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Full text of "Revue et gazette musicale de Paris"

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REVUE 


ET 


GAZETTE  MUSICALE 


DE  PARIS 

RÉDIGÉE      PAR     MESSIEURS 

G.  BÉNÉDICT, 

DAMCKE, 

LÉON  KREUTZER, 

HECTOR  BERLIOZ, 

DUESBERG, 

MATHIEU  DE  MONTER, 

ED.  BERTRAND, 

LÉON  DUROCHER, 

ED.  MONNAIS, 

ADOLPHE  BOTTE, 

ELWART, 

TH.  PARMENTIER, 

MAURICE  BOURGES, 

FÉTIS  père, 

ARTHUR  POUGIN, 

OSCAR  COMETTÂNT  , 

GUSTAVE  HÉQUET, 

SAINT-YVES, 

MAURICE  CRISTAL, 

GEORGES  KASTNER, 

PAUL  SMITH. 

TRENTIÈME  ANNÉE 


1868 


PARIS 

AV  BXJUKAXJ  DU  JOURIVAIy,   I,  BOUIiœVAB»  «KS  ITAIilBWS 

18G3 


TABLE  DU  TRENTIÈME  VOLUME 


REVUE 

ET 

GAZETTE    MUSICALE 


TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  MATIÈRES. 


Académie  âes  BeanX'Arts. 

(institut  be  frahce.) 

Jugement  du  concours  de  composition  musicale,  214. 

Nomination  de  M.  F.-F.  de  Valdemosa  comme  membre 
correspondant  étranger,  230. 

Nomination  de  M.  Gaétano  Gaspari,  en  la  mémo  qua- 
lité, 238. 

Liste  des  ouvrages  envoyés  par  les  musiciens  pension- 
naires de  l'Académie  à  Rome,  310.  t.i:H'?iJ-iê';5'l 

Prix  fondé  par  Charlier  pour  encouraseinent  des  compo- 
sitionb  de  musique  de  chambre,  décerné  a  M.  Aug. 
Morel,  318. 

Séance  annuelle;  ouverture;  cantate;  éloge  d'Horace 
Vernet  par  M.  Beulé,  art.  de  P.  Smith,  323. 

Nomination  de  M.  Joseph  d'Ortigue  comme  membre 
correspondant,  3i2. 

La  musique  au  banquet  annuel  offert  par  les  Associa- 
tions d'artistes  à  IM.  le  baron  Taylor,  169. 

AUTEURS  ET  COMPOSITEURS  DRAMATIQUES. 

Assemblée  générale  annuelle;  deux  réunions;  discussions 
orageuses,  ICG. 

GENS  DE  LETTRES. 

Assemblée  générale  annuelle,  54. 

ARTISTES  MUSICIENS. 

Séance  générale  annuelle  de  l'Association,  150. 

L'assemblée;  le  banquet,  156. 

Remerciments  adressés  par  le  comité  à  M.  Strauss  pour 

le  droit  payé  au  profit  de  la  caisse   de   l'Association 

aux  bals  de  l'Opéra,  4l/i. 

AUTEURS,  COMPOSITEURS  ET   ÉDITEURS 
DE  MUSIQUE. 

Vote  du  syndicat  en  faveur  des  ouvriers  malheureux  de 

l'industrie  cotonnifcre,  45. 
Assemblée  générale  annuelle,  198. 
Extrait  du  rapport,  238. 

ORPHÉONS. 

Séance  musicale  donnée  à  la  salle  Barthélémy  par  l'As- 
sociation des  Sociétés  chorales  de  la  Seine,  87. 

Concert  annuel  de  la  Société  chorale  de  Saint-Denis, 
110. 

Concours  d'orphéons,  de  musiques  d'harmonie  et  de  fan- 
fares, à  Puteaux,  art.  d'E.  Mathieu  de  Monter,  163. 

Première  et  deuxième  séances  annuelles  de  l'Orphéon  de 
Paris,  au  cirque  Napoléon,  190,  art.  signé  P.  S.,  203. 

Concours  d'orphéons,  de  fanfares  et  de  musiques  mili- 
taires à  Suresnes,  art.  d'A.  Elwart,  210. 

Grand  festival  au  cirque  de  l'Impératrice,  414. 

Anditions  musicales  de  Paria. 

(Voyez  aussi  Concerts.) 

Séances  de  musique   de    chambre   d'Alard   et  Fran- 
chomme,  art.  d'A.  Botte,  34,  68, 


Séances  de  musique  de  chambre  d'Armingaud  et  Jac- 
quart,  art.  d'A.  Botte,  34. 

Séances  de  musique  de  chambre  de  Ch.  Dancla,  art. 
d'A.  Botte,  11. 

Séances  de  quatuors  français  de  M.  Albert  Ferrand, 
art.  d'A.  Botte,  115. 

Soirées  musicales  de  Mme  Escudier-Kastner,  avec  le 
concours  de  Vieuxtemps  et  d'A.  Batta,  art.  d'A.  Botte, 
27,  ,34,  4:^,  50. 

MATINÉES,  SOIRÉES,  CONCERTS,  ETC. 


Adlcr  (Vincent),   art.    d'A. 

Botte,  68. 
Aptomnias,  id.,  50. 
Barnard  (Mlle  L.),  119. 
Batta  (A.),  art.  d'A.  Botte, 

107. 
Beaumetz    (Mlle  M.),  id., 

11. 
Becker  (J.),  id.,  74. 
Id.,  art.  signé  S.  D.,  107. 
Béguin-Salomon  (Mlle),  art. 

d'A.  Botte,  130. 
Bélin  de  Launay  (MUeW.), 

id.,  91. 
Bessems  (A.),  id.,  130. 
Billet  (A.),  id.,  140. 
Binfield  (H.),  H". 
Borelli,   art.   d'A.  Pougin, 

150. 
Brisson  (F.),  art.  d'A.  Botte 

146. 
Caussemille  (Mlle  0.),  art. 

d'A.  Botte,  154. 
Cazaneuve  (E.),  id.,  146. 
Clauss  sœurs  (Mlles),  id., 

27. 
Colin  (Mlle  M.),  id.,  130. 
Colonne  (E.).  id.,  130. 
Dancla  (L.j,  id.,  130. 
Dien  (A.),  art.  d'A.  Pougin, 

118. 
Dombrowski  (H.),  126. 
Dumon  (J.),  art.  d'A.  Botte, 

68. 
Eichberg  (Mlle  B.),  id.,  74. 
Elie  (Mlle  M.),  id.  42. 
Farrenc  (Mme),  id.,  74. 
Gariboldi  (G.),  id.,  140. 
Giroud  de  Villette  (Mme), 

id.,  146. 
Goldner,  id.,  130. 
Gouffé  (A.),  id.,  107. 
Grœver  (Mme  M.),  id.,  50. 
Id.   (2"  concert),  id.,  107. 
Guibert-Jung  (Mme),    id., 

91. 
Hammer  (R.),  id.,  130. 
Hartog  (E.  de),  art.  signé 

S.  D.,  107. 
Harder  (Mlles,  M.  et  N.), 
art.  d'A.  Botte,  50. 


Hocmelle  (E.),  id.,  74. 
Id.,  130. 

J.icobi  (G.),  id.,  91. 
KatoCf    (Mlle   H.  de),  id., 

140. 
Ketterer  (E.),  id.,  42. 
Kruger  (W.),  id.,  83. 
Lebouc  (C),  id.,  130. 
Luigi  (MmeC.  de),  id.,91. 
Mackenzie  deDietz  (Mme), 

118. 
Mattel  (T.),  167. 
Murer  (Mlle  L.),  art.  d'A. 

Botte,  130. 
Mutel  (A.),id.,  34. 
Nabich,  id.,  130. 
Nicosia  (S.),  id.,  154. 
PfeifTer  (G.),  id.,  50. 
Portehaut,  id.,  146. 
Prudent  (E.),  id.,  83. 
Remaury   (Mlle  C),  id., 

91. 
Rio  (Bernhard],id.,  115. 
Romano  (J.),  id.,  91. 
Sabatier-BIot    (Mlle),   id., 

115. 
Saint-Saëns  (C),  id.,  91. 
Sauret  fies  fr.),  id.,  74. 
Schœn  (F.),  102. 
Id.,  art.  d'A.  Botte,  130. 
Schoultz  (MUeE.   de),  id., 

74. 
Schumann  (Mme  C.).,  id., 

68. 
Id.,  91. 

Sivori  (C),  id.,  169. 
Szarvady-Clauss(Mme),id., 

74. 
Id.,  91. 

Telesinski  (J.),  id.,  130. 
Ten-Brink,  id.,  91. 
Thalberg  (L.),l"-eet2eséan- 

ces  id.    129. 
Tiéfensée '(Mlle  C.  de),  id., 

154. 
Trautmann  (Mlle  M.),  id., 

154. 
Vailati  (J.),  id.,140. 
Wieniawski  (J.).,  id,  115. 
Wocher(MlleJ.de),id.,42. 
Zompi  (D.),  174. 


B 

Blbliosrapljiic. 

I   La  Plainte  du  pitre   et  l'Avenir  est  à  Dieu,  romances 
par  Dassier,  7. 


Le  ISal,  valse  de  Desgranges,  et  les  Horloges  de  la  foré 

Noire,  de  Strauss,  arrangés  pour  quatre  mains,  23. 
Romance  sans  paroles  de  Thalberg,  par  A.   Frelon,   et 
l'ouverture  de  la  Sirène,  par  A.  Durand,  arrangées  pour 
piano  et  orgue,  23. 
Partition  de  piano  et  chant   de    Béatrice  et   Bénédicl, 

opéra  de  Berlioz,  38. 
Du  travail  et  du  pain  ?  élégie,  paroles  et  musique  de 

l'abbé  Touzé,  39. 
Nocturne  pour  piano  sur  la  sérénade  du   Barbier,  par 

Bernhard  Rie,  46. 
La  Gioja  insolita,  valse  de  Strakosch,  arrangée  pour  piano 

par  H.  Wolfart,  46. 
Marguerite,   chanson   florale,   de  Beethoven;   l'Oiseau, 

conversation  de  John  Field,  54. 
llelle  de  nuit  et  Elfrida,  par  A.  Godard,  02. 
Les  Entrées   triomphales,  chœur  pour  voix  d'iiorames, 

par  E.  Jonas,  78. 
Offertoire  du  saint  jour  de  Pâques;  trois  offertoires  et 

trois  ccmmunions,  pour  orgue,  par  Ed.  Batiste,  87. 
Conso/ciJion,  pour  piano,  par  J.  Herz,  87. 
Mignon  regrettant  sa  patrie,  mélodie  de  M.  Roberti,  87. 
Chanson  du  printemps  et  Soir  d'été,  mélodies  d'Albert 

Lhûte,  94. 
La  Taglioni,  danse  de  salon,  par  P.  Stutz,  94. 
Une  Course  au  clocher,  et  la  chanson  du  Berger,  mélodies 

pour  piano,  par  Ch.  Manry,  102. 
Le  Trésor  des  pianistes  (4°  hvraison),l02. 
Berceuse    et    ^nazurlia     (  souvenirs   de    Berlin  ),    par 

F.  Schœn,  111. 
Un'  aura  OHîocosa,  romance  de  Cosi  fan  tutte,  trancrite 

pour  le  piano    par  A.  Godard,  111. 
Fantaisie  pour  le  violon  sur  Marlha,  par  Guichard,  ^34 
Ronde  du  Brésilien,  par  Offenbach,  158. 
Alléluia,  pour  voix  de  basse,  par  F.  Lavainue,  183. 
La  prière  d'une  vierge,    morceau  de  salon  pour  piano, 

par  Mme  Badarzewska,  190. 
La  Marche  des  Cipayes,  pour  piano,  par  E.  Chabrier, 

198. 
Schiller-Marche,  de  Meyerbeer,  arrangée  pour  la  musique 

militaire,  par  L.  Chic,  214. 
Pollca  du  Brésilien,  par  Arban,  et  Valse   des  Bavards, 

par  Musard,  arrangées  pour  le  piano  à  quatre  mains, 

222. 
Prélude,  pour  orgue  ou  clavecin,  par  F.  Danjou,  222. 
La  Pèche  au  trident  dans  le  golfe  de  Naples,  chœur  à 

quatre  voix  d'hommes,  par  C.  Manry,  231. 
Morceaux  détachés  de  la  partition  i'UamIet,  de  V.  Jon- 

cières,  253. 
Deux  morceaux  pour  violon,  par  Delavault,  270. 
Recueil  d'airs  nationaux   espagnols,  pour  chant  et  piano, 

par  San-Esteban,  270. 
Ouverture  en  forme  de  marche,  de  Meyerbeer,  arrangée 

pour  petit  orchestre,  286. 
Le  Trésor  des  pianistes,  (5»  livraison),  par  A.  Farrenc, 

294. 
Marche  funèbre,  de  Beethoven,  pour  piano  à  deux  et  à 

quatre  mains,  310. 
La  Pensée,  pour  piano,  par  Mlle  J.  Caye,  310. 
Traité  des  intonations,  par  Aulagnier,  310. 
Ecole  complète  du  piano,  par  Patrice  Valentin,  334. 
Les  Fleurs  de  la  danse,  pour  piano,  par  Valiquot,  334. 
Symphonie  concertante,  pour  deux  violons  et  violoncelle, 

par  Ch.  Dancla,  350. 
Partition  du  Comte  Ory,  pour  piano  seul,  358. 
Souvenirs  de  l'opéra  français,  par  J.  Rummel,  35S. 
Un  Service  d'ami,  opérette  d'Hocmellc,  359. 
Ballet  des  Scythes,  de  Gluck,   transcrit   pour  le  piano 

par  le  Couppey,  366. 


Harmonies,  de  M.  J.  Cressonnois  (3"  volume) ,  382. 

Répertoire  du  chanteur  (3'  volume),  par  H.  Panoffka,  382. 

Boléro  el  Berceuse,  pour  piano,  par  Palmer,  332. 

Tarentelle,  pour  piano,  par  V.  Adler,  390. 

Duo  pour  le  piano,  :\  quatre  mains,  sur  les  Bavards, 
d'Offenbach,  parE.  Wolff,  390. 

Mon  Pauvre  Cceur,  transcription  pour  piano,  par  Ponce 
de  Léon,  308. 

Un  Othello,  opérette  de  Legouis,  pour  chant  etpiauo,398. 

Souvenir  de  Rouai,  morceau  de  salon,  par  Marmontel,  /i05. 

Rêveries  déjeune  flJle,  pour  piano,  par  P.  Gerville,  (i06. 

La  Prima  Donna,  valse  de  concert,  par  E.  Ettling,  406. 

Textes  du  nouvel  office  de  l'Immaculée  Conception,  com- 
posés en  plain-chant,  par  F.  Clément,  406. 

Loto  musical,  par  Mme  Pilet-Comettant,  414. 

Viens  belle  nuit,  caprice  pour  harmonium,  par  S.  Pouce 
de  Léon,  414. 

PDBUCATIONS  DIVERSES. 

Petites  Clironiques  de  la  science  (2'  année),   parH.  Ber- 

thoud,  22. 
Annuaire  de  la  noblesse  de  France,   par   Borel  d'Hau- 

terive,  23. 
Derniers  Souvenirs  et  Portraits,  par  F.  Halévy,  46. 
Biographie  universelle  des  musiciens  (5*  volume),  par 

Fétis,  62. 
Notice  biographique  sur  F.  Halévy,  par  Ad.  Catelin,.llS. 
Annuaire  spécial  des  musiciens  et  des  artistes,  150. 
La  :3Iusique  au  théâtre,  par  A.  L.  Maillot,  166. 
La  Musique  à  Paris,  par  MM.  A.  de  Lasalle  et  Ev.  Thoi- 

nan,  231. 
Les  Civilisations  inconnues,  par  0.  Comettant,  231. 
Lettres  de  Félix  Mendeissohn  (2°  volume),  270. 
Histoire  du  piano,  par  Weitzmann,  294. 
La  Gamme  des  amours,  par  0.  Comettant,  358. 
La  Musique, poème  d'humoriste,  par  Courtat,  358. 
Les  Anciennes  Maisons  de  Paris  sous  Napoléon,  111, tiw 

Lefeuve,  399. 

Bîograpliies. 

Vieuxtemps  (Henri),  extrait  de  la  Galerie  biographique 

des  musiciens  belges,  3. 
Chopin,  art.  de  Louis  Enault,  20. 
F.  Halévy,  Sou\'enirs  d'un  ami  pour  joindre  à  ceux  d'un 

frère,  art.  d'E.  îlonnais,  S9,  97,   113,  137,  153,  161. 
Paolo  Giorza,  art.  d'A.  Pougin,  187. 
Floquet,  art.  d'Arthur  Pougin,  193,  209,  234,  244,  265. 
Hérold  (Louis-Joseph-Ferdinand),  extrait  de  la  Biographie 

universelle  des  musiciens,  par  Fétis  père,  219,  268. 
Martini,  art.  d'A.  Pougin,  387,  394,  401. 


Concerts  à  IParîs. 
(Voir  aussi  Attdilions  musicales.] 

Soirée  pour  audition    d'instruments  de  concert,  donnée 

par  la  maison  Pleyel,  Wolff  et  G",  6. 
Audition  de  Vieuxtemps  dans  un  salon,  art.  signé  P.  S., 

11. 
Soirée  musicale  donnée  par  Mlle  Péan  de  la  Roche-Jagu, 

dans  la  salle  du  Grand-Orient,  14. 
Matinée   de  la   Sociéti  nationale    des   beaux-arts,   art. 

d'A.  Botte,  27. 
Soirée  intime  donnée  par    Mlle  Schultz  chez   sa  mère, 

38. 
Soirée  musicale  chez  M.  Marmontel,  art.  de  Paul  Smith, 

41. 
Séance  musicale  donnée  par  Mme  Erard,  45. 
Société  nationale  des  beaux-arts,  art.  d'A.  JBotte,  50. 
Matinée  musicale  au    profit  des  ouvriers  de   la   Seine- 
Inférieure,  dans  les  salons  de  Mme  la  comtesse  de 

Ridder,  54,  62. 
Soirée  musicale  dans  les  salons  de  la  Revue  et  Gazelle 

musicale,^  62 . 
Soirée  musicale  aux  Tuileries,  dans  les  appartements  de 

S.  M.  l'Impératrice,  69. 
Concert  à  la  cour,  77. 
Réception  artistique  de  M.  le  comte  de  Nieuwerkerke, 

77. 
Séance  musicale  dans  les  salons  du  Cercle  des  sociétés 

savantes,  78. 
Deuxième  concert  à  la  cour,  86. 
Troisième  concert,  93. 

Deuxième  soirée  musicale  chez  Mme  Erard,  94. 
Matinée  musicale  chez  M.  Ettling,  94. 
Festival  annuel  donné  par  Arban,  art.  signé  P.  S.,  100. 
Concert  de   la    loge  des   Frères-unis-inséparables,  art. 

d'A.  Botte,  101. 
Soirées  musicales  chez  le  préfet  de  la  Seine,  101 . 
Soirée   artistique  dans  les  allons  de  Mme  Alexandre, 

102. 
Soirée  de  musique  religieuse  chez  M.  le   préfet  de  la 

Seine,  109. 
Matinée  musicale  donnée  par  Mme  Clara  et  par  M.  Geor- 
ges Pfeitfer,  118. 
Soirée  musicale  chez  le  photographe  Nadar,  118. 
•Troisième  soirée  musicale   chez   Mme  la   baronne  de 

Meyendorf,  126. 
Matinée  pour  l'audition  des  élèves  de  M.  Bergson,  126. 
Soirée  musicale  donnée  par  Mlle  S.  Prudhomme  au  Cer- 
cle des  sociétés  savantes,  142. 
Premier  concert  do  la  Société   académique  de  musique 

sacrée,  art.  d'A.   Botte,  146. 
Audition  de    fragments  d'Eamlel,   musique  de   M.  V. 

Joncières,  art.  d'A.  Elwart,  147. 
Audition  des  élèves  de  W.  Kriiger  dans  les  salons  d'E- 
rard,  150. 


TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  MATIÈRES. 

Séance  de  clôture  du  cours  d'ensemble  de  Mme  Clara 
Pfeiffer,  150. 

Soirée  musicale  chez  S.  Exe.  le  ministre  d'Etat,  158. 

Concert  au  profit  de  l'Association  de  bienfaisance  de 
Notre-Dame  des  Arts,  166. 

Audition,  h  la  salle  Herz,  des  élèves  de  M.  Francis 
Wartel,  231. 

Audition  du  3'  quatuor  de  Ch.  Manry  (musique  de 
chambre),  art.  d'A.  Elwart,  365. 

Concert  donné  dans  la  salle  de  la  Sorbonne,  au  béné- 
fice d'une  Société  de  bienfaisance,  390. 

Concert  de  la  société  philanthropique  savoisienne  à 
l'Hûtel  de  ville,  398. 

Audition  chez  Adolphe  Sax,  art.  signé  Y.,  403. 

Séance  delà  Société  des  Enfants  d'Apollon,  406. 

Société  des  concerts  du  Conservatoire,  54. 
Id.     art.  de  L.  Durocher,  59. 
M.     art.  de  L.  Durocher,  99. 

Concert  du  jour  de  Pâques,  118. 

Concerts  extraordinaires,  398. 

Election  de  M.  G.  Hainl  comme  chef  d'orchestre,  413. 

Concerts  populaires  de  musique  classique  au  cirque 
Napoléon,  art.  signés  P.  S.,  11,  33,  41,  78,  87. 

Avant-dernier  concert,  art.  signé  P.  S.,  100. 

Concert  spirituel,  109. 

Derniers  concerts  de  la  saison,  art.  signé  P.  S.,  132. 

Reprise  des  concerts,  art.  de  Paul  Smith,  348,  355, 
365,  370,  390,  398. 

Audition  de  E.  Diémer  dans  une  sérénade  de  Mendeis- 
sohn, 414. 

Société  des  concerts  de  chant  classique  (fondation  Beau- 
lieu),  4°  année,  art.  signé  P.  S.,  122. 

Séances  de  musique  de  chambre  de  la  Société  nationale 
des  beaux-arts,  381,  390,  398. 

Séances  populaires  de  musique  de  chambre  de  MM.  C. 
Lamoureux  et  E.  Rignault,  art.  d'A.  Botte,  68,  393. 

OPÉRAS  DE  SALON. 

Il  était  une  fois  un  roi,  opéra-comique  représenté  au 
cercle  de  l'Union  artistique,  190. 

Conservatoire  impérial  <1e  lUQsiqtne 

et  de  déclamatio». 

Examens  pour  l'admission  des  élèves  aux  concours  de  la 
fin  de  l'année,  190. 

Concours  à  huis  clos,  222,  228. 

Concours  publics,  234. 
Id.     .^rt.  de  Paul  Smith,  241. 

Séance  solennelle,  art.  de  Paul  Smith,  249. 

Concours  d'harmonie  et  de  composition  pour  les  élèves 
des  classes  militaires,  366,  374. 

Réimpression  des  ouvrages  classiques  consacrés  à  l'en- 
seignement, 383. 

Commission  d'examen  pour  l'admission  des  élèves  mili- 
taires, 398. 

D. 

SKépartejinents. 
THÉÂTRE,  CONCERTS,  NODVELLES  MUSICALES,  etc. 

Agen.  —  Concours  d'orphéons  et  de  musiques  instru- 
mentales, art.  d'A.  Elwart,  171. 

Arkas.  —  Concert  donné  par  Mlle  Marie  Sax  et 
M.  Taffanel,  au  profit  des  pauvres,  406. 

Bordeaux.  —  Inauguration  des  concerts  du  Cercle  phil- 
harmonique, 14.  —  Résultats  du  concert  de  la  So- 
ciété Sainte-Cécile,  182.  —  Festival  du  Cercle  litté- 
raire et  artistique,  199.  —  Célébration  de  la  Sainte- 
Cécile  à  Notre-Dame,  391.  —  Concerts  populaires  de 
musique  classique,  399. 

Booolgne-sijr-Mer.  —  Inauguration  du  nouvel  établis- 
sement des  bains,  214.  —  Concert  de  Thalberg  et 
Godefroid,  263.  —  Concert  de  Vieuxtemps  et  de  miss 
Arabella  Goddard,  294.  —  Concert  annuel  pour  les 
salles  d'asile,  â82. 

Caen.  —  Représentation  de  l'Amour  d'un  trombone, 
petit  opéra  nouveau  de  M.  Croisilles,  103. 

CoLMAR.  —  Inauguration  de  la  saison  théâtrale,  par 
un  opéra  en  dialecte  alsacien ,  les  Trois  Noces  dam 
la  vallée  des  Balais ,  musique  de  J.-B.  Wekerlin , 
309. 

Dijon.  —  Projet  d'érection  d'une  statue  h  Rameau,  263. 

Lille.  —  Reprise  de  Charles  VI  ;  exercice  des  élèves 
du  Conservatoire,  151.  —  Distribution  des  prix  de 
cet  établissement,  270. 

Limoges.  —  Inauguration  du  grand  orgue  de  la  ca- 
thédrale, 134. 

Lyon.  —  Réouverture  du  grand  théâtre  par  Robert  le 
Diable,  303.  —  Mme  Cabel  dans  l'Étoile  du  Nord, 
350.  —  Rentrée  de  Mme  Cabel  dans  le  Pardon  de 
Ploérmel,  4O6. 

Marseille.  —  Distribution  des  prix  du  Conservatoire,  7. 
—  Représentations  de  Mlle  Sax,  79.  —  Représenta- 
tions de  Mme  MioUn-Carvalho,  144,  151.  —  Repré- 
sentations de  Mme  Cabel,  167.  —  Grand  festival  or- 
phéouique  au  profit  des  ouvriers  cotonniers,  199.  — 
Réouverture  du  Grand-Théâtre,  287.  —  Début  de 
Depassio  ;  représentation  du  Jugement  de  Paris, 
ballet  nouveau  de  Montplaisir,  350.  —  Représenta- 
tion du  Propliéte,  414. 

Nice,  —  Concerts  d'Ernest  Nathan  au  bénéfice  des  ou- 
vriers rouennais  et  des  pauvres  de  Nice,  62.  —  Re- 
présentation de  la  Favorita,  au  théâtre  italien,  63. 
Concert  donné  par  Mme  la  baronne  Vigier  (Sophie 
Cruvelli)  au  bénéfice  des  pauvres,  79.  —  Débuts  de 
la  troupe  française,  327.  —  Réouverture  du  théâtre- 
Italien,  335,  367. 


RoDEN.  —  Première  représentation  du  Sergent  d'Ouis- 
ire/iam,  opéra-comique  en  un  acte,  musique  de  C. 
Caron,  94.  —  Fête  artistique  dans  la  nouvelle  église 
de  Sotteville,  183.  —  Concours  orphéonique,  art.  si- 
gné B.  M.,  291.  —  Concert  de  bienfaisance,  390. 

Saint -Germain-en-Laye.  —  Matinées  musicales  de 
Mme  Mackenzie  de  Distz,  158. 

Strasbourg.  —  Première  reiiréientation  de  la  Bohé- 
viienne,  de  Balfe,  14.  —  Grand  concert  au  bénéfice 
des  ouvriers  de  l'industrie  cotonnière,  78.  —  Corres- 
pondance signée  Y.  :  Festival,  203. 

Tarses.  —  Titre  obtenu  de  l'Empereur,  par  l'orphéon 
de  cette  ville,  d'Orphéon  du  Prince  Impérial,  358. 

Toulouse.  —  Séances  de  la  Société  des  concerts  popu- 
laires à  l'hôtel  de  ville,  414. 

Valence.  —  Concours  d'orphéons,  de  musiques  d'har- 
monie et  de  fanfares,  art,  d'E.  M.athieu  de  Monter,  189. 

Versailles.  —  Inauguration  et  bénédiction  du  grand 
orgue  de  la  cathédrale,  350. 


IBagagevucuta. 

Albrecht  (Mlle),  au  théâtre  Lyrique,  117. 

Antonucci,  au  théâtre  Italien,  238. 

Artot  (Mlle),  au  théâtre  Italien  de  Vienne,  214. 

Bataille    (E.) ,  à  l'Opéra-Comique,  238. 

Battu  (Mlle  M.),  au  théâtre  de  Covent-Garden,  à  Lon- 
dres, 101, 

Id.     h  l'Opéra,  317. 

Beaugrand  (Mlle),  au  théâtre  de  Gènes,  157. 

Belval,  renouvellement  h  l'Opéra,  29. 

Bettini  (G.),  au  théâtre  de  Sa  Majesté,  à  Londres,  174. 

Borghi-Mamo  (Mme),  au  théâtre  Italien,  221. 

Eoschetti  (Mlle  A.),  à  l'Opéra,  101. 

Cabel  (Mme),  au  Grand-Théâtre  de  Lyon,  119. 

Caillou,  au  théâtre  Lyrique,  254. 

Cico  (Mlle),  renouvellement  à  l'Opéra-Comique,  214. 

David,  à  l'Opéra,  317. 

Dejean  (MmeJ.),  au  théâtre  Italien,  317. 

Delle-Seûie,  au  théâtre  de  Sa  Majesté,  à  Londres,  86. 

Id.    au  théâtre  Italien,  202. 

Dulaurena  (M.  et  Mme),  au  Grand-Théâtre  de  Lyon, 
157. 

Ebrard  (Mlle),  au  théâtre  Lyrique,  254. 

Faure,  renouvellement  à  l'Opéra,  389. 

Ferraris  (Mme),  au  théâtre  de  Sa  Majesté,  à  Londres,  51. 

Fioretti  (Mlle),  à  l'Opéra,  365. 

Giorza  (P.),  au  théâtre  de  Govent-Garden,  à  Londres, 
101. 

Girard  (Mlle),  à  l'Opéra-Comique,  101. 

Gueymard  (M.  et  Mme),  renouvellement  à  l'Opéra,  29. 

Kœkert,  à  l'Opéra  allemand  de  Saint-Pétersbourg,  270,, 

Lagrua  (Mlle  B.),  â  la  Pergola  de  Florence,  118. 

Id.     au  théâtre  du  Liceo,  à  Barcelone,  20a. 

Lagye  (Mlle),  au  théâtre  Lyrique,  254. 

Marchesi,  au  théâtre  de  Sa  Majesté,  à  Londres,  280. 

Mengal,  au  théâtre  de  la  Monnaie,  à  Bruxelles,  149. 

Merly,  à  l'Opéra,  317. 

Monrose  (Mlle),  à  l'Opéra-Comique,  262. 

Mouravieff  (Mlle),  à  l'Opéra,  86. 

Id.     renouvellement  au  même  théâtre,  293. 

Née  (Justin),  â  l'Opéra-Comique,  254. 

Périer  (Mlle),  à  l'Opéra-Comique,  117. 

Quercy  (de),  au  théâtre  Lyrique,  77. 

Rota,  à  l'Opéra,  142. 

Saint-Urbain  (Mlle),  au  théâtre  des  Bouffes-Parisiens, 
230. 

Scalese,  au  théâtre  Italien,  109. 

Soustelle,  â  l'Opéra,  254. 

Talvo-Bedogni  (Mme),  résiliation  à  l'Opéra,  398. 

Trillet,  au  théâtre  Lyrique,  22. 

Ugalde  (Mme),  au  théâtre  Lyrique,  205. 

Wertheimber  (Mlle),  aux  théâtres  de  Marseille  et  d'Al- 
ger, 118. 

Id.     à  l'Opéra,  285. 

Wicart,  â  Rouen,  118. 

Strauger. 

THÉÂTRES,  CONCERTS,  NOUVELLES   MUSICALES, 

ETC.,  ETC. 

Aix-la-Chapelle. —  Grand  Festival  de  chant  auquel  ont 
pris  part  soixante  et  une  sociétés,  295. 

Bade. —  Ouverture  de  la  saison,  149,  206. —  Représenta- 
tions de  la  troupe  du  Palais-Royal,  223.  —  Repré- 
sentations d'opéras,  239.  —  Représentation  de  la  Fille 
de  l'Orfèvre,  opéra  nouveau  de  M,  Membrée,  246.  — 
Représentation  de  ]'olage  el  jaloux,  musique  de  Ro- 
senhain,  255.  —  Correspondance  signée  E.  R.  :  Re- 
présentation du  Chevalier  Nahel,  opéra  de  Litolff, 
261.  —  Reprise  de  Béatrice  cl  Bénédict,  271.  — 
Représentations  d'opéras,  279.  —  Troupe  italienne, 
287.  —  Grand  concert  au  profit  des  hospices  de  la 
viUe,  294.  —  Troupe  allemande  :  concert  à  l'occasion 
de  la  fête  du  grand-duc,  3U3.  —  Concert  de  Batta  et 
Vivier,  326. 

Barcelone.  —Représentation  brillante  du  Prophète  au 
Liceo,  45,  55.  —  Réouverture  du  théâtre  du  Liceo, 
par  Jonc,  opéra  de  Petrella,  336.  —  Mme  Lagrua 
dans  la  Sa/fo  de  Pacini,  351. 

Berlin. —  Première  représentation  de  J'OMsi  de  Gounod, 
15.  —  Clôture  de  la  saison  de  l'opéra,  207.  —  Débuts 
de  la  troupe  italienne,  343.  —  Exécution  de  la  Patrie 
éternelle,  oratorio  nouveau  d'Hermann  Kiister,  375. 

Breslau.—  Première  représentation  de  la  Réole,  opéra- 
comique  de  Gustave  Schmidt. 

Briikswick.—  Représentation  de  la  Rose  d'Erin,  opéra  de 


Bénédict,  55,  69.  —  Episode  intéressant  du  dernier 
festival  de  chant,  246. 

Bruxelles.—  Première  représentation  des  Songes,  ballet 
de  M.  Justament,  7.  —  Correspondance  signée  M.  : 
voyage  artistique  d'E.  Prudent,  37.  —  Première  re- 
présentation de  la  Chatte  merveilleuse,  d'Albert  Grisar, 
46.  —  Concerts  du  Conservatoire,  94.  —  Clôture  de 
la  saison,  174.  —  Réouverture  du  théâtre  de  la  Mon- 
naie, 294. —  Représentation  de  Flamma,  ballet  de  Jus- 
tament, 414. 

Carlsrohe. —  Représentation  du  Roi  Ensio,  d'Abert,  95. 

CoBonRG.  —  Représentation  de  la  Malédiction  du  Chan- 
teur, opéra  nouveau  d'A.  Langerts,  407. 

CoKSTANTiNOPLE.  —  Représentation  de  Ladislao,  opéra 
nouveau  de  Pisaui,  23. 

Darusiadt. —  Grand  saccbs  AelaReine  deSaba,  deGou- 
nod,  39.  —  Représentation  du  Meunier  de  Marlinac, 
opéra  nouveau  de  Jasper,  63. 

Dresde.—  Représentation  de  Lalla-Rookh,  de  Rubinstein, 
79.  —  Belle  reprise  de  Zampa,  183. 

Ems.  —  Ouverture  de  la  saison,  206. —  Représentations  de 
la  troupe  des  BoufTes-Parisiens,  223.  —  Représenta- 
tion à'Il  siynor  Fagotto,  opéra  bouffe  d'Offenbach, 
230.  —  Représentation  de  Lieschen  et  Fritschen,  po- 
chade nouvelle  d'Offenbacb,  239,  247.  —  Concerts,  279, 
286. 

Florence.  —  Représentation  de  Piecarda  Donati,  opéra 
de  Vincenzo  Moscuzza,  88.  —  Grand  concert  populaire 
donné  au  théâtre  Pagliano,  110.  —Incendie  du  Putite- 
ama,  215.  —  Distribution  des  prix  du  concours  Ba- 
sevi,  336.  —  Giula  Grisi  dans  Norma,   375. 

FnANcroRT-SDR-MEiN. —  Représentation  de  Biarne,  le  roi 
du  chant,  opéra  posthume  de  Marschner,  311.  — 
Sociétés  de  chant  réunies,  327. 

Gard.  —  La  musique  aux  fêtes  du  congrès,  310. 

Gotha.  —  Représentation  d'.lnne  de  Bretagne,  opéra 
nouveau  d'Otto  Pretschler,  144. 

HoMBOURG.  —  Fêtes  du  Kursaal,  263.  —  Grand  concert, 
279. 

KoBNiGSBERG.  —  Grand  festival  prussien,  191. 

Liège.  —  Grand  festival,  222. 

Londres. —  Première  représentation  de  The  Armiirer  of 
Nantes,  opéra  nouveau  de  Balfe,  53.  —  Programme 
de  la  saison  de  Covont-Garden,  109.—  Correspondance 
signée  L.  B.  :  ouverture  de  ce  théâtre,  116.  —  Ou- 
verture du  théâtre  de  Sa  Majesté,  127.—  Correspondance 
signée  T.  X.  :  nouvelles  musicales  et  théâtrales,  157. 

—  Correspondance  signée  Y.  :  nouvelles  des  théâtres, 
165.  —  Gorrespondauce  signée  M.  :  nouvelles  des 
théâtres  et  des  concerts,  172.  —  Correspondance  si- 
gnée B.  S.  :  nouvelles  des  tliéàtres;  les  deux  Patti, 
181.  —  Représentation  d'Obin,  199.  —  Correspon- 
dance signée  L.  B.  :  nouvelles  des  concerts,  204.  — 
Le  Faust  de  Gounod  i  Covent-Garden,  215.  —  Cor- 
respondance signée  L.  B.=  théâtres  et  concerts,  220. 
respondance  signic  B.  S.  :  nouvelles  des  théâtres,  237. 

—  Correspondance  signée  L.  B.  :  clôture  de  la  saison 
de  Covent-garden  ;  travaux  du  théâtre  de  Sa  Majesté, 
253.  —  Correspondance  signée  L.  B.  :  clôture  du 
théâtre  de  Sa  Majesté,  concerts  divers,  261.  — 
Représentation  de  la  Fleur  du  désert,  opéra 
nouveau  de  Wallace,  343.  —  Succès  de  Mlle  C. 
Patti  au  palais  de  Cristal,  359.  —  Représentation 
de  Jessy   Lea,    opéra  de  salon   de   Macfarren,   367. 

—  Représentation  de  Blanche  de  Nevers,  opéra 
nouveou  de  Balfa,  391. 

LcBECK.  —  Représentation  du  Dernier  Jour  de  Pompé'ia, 
opéra  sans  paroles  par  un  compositeur  suédois,  336. 

Madrid.  —  Première  représentation  de  Zampa,  traduit 
en  espagnol,  15.  —  Représentation  de  la  Forsa  del 
destiiio,  de  Verdi,  71.  —  Réouverture  du  théâtre  Ita- 
lien par  il  Burbiere  di  Seviglia,  326.  —  Représenta- 
tion de  gala,  à  l'occasion  du  voyage  de  S.  M .  l'Impé- 
ratrice des  Fiançais,  351.  —  Débuts  de  Mme  Adelina 
Patti  au  théâtre  de  l'Oriente,  374,  389. 

Masheim.  —  Représentation  du  Roi  Enzio,  grand  opéra 
d'Abert,  23.  —  Représentation  de  Lorelei,  opéra  nou- 
veau de  Bruch,  139. 

Milan.  —  Premières  représentations  de  Riensl,  opéra 
d'A.  Péri,  et  des  Stelle,  ballet  de  P.  Taglioni,  7.  — 
Représentation  d'/  due  i<ori,  ballet  de  Taglioni,  38.  — 
Représentation  du  Prophète  à  la  Scala,  63.  —  Repré- 
sentation d'.l»/ora  di  Nevers,  opéia  nouveau  de  Si- 
nico,  279.  —  Ouverture  de  la  saison  par  le  Vieux  de 
la  Montagne,  do  Cagnoni,  et  Oronos,  ballet  de  Costa, 
295.  —  Réouverture  du  théâtre  Carcano,  367,  —  Re- 
présentation d'/  Profughi  fiamminghi,  opéra  nouveau 
de  F.  Faccio,  37.1.  —  Représentation  dAldina,  opéra 
nouveau  de  R.  Gandolfi,  391.  —  Représentation  du 
Nuovo  Figaro,  opéra  de  Ricci,  415. 

Moscou.  —  Représentation  de  la  Salamandre,  nouveau 
ballet  de  Saint-Léon,  avec  apparition  de  spectres,  407. 

Munich.  —  Représentation  des  Foscari,  opéra  nouveau 
de  Zenger,  31.  —  Correspondance  :  grand  festival, 
324. 

Naples.  —  Grand  succès  de  Mme  Tietjens  dans  la  £«- 
crezia,  88. 

New-York.  ~-  Correspondance  signée  Dachauer  :  l'opéra 
italien  et  la  musique  d'église,  37.  —  Inauguration  de 
la  saison  italienne  par  liuberto d'Evereux,  359. 

OpoRTO.  —  Représentation  de  Béatrice  di  Portogallo, 
opéra  nouveau  de  Novaynho,  95.  — •  Immense  succès 
des  Huguenots,  157. 

Prague.  —  Repré-entation  de  Concinî,  opéra  nouveau 
par  Th.  Lœwe,  7.  —  Représentation  de  Rizzio,  opéra 
nouveau  d'A.  Schliobiicr,  119. 

Rome.  —  Incendie  du  tiiéâire  Alibert,  63.  —  Représen- 
tation de  Maria  au  lliéàtre  Argentina,  70.  —  Réou- 
verture de  ce  théâtre  par  liuberto  il  Diauolo,  319. 

Saint-Péterscourg.  —  Première  représentation  de  Théo- 
linde,  ballet  nouveau  de  Saint-Léon,  15,  —  Première 


TABLE  ALPHABETIQUE  DES  MATIERES. 

représentation  de  Natascha,  opéra  inédit  de  M.  Ville- 
bois,  au  théâtre  Marie,  47.  —  Représentation  de  Ju- 
dith, opéra  nouveau  de  Serow,  191.  —  Société  des 
concerts  sous  la  direction  d'Antoine  Rubinstein,  238. 

—  Réouverture  des  théâtres,  319.  —  Correspondance 
signée  S.  D.  :  représentations  du  théâtre  Italien,  373. 

—  Correspondance  signée  S.  D.  :  représentations  de 
l'opéra  Italien  et  de  l'opéra  Russe,  396. 

Spa.  —  Grand  concert  à  la  Redoute,  247.  —  Concerts 
divers,  255.  —  Concert  de  Louis  Brassin,  302. 

Turin.  —  Représentation  de  la  Comtesse  d'Egmont, 
grand  ballet  de  Rota,  38.  —  Représentation  de  Don 
Carlo,  opéra  nouveau  du  chevalier  de  Ferrari,  199.  — 
Clôture  de  la  saison  du  théâtre  Victor-Emmanuel,  207. 

—  Représentation  d'Jl  Folletto  di  Gresy,  opéra  nou- 
veau de  Petrella,  279,  —  Réouverture  du  théâtre 
Victor-Emmanuel  par  Maria,  319. 

Vienne.  —  Nomination  du  maître  de  chapelle  J.  Strauss 
comme  directeur  des  bals  de  la  cour,  78.  —  Succès 
triomphal  de  Mlle  Adelina  Patti,  79,  95, 103, 117.  — 
Incendie  du  théâtre  Treumann,  191.  —  Saison  alle- 
mande du  théâtre  de  la  Cour,  223.  —  Réouverture  du 
théâtre  Treumann,  279.  —  Inhumation  des  dépouilles 
mortelles  de  Beethoven  et  de  Schubert,  351.  -  Re- 
présentation de  Jotta  ou  Art  et  Amour,  ballet  nouveau 
de  Borri,  383. 

Weimar.  —  Représentation  de  Béatrice  et  Bénédict, 
opéra  de  Berlioz,  125. 

WiESBADEN.  —  Eclat  de  la  saison,  231.  ■ —  Concerts  di- 
vers, 239.  —  Grand  festival  pour  l'anniversaire  de  la 
naissance  du  duc  de  Nassau,  247. 

WoRCEsTER.  —  Grand  festival,  302. 

Zurich.  —  Première  représentation  de  Dinorah,  14. 

H 

Slonunages,  décorations  et  fécompeiises 

accordés  aux  artistes. 

{ Voyez   aussi    Nominations.] 

Alard  (D .  ) ,  décoration  des  Saints  Maurice  et'Lazare,  du 
royaume  d'Italie,  270. 

Artot  (Mlle  D.),  les  portraits  photographiés  de  tous  les 
membres  de  la  maison  impériale,  de  la  part  de  l'em- 
pereur d'Autriche,  SO. 

Bendel  (F.),  décoration  de  l'ordre  de  Danebrog,  du 
royaume  de  Danemark,  206. 

Berlioz  (H.),  décoration  de  l'ordre  de Hohenzollern,  143. 

Bulow  (H.  de),  décoration  de  l'ordre  du  Lion  de  Zœring- 
hen,  par  le  grand-duc  de  Bade,  22. 

Carrion,  médaille  en  or  pour  arts  et  sciences,  de  la  part 
du  grand-duc  de  Darnistadt,  381. 

Ciardi,  décoration  des  Saints  Maurice  et  Lazare,  du 
royaume  d'Italie,  391. 

Courmont  (de),  décoration  d'officier  de  la  Légion  d'hon- 
neur, 270. 

Desmaisons  (E.),  décoration  de  la  Légion  d'honneur,  222. 

Doring  (T.),  décoration  de  la  maison  Ernestine,  par  le 
duc  de  Saxe-Cobourg,  150. 

Dufour  (S.),  décoration  de  la  Couronne  de  chêne,  du 
royaume  des  Pays-Bas,  38. 

Feuillet  (0.),  décoration  d'officier  de  la  Légion  d'hon- 
neur, 270. 

Gastinel  (L.),  médaille  en  or,  de  la  part  de  l'Empereur, 
327. 

Gautrot,  médaille  de  deuxième  classe  décernée  par  la 
Société  des  beaux-arts  appliqués  à  l'industrie,  407. 

Gounod  (C),  décoration  de  l'ordre  de  Philippe-le-Magua- 
nime,  par  le  grand-duc  de  Darmstadt,  39. 

Graziani  (le  comte  M.),  médaille  d'argent  grand  mo- 
dule de  la  part  du  roi  d'Italie,  102. 

Groot  (de),  magnifique  émeraude  de  la  part  de  l'Empe- 
reur, 109. 

Id.  médaille  d'argent,  grand  modale,  de  la  part  de 
l'Empereur,  326. 

Hanssens  (C),  décoration  d'officier  de  l'ordre  de  Léopold 
de  Belgique,  30. 

Herz  (H.),  décoration  d'officier  de  la  Légion  d'honneur, 
45. 

Id.  médaille  de  deuxième  classe  décernée  par  la  So- 
ciété des  beaux-arts  appliqués  à  l'industrie,  406. 

Kastner  (G.),  commandeur  de  l'ordre  de  Charles  IH 
d'Espagne,  230. 

Ketterer  (E.),  décoration  des  Saints  Maurice  et  Lazare, 
du  royaume  d'Italie,  316, 

Lefébure-Wély,  médaille  en  or,  de  la  part  de  l'Empe- 
reur, 327. 

Lépreux,  décoration  de  la  Légion  d'honneur,  270. 

Liszt  (F.),  insignes  de  l'ordre  du  Saint-Sépulcre,  de  la 
part  du  patriarche  de  Jérusalem,  14. 

Luchs  (F.),  médaille  pour  les  lettres  et  les  arts,  au  nom 
du  duc  de  Saxe-Cobourg,  206. 

Massé  (V.),  pension  de  2,400  francs  par  le  ministre 
d'Etat,  109. 

Mercadante,  décoration  de  commandeur  de  l'ordre  des 
Saints  Maurice  et  Lazare,  du  royaume  d'Italie,  214. 

Mey  (A.),  décoration  de  l'ordre  de  la  maison  Ernestine, 
par  le  duc  de  Saxe-Cobourg,  14. 

Morel  (A.),  décoration  de  la  Légion  d'honneur,  270. 

Morin,  id.,  270. 

Nieuwerkerke  (le  comte  de),  décoration  de  grand  officier 
de  la  Légion  d'honneur,  270. 

Pape  fils,  médaille  de  troisième  classe  décernée  par  la 
Société  des  beaux-arts  appliqués  à  l'industrie,  406. 

Pasdeloup,  décoration  de  la  Légion  d'honneur,  270. 

Patti  (Mlle  A.),  bracelet  en  diamants  et  émeraudes,  de 
la  part  de  l'Empereur  et  de  l'Impératrice,  37. 

Reignier,  décoration  de  la  Légion  d'honneur,  270. 

Reyer  (E.),  décoration  de  l'ordre  de  la  Couronna  de 
Prusse,  93. 


Salles,  décoration  de  la  Légion  d'honneur,  270 

Sardou  (V.),  id.,  270. 

Sauvage  (T.),  id.,  270. 

Sauzay,  id.,  270. 

Sax,  médaille  de  première  classe  décernée  par  la  Société 

des  beaux-arts  appliqués  â  l'industrie,  406. 
Scudo  (P.),  décoration  de  la  Légion  d'honneur,  270. 
Servais,  décoration  de  l'ordre  de  Dannebrog,  du  royaume 

de  Danemark,  Î3. 
Strauss,  bague  riche,  de  la  part  de  la  reine  des  Pays- 
Bas,  30. 
Strauss,  de  Carlsruhe,  décoration  de  l'ordre  du  Lion  de 

Zœringhen,  par  le  grand-duc  de  Bade,  54. 
Sulzer,  grande  médaille  pour  les  arts  et  les  lettres,  de 

la  part  de  l'empereur  d'Autriche,  30. 
Tescher,  décoration  de   l'ordre  de    François-Joseph,  de 

l'empire  d'Autriche,  280. 
Thierry,  décoration  de  la  Légion  d'honneur,  270. 
Van-der-Heyden,   décoration  des  Saints  Maurice  et  La» 

zarre,  du  royaume  d'Italie,  111. 
Wachtel,  médaille  en  or  pour  les  arts  et   les  lettres,  de 

la  part  du  grand-duc  de  Hesse-Darmstadt,  126. 
"WolS  (A.),  décoration  de  la  Légion  d'honneur,  45. 


Jiarisprudence   artistique,  scientifique 
et   théâtrale . 

Arrêt  de  la  Cour  de  cassation  en  faveur  de  Debain  et 
consorts,  à  propos  de  la  reproduction  des  œuvres  mu- 
sicales par  le  procédé  du  piquage,  63 . 

Arrêt  de  la  Cour  impériale  dans  un  procès  pendant  en- 
tre MM.  Marschner  et  Aulagnier,  à  propos  de  l'opéra 
du  Vampire,  116. 

Arrêt  définitif  de  la  Cour  impériale  d'Orléans  dans  l'af- 
faire Debain  et  consorts,  174. 

Arrêt  de  la  Cour  impériale  de  Paris  relatif  aux  faillites 
des  directions  de  théâtre,  206. 

Jugement  en  appel  intervenu  entre  M.  Pasdeloup  et 
M.  Girard,  premier  violon  de  l'orchestre  des  concerts 
populaires,  254. 


Xicttres. 

M.  Fétis  père,  au  rédacteur  en  chef  du  journal,  à  pro- 
pos d'un  nouveau  système  de  flûte,  4. 

M.  Alphonse  Sax  au  directeur  du  journal,  pour  une 
réclamation,  21. 

M.  A.  de  Leuven  aux  journaux,  à  propos  de  l'orchestre 
de  l'Opéra-Comique,  77. 

M.  Pasdeloup  au  directeur  du  journal,  h  propos  des 
Sept  paroles,  d'Haydn,  123. 

Réponse  de  M.  Marie  Escudier  à  M.  Pasdeloup,  132. 

M.  Fétis  père  au  directeur  du  journal,  en  lui  transmet- 
tant une  lettre  de  M.  A.  Rouget  de  Lisle,  243. 

M.  Fétis  père  au  directeur  du  journal,  à  propos  de  la 
Marseillaise,  257. 

.M.  A.  Rouget  de  Lisle  au  même,  et  pour  le  même  ob- 
jet, 258. 

Jacques  Offenbach  au  directeur  du  journal,  à  propos  de 
Don  Juan,  333. 

Eiittératni'e  musicale. 

Du  rhythme  de  la  poésie  lyrique  et  des  études  rhythmi- 

ques  de  M.  A.  Van-Hasselt,  art.  de  Fétis  père,  81. 
La  musique  et  la  danse  à  l'Exposition  des  beaux-arts, 

par  E.  Mathieu  de  Monter,  li8,  186. 
Delà  poésie  lyrique,  art.  de  J.-B    Rongé,  188,  195. 
La  vérité  sur  la  Marseillaise,  art.  de  Fétis  père,  225. 
Effets  des  circonstances  sur  la  situation  actuelle  de  la 

musique   au  point  de  vue  do  la  composition,  art.  de 

Fétis  père,  251,  275,  297,  321,  345. 
Le  royaume  hawaïen,  art.  d'O.  Comettant,  307. 
La  guerre  de  cent  ans   des  organistes,   clavessinistes  et 

maîtres    à  dançer    du   royaume  de  France,  art.  d'E. 

Matbieu  de  Monter,  330,  338,  362,  372. 
Mémoire  sur  l'origine   de  la  musique,  par  D,  Eeaulieu, 

403. 

M 

Unslque  militaire. 

Audition  de  musique  militaire  chez  Adolphe  Sax,  118. 
Séance  donnée  dans  le  même  local  par  la  musique  du 

11'  d'artillerie  montée  de  la  garde,  142. 
Et  par  la  musique  de  la  gendarmerie  impériale,  158. 
Concours  de  musiques  militaires  à  Montmartre,  230. 
Concours  de  musiques  militaires  au   camp  de  Châlons, 

art.  d'A.  Elwart,  200. 

musique  religieuse. 

MESSES,  ORATORIOS,    SOLENNITÉS    RELIGIEUSES, 
ORGUE. 

Requiem  de  Mozart  â  Notre-Dame,  art.  d'A.  Botte,  18. 
Messe   de  M.  F.  Benoît   â  Saint-Roch,  art.  d'A.  Botte, 

34. 
Messe  de  M.  Léon  Gastinel  à  l'église  de  Saint-Vmcent- 

de-Paul,  par  les  soins  de  l'Association  des  artistes  mu- 

Requleni  de  Mozart  à  Saint-Eustache,  en  l'honneur  de 
Wilhem,  93. 

Messe  en  musique  à  Notre-Dame,  célébrée  par  1  Asso- 
ciation des  artistes  niusicicns,  10). 

Stabat  en  musique,  par  Maurice.  Bourges,  dans  la  cha- 
pelle des  sœurs  de  Saint-Vincout,  102. 


6 

Exécution  des  Sept  paroles  de  Nolre-Seigiicur  sur  la 

croix,  oratorio  d'Haydn,  à  Saint-Roch,  109. 
Messe  du  sacre,  de  Chernbini,  à  Saint-Rocli,  118. 
Messe  solennelle  de  Camille  Schubert,  à  Saint-Eustache, 

au  profit  de  la  caisse  des  écoles  du  2'  arrondissement, 

119. 
Inauguration  du  grand  orgue  de  Saint-Etienne  du  Mont, 

142. 
Messe  de  Kicou-Choron,  exécutée  à  la   Madeleine,  art. 

de  F.  Danjou,  155. 
Deuxième  messe  do  M.  Ponce  de  Léon,  exécutée  à  Samt- 

Pierre  de  Montrouge,  222. 
Audition  de   M.   Cb.  Widor,  de   Lyon,  sur  l'orgue    de 

Saint-Sulpice,  2i6. 
Distribution  des  prix  de  plain-chant  et  d'orgue  à  l'Ecole 

religieuse,  254. 
Messe    d'actions    de   grâces  dans  l'église  de   Suresnes, 

342. 
Messe  de  Sainte-Cécile  h  Saint-Eustache,  par  l'Associa- 
tion des  artistes  musiciens,  art.  d'A.  Botte,  378. 
Messe  de   M.  Ch.  Manry   à  Saint-Eustache,  art.  d'A. 

Botte,  393. 

N 
Nécrologie  et  articles  nécrologique». 


Arnaud  (E.l,  39. 
Audilîred,  382. 
Baver,  239. 
Beàle  {F.),  215. 
Beaulieu   (M.-D.-M.),   art. 

nécrol.,  412. 
Beyer,  107. 
Bock  (G.),  144. 
Boisseaux  (H.),  382. 
Borchardt  (C),  125. 
BouUée  (Mlle  Ida),  287. 
Braham  (J.-H.),  7. 
Canaple,  254. 
Casimiro  (J.),  23. 
Cavos  (A.), 215. 
Chartier,  marquis  de  Lo- 

raille  (À.),  183. 
Dalaveux  (E.),  375. 
Damoreau,  334. 
Damoreau-Cinti  (Mme),  70; 

art.  nécrol. ,  7G. 
Davide  (P.),  254. 
Delacroix  (E.),  263. 
Delécluze  (E.-J.),  231. 
Delsarte  (X.),  279. 
Dufresne  (A.),  78. 
Feroglio  (P.),  391. 
Ferraris  (MmeO.Malvatii), 

262. 
Tiennes  (  H.  du  Bois  de  ), 

70. 
Gall,  103. 
Gilbert  des  Voisins  (le  Cte), 

206. 
Glover  (C),  158. 
GrunwalJ  (J.),  144. 
Hesse  (A.-F.),  263. 
Hœrter  (P.),  366. 
Hoffmann   (de  Francfort  ), 

134. 
Haber  (F.),  39. 
Jaspar  (A),  215. 
Kist  (  le  docteur  F.  -C), 

127. 
Kœnneritz(de),183. 
Kolb  (J.  von.),  271. 


KûUak  (A.i,  14. 

Lacombe,  mère  (  Mme  ) , 
246. 

Lemaire  (Mlle  E.),  175. 

Livry  (Mlle  E.),  245. 

Lovy  (J.)i  art.  nécrol.  d'A. 
Elwart,  189. 

Mabille  (V.),  287. 

Mailly  (P.-J.).  271. 

Masini  (F.),  271. 

Maurice  (A.),  215. 

Mayseder  (J.),  382,  390; 
art.  nécrol.  ertraitdela 
Biographie  des  Musi- 
ciens, de  M.  Fétis,  père, 
404. 

Merts  (J.j,  175. 

Moreau,  303. 

Moser,  414. 

Mûhldorfer,  94. 

Mùller  (C.-G.),  215. 

Nicole  jeune,  103. 

Pacini  (Mme),  342. 

Pitre-Chevalier,  199. 

Prudent  (E.),  157  ;  art.  né- 
crol. de  Paul  Smith  , 
177. 

Rossi  (L.-F.),  206;  art.  né- 
crol. par  A.Pougin,211. 

Roth  (A.),  158. 

Schoberlcchner(Mme),  303. 

Schodel,  287. 

Schubert  (C),  215. 

Serda,  111. 

Stegmayer  (F.),  158. 

Tacchinardi  (  Mme  P.  ) , 
303. 

Verroust  (S.),  127;  art. 
nécrol.     d'A.     Elwart , 

Vestvàli  (Mme),  294. 
Vigny  (le  comte  A.  de), 

303. 
"Wertowsky,  23. 
Wollenhaupt  (H.),  342. 
Zizold,  399. 


IKoml  nations. 

Bacciochi  (le  comte),  premier  chambellan  de  l'Empe- 
reur, comme  surrintendant  général  des  théâtres,  214. 

Bagier,  comme  directeur  du  théâtre  Italien,  101. 

Beaufort  (de),  comme  directeur  du  théâtre  du  Vaude- 
ville, 133. 

Bergson,  comme  directeur  des  classes  supérieures  de 
piano  au  Conservatoire  de  Genève,  390. 

Champfleury,  comme  directeur  du  théâtre  des  Funam- 
bules, 125. 

Delibes  (L.),  comme  accompagnateur  à  l'Opéra,  133. 

Doucet  (C),  comme  directeur  de  l'administration  des 
théâtres  au  ministère  de  la  maison  de  l'Empereur  et 
des  beaux-srts,  214. 

Lockroy,  comme  directeur  du  théâtre  du  Prince-Eugène, 
125. 

Salomon  (H.),  comme  accompagnateur  du  théâtre  Lyri- 
que, 133. 

Stockhausen  (J.),  comme  directeur  des  concerts  de  la 
Société  philharmonique  de  Hambourg,  94. 

Triébert,  comme  professeur  de  hautbois  au  Conserva- 
toire, 133. 


TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  MATIERES. 

Combinaison  financière  pour  achat  d'orgues  ;  circulaire 
ministérielle,  164. 

Nouvelles  attributions  du  ministère  de  la  maison  de  l'Em- 
pereur et  des  beaux-arts,  206. 

Travaux  de  la  commission  de  la  propriété  littéraire  et 
artistique,  art.  signé  P.  S.,  259. 

Commission  nommée  pour  examiner  la  question  de  l'af- 
fichage des  théâtres,  318,  358. 

Projet  de  décret  sur  la  liberté  des  théâtres,  365. 

Décision  du  ministre  de  l'instruction  publique  qui  pres- 
crit l'étude  de  la  musique  vocale  dans  tous  les  éta- 
blissements universitaires  de  l'Empire,  366. 

Adresse  à  l'Empereur  des  compositeurs  de  musique,  à 
propos  de  la  liberté  des  théâtres,  389. 

Extrait  d'un  article  du  Sémaphore  de  G.  Bénédit,  rela- 
tif à  la  liberté  des  théâtres  en  province,  405. 

Extrait  d'un  article  de  la  Revue  et  Gazelle  des  théâtres, 
relatif  au  projet  de  loi  sur  la  propriété  littéraire,  405. 

De  la  liberté  des  théâtres  au  point  de  vue  musical,  an. 
de  Paul  Smith,  409. 

R 

SSevue  critique. 

CHANT. 

Six  mélodies  de    M.  J.  Cressonnois,  art.  d'A.  Botte,  43. 
LeChant  des  exilés,  pour  ténor  et  chœur  d'hommes,  par 

G.  Meyerbeer,  art.  d'A.  Botte,  141. 
Chant    guerrier,    chœur  pour  voix  d'hommes,  composé 

par   Meyerbeer,  pour   la  tragédie  de  Stniensée,  art. 

d'A.  Botte,  305. 

PIANO. 

Troisième  trio  pour  piano,  violon  et  violoncelle,  par 
H.  Reber;  les  Archers,  ronde  de  nuit  ;  Dors,  mon  cher 
enfant,  berceuse;  marche  et  mazurka  chinoises,  air  de 
ballet,   pour  piano,  par  E.  Baumann ,  art.  d'A.  Pou- 

Le  Trésor  des  pianistes,  publié  par  A.  Farrenc  (3"  liv.), 
art.  de  Fétis  père,  19. 

Absence  et  Retour,  fantaisie  mélodique;  Cloches  et 
Clochettes,  caprice  imitatif,  par  Ch.  Pourny;  fendan/ 
la  valse,  scène  dramatique;  la  Coupe  en  main,  brin- 
disi  ;  Vision,  romance  sans  paroles,  par,  Mlle  Léonie 
Tonel  ;  le  Soir  au  bord  du  lac,  nocturne  par  M.  Bil- 
let; Cujus  animam,  transcription  par  Brinley  Richards; 
Romance  sans  paroles  de  Thalberg,  transcrite  par 
Frelon;  Rêverie  suisse,  \a,\se;  l'Enchanteresse,  valse  à 
quatre  mains,  par  A.  Riedel;  te  Ba/,  valse  par  E. 
Desgranges;  la  Pluie  de  fleurs,  valse  par  Strauss,  art. 
signé  Y.,  36. 

La  Muette  de  Porlici,  le  Domino  nnir,  Slradella,  fan- 
taisies de  salon;  la  Mer  calme,  mélodie;  Yvonne, 
polka-mazurka,  par  R.  Favarger,  art.  signé  Y.,  332. 

Propeccatis.  transcription  àa  Stabat  mafec  de  Rossini  ; 
Hymne  des  vêpres  ;  la  Czarina,  mazurka  de  salon, 
par  Brinley-Richards ,  art.  signé  Y.,  332. 

Berceuse  ;  Souvenir  jrfe  Berlin,  par  F.  Schœn  ;  les  Dra- 
gons de  Villars,  petite  fantaisie  ;  la  Prière  d'une 
vierge,  par  Thecla  Badarzewska,  morceau  de  salon; 
les  Bavards,  fantaisie  par  J.  C.  Hess  ;  les  Bavards  ; 
Slradella,  bagatelles  par  Ltcarpentier,  art.  signé  Y., 
348. 

Les  Fleurs  de  la  danse ,  par  H.  Valiquet  ;  Souve- 
nirs de  l'opéra  français,  par  J.  Rummel,  art.  signé 
Y.,  379.  ,  ,.    , 

le  Trésor  des  pianistes,  par  A.  Farrenc  (4°  et  5'  liv.), 
art.  de  Fétis  père,  385. 

COMPOSITIONS  INSTRUMENTALES  DIVERSES. 

Trente   morceaux  d'orgue,    pour  le  service    divin,   par 

Th.  Stern,  art.  de  Fétis  père,  11. 
Fantaisie  sur   les   Bavards,  pour  violon  et  piano,    par 

E.  Depas,  art.  signé  Y.,  348. 
Deux  Nuits,  pour  violoncelle  et  piano,  par  P.  Seligmann, 

art.   signé  Y.,  373. 
Fantaisie  sur   Maria,  pour  violoncelle,  par  C.  Paque  ; 

la  Carita,  de  Rossini  ;  Ave  Maria,  de  Schubert  ;  Pteta 

Signor,  de  Slradella,   transcription  pour  harmonium, 

art.  signé  Y.,  379. 

MÉTHODES  ET  OUVRAGES  DE  THÉORIE. 

Traité  d'Harmonie,  par  Henri  Reber,  art.  d'A.  Elwart, 
12. 

OUVRAGES  DIVERS. 

Chûteau  à  vendre ,  par  Alexandre  de  Lavergne.  — 
Contes  du  Docteur  Sam  et  Petites  Chroniques  de  la 
Science,  par  S.  H.  Berthoud,  art.  de  Paul  Smith, 
171. 

Ha  Musique  au  Théâtre,  par  M.  A.  L.  Maillot,  art.  de 
Paul  Smith,  201. 

l'Anneau  des  Nibelungen,  par  Richard  Vi'agner,  art.  de 
J.  Duesberg  et  S***,  217,  282,  290,  300. 

La  Musique  à  Paris,  par  Albert  de  LasalleetEr.  Thoi- 
nan,  art.  signé  P.  S.,  285. 


<|uestiou8  artistiques,  musicalefi 
et  théâtrales. 

Résolution  prise  par  le  comité  de  la  Société  nationale 

des  beaux-arts,  4. 
Travaux  de  la  commission   instituée  pour   préparer  le 

projet  de  loi  sur  la  propriété  littéraire,  62,  103. 
Texte  du  projet  de  loi  relatif  â  la  propriété  littéraire  et 

artistique,  123. 
Subventions  théâtrales,  133,  143. 


Suppléments. 

(Voyez  à  la  fin  de  la  table.j 

T 

Vhéàtres  de  Paris. 

(Pour  les  théâtres  des  départements  et  de  l'étranger, 
voir  â  ces  mots.) 


théathes  lyrkjoes. 
OPÉRA. 

Reprise  de  la  Muette  de  Porlici,  art.  de  Paul  Smith, 

25. 
Première  représentation  de  to  Mide  de  Pedro ,  opéra  en 

deux  actes,  musique  de  Victor  Massé,  art.  deP.  Smitli, 

73. 
Début  de  Villaret,  art.  signé  S.  D.,  91. 
Représentation  au  bénéfice  de  Mme  Ferraris,  101. 
Restauration  de  la  salle,  114. 
Reprise   de  Giselte  ;  début  de   Mlle  Mourawiefl',  art.  de 

P.  Smith,  145. 
Reprise  du  Comte  Ortj,  art.  signé  P.  S.,  163. 
Rentrée  de  Michot,  et  début  de  Mme  Dori-Rottger,  dans  / 

Trouvère,  213. 
Première  représentation  de  Diavolina,  ballet-pantomime 

en  un  acte,   musique  de  C.   Pugni,   art.  signé  P.  S., 

218. 
Reprise  des  Vêpres  siciliennes,  art.  signé  P.  S.,  233. 
Nomination    de  M.    Georges  Hainl    comme    chef  d'or- 
chestre, 238. 
Spectacle  gratis  du  15  août,  269. 
Début  de  Mlle  Thérèse  Tietjens,  dans  les  Huguenots,  art. 

de  P.  Smith,  273,  281. 
Troisième  début  de   Villaret,   et  rentrée  de  Mlle  Wer- 

theimber  dans  le  Trouvère,  art.  de  P.  Smith,  289. 
Rentrée  de  Merly  dans  Guillaume  Tell,  325. 
Début  de  David  dans  le  même  opéra,  333. 
Villaret  dans  to  Juive,  art.  signé  P.  S.,  347. 
Début  de  Mme  Bedogni-Talvo  dans  la  Favorite,  381. 
Rentrée  de  Villaret  dans  ta  Juive,  413. 

OPÉRA-COMIQUE. 

Rentrée  de  Caussade  dans  le  Chalet,  6. 

Première  représentation  de  l'Illustre  Gaspard,  opéra- 
comique  en  un  acte,  musique  de  M.  Eug.  Prévost, 
art.  de  L.  Durocher,  49. 

Première  représentation  de  la  Déesse  et  le  Berger,  opéra- 
comique  en  deux  actes,  musique  de  J.  Duprato,  art. 
de  L.  Durocher,  65. 

Reprise  des  Diamants  de  la  couronne,  93. 

Représentation  au  bénéfice  des  petits-enfants  de  Rameau, 
117. 

Première  représentation  de  Bataille  d'amour,  opéra- 
comique  en  trois  actes,  musique  de  M.  de  Vaucorbeil, 
art.  de  Léon  Durocher,  121. 

Reprise  de  la  Chanteuse  voilée,  art.  de  L.  Durocher,  139. 

Reprise  Â'Haydée,  art.  de  L.  Durocher,  146. 

Représentalion  au  bénéfice  de  Lemaire,  173. 

Reprise  de  Zampa,  art.  de  L.  Durocher,  185. 

Début  de  M.  Mirai  dans  le  Clialct,  205. 

Début  de  Mlle  Irène  Lambert  dans  Haydée,  214. 

Reprise  de  Galatée  avec  Mme  Ugalde,  221. 

Première  représentation  des  Bourguignonnes,  opéra-co- 
mique en  un  acte,  musique  do  Louis  Deffès  ;  reprise 
de  la  Fausse  Magie,  art.  de  L.  Durocher,  226. 

Spectacle  gratis  du  15  août,  269. 

Première  représentation  des  Amours  du  Diable,  opéra- 
comique  en  quatre  actes,  musique  d'A.  Grisar,  art. 
de  L.  Durocher,  274. 

Débuts  de  Mlle  Girard,  d'Eug.  Bataille  et  de  Carrier  dans 
le  Cdid,  art.  de  P.  Smith,  289. 

Reprise  du  Songe  d'une  nuit  d'été  ;  rentrée  de  Mlle 
Monrose  ;  art.  de  L.  Durocher,  299. 

Rentrée  de  Montaubry  et  de  Mlle  Cico  dans  lalla  Eoukh, 
317. 

Reprise  du  Domino  noir  avec  Léon  Achard  et  Mlle  Cico, 
art.  de  L.  Durocher,  337. 

Début  d'Albert  dans  Andréa  A' Haydée,  341 . 

Représentation  au  bénéfice  de  l'Association  des  artistes 
dramatiques,  349. 

Début  de  Mlle  A.  Colas  dans  les  Noces  de  Jeannette, 
374. 

Reprise  de  Joconde,  381. 

Représentation  au  bénéfice  de  la  Caisse  de  secours  de» 
auteurs  et  compositeurs  dramatiques,  398. 

THÉÂTRE  ITALIEN. 

Rentrée  de  Mme  Trebclli  dans  lucresia  Borgia,  6. 
Première  représentation  de  /  Lombardi  alla  prima  cro- 

ciata,  musique  de  Verdi,  art.  de  P.  Smith,  17. 
la  serva  padrona,  de  Pergolèse,  art.  de  P.  Smith,  27. 
Reprise  de  Don  Giovanni;  Adelina  Patti;  art.  de  Paul 

Smith,  33. 
Première  représentation   d'Alessandro   Slradella,  opéra 

en  trois  actes,  musique  de  F.  de  Flotow,  art.  de  Paul 

Smith,  57.  .      J    ,,    , 

Démission  de  M.  Calzado  ;  gérance  provisoire  de  M.  An- 

drès  Mico,  61. 
Alessandro  Slradella  (deuxième  article),  par  D.-A.-D. 

Saint-Yves,  67. 
Rentrée  de  Tamberiick  dans  Poliuto,  et  le  Trovatore, 

art.  signé  P.  S.,  83. 
Début  de  Debassini;  Otello,  art.  signé  S.  D.,  105. 
Début  de  Mlle  de  laPommeraye  dans  Desdemona,  117. 
Exécution  du  Stabat  de  Rossini,  118. 
Rentrée  de  Mme  Volpini  dans  Don  Pasquale,  3  33. 
Clôture  de  la  saison,  142. 
Programme  de  la  nouvelle  saison,  286. 
Réouverture  ;  Mme  de  la  Grange  et  Nicolinl  dans  la  7ra- 

viata,  329.  „.     ,  .  .    J 

Mme  de  la  Grange  et  Nicolini  dans  Rtgoletto,  art.  de 

Paul  Smith,  337.  , 

Début  de  Fraschini  et  de  Morelli  dans  la  Lucta  di  lam- 

mermoor,  art.  de  P.  Smith,  347. 
Fraschini  dans  Poliuto,  et  Mme  de  la  Grange  dans  Nor 

ma,  art.  de  P.  Smith,  354. 


Reprises  du  Trovatore  et  du  Barbicrc  ;  débuts  de  Mme  de 
Méric-Lablache,  de  Sterbini,  de  Baragli  et  de  Rovtre; 
rentrée  de  Mme  Borghi-Mamo,  art.  signé  P.  S.,  369. 

Reprise  de  Lucrezia  Borgia,  389. 

Début  de  Giraldoni  dans  le  Troiiatore,  389. 

Reprise  de  Ceiierenlola  et  d'Eriiani,  art.  signé  P.  S., 403. 

THÉÂTRE  LYRIQUE  IMPÉRIAL. 

Première  représentation  A'Ondine,  opéra-comique  en 
trois  actes,  musique  de  Th.  Semet,  art.  de  L.  Duro- 
eher,  9. 

Première  représentation  de  Peines  d'amour  perdues, 
opéra-comique  en  quatre  actes,  musique  de  Mozart, 
art.  de  L.  Durocher,  105. 

Premières  représentations  des  Fiancés  de  Rosa,  opéra- 
comique  en  un  acte,  musique  de  Mme  C.  Valgrand  ; 
et  du  Jardinier  et  son  seigneur,  opéra-comique  en  un 
acte,  musique  de  Léo  Delibes,  art.  de  L.  Duroclier, 
139. 

Reprise  à'Oberon,  art.  de  L.  Durocher,  154. 

Rentrée  de  Mme  Carvalho  dans  Faust,  166. 

Clôture  de  la  saison,  173. 

Projet  de  concours  musical,  art.  signé  P.  S.,  228. 

Programme  de  la  saison,  278. 

Réouverture,  286. 

Début  de  Pilo  et  rentrée  de  Mme  Faure-Lefebvre  dans 
Joseph;  début  de  CaiUot  dans  l'Epreuve  villageoise, 
293. 

Première  représentation  des  Pêcheurs  de  perles,  opéra 
en  trois  actes,  musique  de  G.  Bizet,  art.  de  L.  Du- 
rocher, 313. 


TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  MATIERES. 

Première  représentation  des  Troyens,  opéra  en  cinq 
actes,  musique  de  Berlioz,  art.  de  L.  Durocher,  353. 

Projet  d'une  subvention  de  100,000  francs,  366. 

Reprise  d'Obdron,  37i. 

Reprise  de  la  Perle  du  Brésil  ;  Mme  Carvalho,  M.  Pilo, 
M.  Petit;  art.  de  L.  Durocher,  377. 

Première  représentation  de  Itigoletto,  opéra  en  quatre 
actes,  musique  de  Verdi,  art.  de  Léon  Durocher,  411. 

BODFFES-PARISIENS. 

Job  cl  son  chien,  opérette  en  un  acte,  musique  de 
M.  Emile  Jonas;  Madame  Pygmalion,  opérette-bouffe 
en  un  acte,  musique  de  M.  Fr.  Barbier  ;  art.  signé 
D.,  43. 

Les  Baoards,  opéra-bouffon  en  deux  actes,  musique  de 
J.  Offenbach,  art.  signé  D.,  59. 

Reconstruction  de  la  salle,  230. 

REVDE  DES  THÉÂTRES 

Par   D.-A.-D.   Saint- Yves, 

5,  28,  44,  52,  61,  84,  108, 124,  148,  172,  197,  212,  229, 
252.  277,  292,  325,  340,  356,  380,  397,  412. 

BALS,  CONCERTS  ET  SPECTACLES  DIVERS. 

Bals  de  l'Opéra,  399. 

Concert  des  Champs-Elysées,  144,  151,   174,  183,   206, 

239,  246,  271,  278. 
Concerts  Musard  au  Pré  Catelan,    119,   134,   151,  158, 

167,  174,  183,  206,  214,  246,  270,  279. 


Théâtre  des  Champs-Elysées,  art.  signé  S.  D.,  170. 
Réouverture  du  théâtre  du  Chalet-des-Iles,  182,  191 . 
Réouverture  du  casino  Cadet,  310. 
Salle  Robin,  205,  222,231,  239,  271,  310,  342,  382. 


Variété». 

Revue  de  l'année  1862,  art.  de  Paul  Smith,  1. 

Haydn  et  les  princes  d'Esterhazy,  art.  du  docteur  L.  ; 

extrait  de  la  Gazette  allemande  de  musique,  35,  189, 

211,  236. 
La  Tarentelle,  art.  du  docteur  Brehm,  75. 
Extrait    de   l'album   d'un   pianiste    en  Egypte,  art.  de 

Ch.  Wehle,  196. 
Derniers  jours  de  Mendelssohn,  art.  d'H.  Chorley,  260, 

291. 
Un  touriste  musicien  en  Italie  en  1739,  art.  d'E.  Mathieu 

de  Monter,  267,  284. 
Phénomènes  acoustico-physiologiques,   art.    de   Ch.  Mee- 

rens,  306,  331. 
Répétition  du  premier  Requiem    de   Cherubini,   art.  de 

Bénédit,  314. 
Un  facteur  de  clavecins,  315. 
Lettres   de    Mendelssohn,  trad.  par  J.  Duesberg,    316, 

356,  364,  395. 
Projet  d'auditions  périodiques  d'oeuvres  musicales  d'ar- 
tistes vivants,  art.  de  P.  Smith,  355. 
La  musique  populaire  dans  les  cités  ouvrières,  en  1363, 

article  de  Maurice  Cristal,  361,  370. 
L'Amérique  telle  qu'elle  est,  par  Oscar  Comettant,  338. 


MORCEAUX  DE  MUSIQUE  DOfflÉS  COMME  SUPPLÉMENTS    DANS  LE  COURANT  DE  L'ANNÉE  1863 


Avec  le  n°  1  (en  primes)  :  Le  1"'  volume  du  Répertoire 

de  musique  moderne  pour  le  piano  {Les 

succès  universels). 
Le    morceau   de    chant   favori    d'Adelina 

Patti  :  la  Gioja  insolita. 
Un  aura  amorosa,  air  de  Cosi  fan  lutte, 

de  Mozart. 
Les  portraits-cartes  d'Haydn  et  de  Weber. 


Avec  le  n"  9:  la  ballade   de  l'opéra  Slradella,  de  Flo- 

tow:  Au  sein  desAbruzzes, 
Avec  le  n"  17:  le  quadrille    d'Arban    sur  les   Bavards, 

d'Offenbach. 
Avec  le  n*  24  :  Une  transcription    pour   l'harmonium  de 

l'Ave  Maria,  de  Schubert,  par  G.  Ro- 

mano. 


Avec  le  n"  31  :  Berceuse,  pour  piano,  par  Ferd.  Schoen. 

Avec  le  n°  38:  La  polka  du  Brésilien,  musique  d'Of- 
fenbach, arrangée  par  Arban. 

Avec  le  n°  45  :  L'avenir  est  à  Dieu,  romance  de  Da«" 
sier. 


TABLE  ALPHABETIQUE  DES  i\OMS. 


Abert  (J.-J.),  23,  95,  202. 

Abt,  20/1. 

Achard  (L),  2,  77,  146,  198,  2i;i, 

269,  299,  309,  337,  349. 
Acs  (Mme),  173. 
Adam  (A.),  145,  202. 
Adam,  inst.,  365,  394. 
Adam  (Mlle),  53. 
Adenis  (J.),  43. 
Adler  (V.),  69,  390. 
Agar  (Mlle),  149,  172,  213. 
Agnesi,  343,351. 
Agresti,  349. 
Agrone  (Mme),  207. 
Aguado  (le  comte  0.),  69. 
Ahaa  (Mlle  de),  15,  8S,  119,  279, 

407. 
Alard  (D.),  11,  23,  35,  42,  69,  75, 

92,  130,    198,    270,    279,    303, 

Alary'(G.),  262,  270. 

Alaux,  119. 

Albert,  4,  341. 

Alboni  (Mme),   13,   86,   101,  127, 

237. 
Albrecht  (Mlle),  117. 
Alexandre,  père  et  fils,  102,  143, 

164. 
Allaire-Dietsch  (Mme),  78. 
Allewaërt  (Mlle),   55. 
Alpbonsiae  (Mlle),  340,  413. 
Altavilla,  399. 
Altès,  115,  381. 
Ander,  103. 
Andersen  (A.),  27  9. 
Andrée   (Mlle),  94,  135. 
Andrieux  (Mlle),  37. 
Angelini,  373. 
Anicbini  (F.),  335. 
Annenska  (Mme),  397. 
Anschûtz,  239. 
Anthoine  (L.  d'),  292. 
Antonucci,  167,  238,  326,  343. 
Aptommas,  22,  51,  54. 
Arancio-Guerrini  (Mme),  70,  88. 
Arban,    78,    100,    129,  134,  144, 

151,  158,  174,  183,  190,  206, 

214,  220,  222,  246,  271,  286, 

297,  310. 
Archainbaud  (M.  etMme),  51, 111 , 

116,  130,  150,  303. 
Arditi,  127,  165,  261,  414. 
Argenton  (d'),  62. 
Armaudi,  415. 

Armingaud  (J.) ,  35,  45,  69,  141. 
Arnal,  5,  148. 
Arnaud  (E.),  39,  46. 
Aronssohn,  100. 
Arronge  (Mme  1'),  311. 
Artot  (Mlle  D.),    15,   30,   39,    46, 

55,63,  70,  79,  88,  95,  127,135, 

144,    165,    172,  181,  199,  205, 

221,  302,  326,  343,  374. 
Artus  (A.),  124,  173. 
Astieri  (Mlle),  126. 
Aubel  (L.  d'j,  7. 
Auber,  2,  6,  22  ,  25  ,  26,  93,  222, 

238,  249,  374,  414. 
Aubry  (Mlle),  173. 
Audiffred,  382. 
Auer,  261,  391. 
Auesperg  (le  Pr.),  263. 
Augier  (E.),  85,  253. 
Aujac,  46,  88,  335,  375. 
Aulagnier,  116,  310. 
Aurèle,  110,  131,  308. 
Auroux,  41. 


Babaud,  78. 

Bacciocbi  (S. 'Exe.  le  comte),  214, 

293,  318,  358. 
Bach,  242,  250. 
Bach  (O.),  23. 
Baclmiann,  151. 
Badarzewska  (Mme  T.),  181,  190, 

212,  349. 
Badiali,  92. 
Bagier,  101,  142  ,  198,    205,  214, 

238,  245,  278,  286,  302. 
Baillard,  118. 
Baille  (G.),  326. 
Balanqué  (  M.  et  Mme),  142,  261, 

287. 
Balbi  (Mlle),  302. 
Baldenecker,  239. 
Balfe  (VV.),  53,  391. 
Balzac  (de),  340. 
Baneux,  122. 
Banville  (T.  de),  340. 
Baragli,  133,  369,  381. 
Baralle  (A.),  149. 
Baratte  (Mlle),  219,  233. 


Barbier  (F.),  43,  341. 
Barbier  (J.),  105. 
Barbisan  (Mme),  79. 
Barbet  (Mme),  47,  343,  373. 
Baretti  (Mlle),  67,  78,  122,  146, 

274. 
Barnard  (Mlle  L.),  119. 
Barnetcbe  (Mlle),  175. 
Barré,  340. 
Barrielle,  274. 
Barrière  (J.),  246. 
Barrière  (T.),   29,    108,  139,  229, 

M3. 
Barsagol,  127. 

Barthe-Benderali  (Mme),  84. 
Bartoch  (  Mlle  0.),  159, 
Bartohni,  13,  17,  167. 
Bar-Wol£f,  191. 
Basevi,  335. 
Bastin  (Mlle),  242. 
Bataille  (E.),  286,  289. 
Batiste   (  E.) ,    11,    87,  '101,  134, 

150,  151,  379,  398. 
Batta  (A.),  28,    34,     42,  51,  108, 
123,   255,  279,    286,    318,  326, 
390. 
Battaille  (C),  10,  101,  123,  204. 
Battu,  324. 

Battu   (Mlle  M.),  23,  28,  58,  67, 
69,  77,  85,    93,   116,  144,    182, 
199,  237,  279,  287,  303,  325. 
Baudier  (Mlle),  151,  174. 
Bauer,  342. 

Bauerkeller,  91,  102,  155. 
Baumann  (E.),  3. 
Baur  (J.),  278,  303. 
Bayer,  215,  239,  279. 
Bazin  (F.),  190,  203,  278. 
Bazzini ,  54,  134,  366. 
Beale  (F.),  215. 
Beaudoin,  414. 
Beaufort  (de),  133. 
Beaugrand    (Mlle),  157,  219,  274. 
Beaulieu  (M.-D.-M.),'122,  412. 
Beaumetz  (Mlle  M.),  11. 
Beaumont  (A.),  1. 
Beauvallet,  5,  148,  250. 
Beck,  135,  183,  319. 
Becker  (J.) ,  14  ,  30  ,  54 ,  74 ,  87, 
93,  94,  107,  108,126,  231,  342, 
358,  414. 
Béer  (M.),  230,  305. 
Beethoven,  41,  310. 
Béguin-Salomon    (Mme) ,  75,    77, 

108,  131. 
Behrens,  263. 

Bélia  (Mlle).  122,  186,  274,  300. 
Bélin  de  Launay  (Mme  W),  92. 
Bellermann,  263. 
Bellini,  359. 
Bélot  (A),  356. 
Belval,  29,  61,  114, 142, 149, 169, 

213,  347,  398. 
Bénard,  78. 

Bénazet,  62,  149,  166,  191. 
Bendazzi  (Mme),  53. 
Bendel  (F.),  63,  206,  239. 
Benedetti  (Di),  327, 
Bénédict  (J.*),  55,  69,  103,  127, 
202,   204,  231',   237.    318,    359, 
382. 

Bénédict  (Mlle  A.),  294. 

Bénédit  (G.),  405. 

Benedix,  86. 

Bennett  (S.),  2. 

Benoist  (F.),  34. 

Benoît  (P.),  327. 

Beresa,  23. 

Beretta  (G.-B.),  310. 

Bergson  (M.),  30,  126,  366,  390. 

Bériot  flls  (G.  de),  94. 

Berlioz  (H.),  2,  7,  38,  50,  79,  87, 
99,  110,  125,  133,  142,  143,  182, 
198,  203,  254,  271,  353,  375, 
381. 

Berlyn  (A.),  382. 

Bernadette,  210. 

Bernard  (P.),  54. 

Bernardi  (Mme),  343,  373. 

Bernardin,  149. 

Bertliélemy,  101. 

Berthelier,  23,  52,  125,  173,  190, 
2i5,  262,  294,  302,  309,  333, 
413. 

Berthier,  219. 

Berthoud  (S.-H.j,  22,  171. 

Bertini  (Mme),  102. 

Bertoletti  (Mlle  M.),  149. 

Bertolini,  175. 

Berton,  397. 

Bertrand  (Mlle  I.),  118,     07,  294. 

Besnier  (Mme),  14. 

BesseliÈvre  (de),  134,  144,  174Ô 
246,  271,  286,  318,  342. 

Bessems  (A.),  118,  130,  358. 
jBettelheim  (Mlle),  415. 


Bettini '(A.),   15,  53,  77,  86,158, 

172,  237, 254,  261,  262,  270,  279, 

286,  327;  391. 
Bettini  (G.),  37,  174. 
Beulé,  97,  318,  324. 
Beyer,  167. 
Bianchi  (M.  et  Mme  V.),   47,  93, 

191,  397. 
Bianco  (Mlle  E.  del),  111. 
Bignardi,  23.  88,  95,  157. 
Billet  (A.),  36,  70,  140. 
Binaghi,  70. 
Binflold  fr.,  110. 
Birch-Pfeiffer  (Mme),  46. 
Bizet  (G.),  22, -27,  50,  313. 
Blanc  (A.),  77,  108,  174,  381. 
Bléau  (Mlle),  63. 
Blés  (Mlle),  277. 
Blum  (E.),  380. 
Blumenthal,  110,  204,  221. 
Blumner,  309. 
Boccolini,  53. 
Bochkolt-Falconi    (Mlle    A.),    39, 

231. 
Bock  (G.),  55,  144. 
Bœhme  (MlleD.j,  375. 
Boëly  (F.),  116. 
Boieldieu  (A.),  270,  291. 
Boilly  (Mlle  M.),  231, 
Boisgonthier  (Mlle),  149. 
Boisseaux  (H.),  382. 
Bonamici  (F.),  318. 
Bonetti,  67,  357. 
Bonhomme,  292. 
Boni-Bartel  (Mme),  206,  303. 
Bonnefoy,  46,  94,  135. 
Boiineliée,  54,  117.  158,  213,  233. 
Bonnesseur,  26,  163,189,  262,  269, 

398. 
Bonnet,  197,  223. 
Bonnewîtz,  207. 
Bonoldi  (F.),  14,  310 
Borchardt  (G.),  26,  125,  133. 
Borel-d'Hauterive,  23. 
Borelli,  150,  394. 
Borglièse  (Mme  J.),  159,  294,  318, 

375,  406. 
Borghi-Mamo  (Mme),  31,  63,  159, 

221,  326,    343,    359,    365,    369, 

381,  403,  413. 
Boi-ri,  247,  383. 
Borsary,  88. 

Boschetti  (Mlle  A.},  101, 198,  230. 
Bossi,  327. 
Bost,  207. 
Bott,  207. 
Beuchardy  (J.),  29. 
Bouché,  338,  348,  370. 
Boucher  (Mme),  69. 
Boul"ar  (Mlle),  247. 
Boulan  (J.-E.),  294. 
Boulanger  (G.),  115. 
Boulart-Mayer  (Mme),  46,  55, 141, 

158,  294,  335,  375. 
Boulay  (Mlle  M.),  111. 
Bouleau-Neldy,  391. 
Boullard  (M.),  170. 
BouUée  (MUel.),  287. 
Boulu,  101. 
Bourges  (M.),  102. 
Boutin,  173,  341. 
Boulines  (J.),  2,J6. 
Boyer  (Mlle),  140. 
Braga,  141. 
Braham  (J.-H.),  7. 
Brajda-Lablache  (Mme),  45. 
BrandÈS,  206,  303. 
Brasseur,  94, 173,  263,  317. 
Brassin  (L.),  31,  302,  335,  343. 
Braun  (le  P.),  96. 
Braun-Biern,  311. 
Braunhofer  (Mme  M.),  31. 
Brémond,  335,  389. 
Brenner  (Mlle),  144. 
Brésil  (Mme),  147. 
Bressant,  117,  197. 
Breuning,  167,  255. 
Brignoli,  127. 
Biindeau,  253. 
Brinley-Richards,    36,    102,    125, 

246,332. 
Brisebarre  (E.),  6. 
Brisson  (F.),  42,  147,  358. 
Brochon  (H.),  14,  342. 
Brohan  (Mlle  A.).  133,  190. 
Brohan  (Mlle  M.),  197. 
Brosses  (Le  Cte  de),  266,  284. 
Bruch,  199. 
Bruneau,  287. 
Brunello,  198. 
Brunet,  131. 

Brunetti  (Mlle  M.),'281,  399. 
B]'uni,  22. 

Brùning  (Mme  I.),  86,  341. 
Brunner,  32. 
Bruyant,  142. 


Bryon-d'Orgeval,  79,  294,  335. 
Bulow  (H.  de),  22,  311,  359,  367. 
Bussine,  54,  108,   132,   147,  183. 
Bussou,  143. 
Buti,  88,  95,  157. 


Cabel,  10,  55,  354. 

Cabel  (Mme  M.),  53,  86,  93,  102, 

106,    119,    149,  167,   174,    183, 

221,  230,  303,  350,  358,  406. 
Cadol  (E.),  61. 
Caffieri,  144. 
Cagnoni,  295. 
Caillot,  293. 
Caillou,  101,  250,  254. 
Calendini,  110. 
Caliva,  327. 
Callen,  279. 
Calzado,  1,  61. 
Calzolari,    47,   71,  327,  343,  373, 

396. 
Cambon,  218. 
Canaple,  254. 
Cantoni,  335,  367. 
Capendu  (E.),  213. 
Capoul,  34,  67, 132, 139,  186,  274, 

325. 
Capponi,  303,  375. 
Capp-Young  (Mme),  327. 
Caracciolo  (Mme),  70. 
Gardani  (Mlle),  149. 
Carman,  55. 

Caron  (C),  94,  289,  309,  317. 
Carozzi-Zucchi    (Mme),  319,  335. 
Carré  (M.).  105,  139,  215,  313. 
Carrier,  46,  228,  245,  289. 
Carrion,  88,  327,  381. 
Cartelier  (Mme),  302. 
Carvalho  (L.),   1,    105,  189,    205, 

228,  278,  281. 
Carvalho  (Mme  Miolan-),   63,   69, 

117,    125,    144,   151,   158,  166, 

190,  221,  261,  281,  377. 
Casella,  87. 
Casimiro  (J.),  23. 
Castagneri,  55,  262. 
Casteigner,  131. 
Castellan  (Mlle),  110. 
Castellano,  213,  341. 
Castelli  (Mme),  23,  157. 
Castelmary,  151,  182,  189. 
Caters-Lablache  (Mme  de),  69. 
Caussade,  6. 
Caussemille    (Mlle   0-),    87,  154, 

254,  390. 
Cavaillé-CoU,  7,  294,  350. 
Cavallo,  157,  390. 
Gavé,  318. 
Cavos  (A.),  215. 
Caye  (Mlle  J.),  310. 
Cazaneuve  (E.),  147. 
Sazaux,    26,    101,    119,  158,  213, 

274,  341,  381. 
Cfebe  (Mlle),  88. 
CeUier  (Mlle  J.),  241. 
Cesaro,  199,  383; 
Chabert  (Mlle),  53. 
Chabrier  (E.),  198. 
Chaîne  (E.),  54. 
Champfleury,  125. 
Chapuy,  101. 
Charansonney,  287. 
Chardard,  111,  214,  263. 
Chartier,    marquis    de    Loraille, 

(A.),  183. 
Charton-Demeur  (Mme),   23,  101, 

117,  133,    142,    166,    222,    271, 

287,  293,  318,  354,  405. 
Chaudesaigues  (Mlle),  263. 
Chéret,  277. 
Cherubini,  314. 
Chevillard,  54,  74,  92,  131. 
Chic  (L,.),  214. 
Choler  |A.),  139. 
Chollel-Byard  (Mme),  50,  146. 
Chopin  (F.),  20. 
Chouquet,  324. 
Christiani,  383. 
Ciampi,  246. 
Ciardi.  391. 
Cico  (Mlle  M.),  62,  77,  173,  186, 

214,  317,  337,  349,  414. 
Clairville,  277. 
Clarence  (Mme),  213 . 
Clauss  sœura  (Mlles),  28,  241. 
Clément  (F.),  318,  406. 
Colas   (Mlles  A.  et  S.)  ,  95,  205, 

221,  374. 
Colbrun,  325. 
Coletti  (F.),  381. 
Colin  (Mlle  M.),  130,  206. 
Colive,  367. 
Collet  (N.),  70. 
CoUonese,  53. 


Colmet-d'Aage,  156. 

Colomb,  109. 

Colombier  (Mlle),  250. 

Colonne  (E.),  131,  241,   250,  365, 

394. 
Colosanti,  141,  311,  327. 
Colson  (Mme),  262,  389,  407. 
Comettant  (M.    et  Mme   0.),  14, 

30,   51,    78,    93,  102,  115,  131, 

231,  307,  358,  366,  338,  414. 
Commerson,  213. 
Coninx,  398. 

Console  (F.),  79,  159,  375. 
Constantin  (C),  158,  214,  294- 
Conte  (J.),  100. 
Cooke,  3!i3. 

Cooper  (W.),  127,  206,  382. 
Coquelin,  197,  213,  340,  413. 
Corally,  219. 
Corani  (Mlle),  149,  175,  205,  303, 

375. 
Cordier  (Mlle   A.),   22,    37,   1S7, 

279. 
Cormon  (E.),  313. 
Corri,  53,  343. 
Corsi,  103. 

Corteuil  (Mlle  de),  302. 
Costa,  157,  253,  295,  414. 
Cotogni,  53,  279,  295,  375. 
Couderc,  49. 

Coulon,    183,  327,  343,  350,  366. 
Couperin  (F.),  19. 
Couqui  (Mlle),  191,  295,  383. 
Courmont  (de),  270. 
Courtais  (Mlle  V.  de),  198. 
Courtat,  358. 
Crampton  (Lady),  165. 
Cranz  (A.),  167. 
Crémieux  (H),  325. 
Cresci,  389. 
Cresp-Sicard,  271. 
Cressonnois  (J.),  43,  382. 
CrisafuUi,  229. 
Crockett,  86,109. 
Croff  (J.-B),  335. 
Croisilles  (de),  103. 
Crosti,  23,  37,  67,  122,  190,  262, 

299,  381,  398. 
Cruvelli  (Mlle  M.),  69,  94. 
Cusins,  127. 
Cuvillon,  174. 
Czillag(Mme  B.),  13,  22,  341. 


Dachauer,  287. 
Daclin  (K.),  121. 
Damoreau,  334. 

D.amoreau-Cinti  (Mme),  70,  76. 
Dancla   (C.  et  L.),   11,    68,  115, 

130,  350,  374,  381. 
Danguin,  303. 
Danhauser,  158. 
Danjou  (F.),  222. 
Darcier  (Mlle),  365. 
Darroux  (Mlle  F.},  150. 
Basse,  239. 
Dassier  (A.),  7,  353. 
Dasti  (L.),  93. 
Dauty,  219. 
David,  317,  323,  333. 
David  (F.),  28,  50,  377,  331,  390, 

398. 
David,  de  Leipzig,  239,  247,  399. 
Davide  (le  P.),  254. 
Debain,  63,  174. 
Debassini,  47,  101,105. 
Debillemont,  27,  50,  124. 
Debureau,  182. 
Decker  (Mlle),  359,  407. 
Decroix  (Mme),  228. 
De£fès(L.),  205,  226. 
Déjazet  (Mlle  V.),  52. 
Déjazet  (E.),  52. 
Dejean    (Mme   J.),  88,   157,  317, 

349,  354. 
Delacroix  (E.),  263. 
Delafontaine,  87. 
Delahaye,  6,  241. 
Dclannoy,  148. 
Delaporte  (E.),  291. 
Delapoi'te  (Mlle),  357. 
Delattre,  391. 
Delaunay,  340. 
Delavault,  270. 
Delaveux  (E.),  375. 
DeKavigne  (G.),  25. 
Deldevez,  374,  414. 
Delécluze  (E.-J.),  231. 
Delibes  (L.),  125,  133,  139,  198. 
Dell,  406. 

Dellernos  (Mlle),  302. 
Delle-Sedie,  33,  42,  58,  63,  68, 86, 

100,    118.    205,    261,  262,    279, 

287,  303,  318,  326,  330,  338,  354, 

370,  389,  403. 


TABLE  ALPHABETIQUE  DES  NOMS. 


Deloffre,  77,  123, 157. 

Delsarte  (X.),  215,  278. 

Demersmaun,  100,  403. 

Demi  (Mlle  E.),  172,  279. 

Deinet  (Mlle  A.),  231. 

Denefve,  278. 

Deneux  (J.),  63. 

Dennery,  325,  341. 

Depas  (E.),  349. 

Depassio,  158,  327,  350,  414. 

Dereux,  406. 

Derosne  (B.),  229. 

Deschamps  (Mlle  M.),  279. 

Desgranges  (E.),  22,  37. 

Deshays-Meifred  (Mlle),  241. 

Désiré,  59,  77,  173. 

Desjardins,  241. 

Deslandes  (P.),  292. 

Deslandves,  131. 

Desmaisons  (E.),  110,  i22. 

Desnoyers  (Mlle),  93. 

Deswert  (J.),  54,  92,  120. 

Diehl  (Mlle),  255. 

Diémer  (L.),  78,  414. 

Dien  (A.),  123. 

Dietsch,  156,  237,  245. 

Dieudonné,  357. 

Dittmer,  15. 

Dombrowski  (H.),  126. 

Donati  (Mme  P.),  127. 

Doppler  (F.),  175. 

Doré  (Mlle),  342. 

Dori-Rottger  (Mme),  31,    01,  205, 

213. 
Doria  (Mlle),  149. 
Doring  (T.),  150. 
Dorn  (-'..),  15,  196. 
Dorus,  100, 122. 
Dorus  (Mlle  J.),  406. 
Douay  (G.),  391. 
Doucet  (C),    214,  228,    238,  249, 

259,  318,  365. 
Draxler,  103. 

Dreyfus  (Mme  C),  91,  118,  146. 
Dubois  (A.),  108,  323. 
Dubois  (Mlle),  154,  155. 
Dufouv  (S.),  38. 
Dufrêne  (M.  et  Mme),    191,   287, 

335,  358. 
Dufresne  (A.),  78. 
Dulaurens  (M.   et   Mme),  26,   61, 

114,  125,  157,    230,  245,  262, 

269,  278,  303,  366,  399. 
Dumaine,  29,  213. 
Dumanoir,  73,  108. 
Dumas  (A.),  124,  380,  390. 
Dumas  lils  (A),  85. 
Duraestre  (M.  et   Mme),  31,  174, 

287,  303,  358. 
Dumou  (J.),  4,  22,  53,  68,  70, 
Dunkler,  23,  103. 
Duponchel,  25. 
Dupont  (A.),  2; 
Duprato  (J.),  65,  125,  133. 
Duprez  (E.),  411. 
Duprez  (G.),  156,  173. 
Duprez  (L.),  107,  406. 
Dupuis,  277,  340,  413. 
Dupuy  (Mlle),  14,  46. 
Durand    (.i.),    23,    86,   143,   287, 

390. 
Duret,  93. 
Dustmann-Meyer  (Mme),  247,  255, 

295,  324. 
Duvernoy  (A.),  34,  41,  77. 
Duvernoy  (H.),  SCO. 
Ouvert,  49. 
Duveyrier,  233. 

E 

Ebrard  (Mlle),  250,  254,  262. 

Ecarlat-Geimar  (Mme|,  303. 

Eckert,  230. 

Edelsberg  (Mlle),  324- 

Eichberg  (Mlle  B.),  75. 

Elbel  (V.),  78,  204. 

Elle  (Mlle  M.),  42. 

Ella,  261. 

EUard,  279. 

EUinger  (Mlle),  144,  383. 

Eloy,  191. 

Elwart  (A.),  174,  278,  374,  391, 

Enault  (L.j,  20. 

Engel  (L.),  142,  221,  222,  231,203, 

391,  399. 
Erambert  (Mlle),  94. 
Erard  (Mme),  45,  94,  278. 
Erber,  311. 
Erl,  335. 

Ernst,  126,  261,  319. 
Escudier  (M.  et  L.),  133,  174. 
Escudior-Kastncr   (JIme),  28,  34, 

43,  51,  63,  117,  255,  263,  280. 
Espeignet,  41,  131. 
Espinosa,  173. 
Ettling  (E.),  94,  400. 
Eugénie  (S.  M.  l'Impératrice),  20, 

33,  37,  6,  8C9,  93. 
ETerardi,  47,  343,  373,  396. 


Fabbris,  351. 

Fabre,  303,  350. 

Fabri-Mulder  (Mme),  15, 135,303, 

311,  351,  307,  415. 
Faccio  (F.),  375. 
Faivre   (Mlle  A.),   140,  190,  247, 

271,  294,  335,  375. 
Faivre  (Mlle  M.),  279. 
Fargueil  (Mlle),  397. 
Farrenc  (M.  et  Mme),  19,  75,  294, 

358,  385. 
Fauconnier,  65. 
Faure,  74,  91,  93,  116,  172,  215, 

221,  237,  269,  274,   317,  333, 

341,  370,  381,  389. 
Favarger  (R.),  14,  214,  332. 
Favart  (Mlle),  340. 
Favel  (Mlle  A.),  123, 
Favilli,  270,  294,  327. 
Febvre,  148. 
Félisson  (Mlle),  231. 
Félix,  61,  213. 
Ferdinand  (Mme),  67. 
Feri-Kletzer,    54,    87,    111,    196, 

326. 
Ferni  (Mlle  C),  03,  70,  335,  367. 
Feroglio  (P.),  391. 
Ferrand,  116,  206,  259,  350,  405. 
Ferranti,  199. 

Ferrari  (le  chevalier  de),  199, 
Ferrari  (Mme),  15,  i65. 
Ferraris  (F.),  374. 
Ferraris  (Mme  A.),  4,  52,  86, 101, 

109,  127,  144,    151,  157,   172, 

198,  278,  302,  350,  375. 
Ferreyra  (Mlle  J.),  277,  340. 
Ferri,  37. 
Ferville,  125,  148. 
Fétis  père,  2,  22,  37,  02,  87,  94, 

144,  175,    183,  219,  237,   258, 

331,    342,  348,    350,  355,    381, 

382,  399. 
Fétis  (E.),  ni. 
Feuillet  (0.),  270,  357. 
Field  (J.),  54. 

Fiennes  (H.  du  Bois  de),  70. 
Figeac  (Mlle),  182. 
Filippi  (de),  286. 
Fillette  (Mlle),  111. 
Fioravanti  (L.),  70, 158,  319,  343, 

373,  396. 
Fioretti  (Mlle),  71,  134,  181,  182, 

327,  365,  373,  396. 
Fiori  (H.),  335. 
Fischer  (J.  J.),  107,  207. 
Fleury-Gœury  (Mlle),  30,  382. 
Floquet,  193,  209,  234,  244,  265. 
Flory  (Mme),  383. 
Flotow  (de),  53,  57,  61,  65,  67,  69, 

319,  343,  357,  406. 
Fœrster  (Mme),  111, 
Foltz,  207. 

Fonta  (MUeL.),  26,  37,  333. 
Fontenay  (A.  de),  156. 
Forest,  94. 
Formés   fr.,    88,    127,   237,    239, 

261,  287,  391,  399. 
Fortuna   (M.  et  Mlle),   118,   141, 

167. 
Fossey,  277. 
Foucher(P.),  325,341. 
Foulon,  101. 
Fournier  (E.),  29. 
Fournier  (N.),  292. 
Foussier  (E.),  246.  ■ 
Franchi-Capello,  327. 
Franchomme,  11,  35,  42,  84,   86, 

174. 
Franck  (J.),  143,  246,  333. 
François,  156. 
Franosch,  31 . 
Fraschini,  37,  142,  341,  347,  349, 

354,  369,  381,  389,  403. 
Frasey  (Mlle),  42,  277. 
Frelon  (A.),  23,  36. 
Frezzolini  (Mme),  13,  17,  33, 105, 

118,  214,  350. 
Fricca,  165,  181. 
Fricci    (Mlle  A.),  134,   318,   328, 

415. 
Friedberg    (Mlle  C.)  ,    151,    367, 

414. 
Froment,  247,  255. 
Fuchs,  277. 
Fusco  (F.),  7. 


Gabriel,  140. 

Gabrielli  (le  comte),  13,  383. 
Gaësch-Liez  (Mme),  167. 
Gagliano   (Mme) ,  310,  333,    366, 

382. 
Gaiffe,  286. 

Gaillard  (Mlle  N.),  110,  131. 
Gall,  103. 

GaUi-Marié  (Mme),  274,  349, 
Gandoni  (R.),  391. 
Ganz,  391. 


Garcia,  78, 149.    . 

Garcin,  318. 

Gardoni   (M.    et  Mme)  ,   33  ,    54, 

109,  118. 
Gariboldi  (G.),  141,  246. 
Garnier(C.),  29, 114. 
Gasc  (Mme),  287,  335,  358. 
Gaspard,  111,  191. 
Gaspari  (G.),  238. 
Gassier,  118,  191,  254. 
Gastinel  (L.),    77,    238,  262,  269, 

327. 
Gatterbourg  (le  comte),  144. 
Gaubert,  100. 
Gautier  (G.),  249. 
Gautier  (T.),  145. 
Gautrot,  382,  406. 
Gavaux-Sabatier  (Mme) ,  94 . 
Gayrard  (Mlle  P.),  241. 
Gazzaniga  (Mlle  M.),  166. 
Geisthardt  (Mlle),  15. 
Génat  (Mlle  F.),  85,  325,  341. 
Gencive  (Mme),  245. 
Génin,  110. 
Gennari  (Mme),  335. 
Gentilhomme  (Mlle),  102. 
Geoffroy,  85. 

Geoffroy  (Mme),  271,  318. 
Georges  (E.),  77,  173. 
Géraldy,  222,  262,  279,  358. 
Gericke  (Mlle),  207. 
Gerpré,  94. 
Gerville  (L.  P.),  406. 
Gevaërt,  327. 
Gey  (Mlle),  207. 
Gilbert,  303. 

Gilbert-des-Voisins  (le  comte),  206. 
Gil-Pérez,  173,  213,  293. 
Giorza  (P.),  101,  142,  ',166,    172, 

173,  187. 
Giotti,  103. 
Giraldoni,  37,  389. 
Girard,  254. 
Girard  (Mlle),  10,   101,   107,  154, 

227,  262,  289,  317,  349. 
Girardot,  140,  374. 
Giroud  (L.),  254. 
Giroud  de  Villette  (Mme),  146. 
Girrond  (M.  et  Mme),  131. 
Giuglini  (A.),   01,    79,    103,   111, 

127,  158,    165,    172,    181,  191, 

261,  319,  373,  396. 

Giuli  (Mme  de),  199. 
Glover  (C.),  158. 
Godard  (A  ),  111. 
Goddard-Davison    (Mme  A.) ,   62, 

205,  294. 
Godefroid  (F.),  94,  263,  406. 
Godelle,  405. 

Godfrend  (Mlle),  163,  262,  269. 
Goldner  (W.)  131. 
Gondinet  (E.),  212. 
Gonetti  (Mlle  A.),   351,    358,  399. 
Got,  213,  413. 
Gottschalk,  175,  335. 
Gouffé(A.),  75,  108. 
Goumbine,  47. 
Gounari,  319. 

Gounod  (C),  2,  39,  215,  221. 
Goupil,  143. 
Gourdin,  47,  77,    139,    150,    228, 

324. 
Gozlan  (L.j,  205. 
Grœver  (Mme   M.),  51,    62,   107, 

127,    134,    150,   182,  222,   231, 

334,358,  400,  414. 
Grassmann,  239. 
Grau,  271,  333. 
Graziani  (le  comte  M.),  102,  278, 

310. 
Graziani  (F.),  172,  181,  207,  246, 

261,  279,  327,  373. 
Grazzi,  15. 
Gregoir  (E.),  126. 
Grenier-Nivet  (Mme),  147, 
Grélry,  227. 
Gretton,  150. 
Grisar  (A.),  205,  274. 
Grisez,  131. 

Grisi  (Mme  G.),  117,  525  375. 
Grison,  382. 
Grizy,  107. 
Groot  (de),  86,  109,  230,  270,  325, 

326. 
Gross,  175. 
Grossi  (Mme),  351. 
Gruneisen  (C.  L.),  261. 
Grunow,  311. 
Griinwald,  144. 
Guadaguini,  320. 
Guéroult,  131. 
Guerra  (Mlle),  33. 
Guerreau,  108. 
Gueymard  (M.    et  Mme),  13,    26, 

29,  74,  93,  101,  114,   125,  189, 

213,    230,  269,    274,   289,    309, 

341,  381. 
Guibert-Jung  (Mme),  75,92. 
Guicciardi,  343. 
Guichard,  134. 
Guidi  (J.  J.),  87,  110. 


Guidon  fr.,    54,    142,    155,  279, 

406. 
Guidotti,  199. 
Guiffrey  (G.),  259. 
Guignot,  74. 
Guilman  (A.),  214. 
Guillet,  254. 
Guillot,  63. 
Guiraud,  323. 
Gunz,  263. 
Guthmann,  358. 
Guyon  (E.),  118. 
Guyot,  107,  314. 
Gye,  45,  109,  237,  253. 

H 

Haertner,  46. 

Hagen,  159. 

Hainl  (G.),  119,  106,   214,     238, 

245,  262,  274,  414. 
Halauzier,  117,  15S. 
Halévy  (F.),  2,  46,  87,  89,  97, 113, 

137,  153,  161. 
Halévy  (L.),  89,  97,  113,  137,  153, 

101,  389,  413. 
Halle  (C.),  278,  294. 
Hamacker3(Mlle),  274. 
Hammer  (R.),  23,  75,  84,  130. 
Haussons  (C.),  30,  31. 
Harder  sœurs  (Mlles),  51. 
Harriers-Wippern  (Mme),  23, 111, 

151,  175,    191,   207,    247,    279, 

327,  342. 
Harris,  116. 
Harrison,  53,  343,  391. 
Hartog  (E.  de),  02,  107. 
Hassel,  15. 
Hasselmans,  204. 
Haumann,  279. 
Haussmann  (S.  Exe.  le  Préfet  de  la 

Seine),  109,  503. 
Hauser,  206,  231,  303. 
Haydn,  35,  132,  180,  211,  236. 
Hayet,  118,  147,  183. 
Heermann  (M.  et  Mlle),  206,  359, 

367. 
Hekking,  199. 
Hell,  247. 
Heller  (S.),  390. 
Hellmesberger,  367. 
Hénault,  309,  317. 
Henrioû  (Mlle),  247,  271. 
Henry,  374. 

Herman  (A.),  23,  75,  91,  102. 
Herman  (J.),  151. 
Hermann  (H.),  131. 
Hérold,  185,  219,  2.68. 
Hertel,  7. 
Hervé,  197. 

Herz  (II.),  45,  231,  406, 
Herz  (J.),  87. 
Herz  fils  (H.),  110. 
Hess  (J.-Ch.)  143,  310,  349. 
Hesse  (A.-F.),  263. 
Hetzenecker  (Mme),  324. 
Heuzey,  149. 
Heywood  (Miss),  391. 
Hiles  (Miss),  53. 
Hiller  (F,),  167,  359,  399. 
Himmel,  175. 
Himmens,  175. 
Hocmelle  (E.),  75, 131,  155. 
Hœrter  (P.),  127,  366. 
Hoffmann,  134. 
Hofmeister  (W.)  198. 
Hol  (R.).  307. 

Hollebecke,  158,  220,  237,  403. 
Honoré,  325. 
Honoré  (Mme),  318,  328. 
Hornstein,  343. 
Horsley,  320. 
Huber  (F.),  39. 
Huguet  (J.),  150. 
Humbert  (Mlle  L.),  30,  126. 
Hummel,  20. 
Hummler  (Mlle  S.),  255. 
Hunt  (Miss),  38. 
Hurand,  119. 
Hyacinthe,  293. 


