, pressés d'agir, ils
achetèrent d'abord pour leur résidence une colline de 20 mètres
à peu près, inoccupée , nue, de roche calcaire ; là, dans un
chalet portatif , ils s'installèrent , et , c'est là que les enfants
réunis chantent Hœndel, Beethoven, Marcello, Jomelli. Les pre-
miers chœurs ont été enseignés partie par partie à chaque en-
fants ; puis les enfants, dressés par une femme patiente et clair-
voyante, et qui varie sa méthode selon les aptitudes de chaque élève,
ont su lire la musique et étudier tous seuls. Dès lors, l'école n'a plus
eu seulement pour but la musique; les enfants ont appris la lecture,
l'écriture, le devoir, la religion.
Un beau jour, les parents se sont aperçus du résultat qui, grandi
peu k peu, ne les avait pas frappés dans le commencement. Ils se
sont informés. C'est tout ce qu'on voulait . Avec larmes, ils sont ve-
nus offrir leurs services, leur reconnaissance, leur argent à l'institu-
teur et à l'institutrice de leurs enfants. L'argent, on ne l'a pas reçu;
mais à eux, pères et mères, on a ouvert toute grande la porte du
chalet. Ce qui avait été fait pour les enfants, on l'a fait de nouveau
pour les parents, émerveillés de se voir apprendre à chanter, lire la
musique, lire dans les livres, écrire, etc.
Tous les dimanches ils se réunissent et chantent des chœurs. Il y
a là d'admirables voix, et si vous voulez entendre de la belle musique
populaire, c'est facile, je vous ai donné l'adresse. Ajoutons que le
chalet qui d'abord servait d'école et d'habitation à M. et à Mme X,
ne sert aujourd'hui que pour l'école ; que les instituteurs se sont ac-
quis pour eux une habitation dans le voisinage ; que, sur leur impul-
sion, une église, une école professionnelle et artistique, une cité
ouvrière ont été bâties, et sont à cette heure fréquentées et habitées,
et que ni l'assistance publique ni l'État n'ont été sollicités pour venir
en aide à tout cela. La musique a suffi pour tout faire.
Le nom des deux instituteurs sublimes que nous signalons à l'ad-
miration universelle est BoDELSCHVsfiNG . Le mari est fils d'un ancien
ministre des finances en Prusse. Sa digne compagne est elle-même
fille du ministre actuel des finances dans le même pays.
A Guebwiller, dans le Haut-Rhin, un semblable et tout aussi beau
résultat est dû à la musique enseignée par un simple instituteur,
M. Greiner, aux enfants des pauvres ouvriers du pays.
Après ses heures de classe, M. Greiner donnait bénévolement des
leçons de chant. Quelques belles voix furent soignées par lui ; il en
fit des solistes. Solistes et choristes exécutèrent bientôt avec perfec-
tion les œuvres magistrales. Les parents accoururent. Plus d'un
ivrogne déserta le cabaret pour imiter son fils et étudier à la même
école la musique et le chant. Après la musique, on passait à la lec-
ture, à l'écriture, au dessin linéaire.
M. Greiner faisait le- bien, refusait l'argent, et se trouvait heureux
quand une famille sauvée de l'ivrognerie, de la dette, de l'ignorance
et de la débauche, lui devait une initiation féconde à l'instruction
modeste qu'il lui donnait. Mais son œuvre de civilisation fut remar-
quée. L'intervention des chefs d'industrie de la ville développa le
premier germe. Une bibliothèque fut louée et placée dans un logement
en ville. Là se tinrent les cours professionnels et se donnèrent les
leçons de musique où accouraient désormais trois ou quatre mille
ouvriers. Le local se trouva bientôt insuffisant. Alors fut décidée,
grâce à une généreuse initiative, la construction d'un bâtiment spécial
qui s'élève aujourd'hui sur un des côtés de la ville, au milieu d'un
grand terrain clos, et dans lequel se trouve installée, avec une sorte
de luxe, ce qu'on peut appeler l'académie ouvrière de Guebwiller.
Quand nous avons franchi, il y a trois mois, le seuil de ce petit pa-
lais de l'instruction populaire, nous nous sommes senti dominé
par un sentiment de respect. Tous les détails de la construction
témoignent de l'importance qu'y a attachés l'homme qui en a dressé
les plans et qui a fait les choses avec amour, sans regarder à la dé-
pense. Aux portes des salles consacrées aux cours sont affichés les
arrêtés des comités, et la propreté minutieuse qui règne du haut en
bas de la maison est un sûr garant de l'ordre et de la tenue de ces
ouvriers, écoliers volontaires, qui abdiquent l'ignorance, et embel-
lissent le travail par les beaux-arts.
Nous parcourûmes les salles. Nous aurions voulu assister aux le-
çons musicales ; mais ce n'était pas l'heure, et puis c'était un jour de
fête; mais l'ami qui nous accompagnait, et qui lui-même est passionné
pour la musique, nous réservait une surprise. Un chœur composé
d'hommes, de femmes et d'enfants avait été réuni dans un jardin du
voisinage. Nous ne le savions pas et nous nous dirigions vers le haut
de la ville du côté de la cité ouvrière pour visiter la maison, vraie
châtellenie, habitation princière qu'on a assignée pour demeure aux
professeurs de musique et de dessin, lorsqu'un chœur de Fidelio
monta jusqu'à nous à travers les arbres de la colline, Nous écou-
tâmes avec admiration. Le chœur fut admirablement exécuté.
Dans la bibliothèque de l'académie ouvrière nous avons remarqué
un choix considérable de partitions. On nous assure que beaucoup
d'ouvriers ont pris des arrangements pour acheter des orgues, et
que c'est pour eux une habitude, après avoir acheté l'orgue, de
demander des méthodes d'harmonie : l'on nous a signalé parmi
eux plusieurs compositeurs qui ne sont pas sans mérite. A certains
jours, tous ces musiciens, enfants et adultes, jeunes filles et femmes
mariées, mères de famille, viennent de leurs écoles, de leurs ateliers,
et des cités ouvrières de Guebwiller et des villes voisines; ils se
groupent dans de vastes amphithéâtres, sous le bâton du chef d'or-
chestre ; et alors on entend des chœurs chantés par des milliers de
voix qui remplissent l'âme d'un mâle enthousiasme. Et ce n'est pas
seulement cette harmonie qui enchante : on est ravi de voir le peu-
ple initié aux grandes jouissances de l'art, le peuple émancipé deux
fois par la propriété dans les cités ouvrières, par la science et par
la musique.
De l'autre côté du Rhin, il n'y a pas un village, une réunion de
cinq ou six familles oii ne se trouve un musicien, lequel, tout de
suite, organise une petite école oiî il enseigne gratuitement à lire
l'écriture musicale, à l'exécuter avec des instruments, à l'interpréter
avec la voix ; dans les plus restreintes agglomérations d'habitants, il
y a un instituteur, lequel est toujours en état de soutenir par un
accompagnement de piano ou d'orgue le morceau à l'exécution du-
quel tous les élèves, sans exception, prennent part. Dans les écoles
normales de Strasbourg et de Golmar, l'enseignement de la musique
est très-florissant ; nous en pouvons dire autant du midi de la France,
sur tout le littoral de la Méditerranée, principalement du côté des
Pyrénées. Presque partout, ce progrès est dû à l'initiative généreuse
de quelque dévouement sublime comme ceux que nous avons signa -
lés plus haut.
Voilà comment la diffusion musicale s'opère. Cela doit nous en-
courager tous à répandre les méthodes, les livres d'art. Rien n'est
perdu de ces bons germes sur notre terre de France, si favorable
aux œuvres de l'intelligence, et en particulier à la musique.
Maurice CRISTAL.
372
REVUE ET GAZETTE MUSlGALli
LÀ GUEBBE DE CENT ANS
« DES ORGANISTES, CLAVESSINISTES ET DES MAITRES A DANÇER »
Du royaame de France.
1680-1774.
(4« et dernier article) (1).
VI.
C'est ainsi qu'un acte de volonté royale mit fln à des querelles sé-
culaires qui n'avaient rien perdu, avec l'âge, de leur âprelé pri-
mitive, et qui semblaient devoir fournir encore une longue carrière.
C'est ainsi que les musiciens élevèrent, par leur courageuse perse-
vérance, l'édifice de leur liberté. C'est ainsi que l'art musical mar-
cha au premier rang de cette avant-garde d'institutions affranchies
qui ouvrit la route aux hommes d'action. C'est à ce besoin de jeter
au vent les entraves du passé, fi cet amour naissant des libres con-
troverses et des libres allures, à cette hardiesse juvénile des esprits,
que la royauté des violons, que la confrérie des ménétriers durent
tomber devant l'indifférence publique. La révolution ne fut ni nn
coup de foudre, ni une génération spontanée. Elle naquit de ces pa-
tientes destructions des barrières opposées aux manifestations de la
pensée ; elle sortit, tout armée, de ces lentes conquêtes de l'intelli-
gence et de l'art.
Délivrée des chaînes du passé, la musique entra dans le mouve-
ment général de progrès de l'époque, et ouvrit, au moment même
où finissait sa guerre de cent ans, la préface de son histoire mo-
derne. Elle rompit avec ses traditions et ses formes surannées ; elle
chercha, elle innova. Elle ne voulut plus être ni le privilège exclu-
sif des classes favorisées, ni un divertissement futile , ni le prétexte
de plaisirs grossiers, mais bien un art sérieux, utile, compris et
aimé de tous. Elle aborda la discussion ; elle la soutint avec la
science et ses théories, avec la critique et ses versatilités, avec le
public et ses injustices. Les sympathies commençaient alors à ne plus
s'adresser exclusivement aux privilèges; les applaudissements, à
certains titres artistiques, vains et ridicules. Le temps était proche
oij le succès n'allait frapper à son effigie que les œuvres saines, que
les productions vitales. La musique déploya ses ailes et s'élança vers
l'avenir.
Dans ses plaines bénies, dans ses cités illustres, des Alpes à la
Méditerranée, l'Italie, pleine de sève et de feu, improvisait déjà ces
ariettes vives, enlevées, faites de rien, comme ces étoffes transpa-
rentes et légères que les anciens appelaient de l'air tissé. La vie
circulait, et quelle vie ! dans ces fantaisies mélodieuses dont s'en-
thousiasmaient les pays d'outre-monts. C'était la renaissance de la
musique religieuse et profane ; c'était l'aurore des harmonies rossi-
niennes !
L'Allemagne, dépouillant peu à peu son nébuleux mysticisme, mais
gardant sa foi profonde et son idéal rêveur, creusait la pensée mu-
sicale comme un problème philosophique, tout en l'animant du souf-
fle ardent de son inspiration : chimères ailées, reflets du ciel, divinités
vaporeuses, doux chants des sphères, frémissements de la nature,
passions humaines, sombres méditations, symphonie du monde ex-
térieur et du monde fantastique, bruits multiples , crescendo infinis
qui se fondent dans le grand concert terrestre, dans la partition du
divin compositeur, le génie allemand tentait déjà de tout vivifier, de
tout dramatiser, de tout passionner. C'était l'aurore de l'épopée mu-
sicale et des vastes conceptions de Meyerbeer, son Homère.
La France, lasse des héros de l'Olympe, fatiguée des péripéties
grecques et romaines, se prenait à encadrer dans la musique les
élégances mondaines, les mœurs raffinées, les amours enjouées et
(1) Voir les n" 42, 43 et 46,
faciles de l'Athène moderne. Elle découvrait insensiblement la fraî-
cheur du style, la délicatesse des idées, la gaieté qui ne fait vibrer
que les plus fines cordes de l'esprit, la poésie des sens délicieuse-
ment exprimée; pour tout dire, son génie à elle, le génie de l'ama-
bilité. Ses mélodies allaient causer, séduire, civiliser. Elles n'avaient
pas de grandes ailes, mais elles voltigeaient à fleur de toutes choses
avec une légèreté ravissante. Mme de Sévigné, musicienne, n'eût pas
mieux chanté. La jeunesse était déjà le charme suprême de la mu-
sique française. Les mélodies ne devaient pas avoir d'âge, pas plus
que ces belles heures qui passent et se succèdent — voluptueuse
horloge de la vie païenne — sur les fresques de Pompéi. Celles du
soir ressemblent à celles du matin ; elles ont la même beauté spiri-
tuelle, la même démarche aérienne, la même draperie diaphane et
volante. A peine les distingue-t-on à l'étoile ou au rayon de leurs
fronts.
Avec quel allégement, avec quelle joie ne reporte t-on pas sa
pensée, des haines et des rivalités de l'histoire artistique du passé
vers ces beautés sereines et immaculées I Comme l'on s'élève dans
ce mélodieux idéal ! Comme l'esprit s'y épure, s'y fortifie, s'y assi-
mile à cette austère doctrine des Haydn, des Beethoven, qui perfec-
tionne l'âme en vieillissant ! Comme l'on comprend bien, en descen-
dant de ces hauteurs, que l'indépendance est l'élément vital de l'art,
et que l'inspiration grandit dans le sentiment de cette indépendance.
Chaque fois que l'on a tenté de la restreindre ou de l'enchaîner, de
terribles réactions se sont produites, car il y avait là un germe de
déchéance, de mort, à frapper de stérilité. Ne trouvons-nous pas
étrange, au point de vue de la logique et de l'ordre actuels, qu'il y
a cent ans, un misérable confrère de Saint-Julien, juché sur un ton-
neau, raclant ses aigres ritournelles, dénommant les figures d'une
voix éraillée ; qu'un de ces violoneux, autour desquels les Célimènes
en jupon court et les Dons Juans en sabots gambadent dans la pous-
sière des fêtes de village; que le plus grossier de ces ménétriers
ait pu, armé de droits authentiques, forcer compositeurs et artistes à
lui payer tribut, à lui, l'ignorant et le boliémien? Ne nous semble-
t-il pas incroyable qu'il y a moins d'un siècle un virtuose de cabaret,
beau danseur de guinguettes, ait contraint des organistes, prêtres
ou gentilshommes, à se faire recevoir maîtres de danse comme lui,
afin de pouvoir chanter les louanges de Dieu, et accompagner le
service de Dieu, sans crainte des gens du roi des violons? Sans
doute, de telles révoltes de la matière contre l'intelligence ne peu-
vent plus se reproduire ; mais si elles n'avaient pas été sans cesse
combattues, sans cesse réprimées, au fur et à mesure de leurs ten-
tatives, elles auraient laissé dans notre société artistique moderne
des traces de servitude qui ne seraient pas encore effacées.
Les compositeurs, les organistes et clavecinistes de la Guerre de
cent ans comprirent qu'il était nécessaire, non-seulement de con-
quérir leur propre indépendance, mais surtout de tenir la main à ce
que les forces artistiques du temps restassent unies et goupées. Ils
n'ignoraient pas qu'indépendamment des talents et des beaux génies,
il faut, à toutes les époques de lutte et de transition, un groupe qui
contienne, qui dirige, qui rallie autour de lui ; autrement le concert
manque avec les plus riches éléments, et les beaux génies eux-
mêmes courent risque de se dissiper. Le souffle vivifiant de la
liberté, dans un premier mouvement d'inspiration générale et d'en-
thousiasme, suffit cerles à féconder toutes choses ; mais en se pro-
longeant, il s'épuise ou s'égare, et l'enthousiasme, sans points d'ap-
pui, sans foyers réguliers qui le concentrent et l'alimentent, s'éteint
bientôt comme une flamme.
La longue et énergique ré.sistancc des musiciens aux prétentions
de la communauté de Saint-Julien fut ce foyer d'action des nobles
travaux, ce point d'appui des généreux enthousiasmes. Les soldats
de cette guerre formèrent ce groupe vaillant, cette arche invincible
de l'indépendance de la profession musicale, et ils doivent avoir, à
373
ce titre, leur place au milieu des ancêtres, dans la radieuse pléiade
de ceux qui ont beaucoup fait pour l'art, et que l'art ne saurait ou-
blier sans ingratitude.
Em. Mathied de monter.
BEVUE CRITIQUE.
p. Séllgmanii. — Deu\ nuits : Nuit de juuv, chansons dans l'air ;
Nuit de dëcembbe, flocons de neige, pour piano et violoncelle.
Voici deux morceaux, nés de la même inspiration, qui arrivent heu-
reusement au début de l'hiver, pour la satisfaction des connaisseurs
auxquels la personne et le talent de l'éminent violoncelliste, P. Sélig-
mann, sont depuis longtemps devenus sympathiques; l'accueil qui leur
sera fait égalera, s'il ne le surpasse, celui des autres œuvres, déjà
considérables, de ce compositeur exécutant, si apprécié dans le monde
artistique et dans le monde des salons. Le premier de ces morceaux
porte pour sous-titre : Nuil de juin {chansons dans Vair). Quatre vers de
Victor Hugo en expliquent la pensée, en accusent nettement l'intention :
L'été, la nuit bleue et profonde
S'accouple au jour limpide et clair;
Le soir est d'or, la plaine est blonde;
Ou enteud des chansons dans l'air.
Sur ce thème, dont la poésie un peu vague laisse une lonjfue car-
rière à l'imagination, le compositeur a brodé un tissu vaporeux et
léger qu'un souffle imperceptible semble agiter dans l'espace, échappant
à la main qui veut le saisir, puis se balançant mollement, au gré de la
brise nocturne, pour s'élever de nouveau et disparaître au loin comme
un rêve. C'est là, du moins, l'impression que nous avons ressentie à la
lecture de cette page vive et gracieuse que Séligmann appelle sa Nuit
de juin. La mélodie dans laquelle il a jeté sa pensée musicale est fine
et distinguée ; le rôle du violoncelle n'y est pas hérissé de sérieuses
difficultés, et cependant, nous croyons qu'il n'est pas donné à tout le
inonde d'en faire valoir les nuances délicates. L'accompagnement du
piano, presque tout entier eu trio'.els, ajoute un grand charme à l'en-
semble de ce morceau.
C'est Lamartine qui a fourni la légende de la seconde nuit, une Nuit
de décembre (flocons de neige) :
Nous rions en voyant tous deux nos cheveux blancs
Poudrés par les frimas, de givre ruisselants ;
Car Dieu
Donne, même en hiver, sa joie à chaque jour.
Quel contraste avec la première nuit ! Et comme ce contraste est
bien rendu par le chant joyeux et tranquille du piano, tandis que le
violoncelle l'accompagne de ses notes grelotantes. Mais bientôt la scène
change ; la voix de l'instrument se raffermit, s'élève dans une hymne
radieuse, et finit par s'unir doucement au piano pour répéter avec lui
le refrain de sa chanson. Nous ne saurions vraiment dire laquelle de ces
nuits l'emporte sur l'autre, tant Séligmann déploie tour à tour de sé-
ductions pour nous faire aimer juin ou pour nous empêcher de haïr
décembre. Ce qu'il y a de certain, c'est que les deux nuits seront par-
tout les bien venues, en été coiame en hiver.
CORRESPONDANCE.
Saint-Pétersbourg, 2/14 novembre 1863.
Le.s représentations de notre théâtre italien se composent d'éléments
puisés dans le répertoire courant. Elles sont très-suivies le lundi (premier
abonnement), et ce jour-là, il n'y a pas une seule place à prendre ;
mais la salle est beaucoup moins garnie le mercredi (deuxième abon-
nement), et encore moins le vendredi. A la vérité, c'est à peine si notre
société aristocratiquecommence à se reconstituer. On revient de l'étranger
et de la campagne, cette année ci, beaucoup plus tard que les années
précédentes, et c'est à cette cause qu'il faut attribuer la diminution du
nombre des abonnés le mercredi et le vendredi.
La dernière quinzaine nous a offert les reprises de la Forza del destino,
d'/ Lombardi et de la Favorila. Deux représentations du nouvel ouvrage
de Verdi ont été données, et il n'a pas été plus chaleureusement ac-
cueilli qu'à l'origine.
On a applaudi dans / tombardiTamberlicketMme Fioretti. Cette der-
nière surtout, dont la merveilleuse facilité est secondée par un admirable
organe, a le privilège de passionner nos dilettantes, qui lui pardonnent
en faveur de ces splendides qualités une gaucherie et une froideur
désespérantes. Angelini et Malvezzi complètent un excellent ensemble.
La Favorila a servi de début à Giuglini, ténor qui nous est arrivé
précédé d'une certaine réputation acquise en Italie, en Angleterre, et
que vous avez vu à Paris. Sa voix rappelle beaucoup celle d'Alessandro
Bettini, aujourd'hui le mari de la Trebelli. Quoiqu'un peu gutturale,
elle a du charme et de l'agilité ; mais elle nous a paru manquer de
force, surtout pour une salle vaste comme celle du Grand-Théâtre.
Giuglini doit chanter Raoul des Huguenots, rôle dans lequel il a obtenu,
dit-on, ses plus beaux succès; en attendant il s'est montré, dans le
personnage de Fernando , virtuose distingué et comédien habile.
Mme Barlot chantait le rôle de l.eonora; elle y a eu de beaux mo-
ments, légitimement applaudis, surtout dans le duo du quatrième acte. Les
rôles passionnés conviennent parfaitement à cette cantatrice éminem-
ment dramatique, et à laquelle on peut même reprocher de forcer
quelquefois ses moyens. Notre climat ne paraît pas, du reste, avoir été
clément pour notre prima donna. L'année dernière, elle a été fréquem-
ment souffrante, et sa rentrée sur la scène a été retardée par les mêmes
causes. En outre, une sorte de fatalité semble la poursuivre dans l'exé-
cution de ses rôles : l'année dernière, dins une représentation d'Otello,
elle s'embarrassa dans les plis de sa robe et fit une chute qui la blessa au
bras; cette année, pareil accident vient de lui arriver au troisième acte
de la Favorila, et cette fois la chute pouvait avoir des conséquences plus
graves, car elle est tombée de toute sa hauteur sur le dos. Un instant
on a cru que la représentation serait interrompue; mais Mme Barbot a
fait preuve de beaucoup de courage et, nonobstant la douleur et l'émo-
tion, elle a voulu chanter le quatrième acte. Angelini a donné au person-
nage de Baldassaro (Balthasar) le caractère d'austérité qu'il comporte; il
l'a chanté avec beaucoup d'ampleur et de puissance. Graziani a dit,
avec cette voix vibrante et veloutée que vous lui connaissez, la célèbre
romance : A tanto Amor, Leonora, après laquelle il a été couvert d'ap-
plaudissements.
Hier on a donné ÏElisire d''amore avec Calzolari, Mmes Bernardi et
Fioravanti. Jamais le célèbre ténor n'avait été mieux en voix, et il a eu
les honneurs de la représentation ; il semble qu'il veuille augmenter en-
core la somme de regrets que sa résolution connue de renoncer à la
scène, après la saison finie, cau.se à notre public, dont il est particuliè-
rement aimé. Acclamé avec enthousiasme après la délicieuse romance
Vna furtiva lagryma, il a dû la redire et reparaître plusieurs fois devant
les applaudissements réitérés de toute la salle. Mme Bernardi est une
charmante Adina ; malheureusement, elle est dans un état de souffrance
visible qui lui enlève une partie de ses moyens, Fioravanti a chanté
avec assez de verve le rôle de Dulcaraara ; Everardi tient très-bien celui
du sergent.
On avait commencé les répétitions de la Cenerentola, qui n'a pas été
donnée depuis longtemps ; mais ordre est venu de les suspendre provi-
soirement. Calzolari étudie le rôle de Georges Brovvn, de la Dama bianca
de Boïeldieu, qui sera donnée à son bénéfice dans les premiers jours de
janvier. La traduction italienne de cet ouvrage a été faite avec beau-
coup de soin, et Calzolari est très-enthousiasmé de son rôle. — Les
Buguenots seront donnés incessamment, et Mme Barbot remplira le
rôle de Valentine, le meilleur sans contredit de son répertoire.
3, D,
NOUVELLES.
,*i Au théâtre impérial de l'Opéra, aujourd'hui dimanche, par ex-
traordinaire, Robert le Diable sera représenté. — Le Trouvère, la Juive
et les Huguenots ont composé le répertoire de la semaine,
,j*4 La reprise de Mdise aura lieu incessamment. Mlles Battu, de Taisy,
MM, Obin, Villaret et Faure y rempliront les principaux rôles,
,j*,j Mme Talvo-Bedogni, qui a obtenu de nombreux succès sur les
principaux théâtres d'Italie, doit débuter demain dans la Favorite. —
Michot a cessé de faire partie du personnel de l'Opéra.
/,j L'Empereur vient, sur sa cassette particulière, dit la Presse, d'ac-
corder à la mère de Mlle Emma Livry une pension viagère de 6,000 francs,
et une somme de 40,000 francs pour frais de maladie de sa fille.
,j** On lit dans le dernier feuilleton musical du Constitutionnel :
« Meyerbeer dounera-t-il, ne donnera-t-il pas son Africaine? Cette
question s'agite sans cesse autour de lui. Le public, qui a mi^intenu si
fermement son répertoire, semble demander toujours que de nouveaux
chefs-d'œuvre viennent en éterniser la durée. Meyerbeer n'a aucune
raison pour tromper un sentiment qui se déclare avec tant de viva-
cité. Il s'en préoccupe en toute conscience et attend des débuts d'ar-
tistes qui doivent compléter le personnel, dont la partie principale se
trouve dans la troupe actuelle. Si, selon toute apparence, ces débuts
sont satisfaisants, les études pourraient commencer sans autre retard.
374
REVUE KT GAZETTE MUSICALE
Mais le Roland de M. Mevmet devant passer cet hiver, l'Africaine ne
pourrait néanmoins être représentée qu'à la fin de la saisou d'été. »
,*« Mlle A.Colas, sœur de l'actrice Mlle Stella Colas, adébuté jeudi pasKé
à l 'Opéra-Comique dans tes Noces de Jeannette, et a fait preuve de
talent.
»*» Les sœurs Marchisio sont attendues au théâtre Italien.
**t Le début d'Adelina Patti, qui a eu lieu la semaine passée au
théâtre de l'Oriente, à Madrid, a été un nouveau triomphe pour la cé-
lèbre cantatrice. Constamment applaudie et rappelée à plusieurs reprises,
elle a enthousiasmé l'auditoire dans le rôle d'Amina de la Sonnambula,
qu'elle a joué et chanté avec une rare perfection. Naudin, qui débutait
le même soir, n'a eu également qu'à se louer de l'accueil qu'on lui a
fait.
«** Le Théâtre Lyrique a repris Oberon, le samedi de l'autre semaine,
pour le début de M. de Quercy, ténor, qui remplissait le rôle de Huon
de Bordeaux. Le jeune artiste est doué de qualités précieuses, et d'abord
sa voix ne manque ni de franchise ni de charme, mais il a besoin de
travailler beaucoup. Ce qu'il lui faut en outre, c'est un rôle moins diffi-
cile, moins impossible que celui dans lequel nous l'avons entendu.
Comme plusieurs maîtres de l'école allemande, Weber s'inquiétait peu
d'écrire pour les chanteurs et les cantatrices. Mme Ugalde n'en mérite
que plus d'éloges, pour la vigueur et l'audace avec lesquelles elle a
triomphé des difficultés du rôle de Rezia. Mme Faure-Lefebvre s'est gra-
cieusement acquittée de celui de Fatime, et Girardot a retrouvé tous
ses effets comiques dans celui de l'Eunuque.
*''. On monte Rigoktto au théâtre Lyrique, avec Mlles de Maësen,
Dubois, MM. Isœaël et Monjauze. — La reprise de la Perle du Brésil
est annoncée pour cette semaine.
*■** Mme Tedesco vient de partir pour Lisbonne, où l'appelle un en-
gagement de cinq mois contracté à des conditions très-brillantes.
,** Nice n'est plus la seule ville de province qui possèdp un théâtre
italien. Une compagnie d'artistes italiens donne également des repré-
sentations à Pau, sous la direction de M. Sinico.
j*, La reconsiruction du théâtre des Bouffes Parisiens est presque
terminée. On annonce sa réouverture pour le 15 décembre.
»*,, Bien des projets existent déjà relativement à des exploitations
théâtrales et à l'érection de nouvelles salles de spectacle, depuis que la
liberté des théâtres a été décidée. Il est notamment question d'un se-
cond théâtre italien, d'un opéra populaire et d'un théâtre où l'on joue-
rait des traductions d'œuvres lyriques d'auteurs étrangers. — Un nou-
veau journal, sous le titre la Liberté des théâtres, dont le rédacteur en
chef est M. Amédée Rolland, vient de paraître.
»■*» Meyerbeer est du nombre des invités qui doivent se rendre au
château de Compiègne dans les premiers jours de décembre. — Auber
y est en ce moment.
**, Aujourd'hui dimanche, au cirque Napoléon, cinquième concert,
dont voici le programme : 1» Ouverture d'Iphigénie en Aulide, de Gluck;
2° Symphonie pastorale, de Beethoven ; 3° Allegretto un poco agitato
(op. 58), de Mendelssohn; 4° Hymne, de Haydn, pour tous les instru-
ments à cordes ; 5» Invitation à la valse, de Weber, orchestrée par
Berlioz.
»*» Dans le concert populaire du 6 décembre, au cirque Napoléon, se
fera entendre le violoncelliste Piatti.
^*^ Au dernier concours d'harmonie, les quatre premiers prix rem-
portés par les élèves militaires des classes de MM. Bazin et Jonas, ap-
partiennent à quatre élèves suivant le cours de saxophone sous la
direction de M. Adolphe Sax. Un pareil fait se produisant entre une
vingtaine de concurrents ne saurait évidemment être attribué au hasard.
L'honneur eu doit être reporté à l'instrument et au professeur : au
saxophone qui, embrassant, avec ses quatre membres, l'échelle harmo-
nique entière, réalise toutes les combinaisons de la musique d'ensemble ;
à M . Sax, qui a eu l'heureuse idée de faire arranger en quatuors, sex-
tuors et octuors les chefs-d'œuvre classiques des plus grands maîtres,
dont l'exécution traduit, chaque jour, en pratique pour l'élève l'en-
seignement théorique qu'il a déjà reçu.
^*^ La Société des concerts s'est réunie hier en assemblée générale
pour pourvoir au remplacement de M. Tilmant, qui a donné sa démission
de chef d'orchestre. Avant de s'occuper d'élection, l'assemblée, pour
donner un témoignage d'estime à M. Tilmant, l'a nommé président hono-
raire. La Société a décidé ensuite que l'élection du premier chef
d'orchestre serait ajournée au 21 décembre, après les deux concerts
extraordinaires qui seront dirigés par M. Deldevès, deuxième chef d'or-
chestre.
t*it Sivori a obtenu un succès d'enthousiasme aux concerts JuUien,
qui se donnent au théâtre de Sa Majesté, à Londres. On lui a redemandé
chacun des trois morceaux qu'il a exécutés avec sa maestria habituelle.
La vogue de ces concerts est très -grande.
*** Nous avons annoncé les succès que Mlle Artôt a obtenus récem-
ment dans plusieurs villes du bord du Rhin, où elle a plus que confirmé
ses succès antérieurs en Allemagne. Cette jeune cantatrice vient de
débuter avec éclat à Amsterdam dans le Barbiere, et son apparition
dans la Figlia del Regimento a été pour elle un nouveau triomphe.
Mlle Artôt devait se faire entendre dans la Traviata avant de se
rendre à la Haye, où elle est attendue.
i% M. Fr. Ferraris, dont le nom est bien connu dans le monde musi-
cal, a publié des compositions pour le piano qui sont recherchées à
l'étranger et qui ont pénétré depuis peu en France, où leur succès se
confirme chaque jour davantage. De retour à Paris depuis quelques
jours, l'excellent artiste a l'intention de donner une audition publique
de ses dernières œuvre.?. Cette séance sera d'autant plus intéressante
qu'elle permettra d'apprécier à la fois le compositeur de mérite et
l'exécutant distingué.
^*^ Les quatre séances populaires de musique de chambre que MM.
Charles Lamoureux, Colonne, Adam et Emile Rignault ont annoncées,
auront lieu dans la salle Herz, les mardis 8, 15, 22 et 29 décembre pro-
chains, à 8 heures 1/2.
^,*^: M. Baillot, professeur au Conservatoire, ouvrira son cours de
piano (musique d'ensemble), mardi i^'^ décembre, à 3 heures, rue Vin-
timille, 22.
*** L'Association des sociétés chorales de la Seine donnera, le 15 dé-
cembre, un grand festival au cirque de l'Impératrice.
**, La fête de sainte Cécile sera célébrée à Saint-Eustache demain
lundi, 23 novembre, à 11 heures, avec la plus grande solennité, par les
soins du comité de l'Association des artistes musiciens. M. Pasdeloup
fera exécuter par l'orchestre et le choral populaire de musique clas-
sique, sous sa direction, la première messe en ut de Beethoven, qui n'a
pas encore été entendue à Paris. Les premiers artistes de l'Académie
impériale, Mlles Wertheimber et de Taisy, MM. Fauro et Warot, chan-
teront les soli. A l'offertoire, Alard exécutera sur le violon un andante
de Beethoven. Le grand orgue sera tenu par M. Edouard Batiste, orga-
niste de la paroisse. Le produit de la quête et des chaises sera versé
dans la caisse de secours de l'Association. On peut se procurer à l'avance
des places dans l'enceinte réservée chez M. Bolle-Lasalle, trésorier de
cette Société de bienfaisance, 68, rue de Bondy.
„■*» La Société Sainte-Cécile à Orléans vient d'ouvrir brillamment la
saison musicale par un concert dans lequel les frères Dancla se sont
fait entendre. Ils ont exécuté d'une manière remarquable la l"" et la
4= symphonie concertantes pour deux violons de Ch. Dancla, qui a aussi
fait entendre un charmant boléro de sa composition. Le public leur
a fait un accueil des plus chaleureux. Mlle Pradal et M. Henry, élève
distingué de Duprez, chargés de la partie vocale du concert, s'en sont
acquittés à la satisfaction générale. M. Jauch a fait grand plaisir en
exécutant une fantaisie a'Ascher. L'orchestre et les chœurs, sous la di-
rection de M. Salesses, ont bien dit le chœur et la prière des Dragons
de Villars, les ouvertures de ma tante Aurore et de l'Italienne à Alger.
Quelques chansonnettes comiques complétaient un programme des
plus attrayants.
t*,^ On vient d'inventer et de construire en Angleterre un appareil de
télégraphie électrique qui permet de transmettre d'un point à un autre
très-éloigné les notes de la voix humaine. L'opérateur se place devant
l'instrument et chante dans un tube une note quelconque. Une mem-
brane tendue près du tube, de façon à vibrer sous l'influence de la note
chantée, est mise en rapport par un fil conducteur avec une autre mem-
brane placée dans les mêmes conditions à la station à laquelle on s'a-
dresse. Le nombre des vibrations de la première membrane correspond
exactement à l'ouverture ou à l'interruption du courant électrique trans-
mis par le fil conducteur à la membrane opposée; celle-ci, sous l'in-
fluence des courants, vibre à l'unisson de la première et rend ainsi un
son identique au son chanté. Encore un pas à faire, ajoute le Dublin mé-
dical Press, et l'on pourra parler, dans le sens propre du mot, d'un
bout à l'autre du monde.
»*i M. S. Ponce de Léon, pianiste de S. M. la reine douairière d'Es-
pagne, reprendra ses cours de piano le 1"' décembre prochain, 42, rue
du Cherche-Midi.
,1,'''^, Le Cercle philharmonique de Bordeaux inaugurera la saison
d'hiver par un concert qui aura lieu le 19 décembre. M. Brochon, le
digne président de cette célèbre société musicale, a engagé dernière-
ment, à son passage à Paris, Sivori et Mme Carvalho pour concourir à
cette première fête. Sivori donnera, en outre, à Bordeaux, trois séances
de musique classique, pour lesquelles il s'est adjoint l'éminente pianiste,
Mme Tardieu de Malleville.
H,'** La réouverture du cours de chant de M. Kœnig aura lieu, à par-
tir du 30 novembre, les lundis et jeudis, de 9 à 11 heures du matin,
en son domicile, rue Buffault, 17.
,1,'*^ La deuxième édition, revue et corrigée, de VHistoire de la Société
des concerts du Conservatoire, par A. Elwart, va paraître le 30 novembre
courant, à la librairie Castel, passage de l'Opéra. L'auteur y a ajouté
les programmes annotés des concerts donnés de 1860 à 1863. Ce livre,
consulté journellement, a déjà rendu de véritables services, et noug
DE PARIS.
375
sommes assurés que la deuxième édition obtiendra un succès égal à
celui de la première.
t** Eustache Dalaveux, professeur au Conservatoire royal à Liège,
est mort le 11 novembre.
**« L'anniversaire de la mort de Mendelssohn a été célébré à Londres
le 4 novembre, par le chœur de M. H. Leslie, à Saint-James Hall. On n'a
exécuté que des ouvrages de l'illustre compositeur ; le psaume à huit
voix, Jugez-moi, mm Bim, a surtout produit un effet immense.
CHRONSOUE ÉTRANGÈRE.
**, Bruxelles. — Le théâtre de la Monnaie vient de donner Oberon
très -convenablement représenté par MM. Anjac, .lourdan, Meillet ,
Mmes Mayer-Boulart, Borghèse et Mlle Favre, dans les principaux rô-
les. Cette reprise du chef-d'œuvre de Weber a eu un très-grand suc-
cès. On avait intercalé au dernier acte le ballet k Papillon et les De-
moiselles composé par M. Justament.
,** Berlin. — Hermann Kiister a fait exécuter à la cathédrale un ora-
torio nouveau : la Patrie éternelle. On ne saurait contester à l'au-
teur un sentiment religieux très-vif et très -sincère, mais il n'arrive pas
à rendre ses émotions. Son oratorio produit peu d'effet. — L'opéra bur-
lesque : les Bavards, par Offenbach, a été représenté pour la première
fois, et a été accueilli avec enthousiasme comme les œuvres précéden-
tes du fécond compositeur. — A l'occasion de l'anniversaire de la mort
de Mendelssohn, la Société d'orchestre et la Société Stern ont donné
des concerts où l'on n'a exécuté que des productions du défunt maes-
tro. Parmi les morceaux exécutés par la Société Stern, on a surtout
remarqué : la Nuit de Walpurgis et les fragments de Loreley : Ave
Maria, marche avec chœurs, finale du premier acte.
*** Leipzig. — Au sixième concert d'abonnement, on a exécuté une
symphonie en ré mineur, publiée récemment par Robert Volkmann ;
une demoiselle Doris Bœhme a très-correctement rendu un concerto de
Chopin. Les soirées de quatuor du Gewandhaus ont recommencé.
*** Weimar. — L'opéra de M. Berlioz, Béatrice et Benedict, est devenu
l'œuvre favorite du public d'élite. Dans le concert brillant que la So-
ciété, instituée par Liszt, avait arrangé pour fêter son anniversaire,
le charmant duo nocturne du premier acte a été accueili par les ap-
plaudissements unanimes de la salle entièrement remplie. Par suite d'un
ordre spécial de S. A. R. la grande-duchesse, une représentation ex-
traordinaire de cet opéra a eu lieu le 13 novembre, en présence de
S. A. R. le prince Georges de Saxe, accompagné de toute la cour grand-
ducale.
/^ Vienne. — Le personnel de la troupe italienne que M. Saivi vient
d'engager pour le théâtre de la cour se compose ainsi qu'il suit :
Prime donne : les dames Barbot, Artôt, Volpini, Lotti délia Santa. —
Ténors : Mongini, Graziani, Pardini, Oiudetti. — Barytons : Salamanca,
Everardi, Graziani. — Basse-taille : Angellni. — Bouffe : Zacchini. On
annonce la première représentation du ballet Art et Caprice, par Borrl,
au théâtre de la cour. — Offenbach se trouve ici ; il préside aux répéti-
tions de son nouvel opéra, les Fées du Rhin.