Ismaël,  314,  411- 


J 


Jachmann-Wagner  (Mme),  23,  39. 

Jacobi  (G.),  91. 

Jacquard  (L.),  35,  45,  69,  130, 
206, 231. 

Jacques  (Mlle  C.),  6. 

Jauger,  159. 

Jaëll  (A.),  15,  22,  63,  79,  94,  110, 
111,  157,  172,  190,  206,  247, 
279,  294,  303,  343,  375,  414. 

Jahn  (0.),  303,  358. 

Jancourt,  100,  122. 

Janner-Krall  (Mme),  79. 

Jaspar  (A.),  215. 

Jauch,  374. 


Jaulain,  221,  326. 

Jean-Paul,  247. 

Joachim  (M.  et  Mme),    324,  342, 

367,  399. 
JoUy  (Mme  de),  53. 
Jonas  (E.),  43,  78. 
Joncières  (V.),  147,  263. 
Jouassain  (Mlle),  340. 
Jourdan,  40,  88,  94,  135,  174,  222, 

262,  271,  318,  375,  406. 
Jouy  (de),  25. 
Julien  (P.),  398. 
Junca,  207,  319,  335. 
Justament,  375,  414. 
Justin,  299,  317. 

K 

Karlberg,  335. 

Karoly  (Mlle),  6l,  413. 

Kastner  (G.)  87,  230. 

Katow  (Mlle  de),  li8,  141,  302. 

Kauffmann  (Mlle  M.),  343. 

Kellermann,  200,  239,  255. 

Kellog,  37. 

Ketten  (H.),  39,  333. 

Ketterer  (E.),  42,  254,  318. 

ICist  (le  docteur),  127. 

Klein,  204. 

Klosé,  143. 

Knap,  125. 

Kock  (H.  de),  6. 

Kœkert,  270. 

Kœnig,  20. 

Kœnigslœw,  255. 

Kœnnemann,  295. 

Kœnneritz  (de),  183. 

Kœster(Mme),  7,119.  135,  407. 

Koraperlé,  335. 

Koning,  0. 

Koubly,  14,  78. 

Kovalsky  (H.),  14,  45,  286,  303. 

Krapp  (Mlle),  135. 

Kr_auss  (Mme),  103,  144,  231. 

Krebs,  79. 

Kruger  )W.  et  T.),    31,    75,    84, 

130,  150,  204,  303,  342,  358. 
Kiicken,  203. 
Kuhn  (E.),  151,  391. 
Kullack  (A.),  14. 
Kunc  (A.),  7. 
Kuster  (H.),  375. 


Labarre  (Mlle  C.),  94. 

Labernardie,  391. 

Labiche  (E.).  5,  85. 

Labitzky  (Mlle),  15. 

Laborde  (Mme),  318,  328,  415. 

Lacape  (J.),  220. 

Lacombe  (L.),  246. 

Lacombe  (Mlle),  174,  366. 

Lacoste,  63, 103. 

Lacressonnière,  29. 

Lacroix  (J.),  61. 

Lacroix  (Mlle),  31. 

Laenders,  247. 

Lafon  (Mme  M.),  127,  303. 

Lafont,  357. 

Lafont  (C.),  198. 

Lafont  (L.j,  34,  119, 147,  34!. 

Lafontaine,  109,  229,  380. 

Lagnier   (Mme),  102. 

Lagrange  ( Mme  A.  de),   37,  53, 

198,    329,    333,    337,  348,  354, 

369,  386,  403. 
Lagrua  (Mlle  E.),  62,  77,  86,  103, 

118,    144,    215,    262,  335,  351, 

383. 
Lagye  (Mlle)  ,  110,  182,  254,  303, 

399. 
Lalliet,  100,  231,  263,  326. 
Lalo  lË.l,  69. 
Lambert  (Mlle  J.),  214. 
Lamoureux  (L.),  69,  91,  92,  365, 

382,  393. 
Lamoury  fr.,  14,  45,  126,  399. 
Lancien,  100. 
Landrol,  357. 
Lanfranchi  (Mme),  407. 
Lang,  326. 
Langerts  (A.),  407. 
Langhans  (M.  et  Mme),  366,  406. 
Langlé  (A.),  148. 
Lanner  (Mlle),  407. 
La  Pommeraye  (Mlle  de),  23, 117, 

126. 
Lasalle  (A.  de),  231,  285. 
Lasserro  (J.),  92,  131,  334. 
Laub  (F.),  15,  22,  110,  223,  407. 
Laurencin,  277. 
Lauréat  (Mme  M.  ),  44,  173,  253, 

341. 
Laurentis  (Mlle),  350. 
Lauzannc  ,  49. 
Lavaimic  (F.),  183,  278. 
Laval  (Mlle  C.),  150,  390. 
Larergne  (A.  de),  171. 
Lavessiëre,  101. 
Lavigne,  147. 


10 

Lazare  (M.),  336. 

Lebas,  93. 

Lebeau  (A.),  I^il. 

Lebel,  143. 

Lebouc  (C),  75,  77,  108, 118, 131, 

155,  Ï06,  342,  3e6,  381. 
Lebrun, 147. 
Lecarpentier,  349. 
Lecieux  (L.),  34,  302,  309. 
LecoDite  (J.),  197. 
Le  Couppey  (F.),  366. 
Lédérac,  182,  294. 
Lee  (S.),  11,  68,  iHi,  115,  381. 
Lee  (Mlle),  42. 

Lcfébure-Wély  (M.  et  Mme).  254, 
262,   269,    294,    326,"  327,    350, 
406. 
Lefebvre,  318. 
Lefebvre  (Mme  Faure-),  107,  255, 

262,  293,  374. 
Lefeuve,  399. 

Lefort  (J.),  34  ,  75,  79,  84,  270. 
Lefranc,  134,  303,  414. 
Legendre,  167,  263,  326,  367. 
Legouix  (J.-E.),  13,  398. 
Legrain  (Mlle),  38. 
Legrand,  140,  154. 
Lelimann,  159. 
Leins  (F.),  2Ô7. 
Lejeune  (E.),  382. 
Lelong,  147. 
Leraaire,  50,  173. 
Lemaire  (.\illeE.),  175. 
Lemmcns,  12. 
Lemmens-Sherrington  (Mme) ,  03, 

70,  206. 
Lenevpeu  (J.),  115. 
Lentz,  142. 
Léonard,  103,414. 
LcoDi  (Q),  407. 
Leoncft'  (Mme),  47. 
Lépine(E.),  334,  355. 
Lépreux, 270. 
Leprévost  (Mlle),  250. 
Leroux,  213. 
Leroy  (A),  58,  246,  348. 
Leroy  (L.),  213. 
Leroy,  instr.,  122. 
Leroy,  du  Th.-Lyr.,  154. 
Lesage,  107. 
Leslie  (H.),  375, 
Lestrade  (Mme),  63. 
Leuven  (A.  de  ),  1,  77,  299. 
Levasseur,  70. 
Levassor,  29,  103, 
Léveillé  (\.),  253. 
Lévûque  (E.),  54. 
Lévy  (I.),  100,  110,  151,  398. 
Lévy  (5111e),  241. 
Lhéritier,  213. 
Lhûte  (A.),  94. 
Llmillier  (Mme),  87. 
Liadow,  191 . 
Lichfenstein,  175 . 
Liébé  (Mlle),  204,  350. 
Liebhardt    (Mlle),    103,  254,  271, 

311,  327,  351. 
Limberti,  149,  319,  335,  375. 
Lind-Goldschmidt  (Mme  J.  ),  157, 

174,  183,  215,  261. 
Lindeck,  151. 
Linder,  406. 
Lindner  (leD'),  310. 
Llndo  (Miss),  30. 
Lionel  (Mme),  170. 

Liszt  (F^.) ,  13  ,  62,  18ë,  238,  286. 

Litolff(H.),  51,  214,  262. 

Litschner  (Mlle),  206. 

Livry  (Mlle  E.  ),  d,  61,  166,  213, 
245. 

Lockroy,  9,  125. 

Locle  (C.  du|,  05. 

Lœwe  (T.),  7. 

Lot,  4. 

Lotti  délia  Santa  (Mme),  119. 

Lotto  (L),  166,  246,  261,  286,311, 
359,  382,  414. 

Lovy  (J.),  189. 

Lubeck  (E.),  35,  45,  399. 

Lucca  (Mlle  P.),  15,  86,  88,  151, 
237,  261,269,  271,  279,287,  302, 
335,   359,  381,  399. 

Luchs  (F.),  206,  239. 

Luigi  (Mme  C.  de),  23,  91,  246,270, 
294,310,  327. 

Luigini,  262,  406. 

Lumley,  134,  199. 

Lustani  (Mlle),  181 . 

Lutz,  204,  281. 

Lyonnet,  fr.,  390. 

M 

Mabille,  (V.),  287. 
Macliiels  (J.),  92. 
Mac-Farren,  367. 
Mackenzie-de-Dietz    (Mme),   118, 

158,  324. 
Maësen  (Mlle  de),  30,  54,  94,  135. 

314,  335,  406,  411. 
M.agnien  (V.),  151,  270. 


TABLE  ALPHABETIQUE  DES  NOMS. 


Magaier  (F.),  118,  147. 

.Magnin,  199. 

Magnus,  247. 

Maillart,  148. 

Maillart(A),  205. 

Maillot  (A.-L.),  166,  201. 

Mailly  (P.-J.),  271. 

Majni,  15, 

Majo  (Mme),  53,  175. 

Mallet  {.Mlle  A.),  119,  141. 

Malvezzi,  117,  373. 

Manesi,  141. 

Mangeant  (S.),  15. 

Mangin,  125,  133. 

Manry  (C),  7,  102,  231,  294,  365, 

393. 
Mansour,  306. 
Manus,  261. 
Manvoy  (Mlle),  61. 
Mapleson,  45,  53,  270. 
Maquet  (A.),  380. 
Marcello,  263. 
Marchand,  390. 

Marchesi  (M.  et  Mme),  22,  30,  46, 

101,  115,    126,    149,    166,   230, 

245,  2.")4,  309,326,  358,  359,  366. 

Marchisio  sœurs  (Mlles),   53,   88, 

343,  351,  359,  407. 
Marchot,  14,  73. 
Marcy  (Mlle),  279. 
Maréchal  (J.),  405. 
Maretzek,  328. 
Mareux,  250. 
Marguerin  (J.),  390. 
Mariani,  207. 
Marié,  122. 
Marimon  (Mlle),  77,  93,  117,  125, 

130. 
Marini  (Mme),  88,  157,  173,  175. 
Mario,  2,  01,  80,    142,   157,  172, 

181,  237,  201,  309,  343. 
Marion,  191. 

Markowitz  (Mme  P.),  255.  283. 
Marmontel,  41,  53,  405. 
Maroclietti,  1 47, 155, 169, 1 83,  302. 
Marquis  (Mlle),  102. 
Marra  (Mme  L.),  173. 
Marschner,  116,  311. 
Marschner  (Mme  T.),  318. 
Martin,  54- 
Martin  (E.),  5. 
Martin  (P.),  78. 
Martin  (G.-W.),  414. 
Martiu  (Mme  C),  398. 
Martin  (Mlle  J.),  91,  157,  390. 
Martinelli  (Mlle),  75. 
Martinet,  4. 

Martini  (le  P.),  19,  387,  394,  401. 
Martinozzi,  95,  157. 
Mas,  1)9. 
Masini  (F.),  271. 
Massart  (Mme),  108,115. 
Massé  (V.),  73,  109,  139. 
Massenet  (J.),  158,  214,  323. 
Masson,  214- 
Masson  (Mlle  E.),  389,  407. 

Massoni  (Mlle  C,),  310. 
Mathews  (C),  293. 

Mathias  (G.),  116. 

Mathieu,  63,  382. 

Mathon,  279. 

Mattei  (T.),  119, 167. 

Maurice  (A.),  215. 

Maurin,  14,  74,  92,  131. 

Maury,  318,  403. 

Max  (J.),  124. 

Maj'er  (J.),  382. 

Maymo  (Mme),  173. 

Mayseder  (J.),  382,  390,  404. 

MazÈres,  6 . 

Mazzoleni,  23,  175,  271,  359. 

Medori  (Mme),  271,  317,  359. 

Meilhac(H.),220. 

Meillet(M.  et  Mme),  134, 151,  198. 
294,  335,  375,  414. 

Melchissédec,  306,  399,  406. 

Mellinet  (le  général),  251. 

Mellon  (A.),  261,311,343,  359. 

Membres  (E.),  247. 

Mendelssohn-Bartholdy,  260,  270. 
275,  291,  302,  316,  356,  364, 
395,  407. 

Meneau  (L.),  46. 

Mengal,  149,  247,  318,  406. 

Mengoval  (de),  102. 

Méo,~  396. 

Mera  (Mlle),  231. 

Mercadante,  214. 

Méreaux  (A.),  14. 

Meric-Lablache  (Mme  de),  53,  287 
303,  338,  309,  389. 

Méric-Lalande  (Mme  de),  110, 131 

Merly,  317,  325. 

Mormand,  53. 

Mermct,  317, 

Merts  (J.),  175. 

Méry,  124,  203. 

Messemaëckers  (L.),  334. 

Mestépès,  9,  43. 

Methfessel,  246. 

Meumann  (E,),  350. 


Meurice  (P.),  44. 
Mey(A.),  14,  91,102. 
Meyer  (Mlle  A.),   143,  205. 
Meyer  (L.  de),  166,  174,  190. 
Meyerbeer  (G.),  2,  27,  41,  46,  55, 

141,    142,    190,  230,  231,  286, 

287,  305,  315,  373,  374,  398. 
Meyerhofer,  103,  319. 
Meynard  (de),  69. 
Mezeray  (M.  etMile  C.)  191,  391. 
Mezzanti,  199. 
Michaëlis-Nimbs  (Mme),  23. 
Michal  (Mlle),  261. 
Michaux,  213. 
Michot,  333,  373,  381. 
Mico  (A.),  61,   173. 
Mila  (Mlle),  173. 
Milde  (Mme),  125. 
Miles,  144. 

Millerscheck  (Mlle),   231. 
Mirai,  305,  203,  350,  400. 
Mirecourt,  413. 
Mocker  (M.),  150. 
Massner  (Mlle),  135. 
Mohr  (J.),  34,  78,  115,  131,  198. 
Molnar  (Mlle),  239. 
Monary-Rocca,  286. 
Monestier  (J.),  110,  164,  189. 
Mongini,  119. 

Monjauze,  149,  154,  286,  354,  411, 
Monnais  (E.),  61,  70,  76,  156, 169, 

249. 
Monplaisir,  335,  351. 
Monrose  (Mlle),  7, 14,  46, 103, 262, 

271,  299,  309. 
Monsen,  403. 
Montagne,  6. 
Montaubry,  45,  102,  122,  186,269, 

317,  349. 
Monti  (Mme),  319,  335. 
Montigny,  127. 
Moreau,  303. 
Moreau   (Mlle),    10,  54,  303,  335, 

414. 
Moreau-Sainsi  (Mlle),  14. 
Moreaux  (E.),  53. 
Morel  (A.),  7,  79,    199,  270,    318. 
Morel-Scott  (Mme),  131, 141 . 
Morelli,  347. 
Morena,  158. 
Morensi,  37. 
Morère,  31,  46, 134,  151,  174, 198, 

335. 
Morin,  270. 

Morini,  158, 166,  204,   314. 
Morio  (Mlle),  133. 
Morlacclii  (Mme  G.),  172, 
Moro  (Mme).  207. 
Mortier  de  Fontaine,  87,  294,  325, 
Moscuzza  (V.),  88. 
Mosé  (Mlle),  29. 
Moser,  414. 
Moulton  (Mme),  69. 
Mourawicff   (Mlle),    15,    86,    145, 

157,  166,    219,    254,   293,  302, 
319,407. 

Mozart,  18,  60, 105. 

Milhldorfer,  94. 

Muller  (C.  G.),  215. 

MuUer  (fr.),  31,  75,  135,  155. 

Muratet,  164. 

Murer  (Mlle  L.),  130. 

Muret  (Mlle),  62. 

Musard  (A.),   119,    127,  134,  151, 

158,  167,   174,    183,    206,   214 
222,  246,  263,  270,  279,  342. 

Musiani,  45. 
Mutel(A,),  34. 

N 

Nabich,  14,  30,  92,  131,  263,  324. 

Nadar,  118. 

Nadaud,  54. 

Kantier-Didiée  (Mme),    103,  109, 

172,    181,    220,    237,    246,  343, 

396, 
Napoléon  III  (S,  M.  l'Emp.),  20, 

33,  37,  45,  86,  101,  357,  373. 
Nalhan    (E.),    62,   102,   143,    263 

302,  341. 

Nathan  (de  l'Op.-Com.),  122,290, 

300. 
Naudiu,  2, 13, 17, 58,  68, 69,  75,  77, 

93,  100,  116,  134,  246,  279,  287, 

303,  319,   343,    351,    357,    359, 
374. 

Naumann,  279. 

Navoigille,  225,  243,  257. 

Née  (J.),  254. 

Négrini,  63,  335,  383,389,  407. 

Nelson  (Miss),  53,  02,  231. 

Neri-Baraldi,  172,  318,  415. 

Nertann,  148. 

Nessler,  204. 

Neveu,  318. 

Ney  (C),  75, 108. 

Nicholson  (Mlle),  120. 

Nicolini,  329,  337,  349,  354. 

Nicolo,  279. 

Nicolo  jeune,  103. 


Nicosia  (S.),  155, 166,  167. 
Nicou.<;horon,  155. 
Niedermeyer,  57. 
Niemann,  68,  119,  231,  342. 
Nieuwerkerke  (le  comte  de),  69,  77, 

270. 
Niklsky,  47,  142. 
Noblet  (Mlle),  25. 
Nogens  St-Laurent,  143,  405. 
Nohl(L.),286. 
Noir,  26. 
Nolau,  115. 

Norblin  (E.),  14,  34,  147,  365. 
Noubel  (A.),  171. 
Novaro  (M.),  415. 
Novaynho,  95. 
Nuitter,  59. 


Oberthiir,  247. 

Obin,  86,  93,  117,  163,  199,  205, 
233,237,  274. 

OEschner,  399. 

Offenbach  (J.),  2,  45.  59,  69,  77, 
86, 101,  117,  129,  151,  158,  166, 
173,183,205,214,223,230,  239, 
247,  263,  270,  295,  297,  317, 
333,  334,  359,  375,  383,  413, 
415. 

O'Kclly  (J.),  51. 

Olivier  (Mlle),  303. 

Olschbauer,  303. 

Oppelt  (G,),  67. 

Ortigue  (J.-d'),  lio,  342. 


Pabst  (A.),  47. 

Pacini  (Mme),  342. 

Padovani,  351. 

Pagans,  118. 

Pages,  5. 

Pailleron,  380. 

Paladilhe,  323, 

Pallat,  239. 

Palmer  (Miss),  206,  382. 

Palmieri  (Mme),  295,  375. 

Pancani,  144,  215,  328,  35J,  415. 

Panette  (A.  de),  7. 

Panofka  (H.),  270,  286,  334,  358, 

382. 
Panseron,  214. 
Pape  (L.),  166,  406. 
Papini  (Mlle),  144. 
Pâque  (C),  379,  382. 
Paquis,  41,  326. 
Parade,  148. 
Parepa   (Mme),    157,    204,    263, 

303,  335,  343. 
Parlouru,  250. 
Pascal  (P.),  87,  107. 
Pascal  (M.  et  Mme),  191. 
Pasdeloup,    2.   11,  38,  41,  69,  77, 
93,    100,   102,    109,    123,    132, 
190,   203,   254,  270,  298,    348, 
365,  370,  379,  381. 
Passini,  111. 

Passy-Cornet  (Mme),  367. 
Patti   (Mlle  A.),  2,  6,  13,  17,  22, 
29,  30,  33,  37,  45,  53,   61,  62, 
69,  79,   88,  95,  103,  110,  111, 
1)7,    142,    144,    149,  172,   174, 
181,    182,   190,    191,  215,  221, 
246,   25:i,   254,     261,    270,  293, 
303,    311,    320,  327,    343,    351, 
354,  374,  381,  389,  413. 
Patii    (Bille    C),     37,    134,    157, 
181,    205,   246,  311,   333,    357, 
359,  390,  398,  405. 
Pauli,  333. 
Paulin,  122,  147. 
Paulus,  101,  118,  206,  291,    403. 
Pavani,  70,  383. 

Péan  de  Laroche-Jagu  (Mlle),  14. 
Pellerin,  223. 
Pellerini,  307. 
Penco  (Mme),   27,   83,   118,   238, 

317,  326,  357,  415. 
Perega  (Miss),  319. 
Perelli  (Mme),  407. 
Pérez  (Mlle  M.),  334. 
Pergolèse,  27. 
Péri  (J.),  15. 

Périé,  54,  94,  135,  318,  406. 
Perler  (Mlle),  U7. 
Perny  (C),  87,  277. 
Peroni  (Mme),  383. 
Perrelii  (G.),  182,  231,  238. 
Perrin  (E.),  1,  26,    65,    163,  173, 

262,  270. 
Perrot,  13. 
Peschard,  78,  382. 
Peschel  (Mlle),  279,  326. 
Petipa  (L.),  26,  245. 
Petipa  (Mme),  135,  166. 
Petit  (J.),  107,  28),  293,  377. 
Petit  (Mlle),  250. 
Petrella,  53,  279,  294,  295. 
Petrolî,  397. 

Peudefcr  (Mme),  34,  108,  255. 
Peyret  (Mlle),  391, 


Pfeiffer   (G.),   50,   51,    118,    150, 

206,  221,  342,  390. 
Pfeiffer  (Mme  C),  118, 150. 
Philippe,  191. 
Piatti,  215,  366,  398. 
Piave,  7. 

Picard  (Mlle),  29,  293. 
Piccinini,  415. 
Piccolomini,  marquise  de  Gaëtani 

(Mme),  172,  191. 
Pierson  (Mlle),  148. 
Pietro  (Di),  397. 
Pilo,  393,  377. 
Pisani,  23. 

Pithon-c'hére't  (Mme),  147,  263. 
Pitre-Chevalier,  7,  199. 
Pitteri  (Mlle),  351 . 
Pladouska  (Mme),  415. 
Plantade  (C),  198,  398. 
Plcssy-Arnould   (Mme),  117,  413. 
Pleyel  (Mme  M.),  22,  34,   53,  68, 

70,  118. 
Pion  (E.),  259. 
Podolski,  125. 
Poëncet  (H.),  11. 
Pohl  (Mme),  143. 
Poisot  (C.),  126,  183. 
Poisson,  79. 
Ponce    de   Léon    (S.),    222,  398, 

414. 
Ponchard,    146,    221,    228,    289, 

349. 
Portehaut,  102,  147. 
Postulat,  391. 
Potel,  151,  186,  274,  317. 
Potiir  (C),  325. 
Poultier,  125. 
Pourny  (C.),  36. 
Pouschkine  (Mlle),  62. 
Poussard,  391. 

Pozzi-Branzanti  (Mme),  103,  255. 
Pradal  (Mlle),  374. 
Pradeau,  59,  262. 
Prédigam,  204. 
Preschtler  (O.),  144. 
Prestreau  (A.),  182. 
Prével  (J.),  277, 
Prévost  (E.),  49,  149,  381. 
Prilleux,  67,  142,  157. 
Prudent  (E.),  30,  37,  45,  54,  62, 

83,  110,  134,143,  157,  177. 
Prudenza,  295,   375. 
Prud'homme  (Mlle  S.),  142. 
Prumier  fils,  101,  147. 
Pugni  (C),  218. 
Puisant.  54. 
Pyne    (Miss.  L.  et  Miss.  S.),  5î. 

343,  391. 


Quercy  (de),  77,  374. 

R 

Rabaud,  113,  381, 

Radonejski,  47. 

Raousset-Boulbon,  326. 

Rapotti,  (M.)  287. 

Ravina,  (H.)  100,  302. 

Raynard,  149. 

Real,  170. 

Reber,  12. 

Reboux  (Mlle,)  286. 

Régnier,  340. 

Reichardt  63,  126,  22». 

Reignier,  270. 

Reiupcke,  415. 

Reiset  (le  comte  de),  63. 

Remaury   (Mlle  C),  92,  381,  S98, 

405. 
Rémond  (Mlle),  233. 
Kémusat,  309. 
Renard,  189. 
Réty  (C),  1. 
Rev'illy  (Mlle),  122,  22S. 
Rey  (Mlle),  42,  250. 
Rey-Balla  (Mme),  326. 
Reyer   (E.),  2,  93,  142,  215,  271, 

333,  350. 
Ribault-AUbs  (Mme),  34. 
Ribes,  154. 
Ricci  (L.),  62,  415. 
Ricordi  310. 
Ridder  (Mme  la  comtesse  de),  54, 

62. 
Rie  (B.),  46,  115. 
Riedel  (A.),  37,  158. 
Uieder  (Mme),  94. 
Rignault  (E.),  130,  393. 
Riqucr  (Mlle  E.),  213. 
Ristori  (Mme),  205. 
Roberti,  87. 
Robin,    38,    53,    166,    198,    205, 

222,  271,  286,  310,  342. 
Robyns,  220,  237,  403. 
Robzeck,  159. 
Rochefort  (H.),  213. 
Roger,  51,  54,  02,  134,   149,  174, 


TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  RÉDACTEURS. 


100,  214,    302,    324,    366,   381, 

398. 
Boissy    (Mme    de),   53,    119,  191, 

319. 
Rokitîinsky,  311. 
Koland  (.\.),  190,  374, 
Roliu  (Mlle),  214,  29U. 
Romainville,  29. 
IlomaMi  (L.),  u9,  103. 
r.omano  (G.),  91,   185,  380,  407. 
Komei,  3!i0. 

Uonconi,  70,  157,  172,    246,  335. 
tionzl,  ^8. 
lîopiczek,  3Î7. 
Rose,  318. 

Kosenliaiii  (J.)  87,  109,  255,  390. 
Rosier,  325. 

Rossi  (L.  F.),  200,  211,  359,  391. 
«ossini,  60,  86.  118,  413. 
Rola  (G.),  38,  79,  142,    172,  173, 

187,  nul. 
Roth  (A.),  158. 

Rougei  de  risle,  225,  243,  257. 
Rouget  de  l'Isle  (Mlle),  326. 
Rouvano,  53. 
Rouvière,  253. 
Rnuy  ;Mme),  149. 
Rovere,  127,  369,  403. 
Ruyer(A.),  1,6.  67. 
Royer  (Mlle  .11.),  213. 
Rnyer-Gollard,  322. 
Rozès  (Mlle),  14,  78. 
Rubhiaiii.  102. 
Hubé.  115. 
RubinFteiii  (A.  et  N.).  31,  39,  79. 

95,  135,  191,  238,  247. 
Rubsani,  295. 
hucquny,  204. 
Riida  (Mlle  de),  14,  127. 
Uu.li'r!.J(irf  (Mme  de),  326. 
Rndnif.li,  359. 
Ruilz,  158,   214. 
Rnmniel  (J.),  358,  370. 
Ruit  (W.),  3!). 


Sabatier-Blot  (Mlle),  II,   28,  115, 
Sacbi,  .-loi. 
Sacré  (L.),  237. 
SaiMt-d'Arod,  126,    246. 
Saint-Aguet  (Ville),  26,  254. 
baii;te-Fny,  6,   29,  122,  125,  186, 

221,  317,  349. 
Saim-Georges  (de),   70,    77,    142, 

145,  205,  274. 
Saiiit-Lton  iM.),15,  38,  218,  407, 
Sainton,  205. 

S.-inton  Dolby  (Mn  e),  157,  205. 
Saint-Saëns  (C),  27,  60,  M,  123, 

131    183,  3-1,  394. 
Saim-Salvj,  328. 
^Êint-Drbain  lM;le),  03,  230. 
Sali-ïses,  374. 
Salks,  270. 
Sali'Hié,  158. 
Salotnon  (H.),  15,  133. 
Saivator,  342. 
Salvi,  182,  21'i,  223. 
Sahioiii  (Mil.-),  116. 
Saiii;ry,  310. 
Samsoii,  148,  156. 
Sandeau  (J.),  412. 
San-listeban,  270. 
Sauter  (Mlle),  191,  327. 
Santley,  53,    127,    191,   221,  237, 

253,  261,    311,    327,   382,    391, 

414. 
Sarasate,  14,  125,  158,  414. 
Sardou  (V.),  121,  270,  397. 
Sanotti,  191. 
Sarti  (V.),  110. 
Saticr  (G.),   2,    31,    47,   55,  102, 

2U,  3;7. 
Sauret  fr.,  23,  75,  263. 
Sauvage  (T.),  125,  198,  270. 
Sauzay,  270. 


Sax    (Ad.  et    Al.),    14,    21,    1)8, 

143,  190,  220,    237,    260,    374, 

403,  406. 
Sax  (Mlle  M.),  6,  61,  79,  93,101, 

109,   114,    119,     158,     182,   233, 

237,    245,  262,    209,     302,  309, 

310,     341,    347,   381,    398,  400, 

414. 
Saxe-CnhoHig  (S.  A.    le  duc    de), 

333,  390. 
Scalese,  109,  326. 
Scharfenberg,  222. 
Sclianroth   (la  baronne),  95. 
Scheffer  (Mlle),  204. 
Scliira,  137,  261. 
SibliebnerfA.),  119. 
Schlo.'ser,  23. 
.'■chlosser  (Al.,''^^),   'JSS. 
Sclimid,  231,  255. 
Schniidt  (G.),  46,    71,    125,    151, 

■9,  313,  351. 
Srhmitt  (A.),   144,  207,  255. 

neider,  207. 
Srbneider  fMUe),  173,197,  223. 
Sclinor    de    Caiosfeld ,      77,    95, 

367. 
Scboberlechner  (Mme),  303. 
Siliodel  (C),  287. 
Sclicrn  (F.),   102,  111,   131,  2'il, 

246,  348. 
Sclioultz  (Mlle  E.  de),  73. 
Schieck  (Mlle),  383. 
Schrœder  (Mlle),  319. 
Seliiœter  (C.   T.),  390. 
Sc:iuhi'n((:.),  ll'.i,  215. 
Sclinliert  (d'Amiens),  63. 
Schubenli  (Mlle),  53. 
Scliulhoiï,  359. 
Scliuliz  (Mlle),  38. 
Scliuniaiin  (ft.),  273. 
Schumann  (Mme  C.),    2,    22,  46, 

68,  92,  !)3,   94,  324,     351,     367, 

399. 
Scribe  {K.),  6,  25,  233,  278. 
Scudo  (P.),   270. 
Sebault-'l  liys  (Mme),  203. 
Second  (A.),  177. 
Segri-Segara,  327. 
Seiffeit,  12. 
Seifriz,  143 
Seligmann     (P.)  ,    28,     263,     310, 

Sriliiig  (Mlle),  391. 

Scm.  t  (T.),  9. 

Sf-rda,  111. 

Servais,  23,  46,  79,  279,  311. 

Seiow,  101,  397. 

Severini,  62,  204. 

Séveste,  250. 

Sibillot,  382. 

Sigliicelli,  115,  119,  141,  142,  2,70, 

406. 
Silas,  318. 

Simmons  (Mlle),  279. 
Simon-Coriadi    (Mme),    122,    132, 

155. 
Sims-Reevcs,  102,  221,  237,327, 

382. 
Singtlée,  179,  237. 
Sinico,  279. 
Siraudin  (P.),  380. 

SiïOri,    13,    23,  30,  63,  70,    79, 

88,  95,  102,   127,  144,  H9,  151, 

lî8,    169,   182,    238,    326,  335, 

374,   382,   406,  414. 
Smilli  (Miss),  3S. 
Snyders(E,),  349. 
Soboleff,  397. 
Sokoloff,  390. 
Sokolowski,  239,  393. 
Soubre  (E.),  46,222,  318. 
SouU-er  (C),  158. 
Sonstell"  iM.  et  Mme),  242,    250, 

254,  294. 
Spaur  (le  comte  P.),  133. 
Spohr  (Mlle),  327. 
Squarcia,  88. 


Slaeger  (Mlle),  311. 

.-teger,  71 . 

Stc  gm.-iyer,  1 58 . 

Sterbini,  369. 

Stern  iG.),  H.  79,  246. 

S'ockhuiiseii  (J.)  ,   94,    174,    183, 

222.  239. 
Stolz  (Mme),  383. 
StPliz,  15,  311. 
Siorih,  2711. 
Slranski  (Mme),  14. 
Strauss,  13,  30,  37,  399,  406,  414. 
Strauss  (J.),  54,  78. 
Strebingen,,  38). 
Stuiz  (i'.i,  94. 
Sudre  (F.),  70. 

Suizer  ;M.  et  Mme),  30,  287,  359. 
Snsini,  127. 

Si.vam.y  (Mlle),  175,  199. 
Szarvady-(:iaus.s    (Mûie),    74,    92, 

loi. 

r 

ïaccliinardi  (.Mme  P.),  303. 

Tacova,  325. 

Ta(ranel,  100,  406. 

Tagliafico,  94,  237. 

■laiiiiapetra  (P.),  7,  38,  263. 

Taillade,  01. 

Taisy  (Mlle  de',.  Cl,  74,  107,  163, 

262,  269,  274,  379. 
Taite,  13. 
Talvo-Bedogei    (Mme)  ,    61,    381, 

398. 
Tauiberlick,  47,   77,    83,    86,   93, 

101,  105,  117,  142,  166,  181, 
182,  199,  220,  246,  261  ,  343, 
373,  396. 

Tamburini,  63,  207. 

Tardieu  de   Malleville  (Mme),  1',, 

400,  414. 
Tali  (Mme),  207. 
Tautin  (MileL.),  325. 
Taveiniei-Devigno,  271. 
Taylor  (le  baron),    156,  V.70,  414. 
Techeny,  391. 
Tede^co  (Mme),  01,  283,  326.  366, 

374, 415. 
Telesinski  (J.),131. 
Ten-Brinck,  92. 
Tenby  (S.-R.),126. 
Teiinaiit,  205. 
Tesc.lier,  286. 
Teste,  142,  250. 
Thalberg    (S.  j,    2,  129,  160,  182, 

215,  263,  324,  399. 
Tlialgrùn,  131. 
Tliénc(Mlle  A.),  3V5. 
Thiboust  (L.),  al3. 
Thierret  (Mm.-),  213,  293. 
Thierry,  218,  270. 
Thoinàn  (E.),  231,  285. 
Thomas  (,\.)    00,  70,  77,  414. 
Thomas  (F.),  157. 
Thomas  (T.),  183,  287. 
Thomson  (Miss),  59. 
ïiberini  (M.  et  Mme),  88,  215. 
Tichatsche.ck,  38,  183. 
Tiefensée    (Mlle  C.  de),  78,  94, 

102,  155,  366. 

Tietjens  (MlleT.),  22,  53,  88,119, 
127,  157,  165,  172,  18l',  191, 
237,  245,  253,  254,  261,  270, 
273,  281,  286,  327,  359,  382, 
391,  399,  407,  414. 

Tilmant,  19,  84,  3,4. 

Tirpenne  (V.),  342. 

Tolbecque,  147. 

Tonel  (Mrel..),  36,  155. 

Torricelli  (M.  et  Mme),  207. 

Testée  (MUr),  59,  173. 

Tournade,  5,i. 

Iourte  (F.),  43. 

Tousez  (Mlle  A.),  277. 

Touzé  (l'abbé),  39. 

Trautmann  (Mlle  M.),  155. 


Trebelli-Beltini  (Mme),  6,  35,  45, 
77,  78,  86,  93,  118,  142,  151, 
157,  158,  165,  182,  191,  237, 
253,  261,  262,  270,  279,  286, 
327,  359,  382,  391. 

Trepo  (.Mme),  102. 

Treumann  (K),  207,  222,  239. 

Triébert,  100,  101,  122,  133. 

Trillet,  22. 

Trombetta,  78. 

Trny,  77,  146,  221,  262,  274. 

Troy ,  jeune,  250. 

Tuai  (Mlle),  274. 

Turina,  1. 

V 

Ugalde   {  Mme  ),  2,   59,    69,    101, 

133,  149,  154,  205,  221,  281. 
nimann,  37,  350. 
Ungher  (iVIlle),  46. 

V 

Vacquerie  (A  ),  340. 

Vadé  (Mlle),  414. 

Vailati  (.1  ),  118,  141. 

Vailbant  (S.  E.  le  marécliai;,  249. 

Valdemosa  (F.- F.  de),  230. 

ValeiHin  (P.),  334. 

Valgrand  (Mme  C.),139. 

Valiquet  (H),  334,  579. 

Vainay,   157. 

Vandenheuvel-Duprez  (Mme  C.), 

26,  eO,  91,   99,    101,   114,  123, 

143,    11.3,    189,    213,    214,  324, 

3-J5,   333,   347,  406. 
VandfM-Beck  (Mme),  354. 
Vanderburcli,  277. 
Vanrier  Heyden  ,  111. 
Van  Hasselt  (A.),  81,  168,  196. 
Vanneri  (Mlle),  109. 
Varesi  (M.  et  Mlle),  63,  70,  335, 

367. 
Varney,  1,  117. 
Vaucorbeil  (A.-E.  de),  121. 
Vautrot,  245. 
Vcchsner  (A.),  246. 
Veillet,  102.  i 

Vera-Lorini  (Mme),  45,  \'!7. 
Vcrdavaine  (Mme),  130.  *"' 
Verdellet,  250. 
Verdi,  2,  7,  13,  17,  71,  133,  142, 

233,  237,  403,  411. 
Verger,  22,    38,  43,  53,  173,  381, 

407. 
Verhulst  (J.),  14,  383,  399. 
Vernon   Mlle  M.),  20,  37,233,  269, 

2-6,   293,    302,   317,    333,    349, 

3B1. 
Verroust  (S.)    127,  132. 
Vertowski,  23. 

Vervnitte  (C.),  118,  147,  183. 
Vesivali  (Mine),  294,  317. 
Vialelti,  191,  318,  328. 
Via:d,  170. 
Viardot  (Mme  !■.),  69,  84,  93,  94, 

99,   100,    i:ii,  133,  279. 
Vias,  199. 
Victoria-Laronlaine    (Mme),  109, 

229. 
Vidal   150,  167,  307. 
Vieu)Ltemps(H.),  3,11,23,  i8.34, 

38,  42,  46,   51,  62,  92,  94,  101. 

102,  109,117,118,  133,157,247, 

29,  286,  294,  310,318. 
Vigier-Cruvelli  (la  baronne  S.),  70, 

309. 
Vigne  (M.  et  Mme),  196. 
Vigny  (le  comte  A.  de),  303. 
Villa'ni,  33. 
Villaret,  91,  93,101,133,  142,158, 

166,233,237  289.317,323.333, 

341,  347,  357,  363,  389    413. 
Villebois,  47. 
Villiers  (Mlle),  233,  274. 
Vincent,  42,  54,  250. 


11 

Vincentelii,  70. 

Violet,  78. 

Viîet,  322. 

Vivien  (Mlle),  242. 

Vivier,  236,  309,  318,  326. 

Vizentini  (A  ),  234. 

Volpini  (M.  et  Mme',  37,  133,  286, 

327,  367,  382,  390,  406. 
Von-Kolb  (J.),  271. 
Vroye  (de),  87,  94. 

W 

Wachlel,    79,   88,    126,   1.15,  199, 

231.    239,   247,   271,   287,    295, 

303,  311,  319. 
Wagner    (R.),    7,   207,   217,  238, 

270,   282,   290,  300,   390. 
Walbach  (Mlle),  19U. 
Walckiers  (E),  108. 
Walewski  (le  (■nmti^\  259. 
Wallace  (W.),  0,  333,  343,  398. 
Wallenstein  (JI.),  327. 
Walliang  (Mlle),  242. 
Walter,  103,  135. 
Warol,  23,    50,  52,  74,    77,    119, 

163,  173,  182,    214,    269,    302, 

333,  347,  379. 
Wartel,  70,  107,  140,  2..1. 
Wartel  (Mme\  215. 
WassiliefT,  (i7,  307. 
Vv'ast  (U.  du),  54. 
W.ber,  3:8. 
WebiT  fils,  414. 

Wehle  (C),  87,  111,  127,  206,  326. 
Wein,  127. 
Weiss,  .53,  343,  391. 
Wekeilin  (J.  B.),  309. 
Wekerlin-Damoi'eau(?,!meM,),13l. 

204,  350. 
Wernike  (Mmel,  279. 
Wertlieimber   (Mlle),  52,  77,  118, 

158,   182,    191,    283,   389,   341, 

379. 
Weyr,nger  (Mlli),  231. 
White  (J.),  77,  92,  118,  131,341 
Whiitv    (.Mlle)  A.,  100. 
VVicar't,  lis,  310. 
Widor  (C.),  240. 
Wieniausky  (U.  et  J.),  115,  167, 

191,   222,  247,  302. 
Wieprecht,  55,  175,  222. 
Wildauer  (Mlle),  319. 
Wilhelmi,  206,  325. 
Winckelmann,  15. 
Wocher  (Mlle  J.  de),  42. 
Welbruck  (Ml  e),  86. 
Woirart  (R.),  46. 
Wolir  (A.),  45,  51. 
Wom'(E.),  198,  245,  381,  390. 
Wolff  (Alb.),  21.3. 
Wollenhaupt  (U.),  342. 
Woworsl.i,  15,  119,207. 
Wynii,  2U6. 


Yriarte  (C),  149. 


Zachi,  88. 

Zacometti,  53. 

Zappata  (F.),  255. 

Zellner  (L.-A),  7,  103. 

Zengnr  (M.),  31. 

Zina-Mérante  (Mme),  61,  69,  114, 

145,   157,  233,  317. 
Zirndorler   (Mile    M.),    159,    167, 

199,  247. 
Zizold,  399. 
ZôUner,  407. 
Zompi  (D  ),  174. 
Zucchini,  27,  33,  58,  68,  77,86,  93, 

172,  238. 


TABLE  ALPHABÉTIQUE  DES  RÉDACTEURS. 


Beanliru  (D.),  403. 

Butte  (Adolphe),   11,  18,  27,  34.  42,  43,  50,  63,  74,  83, 

91,  100,  107,  115,  129,  130,  140,  141,  140',  154,169, 

305,  378,  3(J3. 
Urebm  (le  docleur),  75. 
Ghorley  (Henri),  260,  291. 
Cometiant  (Oscar),  307,  388. 
Oistal  (Maurice),  361,  370. 
Danjou  (F.),  155. 

Duesberg  !.l.),  300,  3'6,  336,  ■,■61 ,  395. 
Durocher  (Léon),  9,  49,  5:1,  65,  99,  105,  121.  139,  146, 

154,185,226   274,   281,299,  313,  337,  353,377,  411- 
Elwarl  (A,),  12,  132,  147,  171,  189,  210,  260,  305. 
EnauU  (l.oui-),  20. 


Fétis  père,  4,  11,  19,  81,  219,  225,  243,  251,  257,268, 

275    297    321    345    385. 
Mathieu  de  Montei-  (Eiii  ),  163,  178,  186,  266,  284,  330, 

338,  362,  372. 
Meerens  (Charles),  300,  331. 
Moniiais  (Edouard),  89,  97,  113,  137,  153,  161. 
Pongin  (Arlhiii),  3,  123,  187,  193,  209,  211,  234,   244, 

265,  387,  394,  4iil. 
Rongé  (J.-B.),  189,  195. 
Saint-Yves    (D.-A.-D.),  5,  28,    44,  52,  61,  67,  84,   108, 

124,  148,  172,  197,  212,  229,  252,  277,  292,  325,  340, 

3i;6,  330,  307,  412. 
Smiih  (Paul),  1,  17,  25,  33,  41,  57,  73,  145,  171,  177, 

201,   249,  273,   281,  289,   323,  329,  337,  348,  334,  409. 


Wehle  (Charles),  196. 

Ariicle  signé  B.  M.,  291. 

Articles  signés  B.  S.,  181,  237. 

Anicles  signés  D.,  43,  59. 

Article  signé  E.  K.,  261. 

Ariiclci  signés  L.,  35,  180,  211,  236. 

Anicles  signés  L.  B.,  116,  204,  220,  •;53,  261. 

Artirle  signé  M.,  172. 

Anicles  signés  P.  S.,  11,  83,  100,  122,  132,  163,  203, 

218,  228,  233,  241,  259,  283,  347,  303,  369,  403. 
Arliiles  signés  S.  D.,  91,  loS,  107,  170,  373,  396. 
Article  signé  T.  X.,   157. 
Articles  signés  Y.,  36,  203,  332,  3'i8.  373,  379,  403. 


BUREAUX    A    PARIS  :    BOULEVARD   DES   ITALIENS,    I. 


30«  Année. 


IV°  1. 


4  Janvier  1863. 


Olff  S'ABONNE  I 

Dans  les  Déiiorlements  et  à  l'Étranger,  chez  tous 
les  Harehands  de  Musique,  les  libraires,  et  aui 
Purcaui  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


PRIX  DE  L'ABONNEUENT  : 

Paris Sifr.parol 

Départements,  Belgique  et  Suisse —    30  'i       id. 

Étranger M  "       M- 

Le  Journal  parait  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


-  --vv  uwvr j\r jw\^' 


PRIMEli 

OFFERTES  AUX  ANCIENS  ET  NOUVEAUX  ABONNÉS 

DE  LA  REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE.  i863. 


Nons  rappelons  à    nos  Abonnés   de  Paris    que    les 
primes  qne  nous  leur  offrons  é.  titre  d'étrcnnes  : 

LE  PREMIER  VOIUME  DU 
Béperteire  de  mnslgne  moflerne  pour  le  Piano 

LES  SUGGIS  UNIVERSELS 

Choix  de  Morceaux  de  Piano  origiDaux  les  plus  favoris  des  auteurs  modernes 

Format  m-S».  VINGT  MORCEAUX  DE  PIANO  Format  in-S". 


Le  morceau    de    chant   favori    d'Adelina    Patti  : 
U  6I0JÀ  mSOLITÂ        I  LE  BAL 

(Paroles  italiennes)  ^  (Paroles  françaises) 

Valse  chantée ,  composée  par  Strakosch 

ORNÉE  DU  PORTRAIT  DE  LA  CÉLÈBRE  CANTATRICE. 


Un'  aura  antorosa 

Air  de  célèbre 

Chanté  par  Nacdin. 


PORTRAITS -CARTES  DE  HAYDN  ET  WEBER 

sont  A  leur  disposition,  et  nous  les  prions  de  vouloir 
bien  les  faire  prendre  dans  nos  bureaux. 
IVons  les  envoyons  fbanco  aux  Abonnés  de  province. 


SOMMAIRE.  —  Revue  de  l'année  1862,  par  Panl  Smith.  —  Vieuxtemps.  - 
Revue  critique,  par  Arthur  Pon§;in.  —  Correspondance  :  Bruxelles,  par 
Fétis  père.—  Ilevue  des  théâtres,  par  O.  A.  D.  Saint-Yveg.  —  Nouvel- 
les et  annonces. 


REVUE  DE  L'ÂNNËE  1862 

Ce  qui  distinguera  celte  année  entre  toutes,  ce  n'est  certainement 
pas  le  nombre  des  œuvres  nouvelles  qu'elle  a  produites  :  jamais  on 
n'en  a  vu  si  peu  ;  mais  c'est  la  fréquence  insolite  des  changements 
de  direction  dans  la  région  des  théâtres  voués  à  l'art  musical  ; 
jamais  on  n'a  pu  en  compter  davantage  ! 

11  y  a  douze  mois,  à  pareil  jour,  M.  Alphonse  Royer  régnait  au 
grand  Opéra  ;  M.  Beaumont,  h  l'Opéra  Comique  ;  M.  Charles  Réty, 
au  théâtre  Lyrique;  M  Offenbach,  aux  Bouffes-Parisiens.  Aujour- 
d'hui, pas  un  de  ces  souverains  n'est  resté  debout  ;  le  sol  a  tremblé 
autour  de  leurs  trônes,  et  ils  ont  pris  le  parti  d'abdiquer.  On  con- 
naît leurs  successeurs  :  MM.  Emile  Perrin,  Adolphe  de  Leuven,  Car- 
valho,  Varney.  Seul,  M.  Calzado,  directeur  du  théâtre  Italien,  a 
gardé  son  sceptre,  mais  il  a  failli  perdre  sa  salle,  et  peu  s'en  est 
fallu  qu'il  ne  fût  réduit  à  la  triste  nécessité  de  transporter  dans  un 
quartier  lointain  le  siège  de  son  empire. 

A  travers  ces  mouvements,  ces  agitations,  dont  la  musique  a  dû 
souffrir,  en  attendant,  s'il  plaît  à  Dieu,  qu'elle  en  profite,  comment 
ne  pas  remarquer  que  deux  restaurations  se  sont  accomplies?  L'une, 
a  duré  quelques  mois  à  peine  et  l'autre,  ne  demandait  pas  mieux 
que  de  durer  moins  encore,  à  condition  d'être  appelée,  comme  la  pre- 
mière, à  d'autres  fonctions.  N'est-ce  pas  chose  singulière  que  M.  E. 
Perrin,  qui  vers  la  fin  de  1857  avait  quitté  l'Opéra-Comiqne,  et 
M.  Carvalho,  qui  s'était  éloigné  du  théâtre  Lyrique  an  commencement 
de  1860,  y  soient  revenus  dans  la  même  année,  à  peu  d'intervalle, 
pour  les  sauver  tous  deux  d'une  situation  désespérée,  et  peut-être 
avec  la  même  ambition,  celle  de  se  créer  do.  nouveaux  titres  à  la 
confiance"?  M.  Emile  Perrin  a  déjà  réussi  :  en  le  voyant  relever  Sj 
promptement  la  fortune  de  l'Opéra-Comique ,  on  l'a  jugé  digne  de 
régir  celle  du  grand  Opéra.  Le  voilà  donc,  arbitre  souverain  de 
cette  vaste  scène  dont  un  abbé  Perrin  fut  le  premier  directeur 
privilégié  ;  mais  il  lui  succède  comiiis  Louis  XV  à  Pharamond.  Une 
promotion  semblait  en  entraîner  une  autre,  et  M.  Carvalho  le  dési- 
rait autant  que  personne  :  seulement  il  n'avait  pas  encore  eu  le  loisir 
de  raviver  la  foi,  et  puis  s'il  passait  à  la  salle  Favart,  comment  le 
remplacer  dans  celle  du  Chàtelet?  Le  problème  n'ayant  pas  trouvé 
de  solution  immédiate,  M.  Carvalho  est  demeuré  à  son  poste,  et  nous 
espérons  que,  secondé  par  sa  femme,  il  y  rencontrera  des  chances 
assez  favorables  pour  n'avoir  plus  besoin  d'en  chercher  ailleurs. 

En  traversant  le  boulevard  pour  aller  de  l'Opéra-Comique  au  grand 
Opéra  (tout  juste  le  contraire  de  ce  qu'a  fait  naguère  M.  Nestor 
Roqueplan),  M.  Emile  Perrin  va  se  heurter  contre  des  diflicultés  nou- 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


velles ,  même  pour  un  homme  de  son  expérience,  et  il  n'aura  pas 
trop  de  toute  sa  force  pour  en  venir  à  bout.  A  l'Opéra,  les  obstacles 
sont  peut-être  moins  nombreux,  mais  ils  sont  plus  gros  qu'à  l'O- 
péra-Comique.  C'est  le  théâtre  où  il  faut  le  plus  de  temps  pour  que 
la  présence  d'un  directeur  se  fasse  apercevoir  du  public,  le  théâtre 
où  les  revanches  étant  le  plus  rares,  les  mauvaises  veines  sévissent 
le  plus  cruellement.  Du  reste,  la  capacité  multiple  de  M.  Emile  Per- 
rin  aura  largement  de  quoi  s'employer  dans  l'infinie  quantité  de  détails 
d'une  administration  qu'on  pourrait  appeler  celle  des  arts  réunis .  Un 
directeur  d'opéra,  qui  tient  à  voir  tout  par  lui-même,  et  c'est  seule- 
ment ainsi  qu'on  est  directeur,  n'a  pas  une  minute  à  lui  dans  les  plus 
longues  journées.  Comment  pourrait-il  encore,  dans  ses  moments 
perdus,  diriger  l'Opéra-Comique  ? 

Cependant  l'idée  en  a  été  mise  en  avant,  la  proposition  nettement 
formulée.  Un  de  nos  confrères  s'étonnait,  il  y  a  peu  de  jours,  que  la 
presse  n'eût  pas  discuté  on  système  de  direction  nec  pluribus  impar. 
La  raison  en  est  simple  :  c'est  que  la  presse  ne  l'avait  pas  pris  au 
sérieux.  A  l'appui  du  système ,  on  invoquait  la  théorie  et  l'histoire  : 
on  prétendait  d'abord  que  l'infaillible  moyen  de  courir  à  sa  perte, 
c'était  de  s'atteler  à  un  théâtre  florissant,  tandis  qu'en  le  prenant 
ruiné,  on  était  sûr  de  faire  fortune.  Cela  revient  quelque  peu  à  la 
maxime  :  Sperate,  miseri;  cavete,  felices  (espérez,  malheureux  ;  heu- 
reux, prenez  garde).  La  théorie  est  peut-être  une  vérité ,  mais  elle 
ressemble  furieusement  à  un  paradoxe.  Quant  à  l'histoire,  nous  ne 
saurions  douter  qu'on  ne  l'ait  parfaitement  méconnue,  expliquée  à  re- 
bours :  où  elle  disait  noir,  on  a  dit  blanc.  Jadis ,  assurait-on ,  le  ma- 
riage du  grand  Opéra  et  du  théâtre  Italien  a  sauvé  deux  théâtres, 
qui  se  mouraient,  en  faisant  de  deux  agonies  une  double  résurrection. 
Or,  c'est  absolument  le  contraire  qui  arriva.  Les  deux  théâtres  en 
question  ne  furent  jamais  plus  misérables,  plus  mourants  que  pendant 
leur  hymen,  et  il  fallut  en  venir  à  la  séparation  de  corps  plusieurs 
années  avant  la  révolution  de  Juillet,  époque  à  laquelle  commença 
pour  eux,  avec  la  spéculation  particulière,  une  prospérité  jusqu'alors 
inconnue.  En  1827,  le  grand  Opéra,  qui  ne  vivait  qu'en  dévorant  la 
rente  de  100,000  francs,  destinée  à  garantir  les  pensions  de  retraite, 
n'avait  plus  même  de  quoi  payer  son  copiste;  il  fallut  que  la  partition 
de  la  Muette  d'Auber  attendît  trois  mois,  faute  d'argent  mignon.  Déjà 
le  théâtre  Italien  était  sorti  de  la  maison  royale  pour  se  livrer  à  un 
M.  Laurent,  qui  profita  de  la  circonstance  et  fit  venir  des  comédiens 
anglais.  Voilà  l'histoire  dans  sa  pureté  native  :  si  c'est  là  une  résur- 
rection, nous  ne  savons  trop  ce  qu'on  appelle  une  agonie. 

Mais  ne  nous  égarons  pas  si  loin  ;  bornons-nous  aux  faits  et  gestes 
de  l'année  qui  vient  de  finir.  Au  grand  Opéra,  un  seul  ouvrage 
nouveau  s'est  produit  dans  son  cours,  la  Reine  de  Saba,  seconde 
tentative  d'acclimatation  de  la  musique  sans  formules  et  malheureu- 
sement sans  mélodie.  Richard  Wagner  avait  déjà  échoué  dans  cette 
entreprise.  M.  Gounod,  qui  n'était  pas  le  premier,  ne  sera  pas  le 
dernier  non  plus.  Condamnée  à  Paris,  sa  Reine  de  Saba  vient  d'en 
appeler  à  Bruxelles  comme  à  une  cour  d'espoir.  De  sourdes  rumeurs 
nous  apprennent  que  la  France  et  la  Belgique  s'entendent  mieux 
qu'on  ne  s'en  flattait,  malgré  leur  voisinage. 

La  rentrée  de  Mario  ne  doit  être  notée  que  pour  mémoire  :  elle  a 
laissé  si  peu  de  trace  ! 

Inscrivons  plutôt  la  date  du  jour  où  fut  posée  la  première  pierre 
de  la  nouvelle  salle  d'opéra  ;  21  juillet  1862! 

A  rOpéra-Comique,  où  les  reprises  foiiionnent,  les  ouvrages  nou- 
veaux ne  sont  pas  communs  et  ne  fournissent  en  somme  que  quatre 
actes,  savoir  ;  Jocrisse,  un;  Lalla  Boukh,  deux  ;  et  le  Cabaret  des 
Amours,  un.  Cependant  le  Joaillier  de  Saint- James,  qui  n'avait  été 
joué  qu'au  théâtre  de  la  Renaissance  pourrait  compter,  à  la  rigueur, 
parmi  les  nouveautés.  Les  reprises  de  Giralda,  de  Rose  et  Colas,  de 
la  Servante  maîtresse,  de  Jean  de  Paris,  de  Deux  Mots  ou  une  Nuit 
dans  la  Forêt,  de  Zémire  et  Asor  ont  servi  d'avant-garde  à  celle  de  la 


triomphante  Dame  blanche,  si  heureusement  choisie  pour  le  début  de 
Léon  Achard,  qui  eut  l'honneur,  lui  si  jeune,  d'entraîner  la  charmante 
vieille,  avec  redoublement,  de  vitesse,  à  sa  millième  représentation  ! 
Le  théâtre  Italien  a  monté  deux  ouvrages  étrangers  à  son  réper- 
toire, Il  furioso  aïï  isola  di  San  Domingo,  dans  la  première  saison, 
et  Cosi  fan  tutte  dans  la  seconde.  Pour  lui,  le  début  de  Naudin  fut 
une  bonne  affaire,  et  l'apparition  d'Adelina  Patti  un  coup  de  fortune. 
Au  théâtre  Lyrique,  douze  actes  anciens  et  nouveaux  figurent  dans 
le  contingent  de  M.  Charles  Réty:  Joseph,  trois;  la  Châtie  merveil- 
leuse, trois;  la  Fille  d'Egypte,  deux;  la  Fleur  du  Val  Suson,  un;  le 
Pays  de  Cocagne,  deux;  Sous  les  Charmilles,  un.  Le  changement  de 
domicile  du  théâtre,  et  sa  translation  du  boulevard  du  Temple  au 
bord  de  la  Seine,  sont,  avec  le  retour  de  M.  Carvalho,  les  événements 
capitaux  d'une  année  fort  brillamment  close  par  la  reprise  du  Faust, 
de  Gounod. 

Au  théâtre  des  Bouffes-Parisiens,  toujours  Orphée,  rien  qa'Orphée, 
que  Mme  Ugalde  a  rajeuni  pour  des  mois,  des  années  peut-être.  Or- 
phée a  dépassé  sa  quatre  centième  soirée  :  irait-il  aussi  loin  que  la 
Dame  blanche  ?  Toutefois  n'oublions  pas  qu'avant  et  après  la  reprise 
de  cette  prodigieuse  et  sempiternelle  folie,  on  a  donné  quelques  piè- 
ces nouvelles  :  Monsieur  et  Madame  Denis,  un  acte  ;  Vne  fin  de  bail, 
un  ;  Voyage  de  Dunanan  père  et  fils,  deux  ;  L'homme  entre  deux  âges, 
un  ;  le  Premier  avril,  un,  et  Jacqueline,  un.  Lorsque  Offenbach  di- 
rigeait ce  théâtre,  il  n'avait  que  le  droit  d'occuper  une  certaine  part 
de  l'affiche  ;  on  trouvait  que  cette  part  était  un  peu  trop  grande  et 
l'on  s'en  plaignait.  Aujourd'hui  qu'il  l'accapare  absolument  tout  en- 
tière, on  ne  se  plaint  plus.  E  sempre  bene. 

Un  théâtre  s'est  ouvert  à  Bade,  et  deux  opéras  nouveaux,  qu'on  ne 
saurait  oublier,  ont  inauguré  la  salle  naissante  :  Béatrice  et  Bénédict, 
dont  les  paroles  et  la  musique  sont  de  Berlioz  ;  Erostrate,  dont  la  mu- 
sique est  de  Reyer. 

Pour  la  première  fois  les  Huguenots  ont  été  représentés  à  Naples, 
et  Robert  le  Diable  à  Palerme. 

A  Londres,  ce  qui  s'est  fait,  ce  qu'on  a  vu  et  entendu  pour  l'inau- 
guration de  l'exposition  universelle,  n'avait  aucun  précédent  et  ne  se 
reproduira  jamais  peut-être.  Quatre  compositeurs,  Auber,  Meyerbeer, 
Verdi  et  Sterndale  Bennett,  avaient  consenti  à  écrire  des  morceaux 
pour  cette  séance  unique,  et  cela  sur  une  simple  invitation,  suivie 
d'un  remercîment  encore  plus  simple.  Nous  avons  dit  les  succès  ob- 
tenus par  les  compositions  de  Meyerbeer  et  d'Auber,  lesquelles  survi- 
vront longtemps  à  la  circonstance  et  figureront  dans  tous  les  con- 
certs. 

A  propos  de  concerts,  disons  que  ceux  du  Cirque  Napoléon,  fondés 
l'année  dernière  par  Pasdeloup,  n'ont  pas  cessé  de  jouir  d'une  vogue 
extraordinaire,  parfaitement  justifiée  d'ailleurs  par  le  talent  du  chef  et 
les  progrès  de  l'orchestre.  Rappelons  le  congrès  de  pianistes,  que 
sont  venus  tenir  à  Paris  Gustave  Satter,  Auguste  Dupont,  Clara  Schu- 
mann,  Thalberg.  Notons  aussi  l'excellente  exécution  d'un  sextuor  et 
d'un  quintette  de  notre  illustre  collaborateur  M.  Fétis,  dans  les  salons 
de  Pleyel-Wolff;  celle  d'une  messe  de  Weber  à  Saint-Eustache,  le 
jour  de  la  Sainte-Cécile,  par  l'association  des  artistes  musiciens; 
enfin,  pour  ne  rien  omettre  et  pour  finir  par  quelque  chose  d'éton- 
nant, mentionnons  l'immense  festival  du  Crystal-Palace  à  Londres,  en 
y  joignant  l'accueil  fait  dans  la  même  ville  à  la  musique  des  zouaves 
et  de  la  gendarmerie  de  la  garde,  expédiée  de  Paris. 

Puisqu'il  faut  en  venir  à  la  liste  funèbre,  que  notre  mission  nous 
oblige  à  dresser  en  partie  double  ,  agenouillons-nous  d'abord  de- 
vant cette  tombe  qui  s'élève  et  sur  laquelle  sera  tracé  un  nom  immor- 
tel. Halévy  nous  a  été  enlevé  bien  avant  l'heure,  et  le  deuil  a  été 
général.  Le  grand  Opéra  lui  a  rendu  les  derniers  hommages  en  re- 
montant la  Juive,  le  plus  beau  de  ses  chefs  d'œuvre.  S.  M.  l'Empe- 
reur a  daigné  inaugurer  la  souscription  pour  le  monument  à  sa  mé- 
moire; nos  législateurs  ont  doté  sa  veuve  d'une  glorieuse  pension. 


DE  PARIS. 


Autour  de  ce  nom,  qui  ne  doit  pas  mourir,  groupons  d'autres  noms 
plus  modestes:  A.  Vieillard,  Adrien  de  La  Fage,  Cavaillé-CoU  père, 
Jean-François  Sudre,  Gustave  Vaëz,  Henrichs,  Arnaud  Dancla,  Fré- 
déric de  Courcy,  Darthenay,  Etienne  Bodin ,  Boulanger-Kunzé  ;  Mme 
Berlioz,  Mme  Diiret;  Emile  Van-der-Burch,  A,  de  Gomberousse. 

A  tous  ces  artistes,  musiciens,  poêles,  auteurs  dramatiques,  journa- 
listes, que  la  France  regrette,  il  ne  nous  reste  plus  qu'à  joindre 
ceux  que  l'étranger  a  perdus  :  Gharles  Lipinski,  Broadwood  père,  Jo- 
seph Frœlich,  Castelii,  Consul,  Leopold  Schefîer,  Charles  Vogel,  Jo- 
seph Klein,  Belart,  le  colonel  Ragai  Vechi,  Hans  Seling,  H.  Lenz, 
Charles  Mayer,  Jean  Hindie,  Ignace  Assmayer,  Anne  Eckoff,  Aug. 
Baumgartner,  Joseph  Fischer,  E.  Brouwer,  Louis  Uhland,  Fiedo,  Ver- 
stowsky, 

Et  maintenant  en  voilà  pour  une  année  !  Préparons-nous  à  de  nou- 
velles scènes,  au  fond  toujours  les  mêmes,  à  de  nouveaux  plaisirs, 
et  à  de  nouvelles  douleurs. 

Paul  SMITH. 


vrenxTEiHPS 

IS.  B.  La  courte  notice  que  l'on  va  lire  sur  un  artiste  qui  préoc- 
cupe si  vivement  l'attention,  et  que  l'on  peut  entendre  aujourd'hui 
même  au  Cirque  Napoléon,  est  tirée  de  la  Galerie  biographique  des 
artistes  musiciens  belges,  due  à  la  plume  de  M.  Edouard  Grégoir,  et 
publiée  depuis  deux  mois  seulement. 

«  VIEUXTEMPS  (Henri),  artiste  remarquable  et  un  des  plus  grands 
violonistes  de  l'époque,  naquit  à  Verviers  en  1819,  il  a  été  élève  de 
Letloux  et  de  de  Bériot.  A  sept  ans  il  fut  jugé  en  état  d'entreprendre 
un  voyage  artistique  à  Bruxelles.  De  Bériot,  frappé  de  sa  précoce 
habileté,  lui  donna  gratuitement  des  leçons.  Il  se  rendit  à  Paris  en 
1828.  A  Vienne  surtout  le  talent  de  Vieuxtemps  fit  sensation  (1833). 
En  cette  ville  il  eut  pour  professeur  de  composition  S.  Sechter ,  et  à 
Paris,  Reicha.  En  1839  il  se  mit  en  route  pour  Saint-Pétersbourg,  et 
visita  Dresde,  Leipzig,  Prague,  etc.  Son  talent  de  compositeur  gran- 
dissait avec  son  talent  d'exécutant.  Il  fit  une  grave  maladie  à  Saint- 
Pétersbourg,  et  se  retira  pendant  six  semaines  dans  un  village  à  quel- 
ques lieues  de  celte  ville.  Son  premier  concert  a  produit  6,000  francs, 
tous  frais  payés.  En  même  temps,  Servais  donna  trois  concerts  qui 
rapportèrent  un  bénéfice  net  de  12,000  francs.  En  1846,  il  fut 
nommé  violoniste  de  l'empereur  de  Russie  et  professeur  au  Conser- 
vatoire de  Saint-Pétersbourg. 

»  Au  printemps  de  1841  il  se  rendit  à  Londres;  nous  trouvant  en 
cette  ville  à  cette  époque,  nous  avons  été  témoin  de  l'intérêt  que  les 
Anglais  portaient  à  ce  jeune  artiste.  Après  quelques  excursions  en 
France,  en  Belgique  et  en  Hollande,  Vieuxtemps  partit  pour  l'Amé- 
rique en  1843.  Depuis  cette  époque  il  a,  pour  ainsi  dire,  parcouru 
toute  l'Europe.  Dans  le  premier  concert  du  Gewandhaus  à  Leipzig, 
en  1862,  il  a  électrisé  le  public  par  son  5°  concerto  en  la  mineur  et 
par  une  Bolonaise  brillante. 

»  Les  compositions  de  notre  compatriote  se  distinguent  par  un  cachet 
tout  particulier,  ses  mélodies  sont  empreintes  de  noblesse  et  de  sen- 
timent. 11  aborde  tous  les  genres  avec  un  rare  bonheur  et  une  remar- 
quable vérité  d'expression.  Quant  à  son  jeu,  son  archet  exprime  tour 
à  tour,  avec  une  poésie  et  une  énergie  égales,  les  enchantements  sa- 
taniques  et  l'amour  le  plus  tendre.  L'effet  qu'il  produit  sur  son  au- 
ditoire est  immense  ;  tantôt  il  vous  étonne  par  les  difficultés  inextri- 
cables qu'il  enlève  avec  une  netteté  et  une  facilité  inconcevables, 
tantôt  il  vous  ravit  par  ses  chants  divins  qui  respirent  la  noblesse, 
tantôt  enfin  il  vous  transporte  par  la  hardiesse  de  ses  traits  et  l'éner- 
gie et  la  vigueur  de  son  jeu. 

»  Vieuxtemps  a  composé  des   concertos,  des  fantaisies,  des    airs 


variés  qui  sont  le  Vade  mecum  de  tous  les  violonistes  ;  c'est  en  un 
mot  un  artiste  de  génie,  qui  a  fait  faire  un  grand  pas  à  l'art  de  jouer 
du  violon.  Vieuxtemps  a  épousé  Mlle  Joséphine  Éder,  une  bonne  pia- 
niste de  Francfort,  et  depuis  1855  il  habite,  une  partie  de  l'été,  une 
villa  à  Dreichenheim,  près  de  cette  ville.  Il  est  décoré  de  plusieurs 
ordres  et  fait  partie  de  l'Académie  de  Belgique.  Le  frère  d'Henri, 
M.  Lucien  Vieuxtemps,  pianiste  établi  à  Bruxelles,  s'est  fait  connaître 
avantageusement  par  des  compositions  de  piano  éditées  par  M.  Schott, 
à  Bruxelles.  » 


REVOE  CRITIQUE. 

Henri  Keber.  —  Troisième  trio  pour  piano,  violon  et  violon- 
celle, dédié  à  Mme  la  comtesse  Nina  BranicKa. 

Kinmanuel  Bauinaiiu.  —  Les  Archers,  ronde  de  nuit  pour 
piano. —  Dors,  mon  cher  enfant,  berceuse  pour  piano.  — Mar- 
che ET  Mazurke  chinoises,  air  de  ballet  pour  piano. 

Parler  d'une  œuvre  qui  porte  pour  signature  le  nom  de  M.  Henri 
Reber,  n'est-ce  pas  sous  -  entendre  qu'elle  est  purement  conçue, 
consciencieusement  élaborée,  éiégamment  écrite?  Le  musicien  dis- 
tingué qui  a  fait  applaudir  au  théâtre  la  Nuit  de  Noël,  le  Père  Gail- 
lard et  les  Papillotes  de  M.  Benoist,  qui  a  fait  exécuter  à  la  Société 
des  concerts  plusieurs  symphonies  justement  remarquées,  qui  a  pu- 
blié chez  l'éditeur  Richault  un  recueil  de  mélodies  pour  violoncelle 
parmi  lesquelles  se  trouve  une  Berceuse  dont  tous  les  salons  pari- 
siens se  souviennent  encore,  pourrait  plus  que  tout  autre  se  passer 
d'éloges,  et  son  talent,  malheureusement  trop  discret  —  depuis 
près  de  sept  ans  M.  Reber  n'a  rien  donné  au  théâtre  —  est  cepen- 
dant assez  connu  et  suffisamment  apprécié  pour  n'avoir  pas  besoin 
des  échos  d'une  banale  publicité. 

Aujourd'hui  pourtant  je  veux  signaler  aux  lecteurs  de  ce  journal 
l'apparition  d'une  production  nouvelle  de  cet  artiste  estimable  et  in- 
fatigable dont  le  temps  se  trouve  partagé  entre  les  séances  de  l'A- 
cadémie des  beaux-arts,  sa  classe  d'enseignement  au  Conservatoire, 
la  rédaction  de  traités  didactiques  excellents  (1)  et  la  composition 
d'ouvrages  d'imagination  dignes  de  toute  l'attention  des  artistes  et 
des  amateurs.  Je  veux  parler  de  son  troisième  trio  (en  sol)  pour 
piano,  violon  et  violoncelle,  dédié  à  Mme  la  comtesse  Nina  Branicka, 
œuvre  qui  ne  le  cède  en  rien  à  celles  du  même  genre  déjà  publiées 
par  l'auteur,  et  dont  les  qualités  principales  sont  la  grâce,  la  distinc- 
tion et  l'élévation  des  idées. 

Le  premier  morceau  de  ce  trio  (allegro  à  trois  temps),  d'un  style 
large  et  sévère,  dans  lequel  M.  Reber  semble  s'être  plu  à  jouer  avec 
son  motif  principal  en  le  faisant  passer,  â  l'aide  de  transitions  habi- 
lement amenées,  par  toutes  les  tonalités  possibles ,  est  un  modèle  de 
pureté  et  d'élégance  dans  la  facture  de  la  musique  de  chambre, 
malheureusement  encore  trop  peu  appréciée  en  France.  V Jndunte, 
cantabile  qui  forme  le  second  morceau,  rempli  de  phrases  tendres 
et  mélancoliques  pleines  de  grâce  et  de  limpidité,  rappelle  les  belles 
tr^t'itions  de  nos  meilleurs  maîtres  en  ce  genre.  Enfin,  l'allégro  final, 
où  la  légèreté  s'allie  à  la  verve  et  à  la  vigueur  en  conservant  une 
élégance  parfaite,  conclut  dignement  cette  œuvre  distinguée,  que 
tous  les  amateurs  spéciaux  voudront  avoir  bientôt  sur  leurs  pupi- 
tres, et  que  je  regrette  de  ne  pouvoir  analyser  plus  à  mon  aise  et 
d'une  façon  plus  étendue. 

—  Un  pianiste  de  talent,  M.  Emmanuel  Bauinann,  vient  de  publier 


(1)  M.  Reber  vient  de  publier  un  Traité  d'harmonie,   dont  un  de  nos  collabo- 
rateurs, dans  un  article  spticial,  fera  connaître  l'iniportain-.o. 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


trois  morceaux  de  genres  différents  dans  lesquels  on  retrouve,  mais  à 
un  degré  supérieur  et  avec  un  progrès  réel,  les  qualités  qui  avaient 
distingué  ses  précédentes  publications.  M.  Baumann  est  un  artiste 
véritable,  qui  soigne  ses  œuvres  et  a  souci  en  même  temps  de  la 
forme  et  du  fond  ;  c'est  pourquoi  je  regrette  vivement  que  dans  le 
premier  de  ces  morceaux,  la  Bonde  des  Archers,  il  se  soit  rencon- 
tré avec  M.  Lefébure-Wély  et  sa  Retraite  militaire;  loule  accusation 
d'imitation  servile  me  semblerait  une  injure  au  talent  du  jeune  com- 
positeur, et  cependant,  pour  être  sincère,  je  dois  avouer  que  le  genre 
de  ces  deux  caprices,  leur  plan,  leur  coupe,  tout  est  identique. 
J'aime  mieux  passer  tout  de  suile  à  l'agréable  berceuse,  Dors,  mon 
cher  enfant,  dans  laquelle  l'auteur  a  apporté  une  élégance  et  une 
fraîcheur  qui  le  recommandent  à  l'attention  des  amateurs  délicats.  L'in- 
troduction, divisée  en  deux  parties,  est  suivie  par  un  chant  doux  et 
grave,  dont  la  largeur  n'exclut  pas  la  tendresse,  et  qui  forme  le  mo- 
tif principal  du  morceau  ;  vient  ensuite  un  court  allegretto  qu'une 
transition  heureuse  relie  à  ce  premier  motif,  varié  dans  la  basse 
avec  un  tact  exquis,  et  qui  est  bientôt  suivi  d'une  coda  dont  le  style 
s'accorde  parfaitement  avec  ce  qui  a  déjà  été  entendu. 

Mais  c'est  dans  l'air  de  ballet  intitulé  Marche  et  Masurke  chinoise 
que  M.  Baumann  a  surtout  fait  preuve  d'originalité.  Je  ne  veux  pas 
lui  faire  l'injure  de  croire  que  ce  morceau  a  une  allure  véritablement 
chinoise,  car  je  ne  suppose  pas  que  ce  fût  là  lui  faire  un  compliment 
flatteur  ;  si  les  Européens  qui  ont  eu  la  fortune  de  pénétrer  dans  l'in- 
térieur du  Céleste  Empire  ont  été  émerveillés  de  quelque  chose,  je 
ne  sache  pas  que  ce  soit  de  la  musique  indigène,  qui,  au  contraire, 
assure-t-on,  est  des  plus  barbares  qu'il  soit  possible  d'imaginer;  le 
kin-lo,  le  gong  et  le  tam-tam,  ne  seront  jamais,  je  l'espère,  et  malgré 
tout  l'éclat  de  leur  sonorité,  naturalisés  en  France,  où  nous  avons  de 
quoi  les  remplacer  avantageusement,  fût-ce  même  pour  faire  danser 
les  ours. 

J'en  reviens  au  morceau  de  M.  Baumann,  qui  n'a,  je  l'espère,  de 
chinois  que  le  nom,  mais  qui,  je  le  répète,  est  rempli  de  verve  et 
d'originalité.  Les  effets  de  rhythme  y  sont  bien  trouvés  ,  les  modu- 
lations heureusement  amenées  et  sans  recherche  pénible,  les  accom- 
pagnements fort  soignés;  la  pensée  mélodique  n'y  est  cependant  pas 
étouffée  sous  le  poids  des  accessoires  :  elle  surgit,  au  contraire,  lim-- 
pide  et  fraîche,  et  plane  toujours  sur  l'ensemble,  dont  chaque  dé- 
tail a  été,  sans  préjudice  pour  elle,  l'objet  des  préoccupations  de 
l'auteur.  C'est  là,  en  résumé,  un  morceau  bien  conçu  ,  bien  venu  et 
bien  fait,  qui  donne  plus  que  des  espérances  pour  l'heureux  avenir 
de  ce, dernier.  Je  l'attends  à  de  nouvelles  productions,  et  je  me  plais 
à  croire  qu'elles  ne  pourront  que  satisfaire  davantage  encore  ceux 
des  amateurs  de  l'art  musical  qui  savent  gré  à  un  compositeur  d'al- 
lier les  fantaisies  de  son  imagination  à  un  savoir  sans  pédantisme  et 

sans  brutalité. 

Arthur  POUGIN. 


Le  Courrier  artistique  publie  une  résolution  prise  par  le  comité  de 
la  Société  nationale  des  beaux-arts,  dans  sa  séance  du  24  décembre 
dernier,  et  conçue  en  ces  termes  : 

«  'i°  Les  murs  de  la  nouvelle  salle  (1)  n'étant  pas  suffisamment 
secs,  il  y  aurait  danger  pour  les  tableaux  d'organiser  en  ce  moment 
l'exposition. 

»  2°  En  attendant  que  le  local  soit  complètement  en  état,  le  comité 
déclare  approuver,  au  nom  de  la  Société,  la  continuation  des  con- 
certs donnés  par  l'initiative  de  Martinet,  désirant  faciliter  ainsi  i'au- 
dition  des  œuvres  des  compositeurs  symphonistes  vivants.  » 

Voici  un  résumé  des  considérations  sur  lesquelles  cette  résolution 
est  appuyée  : 

(!)  Boulevard  des  Italiens,  26. 


^1  II  n'existait  pas,  on  le  sait,  une  salle  où  les  compositeurs  sympho- 
nistes eussent  la  facilité  de  faire  entendre  leurs  œuvres  ;  celle  du 
boulevard  dos  Italiens  vient  combler  cette  lacune.  Les  théâtres,  qui 
doivent  se  consacrer  aux  ouvrages  dramatiques,  leur  sont  naturel- 
lement fermés  ;  d'ailleurs,  la  nature  môme  de  ces  ouvrages,  le  per- 
sonnel nombreux  qu'ils  entraînent,  interdisent  à  nos  scènes  lyriques 
toute  incursion  sur  le  domaine  de  l'art  pur.  La  production  des  sym- 
phonies doit  donc  se  faire  sous  les  auspices  d'une  société  ainsi  formée, 
qu'elle  ait  un  local  convenablement  aménagé  et  qu'elle  soit  le  point 
de  réunion  des  amateurs  sérieux. 

))  Il  faut  bien  le  dire,  jusqu'à  ce  jour,  en  dehors  des  théâtres,  la 
musique  ancienne  a  eu  seule  le  privilège  d'absorber  l'attention  du 
public.  Les  morts,  toujours  les  morts  !  Nous  les  respectons  assuré- 
ment, mais  nous  ne  voyons  pas  pourquoi  on  ne  s'occuperait  pas  des 
vivants  ! 

»  La  salle  d'exposition  du  boulevard  des  Italiens,  pouvant  servir 
en  certaines  circonstances  à  des  auditions  musicales,  inaugure  une 
ère  nouvelle  pour  les  compositeurs  vivants  ;  et  après  les  deux  expé- 
riences qui  viennent  d'avoir  lieu,  on  a  décidé  qu'à  l'avenir  le  prix 
du  plus  grand  nombre  des  places,  qui  peuvent  s'évaluer  à  six  cents, 
serait  fixé  à  5  et  6  francs  en  location,  sans  préjudice  d'un  certain 
nombre  de  places  d'un  prix  plus  élevé. 

»  La  direction  annonce  dès  à  présent  une  série  de  six  concerts, 
dont  le  premier  aura  lieu  dans  le  courant  de  janvier.  Chaque  séance, 
d'une  durée  de  deux  heures  environ,  se  composera  d'une  ou  deux 
œuvres  capitales,  accompagnées  de  productions  de  noms  nouveaux, 
symphonies,  ouvertures,  fragments  de  messe  ou  d'oratorios,  scènes 
de  chant,  parties  d'opéras  inédits,  etc.  » 


CORRESPONDANCE. 


A  Monsieur  le  Rédacteur  en  chef  de  la  Revue  et  Gazette_musicale 
DE  Paris. 


Bruxelles,  29  décembre  1862. 


Mon  cher  collaborateur. 


Permettez  -moi  de  signaler  dans  la  Revue  et  Gazette  musicale  un 
nouveau  système  de  flûte  conçu  et  exécuté  par  M.  Albert,  de  Bruxel- 
les, qui,  à  l'Exposition  internationale  de  Londres,  a  obtenu  une  médaille 
pour  l'excellente  qualité  de  ses  clarinettes.  Dans  mon  volumineux 
rapport  sur  les  instruments  de  musique  qui  figuraient  à  l'Exposition 
universelle  de  Paris,  en  1855,  j'ai  rendu  compte  des  diverses  transforma- 
tions delà  flûte  qui,  de  cylindrique  qu'elle  fut  d'abord,  devint  conique, 
puis  fut  composée  de  deux  parties  dont  une  était  conique  et  l'autre  cy- 
lindrique, et  enfin  redevint  cylindrique  dans  le  dernier  système  de 
Bœhm,  le  seul,  je  pense,  qui  soit  maintenant  adopté  par  les  virtuoses 
flûtistes  de  Paris.  Nul  doute  que  la  qualité  des  instruments  de  cette 
espèce  construits  par  M.  Lot  ne  soit  en  général  très-remarquable  sous 
les  rapports  de  la  justesse,  de  l'égalité  et  du  brillant  dans  le  médium 
et  dans  le  haut  de  l'instrument  ;  mais  on  ne  peut  se  dissimuler  que 
la  sonorité  change  de  caractère  dans  le  bas,  en  sorte  que  le  timbre 
n'est  pas  homogène  dans  toute  l'étendue  de  l'échelle  chromatique. 

C'est  à  cette  imperfection  que  M.  Albert  s'est  proposé  de  remédier 
en  revenant  au  système  du  tube  conique,  en  y  appliquant  tous  les 
perfectionnements  de  Théobalde  Bœhm,  et  en  modifiant  quelques  parties 
du  mécanisme  des  clefs,  de  manière  à  obtenir  des  trilles  plus  fa- 
ciles et  plus  purs  sur  certaines  notes.  Sa  flûte  a  une  égalité  parfaite, 
est  juste  dans  toute  son  étendue,  et  le  timbre  en  est  parfaitement  ho- 
omgène. 

Dans  un  concert  donné  récemment  à  Bruxelles  par  notre  excellent 
professeur  Murts,  du  Conservatoire,  M.  Dumon,  professeur  de  flûte 
de  la  même  école,  artiste  d'élite  et  dont  le  talent  est  plein  de  nou- 


DE  PARIS. 


veautés  dont  on  jugera  bientôt  à  Paris,  M.  Dumon,  dis-je,  a  fait  en- 
tendre la  nouvelle  flûte  de  M .  Albert,  et  a  électrisé  l'assemblée  par 
les  effets  prodigieux  qu'il  en  a  tirés. 
Agréez,  etc. 

FÉTIS  père 


BEVUE  DES  THEATRES. 

OoÉON  :  Misanthropie  et  Repentir,  traduction  nouvelle  de  Kotzebue, 
en  quatre  actes,  par  M.  Pages.  —  Variétés  :  Lh  !  ailes  donc, 
TurlureUe,  revue  en  trois  actes  et  neuf  tableaux,  par  MM.  Th.  Co- 
gniard  et  Clairville.  —  Palais-Roïal  :  les  Trente-sept  sous  de 
M.  Montaudoin,  vaudeville  en  un  acte,  de  MM.  Eug.  Labiche  et 
Ed.  Martin.  —  Ambigu  :  reprise  de  la  Mère  et  la  Fille,  drame  en 
cinq  actes,  par  MM.  Empis  et  Mazères;  Vatel,  ou  le  petit-fils  d'un 
grand  homme,  vaudeville  de  Scribe  et  Mazères.  —  Théâtre  du 
BOULEVARD  DO  Temple:  Léonurd,  drame  en  cinq  actes  et  sept  ta- 
bleaux, par  MM.  Brisebarre  et  Eug.  Nus.  —  Théâtre  Déjazet  : 
la  Veillée,  opérette  en  un  acte,  de  M.  Boy,  musique  de  Mlle  Char- 
lotte Jacques.  —  Réouverture  des  Folies-dramatiques,  dans  la 
rue  de  Bondy:  Bonheur  de  se  revoir,  prologue  d'ouverture  en 
deux  tableaux,  par  M.  H.  Thierry  ;  tes  Fables  de  la  Fontaine,  pièce 
en  trois  actes  et  six  tableaux,  par  M.  H.  Luguet. 

Ah  !  que  la  vertu  outragée  se  venge  cruellement  !  Telle  est  l'épi- 
graphe adoptée  par  Mme  Mole,  comtesse  de  Vallivon,  pour  expli- 
quer d'un  mot  le  sujet  de  sa  traduction  de  Misanthropie  et  Repentir, 
représentée  avec  un  immense  succès  au  Théâtre-FrançaiSj  en  1799. 
Ne  pourrait-on  pas  dire  que  cette  explication  du  drame  si  célèbre  de 
Kotzebue  en  est  en  même  temps  la  critique  ?  Si  Meinau  est  cruel 
dans  sa  vengeance,  au  point  de  ne  pas  la  proportionner  à  l'offense 
de  sa  femme,  le  but  moral  est  dépassé,  et  la  pièce  n'a  plus  sa  raison 
d'être.  C'est  du  reste  l'impression  qu'a  paru  éprouver  une  partie  du 
public  de  l'Odéon,  en  écoutant  la  traduction  nouvelle  donnée  par 
M.  Pages  de  l'œuvre  du  dramaturge  allemand.  L'autre  partie,  et  ce 
n'est  peut-être  pas  la  moindre,  se  conformant  scrupuleusement  à 
l'exemple  de  la  génération  de  la  fin  du  xviif  siècle,  a  cédé,  sans 
trop  de  résistance,  à  l'attendrissement  provoqué  naguère,  chez  les 
âmes  simples  et  candides,  par  les  malheurs  et  par  la  réconciliation 
des  deux  époux.  Nous  doutons  toutefois  que  la  traduction  de  M.  Pa- 
ges, quelle  que  soit  sa  supériorité  sur  celle  de  la  comtesse  de  Valli- 
von, obtienne  jamais  la  vogue  enthousiaste  que  cette  dernière  a  eue, 
et  qui  est  attestée  par  ce  couplet  d'un  spirituel  vaudeville  de  M.  de 
Jouy,  intitulé  :  les  Epreuves  de  Misanthropie  et  Repentir  : 

Contre  vous  chacun  se  déchaîne 
Si  vous  refusez  d'y  pleurer; 
Aussi,  dès  la  première  scène. 
Voit-on  les  mouchoirs  se  tirer. 
On  voit  encore  de  bonnes  âmes 
Pleurer  à  la  pièce  d'après  : 
J'ai  vu  bien  mieux,  j'ai  vu  des  femmes 
Pleurer  en  prenant  leurs  billets. 

Sérieusement,  il  nous  semble  que  le  besoin  d'une  traduction  nou- 
velle ne  se  faisait  pas  sentir.  Le  second  Théâtre-Français  n'est  pas 
institué  pour  sacrifier,  lui  aussi,  à  la  manie  des  reprises  inutiles.  Et 
qu'est-ce  autre  chose  qu'une  reprise  déguisée  ?  Ah  !  si  les  auteurs 
d'aujourd'hui  ne  sont  plus  capables  de  produire  rien  qui  vaille  le 
drame  très-défectueux  de  Kotzebue ,  c'est  autre  chose  !  Qu'on  re- 
prenne du  Corneille  et  du  Molière,  et  personne  n'aura  le  droit  de 
s'en  plaindre. 

—  Le  règne  des  revues  serait-il  donc  définitivement  passé?  On 
le  dit  depuis  longtemps,  et  chaque  année  quelques  succès  partiels 
viennent  donner  un  démenti  à  cette  opinion  qui  n'en  gagne  pas 
moins  du  terrain.  A  en  juger  par  le  triste  sort  de  celle  du  Palais- 
Royal,  qui,  malgré  de  très-piquants  détails,  est  déjà  morte  à  l'heure 


qu'il  est,  il  y  aurait  lieu  de  parier  pour  l'affirmative.  Ce  qu'il  y  a 
de  certain,  et  ce  que  la  revue  des  Variétés  vient  de  démontrer  sura- 
bondamment, c'est  que  le  pubUc  est  las  de  ces  grandes  machines  à 
effets  stéréotypés,  qui  usurpent  toute  la  soirée,  de  sept  heures  à  mi- 
nuit. Autrefois,  les  revues  se  donnaient  la  peine  d'emprunter  leurs 
titres  à  im  fait ,  à  un  événement  de  l'année  écoulée,  comme  les 
Pommes  de  terre  malades  ou  le  Banc  d'huîtres.  Aujourd'hui  elles  se 
contentent  invariablement  du  refrain  le  plus  idiot  qui  se  puisse  ra- 
masser sur  les  boulevards  et  dans  les  '.  MhoMVgs.  Eh!  ailes  donc, 
TurlureUe!  dit  en  ce  moment  l'aiïïche  des  Variétés,  en  attendant  le 
Pied  qui  remue,  qu'on  y  lira  l'année  prochaine.  Mais  ce  ne  serait  que 
demi-mal  si,  de  cette  enseigne  arbitraire,  découlaient  des  drôleries 
amusantes,  des  couplets  finement  aiguisés,  des  tableaux  n'ayant  ja- 
mais servi.  Malheureusement,  il  n'y  a  rien  de  tout  cela  dans  la  pièce 
des  Variétés.  Sur  trois  actes,  il  n'y  en  a  qu'un  qui  ait  obtenu  grâce 
devant  le  parterre  en  courroux ,  c'est  celui  du  déménagement  des 
théâtres  du  boulevard  du  Temple.  On  ne  jouerait  que  ce  seul  acte, 
qu'on  aurait  garde  bien  certainement  de  réclamer  les  autres.  On  est 
rebattu  do  ces  imitations  nauséabondes,  qui  sont  toujours  les  mêmes 
et  toujours  faites  par  les  mêmes  acteurs  ;  on  ne  regretterait  assuré- 
ment pas  davantage  ce  trop  fameux  Royaume  des  femmes  qui  traîne 
depuis  trente  ans  sur  toutes  les  planches,  à  l'Ambigu,  à  la  Porte- 
Saint-Martin  et  jusqu'aux  Délassements-Comiques.  On  ne  devrait  con- 
server de  tout  ce  fatras  que  le  couplet  chanté  par  M.  Campana,  c'est- 
à-dire  par  Arnal  qui  figure  pour  la  première  fois  dans  une  revue  de 
fin  d'année  ;  c'est  même  la  seule  chose  un  peu  neuve  que  nous  puis- 
sions signaler  dans  celle  des  Variétés  ;  jugez  du  reste  ! 

— NousavonsditquelePalais-Royalavait  coupé  court  au^ascodesare- 
vue.  Il  l'aavantageusementremplacée  par  un  très-joliacte,  dû  à  l'heureuse 
collaboration  de  MM.  Labiche  et  Edouard  Martin ,  les  auteurs  de  Y  Af- 
faire de  la  rue  de  Lourcine  et  du  Voyage  de  M.  Perrichon.  Cette 
agréable  nouveauté  s'appelle  les  Trente-sept  sous  de  M.  Montaudoin. 
Tous  les  jours ,  depuis  vingt  ans,  trente-sept  sous  di.sparaissent  du 
porte-monnaie  de  cet  excellent  M.  Montaudoin,  sans  qu'il  ait  pu  mettre 
jamais  la  main  sur  son  voleur  obstiné.  Mais  au  m.ariage  de  sa  fille 
survient  un  vieil  ami  de  province  qui  apporte  deux  choses ,  un  sup- 
plément de  dot  d'environ  13,000  francs  et  un  quatrain  ,  en  forme 
d'épithalame,  qu'il  a  dérobé  à  un  brigadier  de  gendarmerie.  La  somme 
de  13,000  et  quelques  cents  francs  représente  justement  celle  qui  a 
été  prise  à  Montaudoin;  le  quatrain  lui  rappelle  une  tentative  faite 
jadis  contre  son  honneur  conjugal.  L'ami  d'Etampes  est  donc  le  cou- 
pable, ou  plutôt  le  complice  de  Mme  Montaudoin.  Mais,  Dieu  merci  ! 
tout  s'explique  à  la  satisfaction  du  pauvre  mari,  dont  les  trente-sept 
sous  n'ont  fait  que  passer  de  sa  bourse  dans  celle  de  sa  femme,  pour 
grossir  la  dot  de  leur  fille  bien-aimée.  Dire  tout  ce  qu'il  y  a  de  gaieté 
folle  dans  cette  pièce ,  dont  le  principal  rôle  est  merveilleusement 
joué  par  Geoffroy,  nous  serait  impossible.  Ce  n'est  qu'un  long  éclat 
de  rire  depuis  la  première  scène  jusqu'à  la  dernière. 

—  Encore  une  reprise  à  l'Ambigu!  Mais,  cette  fois,  elle  est  justi- 
fiée par  les  représentations  de  Beauvallet,  à  qui  l'on  n'a  pas  eu  le 
temps  de  préparer  une  création.  L'éminent  comédien,  en  quittant 
le  Théâtre  français  pour  revenir  à  la  scène  qui  a  vu  ses  premiers 
succès,  ne  pouvait  mieux  faire  que  de  choisir  une  de  ces  pièces 
mixtes  qui  tiennent  à  la  fois  du  drame  et  de  la  comédie.  Le  person- 
nage de  Duresnel  dans  la  Mère  et  la  fille  a  été  joué  en  1830,  à  l'O- 
déon, par  Frédérick-Lemaître,  qui  y  était  ft)rt  remarquable,  et,  depuis, 
par  Perrier  à  la  rue  de  Richelieu.  Beauvallet,  sans  faire  oublier  ses 
devanciers,  a  de  fort  belles  inspirations  dans  ce  rôle  de  mari  trompé 
qui  se  venge,  non  pas  en  tuant  le  séducteur  de  sa  femme,  mais  en  le 
forçant  de  renoncer  do  lui-même  à  la  main  de  sa  fille,  qu'il  aime 
comme  il  n'a  jamais  aimé  la  mère  de  cette  infortunée.  On  ne  trouve 
pas  dans  cet  ouvrage  de  ces  coups  de  théâtre  qui  plaisent  tant  aux 
habitués  du  boulevard,   mais  il  y  règne  un  intérêt  puissant  et  habi- 


REVUE  KT  GAZETTE  MUSICALE 


lement  ménagé  ;  il  est,  en  outre,  signé  de  deux  auteurs  qui  ont  fait 
leurs  preuves  littéraires,  MM.  Empis  et  Mazères.  Un  petit  vaudeville 
de  ce  dernier,  en  partage  avec  Scribe,  Vatel  ou  le  Petit-fils  d'un 
grand  homme,  dont  les  représentations  se  sont  comptées  par  cen- 
taines au  Gymnase,  sert  de  lever  de  rideau  à  son  dratue  ;  c'est  une 
galanterie  du  directeur  de  l'Ambigu. 

—  L'ancien  théâtre  Historique,  actuellement  théâtre  du  Boulevard 
du  Temple,  essaie  de  vivoter  sur  les  anciens  reliefs  de  son  directeur. 
Léonard  est  un  drame  populaire  qui,  sous  le  titre  de  Retour  de  Me- 
hin,  et  probablement  après  bien  des  infortunes  secrètes,  est  allé  s'en- 
fouir dans  un  recueil  de  pièces  imprimées  sans  avoir  été  jouées. 
C'est  là  que  M.  Brisebarre  l'a  pris  pour  lui  décerner  les  honneurs 
de  la  scène.  Nous  ignorons  jusqu'à  quel  point  cette  licence 
peut  s'accorder  avec  les  termes  de  ses  traités,  de  même  que  nous  ne 
comprenons  pas  comment  certaine  direction  a  le  droit  de  confec- 
tionner en  famille  toutes  les  grandes  pièces  de  son  théâtre. 

Ce  sont  de  ces  mystères  d'autant  plus  difficiles  à  expliquer  qu'il 
existe,  assure-t-on,  une  commission  dea.auteurs  dramatiques  chargée 
de  défendre  les  intérêts  des  nombreux  membres  de  sa  Société,  lésés 
par  tant  d'abus  de  ce  genre  ? 

—  Le  théâtre  Déjazet,  quoique  entraîné,  par  la  force  des  choses, 
daus  une  autre  voie,  n'a  pas  tout  à  fait  renoncé  aux  opérettes.  La 
Veillée  est  un  petit  acte  villageois  très-bien  venu  et  très-bien  disposé  pour 
la  musique.  Il  s'agit  d'un  vieux  grognard  qui  est  à  la  veille  de  faire  la 
folie  d'épouser  une  jeune  femme;  mais  il  s'aperçoit  en  temps  utile 
que  Suzanne  lui  préfère  un  gentil  garçon  dont  il  découvre  qu'il  est  le 
père.  Alors  il  renonce  à  ses  projets  de  mariage,  et  il  unit  les  deux 
jeunes  gens.  Celte  intrigue  légère  a  fourni  à  Mlle  Chariotte  Jacques, 
une  jeune  musicienne  déjà  connue  dans  le  monde  artistique,  l'occasion 
de  mettre  en  évidence  un  talent  de  composition  qui  doit  briller  un 
jour  sur  une  plus  vaste  scène.  On  a  surtout  applaudi  une  gracieuse 
ariette  chantée  par  Suzanne,  ainsi  que  des  couplets,  tous  pleins  d'un 
sentiment  exquis,  fort  bien  interprétés  par  Pascal.  C'est  un  début  des 
plus  heureux  et  des  plus  encourageants  pour  l'avenir  de  Mlle  Jacques. 

Nous  devons  une  mention  honorable  aux  deux  vaudevilles  nou- 
veaux qui  accompagnent  la  Veillée  ;  l'un,  les  Tempêtes  du  célibat,  est 
un  joyeux  croquis  de  mœurs  intimes,  par  MM.  Montagne  et  Dela- 
haye;  l'autre.  Prise  au  piège,  est  un  piquant  chapitre  de  la  science 
conjugale,  par  MM.  Henry  de  Kock  et  Koning. 

—  Le  théâtre  des  Folies-Dramatiques,  qui  chômait  depuis  plu- 
sieurs mois,  vient  da  procéder  à  sa  réouverture  dans  une  salle  nou- 
vellement construite  rue  de  Bondy,  au  fond  d'une  cour,  entre  l'Am- 
bigu et  le  Château-d'Eau.  Pour  ne  pas  manquer  les  recettes  de  la  pre- 
mière quinzaine  de  janvier,  on  a  laissé  à  peine  le  temps  aux  peintres 
et  aux  décorateurs  d'achever  leur  besogne.  Cependant  il  est  aisé  de  se 
rendre  compte  du  charmant  ensemble  qu'offrira  cette  salle  lorsque 
les  ouvriers  n'y  seront  plus.  La  soirée  d'inauguration  n'a  d'ailleurs  pas 
souffert  de  cette  fête  un  peu  trop  prématurée.  Le  public  habituel  des 
Folies  a  revu  avec  un  vif  plaisir  ses  acteurs  favoris,  ses  actrices  de 
prédilection.  Un  prologue  en  deux  tableaux,  intitulé  Bonheur  de  se 
revoir,  a  été  criblé  d'applaudissements.  Les  Fables  de  la  Fontaine, 
pièce  en  trois  actes  et  six  tableaux,  n'ont  pas  été  aussi  bien  accueil- 
lies ,  mais,  avec  quelques  coupures  intelligentes,  elles  accompliront 
une  longue  et  fructueuse  carrière.  Il  faut  si  peu  d'efforts  à  ce  théâtre 
pour  contenter  ces  bons  bourgeois  du  j\larais  qui  ont  déjà  fait  une 
fois  sa  fortune  et  qui  ne  demandent  pas  mieux  de  la  recommencer 
sur  nouveaux  frais  ! 

ii.  A.  I).  SAINT-YVES. 


NOOVELLES. 

»**  Au  théâtre  impérial  de  l'Opéra,  VEtoih  de  Messine  a  été  lundi  l'oc- 
casion  d'un  nouveau  triomphe  pour  Mme  Ferraris.  Mercredi  on  a  donné 
la  Juive  et  vendredi  les  Huguenots  devant  une  salle  comble.  Aujour- 
d'hui on  jouera  Guillaume  Tell,  suivi  du  Marché  des  hmocents ,  et  de- 
main le  Prophète. 

**«  Dans  le  cours  de  ce  mois,  doivent  avoir  lieu  les  premières  re- 
présentations de  l'ouvrage  en  deux  actes  de  Victor  Massé,  du  ballet  de 
Mme  Taglioni  et  Boulanger,  ainsi  que  la  reprise  de  ta  Muette  de  Portici. 

**«  Les  rôles  de  la  Muette  de  Portici  seront  remplis  par  Gueymard 
(Masanielloj,  Dulaurens  (Alphonse),  Cazaux  (Pietro);  Mme  Vendenheuvel- 
Duprez  (Elvire),  et  Mlle  Marie  Vernon  (Fenella). 

**t  Mlle  Livry  est  en  pleine  convalescence.  La  trace  de  ses  bles- 
sures s'efface  et  le  sommeil  commence  à  réparer  ses  forces. 

«**  M.  Alphonse  Royer  a  pris  possession  de  sa  place  d'inspecteur 
général  des  beaux -arts,  à  laquelle  il  a  été  récemment  nommé. 

***  Caussade  est  revenu  à  l'Opéra-Comique;  il  y  est  rentré  par  le 
rôle  de  Daniel,  du  Chalet. 

**»  Sainte-Foy  quitte  le  théâtre  Lyrique  pour  rentrer  à  l'Opéra- 
Comique,  où  le  pubhc  sera  très-content  de  le  revoir. 

***  Toujours  la  même  foule  et  le  même  succès  aux  représentations 
d'Adelina  Patti,  qui  a  chanté  la  semaine  passée  dans  le  Barbiere,  la 
Sotmambula  et  Lucia. 

**^  Mlle  Trebelli  a  fait  jeudi  soir  une  brillante  rentrée  dans  Lucresia 
Borgia,  où  elle  chantait  avec  sa  supériorité  habituelle  le  rôle  d'Orsini. 
Le  public  a  revu  cette  excellente  artiste  avec  le  plus  grand  plaisir 
et  l'a  souvent  applaudie.  JJme  Penco,  dans  le  rôle  de  Lucrezia, 
et  Naudin  dans  celui  de  Gennaro,  ont  obtenu  un  succès  aussi  grand 
que  mérité.  L'excellent  ténor  a  dû  dire  deux  fois  la  cavatine  du  troi- 
sième acte ,   qu'il  avait  chantée  avec  un  goût  exquis. 

**:j  Les  opéras  de  Flotow,  Straddta  et  la  Nuit  aux  dupes,  sont  en  pleine 
répétitions  au  théâtre  de  l'opéra  Italien  et  à  celui  de  l'Opéra-Comique.  La 
première  représentation  en  sera  probablement  donnée  vers  la  fin  de  ce 
mois. 

^,*^  Wallace,  l'auteur  de  Maritana,  Lurline  et  autres  opéras  qui 
jouissent  d'une  réputation  très-légitime,  se  trouve  pour  quelques  se- 
maines à  Paris,  et  s'occupe  de  la  composition  d'un  nouvel  opéra. 

»*;,,  La  première  représentation  d'Ondine,  de  Semet,  qui  avait  été  an- 
noncée pour  mercredi  dernier,  est  remise  à  la  semaine  prochaine. 

^*sf  Di  Gioja  insolita,  la  délicieuse  valse  de  Strakosch,  n'obtient  pas 
moins  de  succès  dans  les  salons,  qui  déjà  l'ont  adoptée,  qu'au  théâtre 
où  Adelina  Patti  la  chante  avec  tant  de  verve  et  de  brio. 

***  A  la  grand'messe  qui  a  été  dite  aux  Tuileries  dans  la  matinée  du 
1/'^  janvier,  on  a  exécuté  deux  morceaux,  un  Kyrie  et  un  Gloria  compo- 
sés par  Auber,  et  Mlle  Sax  a  chanté  un  0  salutaris. 

^*a,  Par  suite  du  décès  de  S.  Em.  Mgr  le  cardinal  Morlof,  l'exécution 
du  Requiem  de  Mozart,  qui  aura  lieu  à  Notre-Dame,  à  l'occasion  de  la 
translation  des  dépouilles  mortelles  des  archevêques  de  Paris,  et  qui 
avait  éié  fixée  au  8  janvier,  est  remise  au  vendredi  9  janvier,  à  onze 
heures  et  demie.  On  peut  se  procurer  à  l'avance  des  places  dans  l'en- 
ceinte réservée,  en  s'adressant  à  M.  Bolle-Lasalle,  agent  trésorier  de 
l'association  des  artistes  musiciens,  rue  de  Bondy,  68. 

„,*„,  Voici  le  programme  du  3=  concert  de  la  deuxième  série  des  con- 
certs populaires  de  musique  classique  qui  aura  lieu  aujourd'hui  au 
Cirque  Napoléon  :  Symphonie  de  la  Reine,  de  Haydn  ;  concerto  pour  vio- 
lon en  la  mineur,  composé  et  exécuté  par  II.  Vieuxtemps;  ouverture 
(X'Alhalie  (redemandée),  de  Mendelssohu  ;  air  de  ballet  de  Promélhée,  de 
Beethoven  ;  ouverture  du  FreysrMtz,  de  Weber.  L'orchestre  sera  dirigé 
par  M.  J.  Pasdeloup. 

^*^  Lundi  soir,  la  maison  Pleyel,  WolS  et  G"  avait  invité  les  pianistes 
et  amateurs  de  musique  à  venir  essayer  et  entendre  les  instruments  de 
concert  destinés  à  la  prochaine  saison  :  cette  soirée  a  offert  un  intérêt 
exceptionnel  par  la  réunion  des  célébrités  les  plus  en  vogue  et  des  ta- 
lents les  plus  divers.  On  a  entendu  successivement,  sans  qu'aucun  pro- 
gramme ni  aucun  ordre  vinssent  entraver  l'inspiration  de  chacun,  Mme  Szar- 
vady  Clauss,  MAI.  Mathias,  Ritter,  Saint-Saens,  G.  Pfeiffer,  J.  Wieniawski, 
Kettcrer,  Magnus,  Delioux,  etc.  Chaque  pianiste,  choisissant  l'instrument 
le  plus  sympathique  à  ses  qualités  individuelles,  et  excité  par  cette  espèce 
de  tournoi  artistique  qui  n'avait  pour  auditeurs  qu'un  petit  nombre 
d'élus,  a  pu  faire  valoir,  l'un  la  grâce  et  la  légèreté  du  clavier,  l'autre 
la  puissance  et  la  largeur  des  sona,  tous  enfin  ce  chant  sympathique  et 
moelleux  qui  distingue  plus  que  jamais  les  pianos  de  la  maison  Pleyel, 
Woltf  et  C".  On  a  vivement  regretté  que  J.  Schulhoff,  qui  fuit  si  admira- 
blement valoir  ces  beaux  instruments,  absent  de  Paris  en  ce  moment, 
n'ait  pu  se  joindre  â  la  brillante  pléiade. 

^*,^  Aojourd'nui,  première  séance  de  musique  de  chambre,  donnée  dans 
les  salons  de  Pleyel  et  Wolff,  par  M.  Charles  Dancla ,  avec  le  concours 
de  MM.  Léopold  Dancla  E.  Altès,  Sébastien  Lee  et  Mlle"  Sabatier  Blot. 


DE  PARIS. 


^*^  Le  ministre  de  l'instruction  publique  et  des  cultes  vient  de  confier 
à  M.  Cavaillé-Coll  la  restauration  ou  plutôt  la  reconstruction  de  l'orgue 
de  l'église  métropolitaine  de  Notre-Dame.  Son  Excellence  ne  pouvait, 
pour  l'exécution  de  ce  travail  monumental,  faire  choix  d'un  artiste  qui 
se  recommandât  mieux  par  ses  œuvres  et  par  la  célébrité  qu'elles  lui 
ont  conquise  dans  toute  l'Europe,  que  l'auteur  des  orgues  de  Saint-Denis, 
de  la  Madeleine  et  de  Saint -Sulpice. 

***  A  Nice,  on  a  exécutée  l'église  Saint-François  de  Paule,  le  jour  de 
Noël,  un  0  salutaris,  de  M.  Charles  Manry,  pour  soprano,  violon  et  orgue, 
chanté  déjà  plusieurs  fois  à  Paris  avec  un  grand  succès.  On  peut  se 
faire  une  idée  de  l'effet  qu'a  produit  ce  morceau  en  parcourant  les 
journaux  qui  ont  rendu  compte  de  cette  exécution,  et  M.  Charles  Manry, 
qui  était  à  Nice,  a  été  vivement  complimenté  par  les  auditeurs  qui  aiment 
la  musique  sérieuse  et  inspirée. 

■s**  Sous  les  titres  la  Plainte  du  pâtre  et  l'Avenir  est  à  Dieu,  viennent 
de  paraître  deux  romances  de  Dassier,  l'auteur  d'un  grand  nom- 
bre de  compositions  semblables,  dont  la  plupart  sont  devenues  po- 
pulaires. Ces  nouvelles  romances,  qui  se  distinguent  aussi  bien  par  la 
musique  biea  inspirée  que  par  les  paroles,  obtiendront  probable 
ment  la  vogue  de  la  Vengeance  corse,  Pour  les  pauvres,  merci.  Va-t'en, 
je  t'aime,  etc. 

^**  Le  nombre  des  opéras  nouveaux  d'auteurs  italiens  représentés 
pendant  l'année  1862  s'élève  jusqu'à  vingt,  et  en  voici  la  nomenclature  : 
Marion  Delorme,  de  Bottesini  ;  iVormile,  de  Braga  ;  Caterina  Blum,  de 
Bevignani  ;  la  Malora  de  Chiaja,  de  Bonomi  ;  Leojie  Isauro,  de  Cianchi  ; 
Maria  di  JVewôwrffOjdeChiaromonte;  Angioladi  Ghemme,  de  Crescimanno; 
Vlrico  e  Lida,  de  Capranica;  Werther,  de  Gentili;  d:,n  Carlos,  de  Mos- 
cuzza;  Balitta,  de  Kinterland  ;  don  Fabio,  dePenso;  Castellana  cli  Thurn, 
de  Rachele;  Ginovra  di  Scozia,  de  Rota;  Ivanhoe,  de  Savi;  [ginia  dAsti, 
de  Sangiorgi  ;  Carlo  di  Borgogna,  de  Varvaro  ;  la  Forza  dcl  destino,  de 
"Verdi;  Luisa  Strozzi,  de  Viceconte;  Paola  Monti,  de  Zappata. 

^*^  Mlle  Marie  Beaumetz  donnera  avec  le  concours  de  MM.  Alard , 
Franchomme  et  Mohr,  trois  matinées  musicales  qui  auront  lieu  les  7  et 
21  janvier,  et  U  février,  rue  du  Bac,  n°  37. 

/^  La  distribution  des  prix  du  Conservatoire  de  Marseille  a  eu 
lieu  avec  grande  solennité.  Après  un  discours  du  maire,  le  concert  a 
commencé  par  une  belle  ouverture  d'Auguste  Morel,  directeur  de  l'éta- 
blissement. Les  honneurs  de  la  séance  ont  été  pour  Mlle  Paloo,  pre- 
mier prix  de  piano,  élève  de  Mlle  Marie  Perez.  Cette  jeune  personne 
a  brillamment  exécuté  le  rondo  pastoral  du  concerto  de  Georges 
Pfeiffer. 

^*4  Le  salon  de  notre  confrère,  M.  Pitre  Chevalier,  fermé  depuis 
quatre  ans  par  un  deuil  austère,  a  été  cette  année  l'un  des  premiers  à 
rouvrir  ses  portes,  et  à  voir  revenir  cette  foule  d'artistes  accoutumés  à 
s'y  produire  avec  tant  de  charme.  Tout  salon  est  un  théâtre,  et  le  théâ- 
tre de  la  rue  des  Ecuries-d' Artois  a  une  troupe  excellente.  L'autre  soir 
on  y  a  représenté  une  comédie  en  wagon  intitulée  :  De  Pont-V Evêque 
à  Trouville,  ou  la  Question  du  cigare,  dont  M.  Pitre-Chevalier  est  l'auteur. 
A  cette  même  soirée,  la  musique  avait  pour  interprètes  Géraldy,  Délie 
Sedie,  Anthiome  père  et  fils,  M.  et  Mme  Oscar  Comettant  et  plusieurs 
autres,  dont  la  liste  nous  entraînerait  trop  loin. 

^*^  Un  amateur  distingué,  M.  A.  de  Panette,  à  qui  l'on  doit  plusieurs 
compositions  remarquables,  vient  de  faire  paraître,  chez  l'éditeur  Jules 
Heinz,  un  Ave  verum,  chœur  avec  solo  et  accompagnement  d'orgue.  Ce 
morceau  se  recommande  aux  amateurs  de  bonne  musique  par  la  pu- 
reté du  style,  la  beauté  de  l'harmonie,  et  surtout  par  le  caractère  reli- 
gieux dont  il  est  empreint. 

,^*^  La  Gasetta  musicale  publiée  à  Milan  par  Ricordi,  annonce  qu'elle 
suspend  momentanément  sa  publication,  qui  existait  depuis  vingt-ans. 

^*^  En  attendant  l'analyse  que  nous  nous  proposons  ae  faire  des  œu- 
vres pour  piano  d'Aloys  Kunc,  mentionnons  la  dernière  publication  de 
ce  maître  de  chapelle  dont  les  œuvres  sacrées  sont  très-appréciées.  Il 
s'agit  d'un  nocturne  pour  deux  voix  sur  les  charmantes  paroles  d'Adol- 
phe Catelin.  Les  frères  Guidou  disent  avec  beaucoup  de  sentiment  cette 
mélodie  qui  a  pour  titre  :  Matelots  bretons. 

»*:t  Un  nouveau  journal  de  musique,  consacré  principalement  au 
chant  choral,  vient  de  paraître  sous  le  titre  la  Musique  populaire,  cho- 
rale, instrumentale,  religieuse.  M.  L.  d'Aubel  est  le  rédacteur  en  chef, 
et  M.  Lebeau,  aine,  le  directeur-propriétaire  de  ce  journal  qui  paraî- 
tra mensuellement  en  format  in-S". 

f.*.^,  La  faculté  productive  de  llozart  dépasse  toutes  les  proportions 
connues.  On  peut  s'en  faire  une  idée  en  consultant  le  catalogue  thé- 
matique de  ses  œuvres  que  vient  de  publier  M.  Kœchel,  et  qui  ne  men- 
tionne pas  moins  de  626  ouvrages  achevés,  200  autres  non  terminés,  et 
une  cinquantaine  sur  lesquels  il  y  a  doute. 

*'**  L'éditeur  G.  Heioze,  à  Leipzig,  annonce  la  prochaine  publication 


en  allemand  des  œuvres  littéraires  d'Hector  Berlioz,  traduites  par  Ri- 
chard Pohl.  Après  trois  volumes  contenant  A  travers  chants,  les  Grotesques 
de  la  musique  et  les  Soirées  de  l'orchestre,  paraîtront  probablement  les 
Mémoires  de  Berlioz.  Nul  doute  que  ces  traductions  n'obtiennent  la 
vogue  des  ouvrages  originaux,  dont  plusieurs  éditions  sont  déjà  épuisées. 

.^*^  M.  Johu-Hamilton  Braham,  chanteur,  et  fils  du  célèbre  chanteur 
JohnBraham,  mort  en  1856,  est  décédé  le  22  décembre  à  Rochester. 


CHRONIQUE    ETRAS^GERE. 


^*,i,  Bruxelles.  —  La  Servante  maîtresse  qui  avait  été  froidement 
accueillie  à  sa  première  représentation  au  théâtre  de  la  Monnaie, 
est  devenue  un  vrai  triomphe  pour  la  mémoire  de  Pergolèse  le  second 
jour.  Mme  Dupuy,  MM.  Bonnefoi  et  Carrier,  qui  avaient  fort  bien  in- 
terprété cet  opéra  bouffe ,  ont  été  chaudement  applaudis  et  rappe- 
lés. Mlle  Monrose  vient  d'obtenir  un  très -grand  succès  à  la  reprise 
de  la  Fille  du  régiment.  —  Un-'nouveau  ballet,  les  Songes,  de  M.  Justa- 
ment,  a  parfaitement  réussi.  —  On  répète  le  Frey^chutz  de  "Weber  avec 
les  récitatifs  de  Berlioz. 

^*i  Berlin.  —  Du  21  au  31  décembre  l'opéra  de  la  Cour  a  donné  : 
Joseph,  de  Méhul  ;  Ekctra,  le  nouveau  ballet  de  Taglioni  ;  les  Bugue- 
nois,  de  Meyerbeer  et  la  Mustte  de  Portici,  d'Auber.  —  Les  amis  et 
admirateurs  de  Mme  Koester  ont  offert  un  banquet  à  l'excellente  canta- 
trice qui ,  comme  nous  l'avons  annoncé ,  quitte  le  théâtre  royal  de 
l'Opéra. 

^*»  Vienne.  —  Richard  Wagner  a  donné,  au  théâtre  An  der  "Wien,  un 
concert  où  il  a  fait  exécuter  des  fragments  de  deux  compositions  ina- 
chevées :  les  MaUres  chanteurs  et  l'Anneau  de  Nibelungen.  —  On  annonce 
un  ballet  nouveau  composé  par  la  célèbre  ballerine,  Mlle  Couqui;  il  s'in- 
titule Actée;  l'action  se  passe  du  temps  de  Néron.  — ■  Le  premier  concert 
historique  de  M.  Zellner  a  offert  un  vif  intérêt.  On  y  a  entendu  succes- 
sivement des  morceaux  qui  représentaient  l'art  musical  au  xv%  xvn'= 
et  x-vin»  siècle.  Nous  citons  :  Chant  du  combat ,  composition  vigoureuse 
et  caractéristique,  par  Matthieu  de  Kennat  (xv«  siècle);  trio  choral  par 
Zachau;  fragments  de  Rameau;  sonate  de  Locatelli  ;  ariette  de  l'opéra; 
le  Tonnelier,  par  Audinot;  air  avec  chœur  de  femmes,  par  T.  Bach 
(xxui"  siècle);  enfin.  Chant  des  bergers,  tiré  de  Rosamonde,  opéra  de 
Fr.  Schubert.  Ce  dernier  morceau  a  eu  les  honneurs  de  la  soirée. 

s,**  Tubingen.  —  Diverses  sociétés  musicales  se  sont  réunies  dans  la 
salle  du  musée  pour  exécuter  une  pastorale  de  Ilœndel.  Cette  tentative  a 
été  si  favorablement  accueillie  qu'on  se  propose  de  la  renouveler  inces- 
samment. 

^*^  Prague.  —  Un  compositeur  viennois,  M.  Théodore  Lœwe,  a  fait 
représenter  ici  un  opéra  nouveau  :  Concini.  Le  succès  a  été  des  plus 
honorables.  L'auteur  a  été  appelé  plusieurs  fois  sur  la  scène. 

^**  Turin.  —  Le  2-5  décembre,  a  eu  lieu,  au  théâtre  Regio,  la  repré- 
sentation des  Vêpres  siciliennes,  écrites  il  y  a  quelques  années  par  Verdi 
pour  l'opéra  français.  Cet  ouvrage  a  été  froidement  accueilli, 
mais  une  cantatrice,  la  signera  Bendazzi,  y  a  obtenu  un  succès 
d'enthousiasme.  Une  étendue  de  deux  octaves  et  demi,  un  timbre 
délicieux,  une  force  extraordinaire,  principalement  dans  les  notes 
aiguës,  sont  les  principales  qualités  de  cette  voix  extraordinaire,  et, 
chez  la  signera  Bendazzi,  la  nature  est  aidée  par  l'art.  Elle  a  provoqué 
des  applaudissements  unanimes.  —  Un  ballet  historique  en  cinq 
actes,  du  chorégraphe  Federico  Fusco,  musique  du  maestro  Enrico  Ber- 
nardi,  Marco  Visconti,  a  fait  au  même  théâtre  un  fiasco  complet.  —  On 
a  exécuté,  le  jour  de  Noël,  au  temple  Pan  Giovaui,  une  messe  pastorale 
de  M.  Turina,  maître  de  chapelle  du  roi  Victor-Emmanuel.  On  dit  grand 
bien  de  cette  œuvre  distinguée. 

/^  Âlilan.  —  On  vient  de  représenter,  à  la  Scala,  Rienzi,  opéra,  dra- 
matique en  trois  actes,  libretto  de  M.  l'iave,  musique  du  maestro  Achille 
Péri.  L'insuffisance  et  le  caractère  par  trop  lugubre  du  poëme  ont  in- 
flué, paraît-il,  sur  l'inspiration  du  musicien  et  ont  amené  le  succès  né- 
gatif de  l'ouvrage.  —  On  a  donné  au  même  théâtre  un  ballet  fantastique, 
le  Stelle,  du.  chorégraphe  P.  Taglioni,  qui  semble  n'avoir  guère  mieux 
réussi.  La  musique  de  ce  dernier  ouvrage  est  de  M.  Hertel.  —  La  troupe 
du  théâtre  de  la  Scala  se  compose,  pendant  la  saison  du  carnaval,  de 
Mmes  Borghi-Mamo,  Colson,  de  Vriès,  Monginl,  Stecchi  et  Pati;  des  té- 
nors Galvani,  Landi  et  Negrini;  des  barytons  Giucciardi  et  Laccomano; 
les  basses  Bremond  et  Fiorini . 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


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Exposition  universelle  de  Londres,  1862,  PRIZE  MEDAL,  avec  cette  mention  :  POUR  BXCEIiliENCB  DE  TOUTE  ESPÈCE  D'INSTRUMENTS  DE  CUIVRE. 
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vient  de  se  reproduire  à  Londres  avec  plus  d'éclat  encore  :  aussi  le  Jury  international  vient-il,  en  plaçant  ces  instruments 
au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimité,  h  M.  Henri  HERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection 
reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  solidilé,  de  la  sonorité,  de  l'égalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  d' expression.  (Rapport  du  Jury  international.) 


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Exposition  de  1849. 

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MÉDAILLE  D'ARGEKT    DE  1"  CLASSE 

A  l'exposition  universelle  de  paris  18S5. 

racteur  du    Conservatoire  et  de 
rA.cadéuile  Impériale  de  Parla. 

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REVUE 


11  Janvier  1863. 


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Paris 24  fr. paras 

Déparlemenls,  Belgique  et  Suisse..,.    30  .»       id. 

Élrunger 34  n       14. 

Le  Journal  paraît  le  Diuiuocbo. 


GAZETTE  MUSICALE 


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primes  qae   nous  leur  offrons  à  titre  d'étrennes   sont 

A  leur  disposition,  et  nous  les  prions  de  vouloir  bien 

les  faire  prendre  dans  nos  bureaux. 

Nous  les  euToyons  vrastco  aux  Abonnés  de  province. 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  Lyrique  :  Ondine,  opéra-comique  en  trois  actes,  paroles 
de  MM.  Lockroy  et  Mestepës,  musique  de  M.  Théodore  Setnct,  par  liéou 
Darocber.  —  Auditions  musicales,  par  Adolphe  Botte.  —  Revue  criti- 
que, par  Fctis  père.  —  Traité  d'harmonie,  d'Henri  Reber,  par  A.  Elwart. 
—  Nouvelles  et  annonces. 


THEATRE  LYRIQUE. 

Opéra-comique  en  trois  actes,  paroles  de  MM.  Lockroy  et  Mestepès, 
musique  rie   M.  Théodore  Semet. 

(Première  représentation   le  7  janvier.) 

Le  conte  d'Ondine,  œuvre  du  baron  de  Lamotte-Fouqué,  a  joui  en 
Allemagne,  lors  de  son  apparilion,  d'une  vogue  peu  ordinaire.  C'était 
vers  1815.  Le  baron  de  Lamotte-Fouqué,  officier  prussien  malgré  son 
nom  —  il  descendait  d'un  gentilhomme  prolestant  à  qui  les  persécu- 
tions du  gouvernement  de  Louis  XIV  avaient  fait  quitter  la  France, 
—  épuisé  de  fatigue  après  la  terrible  campagne  de  1813,  .s'était  retiré 
dans  ses  terres  pendant  les  campagnes  de  France ,  auxquelles  il  ne 
prit  aucune  part.  C'est  pendant  ce  repos  forcé,  et  pour  employer  ses 
loisirs,  qu'il  écrivit  et  publia  diverses  œuvres,  parmi  lesquelles  figure 
ce  joli  conte  de  fées. 

«  A  mon  arrivée  en  Allemagne,  toutes  les  personnes  à  qui  je  parlai 
de  la  littérature  allemande,  sans  en  excepter  une  seule,  me  deman- 
dèrent si  je  connaissais  Ondine;  toutes  me  témoignèrent  leur  étonne- 
ment  de  ce  que  je  n'avais  pas  lu  ce  charmant  ouvrage,  et  me  sup- 
plièrent de  le  lire.  J'étais  trop  occupé  de  travaux  sérieux  pour  donner 
même  quelques  instants  à  la  lecture  d'un  roman.  Enfin,  une  jeune 
personne,  belle,  aimable  et  spirituelle,  me  donna  l'ouvrage,  en  exi- 
geant que  je  le  lusse.  Peu  d'heures  après,  je  courus  la  remercier  des 
moments  délicieux  que  son  livre  venait  de  me  faire  passer.  » 

Voilà  ce  que  M.  Monnard,  qui,  bientôt  après,  fut  nommé  professeur 
de  littérature  à  l'Académie  de  Lausanne,  écrivait  de  Francfort,  le  15 


août  1816,  à  Mme  la  baronne  de  Montolieu.  Il  lui  envoyait  en  même 
temps  le  petit  volume  qui  avait  tant  de  succès  chez  nos  voisins,  et 
l'engageait  à  le   traduire.  Mme  de  Montolieu  suivit  ce  conseil,  et  sa 
traduction  fut  publiée  à  Paris,  en  1819,  par  le  libraire  Arthus  Ber- 
trand. Ondine  ne  fit  pas  en  France  autant  de  bruit  qu'en  Allemagne  : 
mais   il  s'en   faut  de   beaucoup    qu'elle   ait    passé    inaperçue.    Le 
merveilleux  qui  lui  sert  de  base  n'avait  rien  d'étrange  pour  des  ima- 
ginations façonnées  par  l'étude  de  la  poésie  antique,  préparées  h  la 
connaissance  des  ondins  par  celle  des   néréides,  potamides,  naïades, 
limnades,  etc.  Sous  un  nom  moderne,  c'était  précisément  la  même 
chose,  tant  il  est  vrai  que  l'imagination  humaine  tourne  toujours  dans 
le  même  cercle,  et  qu'il  n'y  a  rien  ds  nouveau  sous  le  soleil,  comme 
le  disaitdéjà,  il  y  a  plus  de  trente  siècles,  le  roi  philosophe  Salomon.  Ce 
lac,  ces  fleuves,  ces  torrents,  ces  fontaines  peuplés  d'êtres  surnatu- 
rels, ces  cascades  qui  s'animent ,  ces   fantômes  qui  se  dissipent  au 
brouillard,  sont  tout  aussi  amusants  que  les  tours  d'adresse  du   petit 
Poucet,  ou  les  miracles  de  la  lampe  d'Aladin.  La  fable  inventée  par 
le  baron  prussien  ne  manque  pas  d'intérêt.  Le  caractère  d"Ondine  est 
charmant,  et  les  détails  du  conte  sont  souvent  pleins  de    poésie.  11 
restait  à  savoir  si  cette  matière   pouvait  être  matérialisée,  et  si  elle 
prendrait  impunément  les  formes  précises  qu'exige  impérieusement  le 
théâtre. 
Pour  éclaircir  ce  dernier  point,  un  seul  exemple  nous  suffira. 
«  Le  soleil  était  déjà  baissé,    raconte  le  chevalier  Huldbrand,  et 
je  sentais  la  fraîcheur  du  soir.  A  travers  le  feuillage  je  vis  briller 
un  sentier  très-blanc  :  il  me  tenta.   Je  crus  qu'il  pourrait  me  con- 
duire hors  de  la  forêt,  et  à  la  ville.  Je  voulus  le  gagner  en  me  pres- 
sant contre   les  arbres.   Mais  un  visage  tout  blanc,  dont  les  traits 
étaient  vagues,  et  changeaient  à  chaque  instant,  me  regardait  à  tra- 
vers les  feuilles.  Je  voulais  l'éviter,  et,  de  quelque  côté  que  je  rae 
tournasse,  je  le  voyais  toujours.   Courroucé,  je  voulus  pousser  mon 
cheval  sur  lui  :  mais  il  me  jeta  au  visage  et  dans  les  yeux  de  mon 
cheval  une  écume  blanche  comme  de  la  crème  fouettée  ou  comme 
celle  du  ruisseau,  qui  manqua  nous  aveugler,  et  nous  fit  faire  volte- 
j  face.  Il  nous  pourchassa  ainsi  pas  à  pas,  en  nous  éloignant  toujours 
I  du  sentier,   et  ne  nous  permettant  pas  de   nous  écarter  de  la  seule 
j  route  qu'il  nous  laissait  libre,  et  qu'il  paraissait  nous  indiquer.  Lorsque 
nous  la  suivions  docilement,  il  se  tenait  toujours  derrière  mon  che- 
val ...  Je  tournais    quelquefois  la    tête   pour   le  regarder:  je  voyais 
que  ce  visage  écumant   et  complètement  blanc    était  placé  sur  un 
corps  blanc  aussi,  et  d'une  grandeur  gigantesque.  Il  y  avait  des  mo- 
ments où  il  rae  paraissait  que  c'était  un  jet  d'eau  ambulant  :  mais  il 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALK 


m'était  impossible  de  m'en  assurer  positivement,  car,  dès  que  je 
m'arrêtais,  on  que  je  voulais  m'en  approcher  de  plus  près,  l'écume 
blanche  recommençait  à  jouer  son  rôle....  Nous  cédâmes  à  la  fin  à 
la  volonté  de  l'homme  blanc,  qui....  faisait  continuellement  un  signe 
de  tête,  comme  pour  me  dire  :  «  Bien,  Irès-bien,  obéis.  »  C'est  ainsi 
que  nous  avons  atteint  l'extrémité  de  la  forêt,  etc.  » 

Ce  fantôme  blanc,  c'est  l'oncle  Fraisondin,  qui  amène  ainsi  la  pre- 
mière rencontre  du  chevalier  et  d'Ondine.  Il  se  présente,  plus  sou- 
vent sous  la  même  forme,  celle  d'un  «  jet  d'eau  ambulant.  »  L'esprit 
du  lecteur  peut  se  prêter  à  ces  fantaisies  d'un  poëte.  Mais  au  théâtre, 
tout  acteur,  comme  qu'on  s'y  prenne,  est  un  homme.  Il  faut  qu'i' 
ait  des  jambes,  des  bras,  des  épaules,  un  visage  humain,  et  que  ses 
pieds  foulent  le  sol.  Il  ne  peut  faire  qu'un  pas  à  la  fois,  allure  bien 
pesante  pour  être  surnaturel  !  Pour  ce  qui  est  des  vêtements  blancs, 
et  du  visage  entièrement  blanc,  cela  n'est  de  mise  qu'aux  Funam- 
bules. Au  théâtre  Lyrique,  on  n'a,  pour  représenter  Fraisondin,  que 
le  visage  et  les  traits  de  M.  Battaille,  lesquels  n'ont  rien  de  fantas- 
tique assurément. 

Les  auteurs  d'Ondine  ont  dû,  en  conséquence,  transformer  Fraison- 
din. Ils  en  ont  fait  un  personnage  grotesque,  et  c'est  sur  lui  qu'ils 
ont  compté  pour  égayer  leur  pièce.  Il  est  gourmand,  il  est  ivrogne, 
il  n'a  aucune  idée  des  plus  simples  convenances,  il  dit  et  fait  raille 
sottises.  Mais,  en  même  temps,  c'est  lui  qui  mène  tout.  Rien,  dans 
le  passé,  ne  lui  est  inconnu;  rien,  dans  le  présent,  ne  lui  échappe. 
Il  a  le  don  de  seconde  vue,  comme  nos  somnambules  prétendent 
l'avoir.  11  voit  tout,  il  entend  tout,  malgré  les  plus  grandes  distances; 
il  lit  au  fond  des  cœurs,  et  en  pénètre  les  replis  les  plus  secrets. 
Parfois  même  il  prévoit  l'avenir.  Comment  un  être  aussi  savant  et 
d'une  si  merveilleuse  intelligence  commet-il  tant  de  balourdises? 
Comment  blesse-t-il  tous  ceux  auxquels  il  cherche  à  plaire  !  Comment 
perd-il  sa  nièce  par  les  efforts  même  qu'il  prodigue  pour  assurer  son 
bonheur?  11  y  a  là  quelque  chose  de  contradictoire,  qui  ne  se  com- 
prend pas,  qui  révolte  le  bon  sens,  et  qui  ne  peut  s'admettre,  même 
dans  un  conte  de  fées. 

Sauf  ces  modifications  apportées  au  rôle  de  Fraisondin,  les  auteurs 
ont  suivi  pas  à  pas,  ou  peut  s'en  faut,  l'écrivain.  Ils  ont  conservé 
le  père  Ulrich,  et  la  mère  Marthe,  et  leur  fille  Berlha,  et  le  vieux 
seigneur  qui  veut  adopter  celle-ci,  après  l'avoir  élevée.  Ils  n'ontrien 
changé  au  caractère  de  tous  les  personnages,  ni  à  celui  d'Ondine  et 
de  son  époux.  Ils  ont  seulement  chargé  ce  dernier  d'un  méfait  de 
plus,  en  le  fiançant  à  Bertha  avant  son  départ  pour  la  forêt  enchantée. 
Dans  le  conte,  il  est  entièrement  libre  quand  il  voit  Ondine,  et  en 
devient  amoureux.  Ondine,  de  son  côté,  par  cette  modification  mala- 
droite, n'est  plus  qu'une  coquette  qui  convoite  et  qui  prend  le  bien 
d'autrui,  et  lorsque  Bertha  lui  rend  la  monnaie  de  sa  pièce,  il  ne 
paraît  pas  qu'elle  ait  droit  de  se  plaindre.  Elle  en  devient  beaucoup 
moins  intéressante.  Le  spectateur  n'éprouve  donc  aucune  sympathie 
ni  pour  Ondine,  ni  pour  Rodolphe,  ni  pour  Bertha,  et  voit  se  dérouler 
les  événements  avec  une  complète  indifférence.  Les  sottises  de  Frai- 
sondin ne  l'ont  pas  fait  rire  :  les  lamentations  d'Ondine  trahie  l'ennuient 
au  lieu  de  le  faire  pleurer  :  c'est  une  pièce  manquée. 

La  musique  n'est  guère  mieux  venue.  Les  idées  mélodiques  font 
défaut  presque  partout.  Nous  voulons  dire  les  idées  originales,  élé- 
gantes, expressives  naturellement  et  sans  effort.  11  y  avait,  assurément, 
beaucoup  mieux  à  attendre  de  l'auteur  des  Nuits  d'Espagne  et  de 
Gû  Blas.  Traitant  un  sujet  fantastique,  M.  Semet  a  cherché  les  effets 
d'orchestre  h  la  manière  de  Weber,  de  M.  Félicien  David,  de 
M.  Gounod  et  même  de  M.  Wagner  —  trémolos  ou  tremoli  suraigus 
des  violons,  sourds  grognements  des  bassons  et  de  l'octave  grave 
des  clarinettes,  soupirs  des  flûtes,  accouplements  bizarres  d'instru- 
ments. —  Il  s'est  en  effet  souvenu  de  beaucoup  de  choses,  mais  il 
n'a  rien  inventé,  et  cette  préoccupation  constante  semble  lui  avoir 


fait  oublier  ou  négliger  la  recherche  de  l'idée  mère,   du  motif,  par 
laquelle  on  devrait  toujours  commencer. 

Il  est  pénible  d'être  obligé  de  juger  aussi  sévèrement  un  musicien 
qui  a  déjà  montré  du  talent,  et  qui  en  montrera  sans  doute  encore, 
quand  il  se  trouvera  dans  des  circonstances  plus  favorables,  et  qu'il 
sera  aux  prises  avec  un  sujet  mieux  approprié  à  sa  nature.  Tenons- 
nous  en  donc  à  cette  appréciation  générale,  et  cherchons,  dans  sa 
partition,  qui  est  assez  volumineuse,  les  morceaux  qui  semblent  faire 
exception.  11  faut  signaler  d'abord  les  premiers  couplets  d'Ondine, 
dont  le  chant  syllabique  est  vif,  et  dont  l'accompagnement  est  très- 
piquant.  Dans  le  duo  d'Ondine  et  de  Rodolphe,  il  y  a  un  passage  à 
trois  temps  :  C'est  si  bon  de  rire,  dont  l'allure  est  franche,  le  tour 
facile  et  gracieux.  La  situation  n'a  rien  de  fantastique,  et  le  compo- 
siteur profite  de  l'occasion  pour  être  amusant. 

Les  couplets  d'Ondine,  au  second  acle,  avant  le  tournoi,  sont  na- 
turellement écrits,  gracieux  et  fins. 

La  chanson  du  Roi  des  Grillons  est  entrecoupée  de  ritournelles 
assez  originales.  Malheureusement,  le  chant  vocal  y  est  plus  étrange 
qu'agréable,  et  les  effets  de  nez  de  Fraisondin  sont  d'un  goût  trè.5- 
contestable. 

Le  troisième  acte  débute  par  un  chœur  fugué  assez  confus,  violent, 
brutal.  Il  est,  d'ailleurs,  impossible  de  deviner  ce  que  font  là  ces  pay- 
sans, ni  ce  qu'ils  veulent,  ni  pourquoi  ils  prennent  tout  à  coup  la 
fuite,  en  poussant  des  cris  qui  n'ont  rien  de  musical.  On  en  est  am- 
plement dédommagé  par  le  chevalier,  époux  d'Ondine  et  amoureux 
de  Bertha,  qui  regrette  l'une  en  désirant  l'autre,  et  qui  semble  souf- 
frir cruellement  de  la  difficulté  de  partager  son  cœur.  Quoi  qu'il  en 
soit,  le  spectateur  profite  de  sa  perph-ixité,  qu'il  explique  en  une  ro- 
mance tendre,  et  gracieusement  expressive.  Après  qu'il  est  parti,  ar- 
rive un  sale  paysan,  armé  d'une  longue  baguette,  qui  va  furetant 
partout,  et  semble  chercher  une  taupe.  On  le  prend  pour  un  fou,  et 
l'on  se  demande  longtemps  le  sens  et  le  but  de  cette  étrange  appa- 
rition. C'est  un  émissaire  de  Fraisondin,  sans  doute,  chargé  de  dé- 
noncer au  bonhomme  Ulrich  les  déportements  de  sa  fille  Bertha. 
II  s'acquitte  de  .sa  commission  en  termes  fort  mystérieux,  et  le  re- 
frain de  sa  chanson  explique  tant  bien  que  mal  sa  gaule  et  sa  bizarre 
pantomime  : 

La  taupe  est  comme  les  amants. 
Elle  se  plaît  au  clair  de  lune. 

Ulrich,  tout  vieux  pécheur  qu'il  est,  comprend  cette  allusion  ingé- 
nieuse plus  facilement  que  le  public.  Mais  si  le  public  ne  se  soucie 
guère  ni  de  la  taupe  ni  des  amans,  il  tient  compte  au  compositeur 
du  caractère  étrange,  mystérieux,  sournois  de  la  mélodie  et  de  l'ac- 
compagnement. C'est  un  des  morceaux  les  mieux  réussis  de  tout  l'ou- 
vrage. 

Mlle  Girard  chante  et  joue  le  rôle  d'Ondine  avec  un  remarquable 
talent.  Mais  on  aurait  dit,  à  la  première  représentation,  que  MlleMo- 
reau,  MM.  Cabel  et  Battaille  luttaient  à  qui  chanterait  le  plus  faux. 
Les  chœurs  aussi,  plus  d'une  fois,  s'en  sont  mêlés.  Peut-être  l'au- 
teur doit-il  s'en  prendre  à  lui-même  de  ce  phénomène.  Il  écrit  très- 
haut,  et  ne  paraît  pas  toujours  se  douter  qu'un  larynx  humain  n'est 
pas  comme  une  clarinette  ou  un  violon,  que  des  efforts  trop  fré- 
quents et  trop  prolongés  fatiguent  les  cordes  vocales  et  les  déten- 
dent. Espérons  du  moins  que  M.  Cabel,  qui  a  une  voix  fort  agréable 
quand  il  ne  crie  pas  trop,  et  Mlle  Moreau  dont  l'organe  brillant  et 
charmant  est  naturellement  juste,  se  familiariseront  bientôt  avec  les 
difficultés  de  leur  rôle,  et  que  ces  accidents  funestes  ne  se  renouvel- 
leront pas. 

Quant  à  la  direction  du  théâtre  Lyrique ,  nous  n'avons  que  des 
éloges  à  lui  donner  pour  le  goût  et  le  soin  qu'elle  a  consacrés  à  la 
mise  en  scène. 

LÉON  DUROCHRR. 


DE  PAHiS. 


AUDITIONS  niDSICÀLES. 

Première  matinée  rtc  Mlle  M»rie  Beaumeta.—  Première 
séance  Ile  musique  fie  chambre  de  M.  Cliarlcs  Dancla. 

11  va  bientôt  y  avoir  abondance  de  concerts  ;  artistes  grands  el  petits 
fourbissent  leurs  armes,  ou  pour  parler  plus  simplement,  mettent  la 
dernière  main  à  leurs  nouvelles  compositions,  et  exécutent  chez  eux 
ou  dans  les  salons  les  morceaux  qu'ils  veulent  faire  goûter  cet  hiver 
au  public.  Parmi  les  célébrités  attendues,  on  cite,  entre  autres, 
Mme  Pleyel.  Nous  voudrions  être  sûr  que  tous  les  virtuoses  qui  se 
succéderont  ici  pendant  trois  ou  quatre  mois  posséderont  seulement 
quelques-unes  des  éminentes  qualités  de  la  grande  pianiste  ;  car  alors 
nous  serions  délivré  de  ce  piano  sec,  bavard,  insignifiant  et  banal 
dont  la  musique  classique,  partout  en  honneur  aujourd'hui ,  n'a  pas 
encore  pu  nous  débarrasser  entièrement.  En  attendant,  deux  séances 
de  musique  de  chambre  ont  été  données  cette  semaine.  La  première 
par  Mlle  Marie  Beaumetz.  Cette  jeune  pianiste,  au  jeu  pur,  sobre, 
élégant  et  clair,  a  très-délicatement  et  très-cha'.eureusement  rendu 
les  beautés  des  vieux  maîtres.  Alard  et  Franchomme ,  en  prêtant 
l'appui  de  leur  magnifique  talent  à  la  gracieuse  virtuose,  ont  donné  à 
sa  matinée  un  éclat  et  une  perfection  qui  ont  été  salués  par  les 
enthousiastes  applaudissements  d'un  auditoire  délicat  et  éclairé. 

La  seconde  séance  était  celle  de  M.  Charles  Dancla.  On  y  a  entendu 
son  Qe  quatuor,  dont  le  premier  morceau,  le  minuetto  et  le  finale 
surtout,  ont  fait  grand  plaisir,  et  sa  Symphonie  concertante,  pour  deux 
violons  et  violoncelle,  dont  l'andante-cantabile,  notamment,  fort  déli- 
catement orné  et  harmonisé,  est  d'une  rare  distinction.  M.  Dancla 
possède  une  connaissance  fine  et  profonde  de  toutes  les  ressources 
instrumentales,  et  nous  n'apprendrons  rien  à  personne  en  disant  que 
sa  musique  joint  h  beaucoup  d'autres  mérites  celui  d'être  bien  faite 
et  bien  écrite  ;  seulement,  comme  les  deux  violonistes  compositeurs, 
Mayseder  et  Fesca,  dont  il  semble  affectionner  les  œuvres  et  qui,  di- 
manche, ont  encore  trouvé  en  lui,  en  Mlle  Sabatier-Blot  et  en  M.  Lee 
des  interprètes  pleins  de  zèle  et  d'intelligence,  M.  Charles  Dancla 
renonce  trop  souvent  au  grand  style  symphonique ,  aux  larges  pro- 
portions et  aux  combinaisons  neuves  et  hardies  ;  il  ne  vise  pas  aussj 
haut  que  les  maîtres  du  genre,  et  se  contente  de  plaire  à  ceux  qui 
aiment  assez  que  l'on  sacrifie  les  longs  développements,  les  épisodes 
riches  et  inattendus,  les  sévères  inspirations,  à  la  grâce,  à  l'abon- 
dance et  à  la  clarté  de  la  mélodie. 

Puisque  les  auditions  nous  laissent  un  peu  de  place,  disons  en  pas- 
sant que,  dans  un  charmant  salon  de  la  Chaussée-d'Antin,  nous  avons 
entendu  Clair  de  lune.  Il  suffit  d'aimer  et  le  Réveil  du  printemps, 
mélodies  de  M.  Alfred  Mutel,  qui  nous  ont  paru  dignes  de  fixer 
l'attention  des  connaisseurs;  la  Coupe  d'or,  une  brillante  fantaisie 
sur  le  Barbier  et  un  joli  morceau  de  Kriiger  sur  Stradella  qui,  Joués 
par  l'auteur,  ont  produit  un  grand  effet;  puis  enfin  qu'à  Saint-Eus- 
tache,  M.  Edouard  Batiste  a  exécuté  avec  beaucoup  de  talent  une 
œuvre  nouvelle  de  M.  Félix  le  Couppey.  Cette  composition  riche 
d'harmonie,  élevée  de  pensée  et  écrite  dans  le  style  qui  convient  à 
l'orgue,  est  tout  à  fait  remarquable. 

Adolphe  BOTTli, 


toucher  ses  dernières  limites.  Le  compositeur  virtuose  l'a  exécutée, 
comme  il  l'a  écrite,  avec  une  énergie  et  une  sûreté  sans  égales.  Pour 
bien  comprendre  la  forme  de  ce  concerto,  il  faut  savoir  que  l'auteur 
le  destinait  à  un  concours  du  Conservatoire  de  Bruxelles,  ce  qui 
l'obligeait  à  une  certaine  concision,  et  ce  qui  a  motivé  sans  doute  le 
choix  d'un  thème  de  Grétry,  celui  du  quatuor  de  Luvih,  pour  couron- 
ner le  morceau  par  une  espèce  d'hymne  national. 

L'ouverture  i'Alhalie  (redemandée)  est  une  de  ces  pages  d'un 
caractère  élevé,  d'un  style  large,  mais  un  peu  vague,  auxquelles  se 
complaisait  le  génie  de  Mendelssohn.  La  péroraison  a  surtout  pro- 
duit de  l'effet  sur  l'auditoire;  mais  ce  qui  l'a  charmé  complètement, 
c'est  l'air  du  ballet  de  Promêfhéc,  de  Bsethoven  !  Un  jeune  violon- 
celliste, M.  Poëncet,  en  a  dit  le  solo  de  manière  à  provoquer  un  bis 
unanime;  après  quoi,  M.  Pasdeloup  a  eu  le  bon  goût  d'aller  chercher 
Uii-même  l'habile  virtuose  pour  le  présenter  au  public,  qui  l'a  salué 
de  chaleureux  bravos. 

Il  y  a  deux  jours,  nous  avons  encore  entendu  dans  un  salon  le  grand 

violoniste  pour  qui    nulle  enceinte  n'est  trop  vaste,  et  nous  ne  l'en 

avons   pas  moins  admiré.  Vieuxtemps  joue  la  musique  de  chambre 

aussi  bien  que  les  morceaux  de  concert.   Il  nous  l'a  prouvé  sans  ré- 

pUque,  dans  un  quatuor  et  un  trio  de  J.  Rosenhain,  deux  productions 

excellentes,  pleines  d'idées  et  de  verve,  conduites  avec  un  art  digne 

des  maîtres  du  genre,  accueillies  par  l'approbation  sans  réserve  d'un 

petit  nombre  d'amateurs  consciencieux.  Nous  ne  savons  quels  ont  été 

les  plus  satisfaits,  le  compositeur,  les  artistes,  ou  les  auditeurs?  Nul 

ne  se  chargerait  de  résoudre  la  question. 

P.  S. 


Concerts  populaires  de  musique  classique  et   matinée 
musicale. 

Le  dernier  concert  du  Cirque-Napoléon  commençait  par  cette  char- 
mante symphonie  d'Haydn,  connue  sous  le  nom  de  la  Reine  de 
France,  une  de  ces  œuvres  de  pur  génie,  aussi  simples  que  belles, 
et  qui  rajeunissent  en  vieillissant.  Ensuite  venait  le  concerto  en  la 
mineur  de  Vieuxtemps,  œuvre  vigoureuse  et  sévère,  où  l'art  semble 


REVUE  CEITiOUE. 

TRENTE  MORCEAUX  D'ORGUE  POUR  LE  SERVICE  DIVIN, 

COMPOSÉS   ET   ARRANGÉS   DANS  LES  TONS  LES    PLUS    USITÉS, 

Par  vuÉ:or>aaiii!B:  stebiV, 
Organiste  du  temple  neuf,  à  Strasbourg  (1). 

Bien  que  la  nature  et  la  multiplicité  de  mes  travaux  ne  m'aient 
plus  permis  depuis  longtemps  de  céder  aux  sollicitations  qui  me  sont 
adressées  de  toutes  parts  pour  que  je  fisse  des  analyses  de  composi- 
tions nouvelles,  je  me  suis  décidé  à  une  exception  en  faveur  de 
l'ouvrage  de  M.  Stern,  parce  qu'il  m'offre  l'occasion,  en  rendant  jus- 
tice au  mérite  d'un  homme  de  talent,  de  présenter  quelques  consi- 
dérations d'intérêt  général  sur  la  situation  de  la  musique,  et  en  par- 
ticulier des  organistes  dans  les  villes  de  province  et  dans  les  campa- 
gnes en  France.  Peut-être  ce  que  j'ai  à  dire  ne  sera-t-il  pas  du  goût 
de  tout  le  monde  ;  mais  il  y  a  des  vérités  qu'il  faut  signaler  de  temps 
en  temps,  afin  qu'il  en  reste  quelque  chose  dans  la  mémoire,  et  qu'on 
finisse  par  comprendre  qu'il  faut  améliorer  ce  qui  est  vicieux. 

La  vérité  dont  il  s'agit  en  ce  moment  est,  qu'à  l'exception  de 
quelques  grandes  villes ,  la  culture  de  la  musique  est  dans  une  si- 
tuation misérable  en  France,  particulièrement  dans  une  partie  des 
régions  du  Nord,  du  Centre  et  du  Midi.  Quant  aux  exceptions,  elles 
résultent  presque  partout  de  l'influence  d'un  homme  d'initiative, 
placé,  par  le  hasard,  dans  une  localité  à  laquelle  il  donne  une  im- 
pulsion de  progrès  momentané.  Grimm  dit  quelque  part,  dans  sa 
correspondance,  que  de  tous  les  peuples  du  continent  européen, 
celui  de  France  est  le  plus  mal  organisé  pour  la  musique;  ce  qui 
n'est  certainement  pas  exact,  car  là  où  les  circonstances  sont  favo- 
rables pour  le  développement  du  goût  de  cet  art,  la  population  s'y 
intéresse  et  en  Jouit.  Ce  qui  manque,  ce  sont  les  institutions  perma- 
nentes propres  à  répandre  ce   goùl  et  à  l'entretenir.  Les  villes   qui 

(1)  A  Strasbourg,  Levrault  et  fils. 


12 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALK 


ont  été  favorisées  par  des  élab'.issements  de  cetto  nature  ont  en  gé- 
néra! une  population  sensible  à  la  musique.  Les  sociétés  chorales, 
bien  dirigées,  sout  un  moyen  d'éducation  pratique  excellent  pour  le 
peuple;  enfin,  l'enseignement  des  éléments  delà  musique,  et  l'usage 
constant  du  chanl,  dans  les  écoles  primaires,  ne  peuvent  laisserdedoute 
sur  les  bons  résultats  qu'on  en  doit  tirer,  car  c'est  ainsi  que  les 
populations  germaniques  ont  acquis  une  organisation  musicale  infini- 
ment supérieure  à  celle  des  autres  nations.  Mais  il  faut,  dans  l'emploi 
de  ces  moyens,  une  suite,  une  persistance  qui,  malheureusement,  ne 
sont  pas  dans  la  nature  des  Français.  Ils  s'enthousiasment  facilement 
pour  une  amélioration  dont  ils  comprennent  la  portée;  mais,  après 
que  le  premier  feu  a  jeté  ses  lueurs ,  les  meilleures  choses  sont  ex- 
posées à  tomber  bien  vite  chez  eux  en  désuétude. 

Sans  aucun  doule  les  aptitudes  ne  sont  pas  égales  partout.  Dans 
les  provinces  de  France  où  le  sang  gaulois  domine,  l'instinct  musical 
est  plus  faible  que  dans  celles  où  ce  sang  s'est  mêlé  avec  le  frank  ; 
mais  l'éducation  modifie  les  races  avec  une  puissance  irrésistible.  Je 
ne  connais  pas  d'oreille  si  rebelle  aux  beautés  de  la  musique  qui  ne 
finisse  par  y  prendre  goût  si  elle  en  est  fréquemment  chatouillée. 
Un  grand  centre  d'absorption  tel  que  Paris  est  une  cause  de  priva- 
tion pour  les  provinces,  car  de  tous  les  points  de  la  France  viennent 
des  organisations  d'élite  pour  entrer  au  Conservatoire;  mais  aucune 
ne  retourne  dans  le  lieu  où  elle  a  pris  naissance  :  tout  reste  à  Paris. 
Si  cependant  chaque  artiste  venu  de  sa  province  au  centre  de  l'édu- 
cation musicale,  y  retournait  quand  il  a  reçu  l'iEstriiction  nécestaire, 
la  situation  de  l'art  serait  bientôt  changée  dans  tout  l'empire  :  cha- 
cun d'eux  deviendrait  rincitateur  (pardon  pour  le  néologisme)  au 
progrès  dans  sa  ville  et  même  dans  son  arrondissement. 

Les  hommes  modestes  comme  MM.  Stem,  Grosjean,  Guilmant, 
Labat,  Kunc,  et  quelques  autres  que  je  pourrais  nommer,  lesquels 
se  sont  dévoués  pour  améliorer  la  situation  de  quelque  partie  de 
l'art  dans  leur  centre  d'activité,  le  premier  à  Strasbourg,  les  autres 
à  Saint-Dié,  à  Boulogne,  à  Montauban ,  à  Auch,  etc.,  méritent  des 
éloges  pour  le  zèle  et  le  courage  dont  ils  font  preuve  dans  leur  diffi- 
cile mission.  Pour  ne  parler  que  de  M.  Stern,  dont  il  est  ici  spécia- 
lement question,  je  dirai  qu'il  a  eu  tout  à  faire  en  quelque  sorte  pour 
la  création  de  l'art  de  jouer  de  l'orgue  dans  l'Alsace,  où  cet  art  était 
à  peu  près  inconnu  dans  sa  jeunesse.  Né  à  Strasbourg  le  2k  juillet 
1803,  il  fut  nommé  organiste  de  Saint-Pierre  le  Vieux  à  l'âge  de 
seize  ans,  sans  avoir  appris  à  jouer  de  l'orgue.  On  croyait  alors  qu'il 
suffisait  de  savoir  jouer  un  peu  de  piano  pour  être  organiste.  Plus 
tard  il  devint  élève  de  Conrad  Berg,  artiste  de  mérite  et  bon  pro- 
fesseur de  piano;  puis  il  passa  quelques  années  à  Stuttgard,  où  il 
eut  occasion  d'entendre  des  arlistes  distingués.  Ce  fut  là  que  les  ou- 
vrages de  Rink  le  mirent  sur  la  voie  du  bon  style  de  l'orgue. 

De  retour  à  Strasbourg  en  1830,  il  prit  d'abord  possession  de  l'or- 
gue de  Saint-Nicolas,  puis  fut  appelé  à  Saint-Thomas,  où  il  se  livra  à 
l'étude  des  ouvrages  de  J.  S.  Bach.  Sa  réputation  de  bon  professeur 
s'étendait  de  jour  en  jour.  Appelé  à  Nancy,  comme  juge  d'un  con- 
cours d'organistes,  il  trouva  dans  cette  circonstance  l'occasion  d'é- 
tendre la  sphère  de  son  activité.  Plusieurs  élèves  organistes  lui  fu- 
rent confiés,  et  ses  leçons  les  mirent  en  état  de  remplir  convenable- 
ment leurs  fonctions  dans  des  communes  de  l'Alsace.  Nommé  en  1841 
organiste  du  temple  neuf  de  Strasbourg,  il  eut  alors  à  sa  disposition 
un  bon  instrument  à  trois  claviers  tt  pédales,  sur  lequel  il  trouva  des 
ressources  pour  le  perfectionnement  de  son  talent.  Ses  premières 
compositions  pour  l'orgue  datent  de  cette  époque.  Les  premiers  ca- 
hiers qu'il  publia  étaient  destinés  aux  organistes  peu  expérimentés  du 
pays.  M.  Stern  n'y  avait  pas  fait  usage  du  clavier  de  pédales,  dont 
personne  autour  de  lui  ne  savait  se  servir.  'Vers  le  même  temps,  l'or- 
ganiste de  la  cathédrale  de  Nancy,  dont  je  tairai  le  nom,  publiait  un 
recueil  de  détestable  musique,  sous  le  titre  :  l'Organiste.  M.  Stern 


se  hasarda  à  y  faire  insérer  quelques  grands  offertoires  pour  appren- 
dre aux  organistes  dont  il  était  entouré  à  sortir  du  cercle  dans  le- 
quel ils  se  renfermaient;  mais  ils  furent  trouvés  beaucoup  trop  dif- 
ficiles, et  l'éditeur  de  l'Organiste  se  hâta  de  se  débarrasser  de  la 
collaboration  du  seul  homme  do  talent  qui  eût  mis  quelque  chose 
dans  sa  publication. 

Un  des  recueils  publiés  postérieurement  par  M.  Stern,  a  été  l'objet 
d'un  bel  éloge  fait  par  M.  Seiflerl,  organiste  à  Naumbourg,  dans  le 
journal  des  organistes  intitulé  Urania,  que  publie  Kœrner,  à  Erfurt. 
L'œuvre  que  j'examine  aujourd'hui  n'est  pas  moins  digne  d'estime. 
La  mission  que  s'est  donnée  M.  Stern  consiste  à  opposer  au  mauvais 
goût  qui  régnait  autour  de  lui  dans  la  musique  d'orgue,  des  pièces 
d'un  caractère  grave,  religieux,  mélodique,  et  d'une  harmonie  pure  de 
laquelle  il  bannit  les  tendances  passionnées  des  altérations  multiples 
que  les  compositeurs  de  l'époque  actuelle  introduisent  dans  les  ac- 
cords. Partout  cette  harmonie  est  bien  écrite,  régulière  et  convenable 
pour  l'objet  auquel  elle  est  destinée.  M.  Stern  fait  usage  de  la  pé- 
dale, sans  laquelle  l'orgue  est  incomplet;  mais  la  paitie  qu'il  lui 
donne  est  écrite  de  manière  à  pouvoir  être  supprimée,  condition  né- 
cessaire pour  les  organistes  de  la  campagne,  dans  l'ancienne  province 
d'Alsace.  Pour  démontrer  combien  ceux-ci  sont  encore  arriérés,  il  me 
suffira  de  dire  que  les  paysans  qui  fréquentent  la  classe  d'orgue  de 
M.  le  professeur  Lemmens,  au  Conservatoire  de  Bruxelles,  jouent, 
dans  un  mouvement  rapide,  les  grands  préludes  et  les  fugues  de 
J.  S.  Bach,  où  les  deux  pieds  ont,  sur  le  clavier  de  pédales,  la  vélo- 
cité des  doigts  sur  les  claviers  manuels. 

Au  résumé,  je  considère  le  recueil  récemment  publié  par  M.  Stem 
comme  un  ouvrage  qui  lui  fait  beaucoup  d'honneur  et  comme  un 
nouveau  service  rendu  par  lui  à  la  dignité  du  culte  et  à  l'art,  parti- 
culièrement pour  les  organistes  qui  ne  peuvent  pas  aborder  les  gran- 
des difficultés  des  maîtres.  Je  le  considère  comme  émanation  de  l'é- 
cole de  Rink. 

FÉTIS  père. 


TRAITÉ  D'HARMONIE, 

Par    IIEjVRI    ISEBEK, 

Membre   de  l'Inslitut,  professeur  de  composition  au  Conservatoire  impérial 
de  musique  et  de  déclamation. 

Le  traité  de  Henri  Reber  est,  avant  tout,  essentiellement  pratique  ; 
c'est  le  fruit  de  quinze  années  d'expérience  dans  l'enseignement  que 
l'auteur  offre  aux  méditations  des  savants  musiciens  et  à  l'étude  jour- 
nalière des  jeunes  élèves.  H.  Reber,  en  rédigeant  cet  ouvrage,  n'a 
pas  eu  la  prétention  d'exposer  uue  nouvelle  théorie  de  la  science  des 
accords.  Il  n'a  voulu  qiie  constater  l'état  actuel  de  cette  science,  et 
donner  aux  professeurs  qui  n'ont  pas  de  méthode  particulière  un  guide 
sûr  pour  conduire  leurs  disciples  dans  l'art  d'écrire  une  harmonie 
élégante  et  nombreuse.  Pour  y  parvenir,  il  a  corroboré  ses  démonstra- 
tions par  des  exemples  puisés  dans  ies  œuvres  des  plus  grands  com- 
positeurs de  toutes  les  écoles.  C'est  surtout  par  la  division  des  ma- 
tières que  la  haute  raison  et  le  savoir  de  l'auteur  se  montrent  sous 
le  jour  le  plus  favorable. 

On  ne  saurait  trop  admiier  le  dévouement  d'un  maître  tel  que  l'au- 
teur, en  voyant  avec  quelle  vive  sollicitude  il  entre  dans  les  détails  les 
plus  minutieux  pour  poser  en  quelque  sorte  les  fondementsd'unescience 
dont  les  débuts  sont  nattn-ellement  très-arides. 

En  donnant  la  réalisation  de  toutes  les  leçons  qui  forment  le  corps 
de  son  traité,  il  a  rendu  un  service  inappréciable  aux  personnes  qui, 
privées  d'un  professeur,  mais  douées  de  l'esprit  d'analyse,  seraient 
curieuses  d'étudier  seules  l'harmonie.  Au  point  où  l'enseignement 
public  de  celle  science  est  parvenu,  les  élèves  des  classes  d'harmonie 


DE  PARIS. 


13 


du  Conservatoire  ont  peu  de  chose  à  apprendre  pour  devenir  d'ex- 
cellents fuguistes,  lorsque,  après  avoir  terminé  leur  cours,  ils  sont  ad- 
mis dans  une  classe  de  contre-point  et  de  composition.  En  effet,  le  sys- 
tème d'imitations,  l'art  de  développer  un  motif,  de  composer  une 
basse,  de  reproduire,  dans  chacune  des  quatre  parties  de  la  partition 
vocale,  une  pensée  musicale  formant  un  brillant  anlécédent,  tout, 
sauf  l'emploi  du  sévère  contre-point  renversable ,  semble  se  réunir 
dans  une  leçon  d'harmonie  moderne  pour  en  faire  un  véritable  mor- 
ceau de  musique  ayant  son  exposition,  ses  développements  et  sa  pé- 
roraison :  et  nous  pourrions  citer  telles  leçons  couronnées  aux  der- 
niers concours  comme  de  véritables  fugues  vocales,  auxquelles  il  ne 
manque  que  certains  des  artifices  de  cette  véritable  amplification  de 
rhétorique  musicale,  pour  mériter  à  leurs  jeunes  auteurs  le  litre  de 
compositeurs  achevés.  Chérubini  l'a  déclaré  dans  son  excellent 
Traité  de  contre-point,  tout  élève  qui  aura  étudié  avec  intelligence  le 
grand  art  de  la  fugue,  n'aura  presque  plus  de  diflicultés  à  vaincre 
pour  aspirer  à  devenir  un  véritable  compositeur.  Auber  et  Halévy, 
les  illustres  élèves  de  ce  grand  maître,  ont  justifié  glorieusement  la 
vérité  de  l'assertion  de  leur  immortel  professeur. 

H.  Reber,  qui,  lui  aussi,  compte  parmi  ses  disciples  de  véritables 
composileurs,  H.  Reber,  qui  a  la  gloire  d'avoir  guidé  Félicien  David 
dans  les  sentiers  de  la  science,  avait  donc  plus  que  personne  le  droit 
d'écrire  ex  professa  un  ouvrage  du  genre  de  celui  dont  nous  allons 
donner  l'analyse  succincte. 

Son  Traité  dliarinonie  est  formé  de  deux  livres  principaux,  sub- 
divisés cliacun  en  deux  parties.  Des  notions  préliminaires  suivent  une 
introduction  écrite  avec  élégance  et  lucidité.  L'auteur  traite  ensuite 
des  accords  en  général  et  des  notes  réelles.  Nous  l'approuvons  fort 
de  fixer  dès  le  début  l'attention  des  élèves  sur  ces  véritables  voijel- 
les  du  mol  harmonique.  —  La  première  partie  du  livre  I"  traite  des 
accords  consonnants,  et  la  seconde  des  accords  dissonants.  Le  li- 
vre II"=  initie  les  élèves  à  la  connaissance  des  notes  étrangères  à  la 
constitution  des  accords  ou  des  notes  accidentelles.  H  divise  ces  au- 
tres consonnes  du  mot  harmonique  en  deux  classes.  Ces  différentes 
classifications  mettent  beaucoup  d'ordre  dans  les  démonstrations  de 
l'auteur;  et  tout  ce  qu'il  dit  de  la  valeur  des  différents  temps  forts 
et  faibles  de  la  mesure,  relativement  à  l'emploi  des  accords  et  à  la 
position  des  notes  de  passage,  est  présenté  avec  une  nouveauté  qui 
fait  le  plus  grand  honneur  à  son  génie  démonstratif. 

L'appendice  qui  suit  les  deux  chapitres  formant  la  deuxième  partie 
du  second  livre,  est  consacré  à  l'analyse  des  diverses  notes  mélo- 
diques, et  à  la  manière  de  chiffrer  la  basse  contenant  des  notes  essen- 
tiellement mélodiques.  Un  second  appendice  contient,  ainsi  que  nous 
l'avons  fait  pressentir  plus  haut,  les  corrigés  de  tout>es  les  leçons  du 
traité;  et,  dans  un  supplément,  l'auteur  jette  un  coup  d'oeil  rapide 
sur  les  ifnitations,\Q  contre-point  et  le  style  rigoureux.  Par  une  at- 
tention délicate,  H.  Reber  a  donné  m  extenso  les  chants  et  les  basses 
de  plusieurs  des  élèves  qui  ont  obtenu  dans  sa  classe  le  premier  prix 
aux  concours  annuels  du  Conservatoire.  Ces  glorieux  devoirs  sont 
signés  par  MM.  Taite,  Legouix  et  Perrot;  nous  les  avons  lus  avec 
d'autant  plus  d'impartialité  et  de  plaisir,  que  nos  propres  élèves  ont 
eu  l'honneur  de  partager  ou  de  disputer  loyalement  ces  couronnes, 
.si  vaillamment  remportées  par  les  jeunes  artistes  dont  nous  venons 
de  citer  les  noms.  Disons,  en  terminant,  que  le  comité  des  études  du 
Conservatoire,  dans  un  rapport  approbatif  et  longuement  motivé,  a 
donné  son  entière  adhé.sion  aux  doctrines  professées  par  H.  Reber, 
et  ajoutons,  pour  clore  dignement  ce  compte  rendu ,  beaucoup  plus 
court  que  nous  ne  l'eussions  désiré,  que  le  comité  a  exprimé  l'opinion 
que  le  traité  de  H.  Reber  est  un  des  meilleurs  livres  de  théorie  mu- 
sicale qui  aient  paru  de  nos  jours.  —  Edité  -avec  le  plus  grand  soin, 
le  traité  de  notre  savant  collègue  a  été  imprimé  par  les  procédés  de 


typographie  musicale  de  M.  ïantenstein,  qui,  par  les  services  qu'il 
rend  depuis  près  de  trente  ans  à  la  popularisation  des  livres  d'ensei- 
gnement musical,  s'est  acquis  un  nom  justement  estimé. 

A.  ELWART. 


NOUVELLES. 

,*^  Au  théâtre  impérial  de  l'Opéra  les  ouvrages  suivants  ont  défrayé 
le  répertoire  de  la  semaine  :  le  Prophète,  le  Trouvère,  dans  lequel 
Mme  Gueymard-Lauters  a  repris  le  rôle  de  Léonore,  Grazioza  et  le  Diable 
à  quatre,  précédé  de  Lucie.  —  Aujourd'hui  dimanche,  Itobert  le  Diable. 

,",,  La  première  représentation  de  la  reprise  de  la  Muette  est  annon- 
cée pour  la  semaine  prochaine. 

^*^  Mlle  Laure  Poinet,  jeune  danseuse,  doit  débuter  dans  la  Muette  de 
Porlici.  M.  Auber  a  composé  pour  cette  artiste  un  pas  qui  a  été  inter- 
calé dans  le  troisième  acte. 

,*i  On  a  lu  à  l'Opéra-Comique  un  opéra  en  un  acte,  de  MM.  Ouvert 
et  Lauzanne,  musique  de  M.  Eugène  Prévost,  intitulé  :  l'Illustre  Gaspard. 
Les  rôles  do  cet  ouvrage  seront  joués  par  Couderc,  ternaire,  Potel,  Da- 
voust,  Mmes  Chollet-Byard  et  Casimir. 

»*^  Hier  samedi  a  eu  lieu  au  théâtre  Italien  la  première  représenta- 
tion d'/  Lombardi,  de  Verdi,  chantés  par  Naudin,  Bartolini  et  Mme  Frez- 
zolini.  Nous  en  parlerons  dimanche  prochain. 

.f*^  Une  indisposition  de  Mlle  Tatti  a  nécessité  jeudi  un  changement 
de  spectacle.  On  a  donné  il  Barhiere  à  la  place  do  Luoia.  Mme  Alboni 
a  chanté  le  rôle  de  Rosine. 

a,*iLe  publie  ne  se  lasse  pas  d'entendre  et  d'applaudir  Adelina  Patti 
qui,  Ja  semaine  passée,  a  chanté  de  nouveau  dans  la  Sonnambula,  et 
qui  obtiendra  les  mêmes  bravos  ce  soir  dans  le  même  ouvrage. 

,t**  Nous  disions,  il  y  a  quelque  temps,  que  Mlle  Trebelli  resterait  au 
théâtre  Italien  pendant  toute  la  saison  et  s'y  ferait  entendre.  Un  de  nos 
confrères  trouve  un  peu  trop  de  précision  dans  cette  annonce.  Pourquoi 
donc,  lorsqu'il  s'agit  d'un  théâtre ,  où  il  n'est  pas  rare  de  voir  rester 
des  cantatrices  que  Ton  n'entend  jamais;  Mlle  Saint-Urbain  par  exemple? 

^*^  Mme  Csillag,  la  célèbre  cantatrice  dramatique,  s'était  rendue  i 
Barcelone,  où  elle  devait  débuter  dans  le  rôle  de  Fides,  du  Prophète; 
mais  l'état  de  la  troupe  ne  permettant  pas  d'exécuter  convena- 
blement le  chef-d'œuvre,  Mme  Csillag  aima  mieux  attendre  un  mois 
dans  le  silence  et  sans  toucher  de  traitement.  Au  bout  de  ce  terme, 
voyant  que  la  situation  ne  s'était  pas  améliorée,  et  qu'on  ne  lui  offrait 
que  des  ouvrages  sans  intérêt,  elle  a  pris  le  parti  d'en  venir  à  une  rési- 
liation définitive. 

^*,j  Le  Requiem  de  Mozart  a  été  exécuté  vendredi  passé  en  l'église  de 
Notre-Dame  devant  une  foule  compacte.  Nous  parlerons  avec  détails 
de  cette  solennité  dans  notre  prochain  numéro. 

3,*^  Le  prochain  concert  de  la  Société  nationale  des  Beaux-Arts  (bou- 
levard dos  Italiens,  26)  reste  fixé  au  18  janvier  prochain.  On  y  entendra 
le  Désert,  de  Félicien  David;  VOuvertare  en  forme  de  marcIie,  composée 
pour  l'inauguration  de  l'e-xposition  de  Londres,  par  Meyerbeer,  et  qui 
sera  exécutée  pour  la  première  fois  à  Paris;  fragments  de  symphonie 
de  C.  Saint- Saëns  ;  Marche  funèbre  de  Dehillemont,  et  scherzo  d'une 
symphonie    de    Georges  Bizet. 

^*3,  Voici  le  programme  du  concert  populaire  de  musique  classique, 
qui  sera  donné  aujourd'hui  au  Cirque  Napoléon,  sous  la  direction  de 
M.  Pasdeloup.  Symphonie  en  mi  bémol,  de  Mozart.  Adagio  du  quatuor 
n"  6,  d'Haydn,  exécuté  par  tous  les  instruments  à  cordes.  Sclicrzo  d'une 
symphonie  inédite  de  M.  Bizet  (prix  de  Rome  de  1857).  Le  Comie  d'Eg- 
mont,  tragédie  de  Gœthe,  musique  de  Beethoven  (ouverture,  entr'actes 
et  mélodrame). 

.^*,i,  OÊfenbach  va  s'occuper  d'un  grand  opéra  qui  doit  être  représenté 
à  Vienne,  et  il  est  déjà  parti  pour  cette  ville. 

,,%  Au  premier  bal  des  Tuileries  qui  a  eu  lieu  la  semaine  passée  ou 
a  beaucoup  remarqué  â  l'entrée  de  LL.  MM.  II.  la  belle  marche  de 
VEiuile  de  Messine,  composée  par  le  comte  Gabrielli  et  jouée  par  l'ex- 
cellent orchestre  de  Strauss;  déjà,  l'année  passée,  il  avait  fait  entendre 
à  pareille  occasion  le  même  morceau  qui  produit  toujours  un  très- 
grand  effet. 

^*^  Mlle  Marie  Battu  et  Alard  ont  été  invités  à  se  faire  entendre  la 
semaine  passée  dans  un  concert  de  la  Société  philharmonique  d'Amiens, 
l'une  des  plus  renommées  de  la  province. 

„'*»  Sivori  se  trouve  en  ce  moment  à  Weimar,  où  il  a  donné  deux  con- 
certs avec  le  plus  grand  succès.  Dans  sa  tournée  on  Allemagne,  le  cé- 
lèbre violoniste  s'était  fait  d'abord  entendre  ii  Stuttgart,  à  Munich  et  à 
Augsbourg,  où  son  talent  magistral  avait  été  justement  apprécié. 


u 


K!:VLiE  Kï  GAZETTE  MUSIGALK 


***  Voici  le  programme  de  la  première  soirée  musicale  donnée  par 
Mme  Escudier  Kastner,  Al.  Batta  et  Yieuxtemps ,  avec  le  concours  do 
Mlle  Marie  Battu  qui  et  aura  lieu  le  28  janvier  :  Trio  en  si  bémol  pour 
piano,  violon  et  violoncelle,  de  Beethoven  ;  air  de  Cimarosa  ;  sonate  en 
ré  majeur,  pour  piano  et  violon  de  Yieuxtemps  ;  nocturne  de  Chopin  et 
variations  pour  piano  de  [laendel  ;  air  des  Nozze  di  Fiyaro;  ottetto  pour 
quatre  violons,  deux  altos  et  deux  violoncelles  de  Mendelssohn. 

»*<,  Dans  les  derniers  jours  de  l'année,  le  célèbre  tromboniste,  Nabich, 
a  donné  un  concert  à  Rouen  avec  le  concours  de  Maurin,  l'habile  vio- 
loniste. En  rendant  compte  du  succès  obtenu  par  deux  virtuoses  d'un 
genre  si  différent,  notre  confrère,  Amédée  Méreaux,  constate  les  effets 
extraordinaires  que  M.  Nabich  a  tirés  de  son  instrument,  en  exécutant 
un  concerto  de  David,  de  Leipzig,  «  Ce  concerto,  ajoute-t-il ,  est  du 
nombre  restreint  des  pièces  de  ce  genre  dans  lesquelles  on  sent  la  main 
d'un  maître.  M.  David  est  un  grand  maître,  et  41.  Nabich  est  son  in- 
terprète par  excellence  ;  nous  croyons  même  pouvoir  dire  qu'il  est  son 
unique  interprète  possible.  Ge  superbe  concerto  a  été  salué  par  les 
bravos  de  toute  la  salle.  » 

^*^  Les  frères  Lamoury  et  H.  Kowalski  poursuivent  leur  tournée  ar- 
tistique. Ils  ont  donné  des  concerts  à  Caën,  Bayeux,  Saint-Lô,  Avranches, 
Saint-Malo,  Rennes  et  Nantes;  partout  ils  ont  retrouvé  les  mêmes  bravos 
et  le  même  empressement. 

H,**  L'excellent  violoniste  Charles  Lamoureux  annonce  la  reprise  de 
ses  intéressantes  séances  de  musique  de  chambre,  dont  la  fondation 
remonte  à  quatre  années.  La  première  aura  lieu  le  mardi  13  janvier, 
dans  les  salons  Pleyel.  Le  programme  est  ainsi  ■  composé  :  grand  trio 
pour  piano,  violon  et  violoncelle,  de  Beethoven.  —  Cinquante-deuxième 
quintette  en  sol  mineur  de  Boccherini.  —  Quatrième  sonate  en  si  bémol 
pour  piano  et  violon,  de  Mozart,  exécutée  par  MM.  Th.  Ritter  et  La- 
moureux. —  Quatrième  quatuor  en  mi  mineur,  de  Mendelssohn. 

**i  Le  grand-duc  de  .'?axe-Cobourg-Gotha  a  décoré  le  pianiste-compo- 
siteur M.  Auguste  Mey  de  l'ordre  de  la  maison  Ernestine. 

***  F.  Bonoldi  vient  de  publier  plusieurs  nouvelles  compositions  qui 
nous  paraissent  destinées  à  un  très-grand  succès,  et  sur  lesquelles  nous 
reviendrons  prochainement.  C'est  un  album  de  chant,  contenant  six  mé- 
lodies, avec  paroles  italiennes,  Un  canto  ancora  I  une  mélodie  avec  ac- 
compagnement de  piano  et  de  violoncelle,  et  deux  romances  avec  paroles 
françaises. 

^*^  Mlle  Péan  de  La  Roche-Jagu  donnait ,  il  y  a  quinze  jours, 
dans  la  salle  du  C.rand-Orient,  une  soirée  musicale,  dans  laquelle  un 
assez  nombreux  auditoire  a  applaudi  plusieurs  compositions  de  cette 
intéressante  artiste.  Des  fragments  de  Vopéra,-com\qtie  Simple  et  Coquette, 
un  Noël  et  une  chansonnette,  Is  Moulin  à  vent,  très-bien  dite  par  Mlle 
Auclair,  étaient  les  principaux  éléments  du  programme. 

„,*»  La  première  matinée  de  la  Société  des  concerts  du  Conservatoire 
aura  lieu  aujourd'hui.  En  voici  le  programme  :  1°  symphonie  d'Haydn 
(61");  2°  chœur  des  nymphes  de  Psyché,  de  M.  Ambrois-i  Thomas:  3°  frag- 
ments d'Idomcneo,  de  Slozart.  Ouverture,  liécit  et  air  chanté  par  Mme  Van- 
denheuvel-Duprez;  iosymphonie  en  s» bémol,  de  Beethoven;  5°  introduc- 
tion du  Siège  de  Corinthe,  de  Rossini.  Les  soli  seront  chantés  par 
MM.  Massol,  Paulin  et  Belval.  L'orchestre  sera  dirigé  par  M.  Tilmant. 

s,**  Sous  la  direction  de  Deledicque  et  la  présidence  honoraire  d'A- 
lard,  la  Société  des  symphonistes  va  reprendre  ses  séances,  qui  auront 
lieu  tous  les  jeudis  soir. 

^,*t  Le  patriarche  de  Jérusalem,  .Monsignor  Valerga,  vient  d'envoyer  à 
Frantz  Liszt  les  insignes  de  l'ordre  du  Saint-Sépulcre,  qui  lui  ont  été 
remis  par  le  général  des  Carmélites . 

,^*,j  En  rapportant  les  vœux  que  forme  le  Monde  musical  de  Bruxelles 
pour  l'assimilation  du  rang  des  chefs  de  musique  militaire  belges  au  grade 
d'officier,  plusieurs  journaux  de  musique  de  Paris  ajoutent  qu'une  pa- 
reille assimilation  ne  serait  pas  moins  à  désirer  pour  la  France  que  pour 
la  Belgique.  On  oublie  que,  depuis  plus  de  huit  ans,  les  chefs  de  musi- 
que en  France  jouissent  précisément  de  ce  même  privilège  sollicité  au- 
jourd'hui pour  un  État  voisin.  Dès  1844,  dans  un  mémoire  présenté  au 
maréchal  Soult,  M.  Adolphe  Sax  réclamait  pour  les  chefs  de  musique  le 
grade  d'officier,  eu  même  temps  qu'une  hiérarchie  d'avancement  pour  les 
sous-chefs  et  les  musiciens.  Il  n'a  jamais  cessé,  depuis  lors,  de  pousser 
énergiquement  à  cette  réforme  utile  autant  qu'importante,  et,  parmi 
les  personnes  qui  se  sont  associées  à  ses  efforts  et  qui  sont  parve- 
nues à  en  assurer  le  triomphe,  il  est  juste  de  mentionner  les  généraux 
de  Rumigny,  Fleury,  Mellinot  et  Trochu.  Après  dix  années  de  tentatives 
infructueuses,  l'idée  a  fini  par  prévaloir,  et  le  16  août  I85i  a  paru  le 
décret  impérial  qui  confère  aux  chefs  de  musique  militaire  le  rang  d'of- 
ficiers :  sous-lieutenant  dans  le  principe  et  lieutenant  au  bout  de  dix 
ans  d'exercice;  au  sous-chef,  rang  d'adjudant;  à  cinq  musiciens  de  pre-- 
mière  classe,  rang  de  sergent-major;  à  dix  musiciens  de  deuxième  classe, 
rang  de  sergent;  à  treize  musiciens  de  troisième  classe,  rang  de  capo- 
raux. Il  ne  faut  pas  oublier  qu'avant  «8i4,  le  chef  de  musique  était  in- 
férieur en  grade  au  tambour- major,  et  qu'aucun  des  musiciens  n'était 
gradé. 


^*„  Deux  nouvelles  fantaisies  sur  la  Mudie  di  Portici  et  Stradelta,  par 
Favarger,  paraîtront  procliainement,  ainsi  que  deux  œuvres  ori- 
ginales de  cet  auteur  si  estimé  de  bonne  musique  de  piano  ;  ce  sont 
une  idylle.  Mer  calme,  et  une  mazurka  de  salon,  Yvonne. 

„*,  L'Annuaire  spécial  des  Ârlistes-Musiciens,  qui  sera  d'une  grande 
utilité  pour  le  monde  musical,  va  paraître  incessamment.  L'auteur, 
Mme  Besnier,  y  a  rénui  avec  beaucoup  de  clarté  tout  ce  qu'on  désire 
trouver  dans  une  pareille  publication. 

^*^  Un  nouveau  journal,  Musée  de  musique  religieuse,  rédigé  par  des 
artistes  de  talent,  paraît  depuis  le  l»"- janvier. 

^'*,s  Vendredi  prochain,  aura  lieu  dans  la  salle  Pleyel-Wolff  un  con- 
cert donné  par  les  sœurs  Clauss,  et  dont  le  programme  offre  beaucoup 
d'intérêt. 

4*a.  Le  banquet  annuel  pour  célébrer  l'anniversaire  de  la  naissance 
de  Molière  aura  lieu  jeudi  prochain,  15  janvier.  La  liste  de  souscription 
est  ouverte  chez  MM.  Guyot  et  l^éonce  Peragallo,  agents  des  auteurs, 
rue  Saint-Marc,  30,  et  chez  M.  Alexis  Thuillier,  trésorier  des  artistes 
dramatiques,  rue  de  Bondy,  68. 

**»  Le  nouveau  répertoire  de,  Strauss  est  vivement  applaudi  aux  bals 
de  l'Opéra,  dont  la  vogue  est  plus  grande  que  jamais. 

,/%  Le  pianiste-compositeur  D''  Adolphe  Kullak,  frère  du  directeur 
de  l'Académie  de  musique  Th.  Kullak,  est  mort  à  Berlin  le  28  décem- 
bre dernier. 

3,**  Au  moment  de  mettre  sous  presse  ,  M.  Alphonse  Sax  junior 
nous  adresse  une  lettre  que  l'heure  avancée  nous  empêche  d'insérer 
aujourd'hui . 

CHRONIQUE    DÉPARTEMENTALE. 


a,*j  Strasbourg.  —  La  Bohémienne,  de  Balfe,  a  parfaitement  réussi  au 
théâtre  de  la  ville.  Cet  opéra,  chanté  par  Mmes  Stranski  et  Rozès, 
M.M.  Koubly  et  Marehot,  est  probablement  destiné  à  un  succès  durable. 

^*^  Troijbs,  3  janvier.  —  Au  quatrième  concert  de  la  Société  philhar- 
monique, Mme  Oscar  Comettant  et  M.  Emile  Norblin  ont  mérité  une 
mention  exceptionnelle.  Sur  les  quatre  morceaux  chantés  par  Mme  Co- 
mettant, deux  ont  été  bissés  ;  à  la  fin  du  concert ,  le  public  a  voulu 
l'entendre  encore,  et  le  président  de  la  Société  est  venu  la  prier  de 
vouloir  bien  répéter  le  Tango  americano,  ravissante  chanson  havanaise. 
Emile  Norblin  a  obtenu  aussi  sa  bonne  part  de  bravos. 

^*.j,  Bordeaux.  —  Le  cercle  philharmonique  de  cette  ville,  si  bien  di- 
rigé par  son  président,  M.  Brochon,  vient  d'inaugurer  la  saison  des 
concerts.  Mme  Tardieu  de  Malleville,  Mlle  Moreau-Saint',  et  le  violo- 
niste Sarasate  avaient  été  appelés.  Ces  dames  ont  obtenu  le  succès  que 
mérite  leur  talent,  l'une  en  jouant  du  Mozart  et  du  Haydn,  l'autre  en 
chantant  l'air  de  Torquato  Tasso  et  le  boléro  des  Vêpres  siciliennes.  Le 
violoniste  Sarasate  a  enlevé  tous  les  suffrages  avec  la  fantaisie  sur  la 
Muette  et  ses  deux  dernières  compositions:  sa.  fantaisie  originale  et  la  Ha- 
vanaise. Ces  morceaux  lui  ont  valu  des  applaudissements  et  des 
rappels.  Il  n'y  a  eu  qu'une  voix  pour  vanter  la  justesse  et  la  beauté 
de  son,  la  tenue  parfaite  du  jeune  artiste,  et  la  façon  dont  il  fait  chanter 
son  violon  sans  avoir  recours  à  l'afféterie.  L'excellent  orchestre,  con- 
duit par  son  digne  chef,  M.  Cuvreau,  après  l'avoir  admirablement  ac- 
compagné, lui  a  décerné  de  nombreuses  ovations. 


CHRONrQUE   ÉTRANGÈRE. 


^*^  Bruxelles,  — A  la  dernière  représentation  du  Pardon  ie-Ploérmel, 
Mlle  Monrose  s'est  foulé  le  pied,  et  cet  accident  l'éloigné  momentané- 
ment de  la  scène.  Mlle  Dupuy  s'est  essayée  sans  succès  dans  le  rôle  de 
Marguerite  de  Faust.  Avant  la  reprise  de  Freyschulz  aura  lieu  la  pre- 
mière représentation  de  la  Chatte  merveilleuse,  de  Grisar. 

^*^  .imsicrdam,  4  janvier.  —  La  Société  pour  l'encouragement  de  l'art 
musical  en  Hollande  vient  de  donner  son  second  concert  populaire 
sous  la  direction  de  Verhulst.  La  salle  était  comble;  l'orchestre  a 
fait  merveille  ,  l'ouverture  d''Egmont,  de  Beethoven,  a  été  bissée  avec 
acclamation.  A  la  fin  du  concert,  Verhulst  a  été  rappelé  avec  en- 
thousiasme, au  milieu  des  fanfares  de  l'orchestre  ;  au  23  janvier  le  troi- 
sième concert  populaire.  La  même  Société  donnera  son  second  festival 
à  la  fin  de  février.  —  L'éminent  violoniste  Jean  Beckor  continue  ses 
pérégrinations  triomphales  à  travers  la  Hollande  et  la  Belgique;  il  jouera 
le  10  courant  au  grand  concert  des  étudiants  à  Amsterdam  le  concerto 
de  Mendelssohn,  et  un  intermezzo  dramatique  de  M.  de  Hartog,  un  nou- 
vel ouvrage  de  ce  jeune  compositeur  dont  on  dit  grand  bien. 

.^*^  Zurich.  —  La  première  représentation  de  Dinorah  ou  le  Pardon 
de  Ploérmel  a  eu  le  plus  éclatant  succès.  Mlle  de  Uuda,  chargée  du  rôle 
principal,  a  été  comblée  par  le  public  de  marques  de  satisfaction  et  de 
sympathie. 


ib 


,*„,  Berlin,  8  janvier.  —  La  première  représentation  de  Fausi  de  Gou- 
nod,  joué  ici  en  grand  opéra  en  cinq  actes  et  sous  le  titre  de  Margue- 
rite, vient  d'obtenir  un  beau  succès.  Froidement  accueilli  d'abord 
pendant  les  deux  premiers  actes;  dès  le  troisième,  c'est-à-dire  dès  l'ap- 
parition de  Mlle  Lucca,  cet  accueil  est  devenu  plus  vif  et  plus  chaleu- 
reux. Mlle  Lncca,  dont  le  talent  expressif  et  souple  s'était  révélé  déjà 
dans  les  rôles  d'Alice,  de  lioberl,  et  de  Bertbe,  du  Prophète,  vient  de  se 
placer  au  premier  rang  par  la  manière  dont  elle  interprète  le  rôle  de 
Grelehen.  Parmi  les  autres  artistes,  il  faut  particulièrement  distinguer 
Mlle  de  Aima,  qui  s'est  chargée  du  petit  rôle  de  Siebel  et  qui  le  rend 
d'une  façon  exquise.  M.  Woworsky  - /''««s/,  M.  Salomon  -  .l/ep/u'sfo, 
sont  également  très-satisfaisants_,  et  l'orchestre,  sous  la  direction  de 
M.  Dorn,  ne  laisse  absolument  rien  à  désirer.  A  partir  du  troisième 
acte,  Mlle  Lucca  a  été  rappelée  chaque  fois  que  le  rideau  baissait  et 
plus  d'une  fois  à  la  fin  de  l'ouvrage.  Le  peintre  des  décors,  M.  Gropius, 
ainsi  que  le  machiniste,  ont  également  été  rappelés,  et  c'était  justice  ;  la  j 
scène  de  l'église,  entre  autres,  est  un  vrai  chef-d'œuvre;  l'idée  en  vient 
de  Paris,  mais  rien  que  l'idée,  car  l'exéoutioa  en  est  tout  autre  et 
(oute  neuve.  —  Mme  Fabbri-Mlilder  a  terminé  ses  représentations  par  le 
rôle  de  Lucrezia  Borgia:  dans  ce  rôle,  ainsi  que  dans  celui  de  Valentine, 
Mme  Fabbri  a  brillé  par  la  fraîcheur  et  la  beauté  de  son  organe ,  ainsi 
que  par  la  pureté  de  son  intonation.  Après  chaque  acte  de  Lucrèee  Bor- 
gia, Mme  Fabbri  a  été  rappelée  avec  M.  Formés  (Gcnnaro). 

^*^  Leipzig.  —  Une  messe  de  Schumann,  qui  vient  de  paraître,  a  été 
exécutée  par  une  société  de  chant,  avec  accompagnement  d'orgue  et 
du  quatuor  d'instruments  à  cordes.  Elle  a  trouvé  un  accueil  des  plus 
sympathiques. 

„,*»  Francfort-sur-le-iJein.  —  On  vient  de  donner  avec  un  grand  suc- 
cès l'un  des  meilleurs  opéras-bouffes  de  Fioravanti,  /  Virt'iosi  amlmlanti, 
traduit  en  allemand  sous  ce  titre  :  Die  loandernden  Komœdianteii.  On  sait 
que  le  sujet  de  l'opéra  de  Fioravanti  est  tiré  de  la  scène  française  : 
lea  Comédiens  ambulants,  opéra-comique  en  deux  actes,  paroles  de  Picard, 
musique  de  Devienne,  furent  représentés  en  1798  au  théâtre  Feydeau  avec 
uu  certain  succès  Aeuf  ans  après,  Fioravanti  se  trouvant  à  Paris,  et 
les  chanteurs  du  théâtre  Italien  placés  sous  la  direction  de  P.card,  dé- 
sirant être  agréables  i\  ce  dernier,  firent  traduire  le  poëme  des  Comé- 
diens par  Balocchi,  et  chargèrent  le  compositeur  ultramontain  d'écrire 
une  musique  nouvelle.  L'ouvrage  fut  représenté  pour  la  première 
fois  le  26  septembre  1807,  et  interprété  par  Barilli,  Zardi,  la  cé- 
lèbre Mme  Barilli  et  Mme  Canavassi.  Le  succès  fut  complet.  C'est 
ce  même  ouvrage  qui  vient  d'être  exécuté  devant  les  Francfortois  et 
parfaitement  accueilli  par  eux.  Il  a  été  bien  joué  par  MM.  Winckelmann, 
Dettmer,  Fichier,  Ilassel,  Stotz,  et  surtout  par  i\illes  Geisthardt  et  La- 
bitzky,  qui  s'y  sont  fait  pariiculièrement  remarquer.  On  se  plaint  que 
l'orchestre  manque  d'élégance  et  de  délicatesse  dans  l'accompagnement 
d'une  musique  de  ce  gi^nre. 

^,*;f  Vienne.  —  Depuis  que  Mlle  Désirée  Artot  a  débuté  ici  dans  le  Bar- 
bierc  et  la  Figlia  del  Reggimenio,  le  succès  de  la  jeune  et  célèbre  cantatrice 
n'a  fait  que  s'accroître  dans  des  progressions  vraiment  remarquables. 
Pendant  les  fêtes  de  Noël,  elle  a  chanté  à  la  cour  et  y  a  produit  une 
telle  sensation,  que  l'impéralrico  lui  a  exprimé  le  désir  de  l'entendre 
une  seconde  fois.  Un  second  concert  a  eu  lieu  en  effet  le  3  janvier. 
Mlle  Artot  a  commencé  le  29  décembre  une  seconde  série  de  représen- 
t^ions.  La  salle  était  comble  et  la  jeune  cantalFice  continue  à  faire  fu- 
reur. Elle  doit  bientôt  se  faire  entendre  dans  la  Sonnambula.  —  Le 
deuxième  concert  historique  de  Zellner  a  eu  lieu  à  la  salle  de  la 
Société  de  musique  :  le  programme  était  tout  aussi  riche  et  tout 
aussi  varié  que  celui  de  la  première  séance.  Parmi  les  autres  con- 
certs, nous  citerons  celui  de  JIM.  Laub  et  Jaell,  et  la  deuxième 
soirée  de  l'Académie  de  chant,  où  ont  été  exécutés  des  mor- 
ceaux de  J.  S.  Bach,  de  Lotti,  Caldara,  le  Miserere  d'Allegri,  etc.  —  Les 
représentations  de  la  troupe  italienne,  sous  la  direction  de  Merelli, 
doivent  commencer  au  mois  de  février.  Comme  prima  donna  elle  aura  la  cé- 
lèbre Adelina  Patti. 

,^*.j,  Florence,  31  décembre.  —  Des  concerts  populaires  de  musique 
classique  s'organisent  dans  cette  ville  à  l'instar  de  ceux  que  Pasdeloup 
donne  à  Paris.  Dans  le  programme  du  premier  de  ces  concerts,  figure 
l'ouverture  en  forme  de  marche  composée  par  Meyerbeer  pour  l'inau- 
guration de  l'Exposition  universelle  de  Londres. 

^'".^Côrne.  —  Roberlo  il  DIavotoaétè  accueilli  avec  enthousiasme  ici.  La 
Ferrari  (Alice),  Majni  (Beltramo)  et  Grazzi  (Roberto),  interprètent  d'une 
façon  remarquable  les  principaux  rôles  du  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer. 

,•■*„  Crémone.  —  L'opéra  de  Péri,  Vittore  Pisani,  a  été  accueilli  ici  à 
l'ouverture  de  la  saison  avec  le  même  succès  qu'il  a  obtenu  sur  la  plu- 
part des  théâtres  italiens. 

^*^  Palerme.  —  Dix-huit  représentations  de  Roberto  il  Diavolo  ont  été 
données,  et  toujours  la  salle  est  comble. 

^,*^,  Madrid.  —  Zampa.  d'IIerold,  traduit  en  italien,  a  parfaitement 
réussi  à  sa  première  représentation  au  théâtre  de  l'Oriente.  Le  ténor  Bet- 
tini  a  obtenu  dans  le  rôle  principal  des  bravos  chaleureux  et  mérités. 

**,j  Saint-Pétersbourg.  —  Théolinde,  un  ballet  nouveau  pour  notre  pu- 
blic et  arrangé  par  Saint-Léon  d'aprè.'ï   le   Lutin   de   la    vallée,    œuvre 


chorégraphique  représentée  autrefois  au  théâtre  Lyrique  de  Paris,  vient 
d'obtenir  un  brillant  succès.  La  danseuse  russe,  Mlle  Mouraview,  au  bé- 
néfice de  laquelle  la  première  représentation  avait  été  donnée  au  Grand- 
Théâtre,  y  a  surtout  contribué;  la  musique  en  avait  également  sa  part. 
En  fait  de  musique  de  danse,  on  applaudit  beaucoup  au  théâtre  Français 
la  valse  de  Strakosch  la  Gioja  insolita.  instrumentée  par  le  chef  d'or- 
chestre Sylv.  .Maugeant,  et  qu'on  y  exécute  presque  tous  les  soirs. 


;  s.  DUrOUB . 


INNUÂIRE  SPÉCIAL  DES  ARTISTES-MUSICIENS. 

Prix  :  3  fr.  pour  Paris.  —  .50  c.  en  plus  pour    la  Province. 
BuBEAUx,  Faubourg  PoissoHNiÈRE,  B6. 

Cet  ouvrage  comble  une  lacune;  son  plan  général,  l'ordre  de  ses 
classifications,  l'exaîtitude  des  détails,  le  recommandent  à  toutes  les 
personnes  qui  s'occupent  de  musique,  en  même  temps  qu'il  établit  un 
lien  entre  tous  les  artistes. 

Texte.  —  nenseignements  sur  :  les  concours,  —  les  conditions  d'ad- 
mission comme  professeur,  organiste,  chanteur  ou  élève  au  Conserva- 
toire   impérial  de  Musique,  —  la  Chapelle  impériale,  —  les   Paroisses, 

—  Chapelles,  —  Écoles  publiques,  —  l'Association  des  Artistes-Musi- 
ciens, —  la  Société  des  Concerts.  —  iS'om,  prénoms,  qualités,  titres  et 
adresses  des  Compositeurs,  Professeurs  et  Musiciens. 

Liste  générale.  —  Classe  de  musique  de  l'Institut,  —  Conservatoire 
impérial  de  Musique  et  ses  succursales,  —  Chapelle  Impériale,  —Société 
des  Concerts,  —  Maîtres  de  chapeUes,  Organistes  et  Chanteurs  attachés 
aux  paroisses.  —  Orphéon  de  l'aris,  —  Commission  de  surveillance  du 
chant,  —  Sociétés  Philharmoniques,  Chorales  et  Orphéons  de  Province, 

—  Ecoles  et  Cours  gratuits,  —  Ecoles  et  Cours  des  nouveaux  systèmes  de 
notation,— Comités  spéciaux,  —  Théâtres  Lyriques,  direction,  premiers 
sujets,  orchestre.  —  Chefs  de  musique  de  l'armée,  —  Lauréats  annuels 
dii  Conservatoire,  —  Accompagnateurs,  —  Facteurs  d'instruments,—  Ac- 
cordeurs, —  Editeurs  de  musique,  —  Graveurs  spéciaux,  —  Salles  des 
Concerts. 

Tous  les  renseignements  et  doeuments  adressés  franco  avant  le  IS  jan- 
vier 1863.    seront  insérés  gratuitement. 


Chez  G.  BR.i.\DVS  et  S.  DVFOUR,  éditeurs,  403,  rue  Richelieu,  au  /". 


Morceaux  cUantés  an  tbéâtre  Italien 

dans  le  Barbier  de  Séville, 

par  Adelina  Patti: 

LA   GIOJA   IIVSOLITA 

Valse  chantée,  dédiée  à  Madame  la  comtesse  Walewslca 

et  composée  par 

Prix  :6fr.  MAURICE      STRAKOSCH    •^''  ""^^  irampoiée. 

(Paroles  italiennes) 


La  même,  avec      T,  "tt?»         V»    A    "B".       La  même,  avec 

Paroles  françaises     -"^  -"^         -■•  ■^*-  -"^     Paroles  françaises 

Prix  :  6  fr.  La  même,  transposée.  Prix  :  6  fr. 


LA  CALESERA 

Chant    andalous    avec   paroles   espagnoles   et   françaises, 
Musique    d'YRADIEK. 

Prix:  hir.  (Rcproituclion  autorisée.)  Prix:  /i  fr- 

PORTRAIT     D' ADELINA    PATTI 

Dessiné  par  Desmaisons, 
Prix  :  3  francs.  —  Le  même,  sur  papier  de  Chine  :  3  fr.  bO. 


16 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Chez  Ci.  »KAl%»rS  et  fi.   UtJJt^OUR,  ctliteurs ,  t03,  rue  de  KicUciieii,  au   1° 


-       EN  FORME  DE  MARCHE 

A.  IHARGBE  TRIOMPHALE.  -   B.  MARCHE  RELIGIEUSE.  —  C.  PAS  REDOUBLÉ. 

Composée  pour   rùiauguration  de  rEorposition  à  Londres,  par 

GIAGOMO    METE^BEER 

ARRANGÉE  POUR  LE  PIANO  SEUL.  PRIX  :   10  FRANCS, 
lia   niême ,    arrangée   pour   le   Piano   à    «inatre   mains,  iiris.    :    t'S    fr«ncs> 

La  Grande  Partition  :  24  francs.  —  Les  Parties  d'Orchestre  :  2i  francs. 

DU  MÊME  AUTEUR  : 

CHŒURS    POUR    VOIX    D'HOMMES    SANS    ACCOMPAGNEMENT: 


A  la  Patrie  ! 

Chœur  avec  soli. 
Partition,  prix  net  :  1  fr.  50.         —         Chaque  partie  séparée:  20  c. 


M^em  «foyeux  diaiimenrij 

Chœur  à  quatre  voix. 
Partition,  prix  net  :  1  fr.  —  CIiac|ue  partie  séparée  :  20  c . 


Invocation  à  la  Terre  natale 

Sur  le  thème  du  God  save  the  King, 
Partition,  prix  net:  1  fr.  50.         —         Chaque  partie  séparée:  20  c. 


li' Amitié 

Quatuor  pour  voix  d'hommes, 
Partition,  prix  net:  1  fr.  50.         —         Chaque  partie  séparée:  20  c. 


POUR    PARAITRE     PROCHAINEMENT  : 


liE    €HitMT    DUS    EIXILE^ 


Clioeur   avec    solo    de    ténor. 


Morceaux  nouveaux  pour  le  Piano  : 
PENDANT    LA    VALSE   1  VISION  1     LA  COUPE  EN  MAIN 

Op.  26.  Scène  dramatique.  6  fr.  I  Op.  28.  Romance   sans    paroles.  4  fr.    i  Op.  27.  Brindisi.  5  fr. 

Par    LÉOTSriE      TONEL 


Mazurka  de  salon 
Op.  89.  Par    D.     MAGNUS  7  fr.  50. 


Op.  39. 


Transcription   du  Stabat  Mater  de  Rossini 

Par    BRINLEY    RICHARDS 


6  fr. 


LE  SOIR  AU  BOBfi  DD  LÀC 

Nocturne  par 

A.    BILLET 

Op.  72.  —  Prix  :  9  francs. 


Op.  15. 


Caprice  imilatif 


ABSENCE    ET    RETOUR 

Fantaisie  mélodique  et  brillante 
Op.  14.  Par    CHARLES    POURNY  7  fr.  50. 


HEURES  DE  TRISTESSES 

Méditations  par 

P.    GERVILLE 

Deux  suite.s.  —  Chaque  :  5  francs. 


A  MADAME  LA  COMTESSE  WALEWSKA. 

L'ENCHANTERESSE 

Grande  valse  à  quatre  mains  par 

7fr.50.         A.    RIEDEL         7fr.  50. 


Musique  de  danse  ; 

Valse  composée  sur  les  plus  jolis  motifs  de 
Ad.  Adam,  Auber,  Maillart,  Meyerbeer  et  Rossini, 

Par    STRAUSS 


A  MONSICUR    GEORGES  KASTNER. 

RÊVERIE    SUISSE 

Valse  pour  le  piano  par 
6fr.  A.     RIEDEL  6  fr. 


VALSE 
Arrangée  poar  le  piano  «nr 

L  a   même,  pour  piano  à  4  mains. 


liE     B  Ali 

PAR 

EMILE    DESGRANGES 


LA  GIOJA  INSOLITA 
De  Uaurlce  Strakoscb 

Prix  :  6  francs. 


l\  Kl  C,  ni  K  lU.iii.Kiii;,  -20. 


BUREAUX    A    PARIS  :    BOULEVARD   DES   ITALIENS,    I. 


30^  Année. 

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Dans  les  Déporlements  et  à  l'Étranger,  chez  tous 
les  Marchands  de  Musique,  les  libraires,  et  aui 
Purcam  des  Messageries  et  des  Postes. 


N«  3. 


REVUE 


18  Janvier  1863. 

PRIX  DE  L'ABOHNEUENT  : 

Paris 24(r.parall 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    30  «       id. 

Étranger M  »       id. 

le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


— ^\Aj  uv\Ar lATiAA/^/^' 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  impérial  Italien:  /  Lombardi  alla  prima  Crociata,  mu- 
sique de  Verdi;  Mlle  Adelina  Patti  dans  Don  Pasquale,  par  Paul  Smith.— 
Requiem  de  Mozart  à  Notre-Dame,  par  Adolphe  Botte.  —  Le  Trésor  des 
pianistes  (2°  article),   par  Fétis  père.   —  Chopin,  par   liouis    Unault.    -  ■ 

Nouvelles  et  annonces. 


THÉÂTRE  IMPERIAL  ITALIEN. 

I    liOlIBAnDI    AULA   PBIUA     CBOCIAVA , 

Musique  de  Verdi. 

{Première  représentation   le  10  janvier.) 
Mlle  Adelina    Patti    dans   DO:v   PASQUAIiE. 

Le  théâtre  Italien  a  bien  voulu  nous  offrir  un  des  premiers  opé- 
ras de  Verdi  pour  nos  étrennes.  C'est  un  don  de  pure  grâce ,  dont 
nous  devons  lui  être  fort  obligés,  car  le  besoin  ne  s'en  faisait  nul- 
lement sentir.  Qui  songeait  à  ces  Lombardi  dont  la  première  repré- 
sentation, donnée  à  Milan,  remonte  au  11  février  1843?  Pas  plus  le 
public  que  l'auteur.  Et  ce  dernier  devait  s'en  occuper  d'autant  moins 
qu'il  en  avait  déjà  tiré  ce  qu'il  y  avait  de  mieux  pour  nous  en  gra- 
tifier dans  Jérusalem,  qui  fut  jouée  à  Paris  le  26  novembre  18Z|7. 
Verdi  eut  cela  de  commun  avec  Rossini ,  que  lorsqu'il  fut  appelé  à 
se  produire  sur  la  scène  française ,  il  jugea  convenable  de  ne  rien 
écrire  d'absolument  neuf,  et  se  contenta  de  rhabiller  à  notre  mode 
un  de  ses  ouvrages  déjà  connus  en  Italie.  Rossini  avait  choisi  son 
Maometto  pour  en  faire  le  Siège  de  Corinthe  :  Verdi  pensa  que  ses 
Lombardi  pouvaient  être  transformés  en  Jérusalem.  A  notre  avis,  les 
deux  maîtres  commirent  une  faute,  et  auraient  mieux  fait  de  s'y 
prendre  autrement.  Ni  le  Siège  de  Corinthe,  ni  Jérusalem  ne  s'éta- 
blirent solidement  au  répertoire:  il  est  vrai  que  les  Vêpres  sicilien- 
nes, que  Verdi  composa  plus  tard  à  notre  intention  expresse,  n'eu- 
rent pas  un  sort  beaucoup  meilleur,  mais  Guillaume  Tell  avait  été 
plus  heureux,  et  l'on  avait  vu  ce  que  pouvait  un  homme  de  génie, 
bien  résolu  à  une  naturalisation  complète. 

Aujourd'hui  que  mûri  par  le  temps,  l'expérience,  et,  il  faut  le  dire, 
par  ses  éludes  du  goût  français,  Verdi  a  donné  Rigoletlo  et  le 
Trovatore,  nous  ne  voyons  plus  dans  les  Lombardi  qu'un  spéci- 
men de  ses  inspirations  juvéniles,  alors  qu'il  s'y  abandonnait  sans 
frein  et  sans  réserve.  Il  y  a  de  tout  dans  le  libretto]  des  Lom- 
bardi : 'ji^%ûozi%yio\en\.es  et  féroces,  assassinais,  batailles,  chants  re- 


ligieux, chants  guerriers,  conversion,  baptême,  vision,  grande  va- 
riété de  tableaux  et  de  coups  de  théâtre.  Verdi,  que  l'éclatant  succès 
de  Nabuco  venait  de  mettre  hors  de  page,  dut  être  heureux  de  se 
jeter  à  travers  une  action  si  mouvementée,  et  d'écrire  sa  musique 
à  l'image  du  libretto.  Le  succès  des  Lombardi  ne  resta  pas  au-des- 
sous de  celui  de  Nabuco,  et  de  ce  moment  commença  le  règne  de 
Verdi  en  Italie.  Ktait-ce  une  raison  plausible  pour  nous  rendre  un 
opéra  dont  les  beautés  nous  étaient  connues,  et  dont  les  défauts  sont 
de  nature  à  nous  choquer  plus  que  jamais?  Le  libretto  des  Lombardi 
n'est  peut-être  pas  plus  absurde  que  celui  du  Trovatore,  mais  la  mu- 
sique est  bien  inférieure.  Nous  y  avons  retrouvé  les  morceaux  sail- 
lants qu'on  avait  transportés  dans  Jérusalem,  notamment  l'air  de 
basse-taille  que  chantait  si  bien  Alizard  ;  l'air  du  ténor  admirable- 
ment dit  par  Duprez  : 

Je  veux  encore  entendre 
Sa  voix,  sa  voix  si  tendre. 

A  ces  morceaux  il  faut  ajouter  la  brillante  cavatine  pour  voix  de 
soprano  :  non  fu  sogno,  ou,  si  vous  l'aimez  mieux  en  français  : 
quelle  ivresse,  bonheur  su-préme!  un  fort  beau  trio,  de  brillantes  fan- 
fares, des  chœurs  pleins  d'animation  et  de  larges  morceaux  d'ensemble. 

A  dire  l'exacte  vérité,  le  public  a  écouté  froidement  toute 
cette  musique;  il  l'a  trouvée  plus  vigoureuse,  plus  hardie  que  tou- 
chante. L'exécution  d'ailleurs  ne  la  faisait  nullement  valoir  :  excepté 
Naudin  ,  qui  a  bien  chanté  le  rôle  d'Oronte ,  mais  dont  le  costume 
turc  était  parfaitement  ridicule  ,  les  artistes  n'avaient  rien  de  ce  que 
l'on  était  en  droit  de  leur  demander.  Tout  le  monde  sait  que  le  rôle 
de  Gisella  fut  un  des  triomphes  de  Mme  Frezzolini  ;  mais  il  y  a  vingt 
ans  de  cela ,  et  le  temps  se  permet  sur  les  voix  d'irréparables  ou- 
trages. Cependant,  Mme  Frezzolini  n'a  pas  craint  d'aborder  ce  même 
rôle  qui  jadis  lui  valut  tant  de  bravos  et  tant  de  gloire  !  Singulière  et 
périlleuse  coquetterie  que  de  reprendre,  au  bout  de  vingt  ans,  la  toilette 
que  l'on  portait  aux  premiers  jours  de  sa  jeunesse!  La  voix  de  Bar- 
tolini  manque  d'ampleur  et  ne  suffit  pas  au  personnage  de  Pagano  : 
comme  Naudin,  il  a  aussi  beaucoup  à  se  plaindre  des  maladresses  du 
costumier,  qui,  au  moment  où  il  quitte  la  robe  de  l'ermite  pour  en- 
dosser l'uniforme  du  guerrier,  l'a  livré  à  un  homérique  accès  d'hila- 
rité générale. 

llâtons-nous  de  laisser  un  ouvrage  qui ,  selon  toute  apparence, 
n'aura  fait  que  passer,  et  venons-en  bien  vite  à  quelque  chose  de 
plus  agréable.  Jeudi  dernier,  Mlle  Adelina  Patti  s'est  essayée  dans 
Don  Pasquale:  elle  s'est  montrée  à  nous  dans  ce  charmant  rôle  de 
Norina,  dans  lequel  tant  d'autres  ont  réussi  avant  elle,  et  Dieu  nous 
garde  d'oublier,  de  diminuer  le  talent  de  toutes  ces  autres  depuis  la 


18 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


première  jusqu'à  la  dernière,  depuis  Mlle  Julia  Grisi,  qui  a  créé  le 
rôle  chez  nous  jusqu'à  Mlle  Marie  Battu,  qui  l'a  rempli  avec  tant  de 
mérites  et  d'éloges  !  Si  vous  nous  demandez  comment  Mlle  Patti  s'en 
est  acquittée  à  son  tour,  permettez-nous  de  vous  répondre  comme 
Don  Pasquale  lui-même  répond  au  docteur  Malatesta  dans  la  scène  où 
ce  dernier  lui  présente  sa  prétendue  sœur  :  —  Chêne  dite?  lui  demande 
le  docteur;  elle  bonhomme  répond  tout  simplement:  -—È  un  incantol 
(C'est  un  charme!)  Eh  bien!  précisément,  voilà  ce  que  nous  pensons 
du  jeu  et  du  talent  de  Mlle  Patti  dans  le  rôle  de  Norina  :  c'est  un 
charme!  Après  cela  discutez,  critiquez  tant  que  vous  voudrez.  Nous 
nous  en  tiendrons  toujours  à  ceci  :  c'est  un  charme,  et  quaijd  le  charme 
y  est,  il  défie  tous  les  arguments,  il  bat  en  brèche  toute  la  science. 
Le  fait  est  que  cette  jeune  fille,  un  peu  jeune  peut-être  (  et  c'est 
son  unique  défaut)  pour  jouer  un  rôln  de  veuve,  n'avait  jamais  été 
plus  heureuse  ni  plus  habile  que  dans  ce  rôle  de  Norina,  si  fertile  en 
malices  et  en  espiègleries.  Jamais  ce  petit  être,  fin  et  délié  comme 
un  sylphe,  aux  yeux  si  brillants,  au  sourire  si  expressif,  n'avait 
trouvé  une  meilleure  occasion  de  manifester  sa  gracieuse  tyrannie, 
ses  terribles  et  amusants  caprices.  C'est  qu'aussi  jamais  artiste  n'a 
réuni  au  même  degré  que  Mlle  Patti  le  sentiment  dramatique  et  mu- 
sical, et  c'est  ce  qui  lui  donne  ce  charme  dont  nous  parlions  tout  à 
l'heure,  ce  charme  si  rare  sur  tous  nos  théâtres,  plus  rare  encore 
au  théâtre  Italien.  Le  temps  nous  manque  pour  la  suivre  dans  toutes 
les  scènes  de  la  pièce  ;  disons  seulement  qu'elle  a  été  applaudie, 
rappelée  comme  elle  méritait  de  l'être,  et  que  dans  la  salle  entière  il  y 
avait  unanimité  pour  rendre  justice  à  l'excellence  de  sa  voix,  à  la 
franchise  de  son  inspiration,  au  prestige  de  toute  sa  personne. 

Paul  SMITH. 


REQUIEM  DE  MOZART  Â  NOTRE-DAME. 

Le  9  de  ce  mois,  le  lendemain  des  obsèques  de  Son  Eminence  le 
cardinal  Morlot,  dont  l'éloge  était  dans  toutes  les  bouches,  le  souvenir 
dans  toutes  les  mémoires  (souvenir  qui  assombrissait  encore  singuliè- 
rement cette  cérémonie  funèbre),  a  eu  lieu  à  Notre-Dame  la  translation 
des  restes  de  tous  les  prélats  qui  ont  précédé  Mgr  Morlot  sur  le 
siège  archiépiscopal  de  Paris,  et  que  lui-même,  on  l'a  remarqué  avec 
tristesse,  devait,  contre  toute  attente,  précéder  dans  le  nouveau  caveau. 
Restaurée  et  embellie  de  très-remarquables  vitraux ,  notre  vieille 
cathédrale  était  envahie  de  bonne  heure  par  une  foule  nombreuse 
qui  a  religieusement  écouté  le  chef-d'œuvre  par  lequel  Mozart  termi- 
nait à  trente-six  ans  à  peine  cette  merveilleuse  carrière  qui,  aujourd'hui 
encore ,  frappe  l'imagination  d'étonnement,  et  laisse  dans  toute  âme 
artiste  une  inaltérable  admiration.  Selon  les  uns  ,  Mozart  laissa  cet 
ouvrage  inachevé,  selon  les  autres  il  le  termina.  Quoi  qu'il  en  soit,  et 
quoique  la  mort ,  jalouse  de  tant  de  jeunesse  et  de  tant  de  gloire, 
glaçât  ses  dernières  pensées  et  épouvantât  ses  dernières  méditations, 
il  y  mit  néanmoins  assez  de  son  cœur,  et,  avec  lui,  on  peut  dire  sans 
crainte  —  dût- on  faire  sourire  tous  les  hégéhens  d'Allemagne  et  de 
France,  —  assez  de  sa  foi  pour  lui  donner  la  vie,  la  force,  la  beauté 
et  la  majesté. 

Nos  habitudes,  les  progrès  de  l'instrumentation  moderne ,  progrès 
que  d'ailleurs,  comme  tant  d'autres  progrès,  nous  payons  parfois  assez 
cher  pour  n'en  être  que  médiocrement  fiers,  l'abus  des  nouvelles  ri- 
chesses harmoniques  nous  éloignent  chaque  jour  davantage  delà  clarté, 
de  la  concision,  de  la  vigueur  noble,  de  l'exquise  sobriété  telles  que 
Haydn  et  Mozart  les  avaient  comprises,  voulues,  réalisées  et  données 
à  l'art  immortel  de  leur  temps  :  aussi  les  amateurs  du  bruit,  de  l'exa- 
gération ,  de  l'enflure  ,  de  l'effet  matériel  et  brutal,  trouvent-ils  ce 
Requiem  bien  calme ,  bien  tranquille  et  bien  serein.  Certes,  Mozart  a 
compris  et  traduit  le  magnifique  poëme  du  Dies  irœ  tout  autrement 


que  Dante  et  Michel-Ange  (  les  deux  seuls  génies  qu'on  puisse  lui 
opposer);  certes  le  désespoir,  l'imprécation,  l'épouvante,  la  fureur, 
la  rage,  en  passant  par  son  imagination,  se  fondent  vite  en  soupirs,  en 
prières ,  en  larmes ,  en  espérances  ;  mais  il  n'en  atteint  pas  moins 
au  terrible  quand  il  le  veut  et  quand  il  le  faut.  Il  frappe  peut-être 
moins  fort  que  d'autres,  mais  il  frappe  plus  juste  et  émeut  plus  profon- 
dément. Quand  il  puise  dans  l'harmonie  dissonante,  il  choisit  l'accord 
qui  convient  le  mieux  à  la  situation,  qui  rend  le  plus  complètement 
sa  pensée ,  et  sa  mélodie  ,  moins  surchargée  qu'on  ne  la  surcharge 
généralement  aujourd'hui ,  n'en  est  que  plus  forte  ,  plus  lumineuse, 
plus  expressive,  plus  touchante  et  plus  vraie.  Pour  nous  en  tenir  au 
seul  point  de  vue  de  la  sonorité,  croiton  que  la  strophe  Tuba  mirum, 
si  belle,  si  mélodique  et  accompagnée  d'une  si  adorable  façon,  eût 
beaucoup  gagné  à  ce  que  Mozart  eût  augmenté  dans  une  propor- 
tion considérable  le  nombre  des  instruments?  Quand  la  pensée 
est  fraîche,  vivante  et-  colorée,  elle  aime  à  s'épanouir  librement,  elle 
aime  à  se  montrer,  et  tout  le  faux  luxe  dont  on  l'entoure  n'est  souvent, 
quoi  qu'on  en  dise  ,  qu'un  signe  d'impuissance  et  de  décadence.  En 
musique ,  amas  d'harmonies  ,  mauvaise  mélodie  ;  abus  de  sonorité, 
fausse  éloquence:  aussi,  en  écoutant  les  œuvres  de  Mozart,  pense-t- 
on, malgré  soi,  aux  grands  écrivains  du  xvn°  siècle  ;  c'est,  en  effet,  la 
même  mesure,  la  même  fermeté,  la  même  élévation,  la  même  pureté. 

Dans  le  Requiem  l'orchestre  est  splendide  et  plein  de  variété, 
mais  sa  splendeur  n'a.  Dieu  merci,  rien  d'étourdissant.  Les  voix, 
parfaitement  distribuées,  gardent  toujours  le  premier  rang,  et  ne  con- 
tribuent pas  peu  à  donner  à  la  composition  un  caractère  éminem- 
ment religieux  et  chrétien.  Que  dirons-nous  de  tous  les  morceaux  en 
particulier  qui  n'ait  été  dit  avant  nous  ?  Que  pourrions-nous  appren- 
dre de  nouveau  à  tous  ceux  qui  s'occupent  sérieusement  de  musique 
saine  sur  la  partition  souvent  sublime  de  Mozart  ?  Rien  ou  du  moins 
fort  peu  de  chose.  Nous  nous  contenterons  donc  de  rappeler  le  plus 
brièvement  possible  les  inspirations  élevées,  les  expressions  variées, 
les  caractères  divers  répandus  par  le  maître  dans  ce  magnifique  poëme 
où  se  pressent  harmonieusement  tous  les  sentiments  humains,  foutes 
les  craintes  et  toutes  les  espérances  que  donne  la  pensée  de  cette 
dernière  heure,  qui  sera  suivie  du  terrible  et  formidable  jugement. 

Dès  le  début,  la  mélodie  sévère,  calme,  [et  pourtant  noyée  de  dou- 
leur, monte  par  imitations  et  éclate  bientôt  après  dans  les  quatre  par- 
ties vocales,  accompagnées  tristement  par  des  syncopes  qui  peignent 
admirablement  l'abattement  et  le  sanglot  contenu.  La  fugue  du  Kyrie, 
qui  rappelle  la  grande  manière  d'Haendel ,  est  justement  célèbre,  et 
l'une  des  plus  belles  et  des  plus  savantes  conceptions  qu'on  puisse  en- 
tendre. Malheureusement,  elle  a  été  dite  beaucoup  trop  lentement. 

Le  Dies  irœ  est  admirablement"*traité.  Que  de  grandeur  dans  le 
beau  ch^wv  ÔlQ  Rex  tremendœ  majestatis,  quelles  formidables  basses, 
quels  beaux  accords,  quels  dessins  pompeux,  quels  dialogues  jaillis- 
sent de  l'orchestre,  et  comme  ils  ébranlent  invinciblement  quiconque 
est  seulement  sensible  aux  beautés  purement  musicales  !  Quant  à  tous 
ceux  que  leurs  souvenirs  personnels  oppressaient,  ils  ont  été  vive- 
ment et  visiblement  impressionnés  par  les  autres  strophes ,  par  le 
Recordare,  quatuor  solo  dont  on  oublie  les  heureux  détails  pour  s'a- 
bandonner tout  entier  à  la  tendresse,  à  l'humilité,  à  la  douceur  sereine 
et  confiante  qu'il  exhale;  par  le  Confutatis,  où  le  désespoir,  le  re- 
pentir et  la  prière,  tous  les  mouvements  de  l'âme  enfin  luttent  d'é- 
nergie, et  où  tout  est  pathétique  et  sublime.  Au  Lacrymosa,  Mozart, 
ou  celui  qui  a  si  bien  su  compléter  son  œuvre,  est  rentré  pleinement 
dans  l'accent  plaintif  et  fervent.  Les  masses  vocales  éclatent  en  gé- 
missements, et  il  nous  serait  bien  difficile,  pour  ne  pas  dire  impos- 
sible, d'expliquer  en  peu  de  mots  comment  l'orchestre  ,  par  une 
simple  figure  qui  se  poursuit  jusqu'à  la  fin  du  morceau,  soutient  si 
merveilleusement  celte  ravissante  mélodie. 

Tout  dans  cette  messe  impressionne,  élève  l'âme  et  plaît  univer- 


DE  PARIS. 


19 


sellement;  mais  aussi  quel  musicien  a  jamais  pleuré,  supplié  dans  un 
langage  plus  déchirant,  plus  harmonieux  ?  Quel  musicien  a  jamais  su 
si  bien  cacher  l'art  sous  la  grandeur  et  la  sincérité  de  rémolion  ? 

Signalons  encore  le  Domine  Jesu ,  prière  pleine  d'émotion  , 
de  caractère  ,  pleine  du  sentiment  religieux  le  plus  élevé  ,  et 
dont  l'orchestration,  comme  l'harmonie,  comme  la  disposition,  l'or- 
donnance des  voix  et  des  instruments ,  est  bien  faite  pour  rendre 
moins  orgueilleuse  et  surtout  moins  oublieuse  la  musique  moderne  ; 
le  beau  chœur  Hostias,  superbe  larghetto  qui  précède  le  Scmctus,où 
un  passage  fugué  très-serré,  très-riche,  mais  très- vocal  et  très- 
tonal  amène  le  Benedictus  et  forme  avec  lui  un  délicieux  contraste. 
Là,  l'auteur  revient  encore  une  fois  à  des  couleurs  moins  sombres;  il 
est  tranquille,  recueilli,  résigné,  et  termine  son  œuvre  par  un  Agnus 
Dei  que  couronne  la  reprise  de  la  fugue  du  Kyrie. 

Si  tout  dans  ce  Requiem  n'est  pas  d'une  égale  beauté,  si  l'on  y 
trouve  quelques  négligences,  quelques  répétitions  inutiles;  si,  dans 
quelques  parties,  on  peut  aisément  remarquer  quelques  faiblesses  de 
style,  les  principaux  morceaux  n'en  attestent  pas  moins  la  main  du 
génie  ;  du  génie  défaillant  si  l'on  veut,  mais  non  épuisé. 

Grâce  à  l'Association  des  artistes  musiciens,  on  a  pu  entendre 
cette  œuvre  colossale.  C'est  déjà  beaucoup,  mais  ce  n'est  pas  assez. 
Dans  une  ville  comme  Paris,  oîi  les  éléments  ne  manquent  pas,  il 
est  facile  de  rendre  complètement  les  grandes  conceptions,  de  les 
faire  admirer  dans  tout  leur  éclat,  de  les  restituer  avec  tout  le  soin, 
toute  la  conscience  et  tout  le  respect  qu'elles  méritent.  Nous  avons 
regret  de  le  dire,  il  n'en  a  pas  été  tout  à  fait  ainsi  l'autre  jour  : 
d'abord  les  basses  et  les  ténors  n'étaient  pas  assez  nombreux;  puis, 
dans  Us  mouvements  vifs  et  rapides,  une  mollesse  fâcheuse  a 
nui  à  l'effet  général.  Les  altérations  de  mouvement,  plus  mau- 
vaises encore  que  le  manque  de  nuances,  car  elles  dénaturent  la 
pensée  du  compositeur,  ont  été  aussi  beaucoup  trop  fréquentes  pen- 
dant toute  l'exécution.  Les  honneurs  de  la  partie  vocale  ont  été,  non 
pour  les  solistes,  mais  pour  les  enfants,  dont  les  voix  étaient  fraîches, 
justes,  et  qui  ont  attaqué  avec  franchise,  netteté  et  ensemble.  On  n'a 
que  des  éloges  à  adresser  à  l'orchestre  que  dirigeait  M.  Tilmant, 
.avec  le  talent  et  le  zèle  dont  il  a  donné  tant  de  preuves. 

Adolphe  BOTTE. 


LE  TRÉSOR  DES  PIANISTES, 

Publié  par  M.  A.   Farrenc  (3«  livraison). 
(2"  article)  (1). 