^*^ Trieste, 18 novembre. — Alfred Jaëll a donné un beau concert
dans la salle de la société Schiller. On lui a redemandé plusieurs mor-
ceaux , une sonate de Sohumann , son nocturne dramatique et son
caprice-valse sur le Pardon de Plo'érmel. Dans un autre concert, au
grand théâtre de l'Harmonie, le célèbre pianiste a obtenu un immense
succès en jouant, avec orchestre, le concerto en sol mineur de Mendels-
sohn. Un violoniste italien, élève du Conservatoire de Bruxelles, Frédéric
Consolo, produit une Impression des plus vives. Vers la fin de décembre,
Alfred Jaëll commencera une tournée artistique, qui doit durer quatre
mois, avec Carlotta l'atti et le violoniste Laub.
»*^ Milan. — Un nouvel opéra : / Profughi fiamminghi a été favora-
blement accueilli au théâtre de la Scala. Le jeune auteur, M. Franco
Faccio, ancien élève du Conservatoire de Milan, a été souvent rappelé
pendant la soirée, et a partagé son succès avec ses interprètes, Mmes
Palmieri et Corani, MM. Prudenza, Cotogni et Capponi.
**i Florence. — Giulla Grisi vient de chanter Norma au théâtre de
la Pergola et s'y est montrée grande artiste en surmontant toutes
les difficultés que l'état actuel de sa voix lui crée. Son succès, no-
tamment au premier acte, n'a pas été douteux. Mme Ferraris vient
d'avoir un nouveau triomphe dans le ballet la Perle de Normandie.
a,'** Rome. — Roberto il Diavolo et Ernani sont fréquemment repré-
sentés, avec le ténor Limberti dans les principaux rôles. Le succès de
cet artiste est aussi grand que mérité.
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7. Robert le Diable.
8. Le Pardon de Ploërmel.
9. Les Dragons de Villars.
liES
FLEURS DE LA DANSE
25 Valses, Polkas, Quadrilles, Galops, Polkas-Mazurkas, Schottichs, Mazurkas, Redowas les plus favoris
DE
Arbaut Herzojc, Iiabitzkl, liumbye, Hasard, Offenbacb, Strauss, Valexy, Vallquet, etc., etc.
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H. VALÏQUET
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25 NUMEROS.
l's SÉRIE.
1 . Bœufs et Moutons Quadrille .
2. Pardon de Ploërmel Valse.
3 . Coucou et Cricri Polka .
k. Sturm-marsch Galop.
5 . Diane Polka-Mazurka.
Cbaqne numéro
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lies Quadrilles
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2" SÉRIE.
16 . Les Tambours de la Garde . . Quadrille.
7 . Les Bavards Valse.
8 . Poilca des Enfants Polka.
9. Rose de Juin Polka-Masurka.
10. Redowatska RedoworPolka.
4" SÉRIE. 5« SÉRIE.
16. Les Lanciers Quadrille. . 21 . Le Gothique Quadn
3= SÉRIE.
11 . Les Dragons de Villars. . .
12 . Les Chants du Danube, Valse.
13 . Jenny Lind Polka.
14. Le Trompette de Spahis. ..Sc/joMîsc/ï.
15. Express-Train Galop.
22 . Les Etoiles du soir Valse.
23. La Ronde du Brésilien Polka.
2Z|. Redowa de Wallerstein Redowa.
25. L'Etoile du Nord Polka-Mazurka.
Chaque série, 12 fr. — lies 5 séries réunies, 15 fr. ne(.
17 . Aurora Valse.
i 8 . Les Horloges de la Forêt-Noire . . Polka.
19. La Bergère des Alpes Redowa.
20 . Champagne
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29 IVoyembre 1863.
on S'ABONNE t
Ban* 1p5 DLinirtomenls ot â l'Étranger, chez l
les Miirchanils de Musique, les Libraires, et
Purceux des Blessagerîcs et des Posles.'
REVUE
PRIS DB L'ABONNEUENTt
Paris 24 ÏT. par an
Départements, Belgique cl Suisse... '60 •* id.
Étranger 34 >i (d.
Le Journal paruîl le Uiiiianclie.
6AZETT
ICAL
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1864 St""' AnritrEE 1864
REVUE Eï GAZETTE MUSICALE
Prîmes
Offertes aux anciens et nonTeanx Abonnés.
Pour satisfaire au désir qui nous a éié exprimé par un grand
nombre de nos Abonnés, nous oiTroiis, à l'occasion du renouvelle-
ment de l'année :
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LE SECOND VOLUME
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Dont le premier volume a été accueilli avec tant de faveur l'année passée.
CE VOLUME, FORMAT liV-S", CONTIENT LE CHOIX SUIVANT DE
1. AIiKAN. — Op. 32. Fanlasietta alla moresca.
■2. BLUMENTHAIj. — Op. 1. La Source, caprice.
3. CHOPIN. — Op. 10. Deux études,
'i. CZERNY. — Op. 754. Tarentelle.
5. DŒHLER. — Op. 42. Deux études.
6. FAVARGER. — Op. /i2. Caliban, grande valse.
7. GORIA. — Op. 41. Grande mazurka.
8. HELIjER (Stéphen). — Op. 56. Sérénade.
9. HENSELT. Poëme d'amour.
10. HERZ (H.). — Op. 143. Mazurka.
11. JAELIi. — Le Carillon, morceau élégant.
12. IiACOMBE. — Op. 54. Marche turque.
13. LESCHETIZKY. — Chant du soir, idylle.
14. LITOLFF. — Chanson du rouet.
15. LISZT. — Di^uxième marche hongroise.
16. MENDELSSOHN. — Presto scherzando.
17. MOSCHELÈS. — Op. 95. Trois études.
18. PRUDENT. — Op. 33. Farandole.
19. THALBERG. — Op. 35. Le Trémolo.
20. VOSS. — Op. 161. Ecume de Champagne.
Un recueil contenant six Morceanx de Chant :
MÉLODIES ET CHANSONS
IRLANDAISES, ÉCOSSAISES, ESPAGNOLES ET HAVANAISES
Avec paroles françaises.
Ces morceaux, d'une grande originalité et entièrement inconnus en
France, sont chantés avec un grand succès dans ses concerts par Mlle
CAKIiOXX'A PATTI
Nous tiendrons ces Primes à la disposition des Abonnés anciens et
nouveaux à partir du 10 décembre 1863.
SOMMAIRE. — Théâtre Lyrique impérial : reprise de la Perle du Brésil, par
liéon Duroclier. — Association des artistes musiciens: messe de Sainte-
Cécile à Saint-Eustache, par Adolplie Botte. — Revue critique. — Revue
des théâtres, par D. A. D. Saint-lftes. — Nouvelles et annonces.
THEATRE LYRIQUE IMPERIAL.
Beprlfse de ta Perte aw Bréait. — Unie Carvalbo,
H. PiSo, BI. Petit.
C'est la seconde fois que le théâtre Lyrique reprend cet ouvrage,
joué en 1851. Ce n'est certainement pas la dernière. En avons-nous
vu beaucoup, depuis douze ans, où la mélodie coule avec une telle
abondance? Mélodie facile, naturelle, toujours claire, et du tour le
plus franc. On peut lui reprocher seulement un peu de monotonie,
une couleur mélancolique répandue partout, et dont les situations
fortes, et les scènes comiques même, ne sont pas toujours exem-
ptes. C'est ce qui prouve — et on l'a déjà remarqué souvent —
que M. Félicien David est plutôt un musicien élégiaquc et descriptif
qu'un musicien dramatique. Le drame, comique ou tragique, exige
que l'auteur sache sortir de sa peau, si l'on peut s'exprimer ainsi,
et entrer tour à tour dans celle de chacun de ses personnages. La
comtesse Almaviva ne chante pas comme Suzanne, ni Dona Anna
comme Leporello. M. Félicien David n'a pas cette flexibilité : il porte
partout sa nature rêveuse. En cela, il ne ressemble pas mal à Bel-
hni, quoiqu'il soit infiniment plus instruit et plus habile. Il est à ce
point de vue ce qu'aurait été, je crois, Mendelssohn, si Mendelssohn
eiit écrit pour le théâtre.
Il y a pourtant dans la Perle du Brésil des chœurs écrits d'un
style très-large et très-vigoureux, celui qui ouvre le premier acte,
par exemple, et celui qui le termine. Là le compositeur cesse, en
effet, de rêver ; mais ces moments d'oubli sont rares et courts. Le
finale du second acte — la tempête — est, à mon sens, moins bien
venu. Ce ne sont qu'éclats sauvages dans l'orchestre, cris furieux et
confus sur la scène, sans qu'on y puisse démêler rien qui ressemble
à une pensée musicale. Mais l'ensemble à nevf-huil qui précède le
duo entre Zora et son amant, la romance de ce tendre lieutenant,
les couplets de son ami le matelot, les airs de ballet, les trois ou
quatre airs de Zora sont des morceaux d'une distinction rare, d'une
expression charmante, et plusieurs ont un caractère original et un
peu bizarre merveilleusement adapté au sujet. L'orchestre, magistra-
lement écrit au point de vue symphonique, et souvent même au point
378
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
de vue dramatique — peu de symphonistes connaissent aussi bien
que M. David l'art difficile d'accompagner les voix — l'orchestre est
plein de charmants détails et d'effets piquants, que l'on a déjà en-
tendus, pour la plupart, dans Christophe Colomb^ mais que l'on re-
trouve avec un extrême plaisir. Bref, le succès de cette reprise a
été très-grand. Il sera probablement d'assez longue durée, puisque
Mme Carvalho s'est chargée du rôle de Zora. Pour qu'une œuvre
dramatique réussisse et vive, il faut qu'à sa valeur intrinsèque se
joigne le mérite de l'exécution.
Je crois que Mme Carvalho n'a jamais eu la voix plus brillante,
ni plus facile que jeudi dernier. On ne saurait faire avec plus de
calme et plus d'aisance de plus surprenants tours de force. On ne
saurait non plus phraser, lorsqu'il y a lieu, avec une simplicité plus
élégante. La ballade du Grand esprit des bois, qui a la vertu de
désarmer les sauvages du Brésil, n'a pas moins de pouvoir, quand
Mme Carvalho la chante, sur les deux parties également hostiles et
acharnées qui divisent aujourd'hui le monde musical. Tous sont
d'accord pour l'applaudir.
M. Pilo, qui ne sait encore qu'à moitié son métier de chanteur,
bien qu'il y ait fait de très-notables progrès depuis son début dans Jo-
seph, supplée à l'art par l'instinct, le sentiment, la voix la plus
étendue et la plus sympathique. 11 dit à merveille sa romance du
premier acte, et sa partie dans le duo du second, — sauf quelques
inégalités trop grandes, quelques contrastes trop heurtés. Le temps
et l'étude régleront cela. M. Pilo n'a plus qu'à marcher tout droit
devant lui pour aller très-loin.
M. Jules Petit fait, dans le rôle de l'amiral, tout ce qu'on peut
attendre d'un artiste consciencieux et a droit qui se trouve hors de sa
place. Le rôle de l'amiral a été écrit, il y a douze ans, pour Junca,
qui avait une véritable basse-taille. M. Petit n'a qu'un baryton. Il
est donc, là, un peu éteint, comme dans les Noces de Figaro. Mais
par Apollon ! ce n'est pas sa faute.
LÉON DUROCHER.
ASSOCIATION DES ARTISTES MSICIENS.
liesse de Sainte-Cécile à Salnt-Enstacbe.
L'année dernière, l'Association des artistes musiciens avait choisi
pour célébrer la fêle de la Sainte-Cécile une très-belle messe de
l'auteur du Freischiitz et i'Obéron ; cette année, on a encore pris à
l'Allemagne une de ses œuvres larges, puissantes et grandioses. C'est
la première messe écrite par Beethoven qui a été exécutée lundi , à
Sainl-Eustache, et exécutée avec un recueillement où l'on sentait une
profonde et bien sincère admiration.
Dès le Kyrie, dont la mélodie respire la douceur et l'onction, les
quatre voix soli, le chœur et l'orchestre atteignent, au milieu de l'u-
nité et de la simplicité la plus remarquable , à une très-heureuse
variété. Sobre d'harmonie, Tauteur s'est contenté souvent de quelques
accords aux tons relatifs ; ce qui ne l'a pas empêché (dussent n^y
pas croire les musiciens qui ne sauraient faire un morceau sans s'i-
nonder de dissonances et d'enharmonies) d'écrire un andante péné-
trant, enchanteur, plein de souffle et de sérénité.
Dans celte page, où l'orchestre joue déjà un rôle important — l'or-
chestre pour Beethoven était le grand arsenal — les voix, habilement
groupées, chantent constamment et produisent le plus bel eflet;
elles offrent, dans un style très -serré, rempli d'imitations ingénieuses
et naturelles, autant d'intérêt que d'ensemble mélodieux. Ces imitations
ont une élégance et une clarté qu'on ne trouve pas toujours dans le
Gloria. Ce Kyrie renferme plusieurs rentrées délicieuses ; mais celle
qui, vers la fin, ramène la mélodie dans toute sa simplicité et dans
le ton primitif, est surtout ravissante. 11 y a là, sur ces mots Kyrie
eleison, un accord de septième de dominante, se transformant en
accord de sixte augmentée, dont la douceur et le charme sont ex-
trêmes. Tout ce passage est d'un travail exquis. Le thème, chanté
celte fois en mi majeur par le ténor et la basse, est une des choses
les plus heureuses et les plus suaves de ce Kxjrie, si remarquable, il
faut le redire , par l'invention purement mélodique et , aussi ,
comme la plupart des autres morceaux, par un vif sentiment de la
tonalité.
Le commencement du Gloria est franc et vigoureux. Le solo du
Gratias, chanté par le ténor, est fort beau ; il est accompagné d'un
dessin ravissant où le quatuor des instruments à cordes a infiniment
de délicatesse et d'expression. Les dialogues du chœur sont tou-
chants, vrais et ménagés avec un art inûni. Dit d'abord par le mezzo
soprano, puis continué par le quatuor vocal, soutenu ensuite par le
chœur et par un accompagnement instrumental où l'agitation , la
douleur et une poignante tristesse grondent sourdement dans une
figure d'accords plaqués et de syncopes, le Qui tolHs est encore un
grave et bel andante. En un mot, tout, excepté]pourtant la fugue Cum
sancto, est digne de Beethoven. A la lecture, comme à l'audition,
celte fugue nous a semblé 'laborieusement traitée. La lourdeur, la.
confusion, que surent toujours si bien éviter les maîtres du genre,
depuis Haydn jusqu'à Cherubini, se heurter dans celte page assez
longue ; plusieurs marches d'iiarmonie y sont brisées comme à pHi-
sir, et le tout ensemble trahit une plume peu rompue aux tournois
scolastiques. Pourqiioi s'en étonner? Beethoven, jusqu'à la fin de sa
carrière, porta assez péniblement, on le sait, le joug de ces formes,
employées aujourd'hui très-habilement et, ajoutons, Irès-ennuyeuse-
ment par des compositeurs qui ne se piquent pas d'avoir du génie.
Imposant par ses dimensions et par sa beauté , le Credo est une
inspiration colossale. Il commence à l'unisson, au grave ; le jremolo
et l'arpège l'accompagnent pianissimo. C'est d'abord un cri confus
et mystérieux qui monte, monte toujours, et éclate enfin comme une
immense et irrésistible affirmation. Ce commencement n'est encore
qu'un travail d'harmonie et d'instrumentation ; mais déjà quelle ri-
chesse, quelle sévérité! quelle couleur vraiment religieuse le maître
a su répandre et ménager dans ce début splendidel
Après les tutti formidables, où les sonorités des voix et des instru-
ments produisent de si magnifiques effets, où elles se marient avec
tant d'art qu'elles n'amènent jamais aucun bruit tumultueux et n'of-
frent que l'image de la grandeur et de la majesté, la mélodie pure vient
reposer l'oreille et ravir l'imagination. La pompe, la gravité des
masses vocales et instrumentales qui dialoguent sur le mot descendit
forment avec la douceur du Qui propter nos homines, le plus ravissant
contraste. Mais que dire de VEt incarnatus est, de cet admirable
adagio ? Comment donner une idée de l'émotion qu'a fait et que
doit faire éprouver le Crucifixus attaqué par toutes les basses et
soutenu par une instrumentation qui a l'énergie et la précision d'un
labieau ! Nous nous garderons bien de constaler que, là, les appogia-
tureset les septièmes diminuées se lamentent — dans ce que nous en-
tendons tous les jours, elles se lamentent aussi et pourtant elles n'é-
meuvent personne; — mais constatons que le sentiment, la profon-
deur, la sincérité et l'élévation empreints dans cet adagio en font un
véritable chef-d'œuvre. Il y a aussi de jolis effets dans le dernier
allegro ; malheureusement il se termine par une fugue vivace où
certaines modulations, certains passages trop rapides, espèce de vo-
calises babillardes, déplaisantes à l'éghse, pour ne pas dire déplacées,
déparent la fin de ce Credo, qui, malgré cela, reste l'une des plus
sublimes conceptions qu'il soit possible d'entendre.
Le Sanctvs est principalement remarquable par un travail harmo-
nique très-attachant et par un allegro final plein de mouvement, d'i-
mitations et de recherches, imitations et recherches plus intéres-
santes pour l'œil que pour l'oreille; ce qui, en musique, est, quoi
qu'on en pense, un bien mince éloge.
DE PARIS,
379
Ainsi que le Kyrie et le Credo, le Benedictus est une merveille,
surtout — n'en déplaise à ceux qui ne sont que de savants harmo-
nistes — parce que l'inspiration mélodique anime et remplit les
beautés de détail. Le génie de Beethoven, on ne le dira jamais trop,
avait une variété inQnie ; que de fraîcheur, de grâce et de charme
il a prodigués dans ce morceau I Avec l'unité de mouvement et de
rhylhme, il arrive ici à l'un de ces splendides développements qui
transportent les connaisseurs; les voix chacune à leur tour, et cela
mesure par mesure, exposent la mélodie; tout rend grâces, tout
bénit; le chœur ensuite vient agrandir l'effet. Tantôt, il se mêle,
comme l'orchestre, à l'harmonie générale; tantôt il écoute; puis re-
prend le chant, qui, chaque fois, trouve des couleurs nouvelles, des
élans et des épanouissements inattendus.
Aujourd'hui que l'on semble se complaire à frapper fort plutôt
que juste, il n'est peut-être pas inutile d'insister sur la sobriété
déployée par Beethoven. Son harmonie est riche, mais d'une grande
limpidité. Lui qui connaissait bien aussi ce qu'on appelle mainte-
nant la mélodie harmonique, c'est-à-dire souvent l'absence complète
de mélodie, il fait constamment chanter les voix ; lui qui, mieux
qu'un autre, pouvait s'enivrer de sonorité, il savait être parfois,
comme dans ce Benedictus, d'une exquise simplicité, et tirer de la
richesse de ses développements des beautés que d'autres musiciens
demandent vainement à la bizarrerie des rhythmes, aux caprices
d'une harmonie toujours tendue et alambiquée, aux exagérations
d'une orchestration prétentieuse et fatigante.
Il y a tant de beauté dans les idées et tant de mérits dans la con-
duite de YAgnus qu'il n'est guère possible de ne pas répéter les
éloges donnés au Benedictus. Tout y est admirablement traité. Comme
toujours, l'harmonie et l'instrumentation fécondent les pensées mélo-
diques et donnent aux moindres phrases une ampleur et une puiS'
sance singulières. La messe se termine par le retour du motif du
Kyrie. En ramenant ce chant si suave et si pénétrant, l'auteur fait
souvenir de l'une de ses plus heureuses et de ses plus fraîches inspi-
rations. ■*
On se plaint souvent de ne pas voir les œuvres des auteurs vivants
appelées à briller dans nos solennités. Si l'on voulait bien se rap-
peler les vicissitudes éprouvées par des hommes de la taille de
Beethoven et de Weber, on se plaindrait sans doute moins amère-
ment ; on saurait attendre. D'ailleurs, en écrivant comme ils l'ont
fait des œuvres d'une véritable valeur, on serait toujours sûr d'avoir
son heure et d'être, un peu plus tôt, un peu plus tard, compris et
admiré. Mais la patience n'est pas précisément une des vertus de notre
temps. Après tout, cela tient peut-être à ce que beaucoup d'auteurs
se rendent justice, et sentent très-bien qu'après eux leurs ouvrages
tomberont dans un profond oubli. Quoi qu'il en soit, et en attendant
que le progrès musical, plus contestable que bien d'autres assurément,
nous donne tout ce qu'il promet, constatons que Beethoven en se
soumettant, comme le génie sait se soumettre, aux lois éternelles de
l'art, n'en a pas moins écrit une œuvre magniflque.
Malgré les difficultés d'exécution, qui étaient grandes, l'ensemble
a été tout à fait remarquable et l'effet immense. Enfin cette solennité
est l'une des plus belles auxquelles on ait assisté depuis longtemps.
Outre Mlles Wertheimber et de Taisy, MM. Faure et Warot, qui
ont dit les soli avec beaucoup de soin et de talent, l'orchestre a été
comme toujours excellent, et chose plus rare en France, les masses
vocales, très-nombreuses, ont fait merveille. M. Pasdeloup a parfai-
tement distingué le style et le véritable caractère de cette large et
vigoureuse conception, et a puissamment contribué à nous en faire
jouir.
Le comité de l'Association des artisies musiciens a encore une fois
bien mérité de l'art et des artistes eu nous restituant une œuvre qui,
contrairement à tant d'autres, est plus célèbre que connue.
M. Edouard Batiste a tenu le grand orgue avec une rare distinc-
tion.
Alard a fait entendre à l'offertoire un délicieux andante de Bee-
thoven. Est-il besoin de le dire, l'interprète était à la hauteur de
l'œuvre? Aussi, chose très -difficile après l'impression produite par le
Credo, l'éminent violoniste a-t-il attiré à lui l'intérêt et les sympa-
thies de la foule, plus compacte encore que de coutume.
Adolphe BOTTE.
REVUE CRITIQUE.
H. Valïqact. — Les Fleurs de i.a danse, pour le piano.
Cette publication, qui joint l'utile k l'agréable, selon les préceptes
du poëte, est destinée aux commençants. Elle est formée de vingt-cinq
valses, quadrilles, polkas, galops, polkas-mazurkas, schottischs, mazur-
kas, redowas, empruntés aux maîtres du genre, Arban, Herzog, Labitski,
Lumbye, Musard, Offeubach. Strauss,TaIexi, etc., et arrangés pour les petites
mains, avec un doigté soigneusement indiqué. L'œuvre complète se sub-
divise eu cinq séries de cinq morceaux chacune, qui peuvent s'acheter
séparément. Parmi les vingt-cinq morceaux qui les composent, il nous
suffira, pour attester le discernement qui a présidé à leur choix, de
citer les quadrilles des Bœufs et Moutons, des Tambours de la Garde, des
Dragons de Viltars, des Lanciers, etc.; la valse du Pardon de Ploërmel,
celle des Bavards, les Etoiles du soir, les polkas de Coucou et Cricri,
des Enfants, de Jenny Lind, des Horloges de la Forêt-Noire et de la ronde
du Brésilien, le Sturm-galop, la Trompette des Spahis, V Express-train ,
Champagne, et la polka-mazurka de l'Etoile du Nord. Cette réunion de
morceaux favoris est excellente et fait honneur à M. Valiquet. En con-
sacrant ses veilles à de si modestes travaux, un professeur n'ambitionne
sans doute pas d'autre récompense que la gratitude des familles. Or,
ce n'est pas d'aujourd'hui que ce résultat a été obtenu par M. Valiquet,
qui doit être béni, à l'heure qu'il est, par une innombrable quantité de
petites mains dont il a facilité l'essor.
J. Rnmmel. — Souvenirs de l'Opéra français, choix de duos
faciles pour le piano à quatre mains.
Le meilleur des enseignements est celui qui dissimule le mieux aux
élèves les ronces que l'on rencontre à chaque pas au début de la
route. On ne saurait trop encourager les professeurs qui allègent le
fardeau des premières études, toujours arides et rebutantes, par un
choix d'exercices où se trouvent réunis l'agrément et l'émulation. Il
faut donc savoir gré à M. J. Rummel de l'abnégation avec laquelle un
artiste de son mérite s'est imposé la tache de transcrire un certain
nombre de petits duos faciles tirés de nos opéras les plus populaires.
La série entière se compose de dix opéras qui sont : Robert le Diable, le
Domino noir, les Dragons de Villars, le Prophète, Martha, la Muette de
Portici, les Huguenots, le Postillon de Longjumeau, Stradella et l'Etoile
du Nord. Les plus jolis motifs de ces chefs-d'œuvre, qui sont dans la
mémoire de "tout le monde, ont fourni à M. J. Rummel le prétexte d'un
arrangement à quatre mains, dont l'harmonie se trouve ainsi doublée.
La partie du chant et celle de la basse sont également très-soignées, et
une mélodie concertante ofl're à la fois l'avantage de stimuler le goût
des exécutants, en les habituant sans effort aux exigences de la me-
sure. Ces Souvenirs de l'Opéra français ne peuvent manquer, selon nous,
d'être parfaitement accueillis.
t). Pâque. — Fantaisie sur Martha, de F. de Floloiu, pour violoncelle,
avec accompagnement de piano.
La partition de Martha, si riche en mélodies, est une source inépuisa-
ble pour les transcripteurs. On aurait peine à compter le nombre des
morceaux qu'elle a inspirés pour le piano et pour quelques autres ins-
truments privilégiés. Grâce à M. C. Paque, le violoncelle devait avoir
son tour. Sa Fantaisie est une des plus complètes qui aient été écrites
d'après cet opéra. Parmi les motifs qu'il a judicieusement choisis, nous
citerons l'Andantino du joli duo chanté au deuxième acte par Lyonel et
lady Henriette, la romance de la rose et le quatuor du rouet. Habile-
ment soudés les uns aux autres, ces motifs, dont le thème est d'abord
pose avec une stricte exactitude par le violoncelle, donne lieu à une
foule de broderies et de variations dans lesquelles l'instrumentiste-
compositeur se révèle sous un double aspect des plus intéressants,
aussi bien sous le rapport du travail harmonique que sous celui de la
380
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
parfaite connaissunce des ressources qui sont sous sa main. Nous ajou-
terons, à la louange de M. Pâque, que l'accompagnement de piano qui
soutient sa Fantaisie, n'est pas sacrifié le moins du monde à la partie
principale, et (|ue, par instants, il profite des repos de son partenaire
pour se produire tout seul.
Cilnseppe Bomaiio. — La Carita, chœur religievx de Rossini;
Ave Maria, mélodie de Fr. Schubert; Pieta Sigiv'Or, prière de A. Stra-
della, transcriptions pour harmonium.
La réputation de M. Giuseppe Bomano, comme un des pius habiles
organistes de toute l'Italie, est aujourd'hui un fait acquis sur lequel
nous n'avons pas besoin d'insister. De l'autre côté des Alpes, comme de
ce côté-ci, les organistes ont pris naturellement sous leur protection
l'harmonium , ce diminutif de leur instrument, et c'est ii ce titre que
M. Giuseppe Romano nous envoie les trois transcriptions dont nous nous
occupons en ce moment. Nous commencerons par le féliciter de la
bonne inspiration en vertu de laquelle il a pris à tâche de populariser
par l'harmonium les mélodies religieuses les plus célèbres, dont quel-
ques-unes seraient exfiosées, sans lui, à rester dans le domaine exclusif
de l'église, où tout le monde ne peut les entendre Nous ne disons pas
cela pour la Carita, ce chœur universellement connu.
M. Romano lui a consacré des soins tout particuliers, et sa
transcription, en côtoyant la pensée du maestro, s'est élevée avec
elle à une hauteur où elle brille d'un éclat qui lui est propre. l'Ave
Maria de Fr. Schubert, moins susceptible de développements, est néan-
moins un morceau fort dignement et fort purement traité. Quant à la
prière d'Alexandre Stradella, Pieta signor, c'est la mélodie du composi-
teur dans toute son expressive simplicité, ce qui témoigne du goût de
M. Romano et de son respect pour les chefs-d'œuvre du pasté, comme
les deux autres attestent son admiration enthousiaste pour les chefs-
d'œuvre contemporains.
Y.
BEVUE DES THÉÂTRES.
Théâtre-Français : le Dernier Quartier, comédie en deux actes et
en vers, par M. Pailleron. — Variétés : Ajax et sa blanchisseuse,
comédie-vaudeviile en trois actes par MM. Eug. Grange, Montjoie
et Chaulieu; Mon-joie fait peur, parodie de famille, par MM. Sirau-
din et Blum. — Porte-S.4int-Martin : la Jeunesse des Mousque-
taires, drame en quatorze tableaux, par MM. Alexandre Dumas et
Maquet.
On aurait tort de vouloir donner une grande importance à la co-
médie, en deux actes et en vers, qui a servi de début à Lafontaine,
au Tiiéâtre-Français. C'est une bluette inférieure à bien des vaude-
villes, dont elle a toutes les allures. Deux nouveaux mariés s'isolent
du monde pour mieux savourer leur lune de miel. Les innocents ! ils
n'ont pas prévu que la solitude aurait bien vite raison de leurs illu-
sions amoureuses. Que n'ouvraient-ils le théâtre de Scribe et que n'y
lisaient- ils une charmante pièce intitulée Toujours, qu'on a tort de ne
plus jouer au Gymnase? Ils auraient certainement puisé quelques
avis utiles dans une situation identique à la leur. Mais point : le
Dernier Quartier de cette lune si bien commencée, a amené une sa-
tiété contre laquelle nos imprudents essayent en vain de se roidir ;
c'est l'histoire àn*pâté d'anguille. Tout à coup survient un ami qui
reçoit les confidences des deux époux, et qui, en galant chevalier,
prend parti pour la femme. Celle-ci cherchant un moyen de sépara-
tion, il lui conseille de susciter une tempête dans le ménage, et de
provoquer de la part de son mari un de ces sévices graves prévus
par le Code. Ce qui prouve, entre nous, que notre avocat a l'avan-
tage sur ses clients de posséder à fond son répertoire. Il a probable-
ment vu jouer au Palais-Royal le Code des femmes de M. Dumanoir,
ou peut-être lui aura-t-on raconté un vieux vaudeville de Théaulon,
le Soufflet conjugal. Seulement il en aura oublié le dénoûment ; sans
cela il ne serait pas aussi surpris de voir les deux époux s'embrasser,
tandis qu'il s'attendait à les trouver aux prises. L'auteur de cette
comédie anodine, M. Pailleron, a déjà donné à l'Odéon deux petites
pièces qui ont été fort bien accueillies du public ; celle-ci n'a pas été
moins heureusement partagée, grâce à la gaieté qui y règne. Mais que
M. Pailleron ne se laisse pas abuser par ce succès d'indulgence, et s'il
veut être pris au sérieux, qu'il se mette un peu plus en frais d'ima-
gination et ne se contente pas de traduire en vers faciles la prose
spirituelle de ses confrères.
Lafontaine aurait pu choisir une meilleure pièce et surtout un
meilleur rôle pour son entrée à la Comédie-Française. Si son ambi-
tion ne s'élève pas au-delà de l'emploi des confidents plus ou moins
tragiques, à la bonne heure; l'ami du Dernier Quartier atteste qu'il
a pour cela tout le talent requis. Sinon, il s'est fourvoyé, car per-
sonne ne lui tiendra compte de l'excès d'humilité qui lui aura fait
entreprendre ce gauche débat. — On dirait vraiment, à voir ce qui
se passe aujourd'hui au théâtre, que tous les sujets de pièces sont
épuisés et que les auteurs sont condamnés à refaire tout ce qui a été
fait avant eux. Ainsi, nous quittons le Dernier quartier pour Ajax
et sa blanchisseuse, et du Code des femmes nous retombons en plein
Chapeau de paille d'Italie. En effet, mettez une chemise à la place
du chapeau et vous aurez exactement la même donnée. Au moment
d'aller se marier, Ajax s'aperçoit que sa blanchisseuse , au lieu de
lui apporter sa chemise de noce, a déposé chez lui une layette de
nouveau-né, et le voilà parti à la recherche de ce vêtement indis-
pensable qui se trouve égaré. De là, une foule de pérégrinations
étranges, de quiproquos facétieux qui constituent une certaine diffé-
rence entre les deux pièces ; mais le ond n'en reste pas moins sem-
blable. Après tout, comme la représentation de ce vaudeville fait rire
constamment, nous ne devons pas montrer plus d'exigence que ce
bon public qui applaudit aujourd'hui Ajax et sa blanchisseuse, après
avoir applaudi hier le Chapeau de paille d'Italie.
— La parodie est une des formes littéraires qui réussissent le mieux
chez nous, parce que, de tout temps, l'esprit français a été tourné
vers la satire. On devait donc s'attendre à voir le grand succès de
Montjoye passer au crible des rieurs, et cela n'a pas manqué. Voyez
plutôt l'afflche des Variétés : Mon-joie fait peur. Par exemple, si
vous ne savez pas, ou plutôt si vous ne vous rappelez pas que
Mme de Girardin a fait pour le Théâtre-Français un charmant petit
drame qui a pour titre : La joie fait peur, vous ne comprendrez
rien à l'énigme posée par celte affiche. Pourquoi n'avoir pas adopté
Rabatjoie, puisque c'est le nom sous lequel les autours ont travesti
celui de Montjoye, de même que Saladin est devenu Paladin, et Ti-
burge Goberge? Mais à part cette critique à laquelle nous n'atta-
chons pas beaucoup d'importance, constatons que la parodie de
MM. Siraudin et Blum est amusante, et souhaitons-lui de parodier la
pièce du Gymnase dans ce qu'elle a de plus séduisant, c'est-à-dire
dans ses recettes, qui se maintiennent toujours au maximum.
— Le théâtre de la Porte-Sainl-Martin est le seul qui persiste en
ce moment à vivre de reprises. Il nous semble que son hiver pour-
rait être mieux employé. Qu'a-t-il gagné à reprendre Benvenulo Cel-
lini ? Pas grand'chose, dit-on. Sera-t-il plus heureux avec la Jeu-
nesse des Mousquetaires ? Nous ne pouvons que former des vœux
pour qu'il n'y perde pas tout à fait ses peines ; mais enfin, la pièce
de MM. Dumas et Maquet est montée avec soin, et la direction n'y
a point épargné la dépense. Ajoutons que cette seconde partie des
Mousquetaires, qui aurait dii être la première, mais qui n'a été
jouée au Théâtre Historique qu'après le drame de l'Ambigu, est moins
connue, moins usée que celui-ci ; il n'est donc pas impossible qu'elle
fasse un certain nombre de soirées fructueuses, en attendant la re-
prise du Bossu et nous ne savons plus quelle autre reprise.
— Un des spectacles les plus surprenants qui se puissent voir,
c'est celui de ces vingt-six Beni-Zoug-Zoug, dont les exercices
attirent une foule énorme au cirque Napoléon. Ils courent, ils volent,
ils bondissent dans une étourdissante fautasia, ils s'accrochent hs uns
DE PARIS.
381
aux autres pour former une pyramids humaine, dont l'équilibre est
une merveille. Leur audace, leur souplesse, leur légèreté, dépassent
tout ce qu'on peut imaginer. Il faut en avoir été témoin pour y
croire et encore !
D. A. D. SAINT-YVES.
NOUVELLES.
^*» Au théâtre impérial de l'Opéra, la représentation extraordinaire
de Robert le Diable, donnée dimanche dernier, a été fort brillante.
Gueymard et Mlle Sax s'y sont surtout distingués, la Favorite, la Muette
de Portici et la Juive ont défrayé le répertoire de la semaine. — Aujour-
d'hui dimanche, les Huguenots. ,
:t*. Lundi dernier, un début a eu lieu dans la Favorite : c'est celui
de Mme Bedogni-Talvo, jeune femme dont la voix se ressent encore des
suites d'une situation intéressante, et cette voix est un contralto profond,
ne sortant qu'à granJ'peine de son diapason normal. La débutante, qui
possède d'ailleurs des avantages réels comme femme et comme artiste,
a montré beaucoup d'intelligence et une certaine habitude de la scène,
On dit qu'elle a déjà chanté en Italie, quoique la condition de sa fa-
mille ne l'appelât nullement au théâtre. Michot, qui chantait le rôle de
Fernand, en a dit quelques passages de manière à faire regretter son
départ. Faure a mis tout son talent dans le rôle d'Alphonse. Celui de
Balthazar est trop bas pour Cazaux et semble fatiguer sa voix. A la Fa-
vorite succédait Diavolina. Si Mlle Marie Vernon ne danse pas comme
Mlle Mourawieff, elle embellit de jour en jour, et c'est un succès qui
peut être accepté en compensation de l'autre.
»*t A l'Opéra- Comique on s'occupe en ce moment de la reprise
de rEclair, d'Halévy, qui sera chanté par Mlles Monrose et Bélia,
MM. Montaubry et Capoul.
j,*,(, Il est question également de représenter sur ce théâtre la Fan-
chonnette, l'opéra-comique de Clapisson.
»■*, La reprise de Joconde, avec Crosti dans le rôle principal, a eu
lieu dimanche dernier, à l'occasion d'une représentation extraordinaire.
L'ouvrage a été accueilli avec une grande faveur. Le Domino noir et
Zampa font constamment salle comble.
,*^ Au théâtre impérial Italien, après le Barliere est venue la Son-
nambula, toujours pour Mme Borghi-llamo, quoique le rôle d'Amina ne
soit pas plus à sa taille que celui de Rosina La célèbre cantatrice y
a déployé beaucoup de talent, mais nous espérons que bientôt elle
pourra se montrer à nous dans son vrai répertoire. Le nouveau ténor
Baragli chante avec assez d'art et de goût, mais sa voix est trop faible
pour le rôle d'Elvino.
„*^: Aujourd'hui, le théâtre impérial Italien donnera, pour la première
fois pendant cette saison, Lucrezia Borçjia, chantée par Mmes de La
Grange et Méric-Lablache, Frasohini et Delle-Sedie.
^*« Les représentations du Trovatore ont continué d'être fort brillantes
et d'attirer la foule. Fraschini s'y est montré de plus en plus admirable
chanteur.
j*» Vers la fin de décembre, Mario et les nœurs Marchisio quitteront
le théâtre Italien de Madrid pour celui de Paris. — A la même époque
nous perdrons Fraschini et Mme de la Grange, ainsi que lime Méric-
Lablache, ou Mme Borgbi-Mamo.
^*^ Après avoir chanté trois fois la Sonnan.bula au théâtre de l'O-
riente, à Madrid, Adelina Patti s'est fait entendre dans Lucia, où elle a
produit le même effet prodigieux.
^*» Berlioz vient de recevoir la lettre suivante :
« Monsieur,
» S. A. B. le grand-duc, mon auguste maître, ayant appris que la re-
présentation de vos Tnnjens a eu lieu dernièrement au théâtre Lyrique
impérial, et que celte œuvre a eu tout le succès qui lui était dû et qui
répondait aux vœux sincères de Son Altesse Royale, me charge de vous
transmettre ses félicitations empressées et de vous exprimer toute la
part qu'il prend à cet heureux événement.
» Je suis charmé, Monsieur, d'avoir cette occasion de me rappeler à
votre souvenir, et je vous prie d'agréer l'assurance de mes sentiments
très distingués. Le comte de Wedel,
I Secrétaire du cabinet de S. A. /!. te grand-duo de Saxe. »
,*t Une lettre de remerciments adressée à l'Empereur, au sujet de
la liberté des théâtres, par les auteurs et compositeurs, se couvre en ce
moment de signatures.
^'*,^ Roger vient d'obtenir un nouveau succès à Gand, dans les rôles
de Lorédan, deHaydée, et de Scopetto, de la Sirène, que le célèbre ténor
a créés avec tant d'éclat à Paris.
^*^ Carlotta Patti sera à Paris le mois prochain. Au mois de janvier
et février, elle chantera en Belgique et en Hollande.
»*^ Le célèbre baryton Filippo Coletti se retire du théâtre. A Naples
il était tellement aimé du public que pendant vingt ans il a figuré à
San Carlo comme premier baryton, quoique, d'ordinaire, dans les théâ-
tres italiens, les chefs d'emploi changent assez fréquemment.