Poursuivant  sa  belle  et  noble  entreprise  avec  cette  ardeur  et  cette 
conviction  sincère  sans  lesquelles  on  ne  fait  rien  de  sérieux,  rien 
qui  ait  des  conditions  d'avenir,  M.  Aristide  Farrenc  ne  se  laisse  point 
ébranler  par  les  obstacles  inséparables  d'une  publication  telle  que  le 
Trésor  des  pianistes.  11  a  aussi  le  bon  esprit  de  ne  pas  tenir  compte 
de  la  critique  frivole,  intéressée  ou  dénigrante.  11  apprécie  son  tra- 
vail à  sa  juste  valeur,  et  sait  que  sa  collection  d'œuvres  des  plus  cé- 
lèbres clavecinistes  et  pianistes  de  tous  les  temps,  réunie  pénible- 
ment et  à  grands  frais,  collationnée  avec  soin  sur  les  éditions  origi- 
nales, purgée  de  toutes  les  fautes  des  copistes  et  des  graveurs,  enfm 
publiée  avec  une  perfection  de  gravure,  d'impression  et  un  choix  de 
papier  inusités  en  France,  est  un  service  d'autant  plus  considérable 
rendu  aux  vrais  artistes  et  amateurs,  que  la  plupart  de  ces  monu- 
ments de  l'art  sont  aujourd'hui  à  peu  près  introuvables. 

La  troisième  livraison  du  Trésor  des  pianistes  ne  cède  pas  aux 
deux  premières    en  intérêt  ;  elle  renferme  douze  sonates  du  célèbre 

(1  )  Voir  le  ii"  47  de  l'annùe  1802. 


Père  J.-B.  Martini,  le  premier  livre  des  pièces  de  François  Couperin, 
surnommé  le  Grand,  et  quatre  œuvres  élégantes  de  Hummel,  à  sa- 
voir :  Chanson  hollandaise,  variée,  œuvre  21  ;  marche  de  Cendril- 
lon,  variée,  œuvre  ZiO  ;  gavotte  à'Armide,  variée,  œuvre  b1,  et  la 
Belle  Marie ^  chanson  variée,  œuvre  75. 

Les  sonates  de  Martini,  publiées  pour  la  première  fois  à  Amster- 
dam en  17/|2,  eurent  peu  de  retentissement  d'abord,  à  cause  des  dif- 
ficultés du  mécanisme  qu'elles  offrent  presque  à  chaque  page  ;  mais 
les  éloges  qu'en  firent  plus  tard  quelques  artistes  de  premier  ordre, 
au  nombre  desquels  étaient  Charles -Philippe -Emmanuel  Bach  et 
Mozart,  fixèrent  l'attention  des  connaisseurs  sur  ce  bel  ouvrage  si 
peu  connu  aujourd'hui.  Cherubini  n'en  parlait  qu'avec  admiration,  et 
Clementi,  qui  m'en  fit  entendre  quelques-unes  autrefois  avec  la  per- 
fection irréprochable  de  son  talent,  avait  une  si  grande  estime  pour 
cette  œuvre  du  savant  maître  de  Bologne,  qu'il  a  reproduit  ces  sonates 
dans  les  deuxième  et  quatrième  volumes  de  son  recueil,  intitulé:  Prac- 
tical  Harmomj,  mais  en  les  traitant  en  ami  avec  qui  l'on  ne  se  gène 
pas;  car,  non -seulement  il  ne  les  a  pas  laissées  dans  l'ordre  où  elles 
ont  été  publiées  originairement,  mais  il  a  transporté  des  morceaux 
d'une  sonate  dans  une  autre;  de  la  septième  sonate  il  en  a  fait  deux, 
et  a  transpo.sé  le  Menuet  de  la  neuvième.  Ce  n'est  pas  ainsi  qu'en 
use  le  consciencieux  M.  Farrenc  avec  la  musique  pour  laquelle  il  se 
sent  de  l'affection  ;  reproduire  avec  fidélité  l'ouvrage  tel  qu'il  est 
dans  l'édition  originale,  moins  quelques  fautes  qui  s'y  sont  glissées, 
est  ce  qu'il  a  voulu  et  ce  qu'il  a  fait.  A  l'égard  des  fautes,  deux  seu- 
lement présentaient  des  difficultés,  à  cause  d'une  mesure  étrangère 
à  la  tonalité  dans  un  endroit,  et  de  l'oubli  fait  par  le  copiste  ou  le 
graveur  d'une  mesure  dans  un  autre  passage  :  M.  Farrenc  a  adopté 
pour  ctia  les  corrections  de  Clementi,  qui  sont  en  effet  ce  qu'on  pou- 
vait faire  de  mieux. 

Ainsi  que  je  l'ai  dit  ailleurs,  il  ne  faut  pas  chercher  avant  Charles- 
Philippe-Emmanuel  Bach  les  formes  et  le  caractère  de  la  sonate 
moderne  :  chez  Martini,  comme  chez  ses  prédécesseurs,  la  sonate 
est  composée  d'un  prélude,  d'une  fugue,  d'un  adagio,  d'un  morceau 
dans  le-  caractère  d'une  des  danses  du  temps,  gigue,  courante,  ga- 
votte, etc.,  et  se  termine  par  un  aria  varié  en  intreccio  armonico  ;  en- 
fin, tous  les  morceaux  d'une  sonate  sont  dans  le  même  ton.  La  mo- 
notonie, jeu  de  mots  à  part,  n'est  pas  aussi  sensible,  dans  l'œuvre  de 
Martini,  qu'on  peut  le  croire  d'après  ce  système;  car.  bien  que  le  ton 
reste  le  même  depuis  le  commencement  jusqu'à  la  fia  de  la  sonate, 
la  diversité  de  caractère  des  morceaux  dont  elle  se  compose  fait  ou- 
bher  l'uniformité  du  ton.  La  mélodie  a  du  charme,  souvent  de  la 
naïveté  dans  l'œuvre  de  Martini,  ce  qui  n'est  pas  un  petit  mérite 
chez  un  si  savant  harmoniste.  Ses  fugues  sont  excellentes,  mais  fort 
difficiles  :  tel  qui  joue  bien  les  fugues  de  Haendel,  et  même  de  Jean- 
Sébastien  Bach,  peut  éprouver  des  difficultés  à  bien  dire  celles  de 
Martini.  Les  gigues,  courantes,  gavottes,  sarabandes,  ballets,  etc., 
ont  de  la  grâce,  les  adagios  ont  un  grand  et  noble  caractère,  et  les 
arie  ont  une  naïveté  charmante.  Dans  les  sonates  /j,  5,  6,  Varia  va- 
rié ou  le  mouvement  de  danse  sont  remplacés  par  un  allegro  qui 
appartient  à  l'ancien  genre  de  pièces  appelé  ricercare.  Celui  de  la 
cinquième  sonate  (en  sol  mineur)  est  plein  de  feu  et  d'entrain.  Au 
résumé,  les  sonates  d'intavolatvra  de  Martini  appartiennent  aux  com- 
positions de  l'ordre  le  plus  élevé. 

Il  ne  faut  pas  chercher  dans  les  pièces  de  Couperin  le  grand  style 
de  sonates  de  Martini  :  ici,  c'est  tantôt  l'élégance  coquette,  tantôt  la 
naïveté  touchante,  et  parfois  le  brio  des  doigts  agiles;  mais  le  goût 
français  de  l'époque  où  vécut  l'artiste  n'avait  pas  de  rapport  avec  les 
larges  proportions  de  la  musique  de  Haendel,  de  Jean-Sébastien  Bach, 
et  ne  seplaisait  pas  aux  savantes  combinaisons  d'harmonie.  Les  titres 
seuls  de  la  plupart  des  pièces  de  Couperin  suffisent  pour  faire  com- 
prendre la  différence  des  voies  où  l'art  est  engagé  en  Allemagne,  en 


20 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALK 


Italie  et  chez  les  Français  d'alors.  On  sait  que  chez  ceux-ci  les  habi- 
tudes sont  quelque  peu  bourgeoises.  Ainsi  les  Sylvains,  les  Abeilles, 
l'Enchanteresse,  sont  des  rondeaux;  la  Bourbonnaise  est  une  gavotte; 
la  Laborieuse,  une  allemande  ;  et  la  Prude,  une  sarabande.  Quelques- 
uns  de  ces  titres  sont  caractéristiques  du  genre  des  pièces,  par  exem- 
ple :  la  Voluptueuse,  les  Papillons,  la  Lutine,  les  Idées  heureuses  l 
Heureux  qui  peut  donner  ce  dernier  titre  à  sa  musique  !  Douperin 
avait  ce  droit,  car  au  sein  des  petites  proportions  dans  lesquelles  il 
est  contraint  d'enfermer  son  génie,  il  trouve  le  secret  d'être  grand 
par  le  sentiment. 

Au  xvF  siècle ,  la  profusion  des  ornements  se  trouvait  partout 
dans  la  musique  instrumentale;  la  création  du  drame  en  musique  la 
fit  disparaître  au  xvii«  siècle  de  l'Italie,  et  bientôt  après  de  l'Al- 
lemagne ;  mais  en  France,  cette  profusion  de  groupes,  de  trilles, 
à'apogialures,  déports  de  voix,  de  brisés,  de  flattés,  etc.,  n'était 
pas  seulement  maintenue  par  Vépinette,  le  clavecin  et  autres  instru- 
ments dont  les  sons  ne  pouvaient  être  soutenus  et  chantants,  car  le 
chant  même  en  était  surchargé.  Couperin,  qui  écrivit  ses  quatre  li- 
vres de  pièces  pour  des  instruments  mécaniques  à  cordes  pincées, 
tels  que  ceux  appelés  clavecin  et  épinette,  et  qui  n'aurait  pu  faire 
aimer  à  ses  compatriotes  les  riches  combinaisons  harmoniques  des 
ricercari  et  des  fugues  en  usage  chez  les  Italiens  et  les  Allemands,  et, 
d'ailleurs,  entraîné  par  son  éducation  musicale  et  ses  habitudes,  a 
fait  aussi  un  usage,  qu'on  trouve  aujourd'hui  excessif,  de  tous  les  orne- 
ments dont  il  vient  d'être  parlé  ;  mais  ces  mêmes  ornements  ont  été 
conçus  en  même  temps  que  les  idées  auxquelles  ils  sont  ajoutés 
et  en  font  partie  intégrante.  L'exécution  des  charmantes  pièces  de 
Couperin  perdrait  une  grande  partie  de  son  charme  si  l'on  en  ôtait 
ces  broderies  qui  sont  leur  parure.  C'est  ce  qu'a  très-bien  compris 
M.  Farrenc,  et  c'est  pour  cela  qu'il  a  donné  avec  tant  de  soin  l'expli- 
cation des  divers  systèmes  de  signes  de  ces  ornements,  dans  un  tra- 
vail spécial   qni  fait  partie  de  la  première  livraison  du   Trésor  des 


Il  y  a  le  génie  des  petites  choses  comme  celui  des  grandes.  Fran- 
çois Couperin  eut  le  premier  des  deux.  Dans  chacun  de  ses  petits 
cadres  il  sait  placer  des  choses  gracieuses,  tendres,  naïves,  élégantes  : 
il  a  pour  lui  le  charme,  qualité  suprême  pour  qui  n'a  pas  la  hauteur 
de  pensée  qui  émotionne  et  fait  le  sentiment  de  la  grandeur  ou  de 
la  passion.  L'art  est  si  vaste  que  son  domaine  embrasse  tout.  Heureux 
l'artiste  qui  peut  y  trouver  une  place  en  toute  propriété,  si  petite 
qu'elle  soit.  Couperin  y  a  la  sienne  et  la  conservera. 

Les  quatre  thèmes  variés  de  Humme!  qui  complètent  le  volume  de 
la  troisième  livraison  du  Trésor  des  •pianistes,  ont  les  qualités  qui  dis- 
tinguent les  productions  de  cet  artiste  célèbre,  c'est-à-dire  la  clarté, 
l'intérêt  de  la  forme,  le  brillant,  la  variété  et  le  mérite  d'une  harmo- 
nie écrite  avec  une  grande  pureté.  Mieux  que  la  plupart  des  pianistes- 
compositeurs,  Humrael  a  l'art  de  tirer  de  son  sujet  des  motifs  de  varia- 
tions inattendus  et  piquants. 

Patient  dans  ses  recherches,  habile  à  discuter  la  valeur  des  docu- 
ments qu'il  a  consultés,  M.  Farrenc  se  recommande  par  une  exacti- 
tude scrupuleuse  dans  les  notices  biographiques  des  compositeurs 
dont  il  publie  les  œuvres  dans  sa  belle  et  précieuse  collection  :  pour 
ma  part,  je  lui  dois  beaucoup  de  renseignements  dont  j'ai  fait  usage 
dans  la  nouvelle  édition  de  la  Biographie  universelle  des  miisiciens. 
M.  Farrenc  n'imite  pas  la  plupart  des  biographes  qui  se  copient  tour 
à  tour  et  propagent  des  erreurs  que  le  temps  finit  par  consacrer  :  il 
va  droit  aux  sources,  lit  les  préfaces,  les  épîtres  dédicatoires  des  au- 
teurs eux-mêmes  pour  recueillir  les  faits  authentiques,  et  des  choses 
nouvelles  qu'il  découvre,  il  use  avec  discernement  et  discrétion. 
Ses  notices  des  deuxième  et  troisième  livraisons  du  Trésor  des  pianis- 
tes sur  Kuhnau,  Purcell,  Dominique  Scarlatti,  Hummel,  le  P.  Mar- 


tini el  François  Couperin,  se  recommandent  par  ces  qualités  fonda- 
mentales, et  sont  d'ailleurs  du  style  simple  et  clair  qui  convient  à  ce 
genre  de  travail. 

FÉTIS  père. 


CHOPIN 


H) 


Il  y  a  toute  une  langue  dans  la  musique  :  la  musique  est  souvent 
l'histoire  d'une  nation,  écrite  avec  des  notes  ;  c'est  son  âme  harmo- 
nieuse qui  se  transmet  en  chantant!  Pour  mon  compte,  j'ai  toujours 
recherché  avec  une  curiosité  avide  la  musique  primitive  des  nations. 

Ceux  qui  aiment  la  mélodie  simple  et  naïve  des  anciens  temps, 
écoutent  avec  délices  ces  vieilles  Polonaises,  qui  ne  sont  pas  signées, 
mais  qui  portent  pour  épigraphe  et  pour  titre  un  nom  de  héros. 
Tantôt  elles  ont  des  tendresses  humbles  et  résignées,  et  tantôt  des 
expansions  de  tristesse  dont  l'intimité  ne  se  retrouve  que  dans  ces 
races  du  Nord,  à  qui  Dieu  a  fait  le  don  charmant  et  fatal  de  la  mé- 
lancolie... Plus  tard  le  rhythme  s'amollit,  la  modulation  apparaît,  et 
l'amour  troublé  soupire  dans  des  chants  expressifs  ;  plus  tard  encore, 
la  mélodie  se  dessine  ;  elle  s'épanouit  en  gerbes  brillantes,  comme  ces 
bouquets  de  Bengale  qui  fleurissent  la  dernière  minute  d'un  feu 
d'artifice. 

C'était  le  temps  où  s'épanouissait  aussi  dans  sa  gloire  la  royale 
Pologne  ! 

Chopin,  venu  après  la  défaite,  à  l'heure  oii  l'on  pleurait,  trouva 
des  notes  plus  émouvantes  et  des  accents  plus  déchirants;  il  y  eut 
en  lui  comme  deux  voix  qui  se  répondaient  dans  un  chœur  sublime  : 
l'une  disait  la  gloire,  et  l'autre  la  douleur  de  sa  patrie.  Parfois  le 
motif  principal,  sombre  et  sinistre,  s'interrompt  pour  faire  place  à 
quelque  scène  douce  et  riante,  pastorale  comme  une  idylle.  C'est  ainsi 
que  le  vieux  Rhin  allemand  entr'ouvre  parfois  ses  rives  de  granit 
pour  laisser  plonger  le  regard  dans  la  fraîche  oasis  de  ses  vallées. 

On  dit  que  le  talent  est  de  tous  les  pays  :  je  le  veux  bien  ;  mais 
il  faut  que  l'on  m'accorde  qu'il  a  toujours  une  patrie.  Aussi  ai-je  dit 
que  le  talent  de  Chopin  était  polonais.  Ses  œuvres,  comme  sa  vie, 
restèrent  donc  fidèles  aux  souvenirs  de  sa  première  jeunesse,  passée 
tout  entière  dans  l'intimité  de  cette  société  polonaise,  qui  charmait 
l'Europe  par  son  élégance,  et  l'éblouissait  de  son  éclat.  C'est  là 
qu'il  vit  dans  ces  réunions,  «  qu'on  eût  pu  dire  une  assemblée  de 
fées,  I'  comment  coulent  les  pleurs  furtifs  des  jeunes  filles  éprises, 
des  jeunes  femmes  négligées  ;  c'est  là  qu'il  put  apprendre,  comme  dit 
Liszt,  si  familier  lui-même  avec  le  génie  des  peuples  du  Nord,  «  de 
quel  mélange  de  levain  et  de  pâte- de  rose,  de  salpêtre  et  de  larmes 
angéliques  est  pétri  l'idéal  poétique  de  sa  nation,  » 

On  le  comprend  sans  peine  :  l'homme  qui  a  vécu  auprès  de  ces 
créatures  presque  parfaites,  s'il  avait  en  lui  cette  sensibilité  d'orga- 
nisation qui  permet  de  saisir  les  nuances  subtiles  et  délicates  qui  font 
la  femme,  a  dû  s'imprégner  aussi  des  sentiments  qui  sont  la  vie  de 
la  femme,  et  répandre  dans  ses  œuvres  «  comme  une  vapeur  amou- 
reuse. » 

Chopin  a  eu  le  rare  bonheur  d'être  cet  homme.  Chopin  traduit  les 
Polonaises.  Les  Polonaises  expliquent  Chopin. 

Chaque  artiste  vraiment  digne  de  ce  nom ,  qu'il  le  sache  ou  qu'il 
l'ignore,  qu'il  s'en  rende  compte  avec  la  netteté  de  l'analyse  ou  qu'il 


(1)  L'un  des  privilèges  attacliés  à  la  personne  et  au  talent  de  ce  célèbre  ar- 
tiste, c'est  d'inspirer  des  pages  admirables  ou  charmantes  à  nos  meilleurs  écri- 
vains. De  ce  nombre  est  M.  Louis  Enault,  le  romancier  fécond,  au  style  élégant, 
passionné,  qui  a  si  bien  résumé  en  un  petit  volume  le  caractère  et  le  génie  du 
grand  compositeur  pianiste.  Nos  lecteurs  pourront  en  juger  par  le  spécimen  que 
nous  nous  plaisons  à  qiettre  sous  leurs  yeux. 


DK  PAKIS, 


en  ait  seulement  le  sentiment  confus,  se  forme  de  son  art  une  théorie 
à  laquelle  il  rapporte  tous  ses  efforts  et  toutes  ses  tentatives. 

Pour  Chopin,  la  musique  était  destinée  à  évoquer  les  passions,  à 
les  rendre  sensibles,  à  en  communiquer  les  frémissements  :  il  éta- 
blissait comme  un  magnétismH  invisible  entre  l'âme  de  ses  auditeurs 
et  les  vibrations  sonores  de  l'instrument.  Chopin,  pour  nous  servir 
d'un  mot  de  l'ancienne  école,  fut  un  artiste  pathétique.  Cette  passion 
ne  prit  pas  d'abord  la  foule,  parce  qu'elle  se  manifesta  par  des 
formes  et  dans  des  modes  encore  inusités  ;  et,  il  faut  bien  le  dire, 
en  musique,  ce  qui  sort  de  la  convention  traditionnelle  a  besoin  de 
l'aide  du  temps;  il  faut  le  temps  et  l'accoutumance  pour  saisir  le 
sens  et  comprendre  la  portée  des  symboles  nouveaux.  Si  Rossini  voit 
sa  gloire  vivante,  s'il  contemple,  du  haut  de  son  piédestal,  la  posté- 
rité qui  passe  devant  lui,  par  combien  de  chefs-d'œuvre  a-t-il  dû 
vaincre  la  sourde  ignorance  de  ce  siècle  !  La  postérité  fera  plus  pour 
Chopin  que  les  contemporains,  parce  qu'elle  l'appréciera  mieux. 

Maintenant  déjà  quelques-uns  lui  ont  rendu  cette  justice  de  s'être 
voué  uniquement  au  culte  du  beau,  sans  se  laisser  égarer  par  cette 
préoccupation  du  succès  présent,  qui  a  perdu  tant  de  hautes  intelli- 
gences. 11  ne  voulut  pas  disséminer  son  inspiration  dans  le  fracas  de 
l'orchestre  :  il  la  concentra  dans  la  sonorité  modérée  du  piano  ;  mais 
il  transporta  sur  le  clavier  d'ivoire  les  divers  effets  des  instruments 
qu'il  n'employait  pas  ;  il  faisait  du  piano  un  orchestre  restreint,  mais 
idéalisé.  Chez  Chopin  l'expression  est  toujours  neuve,  et  la  contexture 
harmonique,  originale  et  savante,  conserve  une  irréprochable  distinc- 
tion; son  originalité  n'était  pas  bizarre,  et  il  gardait  sa  pureté  dans 
l'exubérance  même  de  ses  développements.  On  a  exprimé  ces  idées 
par  une  image  architecturale  des  plus  vraies,  en  disant  que  chez  lui 
«  le  luxe  de  l'ornementation  ne  surcharge  jamais  l'élégance  des 
lignes.  » 

Il  en  est,  du  reste,  de  ses  compositions  musicales  comme  de  son 
caractère  :  elles  voilent  la  profondeur  sous  la  grâce. 

C'est  le  sentiment  qui  fait  sa  force,  et  au  milieu  de  ses  surexcita- 
tions maladives,  il  donne  au  sentiment  une  intensité  d'expression  rare. 
Mais  son  inspiration  est  impérieuse,  et  sa  grâce  n'est  pas  apprise  ; 
elle  est  exempte  surtout  de  la  manière,  qui  est  à  l'art  ce  que  la  pré- 
tention est  à  la  vie.  Cette  inspiration  a  toujours  des  allures  un  peu 
sauvages.  Aussi  Chopin  mesure  sa  mélodie  sur  un  rhythme  énergique 
et  nerveux,  qui  tout  d'abord  vous  saisit  et  vous  frappe ,  mais  qu'i| 
est  toujours  difficile  d'exprimer  après  lui.  Il  y  a  chez  Chopin,  comme 
chez  tous  les  rois  du  caprice,  je  ne  sais  quoi  d'inattendu  qui  vous 
étonne  à  chaque  instant. 

C'est  qu'il  se  tient  constamment  sur  cette  insaisissable  limite  de 
deux  mondes  qui  sépare  le  fantastique  du  réel  ;  c'est  un  talent  fait 
d'ombre  et  de  lumière,  de  rêve  et  de  passion;  il  part  du  palpable 
pour  arriver  à  l'immatériel;  il  idéalise  ses  conceptions  jusqu'à  rendre 
leurs  fibres  si  ténues  qu'elles  ne  paraissent  plus  appartenir  à  notre 
nature,  mais  se  rapprocher  du  monde  des  féeries  pour  nous  dévoiler 
les  indiscrètes  confidences  des  Péris,  des  Titanias,  des  Ariels,  des 
reines  Mabs,  et  de  tous  ces  génies  dos  airs,  des  eaux  et  des  flammes, 
dont  l'invisible  poitrine  palpite  cependant  des  mêmes  passions  que  la 
nôtre. 

C'est  dans  ses  valses,  ses  mazurkes,  et  surtout  ses  ballades,  que 
Chopin  a  donné  plus  librement  carrière  à  l'élément  fantaisiste.  Ce 
sont  les  mêmes  sentiments,  dont  l'expression  varie  ;  c'est  la  tragédie 
du  cœur  humain  avec  des  sylphes  pour  acteurs.  Il  y  a  tour  à  tour 
dans  ses  compositions,  comme  dans  la  vraie  vie,  des  gaietés  spiri- 
tuelles et  narquoises,-  —  mais,  comme  chez  toutes  les  natures  vrai- 
ment distinguées,  cette  gaieté  est  toujours  empreinte  d'atlicisme  et 
n'attaque  que  les  touches  supérieures  de  l'esprit;  —  il  y  a  les  san- 
glots étouffés  des  douleurs  poignantes  ;  il  y  a  ces  désespoirs  inconso- 
lables, qu'on  appellerait  mieux  des  désespéraiaces  ;  il  y  a  aussi  les 


impatiences   joyeuses  des  jeunes  passions,  qui  ne  savent  encore  de 
la  vie  que  le  bonheur  et  le  désir  ! 

El  comme,  après  tout,  c'est  toujours  notre  cœur  et  notre  àme  que 
l'on  retrouve  au  fond  de  nos  œuvres,  Chopin  avoua  plus  d'une  fois, 
dans  les  épanchements  de  l'intimité,  qu'il  ne  s'affranchissait  jamais, 
quels  que  fussent  d'ailleurs  ses  égayements  passagers,  d'un  mélanco- 
lique attristement,  qui  formait  «  comme  le  sol  de  son  cœur.  »  Aussi 
les  fleurs  qu'il  faisait  éclore  avaient  le  charme  rapide  et  le  parfum 
trop  fugitif  de  ces  pâles  fleurs  des  automnes  du  Nord,  nées  à  l'ombre 
des  sapins,  et  qui  ne  vivent  qu'un  jour! 

Une  de  ses  compatriotes  exprimait,  avec  autant  de  justesse  que 
d'élégance,  l'impression  que  produisent  sur  les  organisations  vraiment 
artistes  les  sentiments  de  cette  nature  étrange ,  que  Chopin  recèle 
sous  l'étincelante  ciselure  de  ses  compositions  :  «  Ce  sont,  disait-elle, 
des  cendres  inconnues  renfermées  dans  des  urnes  superbes  1  » 

Chopin,  dans  ses  bons  jours,  fît  de  vrais  miracles  d'exécution  ;  il 
donna  à  son  jeu  toute  la  passion  orageuse,  et  pourtant  contenue,  de 
son  âme.  Le  clavier,  ce  clavier  insensible,  recevait  sous  ses  doigts 
je  ne  sais  quel  frémissement  ému  ,  et ,  comme  disait  Liszt ,  «  une 
trépidation  par  laquelle  il  faisait  onduler  la  mélodie  comme  un  es- 
quif sur  le  sein  de  la  vague  puissante.  »  C'était  une  sorte  de  rhylhm.e 
dérobé,  entrecoupé;  une  mesure  souple,  abruifte  et  languissante  à 
la  fois,  vacillante  comme  la  flamme  sous  un  souffle. 
Il  eut  sa  prosodie:  il  avait  déjà  sa  langue! 

Louis  ENAULT. 


CORRESPONDANCE. 

A  M.  le  Directeur  de  la  Revde  et  Gazette  musicale. 


Paris,  le  10  janvier  1863. 


Monsieur, 


J'aurais  eu  plus  d'une  fois  l'occasion  de  relever  quelques  erreurs  et 
omissions  préjudiciables  à  mes  intérêts,  qui  se  sont  glissées  dans  votre 
journal,  «nais  j'ai  cru  devoir  attendre  le  moment  où  justice  entière 
pourrait  m'être  rendue. 

Cependant  permettez-moi  de  vous  signaler  les  lignes  par  lesquelles 
votre  numéro  du  28  décembre  dernier,  attribue  à  un  autre  que  moi,  la 
création  d'une  nouvelle  famille  de  trompes  de  chasse,  tandis  que  c'est 
bien  moi  qui  ai  réellement  créé  une  famille  de  ces  instruments  pour 
l'Exposition  de  Londres,  où  ces  trompes  ont  été  soumises  à  l'exameu 
du  jury  international.  Cela  résulte  positivement  d'un  article  publié  par 
le  Moniteur  de  l' Eleveur,  a  la  date  du  30  août  'I86"2.  On  y  lit  notamment 
ce  passage  assez  significatif  :  «  Ces  trompes  nouvelles  «raduées  en  fa- 
»  MILLE  et  dues  à  M.  Alphonse  Sax  junior,  réalisent  un  véritable  progrès.» 
Ce  même  article  a  été  reproduit  par  la  Presse  tliéâtrale,  la  Revue  et  Ga- 
zette des  tiiéâtres,  la  France  chorale,  VEurope  artiste  et  le  Sport. 

J'espère,  monsieur    le  directeur,  que   vous  voudrez  bien    accueillir 
ma  réclamation,  que  je  vous  adresse  d'ailleurs  sous  toutes  réserves. 
Agréez,  etc., 

Alphonse  SAX. 


lOUVELLES. 

,f*^  Au  théâtre  impérial  de  l'Opéra  on  a  représenté  la  semaine  passée 
Robert  le  Diable,  le  Trouvère,  la  Favorite  et  l  Etoile  de  Messitie.  Ce  char- 
mant ballet,  dont  la  vogue  est  loin  d'être  épuisée,  était  accompagné 
mercredi  de  la  Vivandière  et  du  Marché  des  Innocents.  Les  amateurs  de 
la  danse  ont  donc  eu  bonne  mesure. 

***  La  première  représentation  de  la  reprise  de  la  Muette  de  Portici 
doit  avoir  lieu  demain  lundi. 

/^  Il  est  question    de  monter  VArmide  de  Gluck. 

„*,t  La  direction  de  l'Opéra-Comique  vient  d'adopter  un  nouveau  sys- 
tème d'éclairage  qui,  sans  supprimer  le  lustre  ni  la  rampe,  permet  l'ap- 
phcation  des  réflecteurs  introduits  dans  les  nouveaux  théâtres. 


22 


REVLE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


***  On  a  lu  jeudi,  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique,  l'ouvrage  nouveau  de 
M.  Auber,  la  Fiancée  du  roi  f/p  Sark-,  dont  les  paroles  sont  de  MM.  Scribe  et 
de  Saint-Georges.  La  pièce  est  en  trois  actes  et  six  tableaux;  elle  aura  pour 
interprètes  Léon  Acliard,  Sainte-Foy,  Barrielle,  PriUeux,  Nathan,  Da- 
voust,  Mlles  Cico,  Bélia  et  Balbi.  La  Fiancée  du  roi  de  Garbe  passera 
avant  l'opéra  de  11,\1.  Sardou,  Daclin  et  Vaucorbeil,  Bataille  d'Amour, 
dont  on  s'occupe  en  même  temps  que  de  la  Déesse  et  le  Berger  et  de  la 
Nuit  des  Dupes,  de  Flotow.  Dans  ce  dernier  ouvrage  Sainte-Foy  remplira 
le  rôle  destiné  d'abord  à  Couderc. 

**„  Pendant  les  vingt  représentations  que  Mlle  Patti  a  données  au 
théâtre  Italien,  bien  qu'elle  ne  s'y  soit  fait  entendre  que  dans  trois  ou. 
vrages,  la  salle  a  été  constamment  comble,  et  Leurs  Majestés  Impériales 
ont  plusieurs  fois  honoré  le  spectacle  de  leur  présence.  Dimanche  der- 
nier, S.  M.  l'Impératrice  a  encore  daigné  applaudir  la  jeune  artiste,  qui 
chantait  la  Sonnambula.  Jeudi,  Mlle  Patti  a  joué  pour  la  première  fois 
dans  Don  Pasquale. 

***  La  Scrva  padrona,  que  doivent  chanter  Mme  Peuco  et  Zucchini, 
se  répète  en  même  temps  que  Stradclla.  Dans  leBallo  in  maschera,  qu'on 
reprendra  incessamment,  Mlle  Marie  Battu  cliantera  le  rôle  du  page, 
qu'elle  avait  créé  avec  tant  de  talent  et  de  succès  à  Paris. 

»**  La  première  représentation  dj  Stradclla  aura  lieu  au  commence- 
ment de  février,  et  proba.blement  en  même  temps  que  celle  de  l'opéra- 
comique  de  Jl.  A.  Flotow,  la  Nuit  des  dupes. 

»*»  Le  théâtre  Italien  représentera  pendant  la  saison  prochaine  un 
opéra  de  Vincent  Wallace,  dont  le  rôle  principal  sera  chanté  probable- 
ment par  Adelina  Patti. 

»**  Au  théâtre  Lyrique,  on  vient  de  mettre  en  répétition  un  opéra 
dont  les  paroles  sont  imitées  de  la  pièce  de  Shakspeare  :  Peines  d'amour 
jKrdues,  et  auxquelles  la  musique  de  Cosi  fan  tutte  a  été  adaptée. 
Mme  Cabel.  Faure-Lefebvre  et  Girard,  Battallle,  Cabel  et 'Wartel  inter- 
préteront cette  œuvre. 

***  M.  Carvalho  a  engagé  un  ténor  léger,  M.  Trillet,  qui  a  chanté 
avec  succès  à  Lyon. 

t*,fc  Aux  Bouffes-Parisiens  on  annonce  les  dernières  représentations 
à'Orphée  aux  enfers,  qui  seront  suivies  de  la  première  représentation  de 
Bnmrd  et  bavarde,  de  Nuitter  et  Offenbach,  avec  Mme  Ugalde  dans  le 
principal  rôle;  de  Job  et  son  chien,  un  acte  dont  la  musique  est  d'Emile 
Jonas,  et  de  Madame Pygmalion,  opérette  de  F.  Barbier. 

***  Les  recettes  des  théâtres,  concerts  et  autres  établissements  soumis 
à  la  perception  des  droits  de^i  indigents,  ont  été  pendant  le  mois  passé 
de  1,743,075  francs.  Pendant  l'année  18t32  ces  recettes  ont  atteint  le 
chiffre  de  17,400,651  francs,  et  ont  dépassé  d'environ  800,000  francs 
celles  de  l'année  précédente. 

**„  Par  suite  d'un  arrangement  intervenu  entre  la  direction  du 
théâtre  du  Liceo  de  Barcelone  et  Mme  Czillag,  cette  dernière,  qui  était 
à  la  veille  de  résilier  son  engagement,  est  revenue  sur  sa  décision  et 
chantera  le  rôle  de  Fidès  dans  le  Prophète,  dont  la  représentation  dans 
cette  ville  s'annonce  sous  de  meilleurs  auspices.  Nous  recevons  à  ce 
sujet  une  lettre  de  M.  Verger,  directeur  du  théâtre  du  Liceo  ;  dans 
l'impossibilité  de  la  publier  in  extenso,  nous  nous  bornons  à  donner 
acte  à  cet  imprésario  des  efforts  qu'il  a  faits  pour  mettre  fin  au  dis- 
sentiment qui  s'était  élevé  entre  son  administration  et  Mme  Czillag. 

,i,*,s  Mme  Pleyel  est  à  Paris.  La  grande  artiste  vient  de  se  faire  en- 
tendre à  Valenciennes  avec  un  éclatant  succès. 

,s*„,  M.  Dumont,  le  célèbre  professeur  de  flûte  du  Conservatoire  de 
Bruxelles,  se  trouve  depuis  quelques  jours  à  Paris  et  va  donner  un 
concert,  pour  lequel  Mme  Pleyel  lui  a  prorais  son  précieux  concours. 

,»*,),  Mlle  Cordier,  la  jeune  cantatrice  française,  est  toujours  en  Amé- 
rique, où  elle  obtient  les  plus  brillants  succès.  C'estelle  qui  a,  non  pas 
repris,  mais  créé  à  New-York  le  rôle  de  Dinorah,  qu'elle  a  joué  depuis 
à  Philadelphie.  La  foule  ne  cesse  de  se  porter  aux  représentations  du 
chef-d'œuvre.  IMlle  Cordier  n'a  pas  moins  réussi  dans  le  rôle  d'Elvire, 
des  Puritains,  et  doit  bientôt  paraître  dans  Martha. 

,^*,  Au  dernier  concert  du  Cirque-Napoléon,  on  a  entendu  un  frag- 
ment d'une  symphonie  inédite  de  M.  Bizet,  qui  a  obtenu  le  prix  de 
Rome  décerné  par  l'Institut  en  1857.  C'est  un  scherzo  qai  a  paru  char- 
mant, et  qui  a  enlevé  tous  les  suffrages  de  l'auditoire.  Nous  ne  pouvons 
qu'encourager  cet  heureux  essai,  dont  les  jeunes  compositeurs  profite- 
ront sans  doute. 

**:t  La  première  soirée  musicale  donnée  par  Mme  Escudier-Kastner, 
H.  Vieuxteraps  et  A.  Batta,  reste  fixée  à  mardi  prochain.  Mlle  Battu,  du 
théâtre  Italien,  Mil.  Colblain,  Bessems,  Accursi,  Adam,  Borelli  et  MuUer 
concourront  à  l'exécution  du  programme. 

4*»  Alfred  Jaell  continue  de  donner  de  brillants  concerts  avec  Laub, 
à  Vienne  et  à  Prague.  Partout  des  bravos,  des  rappels.  Au  deuxième  con- 
cert à  l'i'ague,  il  n'y  avait  pas  de  place  pour  tout  le  monde.  Devienne, 
Alfred  Jaeli  doit  se  rendre  à  Trieste,  sa  ville  natale,  et  y  passera  quel- 
ques semaines. 

/„  Rien  n'est  changé  au  programme  du  concert  de  la  Société  natio- 
nale des  Beaux-Arts,  qui  aura  lieu  aujourd'hui.  Après  des  fragments 
d'une  symphonie  de  C.   Saint-Saëns,  une  marche  funèbre  de  Debillemont 


et  un  scherzo  de  G.  Bizet ,  on  entendra  Vouverture  en  forme  de  marche 
de  Meyerbeer.  Le  Désert  de  F.  David  formera  la  seconde  partie  du  con- 
cert. 

t**  Aujourd'hui,  première  séance  de  MM.  Alard  et  Franchomme,  dans 
la  salle  Pleyel.  On  entendra  un  quatuor  d'Haydn,  sonate  de  Beethoven 
en  ré  majeur  pour  piano  et  violon  ;  trio  pour  violon,  alto  et  basse ,  de 
Beethoven,  et  un  quatuor  en  sol  mineur  de  Mozart. 

***  Voici  le  programme  du  concert  populaire  de  musique  classique 
qui  aura  lieu  aujourd'hui  dimanche  au  Cirque  Napoléon  :  1"  symphonie 
en  mi  bémol  (n°  50),  d'Haydn  (le  solo  de  violon  sera  joué  par  M.  Lan- 
cien);  2°  fragment  delà  symphonie-cantate  de  Mendeissohn;  3°  ouver- 
ture de  Fidelio  en  m*  majeur,  de  Beethoven  ;  4°  Gavotte  (1720),  de  Sé- 
bastien Bach;  5°  symphonie  en  la  de  Beethoven. 

:j**  Parmi  les  artistes  étrangers  qui  ont  l'intention  de  se  faire  en- 
tendre cet  hiver  à  Paris,  on   cite  Mme  Clara  Schumann. 

,1*3,  Hans  de  Bulow,  le  pianiste-compositeur,  dont  Paris  se  souvient, 
a  été  décoré  par  le  grand-duc  de  Bade  de  l'ordre  du  Lion  de 
Zaehringen. 

,f**  Nous  ne  saurions  trop  recommander  les  vingt-quatre  vocalises 
pour  soprano,  que  vient  de  publier  Mme  Marchesi,  l'excellente  canta- 
trice et  profesiora.  C'est  un  recueil  d'études  bien  faites  et  d'une  incon- 
testable utilité  pour  le  perfectionnement  du  mécanisme  de  la  voix  . 

j*,i,  Un  harpiste  d'un  très-grand  talent,  M.  Aptommas,  qui  a  été  sou- 
vent applaudi  dans  les  concerts  qu'il  a  donnés  pendant  la  dernière  sai- 
son à  Londres,  est  à  Paris,  et  se  fera  prochainement  entendre  dans  la 
salle  Erard. 

»%  Sous  la  présidence  de  S.  Exe.  le  ministre  de  l'instruction  publique 
aura  lieu  dimanche  prochain,  au  Cirque  de  l'Impératrice,  la  distribu- 
tion des  prix  des  Associations  polytechnique  et  philotechnique.  Divers 
chœurs,  entr' autres  la  prière  de  la  Muette  d'Auber ,  seront  chantés 
pendant  cette  séance. 

^,*,^,  On  annonce  que  le  projet  de  la  nouvelle  loi  sur  la  propriété  lit- 
téraire et  artistique  sera  présenté  au  commencement  de  cette  session 
au  Corps  législatif, 

,s*,j,  On  nous  écrit  de  Naples  que  la  célèbre  cantatrice  Mlle  Tietjens, 
récemment  arrivée  dans  cette  ville,  vient  d'obtenir  un  très-grand  succès 
à  son  début  au  théâtre  Saint-Charles. 

*^  A  la  suite  du  concours  ouvert  par  elle,  la  Société  philharmonique 
de  Vienne  a  reçu  trente-trois  symphonies,  parmi  lesquelles  les  mem- 
bres du  jury  ont  particulièrement  distingué  celles  qui  étaient  enregistrées 
sous  les  numéros  31  et  17.  Les  compositions  seront  exécutées  par  l'or- 
chestre de  la  Société,  et  après  l'exécution,  les  noms  des  auteurs  seront 
proclamés. 

^,*^  Les  ouvriers  de  la  maison  Pleyel,  Wolff  et  G",  voulant  offrir  à 
leurs  camarades  de  la  Seine-Inférieure  une  preuve  de  leur  profonde 
sympathie,  ont  eu  l'idée  de  donner  une  soirée  musicale  dont  le  pro- 
duit sera  affecté  à  l'œuvre  de  bienfaisance  qui  s'est  spontanément  or- 
ganisée dans  toute  la  France.  La  Société  chorale ,  composée  des 
ouvriers  de  cette  maison,  qui  l'année  dernière,  à  Dieppe,  a  rem- 
porté une  médaille  d'or,  fera  entendre  dans  cette  soirée  les  meilleurs 
chœurs  de  son  répertoire  ;  le  concert  sera  suivi  du  tirage  de  trois 
lots  offerts  par  MM.  Pleyel,  Wolff  et  Comp.  Le  premier  numéro  sor- 
tant gagnera  les  Œuvres  de  Chopin  pour  piano  seul  ;  le  deuxième  numéro, 
les  Sonates  pour  piano  seul  (deux  volumes)  de  Beethoven  ;  le  troisième 
numéro,  un  piano  droit  de  la  fabrique  de  MM.  Pleyel,  Wolff  et  C".  Ou- 
vriers et  patrons  s'unissant  dans  une  même  pensée,  MM.  Pleyel,  Wolff  et 
C  ont  voulu  faire  tous  les  frais  de  cette  soirée  dont  le  produit  intégral 
pourra  ainsi  être  versé  dans  la  caisse  de  l'œuvre.  Le  concert  aura  lieu 
dans  les  salons  de  MM.  Pleyel,  Wolff  et  C=,  rue  Rochechouart,  22,  le  2 
février  1863,  à  huit  heures  du  soir.  Le  prix  du  billet  est  de  6  francs; 
chaque  billet  porte  un  numéro  qui  offre  au  porteur  la  chance  de  ga- 
gner l'un  des  lots  énoncés  plus  haut.  On  trouve  dès  aujourd'hui  des 
billets  chez  MM.  Pleyel,  Wolff  et  C«,  rue  Uocheohouart,  22,  à  leur  suc- 
cursale, 95,  rue  Richelieu,  et  chez  les  pi-incipaux  éditeurs  de  musique 
do  Paris. 

„*„.  Dans  la  cinquième  matinée  de  la  Société  du  quatuor  [Soàeta  del 
quartetlo),  à  Florence,  le  second  quintette  en  ré,  composé  par  M.  Fétis, 
a  été  exécuté  avec  un  succès  des  plus  brillants  et  redemandé.  C'était 
M.  le  professeur  Bruni  qui  tenait  le  premier  violon.  —  Nous  croyons 
devoir  rappeler  à  nos  lecteurs  le  troisième  concours  d'essai  ouvert  par 
la  Société. 

*  Les  frères  Garnier  viininent  de  mettre  en  vente  la  seconde  année 
des  Petites  chroniques  de  la  science,  par  S.  Henry  Eerthoud.  Cet  ouvrage, 
exclusivement  écrit  pour  les  gens  du  monde,  est  une  histoire  d'une  re- 
marquable clarté  et  fort  attrayante  de  tous  les  événements  scientifiques 
et  de  toutes  les  découvertes  de  quelque  importance  qui  ont  eu  lieu  de 
1862  à  1863.  A  chaque  page,  des  anecdotes  piquantes,  racontées  avec 
Vhumour  qui  caractérise  l'auteur  des  fantaisies  scientifiques,  font  du  livre 
que  nous  signalons  une  série  de  lectures  instructives,  et,  ce  qui  vaut 
presque  autant,  on  ne  peut  plus  amusantes. 

*„  Le  Bal,  la  valse'  arrangée  par  Desgranges,  sur  la  Gioja  insolita  de 


DE  PARIS. 


23 


Strakosch,  dont  le  succès  augmente  constamment,,  et  la  polka  des  Hor- 
loijcs  de  la  Forêt  noire,  de  Strauss.viennent  de  paraître,  arrangées  pour  le 
piano  'd  quatre  mains. 

,*,  Deux  artistes  d'un  talent  très-précoce  sur  le  violon  et  le  piano, 
vont  donner  des  concerts  cet  hiver.  Ce  sont  les  frères  Auguste  et  Emile 
Sauret,  l'un  âgé  de  huit  ans,  et  l'autre  de  neuf.  Ces  jeunes  virtuoses 
se  sont  récemment  fait  entendre  à  Amiens  et  ont  excité  l'admiration. 

^*^  Les  nouveaux  morceaux  faciles  pour  le  violon,  avec  accompa- 
gnement de  piano  :  Souvenir  des  Alijes,  et  le  divertissement  sur  le  Do- 
mino noir  d'Ad.  Herman,  n'obtiennent  pas  moins  de  succès  que  son 
caprice^  nouveau  mouvement  perpétuel  sur  la  prière  du  Comte  Ory. 

/s  ^'-  Borel  d'Hauterive,  secrétaire  de  l'Ecole  impériale  des  Chartes, 
vient  de  faire  paraître,  à  la  librairie  Dentu  ,  le  vingtième  volume  de 
son  Annuaire  de  la  noblesse  de  France  et  des  maisons  souveraines  de  l'Eu- 
rope. Ce  livre,  si  utile  par  ses  renseignements  héraldiques  et  généalo- 
giques, par  sa  nomenclature  des  principaux  mariages,  décès  et  nais- 
sances de  l'année,  a  consacré  un  nouveau  chapitre  à  une  question  dont 
l'intérêt  ressort  de  la  promulgation  de  la  loi  de  185S  sur  les  noms  et 
les  titres;  nous  voulons  parler  de  la  jurisprudence  du  conseil  du 
sceau  et  des  cours  et  tribunaux  en  cette  matière.  On  trouve  aussi  dans 
le  volume  de  cette  année  une  revue  bibliographique  qui  sera  continuée 
par  la  suite.  Comme  on  le  voit,  rien  n'est  négligé  par  l'auteur  pour 
justifier  les  sympathies  qui,  depuis  vingt  ans,  n'ont  jamais  fait  défaut  à 
son  œuvre  dans  les  salons  du  grand  monde. 

^.*»  Servais  vient  d'être  décoré  de  l'ordre  de  Dannebrock  par  le  roi 
de  Danemark. 

»*,tUne  transcription  très-réussie,  pour  orgue  et  piano,  d'une  des  plus 
belles  romances  sans  paroles  de  ïhalberg,  par  M.  Frelon,  ainsi  qu'un  ar- 
rangement habilement  fait  pour  les  mêmes  instruments,  par  A.  Du- 
rand, de  l'ouverture  de  la  Sirène,  viennent  de  paraître. 

***  M.  0.  Bach,  frère  de  l'ambassadeur  d'Autriche  à  Rome,  vient  de 
présenter  à  l'administration  du  théâtre  de  la  cour  un  opéra  intitulé  : 
Sardanapale. 

^*^  Mme  Corinne  de  Luigi  est  de  retour  à  Paris  après  sa  brillante 
tournée  en  Angleterre  et  en  France  ;  elle  se  propose  de  donner  bientôt 
un  concert. 

4-'**  A  Moscou  vient  de  mourir  le  compositeur  et  ancien  inspecteur  du 
théâtre  impérial  de  cette  ville,  Wertowsky. 

^*:f,  Joaquim  Casimiro,  maître  de  chapelle  du  patriarcat  et  compositeur 
de  musique  religieuse,  est  mort  à  Lisbonne. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 


^*^  Strasbourg.  —  La  reprise  du  Prophète  attire  beaucoup  de  monde 
au  théâtre,  où  le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer  est  exécuté  d'une  manière 
très-satisfaisante.  Giralda,  le  Toréador  et  Haydée  ont  été  également  re- 
présentés avec  beaucoup  de  succès. 

^*^  Amiens,  H  janvier.  —  Mlle  Marie  Battu,  MM.  Alard  et  Berlhe- 
lier  prenaient  part  au  concert  que  la  Société  philharmonique  a  donné 
le  7  de  ce  mois,  et  dans  lequel  l'orchestre  a  exécuté  la  Schiller-Marsch 
de  Meyerbeer,  ainsi  que  l'ouverture  du  même  compositeur  pour  l'expo- 
sition de  Londres,  deux  compositions  de  haute  valeur  et  fort  applaudies. 
Un  jeune  artiste,  M.  Dunkler,  a  fort  bien  joué  deux  fantaisies  sur  le 
violoncelle.  La  fantaisie  d' Alard  sur  Robert  le  Diable  a  produit  le  plus 
grand  effet. 


s,**  Le  Havre.  —  Le  concert  de  Vieuxtemps  a  réussi  au-delà  de  toute 
attente.  La  recette,  fait  inouï  en  cette  ville,  s'est  élevée  à  2,i00  francs. 
Le  succès  du  célèbre  artiste  a  été  colossal;  son  concerto  en  la  mineur, 
le  même  qu'il  a  exécuté  à  la  salle  Herz  et  aux  concerts  populaires,  a  été 
couvert  d'applaudissements,  ainsi  que  sa  fantaisie  sur  Lucie  et  un  Car- 
naval. A  la  suite  du  concert,  l'orchestre  du  théâtre  lui  a  donné  une 
sérénade. 

^*^  Arras,  13  janvier.  —  M.  Crosti  et  Mlle  de  la  Pommeraye  se  sont 
fait  entendre  au  premier  concert  d'abonnement  de  la  Société  philhar- 
monique. M.  Richard  Hammer  était  chargé  de  la  partie  instrumentale. 
L'orchestre  a  fort  bien  exécuté  l'ouverture  du  Roman  d'Eloire,  d'Am- 
broise  Thomas. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


^*.j.  Berlin.  —  A  la  troisième  représentation  du  Faust  de  (îounod, 
Mme  Harriers-Wippern  a  chanté  le  rôle  de  Marguerite,  qui  avait 
été  interprété  dans  les  deux  premières  par  Mlle  Lucca.  Mme  Har- 
riers-Wippern a  lutté  sans  trop  de  désavantage  contre  les  impressions 
qu'avait  laissées  Mlle  Lucca  dans  ce  rôle,  et  a  eu  plusieurs  fois  les 
honneurs  du  rappel.  Le  but  de  l'administration ,  en  confiant  la  partie 
principale  de  l'opéra  de  Gounod  à  la  fois  aux  deux  prime  donne  du 
théâtre,  a  été  de  parer  d'avance  aux  inconvénients  qu'entraînerait  l'in- 
disposition de  l'une  ou  de  l'autre.  —  On  attend  le  célèbre  quatuor  des 
frères  Muller  pour  le  15  ;  ils  se  feront  entendre  dans  la  salle  Sainte- 
Cécile,  et  se  rendront  ensuite  à  Saint-Pétersbourg. 

^*^  Manheim,  14  janvier. — Le  Roi  Enzio,  grand  opéra  d'Abert,  ce 
jeune  compositeur  d'un  si  rare  talent,  qui  avait  été  représenté  l'année 
dernière  à  Stuttgard  avec  un  grand  succès  ,  a  été  joué  ici  dimanche 
dernier,  et  l'effet  n'en  a  pas  été  moindre.  Non-seulement  tous  les  mor- 
ceaux ont  été  applaudis  avec  enthousiasme,  mais  à  la  fin  de  chaque 
acte  on  a  rappelé  les  artistes  principaux,  ainsi  que  l'auteur.  M.  Schlos- 
ser,  chargé  du  rôle  principal,  est  un  ténor  doué  d'une  voix  fort  belle, 
mais  qui,  malheureusement,  n'a  pas  beaucoup  d'art.  Mme  Michaelis 
Nimbs  est  une  artiste  de  talent,  favorite  du  public.  Nous  apprenons 
que  le  Roi  Enzio  sera  représenté  à  Carlsruhe  dans  le  courant  du  mois. 

s*^.  Weimar.  —  Mme  Wagner-Jachmann^  qui  s'est  fait  entendre  ré- 
cemment dans  un  concert  à  côté  du  célèbre  violoncelliste  Sivori,  doit 
jouer,  sur  le  désir  du  grand-duc,  le  rôle  d'Iphigénie  dans  la  tragédie  de 
Gœthe . 

3,*,f  Oporto.  —  La  Muta  di  Portici  a  été  représentée  avec  un  éclatant 
succès.  Bignardi  (Masaniello)  et  Mme  Castelli  s'y  sont  distingués  ;  le 
célèbre  duo  Amore  a  été  bissé. 

^*^  Constantinople.  —  Cn  opéra  nouveau,  Ladlslao,  dont  la  partition 
a  pour  auteur  un  jeune  maestro,  nommé  Pisani,  vient  d'obtenir  un 
succès  brillant  au  théâtre  de  Naum.  L'exécution  en  est  assez  bonne, 
mais  Beresa,  le  ténor,  chargé  du  principal  rôle,  est  tombé  malade  après 
la  première  représentation. 

„,*,s  La  Havane,  6  décembre.  —  Mme  Charton-Demeur  a  reçu  l'accueil 
le  plus  favorable  dans  le  7rovatore,  la  Sonnambula  et  la  Traviata;  avec  le 
ténor  Mazzolini,  elle  a  surtout  produit  beaucoup  d'effet  dans  le  dernier 
de  ces  trois  ouvrages. 


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dUllll^ulU  portation,  —  Cette  maison  a  obtenu,  depuis  1834,  à  toutes  les  Expositions,  des  récompenses  méritées  par  l'excellence  de  ses  pianos  droits, 
cordes  obliques,  dont  la  réputation  est  justement  établie.  Elle  vient  de  mettre  en  vente  un  nouveau  modtle  de  piano  droit,  cordes  obliques,  grand  foi-mat,  extra, 
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24 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS, 


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liambert  (Ldcien\  God  save  the  queen ,  air  national  anglais.    .  6  » 

Wenstedt  (Ch.).  Première  rêverie 5  » 

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Talexy  (A.).  Les  Feuilles  de  la  marguerite,  six  morceaux-oracle: 

1.  11  m'aime!        3.  Beaucoup!         5.  A  la  folie! 

2.  Un  peu!  i.  Tendrement!     6.  Pas  du  tout! 

Chaque  numéro  séparé 4  » 

L'ouvrage  complet,  broché 15  » 

—  Fouets  et  Grelots,  grand  galop  brillant 7  .SO 

—  Id.    à  quatre  mains 9  » 

^Vacbs  (F.).  La  Première  amitié,  romance  sans  paroles  ....  5  » 


CnANT.  Frii  marqué. 

Beethoven.  Marguerite  (poésie  de  Mme  Valmore),  chanson  florale  (2  t.)  2  50 

Field  (John  ).  L'Oiseau,              id.              conversation  ....  3    » 

—  Le  Rêve  à  deux,                   id.               romance 2  50 

ICoreaax  (Ch.).  L'Amour  et  l'Amitié  (fabliau  de  lllllevoyc),  deux  tons  2  50 

Boallard  (V.).  Fifres  et  clairons,  polkas 3    » 

—  Turf-Polka 5    » 

Xalexy  (A.).  Bella  Maria,  polka 5     » 

lie  Corbeiller  (Ch.).  La  Première  Gerbe,  valse 5    » 

aullano  (A. -P.).  La  Fête  au  hameau  (très-facile),  quadrille.    .  li  50 

l^VacIis  (F.).  Le  Tourbillon,  quadrille 4  50 

IHatbîen  (fils.).  Déesse,  polka-mazurka 5     » 


ALPHONSE    SA3E    (JUNIOR) 

Pactenr  et  Ing^énienr  en  instraments  de  Unsique 

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Breveté  de  S.  M.  l'Empereur  des  Français.  —  Grand  brevet  de  S.  M.  la  reine  d'Angleterre.  —  Breveté  de  S.  M._le  roi  des_  Belges.  —  2m«  prix  en  1838.  —  1"  prix 

en  1861.  Prix   d'honneur,  médaille  d'or,  en   18(i3.   —  Médaille   d'argent  à  l'Exposition  de  Paris,  ISkl).  —   DÉIiÉtSUÉ  par  le  gouvernement  belge  pour  visiter 

l'Exposition  universelle  de  Londres,  en  1851.  —  Exposition  universelle  de  Paris,  1855,  les  plus  belles  pages  du  Rapport  officiel,  27"'  Classe,  pages  1835-1336.  — 
Exnosition  universelle  de  Londres,  1862,  PRIZE  MEDAL,  avec  cette  mention  •-  POUR  EXCBI.I>E!«CE  DE  TOUTE  ESPÈCE  D'INSTRUMENTS  DE  CUIVRE. 
—  Membre  de  l'INSTITUT  POLYTECHNIQl'E  de  Paris,  membre  de  l'ASSOCIATION  INTERNATIONALE  POUR  LE  PROGRÈS  DES  SCIENCES  SOCIALES.  — 
MÉDAILLE  D'OR  et  Membre  du  CORPS  SCIENTIFIQUE  DE  L'BOTEL  DE  VILLE  DE  PARIS. 


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Rue  de  la  Victoire,  4S,  à  Paris. 


L'immense  succès  que  les  Pianos  de  la  Maison  Henri  HERZ  ont  obtenu  à  l'Exposition  universelle  de  Paris,  en  1855, 
vient  de  se  reproduire  à  Londres  avec  plus  d'éclat  encore  :  aussi  le  Jury  inlernational  vient-il,  en  plaçant  ces  instruments 
au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimité,  à  M.  Henri  HERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection 
reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  solidité,  de  la  sonorité,  de  l'égalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  d'expression.   (Rapport  du  Jury  international.) 


1'°  médaille  d'or 

Exposition  nationale  françaisede  1849. 


DÉCORATION  DE  LA  LÉGION  D'HONNEUR 
Exposition  de  1849. 


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t"  médaille 

Exposition  nationale  belge  de  1841. 

DÉCORATION   DE    LA    COURONNE   DE    CHÉNE 

deBollande{iBl,5). 


Fadeur  de  la  Maison  militaire  de  l'Empereur. 

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Ctrande  médaille  d'or 

du  Mérite  de  Prusse  (1846). 


i"  médaille  d'argent 

Exposition  nationale  française  de  18ii4. 

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(CoMneil  jaeaat)  à  rDspos^**»"  universelle  de  liondres  (iSSl). 

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Tous  les  instruments  à  pistons   avec  addition  d'une  ou  plusieurs 

clefs;  invention  brevetée  en  1^59. 
Système  d'instruments  à  pistons  ascendants;  iuv.  brev.  en  185». 


ou  cylindres,  les  mêmes  forme  Saxo-Tromba. 
Clairons,  Trompettes  d'ordonnance.  Flûtes,  Clarinettes,   Bassons, 
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Voi  siete  la  piû  bella  ragazzina 4  50 

Al  Lido 3     » 

L'Indifferenza 4  50 

Dsh!  non  chiedernii  percliè 4  50 

La  Danza 4  SO 

Nenna 5     » 

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L'Ami  François,  romance  bar.,  paroles  d'Alptionse  Baralle  ....    2  50 
L'Aumône  aux  petits  oiseaux,  paroles  de  Fr.  Tourte 2  50 

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et  baryton 5    « 


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B.  Franta.  Souvenir  de  bonheur,  notturnino  facile 4  50 

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N»  4. 


REVUE 


2H  Janvier  1863. 


PRIX  DE  L'ABONNEMENT: 

Paris 2i  fr.  par  Ql 

Déparlemculs,  Belgique  et  Suisse....     30  »       id. 

Étranger 34  »       id. 

Le  Journal  paraît  le  Uiitiancbe. 


GAZETTE  MUSICALE 


—^\l\PJ\i\f\f\Pjy\r^ 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  impérial  de  l'Opéra:  (o  Muette  de  Portici,  opéra  en 
cinq  actes,  paroles  de  MM.  Scribe  et  Germain  Delavigne,  musique  de  M.  Auber. 
—  Tliéàtre  impérial  Italien  :  la  Serva  padrona ,  de  Pergolèse ,  par  Paul 
Smith.  —  Auditions  musicales,  par  Adolphe  Botte.  —  Revue  des  théâ- 
tres, par  D.  A.  D.  Saint-Yves.  -   Nouvelles  et  annonces. 


THEATRE  IMPERUL  DE  L'OPËRÂ. 

liA  MCJETTE  DE  PORTICI, 

Opéra  en  cinq  actes,  paroles  de  MM.  Scribe  et  Germain  Delavigne, 

musique  de  M.  Auber. 

(Reprise  le  lundi  19  janvier  1863.) 

La  Mvelle  de  Portici  est  née  le  29  février  1828  :  dans  un  mois 
et  quelques  jours,  elle  aura  donc  atteint  sa  trente-cinquième  année. 
Ce  serait  beaucoup  pour  une  demoiselle,  de  Portici  ou  d'ailleurs, 
mais  c'est  peu  pour  un  opéra  qui,  avec  un  fort  beau  passé,  a  en- 
core devant  lui  un  magnifique  avenir.  De  toutes  les  révolutions  aux- 
quelles se  rattache  cet  heureux  ouvrage,  la  moins  sérieuse  et  la  plus 
passagère  assurément,  c'est  celle  qui  a  fourni  le  sujet  de  la  pièce. 
Qu'est-il  resté  des  neuf  jours  de  ce  règne  d'un  pêcheur  que  la  jus- 
tice et  la  raison  abandonnèrent  si  vite,  et  qui  ne  sut  triompher  que 
pour  mourir  ?  La  conception  lyrique  des  auteurs  de  la  Muette  fut  bien 
plus  profondément  révolutionnaire  :  par  son  libretto.  par  sa  musique, 
par  ses  costumes  et  sa  mise  en  scène  elle  exerça  une  influence  qui 
ne  sera  pas  moins  durable  qu'elle  fut  vive  et  soudaine.  La  Bruyère 
écrivait  :  «  Il  y  a  des  endroits  dans  l'opéra  qui  laissent  en  désirer 
»  d'autres,  il  échappe  quelquefois  de  souhaiter  la  fin  de  tout  le  spec- 
1)  tacle  :  c'est  faute  de  Ihéàlre,  d'action  et  de  chosf's  qui  intéressent.» 
Quel  auteur  plus  capable  que  Scribe  de  trouver  ces  choses  si  néces- 
saires et  de  remettre  l'opéra  sur  un  pied  tout  nouveau?  Avant  lui,  le 
libretlo  n'était  que  le  bâtard  de  la  tragédie  classique  :  M.  Jouy  l'avait 
compris  ainsi  dans  la  Vestale;  et  dans  Fernand  Cartes,  où  il  s'était 
un  peu  écarté  de  son  idéal,  il  n'a  jamais  pu  parvenir  à  mettre  d'a- 
plomb ses  trois  actes,  qui  changeaient  de  place  à  volonté.  M.  Jouy 
est  pourtant  notre  meilleur  librettiste  depuis  Q-iinault  et  Gentil  Ber- 
nard; mais  une  révolution  était  indispensable  dans  ce  genre,  et  c'est 
à  Scribe  que  nous  la  devoiis.  On  le  blâme  d'avoir,  non  pas  créé,  mais 
rétabli  la  coupe  ancienne  des  opéras  en  cinq  actes,  au  lieu  de  celle 
en  trois  actes,  qui  avait  fini  par  prévaloir;  mais  on  peut  faire  des 
opéras  en  cinq  actes  qui  ne  soient  pas  trop  longs.  Voyez  la  Muette! 
Le  libretto  était  descendu  de  ses  échasses  ;  il  avait  quitté  les  hau- 


teurs de  l'Olympe  et  des  palais  pour  nous  montrer  de  simples  pê- 
cheurs, des  gens  du  peuple,  mêlés  aux  princes  et  aux  grands.  La 
musique  avait  trop  d'esprit  pour  ne  pas  suivre  son  exemple,  et  ne 
pas  mettre  autant  de  variété  dans  ses  accents  que  le  libretto  dans 
ses  allures.  Gluck,  disait- on  jadis,  avait  retrouvé  la  douleur  antique; 
ce  que  M.  Auber  a  cherché  surtout,  on  peut  l'afBrmer,  c'est  le  plai- 
sir moderne.  Était-il  possible  de  réussir  mieux  ?  Sa  partition  de  la 
Muette  est  un  chef-d'œuvre  accompli  de  mélodie  claire,  franche  et  fa- 
cile, lumineuse  comme  le  soleil.  On  la  chantait  en  sortant  du  théâtre, 
il  y  a  trenlc-cinq  ans,  comme  il  y  u  fjiielques  jours.  On  b  sait  pnr 
coeur  en  France;  on  l'admire  et  on  l'aime  à  l'étranger.  C'est  une 
musique  réunissant  toutes  les  propriétés  ,  toutes  les  quaUtés  de  la 
langue  française  et,  comme  elle,  prédestinée  à   devenir  universelle. 

Pour  compléter  l'œuvre  poétique  et  musicale,  il  ne  fallait  plus 
qu'une  révolution  dans  la  mise  en  scène,  dans  les  costumes,  et,  pré- 
cisément, parmi  les  artistes  chargés  de  présider  à  ces  détails,  il  s'en 
rencontra  un  qui  fit  ses  débuts  de  la  façon  la  plus  brillante  en 
habillant  Fenella,  Masaniello,  ses  frères  et  amis,  les  lazzaroni  de 
Portici  et  de  Naples,  avec  une  exactitude  et  une  vérité  qui  commen- 
cèrent par  faire  scandale.  Cet  artiste,  c'était  M.  Duponchel,  qui  de- 
puis s'est  signalé  par  bien  d'aulres  travaux  de  réforme  pittoresque. 
Aujourd'hui,  nous  trouvons  cela  tout  simple;  mais  alors  quel  étonne- 
ment,  quel  effroi  même,  en  voyant  que  toutes  les  vestes  n'étaient 
pas  de  la  même  couleur,  ni  taillées  sur  le  même  patron  !  Chacun 
avait  son  costume,  comme,  dans  le  mouvement  des  masses,  chacun 
avait  sa  démarche,  son  geste.  Plus  d'uniformes  pour  toutes  les  tailles, 
plus  de  choristes  rangés  en  deux  plates-bandes,  et  manœuvrant  comme 
par  ressorts! 

Si  nous  voulions  ne  rien  omettre  des  éléments  du  merveilleux  suc- 
cès que  la  Muette  de  Portici  obtint  dès  sa  naissance,  nous  devrions 
aussi  nommer  les  artistes  qui  en  remplirent  alors  les  principaux 
rôles,  .Adolphe  Nourrit,  Mme  Damoroau,  Dabadie,  Alexis  Dupont,  Pré- 
vost, Mlle  Noblet,  la  première  Fenella,  par  ordre  de  date,  et  peul- 
êlre  détalent,  quoique  bien  des  illustrations,  notamment  Faiiny  Ellsler, 
aient  passé  par  ce  rôle.  Mlle  Noblet!  qui  croirait  aujourd'hui  qu'à 
elle  revient  l'honneur  d'avoir  inspiré  un  opéra  dont  l'héroïne  serait 
privée  de  la  parole?  non  pas  qu'il  soit  nécessaire  d'ajouter  encore 
un  nom  à  une  liste  de  collaborateurs  déjà  fort  étendue.  Mais  en  ce 
temps,  l'opéra  n'avait  plus  de  cantatrice  dramatique  :  avec. 
Mme  Branchu,  la  passion,  l'énergie  avaient  quitté  la  scène,  et 
Mme  Dainoreau  ne  s;ivail  que  chanter.  Elle  ne  pouvait  seule  porter 
le  poids  d'une  grande  œuvre  ;  le  Siér/e  de  Corinlhe  et  Mdise  ne  l'a- 
vaient que  trop  prouvé.  Tout  au  contraire,  dans  le  ballet-pantomime, 


26 


REVUK  ET  GAZKTTE  MUSICALE 


Mlle  Noblel  s'était  fait  une  haute  renommée  d'actrice,  éloquente 
malgré  son  silence  obligé.  Nos  auteurs  rêvaient  donc  un  ouvrage 
musical,  dont  pourtant  elle  jouerait  le  premier  rôle,  un  ouvrage  dont 
le  modèle  existait  dans  les  Deur.  mois  ou  une  Nvil  dans,  la  forêt,  que 
Mlle  Bigollini  venait  de  tirer  des  ténèbres;  ils  cherchèrent  quelque 
temps  et  finirent  par  trouver,  avec  l'aide  de  WaUer-Scolt,  qui  lui- 
même  s'était  aidé  de  Goethe,  ce  personnage  charmant,  dont  ils  avaient 
besoin,  celte  Fenella,  sœur  cadette  de  Mignon,  qu'ils  imaginèrent 
de  jeter  à  travers  la  révolution  de  Naples.  Si  Mlle  Falcon  eût  été 
connue  à  cette  époque,  il  est  probable  que  Fenella  n'eût  jamais  vu 
le  jour,  ou  que  du  moins  personne  n'eût  songé  à  lui  interdire  la 
parole. 

Depuis  trente-cinq  ans,  la  Muette  de  Portici  s'est  rarement  ab- 
sentée du  répertoire  ;  à  combien  de  rentrées,  de  débuts,  n'a-t-elle  pas 
servi?  Dès  qu'on  l'avait  laissée  en  repos  quelque  temps,  on  se  hâ- 
tait de  la  rappeler  au  théâtre.  Une  nouvelle  reprise  en  était  an- 
noncée, promise,  attendue,  et  l'on  sait  par  quels  motifs  différents 
elle  avait  été  retardée ,  lorsque  M.  Emile  Perrin  prit  en  main  la  di- 
rection de  l'Opéra,  la  Muette  fut  aussitôt  adoptée  par  lui  et  traitée 
comme  sa. propre  fille.  Il  voulut  que  son  avènement  fut  marqué  par 
quelque  chose  de  significatif,  d'éclatant,  et  il  consacra  tous  ses  soins 
à  une  reprise,  qu'il  regardait  à  bon  droit  comme  n'ayant  pas  moins 
d'importance  qu'une  première  représentation.  En  un  mois  environ, 
la  mise  en  scène  subit  une  révision  totale.  On  improvisa  trois  décors, 
on  refit  de  nombreux  costumes.  Le  rôle  de  Masaniello  fut  étudié  par 
un  chanteur  qui  n'en  savait  pas  une  note,  et  qui  ne  l'abordait  pas 
sans  un  certain  effroi.  Bref,  le  chef-d'œuvre  nous  a  été  rendu  avec 
une  splendeur,  une  fraîcheur,  une  jeunesse,  qui  lui  présagent  un  de 
ces  renouveaux  de  vogue  populaire,  que  nous  avons  vus  se  repro- 
duire si  souvent. 

On  n'a  presque  rien  changé  à  la  partition;  seulement,  au  premier 
acte,  on  a  coupé  l'allégro  de  l'air  avec  chœur,  chanté  par  Alphonse, 
et,  au  quatrième,  celui  de  l'air  de  Masaniello  :  Adoucis  la  ri- 
gueur de  tes  arrêts  terribles;  mais,  en  revanche,  on  a  rétabli,  pour 
la  complète  intelligence  du  drame,  le  dialogue  entre  Alphonse  et  son 
confident  Lorenzo,  placé  au  début  de  la  pièce,  et,  au  commencement 
du  troisième  acte,  le  duo  de  la  réconciliation  entre  Alphonse  et 
Elvire. 

Nous  le  disions  tout  à  l'heure,  Gueymard  ne  connaissait  le  rôle  de 
Masaniello  que  pour  en  avoir  entendu  quelques  fragments;  jamais 
il  ne  l'avait  essayé  lui-même.  Deux  artistes  se  sont  distingués  surtout 
dons  ce  personnage  historique,  auquel  chacun  d'eux  imprimait  une 
physionomie  toute  différente  :  Adolphe  Nourrit,  le  Masaniello  sculptu- 
ral, YAntinoils  de  la  fraternité  et  de  la  révolte,  et  Duprez,  le  Na- 
politain pur  sang,  le  pêcheur  réaliste  et  sans  emphase.  Un  troisième 
artiste  mérite  encore  d'être  nommé,  c'est  Poultier,  qui  chantait  l'air 
du  Sommeil  avec  une  perfection  dont  nul  autre  n'a  surpassé  le 
prestige.  Gueymard,  on  le  pense  bien,  ne  soutiendrait  le  parallèle  ni 
d'Adolphe  Nourrit  ni  de  Duprez,  mais,  ne  les  ayant  vus  ni  l'un  ni 
l'autre,  il  a  l'avantage  d'être  lui-même.  Il  possède  les  qualités  essen- 
tielles que  le  rôle  demande;  il  en  a  le  physique,  il  en  a  la  voix  dans 
tous  les  morceaux  d'intention  vigoureuse  et  accentuée.  On  doit  aussi 
lui  savoir  gré  de  la  manière  dont  il  a  su  se  maîtriser  et  s'adoucir 
dans  cet  air  du  Sommeil,  le  plus  antipathique  à  sa  nature,  et  dans 
ce  touchant  adieu  qu'il  adresse  à  sa  pauvre  chaumière,  au  milieu  des 
acclamations  et  des  fanfares  du  triomphe.  Du  reste,  il  a  eu  ce  fort 
beaux  effets  dans  tout  le  second  acte,  dans  le  troisième  et  le  qua- 
trième. Ce  rôle,  dont  il  avait  peur  et  qu'il  a  presque  emporté  d'as- 
saut, comptera  bientôt  parmi  les  meilleurs  de  son  emploi  :  nous 
disons  bientôt,  parce  qu'à  chaque  représentation  il  y  fait  des  progrès 
sensibles. 

Mme  Vandenheuvel-Duprez  était  l'Elvire  désignée  pour  succéder  à 
Mmes  Damoreau  et  Dorus  :  elle  a  dignemeut  recueilli  ce  brillant  hé- 


ritage, et  la  critique  ne  saurait  lui  reprocher  qu'un  peu  d'exagération 
dans  le  luxe  des  vocalises.  11  faut  la  louer  d'avoir  animé  l'air  du 
quatrième  acte  :  Arbitre  d'une  vie,  au  point  de  communiquer  son 
émotion  à  l'auditoire,  qui  l'en  a  remerciée  par  d'unanimes  bravos.  Du- 
laurens,  chargé  du  rôle  d'Alphonse,  l'a  rempli  avec  conscience,  trop 
de  conscience  peut  être,  car  en  certains  moments  il  a  donné  plus  de 
voix  qu'il  n'en  faut  à  un  époux  et  à  un  prince  placé  dans  une  situa- 
tion doublehaent  fâcheuse.  Cazeaux  est  un  bon  et  solide  Pietro  ; 
Borchardt  et  Bonnesseur  méritent  le  même  éloge  dans  les  rôles  acces- 
soires de  Borella  et  de  Selva.  Nommons  également  Kœnig,  Noir,  et 
Mlle  Sainl-Aguet,  qui  ne  dit  qu'un  mot,  pour  ne  faire  ni  jaloux  ni 
jalouse. 

11  ne  nous  reste  plus  â  citer  que  Mlle  Marie  Vernon ,  la  jeune  et 
jolie  danseuse,  chargée  du  rôle  de  Fenella.  Ce  n'était  pas  pour  elle 
une  petite  entreprise  que  dé  s'y  aventurer,  et  ce  n'a  pas  été  non 
plus  un  petit  succès  que  d'y  être  si  bien  accueillie,  si  chaleureuse- 
ment applaudie,  après  tant  d'autres,  qui  avaient  plus  d'expérience 
et  de  renom.  La  nouvelle  muette  n'a  que  dix-sept  ans  :  mais  le  zèle 
et  l'ardeur  ne,  se  mesurent  pas  à  un  chiffre.  Chez  Mlle  Marie 
Vernon,  l'amour  de  l'art  a  devancé  le  temps,  et  parfois  ce  même 
amour  l'entraîne  au-delà  des  limites  qne  l'art  prescrit.  Parfois  sa 
pantomime  est  trop  active,  trop  loquace:  avec  moins  d'efforts  pour 
se  faire  comprendre,  elle  se  fera  comprendre  beaucoup  mieux.  Ja- 
dis, au  dénoùment,  la  pauvre  Fenella  courait  se  jeter  dans  le ,  Vé- 
suve, en  apprenant  que  son  frère  avait  péri,  mais  on  a  réfléchi  que 
le  volcan  était  bien  loin  du  lieu  de  la  scène,  et,  comme  les  études 
géographiques  se  sont  perfectionnées,  on  a  craint  les  ob-ervalions  de 
quelque  spectateur  éclairé  :  on  a  donc  résolu  que  Fenella  se  con- 
tenterait de  mourir  sur  la  scène  en  présence  de  tous,  sans  préjudice 
de  l'éruption  du  Vésuve,  qui  ne  vomirait  plus  de  feux  et  de  flammes 
que  pour  son  agrément.  Du  reste,  cette  éruption  nous  a  paru  très- 
belle,  mais  nous  avons  eu  peine  à  nous  expliquer  le  rayonnement  de 
lumière  électrique,  qui  apparaît  tout  à  coup  à  la  droite  du  specta- 
teur, comme  pour  faire  concurrence  aux  lueurs  fiamboyanles  du 
volcan. 

La  Muette  de  Forlici  n'est  pas  seulement  une  œuvre  musicale, 
c'est  une  production  chorégraphique  de  l'espèce  la  plus  distinguée. 
La  danse  y  occupe  une  large  place  ;  elle  s'y  mêle  à  l'action  ;  elle  la 
commente  et  la  paraphrase  avec  une  élégance  et  une  séduction  ir- 
résistibles, comme,  par  exemple,  dans  ce  triomphe  du  quatrième  acte, 
oîi  les  groupes  de  danse  enveloppent  les  compagnies  de  soldats.  Que 
serait-ce  que  la  scène  du  marché,  sans  cette  tarentelle  fameuse,  que 
mène  Coralli,  vrai  lazzarone  ,  qui,  dans  son  ardeur  la  plus  fou- 
gueuse, respecte  toujours  le  goût  français,  en  digne  élève  d'une  célèbre 
école?  Dans  cette  même  scène,  il  y  a  eu  le  début  d'une  danseuse, 
pour  laquelle  M.  Lucien  Pelipa  n'a  pas  dédaigné  d'écrire  un  pas 
nouveau,  ni  M.  Auber  d'en  arranger  la  musique.  La  danseuse  se 
nomme  Mlle  Laure  Fonta  :  elle  nous  a  paru  fort  jolie,  et  tout  le 
monde  lui  a  trouvé  infiniment  de  talent;  on  l'a  donc  applaudie,  rap- 
pelée et  comblée  de  tous  les  honneurs  d'usage  en  pareille  occur- 
rence. 

L'orchestre,  les  chœurs  ont  vaillamment  fait  leur  devoir.  L'admi- 
rable finale  du  troisième  acte  n'avait  jamais  été  mieux  rendu,  et  l'im- 
pression générale  a  été  des  plus  vives.  L'enthousiasme  a  recommencé 
avec  l'acte  suivant,  et  il  éclatait  de  toutes  parts  à  la  fin  du  cinquième. 
On  a  redemandé  les  artistes,  qui  ont  reparu;  on  a  redemandé  M.  Auber, 
et  certainement  il  n'y  avait  là  qu'un  mouvement  spontané  de  simple 
justice.  Mais  M.  Auber  a  ses  idées  et  n'aime  pas  à  changer  ses  habi- 
tudes. Ceux  qui  l'appelaient  h  grands  cris  et  avec  une  foi  sincère 
ignoraient  que  l'illustre  compositeur  n'a  jamais  manqué  d'être  absent 
du  théâtre  au  moment  où  le  rappel  menace  de  poindre,  et  qu'on  ne 
l'y  voit  revenir  que  quand  tout  péril  a  cessé. 


DK  PAliiS. 


27 


THEATRE  mPÉRIAL  ITALIEN. 

l.a  iSERVA  PADROXA,  «le  Pergolésc. 

La  Serva  padrona  est,  toujours  ce  que  vous  savez,  un  uionumeut, 
une  date,  et,  si  vous  voulez  même,  un  chef-d'œuvre  accompli  pour  le 
siècle  qui  l'a  vu  naître;  mais  il  faut  l'avouer,  pour  notre  temps  c'est 
quelque  chose  de  plus  curieux  que  de  ravissant.  C'est  une  ébauche, 
d'où  sont  sortis  des  milliers  de  copies,  qui  ne  la  valaient  pas  ;  mais 
ce  n'est  qu'une  ébauche.  En  écoulant  ces  naïves  canlilènes,  aux- 
quelles on  voudrait  souvent  une  autre  forme ,  un  autre  développe- 
ment, on  se  rappelle  l'innombrable  famille  d'inspirations,  de  parti- 
tions entières,  dont  la  Serva  padrona  est  la  mère  antique  et  véné- 
rable. 

Nous  ne  savons  trop  pourquoi  le  théâtre  Italien  a  exhumé  l'œuvre 
de  Pergolèse,  mais  ce  que  nous  affirmons,  sans  crainte  d'être  dé- 
menti, c'est  que  Mme  Penco  est  excellenlissime  dans  le  rôle  de  Zer- 
bina  :  nous  ne  nous  doutions  pas  qu'elle  jouât  si  finement,  si  gaie- 
ment la  comédie,  ni  que  sa  belle  et  riche  voix  pût  s'accommoder  si 
aisément  d'un  idiome  musical  qu'elle  n'a  pas  l'habitude  de  parler. 
Zucchini  ne  l'a  pas  trop  mal  secondée  dans  le  rôle  de  Pandolpho, 
mais  il  ne  l'a  pas  égalée  !  A  Mme  Penco  la  meilleure  part  des  ap- 
plaudissements et  du  succès,  s'il  y  a  succès. 

Paul  SMITH. 


ADDITIONS  fflOSICALES. 

Iflatinée  de  la  Société  untiouale  «les  Beaux.- Arts. 
Concert  «les  soeurs  Cluuss.  —  Preanière  soirée  «le 
ninie  Escudier-Kastuer  et  de  WLWS.  Henri  Vieux- 
temiis  et  SSatta. 

Les  jeunes  compositeurs  se  plaignent  parfois,  et  très-amèrement, 
des  obstacles  de  toute  nature  qu'ils  rencontrent  sur  leur  route  ;  ils  se 
plaignent  du  public,  de  ses  préventions  injustes,  de  son  engoue- 
ment —  c'est  le  mol  dont  ils  se  servent  —  pour  les  chefs-d'œuvre 
du  passé,  de  son  indifférence  pour  les  œuvres  nouvelles.  Nous 
croyons  que  le  dépit  et  la  mauvaise  humeur  entrent  pour  beaucoup 
dans  toutes  ces  plaintes,  et  qu'elles  sont  loin  d'être  entièrement  fon- 
dées. Pourtant,  nous  ne  saurions  trop  louer  la  Société  des  Beaux-Arts 
du  but  qu'elle  s'est  proposé,  des  services  inappréciables  qu'elle  veut 
rendre  aux  auteurs  vivants,  et  plus  particulièrement  aux  symphonis- 
tes, en  faisant  entendre  leurs  ouvrages,  en  les  aidant  h  révéler  les 
qualités  qu'ils  possèdent,  et  qui  doivent  fixer  sur  eux  l'attention  et  les 
sympathies  du  monde  musical.  Bien  des  tentatives  généreuses  et  in- 
telligentes ont  été  faites  déjà,  et  n'ont  souvent  amené  aucun  des  ré- 
sultats qu'on  s'était  promis.  Etait-ce  la  faute  des  compositeurs  ou  des 
organisateurs?  Nous  ne  savons.  Quoiqu'il  en  soit,  nous  tenons  à  si- 
gnaler ce  qui,  cette  fois,  pourrait,  â  notre  avis,  compromettre  le 
succès  qu'on  est  en  droit  d'espérer.  Nous  avons  les  magnifiques  séan- 
ces du  Conservatoire,  où  le  fini  de  l'exécution  redonne  chaque  an- 
née une  vie  nouvelle  aux  plus  grandes  et  aux  plus  pures  inspirations 
de  l'art  ancien  et  moderne  ;  nous  avons  les  matinées  de  Pasdcloup, 
celles  d'Alard  et  Franchomme,  de  Maurin  et  Chevillard,  les  soirées 
d'Armingaud,  et  bien  d'autres  encore,  où  les  plus  belles  œuvres  de 
toutes  les  écoles,  et  même  quelquefois  les  témérités  de  ces  derniers 
temps,  dignement  interprétées,  assurent  aux  dilettantes  mille  jouissan- 
ces délicales  et  certaines.  En  présence  d'une  aussi  redoutable  concur- 
rence, d'un  antagonisme  aussi  efl'rayant,  il  faut  au  moins  que  l'exé- 
cution des  ouvrages  nouveaux  se  recommande  par  quelques-unes  des 


grandes  qualités  admirées  dans  toutes  les  sociétés  que  nous  venons 
de  citer,  et  qui  sont  en  possession,  à  des  deijrés  divers,  delà  haute 
estime  des  connaisseurs  ;  il  ne  faut  pas  qii'à  l'infériorité  des  compo- 
sitions (car  nul  de  nos  jeunes  symphonistes  n'a  certes  la  prétention 
d'atteindre,  dès  sou  début,  au  niveau  des  vieux  maîtres)  vienne  en- 
core se  joindre  l'infériorité  de  l'interprétution  ;  il  faut,  enfin,  qu'une 
direction  unique  et  forte  domine,  et  donne  à  l'orchestre  et  aux  chœurs 
cet  ensemble  et  cette  unité  qui,  dimanche,  manquaient  tout  à  fnit  à 
la  Société  nationale  des  Beaux-Arts,  et  sans  lesquels  les  meilleures 
pages  sont  plutôt  devinées  quu  comprises.  On  peut  avoir  beaucoup 
de  talent,  écrire  correctement,  savamment,  dans  un  style  très-serré, 
très-laborieux,  et  manquer  du  tact,  de  l'expérience  et  de  l'art  spécial 
qu'il  faut  à  un  bon  chef  d'orchestre.  M.  C.  Saint  Saens  l'a  bien 
prouvé  à  cette  matinée,  en  conduisant  deux  fragments  de  l'une  de 
ses  symphonies.  Le  premier  fragment  a  paru  froid,  décousu  et  lour- 
dement travaillé;  le  second  a  semblé  plus  agréable,  plus  aisé  et  plus 
naturel;  mais  il  eCit  été  difficde  que  l'exécution  fût  plus  hésitante, 
plus  terne  et  plus  cahotée.  M.  Bizet,  à  son  tour,  a  voulu  conduire 
un  M'/tfrjo  de  sa  composition,  mais  il  n'a  pas  mieux  réussi.  Sa  musique 
n'est  point  tourmentée,  cherchée  comme  l'est,  en  général,  celle  de 
M .  St-Saens;  on  y  a  remarqué,  au  contraire,  une  clarté,  une  grâce  toute 
française  bien  préférable  à  toutes  les  combinaisons  avec  lesquelles  on 
espère  dissimuler  l'absence  de  mélodie.  Après  MM.  Saint-Saens  et 
Bizet,  est  venu  M.  Debihemont.  —  On  le  voit,  l'unité  de  comman- 
dement n'était  pas  à  l'ordre  du  jour.  —  Ce  dernier  est  peut-être  un 
peu  plus  expérimenté,  mais,  pourtant,  il  n'est  pas  assez  maître  de 
lui  :  plus  d'une  fois  il  s'est  laissé  emporter  et  n'a  pas  su  contenir  et 
dominer  son  orchestre.  Néanmoins,  sa  lUarche  funèbre  a  fait  plaisir. 
On  y  a  trouve  l'accent  simple  et  vrai,  1  ;  chant  n:ilurel  et  yc;usé  que 
l'on  demande  à  toute  bonne  composition. 

A  ces  trois  morceaux,  si  dilférents  par  la  coupe,  par  la  nature  des 
idées  et  par  la  valeur  du  fond,  a  succédé  VOuverture  de  Meyerbeer, 
écrite  pour  l'inauguration  de  l'Exposition  de  Londres.  On  ne  l'avait 
pas  encore  entendue  ici,  et  cependant  on  la  connaissait  :  arrangée 
pour  le  piano,  elle  est  entre  les  mains  A  a  fait  les  délices  de  tous 
ceux  qui  aiment  la  belle  et  grande  musique.  Malgré  une  exécution 
dépourvue  de  nuances,  et  à  laquelle  il  nous  est  itnpossible  de  ne  pas 
reprocher  des  mouvements  trop  rapides  et  pleins  d'indécision,  une 
intelligence  très-imparfaite  des  innombrables  et  ravissants  délails  dont 
l'instrumentation  fourmille,  on  a  été  frappé  de  la  grandeur,  de  la 
variété,  de  l'abondance,  de  la  souplesse  et  de  la  plénitude  d'inspiration 
répandues  par  l'auteur  de  lluùerl  et  des  Huguenots  dans  cette  page 
symphonique. 

Déjà,  dans  ces  colonnes,  nous  avons  analysé  cette  œuvre  impor- 
tante ;  aussi  passons-nous  rapidement  sur  les  différents  morceaux. 
La  Marche  Iriompkale,  la  .Marche  religieuse  et  le  Pas  redoublé,  dans 
lequel  le  chant  national  Ride  Hrilannia  est  intercalé  avec  une  richesse, 
un  goût  et  une  science  infinis,  s'enchaînent,  se  succèdent  et  font  passer 
devant  l'auditeur  des  tableaux  ot  des  scènes  tout  à  fait  dissemblables. 
L'harmonie  et  l'orchestration  rehaussent  constamment  les  thèmes  prin- 
cipaux, traités  et  développés  d'une  façon  qui,  nous  ne  craignons  pas 
de  le  dire,  appartient  en  propre  à  Meyerbesr.  A  chaque  instant, 
dans  cet  ouvrage,  le  goût  le  plus  délicat  est  charmé,  ravi,  entraîné, 
tant  les  détails  semblent  naître  naturellement  de  l'idée  mère,  et  en 
être  la  conséquence  logique  et  indispensable.  Tous  les  motifs  sont 
pleins  de  fraîcheur,  de  jeunesse  ot  d'originalité.  Sans  parler  des  nom- 
breuses et  ravissantes  mélodies  des  Marches  triomphale  et  religieuse, 
celle  du  Pas  redoublé  a  enchanté  l'auditoire.  Vive,  lég'ère,  brillante 
et  spirituelle,  elle  revient  sans  cesse,  elle  alterne  avec  le  chant  na- 
tional, se  mêle  bientôt  harmonieusement  avec  lui,  marie  ainsi,  grâce 
à  un  art  consommé,  la  légèreté  ii  la  pompe,  l'espièglerie;  à  la  magni- 
ficence, et  amène,  jusqu'à  la  péroraison  fuguée,  des  effets,  des  opposi- 
tions, des  dialogues  où  se  retrouvent  les  intarissables  ressources,  les 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALti 


combinaisons  neuves  et  saisissantes  qui  sont  du  domaine  de  la  sym- 
phonie, et  qui  en  constituent  les  grandes  et  larges  beautés. 

Cette  matinée  s'est  terminée  par  le  Désert.  L'exécution  n'a  pas 
valu, à  beaucoup  près,  celle  de  Clirisloyhe  Co/o?n6, qui,  le  jour  de  l'inau- 
guration de  la  salle  du  boulevard  des  Italiens,  avait  donnô  une  si 
haute  idée  du  mérite  des  interprètes. 

La  douce  et  rêveuse  poésie  orientale  qui  caractérise  le  Désert,  l'ins- 
trumentation fine  et  élégante,  les  effets  neufs  et  heureux  obtenus  en 
réunissant  l'orchestre  et  les  voix,  et  en  employant  les  instruments  à 
vent  d'une  façon  si  ingénieuse  et  si  délicate,  ont  valu  à  celte  char- 
mante et  pittoresque  symphonie,  non  les  transports  frénétiques  qu'elle 
excita  dans  sa  nouveauté,  mais  de  nombreux  bravos.  Warot  a  fort 
joliment  dit  VHymne  à  la  nuit,  la  Rêverie  du  soir  et  le  Chant  du 
muezzin.  Certes,  en  écoutant  ces  g-racieuses  et  voluptueuses  inspira- 
tions, ces  courtes  mélodies  relevées  par  toutes  les  couleurs  que 
peuvent  donner  l'harmonie,  le  rhythme  et  les  recherches  de  la  sono- 
rité, on  ne  peut  méconnaître  les  précieuses  qualilés  du  musicien  ;  de 
même  que  cette  succession  de  petits  tableaux,  cette  absence  com- 
plète de  développement  auxquelles  ce  genre  condamnait  Félicien  Da- 
vid, n'ont  rien  de  commun,  quoi  qu'on  en  ait  dit,  avec  les  vastes  con- 
ceplions  symphoniques  :  c'est  tout  autre  chose,  on  le  reconnaît  à 
présent.  Le  cadre  admis,  les  redoutables  comparaisons  écartées,  il  ne 
reste  plus  qu'à  louer  Félicien  David  pour  le  style,  la  distinction,  la 
fraîcheur  d'imagination  qui  brillent  dans  sa  partition,  et  qui,  d'emblée, 
lui  donnèrent  son  rang  parmi  les  artistes  contemporains. 

—  Les  sœurs  Clauss,  qu'on  n'avait  pas  entendues  depuis  deux  ans, 
ont  fait  de  notables  progrès.  Ces  jeunes  violonistes,  très-bien  douées, 
possèdent  déjà  un  sentiment  assez  fin  des  beautés  musicales.  Ha- 
bilement dirigées,  elles  excelleront  problablement,  un  jour,  dans 
leur  art  et  retrouveront  peut-être  les  grands  succès  des  soeurs 
Milanollo.  En  attendant,  elles  ont  joué  à  leur  concert,  donné  ven- 
dredi dans  les  salons  Pleyel-Wollï,  avec  beaucoup  d'habileté,  de 
justesse  et  d'expression,  une  fantaisie  d'Alard  sur  Ui  Uluelte  et  un 
morceau  de  Charles  Dancla  sur  la  Somnambule.  Dans  ce  dernier, 
Mlle  Jenny  s'est  particulièrement  distinguée.  D'agréables  variations  de 
Weber,  dites  nettement  et  brillamment  par  Mlle  Sabatier-Blot,  ont 
emporté  comme  d'assaut  les  applaudissements  de  toute  la  salle  et 
ont  été  bissées. 

—  Les  noms  de  Mme  Escudier-Kastner,  de  Henri  Vieuxtemps  et 
A.  Batla  promettaient,  mercredi,  une  belle  soirée;  mais  on  est  si 
s;iuvenl  trompé,  qu'il  n'est  peut-être  pas  inutile  de  dire  que  cette 
fois  nul  n"a  été  déçu,  et  que  ce  concert  a  été  très-brillant. 

Mme  Escudier-Kastner  a  obtenu  un  légitime  succès.  Son  jeu,  très- 
correct,  est  fortifié  et  singulièrement  agrandi  par  un  sentiment 
poétique  qui  entre  toujours  Irès-lieureuseinent  dans  la  pensée  du 
compositeur;  il  a  été  sobre  dans  les  variations  de  Haendel,  élé- 
gant, délicat  et  fin  dans  le  nocturne  de  Chopin,  entraînant  et 
énergique  dans  le  trio  de  Beethoven,-  et  a  eu,  dans  tous  les  trois, 
l'expression  qui  convenait.  Aussi  la  gracieuse  pianiste  n'a-t-elle  pas 
peu  contribué  à  causer  les  émotions  délicieuses  que  procure  tou- 
jours la  belle  musique  éloquemment  interprétée. 

Tout  le  monde  connaît  et  admire  leséniiuentes  qualités  qui,  comme 
soliste,  distinguent  Henri  Vieuxtemps  des  plus  grands  violonistes  de 
notre  époque;  mais  ce  que  tout  le  monde  ne  sait  peut-être  pas,  c'est 
il  quel  point  il  excelle  aussi  dans  la  musique  classique.  Là,  son  ta- 
lent arrive  à  un  caractère  de  gravité,  d'élévation,  de  pureté,  plus  di- 
rectement opposé  qu'on  ne  le  pense  aux  habitudes  et  aux  préférences 
des  virtuoses  célèbres.  Les  auditeurs  les  plus  froids  ont  applaudi  de 
toutes  leurs  forces  aux  merveilles  —  c'est  bien  le  mot  cette  fois  — 
de  cet  archet  qui  connaît  tous  les  emportements,  toutes  les  caresses, 
et  qui  atteint  à  la  perfection  dans  le  sérieux  comme  dans  l'aimable. 

Ce  qui,  au  point  de  vue  purement  musical,  ravit  les  juges  les  plus 
exigeants,  ce  qui  complète  le  beau   talent   de  Vieuxtemps,    ce  qui, 


chez  lui,  forme  un  ensemble  de  qualités  exceptionnelles,  c'est  que, 
au  milieu  des  endroits  les  plus  touchants  et  les  plus  passionnés,  ja- 
mais il  ne  perd  de  vue  le  rhythme,  ni  la  véritable  expression  :  il 
touche  fortement,  parce  qu'il  sent  de  même,  mais  il  ne  dépasse  ja- 
mais le  but.  Sa  sonate  en  ré  majeur  a  été  dite  avec  un  grand 
charme  par  lui  et  par  Mme  Escudier-Kastner.  La  première  et  la  der- 
nière partie  ont  été  les  moins  chaleureusement  accueillies,  et  c'était 
justice  ,  car  la  seconde  et  la  troisième  sont  infiniment  plus  remarqua- 
bles. Dans  ces  deux  dernières  les  idées  ne  sont  pas  trop  multipliées; 
elles  sont  bien  développées,  bien  amenées,  bien  attachées,  et  ont, 
par  conséquent,  l'unité  et  le  caractère  qui  manquent  aux  autres 
morceaux. 

Entre  le  grand  trio  de  Beethoven,  dans  lequel  Balta  a  fait  si  ma- 
gistralement sa  partie,  et  l'ottetlo  de  Mendelssohn,  Mlle  Marie  Battu  a 
chanté  Mon  cœur  soupire  et  un  air  de  Cimarosa  avec  un  goût  achevé, 
une  simplicité  de  style  et  une  légèreté  de  vocalisation  qui  ont  été 
salués  par  de  fréquents  et  sympathiques  bravos. 

Adolphe  BOTTE - 


REVUE  DES  THÉÂTRES. 

Question  des  théâtres  dans  VE.xposéde  la  situation  de,  l'Empire.  — 
TnÉATRE-FRAN'ÇAis  :  Anniversaire  de  la  naissance  de  Molière  — 
Odéon  :  ta  Fille  de  Molière,  comédie  en  un  acte  et  en  vers,  par 
M.  Edouard  l'^ournier;  reprise  des  Parisiens,  comédie  en  quatre  ac- 
tes, de  M.  Th.  Barrière.  —  Vaudeville  :  les  Bonbons-ganaches; 
Levassor  et  ses  chansonnettes;  reprise  de  !^os  Intimes!  —  Palais- 
Royal  :  la  Fleur  des  braves,  vaudeville  de  MM.  Ed.  Martin  et 
Monchelat  ;  reprise  de  la  Mariée  du  mardi  gras.  —  Gaité  :  Phi- 
lidor,  drame  en  cinq  actes,  dont  un  prologue,  par  M.  Joseph  Bou- 
chardy;  reprise  de  Cartouche. 

On  a  pu  voir,  dans  notre  dernier  numéro,  que  les  recettes  des 
théâtres  parisiens,  pendant  l'année  1862, avaient  dépassj  de  800,000 
francs  celles  de  l'année  précédente.  L'Exposé  de  la  situation  de  l'Em- 
pire, que  l'on  vient  de  distribuer  aux  Chambres,  constate  celte  amé- 
lioration en  des  ternies  qui  méritent  d'être  reproduits. 

«  La  prospérité  matérielle  des  théâtres  de  Paris,  dit  le  document 
officiel,  s'augmente  de  jour  en  jour.  Déjà  plusieurs  salles  nouvelles, 
joignant  à  l'élégance  artistique  de  la  forme  d'heureuses  innovations, 
remplacent  les  anciens  théâtres  qui  ont  disparu  par  suite  du  perce- 
ment du  boulevard  du  Prince-Eugène.  Bientôt,  dans  le  quartier 
même  qui  a  joui  si  longtemps  d'une  faveur  devenue  historique,  d'au- 
tres salles  non  moins  belles  s'élèveront  encore  pour  répondre  aux 
besoins  de  la  population,  et  pour  ouvrir  des  débouchés  plus  nombreux 
au  talent  des  écrivains  et  des  artistes. 

»  D'un  autre  côté,  de  constants  efforts  tendent  à  élever  l'art  mo- 
derne par  le  spectacle  et  l'exemple  des  chefs-d'œuvre  de  l'ancien  ré- 
pertoire; des  avantages  exceptionnels  sont  assurés,  dans  ce  but,  aux 
écrivains  qui  se  consacrent  à  des  études  sérieuses.  C'est  aussi  pour 
stimuler  le  travail  et  encourager  le  mérite  par  la  perspective  légi- 
time de  la  foitune,  que  l'Empereur  a  daigné  charger  une  commission 
d'examiner,  dans  son  principe  et  dans  son  application,  la  question  de 
la  propriété  littéraire  et  artistique. 

»  Inspirée  par  une  auguste  bienveillance,  la  solution  semblait  d'a- 
vance assurée;  mais  de  graves  intérêts  étant  en  jeu,  il  n'a  pas  fallu 
moins  d'une  année  pour  que  la  commission  ait  pu  élaborer  le  projet 
de  loi  qui,  dans  les  premiers  jours  de  la  session,  sera  présenté  à 
l'examen  des  grands  corps  de  l'Etat. 

»  La  situation  des  théâtres  des  départements  est  l'objet  d'une  solli- 
citude toute  particulière  ;  un  plan  de  réorganisation  générale  est  à 
''étude,  et  le  bien  qui  doit  en  résulter  pour  ces  entreprises  intéres- 
santes ne  se  fera  pas  longtemps  attendre.  » 


DK  PARIS. 


Nous  prenons  acte  de  ces  promesses  solennelles  et  nous  avons 
toute  confiance  dans  leur  prochaine  réalisation. 

—  Selon  leur  louable  coutume ,  les  deux  théâtres  impériaux  qui 
ont  le  monopole  des  anciens  chefs-d'œuvre  de  notre  littérature  dra- 
matique, ont  fêté,  le  1 5  janvier,  l'anniversaire  de  la  naissance  de 
Molière.  Le  Théâtre-Français  donnait  le  Misanthrope  et  le  m'alade 
imaginaire,  avec  l'élite  de  sa  troupe.  A  l'Odéon,  l'Ecole  des  maris 
et  le  Malade  imaginaire  étaient  accompagnés  d'une  petite  comédie 
de  circonstance,  due  à  la  plume  de  M.  Edouard  Fournier.  Cet  au- 
teur, déjà  récompensé  de  son  culte  pour  les  grands  génies 
qui  ont  honoré  notre  scène  par  le  succès  de  Corneille  à  la  bvtte 
des  Moulins,  n'a  pas  été  moins  bien  traité  par  le  public,  h  l'occasion 
de  la  Fille  de  Molière.  Cependant,  il  faut  bien  l'avouer,  cette  seconde 
pièce  ne  vaut  pas  la  première.  La  donnée  en  est  moins  heureuse  et 
moins  franche,  et  si  les  vers  y  sont  aussi  finement  ciselés,  ils  of- 
frent moins  de  ces  traits  délicats,  de  ces  rencontres  ingénieuses  qui 
ne  peuvent  naîire,  quoi  qu'on  fasse,  que  du  choix  des  situations.  De 
même  que  dans  sa  comédie  du  théâtre  Français,  M.  Ed.  Fournier  s'est 
bien  gardé  de  faire  paraître  le  grand  homme  dont  il  célèbre  le  ta- 
lent et  le  caractère,  et,  en  cela,  il  a  fait  preuve  de  goût.  Molière  a 
cessé  de  vivre  depuis  quelques  années,  lorsque  le  rideau  se  lève.  Sa 
fille  est  au  couvent,  et  elle  a  pour  tuteur  un  certain  M.  de  Monla- 
lant,  dont  le  nom  se  retrouve  dans  les  mémoires  de  l'époque.  C'est 
un  homme  de  quarante  ans,  que  l'exemple  lamentable  de  l'auteur 
de  Sganarelle  empêche  de  s'arrêter  à  l'idée  d'un  mariage  peu  en 
rapport  avec  son  âge,  et  pourtant  il  ne  peut  se  défendre  d'une  in- 
clination très-prononcée,  quoique  très-secrète,  pour  sa  pupille  Made- 
leine. Mais  une  petite  cousine,  à  tête  fantasque ,  élevée  au 
même  couvent  que  la  fille  de  Molière,  révèle,  par  maladresse,  à 
Montalanl  que  son  amour  est  partagé,  et,  ma  foi,  sur  les  conseils  de 
la  vieille  Laforêt,  qui  devrait  bien,  ce  nous  semble,  savoir  mieux 
que  personne  ce  que  son  pauvre  maître  avait  gagné  à  une  union 
disproportionnée,  le  tuteur  se  décide  à  épouser  la  jeune  pension- 
naire confiée  à  sa  sollicitude.  Nous  n'avons  pas  besoin  d'insister  sur 
les  défauts  de  ce  sujet  peu  conséquent  avec  lui-même  ;  ils  sautent 
aux  yeux.  La  pièce  de  M.  Edouard  Fournier  n'en  a  pas  moins  été 
très-favorablement  accueillie  par  le  parterre  de  l'Odéon ,  d'abord 
parce  qu'elle  est  écrite  avec  un  soin  tout  littéraire,  et  puis  parce 
qu'elle  est  jouée  d'une  façon  vraiment  remarquable  par  Mlles  Mosé 
et  Picard,  ainsi  que  par  Bomainville,  un  excellent  comique  qui  se 
fait  applaudir  dans  le  rôle  d'un  valet  provençal,  naguère  au  service 
de  Molière. 

On  a  repris,  ces  jours  derniers,  au  même  théâtre,  les  Parisiena, 
comédie  en  quatre  actes,  de  M.  Théodore  Barrière,  représentée  ori- 
ginairement au  Vaudeville.  Cette  galerie  photographique,  parfaite- 
ment réussie  d'ailleurs,  a  produit  son  effet  aussi  bien  sur  la  rive 
gauche  que  sur  la  rive  droite,  et  nous  croyons  qu'elle  exercera  une 
salutaire  influence  sur  les  recettes  de  l'Odéon. 

—  Le  Vaudeville,  qui  fondait  les  plus  belles  espérances  sur  les  Diables 
noirs,  ùe  M.  Victorien  Sardou,  lutte  courageusement  contre  la  fâcheuse 
situation  qui  lui  a  été  faite  par  le  vélo  dont  cette  pièce  vient  d'être 
l'objet  de  la  part  de  la  commission  d'examen  des  ouvrages  drama- 
tiques. Il  a  eu  recours  d'abord  à  un  spectacle  composé  de  six  pe- 
tites pièces,  parmi  lesquelles  on  remarquait  une  nouveauté  intitulée 
les  Bonbons-ganaches,  dont  l'existence  n'a  guère  duré  au-delà  des 
circonstances  qui  l'ont  inspirée.  On  a  revu  en  même  temps,  avec  le 
plus  grand  plaisir,  Levassor,  toujours  habile  à  interpréter  la  chan- 
sonnette, et  débitant  avec  le  même  entrain  qu'autrefois  deux  échan- 
tillons de  son  nouveau  répertoire  comique,  le  Mal  de  mer  et  le 
Journal  de  village.  Puis  a  eu  lieu  une  assez  fructueuse  reprise  de 
ISos  intimes',  qui  occupent  en  ce  moment  l'afiiche,  pour  faire  place 
bientôt,  dit-on,  à  ces  capricieux  Diables  noirs,  autorisés  sous  béné- 
fice  d'inventaire,  et  plus  fameux  peut-être  avant  qu'ils  ne  le   seront 


après  leur  naissance,  comme  la  chose  est  arrivée  aux  Volontaires  de 
la  Porte-Saint-Martin. 

—  Le  succès  des  Trente-sepl  sous  de  M.  Montaudoin  n'est  pas  près 
de  finir  au  Palais-Royal.  Pour  le  rendre  plus  durable,  on  lui  adjoint 
une  bluette  nouvelle,  intitulée  la  Fleur  des  braves,  où  Geoffroy  rem- 
plit aussi  le  principal  rôle,  en  attendant  que  son  engagement  à  la 
Comédie  française,  dont  il  est  grandement  question,  devienne  défi- 
nitif. Le  spectacle  est  complété  par  la  reprise  de  la  Mariée  du  mardi 
gras,  cette  épopée  burlesque  qui  égale  les  plus  joyeuses  excentricités 
dont  ce  théâtre  garde  le  souvenir.  Où  trouver  ailleurs  une  réunion 
de  comiques  p.lus  complète  et  plus  amusante?  Une  soirée  passée  au 
Palais-Royal  est  un  éclat  de  rire  sans  interruption. 

De  loin  en  loin,  AI.  Joseph  Bouchardy,  qui  a  été  l'une  des  gloires 
les  plus  resplendissantes  du  boulevard  du  Temple,  reparaît  sur  la 
brèche  un  nouveau  drame  en  main.  Malheureusement,  ses  longues 
intermittences  lui  ont  fait  oublier  les  secrets  du  métier,  et  la  faveur 
publique  semble  s'être  retirée  de  lui.  Nous  voudrions  pouvoir  dire  que 
Philidor,  sa  dernière  pièce,  a  conjuré  le  guignon  qui,  depuis  quel- 
ques années,  déconcerte  toutes  ses  tentatives.  Mais  nous  sommes 
forcé  de  convenir  que  le  parterre  de  la  Gaîté  a  témoigné  fort  peu 
de  sympathie  pour  ce  comédien  de  province  à  la  recherche  d'une 
succession  qu'on  lui  a  dérobée.  !1  y  a  dans  cette  course  aux  billets 
de  banque  une  histoire  grotesque  de  papiers  cousus  dans  la  doublure 
d'un  habit  et  de  valeurs  déclarées  tour  à  tour  vraies  ou  fausses, 
dont  on  n'a  pu  prendre  au  sérieux  les  péripéties.  Ce  drame  s'est 
soutenu  avec  peine  pendant  un  petit  nombre  de  représentations,  et, 
à  l'heure  où  nous  écrivons,  il  est  déjà  remplacé  par  Cartouche,  où 
Dumaine  et  Lacressonnière  s'évertuent  à  rappeler  au  square  des 
Arts-et-Métiers  la  vogue  qui,  jusqu'ici,  est  restée  ensevelie  sous  les 
décombres  de  l'ancienne  Gaîté. 

D.  A.  D.  SAINT- YVES. 


NOUVELLES. 


^*^  La  Muette  de  Portici,  qui  a  obtenu  un  si  grand  succès  à, 
sa  reprise  lundi  dernier,  a  été  donnée  également  mercredi  et  vendredi 
au  théâtre  iiiipérial  de  l'Opéra,  devant  un  auditoire  qui  n'a  cessé  d'ap- 
plaudir le  chef-d'œuvre  d'Auber. 

s,*^  LL.  MM.  L'Empereur  et  l'Impératrice  ont  honoré  de  leur  pré- 
sence, vendredi,  la  représentation  de  la  Muette  de  Portici. 

^*^  D9S  réparations  importantes,  dirigées  par  M.  Garnier.  archi- 
tecte du  nouvel  Opéra,  seront  faites  dans  !a  salle  actuelle  pendant 
les  jours  de  relâche  de  la  semaine  sainte. 

j,*^,  Les  engagements  de  M.  et  Mme  Gueymard  et  de  Belval  viennent 
d'être  renouvelés  pour  trois  ans. 

,^*^  Robert  le  Diable  devient  de  plus  en  plus  populaire  en  Italie.  Non- 
seulement  le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer  est  Joué  avec  le  succès  qu'il 
mérite,  dans  les  grandes  villes,  comme  récemment  à  Palerme,  mais  les 
villes  moins  importantes  en  font  aussi  leur  profit  ;  c'est  ainsi  qu'entre 
autres  théâtres  secondaires,  ceux  de  Côme  et  de  Plaisance  l'ont  repré- 
senté. 

^*^  Vers  la  fin  de  cette  semaine  aura  lieu  la  première  représentation 
de  l'opéra-comique  de  Duprato,  la  Déesse  et  le  Berger,  chanté  par 
Mlles  Baretti,  Ferdinand,  MM.  Capoul,  Crosti,  Gourdin  et  Prilleux. 

j*.  C'est  par  erreur  que  nous  avons  annoncé  que  l'opéra-comique 
d'Auber,  la  Fiancée  du  roi  dcGarbcs,  serait  représenté  avant  l'ouvrage  de 
M.  Vaucorbeil,  Balailk  d'amour,  dont  les  répétitions  se  poursuivent,  et 
qui  sera  donné  le  mois  prochain. 

*',,  -Sainte-Foy  est  rentré  jeudi  à  l'Opéra  Comique,  où  le  public  lui  a 
fait  un  accueil  très-chaleureux. 

,1,*,^  Pour  la  quatrième  fois  de  cette  saison,  dimanche  dernier,  LL. 
MM.  l'Empereur  et  l'Impératrice  honoraient  de  leur  présence  le  théâtre 
Italien;  Mlle  Adeliiia  Patti  chantait  dans  Lucia  et  enthousiasmait  la  salle 
entière.  Le  succès  que  la  gracieuse  artiste  a  obtenu  dans  Don  Pasquate  n'a 
fait  que  grandir  depu'S  la  première  soirée.  Bien  qu'elle  ait  chanté  le  rôle 
de  Norina  mardi  et  hier  samedi,  on  l'applaudira  ce  soir  encore  dans  le 


30 


REVUE  KT  GAZETTE  MUSICALE 


même  rôle.  Mercredi  prochain  elle  se  produira  dans  un  chef  d'œuvre 
de  Mozart  ;  elle  chantera  Zerlina  de  Don  Giornnni,  qui  sera  donné  à 
son  bénéfice. 

^*j,  L'opéra  de  F.  David,  Lalla  Rouldj,  a  été  représenté  récemment  à 
Mayence  et  à  Cobourg.  Cette  gracieuse  partition  a  obtenu  le  plus  bril- 
lant succès  dans  ces  deux  villes. 

^"^  Le  deuxième  concert  de  la  Société  du  Conservatoire  a  lieu  aujourd'hui; 
en  voici  le  programme  :  1°  Symphonie  en  ut  de  Mozart;  2°  trio  des 
songes  de  Dardanus,  de  Rameau,  chanté  par  IVlUe  Charpentier,  MM.  Grisy 
et  Petit  ;  3°  ouverture  et  fragments  du  premier  acte  d'iphir/éiiie  en  Au- 
lidc,  solos  chantés  par  MM.  Crosti  et  Bonnesseur  ;  4°  Andante  de  la 
14=  symphonie  d'Haydn;  b°  fantaisie  pour  piano,  orchestre  et  chœur, 
de  Beethoven;  solo  exécuté  par  de  Saint-Saens;  6°  Jubé! -ouverture  do 
Weber. 

»*,  La  prochaine  séance  de  la  Société  des  concerts  du  Conservatoire 
aura  lieu,  dimanche  prochain,  au  profit  des  ouvriers  de  la  Seine-Infé 
rieure.  Le  programme  sera  pareil  à  celui  du  concert  d'aujourd'hui. 

**i  Aujourd'hui,  dimanche,  le  concert  de  musique  classique,  dirigé 
par  Pasdeloup  offrira  un  attrait  particulier.  Mme  Pleyel  a  consenti  à 
s'y  faire  entendre  en  jouant  le  morceau  de  concert  de  Weber.  Le  pro- 
gramme se  compose  en  outre  de  la  symphonie  en  ré  majeur  de  Beetho- 
ven, du  Largo  e  cantabile  du  5°  quatuor  d'Haydn,  joués  par  tous  les  ins- 
truments à  cordes,  de  la  symphonie  en  la  mineur  de  Mendelssohn  et  de 
l'ouverture  de  Guillaume  Tell. 

j,*a,  Prudent  est  retourné  en  Belgique  et  a  dû  donner  vendredi  un  con- 
cert à  grand  orchestre  à  Bruxelles.  Le  célèbre  pianiste-compositeur, 
à  peine  revenu  de  sa  première  visite  en  Belgique,  avait  entrepris  en 
compagnie  de  Roger  une  tournée  en  province  qui  a  été  triomphale 
pour  ces  artistes. 

***  Aujourd'hui,  à.  l'occasion  de  la  fê:e  de  sainte  Agnès,  patronne  de 
Saint-Eustache,  M.  Hurand,  maître  de  chapelle,  fera  exécuter  à  10  heures 
très-précises,  en  ladite  église,  une  nouvelle  messe  à  orchestre  de  la  com- 
position de  M.  F.  Benoist,  professeur  au  Conservatoire.  M.  E.  Batiste 
touchera  le  grand  orgue.  La  quête  sera  faite  au  profit  des  ouvriers  de 
l'iouen. 

**,La  deuxième  soirée  musicale  de  Mme  Escudier-Kastner,  A.  Batta  et 
IL  Vienxtemps,  aura  lieu  mercredi  prochain,  à  8  heures  du  soir,  dans 
la  salle  Herz,  avec  le  concours  de  M.  Delle-Sedie,  du  théâtre  Italien. 
Le  programme  est  composé  de  façon  à  piquer  vivement  la  curiosité  des 
vrais  dilettanti.  Il  renferme  des  morceaux  de  divers  genres  et  du 
plusieurs  écoles  :  1°  Trio  en  sol  mineur  de  Rubinstein,  exécuté 
par  Mme  Escudier,  MVL  Vieuxtemps  et  Batta  ;  2°  air  d'église  de  Sira- 
dclla,  chanté  par  M.  Delle-Sedie  ;  ?»  le  trille  du  Diable,  de  ïartini, 
par  Vieuxtemps;  4°  feuillet  d'Album,  de  Heller  et  Passiflore,  par  A.  Batta; 
5°  sérénade  de  Don  Juan  de  Mozart ,  chantée  par  M.  Delle-Sedie  ;  6"  so- 
nate de  Beethoven  dédiée  à  Kreutzer,  exécutée  par  Mme. Escudier  et 
Vieuxtemps. 

.J,*.^,  M.  Duraont,  l'excellent  flûtiste,  qui  nous  arrive  de  Bruxelles,  don- 
nera un  concert  le  14  février,  dans  la  salle  Pleyel-Wolff,  et  avec  le 
concours  de  Mme  Pleyel,  MVL  Dancla  et  Lee.  Nous  en  publierons  le 
programme  dimanche  prochain - 

***  Mercredi  prochain  aura  lieu  la  première  séance  de  MM.  Arrain- 
gaud,  Jacquart,  Lalo  et  Mas,  avec  le  concours  de  M.  Lubeck.  On  y  en- 
tendra :  le  Grand  trio  en  ré  de  Beethoven ,  le  82'  quatuor  en  fa  de 
Haydn,  l'adagio  (en  si  bémol)  de  Mozart ,  pour  piano  et  violoncelle,  l'oi- 
tetto  de  Mendelssohn,  pour  quatre  violons,  deux  altos  et  deux  violon- 
celles, exécuté  par  MM.  Armingaud,  Mas,  Accursi,  Max-Loévy,  Lalo,  Dra- 
gone,  Jacquart  et  Lée. 

***  Sivori,  après  s'être  fait  entendre  à  Weimar,  où  il  a  obtenu  le  plus 
éclatant  succès,  est  revenu  à  Munich,  pour  y  donner  son  dixième  et 
dernier  Cdncert  au  profit  des  pauvres. 

t*t  M.  Charles  Lamoureux  donnera,  mardi  prochain,  27 janvier,  sa 
deuxième  séance  de  musique  de  chambre,  dans  les  salons  Pleyel.' On 
y  entendra  :  r  quintette  en  sol  mineur  (n"  8)  de  Mozart;  2°  la  sonate 
en  la  majeur,  pour  piano  et  violon  (op.  69),  de  Beethoven;  3»  variations 
et  menuet  du  septième  quatuor  d'Haydn;  k"  sonate  pour  violon,  (publiée 
en  1754)  de  Porpora;  B»  trio  en  ré  mineur  de  Mendelssohn. 

./«  M.  Marchesi,  le  célèbre  chanteur,  vient  d'obtenir  de  nouveaux 
succès  à  Amsterdam,  où  il  s'est  fait  entendre  dans  divers  concerts. 
Appelé  à  la  Haye  par  S.  M.  la  reine-mère,  il  a  reçu  de  cette  princesse 
une  magnifique  bague  en  diamants 

*'%  Mme  Oscar  Comettant,  que  sa  belle  voix,  sa  diction  parfaite  et 
son  excellente  méthode  ont  placée  au  premier  rang  de  nos  cantatrices 
de  concert,  obtient  partout  où  elle  se  fait  entendre  les  plus  chaleu- 
reux succès.  En  moins  d'un  mois  elle  a  été  appelée  par  les  Sociétés 
philharmoniques  de  Troyes,  de  Boulogne-sur-Mer,  de  Dunkerque  et  de 
Saint-Omer.   Le  28,  elle  chantera  dans   le  concert   que   doit  donner  la 


Société  philharmonique   de  Tours.  De  la  elle  se  rendra  à   Lille,  où  elle 
a  été  également  engagée  par  la  Société  philharmonique  de  cette  ville. 

**^,  Un  des  salons  des  plus  hospitaliers,  où  l'on  est  toujours  certain 
d'entendre  de  la  bonne  musique,  est  celui  de  M.  Bergson.  Dans  la  der- 
nière soirée  qu'il  a  donnée  cette  semaine,  cet  éminent  artiste  a  fait 
entendre  ses  dernières  compositions  ,  que  nous  nous  empressons  de 
recommander:  Berceuse,  Barearolk  et  Shjrienne.  La  partie  vocale  était 
dignement  représentée  par  trois  cantatrices,  dont  nous  avons  apprécié 
tour  à  tour  le  talent,  Mme  Marchesi,  Mme  Guery-Fleury  et  Mlle  Lindo. 
Le  fameux  trombone,  M.  Nabich,  a  charmé  autant  que  surpris  l'audi- 
toire, en  chantant  sur  son  instrument  plusieurs  romances  et  un  an- 
dante expressément  composé  pour  lui  par  M.  Bergson. 

,i.*,i,  Mme  Szarvady  donnera  cet  hiver  trois  séances  de  musique  classi- 
que, dont-  la  première  est  annoncée  pour  le  30  janvier. 

,i;*4  Le  concert  de  Mme  Madeleine  Graever  est  définitivement  fixé  au 
10  février,  et  aura  lieu  dans  la  salle  de  l'hôtel  du  Louvre.  C'est  Litolff 
qui  y  dirigera  un  orchestre  composé  de  nos  meilleurs  art'stes ,  et 
ajoutera  ainsi  un  nouvel  attrait  à  cette  intéressante  soirée  musicale. 

^.**  .M.  Ch.  Hanssens,  chef  d'orchestre  du  théâtre  Royal  de  Bruxelles, 
a  été  promu  au  grade  d'officier  de  l'ordre  de  LéopolJ. 

^*^  C'est  vendredi  30  janvier,  qu'aura  lieu,  dans  la  salle  Herz,  le 
concert,  donné  par  Mlle  Julia  de  Wocher,  la  charmante  pianiste,  avec 
le  concours  de  Mme  Lagnien,  de  MM.  Guyot,  Brisson  et  autres  artistes 
distingués. 

^.*„  M.  E.  Ketterer,  annonce  pour  samedi  31  janvier,  dans  la  salle 
Pleyel,  Wolff  et  C",  une  audition  de  ses  compositions  nouvelles.  L'ex- 
cellent pianiste  fera  entendre  :  l^'antaisie  de  concert  sur  la  Sonnamhula; 
illustration  de  concert  sur  II  Trovalore;  Ah!  quel  plaisir  d'être  soldat,  et 
plusieurs  morceaux  originaux  intitulés  :  Le  Réoiil  du  Paire,  Perle  du  soir 
(mazurka).  Boule  en  Train  (galop),  caprice  militaire.  Valse  des  Fleurs, 
ainsi  qu'une  fantaisie  inédite  sur  Guillaume  Tell  (pour  piano  et  orgue). 

,,*»  S.  M.  la  reine  des  Pays-Bas  vient  de  faire  remettre  à  M.  Strauss, 
chef  d'orchestre  des  bals  de  la  cour,  une  bague  d'une  très-grande  ri- 
chesse, comme  témoignage  de  la  sympathie  de  Sa  Majesté  pour  les  der- 
nières œuvres  de  ce  compositeur. 

,/„,  Samedi  dernier,  dans  une  soirée  intime,  qui  réunit  chaque  semaine 
des  artistes  de  premier  ordre,  Mlle  Léonide  Mumbert,  dont  nous 
avons  eu  l'occasion  de  parler  plusieurs  fois  comme  pianiste,  s'est  fait 
entendre  sur  l'harmonicorde.  On  nous  dit  que  cette  jeune  artiste  est 
élève  de  Lefébure-Wély;  nous  ne  pouvons  en  douter  ;\  la  façon  gracieuse 
dont  elle  a  exécuté  les  œuvres  de  ce  célèbre  organiste. 

^*»  M.  A.  Mute]  donne,  aujourd'hui  dimanche,  à  la  salle  Peyel- 
Wolff,  une  matinée  musicale,  dans  laquelle  on  entendra  ses  nouvelles 
compositions. 

^.*,^  Le  8  février,  aura  lieu  un  concert  à  grand  orchestre,  donné  dans 
la  salle  Pleyel-Wolff,  par  Georges  Pfeiffer. 

a,*,t  S.  M.  l'empereur  d'Autriche  vient  d'accorder  la  grande  médaille 
pour  les  arts  et  les  lettres  à  M.  Sulzer,  premier  chantre  de  l'oratoire 
Israélite  à  Vienne. 

^"^  Mme  Désirée  Artot  a  reçu  de  la  munificence  de  l'empereur  Fran- 
çois-Joseph les  portraits  photographiés,  grande  dimension,  de  tous  les 
membres  de  la  famille  impériale,  en  faveur  de  la  soirée  intime  qu'elle  a 
passée  récemment  à  la  cour. 

,(*„,  L'éminent  violoniste  J.  Becker  est  arrivé  à  Paris,  venant  en  der- 
nier lieu  de  Rotterdam,  où  il  a  obtenu  de  brillants  succès.  M.  Becker 
se  dispose  à  donner  à  Paris  un  concert  avec  orchestre. 

**„  Le  public  se  presse  dans  le  foyer  du  théâtre  Italien,  où  se  trouve 
exposé  un  admirable  portrait  d'Adelina  Patti,  dans  le  costume  de  Bo- 
sine,  peint  par  Winterhalter. 

,i,*,t  M.  Aptommas  donnera,  le  7  février,  un  concert  dans  la  salle 
Erard,  avec  le  concours  d'artistes  très-distingués.  L'excellent  harpiste 
jouera  le  Concerl-Slucl;,  de  Weber,  et  plusieurs  compositions  sur  des 
mélodies  des  pays  de  Galles  et  d'Amérique. 

..*^  Un  quadrille  composé  par  Strauss  sur  la  iluetle  d,e  Portici  a  eu 
beaucoup  de  succès  au  dernier  bal  de  l'Opéra.  Il  est  publié  arrangé 
pour  le  piano. 


CHRONIQUE    DÉPARTEMENTALE. 


,,,*„,  Lille.  — Le  Pardon  ib;  Ploérmel  vient  d'être  repris  aux  applaudis- 
sements unanimes,  dont  .yile  de  Maësen,  dans  le  rôle  de  Dinorah,  a  eu 
une  large  et  légitime  part. 


DE  PARIS. 


31 


a,*^  Bouen.  —  Dans  Ilayclée,  Si  j'étais  roi  et  les  Dragons  de  Viltars,  le 
ténor  Carré,  l'ancien  pensionnaire  de  rOpéra-Comique  à  Paris,  a  fait 
des  débuts  très-heureux. 

^*^  Marseille.  —  La  reprise  de  la  Muette  de  Portiei  vient  d'avoir  lieu 
avec  un  très-grand  succès,  Morère,  dans  le  rôle  de  Masaniello,  et  Du- 
mestre,  dans  celui  de  Pietro,  ont  été  souvent  applaudis,  et  Fenella  a 
été  parfaitement  jouée  par  Mlle  Dor.  La  mise  en  scène  du  chef-d'œuvre 
d'Auberest  très-brillante. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


j*,i,  Bruxelles,  23  janvier.  —  M.  Louis  Brassin  a  donné  une  séance 
de  musique  classique  qui  avait  attiré  une  brillante  réunion  au  Cercle 
artistique  et  littéraire.  L'éminent  pianiste  a  exécuté  trois  sonates  de 
Beethoven  avec  le  talent  le  plus  distingué.  —  Au  second  concert  de  l'as- 
sociation des  artistes  musiciens,  une  symphonie  en  trois  parties  de 
Spohr  et  l'ouverture  jubilaire,  composée  à  l'occasion  du  cinquantième 
anniversaire  de  la  fondation  de  la  Société  royale  de  la  Grande-Harmonie, 
par  il.  Ch.  Hanssens,  ont  réuni  tous  les  suffrages.  —  Ce  soir  aura  lieu  le 
grand  concert  de  Prudent,  pour  lequel  presque  toutes  les  places  sont 
retenues  d'avance. 

^*,,  Gand.  —  La  Muette  de  Portiei  a  été  accueillie  avec  une  grande 
faveur  à  sa  reprise.  Mlle  Lacroix  a  débuté  dans  le  rôle  de  Fenella  avec 
un  succès  très-mérité. 

.j.*:t  Cologne.  —  Théophile  Krijger,  harpiste  du  théâtre  royal  de  Stutt- 
gard,  engagé  par  U.  Hiller  pour  le  concert  d'abonnement  du  13  jan- 
vier, s'y  est  fait  entendre  avec  le  plus  brillant  succès.  Il  a  joué  le  boléro 
de  Jules  Godefroid  avec  orchestre;  il  s'était  chargé  aussi  de  la  partie 
de  harpe  de  la  musique  de  Struensée,  de  Meyerbeer,  et  d'Athalie,  d.; 
Mendeissohn.  Une  nouvelle  composition  de  Ililler  pour  voix  solo  avec 
chœur  et  orchestre,  a  été  exécutée  pour  la  première  fois  à  ce  concert. 
Cette  œuvre  remarquable  a  été  accueillie  avec  enthousiasme  par  les 
deux  mille  auditeurs. 

^*^  Carlsrube.  —  On  prépare  au  théâtre  de  la  Cour  la  première  re- 
présentation de  l'opéra  :  le  Roi  Enzio,  par  Abert. 

^."■j  Hambourg.  —  Lorsque,  il  y  a  cinq  ans,  l'Etoile  du  Nord  fut  jouée 
pour  la  première  fois,  l'impression  fut  profonde.  La  reprise  a  été  l'oc- 
casion d'un  véritable  triomphe  pour  l'illustre  compositeur.  Mme  Masius 
Braunhofer,  qui  a  rendu  le  rôle  de  Catherine  d'une  manière  tout  à  fait 
distinguée,  a  eu  la  plus  large  part  au  succès  ;  on  a  également  beaucoup 
applaudi  M.  Franosch,  qui  est  un  excelleut  Gritzeuko. 

^*^  Munich.  —  Le  théâtre  de  la  Cour  a  représenté  pour  la  première 
fois  :  les  Foscari,  opéra  de  Zeuger.  Les  spectateurs  ont  chaudement  ap- 
plaudi leur  compatriote,  et  l'ont  rappelé,  ainsi  que  les  acteurs,  à  la  fin 
de  chaque  acte. 


*■**  Vienne.  —  Le  pianiste  M.  G.  Satter  a  eu  beaucoup  de  succès 
comme  compositeur  et  comme  pianiste  à  son  premier  concert  qu'il  vient 
de  donner. 

a**  Berlin.  —  L'opéra  de  Rubinstein  :  les  Enfants  des  Landes,  sera  re- 
présenté dans  le  cours  de  la  saison  au  théâtre  de  la  Cour.  Prochaine- 
ment on  doit  y  mettre  en  répétition  l'opéra  :  la  Béole,  par  G.  Schmidt. 
Le  quatuor  des  frères  Millier  a  exécuté  des  compositions  de  Haydn,  de 
Mozart  et  de  Rubinstein.  L'ensemble  et  la  précision  avec  lesquels  les 
artistes  ont  exécuté  ces  différents  ouvrages  ont  provoqué  à  plusieurs  re- 
prises les  applaudissements  de-  l'auditoire.  Pour  la  fête  commémorative 
en  l'honneur  d'Uhland,  il  s'est  formé  un  comité  composé  de  littérateurs 
et  d'artistes  distingués.  La  partie  vocale  de  la  solennité  sera  exécutée 
par  les  membres  de  la  société  Stern.  Le  programme  de  la  partie  ins- 
trumentale so  composera  de  compositions  de  Weber ,  Mendeissohn  , 
Meyerbeer,  etc. 

*"'*  Milan.  —  Mme  Borghi-Mamo  vient  d'obtenir  un  beau  succès  au 
théâtre  de  la  Scala  dans  le  rôle  de  la  Desdemona  A'Otello.  La  célèbre  ar- 
tiste a  enthousiasmé  la  salle.  Prochainement  elle  chantera  le  rôle  de 
Fidès  du  Prophète  dont  on  prépare  la  reprise. 

^*^  Melbourne.  —  La  troupe  d'opéra  italien  que  nous  avons  ici,  vient 
de  remporter  un  éclatant  succès  par  les  Huguenots.  Le  chef-d'œuvre  de 
Meyerbeer,  bien  qu'imparfaitement  exécuté,  a  excité  l'enthousiasme,  et 
à  chaque  représentation  la  salle  est  comble. 


Le  Directeur  :  S.  DUFOUR. 


f  AVIS.  —  Mous  sommes  priés  d'informer  nos  lecteurs  que  les 
travaux  exécutés  à  la  manufacture  de  pianos  de  M.  Blanchet  fils 
étant  terminés,  le  dépôt  de  pianos  ouvert  provisoirement  boulevard 
des  Italiens  a  été  réuni,  dès  le  15  courant,  à  la  maison  principale, 
26,  rue  d'Hauteville. 


^:y  C!S\«|  œuvres  nouvelles  de  M.  J.  C.  L.  DR  CALONNE  (le  vicomte), 
frère  aîné  du  directeur  de  la  Revue  contemporaine  : 

1°  E!cuut9>s  <le  l'tîcole  classique,  chefs-d'œuvre  des  grands 
maîtres,  transcrits  et  arrangés  pour  l'harmonium; 

2°  Aiiayiio  eli'IE»y<lËi,  eu  trio  concertant  pour  orgue,  violon 
et  violoncelle;  chez  Benoit,  rue  Meslay,  3i  ; 

3°  siorceau-oHvcrtuire  pour  orgue  et  piano  et  pour  orgue 
seul  ;  chez  Révillou,  rue  du  Bac,  7  ; 

4"  Une  Oc-sTc  brûlante,  de  Grétry,  d'après  Mozart,  pour 
orgue:  chez  Heu,  rue  de  la  Chaussée -d'Antin,  6; 

o"  TTressie  morreniix.  religieux  adaptés  aux  modes  de  l'é- 
glise, contenant  un  Offertoire  jugé  très -remarquable  par  M.  L. 
Kreutzer,  l'un  de  nos  plus  doctes  critiques,  pour  harmonium  ou 
orgue;  chez  A.  Leduc,  rue  Ménars,  i. 


En  vente  chez  (i,  ItRAKDUSt  et  S.  DïJFOUR,  éditeurs,  103,  rue  de  RIcIielien,  au  I"''  : 


ERNEST 


Musique  nouvelle  de    Chant 

DASSIER 


Iitt  Plainte  du  Pâtre,  paroles  de  M.  Dassier 3  francs. 

Ij'At'enir  est  à  Sien,  paroles  de  M.  Osmont 3  francs. 


Trois  Nouvelles  Composilions  d'ÉDOUARD  DE  HARTOG 

LE    PÊCHEUR  (op.  40),  ballade  d'après  Goëlhe,  pour  lénor  avec  accompagnement  d'orchestre. 


(op.  39  &2.S)   AUBADE 

POUR    DEUX    VIOLONS,    ALTO    ET    VIOLONCELLE 
Prix  :  5  francs. 


(op.  33}  L'ESCSLAVE  (Poésie  de  Tu.  ÛAUTiEn) 

Scène  dramatique  pour  soprano  avec  accompagnement  de  grand  orchestre, 

Partition  d'orchestre...  12  fr.  |  Parties  séparées...  12  fr. 

Chaque  partie  du  quatuor....  1  fr.  50. 


DU  MKME   AUTEUR  : 


Portia  (op.  30),  ouverture  à  grand  orchestre, 

Partition  d'orchestre 25 

Parties  séparées 2a 

Chant  de  Slai  (op.  31},  chœur  bachique  avec  orchestre. 

Partition  d'orchestre 20 

Parties  séparées 20 

Parties  de  chant,  chaque 1 


I>iedcr  :  .J.e  Rouet 

—  Le  llendez-vous 

—  Les  Reliques 

Air  de  l'oratorio  Paulus,  de  Jlendelssohn,  arrangé  avec  accom- 
pagnement de  violon,  violoncelle,  harmonium  et  piano. 

Rîiueiiit>run>.a  et  Coniplulnlc  de  la  Captive,  deux 
rêveries  pour  soprano  avec  accompagnement  de  violon- 
celle et  piano,  chaque .    .... 


5  » 
5  » 
2  50 


32 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Citez  Ci.  BRAIVDIJS  et  S.  UIJJFOU»,  éditeurs,  103,  i-ue  «le  Riclielieu,  au  1". 

THÉÂTRE    IMPÉRIAL    DE    LOPÉRA 

Opéra  en  cinq  actes,  paroles  de   SCRIBE  e(  G.  DELAVIGNE,  musique  de 

D.   F.  E.   AUBER 

U  PARTITION  POUR  CHANT  ET  PIANO,  IN-8",  NET,  20  FR. -LA  PARTITION  ARRANGÉE  POUR  PIANO  SEUL,  IN-8°,  NET,  10  FR 

L'Ouverture  pour  le  Piano  :  7  fr.  £0.  —  Arrangée  pour  le  Piano  à  h  mains  :  10  fr.  —  Nouvel  arrangement  à  k  mains,  par  Rosellen  :  10  fr. 


Les  Airs  de  ballet  arrangés  pour  le  Piano  par  H.  HERZ,  trois  suites,  chaque  ■  6  fr. 


LES    AIRS    DÉTACHÉS    DE    CHANT    AVEC    ACCOMPAGNEMENT    DE    PIANO  : 

9.  Chœiu'  du  Marclié  :  Au  marché  qui  vient  de  s'ouvrir  ...  9     » 

10.  Prîpre  sans  accompagnement  :  Saint  bien  lieureux   ....  3  75 

11.  Air  :  Nous  triomplions,  mais  jour  de  terreur 4  SO 

12.  Air  :  Du  pauvre  seul  ami  fidèle 3    " 

13.  Cavallne  .  Arbiti'e  d'une  vie 3  75 

\h.  Ouatnor  :  Je  sens  qu'en  sa  présence 5    » 

1 D .  Barcarolle  :  Voyez,  du  liaut  de  ces  rivages 2  50 


1 .  Air  :  Ah  !  ces  cris  d'allégresse 4  50 

2.  Air  :  Plaisir  du  rang  suprême 6     » 

3 .  Cliceur  de  la  cImpeUe  :  0  Dieu  puissant  !  Dieu  tutélaire  .    .  5     » 
i.  Clioeur  des  Pêcheurs  :  Amis,  amis,  le  soleil  va  paraître  .    .  7  50 

5.  Barcarolle:  Amis,  la  matinée  est  belle 3  75 

6.  Duo  :  Mieux  vaut  mourir  que  resfter  misérable 6     » 

7.  Barcarolle  à  deux  voix  :  Chantons  gaiement  la  barcarolle  4  50 

8.  Dno  :  N'espérez  pas  me  fuir 6     » 


ARRANGEMENTS    ET    FANTAISIES    POUR    DIVERS     INSTRUMENTS   : 


PIAIVO. 

4dani.   Op.  24   et  25.   P.ondo  et   mélange. 

Chaque 7  50 

CUanlleu.  Trois  fantaisies.  Chaque. .  fi     » 

Crjoîîîs-r.  Pot  pourri 7  50 

CzeE-ny.   Op.    197-,198.    Fantaisie  et 

rondino.  Chaque  6     » 

DarboTllle.  Tarentelle  variée 5    » 

Dii-vernoy.  Op.  31 .  Fantaisie 6    » 

Cierville,  Op.  33.  Fantaisie 7  50 

Herz  (H.).  Op.  hU-  Rondo  capprioio.  7  50 

K.ecarpciitier.  Bagatelle 5    » 

Rosellen.  Fantaisie  brillante 9    » 

Bummel.  Transcriptions 6     » 

Thaltoerg.  Op.  52    Grande  fantaisie.  9     » 

Valiqaet.  Petite  fantaisie  facile.   ...  2  50 

Voss.  Op.  152.  Fantaisie  de  concert.  9    » 

vrocts.  Op.  70.   Souvenir 7  50 

A   QU&TBE  IlI/lIIVSi. 

Caicrny.  Op.  226.  Fantaisie 9     » 

Dnvernoy.  Op.  172.  Petite  fantaisie  0    » 

TUalberg.  Op.  52.  Grande  fantaisie  10    « 

Valfquet.  l'etile  fantaisie 5     » 

Wolir.  Op.  147.  Duo  facile 6     » 


SIUSFQCJi:  DE  DAIVSiE. 

QtADRiLLEs  pour  piano  et  i  quatre  mains  par 

Strauss,  Lemoune  et  Toluecque. 

DIVERS  ii«sVBtJiiiei:i%"r.««. 

Basson.  Beeh  et  Fessy    Fantaisie 7  50 

Clarinetle.              —                    —         . .  7  50 

Cornet  à  pislons.  Guichabd.  Op.   19 

Fantaisie 9  » 

FlCUc.  Tulou .  Grand  duo 10  » 

—  —      Op.  54.  [''antaisie. . .  .  9    •■ 

—  BEKBIGUlEB.Op.    92.    —  ....  9  11 

—  GUICBARD.   Op.    19.   —         ....  9  0 
Hannonimn.—  Adam.  Fantaisie.  Harmo- 
nium et  piano 9  » 

RiBAiLLiEK.  Cavaiine  du  Sommeil, 

orgue,  piano  et  violon 6     » 

Harpe.  Bocbsa.  Duo  sur  le  chœur  du 

Marché 7  50 

—  Prdmieb.  Deux  quadrilles,  chaque    3  75 

—  Labakbe.  Op.  29.  Fantaisie    ..     (5     " 
— .    Lababbe    et    Bébiot.    Duo   pour 

harpe  et  violon 7  30 


Hautbois.  VERBOusTetFEssY.  Fantaisie..  7  50 
Violon.    Alabd.  Fantaisie  de  concert. .   10     » 

—  B.4UD10T.  Duo  pour  violon  Rt  piano    7  50 

—  BÉRioT.  Op.  10.  Souvenir 10     " 

—  —      Op.  61.  Grand  duo 10    » 

—  Dancla.  Gloire  à  Dieu  et  prière.    6    » 

—  GuicHAKD.  Op.  29.  Fantaisie 9     » 

—  Herman.  Op.  39.  Fantaisie  de  con- 

cert        9     » 

—  Lafont.  Grande  fantaisie 9     » 

Violoncelle.    Baudiot.  Duo 7  50 

.lirs  pour  violon,  pour  flûte  et  pour  cornet. 

Ouvertures  et  airs  pour  deux  violons,deux  (liites, 
deux  cornets  et  pour  harmonium. 

Béer,  .imowr ««credetapotn'e.Harmonie  5  » 
diivîn.  —  pour  fanfares  5  » 
Pessy.  Fantaisie  pour  fanfares 5     » 


Musique  nouvelle  pour  le  Violon 


Prière  du  COMTE  0R\ 

Mouvement  perpétuel,  caprice    pour    violon 
seul. 

Op.    bh-  —  Prix  :  7  fr.  50. 

P 


SOUVENIR  DES  ALPES 

Fautaisie  gracieuse  et  facile,  avec  accompagne- 
ment de  Piano. 


Souvenir  du  DOINO  NOIR 

Divertissement    gracieux    et   chantant,    avec 
accompagnement  de  piano. 


AR 

Fantaisie  de  concert,  avec  ace.  de  piano 
Dp    36. 


Op.  53.  —  Prix  :  9  fr.  Op_  55. 

AD.      HERMAN 


Prix  :  9  /)• . 


M-IsAMW 


sur  la  Muette  de  Portlci,  d'Àuber. 
Prix  :  10  fr. 


GRANDE  FANTAISIE 

Sur  des  motifs  du  PF.OPHÈTE,  de  Meyerbeer,  avec  ace.  de  piano, 


.    m  m 


Op.   102. 


Prix  :  10  fr. 


16"  FANTAISIE 

Sur  des   motifs  de  MARIA,  de  F.  de  Flotow,  avec  ace.   de  piano, 

PAR 


Op.  34. 


Prix  :  9  fr. 


CEiivres    de     VIEUXTEMPS    pour    le     Violon 


BUREAUX    A    PARIS  :    BOULEVARD   DES   ITALIENS,    I. 


30^  Année. 


\'°  S. 


ON  S'ABONNE  1 

Bans  les  Départements  et  à  l'Étranger ,  chez  tous 
les  Marchands  de  Musique,  les  Libraires,  et  aux 
Pureaui  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


1er  Février  1863. 

PRIS  DE  L'ABONNEMENT: 

Paris 24  (r.  par  01 

l)i;parlra«,'iUs,  Ui'lgiqu'' el  Suissp....    30»       id. 

liln.ngcr 34  .       id. 

U-  Journal  piiriii!  le  Dmii.nche, 


GAZETTE  MUSICAL 


—^^nj\PJ\l\rj\pjy\j\. — 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  impérial  italien:  reprise  de  Don  Giovanni:  Adelina 
Patti.  —  Concert  populsire  do  musique  classique,  par  Paul  Smith .  —  Audi- 
tions musicales ,  par  Adolpbe  Botte.  —  Haydn  et  les  princes  d'Esterhazy . 
—  Revue  critique.  —  Correspondances  :  Bruxelles  et  New- York.  —  Nouvelles  et 
annonces. 


THÉÂTRE  mPERIÂL  ITÂUEN. 

Beprise  de  DOIV  CilOVAUTIVI.  —  Adellna  Patti. 

Le  chef-d'œuvre  de  Mozart  vient  d'être  joua  trois  fois  de  suite, 
mercredi,  jeudi,  samedi,  et  il  doit  l'être  encore  aujourd'hui  di- 
manche. Le  premier  jour,  c'était  pour  le  bénéfice  de  Mlle  Adelina 
Patti.  LL.  MM.  l'Empereur  et  l'Impératrice  assistaient  à  la  représen- 
tation ;  la  salle  était  resplendissante  et  la  recette  encore  plus.  Les 
jours  suivants,  l'affluence  n'a  cessé  de  se  porter  au  théâtre.  Par 
quelle  cause  expliquer  cette  recrudescence  de  vogue  ?  Eh  !  mon  Dieu, 
c'est  tout  simple  :  le  rôle  de  Zerlina  était  joué  et  chanté  par  Mlle  Ade- 
lina Patti  :  que  fallait-il  de  plus  ?  On  voulait  la  voir  et  l'entendre 
dans  le  cinquième  rôle  abordé  par  elle  à  Paris.  Amina,  Lucia,  Rosina, 
Norina,  s'étaient  chargées  d'annoncer  Zerlina  et  avaient  si  bien 
rempli  leur  office  qu'on  eut  craint  de  la  laisser  échapper.  La  jeune 
artiste  doit  nous  quitter  bientôt,  et  la  foule  de  ses  partisans  va  tou- 
jours s'augmentant  d'un  certain  nombre  de  retardataires  qui  tiennent 
à  la  voir,  à  la  juger  avant  son  départ. 

Voilà  pourquoi  Don  Giovanni  aura  été  représenté  coup  sur  coup  et 
toujours  devant  une  assemblée  nombreuse  et  brillante.  Nous  ne  pré- 
tendons pas  que  le  génie  de  Mozart  n'y  soit  pour  rien  ;  mais,  hélas! 
nous  avouons  que,  sauf  Mlle  Patti,  le  talent  de  ses  interprètes  n'y 
sera  pas  entré  pour  grand'chose.  Don  Giovanni  a  besoin  d'un  tel 
concours  d'artistes,  que  trop  souvent  l'exécution  en  demeure  plus  ou 
moins  incomplète.  Celle  année,  elle  l'a  été  plus  :  Délie  Sedie  n'est 
que  l'ombre  un  peu  lourde  du  séducteur  à  toutes  mains:  MmeFrezzo- 
lini  n'a  que  les  restes  d'une  voix  contre  laquelle  sa  volonté  soutient 
une  lutte  douloureuse  ;  Mlle  Guerra  n'a  ni  volonté  ni  voix  ;  Gardoni 
et  Zucchini  font  tout  ce  qu'ils  peuvent,  mais  ce  n'est  pas  assez 
pour  ce  que  leurs  rôles  demandent  ;  des  rôles  chaulés  naguère  par 
Rubini  et  Lablache,  comme  autrefois  celui  de  Don  Giovanni  le  fut 
par  Garcia!  Pour  soutenir  et  sauver  le  chef-d'œuvre,  il  ne  restait 
donc  que  Zerlina,  une  jeune  fille  :  Jeanne  d'Arc  a  bien  sauvé  la 
France  !  Adelina  Patti  n'a  pas  rendu  un  moindre  service  au  plus  ad- 
mirable et  au  plus  admiré  des  opéras  de  Mozart. 


Cependant,  à  notre  avis,  le  rôle  de  Zerlina  n'est  pas  le  meilleur 
du  répertoire  de  la  charmante  artiste.  La  comé'iienne  s'y  montre  avec 
plus  d'avantage  que  la  cantatrice.  Celle-ci  n'y  a  pas  assez  de  liberté, 
d'espace  pour  y  donner  le  plein  essor  à  sa  voix  facile  et  hardie, 
pour  y  déployer  ce  trille  magnifique  dont  elle  est  douée,  pour  s'y 
lancer  dans  ces  fantaisies  qu'elle  arrête  subitement  avec  tant  de 
netteté  et  de  sûreté.  En  un  mot,  Mlle  Patti  comprend  et  sent  trop 
bien  la  musique  de  Mozart  pour  ne  pas  la  suivre  pas  à  pas,  avec 
l'adoration  que  l'on  doit  au  maître  des  maîtres.  Par  exemple,  avec 
le  libretlo  de  Da  Ponte,  elle  se  permet  des  coi'dées  pliw  franches. 
De  la  fiancée  du  pauvre  Masetto,  elle  fait  une  petite  coquette  assez 
vive  d'allures,  et  qui  ne  résiste  aux  attaques  du  grand  seigneur  que 
tout  juste  autant  qu'il  faut  pour  qu'on  ne  puisse  dire  qu'elle  a  capi- 
tulé sans  se  défendre.  Au  fait,  Mlle  Patti  a  peut-être  raison  de  ne  pas 
nous  donner  une  Zerlina  plus  fière,  plus  intraitable ,  plus  à  cheval 
sur  les  principes.  Songez  que  ces  principes  n'attendent  pas  la  fin 
d'un  duo  pour  être  battus  à  plate  couture  ;  donc,  ils  ne  devaient  pas 
être  d'une  trempe  égale  à  celle  de  l'acier.  Rien  de  plus  amusant,  de 
plus  fin  que  la  physionomie  de  Mlle  Patti,  tandis  qu'elle  se  livre  à 
sa  délibération  intime.  Céderai  je?  ou  ne  céderai-je  pas?  Comme 
elle  dit  doucement,  tendrement  ce  vorrei,  qui  est  la  vérité  vraie  de 
son  petit  cœur,  et  comme  elle  articule  avec  vigueur  cet  autre  mot  : 
('  no7i  vorrei ,  qui  en  est  le  mensonge  ! 

Rendons  justice  à  la  jeune  et  spirituelle  artiste  Si  elle  code  un 
peu  vite,  elle  se  repent  de  même,  et  ses  remords  s'expriment  avec 
tant  d'effusion,  de  grâce,  de  gentillesse,  qu'on  ne  saurait  lui  garder 
rancune.  Le  liatli,  batti,  a  bel  Masetio  et  le  Vedrai  carino  demandent 
si  joliment  grâce  pour  le  La  ci  darem  la  niano  et  le  Andiam,  mio 
bene,  qu'il  n'y  a  pas  moyen  de  rester  inflexible.  On  conçoit  que 
Masetio  pardonne,  mais  il  fera  bien  d'être  sur  ses  gardes  à  l'a- 
venir. 

Le  jour  de  la  représentation  à  son  bénéfice,  Mlle  Patti  a  été  ap- 
plaudie, rappelée  ;  on  lui  a  redemandé  l'air  :  Batti,  batti,  et  des 
bouquets  énormes  sont  tombés  à  ses  pieds.  D'ailleurs  tous  les  mor- 
ceaux chantés  par  d'autres  qu'elle  finissaient  dans  le  même  silence, 
excepté  le  sublime  trio  des  masques,  fort  bien  dit  par  Mme  Krezzolini 
surtout,  et  que  le  public  n'a  pas  eu  tort  de  vouloir  entendre  une 
seconde  fois. 


CONCERT  POPULAIRE  DE  MUSIQUE  CLASSIQUE. 

Le  programme  du  concert  de  dimanche  dernier  était  un  des  plus 
riches  et  des  plus  variés  que  l'on  pût  imaginer.   La  symphonie  en  rc 


34 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


de  Beelhoven,  la  symphonie  en  lu  mineur  de  Meiidelssohn,  un  largo 
canfabile  d'Haydn,  l'ouverture  de  Guillaume  Tell,  et  au  milieu  de 
lous  ces  chefs-d'œuvre,  exéculûs  avec  une  perfection  pour  laquelle 
l'éloge  manque  de  formules,  un  cinquième  chef-d'œuvre,  le  Concert- 
SlucI;  de  Weber,  joué  par  Mme  Pleyel. 

C'était  la  première  femme  qui  fût  admise  à  se  poser  dans  la 
vaste  salle  comme  virtuose  instrumentiste.  Et  certes,  Mme  Pleyel 
méritait  bien  d'inaugurer  l'avénemeiit  de  son  sexe  au  pupitre  que 
jusqu'alors  notre  sexe  avait  toujours  occupé.  Son  succès  ne  pouvait 
inspirer  le  plus  léger  doute  :  elle  a  joué  comme  elle  joue  à  son 
ordinaire,  ce  qui  serait  de  l'extraordinaire  pour  toute  autre  qu'elle. 
Nous  ne  dirons  pas  qu'elle  a  fait  des  progrès  ;  ce  serait  tomber  dans 
la  fadeur.  Disons  plutôt,  pour  relever  la  louange  par  le  sel  de  la  cri- 
tique, que  la  grande  artiste  n'avait  peut-être  pas  assez  étudié  l'acous- 
tique du  local,  et  qu'en  parcourant  les  touches  de  son  piano  avec  cette 
incroyable  volubilité  qui  est  une  des  merveilles  de  son  art,  et  qui 
convient  si  bien  aux  salles  plus  restreintes,  elle  n'a  pas  imprimé  à 
toutes  les  notes,  à  lous  les  traits  de  l'œuvre,  la  puissance  qu'elle 
possède  au  bout  de  ses  doigts.  Cette  observation  est  de  nous  et  non 
de  l'auditoire,  qui  nous  a  paru  applaudir,  rappeler  et  rappeler  encore 
Mme  Pleyel,  sans  la  moindre  réserve  h  son  enthousiasme  ni  à  ses 
bravos. 

Paul  SMITH. 


AUDITIONS  MUSICALES. 

]?Iesse  de  M.  f.  Benoist  à  Saint-Kustaclie.  —  mati- 
née de  ITI.  Alfred  lïlutel.  —  Deuxième  soirée  de 
ninie  JEscudier-Kastner  et  de  mm.  Henri  Vieux- 
tcniits  et  Batta.  —  Premières  séances  de  musique 
de  chambre  d'Alard  et  franebomme,  d'Armin- 
gaut  et  Jacquart. 

Tout,  dans  la  nouvelle  messe  de  M.  F.  Benoist,  entendue  dimanche 
à  Saint-Eustache,  est  empreint  d'un  caractère  de  poésie  douce  et  ten- 
dre particulier  à  l'éminent  professeur  d'orgue  du  Conservatoire,  et 
qui  ôte  à  sa  musique  religieuse,  en  général,  le  feu,  l'animation,  les 
mouvements  passionnés  que  d'autres  auteurs  veulent  avoir  à  l'église 
comme  ailleurs.  L'orchestration  es'  sobre  et  distinguée  ;  les  mélodies 
ont  de  la  suavité,  de  la  grâce  et  du  charme. 

Le  Kyrie  débute  par  de  délicieux  dialogue?  entre  le  ténor  et  la 
basse.  Là  l'auteur  s'est  servi  du  quatuor  des  instruments  à  cordes 
d'une  façon  tout  à  fait  remarquable,  et  lui  a  confié,  en  véritable  dis- 
ciple d'Haydn  et  de  Mozart,  d'élégants  et  expressifs  dessins  coniinus, 
bien  capables  de  ravir  ceux  qui  aiment  la  vérité  d'expression  et  les 
voix  plutôt  soutenues  qu'écrasées. 

Le  Gloria  est  plein  de  vigueur,  sans  toutefois  que  la  clarté  soit  sa- 
crifiée au  bruit.  De  beaux  unissons  s'épanouissent  sur  un  brillant  ac- 
cord, tout  le  chœur  entonne  une  large  et  pompeuse  mélodie,  mais 
bientôt  un  joli  solo  de  soprano  vient  reposer  l'oreille. 

M.  Benoist  se  montre  aussi  excellent  harmoniste  dans  tout  le  tra- 
vail de  son  instrumentation  et  de  ses  chœurs,  notamment  dans  celui  qui 
succède  au  Qui  Tollis,  qu'heureux  mélodiste  dans  les  nombreux  soli 
répandus  avec  un  goût  extrême  dans  ce  Gloria,  où  l'art  de  dévelop- 
per et  de  moduler  savamment  est  poussé  très-loin,  et  où  le  composi- 
teur a  su  allier,  très  -  habilement,  la  simplicité  à  la  grandeur. 
Large,  sévère,  pleine  d'élévation  et  de  noblesse,  la  mélodie  du  Sanc- 
tus  est  encore  rehaussée  par  d'ingénieux  accompagnements.  Les 
voix,  traitées  avec  ces  ménagements  délicats  qu'on  n'a  pas  toujours 
pour  elles,  et  qui  cependant  ne  tarissent  en  rien  la  source  des  beaux 
effets,  les  voix,  disons-nous,  l'orgue  et  l'orchestre,  se  répondent  l'un 


à  l'autre,  se  réunissent,  et,  sans  étaler  un  vain  savoir,  forment  un  en- 
semble où  se  reconnaissent  aisément  les  sérieuses  et  solides  qualités 
d'un  musicien  savant.  Comme  inspiration,  VO  Salutnris  et  VAgnus 
Del  sont  incontestablement  les  meilleurs  morceaux.  Par  leur  accent 
triste,  plaintif  et  douloureux,  parleur  harmonie  naturelle  et  douce  ils 
élèvent  la  pensée,  la  portent  invinciblement  à  la  prière,  et  ont  quel- 
que chose  de  ces  ardeurs  séraphiqucs  si  bien  décrites  par  la  poésie, 
et  que  la  musique  excellera  toujours  à  rendre.  Nous  estimons  à  trop 
haut  prix  le  talent  de  M.  Benoist  pour  dire  que  celte  dernière  œuvre 
est  parfaite  et  irréprochable  de  tout  point.  Evidemment  il  a  voulu  être 
simple,  touchant  et  expressif,  il  a  fui  toute  lourdeur  scientifique; 
lui  qui  connaît  si  bien  les  ressources  de  la  fugue,  qui  en  impro- 
visa et  qui  en  écrivit  de  si  pures  et  de  si  remarquables,  il  s'en 
est  montré  avare,  et  ce  n'est  pas  nous  qui  l'en  blâmerons  ;  mais  nous 
dirons  pourtant  qu'on  voudrait  à  sa  messe  un  peu  plus  de  force,  d'é- 
clat et  de  variété. 

—  Les  nouvelles  compositions  de  M.  Alfred  Mutel  ont  reçu  di- 
manche, de  la  part  du  public,  un  accueil  tout  à  fait  favorable  ;  elles 
méritent  de  nous,  par  les  véritables  progrès  qu'elles  attestent,  une 
mention  toute  particulière.  On  a  surtout  vivement  applaudi  le  Som- 
meil de  l'enfant,  Jean-Noël,  le  Danseur  Bathylle  et  Clair  de  lune, 
mélodies  écrites  sur  des  poésies  de  Saintine,  de  Méry  et  de  Louis 
Bouilhet.  Les  jolies  pièces  de  ce  dernier,  choisies  par  le  composi- 
teur dans  le  volume  Festons  et  Astragales,  où  se  retrouvent  le  parfum 
antique,  les  grâces  païennes,  la  vive  expression  épicurienne,  la  verve 
poétique  qu'on  avait  déjà  remarqués  dans  Melœiiis,  se  prêtaient-elles 
au  caractère  essentiellement  mélodique  qu'on  aime  à  retrouver  dans 
ces  courtes  pages  vocales?  On  pouvait  assurément  craindre  que  ces 
beaux  vers,  toujours  si  sonores  et  si  pleins,  ne  nuisissent  à  la  cou- 
leur musicale  et  ne  la  fissent  pâlir;  mais,  cette  fois,  le  musicien  a 
très-heureusement  triomphé  des  difficultés  qu'apporte  souvent  le  voi- 
sinage dangereux  des  grandes  images,  que  les  poêles  lyriques  comme 
Louis  Bouilhet  répandent  dans  leurs  moindres  inspirations. 

M.  Alfred  Mutel,  on  le  savait  déjà,  écrit  avec  beaucoup  de  soin; 
son  harmonie  est  aussi  correcte  qu'élégante  ;  ses  accompagnements 
sont  pleins  de  goût  et  de  richesse;  mais,  jusqu'à  présent,  on  trouvait, 
non  sans  raison,  que  l'idée  mélodique  ne  s'en  dégageait  pas  suffisam- 
ment, que  la  distinction  et  l'originalité  brillaient  surtout  dans  les  dé- 
tails. M.  Alfred  Mutel,  qui  connaît  parfaitement  l'art  du  chant  et  qui 
sait,  chose  précieuse,  écrire  pour  les  voix,  se  montre  aujourd'hui  plus 
clair  et  plus  fécond  mélodiste.  Il  est  toujours  vocal,  il  a  toujours  re- 
cours à  d'intéressants  dessins,  à  de  piquantes  modulations,  mais  il 
ne  s'en  contente  plus  comme  autrefois.  Si,  l'autre  jour,  on  a  remar- 
qué la  finesse  de  l'accompagnement  de  piano,  la  belle  couleur  que 
les  parties  de  cor,  de  violoncelle  et  de  violon,  si  délicatement  dites 
par  Mohr,  Norblin  et  Lecieux,  prêlaient  au  Réveil  du  Printemps,  à 
la  Trinité  du  Poêle  et  aux  Baigneuses  de  Lesbos,  où  la  musique  a 
toute  la  mollesse  et  toute  la  grâce  que  demandaient  les  paroles  de 
Méry ,  on  a  remarqué  aussi  que  les  chants  avaient  de  la  netteté,  de 
la  franchise  et  de  la  vie  ;  que  les  Anges  gardiens,  par  exemple,  et 
plusieurs  duos  d'un  opéra-comique  inédit  possédaient  le  souffle,  la 
suite  et  l'unilé  qu'ont  toujours  les  idées  fortes  et  bien  venues,  et  que 
M.  Alfred  Mutel  était  arrivé  à  ne  plus  sacrifier  la  valeur  mélodique 
aux  recherches  et  aux  élégances  harmoniques. 

Quelques-unes  de  ces  compositions  ont  été  interprétées  avec  beau- 
coup de  talent  par  Mme  Peudefer,  Jules  Lefort  et  Capoul;  quelques 
aulres  ont  été  dites  par  Mme  Ribault  et  Léon  Lafont;  toutes  ont  été 
fort  bien  accompagnées  par  Alphonse  Duvernoy. 

—  Le  trio  en  sol  mineur  de  Rubinslein,  exécuté  mercredi  par 
Mme  Escudier-Kastner,  Henri  Vieuxtemps  et  Batta  à  leur  dernière 
soirée,  qui  —  conséquence  naturelle  de  débuts  brillants  —  avait  at- 
tiré encore  plus  de  monde  que  la  première,  est  une  œuvre  pleine  de 
répétitions  et  d'harmonies  lourdement  plaquées,  où  l'imagination  ne 


DE  PAUIS. 


se  montre  qu'à  de  rares  intervalles.  Le  violon  et  le  violoncelle,  trop 
effacés  par  le  piano,  s'emparent  de  temps  en  temps  seulement  de  la 
mélodie,  qu'ils  disent  le  plus  souvent  à  l'unisson  et  à  l'octave  sans  au- 
cun travail  attachant.  Cependant,  il  a  été  fort  bien  joué. 

L'interprétation  de  la  sonate  de  Beethoven,  dédiée  à  Kreutzer,  a 
bien  fait  valoir  toutes  les  beautés  de  cette  superbe  composition. 
Mme  Escudier-Kastner  a  mis  une  grande  précision  dans  les  divers 
mouvements  (mérite  assez  rare  pour  que  nous  le  signalions),  beau- 
coup de  délicatesse  dans  les  adorables  variations  de  l'andante,  de 
l'élan  et  une  sûreté  de  rhythme  peu  communs  dans  l'étincelant  finale  ; 
enfin,  Mme  Escudier  a  fait  preuve  d'une  connaissance  nette  et  pro- 
fonde de  la  grande  manière  de  Beethoven. 

Quant  à  Vieuxtemps,  avec  cette  merveilleuse  faculté  de  s'appro- 
prier tous  les  styles  et  toutes  les  pensées,  il  a  constaaiment  fait  ou- 
blier les  difficultés;  Il  a  été,  à  la  fois,  pathétique  et  gracieux,  fougueux 
et  spirituel.  Après  le  Trille  du  Diable,  qu'il  a  admirablement  exécuté 
et  qui  lui  a  été  redemandé,  il  a  mis  le  comble  à  l'enthousiasme  des 
dilettantes  en  jouant  sa  délicieuse  Polonaise.  Jamais,  peut-être,  le  cé- 
lèbre violoniste  n'avait  joué  avec  cette  verve  ,  cet  entrain ,  cette 
largeur  et  cette  puissance.  Il  est  vraiment  impossible  de  s'élever  à  un 
plus  haut  degré  de  perfection. 

La  voix  expressive,  souple  et  étendue  de  Mlle  Trebelli  a  été  fort 
appréciée  dans  un  morceau  des  Noces  de  Figaro,  et  dans  un  air  d'église 
de  Stradella. 

A  cette  charmante  soirée,  Batta  s'est  fait  vivement  applaudir,  et  a 
causé  un  plaisir  extrême  en  disant  avec  la  mélancolie  et  la  distinction 
qu'on  lui  connaît  Passiflore,  exquise  chanson  d'autrefoi.'',  et  Feuillet 
d'album,  de  Stephen  Heller,  ravissante  et  fraîche  inspiration  d'aujour- 
d'hui. 

—  A  force  d'étude,  de  soin  et  de  respect  pour  les  compositions 
des  maîtres,  la  société  Alard  et  Franchomme  est  allée  plus  loin  que 
d'autres  dans  l'interprétation  des  chefs-d'œuvre  du  passé  ;  aussi,  au 
milieu  de  ce  qui  s'est  formé  d'excellent  depuis  sî  création,  a-t-elle 
gardé  le  rang  éminent  qu'elle  avait  tout  d'abord  conquis.  Chaque  an- 
née, et  depuis  longtemps  déjà,  les  délicats  lui  reviennent  en  foule.  A 
la  première  séance,  plusieurs  morceaux  d'Haydn,  de  Mozart  et  de 
Beethoven,  magistralement  interprétés,  ont  encore  fait  goûter  aux  au- 
diteurs de  délicieuses  émotions,  et  ont  été  salués  par  des  applaudis  • 
sements  bien  enthousiastes,  et,  cette  fois  du  moins,  bien  légitimes. 

—  Nous  ne  pouvons  pas  nous  arrêter  sur  toutes  les  choses  excel- 
lentes qui  ont  été  jouées  à  la  première  soirée  de  MM.  Armingaud  et 
Jacquart,  mais  jious  tenons  à  dire  que  les  bravos  qui  ont  accueilli  la 
finesse  de  l'interprétation,  l'ensemble  parfait  qui  s'est  fait  femarquer 
aussi  bien  dans  le  sublime  de  Beethoven,  que  dans  l'aimable,  le  gra- 
cieux et  le  pathétique  d'Haydn,  de  Mozart  et  de  Mendelssohn,  étaient 
complètement  mérités.  Ernst  Lubeck  a  été  aussi  très-fêté  ;  et  nous 
ajouterons,  comme  si  cela  était  ignoré,  que,  par  ses  qualités  solides 
et  brillantes,  par  son  jeu  qui  unit  si  heureusement  la  puissance  à  la 
délicatesse,  il  atteint  le  but  où  doit  tendre  quiconque  joue  d'un 
instrument  :  il  captive,  charme  l'auditoire,  et  produit  l'effet  irrésisti- 
ble que  produisent  seuls  les  virtuoses  chez  lesquels  on  sent  les  mé- 
rites d'un  bon  musicien. 

Adolphe  BOTTE. 


HAYDN  ET  LES  PRINCES  D'ESTERH4ZY  "'. 

(I  II  n'y  a  pas  de  héros  pour  son  valet  de  chambre  n,  dit  le  pro- 
verbe :  peut-être  serait-il  plus  exact  de  le  formuler  ainsi  :  «  Nul 
»  héros  n'est  grand,  s'il  ne  l'est  aussi  pour  son  valet  de  chambre.  » 


(1j  Gazelle  altcmaiidc  de  musi'iuc. 


Sans  doute  l'application  de  cette  maxime  réduirait  considérablement 
le  nombre  des  grands  hommes;  mais,  à  coup  sûr,  .foseph  Haydn  se 
trouverait  parmi  ceux  qui  resteraient.  Le  fait  suivant  peut  en  servir 
de  preuve. 

Lorsque  le  copiste  Elssler  —  le  père  de  la  célèbre  danseuse  et 
depuis  longues  années  au  service  d'Haydn,  —  le  matin,  en  l'absence 
du  maître,  brûlait  de  l'encens  pour  purifier  l'air  de  l'appartement,  et 
qu'il  croyait  que  personne  ne  le  voyait,  il  s'arrêtait  quelque  temps 
avec  sa  cassolette,  devant  le  portrait  de  l'homme  qu'il  révérait  à 
l'égal  d'une  divinité,  pour  l'encenser  comme  un  autel.  Ce  trait  suffi- 
rait à  constater  le  charme  tout  particulier  que  ce  génie  aimable  exer- 
çait sur  tout  son  entourage.  Ce  charme  durait  encore  cinquante  ans 
plus  tard,  ainsi  que  j'ai  pu  m'en  convaincre  lors  de  mon  séjour  à 
Eisenstadt.  L'une  des  personnes  qui  me  donnaient  des  renseigne- 
ments sur  Haydn  était  parfois  tellement  émue,  que  sa  voix  s'éteignait  ; 
j'étais  obligé  de  lui  donner  le  temps  de  se  remettre  et  de  s'essuyer 
les  yeux. 

Quant  à  l'extérieur  d'Haydn  ,  tous  ceux  qui ,  comme  moi,  ne  le 
connaissaient  que  par  ces  espèces  de  caricatures,  gravées  ou  litho- 
graphiées,  où,  sous  la  figure  d'un  maître  d'école  pédant,  sec  et  cha- 
grin, il  vous  regarde  d'un  œil  terne,  sans  âme  et  sans  intelligence, 
s'en  faisaient  une  idée  complètement  fausse.  Il  nous  apparaît  tout 
autre  dans  les  descriptions  tracées  par  ceux  de  ses  contemporains 
qui  vivent  encore  ;  ces  descriptions  s'accordent  avec  son  psrtrait  de 
grandeur  naturelle,  lequel  se  trouve  chez  le  prince  Esterhazy,  à 
Vienne.  Dès  le  premier  coup  d'œil  on  est  frappé  de  l'aspect  de  celte 
figure  qui  ne  manque  ni  d'intérêt  ni  de  charme,  quoiqu'elle  ne  soit 
pas  belle,  tant  s'en  faut. 

Haydn,  vêtu  avec  soin,  d'une  taille  petite  plutôt  que  grande,  est 
assis  à  une  table,  l'index  de  l'une  Je  ses  mains  posé  sur  la  bouche, 
l'air  pensif,  comme  si  une  idée  musicale  lui  venait  tout  à  coup  ;  la 
tête  est  forte,  le  front  expressif  et  large,  quoique  la  perruque  soit 
trop  enfoncée.  Des  yeux  d'un  gris  foncé,  empreints  d'une  sensibilité 
profonde,  un  sourire  légèrement  ironique,  qui  se  joue  autour  de  la 
bouche,  complètent  ce  que  cette  tête  offre  d'attrayant.  Le  nez  , épaté 
vers  l'extrémité  et  gravé  de  la  petite  vérole,  la  lèvre  inférieure  proé- 
minente et  sensuelle,  enfin,  le  bas  du  visage,  large  et  massif,  nuisent 
à  l'effet  de  l'ensemble-  Qu'on  ajoute  à  cela  un  teint  maladif  et  bi- 
lieux, une  voix  nasillarde  d'un  diapason  très-élevé,  et  l'on  sera  forcé 
de  convenir  que  le  grand  artiste,  le  favori  des  Muses,  n'avait  pas 
beaucoup  de  rapports  avec  Apollon. 

Lord  Byron  s'afQigeait  de  son  pied  bot:  de  même  Haydn  s'affectait 
de  ce  que  sa  personne  avait  de  disgracieux;  même  à  un  âge  avancé, 
il  cherchait  encore  à  atténuer  ses  difformités  naturelles  par  une  toi- 
lette recherchée.  «  Il  était  toujours  tiré  à  quatre  épingles  u,  me  disait 
.Mme  Uhl,  la  femme  d'un  artiste  de  la  chapelle  du  prince.  Ce  couple, 
maintenant  arrivé  à  l'extrémité  de  la  vieillesse,  avait  connu  l'im- 
mortel compositeur.  A  ce  sujet,  nous  reproduisons  ici  un  passage 
d'une  lettre  écrite  par  l'artiste  que  nous  venons  de  nommer  : 

))  En  1808  on  célébrait  à  Vienne,  à  l'église  des  Ursulines ,  une 
fête  dont  le  programme  comprenait  une  messe  ei  des  vêpres  en  mu- 
sique. Le  prince  y  avait  fait  venir  sa  chapelle,  qui  comptait  à  cette 
époque  soixante  exécutants.  Hummel,  Kreutzer  et  PreindI  avaient 
été  invités  à  écrire  chacun  une  messe  :  le  prince  se  réservait  de 
choisir  parmi  les  trois  compositions.  Ce  fut  sur  celle  de  Hummel  que 
tomba  son  choix.  Les  membres  de  la  chapelle  vinrent  successive- 
ment saluer  leur  chef,  et  Hummel  se  trouva  du  nombre  des  visiteurs. 
Haydn  était  assis  devant  une  table,  dans  un  élégant  costume  noir, 
avec  manchettes  de  dentelle,  la  perruque  soigneusement  frisée  ;  de- 
vant lui  étaient  posés  des  gants  neufs,  une  canne  à  pomme  d'or  et 
son  chapeau.  Quand  le  maître  aperçut  Hummel  :  «Eh  bien,  mon  cher, 
»  lui  dit-il,  j'ai  déjà  appris  que  tu  as  écrit  une  belle  messe,  et  cela 
»  m'a  bien  fait  plaisir.  Je  t'avais  toujours  dit  que  tu  arriverais  ;  con. 


36 


REVLE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


'      »  tinue  à  travailler,  et  souviens-toi  que  tout  ce  qui  est  bpau  et  bon, 
»  vient  d'en  haut,  etc.  » 

Bien  mieux  que  par  toutes  les  recherches  de  la  toilette ,  Haydn 
savait  faire  oublier  ses  imperfections  corporelles  par  une  réunion 
rare  de  toutes  les  qualités  aimables  du  cœur,  qui ,  plus  que  tout  le 
reste,  contribuèrent  à  lui  concilier  la  foule,  souvent  hostile  à  l'homme 
de  génie.  Il  était  impossible  d'en  vouloir  à  cet  homme  d'une  can- 
deur tout  enfantine.  Chaque  fois  qu'à  Eisenstadt  il  passail  dans  la  rue, 
les  enfants,  qu'il  aimait  beaucoup,  couraient  après  lui,  en  criant  : 
«  Papa  Haydn'  Papa  Haydn!  »  Et  ce  nom,  qui  lui  avait  été  octroyé 
par  les  marmots,  pour  lesquels  il  avait  toujours  des  dragées  dans 
sa  poche,  finit  par  passer  dans  l'usage  général. 

Haydn  recherchait  -,  la  société  des  dames,  et  il  était  fier  des  suc- 
cès qu'il  obtenait  auprès  d'elles,  succès  purement  platoniques  sans 
doute;  toutefois  on  m'a  parlé  d'une  Mme  P. ..,  femme  d'un  chanteur 
de  la  chapelle  du  prince,  avec  laquelle  il  aurait  eu  des  rapports  in- 
times. En  supposant  qu'à  cet  égard  sa  conduite  ne  soit  pas  à  l'abri 
de  tout  reproche,  on  la  trouve  tout  au  moins  excusable,  quand  on  se 
rappelle  que  la  bizarrerie  du  destin  avait  donné  une  mégère  pour 
femme  à  un  homme  si  bien  fait  pour  comprendre  les  joies  de  la 
vie  de  famille.  D'un  extérieur  repoussant,  grossière,  acariâtre,  bigotte 
et  dépensière ,  voilà  sous  quels  traits  tout  le  monde  me  l'a  dépeinte. 
Après  avoir  porté  son  joug  avec  patience  pendant  une  longue  série 
d'années,  Haydn  finit  par  le  secouer;  voici  comment  et  pourquoi: 
Il  habitait  au  faubourg  de  Gumpendorf  une  maison  qu'il  avait  achetée 
avec  l'argent  gagné  à  Londres.  Un  jour  il  y  reçut  la  visite  de  deux 
demoiselles,  appartenant  à  une  des  premières  familles  de  Vienne. 
Tandis  qu'elles  traversaient  le  salon,  la  femme  d'Haydn,  entr'ouvrant 
sa  porte,  s'écria:  «  Qu'est-ce  encore  que  ce,s^^Mre5-/ô?))  Le  sens  in- 
jurieux qui,  à  Vienne,  se  rattache  à  cette  expression  locale,  attira 
des  désagréments  à  Haydn,  qui  prit  enfin  la  résolution  de  se  débar- 
rasser du  démon  domestique.  Il  envoya  sa  femme  chez  un  maître 
d'école  de  Baden,  près  de  Vienne,  et  elle  mourut  chez  lui  en  1800. 

Le  docteur  L. 
[La  suite  prochainement.) 


REVDE  CRITIQUE. 

Charles  Peurny.  —  Absence  et  Retolr,  fantaisie  mélodique 
et  brillante;  Cloches  et  Clochettes,  caprice  imitatif  pour  le 
piano. 

Nous  ne  chicanerons  pas  M.  Ch.  Pourny  sur  l'appellation  donnée  à 
sa  Fantaisie,  puisqu'il  est  reconnu  qu'en  musique  la  plupart  du  temps 
les  titres  sont  purement  arbitraires.  S'il  a  choisi  .ibsence  et  Itclour,  c'est, 
sans  doute,  que  ces  trois  mots  représentent  deux  idées  très- accusées, 
et  surtout  très-opposées.  De  la  première,  tout  naturellement,  est  née 
une  mélodie  empreinte  d'un  certain  charme  mélancolique,  qui  se  re- 
produit deux  fois  sous  la  forme  d'un  andante  ix  quatre  temps,  et  d'un 
autre  andanie  à  six-huit.  Quant  à  la  seconde,  elle  se  traduit  par  un 
aliei;retto  brillant,  où  éclate  la  joie  du  retour  après  la  peine  et  le  re- 
gret de  l'absence.  En  somme,  ce  morceau,  sagement  conçu  et  modéré- 
ment développé,  a  de  plus  l'avantage  de  pouvoir  prétendre  à  l'effet  sous 
les  mains  d'un  pianiste  de  force  mo3'enne. 

On  conteste  assez  généralement  à  la  musique  le  privilège  de  l'imita- 
tion exacte  et  absolue  ;  mais  s'il  est  permis  de  faire  une  exception  à  cet 
arrêt,  plus  ou  moins  fondé,  c'est  assurément  en  faveur  du  bruit  des 
duchés  et  des  clochettes,  dont  la  reproduction  ne  saurait  donner  lieu  ii 
ces  naïves  erreurs  qui  ont  tant  égayé  les  adversaires  de  l'imitation  éri- 
gée en  système.  Kous  avons,  eu  ce  genre,  des  modèles  bien  connus  dans 
le  chœur  de  l'âqucs  Ikuries,  au  troisième  acte  de  Fra  Diavolo,  et  dans 
plusieurs  morceaux  du  ChevalJe  hronze.  Le  caprice  imitatif  de  M.  Pourny, 
sans  copier  ces  motifs  devenus  populaires,  les  rappelle  forcément,  et 
nous  ne  lui  en  faisons  pas  un  reproche.  Un  badinage  musical  qui  éveille 
la  pensée  de  semblables  comparaisons,  neprouve-t-il  pas,  par  cela  même, 
qu'il  a  atteint  le  but  qu'il  se  propose? 


mile  liéoiile  Touel.  —  Pendant  la  valse,  scène  dramatique  ; 
La  Coupe  en  main,  brindisi;  Vision,  romance  sans  paroles  pour 
piano. 

En  attendant  que  Mlle  Léonie  Tonel  nous  fasse  entendre,  dans  son 
concert  annuel,  ces  trois  dernières  compositions,  vivifiées  par  son  exé- 
cution brillante,  nous  nous  faisots  un  plaisir  de  les  signaler  à  l'attention 
de  nos  lecteurs,  en  appelant  sur  elles  l'intérêt  qu'elles  méritent  à  tous 
égards,  et  chacune  à  un  titre  spécial.  Pendant  la  valse  est  une  scène  dra- 
matique dont  l'intention  est  indiquée  par  le  titre-  N'est-ce  pas  une  vé- 
rité banale  que  le  drame  se  cache  souvent  sous  des  habits  de  fête,  et 
qu'un  sourire  de  commande  dissimule  bien  des  colères  sourdes,  bien 
des  angoisses  jalouses,  intermèdes  orageux,  terminés,  il  est  vrai,  pres- 
que toujours  par  un  retour  de  calme  et  de  rayons  de  soleil?  C'est  ce 
qu'a  voulu  peindre  Mlle  Léonie  Tonel  par  un  gracieux  mouvement  de 
valse  que  n'interrompt  même  pas  la  petite  scène  dramatique  perdile 
dans  le  tourbillon  du  bal,  et  s'achevant  dans  une  reprise  triomphante 
du  motif  principal.  Le  brindisi, /a  Coupe  en  main,  ne  nous  paraît  pas 
moins  bien  réussi,  comme  chant  énergique  et  plein  de  franchise.  Il  est 
en  quelque  sorte  divisé  par  couplets,  peu  chargés  d'ornements  parasites, 
et  dont  le  refrain  est  heureusement  ramené,  sans  cahots  inutiles  et  sans 
secousses  périlleuses.  Une  phrase  très-simple  et  en  même  temps  très-expres- 
sive fait  tous  les  frais  de  la  romance  sans  paroles  que  Mlle  Léonie  Tonel 
a  nommée  Vision.  Ce  qui  nous  plaît  dans  cette  composition,  comme  dans 
les  deux  autres,  c'est  l'extrême  sobriété  de  moyens  employés  par  l'au- 
teur pour  arriver  aux  résultats  les  plus  satisfaisants.  C'est  une  voie 
dans  laquelle  on  ne  lui  fera  malheureusement  pas  beaucoup  de  con- 
currence. 


Le  Soir  au  bobd  du  lac,  nocturne  pour 


Alexandre  Billet. 

piano. 

S'il  est  vrai  que  les  qualités  des  artistes  vraiment  dignes  de  ce  nom 
se  reflètent  dans  leurs  œuvres,  nous  ne  sommes  pas  surpris  des  grands 
succès  qu'Alexandre  Billet  obtient,  depuis  deux  ou  trois  ans,  à  l'étranger 
et  dans  nos  principales  villes  de  province.  Le  nocturne  que  nous  avons 
sous  les  yeux  est  un  morceau  du  style  le  plus  élevé;  l'inspiration,  tou- 
jours élégante  et  gracieuse,  s'y  développe  avec  une  netteté  et  un  goût 
parfaits.  .\  travers  les  dessins  les  plus  variés  et  les  plus  délicats,  la 
pensée  mélodique  ressort  pure  et  lumineuse.  Exécutée  par  l'auteur, 
cette  œuvre  doit  mettre  en  relief  les  diverses  perfections  du  talent  qu'on 
se  plaît  à  lui  reconnaître.  Nous  aurons  sans  doute  occasion  d'en  juger 
dans  le  courant  de  cet  hiver.  Pour  tout  autre  que  lui,  la  tâche  est 
moins  facile,  mais  elle  est  loin  d'être  impossible,  et  nous  pensons  que 
plus  d'un  pianiste  exercé  voudra  l'essayer  et  s'en  tu'era  à  son  honneur. 


Brînley*Ricliards.  —  Cujus  animam,  transcription  du  Stab 
Mater,  de  Rossini,  pour  le  piano. 

A  combien  de  transcriptions  l'immortel  Slabat  de  Rossini  n'a-t-il  pas 
donné  naissance  ?  Tous  les  morceaux  de  cette  œuvre  inspirée  ont  servi 
de  thèmes  ^ux  caprices  profanes  d'une  foule  de  compositeurs,  mais  au- 
cun n'a  été  plus  employé  que  le  Cujus  animam,  qu'on  regarde  à 
juste  titre  comme  le  bijou  le  plus  précieux  de  ce  riche  écrin.  Voici  ve- 
nir un  pianiste  anglais,  dont  la  célébrité  a  passé  le  détroit,  et  qui,  à  son 
tour,  s'est  probablement  avisé  qu'il  ne  pouvait  choisir  une  meilleure  re- 
commandation auprès  du  public  parisien,  et,  en  cela,  il  ne  s'est:  pas 
trompé.  Les  variations  de  M.  Brinley  Richards  dénotent  une  belle  in- 
telligence musicale,  en  même  temps  qu'une  remarquable  entente  des  res- 
sources du  clavier.  Elles  ne  peuvent  manquer  d'être  accueillies  avec 
faveur  dans  les  nombreux  salons  qui  sont  restés  fidèles  au  culte  de 
l'illustre  maestro,  sous  les  auspices  duquel  il  s'est  placé. 


li.  T.  A.  Fréloii.  —  Romance   sans  paroles  de  S.  Thalberq, 
transcrite  pour  piano  et  orgue  expressif. 

En  digne  et  habile  propagateur  de  l'orgue  des  salons,  M.  Frelon  con- 
tinu à  tracer  pour  ce  nouvel  instrument  d'agréables  et  gracieuses 
compositions  qni  sont  toujours  les  bienvenues  parmi  les  amateurs  spé- 
ciaux. Tout  le  monde  connaît  la  Romance  sans  paroles  de  Thalberg, 
qu'il  a  prise  cette  fois  pour  thème  de  sa  transcription.  La  suavité  de  ce 
chant,  si  élégiaque  et  si  passionné,  s'harmonise  admirablement  avec  les 
sons  de  l'orgue  auquel  il  est  confié,  pendant  que  le  piano  prodigue  les 
richesses  de  son  accompagnement  beaucoup  plus  compliqué.  C'est  une 
charmante  combinaison,  dont  les  effets  sont  sûrs  et  répondent  à  un 
goût  désormais  fort  répandu. 


37 


A.  Riedel.  —  Rêverie  suisse,  imlse,  t'ENCnAiVTERESSE,  grande 

valse  à  quatre  mains  pour  piano. 
Emile  Besi^ranges.  —  Le  Bal  (la  Gioja  insoVitSi) ,  valse  favorite 

chantée  par  Mlle  Adeltna  Patti,  composée  par  Maurice  Strakosch, 

et  arrangée  pour  le  piano. 

Strauss.  —  La  Pluie  de  fleuiis,  valses  pour  piano. 

Au  moment  où  les  bals  se  succèdent  de  toutes  parts ,  en  ne  laissant 
aux  danseurs  que  rembarras  du  choix,  des  valses  pour  piano,  d'une 
exécution  brillante  quoique  facile,  et  signées  des  noms  d'A.  Riedel, 
d'E.  Desgranges  et  de  Strauss,  ne  sont  pas  certainement  une  bonne  fortune 
à  dédaigner.  Et  cependant,  si  l'on  nous  demandait  celle  qu'il  faut  pré- 
férer, nous  serions  bien  embarrassé  de  nous  prononcer  sur  le  plus  ou 
moins  de  mérite  de  chacune  d'elles.  Aimez-vous  les  motifs  inédits,  sim- 
ples et  gracieu.x,  dans  lesquels  le  violoncelle  a  une  partie  obligée,  ou 
d'un  effet  plus  large  et  plus  tapageur,  bien  que  Toujours  très-mélodique,: 
prenez  les  quatre  valses  qui  composent  la  Rêverie  suisse  d'A.  Riedel ,  le 
chef  estimé  de  la  musique  du  régiment  de  gendarmerie  de  la  garde  im- 
périale, ou  encore  l'Endianteresse,  grande  valse  à  quatre  mains,  du  même 
auteur.  Si  vous  aimez  à  joindre  aux  plaisirs  du  bal  le  souvenir  des  plus 
vives  jouissances  que  le  théâtre  puisse  faire  éprouver,  choisissez  le  très- 
joli  et  très-fidèle  arrangement  fait  par  Emile  Desgranges ,  de  la  Gioja 
insolila,  cette  ravissante  valse  de  Maurice  Strakosch,  que  la  lionne  de  ia 
saison,  Adelina  Patti,  vocalise  avec  tant  d'éclat,  aux  Italiens ,  dans  la 
leçon  de  chant  du  Barbier  de  SéviUe.  Dans  le  même  ordre  d'idées,  vous 
plaît-il  de  suivre  et  de  saisir,  à  travers  les  méandres  de  la  valse,  les  ins- 
pirations les  plus  fameuses  de  nos  grands  compositeurs,  de  Meyerbeer, 
de  Rossini,  d'Auber,  d'Ad.  Adam,  d'A.  Maillart,  etc.:  acceptez  la  Pluie  de 
fleurs  que  Strauss  a  dérobées  à  leur  jardin  toujours  frais  et  toujours 
jeune.  Voyez  plutôt:  c'est  le  Pardon  de  Ploërmel,  puis  Fra  Diavolo,  l'Am- 
bassadrice, Robert  le  Diable,  la  Sirène,  Guillaume  Tell,  la  iMuette,  le  CItevat 
de  bronze,  le  Prophète,  les  Dragons  de  Villars,  Giralda,  l'Etoile  du  Nord, 
et,  pour  bouquet,  c'est  encore  le  Pardon  de  Ploërmel ,  dont  l'air  célèbre 
de  l'Umbre  termine,  comme  il  a  commencé,  l'arrangement  du  chef 
d'orchestre  des  bals  de  l'Opéra. 

Y. 


CORRESPONDANCE. 

Bruxelles,  27  janvier. 

Emile  Prudent  fait  ici  et  dans  les  villes  voisines  un  voyage  vraiment 
triomphal.  Il  arrive  de  Louvain  et  se  dispose  à  partir  pour  Bruges. 
Ce  qui,  d'ailleurs,  prouverait  suffisamment  combien  était  profonde  l'im- 
pression par  lui  laissée  à  Bruxelles,  c'est  l'empressement  de  la  foule 
compacte  et  brillante  qui  remplissait  vendredi  la  salle  du  Grand-Concert. 
Cette  fois  le  grand  artiste  a  obtenu  plus  de  succès  que  jamais  :  à  deux 
reprises  il  a  dû  céder  aux  acclamations  et  aux  sollicitations  de  la  salle 
entière.  M.  Fétis,  l'illustre  directeur  de  notre  Con.servatoire,  a  lui-même 
complimenté  le  célèbre  pianiste  etjointsessollicitationsà  celles  du  public. 

Emile  Prudent  est  invité  de  toutes  parts  à  donner  une  série  de  con- 
certs à  Bruxelles.  Dimanche  dernier,  à  Namur,  l'auditoire  lui  a  non-seu- 
lement redemandé  deux  morceaux,  mais  à  la  fin  du  concert,  malgré  sa 
fatigue,  il  a  été  pour  ainsi  dire  porté  au  piano  pour  se  faire  entendre 
encore.  Lundi ,  à  Louvain ,  même  enthousiasme  :  la  Danse  des  fées ,  le 
Rêve  d'Ariel,  le  Cliant  du  ruisseau  ont  été  bissés,  et  les  applaudissements 
ont  accompagné  l'artiste  à  sa  sortie. 

Dans  tous  les  concerts  qu'il  a  donnés,  les  pianos  de  Henri  Herz ,  sur 
lesquels  Emile  Prudent  a  joué,  ont  été  l'objet  de  l'admiration  générale. 

M. 


New-York,  14  janvier. 

En  parcourant  les  annonces  des  journaux,  on  ne  croirait  jamais  le 
pays  en  guerre  civile.  L'opéra  italien  donne  quatre  représentations  par 
semaine;  l'opéra  allemand,  tout  autant;  le  théâtre  français,  deux;  il  y 
a,  de  plus,  huit  grands  théâtres,  où  l'on  joue  tous  les  soirs,  sans  compter 
les  concerts,  bals  et  que  sais-je  encore?  —  Ce  qu'il  y  a  d'étonnant,  c'est 
que  tous  les  directeurs  font  fortune!  Une  cnose  plus  incroyable  encore, 
c'est  un  directeur  d'opéra  italien  qui  paye  régulièrement  et  honnêtement 
tous  les  artistes  :  aussi  est-il  aimé  et  respecté  de  tous! 

L'opéra  italien  de  New-York  compte  un  rival  dangereux  dans  quelques 
églises  catholiques.  On  y  fait  de  la  musique  dans  le  genre  de  la  messe 
de  Rossini,  arrangée  par  ce  bon  Castil-Blaze.  .le  me  rappelle  avoir  en- 
tendu, dans  une  église  renommée  pour  sa  musique  mirobolante,  celle  des 
pères  jésuites,  un  des  plus  fameux  tries  dramatiques  de  Verdi  appliqué 


aux  paroles  célèbres  de  saint  Thomas  I  Une  autre  fois,  c'était  le  jour  de 
Pâques  de  l'année  passée,  ayant  été  appelé  à  diriger  la  musique  dans 
un  couvent  de  religieuses,  je  fus  fort  étonné  d'entendre  pendant  l'offer- 
toire un  fragment  de  Don  Pasquale  (honni  soit  qui  mal  y  pense!),  ar- 
rangé en  Ecee  Panis.  Il  est  vrai  de  dire  que  les  braves  nonnes  igno- 
raient entièrement  ce  qu'elles  chantaient,  et  que  la  faute  en  doit  être 
imputée  à  un  éditeur  de  Cincinnati,  qui  avait  oublié  de  signaler  l'origine 
du  morceau.  Je  connais  un  Ave  Maria,  composé  par  un  de  nos  organistes, 
et  dans  lequel  il  y  a  un  trille  incommensurable  sur  le  si  bémol  aigu. 
Etonnez-vous  alors  de  ce  que  les  prières  ne  sont  pas  exaucées! 

L'imprésario  Ulmann  vient  de  partir  pour  Londres,  emportant  les 
contrats,  en  bonne  forme,  de  trois  prime  donne  américaines.  Depuis  le 
succès  éclatant  d'Adelina  Patti,  on  s'imagine  que  toutes  les  autres  réus- 
siront de  même.  Ceci  ne  veut  pas  dire  que  Mlles  Carlotta  Patti  (sœur 
d'Adelina).  Kellogg  et  Morensi,  ne  possèdent  pas  de  fort  belles  voix  et  ne 
chantent  à  merveille.  Le  succès  de  Mlle  Cordier,  notre  compatriote,  va 
toujours  crescendo.  On  vient  de  monter  à  l'opéra  allemand  le  Maçon, 
d'Auber,  et  ce  vieil  opéra  du  compositeur  toujours  jeune,  a  obtenu  un 
succès  éclatant. 

Votre  tout  dévoué, 

DaCiiauer. 


NOUVEUES. 


3:  \  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  dimanche  dernier  le  Trou- 
vère et  Grasiosa.  La  Muette  a  été  représentée  trois  fois  cette  semaine 
et  chaque  soir,  la  salle  était  comble.  Plus  sûrs  de  leurs  rôles,  les  inter- 
prètes du  chef-d'œuvre  d'Auber  y  rivalisent  de  talent;  Mlle  Vernon  a 
modéré  sa  pantomime,  et  le  rôle  de  Fenella  est  maintenant  trèsibien 
rendu  par  cette  belle  et  gracieuse  artiste  ;  Mlle  Fonta  est  toujours 
rappelée  après  le  pas  brillant  qui  lui  a  été  confié  et  qu'elle  danse  d'une 
façon  étourdissante. 

i*.,,  On  a  repris,  au  théâtre  impérial  de  l'Opéra,  les  répétitions  du 
nouveau  ballet  Zara,  qui  réunira  Mmes  Ferraris  et  Vernon.  Il  sera  pré- 
cédé de  la  Mule  de  Pedro,  opéra  de  Victor  Massé. 

»'%  Les  Huguenots  viennent  d'être  représentés  avec  un  grand  succès 
au  théâtre  de  l'Oriente  â  Madrid.  Mme  Lagrange  a  chanté  admirablement 
le  rôle  de  Valentine;  Bettini,  dans  celui  de  Raoul,  l'a  dignement  secon- 
dée, et  le  duo  du  quatrième  acte  a  enthousiasmé  la  salle.  Du  reste,  Fras- 
chini,  Geremia  Bettini,  Giraldoni  et  Mme  Lagrange  composent  un  en- 
semble d'artistes  qui  a  toutes  les  sympathies  du  public  madrilène.  —  On 
répète  le  nouvel  opéra  de  Verdi,  la  Forza  del  destina.  —  M.  Ferri,  en- 
gagé par  M.  Bagier,  a  débuté  avec  succès  d^ns  Maria  di  Rohan.  —  Dans 
une  représentation  de  Don  Pasquale,  Mme  Volpini  a  substitué  au  ron- 
deau final  la  valse  Di  Gioja  imolita,  qu'elle  a  chantée  de  façon  à  enthou- 
siasmer la  salle, 

,^*,f  Les  représentations  de  la  Dame  blanche  et  de  Lallah  Rouhk  conti- 
nuent à  faire  de  brillantes  recettes  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique.  Ceci 
explique  le  retard  que  subit  la  première  représentation  de  l'opéra  de 
Duprato,  Déesse  et  Berger.  Les  principaux  rôles  seront  interprétés  par 
Capoul,  Crosti,  Gourdin  et  Mlle  Baretti. 

^'"^  On  annonce,  pour  le  6  février,  les  débuts  de  Berthelier,  trans 
fuge  de  l'Opéra-Comique,  au  Palais -Royal. 

^*,j  Don  Giovanni,  joué  mercredi  au  bénéfice  de  Mlle  Adelina  Patti ,  a 
été  donné  encore  le  lendemain,  puis  samedi  et  sera  joué  encore  aujour- 
d'hui, sans  lasser  la  curiosité  du  public.  La  jeune  et  célèbre  artiste  ne 
nous  quittera  que  le  15  février.  —  Quelques  jours  après  aura  lieu  la 
première  représentation  de  Stradella.  M.  de  Flotow  suit  avec  beaucoup 
de  soin  les  répétitions  de  son  œuvre,  que  la  direction  du  théâtre  Italien 
monteavec  un  grand  luxe  de  décorations  et  de  mise  en  scène. 

:s*3,  LL.  MM.  l'Empereur  et  l'Impératrice  ont  fait  appeler  dans  leur  loge 
Adelina  l'atti,  le  soir  de  la  représentation  à  son  bénéfice,  et  ont  daigné 
lui  adresser  les  paroles  les  plus  flatteuses.  Le  lendemain,  LL.  MM. 
lui  ont  fait  remettre  un  magnifique  bracelet  en  diamants  et  éme- 
raudes. 

,t**  Le  théâtre  Lyrique  a  repris,  cette  semaine,  l'opéra  d'Adam, 
Si  j'étais  roi  !  en  attendant  Peines  d'amour  perdues,  musique  de  Mozart 
(Cosi  fan  tutte),  qui  sera  donné  vers  la  mi-février.  Les  principaux  rôles 
seront  remplis  par  Mmes  Cabel,  Faure-Lefevre  et  Girard;  MM.  Petit,  Ca- 
bel,  Gabriel  et  Wartel.  —  Mme  Carvalho  ne  retournera  à  Marseille  que 
pour  le  1°''  mars. 

,i*^  On  annonce  le  prochain  mariage  de  Crosti,  de  l'Opéra-Comique, 
avec  Mlle  Andrieux. 

»'^l,  Au  théâtre  Princess,  à  Londre.i,  deux  danseuses  ont  encore  été  vic- 
times d'un  accident  semblable  à  celui  qui  a  failli  faire  périr  Mlle  E.  Li- 


38 


REVLE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


vry.  L'une  d'elles,  miss  Smith,  qui  s'était  précipitée  sur  son  amie, 
Miss  Hunt,  pour  éteindrejles  flammes  qui  l'entouraient,  a  été  la  plus  mal- 
traitée. Ne  serait-il  donc  pas  possible  de  prévenir  de  si  terribles  acci- 
dents, soit  en  entourant  les  becs  de  gaz  qui  peuvent  se  trouver  en 
contact  avec  les  acteurs,  soit  en  prescrivant  par  un  règlement  l'emploi 
pour  les  vêtements  légers,  des  préparations  reconnues  propres  à  les 
mettre  à  l'abri  de  l'action  du  feu  ? 

»*4  Nous  avons  fait  connaître  le  grand  succès  que  Saint-Léon  vient 
d'obtenir  à  Saint-Pétersbourg,  avec  son  nouveau  ballet  de  Thœlinde.  A 
la  deuxième  représentation,  le  public,  qui  avait  rappelé  l'auteur  après 
chaque  tableau,  lui  a  fait  remettre  sur  la  scène  une  magnifique  bague 
en  diamants  et  saphirs.  De  plus,  le  lendemain  de  son  retour  de  Moscou, 
l'empereur  et  toute  la  famille  impériale  ont  assisté  à  la  troisième  repré- 
sentation, pendant  laquelle  Sa  Majesté  a  daigné  descendre  sur  la  scène, 
pour  féliciter  l'habile  chorégraphe. 

**,  Tichatschek,  à  l'occasion  du  vingt-cinquième  anniversaire  de  sa 
première  apparition  sur  le  théâtre  royal  de  Dresde,  a  chanté,  le  47 
janvier,  le  rôle  de  Fernand  Cortez,  dans  l'opéra  de  Spontini.  L'éminent 
chanteur  a  reçu  de  nombreuses  marques  de  sympathie. 

^*^  La  Comtesse  d'Egmont,  grand  ballet  du  chorégraphe  Uota,  vient 
d'obtenir  un  brillant  succès  au  théâtre  royal  de  Turin.  Le  principal 
rôle  a  été  dansé  par  Mlle  Legrain,  qui  a  été  couverte  d'applaudisse- 
ments. Les  décors  et  la  mise  en  scène  sont  splendides.  —  A  Milan,  au 
théâtre  de  la  Scala,  /  due  soci  (Robert  Macaire  et  Bertrand)  ont  égale- 
ment réussi  et  fort  amusé  le  public.  Ce  ballet  fait  honneur  au  maître 
de  ballets  Taglioni. 

»*„,  S.  M.  le  roi  des  Pays-Bas  a  daigné  conférer  à  M.  S.  Dufour,  direc- 
teur de  la  Revue  et  Gazette  musicale,  l'ordre  royal  de  la  Couronne  de 
Chêne. 

,s**  Le  concert  populaire  de  musique  classique  qui  aura  lieu  aujour- 
d'hui au  Cirque  Napoléon  sera  ainsi  composé  :  1°  ouverture  de  Médée, 
de  Cherubini  ;  2"  symphonie  militaire  d'Haydn  ;  3"  polonaise  de  Struen- 
sée,  de  Meyerbeer  ;  4°  Septuor  de  Beethoven. 

4*^  La  société  des  concerts  du  Conservatoire  donne  aujourd'hui  une 
matinée  extraordinaire  au  bénéfice  de  l'industrie  cotonnière. 

^*.^  La  Société  nationale  des  beaux-arts,  boulevard  des  Italiens,  n»  26, 
donnera  dimanche  prochain ,  8  février,  à  1  heure  1  /2,  son  quatrième 
concert.  On  y  exécutera  la  Fuite  en  Egypte,  deuxième  partie  de  l'En- 
fance du  Christ,  d'Hector  Berlioz  ;  le  solo  sera  chanté  par  Warot,  de 
rOpéra-Comique;  —  VOuveriure  du  Carnaval  romain,  du  même;  Y  Invi- 
tation à  la  valse,  de  0.  M.  de  Weber,  orchestrée  par  Berlioz  (toute  cette 
partie  du  concert  sera  dirigée  par  le  célèbre  compositeur),  et  la  pre- 
mière audition  d'une  ode-symphonie  de  M.  E.  Bizet:  Vasco  de  Gama,  dans 
laquelle  le  solo  sera  chanté  par  Mlle  Girard,  du  théâtre  Lyrique;  —  Vcr- 
cingetorix,  poëme  musical,  paroles  et  musique  de  .1.  DebiUemont ,  solo 
chanté  parTroy,  de  l'Opéra-Comique,  et  enfin  la  symphonie  eii  mi  bémol 
de  Félicien  David. 

^*,^  La  partition  de  piano  et  chant  de  l'opéra  Béatrice  et  Benedict, 
de  M.  Berlioz,  vient  de  paraître  chez  Brandus  et  Dufour,  boulevard 
des  Italiens.  Elle  contient  entre  autres  choses  d'une  originalité  piquante, 
un  trio  pour  trois  femmes  et  un  chœur,  ajoutés  par  l'auteur  depuis  les 
représentations  de  cet  ouvrage  à  Bade.  On  s'occupe  en  ce  moment  de 
mettre  en  scène  Béatrice  et  Benedict  au  théâtre  de  Weimar ,  Mme  la 
grande-duchesse  ayant  demandé  cet  opéra  pour  la  représentation  de 
gala  qui  aura  lieu  le  8  avril  prochain,  jour  de  la  fête  de  Son  Altesse. 

»*,t  M.  Pasdeloup,  après  avoir  arrangé  à  l'usage  de  l'Orphéon  de  Pa- 
ris, le  chœur  de  la  prière  de  la  Muette  de  Portici,  et  celui  des  Bohé- 
miens de  Preciosa,  vient  d'arranger  dans  le  même  but,  Avant  la  bataille, 
de  Weber.  Nous  reviendrons  sur  cette  dernière  œuvre,  qui  se  compose 
de  deux  chœurs  fort  habilement  liés  entre  eux  par  M.  Pasdeloup. 

**«  Henri  Vieuxtemps  exécutera  pour  la  première  fois  mercredi  pro- 
chain, salle  Herz,  une  sonate  pour  alto  et  piano.  Au  grand  intérêt  qu'ex- 
cite chaque  audition  d'une  œuvre  nouvelle  de  cet  artiste,  se  joint,  cetle 
fois,  celui  de  l'entendre  jouer  de  l'alto,  instrument  qu'il  manie  avec  la 
même  perfection  que  le  violon.  Les  dilettanti  se  souviennent  encore 
de  l'effet  immense  et  de  l'émotion  profonde  que  produisit  il  y  a  quel- 
ques années  le  célèbre  artiste  lorsqu'il  joua  son  Élégie  sur  ce  bel  ins- 
trument, un  peu  trop  négligé  aujourd'hui. 

^*^  La  troisième  soirée  de  Mme  Escudier-Kastner  et  de  MM.  Vieuxtemps 
et  Batta  aura  lieu  mercredi  prochain,  4  février,  avec  le  concours  de' 
M.  Délie  Sedie,  du  théâtre  Italien.  En  voici  le  programme:  11°  Grande 
sonate  pour  piano  et  violon,  dédiée  à  Kreutzer,  de  Beethoven  (rede- 
mandée) ;  2°  chant  ;  3"  sonate  pour,  alto,  exécutée  pour  la  première  fois 
à  Paris  par  l'auteur  (Vieuxtemps)  ;  4°  chant  ;  5'  duo  pour  piano  et  vio- 
loncelle (Mendelssohn)  ;  6»  quatuor  en  la  majeur  (Beethoven), 

,^*^,  Jean  Becker,  l'éminent  violoniste  allemand,  est  arrivé  à  Paris. 
11  donnera  un  concert  avec    orchestre  le  25  février,  à  la  salle  Uerz. 


M.  Becker  a  l'intention  de  donner  également  à  Paris  trois  concerts 
historiques.  Dans  le  premier  il  jouera  la  musique  italienne;  dans  le 
deuxième,  la  musique  allemande  ;  dans  le  troisième,  la  musique  française 
et  belge. 

4*,,,  Mme  Clara  Schumann,  qui  vient  d'arriver  à  Paris,  donnera  le  sa- 
medi \U  février,  un  concert  dans  les  salons  Erard.  La  célèbre  artiste 
aura  le  concours  de  MM.  Armingaud  et  Jacquart.  On  ne  doute  pas  que 
la  grande  sensation  qu'elle  a  produite  l'hiver  dernier  ne  se  renouvelle 
cette  année. 

i%  Au  théâtre  de  la  cour,  à  Vienne,  il  y  a  eu,  dans  le  courant  de 
1862,  217  représentations  qui  se  répartissent  de  la  manière  suivante  : 
Meyerbeer,  26;  Donizetti,  23;  Verdi,  20;  Mozart,  17;  Uicliard  Wa- 
gner, 1 6  ;  Flotow,  1 1  ;  etc. 

***  Le  concert  de  M.  Aptommas,  le  célèbre  harpiste  de  New-York,  dont 
nous  avons  annoncé  l'arrivée  à  Paris,  aura  lieu  samedi  7  février,  à 
8  heures  du  soir,  dans  les  salons  d'Erard,  avec  le  concours  de  Mlle  Dau- 
deville,  de  Troy,  de  l'Opéra-Comique,  de  MM.  Bloch,  Colonne,  etc. 
M. Aptommas  jouera,  ainsi  que  nous  l'avons  dit,  le  Concert-Stilckàs  Weber 
et  plusieurs  morceaux  très-intéressants  de  sa  composition. 

,j.*.j,  Nous  avons  annoncé  pour  le  10  février,  dans  la  grande  salle  du 
Louvre,  le  concert  de  Mme  Madeleine  Graever.  Roger  y  chantera  le 
grand  air  de  Joseph  et  le  Roi  des  aulnes,  de  Schubert.  Il  sera  accompa- 
gné par  Litolff,  qui  doit  diriger  d'ailleurs  l'orchestre,  choisi  parmi  les 
artistes  les  plus  distingués  de  Paris. 

a,*,^  La  Gazette  musicale  de  Barcelone  dément  avec  force  les  bruits 
calomnieux  répandus  à  Milan  par  des  malintentionnés,  au  su- 
jet du  théâtre  du  Liceo,  qu'auraient  quitté  les  artistes,  et  dont  le  di- 
recteur, M.  Verger,  aurait  pris  la  fuite.  L'honorable  imprésario  est 
toujours  à  son  poste  ;  il  ne  doit  pas  un  réal  aux  artistes,  et  les  repré- 
sentations continuent  comme  par  le  passé. —  L'engagement  de  Mme  Czil- 
lag  a  été  définitivement  résilié  à  l'amiable. 

,f*a,  Il  paraît  certain  que  la  nouvelle  loi  sur  la  propriété  littéraire  ne 
sera  pas  présentée  au  Corps  législatif  dans  le  cours  de  cette  session. 
Elle  devra  d'abord  être  examinée  par  le  conseil  d'Etat,  et  la  commission 
instituée  au  ministère  d'Etat  s'occupe  de  cette  présentation. 

.^*,f:  Dans  une  soirée  intime,  donnée  récemment  chez  sa  mère, 
Mlle  Schultz,  dont  nous  avons  eu  déjà  l'occasion  de  parler,  s'est  fait  en- 
tendre seule  et  en  compagnie  de  Vieuxtemps  et  de  Seligmann.  Un  trio 
de  M.  Damcke,  compo-îition  de  l'ordre  le  plus  élevé,  à  travers  laquelle 
passe  comme  un  souffle  de  Beethoven,  a  été  rendu  par  les  trois  artistes 
avec  le  style  serré,  nerveux  et  précis  que  réclament  ces  sortes  d'ouvra- 
ges dans  le  goût  allemand.  Puis,  la  jeune  virtuose  a  fait  entendre  une 
rêverie  de  Chopin  et  la  valse  de  Schubert,  arrangée  par  Liszt  pour  le 
piano.  On  n'a  pas  des  doigts  plus  habiles  et  plus  légers  que  Mlle  Schultz, 
ni  un  plus  vif  sentiment  musical. 

**:f  M.  Ferdinand  Stolte,  l'auteur  du  poëme  dramatique  Faust,  qui  a  ob- 
tenu un  très-grand  succès  en  Allemagne  et  en  Angleterre,  en  fera 
l'objet  de  deux  lectures  à  Paris,  les  4  et  11  février.  Ces  intéressantes 
séances  auront  lieu  dans  la  salle   Lemardeley,  100,  rue  Richelieu,   à 

8  heures  du  soir. 

.j*,f  Nous  avons  déjà  appelé  l'attention  de  nos  lecteurs  sur  les  soirées 
intéressantes  de  prestidigitation  et  de  physique  que  M.  Robin  donne 
chaque  soir  dans  sa  jolie  salle  du  boulevard  du  Temple.  Jeudi  dernier, 
c'est  à  peine  si  elle  pouvait  contenir  la  foule  qu'y  attirait  une  représen- 
tation donnée  au  bénéfice  de  l'industrie  cotonnière,  et  dans  laquelle  le 
savant  physicien  a  déployé  une  adresse  et  une  habileté  incomparables. 
La  totalité  de  la  recette,  déduction  faite  du  droit  des  pauvres,  a  été 
versée,  sans  retenue  d'aucun  frais,  à  la  caisse  du  journal  le  Constitu- 
tionnel. C'est  une  heureuse  initiative  qu'a  prise  là  M.  Robin,  et  qui  lui 
conciliera  certainement  les  sympathies  du  public  parisien. 

»*,,,  Les  charmantes  pianistes,  Marie  et  Nadine  Harder,  donneront  le 

9  février,  un  concert  dans  les  salons  Erard.  On  y  entendra  Mme  Mancel 
dans  la  partie  vocale,  et  dans  la  partie  instrumentale,  MM.  Hugo  Her- 
mann,  Roccius  et  Mlle  Hermann. 

,1,*^  Mlle  Marguerite  Elle,  jeune  et  intéressante  artiste  de  la  Nouvelle- 
Orléans,  élève  de  Staraatly,  donnera,  mercredi  4  février,  dans  les  sa- 
lons de  Pleyel,  Wolff  et  Cie,  un  concert  dans  lequel  on  exécutera  plu- 
sieurs morceaux  de  Beethoven,  de  Mendelssohn ,  Dœhler,  Chopin  et  de 
son  maître  Stamatly.  Outre  le  talent  qui  recommando  Mlle  Elle,  des  ar- 
tistes d'élite  lui  prêteront  leur  concours,  et  on  y  entendra,  entre  autres, 
Alard,  Franchomme,  Jules  Lefort,  etc.  Avec  de  tels  éléments  le  succès 
n'est  pas  douteux. 

,j*,t.  Les  jeunes  virtuoses  Auguste  et  Emile  Sauret,  qui,  bien  qu'âgés 
seulement  de  huit  et  neuf  ans,  jouent  déjà  du  piano  et  du  violon  en 
véritables  artistes,  donneront  un  concert  le  21  février,  dans  la  salle 
Herz.  En  attendant,  ils  sont  très-recherchés  dans  les  soirées  musicales, 


DE  PARIS. 


6g 


et  dimanche  passé,  ils  ont  été  applaudis  et  fêtés  comme  ils  le  méritent, 
dans  uue  réunion  d'artistes  et  d'amateurs  de  bonne  musique. 

^**  Luigi  Romani  a  publié  à  Milan  une  histoire  du  théâtre  de  la 
Scala  depuis  son  origine  jusqu'à  nos  jours.  Ce  théâtre  ouvrit  en  1778 
avec  les  opéras  YEuropa  riconosciuta,  de  Saliéri,  et  Troja  distrutla,  de 
IMortellarl.  L'époque  la  plus  brillante  de  la  Scala  fut  celle  de  1815  à  1845. 

^.*,  Du  travail  et  du  pain  !  tel  est  le  lilre  d'une  élégie,  paroles  et 
musique  composées  par  M.  l'abbé  Toiizé,  chanoine  honoraire  de  Reims, 
chantée  par  Aime  Miolan-Carvalho,  et  qui  se  vend  au  profit  des  ou- 
vriers sans  ouvrage  chez  lietté  et  G".  C'est  la  septième  composition 
de  M.  l'abbé  Touzé  publiée  par  lui  dans  un  but  de  bienfaisance. 

^"^  Le  bal  annuel  de  l'Association  des  artistes  dramatiques  aura  lieu 
le  7  mars  prochain,  dans  la  salle  du  théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique, 
sous  le  patronage  de  LL.  MM.  l'Empereur  et  l'Impératrice.  La  réputa- 
tion de  cette  fête  est  assez  établie  pour  que  nous  jugions  inutile  d'in- 
sister sur  son  éclat  et  sa  splendeur.  L'orchestre,  de  cent  musiciens,  sera 
dirigé  par  M.  Strauss.  Le  prix  du  billet  d'entrée  est  de  1 0  francs.  On 
souscrit  chez  M.  Thuiilier. 

./'■^  L'auteur  de  charmantes  romances,  Etienne  Arnaud,  vient  de 
mourir  des  suites  d'une  fluxion  de  poitriue. 

^*^  A  Saint-Gall  est  mort,  le  9  janvier,  dans'sa  quatre-vingt-deuxième 
année,  le  compositeur  Ferdinand  Huber,  à  qui  l'on  doit  les  plus  beaux 
lieder  suisses.  On  peut  dire  qu'ils  se  sont  répandus  sur  le  globe  en- 
tier. Huber  en  avait  dédié  un  cahier  à  Mendelsshon,  qui  en  fait  le  plus 
chaleureux  éloge  dans  une  lettre  adressée  à  l'auteur. 

CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 

,*^  Berlin.  —  Vers  la  fin  de  février  on  attend  Mlle  Désirée  Artot,  qui 
doit  donner  une  série  de  représentations  au  théâtre  royal  de  l'Opéra. 
Vers  la  même  époque  Mlle  Lucca  prendra  son  congé.  —  Wilhem  Rust, 
directeur  de  la  société  Bach ,  a  donné  un  concert  de  bienfaisance  à 
l'église  neuve.  Parmi  les  morceaux  que  l'on  y  a  entendus,  le  plus  in- 
téressant est  l'ode  à  la  mort,  par  KIopstock,  que  Gluck  chantait  sou- 
vent en  s'accompagnant  lui-même  sur  le  piano,  mais  dont  il  n'avait 
jamais  écrit  la  notation.  Le  maître  de  chapelle  Reichardt  avait  transcrit 
la  musique  après  l'avoir  entendue.  Cette  pièce  curieuse  étant  venue 
aux  mains  de  Rust,  il  adapta  au  chant  un  accompagnement  conforme 
aux  intentions  du  compositeur.  —  L'ode  â  la  mort,  chantée  par  Mme  Jach- 
mann-Wagner,  n'a  pas  produit  tout  l'effet  qu'on  attendait. 

^•^  Vienne.  —  Parmi  les  nombreux  concerts  de  la  saison,  nous  cite- 
rons la  soirée  du  jeune  Ketten,  qui  a  été  très-applaudi,  et  le  concert 
de  la  société  philharmonique,  dont  le  produit  est  affecté  à  la  restaura- 
tion des  tombeaux  de  Beethoven  et  de  Schubert.  Les  honneurs  de  la 
soirée  ont  été  pour  Mlle  Bochkolz-Falconi.  qui  a  chanté  deux  lieder 
de  Beethoven  avec  un  succès  des  plus  flatteurs.  —  Mlle  Désirée  Artot 
vient  de  quitter  notre  ville,  où  elle  a  terminé  la  seconde  série  de  ses 
représentations.  Elle  se  rend  à  Berlin  pour  y  clore  la  saison  du  grand 
théâtre  royal.  Avant  de  partir,  elle  a  été  invitée  à  chanter  une  troisième 
fois  à  la  cour;  l'archiduchesse  Sophie  lui  a  fait  remettre  après  le 
concert  un  magnifique  bracelet,  en  exprimant  le  désir  de  voir  la  cé- 
lèbre cantatrice  revenir  bientôt  à  Vienne. 


.j*^  Varmstadf.  —  Le  25  janvier  a  été  représentée,  sur  le  théâtre 
grand-ducal,  la  Rei^w  de  Saba,  de  Gounod.  Presque  tous  les  directeurs 
des  théâtres  de  l'Allemagne  assistaient  à  cette  représentation,  que  le  grand- 
duc  etsafamille  honoraientde  leur  présence.  Gounoda  dirigé  l'orchestre, 
et  le  succès  a  été  très-grand.  Le  quatrième  acte  a  cependant  paru  trop 
long.  Le  second  acte,  qui  représente  la  mer  d'airain,  a  produit  beau- 
coup d'effet.  A  la  fin  de  la  soirée  le  compositeur  a  été  rappelé.  Avant 
son  départ  pour  Berlin,  où  il  va  assister  à  une  des  représentations  de 
Faust,  il  a  reçu  du  grand-duc  la  croix  de  son  ordre  de  Philippe  le 
JVIagnanime. 

^*»  Brème.  —  La  symphonie  l'Odan,  par  A.  Rubinstein,  qui  a  été 
accueillie  précédemment  avec  une  faveur  marquée  à  Berlin,  Leipzig,  etc., 
vient  d'être  exécutée  ici  par  la  société  des  concerts  de  symphonie. 
Cette  œuvre  importante,  empreinte  d'un  talent  original,  a  produit  le 
plus  grand  effet. 

LeDîrecteur  :  S.  DUFOtJR. 


Chez  G.  BRANDUS  et  S.  DVFOVJi,  éditeurs,  •/03,  rue  Richelieu,  au  ^e>-. 

Morceaux  cliantés  au  tliéâlre  Italien 

Dans  le  Barbier  de  Sévilte, 

Par  Adelina  Patti: 

LA  GIOJA  I]\SOLITA 

Vake  chantée,  dédiée  à  Madame  la  comtesse  Walewska 

et  composée  par 

Prix:6fr.  MAURICE       STRAKOSCH     laratme,  iramposée. 

(Paroles  italiennes) 


La  même,  avec 
Paroles  françaises 

Prix  :  &  fr. 


La  même,  transposée. 


La  même,  avec 

Paroles  françaises 

Prix  :  6  fr. 


LA  CALESERA 

Chant    andalous    avec   paroles    espagnoles   et   françaises, 
ITIusifiue    d'YRA^DIER. 

Prix:  4  fr.  (Reproduction  autorisée.)  Prix:  4fr. 

PORTRAIT    D'ADELINA    PATTI 

Dessiné  par  Desmaisons, 
Prix  :  3  francs.  —  Le  même,  sur  papier  de  Chine  :  3  fr.  50.  ♦ 


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Musique  de  danse  : 


A  MADAME  LA  COMTESSE  WALEWSKA. 

L'ENCHANTERESSE 

Grande  valse  à  quatre  mains  par 
7fr.50.  A.     RIEDEL  7fr.  50 


Valse  composée  sur  les  plus  jolis  motifs  de 
Ad.  Adam,  Auber,  Maillart,  Meyerbeer  et  Rossini, 

Par    STPcAUSS 


A   MONSIEUR    GEORGES   KASTNER. 

RÊVERIE    SUISSE 

Valse  pour  le  piano  par 

6fr.  A.    RIEDEL  6fr. 


VALSE 
Arrangée  pour  le  piano  sur 

La  même,  pour  piano  à  4  mai 


liË     B  Ali 

PAR 

EMILE    DESGRANGES 


LA  GIOJA  INSOLITA 
De  Maurice   Strakoscli 

Prix  :  6  francs. 


SOUFLETO  p~on'^  "'-'""• 


Médaille  d'or.  Exposition  1849;  Médaille  de  1"  classe  Exposiliominiver selle  1855.  Spécialité  de  pianos  pour  l'ex- 
Cette  maison   a  obtenu,   depuis  183(i,   à  toutes  les  Expositions,  des  récompenses  méritées  par  l'excellence  de  ses  pianos  droits, 
cordes  obliques,  dont  la  réputation  est  justement  établie.  Elle  vient  de  mettre  en  vente  un  nouveau  modèle  de  piano  droit,  cordes  obliques,  grand  format,  extra, 
qui  ne  laisse  rien  à  désirer  sous  le  double  rai)port   de  la  quantité  et  de  la  qualité  du  son.  —  llag^aNin,  rue  Moutmarlre,  161. 


40 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


ALPHONSE    SA2C    (JUNIOR) 

Facteur  et  Ingénienr  en  instrnments  de  Uusiqne 

MAIVUFACTURE  D'I.\STRUME]\[TS  EIV  CUIVRE  ET  EIV  BOIS 

EiV  TOUS  «ENREIS,    EN  TOUTES  FORMES  ET  DANS  TOUS  IjES  TONS 

EARnONIE  et  FANFARE.  —  Rue  d'Âbbeville,  5  bis,  Paris,  près  de  la  place  Lafayette.  —  Belle  Salle  de  300  personnes  ponr  Concerts  et  Répétitions. 
16  Brevets  d'Invention  on  de  perfectionnement.  —  Commission.  —  Exportation. 

Breveté  de  S.  M.  l'Empereur  des  Français.  —  Grand  brevet  de  S.  M.  la  reine  d'Angleterre.  —  Breveté  de  S.  M.le  roi  des_  Belges.  —  2"i=  prix  en  1838.  —  1"  prix 
en  18il.  —  Prix  d'honneur,  médaille  d'or,  en  1843.  —  Médaille  d'argent  à  l'Exposition  de  Paris,  ISail.  —  DÉLÉGUÉ  par  le  gouvernement  belge  pour  visiter 
l'Exposition  universelle  de  Londres,  en  1851.  —  Exposition  universelle  de  Paris,  1855,  les  plus  belles  pages  du  Bapport  officiel,  IT"  Classe,  pages  1835-1336.  — 
Exposition  universelle  de  Londres,  1862,  l'RIZE  MEDAL,  avec  cette  mention  :  PODR  EXCEliI^BNCE  DE  TOUTE  ESPÈCE  D'INSTRUMENTS  DE  CUIVRE. 
—  Membre  de  l'INSTITUT  POLYTECHNIQIE  de  Paris,  membre  de  l'ASSOCIATION  INTERNATIONALE  POUR  LE  PROGRÈS  DES  SCIENCES  SOCIALES.  — 
MÉDAILLE  Û'OR  et  Membre  du  CORPS  SCIENTIFIQUE  DE  L'HOTEL  DE  VILLE  DE  PARIS. 

MAMACTURE  DE  PIA^^OS  —  MAISON  HENRI  HERZ 

Kiie  fie  la  Tictoire,  4S,  à  Paris. 

L'immense  succès  que  les  Pianos  de  la  Maison  Henri  HERZ  ont,  obtenu  à  l'Exposition  universelle  de  Paris,  en  1855, 
vient  de  se  reproduire  à  Londres  avec  plus  d'éclat  encore  :  aussi  le  Jury  international  vient-il,  en  plaçant  ces  instruments 
au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimité,  à  M.  Henri  HERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection 
reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  solidité,  de  la  sonorité,  de  l'égalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  d'expj'ession.  (Rapport  du  Jury  international.) 


flrc  médaille  d^or 

Exposition  nationale  françaisede  1849. 

DÉCORATION  DE  LA  LÉGION  D'HONNEUR 
Exposition  de  1849. 


nANDFÂCTDRE  D'INSTRUMENTS  DE  MUSIQUE  EN  CUIVRE  ET  EN  BOIS 

FONDÉE  A  PARIS  EN  1843  PAR 


€'<!  médaille 

Exposition  nationale  helge  de  1841. 

DÉCORATION  DE    LA   COURONNE  OE   CHÉNE 
de  Hollande  liAlii). 


ftre  médaille  d^argent 

Exposition  nationale  française  de  Uni- 


Orande  médaille  d'or 

dic  Mérite  de  Prusse  (1846). 


Facteur  de  la  Maison  militaire  de  l'Empereur. 

RUE  SAINT  -  GEORGES,    50 

Seule  grande  médaille  d'Iioiiueur  à  l'Exiiositien  universelle  de  Paris  (tS55).  —  Seule  grande  niëdalUe 

(Cowneil  Meaut)  à  l'Exposition  universelle  de  Ijondres  (1951).^ 

Organisateur  et  fournisseur  de  la  musique  des  Guides  et  des  autres  musiques  des  régiments  de  la  Garde  impériale. 

INVENTEUR   DES    t'AMlLLES    DES 

CORNETS-SAX  (compensateurs).  CLARINETTES  CONTRE-BASSES-SAX. 

CLARINETTES  BASSES-SAX.  BASSON-SAX  (en  cuivre  et  en  bois). 

Cors,  Cornets,  Trompettes,  Trombones  simples,  les  mêmes  à  pistons 
ou  cylindres,  les  mêmes  forme  Saxo-Tromba. 


SAXO-TROMBAS 
SAXHORNS. 