^'*, Un journal de Berlin annonce que Mlle Lucca va contracter avec
l'opéra royal de cette ville un nouvel engagement, qui portera son
traitement à 8,000 thalcrs (30,000 francs) par an, avec des feux et un
congé de cinq mois. Le titre de cantatrice de la cour et une pension de
2,000 thalers lui seraient également assurés. Suivant le même journal, la
direction de l'Opéra à Paris aurait offert à Mlle Lucca un traitement de
500,000 francs pour cinq ans, avec deux mois de congé pendant l'été.
Nous ne mettons pas en doute l'exactitude ds l'engagement de Berlin;
mais en ce qui touche l'Opéra de Paris, nous pouvons affirmer qu'au-
cune ofire dans les conditions dont parle le journal berlinois, n'a été
faite à Mlle Lucca.
**,, LL. AA. H. le prince Napoléon, la princesse Clotilde et la prin-
cesse Mathilde ont honoré de leur présence le dernier concert populaire
de musique classique et ont complimenté M. Pasdeloup. Le progranmie,
dont la composition était remarquable, se terminait par Vlnvitution à
la valse, de Weber, si bien orchestrée par Berlioz.
^*^ Voici le programme du concert populaire qui aura lieu aujour-
d'hui au cirque Napoléon : Ouverture d'// Afatrimonio segreto, de Cima-
rosa ; symphonie en la mineur, de Mendelssohn ; rigodon, de Rameau ;
adagio du septuor de Beethoven, exécuté par MM. Auroux (clarinette),
Espeignet (basson), Schlottmann (cor), et tous les instruments à cordes;
ouverture de Preeiosa, de Weber.
s,*^ Vendredi dernier a eu lieu à la Société nationale des Beaux-Arts
la deuxième séance de musique de chambre, sous la présidence de
Félicien David. Le 6" quatuor de Mozart, un fragment du 9« concerto
de Romberg exécuté par M. Rabaud, et le 12"= quintette d'Onslow y
ont été parfaitement rendus.
^*, Les candidats à la succession de M. Tilmant, comme chef d'or-
ches'.re de la .Société des concerts du Conservatoire, sont MM. Berlioz,
George Hainl, Deloffre, Deldevèze, Alard, Millaut, Cuvillon et Ch. Dancla.
L'élection est remise, comme on sait, au 21 décembre, après les deux
concerts supplémentaires que M. Deldevèze conduira.
^*,f C'est par erreur qu'Ambroise Thomas a été désigné comme l'un
des prétendants au titre vacant. Le célèbre compositeur, membre de
l'Institut, n'y a nullement songé.
,t** Le directeur du théâtre Lyrique vient de recevoir un opéra en un
acte de Mme Lucci Sievers, le Professeur de chant d'orgue, poëme de
M. Menissier. Cet ouvrage sera probablement donné cet hiver.
:j** Le grand-duc de Darmstadt a décerné au ténor M. Carrion la
médaille en or pour arts et sciences.
,^*,f Edouard Wolff nous est revenu et ne nous quittera pas cet hiver.
11 a repris le cours de ses leçons ; ses anciens élèves s'en félicitent et
chaque jour l'excellent professeur en voit venir à lui de nouveaux.
s,'*^ Ch. Dancla, en compagnie de ses fidèles et habiles partenaires, Sé-
bastien Lee, L. Dancla et Altès, a fait entendre chez lui le i" quintette
de M. Fétis. L'œuvre du savant maître a obtenu un très-grand succès,
l'andante surtout.
t*^ Jeudi prochain, 3 décembre, M. Victorin Joncières fera exécuter,
salle du Grand hôtel du Louvre, la musique qu'il a composée sur la
tragédie d'Hamlet. On sait quel brillant succès cette œuvre vraiment
remarquable a obtenu, au mois d'avril dernier. Nous ne doutons pas
qu'à une seconde audition, le public ne ratifie les éloges donnés par la
presse entière au jeune compositeur.
»** M. Camille .Saint-Saëns se propose de donner à la salle Pleyel six
séances consacrées à l'audition des concertos de Mozart.
:t% M. Eugène Prévost a été engagé par M. Besselièvre comme chef
d'orchestre des concerts des Champs-Elysées.
,^'** L'imprésario du théâtre du Liceo à Barcelone, M. Verger, vient
d'obtenir la direction du théâtre Bellini, à Palerme.
/t Depuis l'inauguration du salon de M. Lebouc, on a déjà exécuté
chez lui deux des ouvrages les plus importants d'Adolphe Blanc : un
quatuor pour instruments à cordes et le quatrième trio pour piano,
violon et violoncelle, parfaitement interprété par Mlle Caroline Remaury,
l'auteur et M. Lebouc.
KEVLE lOT GAZETTE MUSICALE
.j,*. Les examens pour l'obtention du certificat d'aptitude à l'emploi
de professeur de chant dans les écoles publiques de Paris auront lieu
à la fin du mois de décembre prochain . La liste d'inscription est restée
ouverte à la préfecture de la Seine, bureau de l'Instruction publique,
où il a été donné communication du programme. Les candidats ont à
produire leur acte de naissance et un certificat de moralité délivré par
le maire de l'arrondissement où ils ont leur domicile.
»*, Le docteur J. Maier, conservateur de la division de musique à la
bibliothèque royale de Munich, a découvert deux partitions manuscrites
d'Alessandro Scarlatti : l'une à la bibliothèque rojale de Berlin, l'autre
à la bibliothèque impériale de Paris ; savoir : la Griselda, donnée pour
la première fois en janvier 1721, à Rome, au teatro Capranica, et
l'opéra-comique Laodicea e Bérénice.
»** Avons-nous besoin de signaler aux directeurs de concerts présents
et futurs les œuvres symphoniques d'un compositeur renommé dans
toute la Hollande, la Belgique et l'Allemagne, M. A. Berlyn, qui, en 1846
est venu se faire connaître aussi à Paris î Ce serait plus que jamais'
l'instant de recourir à son riche répertoire, et d'essayer, par exemple,
sa belle symphonie, dédiée à Spohr, sans préjudice de plusieurs autres
compositions qui ont en leur faveur les plus honorables précédents.
»** Le troisième volume des Harmonies de M. J. Cressonnois vient
de paraître, et nous nous empressons de le recommander aux amateurs,
dont la plupart connaissent déjà l'auteur et ses œuvres.
^*t M. Henry Hervpyn ouvrira, le 2 décembre, son cours de musique
d'ensemble appliquée au piano, qui aura lieu deux fois par semaine, le
mercredi et le samedi, rue Saint-Honoré, 185.
^*^ Ernest Nathan, que des voyages éloignaient depuis deux ans de
la capitale, va s'y fixer définitivement, pour se consacrer au professorat
et à la musique classique. Il a composé un bon nombre d'œuvres, qu'il
doit nous faire entendre bientôt.
n*^ Le Répertoire du chanteur, dont la vogue est si bien établie, vient
de s'augmenter d'un troisième volume pour voix de ténor, publié
sous la direction de M. Henri Panofka. D'autres volumes compléteront
bientôt cette importante collection, commencée par Panseron, et dont
dix-neuf volumes sont déjà en vente.
^*» Un jeune compositeur, M. Palmer, déjà connu dans quelques
salons d'élite, vient, dès son début, de se placer sur la ligne des com-
positeurs les plus aimés du public par ses deux publications : Boléro et
Bsrceuse. Le succès qu'ont obtenu ces deux charmants morceaux a
préparé celui d'un troisième, une valse ravissante qui paraîtra in-
cessamment.
*** Une nouvelle édition de l'excellent ouvrage de M. Fétis père :
Manuel des principes de musique, est sous presse et paraîtra inces-
samment chez MM. Brandus et Dufour.
»*a, On ne saurait trop donner de publicité aux louables efforts d'une
Société qui s'est fondée, il y a quelque temps, sous la présidence du
vicomte de Melun, pour l'amélioration et l'encouragement des publica-
tions populaires. Son but est 1" de favoriser la production d'ouvrages
populaires vraiment bons, c'est-à-dire irréprochables au point de vue
des mœurs et en même temps instructifs et intéressants; 2° de guider
dans leur choix les personnes qui ont besoin de livres de ce genre pour
elles-mêmes ou pour leurs distributions charitables ; 3° de leur en fa-
ciliter l'acquisition. Elle recherche toutes les publications anciennes
ou nouvelles qui semblent devoir remplir les conditioms mentionnées à
l'article 1<^'', les fait examiner avec soin par une commission spéciale,
et signale ceux qu'elle croit dignes d'être recommandés, dans un bulletin
mensuel envoyé gratuitement à tous les membres de ladite Société.
Elle procure à ses membres, avec une remise de 10 0/0, tous les ou-
vrages mentionnés dans les bulletins, et se charge de leur fournir et
expédier des bibliothèques composées de livres reliés d'une manière
économique et choisis suivant le prix et la destination qui leur sont
marqués. On peut voir ces livres, les parcourir, recueillir des rensei-
gnements, se faire inscrire au nombre des membres de la Société , et
déposer les commandes, au bureau du Bulletin, rue de Grenelle Saint-
Germain, 82.
**:, Un nouveau journal de musique militaire va être publié par
M. fiauthrot, facteur d'instruments.
:t*s, Le théâtre Robin exploite avec bonheur son riche répertoire
d'expériences nouvelles. L'intérêt si puissant qui s'attache à ses appari-
tions de spectres est doublé, en ce moment, par l'efl"et prodigieux du
Rêve de Paganini. Le spectre exécute avec un réel talent un solo de
violon et est rappelé tous les soirs au milieu de bravos unanimes.
*'"t. Le premier bal masqué de l'Opéra aura lieu le 12 décembre.
Strauss conduira l'orchestre.
^*<, ïïecti fication : le premier prix du concours d'harmonie et de com-
position pour les élèves des classes militaires a été obtenu par M. Gri-
sou, du S"! de ligne, élève de M. Bazin, et par M. Sibillot, du H« d'ar-
tillerie, élève de M. Emile Jonas.
t** Le doyen des violonistes contemporains, Joseph Mayseder, est
mort le 21 novembre à Vienne. Il était né dans cette ville le 27 octobre
1789 ; son professeur de violon avait été Schuppanzig. Mayseder était
virtuose de la chapelle impériale, soliste au théâtre de la cour et auteur
d'excellentes compositions pour le violon.
^,*^, Henri Boisseaux, auteur dramatique et l'un de nos confrères en
journalisme, est mort subitement le 20 de ce mois. Dans les derniers
temps de sa vie. Scribe l'avait honoré de sa collaboration, et ils don-
nèrent ensemble plusieurs ouvrages , notamment Barkouf à l'Opéra-Co-
mique, Broskowano et Madame Grégoire au théâtre Lyrique. Au nombre
des pièces qu'ils avaient en projet, il s'en trouvait une à propos de la-
quelle Scribe dit un jour : « Je ne pourrai guère m'en occuper avant
deux ans. » Les deux ans sont à peine écoulés et les deux auteurs
n'existent plus. Les obsèques d'Henri Boisseaux ont eu lieu lundi à
l'église Saint-Etienne du Mont. Parmi les nombreux assistants, nous avons
remarqué MVl. Félicien David, Clapisson et Lajarte. Ces deux derniers
étaient les collaborateurs du regrettable défunt,
J..** M. Audiffred. directeur du journal le Moniteur des arts, vient de
mourir à Paris.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
^*^ Lyon. — Une indisposition persistante de Mme Cabel empêche la
reprise du Pardon de Ploërmel. En attendant on remonte la Muette de
Portici.
<,*^ Boutogne-sur-mer, 26 novembre. — Le concert annuel pour les
salles d'asile vient d'être donné dans le magnifique salon du Casino.
Mme Gagliano y a obtenu un fort beau succès, en chantant d'une fa-
çon admirable un air du Prophète, Dolce concenio de Mozart, VAve Maria
de Schubert et des mélodies italiennes et espagnoles. Les bravos ont
accueilli aussi M. Ch. Lamoureux, violoniste expressif et sympathique.
M. Ernest Lejeune, pianiste compositeur de Calais, a fait exécuter une
ouverture renfermant de belles combinaisons harmoniques et des mo-
tifs heureux fort bien traités pour l'orchestre. Il a de plus joué avec
verve et sentiment un concerto de Dussek.
^*^ Marseille. — Lalla-Roukh vient d'être représenté avec peu de
succès. Le Pardon de Ploérmel est à l'étude.
^*^ Bordeaux. — La reprise de Richard Cœur de Lion n'a pas été
très-goûtée au grand théâtre : cependant MM. Peschard et Mathieu y
ont été remarquables. Joconde, qu'on vient également de reprendre, a
été mieux accueilli par le public.
^*^ Alger. — Le Prophète, remonté avec beaucoup de soin, a servi
de début à Mlle Fleury-Gœury, qui s'y est montrée assez faible.
CHRONIQUE ETRANGERE.
»*^ Londres. — Les deux premiers concerts populaires de lundi ont
ramené la foule à Saint-James Hall. Des quatuors de Spohr, Haydn et
Beethoven, la chaconne de Bach, un capriccio de Tartini, des œuvres
de piano de Mozart, Beethoven et Mendelssohn, alternaient avec bon
nombre de morceaux de chant d'un caractère moins sérieux. Lotto, qui
tient le pupitre du premier violon, s'est posé comme excellent artiste. Le
violoncelle est passé aux mains de M . Paque, en remplacement de M . Piatti.
— Le concert donné par J. Bénédict àSaint-JamesHalla été très-brillant.
Un nombreux public y a chaleureusement applaudi sa cantate liichard
Cœur de Lion, une œuvre d'un grand mérite, fort bien interprétée par
Mmes Tietjens et Trebelli, M. Wilbye Cooper et Ch. Santley. — Sivori
enthousiasme chaque jour le public aux concerts Jullien, où Mme Vol-
pini et Sims Reeves sont également très-appréciés. — La Société des
British musicians a institué deux prix pour les deux meilleurs quintettes
pour instruments à cordes. Le premier prix est de 10 guinées, le second
de 5 guinées. — Au théâtre de Covent-Garden, la première représentation
de Blanche de Nevers, nouvel opéra de Balfe, est attendue.
^*» Amsterdam, 10 novembre. — Les concerts populaires ont recom-
mencé avec un succè.s toujours croissant. Au premier concert, on a
DE PARIS.
383
exécuté la symphonie héroïque de Beethoven, la quatrième symphonie
de Klels-Gade, une ouverture de Mendelssohn et la Chasse du jeune Henri,
de Méhul, qui a été bissée. L'orchestre a fait merveille sous la direc-
tion de Verhulst, et Mlle Schreck, de Bonn, a fort bien chanté un air de
Heendel et un autre de Rossi. Au prochain concert, on jouera une
nouvelle symphonie de IJ. Fétis, la cinquième symphonie de Beetho-
ven, l'ouverture de Fernand Corics de Spontini et une ouverture de
Gade ; puis Mlle Kohn, de Manheim, chantera deux soli. — Au premier
concert du Parc chantera JUIe Schubert, de Paris, et jouera le violon-
celliste Kellerman, de Copenhague. — On attend beaucoup d'artistes di
primo cartello, Caroline Patti, Mlle Parepa, Jaell, Laub, Joachiui, Fran-
cliomme, Stockhausen et beaucoup d'autres — Le théâtre allemand de
Rotterdam est excellent et l'ensemble ne laisse rien à désirer ; il y a
même des artistes de premier ordre, tels que Mlle Ellinger, chanteuse
d'un immense talent. — Le nouvel opéra de Hiller : les Catacombes,
y est à l'étude, et le grand compositeur viendra assister lui-même à la
première représentation. — La nouvelle salle de l'opéra français k la
Haye est charmante. Au premier festival de la Société pour l'en-
couragemeut de l'art musical, on exécutera l'oratorio Josua de lissa
del. Les répétitions viennent de commencer sous Verhulst, et on
s'attend à une exécution remarquable du chef-d'œuvre de l'ancien
maître.
„,% Vienne. — Le nouveau ballet en trois actes de Borri : Jolta ou Art
et amour, a été donné pour la première fois au théâtre de la cour, le
'il novembre, avec un grand succès. Mlle Couqui a eu les honneurs de
la soirée; elle a enlevé les pas les plus ditficiles avec une audace qui
est toujours restée dans les limites du goût. La musique composée
par le comte Gabrielli et M. Strebingen, est pleine de mélodie, de
verve et a beaucoup plu. — On répète au théâtre de la cour la Muette
de Porlici. Wachtel remplira le rôle de Masaniello; Mlle Couqui, celui
de Fenella.
^*^ Berlin. — Au théâtre F.-Wilhemstadt, les Bavards, par Offen-
bach, ont eu huit représentations, et chaque fois la salle était comble.
Au théâtre royal, Paul Taglioni doit mettre prochainement un nouveau
ballet à la scène.
j*, Cologne. — Les belles messes en musique qui attirent dans notre
cathédrale une si grande affluence de fidèles, ont dû cesser par suite
d'un ordre du cardinal-archevêque. Il paraît que l'opinion exprimée
par le célèbre professeur Thibaut, dans son ouvrage sur la Pureté de la
musique, n'a pas été sans influence sur la détermination de Son
Eminence.
,j% Pesth. — Au théâtre national, on a donné Marlha, de Flotovv, à
l'occasion de la fête de rimpératrice. Mme P. Markovvitz a chants le
rôle principal avec autant de grâce que d'entrain; M. Pauli-Lyonel a
été aussi beaucoup applaudi.
»*» Tarin. — La Vestale, chantée par Mmes Stolz et Flory, M.M. Chris-
tian! et Casaro, a été favorablement accueillie au théâtre Vitorio
Emmanuelo.
j*a: Valence. — La Muette de Porlici vient d'être représentée avec un
très-grand succès. Le ténor Olivia Pavani et Mme Peroni y ont puis-
samment contribué.
^*,j Barcelone. — Grâce aux succès éclatants de Mlle Lagrua, les
représentations au théâtre du Liceo sont plus brillantes que jamais.
L'éminente cantatrice vient d'y chanter dans /( Giuramento devant une
salle comble et a obtenu un triomphe complet. Dans Norma, qu'elle
chante et joue avec une rare perfection, elle a mérité de nouveau
les applaudissements les plus chaleureux. Negrini a obtenu aussi une
bonne part.
CONSERVATOIRE IMPËRIÂL DE MUSIQUE.
Bélmpresslon des Ouvrages classiques consacrés
A l'BuselgnemeiK,
Une excellente mesure, qui intéresse la musique et les musiciens,
vient d'être prise par S. Exe. le ministre de la Maison de l'Empereur
et des Beaux-Arts. Par un arrêté en date du 5 novembre, M. le ma-
réchal Vaillant, sur la proposition de M. le comte Bacciochi, surinten-
dant général des théâtres, a institué, au Conservatoire impérial de
musique et de déclamation, une commission chargée de préparer un
travail pour la réédition et la réimpression des ouvrages classiques de
l'ancien fonds de musique du Conservatoire, en les appropriant aux
besoins des classes actuelles de l'établissement.
Cette commission est composée de M. Auber, directeur du Conserva-
toire, président; de MM. Bazin et Benoist, professeurs d'harmonie et
d'orgue; H. Berlioz, de l'Institut, bibliothécaire du Conservatoire;
L. Clapisson, de l'Institut, professeur d'harmonie; G. Kastner, de l'Ins-
titut; J. L. Heugel, éditeur de musique; Lassabathie, administrateur du
Conservatoirj ; Leborne, professeur de composition ; Ed. Monnais, com-
missaire impérial; A. Thomas et lieber, de l'Institut, professeurs de
composition. M. A. de Beauchesnn, secrétaire du Conservatoire, rem-
plira les fonctions de secrétaire près la commission.
Les anciens ouvrages classiques du Conservatoire, destinés à une
réimpression si désirée de tous les musiciens qui s'occupent sérieuse-
ment d'enseignement, ont été, dans l'origine, sous l'administration de
M. Sarrette, rédigés, composés et gravés pour les classes du Conserva-
toire. Nos grands maîtres Cherubini, Catel, Méhul, Gossec, Lesueur,
Martini, ont collaboré à tous ces ouvrages, dont les planches de texte
et de musique se trouvent, pour la plupart, complètement épuisées. —
Ce sont doue les vrais classiques de l'enseignement qu'il s'agit de
rendre non-seulement aux classes fondamentales de solfège, d'harmo-
nie, d'accompagnement, de fugue et de contre-point, mais aussi à celles
du chant et des instruments. Toutes ces classes possédaient leurs mé-
thodes-types, parmi lesquelles il faut citer les solfèges de Cherubini,
ses marches d'harmonie, le traité de fugue et de contre-point du même
maître, le cours d'harmonie de Catel, la grande méthode de piano
de L. Adam, celle do violon de Baillot, Rode et Kreutzer, lArt du vio-
lon de Baillot, et la remarquable méthode de cliant du Conservatoire,
à laquelle ont collaboré Méhul, Gossec, Garât et Plantade, en société
des maîtres italiens du temps, et du savant et infatigable Cherubini,
rapporteur de la commission chargée, aux termes du règlement du
Conservatoire, de la rédaction d'une méthode de chant spécialement
destinée aux classes de cet établissement.
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vient de se reproduire à Londres avec plus d'éclat encore : aussi le Jury international vient-il, en plaçant ces instruments
au premier rang, d'accorder à l'unanimité, à M. Henri UERZ, la médaille, en motivant cette distinction par la perfection
reconnue dans tous les genres de Pianos et sous le rapport de la solidilé, de la sonorité, de l'égalité, et la précision du
mécanisme dans les nuances d'expression. (Rapport du Jury international.)
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Seule grande Médaille d'honneur à l'Exposition universelle de 1855.
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conséquent comme son ; supérieur comme j ustesse ; supérieur comme création de famille complète ; supérieur comme facilité et
unité de doigté ; supérieur comme forme ou contour des tubes pour l'émission des sons ; supérieur comme forme pour le pla-
cement et le maniement de l'instrument ; supérieur comme ayant une même direction des sons (avantage pour l'auditeur de
recevoir tous les sons avec la môm-i puissance); supérieur en ce que quelques jours suffisent pour former, avec des amateurs ou
de simples conscrits militaires, une musique passable ; supérieur en ce que les plus gros instruments comme les petits se
tiennent facilement au moyen de la main gauche et du bras gauche, et laissent le bras et la main droite entièrement libres,
et dans la meilleure position pour le jeu des doigts sur les cylindres ; supérieur en ce que, quand un élève a déjà fait di?s
études et qu'il est obligé de changer d'instrument faute de disposition des lèvres ou par tout autre motif, ses études acquises
servent pour le nouvel instrument, soit trompette, trombone ou tout autre instrument ; supérieur en ce que l'on peut faire les
études les plus longues et les plus difficiles sur l'instrument qui fatigue le moins et les reporter sur d'autres plus durs à jouer
ou plus lourds à porter; supérieur en ce que, dans les sociétés ou dans un régiment de cavalerie, surtout lors des congés, il
arrive souvent que tous les artistes d'une même catégorie d'instruments partent, et que, dans ce cas, on peut les remplacer
en prenant des musiciens dans les parties les mieux garnies pour occuper ou remplacer les parties manquantes; supérieur en
ce qu'on ne craint pas les coups de tète des chevaux, qui, avec les anciens instruments, brisaient parfois les dents au cava-
lier; supérieur en ce que l'on peut jouer, le cheval au trot ou au galop, l'instrument suivant toujours les mouvements du
corps; supérieur pour la musique en marche en ce que l'instrument ne se dérange pas sur les lèvres, et conserve par consé-
quent la môme sonorité qu'au repos; supérieur pour les corps de musique et pour le militaire surtout, où tout est régulier
les musiciens et les instruments d'après le système ancien), en ce que tout le monde se trouve dans la même position, toutes les mains à la même
instruments penchés de gauche à droite; supérieur, pour la musique à cheval ou de cavalerie, eji ce que si, pondant que l'on joue, le cheval vient
est facile de ressaisir les brides pour le ramener, sans déranger l'instrument de sa position. ([K^
ToDi Ici iniirumenii loriant de la fabrique porieni l'inieripiion suivatiie : Adolphe Sax, à Paris, facteur de la maison militaire de l'Empereur, ^0||\
le numéro d'ordre de l'initrument el (e poinçon oi-apr'es : Ia vvL
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5. DŒHLER. — Op. 42. Deux études.
6. FAVARGER. — Op. 42. Caliban, grande valse.
7. GORIA. — Op. 41. Grande mazurka.
8. HELLER (Stéphcn). — Op. 56. Sérénade.
9. HENSELT. Poëme d'amour.
10. HERZ (H.). — Op. 143. Mazurka.
11. JAELL. — Le Carillon, mcrceau élégant.
12. LaCOMBE. —Op. 54. Marche turque.
13. LESCHETIZKY. — Chant du Eoir, idylle.
14. LITOLFF. — Chanson du rouet.
15. LISZT. — Dpuxième marche hongroise.
16. MENDELSSOHN. — Presto scherzando.
17. MOSCHELÊS. — Op. 95. Trois études.
18. PRUDENT. — Op. 33. Farandole.
19. THALBERG. — Op. 35. Le Trémolo.
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par Arthur Pougin . - L'Amérique telle qu'elle est, par Oscar Comet-
tant. — Nouvelles et annonces.
LE TRESOR DES PIÂHISTES.
k" et 5" Livraisons.
M. Farrenc poursuit son entreprise colossale avec un dévouement,
un courage qui, pour l'honneur de la génération actuelle, il faut
l'espérer , trouvera l'appui nécessaire parmi les artistes et les ama-
teurs qui jouent du piano, et certes le nombre en est grand. Les
souscripteurs mêmes du Trésor des jnanistes ne peuvent comprendre
ce qu'il a fallu de savoir, de temps et d'argent, pour réunir les œu-
vres les plus remarquables de toutes les époqyes et de toutes les
écoles, comparer les éditions, discerner les bonnes leçons, corriger
les altérations produites par l'ignorance et l'incurie, conserver et
faire connaître les traditions propres à chaque genre, accompagner
ces œuvres intéressantes de notices historiques et critiques sur cha-
que auteur, et présenter, enQn, dans l'ensemble de la plus belle col-
lection qui ait été faite, la vérilable histoire d'une partie de l'art;
car l'histoire d'un art ne peut être mieux faite que par la reproduc-
tion exacte de ses monuments.
La quatrième livraison du Trésor des pianistes renferme douze
sonates de Charles-Philippe-Emmanuel Bach, et toutes les pièces de
clavecin de Haendel, divisées en trois livres, suivies de six fugues.
Jamais l'œtivre complète, pour le clavecin, de ce grand musicien^
n'avait été pt'.bliée en France
J'ai déjà beaucoup parlé des sonates de Charles-Philippe-Emmanuel
Bach, dans mes analyses des livraisons du Trésor des Pianistes. Il
semblerait que j'ai épuisé, pour cet artiste, toutes les formes de
l'éloge ■ cependant, le génie mélancolique et passionné de ce maître
a tant de charme pour moi, que je me sens entraîné à en parler
encore, pour recommander aux artistes la deuxième sonate ( en fa
mineur ) du premier recueil, dont le premier allejro et Vandanfe
sont aussi remarquables par le sentiment et l'inspiration que par les
formes: la cinquième sonate (en si mineur), très-courte, mais pleine
d'énergie et de brio dans le premier morceau, de noblesse et de
charme dans Y adagio; la troisième sonate (en la) du deuxième re-
cueil, brillante, élégante et coquette dans le premier allegro, noble
386
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
et pathétique dans Vadagio, pleine de verve et de fougue dans le
dernier morceau ; la cinquième sonate (en sol), d'un caractère large,
noble et passionné dans le premier morceau, pleine de fantaisie sen-
timentale dans Vandante, animée, véhémente et nouvelle par la pensée
comme par la forme dans le dernier allegro di molto. La cinquième
sonate de ce recueil est aussi, dans toutes ses parties, une des plus
heureuses productions du talent de Bach ; il en est de même de la
sixième (en fa mineur), passionnée, véhémente, originale dans le
premier morceau, grandiose dans Vandante, naïve mais noble dans
le 7-ondo andanlino. 0 jeunes compositeurs , lisez avec attention ces
chefs-d'œuvre, jouez-les avec la perfection d'exécution qu'ils exi-
gent, et voyez par quels moyens simples le génie parvient à la pro-
duction du beau.
Une très-bonne, très-exacte et très-substantielle notice biographi-
que de Hœndel, par M. Farrenc, précède les Suites de clavecin de
ce grand homme. Peut-être pourrait-on objecter qu'elle est un peu
trop développée et chargée de détails pour la place qu'elle occupe ;
mais dans ce cas, abondance de richesse ne nuit pas. C'est vraiment
une source inépuisable de beautés que ces recueils de pièces, où
l'illustre auteur n'est pas sorti, à la vérité, du cadre ordinaire des
Suites, dont il avait trouvé, dès son enfance, les formes dessinées
dans les ouvrages de ses prédécesseurs. On sait que ces Suites de
l'ancienne école de clavecin étaient composées, tantôt d'une alle-
mande, une courante, une sarabande, une gigue, auxquelles s'ajouta
un peu plus tard un menuet ou une gavotte; tantôt d'un prélude,
un adagio, un allegro, un thème varié, ou une fugue. Dans ses trois
livres, Haendel a réuni toutes ces formes et y a jeté à pleines mains
les trésors de sa personnalité, de sa puissante harmonie, de ses mo-
dulations inattendues, et quelquefois de suaves mélodies, dont quel-
ques-unes sont célèbres. Qui ne connaît le délicieux air en mi
majeur et ses cinq variations? Qui, jamais, s'est lassé d'entendre cette
cantilène céleste et ses harmonies d'un goût si fin 7
Le premier livre des Suites de Haendel est particulièrement re-
marquable par la variété des inventions, ainsi que par la perfection
des formes.
C'est dans cette partie que se trouvent la brillante gigue en la,
connue autrefois de tous les bons pianistes, et que j'ai entendu jouer
d'une manière admirable par Clementi; toute la suite en mi majeur
qui contient l'air en variations dont je viens de parler, la septième
suite en sol mineur, production parfaite d'un bout à l'autre, et la
huitième en fa mineur, non moins remarquable ; c'est enlin dans ce
premier livre que se trouvent les excellentes fugues en fa, en ré
mineur, en si mineur, en fa dièse mineur, et en fa mineur, qui ont
été plusieurs fois publiées en France , en Allemagne et en Suisse,
mais séparées des Suites auxquelles elles appartiennent. Si l'on vou-
lait parler de tout ce qu'il y a de beau et de charmant dans ce
premier livre , il faudrait tout citer ; à l'exception de quelques pré-
ludes dans lesquels Hœndel n'a pas atteint à la hauteur de Jean-
Sébastien Bach.
Le second livre des pièces de clavecin de Hœndel n'a ni l'impor-
tance ni l'intérêt du premier; la grande gigue en sol mineur et la ga-
votte en sol majeur sont ce qui s'y trouve de plus distingué. A l'égard
de sa chacune avec soixante-deux variations, leur mérite se borne à
peu près à celui des exercices de clavecin et de piano. Les formes de
ces variations rappellent celles de Corelli, intitulées FoVia (Folies
d'Espagne); elles sont peu dignes du talent de Haanclel. Il y a loin de
ces productions quelque peu vulgaires, à l'air avec trente variations,
de Jean-Sébastien Bach, gigantesque conception, dont la réalisation
est un miracle d'intelligence et de talent.
Le troisième livre des Suites ne paraît pas un ouvrage complet :
les deux premières suites ont leurs allemandes, leurs courantes, leurs
sarabandes et leurs gigues; mais de la troisième, il n'y qu'un caprice;
de la quatrième, qu'une fantaisie; de la cinquième, qu'une chanson;
de la sixième, qu'un prélude, ainsi que de la septième. Ce livre n'a
été publié que longtemps après la mort de Hœndel, dans la collec-
tion de ses œuvres , donnée par Arnold. Les six fugues placées par
M. Fareuc à la suite de ce troisième livre étaient peut-être destinées
par l'auteur à en faire partie Elles sont fort belles et font reconnaî-
tre l'artiste dans la plénitude de son talei.t ; néanmoins leurs sujets
sont moins heureux que ceux des fugues du premier livre des Suites.
Il entre dans le plan de M. Farrenc de faire connaître aux artis-
tes, ainsi qu'aux amateurs d'élite, les œuvres les plus belles des cla-
vecinistes et des pianistes de toutes les époques, mais de toutes les
écoles. Ce plan est vaste, mais il devait être ainsi pour justifier le
titre de la collection, et pour être, dans toute l'acception du mot, le
véritable Trésor des pianistes. Quel est celui d'entre eux (et je parle
des plus instruits), dont l'érudition aille au-delà de Rameau, tout an
plus jusqu'à Couperin? Eh bien , en leur donnant les deux livres de
pièces de clavecin de Chambonnières, virtuose du temps de Louis XIII
et de Louis XIV, M. Farrenc les ramène à un siècle avant Rameau
dans la cinquième livraison du Trésor ; en leur faisant connaître des
pièces de William Byrd , d'Orlando Gibbons et de John Bull, tirées
du célèbre Virginal Book , et de la Parthenia, il initiera dans la
sixième livraison au style de l'ancienne musique instrumentale de l'An-
gleterre, dont la plupart des exécutants sur le piano ne supposent pas
la possibilité d'existence. ÎS'y eût-il dans tout cela que l'intérêt de cu-
riosité, il mériterait d'être satisfait , car l'histoire monumentale de
l'art ne peut être étudiée sans élever aussitôt la pensée vers l'immor-
talité de son domaine , et sans faire comprendre l'inépuisable variété
de ses transformations.
Mais ce n'est pas seulement la curiosité qui est satisfaite dans les
pièces de ces vieux maîtres: dans leurs inspirations, ils avaient une
qualité qui va s'affaiblissant en raison des développements progressifs
de la forme : je veux parler de la naïveté de la pensée, qui n'est plus
guère connue que de nom. Le claveciniste, quelque peu gentilhomme,
Champion de Chambonnières, a des choses cnarraantes en ce genre.
Ses pièces de clavecin sont aussi des Suites, mais dont l'ordre des
morceaux n'est pas exactement le même que celui qu'on remarque
dans les suites des clavecinistes allemands. Chez lui cet ordre est
toujours interverti: ainsi, il a toujours plusieurs cowrara^M qui se sui-
vent après l'allemande, et, après la sarabande, met une gaillarde
au lieu delà gigue ; ce qui ne se voit ni dans les Suites de J.-S. Bach,
ni dans celles de Hsendel, ni chez aucun des maîtres allemands. Quel-
quefois il a plusieurs gigues consécutives, et 'quelquefois la pavane,
dont le goût espagnol, régnant à la cour , entretenait l'usage dans la
danse. Chambonnières a aussi dans ses Suites, de petites pièces aux-
quelles il donne des noms de fantaisie, tels que les Barricades, la
Toute-Belle , la Villageoise, etc. Cet usage s'est perpétué chez tous
les clavecinistes français jusqu'après Rameau.
L'usage immodéré qui s'était fait dans le xvi= siècle d'ornements
de tout genre par les organistes et les joueurs d'épinette, s'était fort
affaibli en Allemagne dans la première moitié du xvii" et avait fini
par disparaître, tandis qu'il se conserva en France jusqu'après le
milieu du xvni'' siècle. Chambonnières fut à cet égard le modèle de
tous les clavecinistes français. Il prodigue quelquefois ces ornements
jusqu'à l'excès ; mais sous cette multitude de cadences (trilles), de
pinces, de ports de voix et de coulés, on trouve des mélodies gra-
cieuses, élégantes, naïves, qu'accompagne une harmonie serrée qui
rachète les duretés de quelques rencontres de notes par des
mouvements bien dessinés. On comprend son goût pour la
multiplicité des courantes par la variété qu'il sait y mettre. Dans
de petits cadres tels que ceux des compositions de Chambonnières,
c'est un mérite considérable que celte variété de caractère iijjjjjpiée
à des pièces de même genre. Ce mérite appartient, sans aucun doute,
i ces légères productions du claveciniste de Louis Xlll et de
Louis XIV.
DE PARIS.
387
On fe tromperait lourdement si l'on se persuadait que cette mu-
sique d'épinette était facile à jouer. Pour s'en tirer avec Iionneur,
le talent de nos plus habiles ne serait pas de trop, car tout y est
en style lié dans toutes les parties, et la multitude d'ornements qui
s'y trouvent répandus dans les deux mains exige beaucoup d'égalité,
d'indépendance et d'aptitude des doigts.
Chambonnières fut l'idole des salons et des boudoirs dans les beaux
temps de la cour de celui qu'on appelait le grand roi. Il eut des
admirateurs enthousiastes, non-seulement pour le fini de son exécu-
tion, mais pour le charme de sa musique. Dominé que l'on est par
l'empire de la mode, on sera tenté peut-être de rire de cet enthou-
siasme pour de petites choses, telles que les pièces de cet artisie;
mais, outre que le charme et la grâce ne se trouvent pas toujours
dans les grandes dimensions des œuvres d'art, il ne faut pas oublier
que l'artiste capable d'émouvoir ses contemporains pendant plus de
quarante ans fut nécessairement un homme d'élite.
Après les pièces de Chambonnières vient, dans la cinquième livrai-
son du Trésor des pianistes, la continuation des pièces de Dominique
Scarlatti, dont M. Farrenc a commencé la publication dans la
deuxième livraison de sa collection, depuis le n° 1 jusques et inclu-
sivement le n" 26. Ici l'on trouve la suite depuis le n" 27 jusqu'à
49. Je l'ai déjà dit, et je crois devoir le répéter ici : les pièces de
Dominique Scarlatti sont l'œuvre d'un génie original, qui rompt avec
les traditions de son temps par des idées et des formes nouvelles.
Tout est audacieux chez cet homme; tout part d'une inspiration
spontanée, et la variété est un de ses mérites les plus éminents. Je
ne saurais choisir parmi les pièces de ce volume : c'est comme un
panier de cerises dont on choisit les premières, puis elles y passent
toutes. Après avoir joué une pièce de Scarlatti, on essaye la suivante,
puis on veut connaître la troisième, et l'on va ainsi jusqu'au bout du
volume.
Ne croyez pas que M. Farrenc soit un fanatique du passé, à cause
de ses richesses d'art, comme il y a des fanatiques du présent, non-
obstant ses misères. Le beau, pour lui, est le beau de tous les temps,
sous quelque face qu'il se présente. Après avoir fait avec délices le
rôle d'antiquaire pendant une certaine période, il sait aussi se plon-
ger avec délices dans les belles œuvres des temps modernes. Il nous
en fournit une preuve en mettant dans sa cinquième livraison du
Trésor des pianistes, après les pièces de Scarlatti, de belles sonates
de Beethoven, qui forment le.s œuvres 2, 7 et 10. Ici, mon rôle de
critique devient inutile, car quel est le pianiste qui ne connaisse le
poète du piano et le symphoniste du clavier? A quoi servirait d'ana-
lyser des beautés que tout le monde sent et connaît, et que chacun
admire et qui sont devenues populaires? C'est pour l'inconnu, lorsqu'il
est beau, que ma voix a besoin de retentissement. Cette voix, je la
ferai vibrer tant que le souffle me restera pour gloriûer l'art dans
toutes ses belles déterminations, et pour encourager ceux qui, comme
M. Farrenc, se dévouent à son culte, et ne reculent devant aucun
sacrifice pour en propager le goût et pour donner la foi à l'incrédule.
FÉTIS père.
MARTINI.
(Premier article.)
I.
Par une belle journée de l'année 1760, un jeune homme à peine
âgé de dix-neuf ans, à la mine agréable, à l'extérieur distingué, et
portant le costume ordinaire des étudiants allemands, suivait allègre-
ment et de son pied léger la roule qui conduit de la petite ville de
Freistadt, située dans le haut Palatinat, à celle de Fribourg en Bris-
gau. Insoucieux du présent, comme on l'est d'ordinaire à cet âge,
mais déjà songeant à l'avenir qu'il entrevoyait à travers les nuages
dorés de l'espérance, il avançait en fredonnant, ne prêtant qu'une
médiocre attention aux beautés du paysage qui l'environnait et s'oc-
cupant de tout autre chose que du cheiiiin qu'il parcourait. 11 avait
lâché la bride à son imagination, et, tandis qu'il cheminait, les pen-
sées lui trottaient en tête, nombreuses et variées, l'une chassant l'au-
tre, mais toutes cependant se rapportant à un seul objet, la recherche
de la gloire et de la fortune, tendant à un seul but, la découverte des
moyens propres à les conquérir.