SAX-TUBAS. 
SAXOPHONES. 


CLAIRONS-SAX. 
TROMBONES-SAX. 


Forme  et  dispositions  nouvelles  de  Trombones  à  3,  4  et  5  cylindres; 

invention  brevetée  en  IS50. 
Tous  les  instruments  à  pistons  avec  addition  d'une  ou  plusieurs 

clefs;  invention  brevetée  en  1(^58. 
Système  d'instruments  à  pistons  ascendants;  inv.  brev.  en  1S5». 


Clairons,  Trompettes  d'ordonnance.  Flûtes,  Clarinettes,  Bassons, 
Caisses  roulantes,  Grosses  Caisses,  Tambours,  Timbales,  Cym- 
bales, etc.,  etc. 


PRIX  ACCORDE  A  L  DNANIHITE  A  I'EXPOSITION 
UNIVERSELLE  DE   LONDRES  1851. 

S'ournisscur  des  IHInIstèrcs  de  la 
Onerre  et  de  la  Marine  de  France. 

Seuls   agents    à    Londres 

CHAPPELL  &  HÂMMOND,  S"  DE  JULLIEN  &C' 

214  ,   Régent  Street. 


MAISON  FONDÉE  EN  1803. 

INSTRUMENTS    DE    MUSIQUE    EN    CUIVRE 

ANTOINE  COURTOIS 


UÉDAILLB  d'argent   DE  1"   CLASSE 

A   l'exposition   dniverselle  de  paris  1855. 

Kacteur  du    Conservatoire   et  de 
l'A^cadcmle  Impériale  de  Paris. 

Agent  à  Saint-Pétersbourg  : 

A.  BUTTNER, 

Perspect.  Nevvsky,  maison  de  l'égliseSt-Pierre. 


SS,  rue  ae»  Maruis  -  Saint  -  Jttarlitt ,   SS 

Ci-devant  rue  du  Caire,  21. 

La  maison  ANTO/NE  COURTOIS  ayant  agrandi  ses  ateliers,  est  en  mesure  de  satisfaire  à  toutes  les  demandes  qui  pourront  lui  être 
adressées;  elle  garantit  rékllement  à  sa  ctientète  des  instruments  irréprochables  sous  tous  tes  rapports. 


Prix 


En  vente  cbez  HARCELi  COIiOUBIEB,  édltcHr,  S5,  rue  de  Rtcbellen,  à  Paris. 

]\OUVELLES    PlIBLICATIOMS    MUSICALES 

CU/LtST.  Prix  inarqiit. 

Beetbiovcn.  Marguerite  (poéiie  de  Umc  Valmore),  chauson  florale  (2  t.)  2  SO 

vield  (John.).  L'Oiseau,              id.              conversation ....  3    » 

—  Le  Rêve  à  deux,                  id.              romance 2  SO 

Uoreaux  (Ch.).  L'Amour  et  l'Amitié  (faUiau  de  Biiie«y(),  deux  tons  2  50 

Boollard  (V.).  Fifres  et  clairons,  polkas 3    » 

—  Turf-Polka. 5    » 

Talexy  (A.).  Bella  Maria,  polka 5    » 

liC  Corbeîllcp  (Ch.).  La  Première  Gerbe,  valse 5    » 

Jullano  (A. -P.).  La  Fête  au  hameau  (très-facile),  (juadrille.    .  li  50 

Vt'aciis  (F.).  Le  Tourbillon,  quadrille 4  50 

Uatlifen  (fils.).  Déesse,  polka-mazurka 5    » 


MOBCEAUX    DB   PIANO. 

Bernard  (Padl).  BarcaroUe 

Iiambert  (Lucien).  God  savc  the  qmen,  air  national  anglais.   . 
IVenstedt  (Ch.).  Première  rêverie 

—  Deuxième  nocturne 

Valexy  (A.).  Les  Feuilles  de  la  marguerite,  six  morceaux-oracle 

1.  11  m'aime!        3.  Beaucoup!         5.  A  la  folie! 

2.  Un  peu!  4.  Tendrement!     6.  Pas  du  tout! 

Chaque  numéro  séparé 

L'ouvrage  complet,  broché 

—  Fouets  et  Grelots,  grand  galop  brillant 

—  Id.    à  quatre  mains 

fVachs  (P.).  La  Première  amitié,  romance  sans  paroles  .   .   .   . 


marque 
6 
6 

5     . 
5     . 


15  .. 
7  50 
9    » 

5  •  » 


BUREAUX    A    PARIS  :    BOULEVARD   DES   ITALIENS,    I. 


30«  Année. 


^0  6. 


8  Février  1863. 


OR  S'ABONNE  l 

Dana  les  Déportements  et  à  l'Étranger,  chez  loua 
les  Marchands  de  Musique,  les  Libraires,  et  aux 
Pureaux  des  Messageries  el  des  Postes. 


REVUE 


PRIS  DE  L'ABONNEMENT  : 

Paris 24  (r.  par  01 

Départements,  Belgique  el  Suisse....     30  n       id. 
Étranger 34  "       id. 

Le  Journal  parait  le  Diuianche. 


GAZETTE  IHUSIC 


— ^^A/ U\/^J\AAPJV^J^^■ 


Nos  abonnés  reçot-vent,  avec  le  numéro  d'aujourd'lini, 
les  titres  et  la  table  analytique  des  n)atl«^res  pour 
l'année  186%. 


SOMMAIRE,  —  Concert  populaire.  —  Soirée  musicale,  par  Paul  ISmitli.  — 
Auditions  musicales,  par  Adolphe  Botte.  —  Bouffes-Parisiens  :  Job  el 
srni  chien  ,  opérette  en  uu  acte ,  paroles  de  M.  Mestipes,  musique  de  M.  Emile 
Jonas  î  Madame  Pygmalion,  opérette-bouffe  en  un  acte,  paroles  de  MM.  Jules 
Adenis  et  Francis  Tourte,  musique  de  M.  Frédéric  Barbier.  —  Revue  critique, 
par  Adolphe  Botte.  —  Revue  des  tliéàtres,  par  D.  A.  D.  Saint-Yves. 
—  Nouvelles  et  annonces. 


CONCERT  POPULAIRE  DE  MUSIQUE  CLASSIQUE. 

11  y  a  huit  jours,  le  programme  se  composait  de  quatre  numéros 
seulement,  et  l'ouverture  de  la  Médée  de  Cherubini  en  faisait  par- 
tie. C'est  un  morceau  bien  fait  que  cette  ouverture,  mais  il  n'a  rien 
qui  sorte  des  proportions  ordinaires  :  on  y  sent  l'art  plutôt  que  le 
génie,  et  le  métier  plutôt  que  l'art.  Les  idées  y  manquent  de  ce  ca- 
ractère saillant  qui  résume  tout  un  drame,  et  de  cette  distinction 
qui  fait  qu'on  les  retient  de  préférence  à  une  foule  d'autres. 

Il  faut  parler  tout  autrement  de  la  symphonie  militaire  d'Haydn, 
œuvre  naïve  et  charmante  remplie  d'inspirations  qui,  par  leur  dou- 
ceur et  leur  aménité,  semblent  parfois  en  contradiction  flagrante 
avec  le  titre.  11  est  certain  que  si,  de  nos  jours,  on  avait  à  écrire 
une  pareille  œuvre,  on  s'y  prendrait  d'un  autre  style,  et  qu'on  s'ar- 
rangerait pour  faire  un  autre  fracas.  Mais  Haydn  vivait  dans  un 
siècle  où  l'on  ne  connaissait  pas  encore  les  canons  rayés,  et  puis  il 
était  d'une  nature  essentiellement  pacifique.  Dans  sa  symphonie  mi- 
litaire, les  soldats  vont  à  la  parade,  et  non  au  combat  ;  il  aurait  eu 
trop  peur  de  faire  tuer  un  homme  ! 

A  l'œuvre  gracieuse  d'Haydn  succédait  une  œuvre  profondément 
dramatique  de  Meyerbeer,  la  Polonaise  de  Struensée ,  le  second  des 
entr'actes  compo.sés  par  l'illustre  maëstn  pour  la  tragédie  de  son 
frère.  Une  Polonaise  dramatique  !  Ce  substantif  et  cet  adjectif  ne 
sont-ils  pas  quelque  peu  surpris  de  se  voir  accouplés  ensemble  ?  Et 
pourtant  rien  de  plus  juste,  rien  de  plus  vrai.  Le  bal  et  ['arrestation, 
le  plaisir  et  la  crainte,  la  joie  et  les  larmes,  tel  est  le  contraste  ad- 
mirablement saisi  et  reproduit  par  la  musique  :  tel  est  l'émouvant 
tableau  tracé   par  la  même  main  qui   peignit   les  Hwjiiemls  et  le 


Prophète.  Notre  savant  collaborateur,  M.  Fétis  père,  a  dit,  il  y  a 
longtemps,  dans  ce  journal,  qu'il  estimait  à  égal  prix  les  morceaux 
de  Struensée,  en  commençant  par  la  magnifique  ouverture,  exécutée 
plusieurs  fois  par  les  deux  orchestres  de  Pasdeloup,  celui  de  la  So- 
ciété des  jeunes  artistes,  dans  la  salle  Herz,  et  celui  des  concerts 
populaires  dans  le  cirque  Napoléon.  Nous  devons  bientôt  l'entendre 
encore  :  nous  le  désirons  d'autant  plus  que  l'exécution  de  la  Polo- 
naise a  mérité  dimanche  dernier  des  éloges  sans  réserve,  et  qu'elle 
a  produit  un  merveilleux  effet.  Trois  salves  d'applaudissements  ont 
témoigné  de  l'impression  res?eatie  par  tout  l'auditoire  ;  Ttcuvre  aviiit 
donc  été  comprise  aussi  bien  que  rendue  !  A  chaque  retour  de  l'air 
de  danse  et  du  ton  primitif,  on  avait  senti  ce  léger  murmure  qui 
circule  de  proche  en  proche  lorsqu'il  y  a  émotion  vraie  et  sponta- 
née. Les  cœurs  étaient  serrés,  tandis  que  le  drame  grondait  sous  le 
■pizzicato  si  expressif  des  violons,  ou  bien  dans  Vagilato  appassionato 
en  ut  mineur,  et  puis  la  Polonaise  reparaissant  était  accueillie  chaque 
fois  comme  un  sourire. 

Pour  ne  pas  rester  au-dessous  d'une  composition  de  cette  force, 
il  ne  fallait  pas  moins  qu'une  des  meilleures  œuvres  de  Beethoven,  et 
Pasdeloup  avait  choisi  fort  à  propos  le  grand  septuor  de  ce  maître 
pour  le  faire  exécuter  dans  son  entier.  Le  succès  le  plus  complet  a 
couronné  la  noble  entreprise  :  on  a  tout  admiré,  tout  applaudi;  on  au- 
rait volontiers  tout  redemandé  de  ce  magnifique  septucr,  frère  aîné 
de  toutes  les  symphonies  du  même  auteur,  supérieur  même  à  quel- 
ques-unes. Les  trois  solistes  qui  jouaient  la  partie  de  cor,  celle  de  la 
clarinette  et  celle  du  basson,  n'ont  rien  voulu  céder  de  l'honneur  de 
la  journée  au  gros  bataillon  des  instruments  à  cordes.  Aussi,  quand  à 
la  fin  du  sextuor,  les  transports  de  l'enthou.siasme  général  ont  éclaté, 
Pasdeloup  a-t-il  amené  sur  le  devant  de  l'estrade  MM.  Pâquis,  Au- 
roux  et  Espeignet  pour  qu'ils  fussent  tous  les  trois  applaudis  en  per- 
sonne, et  connus  de  son  public,  comme  lui-même. 


SOIRÉE  MUSICALE. 

L'autre  samedi  nous  avons  entendu  chez  Marmontei ,  le  célèbre 
professeur,  des  artistes  dignes  de  ce  tilre,  et  dont  plusieurs  ont  été  ses 
élèves.  Parmi  eux  se  distinguait  Alphonse  Duvernoy,  pinniste  encore 
jeune  d'âge,  niais  non  de  talent.  Nous  le  louerons  d'abord  pour  l'é- 
légance et  la  finesse  de  son  jeu,  qui  n'ont  guère  de  rivales  pour  la 
qualité  exquise  du  son  qu'il  tire  de  ses  touches.  Ce  que  nous  signa- 
lerons de  plus,  c'est  l'individualité  que  son  talent  aspire  à  prendre, 
et  qui  déjà  commence  à  se  roanilestcr.   Nous  l'avons  apprécié  dans 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


un  nocturne  de  Chopin  (  avec  lequel  il  a  quelque  analogie  )  ,  dans 
un  andante  de  Beethoven  et  dans  le  rondo  de  Weber.  Le  même  ar- 
tiste avait  supérieurement  joué  la  partie  de  piano  dans  un  trio  d'A. 
Blanc,  composition  des  plus  distinguées,  écoutée  avec  un  vif  plaisir. 
M.  Vincent,  Mlles  Rey  et  Lée,  trois  élèves  de  Révial,  ont  eu  beau- 
coup de  succès  dans  la  partie  vocale  de  cette  soirée,  où  les  habiles 
instrumentistes  étaient  nombreux. 

Paul  SMITH. 


AUDITIONS  MUSICALES. 

Eugène  Ketterer.  —  Hllle  Julte  de  ivociter.' —  Mlle  iwar» 
gaerlte  Elic.  —  Troisième  «otrée  de  Blme  Escndier- 
Kastner  et  de  WV3.  Henri 'Vieïixtemps  et  A.  Batla. 

Si  les  concerts  ne  sont  pas  rares,  les  réunions  particulières  ne 
sont  pas  moins  nombreuses  ;  c'est  à  qui ,  chez  soi ,  fera  de 
la  musique,  c'est  à  qui  ravira  le  plus  les  admirateurs  des  chefs- 
d'œuvre  de  toutes  les  écoles  et  de  tous  les  temps;  seulement,  c'est 
toujours  de  la  musique  de  chambre  :  musique  de  chambre  chez  M.  Le- 
bouc,  dont  le  talent  est  apprécié  comme  il  mérite  de  l'être  ;  musique 
de  chambre   chez    Mme   Wartel,    chez   Mlle   Marie   Baumetz,  chez 

Mlle  Trébelli,  chez Mais  arrêtons-nous,  et   parlons  de  ce  qui 

n'a  pas  été  exclusivement  réservé  à  d'heureux  privilégiés.  D'ailleurs, 
fût-on  aussi  bref  que  possible,  les  colonnes  de  ce  journal  ne  sufliraient 
point  à  enregistrer  tous  les  succès  intimes. 

Parmi  les  transcriptions  d'Eugène  Ketterer,  jouées  samedi  dans  les 
salons  Pleyel-WolCf,  nous  citerons  celle  du  Trovatore,  celle  de  Ah  ! 
quel  plaisir  d'être  soldat  !  celle  de  Guillaume  Tell  pour  piano  et 
orgue  et  celle  de  la  Somnambule,  où,  comme  pianiste,  l'auteur  a 
montré  une  expression  soutenue  et  une  certaine  ampleur  qui  ne  lui 
sont  pas  habituelles,  et  dont  l'éloignent  d'ailleurs  les  choses  courtes 
et  légères  auxquelles  il  semble  avoir  voué  son  double  talent.  Les 
morceaux  originaux  ont  peut-être  satisfait  la  majorité  des  auditeurs, 
mais  cela  ne  suffit  point.  Quoi  qu'il  en  soit  et  quoi  qu'on  en  dise,  les 
minorités  ont  une  valeur,  une  influence  parfois  singulière  et  redou- 
table, et  ce  sont  elles  surtout  qu'il  faut  gagner  quand  on  est  jaloux  de 
la  durée  et  de  l'importance  de  son  œuvre. 

En  composant  si  vile  un  si  grand  nombre  de  morceaux,  le  but 
d'Eugène  Ketterer  n'est  pas  évidemment  d'atteindre  à  la  beauté  du 
travail  harmonique,  à  la  richesse  des  développements,  à  la  nouveauté 
des  combinaisons  instrumentales,  —  toutes  choses  que  cherchèrent 
et  atteignirent  les  maîtres  modernes  du  piano;  —  il  a  voulu  surtout 
satisfaire  aux  exigences  du  moment,  transcrire  la  mélodie  en  vogue, 
et  varier,  dans  un  style  enjoué  et  facile  à  comprendre,  les  inspirations 
qui  tour  à  tour  ravissent  le  public.  Là  est  le  secret  de  ses  succès;  là 
aussi  est  la  raison  de  ses  faiblesses.  Le  grand  Caprice  hongrois  éclos 
dans  la  première  jeunesse  de  l'auteur,  reste  comme  un  heureux  aîné. 
Cette  fois  encore,  il  a  produit  son  effet  accoutumé,  effet  que  n'ont 
pas  produit,  nous  devons  le  dire,  toules  les  dernières  œuvres. 

Comme  cela  arrive  trop  souvent,  la  partie  vocale  n'était  pas  bril- 
lante. Jamais  peut-être  on  n'avait  entendu  de  pareilles  intonations, 
jamais  on  n'avait  entendu  phraser,  prononcer  et  respirer  de  cette  façon. 
Ce  qui  manque  à  Mlle  Frasey  ce  n'est  pas  la  voix,  c'est  seulement 
l'élude.  En  vérité,  nous  ne  comprenons  pas  qu'on  ose  se  présenter 
devant  le  public  quand  on  ne  possède  aucun  talent.  Pendant  que  les 
instrumentistes  travaillent  et  s'élèvent  aux  qualités  les  plus  solides  et 
les  plus  brillantes,  la  plupart  des  chanteurs  se  dispensent  aussi  bien 
du  solfège  que  des  vocalises  :  aussi  s'en  aperçoit-on  au  charme  de 
leurs  points  d'orgue  et  au  sentiment  qu'ils  ont  du  rhylhme  et  de  la 
période  musicale!  11  est  grand  temps,  ce  nous  semble,  qu'on  se 
préoccupe  un  peu  plus  sérieusement  de  l'art  du  chant. 


Les  compositeurs  surtout  déplorent  cette  décadence  et  en  souffrent. 
Ils  essaient  bien  d'imposer  à  leurs  interprètes  le  style,  les  ornements, 
les  mouvements,  le  caractère  et  l'expression  que  demandent  leurs 
inspirations  ;  mais  souvent  ils  ne  sont  ni  écoutés  ni  compris,  et  ne 
sauraient  l'être.  Comment,  en  effet,  parler  de  goût,  de  finesse,  de 
distinction  et  de  vérité  à  des  gens  auxquels  l'éducation  première  a 
manqué  et  qui  ne  se  doutent  même  pas  de  la  véritable  physionomie 
d'un  morceau? 

—  A  son  concert,  où  le  chant  aussi  a  laissé  trop  à  désirer, 
Mlle  Julie  de  Wocher  a  dit  avec  netteté,  vigueur  et  délicatesse  le 
trio  de  Mayseder,  puis  de  jolis  morceaux  de  Litolff  et  de  Gutmann. 
Le  trio  écrit,  par  Frédéric  Brisson  pour  piano,  orgue  et  violon  sur 
la  Somnambule  est  délicieux,  non-seulement,  comme  cela  arrive  par- 
fois, grâce  à  la  beauté  des  canlilènes,  mais  grâce  à  l'élégance  et  à 
l'habileté  du  travail.  L'ingénieux  auteur  de  V Arabesque  écrit  toujours 
de  charmantes  petites  pièces.  Sa  Valse  des  rêves,  sa  Fête  des  Por- 
cherons  et  surtout  sa  Cansone,  qu'il  a  jouée  très-finement  l'autre  soir, 
attestent  qu'il  n'a  rien  perdu  des  aimables  qualités  qui  lui  firent  goû- 
ter plusieurs  fois  au  fruit  savoureux  du  succès. 

—  Le  public  demande  aujourd'hui  plus  que  des  rêveries,  des  ca- 
prices et  autres  choses  semblables;  il  veut  du  grand,  du  large,  du 
beau,  et  a  tout  d'abord  su  gré  à  Mlle  Marguerite  Elie,  jeune  élève  de 
M.  Stamaty,  du  bon  goût  de  son  programme.  Trio  en  ut  mineur  de 
Mendelssohn,  magnifiques  varialions  de  Beethoven  sur  un  thème  des 
Machabées  —  c'est-à-dire  Haendel,  qu'on  a  si  justement  comparé  à 
Homère  —  traité  et  développé  par  un  homme  de  même  taille  que  lui, 
tel  était  le  fond  de  ce  concert.  Dites  par  Mlle  Marguerite  Elie,  par 
Alard  et  par  Franchomme,  qui,  le  matin  même,  chez  Mlle  Marie 
Beaumetz,  avaient  ravi  l'auditoire,  ces  pages,  qu'il  est  bien  inutile  de 
louer,  ont  causé  un  vif  plaisir.  Succédant  à  l'énergie,  à  la  passion 
frémissante  qu'on  sent  dans  Haendel  et  dans  Beethoven,  même  dans 
leurs  inspirations  relativement  calmes,  le  scherzo  de  M.  Stamaty 
a  été  très-sympathiquement  accueilli.  En  exécutant,  seule,  des  mor- 
ceaux de  Dœhler  et  de  Chopin,  Mlle  Marguerite  Elie  a  fait  apprécier 
la  netteté,  la  sobriété  et  l'élégance  de  son  jeu.  Si  la  jeune  pianiste 
n'était  pas  encore  une  enfant,  nous  dirions,  quoiqu'elle  ait  été  vive- 
ment encouragée,  qu'un  peu  moins  de  mollesse,  un  peu  plus  de  cha- 
leur et  d'émotion,  des  accents  un  peu  plus  passionnés  eussent  satis- 
fait davantage  et  donneraient  à  son  talent  l'éclat  et  la  variété  qui  lui 
manquent  encore  et  qu'il  ne  dépendra  que  d'elle  d'obtenir. 

Les  soirées  de  Mme  Escudier-Kastner  et  de  MM.  Henri  Vieux- 
temps  et  A.  Batta  attirent  toujours  la  foule,  et  prouvent  une  fois  de 
plus,  comme  le  prouvent  chaque  jour  tant  d'intéressantes  fêtes  artis- 
tiques, que  nous  sommes  encore  loin  —  malgré  tout  ce  qu'on  fait 
pour  cela  —  d'être  déshérités  de  l'enthousiasme  et  de  l'amour  des 
belles  choses.  Il  faut  reconnaître  aussi  que  ces  soirées  sont  organi- 
sées avec  beaucoup  de  goût  ;  on  n'y  oublie  pas  ce  besoin  de  variété 
qui,  en  France  surtout,  domine  souvent  tous  les  autres.  Si,  cette  fois, 
le  piano  est  resté  aussi  net,  aussi  brillant,  aussi  remarquable  de  vi- 
gueur et  de  grâce,  si  le  violoncelle  est  resté  aussi  expressif,  si  tous 
deux  ont  réellement  enlevé  les  suffrages,  le  violon,  lui,  s'est  tout  à 
coup  métamorphosé.  Il  a  voulu  voir  si,  en  baissant  le  ton,  en  grossis- 
sant sa  voix,  il  exciterait  les  mêmes  transports.  Il  y  a  parfaitement 
réussi.  La  Sonate  pour  alto  a  valu  à  Henri  Vieuxtemps,  nous  ne  di- 
rons pas  comme  compositeur,  mais  comme  exécutant,  le  succès  qu'il 
avait  obtenu  le  mercredi  précédent  en  jouant  son  entraînante  et  jolie 
Polonaise.  Pouvoir  ainsi  changer  de  voix  et  conserver  la  même  su- 
périorité, c'est  vraiment  merveilleux.  Combien  de  ténors  devenus 
barytons  vont  porter  envie  à  Vieuxtemps! 

Après  avoir  applaudi,  aux  deux  premières  séances  Mlles  Marie  Battu 
et  Trébelli,  il  a  été  donné  aux  diletlanles  d'applaudir  cette  fois  Delle- 
Sedie.  A  la  vivacité  des  bravos,  l'excellent  artiste  a  pu  voir  que,  au 
concert  surtout,  on  sentait  tout  le  prix  de  sa  diction,  de  son  style. 


DE  PAHIS. 


43 


ei  que,  mieux  qu'au  théâtre,  où  l'organe  dissimule  plus  difficileraenl 
ses  faiblesses,  on  était  très-syaipathique  à  la  pureté,  à  la  correction 
et  à  tous  les  mérites  d'une  belle  méthode. 

Adolphe  BOTTE. 


THÉÂTRE  DES  BOUFFES-PARISÎENS. 

JOB  GX  SOiV  CIIIEW, 

Opérette  en  un  acte,  paroles  de  M.  Mestépes,  musique  de 
M.  Emile  Jonas. 

BIADAIUH   PVG.UAIilOiV , 

Opérette-bovffe  en  un  acte,  paroles  de  MM.  Jules  Adenfs  et  Francis 
Tourte,  musique  de  M.  Frédéric  Barbier. 

(Premières  représentations  le  6  février.) 

L'heure  du  repos  a  sonné  pour  Orphée  aux  enfers,  fatigué,  mais 
non  usé  par  ses  quatre  cents  représentations.  Le  temps  n'est  peut- 
être  pas  éloigné  oii  nous  le  verrons  renaître  plus  jeune  et  plus  alerte 
que  jamais.  Provisoirement,  il  daigne,  en  bon  prince,  céder  le  pas 
à  d'autres  ;  il  entrouvre  la  porte,  et  les  impatients  qui  désespéraient  de 
voir  arriver  leur  tour,  se  hâtent  d'entrer  dans  la  place. 

Voici  d'abord  Job  et  son  chien,  petite  opérette  bien  folle  et  bien 
extravagante  de  M.  Mestépes.  Job  a  un  chien  qu'il  aime  avec  la  pas- 
sion d'une  vieille  fille  ;  mais  il  a  aussi  un  maître  qui  ne  professe 
pas  pour  les  animaux  la  même  tendresse  que  lui.  Le  docteur  Corné- 
lius veut  fonder  sa  réputation  sur  un  élixir  contre  le  spleen  ;  malheu- 
reusement, les  essais  qu'il  a  tentés  jusque  lîi  in  anima  vili,  c'est-à- 
dire  sur  les  chiens,  n'ont  pas  été  couronnés  de  succès.  La  dose  de 
poison  qui  entre  dans  la  composition  de  son  élixir  les  a  tous  tués. 
Cornélius  n'en  persiste  pas  moins  à  vouloir  expérimenter  sur  l'homme, 
et,  le  pistolet  à  la  main,  il  force  un  de  ses  locataires  à  avaler  sa 
drogue.  Or,  ce  locataire,  fort  maltraité  par  la  fortune,  et  par  con- 
séquent sujet  au  spleen,  se  trouve  tout  à  coup  transformé  par  la 
boisson  du  docteur.  On  s'étonnerait  à  moins  :  aussi,  dans  sa  joie, 
Cornélius  donne-t-il  une  somme  considérable  au  jeune  Franz ,  qui 
témoignera  de  l'excellence  de  son  remède.  Cette  somme ,  qui  lui 
tombe  du  ciel  tout  à  point  pour  épouser  une  jeune  fille  qu'il  aime, 
Franz  ne  l'a  pas  gagnée;  car  on  apprend  bientôt  que  l'élixir  du 
docteur  a  été  édulcoré  par  Job,  qui  craignait  que  son  chien  n'en  fît 
l'expérience.  Mais  il  est  trop  tard  pour  se  raviser,  et  le  docteur  en 
est  pour  la  perte  de  ses  illusions  et  pour  le  sacrifice  de  ses  billets 
de  banque. 

M.  Emile  Jonas ,  professeur  au  Conservatoire  ,  a  écrit  sur  cette 
donnée  canine  quelques  morceaux  faciles  et  spirituels  qui  ont  été 
fort  applaudis,  et  à  très-juste  titre.  Son  ouverture ,  composée  de  di- 
vers motifs  qu'on  retrouve  plus  tard  dans  la  pièce ,  est  d'un  effet 
charmant,  grâce  à  la  variété  de  ses  combinaisons.  Les  couplets  de 
Job,  dans  lesquels  il  imite  l'aboiement  de  son  chien ,  ont  un  cachet 
original.  Wous  citerons  encore  les  couplets  en  duo  :  Eh!  va  ton 
train,  cher  médecin ,  qui  sont  pleins  de  gaieté  et  de  franchise  ;  les 
couplets  à  boire  et  le  finale,  morceau  fort  habilement  tracé,  oîi  l'on 
voit  défiler  successivement  les  principaux  motifs  de  la  pièce. 

Tout  cela  est  joyeusement  interprété  par  Desmons ,  Marchand , 
Georges  et  Mlle  Géraldine. 

Il  semblait  impossible  que  l'on  pût  faire  quelque  chose  de  plus  dé- 
raisonnable que  Job ,  et  cependant  Madame  Pygmalion  a  résolu  le 
problème.  Il  est  vrai  qu'ici  nous  sommes  en  pleine  fantaisie,  et  même 
en  pleine  parodie  de  la  Galathée  de  l'Opéra-Comique.  Clorinde ,  ar- 
tiste peintre  du  genre  féminin,  se  meurt  d'amour  pour  l'image  d'une 
espèce  de  Turc  de  carnaval  qui  est  le  fruit  de  ses  pinceaux.  Un  guide 
basque  et  un  cocodès  jaune,  amoureux  de  sa  soubrette   et  de  sa 


nièce,  s'entendent  pour  la  mystifier,  afin  de  la  forcer  à  donner  son 
consentement  à  leur  mariage ,  en  la  compromettant.  Donc ,  le  guide 
Andréas  s'introduit  dans  le  cadre  du  Turc  Hassan,  et,  docile  à  l'évo- 
cation de  Clorinde,  il  s'anime  comme  Galathée,  mais  pour  faire  bientôt 
repentir  l'artiste  de  ses  vœux  indiscrets.  Il  va  sans  dire  que  les  com- 
plices d'Andréas  prennent  plusieurs  déguisements  pour  seconder  ses 
projets,  et  que  tous  ensemble  ils  bouleversent  complètement  les  idée.s, 
déjà  fort  obscures,  de  Clorinde  ;  que  la  pauvre  femme  est  trop  heu- 
reuse de  penser  qu'elle  a  fait  un  mauvais  rêve,  et  de  retourner  bien 
vite  à  la  réalité. 

La  musique  que  M.  Frédéric  Barbier  a  brodée  sur  ces  situations 
bouffonnes,  nous  a  paru  on  ne  peut  mieux  adaptée  au  sujet.  Le  public 
a  particulièrement  fait  bon  accueil  à  une  sérénade  pour  deux  voix 
d'hommes,  à  un  duo  comique  et  à  la  ronde  de  l'émir,  qui  est  le  mor- 
ceau capital  de  sa  partition. 

Mlles  Giraldine  et  Laurent  sont  très-agréablement  placées  toutes 
deux  dans  les  rôles  de  la  soubrette  gracieuse  et  de  la  nièce  Florès. 
Duvernoy  et  Jean-Paul  s'acquittent  fort  bien  de  leurs  personnages 
grotesques.  Mais  les  honneurs  de  la  pièce  sont,  sans  contredit,  pour 
Mlle  Baudoin,  qui  interprète  en  vraie  comédienne  les  boutades  ex- 
centriques de  l'artiste  Clorinde. 

La  reprise  de  Ba-ta-clan  et  des  Deuc  Aveugles,  qui  accompagnait 
ces  deux  nouveautés,  a  fait  le  plus  grand  plaisir.  Pradeau,  Marchand, 
Tacova,  Mlles  H.  Loyé,  Tafïanel,  Simon,  Dalbert  remplissent  aujourd'hui 
les  principaux  rôles  de  la  célèbre  chinoiserie  musicale.  La  Kaoul- 
chou-lika,  dansée  par  Mlle  Simon,  l'ancienne  ballerine  de  l'Opéra,  et 
par  tous  ses  camarades,  t'.'rmiae  dignament  cette  bouffonnerie. 

D. 


BEVUE  CRITIQUE. 

SIX  UÉIiODIEiS  DE!    11.   <I.   CBSI^SSOi^'i^'Om. 

(Deuxième  volume  des  Haumosies.) 

Dans  sou  deuxième  comme  dans  son  premier  volume ,  intitulé 
Harmonies,  M.  Cressonnois  n'a  pas  compté  seulement  sur  le  charme 
et  l'intérêt  de  sa  musique;  il  s'est  inspiré  des  vers  si  puissants,  si 
colorés  de  Victor  Hugo,  et-des  pensées  si  spirituelles,  si  fraîches  et  si 
délicates  de  Théodore  de  Banville,  de  Piron  et  d'Armand  Barthct, 
l'heureux  auteur  du  Moineau  de  Lesbie,  de  cette  admirable  bluette  à 
laquelle  l'inimitable  talent  de  Rachel  donna  presque  la  valeur  d'une 
belle  étude  antique,  et  qu'on  osa  dans  le  temps  comparer  à  la  Ciguc 
d'Emile  Augier.  M.  Cressonnois  aime  l'art  et  respecte  le  public,  — 
deux  choses  assez  rares  aujourd'hui;  —c'est  un  artiste  sérieux,  et 
qui  s'adresse  évidemment  à  tous  ceux  qui  ont  une  sainte  horreur  de 
la  banalité. 

Le  Dernier  baiser  est  une  mélodie  plus  gracieuse  et  plus  vocale  que 
quelques  autres  inspirations  du  recueil.  Ici  l'auteur  a  abandonné,  il 
est  vrai,  la  variété  des  accompagnemenls  qui  fait  le  principal  mérite 
de  plus  d'une  de  ses  compositions.  Le  chant  a  de  la  douceur,  de  la 
mélancolie,  de  la  tendresse;  il  est  bien  approprié  à  la  pensée  du  poëte, 
et  l'on  ne  regrette  pas  du  tout  les  harmonies  trop  serrées,  les  modu- 
lations trop  rapprochées,  les  dessins  trop  multipliés  dont  M.  Cres- 
sonnois entoure  très-souvent  ses  idées  mélodiques.  Il  y  a  demies  Tron- 
çotis  du  serpent  d'excellents  passages,  une  richesse  d'harmonie  rc  - 
marquable  et  des  détails  vraiment  délicieux;  mais  ils  rappellent 
malheureusement  plus  qu'il  ne  faudrait  les  formes  choisies  par  Schu- 
bert et  admirées  dans  ses  ravissants  petits  chefs-d'œuvre.  On  voudrait 
aussi  à  ce  morceau  un  .sentiment  plus  profond,  et  une  originalité  qui 
n'existe  guère  que  dans  la  manière  de  moduler.  Une  tonalité  franche 


hk 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


et  claire,  uû  chanl  simple,  naturel  et  plein  de  verve,  auquel  quelques 
retards  de  consonnances  donnent  une  gravité  tout  à  fait  aimable, 
telles  sont  les' principales  qualités  de  \â  Ronde  sentimentale.  L'accom- 
pagnement différent  (car  elles  ont  chacun  le  leur)  des  quatre  strophes 
qui  composent  cetle  ronde,  témoigned'un  vif  amour  pour  les  finesses  du 
contre-point  et  atteste  un  goût  très-exercé.  Ce  joli  morceau  et  le  Der- 
nier baiser  sont  faciles  à  comprendre,  faciles  à  chanter  et  plairont  à 
tous  également. 

Dans  la  Vieille  Chanson,  dans  la  Volage  et  dans  le  Printemps  d'a- 
vril, on  sera  frappé  de  la  nouveauté  de  la  coupe,  de  la  fraîcheur  de 
certaines  recherches  harmoniques,  et,  en  dépit  de  la  valeur  très- 
inégale  de  ces  mélodies,  en  dépit  de  la  difficulté  que  quelques-unes 
pourront  offrir  aux  chanteurs,  car  —  de  même  que  Lien  d'autres 
compositeurs  —  M.  Cressonnois  semble  être  plus  familiarisé  avec 
les  instruments  qu'avec  les  voix,  on  trouvera  que  toutes  sont  l'oeuvre 
d'un  musicien  instruit  et  distingué. 

Adolphe  BOTTE. 


BEVUE  DES  THÉÂTRES. 

Vabiétés  :  les  Scerels  du  grand  Albert,  vaudeville  en  deux  actes, 
par  MM.  Eug.  Grange  et  H.  Rochefort.  —  Ambigu  :  François  les 
bas-bleus,  drame  en  cinq  actes  et  sept  parties,  par  M.  Paul  Meu- 
rice.  —  Cirque  Napoléon  :  exercices  nouveaux. 

S'il  faut  juger  de  l'étal  de  prospérité  des  théâtres  parisiens  par  la 
rareté  des  pièces  nouvelles,  qui  n'a  jamais  été  plus  grande,  leur  situa- 
tion [est  assurément  très-florissante.  Tandis  que  les  Ganaches  abor- 
dent victorieusement  leur  centième  représentation,  que  le  Bossu  a 
dépassé  sa  cent  cinquantième  et  que  la  Prise  de  Pékin  est  devenue 
deux  ou  trois  fois  centenaire,  c'est  tout  au  plus  si  nous  trouvons  à 
enregistrer  deux  nouveautés  dans  la  quinzaine  qui  vient  de  s'écouler. 
11  y  a  bien  aux  Variétés  un  vaudeville  en  deux  actes,  intitulé  les 
Secrets  du  grand  Albert,  par  qui  la  revue  s'est  vu  détrôner,  mais 
nous  ne  pensons  pas  qu'il  ait  la  prétention  de  se  donner  pour  du 
nouveau.  Il  faudrait  être  bien  ignorant  des  productions  du  théâtre 
contemporain  pour  ne  pas  saluer,  comme  de  vieilles  connaissances, 
les  personnages  de  cette  œuvre  soi-disant  comique.  Son  excuse  est, 
assure-t-on,  qu'elle  a  été  oubliée  pendant  plusieurs  années  dans  les 
cartons.  Peut-être  aurait-on  mieux  fait  de  l'y  lais.ser!  Voici,  du  reste, 
de  quoi  il  s'agit  dans  ces  deux  actes  rétrospectifs  :  la  scène  se  passe  en 
Prusse,  du  temps  du  grand  Frédéric;  un  imbécile  de  jardinier,  chassé 
pour  une  bévue  digne  de  Jocrisse,  va  trouver  sa  prétendue  en  service 
chez  un  bourgmestre  qui  est  en  train  de  marier  sa  fille.  L'ex-jardinier, 
dans  un  accès  de  jalousie,  s'empare  d'une  canne,  d'un  flacon  et  d'un 
livre  dont  la  présence  entre  les  mains  de  la  soubrette  lui  inspire  de 
graves  soupçons.  Mais  à  peine  est-il  possesseur  de  ces  trois  talismans 
anonymes,  que  toutes  les  félicités  terrestres  lui  sont  dévolues.  Le 
bourgmestre  l'installe  dans  sa  maison  ;  on  l'entoure  de  soins  et  d'é- 
gards; les  femmes  lui  font  des  déclarations.  Bref,  notre  homme, 
marchant  de  surprises  en  surprises,  s'imagine  que  toutes  ces  bé- 
nédictions lui  sont  attirées  par  le  livre  qu'il  a  pris  à  sa  prétendue, 
et  qui  n'est  autre  que  l'ouvrage  cabalistique  des  Secrets  du  grand 
Albert.  Mais  la  vérité  est  tout  simplement  qu'on  le  prend  pour  un 
autre,  et  comme  cet  autre  a  sur  la  conscience  un  certain  nombre 
de  méfaits,  son  sosie  ne  tarde  pas  à  voir  le  revers  de  la  médaille, 
et  il  aurait  bien  de  la  peine  à  se  tirer  de  ce  mauvais  pas  si  l'ar- 
rivée soudaine  de  l'ofBcier  qui  a  donné  lieu  au  quiproquo  ne  ve- 
nait tout  expliquer  et  remettre  chacun  à  sa  place.  Nous  ne  savons  pas 
si  le  grand  Albert,  dans  son  livre  qui  traite  de  tout  et  de  quelque 
autre  chose  encore,  a  indiqué  la  recette  pour  faire  un  bon  vaudeville, 
mais  ce  qu'il  y  a  de  sûr,  c'est  que  les  auteurs  ne  l'y  ont  pas  ren- 
contrée. 


—  On  ne  se  douterait  guère  que,  sous  ce  titre  essentiellement  po- 
pulaire de  :  François- les- Bas-Bletis,  le  nouveau  drame  de  l'Ambigu 
eût  ses  racines  dans  l'histoire  authentique  du  grand  siècle.  Rien 
n'est  plus  vrai  pourtant,  et  nous  avouons  que  peu  de  pièces  offrent 
à  un  aussi  haut  degré  le  respect  de  sa  tradition.  Est-ce  un  bien  ?  Est- 
ce  un  mal?  La  question  est  délicate,  etnous  hésitons,  malgré  les  appa- 
rences, à  la  trancher  en  faveur  d'Alexandre  Dumas,  dont  les  drames 
historiques  ne  doivent  peut-être  leur  succès  qu'à  la  dose  romanti- 
que qu'il  y  a  mêlée  sans  façon.  Quoi  qu'il  en  soit,  gardons-nous  de 
mépriser  l'honorable  procédé  de  M.  Paul  Meurice,  et,  à  défaut  d'au- 
tres choses,  sachons -lui  gré  de  ses  bonnes  intentions.  Donc,  en  s'ap- 
puyant  formellement  sur  l'histoire,  il  nous  montre  Henriette  d'Angle- 
terre, si  connue  sous  le  nom  de  Madame,  en  proie  aux  poursuites 
amoureuses  de  trois  prétendants,  d'abord  le  roi  Louis  XIV,  puis  le 
duc  de  Guise  et  le  chevalier  de  Lorraine.  La  princesse  a  une  préfé- 
rence secrète  pour  le  duc  de  Guise;  mais  il  faut  à  tout  prix  la  cacher  à 
des  rivaux,  dont  l'un  est  tout-puissant,  et  l'autre  odieusement  vindi- 
catif. C'est  dans  l'intrigue  nécessitée  par  les  dangers  que  court  à 
tout  instant  Madame,  qu'apparaît  le  rôle  de  François-les-Bas-Bleus,  un 
petit  métayer,  frère  de  lait  de  Guise  et  protégé  d'Henriette  d'An- 
gleterre. Sans  rien  céder  pour  ainsi  dire,  aux  conventions  scéniques, 
M.  Paul  Meurice  lui  fait  traverser  les  réalités  de  son  drame,  en  l'é- 
tablissant gardien  zélé  de  ses  protecteurs,  jusqu'au  moment  où  le 
chevalier  de  Lorraine,  instruit  des  avantages  de  Guiche,  empoisonne 
la  tasse  dans  laquelle  doit  boire  Henriette,  ce  qui  donne  pour  dé- 
noûment  la  fameuse  exclamation  de  Bossuet  :  Madame  se  meurt  !  Ma- 
dame est  mortel 

M.  Paul  Meurice,  littérateur  sérieux,  affectionne  un  peu  trop  peut- 
être  ces  personnages  légendaires,  dont  le  nom  fait  un  violent  et  sin- 
gulier contraste  avec  les  figures  graves  dont  ils  sont  entourés.  Une 
première  fois,  cela  lui  a  réussi  avec  Mélingue,  dans  Fanfan-la-Tulipe  ; 
nous  ne  pourrions  aflirmer  qu'en  dépit  du  talent  de  Mme  Laurent,  le 
même  bonheur  fût  réservé  à  François-les-Bas-Bleus.  L'administration 
de  l'Ambigu  a,  du  reste,  monté  la  pièce  avec  un  luxe  de  décors,  de 
mise  en  scène  et  de  costumes  qui  attirent  le  public.  On  doit  de  justes 
éloges  à  la  façon  dont  Castellano  a  conçu  et  rendu  le  rôle  du  duc  de 
Lorraine.  Mlle  Esler  a  montré  de  la  sensibilité  dans  celui  de  Madame, 
et  Bondois  de  la  chaleur  dans  celui  du  duc  de  Guise. 

—  Depuis  quelque  temps,  le  Cirque  Napoléon  a  renouvelé  son  af- 
fiche en  grande  partie,  et  le  public  s'est  empressé  de  répondre  ù  l'ap- 
pel de  l'habile  direction  de  ce  spectacle.  Outre  le  couple  Bridges, 
outre  l'écuyer  américain  David  Richard,  et  le  vieux  Auriol,  qui  re- 
trouve par  instants  toute  la  verdeur  de  sa  jeunesse  pour  exécuter  une 
scène  favorite,  comme  celle  du  Poussah,  on  y  applaudit  maintenant 
le  Tourniquet,  par  le  jeune  Eugène  Pfau,  la  haute  école,  par  son 
frère  Antony,  qui,  en  digne  élève  de  Baucher,  obtient  des  mer- 
veilles de  son  cheval  Blaclt-Eagle,  la  collation  diabolique,  par 
Bond,  le  clown  Brunet  avec  ses  oiseaux  et  ses  mouches,  dont  il 
imite  si  bien  le  bourdonnement,  et  surtout  le  Songe  (Tor,  grande 
pantomime  féerie,  fort  émouvante,  qui  offre  l'innovation  d'un  pierrot 
italien  tout  de  noir  habillé. 

D.  A.  D.  SAINÏ-VVES. 


NOUVELLES. 

^**  Trois  représentations  consécutives  de  iaJtfî«e«e  de  Porlici  ont  encore 
eu  lieu  cette  semaine  au  théâtre  impérial  de  l'Opéra,  et  la  recette  atteint 
chaque  fois  le  maximum. 

^♦^  La  Dame  blanche  et  Lcdla-Bouck  sont  stéréotypées  sur  l'affiche  du 
théâtre  de  l'Opéra-Comique.  La  salle  est  toujours  pleine.  Il  n'y  a  eu 
d'interruption  que  par  suite  d'une  légère  indisposition  d'Achard,  pen- 


DE  PARIS. 


45 


dant  laquelle  Montaubry  a  joué  deux   fois  le  Portillon  de  Lunyjumeau, 
tout  en  gardant  son  rôle  dans  Lalla-Rouck. 

^*t  I^e  théâtre  Italien  a  joué  vendredi,  pour  la  dernière  fois  de  la  sai- 
son, la  Somambuta  avec  Mlle  Patti.  La  salle  était  comble,  et  bien  des 
amateurs  ont  dû  être  refusés.  La  jeune  et  déjà  si  célèbre  cantatrice 
s'est  surpassée  et  a  été  rappelée  après  chaque  acte  par  les  applaudisse- 
ments les  plus  enthousiastes.  On  donne  aujourd'hui  aussi  pour  la  der- 
nière fois  Don  Pasquate,  dans  lequel  Mlle  Adelina  Patti  chantera  le  rôle 
de  Norina.  C'est  le  16  «[u'elle  quitte  Paris  pour  aller  commencer  à  Vienne 
le  cours  de  ses  représentations. 

**^  Une  répétition  de  Stradella  a  eu  lieu  à  l'orchestre  ;  les  décorations 
et  ics  costumes  sont  prêts.  L'œuvre  de  M.  de  Flotow  sera  donnée  im- 
médiatement après  le  départ  de  Mlle  Patti. 

^*f  J.  Offenbach  est  ùe  retour  de  Berlin  et  va  présider  aux  répéti- 
tions de  son  opérette  Bavard  et  bavarde,  qui  sera  donnée  incessamment 
aux  Bouffes. 

,*«  Des  dépêches  télégraphiques  annoncent  que /e  Prophète  vient  d'être 
représenté  pour  la  première  fois  au  théâtre  du  Liceo  ;i  Barcelone  avec 
un  immense  succès.  On  ne  se  rappelle  pas  un  enthousiasme  pareil.  Les 
principaux  rôles  ont  été  remplis  par  Mme  Vera-Lorini  (Fidès) ,  Musiani 
(Jean  de  Leyde)  et  Mme  Brajda  -  Lablache  (Bena).  Ce  succès  s'est  con- 
firmé â  la  deuxième  représentation.  La  salle  était  comble  comme  la  pre- 
mière fois  ;  les  artistes,  les  décorateurs  ont  été  rappelés  à  maintes 
reprises.  Verger,  le  directeur,  l'a  été  quatre  fois  ;  il  est  vrai  qu'il  n'avait 
rien  épargné  pour  monter  le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer  avec  la  splen- 
deur qu'il  comporte.  Barcelone  est  d'ailleurs  la  première  ville  d'Espagne 
à  laquelle  il  ait  été  jusqu'à  présent  donné  de  l'entendre. 

***  On  annonce  la  destruction,  par  un  incendie,  du  théâtre  Hoyal 
de  Glascow.  Malgré  la  rapidité  des  secours  et  la  présence  de  treize  puis- 
sautes  pompes  mises  de  suite  enjeu,  ce  théâtre  n'est  plus  qu'un  moa- 
ceau  de  ruines.  On  pense  que  le  feu  a  pris  dans  le  magasin  des  accès 
soires. 

,**  M.  Gye  directeur  du  théâtre  italien  de  Covent  Garden ,  et  M. 
Mapleson,  directeur  de  Her  Hajesty's  Iheaier  à  Londres,  sont  à  Paris  en 
ce  moment. 

**:(  S.  M.  l'Empereur  a  fait  en  personne,  dans  la  grande  salle  du 
palais  du  Louvre,  la  distribution  des  récompenses  aux  exposants  fran- 
çais dont  les  mérites  ont  été  signalés,  par  la  commission  impériale,  à 
la  dernière  Exposition  universelle  de  Londres.  M.  Henri  llerz  a  reçu  la 
croix  d'officier  de  la  Légion  d'honneur,  pour  l'excellence  dans  la  fabri- 
cation de  ses  pianos  ;  et  M.  Auguste  Wolff,  celle  de  chevalier  de  la 
Légion  d'honneur,  pour  perfectionnement  et  excellence  dans  la  fabrica- 
tion de  pianos  de  la  maison  Pleyel- Wolff  et  C".  Ces  deux  nominations 
ont  été  accueillies  avec  une  satisfaction  générale. 

^*i  D'importants  travaux  de  restauration,  d'embellissements  et  de 
transformation  sont  entrepris  depuis  quelques  mois  au  Conservatoire  de 
musique  et  de  déclamation  :  la  décoration  de  la  salle  de  spectacle  a  été 
refaite  ;  on  change  le  local  de  la  bibliothèque  des  partitions,  et  l'on  est 
en  train  de  préparer  un  emplacement  pour  le  musée  Clapisson.  Les 
bustes  des  artistes  qui  ont  le  plus  contribué  i  l'illustration  de  nos 
scènes  lyriques  et  dramatiques  ont  été  commandés  à  divers  sculpteurs 
par  le  ministre  d'Etat,  et  doivent  concourir  à  l'ornementation  du  musée 
et  de  la  bibliothèque  du  Conservatoire. 

**„,  Aujourd'hui  dimanche,  concert  populaire  de  musique  classique 
sous  la  direction  de  Pasdeloup.  En  voici  le  programme  :  1°  Ouverture  de 
Geneviève,  de  Robert  Sohumann.  2"  Symphonie  (n°  42),  de  Haydn.  3»  Ada- 
gio du  9=  quatuor  de  Beethoven  pour  tous  les  instruments  à  cordes. 
i°  Le  Songe  d'une  nuit  d'été ,  de  iUendelssohn. 

.,,**  Mardi  prochain,  â  8  heures ,  aura  lieu  dans  la  salle  de  l'hôtel  du 
Louvre ,  le  concert  à  grand  orchestre  de  Mme  Madeleine  Graever  sous 
la  direction  de  Litolff.  En  voici  le  programme  :  ouverture  à'Oberon,  air 
de  Joseph,  chanté  par  Boger,  troisième  concerto  symphnnique  de  Litolff, 
exécuté  par  Mme  Graever;  le  Roi  des  aulnes,  chanté  par  Roger;  andante 
et  rondo  du  concerto  en  mi  bémol  de  Beethoven,  exécuté  par  Mme 
(iraever. 

^'^\^  La  célèbre  pianiste  ,  Mme  Clara  Schuniann ,  donnera  samedi  pro- 
chain 13  février,  un  concert  dans  les  salons  Erard.  Elle  y  fera  entendre 
avec  MM.  Arminj-aud  et  Jacquard,  le  trio  en  mi  bémol  de  Beethoven  , 
et  seule  deux  canons  de  Robert  Schumann  pour  le  piano  à  pédales;  des 
variations  de  Mendclssohn ,  le  nocturne  en  fa  dièse  mineur  et  l'étude 
en  sol  bémol  de  Chopin. 

»*,t  IVIme  Erard  réunissait  dimanche  dernier,  pour  la  deuxième  fois 
de  la  saison,  dans  son  splendide  appartement  de  la  rue  du  Mail,  les 
personnes  de  son  intimité  et  les  artistes  les  plus  distingués.  On  y  a  fait 
d'excellente  musique  pour  l'interprétalicn  de  laquelle  Mme  Erard  n'a 


que  l'embarras  du  choix.  Dimanche,  c'était  le  tour  de  MM.  Lubeck, 
Armingaud  et  Jacquard,  pour  la  partie  instrumentale,  et  de  Mlle  Tre- 
belli  pour  le  chant.  Un  trio  de  Mendelssohn  par  les  trois  célèbres  vir- 
tuoses a  été  enlevé  avec  un  ensemble  admirable;  M.  Armingaud  a 
joué  ensuite  avec  une  délicatesse  et  un  fini  merveilleux  deux  petites 
perles  de  son  écrin  de  compositeur,  Tenerezza  et  la  Dame  russe,  qui 
ont  enchanté  l'auditoire.  L'adagio  d'une  sonate  de  Mozart  a  fait  valoir 
ensuite  les  belles  qualités  qui  distinguent  le  talent  de  M.  Lubeck 
et  de  M.  Jacquard.  Mlle  Trebelli  apparaissait  dans  les  intervalles 
avec  son  bel  organe  et  son  excellente  méthode;  elle  avait  choisi 
trois  morceaux  d'un  caractère  tout  à  fait  différent  :  un  air  du  Giura- 
mento  ,  sévère  et  dramatique;  Voi  che  sape  te ,  chant  de  tendresse  et 
d'amour,  et  une  valse  nouvelle,  fort  en  vogue  à  Saint-Pétersbourg,  oii 
elle  a  été  composée  pour  Mme  Nanti er-Didiée,  sous  le  titre  de  :  Echo  des 
îles  (1).  Mlle  Trebelli  a  su  donner  à  chacun  de  ces  morceaux  son  ca- 
ractère propre,  et  la  jeune  et  belle  cantatrice  a  dû  être  satisfaite  de 
se  voir  si  bien  appréciée  par  les  connaisseurs  qui  l'entouraient  de  leurs 
hommages  et  de  leurs  félicitations. 

^,'%  On  nous  écrit  de  Belgique  que  les  concerts  donnés  cette  semaine 
par  Prudent  au  grand  théâtre  d'Anvers  et  à  Gand,  n'ont  pas  été  moins 
brillants  que  celui  qui  avait  produit  tant  d'effet  à  Bruxelles:  aussi  y 
a  t-il  été  rappelé  pour  en  donner  un  deuxième  au  théâtre,  avec  l'or- 
chestre et  les  chœurs.  Le  grand  pianiste  sera  de  retour  à  Paris  cette 
semaine. 

a,**  Mercredi  prochain,  quati-ième  et  dernière  soirée  de  Mme  Escudier- 
Kastner,  Vieuxtemps  et  Batta.  Bonnohée,  de  l'Opéra,  y  chantera  deux 
morceaux.  Le  trio  en  ré  de  Mendelssohn,  la  grande  paraphrase  du  Songe 
d'une,  nuit  d'été,  du  même  c.impositcur,  arrangée  par  Liszt,  et  le  duo,  de 
Thalberg  et  de  Bériot ,  sur  les  Huguenots,  de  Meyerbeer,  composent  un 
programme  qui  couronnera  dignement  ces  quatre  soirées. 

,f*:t  C'est  samedi  lu  février,  dans  les  salons  Pleyel-Wolff,  qu'aura  lieu 
le  concert  donné  par  M.  Dumon,  professeur  de  flûte  au  Conservatoire 
de  Bruxelles.  Nous  avons  annoncé  l'arrivée  à  Paris  de  cet  artiste  hors 
ligne,  et  qui  justifie  de  tout  point  la  réputation  acquise  par  la  Belgique 
dans  la  personne  des  Vieuxtemps,  Servais,  de  Bériot,  etc.  Mme  Pleyel, 
MM.  Archainbaud,  Dancla  et  Lee  se  sont  empressés  de  lui  offrir  leur 
concours.  Le  programme  est  d'ailleurs  des  plus  intéressants  et  promet 
de  nombreux  auditeurs  à  M.  Dumon  ;  car,  outre  le  trio  en  ut  mineur 
de  Mendelssohn,  exécuté  par  lime  Pleyel,  MM.  Dancla  et  Lee,  une  so- 
nate de  Weber,  jou  e  par  la  célèbre  pianiste  avec  le  bénéficiaire,  des 
airs  valaques,  et  une  fantaisie  pour  flûte,  un  andante  de  Flummel,  par 
Mme  Pleyel,  satisferont  les  plus  difficiles. 

,,,**  Mercredi  prochain  II  février,  à  8  heures  1/2  du  soir,  dans  les 
salons  de  MM.  'Wolff  et  C",  la  deuxième  séance  de  MM.  Armingaud, 
Jacquard,  Lalo  et  Mas,  avec  le  concours  de  Mme  Massart. 

3,%  M.  Vincent  AdliT  donnera  vendredi  prochain,  13  février,  un 
concert  dans  les  salons  d'Erard,  avec  le  concours  de  Mlle  Marie  Cru- 
velli  et  de  MM.  Armingaud,  Jacquard,  Lalo  et  Mas.  M.  Vincent  Adler 
fera  entendre,  entre  autres  morceaux  :  une  liarcarolle  et  une  Tarentelle 
inédites  de  sj,  composition  ;  il  exécutera  en  outre  sa  Scène  de  bal  et  le 
Thème  siyrien  ,  deux  de  ses  œuvres  les  plus  justement  connues  et  ad- 
mirées. 

,j*,t.  La  tournée  artistique  des  frères  Lamoury  et  d'Henri  Kovalsky,  en 
Bretagne,  s'accomplit  d'une  façon  très-brillante.  Ils  ont  joué  au  concert 
des  Sociétés  philharmoniques  d'Angers  et  de  Vannes,  et  sont  appelés  pour 
la  troisième  fois  à  Nantes;  partout  ils  ont  trouvé  le  plus  chaleureux 
accueil. 

^*^  MM.  les  ecelésiastiques,  organistes  et  maîtres  de  chapelle  qui  ont 
adhéré  â  la  formation  d'une  Société  pour  la  restauration  du  plain-chant 
et  de  la  musique  d'église,  et  les  personnes  qui  se  proposent  d'en  faire 
partie,  sont  convoqués  à  une  assemblée  générale  à  2  h.  1/2,  dans  les 
salons  Erard  ,13,  rue  du  Mail,  sous  la  présidense  de  M.  l'abbé  Victor 
Pelletier,  chanoine  de  l'égUse  d'Orléans ,  ancien  président  du  congrès 
pour  le  plain-chant  et  la  musique  de  l'Eglise.  C'est  dans  cette  séance  que 
la  Société  doit  être  définitivement  constituée. 

^''■^  Le  syndicat  de  la  Société  des  auteurs,  compositeurs  et  éditeurs  de 
musique,  interprète  des  sentiments  de  ses  commettants,  a,  dans  sa 
séance  du  29  janvier  1 863,  voté  une  offrande  de  300  francs  aux  ouvriers 
malheureux  de  l'industrie  cotonnière.  Il  a,  de  plus,  décidé  qu'il  renon- 
çait â  tous  ses  droits  sur  les  bals  et  concerts  qui  seraient  donnés  exclu- 
sivement au  bénéfice  de  ces  ouvriers  dans  toute  la  France. 

,f*^  Le  concert  orphéonique  donné  â  Rouen  au  bénéfice  des  ouvriers 


(1)  Les  lies  formées  par  les  divers  bras  de  la  Neva  autour  de  Saint-Pétersbourg, 
sont  le  séjour  d'été  de  l'aristocratie  russe,  qui  les  a  peuplées  de  nombreuses  et 
élégantes  villas. 


46 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


cotonniers   a  produit  une  recette  de  6,000  francs.  L'effet  moral  a  été 
immense. 

**,  En  quittant  la  Norwége,  où  il  obtient  de  grands  succès.  Ser- 
vais devait  se  rendre  en  Russie  ;  mais  cédant  aux  instances  des  ad- 
mirateurs de  son  beau  talent,  il  viendra  vers  la  fin  de  ce  mois  à  Paris 
pour  s'y  faire  entendre. 

**,  Mercredi  25  courant,  salle  Herz,  M.  Edmond  Hocmelle,  organiste 
de  Saint-Philippe  du  Roule  et  de  la  chapelle  du  Sénat,  donnera  une 
matinée  musicale  et  littéraire,  avec  le  concours  de  MM.  Alard,  Jules 
Lefort,  de  Mlle  Agar  et  autres  artistes  d'élite.  M.  Hocmelle  fera  en- 
tendre ses  nouvelles  compositions  pour  l'orgue  d'Alexandre  et  pour  le 
piano;  il  chantera  deux  romances  dont  il  est  l'auteur;  enfin  il  produira 
pour  la  première  fois  en  public  une  jeuno  cantatrice,  son  élève, 
Mlle  Marti  nelli. 

«*a,  La  troisième  séance  de  musique  de  chambre  de  M.  Charles  La- 
moureux  aura  lieu  le  10  février,  à  8  heures  et  demie,  dans  les  salons 
Pleyel.  En  voici  le  programme  :  1»  trio  en  ut  mineur,  pour  piano,  vio- 
lon et  violoncelle,  Mondelssohn;  2°  quatuor  en  re  majeur  (n"  63),  pour 
deux  violons,  alto  et  violoncelle,  Haydn;  3"  variations  de  la  sonate  en 
la  majeur,  pour  piano  seul,  Mozart;  4°  quatuor  en  si  bémol  (n°  6), 
pour  deux  violons,  alto  et  violoncelle,  Beethoven. 

/*  La  -société  impériale  de  Valenciennes  ouvre  un  concours  de  com- 
position musicale  pour  chœur  d'hommes  (sans  accompagnement  ni  solo) 
sur  les  paroles  d'un'3  cantate  ayant  pour  titre  la  Poésie  pour  tous.  Une 
médaille  en  or  ou  en  vermeil,  selon  le  mérite  de  l'œuvre,  sera  décernée 
à  l'auteur  de  la  composition  jugée  la  meilleure.  Les  manuscrits  devront 
être  adressés  franco  au  secrétaire  général  de  la  Société  d'ici  au  1"  mai 
prochain,  terme  de  rigueur  ;  s'adresser  en  outre  à  lui  pour  tous  autres 
renseignements. 

***  I.'éminent  pianiste-compositeur  Bernard  Rie,  vient  de  publier, 
chez  l'éditeur  Heugel,  au  Ménestrel,  un  nocturne  sur  la  sérénade  du 
Barbier.  Ce  morceau,  que  l'auteur  -à  dédié  à  Rossini,  est  appelé  à  un 
grand  et  légitime  succès,  M.  Rie  le  fera  entendre  au  concert  que  l'é- 
minent  artiste  donnera  le  7  mars,  avec  orchestre,  à  la  salle  Herz. 

*',,Un  arrangement  facile  de  la  valse Gi'oj'a  insolitade  Strakosch,  com- 
posé pour  le  piano  par  H.  Wolfart ,  vient  de  paraître. 

*"*  Sous  le  titre  de  Derniers  souvenirs  et  Portraits,  il  vient  de  paraî- 
tre chez  Michel  Lévy  un  volume  contenant  une  nouvelle  collection  de 
travaux  et  d'écrits  laissés  par  F.  Halévy.  Ce  ne  sont  pas  les  moins  im- 
portants ni  les  moins  remarquables,  et  nous  aurons  bientôt  l'occasion 
de  nous  en  occuper. 

***  M.  Léon  Crus  vient  d'acquérir  la  propriété  des  œuvres  suivantes 
de  Victor  Massé  ;  Galathée,  les  Saisons,  les  Chants  bretons,  les  chaiits 
d'autrefois,  les  chants  du  soir. 

.^*t  Parmi  les  manuscrits  qui  font  partie  de  la  succession  du  célèbre 
poëte  Uhlaud,  on  a  trouvé  une  opérette  intitulée  :  le  Chevalier  de  l'Ours, 
qu'il  avait  écrit  en  collaboration  avec  J.  Kerner.  C'est  Kucken  qui  s'est 
chargé  d'en  composer  la  musique. 

.j:*^  LL.  MM.  l'Empereur  et  l'Impératrice  ont  daigné  honorer  de  leur 
patronage  la  fête  annuelle  de  la  Société  de  secours  mutuels  des  artistes 
dramatiques,  qui  aura  lieu,  le  samedi  7  mars,  dans  la  salle  du  théâtre 
impérial  de  IjOpéra-Comique.  On  souscrit  chez  les  artistes  de  tous  les 
théâtres  de  Paris,  et  chez  le  trésorier  de  l'OEuvre,  68,  rue  de  Bondy. 
Pour  la  location  des  loges  s'adresser  à  M.  Berthier,  membre  du  Con- 
seil, régisseur  de  la  danse  au  théâtre  impérial  de  l'Opéra. 

***  Samedi  prochain  a  lieu  le  dernier  bal  de  la  saison  à  l'Opéra. 
L'orchestre,  composé  de  cent  cinquante  musiciens,  sera  conduit  par 
Strauss.  Chacun  des  derniers  bals  n'a  pas  fait  moins  de  30,000  francs  de 
recette  ! 

*,,*  Nos  lecteurs  n'ont  pas  oublié  les  deux  excellents  articles  publiés 
dans  ce  journal,  et  intitulés  :  le  passé,  le  présent  et  l'avenir  du  chiffre  ap- 
pliqué à  la  notation  musicale  en  Allemagne,  par  William  Cronthal  (1).  Tant 
de  demandes  nous  ont  été  adressées  par  des  personnes  qui  désiraient  se 
procurer  ces  articles,  que  le  tirage  en  est  épuisé.  L'auteur  a  donc  jugé 
à  propos  de  les  réunir  en  une  brochure ,  qui  vient  de  paraître  chez 
MM.  Napoléon  Chaix  et  0%  rue  Bergère,  20.  —  Prix,  25  centimes. 


CHRONIQUE    DÉPARTEMENTALE. 

,"**  Marseille.  —  Morère  continue  de  chanter  avec  succès.  Nous  avons 
eu,  cette  semaine,  une  belle  représentation  de  Robert  le  Diable.  Après 


(1)  Voir  les  numéros  des  21  et  28  octobre  1860. 


le  troisième  acte ,  le  jeune  artiste  a  été  rappelé  deux  fois.— La  mort  de 
notre  compatriote  Etienne  Arnaud  a  été  pour  notre  ville  un  deuil  géné- 
ral. Les  qualités  éminentes  qui  distinguaient  ce  jeune  artiste,  le  mérite 
de  ses  compositions,  dont  plusieurs  sont  devenues  populaires ,  sa  bien- 
veillance pour  les  jeunes  talents  auxquels  son  appui  était  toujours  as- 
suré, une  fin  prématurée  au  moment  même  où  il  attendait  do  l'air  natal 
le  retour  à  la  santé ,  tout  se  réunissait  pour  provoquer  des  regrets  qui 
auront  trouvé  de  l'écho  dans  le  monde  des  arts  à  Paris,  où  Etienne 
Arnaud  s'était  fait  des  amis  aussi  nombreux  que  sincères. 

,  j.  La  Rochelle.  —  La  Société  philharmonique  a  inauguré,  au  mois  de 
novembre  dernier,  sa  quarante-septième  année.  Cette  association,  une 
des  plus  anciennes  de  France,  a  cela  de  remarquable  qu'à  ses  soirées 
mensuelles  elle  donne  presque  toujours  des  œuvres  inédites.  Au  dernier 
concert  on  a  entendu  une  symphonie  inédite  de  M.  Léon  Meneau  :  une 
orchestration  brillante  et  de  la  facilité  dans  le  style  sont  les  qualités 
principales  de  cette  œuvre,  qui  a  été  reçue  très- favorablement.  Le 
scherzo  a  été  particulièrement  remarqué. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 

^'^f,  Bruxelles.  —  Mardi  a  eu  lieu  la  première  représentation  de  la  Chaitc 
merveilleuse  d'Albert  Grisar  ,  interprétée  par  Mlle  Monrose,  Jourdan , 
Mlle  Cebe  Dupuy ,  MM.  Bonnefoy ,  Aujac  et  Carrier.  Le  succès  a  été  très- 
grand  ;  la  direction  a  monté  l'ouvrage  avec  beaucoup  de  luxe.  —  La 
Société  philharmonique  a  donné  samedi  un  concert  avecVieuxtemps  et 
Mme  Mayer  Boulart.  La  polonaise  de  Struensée  y  a  été  exécutée  par  l'or- 
chestre avec  un  ensemble  et  un  cachet  artistique  qui  font  le  plus  grand 
honneur  à  M.  Soubre  le  chef  d'orchestre .  Mme  Boulart  a  été  chaleureu- 
sement applaudie,  dans  l'air  de  l'Ombre  du  Pardon  de  Ploërmel,  qu'elle  a 
chanté  admirablement, 

,j*,j,  Bâle.  —  Un  brillant  succès  vient  d'accueillir  le  dernier  chef- 
d'œuvre  de  Meyerbeer,  Dinorah,  représentée  pour  la  première  fois  sur 
notre  théâtre. 

.f*^  Cologne.  6  février.  —  Dans  le  concert  donné  le  27  janvier  au 
Gurzenich,  sous  la  direction  de  Ferdinand  Hiller,  Mme  Schumann 
s'est  fait  entendre;  M.  Marchesi  a  chanté  un  air  de  Haendel  et  un  air  de 
Mozart  après  lesquels  il  a  été  rappelé  plusieurs  fois.  Le  2  de  ce  mois, 
il  a  débuté  au  théâtre  dans  le  rrouatore  et  chanté  avec  beaucoup  de  succès 
le  rôle  du  comte  de  Luna  en  italien  :  deux  jours  après,  il  a  chanté  Don 
Juan  en  allemand,  et,  le  lendemain,  il  est  revenu,  dans  Lucrèce Borgia,  à 
la  langue  italienne. 

^'^^  Berlin.  —  La  magnifique  ouverture  composée  par  Meyerbeer  pour 
l'inauguration  de  l'Exposition  à  Londres,  a  été  exécutée  dans  un  concert 
de  la  Cour;  elle  a  enthousiasmé  l'auditoire.  Le  maître  y  avait  introduit 
des  chœurs  pour  chanter  le  thème  de  Rule  Britania!  intercalé  dans  cette 
ouverture  ;  l'effet  en  a  été  très-grand.  Voici  les  principaux  morceaux 
choisis  par  Meyerbeer,  sous  la  direction  duquel  ce  concert  a  été  donné, 
pour  composer  le  programme  :  chœur  des  Sabines  et  des  Juives  de 
la  Reine  de  Saba,  de  Gounod;  une  scène  de  l'opéra  Rienzi,  de  Wagner; 
air  de  Cenerentola,  de  Rossini  ;  boléro  des  Vêpres  siciliennes,  de  Verdi.  — 
Gounod  et  Offenbach  sont  venus  ici.  Le  dernier  a  dirigé  l'orchestre  au 
théâtre  de  Frédéric-Guillaume,  pour  la  représentation  d'Orphée  aux  en- 
fers, donnée  au  bénéfice  d'une  artiste  au  costume  de  laquelle  le  feu 
avait  pris,  et  qui  a  été  cruellement  atteinte  par  les  flammes.  —  Los 
Pécheurs  de  Catane  ont  été  représentés  pour  la  première  fois  au  même 
théâtre,  où  le  charmant  opéra-comique  de  Maillart  a  été  accueilli  de  la 
façon  la  plus  favorable.  Mlle  Ungher  et  M.  Haerdner  ont  été  fort  re- 
marquables dans  le  rôle  de  Nella  et  de  Fernand  :  on  les  a  chaleureuse- 
ment applaudis;  la  mise  en  scène  est  fort  brillante,  et  a  contribué  au 
succès  de  l'ouvrage.  —  Mlle  Désirée  Artot  a  recommencé  ses  représen  • 
tations,  au  théâtre  Victoria,  par  le  rôle  d'Amina  de  la  Somnambule.  Le 
public  a  fait  un  chaleureux  accueil  à  l'éminente  cantatrice,  et  n'a 
cessé  de  lui  donner,  pendant  toute  la  soirée,  de  nombreux  témoignages 
de  sympathie  et  d'enthousiasme.  —  A  ce  même  théâtre  a  été  célébrée 
une  fête  commémorative  en  l'honneur  d'Uhland.  Il  y  a  eu  prologue, 
tableaux  vivants  représentant  les  principaux  personnages  qui  figurent 
dans  ses  poésies,  etc. 

.^*^  Hambourg.  —  Stradella,  de  Flotow,  l'un  des  opéras  les  plus  goûtés 
en  Allemagne,  vient  d'être  représenté  sur  le  théâtre  de  la  Ville  pour  la 
centième  fois. 

,^'*,i,  Brcslau .  —  Le  théâtre  de  la  Ville  a  donné  la  première  représentation 
de  la  Réolc,  opéra-comique  en  trois  actes,  par  Gustave  Schmidt.  Le  texte, 
qui  est  de  la  célèbre  Mme  Birch-Pfeiffer,  offre  des  situations  intéres- 
santes. La  Réole  est  un  château  fort  en  Navarre  que  la  reine  Catherine 
de  Médicis  veut  enlever  à  son  gendre,  le  roi  Henri  de  Navarre.  Ce  qui 
caractérise  surtout  la  musique  de  M.  Gustave  Schmidt,  c'est  qu'elle  est 


DE  PARIS. 


W 


facile  et  chantante  :  elle  a  de  la  grâce  et  de  l'élégance,  et  se  rapproche 
beaucoup  de  la  manière  des  compositeurs  français.  Le  succès  n'a  pas 
été  douteux  un  seul  instant. 

^*^  h'œnigsberg.  —  A  partir  du  2  février,  il  paraît  ici  une  nouvelle 
feuille  musicale,  sous  le  titre  de  Gazette  musicale  pour  l'Allemagne  du 
Nord,  et  rédigée  par  M.  Auguste  Pabst. 

^*^  Vienne.  —  Satter  est  décidément  le  lion  de  la  saison.  A  son 
deuxième  concert,  le  succès  de  l'éminent  pianiste-compositeur  a  été 
encore  plus  brillant  qu'au  premier.  Ce  qui  donne  plus  d'importance  à 
ce  succès,  c'est  que  l'artiste  n'a  exécuté  que  ses  propres  compositions, 
parmi  lesquelles  on  a  surtout  remarqué  le  grand  trio,  une  valse,  et  le 
morceau  intitulé  ;  Vienne.  —  Les  répétitions  de  l'orchestre  et  des  chœurs 
du  théâtre  Italien  ont  commencé  au  Carl-Theater.  Mi\e  Patti  débutera,  par 
le  rôle  d'Amina,  dans  la  Sonnambula.  Parmi  les  artistes  engagés  en 
outre  par  le  directeur  Merelli,  on  cite  Mlle  Trebelli,  et  les  ténors  Giu- 
glini  et  Carrion.—  On  annonce  que  Mlle  Bockholz-Falconi  et  Mme  Belart 
ont  été  nommées  professeurs  de  chant.  Pour  les  classes  d'hommes,  on 
désigne  MM.  Gentiluomo  et  Wolff. 

.„*^  Saint-Pétersbotirg,  18/30  janvier.  —  Notre  saison  italienne  touche  à 
sa  fin  et  vient  d'être  signalée  par  une  belle  représentation  (TOlello  au 
bénéfice  de  Tamberlick.  Outre  le  talent  du  bénéficiaire,  pour  lequel  le 
rôle  d'Otello  est  toujours  un  triomphe  assuré,  Mme  Barbot  (Desdemona), 
Calzolari,  Debassini  et  Everardi  formaient  un  ensemble  qui  se  rencon- 
trerait difficilement  ailleurs  qu'ici.  La  représentation  a  donc  été  de  tout 
point  remarquable.  Seulement  un  incident  a  ému  un  instant  l'audi- 
toire :  à  la  dernière  scène,  au  moment  où  Otello  poursuit  Desdemona 
pour  la  frapper  de  son  poignard,  embarrassée  dans  les  plis  de  sa  robe, 
Mme  Barbot  a  fait  une  chute  assez  violente  pour  que  la  belle  canta- 
trice s'évanouît  sur  le  coup.  Des  marques  du  plus  vif  intérêt  se  sont 
matifestées  de  toutes  les  parties  de  la  salle,  et  le  public  ne  s'est  rassuré 
que  lorsqu'il  a  su  que  Mme  Barbot  en  serait  quitte  pour  une  contusion 
et  quelques  écorchures.  —  Le  théâtre  Marie  a  eu  aussi  sa  solennité. 
L'opéra  inédit  de  M.  Villebois  (notre  compatriote,  quoique  d'origine  fran- 
çaise), Natascha,  dont  je  vous  ai  annoncé  la  mise  en  répétition,  a  été  re- 
présenté pour  la  première  fois  au  bénéfice  de  Mme  Leonoff.  Sans  être 
une  œuvre  de  premier  ordre,  on  y  reconnaît  le  travail  d'un  homme  qui 
a  fait  des  études  sérieuses  ;  mais,  ce  qui  n'est  pas  à  dédaigner  de  nos 
jours,  c'est  qu'elle  renferme  beaucoup  de  mélodies  originales.  Ainsi,  on 
a  remarqué  au  premier  acte  un  duo  pour  ténor  et  soprano,  très-bien 
fait;  au  deuxième  acte,  une  charmante  romance  et  un  air  très-drama- 
tique, se  terminant  par  une  prière  d'un  grand  effet.  Mme  Blanchi  a  fort 
remarquablement  dit  ce  morceau.  Deux  chœurs  de  brigands  ont  pro- 
voqué de  légitimes  applaudissements.  En  un  mot,  c'est  un  succès  fort 
honorable  pour  le  compositeur,  qui  a  été  rappelé  plusieurs  fois.  Les  in- 
terprètes de  Natascha,  Mme  Bianchi,  Mme  Leonoff,  Nikolsky,  Wassilieff 
et  Goumbine,  ont  fait  vaillamment  leur  devoir.  Nikolsky  a  délicieu- 
sement chanté  la  romance  du  deuxième  acte.  —  Le  théâtre  d'opéra 
russe  vient  de  s'enrichir  d'une  recrue  qui  lui  sera  fort  utile,  la  basse 
chantante  Radonejski.  Envoyé  au  Conservatoire  de  Milan  pour  se  perfec. 
t'onner  dans  l'art  du  chant,  ses  études  lui  ont  profité,  et  il  a  acquis  un 
véritable  talent  dont  on  a  pu  juger  par  la  manière  dont  il  a  chanté  l'air 
de  Mahomet  du  Siège  de  Corinthe. 


:  s.  DBFOUR. 


BAPPORT  DES  mEMBRES  DU  JDRT  INTERNATIONAL 

Sur  l'ensemlile  de  l'Exposition  de  liondreg  de  1863. 


XV!»"  CLASSE.  —  Imtruments  de  muxiqiie. 


M.  Alphonse  Sax  junior  a  montré  et  fait  entendre  au  jury  un  certain 
nombre  d'instruments,  tous  très-bien  faits  et  d'une  bonne  sonorité.  La 
fabrication  de  cet  artiste  se  distingue  par  des  formes  spéciales  et  ca- 
ractéristiques. Dans  tous  ses  instruments,  les  pistons,  au  lieu  d'allonger 
simplement  le  tube  principal  par  l'intercalation  de  colonnes  cylin- 
driques, déterminent  la  substitution  de  colonnes  coniques  d'inégales 
longueurs,  et,  par  suite,  de  pentes  inégales,  mais  dans  lesquelles  on 
maintient  plus  facilement  la  continuité  d'accroissement  du  diamètre 
depuis  l'embouchure  jusqu'au  pavillon. 

M.  Alphonse  Sax  fait  également  un  heureux  usage,  dans  la  plupart  de 
tous  ses  instruments,  de  la  combinaison  des  pistons  ascendants  et  des- 
cendants. 

Les  trompes  de  chasse,  dont  le  corps  est  contourné  en  spirales  sur  la 
surface  extérieure  du  pavillon,  ont  paru  aussi  originales  par  leur  forme 
que  remarquables  par  leur  excellente  sonorité. 

En  outre,  le  jury  international,  après  le  concours  universel,  accorde 
à  M.  Alphonse  Sax  la  médaille,  avec  cette  mention  de  la  plus  haute  dls- 
tinclioci  :  Pour  excellence  de  tobte  espèce  d'instruments  de  cuivre. 

Nous  disons  de  la  plus  haute,  parce  que  dans  les  quinze  promotions  au 
grade  d'officier  de  la  Légion  d'honneur,  huit  seulement  sont  désignées 
par  la  mention  qui  honore  l'œuvre  d'Alphonse  Sax,  et  sur  les  quatre- 
vingt-douze  nominations  de  chevalier,  trois  sedlement  sont  désignées  : 
Pour  excellence. 


'^^  CIWQ  œuvres  nouvelles  de  M.  J.  C.  L.  DE  GALONNE  (le  vicomte), 
frère  aîné  du  directeur  de  la  Revue  cotitemporaine  : 

1°  Beautés  de  l'école  elassiqne,  chefs-d'œuvre  des  grands 
maîtres,  transcrits  et  arrangés  pour  l'harmonium; 

2°  Aalagîo  (l'naydn,  en  trio  concertant  pour  orgue,  violon 
et  violoncelle  ;  chez  Benoit,  rue  Meslay,  3i  ; 

3°  Morceaii-ouvertHffc  pour  orgue  et  piano  et  pour  orgue 
seul  ;  chez  Révillon,  rue  du  Bac,  7  ; 

4°  Une  fièvre  lenllante,  de  Grétry,  d'après  Mozart,  pour 
orgue;  chez  Heu,  rue  de  la  Chaussée-d'Antin,  6; 

5°  Trente  morceaux,  religieux  adaptés  aux  modes  de  l'é- 
glise, contenant  un  Offertoire  jugé  très-remarquable  par  M.  L. 
Kreutzer,  l'un  de  nos  plus  doctes  critiques,  pour  harmonium  ou 
orgue;  chez  A.  Leduc,  rue  Ménars,  4. 


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2«  livre.  —  Etudes  élémentaires 12 

3"  livre.  —  Etudes  de  genre 15 

4«  livre.  —  Etudes  de  vélocité 15 

5°  livre.  —  Etudes  des  tonalités 15 

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thode et  syntaxe  ;  donnant  la  musique  dans 
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Czerny.  Op.  226.  Fantaisie 9    i> 

Dnvernoy.  Op.  172.  Petite  fantaisie    6    » 
Tbalberg.  Op.  52.  Grande  fantaisie  10    » 

Vallqaet.  Petite  fantaisie 5    » 

Wolir.  Op.  147.  Duo  facile 6    » 

Fantaisies  et  Morceaux  pour  le  Violon  avec  accompagnement  de  Pians  par 
ALARD,     BÉRIOT,     DANCLA,    GUICHARD,    HERMAN,    LAFONT. 


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Cbanlien.  Trois  fantaisies.  Chaque. .  6     » 

Cramer.  Pot  pourri 7  50 

Czerny.  Fantaisie  et  rondino.  Chaque  6    » 

I»arl»oville.  Tarentelle  variée 5    » 

nnvernoy.  Op.  31 .  Fantaisie 6    » 

CierTlIle,  Op.  33.  Fantaisie 7  50 

Herz  (H.).  Op.  lili.  Rondo  cappricio.  7  50 


I^ecarpentier.  Bagatelle 5    » 

Rosellen.  Fantaisie  brillante 9    » 

Rummel.  Transcriptions  (édit.  nouv.)  6     » 

TUaiberg.  Op.  5-2    Grande  fantaisie.  9    » 

'Vallqaet.  Petite  fantaisie  facile.   ...  2  60 

Voss.  Op.  152.  Fantaisie  de  concert.  9    » 

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ON  S'ABONNE  I 

Dans  les  Départements  et  à  l'Étranger,  chez  tous 
les  Marchands  de  Musique,  les  Libraires,  et  aux 
Purcaui  dos  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


15  Février  1863. 


PRIX  DE  L'ABONNEMENT  : 

Paris. 24  (r.  par  ai 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    30  n       id- 

Étranger..... 34  p.       Jd. 

Le  Journal  paraît  te  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


j\f\f\f\f\f\firjxf^ 


SOMMAIRE.  —  Tliéâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique :  l'Illustre  Gaspard,  opéra- 
comique  en  un  acte,  paroles  de  MM.  Duvert  et  Lauzanne,  musique  de  M.  Eu- 

j  gène  Prévost,  par  K>éon  Dnrocber.  —  Auditions  musicales,  par  Adolphe 
Botte.  —  Revue  des  théâtres,  par  D.  A.  D.  Saint-Ytea.  -  Nouvelles  et 
annonces. 


THËiTBE  mPÉRÎÂL  OE  L'OPÉRA-COMIQUE. 

li'IIiliIJjSTRi:  «ASIPAKH, 

Opéra-comique  en  un  acte  ,  paroles  de  MM.  Ouvert  et   Lauzanne, 
musique  de  M.  Eugène  Prévost. 
(Première  représentation  le  11  février.) 

L'Illustre  Gaspard!....  Pourquoi  le  titre  ne  donne-til  que  la  moi- 
tié du  nom  de  ce  grand  personnage  ?  Son  nom  tout  entier  est  Gaspard 
de  Besse  ,  et  nous  l'inscrivons  ici  pour  le  conserver  à  la  postérité. 
Qu'il  soit  célébré,  comme  dit  Voltaire,  dans  tous  les  journaux  et  dans 
tous  les  siècles  ! 

Ce  n'est  pourtant  ni  un  grand  capitaine,  ni  un  profond  politique, 
ni  un  savant  astronome,  ni  un  poëte  inspiré  ;  pas  même  un  habile 
médecin.  C'est  tout  simplement  un  chef  de  bandits,  un  élève  de 
Mandrin,  un  artiste  inQniment  supérieur  à  Cartouche,  dont  la  répu- 
tation a  été  surfaite,  et  qui  n'a  su  que  se  faire  rouer  vif,  après  avoir 
volé  quelques  diamants.  Gaspard  de  Besse,  qui  opère  en  Provence, 
tient  vaillamment  la  campagne,  arrête  sur  la  grande  route  les  Tur- 
gotines  ou  diligences,  et,  si  l'on  en  croit  la  ballade  composée  en 
son  honneur  par  M.  le  chevalier  de  Cavailles, 

Séduit  toutes  les  femmes 

Dont  il  a  tué  les  maris. 

—  Est-ce  donc  la  reconnaissance  qui  pousse  vers  lui  avec  tant  de 
force  tout  le  beau  sexe  provençal  ? 

Ce  chevalier  de  Cavailles  n'est  pas  poëte  seulement,  il  est  de  plus 
maire  de  Brignolles.  Comme  poëte,  il  chante  les  exploits  de  Gaspard; 
comme  maire ,  il  s'efforce  d'en  arrêter  le  cours ,  et  lance  la  maré- 
chaussée sur  ses  traces,  mais  inutilement.  Gaspard  se  moque  de 
lui  et  déjoue  toutes  ses  mesures.  M.  le  maire  a  beau  s'évertuer, 
passer  les  jours  sans  manger  et  les  nuits  sans  dormir,  il  ne  prendra 
pas  Gaspard.  Or,  pendant  qu'il  pourchasse  cet  illustre  brigand  , 
M.  de  Porquerolles  pourchasse  sa  nièce  et  pupille  Armande. 

Ce  Porquerolles  est  un  vaurien  qui  a  mangé,  Dieu  sait  comment, 
sa  fortune,  est  poursuivi  par  des  créanciers  nombreux  et  affamés, 
et  prétend    leur    jeter  en    pâture  la    dot    de    Mlle    Armande.    Le 


chevalier  le  remet  de  jour  en  jour,  sous  le  vain  prétexte  qu'il  ne 
saurait  marier  sa  nièce  avant  d'avoir  pris  Gaspard.  Repoussé  de  ce 
côté,  il  s'adresse  à  la  nièce  elle-même,  et,  la  trouvant  assez  froide 
à  ses  protestations  d'amour,  il  l'enlève,  pour  abréger.  Mais  M.  de 
Berlaudier  la  délivre  et  la  ramène. 

Ce  Berlaudier  est  assez  difficile  à  expliquer.  Il  aime  Armande,  et 
lutte  contre  son  amour,  sans  dire  pourquoi,  et  sans  qu'on  puisse  le 
deviner.  Il  la  fuit  et  la  rencontre  partout,  à  Ver.sailles,  à  Paris,  à 
l'Opéra,  à  la  Comédie  italienne,  aux,  Tuileries,  au  Gours-la-Reine,  au 
bal,  au  courert,  à  Grenoble,  à  Brignolles  enfin.  Pour  être  sûr  de  ne 
plus  la  voir,  il  se  résout  d'aller  en  Amérique.  Malheureusement,  il 
n'a  pas  de  quoi  payer  le  voyage.  —  Qu'à  cela  ne  tienne  !  lui  dit  Por- 
querolles, qu'il  a  pris  pour  confident.  Le  gouvernement  offre  à  Gas- 
pard de  Besse  le  passage  gratuit  et  la  table  du  capitaine  pendant  le 
voyage,  s'il  consdnt  à  se  laisser  transporter  eu  Amérique.  —  Ah  !.... 
et  qu'est-ce  que  ce  Gaspard  de  Besse  ?  —  C'est  un  homme  qui  s'est 
rendu  célèbre  en  Provence  par  ses  hauts  faits  sur  les  grandes  routes. 
—  C'est  donc  un  ingénieur,  dit  le  naïf  Berlaudier.  ~  Justement,  c'est 
un  ingénieur,  dit  le  traître  Porquerolles. 

Berlaudier  se  hvre,  en  disant  .  Je  suis  de  Besse.  On  traite  avec  la 
plus  grande  considération  un  héros  de  cette  trempe.  La  maréchaussée 
est  en  campagne,  et,  en  attendant  qu'elle  revienne,  M.  le  maire  trem- 
ble de  tous  ses  membres  devant  son  terrible  prisonnier.  Il  lui  donne 
à  dîner,  lui  fait  boire  son  meilleur  vin.  La  terreur  du  magistrat  et  les 
excentricités  du  faux  brigand  font  le  bonheur  du  parterre  et  la  joie 
des  belles  dames,  ravies  de  rencontrer  à  l'Opéra-Comique  les  farces 
du  Palais-Royal.  Qtiand  on  a  suffisamment  ri,  Berlaudier  délivre  Ar- 
mande des  témérités  de  Porquerolles.  Puis  ime  lettre  trouvée  dans 
sa  poche,  le  fait  connaître  pour  ce  qu'il  est.  Aussitôt  il  cesse  de  faire 
des  sottises  et  de  dire  des  folies,  et  M.  de  Cavailles,  qui,  à  son  tour, 
paraît  avoir  perdu  la  tête,  lui  donne  sa  nièce,  qui  se  laisse  donner 
sans  objections.  Ce  dénoûment  est  assurément  la  plus  forte  de 
toutes  les  extravagances.  Mais  il  faut  en  finir,  et  MM.  Duvert  et  Lau- 
zanne, gens  d'esprit  s'il  en  fut  jamais,  ont  eu  assez  de  tact  pour 
faire  tomber  la  toile  une  minute  avant  qu'on  ne  pensât  à  leur  dire  : 
En  voilà  assez,  ou  même  en  voilà  trop  !  Le  public  permet  très-volon- 
tiers qu'on  se  moque  de  lui,  pourvu  qu'en  somme  on  le  fasse  rire. 

Nous  ne  serions  point  surpris  que  ce  vaudeville,  car  ce  n'est  pas 
autre  chose,  au  fond,  eût  été  écrit  au  temps  jadis  pour  Arnal  et  Le- 
peintre  jeune.  Berlaudier  n'est  pas  plus  fou  que  le  clerc  d'huissier  dé- 
guisé en  cuisinière  et  jouant  de  l'harmonica  pour  prouver  son  amour. 
Le  maire  de  Brignolles  n'est  pas  plus  bête  que  monsietir...  enfin 
n'imporle!  qui  ne  fait  cas  que  des  cuisinières  grasses.  MM.  Couderc  et 


50 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Lemaire  ne  sont  pas  d'ailleurs  moins  gais  ni  moins  amusants  qu'Arnal 
et  Lepeintre  jeune  l'étaient  il  y  a  tout  juste  trente  ans.  Vers  cette 
époque,  M.  Eugène  Prévost  écrivait  déjà  de  la  musique,  et  donnait  à 
l'Opéra-Comique  Cosimo,  qui  n'était  pas  mal  accueilli.  Depuis,  M.  Pré- 
vost est  allé  en  Amérique.  11  a  été  longtemps  chef  d'orchestre  du 
théâtre  français  de  la  Nouvelle-Orléans.  —  Est-ce  la  guerre  civile  qui 
nous  l'a  rendu  ?  —  Nous  n'aurions  qu'à  l'en  remercier,  si  elle  nous 
l'eût  rendu  tout  entier.  Malheureusement,  il  n'en  est  rien.  Il  semble 
qu'une  partie  du  Prévost  d'autrefois  soit  resté  en  route,  soit  en  al- 
lant, soit  en  revenant.  Chose  étrange  !  cette  musique  de  Gaspard 
porte,  en  maint  endroit,  l'empreinte  de  l'inexpérience.  Souvent  on 
croit  avoir  affaire  à  de  la  musique  d'amateur. 

Nous  ne  passerons  pas  en  revue  tous  les  morceaux  de  cette  parti- 
tion. L'ouverture  commence  assez  agréablement  par  une  jolie  phrase 
mélodique  exécutée  par  le  hautbois  et  redite  par  la  flûte.  L'allégro 
est  une  valse  qui  brille  par  la  facilité  bien  plus  que  par  la  nou- 
veauté. Il  y  a  quelques  effets  harmoniques  assez  bien  trouvés  dans 
la  ballade  de  M.  le  maire,  que  chante  M.  Lemaire  avec  son  esprit 
habituel,  mais  aussi  avec  une  voix  un  peu  trop  municipale.  Le  duo 
de  Berlandier  avec  Arraande  :  Laisses-moi  du  moins  la  Navarre,  ne 
manque  pas  de  mélodie,  et  ce  n'est  pas  la  faute  de  l'auteur  s'il  est 
aussi  imparfaitement  chanté.  L'air  du  secrétaire  de  la  mairie ,  qui 
publie  le  ban  contre  le  voleur  Gaspard,  en  attendant  l'occasion  de 
devenir  lui-même  voleur,  est  plus  remarquable  par  son  accompagne- 
ment de  tambour  que  par  l'originalité  des  motifs  et  des  combinaisons 
harmoniques.  On  en  peut  dire  autant  de  la  chanson  à  boire  de  Ber- 
landier, et  du  trio  qui  précède,  lequel  doit  son  plus  grand  agrément 
à  la  vieille  romance  :  Portrait  charmant,  portrait  de  mon  amie,  qui 
s'y  trouve  intercalée.  Il  est  évident  que  M.  Eugène  Prévost,  après  un 
si  long  silence,  a  besoin  de  se  refaire  la  main.  Nous  lui  souhaitons, 
pour  son  prochain  ouvrage,  non  des  acteurs  plus  amusants,  il  aurait 
de  la  peine  à  les  trouver,  mais  des  chanteurs  dont  la  voix  soit  plus 
fraîche  ou  mieux  posée.  Ceci  s'adresse  surtout  à  Mme  Chollet-Byard, 
qui  a  évidemment  besoin  de  compléter  ses  études,  ou  de  les  refaire. 

LÉON  DUROCHER. 


AUDITIONS  MUSICALES. 

Société  nationale  des  Beaux-Arts.  —  Georg^es  PfeilTer. 
—  miles  JUarie  et  IVadîne  Hardei-.  —  M.  Aptommas.  — 
Dernière  soirée  de  lime  Kscadler-Kastncr  et  de 
mu.  nenrl  Vleaxtemps  et  A.  Batla.  —  lime  Made- 
leine Ciraevcr. 

Il  est  impossible  de  contester  la  grâce,  la  fraîcheur  et  l'originalité 
de  la  symphonie  en  mi  bémol  de  Félicien  David.  Elle  a  causé  di- 
manche, dans  la  salle  Martinet,  un  vif  plaisir  et  a  vraiment  mérité  les 
nombreux  bravos  qui  l'ont  accueillie.  L'instrumentation  de  celte  œu- 
vre est  remarquable  par  la  science  des  effets,  par  la  clarté  des  com- 
binaisons, par  la  sobriété  et  par  la  nouveauté  des  mélanges  de  sono- 
rité qu'on  y  trouve  à  chaque  instant. 

Sauf  quelques  accidents  et  quelques  attaques  malheureuses,  dont 
les  instruments  à  vent  sont  seuls  responsables,  l'exécution,  dirigée 
par  l'auteur,  a  été  satisfaisante.  Nous  n'en  pouvons  dire  autant 
de  l'exécution  de  Vercingétorix,  poëme  musical  de  M.  J.  J.  Debille- 
ment,  et  de  Vasco  de  Gama,  ode  symphonie  de  M.  Georges  Bizet.  Il 
est  vrai  que,  dans  ces  deux  ouvrages,  les  voix  sont  intervenues, 
qu'elles  y  ont  apporté  le  trouble,  la  confusion,  nous  dirions  volontiers 
le  chaos  ;  mais  il  est  vrai  aussi  que,  dans  le  style  vocal,  les  auteurs 
sont  loin  d'être  aussi  à  l'aise  que  dans  le  style  instrumental. 


En  abordant  une  civilisation  antique,  de  grandes  scènes  militaires 
et  religieuses,  en  touchant  à  de  grands  souvenirs  païens,  M.  Debil- 
lemont  n'a  trouvé  là  matière,  à  en  juger  du  moins  d'après  les  frag- 
ments entendus  dans  cette  matinée,  qu'aune  œuvre  peu  imposante,  peu 
remarquable  par  l'unité,  par  la  nouveauté  et  par  la  distinction  des 
idées.  Troy  était  visiblement  mal  à  l'aise  dans  des  chants  et  des  ré- 
citatifs écrits  trop  bas  pour  sa  voix,  et  qui  rappelaient  un  peu  trop 
ceux  de  Bertram  et  de  Marcel. 

Nous  ne  sommes  pas  d'avis  qu'on  s'interdise  certains  sujets  parce 
qu'ils  ont  déjà  été  traités;  nous  trouvons  donc  tout  naturel  que 
M.  Bizet  ait  voulu  avoir  son  Vasco  de  Gama,  tout  comme  Sponlini 
avait  son  Fernand  Cartes,  et  Félicien  David  son  Christophe  Colomb, 
seulement,  nous  regrettons  qu'il  ait  si  mal  réussi.  Il  ne  faut  pas  se 
le  dissimuler,  il  est  des  comparaisons  inévitables  et  parfois  écrasantes; 
mais  nous  voulons  nous  les  interdire  aujourd'hui.  D'ailleurs  elles  sont 
inutiles  en  présence  d'une  œuvre  d'aussi  courte  haleine  et,  qui  pis 
est,  aussi  imparfaite.  Excepté  un  assez  joli  solo  de  cor,  habilement 
accompagné  par  l'orchestre,  un  élégant  boléro  chanté  par  Mlle  Girard  et 
une  prière  trop  touffue  de  dissonances  et  pas  assez  simplement  har- 
monisée, tout,  depuis  le  commencement  jusqu'à  la  fin,  c'est-à-dire 
depuis  le  chœur  de  matelots  et  de  soldats,  qui,  sous  prétexte  de  vé- 
rité et  de  franchise,  est  plein  de  phrases  banales,  d'unissons  pauvre- 
ment bruyants,  de  rhythmes  communs,  jusqu'à  forage,  où  les  sons 
aigus  de  la  petite  flûte,  les  sifflements,  les  roulements  de  gammes 
ascendantes  et  descendantes,  plus  chromatiques  que  dramatiques, 
sont  mis  à  contribution,  tout  manque  de  souffle,  de  couleur  et  d'ori- 
ginaUté. 

La  deuxième  partie  de  ce  concert  a  commencé  par  l'Invitation  à 
la  valse,  si  magnifiquement  orchestrée  par  Hector  Berlioz.  L'orches- 
tre, conduit  par  lui  avec  cette  autorité  et  ce  prestige  des  maîtres 
que  les  plus  rebelles  subissent,  s'est  tout  à  coup  métamorphosé,  et, 
dans  la  Fuite  en  Egypte,  les  chœurs  eux-mêmes,  jusque-là  insuffi- 
sants, se  sont  mis  à  chanter  juste,  en  mesure,  et  avec  une  remarquable 
intelligence  des  nuances  et  de  la  pensée  de  l'auteur.  Les  répétitions 
avaient-elles  été  plus  nombreuses,  ou  la  présence  et  l'influence  de 
Berlioz  ont-elles  suffi  à  rendre  l'exécution  aussi  complète  et  aussi  belle? 
Nous  l'ignorons.  Toujours  est-il  que,  compris  par  ses  interprètes,  il 
l'a  été  aussi  par  l'auditoire,  qui  lui  a  fait  une  ovation  des  plus  spon- 
tanées et  des  plus  enthousiastes.  On  a  redemandé  le  Repos  de  la 
sainte  famille,  et  il  a  été  redit  avec  autant  de  charme  que  la  pre- 
mière fois  par  Warot,  par  l'orchestre  et  par  les  chœurs. 

L'ouverture  du  Carnaval  romain,  par  ses  allures  vives,  capricieu- 
ses et  spirituelles,  contrastait  brillamment  avec  la  pureté,  la  sévérité, 
la  chasteté  d'inspiration  qui  venaient  de  produire  une  si  profonde  im- 
pression. 

—  Déjà,  l'année  dernière,  Georges  Pfeiffer .  avait  fait  entendre  un 
concerto  avec  orchestre  qui  avait  obtenu  plus  qu'un  succès  d'estime  : 
on  y  avait  senti  des  études  intelligentes,  une  certaine  ampleur  et 
beaucoup  d'habileté;  aussi  en  exécutant,  lundi,  dans  les  salons  Pleyel- 
Wolff,  le  rondo  pastoral  de  cet  ouvrage,  l'auteur  a-t-il  retrouvé  l'ac- 
cueil sympathique  qu'on  avait  fait  à  cette  heureuse  tentative  de  mu- 
sique sérieuse.  Le  talent  de  Georges  Pfeiffer  a  gagné  :  il  est  plus  mâle 
et  plus  vigoureux  qu'autrefois;  la  grâce  ne  règne  pas  seule,  et  quel- 
que chose  de  hardi  atteste  le  désir  et  la  faculté  de  s'élever  aux  effets 
variés  et  aux  accents  passionnés.  Son  deuxième  concerto  (soumis  pour 
la  première  fois  à  l'appréciation  du  public)  a  été  joué  par  lui  avec  une 
puissance  de  son  et  une  largeur  de  style  qui,  mêlées  à  la  finesse,  à 
la  netteté  et  à  la  délicatesse  qu'il  a  toujours  eues,  ont  fait  éprouver  un 
vif  plaisir.  Une  pareille  composition  a  besoin  d'être  entendue  deux 
fois  pour  être  bien  appréciée  ;  nous  y  reviendrons. 

La  Ruche  est  une  charmante  inspiration.  Dans  ces  petites  pièces 
de  salon,  Georges  Pfeiffer  trouve  non- seulement  des  mélodies  fraîches 
et  élégantes,  mais  il  y  apporte  en  outre  une  distinction  d'harmonie  et  un 


DE  PAKIS. 


51 


mérite  de  facture  qui  annoncent  un  musicien  instruit.  On  a  chaleureuse- 
ment applaudi  le  troisième  ISocturne  de  Mme  Clara  Pfeitïer,  morceau 
aussi  suave  que  bien  écrit,  et  un  Rondo  de  Mendelssoha.  Ils  ont  été 
dits  du  reste  d'une  façon  ravissante.  Une  sûreté  de  rhytiime  et  une 
pureté  de  goût  bien  rares  arrêtaient  le  jeune  pianiste  là  ou  eussent 
commencé  l'excès  de  délicatesse  et  l'excès  de  force. 

On  avait  pu  apprécier  la  semaine  précédente,  au  banquet 
donné  par  M.  Wolff  aux  cinq  cents  ouvriers  de  sa  fabrique,  à  l'oc- 
casion de  sa  nomination  dans  l'ordre  de  la  Légion  d'honneur,  les 
progrès  remarquables  accomplis  par  ces  ouvriers  dans  l'art  du 
chant  choral,  sous  l'impulsion  artistique  du  chef  de  la  maison  Pleyel- 
Wolff,  et  qui  leur  a  valu  récemment  une  médaille  d'or  au  concours 
de  Dieppe.  Il  était  tout  naturel  que  M.  Georges  Pfeiffer,  qui,  avec 
M.  O'Kelly,  contribue  avec  tant  de  zèle  à  l'enseignement  de  la 
Société  orphéonique  Pleyel -Wolff,  profilât  de  roccasion  que  lui  of- 
frait son  concert  et  l'excellent  orchestre  dont  il  disposait,  pour 
réclamer  son  concours  et  la  produPre  avantageusement.  Ainsi a-t-il 
fait  et  la  société  chorale  Pleyel-Wolff,  très-bien  conduite  par  M.  Âug. 
Wolff,  a  obtenu  un  vrai  succès.  Quoiqu'elle  fût  chez  elle,  elle  n'a 
point  abusé  de  cet  avantage  :  elle  a  chanté  très-juste  et  avec  un 
très-bon  sentiment  musical  un  chœur  des  Mystères  d'isis,  qu'on  lui 
a  redemandé,  et  la  Vapeur,  d'Ambroise  Thomas ,  belle  page  où  se 
retrouvent  les  qualités  élevées  de  l'auteur  du  Songe  d'une  nuit  d'été. 

L'excellente  vocalisation  et  la  jolie  voix  de  Mme  Oscar  Comettant 
ont,  comme  de  coutume,  charmé  les  dilettantes.  En  disant  un  air 
d'Othello  et  Vieille  chanson  du  jeune  temps ,  gracieuse  mélodie  de 
M.  J.  O'Kelly,  M.  Archainbaud  a  contribué  aussi  à  rendre  la  partie 
vocale  on  ne  peut  plus  intéressante. 

—  Si  l'on  blesse  quelques  personnes  en  disant  que  Schumann  n'est 
pas  toujours  facile  à  comprendre,  qu'il  est  très-inégal,  et  que,  à  côté 
de  beaux  ouvrages,  on  compte  dans  son  œuvre  bien  des  pages  qui 
n'ont  aucun  mérite  durable,  on  peut  affirmer,  certain,  cette  fois,  de 
n'être  point  contredit,  qu'il  n'est  jamais  facile  h  interpréter.  Il  ne 
faut  donc  pas  s'étonner  si  une  toute  jeune  fille  comme  Mlle  Marie 
Harder  n'a  pas  eu ,  dans  la  périlleuse  partie  de  piano  d'un  quintette 
de  ce  maître ,  tout  l'aplomb  ,  toute  l'expression  et  toute  l'ampleur 
désirables.  Avec  sa  gentille  sœur  Nadine,  elle  a  fort  bien  enlevé 
Vallegro  d'une  sonate  de  Moschelès,  et  a  dit  seule  correctement, 
brillamment,  et  ajoutons  très-simplement,  diverses  pièces  de  J. -S.  Bach, 
de  Mendelssohn,  de  Schubert,  et  la  jolie  valse  de  Joseph  Wieniawski. 

—  A  l'orchestre,  la  harpe  fait  toujours  merveille,  et  l'on  ne  saurait 
se  passer  d'elle  quand  on  veut  une  teinte  vaporeuse  ou  religieuse  ; 
dans  le  solo,  c'est  autre  chose,  et,  comme  les  Félix  Godefroid  sont 
rares,  on  est  bientôt  frappé  de  sa  sécheresse  et  de  sa  monotonie. 
Pourtant,  samedi,  M.  Aptommas,  qui  nous  vient  d'Amérique,  a  su  se 
faire  écouter  et  a  même  été  vivement  applaudi.  Secondé  par  le  piano, 
il  a  joué  le  concerto  de  Weber;  puis  d'agréables  Souvenirs  de  New- 
York,  des  mélodies  du  pays  de  Galles  pleines  de  saveur  et  d'origi- 
nalité, et  enfin  II  ManioLino  d'Alvars  et  une  tarentelle  très-vive  et 
très-pétulante.  M.  Aptommas  a  donc  prouvé  une  fois  de  plus  qu'entre 
des  mains  habiles  tous  les  instruments  pouvaient  exprimer  quelque 
chose,  être  éloquents  et,  partant,  plaire  au  public. 

—  Mme  Escudier-Kastner  et  MM.  fleuri  Vieuxtemps  et  A.  Battu  ont 
dit,  à  leur  dernière  soirée,  avec  un  fougueux  emportement  et  une 
exquise  délicatesse  le  trio  en  ré  de  Mendelssohn.  Ils  ont  été  ac- 
cueillis par  d'unanimes  bravos.  Après  la  grande  paraphrase  du  Songe 
d'une  nuit  d'été,  hérissée  de  difflcullés  par  Liszt,  et  jouée  par  l'ex- 
cellente pianiste  avec  beaucoup  d'élan,  de  puissance  et  de  clarté,  est 
venu  le  magnifique  duo  de  Thalberg  et  de  Bériot  sur  les  Huguenots. 
On  le  sait,  ces  deux  célèbres  instrumentistes  ont  disposé ,  orné  et 
varié  avec  un  art  infini  les  mélodies  si  larges  et  si  pathétiques  de 
Meyerbeer.  Mme   Escudier-Kastner    et   Batta    ont  mis  dans  ce  duo 


une  chaleur  d'expression,  une  sûreté  et  un  charme  de  style  qui  ont 
enthousiasmé  l'auditoire. 

—  Un  orchestre  excellent,  comme  on  en  entend  rarement  dans 
les  concerts;  Roger,  qui  jamais  peut-être  n'avait  mieux  dit  l'air  de 
Joseph  et  te  Roi  des  Atdnes;  enfin,  Henri  Litoiff  dirigeant  l'exécution, 
ont  fait  de  la  soirée  de  Mme  Madeleine  Graever,  donnée  mardi  dans 
les  salons  de  l'hôtel  du  Louvre,  une  véritable  solennité.  Mme  Graever 
est  encore  une  de  ces  artistes  que  la  guerre  civile  qui  désole  l'Amé- 
rique a  ramenées  en  France,  où  déjà  nous  l'avions  entendue  il  y  a 
quelques  années;  mais  elle  nous  revient  grandie  par  l'étude,  l'expé- 
rience et  le  succès.  Elle  est  la  seule  pianiste  qui  puisse  se  présenter 
comme  élève  de  LitolfT;  et  l'un  des  témoignages  les  plus  (latteurs 
dont  elle  s'honore,  c'est  que  le  maître  lui  ait  confié  l'exécution  d'un 
de  ces  beaux  et  difficiles  concertos  qu'il  interprète  lui-même  avec  le 
sentiment  énergique  et  chaleureux  qui  a  présidé  à  leur  eomposi- 
tion. 

Parmi  les  symphonistes  de  notre  temps,  Henri  Litoiff  est  l'une  des 
physionomies  les  plus  originales  et  les  plus  distinguées.  Son  troisième 
Concerto  symphonique,  dont  la  partie  de  piano  a  été  jouée  par 
Mme  Madeleine  Graever  avec  beaucoup  de  pureté,  d'éclat  et  de  dé- 
licatesse, est  une  œuvre  tracée  de  main  de  maître  et  qui  suffirait  à 
assurer  le  succès  d'un  compositeur.  Par  le  fond  comme  par  la  forme, 
par  les  idées  comme  par  la  manière  de  les  présenter  et  de  les  traiter, 
on  reconnaît  tout  de  suite  un  esprit  vigoureux,  indépendant  et  hardi.  La 
mélodie  de  Validante  est  délicieuse  ;  elle  anime  tout  l'orchestre  et 
colore  tous  les  effets  d'une  instrumentation  riche,  brillante  et  pleine 
de  relief.  Le  scherzo,  où  se  joue  un  peu  longuement  peut-être  un 
thème  hollandais,  et  la  dernière  partie,  où  l'hymne  national  Notre 
Guillaume  est  très-heureusemout  amené,  ont  plus  d'une  fjis  charmé 
et  captivé  l'auditoire.  Il  y  a  bien  dans  quelques  parties  de  ce  con- 
certo une  certaine  exubérance,  notamment  dans  le  premier  allegro 
maestoso;  mais  l'exubérance  n'est  pas  donnée  à  tout  le  monde.  D'ail- 
leurs, elle  n'est  pas  chez  Litoiff  le  produit  ordinaire  des  écoles  ;  elle 
vient,  on  le  sent  à  chaque  note,  d'une  imagination  bouillante  et  vrai- 
ment exaltée  qui  abonde  en  pensées,  en  images,  qui  voudrait  expri- 
mer toutes  ses  impressions,  et  brise  les  moules  trop  étroits  à  son. 
gré.  On  l'a  pu  voir  dans  les  Girondins,  ouverture  dramatique, 
par  laquelle  commençait  la  deuxième  partie  de  ce  concert  et 
qui  est  la  préface  d'une  tragédie  allemande.  Assurément,  il  y  a 
dans  cette  longue  composition  (sans  parler,  bien  entendu,  des  airs 
patriotiques  —  et  même  démagogiques  —  qu'on  y  trouve  ),  une 
peinture  énergique  et  saisissante  des  passions  si  complexes  qui  en- 
flammèrent les  hommes  de  89;  un  souffle  vraiment  révolutionnaire 
traverse  Torchestre,  qui  tantôt  gronde  comme  le  tonnerre,  et  tantôt 
soupire  quelque  fraîche  et  poétique  idylle  ;  mais  il  y  a  là  aussi  un 
style  haché,  fiévreux,  des  violences  de  sonorité  dont  on  peut  con- 
tester bien  plutôt  la  beauté  que  la  vérité.  Ces  réserves  faites,  il  ne 
nous  reste  plus  qu'à  constater  le  succès  hors  ligne  obtenu  par  Litoiff. 
Ce  succès  ne  tient  pas  uniquement  au  mérite  de  l'orchestration ,  il 
repose  sur  des  bases  plus  solides,  sur  une  réunion  de  qualités  qui 
souvent  s'excluent  :  la  grandeur,  l'abondance,  la  passion,  unies  à  une 
grâce,  à  une  finesse  et  à  un  charme  extrêmes;  toutes  choses  dé- 
ployées surtout  dans  le  Concerto  symphonique,  et  présentées  par 
l'orchestre  et  le  piano  sous  des  formes  neuves  et  prodigieusement- 
variées. 

Il  ne  faut  pas  que  Litoiff  nous  fasse  oublier  son  excellente  et  char 
mante  interprète.  Disons  donc  que  Mme  Graever  a  pleinement  jus- 
tifié la  confiance  du  maître,  par  le  talent  supérieur  qu'elle  a  déployé 
dans  l'exécution  de  l'une  de  ses  plus  belles  œuvres.  Ce  talent,  qui 
l'a  placée  au  premier  rang  des  virtuoses  de  son  sexe,  elle  l'a  mon- 
tré encore  dans  la  Tarentelle  de  Rossini,  dans  Vandanle  et  rondo  du 
concerto  en  si  bémol  de  Beethowen.  Ni  les  bravos  ni  les  acclama- 
tions ne   lui  ont  manqué    dans  es  concert  vraiment  exceptionnel. 