Dispos de corps, léger d'argent et ne possédant pour toute richesse
que les vêtements qui couvraient sa personne , le jeune voyageur
approchait de Fribourg ;;ans savoir ce qu'il y allait faire, ni même
s'il y demeurerait. En vain il se creusait là tète et s'interrogeait sur
la résolution à laquelle il conviendrait qu'il s'arrêtât : ses réflexions
le laissaient indécis, flottant entre mille projets divers, aussitôt
abandonnés que conçus. Déjà il avait dépassé les premières maisons,
déjà il avait franchi les faubourgs et entrait dans la ville, et pour-
tant son parti n'était pas pris encore, et il ne savait à quoi se résou-
dre ni de quel côté porter définitivement ses pas, lorsqu'une idée
singulière — véritable inspiration d'écervelé — lui traversa subite-
ment l'esprit. Il pénètre dans une église, franchit lestement les degrés
qui conduisent au clocher, et là, se conûant au hasard, il lance une
plume dans les airs en se promettant intérieurement d'adopter la direc-
tion que le vent lui imprimerait. Celui-ci ayant porté la plume du
côté de la porte de France, l'étudiant sort aussitôt de l'église et s'a-
chemine vers le lieu indiqué; puis, quittant sans regrets la ville où
il venait à peine d'entrer, il reprend incontinent sa route et se dirige
hardiment sur Nancy sans savoir un mot de français.
On conviendra qu'il y avait au moins de l'étourderie de la part
d'un jeune homme à s'aventurer ainsi, dénué de toute ressource et
ne possédant pas en poche une pistole, dans une ville où il ne con-
naissait personne, où il n'aurait môme pas la faculté de se faire com-
prendre. Mais notre jeune fou se répétait sans doute avec complai-
sance le vieil axiome classique : Audaces fortuna juvat!
Pour que le lecteur fasse plus ample connaissance avec le héros
de celte aventure, il faut dire que celui-ci s'appelait Jean-Paul-Egide
Schwartzendorf, était né à Freistadt le 1" septembre 17il, et avait,
dès l'âge le plus tendre, pris place parmi les élèves d'un excellent
établissement dans lequel, outre sa langue maternelle, on l'avait fa-
miliarisé de bonne heure avec les premiers éléments du latin et de
la musique. Il travaillait assidûment, et ses progrès dans l'art musi-
cal furent si rapides que, sa dixième année étant à peine expirée, il
put être employé comme organiste au séminaire de Neubourg, sur
le Danube, dirigé alors par les jésuites, et dans lequel sa famille l'a-
vait envoyé pour achever une éducation heureusement commencée.
Ceux qui savent combien à cette époque les établissements religieux
de l'Allemagne étaient riches en musiciens consommés, organistes ou
théoriciens, se rendront facilement compte du degré d'aptitudes parti-
cuhères que le jeune écolier avait dû montrer pour se faire confier un
poste aussi important. Après plusieurs années passées à Neubourg, il
se rendit, en 1758, à l'université de Fribourg, où il devait suivre un
cours de philosophie, et remplit aussi dans cette ville les fonctions
d'organiste au couvent des Franciscains.
Après avoir complètement terminé ses études, il songea à retour-
ner dans sa ville natale, où il comptait s'établir et se fixer pour tou-
jours. Par malheur, son père, veuf depuis plusieurs années, s'était re-
marié pendant son absence, et à son retour le jeune Egide s'aperçut
bientôt que jamais il ne pourrait s'accorder avec sa belle-mère. En
butte à des tracasseries continuelles de la part de celle-ci, qui sem-
blait prendre plaisir à le tourmenter sans relâche, il prit un jour la
résolution formelle de quitter, pour n'y jamiis revenir, la maison
paternelle. Où irait il, que ferait-il? Cela lui importait peu. Le prin-
38â
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
cipal était, avant tout, d'échapper à des ennuis sans nombre, à une
situation intolérable. Son projet, une fois arrêté, fut bientôt mis à
exécution. 11 se sépara des siens, quitta sa ville natale et retourna
d'abord à Fribourg, d'oîi il s'achemina vers la capitale de la Lor-
raine. Mais il y a loin de Fribourg à Nancy, et quand l'escarcelle est
vide, la distance semble s'accroître encore pour le voyageur. Celui-
ci était heureusement d'un caractère à ne se point rebuter pour si
peu; marchant tout le jour, il s'arrêtait chaque soir à l'un des nom-
breux couvents échelonnés sur la route, et dans lesquels il trouvait
toujours, grâce à son costume d'étudiant, bon accueil, repas substan-
tiel et gîte confortable. Après plusieurs journées de marche , il ar-
riva de la sorte à Nancy, où de graves embarras l'attendaient.
Ne pouvant donner la preuve de son intelligence, ne trou-
vant pas davantage à utiliser ses talents, il tomba bien'.ôt dans le
plus complet dénûment. Seul, sans appui, presque sans pain, il se
demandait avec terreur ce qu'il allait devenir dans cette ville où tout
lui était étranger, tout, jusqu'au langage de ses habitants. Son cou-
rage était à bout et il laissait le désespoir s'emparer de son âme,
lorsque le hasard ou sa bonne étoile vint le tirer d'une aussi triste
position.
11 errait un matin par la ville, triste et désolé, en proie à de som-
bres pensées ; sa démarche était lente, son corps affaibli, ses traits
fatigués par la souffrance et les privations, et sans doute aucun de
ceux qui l'avaient vu jadis n'eût consenti à reconnaître en lui le
brillant et fougueux écolier d'autrefois. 11 marchait depuis longtemps
déjà, sans savoir où il était, la tète penchée vers la terre et parais-
sant n'avoir plus conscience de lui-même, tant il était absorbé dans
ses méditations! Tandis qu'il avançait ainsi, un passant le heurte
rudement, et ce choc, en lui causant une douleur assez vive, le rend
à la vie réelle. Il regarde alors autour de lui, et se trouve au milieu
d'une rue dans laquelle il n'avait point encore passé depuis son ar-
rivée à Nancy. Ses yeux se portent machinalement sur un magasin
de musique, et là, qu'aperçoit-il? des ouvriers occupés à ajuster
différentes pièces d'un orgue en construction. Comme il avait quel-
ques connaissances de la facture, un tel spectacle était fait pour
l'intéresser; il s'arrête devant le magasin et considère attentivement
le travail des ouvriers, ce qui l'amène bientôt à découvrir une er-
reur d'une très-grande importance. Il entre alors, pensant rendre un
service au maître de la maison, et, ne pouvant se faire entendre
autrement, il parvient, à l'aide de signes et de démonstrations, à
faire comprendre le défaut qu'il avait découvert dans la construc-
tion de l'instrument.
Le facteur, frappé de l'intelligence du jeune homme et de la jus-
tesse de son observation, voulant être complètement éclairé, fait
alors appeler un ouvrier allemand avec lequel celui-ci put s'e.xplî-
quer facilement. Ce facteur, qui s'appelait Dupont, était un homme
bon, charitable et hospitalier. La démonstration faite, considérant le
triste état dans lequel semble se trouver celui qui est venu si spon-
tanément à- son aide, il s'cnquiert avec bienveillance de sa position;
puis, sur les réponses qui lui sont transmises, il propose au pauvre
enfant de rester chez lui, où il sera traité comme s'il était de la fa-
mille, et où il pourra, dit-il, se rendre fort utile par ses connaissan-
ces dans la fabrication des orgues. Lgide, on le pense bien, accepta
avec autant de joie que de reconnaissance, et le vieux Tupont l'ar-
racha ainsi à la misère et au désespoir.
Arthur POUGIN.
{Tji suite prochainement.)
l'AIIÉRlQDE TELLE QU'ELLE EST.
Par OSCAR COSIETTAKIT.
Quand nous ouvrons un livre de voyage consacré à la descrip tion
des lois, des mœurs, des habitudes d'un pays lointain , nous sautons
aussitôt, et beaucoup de nos lecteurs feraient de même, sur le cha-
pitre des théâtres, de la musique des artistes. C'est ainsi que nous
avons procédé avec le nouvel ouvrage de M. Oscar Comettant, l'infa-
tigable et spirituel cicérone du monde américain, qu'il a étudié à
notre bénéfice, et dans lequel il nous conduit comme par la main.
Nous ne transcrirons aujourd'hui que quelques lignes de l' Amérique
(elle qu'elle est, et nous les emprunterons au chapitre qui intéresse
le plus notre spécialité. Le talent de notre excellent confrère jouit
d'une notoriété trop grande pour que nous ayons besoin de multi-
plier les preuves à l'appui.
« Des hôtels nous passâmes aux théâtres, en commençant par le
ISew-Boicery th'.aire, qui est un des plus beaux d'Amérique. 11 peut
recevoir six miile personnes et n'a pas coûté moins de 400,000 fr.
à faire bâtir.
» Le Wallak's théâtre est un petit théâtre renommé par le talent
de sps acteurs. On y joue tous les genres, comme c'est assez l'usage
dans les théâtres américains , mais principalement la comédie et le
drame.
1) Le théâtre de Laura Keen est un théâtre hanté par le monde
élégant. Il a été fondé par la célèbre actrice de ce nom.
» Le ISiblo's Garclen est un beau théâtre dans lequel, depuis un
grand nombre d'années, la famille Ravel représente ses pantomimes,
ses féeries et ses tours de force. Les Américains sont passionnés
pour ce genre de spectacle, exécuté par l'heureuse famille, qui
possède aujourd'hui une fortune considérable gagnée à la force du
jarret.
)) Le Boivery théâtre est le Cirque impérial de New- York. On y
représente des pièces militaires à grand spectacle. II est arrivé par
trois fois que la bourre d'un fusil a communiqué le feu à une toile,
qui a communiqué le feu au théâtre, qui a brûlé tout entier. On l'a
rebâti avec l'argent des assurances, de manière qu'il est prêt à re-
brûler une quatrième fois, s'il plaît h Dieu.
» L'Académie de musique, située au coin d'Irving place et de la
quatorzième rue (car, à partir d'un certain endroit de la ville, les
rues se désignent par numéros), est un vaste théâtre, le plus grand
de New- York, exclusivement affecté à l'exécution des grands opéras.
11 occupe un espace de 24,000 pieds carrés, IJl pieds de long sur
114 de large. La salle, très-riche en ornements et en peintures, con-
tient quatre mille stalles numérotées. Ce théâtre et le terrain sur le-
quel il est bâti ont coûté aux actionnaires 1,750,000 francs.
)) Le National theatra est un assez grand théâtre, où l'on joue gé-
néralement le mélodrame.
)) Vient ensuite le Winter garden (jardin d'hiver). Le Barnum's
muscum, fondé en 1810 par celui qui a su conquérir, avec une grande
fortune, le beau titre de roi des pufflstes. Puis enfin le musée égyp-
tien, qui renferme une collection d'antiquités, momies, etc., et les
nombreux petits théâtres de black minstrels (noirs ménestrels), dont
les plus renommés sont les Chrisly's minstrels, la Compagnie de
M. Wood et celle des frères Buckley.
» De tous les genres de spectacle que j'ai vus en Amérique celui des
black minstrels l'emporte do toute la différence qui sépare l'imitation
de l'original. Nous n'avons rien en France qui puisse donner une
idée des danses, de la musique, des scènes et du langage imité des
nègres du Sud par les acteurs blancs, qui se teignent en noir, et
forment le genre de spectacle vraiment national qui nous occupe.
Mais, pour bien comprendre ce spectacle original, il faut connaître
Dte PAHlb.
389
la nature, le langage, les mœurs et les habitudes des nègres, tels
qu'on les observe dans les plantations de tous les États à esclaves,
et tels que nous les avons observés nous-même dans la Géorgie,
comme on le verra plus loin.
» C'est à reproduire des scènes grotesques et caractéristiques que
s'attachent les black minslrels. Plusieurs de ces acteurs possèdent
un véritable talent, etpoussent l'imitation de la démarche, du langage
et des manières, des mœurs, jusqu'à la plus complète illusion. Ex-
cellents musiciens pour la plupart, ils forment, avec des instruments
de fantaisie et de forme extravagante, des concerts fort jolis, ma foi,
et tels qu'on n'en entend nulle part ailleurs dans le monde. Ils
dansent à ravir les danses nègres, et si vous voulez voir jouer des
castagnettes et blouser des timbales, avec des gestes, une expression
de visage, des pirouettes et des soubresauts les plus étranges qui se
puissent imaginer, il faut aller à New-York, au théâtre des frères
Buckley.
1) Ces mêmes frères Buckley font la parodie des grands opéras
d'une manière incomparable. J'ai ri à m'étouffer en voyant un soir la
parodie de Lucie de Lamennoor. Le désespoir de Lucie (un des frères
Buckley habillé en négresse) et la scène où Edgard se poignarde avec
un sabre comme on n'en vit jamais, sont le comble du grotesque
amusant.
» Il n'en coiite que 2 shillings américains (1 fr. 25 c.) pour voir
le spectacle des minslrels. Aussi les théâtres qui offrent ce genre
d'amusements sont-ils toujours remplis à New-York.
» Au reste, les plaisirs sont tous à bon marché de l'autre côté de
l'Océan ; d'oïi il résulte que tout le monde pouvant se distraire plus
ou moins en Amérique, les théâtres, qui ne sont l'objet d'aucun
privilège et sont tous entièrement libres, font généralement de bonnes
affaires. »
NOUVELLES.
-,*^ Au théâtre impérial de l'Opéra, les Huguenots, la Muelle de Por-
tic.i, le Trouvère et Robert le Diuble ont composé les spectacles de la se-
maine dernière, et l'afiluence a été grande à chacune de ces représen-
tations.
,f*.j, Une indisposition a empêché Villaret de se faire entendre la
semaine dernière, et comme elle se prolonge, Warot le remplacera
dans le rôle d'Aménophis de Moise.
^*i La repri.«e de liiuise est annoncée pour la semaine prochaine. La
mise en scène a été l'objet d'un soin tout particulier. Toutes les
décorations sont nouvelles, les anciennes ayant été briilées dans l'in-
cendie du magasin des Menus-Plaisirs. On parle du tableau final,
représentant le passage de la mer Rouge, comme devant produire un
eÊfet saisissant, et d'un ballet fort original et très brillant, réglé par
M. Petipa, l'habile chorégraplie. Dans le courant du mois de janvier
sera donné pour le début de Mlle Amina Boschetti, le ballet nouveau
en trois actes et cinq tableaux, de M. de Saint-Georges, dont le titre
n'est pas encore arrêté. La musique de ce ballet est de M. P. Giorza.
Un opéra en un acte de IIM. Michel Carré et Cormon, musique de
M. Ernest Boulanger, sera joué à la même époque. Enfin, on annonce
pour le mois de mars la première représentation de Roland à Ronce-
vaux, le grand ouvrage de M. de Mermet. Les deux principaux rôles de
cet opéra sont confiés à M. et Mme Gueymard.
f*^ L'engagement de Faure finissait au mois d'août prochain ; il
vient d'être renouvelé pour trois ans, à partir de cette époque.
,^*\f La Fiancée du roi de Gurbes sera représentée dans la dernière se-
maine du mois.
j*^ Mardi aura lieu une représentation au bénéfice de la caisse de
secours de l'association des auteurs dramatiques et compositeurs de
m.usique, dont la partie lyrique se compose du qnati'ième acte de la
Favorite, clianté par Gueymard, Canaux, Mme Gueymard et les chœurs
de l'Opéra ; du troisième acte d'Olello, chanté par Duprez et Mme Bor-
ghi-l^amo, et de Rose et Colas.
,(*» Le théâtre Italien a repris dimanche dernier Luerezia Borgia,
dont Fraschini et Mme de la Grange remplissaient les deux principaux
rôles: Délie Sedie et Mme Meric Lablaohe étaient chargés de ceux du
duc et d'OrsJni. Fraschini, dans le personnage de Gennaro, ne pouvait
que maintenir sa supériorité désormais si bien établie, mais la parti-
tion de Donizetti, l'une des meilleures parmi ses œuvres médiocres,
ne prêtait h aucune révélation nouvelle. Nous en dirons autant de Mme
de la Grange et de Délie Sodie, qui ont joué et chanté avec leur suc-
cès ordinaire. Le costume masculin sied fort bien h Mme Méric-La-
blache, mais nous n'approuvons pas le changement de registre, tantôt
élevé, tantôt bas, qu'elle introduit dans le Brindisi.
j,*,^ iVIercredi, un début a eu lieu dans le Trovalore , celui de
Giraldoni, baryton distingué, qu'une indisposition assez grave avait em-
pêché d'inaugurer la saison. L'indisposition a cessé, mais la terreur a
piis sa place, et rarement en avons-nous vu d'égale à celle qui domi-
nait le débutant. Si le volume de la voix en a souffert, du moins on en
a pu juger la qualité qui a paru bonne et jolie. Du reste, Giraldoni est
non-seulement un chanteur, mais un acteur, disant parfaitement
le récitatif, et dont la tenue, les gestes, le costume attestent l'intelli-
gence et en quelque sorte l'origine. Giraldoni est un artiste français,
qui a fait sa réputation sur la terre étrangère.
*',, Fraschini doit retourner à Madrid vers la fin du mois, époque à
laquelle Adelina Patti est attendue à Paris. Le célèbre ténor chantera
avant son départ, outre les rôles dans lesquels on l'a déjà applaudi, dans
hrnani et Un ballo in laaschera. Mario viendra de Madrid [lour lui succéder.
,*j Le théâtre Italien prépare des reprises de Cenerentola et de
Semiramide.
^*^ Le succès qu'Adelina Patti obtient au théâtre de l'Oriente à
Madrid tient du fanatisme. Après la Sonnambula et Lucia, l'éminente
artiste a chanté lîosina du Barbierc. Llle a été acclamée, applaudie, rap-
pelée et couverte de fleurs. Jamais cantatrice n'avait obtenu de pa-
reilles ovations à Madrid. Les ouvrages dont elle doit chanter encore
les rôles principaux, sont JJon l'asquulc , Alarta et la FigUa del reggi-
mento.
s,*» L'inauguration de la nouvelle salle des Bouffes-Parisiens est fixée
au 24 décembre. On répète activement les piècesd'ouverture.lll faut citer en
première ligne une nouvelle œuvre d'Offenbacl], l'Amour chanteur, dont
les paroles sont de .VIM. Nuitter et Lépine, et qui servira de débuts à
Mlle Irma Marié. Cette opérette se tornnne par une Pastorak genre
Louis XIV, avec les costumes copiés sur les types originaux de l'époque.
Vient ensuite une autre nouveauté, dont Olfenbacli a écrit la musique
en quelques jours, à la suite d'un pari. C'est Lieschen et Fritzchen, opé-
rette à deux personnages, jouée avec succès â Ems cet été. Mlle Zulnia
BouÊfar, aujourd'hui pensionnaire des Boatfe-, s'y faisait applaudir dans
le rôle de Lieschen, et aura pour partenaire Désiré. Le spectacle com-
mencera par un Prologue, fantaisie poétique de circonstance, due à la
plume élégante de M. Dhorville.
3,*^ VÉlectre de Sophocle, traduite par Léon Halévy, et qui fait partie
de son bel ouvrage, la Grèce tragique, est en répétition au théâtre de
rodéon où elle doit être bientôt représentée.
j*i Le Prophète a été représenté au théâtre del Licco à Bar-
celone, avec un succès non moins éclatant que l'année dernière.
Mmes Elise Masson et Colson, dans les rôles de Fidès et de Berthe, et
le ténor Negrini, dans celui de Jean, ont produit le plus grand effet.
Cresci et Brémont, qui jouaient Oberthal et Zaccharie, se sont montrés
également très-remarquables.
**„: L'Adresse à l'Empereur des compositeurs de musique dont
nous avons parlé dans notre dernier numéro est ainsi conçue :
« Sire,
» La suppression des privilèges exclusifs des théâtres, due à la plus
libérale et à la plus éclairée des initiatives, ouvre enfin une large car-
rière à l'art musical en France.
» Aussi favorisés que les peintres et les sculpteurs pour la libre mani-
festation de leurs œuvres, les compositeurs affranchis désormais des
entraves qui, sans cesse renouvelées, arrêtaient tout essor, truuveront,
avec la facilité de se produire devant le public, l'utile emploi de leur
talent et la plus féconde émulation.
» Cette nouvelle, entièrement due à la protection que Votre Majesté,
dans sa haute sagesse, daigne accorder â l'art lyrique, donnera plus
d'éclat encore à l'Ecole française menacée, peut-être, de perdre le rang
élevé qu'elle a su conquérir.
>i Veuillez donc permettre, Sire, que les compositeurs de musique
soient les premiers â acclamer cette heureuse décision et à offrir à
Votre Majesté l'humble hommage de leur profonde reconnaissance.
» Nous sommes, avec le plus profond respect, Sire, de Votre Majesté,
les très-humbles et très-obéissants serviteurs. »
Suivent les signatures, au nombre de plus de quatre-vingts, parmi
lesquelles figurent celles d'Auber, Carafa, Félicien David, Gounod,
Meyerbeer, Poniatowski, Rossini, Ambroise Thomas, Vogel. Probable-
ment les illustres signataires de cette adresse, y ont, comme il arrive
trop souvent, apposé leur nom, sans la lire. Autrement nous les trouve-
rions beaucoup trop modestes, et nous aurions peine à nous expliquer
l'opinion qu'ils expriment sur le danger qui menace l'école française.
Toute la responsabilité de cette phrase, qui est loin d'èlre une vé-
rité, doit être renvoyée aux rédacteurs do l'adresse, qui avaient peut-
être leurs raisons pour penser et parler ainsi.'
390
KKVllE KT GAZETTE MUSICALK
a,*» Trois opéras et trois comédies ont été reçus par le comité de
lecture de Bade, pour la saison de I86i. MM. G. Héquet et Laureacin,
Pascal et J. Barbier, Mme de Grandval et M. Carré sont les auteurs des
opéras; les comédies sont de MM. Ernest Feydeau, Decourcelles et Ver-
consiu.
^*^ Le duc de Saxe-Coljourg-Gotha, auteur de Diane da Solangoset de
Santa-Chiara, \ient de terminer un nouvel opéra en trois actes.
^*, Mme Volplni a signé un engagement au théâtre impérial de
Vienne, où elle chantera en avril et mai. Elle ira ensuite à Londres,
et se fera entendre pendant toute la saison au théâtre de Sa Majesté.
„** M. Marchand, nommé rapporteur du projet de décret relatif à
la liberté des Iht'âtres, a lu son rapport samedi dernier à la section de
l'intérieur, au conseil d'Etat. Dans quelques jours, le rapport sera lu à
toutes les sections du conseil réunies, et l'on s'attend généralement à
voir le décret promulgué avant la fin du mois.
^*^ Le Journal de Dresde annonce que, par ordre supérieur, l'inten-
dance du théâtre de la cour, à Dre.'de, avait entamé des négociations
avec le compositeur Fiichard Wagner, pour l'engager comme chef d'or-
chestre. Les conditions posées par le célèbre musicien étaient exorbi-
tantes : il demanda 6.001) florins de pension viagère et un appartement
au château grand-ducal; en outre, une loge au théâtre et un équipage
de la cour devaient être niis à sa disposition. Peut-être aurait-on fini
par accepter, mais M. Wagner exigea en même temps que son nouvel
opéra, Tristan, fût représenté dans un bref délai. Alors ses hauts pro-
tecteurs eux-mêmes reconnurent qu'il demandait l'impossible, et les
négociations furent rompues.
**» Le concert donné dimanche deruier au Cirque Napoléon était un
de ceux sur lesquels tout commentaire est superflu, parce que les mor-
ceaux en sont connus et que l'exécution en est parfaite. Le Rigodon,
de Hameau, a fait beaucoup de plaisir, et l'adagio du septuor de Beet-
hoven a enthousiasmé l'auditoire.
^"^ Voici le programme du septième concert populaire de musique
classique, qui aura lieu aujourd'hui : symphonie en sol mineur, de Mo-
zart; concerto pour violoncelle, de Molique, adagio et final, exécuté
par M. Piatti; ouverture de Genevièoe, de Robert Schumann; andante du
quatuor n" 50, de ilaydn, exécuté par tous les instruments à cordes;
symphonie en ut mineur, de Beethoven.
»*a. La Société nationale des beaux-arts a donné depuis un mois trois
séances de musique de chambre organisées par M. Félicien David ;
colle da vendredi dernier se composait du délicieux quintette en la
majeur de Mozart, du soixante- quinzième quatuor d'Haydn, de Tandante
et du finale du premier concerto d'Alard, exécutés par M. Dumas. Le
quintette et le quatuor ont été rendus d'nne façon très-remarquable,
mais le succès de la science a été surtout pour M. Dumas, virtuose
habile et sûr. Son style a de la fermeté, de l'empleur, son jeu de la
grâce et de l'élégance, et la justesse est parfaite chez lui, même dans
les ditficultes les plus ardues de la double corde.
,*^ Liszt et Clara Schumann' sont attendus à Saint-Pétersbourg. Liszt
a l'intention d'y faire entendre ses compositions symphoniques.
„*„, JlUe Carlotta Patti ne donnera pas moins de quarante concerts
dans l'espace de sept semaines, en Belgique et en Hollande. Ces con-
certs, organisés par l'imprésario UUmann, auront lieu en janvier et fé-
vrier, avec le concours d'Alfred Jaell, Laub, Kellerman, Scola et Chiara-
monte. La plupart des villes ont accepté le prix de 2,500 et 3,000 francs,
réclamé pour cet ensemble d'artistes érainents, â la tête desquels brille
la sœur d'Adelina. Le Grand-Théâtre de Bruxelles, où Mlle Patti doit
donner ses concerts, lui abandonnera les trois quarts de la recette. A
la suite de cette pérégrination, la Carlotta se fera entendre à Paris.
,*^ J. Rosenhain est de retour de Bade et passera l'hiver à Paris.
^*^ Mlle Octavie Caussemille est de retour à Paris, où nous aurons
probablement bientôt l'occasion de l'applaudir. L'excellente artiste vient
d'obtenir un très-grand succès à une soirée de musique de chambre à
Marseille, où dans un trio de Mendelssohn et un scherzo de Prudent
elle a fait valoir toutes ses brillantes qualités de pianiste.
,t** M. Georges PfeiEfer est de retour de ses engagements des Socié-
tés philharmoniques de Lille et de Valenciennes. Les journaux de ces
deux villes sont unanimes à constater son immense succès. La barca-
role de son second concerto, la Kermesse de Fausl et la Ruche surtout ont
excité l'enthousiasme. Le brillant virtuose s'est vu, dans les deux villes,
forcé d'ajouter au programme pour répondre au désir dû public.
*** Voici le programme de la première séance populaire de musique
de chambre, que MM Cl). Lamoureux et E. Rignault donneront dans
la salle Herz, le mardi S décembre, à 8 heures 1/2 : quintette en la
majeur, de Mozart; sonate (oeuvre 32) pour piano, de Beethoven; va-
riations du 76'' quatuor do Haydn ; sonate pour violon, publiée en 1754,
de Porpora, exécutée par M. Ch. Lamoureux ; sérénade pour violon, alto
et violoncelle, de Beethoven.
/a, Les répétitions à'Elie, de Mendelssohn, sont commencées sous la
direction de Pasdeloup, qui fera exécuter cet oratorio dans le courant
de l'hiver par de grandes masses vocales et instrumentales.
,** Mardi 8 décembre, pour la fête de l'Immaculée Conception, sera
exécutée à 11 heures précises, à l'église Saint-Eustache, la cinquième
messe en musique de la composition de M. Ch. Manry. La quête sera
faite au profit des sociétés de .^ecours mutuels du quartier de: Halles.
M. Batiste touchera le grand orgue. M. Hurand, maître de chapelle ds
la paroisse, dirigera l'exécution.
:,*» Un très-brillant concert a eu lieu dimanche dernier h la salle de
la Sorbonne, au bénéfice d'une société de bienfaisance du quartier de
la Monnaie. Parmi les artistes qui ont prêté leur concours désintéressé
à cette matinée musicale, nous avons remarqué Mlle Clémence Laval,
une pianiste de goût et de méthode, dont nous avons plus d'une fois
signalé le talent charmant et sympathique. Mlle Laval a fait entendre
avec succès Regrets, mélodie variée de sa composition, qui a été vive-
ment applaudie, et elle a terminé brillamment par le galop Sans souci
d'Ascher, qui demande une grande prestesse de mécanisme. C'est un
nouveau succès dont nous félicitons Mlle Clémence Laval.
/^ M. Auguste Durand, organiste du grand orgue de Saint- Roch,
vient d'être choisi par le conseil de fabrique de Saint- Vincent de Paul
pour tenir le magnifique instrument placé il y a quelques années dans
cette église par M. Cavaillé Coll, instrument qui a valu au célèbre fac-
teur 2a grande médaille d'honneur à l'exposition universelle de 1855.
M. Cavallo, qui remplace M. Durand, vient d'être nommé à Saint-Ger-
main des Prés.
,j*^. Le concert de bienfaisance donné la semaine dernière à Rouen
a été très beau et très-productif. Les frères Lyonnet y ont obtenu un
grand succès. Après plusieurs chansons de Nadaud et de Clapisson, ils
ont fait entendre deux jolies petites pièces de M. Jules Marguerin : Au-
tomne, adieu ! Bonjour, hiver ! et Si j'avais c' que j' n'ai pas ! Cette der-
nière, dont le compositeur a écrit aussi les paroles, est une délicieuse
chanson. M. Jules Marguerin, quoique simple ainateur, est excellent mu-
sicien et parfaitement doué ; aussi ses premières romances : Péchés
mignons, l'Hirondelle, Un peu gros, mais aimable, le Progrès au village, etc.
(vendues au profit des ouvriers cotonniers), ont-elles été beaucoup chan-
tées et beaucoup applaudies. Nous sommes certain que ses dernières
publications auront le même bonheur.
i*^ Une nouvelle composition pour le piano de Stephen Heller, in-
titulée Feuilles d'automne, est sous presse.
^*^ Chrétien Théophile Schrœter, qui a inventé le piano en 1717, est
né à Hohenstein, dans la Suisse saxonne, le 19 août 1699, comme on l'a
établi récemment. Son père y exerçait le métier de tisserand, sa mère
était fille d'un maître d'école.
^*f: Les ouvriers de la manufacture d'instruments de musique de
M. Gautrot, à Château-Thierry, ont célébré la fête de sainte Cécile avec
beaucoup d'éclat. Bon nombre d'eux, précédés du corps de musique de la
fabrique et de la statue de la sainte, patronne de l'harmonie, ont traversé
les rues pour .se rendre à l'église. Pendant la marche, la musique, sous la di-
rection de son habile chef, M. Romei, exécutait parfaitement des mor-
ceaux de son répertoire. A Saint-Crépin, où s'étaient rendus les invités
et les amateurs de la ville, des parties de l'office chantées par les
ouvriers de la fabrique ont alterné avec les symphonies exécutées par
la musique et donné à la cérémonie religieuse un grand attrait.
^*,j L'excellent pianiste et compositeur M. Bergson vient d'être
nommé directeur des classes supérieures de piano au Conservatoire de
Genève.
^*^ Nous annonçons et recommandons une Tarentelle pour piano,
que vient de publier Vincent Adler. Ce morceau, vif et charmant, qui
semble traversé par une chasse, obtiendra le succès de vogue, dont
son auteur possède le secret.
.^*f, La brillante fantaisie sur Robert le Diable, composée pour le vio-
loncelle par Alexandre Batta et qui a été tant applaudie dans les nom-
breux concerts où l'auteur l'a jouée, va paraître incessamment.
^*^ Jeudi, 10 décembre, de 1 à 3 heures, aura lieu, dans les salons
de M. Dardel, facteur de piano, 18, rue Favart, la première séance
publique et gratuite d'improvisation musicale, d'après un nouveau
traité, sanctionné par Bossiai, traité ou cours de composition très-
clair et à la portée de toutes les intelligences, par Missler et Passa-
monti.
f*t Un fort joli duo pour le piano à quatre mains composé par
Edouard Wolff, sur des thèmes des Bavards d'OEfenbach, vient de pa-
raître. Ce morceau, plus facile que la plupart des duos du même auteur
sur des thèmes d'opéras, est trop bien écrit pour ne pas avoir le même
succès.
^*j Théâtre du passage de l'Opéra. Les artistes dramatiques, chan-
teurs et instrumentistes, qui désirent, se produire sans frais, devant le
public, sont prévenus qu'ils peuvent trouver cette facilité en s'adressant
à l'agence centrale de l'Europe artiste-, 12, avenue Trudaine, dirigée par
M. Ch. Desolme. Ceux qui préféreraient courir les chances d'une re-
présentation à leurs fraiss peuvent s'adresser également aux bureaux
de ladite agence pour traiter en conditions.
^*^ Joseph Mayseder, le célèbre violoniste et compositeur, dont nous
avons annoncé la mort, avait dirigé l'orchestre de la cour, à Vienne.
Ses nombreuses œuvres de musique instrumenlale lui conquirent de
DE PARIS.
bonne heure une réputation méritée et durable ; leur vogue s'est tou-
jours soutenue ; et s'explique par le charme aisé, l'élégance soutenue
et l'heureuse disposition des idées musicales de Mas'seder, l'un des plus
remarquables compositeurs qui aient exploré les domaines tempérés et
gracieux de la musique de chambre. Nous lui consacrerons prochaine-
ment un article nécrologique.
^,*^ Le violoniste piéniontais, Pietro Feroglio, élève de Bruni et de
Pugnani, successivement chef d'orchestre ou soliste à Strasbourg, à
Grenoble, à Vienne, en Belgique, à Clermont, enfin à Auxerre, est
mort en cette ville à l'âge de quatre-vingt-cinq ans. 11 enseignait son
art avec succès dans cette dernière ville depuis 1814.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
j*s. Bordeaux. — La fête de la patronne des musiciens a été pompeu-
sement célébrée, le 26 novembre dernier, à Notre Dame, par la Société
de Sainte-Cécile. L'orchestre, dirigé par M. Jlézeray, a exécuté l'ouver-
ture de Sparlacus, de Camille Saint-Saëns, et celle de concert de
de SL Bouleau-Neldy, de Saumur, Ces deux œuvres, couronnées au
concours de composition musicale de 1863, sont très-remarquables,
et toutes deux d'un style différent. — La messe d'A. Elwart a été
admirablement exécutée. On a beaucoup remarqué le ténor Teschard,
le mezzo-soprano Mlle Peyret, le baryton Técheny et la basse Labernar-
die, tous Irois élèves de M. Sarreau, professeur de l'école gratuite de
Sainte-Cécile. — M. Delaltre, cor anglais, a été ravissant de style dans
VO salutaris, et JL Postulat, clarinettiste, ainsi que Mlle Henriette Mé-
zeray, harpiste, ont été également très-goûtés. Nul doute qu'après
un tel succès, la messe d'A. Elwart ne soit désignée l'an prochain au
chef du comité de l'Association des artistes musiciens de France, dont
l'auteur est un des membres les plus dévoués.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
,*„, Londres. — Le nouvel opéra de Balfe, Blanche de Nevers, a été
favorablement accueilli au théâtre de Covent-Garden. Le libretto est
une imitation du drame ?<; Bossu, habilement arrangée par J. Jirougham.
La musique se distingue par des mélodies fraîches, et notamment dans
les airs et ballades qui abondent dans l'ouvrage. Les morceaux
d'ensemble et l'orchestration ont moins satisfait le public. L'exécution,
confiée principalement à Mlles Pyne et Heyvvood,lUL Harrison etWeiss,
a été remarquable. — Un concert donné à Brighton par le pianiste
M. Kuhe, avait réuni une brillante pléiade d'artistes de premier ordre,
qu'un nombreux auditoire est venu applaudir. Mmes Tietjenset Trebelli,
MM. Santley, Bettini et Rossi donnaient un grand éclat à la partie
vocale du concert, et M. Engel a fait entendre une nouvelle fantaisie
très-réussie pour l'harmonium, exécutée avec un talent hors ligne.
^,*^ Berlin. — La Muette Je Portici, qui a été donnée récemment au
théâtre Royal, a produit beaucoup d'effet. On a surtout applaudi Formés
(Masaniello) et Mlle Selling (FeneUa). — L'académie de chant a exécuté le
Requiem de Mozart et une cantate de Bach ; le 3 décembre, elle fera en-
tendre Elie, de Mendelssohn. — La première soirée du Domchor a eu
lieu le 3 décembre. — La chapelle royale a donné trois soirées de sym-
phonies dans l'espace d'un mois.
,j*^ Vienne. — Ce qui donnait un intérêt particulier au concert qui
a eu lieu dans la salle de l'opéra de la cour, c'est l'exécution de
l'ouverture écrite par .Meyerbeer pour l'exposition de 1862 à Londres.
Cette magnifique composition, qu'on avait consciencieusement étudiée,
a produit un effet immense. — Les répétitions de ta Fie du Rtiin, l'opéra
d'Offenbach, sont assez avancées pour que le compositeur ait pu se
rendre à Paris, où il assistera à la réouverture du théâtre des Bouffes;
il reviendra à Vienne pour la première représentation de cet opéra,
laquelle est fixée au 20 décembre. — Le théâtre de la Cour a repris
avec beaucoup de succès Akssandro StradeUa, de Flotow.
4*j Leipzig. — Au septième concert du Gevvandhaus, on a entendu
une symphonie inédite de Jadassohn : succès d'estime. Ganz, l'excellent
ténor qui est en grande faveur aujourd'hui en Allemage, a été vivement
applaudi dans ce concert. Auer, violoniste, qu'on entendait pour la
première fois, a été très-birn accueilli.
j% Milan, i." décembre. —Aldina, nouvel opéra de Hieardo Gandolfi,
compositeur génois, élève de Pacini, est une œuvre distinguée de bon
genre et de bon goût. La musique en est facile, élégante, mélodieuse,
instrumentée avec talent. Le public en a tenu compte, en rappelant le
compositeur un nombre infini de fois. — On annonce les Huguenots à
la Scala, pour la saison de carnaval.
»*,t Saint-Pelersbourij. — S. M. le roi Victor-Emmanuel a daigné con-
férer l'ordre des Saints-Maurice et Lazare à .M. Ciarrti, 1" lliitc solo
du Théâtre impérial italien et de la cour, artiste éminent dont le ta-
lent est hautement apprécié à Saint-Pétersbourg.
*** Sydney. — Les Huguenots ont eu ici douze représentations consé-
cutives fort bien exécutées, avec une mise en scène très-soignée. —
Deux artistes français, MM. Ponssard et Douay, annoncent des séances
de musique do chambre. Us arrivent de la Nouvelle-Zélande ; à Adélaïde,
ils ont donné cinquante-cinq concerts.
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49. Richard Cœur de lion.
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.52. Polka des Lanciers.
60. La Dernière rose, rêoerie.
53. Chœur des Chasseurs {Robin}.
ni. Orphée.
H3. La F.imille suisse, tyrolienne.
56. Mjrche milanaise.
57. L'Ohio, redowa.
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/lir; Cujus animam Stabat Mater.
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Cavalhte : Lorsqu'à mes yeux Martha.
Aria: Un aura amorosa Cosi fan tutte.
Couplets: 0 dieu des flibustiers Sirène.
Air : Plus rien sur terre Sonnamedla.
Ballade: Jadis régnait en Normandie. Robert le Diable.
Air : Frais vallons, bois Fbeïschutz.
Romance : Ne parle pas. Rose Dragons de Villars.
Cavaline : O toi, ma mère Chaperons blancs.
Cavatine : Croit en mois Paulus.
Canzone : In fondo agli Abruzzi Stradelh.
Chanson : Ali ! que j'ai froid Pardon de Pi oeruel.
15. Anbcr Barcarolle : Ah ! que la nuit est belle Haïdée.
16. Gtluck Canta&ite: Non,sanstoi jenepuisvivre Alckste.
17. Adam TÏOïnaHce.- Assis au pied d'un hôLrs. . . Postillo.x de Longj.
18. Auber Air: G'est-elle qui chaque jour .... . Part du Diable.
19. MeiKlelssoitH Air: Une auréole de lumière Paulds.
20. Flotow Hymne : Astre plein de grandeur ... . Stradella.
21 . Mozart Aria : Oh, cara imagine ! Il fladto magico.
22. Vbomas Romance : kti'. ce serait an crime... Roman i.'Elvire.
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5. DŒHIiER. —Op. 42. Deux études.
6. FAVARGER. — Op. 42. Galiban, grande valse.
7. GORIA. — Op. 41. Grande mazurka.
8. HELIiER (Stéphen). — Op. 56. Sérénade.
9. HENSBLT. Poëme d'amour.
10. HERZ (H.). — Op. 143. Mazurka.
11 . JAELL. — Le Carillon, morceau élégant.
12. LACOMBE. —Op. 54. Marche turque.
13. LESCHETIZKY. - Chant du Eoir, idylle.
14. IiITOLFF. — Chanson du rouet.
15. LISZT. — Deuxième marche "hongroise.
16. MENDEIiSSOHN. — Presto scherzando.
17. MOSCHELÈS. — Op. 95. Trois études.
18. PRUDENT. — Op. 33. Farandole.
19. THAIiBERG. — Op. 35. Le Trémolo.
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SOMMAIRE . — Auditions musicales, par Adolphe Botte. — Martini (2' arti-
cle), par Arthur Poug;in. — Lettres de Félix Mendelssobn, traduites par
J. Duesberg. — Correspondance : Saint-Pétersbourg, — Revue des théâ-
tres, par D. A. B. Saint-Yves. — Nouvelles et annonces.
AUDITIONS MUSICALES.
aiesse de U. Cbarles Uanry à, Saint-Enstacbe. — Pre-
mière séance popnlaîre de musique de cbambre de
mi. Oli. Kiamonreax et E. Bignault.
M. Charles Manry est un musicien instruit, sérieux et convaincu ;
de plus, il est mélodiste. Il trouve souvent des chants qui lui ap-
partiennent en propre, et il sait les accompagner avec beaucoup d'é-
légance et de distinction. Sa nouvelle messe, exécutée mardi à Saint-
Eustache, à l'occasion de la fête de l'Immaculée Conception, est une
œuvre d'un mérite peu commun.
Le solo de basse du Qui tollis, fort bien dit par Gazaux, et le
Susctpe, chanté par le ténor, sont d'une grande suavité et portant au
recueillement.
Riche d'effets d'harmonie, le Credo est très-développé et très-
vigoureux.
La couleur vraiment religieuse, la simplicité et le naturel des mo-
tifs font de ro salutaris, chanté d'abord par le ténor, le soprano et
la basse, puis repris par le chœur, un morceau tout à fait remar-
quable.
Le thème, un peu vague, de VAgnus ne manque ni de charme ni
d'originalité.
Après une seule audition, nous ne prétendons pas donner une ana-
lyse bien détaillée de cet ouvrage, nous citons seulement les mor-
ceaux qui nous ont le plus frappé.
Mélancoliques, tristes et gracieuses, les mélodies ont produit tout
l'effet qu'elles devaient produire. Le travail intéressant de l'harmo-
nie, le talent et l'habileté avec lesquels sont traitées les parties vo-
cales, qui chantent constamment et qui ne sont jamais sacrifiées,
fût-ce aux plus attachantes combinaisons du contre -point, au plus
chaud coloris de l'accompagnement instrumental, ont été fort ap-
préciés.
En somme, dans cette cinquième messe écrite à trois voix, l'au-
teur a encore une fois très-heureusement réuni les précieuses quali-
tés qu'il doit à l'art et à la nature : le savoir et l'imagination .
— La liberté des théâtres va-t-elle réveiller des génies endormis
394
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
depuis trop longtemps? Va-t-elle révéler au monde musical des
œuvres pleines de sève, d'originalité et de grandeur? Beaucoup
l'espèrent. Quoi qu'il en soit, on se réjouit que les compositions d'un
vrai mérite aient enfin repris le rang qu'étaient parvenues à usurper
des pauvretés instrumentales, oii la part de l'habileté et du méca-
nisme était la meilleure. Haydn, Mozart, Beethoven et Mendelssohn
trouvent chaque jour de nouveaux auditeurs intelligents, attentifs,
passionnés pour leur noble et magnifique langage, pour leurs savants
et poétiques développements. Ces pures gloires de l'école allemande,
qui ont déposé dans le style symphonique, dans le quatuor et dans
la sonate des trésors de science et d'inspiration, arrivent enfin,
parmi nous, à une popularité qui prouve encore une fois de plus
que les conceptions vraiment belles triomphent de tous les engoue-
ments et finissent toujours par reprendre la place qui leur est due.
La mode a de singuliers revirements ! Il y a une quinzaine d'an-
nées, la variation et la fantaisie brillaient sur toute la ligne : les
gerbes d'arpèges, de gammes, d'octaves, éblouissaient les auditeurs
ébahis; aujourd'hui, elle se remet à fêter les maîtres, elle proclame
partout que, seuls, ils méritent les suffrages des gens de goût, que,
seuls, ils ont le don de s'adresser, à la fois, au cœur et à l'intelli-
gence, de faire vibrer l'âme humaine, de la réchauffer et de l'arra-
cher aux influences malfaisantes qui, de toutes parts, la sollicitent
d'oublier le beau pour l'utile, le pur et le désintéressé pour le tri-
vial et le fructueux : aussi ne parle-t-on partout que de concerts
populaires de musique de chambre.
A la première séance populaire de MM. Charles Lamoureux et
Emile Rignault, donnée mardi salle Herz, il y avait un auditoire
très-sympathique, très-nombreux, et, disons-le, très-aristocratique.
La société Lamoureux, Rignault, Colonne, Adam et Borelli, a déjà fait
ses preuves de lalent. Grâce à des études consciencieuses, elle est
arrivée à un remarquable ensemble, à une unité toujours difficile à
atteindre, même par des solistes qui, pris isolément, obtiennent le
plus de succès. Ses qualités solides ou aimables ont été fort
applaudies l'autre soir; mais bien davantage encore dans des varia-
tions d'Haydn et dans une sérénade de Beethoven que dans le
quintette de Mozart, qui, à part le larghetto, délicieusement inter-
prété, avait laissé désirer un peu plus de chaleur et de puissance
de style et un peu plus de variété de son. Une très-jolie sonate de
Porpora a valu à M. Ch. Lamoureux de sincères bravos. C'était jus-
tice; car, après s'être montré si sobre, si contenu dans la musique
d'ensemble, il était difficile d'être plus nerveux et plus brillant.
On le sait, la grande sonate de Beethoven, op. 22, est tout un
poëme. Dans le plan, dans la conduite des idées et jusque dans
leur nombre , on sent l'influence d'Haydn et de Mozart, mais déjà
on aperçoit la puissante individualité de l'auteur. Le premier alle-
gro, brillant, rapide et fougueux ; le minuetto, très-gracieux et très-
chantant ; le rondo, délicieux allegretto tendre, spirituel, enjoué,
mais traversé çà et là de ces éclairs que l'on retrouve souvent dans
les pages les plus aimables du maître, et surtout Vadagio, plein de
mélancolie, de tendresse et de passion ; tout, en un mot, aurait dû
causer le plus vif plaisir. Malheurensement, M. Camille Saint-Saëns a
joué cette sonate comme il eût joué certaines pièces bizarres et
capricieuses de Chopin: ça été un continuel te?npo rubato, un conti-
nuel cahotement de rhytlime qui, notamment dans l'adagio et dans
le rondo, ont efféminé et parfois défiguré la pensée de Beethoven.
Adolphe BOTTE.
MARTINI.
(2= article) (1).
II.
Il y a quelque quarante ans , notre théâtre de l'Opéra possédait
pour timbalier un garçon distingué, musicien de talent en même
temps qu'homme d'esprit, — ce qui n'est ni si rare ni si extraordi-
naire que l'on pourrait l'imaginer, — qui écrivit pour notre première
scène lyrique les partitions de plusieurs ballets délicieux, dont quelques-
uns, la Sylphide entre autres, ont conservé une réputation méritée,
et sont restés comme les modèles du genre. L'artiste en question,
Allemand d'origine, était malheureusement affligé d'un de ces noms
à résonnance germanique que leur construction barbare rend si durs
à prononcer pour nous, et à l'audition desquels aucune oreille fran-
çaise n'a jamais pu s'habituer. Aussi l'infortuné avait-il la douleur de
l'entendre journellement écorcher par tous ceux qui avaient affaire
à lui. Après nombre d'efforts faits en pure perte pour parvenir à pro-
noncer purement ce nom fatal
SCHNEITZHOEFFER
plusieurs de ses compagnons se résignèrent, pour leur commodité
personnelle, à le modifier à leur guise : ils le francisèrent peu à peu,
lui enlevèrent ses plus redoutables aspérités et, de contraction en
contraction, en arrivèrent à le prononcer ainsi : Chênecerf. Pour
éviter la continuation d'un abus aussi intolérable et, en même temps,
empêcher qu'on estropiât de mille façons le nom qu'il tenait de ses
pères, il finit par prendre un parti énergique, et, un beau matin,
fît parvenir à chacun de ses amis une belle carte glacée dont voici
la reproduction fidèle :
SCHNEITZHOEFER, prononces : Bertrand.
Grâce à cette traduction, aussi libre qu'il est possible de le dé-
sirer, Schneitzhoeffer vécut désormais tranquille et se maintint en
bonne intelligence avec le genre humain. Mais en tout ceci —
et le plus innocemment du monde, sans doute — il n'était qu'un
plagiaire, car le moyen avait été trouvé bon et employé dans les
mêmes circonstances soixante ans avant lui. En effet, lorsque le jeune
artiste dont je retrace en ce moment l'histoire arriva à Nancy, son
nom devint une cause d'effroi général : ce nom redoutable, dans le-
quel douze consonnes ne rougissaient pas de se réunir pour accabler
de leur nombre trois voyelles trop faibles pour se défendre, ce nom,
dis-je, résonnait mal au milieu d'une ville française où les lèvres
regimbaient à son approche et oii chacun avait peine à le prononcer.
Ce que voyant, l'ex-étudiant se rendit aux instances de son protec-
teur, et, sur son conseil, se décida à l'échanger contre celui plus
euphonique de Martini, sous lequel il fut exclusivement connu par la
suite (2).
Une fois tranquille sur le présent, le premier soin de Martini
(nous ne l'appellerons plus autrement désormais) fut de se livrer à
une étude sérieuse de la langue du pays qu'il habitait. Mais ce n'é-
(1) Voir le n° 49.
(2) Ses premières compositions furent gravées sous le nom de Mai-Uni il Te-
desco (Martini l'AlUmand), et les musiciens le désignèrent longtemps ainsi pour
le distinguer du compositeur espagnol Vincent Martini, dont la réputation était
très-grande à cette époque et que les Italiens appelaient Martini lo Spagnuolo.
Celui-ci, entre autres opéras, est l'auteur de la Cosa rara, ouvrage qui obtint
un grand succès à Vienne lors de son apparition, et balança la fortune des Nosse
di Figaro, de Mozart.
On ne doit pas non plus confondre l'artiste qui est l'objet de ce travail
avec le père Martini (Giambattista), de Bologne, auteur de la célèbre Storia delta
musica qui fut publiée en cette ville de 1757 à 1781.
Il est à remarquer que ces trois artistes, connus tous trois sous le même nom,
ont vécu presque i la même époque, l'un en France, l'autre en Allemagne, le
troisième en Italie.
DE PAHIS.
395
tait pas tout : ses études musicales étaient loin d'être complètes sous
le rapport de la théorie. Très-laborieux de sa nature, il ne se con-
tenta pas des loisirs que lui laissait son métier de facteur, et
prit sur son repos le temps qu'il lui fallait consacrer au travail .
Il se procura d'abord quelques traités d'harmonie et de contre-point,
à l'aide desquels il parvint, grâce à une volonté énergique et intel-
ligente, à acquérir ce qui lui manquait. 11 lut ensuite avec attention
plusieurs partilions des plus grands maîtres de l'époque, ce qui
acheva son éducation en lui faisant connaître ce qu'il ignorait encore
relativement à l'instrumentation, à la coupe des morceaux, à leur
caractère, etc. On peut donc dire qu'il apprit à peu près seul les rè-
gles de la composition, et qu'il ne suivit, à proprement parler, les
principes d'aucune école.
En même temps qu'il travaillait ainsi, il essayait sa veine mélodi-
que dans des compositions légères, et plusieurs romances lui valurent
à Nancy quelque réputation. On parla de lui à la cour de l'ex-roi de
Pologne Stanislas, alors duc de Lorraine, qui aimait beaucoup la
musique et qui voulut le voir. Martini fut donc présenté au prince,
qui, enchanté de sa bonne mine, lui offrit un emploi dans sa mai-
son. Le jeune compositeur n'eut garde de ^refuser, et dut, quoique
non sans regrets, se séparer de son premier bienfaiteur, le brave
Dupont. Du reste, il conserva toujours pour ce dernier une affec-
tion vive et sincère, et, dans la suite, il n'en parlait jamais qu'avec
respect et attendrissement (1).
Il va sans dire que l'emploi dont il était chargé à la cour n'était
qu'une sorte de sinécure destinée seulement à lui faciliter les moyens
de se livrer sans réserve à ses goûts pour la composition. Martini le
comprit, et encouragé par l'appui bienveillant du prince, écrivit un
certain nombre de morceaux de chant ou de piano, airs, romances,
sonates, qui furent très bien accueillis. C'est pendant le temps de
son séjour à Nancy qu'il devint amoureux d'une jeune fille de famille
très-honorable, dont il demanda la main et devint bientôt l'époux.
Stanislas étant mort en 1766, Martini ne jugea pas à propos de
rester plus longtemps en cette ville. Il avait besoin d'un champ plus
vaste pour son ambition, et d'ailleurs il espérait, comme tant d'au-
tres, trouver à Paris richesse et réputation. Il se décida donc à quit-
ter la Lorraine, et prit, avec sa jeune épouse, le chemin de cette ville
dans laquelle il arriva au moment oii un concours était ouvert pour
la composition d'une marche solennelle à l'usage du régiment des
gardes-suisses. On sait que la musique des régiments à cette époque
était encore presque exclusivement composée des airs et marches de
LuUy, qui avaient déjà beaucoup vieilli ; c'est dans le but de la ré-
générer que l'on cherchait, par des concours, à donner de l'émulation
aux musiciens nouveaux. Martini apprend en descendant de voiture
que celui-ci est fixé au lendemain ; il se met au travail à peine dé-
botté, écrit en moins de vingt-quatre heures une marche qu'il envoie
immédiatement, et cette marche, exécutée à la parade dans la grande
cour du château de Versailles, lui fait décerner le prix par le duc
de Choiseul, qui, enchanté de son talent, le prit à dater de ce jour
sous sa protection.
Le premier effet de la faveur du duc de Choiseul fut un brevet
(1) Tous les biographes de Martini s'accordent sur le fait de sa présence à la
cour de Stanislas, hormis un seul qui n'en fait aucune mention. Ceci est d'au-
tant plus remarquable que ce biographe, dont j'aurai l'occasion de parler dans
la suite de ce travail, est la princesse Constance de Salm, qui fut à la fois l'in-
time amie et le collaborateur de Martini pour son opéra de Sapho et quel-
ques autres travaux moins importants. Or, dans VElorje de ce musicien que la
princesse publia en 1842 parmi ses œuvres complètes, elle se tait absolument sur
la circonstance présente. J'ai cru, tout en adoptant la version la plus générale-
ment répandue, devoir mentionner ce silence, qui s'accorde mal avec les asser-
tions de tous les écrivains qui ont parlé de Martini, lesquels devaient Être, sur
les différents détails de sa vie, moins bien informés qu'une femme qui avait tra-
vaillé avec lui et l'avait pendant plus de vingt ans admis dans son intimité.
d'offlcier à la suite du régiment des hussards de Chamboran, que ce
ministre lit obtenir à son protégé. Par le fait de cette nomination,
Martini obtenait tous les honneurs, avantages et prérogatives attachés
au titre d'olficier sans être tenu de remplir aucune des fonctions
exigées par le service militaire. 11 avait toute facilité pour continuer
ses travaux et s'occuper, sans crainte du présent , de l'art dont il
avait fait le but de son existence. 11 profita largement de cette fa-
culté et composa d'abord un grand nombre de morceaux de musique
militaire, dans lesquels il introduisit le genre allemand, jusqu'alors
totalement inconnu en France, et qui obtinrent un grand succès.
Plusieurs années se passèrent ainsi, pendant lesquelles il écrivit
aussi beaucoup de musique instrumentale, symphonies, quatuors et
trios pour clavecin et instruments à cordes, divertissements, etc., et
jusqu'à des morceaux de harpe. Toutes ces productions furent ac-
cueillies avec une faveur marquée, tant à cause du talent qu'y dé-
ployait Martini qu'à raison de la bienveillance que lui faisait trou-
ver partout dans le monde l'état presque familier de ses relations
avec le duc de Choiseul.
Mais l'appétit, dit-on, vient en mangeant. Martini , d'abord satis-
fait de la façon dont ses compositions étaient reçues, ne se contenta
bientôt plus de ces succès qu'il considérait comme secondaires ; ses
visées devinrent plus hautes, et il prétendit se servir des facilités que
lui offrait sa position pour atteindre un résultat selon lui beaucoup
plus enviable ; le suffrage des dileUanli de salon ne lui suffisait
plus, et il voulait se mesurer avec un public plus redoutable. Bref,
il voulait, ainsi que tant d'autres, se lancer au théâtre, et la scène
devint bientôt le but avoué de tous ses efforts.
Arthur POUGIN.
[La suite prochainement.]
LETTRES DE FELIX ISENDELSSOHM
(Suite.)
A sa mère.
Leipzig, 4 octobre 1837.
Impossible de te décrire aujourd'hui le festival de
Birmingham; il faudrait plusieurs feuilles de papier — et des soirées
entières, quand quelque jour nous serons réunis de nouveau — pour
mentionner, même sommairement, tous les incidents remarquables de
ces journées (1). Toutefois je te dirai, parce queje sais que cela te fera
plaisir, que jamais jusqu'ici je n'ai eu d'aussi brillant succès, et que
je ne pourrai guère en avoir de plus complet qu'à ce festival. Les
applaudissements et les acclamations semblaient ne pas devoir finir,
dès que je me laissais voir ; parfois j'en ai ri, comme, par exemple
quand pour jouer un concerto de piano, je ne pouvais arriver à
m'asseoir devant l'instrument. Et ce qui vaut mieux que les applau-
dissements, et ce qui confirme mon succès, ce sont les offres qui me
furent faites de toutes parts, et qui cette fois avaient plus d'importance
que jamais.
Certes, je puis le dire, dans cette occasion je me suis bien con-
vaincu que si tout cela m'est échu en partage , c'est parce qu'en
écrivant mes œuvres, je ne m'inquiète pas de ce que les gens dé-
sirent, de ce qu'ils louent et qu'ils paient , mais de ce qui me semble
bon ; et c'est maintenant une raison de plus pour ne pas me laisser
détourner de cette voie. En même temps j'eus une preuve frappante
du cas qu'il faut faire de ces choses, par l'accueil qu'on a fait cette
fois à Neukomm. Tu sais combien ils le vénéraient autrefois, et le
(I) C'est à ce festival de Birmingham que l'oratorio Pautus fut exécuté pour
la première fois.
396
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
prisaient réellement au-dessus de sa valeur; les musiciens avaient
coutume de l'appeler King of Brummagem (1), et celte fois ils
l'ont négligé d'une manière inconvenante; ils n'ont joué de lui
qu'un petit morceau à la première matinée, qui a été la plus mau-
vaise, Gt le public l'a accueilli sans la moindre marque d'attention ;
et c'était vraiment une honte pour ces hommes qui, il y a trois ans,
ne connaissaient rien de plus élevé ni de meilleur que la musique de
Neukomm. Tout ce qu'on peut lui reprocher, c'est précisément d'a-
voir écrit, il y a trois ans, pour le festival un oratorio qui visait à
l'effet. Le grand orgue, les chœurs, les solos d'instruments, tout s'y
trouvait, afin que cela plût aux gens ; ils s'en aperçoivent, et cela
ne vaut rien.
Cette fois je l'ai encore trouvé toujours aimable, toujours bon.
Pour mille choses il peut d'ailleurs me servir d'exemple : ce calme,
celte politesse qui s'allie à la plus complète sincérité, je ne les ai
encore rencontrés chez personne : et puis c'est vraiment un constant
ami pour moi.
Je t'envoie ci-joint le programme complet du festival. Figure-toi
cette masse énorme de musique ! et les nombreuses connaissances
qui s'étaient rendues à la fête. Puis, après avoir joué le dernier ac-
cord sur l'orgue, qui e'st magnifique, il m'a fallu prendre le Liver-
pool-7nail; et je restai en voiture pendant six jours et six nuits,
pour aller rejoindre les miens à Francfort. J'arrivai vers minuit à
Londres, où je fus reçu par Klingemann ; il me conduisit au comité
de la Sacred harmonie Society, où l'on me remit solennellement une
grande et épaisse tabatière en argent, avec une inscription. Mercredi,
à 2 heures 1/2, j'arrivai à Francfort. A 6 heures commença le pre-
mier concert d'abonnement, où j'avais à diriger la Jubel- Ouverture et
la symphonie en ut mineur, etc.
A Rebecca Dirichlet (2).
Parmi nos concerts il y en a maintenant quatre dits historiques.
Ainsi dans l'avant- dernier nous avons joué la suite de Bach en ré
majeur tout entière, quelques compositions de Hœndel, Gluck et un
concerto pour violon de Viotti ; pour la clôture, la symphonie des
Adieux, par Haydn, dans laquelle, à la grande joie du public, les
musicienssoufflèrent réellement leurs bougies, jusqu'à ce qu'il ne restât
plus que les violonistes du premier pupitre, qui finirent en fadieze
majeur. C'est un curieux et mélancolique petit morceau. Auparavant
nous avions joué le trio de Haydn en ré majeur ; et ces gens là
n'en pouvaient revenir qu'il existât quelque chose d'aussi beau ;
et pourtant cela a été imprimé depuis longtemps chez Breitkopf et
Hsertel. La prochaine fois ce sera le tour de Mozart, dont je jouerai
un concerto et dont nous ferons entendre pour la première
fois un quatuor tiré de son opéra de Zciide, qui est resté inachevé ;
puis viendra Beethoven, et il nous restera deux concerts pour
toute espèce de compositions modernes, et nous arriverons ainsi
à parfaire le nombre de vingt.
Hier soir, il a été de nouveau vivement question de toi. Après
avoir fini d'écrire, je lus à Cécile l'épisode de Nausikaa dans la tra-
duction d'Homère par Voss : après chaque dizaine de vers je lui
communiquais les profondes remarques philosophiques que tu fis dans
le temps, pendant notre leçon de grec. La poésie de cet épisode
est réellement irrésistible, quand elle devient sentimentale. De tout
temps j'aurais voulu le mettre en musique et j'en éprouve de nouveau
le désir : mais de nos jours peut-on compter sur un succès avec
un poêle allemand ?
Pendant la semaine passée j'ai reçu quatre projets d'opéras, l'un
plus ridicule que l'autre. C'est autant d'ennemis que je me fais ! —
En attendant, je fais de la musique instrumentale, et j'aspire à ren-
contrer le poëte inconnu, qui demeure peut-être à côté de moi, ou
bien à Tombouctou ; que sais-je ?
Traduit pur J. DUESBERG.
CORRESPONDANCE.
(1) Par corruption : pour Birmingham
(2) Sœur de Mendeissohn ; elle avait
épousé le profe.sseur Dirichlet, à Berlin.
Saint-Pétersbourg, le 8 décembre 1863.
Depuis ma dernière lettre, la reprise de la Cenerentola plusieurs fois
annoncée, plusieurs fois ajournée, est venue varier un peu le répertoire
de notre théâtre Italien. Cet opéra n'avait pas été représenté ici depuis
que Lablaohe avait imprimé au rôle de don Magnifico le cachet de son
inimitable talent. Après un si long intervalle, on s'attendait donc à voir
le public accueillir avec plaisir une des meilleures partitions bouffes de
Ilossini. Cependant il n'en a pas été ainsi, et, à l'exception de l'enthou-
siasme que Calzolari a le privilège de provoquer dans chacun de ses
rôles et qui lui a, encore ce soir-là, valu une véritable ovation , il faut
bien avouer que la salle a été d'une froideur désespérante 1 Faut-il at-
tribuer ce résultat négatif à l'absence d'un grand artiste, à son souvenir
encore si vif dans une de ses meilleures créations, et que, malgré
tous ses efforts, Fioravanti ne pouvait faire oublier, ou mieux peut-être
au changement survenu dans le goût du public qui préfère aujourd'hui
l'opéra sen'a à l'opéra 6u/fa.'' Toujours est-il que la Cenerzntola ne paraît
pas destinée à dépasser le nombre de représentations exigé, pour qu'elle
soit entendue par nos trois séries d'abonnés. L'exécution, confiée à
Calzolari, Everardi, Fioravanti et Mme Nantier-Didiée, a cependant été
bonne, et, comme je le disais plus haut, Calzolari a chanté admirable-
ment le rôle de don Ramiro. Celui de don Magnifico a été tenu d'une
manière satisfaisante par Fioravanti, et Everardi s'est montré bon co-
mique dans le personnage de Dandini. Mme Nantier-Didiée, contre son
habitude, a particulièrement souffert de la froideur qui régnait dans
l'auditoire. Le rôle, du reste, ne lui est pas avantageux. C'est dans les
travestis et par les qualités spéciales qu'ils comportent, que Mme Nan-
tier a conquis chez nous une réputation méritée ; toutes les fois qu'elle
a voulu en sortir pour aborder les grands rôles de pri'ma donna assoluta,
l'étoffe suffisante lui a manqué, et cela explique jusqu'à, un certain point
le peu d'effet qu'elle a produit dans la Cenerentola. La mise en scène et
les costumes étaient splendides.
Samedi passé, 4 décembre ,a eu lieu, pour le bénéfice du régisseur
Sokoloff et du baryton Méo, un spectacle MisccUanea, comme on dit
ici. Il se composait du grand duo du 5" acte du Prophète chanté par
Tamberlick et Mme Nantier-Didiée, du l"' acte de la Traviala avec
Mme Fioretti et Calzolari, du duo de basse et baryton de la Lïnda de
Chamounix ; du 3" acte de Torquato Tasso pour Graziani ; du
grand duo de Moïse chanté par Tamberlick et Everardi ; de l'ariette
bouffe de Don Buccfalo exécutée par Fioravanti, et enfin du !<"■ tableau
du 4» acte de la Vita per le Tsar, dans lequel Mme Nantier-Didiée a
chanté en russe le rôle de Vania. La variété de ce spectacle avait at-
tiré beaucoup de monde, et la recette s'est élevée à 3,500 roubles
(environ 14,000 francs). Les honneurs de la représentation ont été pour
le magnifique duo du Prophète, très-bien rendu par Tamberlick et par
Mme Nantier. La Traviata a valu ensuite de chaleureux applaudisse-
ments à Calzolari et à Mme Fioretti, qui ont chanté délicieusement. —
Quant à l'invasion de Mme Nantier dans le domaine de la langue russe,
elle n'a pas été heureuse, et l'cm a peu goûté son interprétation du
fragment de la Vie pour le Tsar chanté par elle.
Je vous ai parlé de Giuglini, et l'appréciation que je vous ai donnée
de son talent a été celle de tout le monde ici, et entre autres celle du
feuilletoniste du Journal français de Saint-Pétersbourg ; mais il paraît que
l'amour-propre de l'artiste ne lui avait pas permis d'attendre que le
jugement du public se formulât sur son compte et qu'il avait pris
les devants. On n'a donc pas été peu surpris de voir arriver ces
jours-ci un numéro à'Il Pirata de Turin chantant les louanges del si-
gner Giuglini sur un diapason qui laissait bien loin le diapason normal.
Cet article a été immédiatement reproduit en français par le Journal de
Saint-Pétersbourg, auouel on n'avait pas épargné les réclamations, et il
n'a pas précisément plaidé en faveur de la modestie du chanteur, au-
quel on eût souhaité un ami moins chaud dans la rédaction d'il Pirata
et surtout un peu plus véridique.
Les répétitions de Faust ont commencé, et l'on pense que l'opéra de
Gounod pourra être donné dans quinze jours. 11 fournira à Mme Barbot
l'occasion de sortir d'un repos qui, bien que nécessité par une santé
délicate, n'en entrave pas moins trop souvent le répertoire.
Aussitôt après l'apparition de Faust, on s'occupera activement des
répétitions de la Dame blanche. Je puis vous faire connaître mainte-
nant la distribution définitive des rôles : Mme Fioretti, Anna; Mme Ber-
nard!, Jenny ; Mme Nantier-Didiée, Marguerite; M. Calzolari, Georges;
DE PARIS.
397
Malvezzi, Dickson ; Everardi, Gaveston ; Polonini, Mac-Irton; Paltrinieri,
Gabriel. Le rôle d'Anna avait été offert à Mme Barbet, mais elle la
refusé, et on ne s'est pas expliqué ce refus de la part d'une artiste
française, lorsqu'il s'agissait d'iœpatroniser sur la scène italienne le
chef-d'œuvre d'un des plus célèbres compositeurs français. Le rôle
eùt-il même été au-dessous de sa position de prima donna de notre
troupe italienne, qu'un sentiment patriotique semblait devoir lui com-
mander de ne l'abandonner à personne !
Les représentations de l'Opéra russe sont très-suivies. On y donne
fréquemment les opéras de Meyerbeer. Tout dernièrement encore on
jouait sous leur véritable titre (Houguenots) , les Huguenots , et la
représenlation a été très-belle. Le rôle de Valentine est en excellentes
mains, et Mlle Valentine Blanchi, qui a fait ses preuves en Italie, le
chante avec une véritable supériorité. Celui de lîaoul est tenu par
Setoff, notre premier ténor, dont je vous ai parlé maintes fois, et qui
possède des qualités fort appréciées par nos dilettantes. Si sa voix
manque un peu de force, en revanche il chante avec beaucoup de
goût. Wassilieff s'acquitte bien du rôle de Marcel. Mme Annenska
(Marguerite), Petroff (Saint-Bris) et Soboleff (Nevers) complètent un
ensemble remarquable. La mise en scène ne laisse d'ailleurs rien à
désirer, et chaque fois qu'on donne le chef-d'œuvre de Meyerbeer, la
salle est retenue d'avance.
Hier a débuté dans Lucresia Borgia, sous le nom de Di Pietro, un
jeune ténor, dont le véritable nom est Comissarjewski (il n'a pas perdu
à le changer), qui arrive d'Espagne, où il a chanté plusieurs années.
Doué d'un physique des plus agréables, il possède une fort jolie voix,
qu'il conduit avec méthode. Il a obtenu un succès très-flatteur.
Samedi dernier, le marquis Pepoli, ministre d'Italie, récemment de
retour avec la marquise qu'il était allé chercher en Italie, a ouvert ses
salons par une brillante soirée mu.'iicale , dans laquelle chantait l'élite
de la troupe italienne.
Aujourd'hui devait avoir lieu, chez S. A. 1. madame la grande
duchesse Hélène Pavlovna, une grande fête musicale; mais une indis-
position de Son Altesse Impériale a forcé de l'ajourner.
S. D.
REVDE DES THÉÂTRES.
Vaudeville : les Diables noirs, pièce, en quatre actes, par M. Victo-
rien Sardou.
Nous venons un peu tard pour parler de la pièce de M. Victorien
Sardou, qui a été jugée très-sévèrement par la presque unanimité de
la presse, mais qui n'en poursuit pas moins au Vaudeville son succès,
dirons-nous de scandale ? Le rôle de rapporteur, le seul qui nous reste
à prendre dans ce grand procès, nous permettra peut-être d'éclairer
la question.
De quoi s'agit-il en substance? D'un jeune débauché qui vole un
diamant à sa maîtresse pour solder une dette usuraire. La marquise
— car notez que celte maîtresse est une marquise — serait assez
disposée à passer l'éponge sur l'infamie de son amant ; mais elle le
croit infidèle, et à ses yeux, voilà le crime, le crime irrémissible.
Elle s'enferme avec le coupable, après avoir mis le feu à la maison,
et au moment oij elle sent la mort s'approcher, elle trouve en elle-
même la force de le mépriser et de le maudire.
Qu'importe après cela que Gaston la sauve et se jette dans les
flammes pour y périr seul ? La pièce est finie, et l'agonie de la mar-
quise ne fait que la prolonger inutilement.
Mais là n'est point le reproche capital que l'on fait à l'auteur. La
critique remonte plus haut, et lui demande ce qu'il a eu l'intention de
prouver en étalant toutes ces hontes sur la scène. A-t-il voulu re-
prendre en sous-œuvre le thème des Liaisons dangereuses? C'est en
effet la seule morale que l'on puisse tirer de son œuvre; mais
M. Victorien Sardou n'est pas homme à se traîner, de gaieté de cœur,
dans de semblables banalités. La morale, qu'est-ce que cela ? JN 'est-il
pas temps de faire enfin justice de ce préjugé gothique, d'après lequel
nos pères avaient inscrit au frontispice de leur théâtre : Casticjat ri-
dendo mores? L'analyse des passions, tel est le but à atteindre, et
tout le monde sait que les passions ne raisonnent pas, et qu'on ne
peut, conséquemment, en obtenir des déductions logiques.
11 est bien plus naturel de chercher leur raison d'être dans les
données du fatalisme oriental. Cet homme est un chenapan qui se
fait un jeu de l'honneur des femmes, qui n'a ni foi ni loi, qui dé-
robe un diamant comme il prendrait un baiser à sa maîtresse. Que
voulez-vous ? il a les Diables noirs : cela répond à tout. Nous avions
déjà les Diables bleus (Btue devils) du comte Alfred de Vigny ; mais
c'étaient de bons diables auprès de ceux de M. Victorien Sardou.
Tout au plus étaient-ils capables de nous donner la migraine et de
vous clouer sur votre canapé, dans les étreintes d'une souffrance ner-
veuse et chagrine. Les Diables noirs sont de moins facile composi-
tion ; quand ils s'emparent de votre cerveau, ils en expulsent tous
les instincts honnêtes, et n'y laissent pas la moindre place à un e
pensée généreuse, à une inspiration loyale. En vain tenteriez-vous de
les chasser ; ils sont vos maîtres, vos tyrans ; vous n'avez plus votre
libre arbitre : s'ils vous commandent d'enfoncer le poignard dans le
cœur de votre rival, ou de dévaliser la caisse de votre patron, il
faut leur obéir. Quelle excellente excuse pour le gibier de cour d'as-
sises ! — Mon président, vous avez tort de dire que j'ai commis tel
crime ; ce n'est pas moi, ce sont mes Diables noirs !
Ne nous hâtons donc pas de flétrir Gaston de Champheu ; le
pauvre garçon n'est pas coupable, c'est un martyr de la fatalité.
Avec ce système-là, nous sommes forcés d'absoudre aussi la mar-
quise Jeanne. Si son amant est un voleur, elle a bien le droit d'être
une incendiaire. Car enfin, pourquoi n'aurait-elle pas ses Diables
noirs, tout comme Gaston, cette charmante femme?
De tout cela, ce que l'on peut conclure, c'est qu'un individu at-
teint de la maladie des Diables noirs est un infirme ou un mono-
mane ; renvoyons-le bien vite à l'hospice ou aux Petites-Maisons, et
gardons-nous de le prendre pour un type dramatique.
Si encore les autres personnages de cette pièce faisaient ombre
au tableau ! Mais que penser de ces trois coquins d'héritiers pré-
somptifs, que l'on a comparés aux anabaptistes du Prophète ? Ou
bien, de ce mari qui a fait serment de ne jamais aimer sa femme et
qui s'affuble, on ne sait trop pourquoi, du surnom de Ferragus,
comme si Balzac avait quelque chose à voir en cette affaire. C'est
bien le cas de répéter avec l'égoutier au lorgnon, du drame de
Léonard : Quelle société ! Quelle société ! En retournant le
mot qui a été fait à propos des Bergeries de Mme Deshouillères, que
ne donnerait-on pas pour voir un pauvre petit mouton rôder parmi
ces loups ?
On prétend que la commission de censure a retenu l'ouvrage de
M. Victorien Sardou pendant plus d'une année. Nous ignorons pour-
quoi elle l'a rendu ; mais il est certain que, dans l'intérêt de ce
jeune et brillant auteur, elle aurait dû maintenir son veto.
Nous y aurions perdu, sans doute, quelques scènes remarquables,
dans lesquelles la passion jette un voile sur l'indignité de l'action.
M. Sardou est homme de ressources ; il nous en eût dédommagés à
la première occasion.
Il faut d'ailleurs en convenir, l'interprétation est pour beaucoup
dans l'effet de ses scènes. Avec d'aulres artistes que Berton et
Mlle Fargueil, elles n'auraient pas sauvé les Diables noirs. Nous
n'en voulons pour preuve que l'extrême froideur du public pendant
les premiers actes de celle longue pièce. Car, au nombre de ses
défauts, il faut compter des lenteurs interminables, et surtout un
dénoûment fatigant à force de vulgarité. Quand nous délivrera-t-on
de ces jeunes femmes qui meurent péniblement sur la scène , du
poison ou de la phthisie? Mais Rachel mourait si bien dans Adrienne
Lecouvreur, et Mme Doche, dans la Dame aux camellias I C'est là
une tradition funeste qui nous vaudra malheureusement encore bien
des agonies, sans compter celle de Mlle Fargueil.
Somme toute , les Diables noirs font de l'argent, et l'on en est
réduit à se demander qui a raison de la presse qui les a condamnés
ou de la foule qui les absout.
D. A. D. SAINT-YVES.
398
REVUE HT GAZETTE MUSICALE
BOUVELLES.
*** Le théâtre impérial de l'Opéra a représenté la semaine passée la
Muette de Portici, Giselle et les Huguenots. — Aujourd'hui par extraor-
dinaire la Muette de Portici.
^*^, Nous avons donné dimanche dernier le prograume du répertoire
de cet hiver. Bien qu'il n'y soit pas question de YAfricaine, il n'en
faudrait pas conclure que le projet de monter cet ouvrage, sur lequel
on l'onde de si grandes espérances, soit abandonné. L'Opéra prépare,
au contraire, de nouveaux débuts, pour que Meyerbeer puisse enten-
dre les artistes qui devront compléter la distribution de ses rôles. Pour
quelques-uns, son choix est arrêté; si les autres, comme il y a lieu de
l'espérer, le «atisfont également, l'Africaine entrerait immédiatement
en répétition après l'opéra de M. Mermet, et l'on comprend qu'elle ne
pourrait être représentée qu'au mois d'octobre prochain.
^*a, Mme Talvo Bedogni, qui a débuté à l'Opéra, il y a quelques jours,
dans le rôle de Léonore de la Favorite, a résilié son engagement avec
la direction de ce théâtre à des conditions fort honorables. Elle se
rend à Florence, où de très-brillantes propositions lui avaient été faites
pour le théâtre de la Pergola, et elle les a définitivement acceptées.
s,*:t Mlle Marie Sax vient de chanter au grand théâtre de Rouen le
rôle de Léonore du Trouvère; elle y a excité un enthousiasme très-
vif.
,j*» La représentation extraordinaire donnée mardi passé à l'Opéra-Co-
mique, au bénéfice de la caisse de secours des auteurs et compositeurs
dramatiques, a été magnifique, et le chiffre de la recette s'est élevé
à 9,000 francs.