52 


REVUE  ET  GAZETTE  S  USIGALE 


auquel  on  ne  saurait  reprocher  que  d'avoir  attiré  trop  de  monde, 

et  c'est  un  reproche  de  nature  assez  rare  pour  qu'on  ne  se  félicite 

pas  de  l'avoir  mérité. 

Adolphe  BOTTE. 


REVUE  DES  THEATRES. 

Théâtre  Déjazet  :  l'Argent  et  l'Amour,  pièce  en  trois  actes ,  de 
MM.  Jaime  fils,  Colin  et  Polo,  musique  de  M.  Eug.  Déjazet.  — 
Palais-Royal  :  Jean  Torgnole,  vaudeville  de  MM.  Eug.  Grange  et 
Lambert  Thiboust;  début  de  Berthelier. 

Si,  parmi  les  pièces  nouvelles  dont  l'abondance  soudaine  est  venue 
démentir  nos  prévisions,  noui  croyons  devoir  accorder  une  mention 
particulière  à  deux  d'entre  elles,  c'est  que,  par  certains  détails,  ces 
pièces  ont,  sur  les  autres,  l'avantage  de  rentrer  dans  notre  spécialité. 

Le  premier  titre  de  rArgtnl  et  l'Amour  était  les  Dieux  s'amvsent. 
Celui-ci  n'a  pas  prévalu,  parce  qu'il  ne  faisait  point  assez  ressortir 
le  caractère  sérieux  et  la  portée  philosophique  qui  sont,  paraît-il,  au 
fond  de  celte  œuvre.  Ce  n'est  pas  nous  qui  parlons,  c'est  le  théâtre 
lui-même,  dans  ses  réclames.  Où  diable  la  philosophie  va-t-elle  se 
nicher?  Les  dieux  travestis  n'ont  pourtant  pas  porté  malheur  à 
Orphée  aux  e?ifers,  et  l'exemple,  selon  nous,  était  assez  concluant 
pour  ne  pas  être  renié.  Peu  importe,  au  surplus  ;  le  choix  est  fait, 
et  il  n'y  a  plus  à  y  revenir.  Nous  avons  devant  nous  l'Argent 
et  l'Amour,  c'est-à-dire  Mercure  et  Cupidon.  Les  dieux  ne  s'amusent 
pas,  bien  au  contraire  ;  ils  s'ennuient  mortellement  dans  leur  Olympe, 
et  ils  ne  sont  pas  fâchés  de  saisir  l'occasion  d'aller  faire  un  voyage 
sur  terre  pour  juger  une  querelle  survenue  entre  le  fils  de  Vénus  et 
le  messager  du  céleste  empire.  Il  s'agit  de  savoir  qui  l'emporte,  chez 
les  hommes,  de  l'amour  ou  de  l'argent.  Mercure  commence  ses 
épreuves  à  l'hôtel  Rambouillet,  où  il  se  présente  sous  les  traits  de 
Mlle  de  Scudéry,  et  où  il  essaie  de  ridiculiser  l'amour  avec  sa  fa- 
meuse Carte  du  Tendre;  mais  Cupidon  n'a  qu'à  se  montrer,  en  petit 
poète  blondin,  pour  faire  pencher  la  balance  en  sa"  faveur.  Mercure 
a  beau  vouloir  lutter,  il  n'est  pas  heureux  dans  ses  travestissements, 
et  le  paysan  Jean  Maclou  n'a  pas  plus  d'action  sur  les  précieuses  que 
Mlle  de  Scudéry.  Mieux  inspiré,  après  un  intervalle  de  deux  siècles, 
il  règne,  en  souverain,  de  nos  jours,  par  la  puissance  de  l'or.  Il  donne 
des  fêtes  splendides,  auxquelles  il  préside  en  riche  costume  de  prince 
asiatique.  Mais,  au  moment  où  il  se  croit  sûr  du  triomphe,  Cupidon 
lui  amène  Psyché,  et  l'orgueilleux  Mercure,  qui  se  disait  invulnérable, 
s'avoue  vaincu  et  rend  hommage  à  l'amour. 

En  dépit  des  réclames  de  la  direction,  nous  n'insisterons  pas  sur 
le  côté  sérieux  de  celte  pièce,  et  nous  féliciterons  sincèrement 
Mlle  Déjazet  de  ses  merveilleux  eflbrts  pour  le  faire  oublier.  Dans 
les  transformations  diverses  du  rôle  de  Mercure,  l'inimitable  comé- 
dienne ne  laisse  rien  à  désirer,  et,  ce  qui  n'est  pas  un  mérite  vul- 
gaire, c'est  que  ses  costumes  sont  tous  d'un  goût  parfait,  Quant  à  son 
chant,  on  ne  saurait  trouver  de  nouvelles  expressions  pour  la  louer 
convenablement  ;  tout  a  été  dit  sur  l'art  ir.comparable  avec  lequel 
elle  détaille  jusqu'aux  moindres  couplets.  Elle  excelle  surtout  dans 
les  anciens  airs,  qu'elle  se  plaît  à  ressusciter  de  loin  en  loin  avec 
beaucoup  de  discrétion. 

Ce  n'est  pas  que  les  airs  nouveaux  manquent  dans  l'Argml  et 
l'Amour:  M.  E.  Déjazet  en  a  composé  quatorze,  et,  dans  ce  nombre, 
sa  mère  en  chante  plusieurs;  nous  avons  remarqué  notamment,  au 
deuxième  acte,  une  joyeuse  chanson  villageoise  que  le  public  a  fait 
répéter.  Comme  pages  plus  iraporlantes  et  plus  dignes  d'attention, 
nous  citerons  l'ouverture,  qui  est  charmante,  un  très-joli  chœur  d'in- 
troduction,  un  finale  habilement  dessiné,  un  très-coquet  morceau 
d'ensemble,  babillé  par  les  précieuses,  et  deux  airs  qui  se  chantent 
sur   des    motifs  de  valse   d'une  distinction  réelle.  La   musique   de 


M.  Eug.  Déjazet  contribuera,  nous  n'en  douions  pas,  au  succès  de 
l'Argent  et  l'Amour,  quoiqu'elle  ne  soit  pas,  ou  plutôt  parce  qu'elle 
n'est  pas  philosophique. 

—  Nous  nous  rappelons  toujours  avec  un  vif  plaisir  les  débuts  de 
Berthelier  dans  les  Deux  Aveugles  et  dans  la  Nuit  blanche;  il  n'y  a 
pas,  du  reste,  de  bien  longues  années.  Lorsqu'il  apparut  sur  la  scène 
des  Bouffes-Parisiens,  c'était  un  acteur  inconnu,  et  le  lendemain,  sa 
réputation  était  faite.  A  un  jeu  plein  d'entrain,  de  verve  et  de  bonne 
humeur,  il  joignait  une  voix  agréable,  dirigée  avec  goût  et  rehaussée 
par  un  accent  mordant  et  spirituel.  Tant  de  riches  qualités  devaient 
le  conduire  et  l'ont  conduit  en  effet  à  l'Opéra-Gomique,  où  il  a 
marqué  son  passage  par  plusieurs  très-heureuses  créations.  Mais  son 
ambition,  assurément  fort  légitime,  ne  trouvait  pas  là  d'occasions 
assez  fréquentes  de  succès,  et  nous  l'approuvons  d'être  allé  les  cher- 
cher ailleurs.  Son  début  au  Palais-Royal  a  été  des  plus  brillants  : 
comme  comédien,  il  s'y  est  trpuvé  de  pair  avec  les  meilleurs  co- 
miques de  l'endroit  ;  comme  chanteur,  personne  ne  peut  lui  être 
opposé.  Ajoutons  qu'il  a  eu  la  chance  favorable  de  tomber  tout 
d'abord  sur  un  bon  rôle  et  sur  une  bonne  pièce. 

Jean  Torgnole,  dont  le  nom  dit  assez  les  habitude  tapageuses,  est 
un  paysan  qui,  un  beau  jour,  s'est  fait  marin,  laissant  là,  au  pays, 
une  promise  bien  décidée  à  lui  rester  fidèle,  mais  entraînée,  à  la 
longue,  à  lui  donner  un  remplaçant.  Le  jour  même  du  mariage  de 
Jacqusline  avec  Clochedoux,  Jean  Torgnole  revient  plus  amoureux 
que  jamais.  Les  nouveaux  époux  n'osent  lui  avouer  la  vérité,  et  une 
gentille  paysanne,  la  Margotte,  les  tire  provisoirement  d'embarras, 
en  se  faisant  passer  pour  la  mariée.  Mais  alors,  c'est  bien  une  autre 
affaire  :  Jean  s'attache  aux  pas  de  Jacqueline,  qu'il  croit  libre,  lui 
fait  la  cour,  devient  pressant,  et  cela  sous  les  yeux  de  Clochedoux, 
partagé  entre  la  peur  et  la  jalousie.  Par  bonheur,  la  Margotte  s'ar- 
range de  manière  à  confisquer  à  son  profit  le  cœur  de  Jean,  qui,  en 
fin  de  compte,  n'est  pas  fâché  que  Jacqueline  ne  l'ait  pas  attendu. 

La  donnée  de  cette  petite  pièce  n'est  pas  bien  neuve.  Nous  ayons 
souvenance  d'un  ancien  vaudeville  de  l'Ambigu,  l'Idée  du  Mari,  qui 
lui  ressemblait  singulièrement;  mais  peut-on  lui  en  faire  un  re- 
proche ?  L'Idée  du  Mari  est  morte  ;  Jean  Torgnole  vivra,  non-seule- 
ment parce  qu'il  est  bien  constitué,  mais  aussi  parce  qu'il  a  pour 
soutien  Berthelier,  qui  s'y  fait  applaudir  doublement,  par  son  jeu 
sympathique  et  par  sa  voix,  chargée  d'interpréter  quelques  airs  nou- 
veaux très-bien  faits  et  toujours  en  situation. 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 

.^**  Dimanche  dernier,  le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  le 
Trouvère  et  le  Marché  des  Innocents.  Par  suite  d'une  indisposition  subite 
de  Mme  Tedesco,  Mlle  Werthoimber  a  joué  à  rimproviste  le  rôle  d'Azu- 
céna  du  Trouvère.  Elle  s'est  tirée  avec  bonheur  de  cette  tâche  inatten- 
due et  qu'elle  a  acceptée  sur  la  prière  de  M.  Perrin.— Trois  représenta- 
tions de  la  iMuetle  ont  défrayé  le  spectacle  pendant  la  semaine.  Le 
succès  prend  des  proportions  insolites  et  qui  ne  paraissent  pas  près  de 
s'amoindrir. 

.,,*,.  Aujourd'hui,  représentation  extraordinaire  de  Itobert  le  Diable. 

/^  Mlle  Cico  est  décidément  engagée  à  l'Opéra. 
*j.  Rien  n'est   décidé  encore   au  sujet  de    la   reprise   d'Armide   de 
Gluck,  qui  est  cependant  fort  probable.  Warot  y  chanterait  le  rôle  de 
Renaud. 

^/%  Mme  Ferraris  quitte  l'Opéra  le  i  avril.  La  célèbre  danseuse  don- 
nera sa  dernière  représentation  dans  le  courant  du  mois  de  mars  à 
son  bénéfice.  Elle  vient  de  signer  un  brillant  engagement  pour  Londres, 
avec  M.  Mapleson,  directeur  du  théâtre  de  Sa  Majesté.  C'est  une  perte 
pour  le  théâtre  impérial  de  l'Opéra. 

i*^  Warot  doit  prochainement  faire  son  premier  début  dans  le  rôle 
de  Tebaldo,  de  l'opéra  de  Victor  Massé,  la  Mule  de  redro.  Faure  chan- 
tera celui  de  Pedro  Zancaro,  et  Mme  Gueymard,  celui  de  Gilda. 


53 


»**  Gourdin,  ayant  un  rôle  important  à  créer  dans  le  nouvel  opéra 
de  Duprato,  la  Déesse  et  le  Berger ,  qui  va  être  donné  incessamment , 
il  sera  remplacé  par  Barielle  dans  celui  de  Baskir  de  Lalla-Roukh. 

***  Vendredi  a  eu  lieu  l'avant-dernière  représentation  de  Mlle  Ade- 
llna  Patti  dans  la  Lucia,  un  des  rôles  où  la  jeune  cantatrice  se  produit 
sous  la  forme  la  plus  dramatique.  On  avait  loué  pour  cette  représenta- 
tion jusqu'aux  places  du  cintre  qui  se  trouvent  derrière  le  lustre  et 
qu'on  ne  loue  jamais.  Des  fanatiques  '  de  la  diva  ont  payé  leur  stalle 
d'orchestre  jusqu'à  50  francs  ;  des  fauteuils  de  balcon  ont  été  achetés 
90  francs.  Cet  enthousiasme  est,  quoi  qu'on  en  puisse  dire,  justifié  par 
les  qualités  exceptionnelles  qui  se  trouvent  réunies  dans  Mlle  Patti. 
Certes,  bien  des  cantatrices  ont  chanté  sur  notre  scène  italienne  ce 
beau  rôle  de  Lucia,  mais  on  peut  affirmer  qu'aucune  n'a  détaillé  d'une 
façon  aussi  saisissan:e  Ja  magnifique  scène  du  désespoir  du  deuxième 
acte,  et  surtout  celle  de  folie  du  troisième  acte;  Mlle  Patti  fait  de  cette 
dernière  tout  un  petit  drame  qui  captive  et  émeut  au  plus  haut  degré 
l'auditoire;  tout  ce  morceau  est  d'ailleurs  chanté  à  ravir.  Aussi  les 
bravos  de  la  salle  entière  ont-ils  eu  de  la  peine  à  se  contenir  jusqu'à 
la  dernière  mesure.  Acclamée,  rappelée,  Mlle  Patti,  nonobstant  les  rap- 
pels précédents,  a  dû  reparaître  cinq  ou  six  fois  de  suite.  —  Aujour- 
d'hui même,  la  brillante  artiste  chante  pour  la  dernière  fois  dans  le 
Barbier  le  rôle  de  Uosine,  et  pas  une  place  ne  reste  à  louer.  —  Tam- 
berlick  est  attendu  à  Paris  le  27. 

*%  On  annonce  pour  jeudi  prochain  la  première  représentation  de 
Stradella.  Si  l'on  en  doit  juger  par  le  succès  que  cette  charmante  par- 
tition do  l'auteur  de  Marta  a  obtenu  en  Allemagne  et,  l'année  passée,  sur 
le  théâtre  Italien  de  Saint-Pétersbourg,  elle  ne  peut  manquer  d'être  bien 
accueillie  à  Paris.  M.  de  Flotow  a  voulu  ,  du  reste,  surveiller  lui- 
même  l'apparition  de  son  œuvre  en  France,  et  il  y  a  ajouté,  pour  cette 
occasion,  deux  morceaux  nouveaux  qu'on  dit  très-bien  réussis.  Ce  qu'il 
y  a  de  certain,  c'est  qu'aux  répétitions  la  musique  a  produit  beaucoup 
d'eB'et.  MM.  Naudin,  Délie  Sedie,  Zucchini  et  Mlle  Battu  composeront 
un  ensemble  d'interprètes  qui  ne  contribueront  pas  moins  au  succès  que 
la  mise  en  scène,  les  costumes  et  les  décors,  pour  lesquels  la  direction 
a  fait  toutes  les  dépenses  nécessaires. 

j*:^  Mme  Cabel  est  de  retour  de  Lyon ,  où  elle  a  été  créer  avec  suc- 
cès le  rôle  de  Féline  de  la  Chatte  merveilleuse.  Les  répétitions  de 
Peines  d'amour  perdues  (Cosi  fan  tutte),  de  Mozart,  vont  donc  marcher 
rapidement.  En  attendant,  Faust  continue  à  attirer  la  foule.  —  Deux  dé- 
butants ont  paru  vendredi  à  ce  théâtre  dans  Robin  des  bois  .  Mlle  Schubert 
et  M.  Mermand.  Leurgrande inexpérience  de  la  scène  et  leur  timidité  ne 
permettent  pas  à  la  critique  de  formuler  un  jugement  sur  eux  et  ne 
laissent  place  qu'à  l'indulgence. 

,j*,j,  On  assure  que  Berlioz  destine  décidément  son  opéra  les  Trmjens 
au  théâtre  Lyrique.  —  La  partition  du  célèbre  compositeur,  Béatrice  et 
Bénédict,  dont  nous  avons  annoncé  la  mise  en  vente,  est  très-demandée 
en  France  et  à  l'étranger. 

^*^  C'est  après  les  jours  gras  qu'apparaîtra  au  théâtre  des  Bouffes 
la  pièce  de  Nuitter  et  d'Offeubach,  Bavard  et  Bavarde.  Pradeau,  Désiré, 
Mme  Ugalde  et  Mlle  Testée  sont  chargés  des  principaux  rôles. 

***  Le  théâtre  Robin  annonce  la  fui  des  représentations  de  la  pre- 
mière série  d'agioscope,  et  pour  le  Carême,  un  spsctacle  tout  à  fait  de 
circonstance  et  du  plus  grand  attrait;  il  s'agit  d'un  voyage  en  Syrie, 
en  Palestine  et  à  Jérusalem.  On  dit  merveille  de  cette  seconde  exhibi  - 
tion,  qui  a  obtenu  à  Londres  six  cents  représentations   consécutives. 

a,*:„  Voici  l'état  des  recettes  brutes  qui  ont  été  faites,  pendant  le  mois 
de  janvier  1 863,  dans  les  établissements  soumis  à  la  perception  du  droit 
des  indigents  ; 

r  Théâtres  impériaux  subventionnés 622,700  69 

2°  Théâtres  secondaires,  de  vaudevilles  et  petits  spec- 
tacles  1,167,876  60 

3°  Concerts,    spectacles-concerts,    cafés-concerts    et 
bals 273,372  50 

4°  Curiosités   diverses 7,631  50 

Total 2,071,581   29 

,t**  Le  théâtre  du  Havre  vient  de  monter  Martha.  La  partition  de 
M.  de  Flotow  a  été  très-bien  accueillie,  et  l'orchestre  l'a  parfaitement 
interprétée.  Mme  de  Joly,  aussi  bonne  chanteuse  que  bonne  comédienne, 
a  fort  bien  dit  la  romance  de  la  Rose.  Le  rôle  de  Nancy  ne  pouvait  être 
mieux  confié  qu'à  Jllle  Chabert. 

,(,**  Marta  vient  d'être  représentée  au  théâtre  de  Trieste  avec  un 
succts  d'enthousiasme  ;  Mme  de  Boissi  (Enriclietta)  a  chanté  parfaite- 
ment le  rôle  principal.  Les  autres  ont  été  non  moins  remarquablement 
interprétés  par  la  Majo  (Nancy),  Zaccomelli  (Lionel),  Boccolini  (Plum- 
kett),  Marchisio  (Tristano). 

**«  Le  théâtre  Regio  vient  de  donner  l'opéra  de  Petrella,  Jane,  dont 
le  sujet  est  tiré  du  Dernier  jour  de  Pompei,  et  qui  avait  paru  pour  la 
première  fois  en  1858,  à  la  Scala  à  Milan.  Il  a  été  accueilli  par  des  ap- 
plaudissements enthousiastes,  et  les  représentations  suivantes  n'ont  fait 
que  confirmer  ce  succès.  Il  est  très-bien  interprété  par  la  Bendazzi,  Vil- 
lani  et  Colonnese. 


^*^  L'exploitation  des  théâtres  royaux  de  Naples  vient  d'être  concédée 
pour  neuf  ans  à  M.  Mapleson,  directeur  du  théâtre  de  Sa  Majesté  à 
Londres.  --  Mme  Titjens  est  à  San-Carlo,  où  elle  continue  à  obtenir  le 
plus  grand  succès.  La  Lucia  a  été  pour  elle  un  véritable  triomphe. 

^*^  Vendredi  soir,  au  théâtre  de  Covent-Garden,  Balfo  a  remporté  un 
nouveau  succcès  avec  un  opéra  :  the  Armurer  of  Nantes,  paroles 
de  J.-V.  Bridjeman.  11  a  été  très-bien  interprété  par  miss  Pyne, 
miss  Hiles,  MM.  Harrison,  Santley,  Weis  et  Corri.  L'opéra  est  en  trois 
actes  et  a  duré  quatre  heures.  C'est  un  peu  long  pour  le  public  anglais. 

„,**  Au  théâtre  Jovellannos,  à  Madrid,  a  eu  lieu  une  soirée  de  bien- 
faisance à  laquelle  ont  pris  part  Mmes  de  Lagrange,  de  Merle,  MM.  Bet- 
tini  et  Cotogni.  Ils  ont  exécuté  le  deuxième  acte  de  Marta,  aux  grands 
applaudissements  de  l'assemblée  qui  a  fait  répéter  le  quatuor  du  rouet. 

„,**  Aujourd'hui,  au  Cirque  JNapoléon,  premier  concert  populaire  de 
la  troisième  série,  sous  la  direction  de  Pasdeloup  :  Jupiter,  symphonie 
de  Mozart;  Marche  turque,  de  Beethoven;  andante  final  (l'Ours),  de  Haydn; 
ouverture  d'06eron,  de  Weber;  air  de  ballet  de  Prométhée,  de  Beethoven 
(solo  de  violoncelle  par  M.  Poëncet);  ouverture  du  Jeune  Henri,  de 
Méhul. 

.j,*^  Marseille  prépare  un  grand  concert  au  profit  des  ouvriers  néces- 
siteux. Les  directeurs  auraient  vivement  désiré  avoir  le  concours  de 
Mlle  Adelina  Patti  ;  mais,  tenue  par  ses  engagements,  la  jeune  et  célèbre 
cantatrice  s'est  vue  à  son  grand  déplaisir  obligée  de  refuser.  En  effet, 
elle  chante  aujourd'hui  à  Paris  pour  la  dernière  fois;  demain  elle  se  mot 
en  route  pour  Vienne,  et  c'est  à  peine  si  elle  pourra  prendre  quelques 
heures  de  repos  en  route,  puisqu'elle  doit  être  rendue  à  Vienne  mer- 
credi pour  y  commencer  immédiatement  ses  représentations.  Il  est  vrai 
que  l'offre  de  15,000  francs  a  été  faite  â  Mlle  Patti  pour  chanter  à  ce 
concert;  mais  il  est  vrai  aussi  qu'en  témoignant  aux  organisateurs  du 
concert  projeté,  tout  son  regret  de  ne  pouvoir  s'associer  à  leur  bonne 
œuvre,  son  premier  mot  a  été  de  dire  qu'elle  eût  refusé  la  somme  of- 
ferte par  eux. 

f"'^  Jeudi  dernier,  le  mariage  de  M.  Edmond  Moreaux,  compositeur 
organiste,  et  de  la  fille  d'Adolphe  Adam,  s'est  célébré  en  l'église  de 
Saint-Eustache.  Les  témoins  des  jeunes  époux  étaient  MM.  Auber,  Am- 
broise  Thomas,  Adolphe  Dennery  et  Ritt.  Pendant  la  messe,  plusieurs 
morceaux  ont  été  chantés,  notamment  un  0  salutaris  d'Adolphe  Adam, 
et  un  orchestre  dirigé  par  M.  Hurand  a  joué  un  charmant  morceau 
in.-trumental,  dans  lequel  M.  Edmond  Moreaux  avait  fort  heureusement 
réuni  plusieurs  mélodies  des  deux  maîtres  présents  et  de  celui  dont  le 
souvenir  planait  sur  toute  la  cérémonie. 

,j*„  Henri  Heiz  organise  pour  la  fin  de  ce  mois,  dans  sa  salle,  un 
concert  avec  orchestre,  dont  le  produit  sera  consacré  au  soulagement 
des  ouvriers  de  la  Seine  Inférieure.  M.  Uerz  compte  sur  le  concours 
d  artistes  célèbres,  et  se  propose  d'entourer  ce  concert  de  tous  les  élé- 
ments propres  à  le  rendre  à  la  fois  brillant  au  point  de  vue  artistique 
et  fructueux  comme  recette. 

^'"^  Dimanche  dernier,  une  brillante  réunion  se  pressait  encore  dans 
les  salons  de  Marmontel,  pour  y  entendre  Mme  Pleyel  et  M.  Dumont,  le 
flûtiste  de  Bruxelles.  La  célèbre  pianiste  a  exécuté  sa  partie  d'un  trio  de 
Mendelssohn,  et  deux  études  de  Jules  Cohen,  avec  tout  le  talent  qu'on 
lui  connaît  et  tout  le  succès  dont  elle  a  l'habitude. 

^*f,  M.  Romano,  organiste  distingué  et  qui  jouit  en  Italie  d'une 
grande  réputation,  est  en  ce  moment  à  Paris. 

,,,*„,.  A  l'occasion  de  l'accident  dont  les  deux  coryphées  du  théâtre 
Princess,  à  Londres,  ont  été  les  victimes,  nous  émettions  le  vœu  qu'on 
adoptât  les  mesures  les  plus  propres  à  prévenir  de  semblables  sinis- 
tres ;  on  lit  à  ce  sujet  dans  le  dernier  numéro  de  la  Revue  et  Gazette 
des  Théâtres  :  «  A  la  réunion  des  propriétaires  de  Drury  Lane,  M.  Nel- 
son, architecte  du  théâtre,  a  présenté  un  rapport  d'où  nous  extrayons  la 
description  de  toutes  les  excellentes  mesures  préventives  adoptées  contre 
l'incendie.  Et  d'abord:  «  Tous  les  becs  de  gaz,  dit-il,  au  nombre  de  près 
»  de  trois  cents,  sont  entourés  d'un  globe  en  treillis  de  lil  de  fer  gal- 
»  vanisé,  dont  la  durée  est  illimitée  et  le  prix  peu  élevé.  Puis,  afin  de 
»  rendre  désormais  impossible  tout  accident,  on  a  poussé  la  précaution, 
0  le  long  de  la  rampe,  comme  dans  toutes  les  parties  de  la  salle,  jus- 
>,  qu'à  protéger  chaque  bec  de  gaz  par  un  couvercle  en  talc. En  troisième 
»  lieu,  on  a  placé  des  pompes  à  bras  plongeant  dans  des  seaux  d'eau 
»  régulièrement  distribués  de  distance  en  distance,  de  sorte  qu'au 
»  moyen  de  ces  diverses  mesures  et  de  l'emploi  de  couvertures  de  laine 
»  mouillées  toujours  disponibles,  l'architecte  a  déclaré  qu'il  n'y  aurait 
»  plus  désormais  aucun  risque  à  redouter  sur  la  scène.  »  Il  est  bon 
d'observer  que  diverses  expériences  chimiques  ayant  été  faites  avec 
succès  devant  le  jury,  à  la  dernière  enquête  faite ,  au  sujet  d'un  nou- 
veau mode  pour  rendre  les  étoffes  légères  incombustibles  (incombustible 
Starch),  le  jury  exprima  à  la  fin  du  verdict  la  vœu  que  chaque  direc- 
teur de  théâtre  ne  permît  plus  d'autres  costumes  que  ceux  préparés 
de  cette  manière.  » 

„'*,t  L'association  des  artistes  musiciens  célébrera  la  fête  de  la  Purifica- 
tion en  l'église  Saint-Vincent  de  Paul,  le  lundi  23  février,  à  onze  heures 


54 


KKVLE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


très-précises,  en  faisant  entendre  la  première  messe  solennelle  de 
M.  Léon  Gastinel.  Les  exécutants,  au  nombre  de  deux  cents,  seront  di- 
rigés par  M.  Deloffre.  Les  solos  seront  chantés  par  les  premiers  artistes 
de  la  capitale.  Le  produit  de  la  quête  et  des  cliaises  sera  versé  dans  la 
caisse  de  secours  de  l'association. 

^*^  Dimanche  passé,  la  Société  des  concerts  du  Conservatoire  a  exé- 
cuté le  chœur  de  la  Charité  de  Rossini;  prière  de  la  symphonie  en  la  ma- 
jeur de  Mendelssohn;  la  Tempête  et  le  Calme,  chœur  de  Haydn;  la  mu- 
sique composée  par  Beethoven  sur  Egmont,  et  l'ouverture  du  Freiisçhutz- 
Nous  rendrons  compte  dimanche  de  ce  concert,  ainsi  que  des  séances 
précédentes. 

^*^  Vendredi  a  eu  lieu,  dans  les  salons  de  Mme  la  comtesse  de  Ridder, 
une  matinée  musicale  dont  le  produit  était  destiné  aux  ouvriers  de  la 
Seine-Inférieure.  Une  foule  nombreuse  et  élégante  avait  répondu  à  l'ap- 
pel de  cette  maîtresse  de  maison,  dont  l'exemple  ne  saurait  être  trop 
répandu  et  trop  prôné.  Indépendamment  d'un  acte  de  charité,  on  y  a 
fait  d'exce'lente  musique.  Mme  Paléologue  et  sa  sœur,  Mlle  de  Ridder, 
secondées  par  Roger  et  Bonnehée,  ont  chanté  le  quatuor  de  Ma  tante 
Aurore  et  le  duo  de  Felicie;  Roger  a  ensuite  interprété  des  mélodies 
françaises  et  allemandes,  et  Bonnehée  un  air  d'il  Ballo  in  maschera. 
La  partie  vocale  a  été  complétée  par  le  trio  du  Matrlmonio  segreto,  où 
Mme  Gardoni  a  fait  apprécier  sa  méthode  et  sa  voix.  Quant  à  la  partie 
instrumentale,  elle  était  confiée  à  MM.  Ubicini  et  Charpentier,  qui  ont 
merveilleusement  exécuté  plusieurs  morceaux  de  Beethoven  et  de  Mozart, 
avec  le  concours  d'E.  Chaîne  et  de  Chevillard.  Le  lendemain ,  on  a  dû 
verser  au  Journal  des  Débats  une  somme  de  1,500  francs. 

^**  L'éminent  violoniste  Jean  Becker  a  été  appelé  à  Bruxelles 
pour  jouer  dans  une  séance  de  musique  de  chambre,  donnée  au  Conser- 
vatoire par  l'illustre  directeur  M.  Fétis  père.  Cette  séance  a  eu  lieu 
mercredi,  et  M.  Becker  a  joué  un  quintette  de  M.  Fétis  père,  et  le 
second  quatuor  d'Edouard  de  Hartog,  avec  un  immense  succès.  M.  Bec- 
ker s'est  fait  entendre  aussi  à  Anvers,  où  il  avait  été  demandé  pour  la 
troisième  fois;  il  est  de  retour  à  Paris.  Son  concert  reste  fixé  au  23  fé- 
vrier, à  la  salle  Herz.  Ce  sera  l'une  des  plus  belles  fêtes  musicales 
de  la  saison.  Jean  Becker  y  exécutera  avec  orchestre  le  grand  concerto 
de  Beetlioven,  les  Grelots  du  Diable,  de  sa  composition ,  et  Nel  cor 
piu  non  mi  sento,  de  Pagauini. 

^'"^  Une  dame  du  monde,  Américaine  comme  la  Patti,  s'est  fait  en- 
tendre cette  semaine,  à  la  chapelle  impériale  du  château  des  Tuileries, 
et  y  a  produit  une  sensation  profonde  dans  un  morceau  religieux  com- 
posé par  Auber.  L'illustre  compositeur,  d'accord  en  cela  avec  l'opinion 
du  noble  auditoire,  a  reconnu  dans  cette  jeune  étrangère,  qui  est  élève 
de  M .  Panofka,  une  voix  magnifique  et  un  grand  style. 

^*.f.  Prudent  est  de  retour  à  Paris  et  doit  donner,  dans  quinze  jours, 
un  grand  concert. 

j*»  M.  Aptomraas,  du  concert  duquel  notre  collaborateur  M.  A.  Botte 
rend  compte,  est  engagé  pour  le  mois  d'avril  à  Londres ,  où  il  donuera 
une  seconde  série  de  séances  musicales ,  sous  le  patronage  des  grands 
noms  de  l'aristocratie  anglaise. 

^*^  La  Société  nationale  des  beaux-arts,  26,  boulevard  des  Italiens, 
donnera  dimanche  prochain  son  cinquième  grand  concert,  et,  à  la  de- 
mande générale,  elle  fera  de  nouveau  entendre  la  deuxième  partie  de 
la  Fuite  en  Egypte,  l'Invitation  à  la  valse  et  le  Carnaval  romain,  de 
Berlioz.  L'orchestre  sera  dirigé  par  le  célèbre  compositeur.  Dans  la 
deuxième  partie,  Christophe  Colomb,  dirigé  par  Félicien  David. 

a,"^^,  Le  grand-duc  de  Bade  vient  de  conférer  au  maître  de  chapelle 
M.  Strauss,  à  Carlsruhe,  la  croix  de  chevalier  de  l'ordre  de  Zsehringen. 
,^*^  Vendredi  soir,  6  mars,  grand  concert   donné  par  Mlle   Corinne 
de  Luigi  dans  la  salle  Herz. 

**„,  Bazzini,  le  célèbre  violoniste,  est  depuis  le  commencement  de 
l'hiver  à  Pau,  où  il  a  organisé  des  matinées  hebdomadaires  de  musique 
classique  et  de  musique  moderne  très- suivies.  Il  y  a  fait  entendre 
quelques-unes  de  ses  compositions,  qui  ont  été  fort  goûtées  par  la  so- 
ciété aristocratique  de  Pau.  Bazzini  a  également  obtenu  de  grands  suc- 
cès à  Bordeaux  et  à  Angoulême,  où  l'avaient  appelé  les  Sociétés  phil- 
harmoniques de  ces  deux  villes.  Il  compte  revenir  à  Paris  au  prin- 
temps. 

.j,*,^  Feri  Kletzer,  violoncelliste  et  compositeur,  distingué  qui  s'est 
déjà  fait  applaudir  à  Paris,  est  de  retour  et  y  passera  quelques  mois. 

^%  Jules  Deswert,  le  jeune  violoncelliste  que  nous  avons  applaudi  il 
y  a  quelques  années  comme  un  artiste  d'une  précocité  extraordinaire, 
est  revenu  à  Paris  et  s'y  fera  prochainement  entendre. 

,,■"*  La  Société  des  gens  de  lettres  a  tenu,  dimanche  dernier,  son  as- 
semblée générale  dans  les  salons  de  Lemardelay,  et  a  procédé  au  rem- 
placement de  MM.  Amédée  Achard,  Charles  Deslys,  Etienne  Enault,  Em- 
manuel Gonzalès,  Léon  Gozlan,  Achille  Jubinal,  Méry  et  Albert  Second, 
composant  le  tiers  sortant  du  Comité.  Ont  été  élus  :  MM.  Edouard  Four- 
nier,  Paul  Juillerat,  G.  de  la  Landelle,  Léo  Lespès,  Hypolite  Lucas, 
X.  Saintine,  Aurélien  SchoU  et  Auguste  Vitu.  En  conséquence,  le  Comité 
est  composé,  pour  l'année  1863,  de  MM.  de  Balathier-Bragelonne,  Ch. 
Basset,  H.  Celliez,  G.  Chadeuil,  L.  Enault,  P.  Féval,  Ed.  Fournier,  Théo- 


phile Gauthier,  Georges  Guiffrey,  Paul  Juillerat,  Jean  Laffitte,  G.  de  la 
Landelle,  Léo  Lespès,  Hippolyte  Lucas,  Michel  Masson,  Eugène  MuUer, 
Ponson  du  Terrail,  Xavier  Saintine,  Aurélien  SchoU,  Jules  Simon,  le  ba- 
ron Taylor,  Frédéric  Thomas,  Auguste  Vitu  et  Francis  Wey.  Le  lundi 
9  février,  le  Comité  a  procédé  à  la  formation  de  son  bureau  pour  1863' 
Ont  été  élus  :  président,  M.  Wey;  viccrprésidents,  MM.  Laffitte  et  de 
la  Landelle;  rapporteurs,  MM.  Edouard  Fournier  et  Léo  Lespès;  secré- 
taires, MM.  Guiffrey,  Ponson  du  Terrail  et  Aurélien  SchoU;  questeurs, 
MM.  Charles  Basset  et  Louis  Enault  ;  archiviste  bibliothécaire,  M.  Eu- 
gène MuUer;  présidents  honoraires,  MM.  le  baron  Taylor,  Louis  Des- 
noyers (fondateur  de  la  Société),  Léon  Gozlan,  X.  Saintine,  Michel  Mas- 
son, Edouard  Thierry. 

^*,j  Chaque  mardi ,  le  professeur-compositeur  Paul  Bernard  réunit 
ses  élèves,  et  par  la  manière  dont  elles  interprètent  les  œuvres  des 
maîtres,  on  peut  apprécier  de  plus  en  plus  l'excellence  de  sa  méthode 
et  son  talent  de  compositeur.  Des  artistes  distingués  assistent  à  ces 
réunions,  et  mardi  dernier  on  y  a  entendu  Nadaud,  Vincent  et  les 
frères  Guidon.  M.  Paul  Bernard  a  joué  avec  une  de  ses  élèves.  Mlle 
Baronnet,  un  beau  duo  de  Hummel  à  deux  pianos,  et,  seul,  un  nouveau 
caprice  arabe  de  sa  composition  :  l'Oasis,  destiné  à  un  beau  succès.  Il 
a  été  fort  applaudi. 

**„,  MUe  Murer,  une  des  élèves  les  plus  distingués  de  Prudent,  don- 
nera le  3  mars  un  concert  dans  la  salle  Herz. 

„*,t  Marcel  Colombier,  éditeur,  8S,  rue  de  Richelieu,  vient  de  faire 
paraître  deux  nouvelles  transcriptions  vocales  de  nos  grands  maîtres. 
Marguerite  (chanson  florale),  musique  de  Beethoven;  l'Oiseau  (conver- 
sation), musique  de  John  Field,  poésies  de  Mme  Desbordes-Valmore.  In- 
dépendamment de  leur  mérite  littéraire  et  musical,  ces  deux  morceaux, 
destinés  aux  jeunes  personnes,  ont  encore  le  précieux  avantage  d'être 
d'une  entière  convenance. 

*■**  Le  bal  annuel  de  l'Association  des  artistes  dramatiques  aura  lieu 
le  T  mars  prochain,  dans  la  salle  du  théâtre  impérial  de  l'Opéra-Co- 
mique,  sous  le  patronage  de  LL.  MM.  l'Empereur  et  l'Impératrice.  La 
réputation  de  cette  fête  est  assez  établie  pour  que  nous  jugions  inutile 
d'insister  sur  son  éclat  et  sa  splendeur.  C'est  le  rendez-vous  de  la  haute 
société  parisienne  et  des  étrangers  de  distinction  qui  viennent  admirer 
de  près  les  étoiles  de  la  scène.  On  souscrit  chez  le  trésorier  de  l'œuvre, 
rue  de  Bondy,  68,  et  au  bureau  de  location  du  théâtre  de  l'Opéra-Co- 
mique. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 

,j*,f  Château-Thierry.  —  Un  concert  fort  intéressant  à  plus  d'un  titre 
vient  d'être  donné  au  bénéfice  des  ouvriers  sans  travail  par  une  société 
d'amateurs,  auxquels  s'est  joint  un  artiste  d'un  grand  mérite,  M.  Ulysse 
de  Wast.  Ce  dernier  a  chanté  avec  un  goût  parfait  et  un  sentiment 
très-remarquable  des  nuances,  la  délicieuse  sérénade  de  Gounod,  qui  a 
obtenu  un  succès  d'enthousiasme.  On  a  aussi  chaleureusement  applaudi 
la  distinction  et  le  style  du  jeune  et  brillant  artiste  dans  la  romance  de 
Lalla-Roukh;  mais  ce  qui  a  surtout  vivement  frappé ,  c'est  l'étendue  et 
l'ampleur  de  sa  voix  dans  le  Miserere  du  Trovatore.  M.  du  Wast  est  un 
des  meilleurs  élèves  de  Duprez  ;  il  possède  donc  une  excellente  méthode, 
et  sa  voix  très-sympathique  est  d'une  grande  fraîcheur. 

,*^,  Poitiers.  —  Notre  Société  chorale  vient  de  donner  son  concert  an- 
nuel au  profit  des  pauvres.  Elle  s'était  assuré  le  concours  de  MUe  Mo - 
reau,  la  charmante  cantatrice  du  théâtre  Lyrique  ;  de  M.  Bussinc,  artiste 
de  l'Opéra-Comique,  et  Emile  Levêque,  virtuose-violoniste,  qu'on  ne  peut 
se  lasser  d'entendre.  Ces  éminents  artistes  ont  été  constamment  applau- 
dis et  rappelés.  L'orchestre  a  joué  avec  précision ,  quoique  mollement 
conduit,  les  Quvertnresdal'Italienneen  Algérie,  de  Rossini,  et  de /a  StVene, 
d'Auber.  Les  chœurs,  sous  la  direction  d-î  M.  Puisant,  ont  obtenu  un 
beau  succès. 

'^,^*.j,  Nice.  —  Il  n'est  bruit  que  du  magnifique  concert  annoncé  pour 
le  19,  au  théâtre  impérial,  par  Mme  la  baronne  Vigier(néeCruveUi),  au 
bénéfice  des  pauvres.  Les  entrées  sont  fixées  à  1 0  francs,  et  l'on  paiera, 
en  outre,  les  premières  et  deuxièmes  loges  1 00  francs,  et  les  fauteuils 
15  et  20  francs  1  Tel  est  le  prestige  exercé  par  la  grande  cantatrice, 
que,  vu  l'affluence  des  demandeurs,  les  places  devront  être  délivrées 
par  la  voie  du  sort. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


,^*»  Bruxelles.  —  La  direction  du  théâtre  de  la  Monnaie  a  donné,  ven- 
dredi dernier,  un  concert,  avec  le  concours  d'Emile  Prudent,  de 
Ikllle  De  Maesen,  et  de  MM.  Martin  et  Férié.  Le  célèbre  pianiste  français 
a  joué,  outre  son  nouveau  concerto,  plusieurs  de  ses  plus  charmantes 


OE  PARIS. 


53 


créations,  entre  autres  le  Réveil  des  Fées,  auquel  il  a  ajouté  un  accom- 
pagnement d'orchestre.  Ce  morceau,  déjà  si  ravissant  sous  sa  première 
forme,  a  gagné  considérablement  encore  par  le  développement  que  lui 
a  donné  l'auteur.  Comme  on  peut  le  penser,  les  applaudissements  et  les 
rappels  n'ont  pas  fait  défaut  au  grand  pianiste.  Mme  la  duchesse  de 
Brabant,  excellente  pianiste  elle-même,  semblait  suivre  avec  le  plus 
grand  intérêt  le  jeu  élégant  de  M.  Prudent,  et  mêlait  ses  applaudisse- 
ments à  ceu.x  du  public  enthousiasmé.  Mlle  De  Maesen  a  chanté  l'air  de 
l'Ombre  du  Pardon  de  Ploirmel  avec  un  goût  et  une  méthode  parfaits.  — 
Après  ce  concert.  Prudent  est  retourné  à  Gand,  où  il  a  clôturé,  devant 
deux  mille  auditeurs  enthousiasmés,  sa  brillante  excursion  en  Belgique. 

^*^  Gand.  —  La  reprise  du  Pardon  de  Ploërmel  vient  d'avoir  lieu,  à 
la  grande  satisfaction  de  notre  public.  Le  dernier  chef-d'œuvre  de 
Meyerbeer  a  été  remarquablement  interprété  par  Carman  (Hoël), 
Mme  Meyer-Boulart  et  Tournade  (Corentin).  Le  grand  air  d'entrée  et  la 
romance  du  troisième  acte  ont  valu  à,  Carman  des  applaudissements  et 
un  rappel  largement  mérités.  Le  rôle  de  Dinorah  est  une  des  meilleures 
créations  de  lime  Meyer-Boulart  ;  elle  en  a  saisi  admirablement  toutes 
les  nuances,  et  il  est  devenu  pour  elle  un  véritable  triomphe.  Tournade 
est  un  excellent  Corentin  dont  la  voix  de  trial  est  secondée  par  un  ex- 
cellent talent  de  comédien. —  Lundi,  M.  Cabel,  frère  de  la  pensionnaire 
du  théâtre  Lyrique  de  Paris,  a  donné  un  très-beau  concert  au  profit  du 
Cercle  philanthropique.  Mlle  Léontine  Allewaert  y  a  très-bien  chanté 
un    air  des   Huguenots  et  celui  du  Juillet  de  loterie. 

^*^  Vienne.  —  Merelli  est  arrivé.  On  attend  Mlle  Patti  pour  le  17,  et 
Mme  Lafont  pour  le  21)  du  courant.  La  Société  italienne  doit  donner  en 
tout  trente  représentations  ;  Mlle  Patti  chantera  dans  vingt-deux  soi- 
rées. Quoique  le  prix  d'abonnement  d'une  loge  de  parterre  et  de  pre- 
mière galerie  soit  fixé  à  30  florins  par  soirée,  presque  toutes  sont 
louées.  Merelli  fait  construire  une  vingtaine  de  loges  supplémentaires 
à  la  deuxième  galerie.  Il  y  aura  trois  ou  quatre  représentations  par  se- 
maine. Mlle  Patti  débutera  dans  la  Sonnambula.  Carrion  chantera  le 
rôle  d'Elvino.  Giugllni  doit  débuter  en  même  temps  que  Mine  Lafont. 
—  Satter  vient  de  donner  son  quatrième  concert.  L'éminent  pianiste  va 
partir  pour  Pesth. 

a,*»  Berlin.  —  Les  répétitions  de  l'opéra  de  Rubinstein,  les  Enfants 
des  Landes,  viennent  de  commencer  au  théâtre  de  la  cour.  —  Dans  la 
Fille  du  régiment,  Mlle  D.  Artot  a  obtenu  peut-être  plus  de  succès  en- 


core que  dans  la  Somnambule.  Le  rôle  de  Marie  est  un  des  plus  brillants 
de  son  répertoire,  et  il  a  été  de  nouveau  pour  l'éminente  cantatrice 
l'occasion  d'un  véritable  triomphe.  Le  prochain  rôle  qui  sera  chanté 
au  théâtre  de  l'Opéra  par  Mlle  Artot  est  celui  de  Margareth,  de  Faust.— 
Sivori  est  attendu  prochainement  pour  donner  une  série  de  concerts. — 
Le  directeur  général  des  corps  de  musique  de  la  garde,  M.  Wieprecht, 
a  célébré  ces  jours-ci  le  vingt-cinquième  anniversaire  de  son  entrée 
au  service.  Meyerbeer  avait  écrit  à  ce  sujet  à  M.  Wieprecht  une  gra- 
cieuse lettre  de  félicitations. —  La  Clochette  de  l'Ermite,  de  A.  Maillart, 
a  été  représentée  à  l'établissement  KroU,  et  cet  ouvrage  alterne  avec 
les  Pêcheurs  de  Catatic,  du  même  autour,  que  la  troupe  du  théâtre  Fré- 
déric-Guillaume représente  dans  la  même  salle,  avec  un  succès  qui 
grandit  chaque  jour.  —  L'éditeur  G.  Bocli  vient  de  célébrer  avec  solen- 
nité le  vingt-cinquième  anniversaire  du  jour  où  il  a  fondé  l'établisse- 
ment qu'il  dirige  avec  tant  de  succès.  Le  prince  royal  lui  a  fait  re- 
mettre ù  cette  occasion,  par  le  général  Maliszewski,  une  lettre  de  féli- 
citations, et  des  témoignages  semblables  d'estime  lui  ont  été  adressés 
par  des  sommités  artistiques,  parmi  lesquels  Meyerbeer,  Taubert,  F. 
Kœster,  de  Bulow,  etc. 

^*^  Brunsivick.  —  L'opéra  de  Bénédict,  la  Rose  d'Erin,  qui  a  déjà  eu 
soixante  repr.5sentatious  à  Londi-es,  sous  le  titre  de  Lilly  of  Killarnéy, 
vient  d'être  donné  pour  la  première  fois  au  théâtre  de  la  cour.  Sans 
être  précisément  une  oeuvre  originale,  la  partition  est  facile  et  agréable 
et  a  reçu  un  bienveillant  accueil. 

^*^  Barcelone.  —  Le  Prophète  poursuit  le  cours  de  son  triomphe.  A  la 
dernière  représentation,  deux  magnifiques  couronnes  ont  été  jetées  sur 
la  scène,  l'une  en  or,  d'un  très  grand  prix,  pour  l'illustre  compositeur; 
l'autre  en  laurier,  pour  l'habile  chef  d'orchestre,  M.  Castagneri.  Lors- 
que ce  dernier  prit  la  couronne  d'or  et  la  posa  sur  la  partition,  l'en- 
thousiasme fut  immense,  et  les  applaudissements  éclatèrent  de  toutes 
parts.  La  couronne  d'or  a  été  expédiée  immédiatement  à  Paris,  à  M.  Ver- 
ger, directeur  du  théâtre  de  Barcelone,  afin  qu'il  la  fasse  parvenir  à 
M.  Meyerbeer. 


En  vente  ctaez  lIAReEIi  COliOSIBIER,  éditeur,  S5,  nie  de  Rlcliellea ,  à  Paris. 

IVOUVELLES    PUBLICATIOIVS    MUSICALES 


lIORCœ.'&ÏJJK    »E1    PIAÏVO.                       Prix  marque. 

Bernard  (Paul).  Barcarolle 6  » 

liambert  (Lucien).  God  save  the  queen ,  air  national  anglais.    .  6     » 

IVensledt  (Ch.).  Première  rêverie 5  » 

—  Deuxième  nocturne 5  » 

Taiexj'  (A.).  Les  Feuilles  de  la  marguerite,  six  morceaux-oracle: 

1.  11  m'aime!        3.  Beaucoup!         5.  A  la  folie! 

2.  Un  peu!  4.  Tendrement!     6.  Pas  du  tout! 

Chaque  numéro  séparé 4  •> 

L'ouvrage  complet,  broché 15  » 

—  Fouets  et  Grelots,  grand  galop  brillant 7  .SO 

—  Id.    à  quatre  mains 9  » 

Waflis  (F.).  La  Première  amitié,  romance  sans  paroles  ....  5  » 


CH/1!VT.                                           Prix  Daarqné. 

Bertliofen.  Marguerite  (poénie  de  Mme  Valmore),  chanson  florale  (2  t.)  2  50 

Ficld  (John  ).  L'Oiseau,               id.               conversation  ....  3     » 

—  Le  Rêve  à  deux,                   id.               romance 2  50 

ICorcanx  (Ch.).  L'Amour  et  l'Amitié  (laMian  de  llllleyoye),  deux  tons  2  50 

DAIVSEI^. 

Bonilard  (V.).  Fifres  et  clairons,  polkas 3    » 

—  Turf-Polka.  ...       5    » 

Tale.ty  (A.).  Bella  Maria,  polka 5     » 

liC  Corlieiller  (Ch.).  La  Première  Gerbe,  valse 5    » 

aullano  (A. -P.).  La  Fête  au  hameau  (très-facile),  quadrille.    .  4  50 

IVacbs  (F.).  Le  Tourbillon,  quadrille 4  50 

BXatiiieu  (fils.).  Déesse,  polka-mazurka 5     » 


ALPHONSE    SAS    (JUNIOR) 

Facteur  et  Ins^énienr  en  instramenls  de  Musique 

JIÎANUFACTURE  D  I.^STRUMEIVTS  EIV  CUIVRE  ET  EÎV  ROIS 

EX  VOUS  CtEMRES,   EIV  TOUVES  FORME!^  ET   DAWS  TOUS  liES  TOIWS 

HARMONIE  et  FANFARE.  —  Rue  d'Abbeville,  5  bis,  Paris,  près  de  la  place  Lafayette.  —  Belle  Salle  de  300  personnes  pour  Concerts  et  Répétitions. 
16  Brevets  d'Invention  ou  de  perfectionnement.  —  Commission.  —  Exporlation. 

Ereveti;  de  S.  M.  l'Empereur  des  Français.  —  Grand  brevet  de  S.  M.  la  reine  d'Angleterre.  —  Breveté  de  S.  M.  le  roi  des  Belges.  —  2m°  prix  en  1838.  —  1"  prix 
en  1841.  —  Prix  d'honneur,  médaille  d'or,  en  1843.  —  Médaille  d'argent  à  l'Exposition  de  Paris,  IS.U.  —  BEliÉCJUÉ  par  le  gouvernement  belge  pour  visiter 
l'Exposition  universelle  de  Londres,  en  1851.  —  Exposition  universelle  de  Paris,  1855,  les  plus  belles  pages  du  Rapport  officiel,  27™  Classe,  pages  1835-1336.  — 
Exposition  universelle  de  Londres,  1862,  Pfi/ZE  MEDAL,  avec  cette  mention  :  POUR  EXCEEI.EN1CB  DE  TOUTE  ESPÈCE  D'INSTRUMENTS  DE  CUIVRE. 
—  Membre  de  l'INSTITUT  POLYTECHNIQUE  de  Paris,  membre  de  l'ASSOCIATION  INTERNATIONALE  POUR  LE  PROGRÈS  DES  SCIENCES  SOCIALES.  — 
MEDAILLE  U'OIi  et  Membre  du  CORPS  SCIENTIFIQUE  DE  L'HOTEL  DE  VILLE  DE  PARIS. 


SOUFLETO  p^r^tlon'^  ^'^""- 


Médaille  d'or,  Exposition  1849;  Médaille  de  V  classe  ExposlHon  universelle  1855.  Spécialité  de  pianos  pour  l'ex- 
■  Cette  maison   a  obtenu,   depuis  183(i,   à  toutes  les  Expositions,  des  récompenses  méritées  par  l'excellence  de  ses  pianos  droits, 
cordes  obliques,  dont  la  réputation  est  justement  établie.  Elle  vient  de  mettre  en  vente  un  nouveau  modèle  de  piano  droit,  cordes  obliques,  grand  format,  extra, 
qui  ne  laisse  rien  à  désirer  sous  le  double  rapport   de  la  quantité  et  de  la  qualité  du  son.  —  Uag^asin,  rue  Hontmarlre,  ICI. 


56 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


CHKZ  e.KRAlVnUS  KT  S.  niJFOlJR,  ËIHTKIJRS,  t03,  RVCl  RICHEIilKU,  AIT  I", 

Cette  semaine  paraîtront 

LES    AIRS    DÉTACHÉS    DE    CHANT 

DE 

STRADEIiLA 

Opéra  en  trois  actes,  PAROIiKS    ITAIilEWSTJES ,    musique   de 


ARRANGEMENTS    POUR     LE    PIANO    PAR 
ILRIJeER,    HOSS,     HVarVKSr,     VAI^IQVET,     RVIVIVIEIi,     IiOlirCiLmviIiliE,     SKIVST,     liroiiFF. 


Quadrille,    Polka,    Valse. 


LA    PARTITION    ARRANGEE    POUR    LE    PIANO    SEUL. 


LA  PARTITION  POUR  CHANT  ET  PIANO  PARAITRA  LE  25  FEVRIER. 


1"  luëdallle  d'or 

Exposition  nationale  française  de  1840. 

DECORATION  DE  LA  LÉGION  D'HONNEUR 
Exposition  de  1849. 

±"  médaille  d'argent 

Exposition  nationale  française  de  ISdd. 


IIÂNUFACTURE  D'INSTRUMENTS  DE  «DSIQUE  EN  CUIVRE  ET  EN  BOIS 

FONDÉE  A  PARIS  EN  1843  PAK 

Facteur  de  la  Maison  militaire  de  l'Empereur. 

RUE   SAINT  ■ GEORGES,    50 


i"  médaille 

Exposition  nationale  helge  de  1841. 

DÉCORATION  DE    LA   COURONNE  DE    CHÊNE 
de  Hollande  (1845). 

Orande  médaille  d'or 

du  Mérite  de  Prusse  (1846). 


Seule  grande  mëdaille  d'Iiounenr  à  l'Exposition  universelle  de  Paris  (lS55).  —  Seule  grande  médaille 

(CoMtacK  Mffetini)  à  l'Exposition  universelle  de  liondres  (1951). 

Organisateur  el  fournisseur  de  la  musique  des  Guides  et  des  mitres  musiques  des  régiments  de  la  Garde  impériale. 

INVENTEUR   DES    FAMILLES    DES 


SAXO-TROMBAS.  SAX-TUBAS.  CLAIRONS-SAX. 

SAXHORNS.  SAXOPHONES.  TROMBONES-SAX. 

Forme  et  dispositions  nouvelles  de  Trombones  à  3,  4  et  5  cylindres  ; 

invention  brevetée  en  ■  85«. 
Tous  les  instruments  à  pistons  avec  addition  d'une  ou  plusieurs 

clefs;  invention  brevetée  en  i!450. 
Système  d'instruments  à  pistons  ascendants;  inv.  brev.  en  IS5%. 


CORNETS-SAX  (compensateurs) . 
CLARINETTES  BASSES-SAX. 


CLARINETTES  CONTR  E-BASSES-S AX. 
BASSON-SAX  (en  cuivre  et  en  bois) . 

Cors,  Cornets,  Trompettes,  Trombones  simples,  les  mêmes  à  pistons 
ou  cylindres,  les  mêmes  forme  Saxo-Tromba. 

Clairons,  Trompettes  d'ordonnance.  Flûtes,  Clarinettes,  Bassons, 
Caisses  roulantes,  Grosses  Caisses,  Tambours,  Timbales,  Cym- 
bales, etc.,  etc. 


MANUFACTURE  DE  PIANOS  —  MAISON  HENRI  HERZ 

Rue  (le  la  Tictoire,  4 S,  à  Paris. 

L'immense  succès  que  les  Pianos  de  la  Maison  Henri  HERZ  ont  obtenu  à  l'Exposition  universelle  de  Paris,  en  1855, 
vient  de  se  reproduire  à  Londres  avec  plus  d'éclat  encore  :  aussi  le  Jury  international  vient-il,  en  plaçant  ces  instruments 
au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimité,  à  M.  Henri  HERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection 
reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  soUdilé,  de  la  sonorité,  de  V égalité,  el  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  d'expression.  (Rapport  du  Jury  international.) 


PRIX  ACCORDÉ   A   l'unanimité   A   L'EXPOSITION 
UNIVERSELLE   DE   LONDRES   1831. 

ronrnlssenr  des  IHinlstères  de  la 
Ouerre  et  de  la  Marine  de  Erance. 

Seuls   agents   à   Londres 

CHAPPEIL  &  HAKMOND,  S"  DE  JDILIEN  &C' 

214 ,  Régent  Street. 


MAISON  FONDÉE  EN  1803. 

INSTRUMENTS    DE    MUSIQUE    EN    CUIVRE 

ANTOINE  COURTOIS 


MEDAILLE  D  ARGENT    DE  1'*   CLASSE 
A    l'exposition     UNIVERSELLE    DE    PARIS    1855. 

Facteur  du  |  Conservatoire   et  de 
l' Académie  Impériale  de  Paris. 

Agent  à  Saint-Pétersbourg  : 

A.  BUTTNER, 

Perspect.  Newsky,  maison  de  l'église  St-Pierre. 


8  S,  rue  «t««  Mlnfuis  ••  Saint- Martin,   S  S 

Ci-devant  rue  du  Caire,  21. 

La  maison  ANTOINE  COURTOIS  ayant  agrandi  ses  ateliers,  est  en  mesure  de  satisfaire  à  toutes  les  demandes  qui  pourront  lui  être 
adressées;  elle  garantit  réellement  à  sa  clientèle  des  instruments  irréprochables  sous  tous  les  rapports. 


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Dans  les  Déportcments  et  à  t'ÉtraDg^er,  chez  tous 
les  Marchands  de  Musique,  les  Libraires,  et  aux 
Elurcaui  des  Messageries  et  des  Posles. 


IV«  8. 


REVUE 


22  Février  1863. 


PRIS  DE  L'ABONNEUENTE 

Paris 24fr.paron 

Départements,  Belgique  et  Suisse....     .30  »       id. 

Étranger 34  -•       id. 

Le  Journal  paraît  Le  Dimanche, 


GAZETTE  MUSICALE 


— ^N/u  vAAA/VrvPowv— 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  impérial  italiea:  Alessandro  Stradella,  opéra  en  trois 
actes,  musique  de  F.  de  Flotow,  par  Paul  Smith.  —  Théâtre  des  Bouffes- 
Parisiens  :  les  Bavards,  opéra-bouffe  en  deux  actes ,  paroles  de  M.  Nultter, 
musique  de  M.  Jacques  Offenbach.  —  Société  des  concerts  du  Conservatoire 
impérial  de  musique  et  de  déclamation,  par  Xiéon  Darocher.  —  Revue  des 
théâtres,  par  D.  A.  D.  Saiut-YTes,  —  Nouvelles  et  annonces. 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  ITÀUEN. 

AliESS.lNDBO  STBAUœiiliA, 

Opéra  en   trois  actes,  musique  de  F.  de  Flotow. 
(Première  représentation  le  19  février.) 

La  légende  d' Alessandro  Stradella,  vraie  ou  fausse,  historique  ou 
romanesque,  est  digne  de  la  fabuleuse  antiquité.  Ce  chanteur  qui  se 
sauve  lui-même  en  désarmant  des  assassins  par  le  charfne  de  sa  voix, 
marche  de  pair  avec  Orphée,  attendrissant  l'enfer  et  lui  reprenant 
son  Eurydice;  avec  Amphion,  transportant  les  rochers  et  en  cons- 
truisant des  villes.  Comment  l'opéra  moderne  eùt-il  laissé  échapper 
un  héros  tel  que  Stradella,  surnommé  de  son  temps  V Apollon  de  la 
musique?  Une  belle  voix  dans  un  beau  corps!  Nous  avons  bien  su 
exploiter  Garât,  fait  prisonnier  par  une  patrouille,  et  entonnant  la 
Gasconne  pour  recouvrer  sa  liberté.  Le  chanteur  italien  du  x\n^  siècle 
devait  avoir  le  pas  sur  le  chanteur  français  du  siècle  précédent  et  de 
celui-ci.  Dans  la  même  année,  à  peu  de  jours  de  distance,  on  le  vit 
apparaître  sur  deux  théâtres  de  Paris.  Le  Stradella  représenté  du 
grand  Opéra  le  3  mars  1837,  avait  pour  auteurs  MM.  Emile  Des- 
champs et  Erailien  Pacini  ;  c'était,  M.  Niedermeyer  qui  en  avait  écrit 
la  musique,  et  le  rôle  principal  fut  joué  successivement  par  Adolphe 
Nourrit  dans  ses  adieux,  et  par  Duprez  dans  ses  débuts.  Un  autre 
Stradella,  plus  petit  de  format,  plus  modeste  d'intention,  mais  très- 
original  et  très  amusant  dans  ses  allures,  s'était  montré  au  théâtre  du 
Palais-Royal  le  3  février,  un  mois  auparavant  ;  il  sortait  d'une  heu- 
reuse collaboration,  celle  de  MM.  Paul  Duport  et  de  Forges,  et  il 
avait  pour  interprète  naturel  à  ce  théâtre  le  joyeux  et  mélodieux 
Achard,  père  du  jeune  artiste  que  l'Opéra-Comiquo  possède  aujour- 
d'hui. 

Si  nous  avons  rappelé  ces  deux  ouvrages,  véritables  ancêtres  du 
libretto  d'abord  allemand,  ensuite  italien,  dont,  par  parenthèse, 
l'auteur  n'a  pas  manqué  de  mémoire,  ce  n'est  pas  ponr  étaler  un 
vain  luxe  d'érudition  généalogique,  mais  c'est  que  dans  le  Stradella 
du  Palais-Royal  nous  rencontrons  déjà  M.  de  Flotow,  qui  n'avait  pas 


dédaigné  d'écrire  deux  morceaux  charmants  pour  cette  petite 
pièce,  un  air  pour  le  bandit  Malvolio,  et  l'hymne  à  la  Vierge,  qui 
amenait  le  dénoûment.  L'hymne,  chantée  par  Achard,  contribua 
grandement  au  succès,  et  il  est  tout  simple  que  le  compositeur  en 
ait  g-ardé  le  souvenir.  Ainsi,  de  ses  deux  opéras  les  plus  populaires 
en  Allemagne,  Stradella  et  Martha,  la  première  esquisse  avait  été 
tracée  par  lui  en  France  :  celle  de  Stradella  dans  un  vaudeville,  et 
celle  Aq  Martha  dans  un  acte  de  ballet. 

Stradella  fut  joué  pour  la  première  fois  à  Hambourg,  au  mois  de 
décembre  18M,  et,  tout  récemment,  on  l'a  donné  pour  la  centième 
fois  dans  la  même  ville,  au  même  théâtre.  C'est  donc  une  œuvre  en 
tout  semblable,  pour  le  destin  comme  pour  le  mérite,  à  cette  Martha 
née  trois  ans  plus  tard,  à  Vienne,  vers  la  un  de  1847.  Ce  dont  peut- 
être  il  faut  s'étonner,  c'est  que  nous  ayons  attendu  Stradella  si 
longtemps,  et  que  l'aîné  des  deux  opéras  ne  se  soit  produit  chez  nous 
que  six  ans  après  le  plus  jeune.  Le  poète  allemand  auquel  M.  de  Flotow 
s'adressa  pour  avoir  un  libretto  complet,  jugea  sans  doute  prudent 
de  ne  pas  se  mettre  l'imagination  à  la  torture.  11  avait  sous  les  yeux, 
sous  la  main  les  deux  pièces  françaises,  et  il  se  contenta  d'y  prendre 
ce  qu'il  y  trouvait  de  mieux  :  à  l'une  quelques  idées  de  scène,  à 
l'autre  des  personnages  excellents,  deux  hravi  facétieux  et  mélomanes- 
Heureusement,  le  compositeur  se  donna  plus  de  peine.  En  artiste 
consciencieux  et  de  vaillante  race,  il  tint  à  écrire  une  parti- 
tion qui  fût  entièrement  à  lui,  depuis  la  première  note  jusqu'à  la 
dernière  :  ou  peut  en  juger  par  son  ouverture,  morceau  vigoureux, 
dont  le  début  si  riche  d'harmonie  annonce  pompeusement  les  solen- 
nités de  l'église.  A  l'andante  en  ré  majeur  succède  un  leste  et  pimpant 
allegro  en  fa  mineur,  d'où  l'on  revient  pour  conclure  au  mouvement 
et  au  ton  primitifs. 

Une  introduction  pleine  de  finesse  et  d'élégance,  un  chœur  char- 
mant précèdent  l'entrée  de  Stradella,  qui  paraît  bientôt,  et  chante 
une  sérénade  des  plus  passionnées  sous  les  fenêtres  de  sa  belle.  Nous 
sommes  à  Venise,  au  milieu  des  folies  du  carnaval  ;  mais  Stradella  et 
sa  Leonora,  pupille  du  signor  Bassi,  n'en  sont  pas  moins  graves  ;  ils 
n'en  échangent  pas  moins  sérieusement  leurs  soupirs  amoureux  et 
leurs  projets  d'évasion  dans  un  délicieux  nocturne,  où  la  voix  de  so- 
prano répond  sur  les  mêmes  notes  à  la  voix  de  ténor.  Puis  intervient 
un  chœur  de  manques  suivi  d'une  tarentelle.  On  danse,  on  rit,  on 
s'amuse,  excepté  Bassi,  le  tuteur,  qui  tout  à  coup  s'aperçoit  que  sa 
pupille  lui  est  enlevée.  Alors  il  se  fâche  et  s'agite  :  à  sa  place,  Bar- 
tholo  n'en  eût  pas  fait  moins.  Il  veut  que  l'on  coure  après  les  fugitifs  ; 
les  masques  l'entoureut  et  lui  barrent  le  chemin.  Le  premier  acte  finit 
sur  celte  scène  mouvementée,  qui  forme  un  piquant  tableau. 


58 


r.EVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Le  second  acte  nous  conduit  dans  un  village  aux  environs  de 
Rome  :  à  gauche  on  voit  une  maison  portant,  au  lieu  d'un  numéro, 
cette  inscription  :  alla  campanella,  c'est-à-dire  à  la  clochette.  Là  se 
sont  réfugiés  les  deux  amants,  dont  le  mariag-e  doit  être  célébré  le 
jour  même  ;  mais  là  aussi  vont  les  relancer  deux  bravi  détachés  par 
le  tuteur.  Ces  deux  gaillards,  envoyés  séparément  et  chacun  pour  son 
compte,  ont  les  mêmes  instructions,  le  même  mandat.  Le  tuteur  a 
voulu  être  sûr  de  son  fait,  et,  comme  en  un  jour  de  bataille,  il  ne 
s'en  est  pas  rapporté  à  un  seul  aide  de  camp.  Malvolio  et  Barbarino 
se  reconnaissent,  se  parlent  de  leurs  affaires,  de  leurs  femmes,  de 
leurs  enfants,  et,  après  s'être  un  peu  chamaillés  sur  l'objet  même  de 
leur  voyage,  au  lieu  de  se  séparer,  ils  s'associent  et  se  décident  à 
frapper  Stradella  de  compte  à  demi. 

Frapper,  assassiner,  c'est  aisé  à  dire,  mais  beaucoup  moins  facile  à 
exécuter  quand  il  s'agit  d'un  artiste,  d'un  chanteur  comme  Stradella. 
Cependant  il  n'a  aucune  défiance,  et  quand  les  deux  bandits,  qui 
n'ont  rien  de  rassurant  ni  dans  la  figure,  ni  dans  le  costume,  lui  de- 
mandent la  permission  de  s'asseoir  au  banquet  nuptial ,  il  la  leur 
accorde  tout  de  suite  :  un  peu  plus  tard  il  va  même  jusqu'à  les  ac- 
cueillir dans  sa  maison.  Sublime  imprudence,  dont  le  compositeur 
a  tiré  un  admirable  parti!  Le  banquet  nuptial  est  aussi  plantureux, 
aussi  gai  qu'il  doit  l'être  :  c'est  à  peine  si  de  temps  à  autre  Malvolio 
et  Barbarino  font  luire  la  lame  de  leurs  poignards,  mais  aussitôt  les 
poignards  rentrent  dans  leur  gaine.  Ce  qui  est  différé  n'est  pas  perdu: 
du  moins  les  deux  bandits  le  supposent,  et  en  attendant  ils  ne  se  re- 
fusent ni  bon  vin,  ni  bonne  chère.  La  nouvelle  mariée  chante  un 
brindisi,  qu'ils  écoutent  avec  un  extrême  plaisir,  ainsi  que  la  salle 
entière,  mais  ils  sont  encore  plus  sensibles  à  la  chanson  de  Salvator 
Rosa,  que  Stradella  est  prié  de  dire  à  son  tour.  A  la  vérité,  la  mo- 
rale en  est  saisissante,  et  tout  à  fait  à  la  portée  de  gens  comme  les 
deux  bandits.  On  connaît  l'anecdote  du  peintre  fameux,  que  des  vo- 
leurs arrêtent  dans  les  montagnes,  mais  qu'ils  traitent  avec  excès  de 
générosité,  en  lui  disant  : 

Del  ladrone  il  nobil  foco 
Sa  gringegni  rispettar, 
E  gli  artisti  in  ogni  loco 
Un  asil  si  pon  trovar. 

Traduction  quasi-littérale  :  Le  voble  feu,  qui  anime  le  voleur,  sait 
respecter  les  hommes  de  génie,  et  tons  les  artistes  peuvent  trouver 
un  aille  parmi  nous.  Fiez-vous  à  ce  refrain,  si  vous  voulez,  ou  si 
vous  aimez  mieux  ,  munissez-vous  de  bons  pistolets  et  tâchez  de 
trouver  une  bonne  auberge. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  l'anecdote,  de  la  morale  et  de  ses  effets  pro- 
bables, au  lieu  d'assassiner  Aie  elnunc,  Malvolio  et  Barbarino  s'envon. 
dormir  paisiblement  sous  le  même  toit  que  Stradella.  Le  lendemain  seu- 
lement, ils  songent  aux  affaires  sérieuses,  et  encore  faut-il  pour  cela 
que  le  tuteur,  Bassi,  vienne  les  réveiller  et  les  presser  d'agir.  Là 
nous  avons  la  scène  qui  avait  inspiré  un  fort  bon  trio  à  Niedermeyer  : 

Trente  ducats  pour  vous  :  Voyez,  mes  braves  gens. 
Voulez-vous  les  gagner?  c'est  un  beau  bénéfice. 

Les  brigands  acceptaient  d'abord;  mais  quand  ils  apprenaient  le 
nom  de  celui  qu'ils  devaient  occire,  quand  ils  étaient  instruits  du  jour, 
de  l'heure  et  du  lieu  où  le  crime  devait  être  commis,  ils  demandaient 
une  somme  toujours  de  plus  en  forte,  et  finissaient  par  obtenir 
300  ducats,  au  lieu  de  30.  C'est  à  peu  près  la  même  chose  qui  se 
passe  entre  le  tuteur  et  les  coupe-jarrets.  Quand  il  les  a  bien  enflam- 
més, bien  déterminés,  Stradella  vient  répéter  l'air  qu'il  sera  tout  à 
l'heure  appelé  à  chanter  dans  l'église,  l'hymne  à  la  Vierge  : 

0  santa,  ô  pia, 

Del  Ciel  regina, 

Madré  divina 

Del  Redentor. 


Ici  le  prodige  est  encore  plus  grand,  plus  étonnant  que  dans  toutes 
les  autres  pièces  où  a  figuré  Stradella.  Le  charme  de  sa  voix  et  de 
son  chant  opère  non-seulement  sur  les  deux  assassins,  mais  sur  celui 
qui  les  avait  soudoyés  pour  le  crime.  Malvolio  et  Barbarino  tombent 
aux  genoux  de  Stradella,  en  lui  disant,  comme  dans  la  fable  le  cuisi- 
nier dit  au  cygne  : 

Quoi!  je  mettrais  un  tel  chanteur  en  soupe? 
Non,  non,  ne  plaise  aux  dieux  que  jamais  ma  main  coupe 
La  gorge  à  qui  s'en  sert  si  bien  I 

De  plus,  Bassi,  touché  jusqu'au  fond  de  l'âme,  laisse  échapper  ce 
mot  d'une  candeur  parfaite  :  Scusate.  «  Excusez  les  fautes  du  tuteur.  » 
Avons-nous  besoin  de  dire  que  Stradella  n'hésite  pas  à  lui  pardonner  ? 

Pardonnons  aussi,  et  de  grand  cœur,  aux  légères  imperfections,  aux 
petites  invraisemblances  d'un  canevas  qui  a  fourni  à  M.  de  Flotow 
l'occasion  d'écrire  le  deuxième  et  le  troisième  acte  de  son  opéra.  De 
toutes  les  combinaisons,  à  peine  effleurées  par  notre  analyse,  il  a  eu 
le  talent,  le  bonheur  de  faire  un  ensemble  rempli  d'intérêt,  et  dont 
chaque  détail  a  sa  valeur.  Tout  le  rôle  de  Stradella  est  d'une  con- 
ception élevée  :  il  abonde  en  mélodies  d'un  ordre  peu  commun,  et 
répond  à  l'idée  que  l'on  se  forme  d'un  chanteur  de  prima  sfera.  Le 
rôle  de  Léonora  est  élégant,  distingué,  brillant:  c'est  une  Rosine 
chantante.  Mais  convenons-en,  la  plus  saillante  individualité  de  la 
partition  consiste  dans  les  rôles  de  Malvolio  et  de  Barbarino,  dont  la 
musique  a  rendu  les  singuhères  physionomies  avec  autant  de  relief 
que  le  meilleur  des  peintres  l'eût  pu  faire.  Pas  un  seul  des  morceaux 
qu'ils  chantent,  ou  auxquels  ils  concourent  n'est  indifférent,  et  dans 
le  nombre  il  y  en  a  qui  excitent  le  franc  rire;  il  y  en  a  qu'on  re- 
demande avec  chaleur,  comme  par  exemple  la  délicieuse  canzone 
en  six-huit  : 

Beviam  compar 
Glu  !  glu  1  glu  !  glu  1 
Che  il  buon  vin  è  salutar. 

Pour  qui  connaît  le  style  de  l'auteur  de  Maria,  nous  n'insisterons 
pas  sur  les  qualités  qui  le  distinguent,  et  dont  la  partition  de  Stra- 
della est  largement  pourvue.  Ce  que  nous  en  aimons  surtout,  c'est 
la  douceur  italienne  toujours  mariée  à  l'esprit  français,  à  la  grâce 
française  ;  c'est  la  puissance  qui  sait  user  de  toutes  les  ressources 
instrumentales  sans  jamais  tomber  dans  l'exagération.  La  manière 
de  M.  de  Flotow,  dira-t-on,  est  éclectique;  est-ce  un  reproche  ou 
un  éloge  ?  Ce  qui  n'est  pas  douteux  non  plus ,  et  Marta  l'a  prou\é, 
c'est  qu'elle  est  cosmopolite. 

L'exécution  a  été  digne  de  l'œuvre.  Naudin  a  rempli  le  rôle  de 
Stradella  en  artiste  qui  en  comprend  l'importance;  il  y  a  donné 
beaucoup  de  sa  voix  et  de  son  âme  ;  il  s'est  modéré  quand  il  l'a  fallu, 
et  il  est  parvenu  à  émouvoir.  Mlle  Battu,  qui  faisait  une  sorte  de 
rentrée,  nous  est  revenue  avec  tout  le  prestige  de  sa  vocalisation  pure 
et  accentuée;  elle  a  supérieurement  rendu  l'air  du  premier  acte, 
celui  qui  ouvre  le  second  et  bien  d'autres  morceaux  encore.  Quant  à 
Zucchini  et  à  Délie  Sedie,  les  deux  bravi,  nous  n'étonnerons  per- 
sonne en  disant  qu'ils  sont  excellents;  s'il  n'y  avait  qu'un  prix  à  dé- 
cerner, nous  leur  conseillerions  de  s'entendre  pour  le  partage,  comme 
dans  la  pièce  ils  s'entendent  pour  une  association  de  genre  dif- 
férent. 

Le  théâtre  Italien  n'a  rien  épargné  pour  la  mise  en  scène  du  nou- 
vel ouvrage  :  costumes,  décors,  tout  est  frais  et  séduisant.  M.  Leroy, 
dont  le  talent  s'est  exercé  au  grand  Opéra,  à  l'Opéra-Comique  et  ail- 
leurs, s'est  occupé  de  disposer  les  groupes ,  de  régler  les  danses  : 
c'est  un  bon  office  dont  nous  devons  lui  savoir  gré. 

Paul  SMITH. 


DE  PAKIS. 


5« 


THEATRE  DES  BODFFES- PARISIENS. 

liGS    BA.VARDS, 

Opéra-bouffon  en  deux  acles,  paroles  de  M.  Nuitter,  musique  de 
M.  Jacques  Offenbach. 

(Première  représentation  le  20  février  1863.) 

Le  succès  de  cette  opérette,  ou  plutôt,  pour  parier  comme  l'affi- 
che, de  cet  opéra-bouffe,  a  été  consacré  déjà  par  le  public  aristocra- 
tique d'Eras,  où  il  a  été  représenté  l'été  dernier,  sous  le  titre  de  Ba- 
vard et  Bavarde.  11  a  reçu  depuis  des  développements  qu'il  n'avait 
pas,  son  importance  s'en  est  accrue,  surtout  sous  le  rapport  de  la 
musique,  mais  le  fond  n'en  a  pas  changé.  11  est  tiré  du  théâtre  de 
Cervantes,  traduit  récemment  par  M.  Alphonse  Royer,  et  l'on  y 
trouve  en  effet  le  cachet  humoristique  des  saynètes  espagnoles , 
bien  plus  nombreuses  encore  dans  les  œuvres  de  Cervantes  , 
de  Lope  de  'Vega,  de  Calderon,  de  Tirso  de  Molina,  que  les  drames 
de  cape  et  d'épée,  auxquels  ces  poètes  doivent  en  France  une  bonne 
partie  de  leur  réputation. 

C'est  en  1624  que  fut  représentée  à  Séville,  sous  le  titre  des  Deux 
Bavards,  la  pièce  qui  a  fourni  à  M.  Nuitter  le  sujet  de  la  sienne.  Il 
s'agit,  dans  cette  pièce,  d'un  certain  Roland,  un  jeune  senor  de  Sé- 
govie,  criblé  de  dettes  et  poursuivi,  à  travers  les  rues,  par  la 
meute  de  ses  créanciers.  Ce  Roland  aime  la  fille  du  bourgeois  Sar- 
miento,  et  tout  naturellement,  il  vient  errer,  dans  sa  fuite,  autour  de 
la  demeure  habitée  par  la  gentille  Inès.  Il  fait,  sur  cette  place,  la  ren- 
contre de  Sarmiento,  et  cherche ,  par  tous  les  moyens  possibles,  à 
l'intéresser  à  son  sort,  sans  pourtant  lui  laisser  deviner  son  individua- 
lité. Dans  tout  le  bavardage  fiévi'eux  de  Rjland,  le  bon  bourgeois, 
digne  d'avoir  vu  le  jour  sous  le  même  ciel  que  Rabelais,  ne  voit 
qu'une  chose,  c'est  que  ce  jeune  inconnu  est  plus  bavard  que  sa 
femme,  et  comme  il  est  fort  incommodé  au  logis  par  le  verbiage  inta- 
rissable de  dame  Réatrix,  il  conçoit  aussitôt  le  projet  de  lui  opposer 
le  senor  Roland,  similia  similibus;  ce  bourgeois  ségovien  a  certaine- 
ment pressenti  le  système  homœopathique. 

Roland  est  donc  installé  sous  le  même  toit  que  son  Inès ,  et  l'idée 
de  Sarmiento,  mise  sur  le  champ  en  pratique,  réussit  à  merveille. 
Mais  Béatrix,  furieuse  d'avoir  trouvé  son  maître,  ne  tarde  pas  à  pé- 
nétrer le  secret  de  son  mari,  et  elle  s'en  venge  par  une  contre-partie 
fort  ingénieuse,  qui  n'existe  pas  dans  la  pièce  originale,  et  qui  donne 
un  côté  fort  comique  au  dénoùment  de  M.  Nuitter.  Au  moment  où 
Sarmiento  a  le  plus  grand  intérêt  à  savoir  ce  qui  se  passe  dans  sa 
maison,  où  les  révélations  d'un  alcade,  autre  bavard  insupportable, 
lui  font  supposer  une  intrigue  attentatoire  à  son  honneur  conjugal, 
non-seulement  il  ne  peut  arracher  une  parole  à  sa  femme,  mais  tout 
Ift  monde  est  devenu  muet  autour  de  lui,  jusqu'à  l'alcade.  Le  bon- 
homme, désespéré,  redemande  à  grands  cris  son  ancien  martyre, 
mais  on  ne  se  rend  à  ses  vœux  qu'à  condition  qu'il  accordera  son 
consentement  au  mariage  de  sa  nièce  et  que  la  dot  d'Inès  paiera  les 
dettes  de  Roland. 

La  partition  qu'Offenbach  a  écrite  sur  cette  amusante  co- 
médie de  M.  Nuitter,  est,  sans  contredit,  une  des  plus  char- 
mantes qu'il  ait  faites  pour  le  théâtre  des  Bouffes-Parisiens,  qui  lui 
doit  tant  de  brillants  succès.  L'affiche  a  eu  raison  ;  ce  n'est  pas  une 
opérette,  c'est  bel  et  bien  un  opéra-bouffe,  traité  avec  le  soin  et 
soumis  aux  développements  que  comportent  les  compositions  de  ce 
genre.  Presque  tous  les  morceaux  méritent  d'être  cités.  Et  tout  d'a- 
bord l'ouverture,  où  le  principal  motif  de  la  pièce,  inspiration  des 
plus  heureuses,  est  adroitement  encadré  dans  l'indispensable  boléro 
des  pièces  espagnoles,  rajeuni  en  cette  circonstance  par  la  nouveauté 
de  la  forme.  Puis  vient  un  chœur  excellent,  chanté  par  les  créan- 
ciers de  Roland,  puis  des  couplets  :  Sans  aimer,  ah!  peut-on  vivre! 
terminés  par  un    refrdin  chaleureux;  un  air  très-coquet  chanté  par 


Béatrix  :  C'est  bien  connu,  j'ai  toujours  bon  caractère  ;  des  couplets 
dits  par  l'alcade  sur  un  joyeux  motif  de  polka  ;  un  très-joli  duo  entre 
Roland  et  Sarmiento,  où  nous  avons  remarqué,  entre  autres  choses, 
la  phrase  musicale  :  Je  la  ferai  taire,  et  la  valse  qui  lui  sert  de 
péroraison;  enfin,  pour  terminer  dignement  ce  premier  acte,  un  finale 
qui,  à  lui  seul,  eût  suffi  pour  fixer  le  sort  des  Bavards,  s'il  eût  été 
encore  douteux.  II  y  a  là  quatre  couplets  rhythmés,  comme  Offenbach 
sait  si  bien  les  faire  ;  le  public  les  a  fait  répéter,  et  pendant  l'en- 
tracte, tout  le  monde  allait  chantant  dans  les  couloirs  :  Quand  on 
doit,  il  faut  qu'on  paie,  paie. 

Mais  si  le  premier  acte  a  été  bien  accueilli,  le  second,  quoique 
moins  riche  de  musique,  a  excité  plus  d'enthousiasme,  grâce  à  un 
bijou  mélodique,  frais,  distingué,  original,  qui  deviendra  tout  aussi 
populaire,  si  ce  n'est  davantage,  que  la  célèbre  cJianson  de  Fortunio. 
C'est  le  motif  que  nous  avons  désigné  dans  l'ouverture,  et  que  Roland 
répète  ici,  le  verre  à  la  main,  accompag-né  par  ses  convives.  Il  a  eu, 
comme  de  juste,  les  honneurs  du  bis,  et  nous  avons  vu  le  moment  où 
le  public  rappellerait  les  artistes,  après  la  chute  du  rideau,  pour  le 
leur  faire  chanter  encore.  Que  celledélicieusemélodieue  nous  rende  pas 
d'ailleurs  injuste  envers  d'autres  morceaux  du  deuxième  acte  qui 
ont  bien  leur  valeur,  tels  que  le  prestissimo  babillard  de  Roland  elle 
gentil  terzetto  chanté  par  trois  voix  de  femmes. 

Nous  n'étonnerons  personne  en  disant  que  Mme  Ugalde  est  parfaite 
dans  le  tôle  de  Roland,  aussi  bien  comme  comédienne  que  comme 
chanteuse.  Nous  l'avons  vue  déjà  porter  le  costume  espagnol  dans 
Gil  Blas  ;  quoiqu'il  y  ait  peu  de  rapports  entre  ce  personnage  et 
celui  qu'elle  joue  dans  les  Bavards,  on  ne  peut  s'empêcher  néanmoins 
d'évoquer  le  souvenir  du  premier  en  la  voyant  si  bien  s'acquitter  du 
second.  Kous  croyons  que  la  manière  dont  elle  chanij  la  mélodie 
du  deuxième  acte  et  l'air  du  babil  contribuera  aussi  puissamment 
à  la  vogue  de  cette  pièce,  que  la  verve  merveilleuse  avec  laquelle 
elle  lançait  naguère  son  fameux  ;  Verse  !  verse  !  a  contribué  au  suc- 
cès de  Galathée. 

Mlle  Testée  est  une  commère  fort  attrayante,  sous  les  traits  de 
Béatrix;  Pradeau  joue  toujours  avec  conscience,  et  souvent  avec  bon- 
heur, le  rôle  ingrat  de  Sarmiento  ;  Désiré  est  mieux  partagé  dans 
celui  de  l'alcade.  Quant  à  Mlle  Thompson,  qui  débutait  dans  le  rôle 
d'Inès,  nous  attendrons  une  autre  occasion  pour  la  juger,  et  nous 
rejeterons  provisoirement  sur  l'émotion  le  résultat  de  cette  première 
soirée  d'épreuve. 


SOCIÉTÉ  DES  CONCERTS 
DU  conservatoibe:  isiPEiBiAii   de:  musique 

ET  »S  DËdiASSAVIOlV. 

Nous  nous  occuperions  plus  souvent  de  ces  belles  manifestations 
de  l'art  musical,  si  la  Société  variait  un  peu  plus  son  programme. 
Mais  ce  sont ,  à  peu  d'exceptions  près  ,  les  mêmes  morceaux  qui 
viennent,  à  tour  de  rôle,  y  figurer  chaque  année.  Elle  a  été  fondée, 
il  y  a  trente-cinq  ans  tout  juste,  par  un  arrêté  de  M.  l'aide  de  camp 
du  roi  chargé  du  département  des  beaux-arls,  en  dale  du  15  février 
1828.  Elle  a  ouvert  sa  première  séance  le  7  mars  suivant,  à  deux  heu- 
res de  relevée,  par  la  symphonie  de  Beethoven  en  mi  bémol,  dite 
Symphonie  héroïque  (■!).  Depuis  ce  jour,  combien  de  fois  la  symphonie 
en  )ni  bémol  a-t-elle  été  exécutée  par  les  mêmes  artistes,  dans  le  même 
lieu  ?  ïrente-ciuq  fois  pour  le  moins,  et,  probablement,  beaucoup 
plus  de  trente-cinq  fois,  puisque  nous  la  retrouvons  (généralement 


(1)  Sur  l'origine,  la  fondation  et  les  commencements  de  la  Société  des  concerts 
on  trouvera  une  foule  de  détails  intéressants,  des  dates  précises  et  des  faits  pré- 
cieux dans  l'Histoire  de  la  Société  des  concerts,  etc.,  par  M.  A.  Elwart. 


60 


fi6\i:iî.  ET  GAZETTE  MIJSICALK 


redemandée)  en  têle  du  programme  du  second  concert,  donné  le 
dimanche  23  mars,  —  programme  que  nous  avons  sous  les  yeux  en 
ce  moment  même.  Combien  de  fois,  depuis  lors,  ce  chef-d'œuvre 
a-t-il  été  analysé,  apprécié,  commenté  dans  la  Revue  musicale,  qui 
existait  avant  la  Société  des  concerts,  et  qui,  dès  le  16  mars  1828, 
par  la  plume  de  son  savant  fondateur,  M.  Fétis,  a  proclamé  son  ad- 
miration et  sa  vive  sympathie  pour  cette  précieuse  institution  P  Nous 
l'ignorons,  et  nous  n'avons  pas  la  moindre  envie  d'en  faire  la  re- 
cherche. Mais  on  comprendra  sans  peine  que  nous  n'éprouvions  pas 
un  besoin  irrésistible  d'attester  une  fois  de  plus,  sur  notre  honneur 
et  conscience,  devant  Dieu  et  devant  les  hommes,  que  le  premier 
morceau  de  la  symphonie  en  mi  bémol  est  une  œuvre  colossale  et 
splendide,  malgré  l'inexplicable  bizarrerie  harmonique  qui  accom- 
pagne la  rentrée  du  thème  principal  ;  —  que  le  second  morceau 
{marche  funèbre)  est  une  des  plus  sublimes  conceptions  qui  soient 
jamais  sorties  d'un  cerveau  de  musicien,  etc.,  etc.  Nos  lecteurs  sa- 
vent cela  par  cœur,  et  ne  demandent  pas  qu'on  le  leur  répète. 

Ce  que  nous  disons  de  la  symphonie  héroïque  s'applique  à  toutes 
les  symphonies  de  Beethoven  et  à  celles  de  Mozart,  et  à  celles  de 
Haydn,  que  la  Société  des  concerts  a  adoptées,  et  au  grand  septuor 
en  mi  bémol,  dont  elle  s'obstine,  on  ne  sait  pourquoi,  à  ne  donner 
que  la  seconde  moitié,  et  aux  ouvertures  de  Weber,  de  Beethoven, 
de  Mozart,  etc.  Ce  sont  des  chefs-d'œuvre,  assurément,  mais  des 
chefs-d'œuvre  sur  lesquels  il  ne  reste  plus  rien  à  dire  ;  et,  quant  à 
l'exécution,  la  supériorité  de  l'orchestre  du  Conservatoire  sur  tous 
les  orchestres  du  monde  est  si  généralement  reconnue,  que  tout  com- 
pliment adressé  à  cette  merveilleuse  réunion  de  grands  musiciens 
ressemble  à  une  trivialité,  et  presque  à  une  fadeur. 

Qu'on  ne  se  hâte  pas ,  cependant,  de  prendre  pour  une  critique 
les  observations  sur  l'immutabilité  des  programmes  de  la  Société  des 
concerts.  Jille  s'est  emparée  de  prime  abord  de  tout  ce  que  l'art  avait 
produit  de  plus  beau.  Elle  donne  en  tout  dix  séances,  en  y  compre- 
nant les  deux  concerts  spirituels.  Cela  suffit  à  peine  pour  faire  en- 
tendre à  l'incommutîble  auditoire  de  la  rue  Bergère  les  chefs-d'œuvre 
qu'il  adore  et  auxquels  il  tient.  Est-ce  donc  trop  que  de  savourer  une 
fois  par  an  la  symphonie  pastorale?  Toute  addition  au  répertoire  est 
une  substitution.  Voilà  ce  qu'il  ne  faut  pas  oublier,  et  ce  qui  rend 
l'opération  si  difficile.  Ce  public  du  Conservatoire  est  exigeant  et 
exclusif,  parce  qu'il  est  enthousiaste.  Quand  il  n'est  pas  content,  il 
sait  le  faire  sentir,  —  sans  oublier  pour  cela  les  lois  de  la  politesse, 
—  et  on  l'a  vu  se  gendarmer,  quelquefois  beaucoup  plus  que  de 
raison,  contre  des  tentatives  qui,  à  notre  avis,  auraient  plutôt  mérité 
d'être  encouragées.  Or,  tous  les  artistes,  sr  haut  qu'ils  soient  placés, 
respectent  naturellement  et  comme  par  instinct  leur  public  jusques 
dans  ses  faiblesses. 

Un  homme  d'esprit  nous  disait  un  jour  :  «  Pour  réussir  au  Con- 
servatoire, il  faut  être  mort.  »  Cela  n'est  pas  absolument  vrai,  sans 
doute,  et  d'illustres  exemples  ont  prouvé  le  contraire  ;  mais  nous 
pourrions  citer  des  faits  bien  plus  nombreux  qui  semblent  donner 
raison  à  cette  charmante  boutade. 

Parmi  ces  faits,  on  n'enregistrera  pas  du  moins  l'exécution,  qui  a 
eu  heu,  dans  le  premier  concert  de  cette  année,  du  chœur  des 
nymphes ,  de  Psyché,  par  M.  Arabroise  Thomas.  11  est  extrait  de 
l'opéra-comique  joué  sous  ce  titre  il  y  a  peu  d'années.  Les  nymphes 
dévouées  à  Vénus,  et  jalouses  des  attraits  de  Psyché  ,  lui  font  une 
réception  peu  cordiale  et  passablement  malveillante,  la  raillent, 
l'insultent.  Le  compositeur  a  exprimé  avec  un  esprit  infini  ces  mau- 
vais sentiments  et  cette  fureur  à  peine  dissimulée  sous  une  gaieté  de 
commande.  Mais  il  a  su  éviter  l'écueil  oii  tant  d'autres  auraient  péri. 
Il  n'a  point  oublié  que  ces  insolentes,  après  tout ,  étaient  déesses, 
bien  que  déesses  d'antichambre.  Leur  gaieté  garde  des  mesures,  leur 
rire  n'a  rien  de  trivial ,  et  leur  chant  est  relevé  par  les  harmonies 
les  plus  fines  et  les  combinaisons  sonores  les  plus  distinguées.  L'au- 


ditoire a  fait  fêle  à  cette  nouveauté,  —  c'en  était  une  en  ce  lieu, — 
quoique  l'auteur  soit  vivant  et  qu'il  se  porte  à  merveille.  Il  l'a  re- 
demandée séance  tenante. 

Ce  joli  morceau  a  été  suivi  de  l'ouverture  et  du  premier  air  de 
VIdoménée  de  Mozart,  qui  n'avaient  jamais  été  exécutés  à  Paris. 

Mozart  avait  vingt-quatre  ans  quand  il  donna  son  Idomeneo  à  Mu- 
nich, au  mois  de  janvier  1781.  Il  était  donc  dans  toute  sa  force;  car 
les  hommes  extraordinaires,  que  la  Providence  a  marqués  pour  les 
grandes  choses,  se  forment  rapidement,  et  parviennent  vite  à  leur  ma- 
turité. C'est  à  vingt-quatre  ans  que  Rossini  a  écrit, -dans  la  même 
année,  le  Barbier  de  Seville  et  Otello.  Mozart  est  tout  entier  dans 
Idoménée.  L'ouverture  est  empreinte  d'un  merveilleux  cachet  d'éner- 
gie et  de  grandeur.  La  savante  ordonnance  du  plan,  le  caractère 
simple  et  grandiose  des  motifs,  la  richesse  des  développements,  la 
vigueur  du  coloris  instrumental,  la  hardiesse  des  harmonies,  tout  at- 
teste une  main  magistrale  et  d'une  puissance  souveraine.  L'air  d'Ilia  : 
Padre,  germani,  addio!  qui  suit  cette  belle  symphonie,  a  une'  noblesse 
de  style  et  une  profondeur  d'expression  qui  n'ont  jamais  été  sur- 
passées. On  l'admirerait  dans  Don  Giovanni  ou  dans  la  Clemenza  di 
Tito.  Mme  Vanden-Heuvel  Duprez  l'a  chanté  d'ailleurs  en  grande  ar- 
tiste. Elle  en  a  pénétré  et  rendu  toutes  les  intentions,  et  jusqu'aux 
nuances  les  plus  délicates,  et  l'on  aurait  juré  qu'elle  l'avait  étudié 
avec  l'auteur  lui-même,  tant  elle  exprimait  fidèlement  sa  pensée. 
Nous  ne  voyons  aucune  cantatrice  qui  soit  plus  digne,  aujourd'hui, 
de  se  faire  entendre  dans  cette  enceinte  privilégiée,  dans  ce  temple 
consacré  au  culte  des  grands  génies  de  toutes  les  époques  et  de  tous 
les  pays. 

M.  Saint-Saëns  a  exécuté,  dans  le  second  concert,  la  fantaisie  de 
Beethoven  pour  piano,  chœur  et  orchestre,  composition  très-piquante 
et  singulièrement  originale.  L'entrée  du  chœur,  qui  est  tout  à  fait 
inattendue,  y  produit  un  effet  saisissant.  M.  Saint-Saëns  a  joué  sa 
partie  avec  un  aplomb  magistral  et  une  netteté  parfaite.  Il  ne  lais- 
serait rien  à  désirer  s'il  avait  le  toucher  plus  moelleux,  et  si,  de  temps 
en  temps,  on  le  voyait  s'échauffer  un  peu.  Quoi  !  tant  de  calme  et 
un  sang-froid  si  imperturbable  en  interprétant  Beethoven  ! 

On  a  essayé,  dans  le  troisième  concert,  le  Chœur  de  la  charité, 
morceau  charmant,  d'une  élégance  et  d'une  douceur  inelfables,  on  se 
trouve,  pour  accompagner  le  motif,  la  seconde  fois  qu'il  se  présente, 
cette  gamme  descendante,  si  ingénieuse  et  si  hardie,  et  qui  inspirait 
à  Ad.  Adam  tant  d'admiration.  Peut-être  n'a-t-il  pas  produit  tout 
l'effet  qu'on  en  devait  attendre.  Mais  il  faut  observer  que  ce  chœur, 
écrit  à  la  solhcitalion  de  M.  Troupeuas,  était  spécialement  destiné 
aux  pensionnats  de  jeunes  demoiselles.  Qu'il  ait  paru,  au  Conserva- 
toire, un  peu  trop  simple,  un  peu  trop  calme,  il  n'y  a  point  à  s'en 
étonner.  Rossini,  d'ailleurs,  n'y  a  mis  qu'un  accompagnement  de 
piano.  Nous  ne  savons  quelle  officieuse  main  a  traduit  cet  accompa- 
gnement, l'a  arrangé  pour  une  harpe  et  un  orchestre;  mais  nous  of- 
frons de  parier  que  l'auteur,  si  on  l'en  eût  prié,  y  aurait  su  ajouter 
quelques  ingrédients  d'un  plus  haut  goût. 

A  ces  trois  premiers  concerts,  la  Société,  toujours  prête  aux  nobles 
inspirations,  en  a  joint  un  quatrième,  qui  était  en  dehors  de  l'abon- 
nement, et  dont  le  produit  était  destiné  aux  ouvriers  de  l'industrie 
colonnière.  La  symphonie  en  ut  mineur,  et  le  septuor  de  Beethoven, 
l'ouverture  d'OieroH,  un  beau  chœur  du  Paiilus  de  Mendeissohn,  et 
un  admirable  motet  à  double  chœur  de  Séb.  Bach,  en  ont  fait  les 
frais.  Nous  ne  savons  à  quel  chiffre  a  monté  la  recette,  mais  nous 
pouvons  attester  que  la  salle  s'est  trouvée  trop  petite  pour  recevoir 
tous  les  dilettan'i  qui  sont  venus  offrir  leur  argent.  Jamais  aussi  cette 
admirable  musique  n'avait  été  exécutée  avec  plus  de  verve,  avec  plus 
de  cœur.  —  Pectu.i  est  guod  disertes  facit,  disait  autrefois  Cicéron. 

LÉON  DUROCHER. 


DE  PARIS. 


61 


BEVUE  CRITIQUE. 

Odéon  :  Macbeth,  drame  en  cinq  actes,  imité  de  Shakspeare,  par 
M.  Jules  Lacroix.  —  Vaudeville  :  la  Germaine,  comédie  en  trois 
actes,  par  M.  Edouard  Cadol  ;  Henri  le  Balajré ,  comédie  en  un 
acte,  par  W.  Maréville. 

Depuis  les  essais  timides  de  Ducis  jusqu'aux  téméraires  imitations 
des  dramaturges  modernes,  que  d'elforls  sont  venus  se  briser  contre 
l'insurmontable  difficulté  d'adapter  à  notre  goût  national  les  chefs- 
d'oeuvre  de  Shakspeare  !  Assurément,  nous  sommes  loin  de  Voltaire, 
qui,  tout  en  proclamant  le  génie  du  grand  poëte  anglais ,  le  traitait 
de  barbare;  mais,  en  dépit  de  nos  tendances  de  réaction,  nous  dou- 
tons qu'un  public  français  puisse  jamais  accepter  les  bizarreries  que 
certains  admirateurs  quand  même  voudraient  nous  imposer  comme 
d'inviolables  fétiches,  lorsque  nos  voisins  eux-mêmes  ne  les  ont  pas 
toujours  respectées.  Il  existe  entre  le  néant  de  Ducis  et  l'exubé- 
rance des  fanatiques  de  Shakspeare,  un  milieu  qui,  selon  nous,  est 
la  mesure  exacte  de  ce  que  nous  devons  admirer  et  de  ce  que  nous 
pouvons  supporter  sans  répulsion.  Le  nouveau  travail  de  M.  Jules 
Lacroix,  soumis  au  parterre  lettré  de  l'Odéon,  se  renferme  exactement 
dans  ces  limites,  et  c'est  pour  cela  qu'il  a  été  salué  par  d'unanimes 
applaudissements.  Toutes  les  principales  situations  du  drame  de  Shak- 
speare, que  nos  lecteurs  connaissent  trop  bien  pour  que  nous 
ayons  la  prétention  de  leur  en  faire  l'analyse,  y  sont  reproduites  avec 
une  scrupuleuse  et  énergique  fidélité.  La  fameuse  scène  des  sorcières, 
le  meurtre  de  Duncan,  l'apparition  du  spectre  de  Banque,  le  terrible 
somnambulisme  de  lady  Macbeth  et  l'expiation  sanglante  qui  clôt 
cette  sombre  légende,  tout  y  est  à  sa  place,  dans  un  relief  plein  de 
grandeur  et  d'épouvante,  mais  soigneusement  dégagé  des  mixtures 
étranges  et  parfois  grotesques  que  le  comédien-poëte  prodiguait, 
comme  une  nécessité  du  temps ,  à  la  foule  grossière  de  ses  specta- 
teurs, mais  qui  sont  réprouvées  par  le  public  plus  épuré,  plus  délicat, 
de  notre  siècle.  Le  drame  de  M.  Jules  Lacroix  nous  semble  bien 
supérieur  à  tout  ce  qui  a  été  fait  avant  lui,  et  nous  croyons  qu'il 
restera.  Constatons  d'ailleurs  que  la  direction  de  l'Odéon  n'a  rien  né- 
gligé pour  faire  valoir  ses  mérites.  Une  mise  en  scène  qui  sort  des 
habitudes  de  ce  théâtre  ajoute  à  l'impression  produite  par  la  solen- 
nité saisissante  du  sujet.  Taillade,  engagé  pour  le  rôle  de  Macbeth, 
s'en  tire  à  son  honneur  ;  Mlle  Karoly  a  de  très-belles  inspirations, 
dans  l'interprétation  du  personnage  odieux  de  lady  Macbeth  ;  nous 
citerons  encore  un  jeune  comédien,  du  nom  de  Courdier,  qui  fait 
frissonner  toute  la  salle  lorsqu'il  apparaît,  sous  les  traits  de  Banque, 
au  festin  royal.  La  terreur  ne  saurait  aller  plus  loin. 

—  Le  genre  berrichon,  de  Georges  Sand,  vertueux  et  sentimental, 
mais  un  peu  faux,  un  peu  maniéré,  à  l'instar  des  toiles  de  Greuze, 
nous  a  tout  l'air  de  vouloir  faire  école.  La  Germaine,  du  Vaudeville, 
est  une  paysannerie  si  bien  calquée  sur  celles  de  l'auteur  du  Champi, 
de  Claudie  et  du  Pressoir,  que  bien  des  gens  la  lui  ont  attribuée,  et 
persistent,  malgré  ses  dénégations,  à  lui  donner  dans  cette  œuvre 
une  certaine  part  de  paternité.  Cependant  le  nom  de  M.  Edouard 
Cadol  figurant  seul  sur  l'afliche,  nous  devons  le  considérer  comme 
responsable,  et  c'est  à  lui  seul  que  nous  avons  affaire.  Qu'est-ce,  après 
tout,  que  cette  comédie,  autour  de  laquelle  on  a  essayé  de  faire  tout 
ce  tapage?  Elle  est  bien  simple,  et  ses  allures  n'ont  rien  de  bien 
original.  Le  père  Chanteaume,  un  vieux  paysan  enrichi,  destine  sa 
fille  Germaine  à  un  brave  garçon  nommé  Sylvain  Langlois ,  qui  se 
présente  pour  l'épouser.  Mais  Germaine  aime  en  secret  un  garçon  de 
ferme,  sournois  et  rusé,  qui  n'en  veut  qu'aux  écus  du  père  Chan- 
teaume. Celui-ci  apprend  ce  qui  se  passe  dans  le  cœur  de  sa  fille, 
et,  dans  un  premier  mouvement  de  colère,  il  la  maudit  et  la  chasse, 
ainsi  que  le  garçon  de  ferme  Ardenet.  Germaine  n'en  est  pas  moins 
résolue  à  tenir  ses  serments  faits  à  ce  dernier,  lorsque,  par  bonheur. 


intervient  le  père  Langlois,  qui  fait  accroire  à  Ardenet  que  son  com- 
père Gbanteaume  est  ruiné,  et  qui  obtient,  grâce  à  cette  ruse,  le  dé- 
sistement du  mauvais  drôle.  Germaine  reçoit  son  pardon  et  consent 
à  devenir  Mme  Sylvain. 

On  a  fait  la  remarque  assez  singulière  que  cette  pièce  était,  à  un 
autre  degré  de  l'échelle  sociale,  la  reproduction  exacte  d'un  petit 
drame  de  Scribe,  intitulé  Malvina  ou  le  Mariage  d'inclination. 
La  seule  différence  qu'il  y  ait  entre  ces  deux  ouvrages,  c'est  que 
dans  l'un,  Malvina  est  mariée  secrètement  et  d'une  manière  indisso- 
luble à  son  séducteur,  tandis  que,  dans  l'autre,  la  Germaine  n'est 
encore  liée  que  par  une  promesse  imprudente,  et  peut  échapper  aux 
calculs  d'Ardenet.  Mais  cette  dissemblance  est  toute  à  l'avantage  de 
Scribe,  dont  la  pièce,  précisément  à  cause  de  la  faute  irrémédiable 
de  Malvina,  a  une  portée  bien  autrement  morale  que  celle  de 
M.  Edouard  Cadol. 

La  Germaine  est  escortée  chaque  soir  d'une  charmante  petite  co- 
médie, Henri  le  Balafré,  dont  l'auteur,  qui  se  cache  sous  le  nom  de 
Maréville,  est,  dit-on,  un  docteur  fort  connu  et  fort  apprécié  dans  le 
beau  monde  parisien.  Une  femme  jalouse  de  son  mari  prome* 
100  francs  de  récompense  au  domestique  chargé  de  le  raser,  s'il  lui 
fait  une  balafre  qui  l'empêche  d'aller  passer  la  soirée  chez  une  rivale. 
Henri  découvre  le  complot  conjugal,  et  feint,  à  l'aide  d'une  large 
bande  de  taffetas  noir,  d'en  avoir  été  victime  ;  mais  bientôt  il  arra- 
che son  taffetas  et  accable  de  reproches  sa  femme,  qui,  mieux  ins- 
pirée, en  revient  alors  aux  armes  ordinaires  de  son  sexe,  à  la  co- 
quetterie, pour  retenir  chez  elle  son  mari  et  pour  lui  faire  oubher 
l'heure  du  danger.  Cet  agréable  marivaudage  est  joyeusement  inter- 
prété par  Félix  et  par  Mlle  Manvoy. 

D.  A.  D.  SAINT- YVES. 


Le  défaut  d'espace  nous    oblige   à  ajourner  le  compte  rendu  des 
concerts  de  la  semaine. 


NOUVELLES. 

^*^  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  de  nouveau  cette  se- 
maine trois  représentations  de  la  Muette  de  Portici,  avec  la  même  af- 
fluence. 

^*^  La  représentation  extraordinaire  de  Robn-t  te  Diable  qui  a  eu 
lieu  dimanche  dernier,  a  été  très-brillante.  Mlle  Sax,  qui  reparaissait 
dans  le  rôle  d'Alice,  Dulaurens,  Belval  et  Mlle  de  Taisy  ont  interprété 
avec  beaucoup  d'ensemble  le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer,  qui  a  pro- 
duit tout  son  eCfet.  Mme  Zina-Mérante  a  supérieurement  dansé  le  rôle 
de  l'abbesse. 

^*^  On  parle  de  l'engagement  à  l'Opéra  de  deux  contralti,  Mmes  Dori 
et  Talvo. 

^*^  On  annonce  que  Mme  Tedesco  quitte  le  théâtre  de  l'Opéra. 

,s*a,  Une  notable  amélioration  s'est  manifestée  dans  l'état  de  Mlle 
Emma  Livry  :  la  jeune  et  intéressante  artiste  a  pu  se  lever  mardi. 

^*^  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra-Gomique  a  donné  hier  la  première 
représentation  de  la  Déesse  et  le  Berger,  musique  de  Duprato. 

t*^  M.  Calzado  ayant  remis  sa  démission  entre  les  mains  du  ministre 
d'Etat,  la  gérance  provisoire  du  théâtre  impérial  Italien,  jusqu'à  la  no- 
mination d'un  nouveau  directeur,  a  été  confiée  à  M.  Andrôs  llico,  sous 
la  surveillance  administrative  de  M.  Edouard  Monnais,  commissaire  im- 
périal près  les  théâtres  lyriques  subventionnés.  (Moniteur.) 

^*^  Mario  a  terminé  le  cours  de  ses  représentations  à  Paris,  il  est 
parti  pour  Barcelone  où  il  est  engagé  pour  deux  mois. 

^*^  Mlle  Patti  est  arrivée  à  Vienne.  Le  célèbre  ténor  Giuglini  a  été 
engagé  pour  chanter  avec  elle. 

^**  Le  succès  de  Stradetla  s'est  brillamment  confirmé  à  la  deuxième 
représentation;  on  annonce  la  troisième  pour  mardi.  L'opéra  de  Flotow 
a  désormais  conquis  sa  place  au  répertoire  du  théâtre  Italien,  et  comme 
Maria  il  va  défrayer  tous  les  théâtres  de  la  France  et  de  l'étranger. 
Le  brindisi  nouveau  composé  pour  Mlle  Battu,  et  dit  avec  beaucoup 
d'entrain  par  la  charmante  artiste,  la  chanson  à  boire  des  deux  bandits, 


8S 


REVLE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


la  délicieuse  ronde  de  Salvator  Rosa  et  le  grand  air  du  quatrième  acte, 
si  bien  chantés  par  Naudin,  ont  provoqué  d'unanimes  applaudissements. 
On  sait  que  M.  de  Flotow  n'a  pu  être  témoin  de  ce  succès.  Une  dépêclie 
télégraphique,  qui  lui  annonçait  la  mort  de  sa  mère,  l'a  forcé  de  partir 
pour  Schwerin  le  jour  même  de  la  première  représentation  de  son 
œuvre. 

^*^  Erreur  n'est  pas  compte.  En  additionnant  les  sommes  diverses  que 
Mlle  Patti  a  récoltées  pendant  son  séjour  à  Paris,  plusieurs  de  nos  con- 
frères sont  arrivés  à  un  total  qui  manque  de  Justesse.  Leur  méprise 
vient  de  ce  qu'ils  ont  estimé  au  prix  de  2,500  francs  chacune  des 
trente-sept  représentations  données  par  la  jeune  artiste  au  théâtre  Ita- 
lien, tandis  que  les  vingt  quatre  premières  ne  lui  ont  été  payées  que 
1,500  francs  et  les  sept  autres  que  2,000.  Ce  sont  donc  27,500  francs 
à  retrancher  de  103,500  francs.  La  différence  en  vaut  la  peine. 

j,*^  Nous  apprenons  que  la  célèbre  cantatrice  Emy  Lagrua ,  qui  a 
passé  plusieurs  mois  en  Italie  pour  rétablir  sa  santé  altérée  par  la  ri- 
gueur du  climat  de  Russie,  se  trouve  aujourd'hui  complètement  rétablie, 
et  qu'elle  va  rentrer  dans  la  carrière  artistique  au  théâtre  Regio  de 
Turin,  où  elle  débutera  cette  semaine  dans  Norma,  l'un  de  ses  rôles  les 
plus  brillants. 

^*^  Les  journaux  espagnols  sont  unanimes  pour  constater  l'effet  pro- 
digieux produit  par  les  représentations  du  Prophète  à  Barcelone.  Le  chef- 
d'œuvre  de  Meyerbeer  continue  d'y  exciter  un  véritable  enthousiasme, 

»*„,  Roger  vient  de  partir  pour  Lyon,  où  il  doit  chanter  son  réper- 
toire de  l'Opéra  et  de  l'Opéra-Comique  :  les  Huguenots,  le  Prophète,  le 
Domino  noir,  la  Sirène,  etc.  Il  a  dû  donner  déjà  sa  première  repré- 
sentation. 

/»  Aujourd'hui,  à  2  heures,  au  Cirque  Napoléon,  deuxième  concert 
populaire  de  la  dernière  série,  sous  la  direction  de  Pasdeloup  :  1°  symphonie 
n"  51  de  Haydn  (introduction,  allegro,  andante,  menuet,  finale)  ;  2°  ou- 
verture de  la  Grotte  de  Fingal  de  Mendelssoh:i:  3°  sérénade  pour  instru- 
ments à  vent  de  Mozart;  4°  symphonie  en  ««mineur  de  Beethoven  (allegro, 
andante,  finale). 

.^*^  Aujourd'hui,  à  2  heures,  cinquième  concert  de  la  Société  na- 
tionale des  Beaux-Arts,  boulevard  des  Italiens,  dont  la  première  partie 
sera  conduite  par  Berlioz,  et  la  deuxième,  par  Félicien  David.  Nous  en 
avo;  s  donné  le  programme. 