„,*„, Meyerbeer a dû se faire excuser de ne pouvoir se rendre à l'in-
vitation de l'Empereur pour Compiègne, à cause d'une indisposition
qui l'a forcé à garder le lit pendant plusieurs jours. Nous devons ajouter
que cette indisposition est sans la moindre gravité.
s*j A peine revenu de son voyage triomphal à Gand, Roger est re-
parti pour Nancy, où il s'est fait entendre au théâtre avec un très-
grand succès.
»*» Aujourd'hui, au théâtre Italien, reprise de la Ccncrentola avec
Mme Borghi-Mamo. — Mardi prochain, reprise à.'Ernani avec Fraschini
et Mme de Lagrange.
^*^ L'opéra en trois actes du prince Poniatowski, tes Aventuriers, sera
représenté au théâtre Lyrique.
,1,*:^ Les recettes, pendant le mois de novembre dans les théâtres,
concerts, etc., ont été de 1,843,470 francs.
^*» Carlotta Patti vient d'arriver à Paris. Nous aurons probablement
bientôt occasion d'applaudir cette célèbre cantatrice.
^*^ Le Grand-Théâtre de Bordeaux prépare, pour être représenté vers
la fin du mois de janvier, le Délire, ballet en trois actes, qui sera monté
avec le plus grand luxe. La musique a été composée par M. Emile Jo-
nas, professeur au Conservatoire de Paris, et auteur de charmants
opéras-comiques.
*** La Commission d'examen pour l'admission des élèves mihtaires
au Conservatoire impérial de musique a commencé ses séances lundi
dernier. Elle se compose de MM. le général Mellinet, président; Am-
broise Thomas, Kastner, membres de l'Institut ; Edouard Monnais, com-
missaire impérial ; Bazin, Emile Jonas, Dorus, Triébert, Klosé, Fores-
tier, Arban, Adolphe Sax, Dauverné, Dieppo, Alkan et Durand, profes-
seurs au Conservatoire.
»** yv. Wallace, l'auteur de Lurline et de tant d'autres opéras qui
ont eu un très-grand succès en Angleterre et en Allemagne, vient
d'arriver à Paris où il se fixera pendant quelque temps.
^** La reprise du Brésilien, interrompu en plein succès par le départ
de Brasseur, doit avoir lieu cette semaine au théâtre du Palais-RoyaL
Avec la pièce reviendra la ronde fameuse, qui n'a cessé de se chanter
dans toute la France et dans bien d'autres lieux.
^.*^ Dimanche a eu lieu le premier des deux concerts extra-
ordinaires au Conservatoire. Voici de quels éléments se composait le
programme : 1° symphonie pastorale, de Beethoven; 2" ouverture et
fragments (ïlphigénie en Aulide, de Gluck (soli chantés par MM. Crosti
et Bonnesseur) ; 3° concerto en sol mineur, de Mcndelssohn, pour piano,
exécuté par Mlle Caroline Rémaury; 4° scène et bénédiction des dra-
peaux du Siège de Corinlhe, de Bossini (solo chanté par M. Belval) ;
5° ouverture û'Euryanthe, de Weber. Le second concert extraordinaire
aura lieu le 20 de ce mois.
,** Dimanche dernier, au Cirque Napoléon, après la charmante sym-
phonie en sol mineur de Mozart, un soliste, chose rare, a paru sur
l'estrade. M. Piatti, violoncelliste, qui jouit à Londres d'un renom
populaire, venait se faire connaître au public de Paris, et dès les pre-
miers coups d'archet nous savions à qui nous avions affaire. M. Piatti
est un virtuose de la meilleure école ; il a le son, la justesse, le
charme: il chante avec un goût parfait, et triomphe des difficultés avec
une rare aisance. Pour déployer les diverses qualités qu'il possède, il
avait choisi un délicieux concerto de Molique, adagio et finale. Les
applaudissements de la salle entière n'ont pu lui laisser de doute sur
le plaisir qu'il avait causé : cette ovation n'était d'ailleurs qu'une
stricte justice. Décidément la musique de Schumann n'est pas en
faveur aux concerts populaires. L'ouverture de Geneviève n'a paru qu
le résultat d'un enfantement laborieux ; le compositeur y rend à l'audi-
teur la fatigue qu'il a dû s'imposer.
s** Le programme du huitième concert populaire de musique classique
qui aura lieu aujourd'hui au Cirque Napoléon, est le suivant : sympho-
nie en ré majeur (n° 44), de Haydn; ouverture d'Athalie, de Mendels-
sohn ; adagio du quintette en S'J mineur, de Mozart, par tous les instru-
ments à cordes; symphonie en ut majeur, de Beethoven.
^,*s, Ou mande de Constantinople : « Pour la première fois le sultan
s'est rendu un de ces soirs, en personne, au théâtre Italien du quartier
franc de Péra. La façade du théâtre et les maisons voisines étaient
splendidement illuminées. Le padischah s'était fait accompagner des
princes Muzad-Efl"endi et Yousouf-Eddin-Effendi. »
*** La Société philanthropique savoisienne donnait dimanche à
l'Ilôtel de ville son concert annuel, sous la direction de M. Coninx.
Ce qu'on y a d'abord applaudi, ce sont les chœurs chantés par la
Société du Conservatoire, dont M. E. Batiste est le chef. MM. Pons,
Taillefer, Bach, Hélène Lévy et Ostoia ont ensuite chanté divers mor-
ceaux, qui ont réuni tous les suffrages. M. Aurèle a dit de charmantes
chansonnettes; Mme Clémence Martin, sur le piano, M. Isidore Lévi sur
le violon, et M. Coninx sur la flûte, ont eu aussi leur bonne part de
succès.
i*i Nous entendrons bientôt un nouveau virtuose des plus distingués
sur la guitare, M. Marc Sokolowski. C'est, nous assure-t-on, un artiste
de srand mérite, sachant tirer un beau son de son instrument, jouant
de bonne musique à quatre parties, et possédant une exécution brillante,
qui n'exclut pas le sentiment. 11 excelle surtout dans une fantaisie sur
VEiisire et deux études originales de sa composition, ainsi que dans la
fameuse Mazurka de Chopin, arrangée avec variations par Mme Viardot.
M. Sokolowski jouit d'une réputation fort bien établie en Allemagne,
en Belgique, à Vienne, à Hombourg ; il est aussi très-aimé à Moscou
et à Saint-Pétersbourg. H se propose de donner un concert dans la
salle Herz.
^*^ Mardi prochain, à la salle Herz, deuxième séance populaire de
musique de chambre, donnée par MM. Lamoureux, Colonne, Adam et
Rignault. Voici le programme : 1° quatuor en ré majeur (n" 63), pour
deux violons, alto et violoncelle, de Haydn; 2° sonate en fa mineur
(op. 56), pour piano, de Beethoven, exécutée par M. Henri Fissot;
3" canzonetta, extraite du l'^'' quatuor de Mendelssohn ; 4° quatuor en
ut mineur (n" 4), pour deux vidons, alto et violoncelle, de Beethoven.
^*\ L'Abécédaire vocal de H. Panofka, dont une nouvelle édition est
sous presse, vient de paraître traduit en espagnol. Il existe déjà de cet
excellent ouvrage des traductions en italien et en anglais.
^*^ A la quatrième séance de musique de chambre donnée à l'expo-
sition de peinture du boulevard des Italiens, vendredi passé, à laquelle
un nombreux auditoire a assisté, le programme se composait des mor-
ceaux suivants : Quintette ; soirée d'automne, soirée d'été , de Félicien
David. Fragment du S/i" quatuor en ré, de Haydn, Quintette, d'Onslow,
Concerto, de Weber. L'exécution en a été très-satisfaisante.
^*^ Notre jeune et déjà célèbre violoniste Paul Julien, a obtenu à
Buenos-Ayres des succès éclatants. 11 a donné d'abord dans les salons
de .M. Guion, agent de la maison Erard, une audition devant un public
d'élite. L'effet qu'il a produit lui présageait le triomphe qu'il allait ob-
tenir au théâtre Colomb, où il s'est fait entendre quatre fois. Nos cor-
respondances ne parlent que de l'enthousiasme que ce jeune virtuose a
excité parmi un auditoire assez passionné pour comprendre, et assez
éclairé pour juger le mérite d'un grand artiste.
^*« Il circule dans le monde joyeux une chanson connue jusqu'à pré-
sent sous le titre de Chanson des entrepreneurs de bâtisse. Notre ami
Charles Plantade a eu l'heureuse idée de rétablir dans toute sa pureté
cette originale production, et en lui restituant son véritable titre : Bap-
tême de l'enfant ébéniste. Les amateurs de bonnes plaisanteries sont pré-
venus qu'ils trouveront cette chanson gravée chez E. Chatot, éditeur de
musique, rue de la Feuillade, près de la place des Victoires.
3,*t La charmante transcription pour piano de S. Ponce de Léon, in-
titulée : ilfore pauvre cœur, vient de paraître chez Challiot et C".
^*.^, Un Othello, l'opérette de J.-E. Legouix qui a été si justement ap-
plaudie au théâtre des Champs-Elysées, vient de paraître pour chant et
piano, format in S".
[)E PARJS.
399
,*^ Les anciennes maisons de Paris sous Napoléon lll, par Lejeune, sé-
rie entièrement inédite de livraisons numérotées par lettres. Prix de la
livraison, 1 fr. 60 c, chez Rousseau, éditeur, 15, boulevard delà Ma-
deleine.
^*j. Le premier bal de l'Opéra a eu lieu hier samedi. Strauss, qui con-
duisait l'orchestre, a fait entendre les principaux morceaux de son
nouveau répertoire, tels que son nouveau quadrille sur Moïse, et ce-
lui sur le Brésilien et les Bavards.
,** A Brunswick, M. Zizold, flûtiste distingué et excellent musicien,
est mort le 30 novembre.
CHRONrOUE DÉPARTEMENTALE.
,j** Bordeaux. — Le premier concert populaire de musique classique
organisé, à l'instar des concerts Fasdeloup, dans la salle Franklin, par
Remusat, l'excellent flûtiste et chef d'orchestre du théâtre, a pleine-
ment réussi. L'ouverture d'Oteron, la symphonie en ut mineur de
Beethoven et le concerto en fa mineur de Weber ont été rendus avec
un ensemble et une verve très-remarquables.
^** La Rochelle. — Après la première soirée de la Société philhar-
monique, nous avons eu les concerts du flûtiste Gariboldi, avec le con-
cours de l'orchestre du théâtre et celui de ilmes Joséphine et Léoni
Martin. Beaucoup de monde a assisté à ces fêtes musicales. Nous allons
organiser au théâtre des concerts populaires destinés à répandre le goût
de la musique d'ensemble, d'orchestre et de chœurs. Dans ce but, le prix
des places doit être très-modeste.
^*^ Le Havre. — La Société Sainte-Cécile vient de donner deux bril-
lantes soirées musicales pour les pauvres. Plusieurs chœurs de grands
maîtres ont été chantés avec beaucoup d'ensemble, sous la direction
de leur habile chef M. OEchsner. La seconde partie de cette belle soirée
a été consacrée à l'exécution du Stabat mater de Rossini, dans lequel
s'est révélée une âme et une intelligence de grand artiste : une élève
de l'excellent professeur de chant, Jacques Potharst, douée d'une
voix admirable, a chanté les solos de soprano avec un style magistral.
Vinflammatus a valu jusqu'à trois salves d'applaudissements à cet ama-
teur, dont le talent est très-réel.
*** Lyon. — La Muette de Portici vient d'être reprise au grand
théâtre avec un éclatant succès. Dulaurens, Melchisedec, .Mlle Lagye et
Mme Dulaurens ont parfaitement interprété le chef-d'œuvre d'Auber.
^*:f Caen, 7 décembre. — Nous avons entendu les frères Lamoury
dans des soirées particulières et dans le grand concert qu'ils ont
donné à l'hôtel de ville. Chacune de ces auditions, la dernière surtout,
a été pour eux un véritable triomphe. Même succès à Falaùse, où leurs
deux duos sur les motifs de Beethoven et sur les Huguenots ont provoqué
des applaudissements enthousiastes. Ils sont accompagnés dans leur
tournée par .M .Altavilla, premier ténor de l'Opéra italien de Berlin, qui
partage avec eux les bravos du public. Ces artistes donneront cette se-
maine des concerts à Bayeux et à Saint-LÔ, puis à Avranches et Rennes.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
^,*.f, Londres. — On prépare un nouvel opéra de Jules Bénédict qui
suivra de bien près les représentations de Blanche de Nevers. La troupe
du théâtre de Sa Majesté, Mlle Tietjens en tête, revient à Londres le 20
de ce mois, après une tournée dans les provinces. On commencera alors
une série de représentations d'opéras anglais avec Sims Reeves et
Mme Lemmens Sherrington. Le jeune violon Lotto, élève de Massart,
s'est fait une grande réputation dans les concerts populaires, et Sivori
a su garder la haute position dont il jouissait dans les concerts de
JuUien. Ajoutez à cela que 'Vieuxtemps, célèbre depuis son enfance,
vient de terminer sa tournée en province qu'il a faite avec Carlotta
Patti, et vous conviendrez qu'on ne manque pas de grands violons en
Angleterre. On nous écrit de Brighton que, le 2 décembre, Louis Engel
le célèbre organiste, et, le 7 décembre ïhalberg, ont donné chacun à
son tour ce qu'on appelle ici un récital, c'est-à-dire une matinée dans
laquelle on n'enlend que celui qui la donne. Ces deux artistes, qui
occupent chacun sur leur instrument la position la plus éminente en
Angleterre, ont été tous deux couverts d'applaudissements. L'étonne-
ment qu'a excité M. Engel, montrant le parti qu'on peut tirer de l'orgue
Alexandre, n'a pas été inférieur à l'enthousiasme produit par Thalberg
sur un des plus beaux pianos d'Erard.
^•* Amsterdam. — La première symphonie de M. Fétis a été exécutée
au dernier concert de la Société pour l'encouragement de l'art musical.
dirigé par M. Verhulst. L'effet produit par cette œuvre magistrale a
été très-grand.
„*4 Hambourg. — Le Messie, de Hsendel, a élé exécuté â l'église
Saint-Michel au milieu d'un concours immense. Le vaste édifice pouvait
à peine contenir la foule qui était accourue pour entendre l'œuvre
grandiose du maître. Mlle Tietjens et Mme Joachim (contralto) se sont
particulièrement fait remarquer. — Au théâtre de la ville, on a repris
Don Sébastien et les Noces de Figaro. A l'étude : les Deux Journées de
Clierubini, Jessonda, de Spohr, Dans la première moitié de janvier, on
jouera : Christine, reine cU Suède, par le comte de Redern.
g,*^ Berlin. — Le théâtre royal a donné Martha, de Flotow. Le rôle
principal était chanté pour la première fois par Mlle Lucca, qui s'y est
trouvée tout à fait à sa place; ce mélange de gaieté et de douce sen-
sibilité qui fait le charme du rôle, n'a jamais été mieux compris ni
peut-être aussi bien rendu. Formés s'est également distingué dans le
rôle de Lyonel.
*■*„, Cologne. — Au deuxième concert d'abonnement, Ferdinand Hiller
a fait entendre une nouvelle composition qu'il intitule : Musique da
ma tin .
*** Dresde. — Le théâtre royal a jugé à propos d'exhumer de ses
cartons la Famille suisse, de 'Weigl. La fade sensiblerie de cette pas-
torale surannée a trouvé peu de sympathie.
^:*j^ Leipzig. — Dans la troisième soirée pour musique de chambre, a
été exécuté un sextuor inédit de M. Rudorlf ; Mme Clara Schumann a joué
le trio de R. Schumann, n» 2, en fa majeur, avec M. David et Liibeck,
et à la fin du concert, l'éminente pianiste a joué les variations de
Beethoven avec une grande perfection. Le théâtre de la ville a donné
deux fois les Deux Journées de Cherubini.
**j Ancûne. — Après avoir obtenu un nouveau succès dans la Tra-
viata, Mlle Gonetti vient d'être engagée pour toute la saison du carna-
val par son imprésario.
^*, Milan. — Mlle Maria Brunetti va débuter au théâtre de la Scala
dans un Ballo in maschera et Moise.
ERRATA.
Article intitulé le Trésor des pianistes du dernier numéro.
P. 386, 2" colonne, ligne 10, au lieu de : et des pianistes de toutes les
époques, lisez : et des pianistes non-seulement de toutes les époques, mais, etc.
P. 386, 2"= colonne, ligne 25, au lieu de : sans élever aussitôt la pensée
vers VimmortalUé de son domaine, lisez l'immensité de son domaine.
Même page, même colonne, ligne H du 2'°'' g, au lieu de : et, après
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5. DŒHLER. — Op. 42. Deux études.
6. FAVARGER. —Op. 42. Caliban, grande valse.
7. GORIA. — Op. 41. Grande mazurka.
S. HELLER (Stéphen). —Op. 56. Sérénade.
9. HENSELT. Poëme d'amour.
10. HERZ (H.). — Op. 143. Mazurka.
11 . JAELL. — Le Carillon, morceau élégant.
12. IiACOMBE. — Op. 54. Marclie turque.
13. liESGHETIZKY. — Chant du Eoir, idylle.
14. LITOLFF. — Chanson du rouet.
15. LISZT. — Deuxième marché hongroise.
16. MENDELSSOHN. — Presto scherzando.
17. MOSCHELÈS. — Op. 95. Trois études.
18. PRUDENT. — Op. 33. Farandole.
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italiens, 1. Kous les enverrons comme d'Iiabitude à ceux qui
habitent la province.
SOMMAIRE. — Martini (3' article), par .i^^tliur Pougin. — Théâtre impé-
rial italien : Cenerenlola et Ernani. — Audition chez Adolphe Sax. - Mémoire
sur l'origine de la musique (1" article), par D. Iteaulieu, — Nécrologie :
Mayseder. — Nouvelles et annonces.
HÂRTIM.
(3' article) (1).
m.
Dès son arrivée à Paris, Martini avait établi des relations intimes
avec plusieurs écrivains, et principalement avec Laujon. Ce dernier,
qui était alors secrétaire des commandements du comte de Cier-
mont, auprès duquel il devait rester jusqu'à sa mort, pour passer
ensuite en la même qualité chez le prince de Gondé, puis, plus tard,
chez le duc de Bourbon, consacrait aux lettres les loisirs que lui
laissaient ses fonctions et s'était acquis une certaine réputation. 11
passait pour l'un des premiers chansonniers de cette époque féconde
en vaudevillistes, et il était avec Panard, Piron , Collé et Favart,
l'un des membres les plus actifs de cette fameuse société du Caveau,
florissante encore de nos jours, après plus d'un siècle d'existence.
Enfin, il avait déjà abordé le théâtre à deux ou trois reprises dif-
férentes, et il pouvait , sous ce rapport, être très-utile à Martini,
qui, je l'ai dit, s'était lié avec lui, bien que Laujon fiit son aîné
d'une douzaine d'années environ. Les deux amis avaient projeté
depuis longtemps d'écrire ensemble un opéra-comique, lorsque la
nouvelle du prcichain mariage de Mademoiselle avec le jeune duc
de Bourbon leur inspira l'idée de faire, non tout à fait une pièce de
circonstance, mais un ouvrage ayant trait à la situation des deux
jeunes époux et pouvant lui survivre. En annonçant la représenta-
tion de l'œuvre nouvelle, Bachaumont en fait ainsi l'historique :
« Les comédiens italiens ordinaires du roi ont donné jeudi dernier
(18 avril 1771) la première représentation de l'Amoureux de quinze
ans ou la Double fite, comédie en trois actes et en prose, mêlée
d'arielles et suivie d'un divertissement. Les paroles sont du sieur
Laujon, secrétaire des commandements de S. A. S. Monseigneur le
comte de Glermont, déjà connu par plusieurs ouvrages galanis dans
le même genre; et la musique est d'un amateur, le sieur Martini,
oflicier dans le régiment de Chamborand. Celte pièce est une allé-
(1) Voir les n"' 49 et 50.
h02
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
gorie composée à l'occasion du mariage de M. le duc de Bourbon
avec Mademoiselle , et devoit s'exéculer à Chantilly, lorsque ces
deux e'poux seroient réunis ensemble. Le prince de Condé, voyant
que les circonstances actuelles ne se prêtoient pas à donner des
spectacles chez lui, a permis aux auteurs de faire part au public de
celui ci. 1) — {Mémoires secrets 'pour servir à l'histoire de la Ré-
publique des lettres, 20 avril 1771.)
C'est donc, nous l'avons vu, le 18 avril 1771 que Martini fit ses
débuts sur la scène française. Ces débuts eurent lieu avec un succès
éclatant, et l'artiste eût pu à cette occasion s'écrier avec le Cid :
Mes pareils à deux fois ne se font point connaître
Et pour leurs coups d'essai veulent des coups de maître.
Si, en effet, le poëme de Laujon était agréable et gracieux, la parti-
tion de Martini ne lui cédait sous aucun rapport, et restera comme
l'une des œuvres les plus délicates, les plus élégantes et les plus
exquises qui se soient produites sur notre scène lyrique. Nous nous
en convaincrons facilement en jetant un rapide coup d'œil sur les
plus importants des morceaux qui la composent.
Je citerai d'abord le très-court duo d'introduction :
Je n'en parle pas de sang-froid,
qui est plein de vivacité, et la jolie ariette chantée un peu plus
loin par Hélène :
Oui, je partage votre ardeur,
Oui, Lindor, pour vous je soupire,
morceau dans lequel la fraîcheur, la grâce et l'élégance se réunissent
pour charmer l'auditeur. Le petit duo de I.indor et du marquis :
Le mariage est fait pour moi,
dans lequel on pourrait relever quelques incorrections, mais dont
les contours sont francs et nettement accusés, se fait remarquer par
sou entrain, sa gaieté et sa délicatesse. La mélodie s'en détache
limpide et brillante. L'air de Lindor :
Enfin, vous me l'avez promis. ..
n'est pas moins charmant : la distinction en est rare, et les harmo-
nies qui accompagnent le chant sont à la fois naturelles, simples et
exquises.
Le second duo chante par le marquis et Lindor :
Je sais le latin assez bien,
brille, comme le premier, par une grande franchise d'accent, par son
tour leste et dégagé, et, enfin, par une véritable veine mélodique,
que sert une harmonie toujours heureuse, et dont une certaine re-
cherche élégante n'exclut nullement la clarté.
Le petit air du marquis :
Je suis seigneur de ce village !
est une inspiration enchanteresse et délicieuse: grâce, abandon, dé-
licatesse, sentiment, tout s'y trouve réuni dans le cadre mélodique
le plus parfait qui se puisse voir. Nulle prétention, nul verbiage,
mais du naturel, de la simplicité et une réelle pensée mélodique.
Autant serais-je tenté d'en dire de la cantilène de Lindor :
Qu'il est cruel de n'avoir que quinze ans !
Les harmonies qui jaillissent de cet aimable chant sont fines, déli-
cates et toujours aussi distinguées que la phrase musicale qu'elles
sont destinées à faire ressortir. Enfin, le trio de la chasse :
Ah ! quel plaisir, ah ! l'agréable chasse !
qui est le premier morceau un peu développé de l'ouvrage, a du
mouvement et de l'entrain, bien que la facture et les idées en soient
moins neuves que dans ceux qui l'ont précédé.
Au second acte, après un chœur de paysans qui ne manque ni de
verve ni d'animation, vient une jolie marche instrumentale, bientôt
suivie d'un excellent petit duo chanté par un paysan et une paysanne.
Le petit air du magister qui arrive ensuite et se termine en duo :
C'est fort bien pour nous.
Mais c'est doux pour vous...
et dans lequel la simplicité extrême du chant est évidemment systé-
matique, est relevé par un délicieux et obstiné contre-point de vio-
lons qui ne s'arrête qu'à la dernière note, et donne à tout le morceau
un cachet charmant de grâce et d'originalité.
Trois petits airs symphoniques successifs sont pleins d'une aimable
naïveté; mais le finale qui les suit, d'une simplicité remarquable —
bien qu'intéressant d'un bout à l'autre — sous le rapport de la con-
ception et des moyens employés, provoque les éloges et accuse chez
son auteur un véritable talent de facture et une rare entente des ef-
fets. Ecrit dans un seul et même mouvement, ce finale a du carac-
tère, une allure très-franche et est bien mis en scène. Sans doute au-
jourd'hui il paraîtrait un peu nu d'orchestre ; il n'en est pas moins
vrai que c'est un morceau très-plein et très-sonore, dans lequel les
voix sont parfaitement disposées.
L'air de la nourrice qui ouvre le troisième acte est fait de main de
maître ; la mélodie vocale est on ne peut mieux en situation, et le
chant continu des premiers violons, si plein de grâce et de suavité,
le fait ressortir d'une façon exquise. Quant à celui du marquis :
Si je le gronde quelquefois,
Sur des riens qui blessent un père. .
il brille par la fraîcheur, le naturel et la simplicité.
Le duo des deux pères, lorsqu'ils entrevoient pour la première fois
l'amour mutuel de leurs enfants :
Oh! mon ami, c'est un rayon d'espoir I
est chaud, vif et coloré ; la lumière et la vie s'en dégagent avec
splendeur. Le trio suivant, parfaitement en situation , reproduit les
qualités ordinaires du musicien: grâce, tendresse, élégance et sim-
plicité.
Un morceau réussi de tout point est l'air :
Que d'alarmes pour un aveu !
dans lequel Hélène laisse à demi voir à son père la tendresse qu'elle
ressent pour Lindor. Cet air contient l'expression d'une douce pas-
sion, tempérée par la pudeur d'une jeune fille qui se rend à peine
compte à elle-même du sentiment qu'elle éprouve; il rappelle,
comme unité de facture, les meilleurs de Grélry, et, comme fran-
chise d'accent, ce que nos musiciens français, si généralement sou -
cieux de l'exactitude dans l'interprétation musicale du sens des pa-
roles, ont pu faire de plus complet et de plus vrai. J'en dirai tout
autant du duo que chante ensuite Hélène avec son père ; je considère
pour ma part toute la première partie de ce duo :
Tu gardes le silence, et tu pleures?
— Mon père I
comme un des fragments les plus réussis et les plus caractéristiques
qui soient au théâtre. Grétry, dont, on le sait, les prétentions
à la vérité dans l'accent dramatique étaient grandes — et, il
faut le dire, légitimes — n'a rien écrit de plus vrai, de plus
frappant, en tant qu'accord des sons et des mots, que le récitatif
mesuré qui compose toute cette large introduction, et auquel l'ex-
cellent accompagnement des violons donne plus de caractère encore.
La seconde partie du morceau, qui forme trio sur un mouvement ra-
pide, est aussi très-bien venue, et le passage où Hélène fait ainsi l'a-
veu de son amour :
Oui, j'aime et n'en fais plus mystère,
est véritablement délicieux. — Tous les morceaux de la partition de
V Anioureux de quinze ans sont à peu près également heureux, mais,
à mon sens, aucun ne peut être comparé à celui-ci sous le triple
DE PARIS.
iOS
rapport de l'accent, de l'effet dramatique et de l'impression produite
sur le cœur.
Un finale chaud et suffisamment développé vient clore dignement
cette œuvre charmante et distinguée, digne des plus sincères éloges,
et dans laquelle l'auteur n'a eu qu'un tort, celui d'abuser peut-être,
dans ses accompagnements, des marches harmoniques, dont le trop
constant emploi fatigue l'oreille à la longue et refroidit l'allure gé-
nérale.
Arthur POUGIN.
{La suite •prochainement.)
THEATRE IMPERÏÂL ITALIEN.
Cetterentota et Eê'tMuni.
Deux reprises d'un genre et d'un effet bien différents, ont eu lieu
à quelques jours de distance. Celle de Cenerentola, il faut l'avouer,
n'était pas des plus gaies. Mme Borghi-Mamo, dans le rôle principal,
héritait de l'Alboni, que nous étions habitués à y voir depuis quel-
ques années, et, quoiqu'elle fût loin d'en posséder les qualités essen-
tielles, nous nous contentions d'y admirer les riches qualités de sa
voix. Avec Mme Borghi-Mamo c'est à peu près la même chose ; elle
n'est guère davantage la petite Cendrillon, de cœur ni d'esprit ; et
de plus, nous savons qu'elle ne se résigne pas sans peine a faire son
temps d'opéra bouffe : elle achève sa tâche avec plus de résignation
que de plaisir. Cependant la manière dont elle chante le rondo final
lui fait tout pardonner, mais a côté d'elle, tous ses camarades n'ont
pas le même moyen d'enlever l'amnistie. Et, par exemple, nous le
regrettons pour ce pauvre Rovere, qui fut, dit-on, jadis un excellent
bouffe, mais aujourd'hui, quoi de plus funèbre que sa gaieté, avec
sa maigreur, sa pâleur, ses yeux enfoncés et sa voix éteinte ! Est-ce
donc là un Don Maguifico capable de lutter contre les souvenirs de
Lablache, et même de Zncchini ? Délie Sedie n'a pas non plus assez
de voix ni de verve pour l'exubérance de sève bouffonne qui re-
gorge dans le rôle de Dandini. Avec Rovere et lui, le duo fameux :
Un segrelo d'importansa, n'est plus que l'ombre d'un duo, chanté
par deux ombres de chanteurs !
Ernani est venu presque sur-le-champ et nous a montré Fraschini
en compagnie de Mme de Lagrange. C'était un succès infaillible et
une garantie pour la continuation des receltes que le théâtre Italien
réalise chaque fois qu'il donne Lucia ou le Trovatore. Nous qui, dès
le premier jour, avons reconnu en Fraschini l'un des plus grands
chanteurs qu'il nous ait été donné d'entendre, nous sommes heureux
de voir que l'opinion publique a ratifié notre jugement. Et plus que
jamais nous affirmons que c'est un ténor de l'espèce la plus rare,
une voix dont les notes sont tellement sœurs, qu'on passe de l'une
à l'autre sans ressentir le moindre choc, la moindre secousse. Avec
un par.eil instrument, tout charlatanisme est inutile : aussi la mé-
thode de Fraschini est-elle aussi simple que pure; elle charme
constamment, elle émeut, elle entraîne sans effort, sans fatigue. Le
chanteur inspire à l'auditeur la confiance qu'il éprouve lui-même et
pas une fois il ne lui arrive de le tromper.
Ernani, est une des œuvres les plus jeunes et les plUs fougueuses
de Verdi. Le compositeur a jeté là le germe de plusieurs concep-
tions qu'il a retrouvées et dégrossies plus tard. De ce travail,
accompli lentement et à travers des épreuves diverses, sont enfin
sortis le Trovatore et RicjoleUo, dont Ernani n'est que l'embryon.
P. S.
AUDITION CHEZ ADOLPHE SAX.
Les intéressantes séances dont nous avons déjà entretenu plusieurs
fois nos lecteurs, continuent dans la jolie petite salle de la rue Saint-
Georges, et nous devons une mention toute spéciale à celle de mer-
credi dernier, comme réunissant l'auditoire le plus distingué et offrant
les éléments les plus variés et les plus riches. Les nouveaux instru-
ments d'Adolphe Sax et la musique de la garde de Paris faisaient les
frais de la séance ; nous allons rapidement passer en revue le rôle
dévolu à chacun. Tout le monde connaît et admire l'excellente mu-
sique si habilement dirigée par M. Paulus; entre autres morceaux
elle a parfaitement rendu l'ouverture d'Egmont, une fantaisie sur le
Songe d'Ambroise Thomas, et une remarquable ouverture de Pieis-
siger : le Naufrage de la Méduse. Sans préjudice de l'accompagne-
ment prêté à un solo de Georges Kastner pour le saxhorn en s* bé-
mol, le second chef, M. Maury, a exécuté avec autant de charme que
de brio cet excellent morceau dont la forme est si favorable au ta-
lent de l'artiste, en même temps que la valeur des idées fait le plus
grand honneur au musicien éminent qui l'a écrit. Nous avons donné
ici même l'explication des instruments à tubes indépendants; les ré-
sultats de cette création nouvelle sont si extraordinaires qu'on ne
saurait y insister trop fortement. C'est surtout dans l'application du
système faite à la trompette, que se sont révélés avec le plus d'éclat
les merveilleux avantages des pistons indépendants. En effet, en en-
tendant chanter et vocaliser M. Monsen sur sa trompette, comme sur
une flûte, l'assistance n'a pu retenir ses bravos et a voulu joindre le
virtuose à l'inventeur dans ses félicilalions. MM. Hollebecke et Ro-
byns n'ont pas obtenu moins de succès dans le magnifique duo sur
des motifs de Robert, pour trombone et saxhorn basse à pistons in-
dépendants ; enfin deux fantaisies, l'une sur la Juive, l'autre sur le
Comte Ory, exécutées par un quatuor de trombones du même sys-
tème, ont achevé de démontrer ce dont chaque auditeur était con-
vaincu depuis longtemps déjà, à savoir que l'invention d'Adolphe Sax
ne présente aucune lacune, n'offre aucune prise à la critique ; qu'elle
possède au contraire toutes les qualités : justesse, puissance, douceur,
belle sonorité, souplesse, agilité, et, en outre, aptitude incomparable
à passer sans transition dans les tonalités les plus éloignées. Adolphe
Sax a voulu réunir dans une sorte de morceau spécimen ses plus
récentes inventions. Cette idée a donné naissance à un prélude adagio
pour huit saxophones, une trompette, trois trombones, une basse,
deux contre-basses (à six pistons indépendants) et pour les nouvelles
.timbales sans chaudrons. En rendant justice à l'ingéniosité avec la-
quelle l'auteur, M. Demerssman, a disposé son original orchestre, pour
en faire valoir les principaux caractères, les oppositions et les res-
sources, nous lui dirons que sa composition n'est qu'une pierre d'at-
tente heureusement posée, mais qui semble solliciter le couronne-
ment de l'édifice. Quoi qu'il en soit , on a pu apprécier, d'après ce
simple et curieux essai, ce qu'un compositeur de génie saurait trou-
ver de sonorités et d'effets saisissants dans l'arsenal des créations
musicales d'Adolphe Sax ; il y a là toute une révolution à opérer,
tout un monde d'impressions vierges à introduire, non pas seulement
dans les musiques militaires, mais encore et surtout dans les or-
chestres de symphonie.
Y.
MÉMOIRE SUR L'ORIGINE DE LA lUSIIJDE (').
(Premier article.)
Chez tous' es peuples anciens, on nous cite comme inventeurs de
(1) Cf. mrjnoirc v. iU: lu i l'Académie des beaux-arts de l'Institut impérial de
Frante, dans sa séance du 16 aviil 1859.
W4
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
cet art si universel, des instrumentistes, des personnages qui jouaient
de la flûte, de la lyre ou de la cithare: ce sont, chez les Grecs,
Minerve imaginant la flûte simple; le dieu Pan, à une époque qui
se perd dans la nuit des temps, fabriquant la flûte qui porte encore
son nom, avec les roseaux où il croit trouver la nymphe qu'il pour-
suivait; chez les Égyptiens, Tholh, leur Mercure, qui, sur les bords
du Nil, ayant heurté du pied une écaille de tortue à laquelle les
libres desséchées de l'animal étaient restées attachées et les enten-
dant résonner, conçut l'idée d'en former la lyre; chez les Chinois,
c'est plus de deux mille ans avant l'ère chrétienne, l'un des princi-
paux personnages de la cour d'Hoang-Ty découvrant les sons de
l'échelle musicale de ce peuple à l'aide de plusieurs bambous avec le
secours du son produit par la source bouillonnante d'un fleuve, et
en écoulant le chant d'un oiseau merveilleux perdu chez les Chinois,
comme le phénix chez les Égyptiens ; enfin, la Bible, ce livre sacré
des juifs et des chrétiens, ce livre d'une si vénérable antiquité, et
auquel l'histoire, la littérature, les sciences naturelles même viennent
toujours confronter leurs recherches et leurs découvertes; la Bible
nous dit qu'antérieurement au déluge, Jubal, descendant de Caïn, fut
père de ceux qui jouaient des instruments de musique. Dans toutes
ces traditions , nous ne voyons aucune allusion aux sons musicaux
de la voix; ce sont toujours des instruments inventés et fabriqués.
Si l'on s'en tenait à ces traditions, il semblerait que la musique ins-
trumentale a précédé la musique vocale, et que la pratique des ins-
truments est antérieure à l'usage du chant, ce qui est contraire à la
raison et aux idées généralement reçues à ce sujet, suivant lesquelles
les instruments ont dû chercher à imiter la voix et non la voix à
se modeler sur les instruments.
Dans mes recherches, je n'ai trouvé qu'un seul peuple, les Indous,
chez lequel l'invention de la musique fût attribuée à la même divinité
qui préside à la parole, et dont le fils est l'auteur du Vina, le plus
vieil instrument de l'Inde. Si nous consultons Ihistoire, elle nous
apprend que ce peuple fut, sinon le premier, du moins l'un des
premiers civilisés et l'un de ceux dont les monuments remontent à la
plus haute antiquité. Les savants nous disent que le sanscrit, idiome
que p riait la nation indoue et l'un des plus anciens qui soient arrivés
jusqu'à nous, est caractérisé par un accent essentiellement musical,
et qui l'est bien plus que celui de toutes les autres langues con-
nues (1) ; que le déplacement de cet accent, dans les mots, en mo-
difie, en change même le sens (2) ; que cette langue dans son voca-
lisme (ce mot appartient aux savants que je cite) est douée d'une
accentuation dont l'intensité ne peut être mesurée que par l'élévation
de la voix, élévation qui se produit toujours subitement ; enfin que
cet idiome remarquablement suave, harmonieux et sonore, est riche en
intonations si mobiles et si variées, qu'elles devaient faire du langage
(je cite textuellement) un véritable chant, un ihant perpétuel de
l'âme (3). Certes ces témoignages scientifiques sont bien d'accord
avec la tradition qui attribue chez ce peuple à la même divinité
l'empire de la parole et celui de la musique.
Ce n'est pas seulement dans le sanscrit que l'accent joue un rôle
très-important. En chinois, il change la signification des mots et leur
prête tour à tour des sens très-variés (Zi). En hébreu, il différencie
l'acception d'un grand nombre d'expressions (5). 11 exerce une action
(1) Wieil etBeulow, Accent, lat., pages 107, 110, 350, 351.
(Sj Beulow, Accent, des langues indo-européennes, page 65.
(3) Beulow, Accent, des langues indo-européennes, pages 54 et 70. Balbi, Atlas
ethn.., tableau 6. V. au même tableau le Pâli, Wieil et Beulow, Accent, lat,,
1855, page» 106, 107 et 360.
(4) Balbi, Atlas ethn., tableau n" 7.
(5) Balbi, Atlas ethn., tableau n° 3. encyclopédie, tome XII, page 87, col. 1.:
terne VIII, page 78, col. 1.
analogue en grec (1), cet idiome dont le vocabulaire est pourtant
d'une grande richesse ; il en est ainsi dans le latin (2), cette langue
si noble et si féconde d'Horace et de 'Virgile. Dans notre français
même, on il est de bon ton d'éviter le plus possible de le faire sentir,
il a cependant encore des nuances très-sensibles, assez nombreuses,
qui n'échappent point aux oreilles les moins délicates ; ainsi, nous
conduisons la voix vers les sons graves dans l'affirmative, nous re-
levons pour l'interrogalion, tandis que pour le doute, nous la main-
tenons dans des sons moyens. D'où il résulte que, dans notre langue,
la même phrase prononcée avec ces diverses intonations, reçoit de
chacune d'elles un sens différent (3). Enfin, cette influence de l'ac-
cent modifiant la signification des mots est tellement inhérente au
langage de l'homme qu'elle se retrouve dans plusieurs dialectes de
l'Afrique {h), de l'Océanie (entre autres en Malais), dans les deux
Amériques, et jusqu'au Groenland, région boréale de ce nouveau con-
tinent (5).
D. BEAULIEU,
Correspondant de l'Institut.
(La fin prochainement . )
NECROLOGIE.
HAYSEDEB (6).
Joseph Mayseder, violoniste distingué et compositeur élégant, est
né à Vienne, le 26 octobre 1789. Les éléments de la musique et du
violon lui furent enseignés par un maître obscur ; mais plus tard il
devint élève de Schuppanzigh, qui le choisissait toujours pour jouer
la partie de second violon dans ses matinées ou soirées de quatuors.
Un son pur, une exécution brillante dans les traits, enfin une cer-
taine élégance de style, forment le caractère de son talent d'exécu-
tion, qui laisse seulement désirer un peu plus de variété d'archet et
plus d'énergie. Ses compositions, particulièrement ses rondeaux bril-
lants, ses airs variés pour violon, et ses trios pour piano, violon et
violoncelle, ont obtenu des succès européens. Ces ouvrages se font
moins remarquer par le mérite de la facture que par un heureux
instinct de mélodie, et beaucoup de goût dans les détails. Mayseder
a toujours vécu à Vienne et n'a fait aucun voyage pour se faire en-
tendre en Allemagne ou à l'étranger. Successivement nommé virtuose
de la chambre impériale, premier violon solo de l'église de Saint-
Étienne et du théâtre de la cour, il a été chargé en dernier lieu de
la direction de l'orchestre de la chapelle impériale, où il a montré
du talent. Cet artiste a publié environ soixante œuvres de musique
instrumentale, parmi lesquelles on remarque : 1° concerto pour vio-
lon, n» 1 (œuvre 22), n" 2 (œuvre 26), n" 3 (œuvre 28), Vienne,
Berlin et Paris; 2° concerto varié ibid., op. 43, Vienne, Diabelli;
3" grand morceau de concert, op. 47, ibid. ; 4° polonaises pour violon
(1) Beulow, Accent, des langues indo-européennes, f&ges 05,120, 123. Encyclo-
pédie, tome VIII, page 79, col. 2.
(2) Wieil et Beulow, Accent, lat,, pages 53, 60, 318, 319.
(3) Balbi, Allas eWin., Tableau 19, Famil. Achantie. 23, Malais, lies mariannes,
27, l'Abipon. Tableau 28, les langues Guarani. Tableau 30, région de Guate-
mala. Tableau 36, Grœnlandais.
(i) Wieil et Beulow, de l'Accent, lat., pages A, 5, 6, 7, 8, 9, 13, 15 et suivants,
70, 106, 107, 180 et 181. Beulow, Accent, des langues indo-eur,, p. 39 et 293.
(5) Je possède la notation musicale de diverses intonations siamoises, qui sont
absolument semblables à celles que j'indique ici pour le français; et il en est, il
devait en êtie ainsi pour toutes les langues, parce que cet accent est celui dicté
par la nature.
(6) Col article est extrait du tome VX^ encore inédit, de la Biographie universelle
des musiciens, par Fétis père, seconde édition.
DE PARIS.
hOS
principal, avec accompagnement d'orchestre ou de quatuor, n"' 1 à
6, Vienne, Artaria, Diabelli et Haslinger; 5° rondeaux brillants pour
violon principal et orchestre ou quatuor, op. 21, 27, 29 et 36, tbid. ;
6o airs et thèmes et originaux variés pour violon principal avec or-
chestre ou quatuor, op. 18, 25, 33, tO et 45, ibid.; 7° thèmes va-
riés, avec accompagnement de second violon, alto et violoncelle,
op. 1, 4, 15, ibid.; 8° quintettes pour deux violons, deux altos,
violoncelle et contre-basse ad libitum, n"^ 1 et 2, op. 50 et 51, ibid.;
9° quatuors pour deux violons, alto et basse, op. 5, 6, 7. 8, 9, 23,
idem; 10" trios pour piano, violon et violoncelle, op. 34 et 41, ibid. ;
11° sonates pour piano et violon, op. 16 et 42, ibid.' Beaucoup de
morceaux de moindre importance. Celte musique est en général
agréable, mais elle n'indique pas une forte conception dans le déve-
loppement des idées.
De la liberté des théâtres, aie point de vue musical. Telle est la
question que nous nous proposons d'examiner dans notre numéro
prochain, en consultant l'expérience et en tenant compte des docu-
ments que no"js a légués une épreuve déjà faite. Dès aujourd'hui
nous signalerons un feuilleton du Sémaphore, de Marseille , dans
lequel notre excellent confrère, G. Bénédit, publie de judicieuses
réflexions relativement à la liberté des théâtres en province. Avec sa
permission, nous profilerons de son intéressant travail, dont nous
détachons immédiatement les lignes suivantes :
« Les personnes qui daignent accorder quelque attention à nos
revues musicales et dramatiques, nous rendront cette justice que
nous avons depuis longtemps pris part à la question de la liberté
des théâtres, laquelle va recevoir bientôt une pleine et entière
solution.
» Seulement, à propos de cette mesure importante et si vivement
désirée, les choses se présentaient à notre esprit sous un jour opposé
à celui de bien des gens, car alors que ceux-ci penchaient pour
une réforme administrative, nous nous déclarions pour une réforme
artistique.
» De quoi s'agit-il, disions-nous, et à quelles causes les théâtres
lyriques doivent-ils imputer le malaise qui les tourmente ? N'est-ce
pas à la rareté des chanteurs, dont les appointements excessifs rendent
presque toutes les directions impossibles, malgré l'appui de subven-
tions considérables? N'est-ce pas au déclassement des voix poussées
de plus en plus au-delà des bornes naturelles, et au peu d'extension
donné à l'enseignement musical? Si le gouvernement, qui s'occupe
avec un si grand zèle de relever l'art Ihéâlral, au lieu de s'en tenir
à de vaines théories, eût doublé le nombre de ses pensionnaires du
Conservatoire de Paris , fixé à dix seulement, depuis près d'un
siècle, alors que la population de la capitale comptait à peine six
cent mille âmes ; s'il eût employé son influence à créer des écoles
en province, n'est-il pas évident que les sujets auraient augmenté
dans de très-larges proportions? Conçoit-on, par exemple, que Lyon,
Bordeaux, Rouen et autres grandes villes n'aient pas encore un Con-
servatoire, et que jamais un intendant ofliciel ne vienne dans les dé-
partements remplir l'office du marquis de Corci, c'est-à-dire y cher-
cher et y découvrir quelque belle voix !
)) Eh bien ! on nous croira si l'on veut, mais la réforme théâtrale
élait tout enlière dans ces réflexions, dont la mise en œuvre aurait eu
sur les théâtres l^^iiques les meilleurs résultats, nous en sommes
certain. En les dédaignant, ou plulôt en ne leur accordant qu'une
attention distraite, on a perpétué les abus, et les choses en sont ar-
rivées à ce point qu'il a fallu en appeler à la liberté des théâtres,
avec laquelle on a cru remédier à tout. »
NOUVELLES.
,*« Le théâtre impérial de l'Opéra a donné lundi la Mnetle de portici,
et mercredi, Robert le Diable, devant une safle complètement remplie.
.Mme Sax, Gueymard et Belval ont été chaleureusement applaudis dans
le chef-d'œuvre de Mejerbeer. Vendredi, Mme Gueymard chantait la
Favorite avec son talent habituel. — Demain lundi, les Huguenots.
*** Moise sera repris dans la dernière semaine de ce mois. Mlle Fioretti,
danseuse nouvelle y débutera, dans le divertissement du troisième acte.
,*, La première représentation de la Fiancée du Roi de Garbes doit
avoir lieu le 26 de ce mois. A une répétition à orchestre, qui vient d'être
faite, l'ouvrage nouveau d'Auber a produit un très-grand effet.
f*^ Maria va être reprise avec éclat au théâtre Italien. Fraschini et
Mme de la Grange y rempliront les principaux rôles avec Délie ^edie
et Mme Méric-Lablache.
.^*^ Des engagements anléiieurs empêchant Mme Charton-Demeur de
prolonger son séjour au théâtre Lyrique, les représentations des Troyens
seront suspendues jusqu'au retour de la cantatrice. Aujourd'hui di-
manche l'ouvrage sera donné pour la dernière fois.
„*^ Le théâtre Lyrique doit donner cette semaine la première repré-
sentation de Rigoletlo.
^*t Malgré les offres les plus brillantes qui lui ont été faites, Carlotta
Patti ne se fera pas entendre pendant son séjour actuel à Paris, et, aprè*
avoir donné des concerts en Belgique et en Hollande, elle retournera à
Londres, où elle est engagée pour la saison par le directeur du théâtre
de Covent-Garden.
»*, Voici le programme du deuxième concert extraordinaire de la
Société du Conservatoire, qui aura lieu aujourd'hui : 1° symphonie en
la de Beethoven; 2° fragments de la troisième partie des Saisons, de
Haydn, chœur de chasse, récit, chœurs des vendangeurs ; 3° romance
en fa pour le violon de Beethoven, exécutée par M. Alard; 4° finale du
deuxième acte de la Vestale, de Spontini, soli chantés par Mme Guey-
mard et M. Belval; 5° ouverture du Frcischiitz, de Weber. L'orchestre
sera dirigé par M. Deldevez.
„** Le programme du concert populaire qui sera donné aujourd'hui
au cirque Napoléon est le suivant : ouverture de Sémiramis, de Rossini ;
symphonie hôroïrjLîe, de Beethoven; andante, de Sfozart; sérénade pour
piano et orchestre, de Mendelssohn , exécutée par M. L. Diemer; ou-
verture du Freischiitz, de Weber.
^*, La collection des œuvres si distinguées de Marmontel vient de
s'enrichir d'un morceau de salon, en mouvement de valse rempli d'élé-
gance et de grâce. Cette production charmante intitulée Souvenir de
Royal, est dédiée à Mme Edouard Monnais.
,*„, 11 y a quinze jours, Mlle Caroline Remaury a obtenu, au Conser-
vatoire, un très beau et très-grand succès ; elle a pleinement justifié la
rare faveur que lui a faite la Société des concerts. Cette jeune pianiste,
dont le talent s'est formé sous la direction de AL le Couppey, a exécuté
le concerto en sol mineur de Mendelssohn avec une sûreté, une chaleur
et une élégance qui attestent de fortes et sérieuses études, et qui révè-
lent une brillante organisation d'artiste.
^*^ Le rapport sur le projet de loi, relatif à la liberté des théâtres,
a été lu samedi, au conseil d'État, par M. Godelle. Ce projet, après dis-
cussion, a été adopté dans son ensemble sauf addition d'un article qui
impose à toute nouvelle salle l'obligation d'une contenance d'au moins
quatre-vingts places.
,i,*t Nous empruntons à l'avant-dernier numéro de la Revue et Ga-
zette des Théâtres le passage suivant, relatif à la sous-commission char-
gée de préparer le pro^et de loi sur la propriété littéraire. Cette sous-
comrriission était composée de i\]M. Lebrun, sénateur, le vicomte de la
Guéronnière, Nogent-Saint-Laurens, Duverger, Herbet, Imhaus et Ca-
mille Doucet. Elle a laborieusement fait sa tâche; elle a nettement posé
le principe, que la commission a repoussé à une faible et presque im-
perceptible majorité. Nous remarquons que, dans sa neuvième séance,
M. Nogent-Saint-Laurens, défenseur intrépide de la propriété littéraire
dans son entier, a parlé de « divers systèmes présentés pour organi-
ser la propriété littéraire d'après le droit commun ; notamment de
celui de M. Jules Maréchal et de celui de M. Eugène l'errand, qui,
par une heureuse idée {droit d\isage social), consacre les droits de la
société sur les ouvrages publiés, et évite les inconvénients de l'expro-
priation pour cause d'utilité publique. » Le procès-verbal n'en dit pas
davantage, et il est malheureux qu'il ne soit pas plus explicite. Le sys-
tème de M. Jules Maréchal est connu et a été publié. H n'en est pas de
même de celui de M. Eugène Ferrand, licencié en droit, sous-chef du
bureau des théâtres au ministère d'Etat, et secrétaire adjoint de la
&06
REVLE ET GAZETTE MUSICALE
commission de la proprii^lé littéraire. M. Eugène Ferrand est un
homme foit intelligent, fort érudit. Qui sait, dans le cas où son projet
aurait été livré à la publicité, s'il n'aurait pas attiré l'attention du
conseil d'Etat qui est chargé de rédiger la loi définitive, ou du Corps
législatif qui aura à l'examiner et à la voter?
^*^ A la distribution des récompenses aux exposants delà Société des
beaux-arts appliqués à l'industrie, des prix ont été décernés aux facteurs
d'instruments de musique, dont voici les noms : médaille de 1" classe,
M. Sax; médaille de 2= classe, MM. Herz et Gautrot; médaille de 3= classe,
M^f. Pape fils et Dell.
»** Il est question de la construction d'une vaste salle de Concerts
qui serait située en face de l'Hôtel de ville, au bout de l'avenue Victoria.
^*^ Voici le programme de la troisième séance populaire de musique
de cbambre qui aura lieu à la salle Herz, mardi prochain. Trio en ut
mineur, exécuté par Mlle Marie Colin, M\I. Ch. Lamoureux et E. Ri-
gnault. — Quintette en mi bémol de Boccherini. — Sonate en si bémol,
de Mendelssohn (piano et violoncelle), exécutée par Mlle Marie Colin et
M. E. Rignault. — Quatuor en ré majeur, de Mozart.
^*f: L'Association des Sociétés chorales de Paris et des départements
de la Seine, au nombre de huit cents exécutants, donne aujourd'hui à une
heure et demie un festival au Cirque de l'Impératrice.
^,*^ Le 10 décembre, Mlle Marie Sax, la célèbre artiste, et un jeune flû-
tiste, M. TafTanel, d'Arras^, ont fait les honneurs du concert donné par la
Société philharmonique, au profit des pauvres, Pourquoi ne dirions-nous
pas, dût leur modestie en souffrir un peu, les noms des deux amateurs
de notre ville qui ont bien voulu prêter leur concours à cette fête. Le
programme s'est montré réservé sous ce rapport. Mais le talent a ses
droits. Nommons donc M. Linder, conseiller de préfecture, et M. Dcreux,
sous-chef de la gare d'Arras. Avec tout l'auditoire, nous devons cons-
tater qu'au point de vue de l'art, ce sont de véritables artistes et qu'ils
n'ont de l'amateur que le nom.
^*^ Le ténor Severini, élève de U. Panofka, dont le talent et la mé-
thode ont été si bien appréciés pendant la dernière saison à Londres,
doit prochainement débuter au théâtre Royal, à Stockholm, où il est
ciigagé pour une série de représentations. Son premier rôle sera celui
du duc dans Rigoletlo.
^*^ Mme Vandenheuvel-Duprez, Félix Godefroid et Léon Duprez, se
sont fait entendre à la Société philharmonique de Douai, où les applau-
dissements les plus chaleureux leur ont été justement prodigués.
»*,t Mme Cabel vient de rentrer au grand théâtre de Lyon, où l'on a
représenté le Pardon de Ploërmel avec un très-grand succès. La ber-
ceuse, l'air de l'ombre, la romance, la légende et les duos ont valu de
chaleureux applaudissements et des rappels à l'excellente artiste, qui
les a partagés avec MM. Melchisedec et Mirai. La reprise du chef-
d'œuvre de Meyerbeer a été très-brillante. L'orohestie, sous la direction
de Luigini, a fort bien fonctionné et la mise en scène a été splendide.
^*t Sivori a terminé ses nombreux concerts à Londres, qui n'ont été
qu'un long triomphe pour lui. L'éminent artiste s'est rendu à Angou-
lême et à Bordeaux, où il se fera entendre au cercle philharmonique;
ensuite il y donnera deux séances de musique de chambre avec le con-
cours de Mme Tardieu de Malleville. Au mois de janvier, il se trouvera
à Paris, où il passera l'hiver ; nous aurons donc souvent occasion de
l'applaudir.
^*^, Charles Voss, l'auteur d'un si grand nombre de charmantes com-
positions pour le piano, est de retour d'Italie et passera une partie de
l'hiver à Paris.
^*^ M. Lefébure-Wély s'est rendu a Saint-Etienne, où il a donné deux
soirées pour faire entendre les nouvelles orgues sorties de la fabrique
de M. Beaucourt, de Lyon. Dans la première, l'éminent artiste a joué
cinq morceaux différents composés, ou plutôt improvisés, afin de met-
tre en relief les nombreuses combinaisons de timbres auxquelles les
instruments se prêtent. Bornons-nous à dire que l'auditoire a été litté-
ralement émerveillé; dans la .«seconde séance, -M. Lefébure-Wély a en-
core surpassé l'impression qu'il avait tout d'abord su produire.
f,*.^ La séance de la Société des Enfants d'Apollon a été très-intéres-
sante dimanche dernier. Nous y avons entendu un quintette de Mozart
pour piano et instruments à vent. MM. Guidon frères ont chanté le Dé-
laissé, mélodie, et les Deux Amis, duo bouffe, deux nouveaux morceaux
inédits de iM. Adolphe Blanc; ensuite M. Sighicelli a joué le concerto pour
violon de Mendelssohn, et Mlle Juliette Dorus a terminé la séance
en chantant Vincitation à la valse et à la mazurka, d'Adolphe Blanc.
.j,*^ Sehulhoff est attendu au commencement de janvier à Paris, où il
passera l'hiver.
^*^, Dans une soirée musicale donnée la semaine passée dans les salons
de M. Lebouc, le violoniste M. Laoghans et la pianiste Mme Langhans
se sont fait apprécier comme virtuoses et compositeurs. Un quatuor et
une sonate pour piano et violon, ainsi qu'une tarentelle pour le piano,
composés et parfaitement exécutés par le couple musical, ont obtenu
l'approbation générale dans cette séance qui s'est terminée par un
quintette de Mendelssohn.
.j,*.^ Récpries déjeune fille, tel est le titre d'un nouveau morceau de
L. Pascal Gerville, qui vient d'être publié. Les pianistes y retrouveront
toutes les qualités qui distinguent à un si haut degré, les compositions
pour le piano de cet auteur favori, et ne tarderont pas à l'adopter.
,j*t Mme Volpini, qui s'est fait entendre avec tant de succès aux con-
certs de Jullien fils, à Londres, vient d'accepter un engagement au théâ-
tre du Liceo, de Barcelone.
^,*^ Le violoniste Hugo Heermann et sa sœur Hélène Heermann, har-
piste, ont obtenu de très-grands succès aux concerts du Gewandhaus à
Leipzig, aux concerts du Muséum à Francfort, ainsi qu'à Brème et plu-
sieurs autres villes en Allemagne. Ils se rendront à Paris au mois de
février, et s'y feront entendre dans la salle Erard.
^*j, M. Emile Ettling vient de faire paraître chez Heu, éditeur, 10,
Chaussée-d'Antin, une ravissante valse pour soprano, intitulée la
Prima-Donna, paroles françaises de M. Nuitter, traduction italienne de
M. Tagliafico. Cette valse de concert est appelée à un très-grand et lé-
gitime succès, et fera partie du répertoire;,de toutes nos grandes canta-
trices, car elle contient des mélodies et des vocalises charmantes.
^"^ L'éditeur Adolphe Catelin fera paraître, vers la fin de ce mois,
une œuvre fort remarquable de E. Wilhelm liitter. C'est une Marche
religieuse polonaise pour orgue, piano et violon.
^*f_ Les textes du nouvel office de Vlmmaculés Conception, envoyés
dernièrement de îlome, viennent d'être composés en plain-chant, d'a-
près les règles des modes grégoriens, par M. Félix Clément. Cette œu-
vre est destinée à la grande édition in-folio du chant romain traditionnel
à laquelle cet artiste travaille depuis plusieurs années, et qui va sortir
des presses de M. Adrien Leclère. Les principaux caractères des antiques
tonalités ontéti heureusement appropriés aux magnifiques fragments des
livres saints dont l'office de la nouvelle fête a été formé.
,j*,i. Le nouveau quadrille de Strauss, les Bavards et le Brésilien, qui a
fait fureur au dernier bal de l'Opéra, paraît demain arrangé pour piano.
Ce sera le grand succès de l'hiver, au monde dansant.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
4'',^ Bruxelles. — Grâce au rétablissement de Mlle de Maesen,
Martlia est venue apporter un élément de variété dans le réper-
toire du théâtre de la Monnaie. Le mélodieux ouvrage de M. de Flotow
a pour interprètes MM. Jourdan, Bérié, Mengal, Mlles de Mac'sen et
Borghèse, et on n'a eu qu'il se féliciter de cette reprise, au succès de
aquelle les chœurs et l'orchestre ont contribué pour une bonne part.
XObéron, dont les représentations ont été interrompues par suite d'une
indisposition de Mme Mayer, a été repris à la satisfaction du public.
On parle de la reprise du Cheval de Bronze. — Le premier concert du
Conservatoire est annoncé pour le 'M de ce mois. En voici le pro-
gramme : ouverture de Mélusine, de Mendelssohn ; cavatine des Noces
de Figaro, chantée par Mlle Illinworth ; cinquième concerto de
Beethoven, joué par Mlle Wauters. 94'' Symphonie (en si bémol), de
Haydn. L'orchestre sera dirigé par M. Fétis.
,^*,i, La Haye, 13 décembre. — Une pianiste hollandaise que toutes les
capitales des Etats de l'Amérique du Nord, et récemment la France,
ont appréciée et applaudie, Mme Gracver, vient d'obtenir ici un succès
des plus flatteurs. Appelée d'Amsterdam par dépêche télégraphique,
pour se faire entendre dans une soirée donnée à la cour, et à laquelle
assistaient le corps diplomatique et la haute noblesse des Pays-Bas, la
célèbre artiste a reçu de LL. MM. le roi et la reine les félicitations les
plus bienveillantes et les plus affables, auxquelles la reine a daigné
ajouter un cadeau tout royal, consistant en une magnifique montre en-
richie de perles fines. Mme Graever est à la veille d'entreprendre une
longue excursion artistique dans les pays du Nord. Sa première halte
sera à Bruxelles, d'où elle se rendra successivement en Allemagne, en
Suède et en Russie.
/„, Rotterdam. — Le 16 décembre — la veille du jour anniversaire
de la naissance de Beethoven — on exécutera dans la salle du théâtre
la symphonie héro'ique, puis on jouera FideUo. Le 18, sera exécuté
Allialic, oratorio de llaendel, sous la direction du maître de chapelle
DE PARIS.
407
Nicolaï. Pour le 19 on annonce la première représentation de : les
Catacombes, opéra de Hiller.
^*^ Cobourg. — Le 6 décembre, pour fêter l'anniversaire de la du-
chesse de Saxe-Cobourg, a été représenté au théâtre de la cour un
opéra nouveau d'A. Langerts : la Malédiction du chanteur, texte d'a-
près la célèbre ballade d'Uhland. Le succès a été des plus brillants.
^,% Vienne. — Au profit de la Société de secours pour les Veuves et
Orphelins des artistes musiciens, l'oratorio de Haydn, la Création, sera
exécuté les 22 et 23 décembre dans la salle du théâtre de la cour. A
la soirée de quatuors Ilelimesberger, a été exécuté un quatuor inédit de
IW. Zôllner, jeune compositeur qui débute, et qu'on a eu la complai-
sance de rappeler. Le double quatuor de Spohr a eu un succès d'en-
thousiasme. La dernière composition de llayseder a été exécutée à la
Société de quatuors Laub. Ferdinand Laub est l'exécuteur testamentaire
du célèbre violoniste. Le ballet, Jolta, a été arrêté après la troisième
représentation, par suite d'une indisposition de Mlle Conqui.
»*, Berlin. — L'oratorio de Mendelssohn, Elle, a été écouté avec un
vif intérêt. Le programme du premier concert du Domchor offrait un
programme de morceaux très-intéressants ; à part le Cruci/ixus de
Lotti et le Misericordias de Mozart, nous citons le motet à cinq voix :
Jésus, ma joie, par J. S. Bach. Mlle Decker a chanté un air de la Pas-
sion de Bach, selon saint .Mathieu et VAue Maria de Chérubini. Au
théâtre royal, Orphée et Eurydice, où Mlle de Ahna, pour la première
fois, a chanté le rôle û'Orphée, et Armide avec Mme Kœster.
»*» Hambourg. — Au théâtre de la ville, on donne en ce moment un
ballet d'enfants : Le l'elil Poucet, arrangé avec beaucoup de goût et de
verve, par Mlle Lanner ; tous les soirs la salle est comble. MlleTietjens
a quitté Hambourg; la Commission pour la construction des églises lui
a offert un magnifique bracelet. L'éminente cantatrice n'avait pas
voulu accepter de rémunération pour le concours qu'elle avait prêté à
l'exécution du Messie de Haendel.
^*, Turin, 14 décembre. — Un grand concert a été donné par
l'excellent professeur de piano et d'harmonium, Giuseppe Romano,
dans la salle des frères Marchisio. Parmi les morceaux dans lesquels il
a obtenu le plus brillant succès, il faut citer l'ouverture du Pardon de
Ploëimel, qu'il a exécutée avec un artiste des plus distingués, Giuseppe
Marchisio. Mmes Perelli et Lanfranchi, ainsi que le baryton Qiuntili
Léoni, prêtaient leur concours à cette séance, qui avait attiré la foule.
^*^: Naples. — L'ouverture de la saison au théâtre San Carlo aura
lieu par Guglielmo Tell, qni sera suivi d'un nouveau ballet, la Figlia
dell'Inferno.
,*j. Barcelone. — L'immense succès qu'a obtenu le Prophète, au théâtre
da Licéo, continue. A chaque représentation du chef d'œuvre de
Meyerbeer, la salle est comble et le public applaudit à outrance l'ou-
vrage et l'exécution. Négrini et Mme Colson y brillent au premier rang,
et Mlle Masson montre également beaucoup de talent. M. Verger mérite
des éloges pour la magnifique mise en scène.
i
j*j, Moscou. — Un nouveau ballet de Saint-Léon, la Salamandre, au
succès duquel l'apparition de spectres, d'après le système mis en usage
à Paris, n'a pas peu contribué, a été donné plusieurs foi.s. Mlle Jloura-
wielT, après avoir dansé dans une représentation au bénéfice de Saint-
Léon, est partie pour Saint-Pétersbourg, où elle va remplir le principal
rôle dans le ballet le Pécheur et la Ndiad'.
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Le Saxotromba, ou le Saxhorn, est supérieur à ses analogues existants précédemment, comme proportion de tubes et par
conséquent comme son ; supérieur comme justesse ; supérieur comme création de famille complète ; supérieur comme facilité et
unité de doigté ; supérieur comme forme ou contour des tubes pour l'émission des sons ; supérieur comme forme pour le pla-
cement et le maniement de instrument ; supérieur comme ayant une même direction des sons (avantage pour l'auditeur de
recevoir tous les sons avec la mémo puissance); supérieur en ce que quelques jours suffisent pour former, avec dos amateurs ou
de simples conscrits militaires, une musique passablo ; supérieur en ce que les plus gros instruments comme les petits se
tiennent facilement au moyen de la main gauche et du bras gauche, et laissent le bras et la main droite entièrement libres,
et dans la meilleure position pour le jeu des doigts sur les cylindres ; supérieur en ce que, quand un élève a déjà fait des
études et qu'il est obligé de changer d'instrument faute de disposition des lèvres ou par tout autre motif, ses études acquises
servent pour le nouvel instrument, soit trompette, trombone ou tout autre instrument ; supérieur en ce que l'on peut faire les
études les plus longues et les plus difficiles sur l'instrument qui fatigue le moins et les reporter sur d'autres plus durs à jouer
ou plus lourds à porter; supérieur en ce que, dans les sociétés ou dans un régiment de cavalerie, surtout lors des congés, il
arrive souvent que tous les artistes d'une même catégorie d'instruments partent, et que, dans ce cas, on peut les remplacer
en prenant des musiciens dans les parties les mieux garnies pour occuper ou remplacer les parties manquantes; supérieur en
ce qu'on ne craint pas les oups de tète des chevaux, qui, avec les anciens instruments, brisaient parfois les dents au cava-
lier; supérieur en ce que l'on peut jouer, le cheval au trot ou au galop, l'instrument suivant toujours les mouvements du
corps; supérieur pour la musique en marche en ce que l'instrument ne se dérange pas sur les lèvres, et conserve par consé-
quent la même sonorité qu'au repos; supérieur pour les corps de musique et pour le militaire surtout, où tout est régulier '
excepté les musiciens et les instrumenis d'après le système ancien), en ce que tout le monde se trouve dans la môme position, toutes les mains à la même
tous les instruments penchés de gauche à droite ; supérieur, pour la musique à cheval ou de cavalerie, en ce que si, pendant que l'on joue, le cheval vient
écart, il est facile de ressaisir les brides pour le rametier, sans déranger riastrunient de sa position. âjK^
Toai lei iniirumenii sortant de la fabriqne poricni l'instripiion snivanie : Adolphe Sax, à Paris, facteur de la maison militaire de l'Empereur, Q|îr\
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5. DŒHIiER. —Op. 1x2. Deux études.
6. FAVARGER. — Op. 43. Caliban, grande valse.
7 . GORI A. — Op. 41. Grande mazurka.
8. HELLER (Stéphen). — Op. 56. Sérénade.
9 . HENSELT. Poëme d'amour.
10. HERZ (H.). — Op. 143. Mazurka.
11. JAELIi. — Le Carillon, morceau élégant.
12. IiACOMBE. —Op. 54. Marche turque.
13. liESCHETIZKY. - Chant du soir, idylle.
14. LITOLFF. — Chanson du rouet.
15. IiISZT. — Deuxième marche hongroise.
16. MENDELSSOHN. — Presto scherzando.
17. MOSCHELÈS. — Op. 95. Trois études.
18. PRUDENT. — Op. 33. Farandole.
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Italiens, 1. Nous les enverrons comme d'habituilc à ceux qui
habitent la province.
SOMMAIRE. — La liberté des théâtres au point de vue musical (1" article),
par Paul Smith. — Théâtre Lyrique impérial : Rigoletto, opéra en quatre
actes, musique de Verdi, traduction française de M. Ed. Duprez, par Itéon
nnrocher. — Nécrologie: Beaulieu. —Revue des tliéâtres, par O. A. O.
Saint-Yves, — Nouvelles et annonces.
DE U LIBERTÉ DES THÉÂTRES
Au point de vue musical .
(Premier article.)
Lihertas, quœ sera tamen . . .
Enfin nous l'aurons cette liberté, que tant de vœux appellent, et
nous la devrons, non plus au caprice orageux d'une révolution passa-
gère, mais à la volonté libre et profondément méditée du souverain!
Nous aussi, nous avions voté pour elle, alors que la question se dé-
battait dans les conseils d'une république déjà grosse d'un empire,
parce qu'alors comme aujourd'hui nous ne comprenions que deux
systèmes, celui du privilège, tel que l'avait conçu et établi Napo-
léon 1", ferme, solide, efficace, ne permettant à personne de se glis-
ser ni par dessus ni par dessous, ou celui de la liberté, comme va
le fonder Napoléon III. Nous ne professions qu'une médiocre estime
pour l'état mixte sous lequel nous avions vécu si longtemps , celui
de la concession illimitée des privilèges, parce qu'il n'a rien de sin-
cère, rien de stable, et qu'il n'est, à vrai dire, ni le privilège ni la
liberté.
Ce qui était possible et même salutaire en 1807, ne serait plus
admissible en 1864. Ce privilège a fait son temps, la liberté seule a
des chances. Mais, cette liberté, il faut bien la comprendre, et ne pas
s'en effrayer comme ces braves artistes qui ne se trouvaient pas assez
protégés sous le régime du privilège (et ils n'avaient pas tort), mais
qui se sont mis à trembler de tous leurs membres, en s'apercevant
que sous le régime de la liberté ils ne seraient plus protégés du
tout. Il ne faut pas non plus trop s'en réjouir, ni trop en espérer,
comme ces auteurs et ces compositeurs peu favorisés par le privi-
lège, et qui se flattent que, grâce à la liberté, on sera inévitable-
ment contraint et forcé de jouer leurs œuvres.
Pour nous, l'immense avantage de la liberté, ce sera d'affranchir
le pouvoir de l'incessante obsession des demandeurs de privilèges;
ce sera de lui épargner la responsabilité du choix des titulaires, les-
quels presque toujours lui étaient imposés.
Avec la liberté, tout homme intelligent qui aura une bonne idée,
!ilO
REVUE ET GAZETTE MUSICALE
por.rra l'exploiter sans recourir aux sollicilations^ aux prolections, aux
n trigues.
Le revers de la médaille, car toute médaille en a un, ce sera qu'un
aventurier, un extravagant imagine d'ouvrir à ses dépens, ou à ceux
des autres, une usine théâtrale qui fermera au bout de quelques mois.
Comme d'ailleurs le privilège n'empêchait pas toujours les folies
de ce genre, mieux vaut encore qu'on les fasse de soi-même et sans
patente, qu'avec une espèce de garantie du gouvernement.
La seule chose qu'on ne puisse prédire à coup sûr, c'est de quel
côté sera la majorité, de celui des hommes à idées justes et des spé-
culateurs heureux, ou de celui de h témérité et des ruineuses entre-
prises.
L'expériencH est à faire, ou plutôt à refaire, puisque la liberté^des
théâtres en est chez nous à sa seconde, campagne, et l'on n'a pas
oublié que la première se solda par un déficit assez lourd.
Le décret impérial du 29 juillet 1807 eut pour but de mettre un
terme à la misère des théâtres, qui depuis 1791 s'étaient multipliés
outre mesure, et pour cela il employa un remède héroïque : il en
supprima vingt-cinq d'un seul coup ; ceux qui restèrent sur pied
firent tous d'excellentes affaires. Et voilà comment devait procéder
le privilège, dont la seule excuse était dans une assurance de prospé-
rité matérielle et privée.
Mais pour nous la question d'argent ne passe qu'après la question
d'art. On a souvent parlé avec un enthousiasme tant soit peu
excessif des services que la liberté des théâtres avait rendus à la
musique française ; nous ne demandons pas mieux que de les recon-
naître, et nous en avons dressé le bilan exact, dans ce journal
même, sous le titre de Dix années lyriques en France (1). Peut-
être serait-il à propos de reproduire ici le résumé de ce travail, en
commençant par rappeler ce que la musique comptait de théâtres à
Paris lorsque l'heure de la liberté vint à sonner. Avant le décret de
1791, il y avait l'Opéra, fondé par Louis XIV; l'Opéra-Comique, sorti
de la Comédie Italienne, et le théâtre de Monsieur, qui bientôt allait
devenir le théâtre Feydeau ; en outre, il y avait quelques établisse-
ments de peu d'importance. La situation ne fut pas gravement
modifiée par le décret qui permit à chacun de créer un théâtre.
L'Opéra, l'Opéra-Comique, le théâtre Feydeau demeurèrent ce qu'ils
étaient; autour d'eux quelques scènes chantantes essayèrent de se
former, comme le théâtre Louvois, le théâtre Montansier ; la musique
s'y hasarda, mais sans s'y établir seule et sans partage. Sur aucune
de ces scènes accessoires, et pour ainsi dire accidentelles, il ne
naquit rien de remarquable, rien de durable. Aucune d'elles n'eut
de bonne fortune équivalente à celle d'une Mère coupable, ou d'un
Robert, chef de brigands, qui mirent en vogue le théâtre français de
la rue Culture-Sainte-Catherine.
Tout le monde sait que le règne de la liberté théâtrale n'ajouta
pas un fleuron à la couronne de l'Opéra. La liberté n'y peut rien
revendiquer des grandes œuvres qu'il a enfantées, et l'on ne doit
porter à son compte que des inspirations éphémères d'une déplo-
rable médiocrité, lorsqu'elles n'étaient pas d'une nullité complète.
« Quoi de plus triste, disions-nous dans notre revue historique, que
cette période de dix années, durant laquelle, abandonné de tous les
hommes de génie et de talent, excepté Grétry, Méhul et Gossec, ce
grand et beau théâtre ne compta que deux ou trois ouvrages esti-
mables, à travers une multitude de productions infimes ! Anacréon
chez Pohjcrate, qui n'est pas le chef-d'œuvre de Grétry, fut le chef-
d'œuvre de cette époque sur une scène qui s'était enrichie des
sublimes ouvrages de Gluck, des productions admirables et char-
mantes de Piccinni, de Sacchini ! Concluons-en que l'Opéra n'exis-
tait que de nom, et qu'il ne fut pour rien dans le vigoureux élan
(1) Voyez année 1842, du 9 au 30 octobre, n»* 41, 42, 43 et 44.
que prit la musique française dans le même temps, mais sur
d'autres théâtres. »
Pendant ces années de liberté, l'Opéra n'eut pas à subir de con-
currence sérieuse : nulle entreprise rivale ne tenta d'usurper son
genre, ni ne l'inquiéta sur son terrain. Et pourtant, quoiqu'on niasse le
budget des dépenses ne laissât pas d'être pesant , quelle différence
entre les charges de ce temps et celles du nôtre, en ce qui concerne
seulement la liste civile des artistes! Ce qu'on n'a pas fait de 1791
jusqu'en 1801, lors de la première ère de la liberté théâtrale, l'es-
sayera-t-on sous la seconde, maintenant que les difficultés sont bien
plus grandes? Mais i' faut convenir aussi que l'Opéra est devenu
bien plus populaire et le génie de l'entreprise bien plus audacieux.
Dans le genre que l'on désignait, souvent bien à tort, par le nom
d'opéra-comique, ou, pour employer des termes plus précis, dans la
région où la musique est tempérée par la parole, nous étions déjà
bien avancés en 1791 ; déjà nous possédions une quantité d'ouvrages
de caractères différents: après le Tableau parlant, la Fausse ma-
gie, l'Epreuve villageoise, Grétry nous avait donné Richard Cœur
de lion. Méhul avait débuté par ce coup de tonnerre que l'on ap-
pelle Evphrosine et Coradln. C'est assez dire que le nouveau 'régime
avait peu de chose à faire pour élever le ton, agrandir le cadre, don-
ner l'essor aux passions. Toutefois, cette gloire ne peut être refusée
au théâtre Feydeau, qui se posa franchement comme l'adversaire de
l'ancien théâtre Favart, et aux auteurs qui se vouèrent spécialement
à sa cause. Le combat se prolongea dix ans et finit par la réunion
des deux théâtres qui ne pouvaient plus se soutenir isolément.
Pendant les dix années de son existence indépendante , le théâtre
Feydeau donna environ 216 ouvrages, dont S8 ou 40 opéras italiens
ou pièces traduites, 60 comédies et drames ; restent donc à peu près
108 opéras ou vaudevilles. Comptons dix opéras par année; c'est, en
moyenne, le maximum auquel un théâtre lyrique puisse arriver.
Pendant ces mêmes dix années, plus de quarante musiciens (dont
quelques-uns n'avaient pas encore travaillé pour la scène) firent
jouer des ouvrages sur le théâtre Feydeau. Voulez-vous savoir dans
quelle proportion? Dalayrac seul, qui était un vétéran et non pas un
novice, en fit jouer plus de 25/, Gaveaux, 17; Solié, 11 ; Méhul, 10;
Devienne, 10; Bruni, 9; Jadin, 9, Grétry, 8; Berton, 8; Cherubini, 8;
Kreutzer, 8; Boïeldieu, 7; Plantade, 6; Persuis, 5; Lesueur, 4; Tar-
chi, 4; Champein, 3. Voici les noms des autres compositeurs plus
ou moins célèbres qui parvinrent encore de temps en temps à
l'honneur de la représentation : Philidor, Della-Maria, Steibelt, Le-
moine, Gresnick, Parenti, Trial fils, Désaugiers père et fils, Lebrun,
Porta, Fay, Mengozzi, Deshayes, Pradher, Ladurner, Lélu, Blasins,
Eler, Scio, Lemière, Beffroy de Reigny, autrement dit le cousin Jac-
ques.
Ainsi, vous le voyez, c'est l'un des compositeurs les plus anciens,
l'un de ceux dont la renommée s'appuyait sur le plus grand nombre
de succès, qui profita le plus largement ^des avantages offerts par le
nouveau théâtre. Ainsi, nous avons vu, de notre temps, Adolphe
Adam, qui d'ailleurs^ le méritait si bien, prélever le meilleur de
la moisson du théâtre Lyrique. Néanmoins, le théâtre Feydeau-
rendit à l'art un service éminent, soit en accueillant des hom-
mes peu connus, qui plus tard se placèrent au rang des maîtres, soit
en ouvrant une carrière plus vaste à des maîtres déjà formés, pour
qui le vieil opéra-comique était un champ trop étroit.
C'est à Feydeau que débuta Lesueur, et tant que ce théâtre exista,
il lui demeura exclusivement fidèle. Cherubini suivit l'exemple de
Lesueur, lui qui avait fait ses premières armes à l'Académie royale
de musique et au théâtre Italien. Tous deux créèrent un genre dont
on n'avait pas encore l'idée, tant pour l'élévation et la sévérité du
style, que pour l'emploi des ressources chorales, et aussi pour les
magnificences de la mise en scène. Lodo'iska , la Caverne, Téléma-
gue, Médée, Elisa ou le Voyage au mont Saint-Bernard, furent
DE PARIS.
411
montés à grand frais et avec un luxe de décors que le théâtre Favart
n'admutlait pas. Bornéo et Juliette, de Steibelt, fut monté avec le
mèuie appareil, et obtint un succès que deux cents représentations
épuisèrent à peine.
A côté de ces trois compositeurs, dont le génie ne se développa
que sur le nouveau théâtre, il y en eut trois autres d'un ordre bien
inférieur, dont le talent y prit l'essor dans plusieurs ouvrages non
moins heureux qu'agréables, Devienne, Bruni et Gaveaux. Petite mu-
sique, diraient avec raison les savants de notre époque, à propos
des Visitandines, de Toberne, de V Amour filial! Eh! oui certaine-
ment, petite musique, mais aussi, convenez-en, musique spirituelle,
musique disant quelque chose et toujours d'accord avec les paroles ;
musique chantante que l'on retenait à l'instant même et que l'on
répétait partout. Tous nos jeunes lauréats ont une facture beaucoup
plus riche, beaucoup plus large, beaucoup plus travaillée que ces
petits musiciens ; ce qui leur manque, c'est l'originalité, c'est l'ex-
pression, ce sont les idées. Ils savent trop bien faire parler toutes
les voix de l'orchestre , mais quant à celles qui sont sur le théâtre,
ils ne leur font rien dire, ou peu s'en faut.
Le théâtre Feydeau donna donc à la France de nouveaux compo-
siteurs et un genre, à certains égards, nouveau. Il lui donna aussi
de nouveaux artistes : Martin, Juliet, Lesage, Gavaudan, Gaveaux,
Mme Scio, devinrent les principales colonnes des deux théâtres réu-
nis. La troupe de l'ancien Opéra-Comique se recomposa presque
' tout entière avec les éléments que lui fournit celle du nouveau.
Comme les vieilles nations, les troupes anciennes ont besoin de se
retremper, de se rajeunir, et c'est chose remarquable qu'en général
la troupe des seconds théâtres finit par absorber celle des premiers.
Voilà ce que produisit la concurrence, fille de la liberté : voilà
ses résultats avantageux et glorieux tout ensemble. Mais le reproche
sérieux qu'on lui adresse, c'est qu'elle ne put durer et qu'elle en-
traîna dans sa chute les deux théâtres chargés de la soutenir. Au
bout du combat, les deux athlètes restèrent gisants sur la place et,
pendant le duel, ils avaient dû plusieurs fois s'arrêter pour repren-
dre haleine et cicatriser les blessures qu'ils se faisaient récipro-
quement.
Un autre grief contre cette concurrence, qui aurait semblé devoir
être si productive, c'est qu'en fait de génie musical, elle légua peu
de chose à l'avenir. On eût dit que, la lice étant ouverte à tout le
monde, que les jeunes compositeurs trouvant les avenues faciles, de
grands musiciens surgiraient de toutes parts et affranchiraient leur
patrie du tribut qu'elle payait depuis longtemps aux muses étran-
gères. C'est le contraire qui arriva. Des jeunes compositeurs qui
s'essayèrent pendant la concurrence (nous exceptons les Cherubini, les
Méhul, les Berton, qui s'étaient fait connaître auparavant), un seul
devait enrichir d'un brillant rayon l'auréole de la musique française.
Ce jeune compositeur, c'est Boïeldieu, dont, par parenthèse, les dé-
buts ne promirent pas tout ce qu'il fut plus tard. Nicolo, qui n'était
pas Français, ne donna son premier ouvrage qu'après la réunion de
Favart et de Feydeau!
Ainsi, quand la concurrence avait commencé, sept ou huit compo-
siteurs de premier ordre s'étaient trouvés prêts à se disputer la palme;
quand la concurrence finit, il ne s'en trouva que deux nouveaux en
état de descendre dans la lice. Cela prouve que l'enfantement des
artistes et des hommes supérieurs tient à d'autres causes que celles
qu'on se plaît à leur assigner, et que ni la faveur des circonstances ni
celle des institutions ne leur sont indispensables. Le bon grain germe
et mûrit dans les plus mauvaises terres, tandis que le mauvais s'é-
tiole et se dessèche dans les meilleures.
l'AUL SMITH.
THEATRE LYRIQUE IMPÉRIAL.
Opéra en quatre actes, musique de Verdi,
de M, E. DupREZj
(Première représentation le 24 décembre.)
française
{La suite prochainement.)
La partition de Rigoletto est une des œuvres les plus remarquables
et les plus heureuses de Verdi. Elle est consacrée par un succès cons-
tant et universel. Quelque opinion qu'on ait d'ailleurs du talent de
Verdi, de son style, de ses procédés, de la nature de son génie,
un ouvrage ne réussit pas ainsi partout sans qu'il y ait pour cela de
bonnes raisons, et, si l'on y trouve des" défauts, il faut que ces dé-
fauts soient rachetés par des qualités de premier ordre. A notre avis,
Verdi est un compositeur incomplet , mais qui a de très-grandes
qualités. En pareil cas, le public, qui ne cherche au théâtre que son
plaisir, laisse de côté les passages faibles, les morceaux mal venus,
et jouit de ceux où l'auteur a été heureusement inspiré. Le public a
raison, el nous faisons comme lui.
Nous n'avons pas à examiner ici une partition tant de fois jugée.
L'exécution était seule en question dans cette soirée du 24 décembre,
qui comptera parmi les plus brillantes du théâtre Lyrique. Mlle de
Maësen était chargée du rôle de Gilda; MM. Ismael et Monjauze, de
ceux de Bigoletto et du duc de Mantoue. Jamais, que nous sachions,
M. Monjauze n'avait chanté avec autant de correction, de goût et de
grâce. Mlle de Maësen a déployé des qualités brillantes qu'elle n'a-
vait pu qu'indiquer dans les Pécheurs de perles, une voix étendue
d'un timbre métallique, et une vocalisation savante et hardie, un
style élégant, une grande justesse d'expression, et, à l'occasion, une
rare énergie. A la fin du troisième acte, dans son duo avec Rigo-
letto, elle a littéralement enlevé la salle, qui a redemandé le mor-
ceau à grands cris, sans s'inquiéter le moins du monde de la fatigue
des exécutants. Le public est insatiable et impitoyable. Il faut, à
certains moments, qu'on le satisfasse, en dût-on mourir. Nous ne
voyons guère à reprocher à Mlle de Maësen que la dureté de cer-
taines notes suraiguës que M. Verdi prodigue un peu trop peut-être,
et qu'elle n'atteint pas sans effort.
Pendant les deux premiers actes, M. Ismaël, un peu trop ému,
n'était pas maître de sa voix. Ses intonations étaient incertaines, et
souvent trop hautes. Il s'est remis au troisième, calmé, sans doute,
et encouragé par l'attitude de l'auditoire. Il joue et chante ce rôle,
fort difficile d'ailleurs, en artiste soigneux et intelligent, mais un peu
lourd. Il donne à tout une égale importance : il appuie donc trop
sur certains détails qu'il faudrait seulement effleurer. Au com-
mencement du troisième acte il chante à pleine voix la chanson sans
paroles qui ne doit être que fredonnée. Mais il a, dans les scènes qui
suivent, beaucoup de vigueur, avec des mouvements très-pathétiques.
C'est, autant qu'on en peut juger, un homme désireux de bien faire,
mais un peu timide, qui tâte son public, et qui a besoin d'assurer
sa marche sur un terrain encore nouveau pour lui. Il y a donc vingt
contre un à parier qu'à chaque représentation ses qualités devien-
dront plus saillantes et ses défauts moins sensibles. Un de ces défauts,
qu'il doit corriger au plus vite, c'est l'émission de sa voix. Il la met
trop en dedans, et par là il ôte à son rôle une partie de l'accent
que ce rôle devrait avoir.
Les autres personnages , Sparafucile , Madeleine , etc. , sont tous
convenablement représentés, et l'ouvrage est rendu avec le plus
louable ensemble. Tout le monde a remarqué la sûreté, la précision,
l'exactitude consciencieuse, les nuances variées, et parfois très-déli-
cates de l'exécution chorale et instrumentale. A cet égard — il faut
le dire, puisque c'est la vérité — le théâtre Lyrique a sur le théâtre
Italien une supériorité marquée.
412
REVUE ET GAZETTE MUSICALK
Il l'a également pour les décors et la mise en scène. Il a été re-
compensé de cette bonne volonté et de ces efforts par un éclatant
succès qui durera longtemps, selon toute apparence.
LÉON DOROCHER.
NÉCROLOGIE.
BEAVIilEU (Uarle-Désfpé-aiartfn).
Le Revue de l'Ouest du 21 de ce mois nous apporte une bien triste
nouvelle. « C'est avec une douloureuse émotion, » lisons-nous dans
ce journal, « que nous annonçons la mort d'un homme qui jouissait
au plus haut degré de la considération et de l'affection de tous.
M. Martin Beaulieu a été enlevé à sa famille, à ses amis, à ses
concitoyens, lundi soir. Il y a peu de jours, il réunissait autour de
lui, dans un concert, des artistes, des amateurs ; il y exécutait un
morceau sur le violon. Jamais il n'avait joué avec plus d'âme, plus
d'entraînement. C'était son dernier chant, le chanl du cygne. Le
lendemain, il était atteint d'un mal terrible, et jusqu'à lundi soir il
supportait, avec le courage que donne la foi religieuse, des dou-
leurs qui ont fini par lui enlever la vie.
» Sa famille et ses amis perdert beaucoup, mais notre ville, notre
pays, font une perte immense. M. Beauiiea aimait les arts, il leur
avait consacré son existence entière ; pour lui c'était un culte [oij il
trouvait à développer les sentiments du beau, de l'idéal qui repo-
saient dans son âme. 11 était parvenu à répandre et à faire péné-
trer partout l'amour des beaux-arts.
» C'est avec foi, avec ardeur que M. Beaulieu a rempli la mission
que la Providence lui avait confiée. Sa jeunesse a été sérieuse. Il avait
déjà un but à l'heure oili tant d'hommes sont encore hésitants pour
ûxer leurs pensées. Dirigé, avec une intelligente sollicitude, par un
père qui avait pressenti les destinées de son fils, il obtint dès son
début un éclatant succès. 11 eut pour professeur Méhul, et il profita
avec bonheur des leçons d'un maître aussi célèbre et aussi habile.
Dès son premier concours, il obtint le grand prix de Rome. Ce
succès, loin d'éblouir le jeune lauréat, qui loute sa vie sut rester
modeste, ne fit que redoubler son ardeur pour les beaux-arts. Après
de longues et fortes études à Paris, il revint à Niort, dans sa ville
natale qu'il a tant aimée, et où il a toujours trouvé de si vives et de
si unanimes sympathies. »
M. Beaulieu, né le 11 avril 1791, avait remporté en 1810 le
grand prix de composition musicale. Le projet d'un mariage qui
se réalisa bientôt, l'empêcha de faire le voyage de Rome. Il ne se
conforma pas moins aux prescriptions du règlement imposé aux élèves
pensionnaires. Entièrement livré à des travaux de genres divers, dont
nos lecteurs ont vu souvent des échantillons (1) ; fondateur de l'As-
sociation musicale de l'Ouest, qui réunit les départements des Deux-
Sèvres, de la Vienne, de la Charente, de la Haute-Vienne et de la
Vendée, M. Beaulieu avait été nommé correspondant de l'Académie
des beaux-arts.
Dans les dernières années, ce qui l'occupa le plus, ce fut la fon-
dation d'une Société de concerts annuels de musique classique, à
laquelle il voulait consacrer une partie de sa fortune. Nous avons
souvent parlé de cette Société, en rendant compte des trois con-
certs déjà donnés par elle, et auxquels M. Beaulieu présidait lui-
même avec un rare dévouement.
Les obsèques de cet homme en qui se manifestait le noble ac-
(1) Dans le numéro de dimanche dernier, nous avons commencé la publication
d'un mémoire composé par lui sur l'Origine de la musique.
cord du talent et du caractère, ont été célébrées mercredi à Niort,
en présence de toutes les notabilités de la ville. Deux discours ont
été prononcés sur sa tombe, l'un par M. E. Delavault, compositeur
de musique, secrétaire du comité local de l'association, membre du
conseil général des Deux-Sèvres ; l'autre par M. Henri Giraud, pré-
sident de la Société philanthropique.
REVUE DES THÉÂTRES.
Théâtre-Français : la Maison de Pénarvan , comédie en quatre
actes, par M. Jules Sandeau. — Odéon : Electre, tragédie de So-
phocle, en quatre actes, traduite en vers par M. Léon Halévy. —
Variétés : V Infortunée Caroline, comédie- vaudeville en trois actes,
par MM. Théodore Barrière et Lambert Thiboust. — Palais-Royal :
le Pifferaro, vaudeville en un acte, par MM. Chivot et Duru.
I.a Maison de Pénarvan était un livre charmant avant de devenir
une comédie médiocre. M. Jules Sandeau a, sans doute, usé de son
droit en transportant son roman au théâtre ; mais il aurait dû s'ins-
pirer un peu plus de l'exemple d'Alexandre Dumas, qui, pour que
le spectateur retrouve à la scène ce qui l'a intéressé à la lecture,
se borne à tailler ses drames sur des feuilletons , à grands coups de
ciseaux. Le procédé est d'une extrême simplicité ; il a souvent réussi
à Alexandre Dumas ; cependant nous reconnaissons qu'il y a des cir-
constances oîi l'application n'en est pas rigoureusement possible.
Ainsi le caractère altier, tout d'une pièce, de Mlle Kenée de Pé-
narvan, tel que M. Sandeau l'a conçu d'abord, était peut-être inac-
ceptable sans les développements, sans les atténuations du livre. A
la bonne heure; mais alors il était si facile de ne l'en pas faire sor-
tir. 11 faut que cette maudite rampe ait de bien grands attraits pour
que tant de papillons imprudents viennent s'y brûler les ailes.
Mais enfin, puisque M. Jules Sandeau nous y force, rappelons en
peu de mots le sujet de son œuvre. Mlle de Pénarvan , élevée dans
le respect le plus absolu de son arbre généalogique, en est restée le
seul rejeton, à la suite des événements révolutionnaires. Du moins
elle le croit, et elle se désole à la pensée de voir son nom s'éteindre.
Tout à coup elle apprend qu'il existe dans les environs de son châ-
teau un M. Paul, sorte de bourgeois-paysan, qui a tous les droits
possibles au titre et au nom de marquis de Pénarvan. C'est le dernier
descendant d'une branche cadette, séparée de l'aînée par une mésal-
liance. M. Paul, avec l'insouciance qui le caractérise, est sur le point
de se mésallier aussi, en épousant la fille d'un meunier voisin. Mais
Mlle Renée ne le souffrira pas, et puisque M. Paul est le seul héri-
tier du nom de Pénarvan, il faut qu'il le porte noblement et qu'il le
garantisse de toute souillure. Pour plus de sûreté, elle se substitue à
la meunière dans le cœur de son cousin et le mariage s'ensuit.
Jusqu'ici nous marchons pas à pas avec le livre, et le public est
loin de s'en plaindre. Nous le côtoyons encore lorsque, aux premiers
bruits d'une insurrection dans la Vendée, la marquise exige que son
mari aille joindre l'armée royaliste ; mais ici s'arrête la ressemblance.
Dans le roman, on rapporte à Renée le cadavre de son mari, et
cette femme de bronze, au lieu d'être corrigée par cette leçon sé-
vère, fait le malheur de sa fille comme elle a fait celui de son mari.
Ce n'est qu'à la dernière extrémité qu'elle cède aux séductions do
la famille, et qu'elle reconnaît enfin que sHl est beau d'honorer les
morts, il est bien doux d'aimer les vivanls. On peut n'avoir qu'une
sympathie très-modérée pour cette esclave des préjugés nobiliaires;
mais, à un certain point de vue, on ne saurait lui refuser de la
grandeur dans ce qu'elle regarde comme l'accomplissement d'un de-
voir imprescriptible.
R enée de Pénarvan au moins le mérite d "être logique jusqu'au
DE PAHl!:
413
bout ; landis que, dans la dernière partie de la comédie de M. Jules
Sandeau, elle arrache à plaisir l'auréole que l'auteur a commencé
par placer sur son front. Il suffit pour cela d'un seul mot de son
mari qui n'a pas été tué par les balles des bleus, et qui se re-
dresse sous le joug que sa femme fait peser sur lui.
N'avions-nous pas raison de dire qu'il valait mieux cent fois ne
pas toucher au roman que de le faire aboutir h une conclusion aussi
vulgaire? M. Jules Sandeau doit le sentir amèrement à l'heure qu'il
est, et il n'a pas même la consolation de pouvoir en appeler de la
décision de la ville à celle de la cour, devant qui la Maison de Fé-
narvan a été d'abord représentée. Les deux derniers actes ont été
accueillis plus poliment à Compiègne qu'à Paris; mais, à défaut de
sifflets, ils ont, dit-on, provoqué un silence glacial.
La pièce d'ailleurs n'a pas été convenablement distribuée ; presque
tous les artistes sont déplacés dans leurs rôles : Got dans celui de
Paul de Pénarvan, Mlle Plessy dans celui de Renée, Coquelin dans
un personnage de vieux meunier. Il n'y a peut-être que Mirecourt
qui soit tout à fait irréprochable sous les traits d'un vieux servi-
teur. Et ce qui ne cesse de nous confondre, c'est que Mirecourt,
l'un des représentants les plus fidèles des bonnes traditions de la
comédie, n'ait pas encore été admis aux honneurs du sociétariat.
— Depuis l'Anligone de MM. Vacquerie et Meurice, qui- a ou-
vert brillamment la marche , plusieurs essais de traduction du
théâtre grec ont été tentés de loin en loin sur nos scènes littéraires.
Presque toujours ils ont réussi, et nous comprenons très-bien qu'un
directeur jaloux de laisser sa trace à l'Odéon comme homme de
goût, ait voulu apporter son contingent à ces précieuses exhibitions
de l'art antique. Il ne pouvait, pour cela, mieux s'adresser qu'à
M. Léon Halévy, éminent écrivain, qui a pubhé la Grèce tragique ,
ouvrage couronné par l'Académie, et qui se compose des princi-
paux chefs-d'œuvre d'Eschyle et de Sophocle , traduits en très-
heureux et très-bons vers. C'est là que le directeur de l'Odéon a
trouvé Electre, pour l'honneur et la gloire de son théâtre. On sait
quel est le sommaire de cette tragédie, et l'on ne saurait lui repro-
cher d'être bien compliqué. Electre attend avec impatience le
retour d'Oreste, qui doit l'aider à venger le meurtre de leur père
Agamemnon, sur leur mère Clytemnestre et sur Egisthe. Au lieu
de ce frère bien-aimé, ce sont ses cendres qu'elle reçoit, et son
désespoir s'augmente du regret d'être obligée de renoncer à sa ven-
geance. Mais c'était une ruse : Oreste n'est pas mort, il a voulu seu-
lement endormir les soupçons des coupables, qui sont à leur tour
frappés, sur les ardentes incitations d'Electre.
L'intérêt, l'émotion, la terreur de cette tragédie sont tout entiers
dans le rôle d'Electre: aussi revenait-il de droit à Mlle Karoly, qui
devra à M. Léon Halévy, tout autant qu'à Sophocle, une de ses
plus admirables créations. Car, il ne faut pas s'y tromper, M. Léon
Halévy n'est pas de ces littérateurs à qui l'on puisse appliquer le
proverbe italien : iraduttore, tradilore. Sa poésie, tout en respec-
tant le texte du grand tragique grec, conserve toujours un cachet
de puissante individuahté qu'on ne saurait lui contester.
Pendant longtemps l'on a cru que les Variétés ne pouvaient vivre
que sous un régime très-épicé de gaudrioles et de mollets, relevé en
outre de décors mirobolants et de costumes impossibles. Il est
vrai que la direction actuelle semblait prendre à tâche de justifier
cette opinion malséante. Mais voilà que tout à coup elle se ravise
et qu'elle paraît vouloir se démontrer à elle-même qu'on peut faire
de l'argent avec les moyens les plus ordinaires, pourvu qu'ils soient
de bonne qualité. Qu'est-ce donc que \' Infortunée Caroline? Cg^X.
une pauvre jeune femme dont l'imagination a été égarée par la lec-
ture des romans à la mode. Forcée d'épouser un confiseur, elle croit
bientôt reconnaître que le bonheur est incompatible avec les occu-
pations prosaïques que cet élat lui impose. Elle en vient à se figurer
qu'elle est réellement très-malheureuse, et que son mari, le plus dé-
bonnaire des époux et dont la douceur le dispute à celle de ses pro-
duits les mieux édulcorés, est un tyran insupportable avec lequel
l'existence est un enfer anticipé. Tels sont les trois actes de MM. Théo-
dore Barrière et Lambert Thiboust, qui se terminent par le retour
de Caroline à des idées plus saines et plus pratiques. Il y a là une
pointe de sentiment qu'on ne rencontre pas d'habitude aux Variétés,
mais qui n'en ont pas moins reçu un accueil enthousiaste. Dupuis et
Mlle Alphonsine sont tous deux très-agréables dans les rôles du con-
fiseur et de son infortunée moitié.
Berthelier, le joyeux Berthelier, a fait sa rentrée au Palais-Royal
dans une petite pièce intitulée le Fifferaro. Tout le monde connaît
cet ingénieux apologue oriental d'après lequel un pacha se met en
quête d'un homme parfaitement heureux, dans l'intention de lui de-
mander sa chemise. Après bien des recherches, il trouve enfin cet
oiseau rare ; mais l'homme heureux n'a pas de chemise. Dans la pièce
du Palais-Eoyal, deux vieux amis se livrent à une chasse à peu près
pareille, mais seulement par philanthropie. Le pilTeraro qui passe
doit remphr toutes les conditions du programme ; on le fait monter,
on l'interroge. Antonio est heureux sans doute ; cependant il lui
manque quelque chose, il voudrait être le gendre de Bonsorbet.
Grande colère de celui-ci ; mais, par suite d'une combinaison passa-
blement romanesque, Antonio est le fils de l'ami Cascarin, et dès
lors rien ne s'oppose à ce qu'il se marie avec la fille de Bonsorbet.
Le rôle du pifferaro a été tracé pour Berthelier, qui y est fort amu-
sant ; trois airs nouveaux lui fournissent l'occasion de se faire ap-
plaudir comme chanteur de goût et de méthode. La musique de deux
de ces airs, dont les paroles sont extrêmement comiques, est de Ge-
vaert et de Rossini. Le public les a bissés. Rossini avait bien voulu
permettre, pour la circonstance, qu'on changeât les paroles de sa fa-
meuse Dansa, tirée de ses Soirées musicales.
D. A. D, SAINT-YVES.
NOUVELÎ.ES.
a,** Le théâtre irapétial de l'Oiéra a représenté lundi Robert le Dia-
ble, qui avait comme toujours attiré la foule. — Mercredi, Viilaret a fait
sa rentrée par le rôle d'Eléazar de la Juive. Complètement ■ rétabli de
son indisposition, il a obtenu le même succès qu'aux représentations
précédentes. — Le Trouvère, suivi du premier acte de Giselle, a été
donné vendredi.
^*j, La première représentation de la reprise de Moise est annoncée
pour demain.
^*» On vient de lire un opéra en un acte de MM. Boulanger et
Cormon, intitulé.: (e Docteur Mathéus, qui doit accompagner le nou-
veau ballet dans lequel débutera Mlle Boschetti, Le rôle principal a été
distribué à Cazaux.
*** La première représentation de la Fiancée du roi de Garbe, au
théâtre de l'Opéra-Comique, aura définitivement lieu jeudi prochain.
,j*^ Adelina Patti a terminé ses représentations au théâtre del
Oriente à Madrid, et est attendue à Paris. Elle a obtenu un nouveau
triomphe dans l'opéra Maria, de Flotow, qui a été accueilli avec une
très-grande faveur. La jeune et célèbre cantatrice a été reçue, ainsi
que Naudin, par S. M. la reine d'Espagne.
^*^ On annonce les dernières représentations de Fraschini, qui chan-
tera, avant son départ dans le Ballo in maschcra et dans Marta.
^% Mme Borghi-Mamo est partie pour Madrid.
^*^ Offenbach est à Paris pour surveiller les répétitions de ses deux
opérettes : V Amour chanteur et Licschen et Fntzchen, qui doivent inau-
gurer la nouvelle salle des Bouffes-Parisiens. Il va bientôt retourner à
Vienne pour assister à la première représentation très-prochaine de son
grand opéra : les Fées du Rhin, qui sera donné au théâtre de la cour.
^*^ L'ouverture de la nouvelle salle des Bouffes-Parisiens n'aura lieu
que dans la première quinzaine du mois prochain.
.^*^ L'élection du clief d'orchestre de la Société des concerts du
Conservatoire, en remplacement de M. Tilmant, a eu lieu lundi dernier.
lilli
KEVDE ET GAZETTE MUSICALE
La majorité des voix s'est prononcée pour M. Georges llaini, chef
d'orchestre de l'Opéra, M G. Hainl a été dans la même séance élu vice-
président de la Société des concerts. Après ces élections, M. Auber a
proposé à l'assemblée de voter des remercîments à M. Deldevez pour
la manière dont il a conduit les deux premiers concerts de la So-
ciété , proposition qui a été accueillie par une approbation unanime.
— Le premier concert d'abonnement est fixé au 10 janvier,
^*^ Au premier grand service de l'année, célébré à la chapelle impé-
riale le jour de Noël, après le liyrii et le Gloria, chantés parle chœur,
VO salularis, d'Auber, a été dit par Mlle Cico, accompagné sur le vio-
lon par M. Sarasate. Ce morceau et les artistes qui l'ont exécuté, ont
produit un très-grand effet.
,*^ On des jeunes et brillants pianistes sortis de la classe deSIarmon-
tel et appartenant à la pléiade de ses élèves les plus distingués,
M. L. Diémer avait obtenu l'insigne honneur de se produire dimanche
dernier dans le concert donné au cirque Napoléon, sous la direction de
Pasdeloup. C'est dans la sérénade de Mendelssohn pour piano et or-
chestre que M. L. Diémer s'est fait entendre. Il a bien compris et bien
fait comprendre ce morceau remarquable, plutôt par l'idée générale et
l'ensemble que par le charme et l'éclat des détails. L'orchestre ne pou-
vait accompagner mieux le précoce virtuose, et l'auditoire a rendu
bonne justice à l'un et à l'autre par l'unanimité de ses bravos. La
séance, commencée par l'ouverture de Semiramide, se terminait par celle
de Freischiitz, dont l'effet, comme toujours, a été merveilleux.
,,% Dans le grand festival donné dimanche dernier au cirque de l'Im-
pératrice par l'association dos Sociétés chorales, deux compositions de
M. Ambroise Thomas, l'Atlantique et le Tijrol, ont produit une sensation
des plus vives. Après la seconde de ces symphonies vocales, rendue
avec beaucoup de verve, l'auteur a dû se lever pour remercier ses inter-
prètes de leur zèle et le public de la manifestation de ses sympathies.
^*i Voici le programme du concert populaire de musique classique
qui aura lieu aujourd'hui, sous la direction de Pasdeloup : Jupiter, sym-
phonie en »( majeur, de Mozart; marche-scherzo, de C. Saint-Saëns;
ouverture d'.-li/ifl/iô, de Mendelssohn: septuor de Beethoven , exécuté
par MM. Auroux (clarinette), Espeignet (basson), Schlottmann (cor), et
tous les instruments à cordes.
*'% Le jeune et célèbre violoniste Lotto, dont le talent s'est produit
à Londres avec tant d'éclat, vient de partir pour "Weimar, où il doit se
faire entendre dans les premiers jours du nouvel an.
*** Les journaux de Bruxelles constatent le succès que Mme Graever
a obtenu dans son premier concert en cette ville. Elle y a joué le
quatrième concerto symphonique de Litolff. Léonard s'est fait aussi en-
tendre, et Mme Sax, venue tout exprès de Paris pour concourir à cette
brillante solennité, a chanté l'air du TrouDére et celui de Robir^ des bois.
^*^ Alfred Jaëll est à Hanovre, où, depuis son retour de Trieste, il
continue à enlever les bravos dès qu'il se fait ejitendre. Il est engagé à
Breslau pour un concert philharmonique. Il jouera le 2 janvier à Aix-
la-Chapelle, et le T il commencera sa tournée avec Carlotta Patti,
Laube et Kellermann. Leur premier concert sera donné à Bruxelles, au
théâtre de la Monnaie.
^*a, Le Comité de l'Association des artistes musiciens de Fraijce,
ayant à sa tête son président M. le baron Taylor, s'est rendu chez
M. Strauss, afin de le féliciter sur la généreuse pensée qu'il a eue de
faire payer sur chaque entrée de faveur aux bals de l'Opéra un droit
au profit de la caisse de l'association. Le premier versement de cette
saison s'est élevé à la somme de 232 fr. 70 c. Le Comité, par l'organe
de son président, a vivement remercié M. Strauss, au nom des infor-
tunes si touchantes qu'il contribue ainsi à soulager,
^*^ Jean Becker, l'éminent violoniste, après avoir obtenu de brillants
succès à Metz et à Nancy, s'est rendu à Marseille pour y donner un
grand concert; de là il doit se rendre à Nice, et reviendra passer une
partie de l'hiver à Paris.
^*if. D'après un tableau publié par le journal il Truvatore, les opéras
nouveaux représentés en Italie dans le courant de cette année, sont au
nombre de vingt, composés pour la plupart par de jeunes auteurs.
»*,t Max Maria de Weber, fils du célèbre compositeur, vient de faire
paraître à Leipzig le premier volume de la biographie de son père. L'au-
teur avait à sa disposition de précieux matériaux ; entre autres, une
collection d'un millier de lettres écrites par son père ou à lui adressées,
et les notices inscrites par celui-ci dans un journal, commencé le (0
février 1810, et qu'il n'a interrompu que trois jours avant sa mort.
Nous nous occuperons très-prochainement de cette intéressante publi-
cation.
H,** Mardi prochain aura lieu à la salle Herz la quatrième séance
populaire de musique de chambre, avec le concours de M. Georges
Pfeiffer. Voici le programme : Trio en ut mineur, de llendelssohn,
exécuté par MM. Georges Pfeiffer, Charles Lamoureux et E. Rignault;
quatuor en la majeur de Beethoven ; sonate en si bémol (n° 4), pour
piano et violon, de Mozart, exécutée par M.VI. Georges Pfeiffer et
Charles Lamoureux; quatuor en ré mineur (n° 75), de Haydn.
^*if M. Easevi va ouvrir à ses frais à l'Institut royal de musique de
Florence un concours de composition dont voici le programme ; Un
concours est ouvert aux compositeurs italiens et étrangers, pour la
composition d'un quatuor pour deux violons, alto et violoncelle. Sont
destinés aux concurrents : un premier prix de iOO francs ; un second
prix de 20O francs. Les quatuors devront se composer de quatre mor-
ceaux distincts. Us pourront être consignés au secrétariat de l'Institut
jusqu'au 16 août 1864. Les compositions présentées au concours ne
devront pas être signées du nom de l'auteur, mais seulement désignées
par une épigraphe qui sera reproduite sur un pli cacheté contenant
les nom et prénoms, le pays et le domicile du concurrent. Les plis
portant l'épigraphe des compositions couronnées ou distinguées par
une mention honorable seront seuls ouverts.
a,*a, Un délicieux portrait de Carlotta Patti, dû au talent de M. Des-
maisons, paraîtra cette semaine chez les éditeurs Brandus et Dufour.
:,,*:,, Voici venir le hio musical de Mme Pilet-Comettant, ayant pour
but d'apprendre aux enfants, sous une forme amusante, les principes
élémentaires de la musique. Cet instructif loto se joue comme le loto
ordinaire, et l'on gagne toujours en s'y livrant, à la différence de l'autre
jeu, où l'on risque de perdre à la fois son temps et sa peine.
.i,*s, M. S. Ponce de Léon vient de publier chez Challiot et C" un char-
mant caprice pour harmonium sur la romance de Coppini : Viens, belle
nuit.
^*,„ Le célèbre chanteur populaire de Vienne, Moser, est mort dans
cette ville, le 5 décembre, dans sa soixante-deuxième année. Ses nom-
breux lieder y sont aujourd'hui répétés par tout le monde.
CHRONIQUE DÉPARTEMENTALE.
,5*:„ Bordeaux. — Sivori vient de se faire entendre au premier concert
de la Société philharmonique et il y a obtenu un succès d'enthousiasme,
notamment dans le concerto en si mineur de Paganini, le Carnaval de
Venise, qui a été redemandé, et dans le duo de Thalberg et Bériot sur
les Huguenots, qu'il a exécuté avec Mme ïardieu de Malleville, laquelle,
au commencement de la séance, avait joué avec un très-grand talent
le concerto en ut mineur de Beethoven.
j,*,, Toulouse. — La Société des concerts populaires a donné, dans la
salle de l'Hôtel de ville, sa première séance de cette année et y a exécuté
la symphonie en la mineur de Mendelssohn, la polonaise de Slruensce,
l'hymne autrichien do Haydn et les ouvertures de Preciosa et d'Oûcv-on.
L'orchestre, sous la direction de M. Beaudouin, mérite tous les éloges,
et le nombreux auditoire les lui a témoignés par ses chaleureux applau-
dissements. — Les représentations théâti'ales sont très-suivies et variées.
Après les débuts du ténor Bovier-Lapierre dans les Huguenots et la Juive,
on a donné Liiula de Chamouny et les Bourguignonnes de Deffès, et
Mme Montant-Lambert s'est fait applaudir dans les Dragons do Villars.
3** Marseille. — La reprise du Prophète, impatiemment attendue par
notre public, a eu lieu avec le succès le plus brillant. M. Lefranc s'est
surpassé dans le rôle de Jean de Leyde, qu'il chante et joue avec un
véritable talent. La romance du second acte, les finales du troisième et
quatrième, ainsi que le duo et les couplets bachiques du cinquième acte lui
ont valu les plus chaleureux applaudissements. Depassio (Zaccharie) en
a obtenu autant dans les couplets : Aussi nombreux que les cloiles,
Mme Vadé a débuté dans le rôle de Fidès et y a été moins heureuse;
une grande émotion et sa voix, qui a le timbre de contralto, ne lui
ont pas permis d'interpréter exactement le grand et beau rôle de la mère
du Prophète. Mlle Moreau a été très-convenable dans le rôle de Berthe,
et l'orchestre ainsi que les chœurs méritent tous les éloges. — On ré-
pète activement le Pardon de Ploërmel et l'on s'occupe également de la
prochaine reprise des Martijrs.
■ ,^*.^ Oran. — Le Pardon de Ploërmel, qui a obtenu un si grand succès
l'année passée, vient d'être repris avec beaucoup d'éclat.
^*^ Philippeville. — Le théâtre de notre ville vient de monter les
deux opéras-comiques de Meyerbeer : l'Etoile du Nord et le Pardon de
Ploërmel, que le public a accueillis de la façon la plus sympathique.
CHRONIQUE ÉTRANGÈRE.
^*;i, Londres. — Comme d'habitude, à l'approche des fêtes de Noël, on
n'a exécuté à peu de chose près, cette semaine, que de la musique
sacrée, et le Messie a été entendu en plusieurs endroits. Sous la direc-
tion do Costa, l'oratorio de Ilssndel a été chanté deux fois à Exeter-
Hall, par la Sacred Harmonie Society. La Nalional choral Society l'a exécuté
sous la direction de M. G. AV. Martin, et au théâtre de Sa Majesté le
même oratorio a été dit par Mlle Tietjens, santley et autres artistes
d'élite, qui ont formé avec l'orchestre et les chœurs un nombre de
cinq cents exécutants, dirigés par M. Arditi.
.,i,"\, Bruxelles. — Mme Meillet a remplacé avec beaucoup de talent
Mme Mayer-Boulard, qu'une indisposition a encore une fois obligée d'a-
bandonner le rôle de Rezia dans Obéron. Un nouveau ballet, Flamma,
de Justamant, a parfaitement réussi. Mlle Friedeberg y déploie toutes
I^E PARIS.
ses admirables qualités de mime et de chorégraphe et a été rappelée à
plusieurs reprises.
^% Cologne. — Pour la saison d'hiver, on annonce quatre concerts de
musique populaire, à l'imitation de ceux fondés ;i Paris par Pasdeloup.
L'orchestre se composera de cinquante ou soixante musiciens. Le prix
d'entrée, fixé à un taux très-minime, est le même pour toutes les places.
^*^ Francfort. — A son passage dans notre ville, Offenbach a assisté
à ia douzième représentation des Baranh, qui obiiennent un succès de
vogue. Reconnu par le public, il a été acclamé par touie la salle et a
dû paraître devant le rideau, malgré son costume de'voyage. — Pour sa
troisième représentation, Mme Fabri Mulder avait choisi les Huguenots,
où elle a chanté le rôle de Valentine avec succès. Mme F. Mulder
a été rappelée après les duos avec Marcel et avec Raoul. — Au premier
concert extraordinaire d'abonnement, on a exécuté la musique de Faust
par Schumann.
^*^ Darmsladt. — Notre saison musicale est en" pleine activité. L'or-
chestre de la cour a déjà donné deux concerts ; la Société musicale
a exécuté deux oratorios ; celui de Belsasar, par Hœndel, que nous
n'avions pas entendu depuis longtemps, a eu beaucoup de succès.
„,** Leipzig. — La première série des concerts du Gewandhaus s'est
terminée par une soirée où l'on a entendu Mlle Caroline Bettelheim,
cantatrice du théâtre de la cour, jllle Bettelheim a chanté un air de
Mitranc, opéra de Fr. Rossi (1686), un air de Hasndel et des Lieder de
Schubert. Le maître de chapelle Reinecke a exécuté un concerto pour
violon de S Bach; Mlle Bettelheim, qui est en même temps excellente
pianiste, se fera entendre dans la quatrième séance pour musique de
chambre au Gewandhaus.
4*s, Cadix. — Mme Penco a débuté avec 'un très-grand succès dans
le rôle de Norma. Le ténor Armandi y a également réussi. On répète
Mflrta pour le début du ténor Minetto.
**,t Alkante. — Roberto il Diavolo est en grande faveur en cette ville.
Mme Pladowfka et M. Piccinini y sont très-remarquables. A chaque re-
présentation le public les applaudit avec chaleur et les rappelle.
s*« Lisbonne. — Mme Tedesco a été accueillie de la façon la plus
brillante à sa rentrée dans les Vêpres siciliennes.
,f*j, Milan. — Le Nuovo Figaro, de Ricci, a obtenu du succès au
théâtre de Santa Radegonda. Un duo pour deux basses en a été notam-
ment beaucoup applaudi.
s,** Gênes. — Une école populaire de chant vient d'être fondée ici
par le maestro Michèle Novaro et compte déjà un assez grand nombre
d'élèves.
„,** Moscou. — Il Conte Ory et la Muta di Portici viennent d'être
représentés avec beaucoup de succès ; Mlles Laborde et Fricci, MM. Pan-
cani et IS'eri Baraldi y remplissent les principaux rôles, lioberto il Diavolo
est à l'étude, .et sera chanté par les mêmes artistes et M. Violetti.
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