^"^  Nous  avons  annoncé  le  retour  de  Prudent  à  Paris,  après  sa  bril- 
lante excursion  en  Belgique.  Nous  apprenons  qu'il  donnera  le  vendredi 
6  mars  prochain,  salle  Herz,  un  grand  concert  avec  orchestre,  dans  le- 
quel il  jouera  ses  œuvres  nouvelles.  Le  célèbre  virtuose  fera  entendre 
pour  la  première  fois  une  composition  importante  pour  piano  et  or- 
chestre :  les  Trois  Rêves;  ce  morceau  est  divisé  en  trois  parties  :  1°  tes 
Esprits  des  campagnes  (allegro);  2"  les  Génies  du  foyer  (andante);  3°  Ballet 
des  Zingari  (rondo  final).  Emile  Prudent  jouera  encore  le  Chant  d'Ariel, 
le  quatuor  de  Rigolette,  ses  études-lieder,  etc.  M.  Tilmaot  conduira  l'or- 
chestre. Plusieurs  de  nos  célébrités  prêteront  leur  concours  à  cette 
fête  musicale. 

,j*^  Au  nombre  des  soirées  musicales  particulières  de  la  semaine, 
nous  ne  pouvons  nous  empêcher  d'en  mentionner  une  qui  réunissait, 
mercredi,  dans  le  salon  de  la  Revue  et  Gazette  musicale  de  Paris, 
l'éminente  pianiste,  Mme  Madeleine  Graever,  encore  triomphante  de 
son  récent  et  grand  succès  à  l'hôtel  du  Louvre;  Vieuxtemps,  pour  lequel 
toutes  les  formules  d'éloges  sont  usées  et  insuffisantes  ;  un  jeune  ténor, 
élève: de  Hanoffka,  qui  se  destine  au  chant  italien,  M.  Severini,  et  deux 
charmantes  élèves  de  Duprez,  Mlle  Muret  et  Mme  Pouschkinn,  que  son 
récent  mariage  avec  un  gentilhomme  russe  enlève  à  la  carrière  artisti- 
que. L'auditoire,  composé  de  connaisseurs,  a  vivement  applaudi 
Mme  Graever  et  Vieuxtemps,  qui  avaient  choisi  ce  qu'ils  avaient  de  plus 
exquis  dans  leur  répertoire  pour  s'y  surpasser,  et  il  a  donné  l'approba- 
tion la  plus  flatteuse  à  M.  Severini,  dont  la  voix  fraîche  et  bien  po- 
sée, beaucoup  de  sentiment  et  de  distinction,  ont  pu  se  faire  bien  ap- 
précier dans  la  romance  de  Maria  et  dans  celle  de  la  Traviata.  Mlle  Muret 
possède  une  très-jolie  et  très-délicate  voix  de  soprano,  qu'elle  conduit 
bien  et  qui  lui  assure  une  place  distinguée  sur  un  de  nos  théâtres 
lyriques.  Quant  à  Mme  Pouschkinn,  qui  ne  chante  plus  que  pour  son 
plaisir  et  pour  celui  des  autres,  elle  possède  une  voix  puissante  et  étendue 
de  contralto,  qui  a  fait  un  grand  plaisir  dans  la  tyrolienne  de  Bettly. 

t*^  Ernest  Nathan,  l'éminent  violoncelliste-compositeur,  vient  de  don- 
ner à  Nice  deux  brillants  concerts,  dont  le  second  avait  lieu  au  profit 
des  ouvriers  rouennais  et  des  pauvres  de  Nice.  Le  résultat  en  a  été 
très-fructueux,  et  en  même  temps  que  les  autorités  lui  adressaient  des 
remercîments  chaleureux,  le  nombreux  auditoire  accouru  à  cette  fête 
prodiguait  au  célèbre  violoncelliste  des  applaudissements  et  des  rappels 
partagés  par  Tamburini,  qui  avait  voulu  s'associer  à  cette  bonne  œuvre. 
,1,*^  Nous  avons  quelques  rectifications  à  apporter  au  compte  rendu 
que  contenait  notre  dernier  numéro  sur  une  matinée  musicale  donnée 
dans  les  salons  de  Mme  De  Ridder.  D'abord  cette  dame ,  avec  une  mo- 
destie qui  l'honore,  réclame  contre  le  titre  de  comtesse,  que  nous  lui 
avions  donné  indûment;  ensuite  nous  avions  évalué  à  1,500  francs  la 
somme  récoltée,  tandis  qu'elle  s'est  élevée  à  1,815  francs,  au  profit  des 
ouvriers  du  département  de  l'Orne  (et  non  de  la  Seine-Inférieure);  enfin 


ce  sont  Mraes  (et  non  MM.)  Ubicini,  Viguier  et  Charpentier  qui  étaient 
chargées  de  la  partie  instrumentale  du  concert. 

„*^,  Mme  Szarvady  (née  Wilhelmine  Clauss),  donnera  son  premier 
grand  concert  le  26  février,  dans  les  salons  Pleyel-Wolff.  Déjà  la  célèbre 
artiste  s'est  fait  entendre  samedi  avec  un  succès  prodigieux  aux  inté- 
ressantes séances  de  Maurin,  Chevillard,  Viguier  et  Sabbatier. 

,*<,  Mercredi  prochain,  dans  les  salons  Pleyel-Wolff,  cinquième  séance 
de  musique  classique  de  MM.  Armingaud,  Jacquart,  Lalo  et  Mas,  avec  le 
concours  de  Lubeck. 

^*f  Mlle  de  Schoultz,  pianiste  de  Saint-Pétersbourg,  annonce  pour  le 
lundi  2  mars,  dans  les  salons  d'Erard,  un  concert,  avec  le  concours 
d'artistes  distingués. 

**„,  M.  Edouard  de  llartog  est  de  retour  à  Paris,  après  avoir  séjourné 
pendant  plusieurs  mois  en  Allemagne  et  en  Hollande,  où  il  a  fondé  les 
concerts  populaires.  Il  se  propose  de  s'associer  à  un  des  trois  conjerts 
historiques  que  le  célèbre  violoniste  Jean  Becker  donnera  prochaine- 
ment avec  orchestre,  et  dans  lequel  on  dira  deux  nouvelles  ballades  de 
sa  composition,  le  Pécheur  et  l'Esclave,  que  la  maison  Brandus  et  Dufour 
vient  d'éditer,  et  un  j;!/er?)iC330  pour  violon  et  orchestre,  joué  par  Becker, 
qui  y  exécutera  aussi  le  neuvième  concerto  de  Spohr,  ouvrage  peu 
connu  à  Paris;  ce  sera  une  séance  d'un  intérêt  tout  à  fait  exceptionnel. 

^*^  Le  19  mars,  Mlle  Sabatier-Blot,  premier  prix  de  piano  du  Conser- 
vatoire, se  propose  de  donner,  salle  Herz,  un  grand  concert  au  profit 
des  ouvriers  cotonniers. 

^*^  Le  25,  salle  Herz,  concert  de  Jean  Becker,  dont  notre  dernier  nu- 
méro a  donné  l'intéressant  programme. 

^*^  Mardi  2i,  quatrième  séance  de  musique  de  chambre  de  Charles 
Lamoureux. 

^*^  Nous  avons  dit  l'année  dernière  que  M.  Benazet  avait  institué  un 
comité  de  lecture  composé  d'un  sociétaire  de  la  Comédie  française,  d'un 
écrivain  en  réputation  et  d'un  homme  du  monde  versé  dans  la  connais- 
sance du  théâtre.  Ce  comité,  qui  sera  chargé  de  l'admission  des  ou- 
vrages destinés  à  être  représentés  sur  le  théâtre  de  Bade,  va  entrer  en 
fonctions,  et  il  se  réunira  au  bureau  que  M.  Benazet  établit  à  Paris  pour 
tout  ce  qui  se  rattache  à  l'administration  et  à  la  direction  du  théâtre  de 
Bade.  Afin  de  lui  assurer  une  plus  complète  indépendance,  les  noms 
des  membres  du  comité  de  lecture  ne  seront  pas  publiés. 

^*ij  Le  Journal  de  Genève  parle,  avec  les  plus  grands  éloges,  d'un 
beau  concert  qu'y  a  donné,  le  19  février,  M.  D'Argenton,  et  dans  lequel 
l'éminent  pianiste-compositeur  a  exécuté  plusieurs  de  ses  compositions 
et  différentes  œuvres  de  Chopin,  Mendelssohn,  de  Bach,  etc.,  avec  un 
talent  vivement  apprécié,  et  qui  lui  a  valu  les  plus  légitimes  applau- 
dissements. 

„*„,  La  commission  instituée  pour  préparer  le  projet  de  loi  sur  la  pro- 
priété littéraire  a  terminé  son  travail.  La  Nation  annonce  que  toutes 
les  questions  qui  étaient  encore  pendantes  ont  été  résolues,  et  que 
M.  Duvergitr  a  été  chargé  de  rédiger  le  rapport  qui  doit  être  présenté 
à  l'Empereur.  On  nous  assure  que  ce  rapport  sera  prêt  d'ici  à  peu  de 
jours,  et  que  le  conseil  d'État  sera  mis  en  situation  de  soumettre  le 
projet  de  loi  au  Corps  législatif  dans  le  courant  de  cette  session.  Le 
même  journal  croit  savoir  que  le  principe  de  la  rétroactivité  en  matière 
de  propriété  littéraire  et  artistique,  après  avoir  été  longuement  discuté, 
a  été  repoussé  à  une  faible  majorité. 

,1,'',^  Les  deux  dernières  compositions  d'Alfred  Godard,  Belle  de  nuit 
et  Elfrida,  publiées  par  Adolphe  Catelin,  ont  un  véritable  succès  dans 
les  salons  du  grand  monde. 

^*,j  La  nouvelle  composition  de  Franz  Liszt,  l'oratorio  Sainte-Elisa- 
beth, sera  probablement  exécutée  pour  la  première  fois  au  château  de 
Wartbourg. 

,j*,j  MM.  Firmin  Didot  frères  viennent  de  faire  paraître  le  tome  V^ 
de  la  nouvelle  édition  de  la  Biographie  universelle  des  musiciens  (Kech- 
lina-Martini),  par  Fétis.  Ainsi  avance  vers  son  achèvement  cet  immense 
et  utile  travail  de  notre  savant  collaborateur.  Nous  rendrons  incessam- 
ment compte  de  ce  nouveau  volume,  qui  n'offre  pas  moins  d'intérêt 
que  les  précédents. 

,s*»  La  célèbre  chanson  des  étudiants  allemands,  Gaudeamus  igitur, 
date  de  1554  ou  de  1855,  où  elle  a  été  composée  et  chantée  pour  la 
première  fois  en  l'honneur  d'Olympie  Morata,  la  belle  et  savante  épouse 
du  docteur  Grûndler,  médecin  à  Heidelberg. 

„,**  A  Trieste,  l'enfant-prodige  Luigino  Ricci,  qui  s'est  déjà  fait  con- 
naître par  diverses  compositions,  entre  autres  par  des  messes,  vient 
d'écrire  un  opéra  en  trois  actes,  que  les  connaisseurs  ont  accueilli  avec 
beaucoup  de  bienveillance,  et  dont  ils  ont  demandé  la  représentation  au 
comité  du  théâtre. 

^*^  Encore  une  victime  de  l'éclairage  des  théâtres.  Mlle  Nelson,  une 
des  danseuses  de  Sadier's  Well's  theater,  s'étant,  pendant  qu'elle  était 
en  scène,  approchée  par  inadvertance  d'un  bec  de  gaz  brûlant  à  décou- 
vert, a  eu  ses  vêtements  atteints  par  la  flamme.  La  gaze  et  la  mousse- 
line qui  les  composaient  n'ont  pu  être  éteintes  qu'avec  la  plus  grande 
difficulté,  et  la  pauvre  fille  a  été  cruellement  brûlée  ;  son  état  est  des 
plus  graves,  sinon  désespéré. 


DE  PARIS. 


63 


/^  Des  dépêches  télégraphiques  de  Rome  ont  annoncé  la  destruction 
par  ie  feu  du  théâtre  Alibert  ;  il  avait  été  récemment  restauré  par  son 
propriétaire,  le  prince  Torlonia. 

»*j  La  Cour  de  cassation,  sur  le  pourvoi  des  sieurs  Debain  et  consors, 
a  cassé  l'arrêt  de  la  Cour  impériale  qui  n'avait  pas  considéré  comme 
contrefaçon  la  reproduction  par  le  procédé  du  piquage  des  œuvres  mu- 
sicales. 

^*^  Salle  Robin.  —  Tous  les  jours,  à  8  heures,  soirées  de  physique  et 
de  magie.  Deuxième  série,  expériences  nouvelles.  Tableaux  nouveaux: 
La  terre  sainte,  excursion  de  Paris  à  Jérusalem.  L'agiosoope. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 


**,  Toulon.  —  Le  grand  événement  de  la  quinzaine  a  été  la  reprise 
de  Martha,  qui  s'est  accomplie  à  la  grande  satisfaction  du  public 
avec  Mathieu  et  Guillot,  Mlle  Bléau  et  Mme  Lestrade.  JVL  Mathieu  est 
une  nouvelle  acquisition  de  notre  théâtre,  et  son  début  dans  le  rôle  de 
Lionel  lui  a  valu  l'accueil  le  plus  sympathique.  Mlle  Bléau  a  été  char- 
mante dans  le  rôle  de  lady  Henriette;  les  applaudissements  se  sont  fait 
entendre  pendant  tout  le  cours  de  la  représentation,  et  le  chef-d'œuvre 
de  Flotow  compte  un  beau  succès  de  plus. 

^*jg  Nice.  —  Dans  la  semaine  a  eu  lieu  la  première  représentation  au 
théâtre  italien,  de  la  Favorita,  chantée  par  Mlle  Ferni  et  M.  Varesi.  Mal- 
gré l'émotion  bien  naturelle  de  Mlle  Carolina  Ferni,  la  jeune  artiste  a 
triomphé  victorieusement  de  cette  épreuve.  Sa  voix,  sans  être  très-puis- 
sante, a  beaucoup  de  charme.  Sa  méthode  est  bonne,  et  elle  y  joint 
un  joli  talent  de  comédienne.  En  un  mot,  c'est  un  succès  qui  l'ait 
honneur  à  la  débutante  et  qui  assure  de  nombreuses  représentations 
au  chef-d'œuvre  de  Donizetti. 

^*^  Amiens.  —  Notre  Société  philharmonique,  grâce  au  zèle  de  son 
président,  M.  Jules  Deneux,  enchérit  chaque  année  sur  l'importance  et 
l'attrait  de  ses  concerts.  Celui  qu'elle  vient  do  nous  donner,  et  qui  est 
le  deuxième  de  la  saison,  ofifraitun  programme  dont  les  éléments  bientôt 
connus  de  nos  dilettanti  avaient,  bien  à  l'avance,  rempli  la  salle  de  spec- 
tacle qui  offrait  vp  magnifique  coup  d'œil.  Il  est  vrai  que  Mme  Car- 
valho,  M.  Délie  Sedie  et  Mme  Escudier-Kastner  avaient  été  mandés  de 
Paris  pour  donner  à  cette  solennité  tout  l'éclat  de  leur  talent.  Le  concert 
a  commencé  par  l'ouverture  d'Auber  composée  pour  l'exposition  de 
Londres,  et  dans  laquelle  brillent  à  un  si  haut  degré  les  qualités  de  son 
génie  si  fécond  et  si  gracieux.  La  magnifique  Marche  aux  flambeaux  de 
Meyerbeer  a  suivi  et  a  provoqué  des  applaudissements  enthousiastes  ; 
l'ouverture  du  Lac  des  Fées  d'Auber  complétait  la  partie  instrumentale, 
et  l'orchestre  de  la  Société,  sous  la  direction  de  M.  Lacoste,  a  exécuté 
ces  trois  morceaux  avec  un  ensemble  et  une  vigueur  remarquables. 
Mme  Carvalho  a  chanté  avec  sa  supériorité  ordinaire  quatre  beaux  airs 
de  son  répertoire.  M.  Délie  Sedie  s'est  montré  l'excellent  baryton  du 
théâtre  Italien  de  Paris  et  a  été  chaleureusement  applaudi; Mme  Escudier 
a  partagé  ce  succès  et  l'auditoire  n'a  pas  moins  fait  très-bon  accueil 
à  M.  Schubert,  premier  prix  de  basson  de  notre  Conservatoire  et  pre- 
mier basson  solo  du  théâtre,  qui  a  joué  de  la  façon  la  plus  remarquable 
sur  son  in.strument  deux  morceaux  d'une  grande  difficulté.  En  résumé, 
ce   second  concert  de  la  saison  a  été  de  tout  point  digne  de  ses  aînés. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


*'**  Brighton.  —  Nous  sortons  de  la  délicieuse  matinée  musicale  que 
vient  de  nous  donner  le  lion  actuel  de  Brighton,  le  charmant  ténor 
Reichardt.  Toute  notre  aristocratie  avait  pris  cette  matinée  sous  son  pa- 
tronage, et  nous  pouvons  dire  qu'elle  a  tenu  tout  ce  que  promettait  son 
attrayant  programme.  M.  Reichardt  est  un  excellent  chanteur,  et  le  charme 
et  l'originalité  de  ses  ballades  ont  depuis  longtemps  établi  sa  réputa- 
tion. Sa  nouvelle  romance  «  Du  bist  mein  trauni  »  n'est  pas  inférieure 
aux  précédentes,  et  la  manière  dont  elle  a  été  diteavaluà  M.  Reichardt, 
comme  tout  ce  qu'il  a  chanté  d'ailleurs,  les  applaudissements  les  plus 
chaleureux  do  la  noble  assistance. 

,j*^  Vienne.  —  Ofifenbach  écrit  pour  le  théâtre  du  Quai  une  opérette 
en  deux  actes  :  la  Fée  rose.  —  Au  budget  de  l'État,  pour  1 863,  il  a  été 
ouvert  un  crédit  de  10,000  florins  destinés  à  l'encouragement  des  beaux- 
arts.  L'emploi  de  cette  somme  sera  réglé  par  une  commission  présidée 
par  le  ministre  d'État,  M.  de  Schmerling. 

„*^  Berlin.  —  Au  Schauspielhaus  a  eu  lieu,  par  ordre,  un  concert  où 
Sivori  s'est  fait  entendre  après  vingt  ans  d'absence.  Sivori  a  joué  un 
concerto  de  Paganini,  une  fantaisie  de  sa  composition,  et  dans  tous  ces 
morceaux  il  s'est  montré  le  digne  successeur  de  son   maître.  L'éton- 


nant virtuose  a  eu,  après  chaque  morceau,  les  honneurs  du  rappel.  Dans 
cette  même  soirée,  MlleArtot  a  chanté  un  air  napolitain,  Santa  Lucia,  et 
l'air  espagnol  la  Calesera.  Inutile  d'ajouter  que  son  succès  a  été  des  plus 
flatteurs. 

,1,*^  Cologne.  —  Au  septième  concert  d'abonnement  s'est  fait  enten- 
dre, pour  la  première  fois  en  Allemagne,  Mme  Lemmens-Sherrington. 
Cette  éminente  cantatrice,  qui  jouit  d'une  grande  célébrité  en  Angleterre, 
a  chanté  l'air  de  VOmbre  (Dinorah)  avec  une  grâce  et  une  finesse  de 
nuances  qui  a  fait  le  plus  grand  plaisir.  Mme  Lemmens  a  chanté  avec 
une  égale  supériorité  un  air  (Tldoménée,  ce  qui  prouve  la  flexibilité  de 
son  talent. 

^*^  Darmstadt.  —  Au  théâtre  de  la  cour  on  a  représenté  le  Meunier 
de  Marlinac,  opéra  nouveau  par  M.  Jesper.  Sous  ce  pseudonyme  se  cache 
le  comte  de  Reiset,  ministre  de  France  près  la  cour  de  Hesse-Darmstadt. 

^*^  Copenhague.  —  Le  pianiste  Franz  Bendel  vient  d'obtenir  de  grands 
succès  ;  le  roi  de  Danemark  lui  a  conféré  la  croix  de  l'ordre  de  Da- 
nebrog. 

^*^  Milan.  —  La  première  représentation  du  Prophète  vient  d'avoir 
lieu  au  théâtre  de  la  Scala,  et  malgré  une  défaillance  dans  la  voix  de 
Negrini  (Jean  de  Leyde),  le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer  a  produit  le 
plus  grand  effet.  Mme  Borghi-Mamo  a  fait  du  rôle  de  Fidès  une  création 
tout  à  elle,  et  la  célèbre  cantatrice  a  enthou.siasmé  la  salle.  Nous  re- 
viendrons sur  cet  événement  musical. 

^*^  Trieste.  —  Notre  compatriote  Alfred  Jaell  est  ici  depuis  quelques 
jours.  Il  a  donné  son  premier  concert  mardi,  au  grand  théâtre,  et  mal- 
gré la  dimension  de  la  salle,  on  a  dû  refuser  une  masse  d'amateurs  dé- 
sappointés. Chacun  des  morceaux  qu'il  a  joués  lui  a  valu  des  bravos 
enthousiastes  et  plus  de  trente  rappels  successifs.  Bien  plus,  une  pluie 
de  poésies  italiennes,  à  son  adresse,  et  quatre  couronnes  de  laurier  sont 
tombées  à  ses  pieds,  manifestation  bien  significative  de  l'effet  produit 
sur  le  public  par  le  célèbre  artiste.  Un  triomphe  aussi  éclatant  a  décidé 
A.  Jaell  à  donner  très-prochainement  un  second  concert. 

,1,*,^  Peslh.  —  Plusieurs  magnats  sont  en  instance  auprès  du  comité  du 
théâtre  national  pour  que  Franz  Liszt  soit  nommé  maître  de  chapelle 
honoraire. 


LeOirecteur  :  S.  DÏÏFOUR  . 


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Leicester  square,  33,  à  Londres. 

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frère  aîné  du  directeur  de  la  Revue  contemporaine  : 

1=  Beautés  de  l'école  classtanc,  chefs-d'œuvre  des  grands 
maîtres,  transcrits  et  arrangés  pour  l'harmonium; 

2°  yidagio  d*fflay«ïn,  en  trio  concertant  pour  orgue,  violon 
et  violoncelle  ;  chez  Benoit,  rue  Meslay,  3i  ; 

3°  Morcean-ouvertoire  pour  orgue  et  piano  et  pour  orgue 
seul  ;  chez  Révillon,  rue  du  Bac,  7  ; 

4°  tJne  fièvre  brillante,  de  Grétry,  d'après  Mozart,  pour 
orgue  ;  chez  Heu,  rue  de  la  Chaussée-d'Antin,  6  ; 

5°  Trente  morceaux  religieux  adaptés  aux  modes  de  l'é- 
glise, contenant  uq  Offertoire  jugé  très-remarquable  par  M.  L. 
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64 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Citez  Cî.  B»A]!»ri»lJS  et  S.  BlIFOUR,  éditeurs,  103,  rue  «le  Biclielieu,  au  1' 

Allemagne  :  F.  Boehme,  à  Hambourg.  —  Italie  :  G.  Ricordi,  à  Milan.  —  Angleterre  :  Boosey  et  fils. 


THÉÂTRE     IMPÉRIAL     ITALIEN, 


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Opéra  en  trois  actes,  PAKOIiES    BT AI^IJEÎVJirES ,    musique    de 

F.    BM    Fîi®T®W 

■J'OaTerture,  arrangée  pour  le  IPlaiio ,   V  fr.  AO.  —  lia  même,  arrangée  à  quatre  malus,  9  francs. 


AIRS  DÉTACHÉS  DE  CHANT  AVEC  ACCOMPAGNEMENT 


ATTO  I. 

1.  Coro  :  Al  chiaror  di  luna  delta  notte 
7iel  mister 

S.  Sierenata  chmtée  par  Naudin  : 
Cara  il  tuo  bene  a  le  sen  vien  .   .   . 

2  bis.  La  même  ,  transposée  pour  ba- 
ryton   

3.  ivotiumo  chanté  par  Mlle  Battu 

et  Naudin:  Per  colline  e  valli  erbose. 

4.  Coro  dl  mascbere  :  Roinoreg- 

(jiam  d'ogni  interne 

5.  Bomanza chanté  par  Mlle  Battu: 

Rondinella  prigioniera 

8  bis.  La  même,  transposée  pour  mezzo- 
soprano  

6.  Coro  :  Viva,  viva  la  galloria  .   .   . 


ATTO  H. 

7.  Aria  chantée  par  Mlle  Battu  :  Delta 

gioja  che  il  seno  m'inonda  ....     7  50 
7  bis.  La  même,  transposée  pour  mezzo- 

soprano 7  50 

8.  Coro  :     La     campana   che  risuona 

ne  fa  invilo  al  satro  altar »     » 

9.  Dnetto  bnffo  chanté  par  Delle- 

Sedie  et   Zuochini  :  V'é  dd  Tebro 

al  manco  lato 9     » 

1 0.  Coro  :  Che  fra  l'amor  cd  i  bicchier     »     » 

11.  Brindlsl  chanté   par  Mlle  Battu  : 

Su  la  tazza  ognuno  impugni  .    .    .     6     » 

11  bis.  Le  même,  transposé  pour  mezzo- 

soprano 6    » 

12.  Canzone  chanté  par  Delle-Sedie 

et  Zucchini  :  Dal  lino  sgorga  il  vin, 

il  vin 3     » 

12  bis.  La  même,  transposée  pour  ténor    3  ■  » 

12  tir  et  quater.  La  même,  transposée 

pour  baryton  et  basse 3     » 

13.  Ballata  chantée  par  Naudin  :  lu 

fonda  a  gli  Abruzzi  mira  con  terror    3     » 

13  bis.  La  même,  transposée   un  demi- 

ton  plus  bas 3     » 

13  ter.  La  même,  transposée  pour  ba- 
ryton ou  basse 3    » 


DE  PIANO  : 

ATTO  III. 
1 4.   Quartetto  •   Oh  !  cara   Italia ,  0 

dolce 

1.^.  Coro  dl  peligrinl  :  Oggi,  o  ver- 
gin  più  ridente 

Itj.  Trio  chanté  par  Capponi,  Delle- 
Sedie  et  Zucchini  :  Dimmi  un  po 
mio  Barbarino  Paffar  nostro  corne  va 

17.  Terzetto  :  Piano  zitto  attentiban. 

18.  Inno  chanté  par  Naudin  :  Ohl 
corne  bello  è  il  giorno ,  oh  !  corne 
splende  il  sole 

18  bis.  Le  même,  transposé  un  demi-ton 
plus  bas , 

18  ter.  Le  même,  transposé  pour  bary- 
ton ou  basse 

19.  Coro  :  Ed  implori  da  quel  Dio  .    . 


7  50 
7  50 
7  50 


LES    MÊMES    MORCEAUX    PUBLIÉS    AVEC    PAROLES    FRANÇAISES. 


ARRANGEMENTS    POUR    LE    PIANO 


HESS.  —  Op.  78.  Caprice  sur  les  plus  jolis  motifs 7  50 

HDHTES  (F.).  —  Op.  108.  Rondino  brillant 5    » 

HERMANN.  —  Andante  et  Tarentelle  pour  violon  et  piano  .    .  7  50 

KRU6ER  (W.).  —  Transcription  de  la  Sérénade. 7  50 

Id.           —  Op.  118.  Illustrations 9  . 


IIND.  —  Choix  de  Mélodies  (facile) 7  50 

lONGUEVttlE.  —  Op.  106.  Fantaisie  dramatique 7  50 

RDMIIEl.  —  Mosaïque  des  Airs 6    • 

VAIIQDET.  —  Petite  fantaisie  facile,  à  quatre  mains 5    » 

WOLFF.  — Grand  duo  brillant,  à  quatre  mains 9 


Quadrille,    Polka,    Valse. 


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REVUE 


1"  Mars  18C3. 


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Le  Journal  parait  le  Dimanche . 


GAZETTE  MUSICALE 


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Nos  abonnés  reçoivent,  avec  le  numéro  d'aujourd'hui, 
la  BAiiiiAOE  de  l'opéra  STRADEEiI/A ,  de  F1.0T0 w  :  «  av 
SEiK  DES  AnnczzES,  »  cbantée  par  IWaudîn. 


SOMMAIRE .  —  Théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique  :  la  Déesse  et  le  Berger, 
opéra-comique  en  deux  actes  et  envers,  paroles  M.  Camille  du  Locle,  musique 
de  M.  Jules  Duprato ,  par  liéon  Uarocher.  —  Théâtre  impérial  italien: 
Alessandro  Stradcll  i  (2"  article),  par  B.  A.  D.  Saint-T'Tes.—  Auditi.ins 
musicales,  par  Adolpbe  Botte,  —  Nouvelles  et  annonces. 


THÉÂTRE  mPERIÂL  DE  L'OPÉRÀ-COMIOUE. 
liA.  DÉEsisi;  ET  ri:  berger, 

Opéra-comique  en  deux  actes  et  en  vers,  paroles  de  M.  Camillk 
DU  Locle,  musique  de  M.  Jules  Duprato. 

(Première  représentation  le  21  février.) 

Jusqu'à  la  direclion  de  M.  Emile  Perrin,  la  mythologie  n'avait  pas 
joué  un  très-grand  rôle  à  l'Opéra-Comique.  Grétry,  associé  à  d'Hèle, 
avait  fait  une  fois ,  il  est  vrai,  le  Jugement  de  Uidas.  Mais  on  ne 
l'avait  guère  suivi  dans  cette  vole,  et  nous  doutons  que  Grétry  lui- 
même  ait  recommencé.  Par  une  sorte  de  convention  tacite,  l'Opéra- 
Comique  laissait  la  mythologie  au  grand  Opéra,  et  quand  il  voulait 
du  merveilleux,  il  s'adressait  de  préférence  à  la  féerie,  qui  remonte 
moias  haut  dans  la  nuit  des  temps.  M.  Perrin  qui,  pendant  tout  le 
temps  qu'il  a  dirigé  l'Opéra-Comique,  semble  avoir  tendu  constam- 
ment à  agrandir  son  domaine,  nous  a  déjà  donné  Galatée,  Psyché, 
et  a  laissé  en  répétition,  quand  il  a  quitté  la  place  Boïeldieu  pour  la 
rue  le  Peletier,  la  Déesse  et  le  Berger  dont  il  faut  que  nous  vous 
contions  les  aventures. 

Bacchus,  vous  le  savez,  revenant  dans  la  Grèce  après  avoir  con- 
quis les  Indes,  fit  escale  dans  l'île  de  Naxos,  et  y  trouva  la  tendre 
Ariane,  délaissée  par  l'ingrat  vainqueur  du  Minotaure.  Il  la  consola, 
et  de  cette  consolation  naquit. . .  Ici,  nous  sommes  forcé,  pour  sui- 
vre M.  du  Locle,  comme  c'est  notre  devoir,  de  nous  séparer  de  tous 
les  précédents  mythologues.  Ceux-ci  affirment  que  Bacchus  eut  d'A- 
riane six  enfants,  dont  ils  nous  ont  même  transmis  les  noms,  et  cela 
autorise  à  penser  que  la  consolation  dura  longtemps.  M.  du  Locle, 
qui  a  eu,  sans  doute,  de  meilleurs  renseignements,  soutient  au  con- 
traire que  Bacchus  n'eut  qu'un  enfant  de  la  fille  de  Minos;    qu'il  se 


conduisit,  tout  dieu  qu'il  était,  en  véritable  vaurien ,  pire  que  Thésée 
lui-même  ;  qu'Ariane,  délaissée  de  nouveau ,  et  ne  sachant  que  faire 
de  sa  progéniture,  vint  la  déposer  par  une  belle  nuit,  à  la  porte  du 
temple  consacré  au  dieu  du  vin,  lequel  dieu  ne  s'en  émut  pas  le 
moins  du  monde ,  et  que  le  petit  malheureux  aurait  péri  si  une 
naïade  charitable  ne  se  fût  chargée  de  son  éducation.  C'est  la  naïade 
elle-même  qui  raconte  cette  scandaleuse  et  touchants  histoire,  quand 
elle  révèle  à  Bathylle,  devenu  grand,  son  étrange  destinée  : 

0  pasteur  né  du  sang  des  dieux, 

0  fils  d'Ariane  la  blotde 

Et  de  Bacchus  victorieux  ! 

Quand,  tremblante,  sous  les  étoiles, 

Ta  mère  ici  vint  t'exposer, 

Je  t'ai  recueilli  dans  mes  voiles. 

Et  consolé  par  un  baiser  ; 

J'ai  fait  boire  à  tes  jeunes  lèvres 

Le  lait  pur  ;  parmi  les  pasteurs 

Tu  grandis,  et  moi,  de  tes  chèvres 

J'écartais  les  loups  ravisseurs,  etc. 

Pendant  ce  temps,  que  faisait  Bacchus?  Ah!  le  fatal  exemple 
qu'il  donnait  n'a  été  que  trop  fidèlement  suivi  dans  tous  les  temps  et 
dans  tous  les  lieux  !  Un  ivrogne  est  rarement  un  bon  père. 

Bathylle,  protégé  des  naïades,  a  donc  grandi.  Il  a  seize  ans.  Il  est 
chevrier  et  amoureux.  Amoureux  de  la  jeune  Maïa,  qui  a  seize  ans 
comme  lui,  et  qui  joue  avec  succès  le  rôle  de  déesse  de  contrebande 
dans  le  temple  même  de  Bacchus.  Polémon,  le  desservant  du  lieu, 
est  un  vieux  drôle  qui,  voyant  languir  la  dévotion  des  fidèles,  et, 
par  suite,  les  profits  décroître  rapidement,  a  imaginé,  pour  ramener 
la  foule,  de  mettre  à  côté  d'un  dieu  déconsidéré  par  ses  fredaines, 
—  car  la  scène  est  à  Naxos,  —  une  divinité  fraîche,  gracieuse,  bien- 
veillante et  irréprochable.  (Un  coquin  de  brahmane  d'opéra-comique 
avait  déjà  fait  ce  calcul,  et  employé  cet  ingénieux  procédé  dans  un 
livret  en  deux  actes,  dont  un  compositeur  belge,  M.  Fauconnier,  a 
écrit  la  musique  il  y  a  quatre  ans  environ.)  Maître  Polémon,  aussi  ef- 
fronté que  ce  brahmane,  n'a  pas  moins  bien  réussi.  Il  connaissait 
l'histoire  d'Ariane,  et  chercha  d'abord  l'enfant  de  Bacchus.  Mais  il 
ne  le  put  trouver. 

Dans  ma  tète  un  éclair  brille. 
J'avais  au  monde  une  fille, 
Et  de  ma  paternité 
Je  ne  m'étais  pas  vanté. 
La  place  me  paraît  bonne, 
Et  vite  je  la  lui  donne. 


66 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Il  faut  bien  que  les  parents 
Etablissent  leurs  enfants. 
Avec  quatre  tours  d'adresse 
Bientôt  ma  jeune  déesse 
Comme  le  peuple  enchanté 
Croit  à  sa  divinité. 
Les  présents  viennent  en  foule. . . 

C'est-à-dire  les  fleurs,  les  fruits,  le  blé,  le  vin,  les  bœufs,  les  mou- 
tons, l'or  et  les  pierres  précieuses.  Polémon  ne  dédaigne  rien.  Le 
voilà  riche,  de  cancre  et  pauvre  hère  qu'il  était.  Mais  Balhylle  me- 
nace son  bonheur,  puisqu'il  aima  Maïa,  et  que  Maïa  l'aime,  et  que 
lui-même  a  eu  l'inadvertance  de  leur  dire  comment  s'appelle  le  sen- 
timent qui  les  attire  l'un  vers  l'autre.  —  Une  déesse  amoureuse  d'un 
berger!  Elle  y  perdrait  toute  sa  considération.  Ces  inquiétudes  de  maître 
Polémon  prouvent  qu'il  sait  mal  sa  théologie  ;  car  la  chaste  Diane 
aima  le  berger  Endymion,  Vénus  estima  le  chasseur  Adonis  et  le 
prince  Anchise,  qui  gardait  ses  troupeaux  sur  le  mont  Ida  quand  il 
eut  la  gloire  de  lui  plaire,  et  ces  deux  déesses  n'en  furent  pas  pour 
cela  moins  révérées. 

Polémon  croit  éloigner  le  danger  en  déclarant,  d'un  ton  solennel, 
que  Bathylle,  s'il  osait  prendre  un  baiser  à  Maïa,  serait  foudroyé  sur 
la  place,  et  réduit  en  cendres.  Mais  l'amour  est  plus  fin  que  lui  :  peu 
après  arrive  un  gros  homme  ventru  et  lascif,  qui  dit  se  nommer 
Gnathon,  et  qui  n'est  en  réalité  que  Silène  déguisé.  Il  trouve  Maïa 
seule,  lui  fait,  pour  passer  le  temps,  un  doigt  de  cour,  et  lui  de- 
mande la  faveur  d'un  baiser.  Maïa  n'est  crédule  qu'à  moitié,  et  les 
menaces  de  Polémon  l'ont  rendue  curieuse.  Elle  toise  de  la  tête  aux 
pieds  l'insolent,  le  trouve  parfaitement  laid,  et  se  dit  tout  bas  : 
«  Après  tout,  s'il  est  foudroyé,  il  n'y  aura  pas  grand  mal.  n  Décidée 
par  ce  raisonnement  naïf,  elle  abandonne  sa  main  aux  entreprises  du 
faux  Gnathon.  L'air  demeure  calme  et  le  ciel  serein.  —  Ah  !  s'é- 
crie-t-elle  avec  une  adorable  simplicité,  je  ne  crains  plus  rien  pour 
Bathylle.  Puis  elle  s'enfuit  en  riant,  et  les  nymphes,  sortant  de  leurs 
fraîches  retraites,  viennent  danser  en  rond  autour  de  Silène  mystiQé, 
en  lui  chantant  d'un  ton  goguenard  : 

Le  baiser  n'était  pas  pour  toi. 

C'est  la  fin  du  premier  acte. 

Au  second,  Bacchus,  qui  voyage  incognito  sous  le  pseudonyme  de 
Protagoras,  comme  Silène  sous  celui  de  Gnathon,  trinque  et  chante 
des  airs  à  boire  avec  Polémon,  qui,  ne  se  doutant  de  rien,  raconte 
à  ses  hôtes  les  tours  d'adresse  que  nous  avons  rapportés  plus  haut. 
La  scène  est  plaisante,  bien  que  la  surprise  et  l'indignation  de  Bac- 
chus, en  écoutant  ce  récit,  soient  parfaitement  absurdes.  Étrange  dieu, 
vraiment,  qui  ne  sait  pas  ce  qui  se  passe  dans  son  propre  temple  !  Mais 
Bacchus  ig-nore  ce  qu'il  lui  importe  le  plus  de  connaître.  Les  lieux 
qu'il  revoit  lui  rappellent  Ariane  et  son  enfant  abandonné. 

0  souvenir  vivant  qui  s'éveille  et  me  touche! 
0  charme  navrant  du  passé  1 

11  sent  une  vive  sympathie  pour  Bathylle;  il  entend  la  voix  du 
sang,  mais  il  hésite  à  l'écouter.  Il  lui  faut  un  acte  de  naissance,  ou 
tout  au  moins  un  certificat  de  notoriété  ;  et  l'on  ne  sait  trop  ce  qu'il 
adviendrait  si  la  naïade  ne  sortait  de  sa  grotte  en  temps  opportun 
pour  faire  la  déclaration  que  nous  avons  transcrite,  c'est-à-dire  si 
Bathylle,  violemment  sépare  de  Maïa,  prenait  son  mal  en  patience 
et  n'avait  la  fantaisie  de  se  noyer.  C'est  ce  beau  mouvement  qui 
sauve  tout.  La  naïade  se  montre  enveloppée  de  gazes  vertes,  et  l'ar- 
rête au  bord  de  la  fontaine.  Quand  elle  a  fini  son  petit  discours,  Bac- 
chus paraît,  à  son  tour,  armé  du  thyrse  d'or  emblème  de  sa  puis- 
sance, reconnaît  publiquement  son  fils,  et  bénit  les  jeunes  époux. 
Nous  ne  savons  ce  que  devient  Polémon,  s'il  demeure  prêtre  du  Dieu 
dont  il  s'est  tant  moqué,  ou  si  Maïa,  qui  est  sa  fille  après  tout,  sera 
forcée  de  lui  servir  une  pension  alimentaire. 


Tout  cela  constitue  un  récit  dialogué  plutôt  qu'une  pièce.  On  repro- 
chait à  Scribe,  dans  les  années  qui  ont  précédé  sa  mort,  d'entasser 
les  incidents  outre  mesure,  de  multiplier  inutilement  les  péripéties, 
de  faire  de  ses  intrigues  des  écheveaux  si  compliqués  que  l'attention 
du  spectateur  en  était  fatiguée,  et  que  sa  curiosité,  surexcitée  d'abord, 
finissait  par  lâcher  prise.  On  ne  fera  pas  ce  reproche  aux  librettistes 
d'aujourd'hui.  Vraiment,  ils  abusent  de  la  simplicité.  11  y  a  parfois, 
dans  le  poëme  de  M.  du  Locle,  des  vers  lestement  tournés,  de  gra- 
cieuses idées,  de  frais  tableaux  ;  mais  on  ne  saurait  imaginer  rien 
qui  ressemble  moins  à  ce  que  l'on  appelle,  au  théâtre,  une  intrigue. 
Les  deux  amants  sont  constamment  d'accord.  Polémon,  depuis  le 
commencement  jusqu'à  la  fin,  travaille  à  les  séparer,  et  s'y  prend 
toujours  de  la  même  manière.  Il  n'a  qu'un  seul  argument ,  ce  qui 
n'est  pas  très-varié.  Le  seul  point  à  éclaircir,  la  question  qui  forme 
le  nœud  de  la  pièce,  est  la  filiation  de  Bathylle  :  cette  question  ne 
se  pose  qu'au  moment  même  oîi  elle  est  résolue,  car  Polémon  n'a 
jamais  songé  à  lui  objecter  qu'il  n'est  l'enfant  de  personne.  Bacchus, 
qui  intervient  dans  la  pièce,  n'y  fait  rien  du  tout,  et  l'on  se  de- 
mande avec  étonnement  comment  un  si  grand  personnage  a  pu  se 
déranger  pour  si  peu.  Bref,  on  voit  défiler  toutes  ces  scènes'  avec 
une  parfaite  indifférence,  et,  si  l'on  soupire  après  le  dénoûment, 
c'est  uniquement  parce  que  l'on  sait  qu'au  dénoûment ,  quel  qu'il 
soit,  la  pièce  finira. 

M.  Duprato,  l'auteur  de  la  partition,  paraît  s'être  rangé  décidément 
parmi  les  musiciens  coloristes.  Il  fait  de  l'orchestre  avec  un  merveil- 
leux zèle.  Flûtes ,  hautbois ,  clarinettes  ,  cors ,  bassons ,  trompettes, 
trombones,  timballes,  cymbales  même  sont  continuellement  en  action 
dans  son  ouvrage,  et  il  s'occupe  à  tel  point  des  effets  de  sonorité, 
qu'il  semble  oublier  le  reste.  —  Qu'importe  que  cette  idée  soit  dans 
le  domaine  public,  que  cette  phrase  mélodique  soit  insignifiante  ou 
contournée,  qu'elle  s'ajuste  mal  avec  les  paroles,  et  donne  des  en- 
torses à  la  versification?  Il  y  aura  des  accompagnements  là-dessous, 
comme  dit  Figaro,  et  les  accompagnements  font  tout  passer.  —  Nous 
avons  souvent  combattu  ce  système,  soutenu  que  les  combinaisons 
instrumentales  étaient  un  brillant  accessoire  qui  ne  saurait  suppléer 
le  principal ,  que  l'accompagnement  est  le  vêtement  du  chant ,  et 
qu'il  n'est  pas  absolument  indifférent  qu'un  manteau,  fût-il  de  pourpre 
et  d'or,  soit  accroché  à  un  poteau,  ou  s'arrondisse  en  plis  élégants 
autour  du  torse  de  l'Apollon.  Nous  n'y  reviendrons  pas ,  car  on  se 
lasse  de  tout,  et  nous  nous  bornerons  à  indiquer  les  morceaux  ou 
fragments  qui,  dans  la  Déesse  et  le  Berger,  nous  ont  paru  s'élever 
au-dessus  du  niveau  commun.  C'est  d'abord  la  romance  de  Bathylle  : 

Je  puis  comme  autrefois 
Venir  dans  ce  bois  sombre, 

qui  ne  brille  peut-être  pas  par  l'invention  mélodique,  mais  où  il  y  a 
du  moins  de  l'expression,  de  la  passion,  soit  qu'elle  vienne  du  compo- 
siteur, soit  que  le  chanteur  l'y  ait  mise.  Nous  ferons  remarquer  un 
joli  dessin  d'orchestre,  plusieurs  fois  reproduit,  dans  le  duo  de  Bac- 
chus et  de  Silène.  En  cet  endroit  là  c'est  le  violon  qui  parle,  et  ce 
qu'il  dit  a  une  valeur  mélodique  que  nous  portons  à  l'actif  de  l'au- 
teur. Mais  nous  sommes  obligé  d'inscrire  à  son  passif  tout  ce  que  di- 
sent le  dieu  et  le  demi-dieu  beaucoup  moins  bien  inspirés.  Les  cou- 
plets de  Maïa  : 

J'en  veux  tenter  l'expérience, 
ont  obtenu  tant  d'applaudissements  qi\'ils  se  passeront  aisément  des 
nôtres.  Le  public  a  compris  qu'il  devait  y  avoir  là  ce  que  Boïeldieu 
appelait  un  bon  mot  musical^  et  il  a  cru  l'y  voir.  Nous  pensons  que 
l'auteur  l'a  cherché  sans  le  trouver,  et  n'a  fait  qu'en  marquer  la 
place.  Qui  a  raison,  de  nous  ou  du  public?  Nous  l'ignorons  nous- 
même.  Le  temps  seul  peut  décider  la  question. 

Le  trio  de  Bacchus,  Silène  et  Polémon  débute  par  une  entrée  fu- 
guée  qui  a  du  caractère.  Malheureusement,  quand  les  trois  voix  n'ont 


DE  PAMiS. 


C7 


plus  qu'à  manœuvrer  l'une  à  côté  de  l'autre,  leurs  évolutions  parais- 
sent un  peu  confuses.  Le  chœur  des  Bacchantes, 

Cistres  et  cymbales, 

Tambours  et  crotales,  etc. 
nest  guère  remarquable  que  par  le  bruit  qu'il  fait.  Mais  celui  qui 
suit  :  0  Mata,  déesse  charmante,  nous  a  paru  aussi  charmant,  pour 
le  moins,  que  la  déesse.  La  mélodie  en  est  gracieuse  et  tendre, 
l'harmonie  élégante  sans  recherche,  et  l'accompagnement  instrumen- 
tal du  meilleur  goût.  Pourquoi,  bon  Dieu!  M.  Duprato  n'a-t-il  pas 
tiré  son  opéra  tout  entier  de  ce  tonneau-là?  Il  aurait  fait  une  œuvre 
délicieuse. 

M.  Capoul,  dans  le  rôle  de  Bathylle,  a  su  être  tout  à  la  fois  naïf 
comme  un  jeune  pâtre,  et  naturellement  distingué,  comme  il  convient 
au  fils  d'un  dieu.  Il  chante  avec  beaucoup  d'élégance  et  d'expression 
la  romance  dont  nous  avons  parlé,  et  tous  les  passages  dont  le  tour 
est  tant  soit  peu  mélodique.  Mlle  Baretti  est  gracieuse  et  fine  dans  le 
rôle  de  Maïa.  II  n'y  a  que  des  compliments  à  faire  à  MM.  Crosti, 
Gourdin,  Prilleux,  et  à  la  charmante  naïade,  Mme  Ferdinand.  Cet 
ouvrage,  Irès-convenablement  monté,  est  interprété  avec  un  soin  ex- 
trême. Les  décors  sont  très-frais,  très-agréables  à  l'œil,  ainsi  que  la  mise 
en  scène.  L'administration  a  fait  si  bien  qu'on  n'apercevra  peut-être 
pas  toutes  les  défaillances  des  auteurs,  ou  qu'on  les  leur  pardonnera. 

LÉON  DUROCHER. 


THEATRE  IMPÉRIAL  ITALIEN. 

AliESSAlVDRO    jSTKDEIiliA. 

(U»  article)  (1). 

Le  théâtre  a  rendu  son  arrêt  souverain  *sur  Slradella,  et,  l'autre 
soir,  la  cour  suprême  de  Paris  n'a  fait  que  confirmer  à  son  sujet  la 
jurisprudence  établie  dans  toute  l'Allemagne,  la  Belgique  et  la  Russie. 
Notre  collaborateur,  Paul  Smith,  a  dressé  le  procès-verbal  exact  et 
judicieux  de  la  séance  dans  laquelle  a  été  confirmé  par  le  public 
parisien  tout  ce  qu'avait  pensé ,  jugé,  décidé  précédemment  le  public 
d'une  foule  d'autres  villes.  Aujourd'hui  donc  il  ne  s'agit  plus  d'exa- 
miner l'ouvrage  au  point  de  vue  théâtral,  mais  de  placer  en  quelque 
sorte  sur  le  pupitre  la  partition  de  M.  de  Flotow,  afin  d'en  feuilleter 
plus  à  loisir  les  divers  morceaux,  sans  en  omettre  un  seul ,  tout  en 
regrettant  que  la  tâche  si  délicate  de  juré-priseur  d'une  si  brillante 
production  n'ait  pu  être  achevée  par  la  plume  qui  l'avait  si  bien 
commencée. 

La  presse  en  général  a  été  très  favorable  dans  son  appréciation  de 
Slradella.  Il  y  a  donc  lieu  de  s'étonner  qu'un  opéra  de  cette  impor- 
tance ait  mis  près  de  vingt  ans  à  venir  jusqu'à  nous.  Quand  on  songe 
à  quel  point  il  est  devenu  populaire  dans  toute  l'Allemagne,  oià  l'on 
compte  par  centaines  ses  représentations  dans  certaines  villes,  on  se 
demande  comment  il  a  pu  se  faire  que  Paris  ait  attendu,  pendant  si 
longtemps,  la  traduction  italienne,  qui  a  permis  au  théâtre  Ventadour 
d'en  enrichir  son  répertoire,  ou,  tout  au  moins,  la  traduction  fran- 
çaise que  MM.  A.  Royer  et  G.  Oppelt  ont  faite  pour  la  Belgique,  et 
qu'un  de  nos  théâtres  lyriques  aurait  dû  s'approprier,  à  l'exemple 
de  plusieurs  de  nos  grandes  villes  de  la  province. 

Mais  nous  possédons  enfin  Slradella,  et  tout  nous  porte  à  croire 
qu'il  aura,  chez  nous,  le  sort  heureux  de  Maria.  Il  est  bon  de  dire, 
d'ailleurs,  que  plein  d'un  louable  respect  pour  la  consécration  pari- 
sienne, M.  de  Flotow  a  cru  devoir  présider  lui-même  à  la  transfor- 
mation de  son  œuvre,  et  qu'en  lui  faisant  franchir  la  frontière,  il  l'a 
complétée  par  l'adJition  de  deux  morceaux  inédits,  qui  n'ont  pas  été 
les  moins  applaudis  de  la  partition. 

(1)  Voir  le  n"  8. 


Ces  deux  morceaux  ont  été  écrits  pour  Mlle  Marie  Battu  qui, 
comme  l'a  dit  notre  collaborateur,  les  a  supérieurement  interprétés. 
Le  premier  est  une  romance  qu'elle  chante,  au  premier  acte,  lors- 
qu'elle va  prendre  la  fuite ,  sur  ces  paroles  :  Rondinella  prigio- 
niera;  le  second  est  un  brindisi  placé,  au  deuxième  acte,  dans  la 
scène  de  table  et  qui  commence  par  ces  mots  :  su  la  tazza  oijnuno 
impucjni.  La  romance  est  formée  d'un  andante  à  quatre  temps , 
précédé  d'un  court  récitatif,  et  qui  respire,  d'un  bout  à  l'autre, 
une  douce  et  suave  mélancolie.  Le  brindisi,  plus  vif  et  plus  accen- 
tué, comme  l'exige  la  situation,  obéit  à  un  mouvement  de  valse, 
sur  lequel  Mlle  Battu  dessine,  avec  la  précision  qui  lui  est  habituelle, 
les  plus  pures  et  les  plus  hardies  vocalises.  Ces  deux  gracieuses  ins- 
pirations, que  nous  avons  tenu  à  saluer  tout  d'abord,  pour  répondre 
à  la  politesse  du  compositeur  qui  les  a  spécialement  dédiées  à  nos 
oreilles  parisiennes,  auront  bientôt  franchi  la  rampe  et  se  feront  ra- 
pidem.ent  adopter  par  les  salons. 

Revenons  maintenant  au  début  de  la  partition,  et  louons  sans  ré- 
serve l'excellente  ouverture  que  l'orchestre  de  M.  Bonetti  exécute 
avec  une  rare  perfection.  Elle  entre  en  matière  par  un  chant  reli- 
gieux, largement  posé,  et  dont  le  motif  est  celui  de  l'hymne  du  troi- 
sième acte;  c'est  à  la  fois  le  principe,  la  situation  capitale,  la  raison 
d'être  de  l'ouvrage.  Cet  andante  maësloso  est  suivi  d'un  allegro  très- 
élégant,  qui  se  résout  dans  le  motif  du  chœur  nuptial  du  deuxième 
acte,  autre  situation  importante  de  la  pièce,  et  qui,  par  une  heureuse 
transition,  de  fa  mineur  en  ré  majeur,  ramène,  comme  péroraison, 
l'hymne  du  commencement. 

Le  premier  acte  s'ouvre  par  une  barcarolle  avec  chœur,  d'un  très- 
bon  style  ;  et  pendant  que  Stradella  descend  de  sa  gondole  pour  se 
rapprocher  du  balcon  de  sa  maîtresse  ,  la  clarinette  fait  entendre 
une  ritournelle  d'un  effet  aussi  gracieux  qu'original.  C'est  le  prélude 
de  la  jolie  sérénade  :  Cara!  il  tuo  bene  a  te  sen  viene,  dans  laquelle 
Naudin  se  distingue  par  d'habiles  contrastes  do  forte  et  de  mezza-voce. 
Après  ce  morceau,  vient  un  nocturne  chanté  par  Naudin,  sur  la  scène, 
et  par  Mlle  Battu,  à  son  balcon  :  Per  colline  e  valti  erbose.  C'est  un 
andante  à  trois  temps,  dont  chaque  phrase  est  dite  tour  à  tour  par 
les  deux  interlocuteurs,  et  qui  se  termine  par  un  court  et  charmant 
ensemble.  Le  finale  est  principalement  une  affaire  de  mise  en  scène  ; 
le  tuteur  Bassi  veut  empêcher  l'enlèvement  de  Leonora,  sa  pupille  ; 
une  troupe  de  masques,  composée  des  amis  de  Slradella,  entoure  le 
vieux  barbon  ,  le  sépare  des  deux  amants ,  et  Stradella  entraîne  sa 
maîtresse  pendant  que  le  chœur  fait  tonner  aux  oreilles  de  Bassi,  ce 
joyeux  refrain  :  Viva  I  viva  la  (jalloria!  Le  tiUli  des  voix  et  de 
l'orchestre  prête  beaucoup  de  mouvement  et  d'entrain  à  cette  fin  du 
premier  acte. 

Le  second  débute  par  un  air  que  chante  Leonora  avant  de  suivre 
Stradella  à  l'autel  :  Délia  gioja  che  il  seno  m'inonda.  Il  est  formé 
de  deux  andanli,  l'un  à  six-huit,  plein  de  charme  et  de  douceur; 
l'autre,  à  deux  temps,  plus  animé,  et  terminé  par  des  vocalises  aux- 
quelles la  voix  correcte  et  pure  de  Mlle  Battu  donne  un  prix  inesti- 
mable. 

Nous  avons  parlé  du  chœur  nuptial ,  à  propos  de  l'ouverture  ; 
l'accompagnement  des  cloches  saintes  augmente  encore  l'effet  de  ce 
joli  morceau.  Ici  paraissent,  pour  la  première  fois,  les  deux  bandils, 
si  gaiement  représentés  par  Zucchini  et  par  Delle-Sedie ,  une  basse 
et  un  baryton.  Leur  duo  bouffe  :  f'è  del  Tihro  al  manco  /a^o,  jouis- 
sait d'avance  d'une  grande  célébrité,  que  l'audition  n'a  pas  démen- 
tie. Il  est  écrit  de  manière  à  soutenir  la  concurrence  redoutable  qu'il 
rencontrera  sur  la  scène  où  régnent  souverainement  Rossini  et  Ci- 
marosa.  Le  finale  de  cet  acte,  beaucoup  plus  développé  que  celui  du 
premier,  du  moins  en  l'absence  du  ballet  qu'on  a  retranché  à  celui-ci, 
commence  par  le  retour  du  chœur  nuptial.  On  apporte  des  tables, 
on  se  place  autour,  le  chœur  chante  l'amour  et  le  bon  vin  :  Fra 
l'amor  ed  i  Licchier;  après  quoi,  Leonora  attaque  son  brindisi,  puis 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALK 


les  bandits  Malvolio  et  Barbarino,  admis,  sous  leur  déguisement,  au 
festin  des  époux,  paient  leur  bienvenue  par  une  chanson  à  boire, 
petit  chef-d'œuvre  de  gaieté  franche  et  facile,  qui  aura  les  honneurs 
du  bis,  aussi  longtemps  que  vivra  l'opéra  de  M.  de  Flotow.  On  ne 
saurait  imaginer  rien  de  plus  entraînant  que  les  ghi!  glu!  de  ces 
trois  couplets  si  bien  chantés  par  Zucchini  et  son  compère  Delle- 
Sedie.  Il  était  bien  difficile  d'émouvoir  le  public  après  cet  air,  et 
cependant  Naudin  y  est  parvenu  avec  sa  délicieuse  ballade  de  Sal- 
vator  Rosa  :  In  fonde  agit  Abntzsi,  où  ses  suaves  effets  de  mrzza- 
voce  lui  ont  encore  valu  de  chaleureux  applaudissements.  La  reprise 
du  refrain  de  la  chanson  à  boire  des  bandits  termine  dignement  ce 
finale  dont  le  mérite  est  égalé  par  le  succès  qu'il  a  obtenu. 

Si  le  second  acte  se  recommande  par  le  nombre  et  la  variété  des 
morceaux  saillants  qui  le  composent,  le  troisième  ne  lui  est  pas  in- 
férieur, quoique  moins  étendu.  Nous'  signalerons,  au  lever  du  ri- 
deau, le  quatuor  :  Oh!  cara  llalia!  dont  le  dessin  est  parfait,  la 
facture  distinguée,  et  où  se  mêlent 'd'une  façon  magistrale  les  accents 
enthousiastes  de  Stradella  et  de  Léonora  aux  impressions  diverses 
de  Malvolio  et  de  Barbarino,  qui  jouent  en  même  temps  à  la  inorra. 
Le  chœur  des  pèlerins  qui  lui  succède  forme  une  habile  opposition. 
Le  trio  des  deux  bandits  et  du  tuteur  Bassi  venant  leur  rappeler  la 
mission  qu'ils  ont  acceptée,  est  parfaitement  en  situation  ;  nous  de- 
vons surtout  des  éloges  à  Vallegro  mouvementé  à  trois  temps,  par 
lequel  il  se  termine.  Mais  voici  le  morceau  principal  de  l'ouvrage, 
l'hymne  religieux  chanté  par  Stradella,  tandis  que  ses  assassins  le 
guettent  sous  la  surveillance  du  tuteur  de  Léonora.  r;ous  n'avons  pas 
besoin  d'insister  sur  la  situation  ;  elle  est  connue  ;  c'est  pour  elle  que 
la  partition  existe.  M",  de  Flotow  avait  un  grand  effort  à  faire  pour  ne 
pas  rester  au-dessous  de  sa  tâche,  pour  la  dépasser  même,  s'il  était 
possible,  dans  cet  instant  solennel,  et  nous  pouvons  affirmer  qu'il  y 
a  réussi,  au-delà  de  ce  qu'avaient  le  droit  de  demander  les  exi- 
gences les  plus  sévères.  L'hymne  :  Oh  !  corne  bello  è  il  giorno,  est 
complexe  ;  il  débute  par  un  magnifique  adugio  que  la  harpe  accom- 
pagne. Puis,  vient  un  ravissant  andante,  sur  ces  paroles  :  0  sanla, 
0  pia  del  Ciel  Regina!  La  voix  de  Stradella,  d'abord  douce  et  onc- 
tueuse, s'élève,  s'anime,  s'exalte  :  Oh  !  fa  che  splenda  la  gran  luce 
del  Signer!  Le  chant  de  l'ouverture  éclate  au  milieu  des  splendeurs 
de  l'orchestre.  Les  deux  assassins  qui  vont  frapper  Stradella,  sont 
touchés  par  ses  accents  sublimes,  et  le  poignard  tombe  de  leurs 
mains.  Rendons  justice  à  Naudin  qui,  dans  cet  admirable  morceau, 
s'est  constamment  maintenu  à  la  hauteur  de  son  rôle. 

Nous  nous  plaisons  à  le  répéter,  l'accueil  plus  que  favorable  fait  à 
la  musique  d'Akssandro  Stradella,  n'est  pas  attesté  par  nous  seule- 
ment; presque  tous  les  journaux  qui  en  ont  rendu  compte  partagent 
notre  avis  sur  l'opéra  de  M.  de  Flotow,  dont  la  manière,  en  ré- 
sumé, peut  bien  être  éclectique,  mais  qui,  selon  l'heureuse  expres- 
sion de  notre  collaborateur  Paul  Smith,  est  à  coup  sûr  cosmopolite. 
Marta  l'a  prouvé,  et  Stradella  le  prouve  en  ce  moment. 

».  A.  D.  SAINT-YVES. 


AUDITIONS  MOSICAIES. 

M.  J.  Dumou.  —  Mme  Clara  Scliumann.  —  M.  Vin- 
cent Aaier.  —  Deuxième  séance  de  musique  de 
chambre  d'Alard  et  Francliomme.  —  Troisième 
soirée  de  M.  Cliarles  Iiamoureux. 

Le  Conservatoire  de  Bruxelles  peut  se  montrer  fier  à  juste  litre 
du  succès  éclatant  remporté  samedi,  dans  les  salons  Pleyel-Wolff, 
par  deux  de  ses  professeurs  :  Mme  Pleyel  et  M.  J.  Dumon.  Joindre 


ainsi  l'exemple  au  précepte  n'est  point  indispensable  en  matière  d'en- 
seignement, nous  le  savons,  mais  enfin  cela  ne  gâte  rien. 

M.  J.  Dumon  a  pris  rang  du  premier  coup  parmi  les  artistes  les 
plus  justement  applaudis  et  fêtés  cet  hiver.  11  est  assurément  très- 
fort;  il  enlève  les  difficultés  avec  autant  d'aisance  que  de  pureté; 
mais  ce  qui  a  le  plus  étonné  et  captivé,  c'est  l'art  qu'il  déploie 
dans  les  cantabile.  Il  phrase  si  bien,  il  trouve  sur  sa  flûte  de  si 
beaux  sons,  des  inflexions  si  variées  que,  mérite  suprême  à  notre 
avis,  il  rappelle  la  voix  humaine,  et  ajoutons  —  car  par  le  temps 
qui  court  et  les  méthodes  qui  fleurissent  cela  n'est  pas  inutile  —  la 
voix  humaine  habilement  conduite. 

M.  Dumon  est  un  musicien,  il  sait  écrire,  il  a  du  goût,  et  sa 
fantaisie  sur  un  thème  original  est  de  tout  point  charmante.  Le 
chant  se  détache  constamment  des  dessins  et  des  arpèges  dont  il  est 
orné;  les  variations,  très-difficiles,  sont  du  plus  bel  effet  :  elles  offrent 
souvent  l'intérêt  de  plusieurs  parties,  et  réunissent  le  brillant  et  la  ra- 
pidité de  certaines  variations  écrites  pour  le  piano.  Le  nocturne  et 
les  airs  valaques  de  Doppler  ont  permis  à  M.  J.  Dumon  de  montrer 
toute  la  flexibilité  de  son  talent.  Mais,  nous  tenons  à  le  répéter,  ce 
qui  distingue  plus  particulièrement  le  jeune  professeur,  c'est  le  style 
et  l'art  de  chanter.  Cette  pauvre  flûte,  qui  n'a  pas  été  plus  épargnée 
que  le  piano,  a  été  écoutée  très-sérieusement  et  a'  causé  un  plaisir 
exceptionnel.  Nous  disons  exceptionnel,  non  en  pensant  à  d'autres 
flûtistes,  mais  à  tous  les  artistes  qui  se  font  entendre  cha([ue  jour. 

Les  reines  du  piano  ne  nous  manquent  pas  :  on  en  sacre  tous  les 
jours  dont  les  couronnes  ne  résisteront  guère  au  premier  souffle  de 
justice  qui  passera.  Malgré  tous  ces  avènements,  il  nous  faut  pourtant 
bien  reconnaître  que  Mme  Pleyel  a  été  accueillie  en  souveraine  ;  mais 
elle,  du  moins,  justifie  pleinement  cet  accueil. 

Après  avoir  dit  avec  M.  Dumon  une  très-belle  sonate  de  Weber 
et  avec  MM.  Charles  Dancla  et  S.  Lee  le  trio  en  ut  mineur  de  Men- 
delssohn,  après  avoir  déployé  dans  ces  morceaux  une  ampleur  de 
style  et  un  fini  d'expression  tout  à  fait  rares,  Mme  Pleyel  a  exécuté 
un  magnifique  andante  de  Hummel.  Les  mille  et  une  broderies  se- 
mées par  ce  maître  non  profuséraent,  mais  abondamment,  sur  son 
tissu  mélodique,  et  les  fins  contours  de  sa  phrase,  ont  été  rendus  par 
Mme  Pleyel  avec  une  légèreté,  une  délicatesse,  une  variété  de  son 
et  un  style  très  soutenu  et  très-noble  qui  ont  émerveillé  le  public.  La 
célèbre  pianiste  a  été  rappelée  avec  enthousiasme,  et  on  lui  a  de- 
mandé la  Tarentelle  de  Rossini  transcrite  par  Liszt.  En  écoutant  cette 
■page  délicieuse,  si  vive  et  si  colorée,  enlevée  avec  un  brio  et  une 
vélocité  incomparables,  l'enchantement  a  été  complet. 

—  Mme  Clara  Schuniann  nous  est  revenue,  la  semaine  dernière, 
dans  les  salons  Erard;  son  beau  et  vigoureux  talent  a  passé  de  Bee- 
thoven à  Menieissohn,  de  Chopin  à  Schumann,  avec  cette  sûreté, 
cette  intelligence  sérieuse  qui  excelle  à  traduire  les  beautés  les  plus 
grandes  et  les  plus  élevées,  comme  les  pensées  les  plus  fugitives  et 
les  plus  quintessenciées  de  la  jeune  école  allemande.  Les  qualités  de 
Mme  Clara  Schumann  sont  trop  connues  pour  qu'il  soit  besoin  de 
les  énumérer  ici  ;  elles  lui  méritent  partout  un  accueil  chaleureux  qui 
ne  lui  a  pas  fait  défaut  l'autre  soir. 

L'éminente  pianiste  a  joué,  entre  autres  choses,  deux  canons  de 
Schumann.  Certes,  il  est  permis  de  trouver  un  peu  de  roideur  sco- 
lastique  et  de  froideur  dans  ces  pages  auxquelles  la  sévérité  et  même 
l'austérité  sont  inhérentes  ;  mais  il  est  impossible  de  ne  pas  admirer 
la  chaleur  de  conviction  avec  laquelle  Mme  Schumann  les  impose. 
Les  profanes  —  il  y  en  a  toujours  et  partout  —  pensent  que  ces 
sortes  de  pièces  ressemblent  trop  à  des  études  académiques,  et  qu'il 
faut  avoir  passé  par  l'atelier,  ou  plutôt  avoir  fréquenté  les  classes  de 
contre-point  pour  pouvoir  les  comprendre  et  les  goûter;  ils  n'ont 
peut-être  pas  tort.  Quoi  qu'il  en  soit,  ils  ont  été  amplement  dédom- 
magés par  les  inspirations  de  Beethoven  et  de  Chopin.  Là,  Mme  Clara 
Schumann  a  été  mieux  comprise.  Ce  n'était  plus  seulement  la  préci- 


m  PARIS. 


69 


sion,  la  carrure,  la  fermeté,  c'était  l'expression,  la  douceur  et  un  slyle 
moins  tendu,  se  prêtant  avec  beaucoup  de  souplesse  aux  chants  et 
aux  orneuients  si  brillants,  si  distingués,  si  pleins  de  sens  poétique 
et  de  nouveauté  qu'on  aime  tant  dans  les  ouvrages  de  ces  maîtres. 

Mme  Viardot,  qui  à  cette  heure  possède  seule  le  secret  du  style 
vocal  de  Gluck  et  de  Mozart,  est  aussi  la  cantatrice  qui  comprend  et 
rend  le  mieux  les  exquises  et  dramatiques  petites  scènes  de  Schu- 
raann;  elle  l'a  prouvé  une  fois  de  plus  dans  cette  soirée. 

—  Chaque  année,  M.  Vincent  Adler,  qui  ne  se  prodigue  pas , 
donne  un  ou  deux  concerts  tout  au  plus,  fait  entendre  ses  nouvelles 
compositions  et,  bien  vite,  cède  la  place  à  d'autres.  En  dépit,  ou  plu- 
tôt à  cause  de  cette  discrétion,  son  nom  attire  toujours  un  auditoire 
nombreux  et  distingué.  L'atmosphère  des  salons  convient  mieux  peut- 
être  à  ses  morceaux  que  celle  des  grandes  salles  de  concert  ;  ce- 
pendant, par  sa  vigueur  et  son  ampleur,  l'allégro  avec  double  qua- 
tuor n'a  rien  à  redouter  en  se  montrant  au  grand  jour  et  en  renon- 
çant aux  douceurs  et  au  prestige  de  l'intimité.  Les  traits  rapides  et 
élégants  semés  dins  la  plupart  de  ses  fantaisies  sont  d'un  effet  neuf 
et  souvent  délicieux;  ils  ont  même  un  certain  cachet  d'originalité. 
M.  Adler  joue  sa  musique  d'une  façon  ravissante,  ce  qui  n'est  pas 
commun  à  tous  les  compositeurs  ;  il  y  met  une  rare  délicatesse,  une 
grande  souplesse  de  doigts,  —  choses  sur  lesquelles  on  est  blasé,  — 
mais  il  y  met  aussi  une  grande  souplesse  de  style,  —  chose  sur  la- 
quelle on  ne  l'est  pas.  Après  avoir  fait  très-vivement  applaudir  ses 
propres  ouvrages,  entre  autres  sa  Tarentelle^  sa  Barcarolle ,  son 
Thème  styrien  et  sa  Scène  de  bal  qui  a  été  bissée ,  M.  Vincent  Ad  ■ 
1er,  en  compagnie  de  l'excellent  violoniste  Armingaud,  a  brillam- 
ment exécuté  un  beau  duo  hongrois  de  Vieuxtemps  et  Erkel,  et  une 
fantaisie  d'Edouard  Lalo.  MM.  Armingaud,  Léon  Jacquard,  Mas  et 
Lalo,  c'est-à-dire  le  quatuor  qui,  à  si  juste  titre,  jouit  de  l'estime  des 
connaisseurs  et  a  le  privilège  de  voir  tous  les  ans  grossir  le  nombre 
de  ses  auditeurs  et  g-randir  le  succès  de  ses  intéressantes  séances, 
accompagnaient  cette  fantaisie  et  ont  beaucoup  contribué  au  plaisir 
qu'elle  a  fait  éprouver. 

La  Sérénade  et  la  Chanson  villageoise,  du  même  auteur,  ont  été 
jouées  avec  beaucoup  de  pureté,  de  charme  et  d'expression  par 
M.  Léon  Jacquard.  On  a  redemandé  une  de  ces  petites  pages,  simple 
cantilène  qui  n'est  point  ambitieusement  ornée,  et  qui  a  prouvé  en- 
core une  fois  combien  le  public  était  friand  de  mélodies  naturelles 
et  gracieuses.  Un  air  de  Tancrède,  pétillant  de  jeunesse,  d'esprit  et 
de  grâce,  et  un  large  et  beau  cantique  de  Stradella,  dans  lesquels 
Mlle  Marie  Cruvelli  a  fait  apprécier  sa  voix  et  sa  bonne  méthode, 
composaient  la  partie  vocale,  et  ont  apporté  une  très-agréable  diver- 
sité à  cette  charmante  soirée. 

—  Malgré  les  plaisirs  du  carnaval  et  pendant  que  d'autres  culti- 
vaient le  quadrille,  la  mazurka,  etc.,  les  dilettantes  se  rendaient  à  la 
deuxième  séance  d'Alard  et  fêtaient  Haydn,  Mozart  et  Beethoven. 
Celte  matinée,  qui  avait  été  remise  à  cause  du  magnifique  concert 
donné  au  Conservatoire  pour  les  ouvriers  de  la  Seine-Inférieure,  a 
été  très-belle.  Franchomme  et  Dièmer  ont  dit  à  ravir  la  sonate  en 
sol  mineur  de  Beethoven.  Puis  Alard  a  joué  en  perfection  un  déli- 
cieux trio  de  Mozart  et  un  ravissant  quatuor  en  mi  bémol  de  Haydn. 

—  Les  plus  jeunes  sociétés  de  musique  de  chambre  s'efforcent  de 
rivaliser  avec  les  plus  anciennes,  et  de  donner  satisfaction  aux  ten- 
dances élevées  que  les  artistes  éminents  ont  fait  naître  à  peu  près 
dans  toutes  les  classes  de  la  société.  Celle  de  M.  Charles  Lamoureux 
est  en  progrès.  A  la  troisième  soirée,  un  quatuor  d'Haydn  et  un  trio  de 
Mendelssohn  ont  surtout  fait  un  plaisir  infini.  Mozart  et  Beethoven 
ont  été  joués  ensuite  avec  un  ensemble  très-remarquable  et  une 
grande  intelligence  du  sens  et  de  la  portée  des  moindres  notes  qui, 
là,  ne  sont  pas  mises  uniquement  pour  faire  briller  la  virtuosité. 

M.  Charles  Lamoureux  comprend  très-bien  ce  que  la  musique  clas- 
sique exige  de  sérieux,  de  sobre,   de  pur  et  de  contenu.  Par  ses 


qualités  solides  et  brillantes,  de  même  que  par  la  chaleur  et  le 
charme  de  son  exécution,  il  est  tout  à  fait  digne  d'interpréter  les 
vieux  maîtres. 

Adolphe  BOTTE. 


NOUVELLES. 


3,*^:  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné,  dimanche  dernier,  laFa- 
vorite  et  Graziosa  ;  Mme  Zina  Mérante  a  pris  la  place  de  Mme  Ferraris 
dans  ce  ballet.  Trois  représentations  de  la  Muette  avec  une  salle  com- 
ble ont  eu  lieu  cette  semaine. 

^*^  Des  réparations  importantes  vont  être  faites  à  l'intérieur  de  la 
sal!e  de  l'Opéra;  M.  Garnier,  l'architecte  de  la  nouvelle  salle,  a  confié 
ces  travaux  à  MM.  Gustave  Boulanger  et  I.enepveu. 

^*^  Le  théâtre  Italien  continuera,  la  semaine  prochaine,  les  représen- 
tations de  Stradella.  Plus  on  entend  cet  opéra,  et  plus  le  public  en 
goûte  les  mélodies  fraîches  et  chantantes. 

^*^  M.  de  Flotow  est  de  retour  à  Paris. 

^*^  Si  l'on  a  trouvé  que  Mlle  Patti  avait  été  payée  cher  par  le  théâtre 
Italien,  et  si  l'on  a  supputé  avec  soin  les  sommes  que  lui  a  rapportées 
son  séjour  à  Paris,  il  est  juste  de  mettre  en  regard  le  chiffre  des  re- 
cettes que  ses  représentations  ont  versées  dans  la  caisse  delà  direction. 
Or,  nous  lisons  dans  la  Presse  théâtrale  que  ce  chiffre  a  atteint  pour 
trente-trois  représentations  373,760  fr.  90  c,  soit  une  moyenne  de 
Il  ,326  fr.  6  c.  par  représentation  ! 

^*,t  Mme  Miolan-Carvalho,  qui  devait  partir  pour  Marseille  le  l''"'  mars^ 
a  obtenu  de  M.  Halanzier,  directeur  du  théâtre  de  Marseille,  de  n'aller 
remplir  son  engagement  que  le  1"  avril.  Cet  ajournement  permettra 
la  continuation  des  recettes  toujours  fi'uctueuses  de  Faust. 

^*^  Le  théâtre  des  BouffeS-Parisiens  vient  de  rencontrer  dans  le  nou- 
vel ouvrage  d'Offenbach,  les  Bavards,  un  des  plus  grands  succès  qu'ait 
obtenus  le  fécond  et  charmant  compositeur.  Chaque  soir  on  refuse  du 
monde  ;  l'air  de  Mme  Ugalde,  la  chanson  des  créanciers  :  Il  faut  qu'on 
paie,  sont  bissés.  Les  applaudissements,  les  rires  de  toute  la  salle  ne 
discontinuent  pas  pendant  le  cours  de  la  représentation.  Tout  à  fait 
sûrs  de  leurs  rôles,  les  acteurs  font  merveille,  et  depuis  Gil  Blas 
Mme  Ugalde  ne  s'est  pas  montrée  sous  un  jour  qui  lui  soit  plus  avanta- 
geux ;  il  faut  l'entendre  pour  se  faire  une  idée  du  talent,  de  la  verve  et 
de  l'entrain  qu'elle  dé|)loie  dans  le  personnage  de  Roland.  Les  Bavards 
sont  plus  qu'un  opérette  :  c'est  un  très-joli  opéra-comique  dont  vont 
s'emparer  toutes  les  scènes  de  province. 

»**  Le  théâtre  de  Bordeaux  monte  Stradella.  —  Le  théâtre  de- Barce- 
lone va  monter  également  l'opéra  de  Flotow. 

„,*»  Les  représentations  successives  du  dernier  ouvrage  de  Benedict, 
la  Rose  d'Erin  (the  Lilhj  of  Killarney),  n'ont  fait  que  confirmer  le  grand 
succès  que  cette  œuvre  remarquable  a  obtenu  dès  sa  première  appari- 
tion au  théâtre  de  Brunswick,  le  premier  de  tous  les  théâtres  d'Alle- 
magne qui  a  monté  cet  ouvrage,  dont  la  vogue  en  Angleterre  a  eu  tant 
de  retentissement.  La  nouvelle  partition  de  Benedict  paraît  destinée  à 
une  popularité  non  moins  grande  en  Allemagne  ;  elle  est  en  pleine  ré- 
pétition à  Stuttgart,  et  on  la  prépare  à  Darmstadt,  à  Hambourg  et  à 
Berlin. 

^*^  Demain  aura  lieu  aux  Tuileries  le  premier  grand  concert  du  ca- 
rême. Lundi  passé,  il  y  avait  eu  dans  les  appartements  de  S.  M.  l'Impé- 
ratrice une  soirée  intime,  pour  laquelle  cinq  cents  invitations  seulement 
ont  été  distribuées.  On  y  a  fait  de  la  musique  d'amateurs.  Mme  la  ba- 
ronne de  Caters,  Mme  Moulton  et  Mme  Boucher;  M.  le  comte  0,  Aguado 
et  M.  de  Meynard,  ont  successivement  chanté  plusieurs  morceaux  avec 
un  talent  qui  ferait  honneur  à  des  artistes  consommés.  Mme  de  Caters, 
la  digne  fille  de  Lablache,  s'est  fait  surtout  admirer  par  le  noble  audi- 
toire, et  S.  M.  l'Impératrice  a  daigné  lui  demander  des  airs  espagnols 
que  Mme  de  Caters  a  dits  d'une  façon  ravissante.  M.  de  Meynard  aussi 
a  chanté  avec  un  sentiment  exquis  la  délicieuse  romance  de  Maria. 

^*.j,  Les  réunions  musicales  du  carême  ont  recommencé  dans  les  sa- 
lons de  rilôtel  de  ville,  sous  la  direction  de  Pasdeloup.  Au  nombre  des 
morceaux  annoncés  par  le  programme,  figurait  le  brindisi  de  Stradella, 
composé  par  M.  de  Flotow  pour  Mlle  Battu,  et  qu'elle  a  chanté  avec  au- 
tant de  talent  que  de  succès. 

**<,  M.  le  comte  de  Nieuwerkerke  a  repris  ses  soirées  artistiques  du 
vendredi.  On  y  a  fait,  comme  les  années  précédentes,  d'excellente  mu- 
sique dirigée  par  Pasdeloup.  A  la  première,  Naudin  a  chanté  deux  fois, 
aux  grands  applaudissements  de  son  brillant  auditoire. 

^*^  Les  théâtres  italiens  commencent  à  se  familiariser  avec  la  mu- 
sique française.  Le  Cuid  d'Ambroise  Thomas,  traduit  en  italien,  vient 
d'obtenir  à  Milan  un  très-grand  succès.  Plusieurs  morceaux  ont  été 
bissés,  et  les  acteurs  ont  été  applaudis  et  rappelés  à  diverses  reprises. 


70 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


»**  Les  artistes  engagés  pour  chanter  cette  saison  avec  Mlle  Pattl, 
au  théâtre  de  Vienne,  sont  :  Mmes  Marie  Lafon,  Lucia  Pieralta,  MM.  Giu- 
glini  et  Carrion,  ténors  ;  MaurojZacchi,  Agnesi,  Mazetti,  barytons. 

»*»  On  lit  dans  le  Trocalore  :  «  L'aulre  soir,  la  Marta,  impatiemment 
attendue,  a  fait  sa  première  apparition  au  théâtre  Argentina,  à  Rome, 
exécutée  par  l'Avancio-Guerrini,  la  Caracciolo,  Vincentelli.  Binaghi  et 
Luigi  Fioravanti,  qui  avait  accepté  par  complaisauce  le  rôle  de  Tristano. 
La  musique  a  plu  infiniment;  c'est  un  véritable  bijou,  et  tous  les  artistes 
ont  été  chaleureusement  applaudis.  La  romance  chantée  par  l'Avancio- 
Guerrini,  et  le  duo  entre  Lionel  et  Enriclietta  au  deuxième  acte,  l'aria 
et  la  romance  du  contralto  ,  et  la  romance  du  ténor  au  troisième  acte 
qu'il  a  dû  bisser,  le  dueito  du  ténor  et  du  soprano  au  quatrième,  ont 
tour  à  tour  provoqué  les  applaudissements  les  plus  frénétiques  et 
quatre  à  cinq  fois  répétés.  Le  finale  de  l'opéra  a  provoqué  un  véritable 
enthousiasme,  et,  à  la  chute  du  rideau,  trois  salves  d'acclamations  ont 
rappelé  les  deux  principaux  artistes.  » 

»*^.  Le  conseil  municipal  a  décidé  dans  sa  dernière  séance  qu'une 
des  rues  nouvelles  avoisinant  l'Opéra  prendrait  le  nom  de  rue  Auber. 

^*^,  La  Patrie  affirme  que  le  conseil  d'Etat  n'a  pas  encore  été  saisi 
de  l'examen  de  la  nouvelle  loi  sur  la  propriété  littéraire,  et  qu'en  con- 
séquence elle  ne  pourra  être  discutée  dans  la  session  actuelle. 

,*,  Aujourd'hui  dimanche,  à  2  heures,  au  Cirque  Napoléon,  troisième 
concert  populaire  de  la  dernière  série  de  musique  classique,  sous  la 
direction  de  Pasdeloup  :  ouverture  de  Pjro'osa,  de  Weber;  symphonie  en 
mi  bémol  de  Schumann;  ouverture  de  la  Grotte  de  Fingal,  de  Mendels- 
sohn,  redemandée  ;  adagio  du  quintette  (op.  1 08),  de  Mozart  ;  symphonie 
en  tit  majeur  de  Beethoven. 

^*f  Le  concert  dont  Mme  la  baronne  Vjgier  (Sophie  Cruvelli)  avait 
pris  l'initiative  au  bénéfice  des  pauvres,  a  eu  lieu  à  Nice  le  21,  au 
Théâtre-Impérial.  Le  roi  de  Bavière,  le  roi  de  Wurtemberg,  la  duchesse 
d'Hamilton,  le  prince  de  Stirbey,  le  prince  Comitini,  la  baronne  de 
Eothschild  et  une  foule  de  princes  et  de  princesses  de  toutes  nations, 
en  même  temps  que  les  hauts  fonctionnaires  de  l'administration,  du 
département  et  de  la  cité,  et  l'élite  de  la  société  niçoise,  assistaient  à 
cette  solennité,  qui  offrait  le  plus  magnifique  coup  d'œil.La  cavatine  de 
Norma  :  Costa  diva,  le  chant  suisse.  d'Eckert,  la  Gioja  insolita  de  Stra- 
knsch,  ont  été  dits  par  la  grande  cantatrice  de  façon  à.  exciter  les 
transports  de  son  brillant  auditoire,  et  à  faire  de  plus  en  plus  regretter 
que  les  scènes  lyriques  soient  privées  d'un  si  admirable  talent.  Mlle  Ferni 
a  joué  avec  beaucoup  de  charme  et  d'expression  un  morceau  sur  le 
violon,  et  un  trio  chanté  par  Pavani,  Varesi  et  Ronconi  a  terminé  cette 
belle  fêle  musicale,  dont  le  produit  a  atteint  12,000  francs. 

*■**  Lundi,  9  mars,  aura  lieu  le  premier  concert  historique  (école  ita- 
lienne) de  M.Jean  Becker.  En  voici  le  programme  :  1°  sonate  de  Tartini 
{Trille  du  Diable),  1692-1770  ;  2°  concerto  de  Viotti,  1753-1824  ;  3°  /  Pal- 
piti,  fantaisie  de  Paganini:  4°  la  Reddadei  Folktti,  de  Rossini. 

.f*^  Voici  le  programme  du  concert  que  donnera  Emile  Prudent  ven- 
dredi soir,  6  mars,  dans  la  salle  Herz,  avec  le  concours  de  Mme  Viardot 
et  de  M.  Franchomme.  L'orchestre  sera  dirigé  par  M.  Tihnant.  Pre- 
mière partie:  1»  ouverture  de  Fidelio  (Beethoven);  2°  air  à.'Idoméiiée 
(Mozart),  chanté  par  Mme  Viardot;  3°  les  Trois  Rêves,  morceau  de  con- 
cert pour  piano  et  orchestre  (Prudent)  :  -l"  les  Esprits  des  campagnes 
(allégro),  2°  les  Génies  du  Foyer  (andante),  3"  ballet  des  Zingari  (rondo 
final).  —  Deuxième  partie  :  à"  air  de  l'oratorio  la  Resurrezione  et  air  de 
l'opéra  Julio  Cesare  (Haëndel),  chantés  par  Mme  Viardot,  avec  accompa- 
gnement de  violoncelle  obligé,  par  M.  Franchomme  :  b"  quatuor  de 
Rigolelto  et  le  Chant  d'Ariel,  pour  piano  (Prudent)  ;  6°  air  :  Divinités  du 
Styx,  d\4lceste  (Gluck),  chanté  par  Mme  Viardot;  7°  Etudeslieder  :  la 
Danse  des  Fées,  pour  piano  et  orchestre  (Prudent)  ;  8°  ouverture  de  la 
Grotte  de  Fingal  (Mendelssohn). 

,j**  Alexandre  Billet,  un  des  maîtres  du  piano,  est  attendu  prochaine- 
ment à  Paris  pour  la  saison  musicale. 

^''^_  Mme  Lemmens,  dont  nous  avons  annoncé  récemment  le  grand 
succès  à  Cologne,  n"a  pas  recueilli  moins  d'applaudissements  à  la  Haye 
et  à  Anibeim,  où  elle  s'est  fait  successivement  entendre  dans  les  con- 
certs des  sociétés  philharmoniques  de  ces  deux  villes.  Elle  y  a  été  rap- 
pelée et  bissée  à  plusieurs  reprises. 

.j,*^  C'est  demain  lundi  que  doit  avoir  lieu,  dans  les  salons  Erard,  le 
concert  de  Mlle  Elisabeth  de  Schouitz,  avec  le  concours  de  Naudin,  du 
théâtre  impérial  Italien,  de  MM.  Hammer  et  Lebouc. 

a,*,t  Mme  Clara  Schumann  donnera,  le  1 3  mars,  un  deuxième  concert 
dans  les  salons  Erard. 

^*^.  C'est  le  mercredi  4  mars  que  M.  Camille  Saint-Saëns  donne,  dans 
les  salons  Pleyel-WolfT,  un  grand  concert  avec  orchestre.  MM.  White, 
Dorus  et  Leroy  prêteront  leur  concours  au  bénéficiaire. 

^*^  Le  concert  annuel  de  l'excellent  violoniste  G.  Jacoby,  aura  lieu 
le  10  mars,  dans  la  salle  Ilerz.  Mlles  Joséphine  Martin,  Hayet  et  autres 
artistes  distingués  en  feront  partie. 

,j*„  Le  concert  annuel  de  l'éminent  pianiste-compositeur,  M.  Kruger, 
aura  lieu  le  mercredi  11  mars,  à  8  heures  du  soir,  dans   les  salons 


Erard,  avec  le  concours  de  Mme  Barthe-Banderali,  de  MM.  Jules  Lefort 
et  Hammer. 

^*^  Le  concert  de  Mme  Corinne  de  Luigi,  qui  devait  avoir  lieu  ven- 
dredi 6  mars,  à  la  salle  Herz,  sera  donné  le  même  jour  et  à  la  môme 
heure,  dans  la  grande  salle  du  Louvre. 

a,*^  L'éminent  pianiste-compositeur  Bernhard-Rie  se  propose  de 
donner,  le  18  mars,  salle  Herz,  un  concert  à  grand  orchestre,  dont  nous 
ferons  connaître  incessamment  le  programme. 

^*^,  M.  Joseph  Romano,  éminent  pianiste  et  organiste  italien ,  dont 
nous  avons  annoncé  l'arrivée  à  Paris,  se  propose  de  donner  un  concert 
dans  les  salons  Erard,  le  6  mars  prochain. 

a,"^,»  La  Liederfo/ei  d'Aix-la-Chapelle  vient  d'ouvrir  un  concours  pour 
deux  compositions  pour  chœurs  d'hommes  avec  orchestre.  Le  premier  prix 
ûstdeSOOthalers;  le  second,  de  1 00  thalers.  Le  choix  du  texte,  qui  doit  être 
écrit  en  allemand,  est  laissé  au  compositeur;  l'exécution  de  l'œuvre  doit 
durer  au  moins  une  demi-heure,  et  ne  doit  pas  dépasser  une  heure.  Le 
terme  du  concours  est  fixé  au  i"'  octobre  1863  Les  manuscrits  doivent 
être  adressés  à  M.  le  D^  I\oderburg,  à  Aix-la-Chapelle. 

^*^  Notre  collaborateur,  A.  Botte,  vient  de  rendre  compte  du  pre- 
mier concert  donné  à  Paris  par  M.  Dumon.  Le  célèbre  flûtiste  a 
obtenu  un  nouveau  succès,  et  plus  grand  encore  s'il  est  possible,  à 
l'Institut  des  jeunes  aveugles,  où  il  a  joué  un  duo  avec  Mme  Pleyel, 
sur  les  motifs  de  Guillaume  Tell.  L'impression  produite  par  M.  Dumon  et 
l'illustre  pianiste  n'a  pas  été  moins  vive  dans  les  soli  que  chacun  de 
de  ces  deux  éminents  artistes  a  ensuite  exécutés. 

j,*^,  Lundi,  9  mars,  à  midi,  à  l'église  de  Saint-Eustache ,  les  orphéo- 
nistes, les  chœurs  de  la  ville  de  Paris  et  l'orchestre  des  Concerts  popu- 
laires exécuteront  le  Requiem  de  Mozart,  sous  la  .direction  de  M.  Pasde- 
loup, et  à  la  mémoire  de  Wilhem.  Le  produit  de  la  quête  est  destiné 
aux  ouvriers  cotonniers  sans  travail. 

^*^  On  annonce  pour  le  6  mars  prochain  l'apparition  d'une  nouvelle 
feuille  destinée  principalement  à  soutenir  les  intérêts  du  théâtre  et  dé 
la  littérature.  Ce  journal  doit  s'appeler  la  Comédie;  il  a  pour  rédacteur 
en  chef  M.  Paul  Ferry,  dont  la  retraite  du  Messager  des  théâtres,  qu'il  di- 
rigeait depuis  longtemps,  avait  été  accueillie  dans  la  presse  spéciale  avec 
d'unanimes  regrets. 

.f,*^  M.  N.  Collet  annonce  la  deuxième  édition  de  ses  Exercices  élémen.- 
taires  de  musique  vocale.  Un  volume  in-8'',  prix  5  francs,  chez  l'auteur, 
à  Fontenay-aux-Roses. 

,"*,,  Le  cabinet  de  M.  Berthier,  l'habile  régisseur  de  la  danse  au 
théâtre  de  l'Opéra,  est  littéralement  envahi  chaque  jour  par  un  public 
avide  de  se  procuper  des  billets  et  des  loges  pour  le  grand  bal  des  ar- 
tistes dramatiques  du  7  mars  prochain.  Jamais  cette  fête,  placée  sous 
le  haut  patronage  de  LL.  MU.  l'Empereur  et  l'Impératrice,  n'aura  été 
plus  brillante.  Une  décoration  spendide,  le  foyer  transformé  en  jardin 
d'hiver,  la  réunion  de  nos  artistes  les  plus  charmantes  et  les  plus  ap- 
plaudies ;  ne  sont-ce  pas  là  des  éléments  d'un  succès  certain  ? 

^*^:  Dans  une  de  ses  dernières  séances,  le  Comité  municipal  de  la 
ville  d'Albi  a  décidé  qu'un  monument  funéraire  serait  élevé  aux  frais  de 
la  ville  à  la  mémoire  de  F.  Sudre,  inventeur  de  la  langue  musicale  uni- 
verselle et  de  la  téléphonie  appliquée  à  l'art  de  la  guerre.  Le  cœur  de 
François  .Sudre  sera  renfermé  dans  ce  monument,  dédié  par  une  impor- 
tante cité  à  l'un  de  ses  plus  dignes  enfants. 

^*^  On  annonce,  à  Anderlecht,  la  mort  de  M.  Henri  du  Bois  de 
Fiennes,  pianiste  honoraire  du  roi  des  Belges,  président  de  la  Société  de 
l'harmonie.  Cet  artiste,  élève  distingué  de  Henri  Herz  et  de  Kalkbrenner, 
laisse  un  certain  nombre  de  compositions  pour  le  piano,  écrites,  selon 
M.  Fétis,  avec  la  préoccupation  du  style  de  Thalberg. 

^*^  Hier  samedi  ont  été  célébrées  à  l'église  de  Notre-Dame  de  Lorette 
les  obsèques  de  Mme  Damoreau,  qui  avait  succombé  deux  jours  aupa- 
ravant, dans  sa  soixante-troisième  année.  Une  foule  immense  remplissait 
l'église  et  a  suivi  le  char  funèbre  jusqu'au  cimetière  Montmartre,  où 
des  discours  ont  été  prononcés  par  MM.  Edouard  Monnais,  commissaire 
impérial  près  les  théâtres  lyriques  et  le  Conservatoire,  de  Saint-Georges 
et  Arabroise  Thomas.  Pendant  le  service,  des  fragments  du  Requiem  de 
Mozart,  et  un  Pie  Jcsu  de  Panseron  ont  été  exécutés  par  des  artistes  de 
nos  grands  théâtres.  La  belle  voix  de.  Levassourse  di.stinguait  parmi  toutes 
les  autres.  Nous,  reviendrons  sur  cette  imposante  et  triste  solennité. 
Mme  Damoreau  a  été  conduite  à  sa  dernière  demeure  trente-cinq  ans, 
jour  pour  jour,  après  la  première  représentation  de  la  Muettv  de  Portici, 
où  elle  avait  créé  le  rôle  d'Elvire. 


CHRONIQUE    ETRANGERE. 

^*^  Berlin.  —  Sivori  a  joué  dans  un  concert  à  la  cour,  où  il  a  été 
accompagné  par  Mej'erbeer,  et  il  a  produit  le  plus  grand  efl"et.  Il  joue 
tous  les  soirs  à  la  salle  KroU.  Partout  l'éminent  violoniste  excite  un 
véritable  enthousiasme.  -~  Mlle  Artot  et  le  ténor  Wartel  chantent  avec 
beaucoup  de  succès  à  l'Opéra. 


1>E  PARIS. 


71 


^**  Brunswick.  —  On  annonce  que  l'opéra  de  G.  Schmidt,  la  Mole, 
qui  a  eu  du  succès  ù  Breslau,  doit  être  représenté  au  tliéâtre  de  la 
Cour,  pour  l'anniversaire  de  la  naissance  du  duc  de  Brunswick. 

***  yienne.  —  Le  théâtre  de  la  Cour  a  donné  mardi  24  les  Huguenots; 
le  lendemain,  l'Etoile  du  Nord.  —  La  première  représentation  de  la 
troupe  Merelli,  qui  avait  été  fixée  au  mardi  24,  a  dû  être  ajournée  par 
suite  d'une  indisposition  de  Mlle  Patti.  L'opéra  de  Mozart,  Cosi  fan  tutte, 
a  déjà  été  donné  deux  fois  avec  le  plus  grand  succès  ;  la  salle  était 
comble.  A  la  deuxième  représentation,  on  avait  fait  de  larges  coupures 
au  deuxième  acte,  et  l'ensemble  marclie  parfaitement.  —  La  souscrip- 
tion au  monument  Schubert  atteint  déjà  plus  de  10,000  florins. 

„*^,  Bucharest.  —  L'opéra  de  Rossini,  Otello,  a  été  donné  au  bénéfice 
de  Steger.  ■  Cette  représentation  est  devenue  pour  le  célèbre  chanteur 
viennois  l'occasion  d'un  véritable  triomphe.  On  lui  a  jeté  sur  la  scène 
une  couronne  de  lauriers,  ornée  de  rubans  aux  couleurs  nationales  de 
la  Valachie  et  de  la  Hongrie.  Le  prince-régent  lui  a  fait  remettre  une 
montre  magnifique,  enrichie  de  diamants  avec  son  chiffre. 

^**  Madrid.  —  La  première  représentation  du  nouvel  opéra  de  Verdi, 
la  Forza  del  destina,  a  eu  lieu  avec  un  grand  succès  au  théâtre  de 
l'Oriente. 

^*^  Saint-Pétersbourg.  —  Les  jours  gras  viennent  de  donner  le  signal 
du  départ  de  tous  nos  artistes  chanteurs.  On  avait  fait  courir  le  bruit 
que  la  direction  des  théâtres  impériaux  renoncerait  l'année  prochaine  au 
théâtre  italien  ;  mais  jusqu'à  présent  ce  bruit  ne  s'est  pas  confirmé.  D'ail- 
leurs, plusieurs  des  principaux  engagements  n'expirent  qu'après  cette 
saison.  Celui  de  Calzolari,  entre  autres,  qui  a  été  renouvelé  en 
1862  pour  deux  ans,  est  dans  ce  cas.  Le  célèbre  ténor  n'a  jamais  mieux 
chanté  que  cet  hiver,  et  nous  ne  croyons  pas  qu'il  ait  de  rival  aujour- 
d'hui en  Italie  ou  ailleurs  :  aucun  d'eux   certes  ne   possède  une  voix 


plus  fraîche  et  plus  délicieuse  que  la  sienne.  Almaviva,  le  comte  Ory  et 
Stradella  viennent  d'être  pour  lui  de  véritables  triomphes,  et  tout  ré- 
cemment encore  Fidclio,  opéra  donné  à  son  bénéfice,  et  dans  le- 
quel il  a  compris  et  rendu  en  artiste  consciencieux  et  nourri  d'études 
sérieuses  cette  musique  si  différente  de  la  musique  italienne.  Si, 
comme  on  le  dit,  Calzolari  est  décidé  à  quitter  le  théâtre  pour  jouir,' 
dans  la  belle  propriété  qu'il  possède  près  de  Naples,  des  loisirs  de  la 
vie  des  champs,  sa  retraite  prématurée  sera  une  véritable  perte  pour 
l'art.  —  Nous  avons  eu  dans  la  vaste  salle  de  la  Noblesse  un  magnifique 
concert  vocal  et  instrumental  dans  lequel  les  principaux  artistes  du 
théâtre  Italien,  Mgies  Barbot,  Fioretti,  Bernard!,  Didiée,  Tamberlick, 
Calzolari,  Malvezzi,  Angelini  et  Everardi  nous  ont  fait  leurs  adieux.  Au 
nombre  des  morceaux  exécutés,  l'air  de  l'ombre  du  Pardon  de  Ploërmel  a 
été  chanté  par  Mme  Fioretti  avec  un  immense  talent;  il  a  été  bissé  avec 
acclamation  et  a  valu  à  la  cantatrice  une  véritable  ovation. 


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Partition  d'orchestre 25 

Parties  séparées 25 

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Partition  d'orchestre 20 

Parties  séparées 20 

Parties  de  chant,  chaque 1 


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—  Le  r.endez-vous 5 

—  Les  Reliques    . 2 

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pagnement de  violon,  violoncelle,  harmonium  et  piano  .     7 

Bimeml>ran»a  et  Complainte  de  la  Captive,  deux 
rêveries  pour  soprano  avec  accompagnement  de  violon- 
celle et  piano,  chaque 5 


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72 


REVUE    ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


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THÉÂTRE    DES    BOUFFES-PARISIENS 

BMW  MMBU 

Opéra-bouffe  en  deux  actes,  paroles  de  NUITTER,  musique  de 

J.    OFFEIVBACH 


Mownance 


CHANTEE    PAR   M™"   UGALDE, 

Sans  aimer,  ah!  peut-on  vivrel 2  fr.  50 


CHANTÉE    PAR    M""'    UGALDE, 

Chantons  l'Espagne  gui  donne  le  bon  vin 4  fr.   50 


SOUS  PRESSE  :  L'Ouverture,  tous  les  Airs  détachés,  la  Partition  de  Piano. 

Arrangemciita,  Quadrille,  Valse,  Polka  aes  BAVARDS. 


En  vente  cUez  UARCEIi  CQIiOUBlER,  éditenr,  S5,  rne  de  Rlcliellen,  à  Paris. 

NOUVELLES    PrBLICATIOWïS    MUSICALES 


JHORCEAUX    DB   PIAIKO.                      Pris 
Bernard  (Padl).  BarcaroUe 

liambert  (Ldcien).  God  save  the  queen ,  air  national  anglais.    . 
IVenstedt  (Ch.).  Première  rêverie 

—  Deuxième  nocturne 

Talexy  (A).  Les  Feuilles  de  la  marguerite,  six  morceaux-oracle: 

1.  U  m'aime!        3.  Beaucoup!         5.  A  la  folie! 

2.  Un  peu!  4.  Tendrement!     6.  Pas  du  tout! 

Chaque  numéro  séparé -,   •   ■    • 

L'ouvrage  complet,  broché 

—  Fouets  et  Grelots,  grand  galop  brillant 

—  Id.    à  quatre  mains 

vracUs  (F.).  La  Première  amitié,  romance  sans  paroles  .   .   .   . 


marque . 
6  » 
6  » 
5  . 
5     » 


4  .. 
15     » 

7  50 
9     » 

5  » 


CHANT.  Frii  mari|iié. 

Beethoven.  Marguerite  (poésie  de  Mme  Valmore),  chanson  florale  (2  t.)  2  50 

Field  (John).  L'Oiseau,               id.               conversation.    .   .   .  3     t 

—  Le  Rêve  à  deux,                   id.               romance 2  50 

BCoreaux  (Ch.).  L'Ainour  et  l'Amitié  (fablian  de  Millevoye),  deux  tons  2  50 

DANSEI^. 

Boullard  (V.).  Fifres  et  clairons,  polkas 3     » 

—  Turf-Polka 5    » 

Talexy  (A.).  Bella  Maria,  polka 5     » 

lie  Corlielkler  (Ch.).  La  Première  Gerbe,  valse 5    » 

aullano  (A. -P.).  La  Fête  au  hameau  (très-facile),  quadrille.   .  li  SO 

Waclia  (F.).  Le  Tourbillon,  quadrille 4  50 

matliien  (fils.).  Déesse,  polka-mazurka 5     • 


ALPHONSE 


(JUNIOR) 


Facteur  et  Incéuieur  en  instrumenls  de  Musique 

MAIVUFACTURE  D'I.^STRDMEIVTS  EN  CUIVRE  ET  EIV  BOIS 

EIV  TOUS  «ENBES,    EIV  TOUTES  FORMES  ET  DA'«S  TOUS  liES  TONS 

HARMONIE  et  FANFARE.  —  Rue  d'Abbeville,  5  bis,  Paris,  près  de  la  place  Lafayette.  —  Belle  Salle  de  300  personnes  pour  Concerts  et  Répétitions. 
16  Hrevets  d'Invention  ou  de  perfectionnement.  —  Commission.  —  Exportation. 

Breveté  de  S.  M.  l'Empereur  des  Français.  —  Grand  brevet  de  S.  M.  la  reine  d'Angleterre.  —  Brevet<;  de  S.  M.,  le  roi  des,  Belges.  —  2in«  prix  en  1838.  —  1"  prix 
en  ISil.  —  Prix  d'honneur,  médaille  d'or,  en  1843.  —  Médaille  d'argent  à  l'Exposiiion  de  Paris,  as.'ifi.  —  DÉI^BCiUB  par  le  gouvernement  belge  pour  visiter 
l'Exposition  universelle  de  Londres,  en  1851.  —  Expoï-ition  universelle  de  Paris,  1855,  les  plus  belles  pages  du  Bapport  officiel,  27""  Classe,  pages  1835-1336.  — 
Exposition  universelle  de  Londres,  1862,  PR/ZE  MËDAL,  avec  cette  mention  ;  POUR  EXCBEiliENCE  DE  TOUTE  ESPÈCE  D'INSTRUMENTS  DE  CUIVRE. 
—  Membre  de  l'INSTITUT  POLYTECHNIQIE  de  Paris,  membre  de  l'ASSOCIATION  INTERNATIONALE  POUR  LE  PROGRÈS  DES  SCIENCES  SOCIALES.  — 
MÉDAILLE  D'OR  et  Membre  du  CORPS  SCIENTIFIQUE  DE  L'HOTEL  DE  VILLE  DE  PARIS. 


MANUFACTURE  DE  PIANOS  —  MAISON  HENRI  HERZ 

Hue  de  la  Yictoire,  4$,  à  Paris. 

L'immense  succès  que  les  Pianos  de  la  Maison  Henri  HERZ  ont  obtenu  à  l'Exposition  universelle  de  Paris,  en  1855, 
vient  de  se  reproduire  à  Londres  avec  plus  d'éclat  encore  :  aussi  le  Jury  international  vient-il,  en  plaçant  ces  instruments 
au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimité,  h  M.  Henri  HERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection 
reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  solidité,  de  la  sonorité,  de  l'égalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  d' expression.   (Rapport  du  Jury  international.) 


PRIX  ACCORDE  A   L'UKANIMITE   A    l  EXPOSITION 
UNIVERSELLE   DB    LONDRES   1851. 

Tournlfssenr  des  Ministères  de  la 
Caerre  et  de  la  Marine  de  France. 

Seuls  agents   à   Londres 

CHAPFEU  &  HAUMOND,  S"  DE  JULLIEN  &C' 

214  ,  Régent  Street. 


MAISON  FONDÉE  EN  1803. 

INSTRUMENTS    DE    MUSIQUE    EN    CUIVRE 

ANTOINE  COURTOIS 


MEDAILLE  D  ARGENT   DE   1"   CLASSE 
A    l'exposition     universelle    DB    PABIS    1855. 

Facteur  du  ;  Conservatoire   et  de 
rA.cadcuiie  Impériale  de  Paris. 

Agent  à  Saint-Pétersbourg  : 

A.  BDTTNER, 

Perspect.  Newsky,  maison  del'égliseSt-Pierre. 


S8,  rue  ttea  Itlttruig- Saint- Murtin,   S8 

Ci-devant  rue  du  Caire,  21. 

La  ^liaison  ANTOINE  COURTOIS  ayant  agrandi  ses  ateliers,  est  en  mesure  de  satisfaire  à  toutes  les  demandes  qui  pourront  lui  être 
adressées;  elle  garantit  kéellemeht  à  sa  clientèle  des  instruments  irréprochables  sous  tous  les  rapports. 


>IEUXE  CENTRALE  DE  NAPOLEON  CDAIX  1 


BUREAUX    A   PARIS  :    BOULEVARD   DES  ITALIENS,    I. 


30^  Année. 


N«  10. 


OIV  S'ABONNE  t 

Dans  les  Départements  et  à  l'Étranger,  chez  tous 
les  Marchands  de  Musique,  les  Libraires,  et  aux 
Itureaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


8  Mars  1863. 

PRIX  DE  L'ABONREUENT: 

Paris 24  fr.  rai  ai 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    30  m       id. 

Élranser 3«  •       Id. 

Le  Journal  parait  le  Ditnanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  impérial  de  l'Opéra  :  la  Mule  de  Pedro,  opéra  en  deux 
actes,  paroles  de  M.  Dumanoir  ,  musique  de  M.  Victor  Massé ,  par  Paal 
Smitb.  —  Auditions  musicales,  par  Adolphe  Botte.  —  La  Tarentelle, 
par  le  D'Brehm.  —  Nécrologie:  Mme  Damoreau-Cinti.  —  Nouvelles  et  an- 
nonces. 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  DE  L'OPÉRA. 

liSk  BlUIii:   DE  PEDSSO, 

Opéra  en  deux  actes,  paroles  de  M.  Dumanoir,  musique  de 
M.  Victor  Massi5. 

(Première  représentation  le  6  mars.) 

C'est  une  vérité  parfaitement  reconnue ,  établie,  que  si  à  l'Opéra 
les  grands  chefs -li'œiivre  ne  sont  pas  communs,  les  petits  sont  en- 
core plus  rares.  Voilà  pourquoi,  dans  cette  dernière  catégorie,  nous 
n'avons  toujours  à  citer,  depuis  trente  ans  et  plus,  que  le  Comte 
Ory,  le  Dieu  et  la  Baijadére,  le  Philtre,  dont  les  partitions  sont  de 
deux  compositeurs,  et  les  poëmes  d'un  auteur  unique.  Scribe  comprenait 
donc  mieux  que  personne  ce  genre  d'ouvrage  si  difficile  à  définir, 
qui  ne  doit  être  ni  une  réduction  de  grand  opéra,  ni  même  un 
opéra-comique,  encore  moins  un  vaudeville.  A  la  bonne  heure,  mais 
que  doit-il  être?  Vous  avez  trois  modèles  sous  les  yeux  :  cherchez, 
voyez,  essayez.  Ainsi  a  fait  M.  Dumanoir,  l'un  des  plus  spirituels  et 
féconds  élèves  d'une  école  célèbre,  devenu  maître  à  son  tour,  et  il 
ne  nous  semble  pas  avoir  mal  réussi  dans  le  choix  de  son  thème 
lyrique.  Pedro  Zamora  est  un  riche  fermier  dont  la  mule  possède  les 
honnêtes  et  paisibles  mœurs  des  animaux  de  sa  race.  Ecoutez  ce 
qu'il  en  dit  lui-même  : 

C'est  elle,  qui  chaque  semaine. 

Me  mène  aux  marchés  d'alentour. 

Et  qui  doucement  me  ramène 

Quand  sonne  l'heure  du  retour. 

Bien  mieux  que  moi,  la  bonne  bète, 

Sait  le  chemin  de  la  maison. . . 

Ah  !  c'est  qu'elle  a  toute  sa  tête, 

Quand  moi  j'ai  perdu  la  raison. 

Pedro  ne  s'en  tient  pas  à  cet  éloge;  il  ajoute  que  sa  mule,  con- 
naissant ses  goûts,  ses  instincts,  s'arrête  d'elle-même  à  la  porte  des 
cabarets,  et  ce  n'est  pas  tout  : 

Vienne  à  passer  flUe  jolie, 
Elle  s'arrête  encor  bien  mieux, 
Et  même  alors,  chaste  et  polie, 
l'our  ne  rien  yoir  baisse  les  yeux. 


Ce  dernier  trait  passe  un  peu  les  vraisemblances.  On  en  croira  ce 
qu'on  voudra,  mais  ce  qui  nous  suffit,  c'est  que  la  mule  soit  douée 
de  la  faculté  de  revenir  au  logis  dès  qu'on  la  laisse  libre,  faculté  qui 
sert  de  pivot  à  l'intrigue  du  nouvel  opéra.  Le  fermier  Pedro  veut 
épouser  la  belle  Gilda,  fille  de  l'hôtelier  Hernandez  : 
Je  suis  jeune,  je  dois  lui  plaire  : 
Je  suis  riche,  elle  doit  m'aimer. 

Tout  au  contraire,  Gilda  n'aime  que  Tébaldo,  jeune  soldat,  au  ser- 
vice depuis  deux  années.  Tébaldo  revient  juste  à  point  pour  sauver 
Gilda,  menacée  par  un  taureau  furieux.  Il  n'avait  qu'une  heure,  il  l'a 
bien  employée.  Au  moment  de  partir,  il  s'aperçoit  qu'il  est  blessé, 
que  la  force  lui  manque,  et  il  craint  de  manquer  au  devoir.  Le  fer- 
mier Pedro,  qui  avait  songé  d'abord  à  se  battre  avec  lui,  ne  demande 
pas  mieux  que  de  lui  venir  en  aide.  Il  lui  offre  sa  carriole  et  sa  mule  ; 
il  l'enveloppe  de  son  manteau  : 

Je  ris  du  pauvre  diable! 
Adroit  et  généreux, 
Par  ce  tour  impayable 
J'éloigue  un  amoureux. 

Eloigner,  c'est  bientôt  dit  ;  mais  Pedro  compte  sans  sa  mule  !  Dès 
qu'il  croit  s'être  débarrassé  du  soldat,  le  fermier  enlève  résolument 
sa  belle  et  la  conduit  dans  son  manoir,  où  Tébaldo  arrive  de  son  côté. 
Tébaldo  s'est  endormi  dans  la  carriole,  et  Pedro  dans  une  cave  où  l'a 
enfermé  Gilda.  Bref,  les  deux  rivaux  se  retrouvent  en  présence  :  l'un 
et  l'autre  se  mettent  à  sonner  le  tocsin  pour  appeler  les  gens  du 
village.  Pedro  n'a  d'autre  idée  que  de  compromettre  Gilda  devant  té- 
moins, et  il  dit  à  l'assistance  : 

C'est  un  fermier  qui  va  vous  présenter  sa  femme. 
Mais  Tébaldo  l'interrompt  brusquement  : 

La  mienne,  s'il  vous  plaît,  monseigneur  don  Pedro. 
En  cette  circonstance  le  Don  accolé  au  nom  propre  est  terrible- 
ment irjn-         Cependant,  chose  étonnante!  le  fermier  se  montre 
bon  priu'    ■•  au  lieu  de  se  fâcher  contre  le  mauvais  plaisant ,  il  lu' 
adresse  une  observation  fort  sage  : 

Vous  avez  fait,  mon  cher,  une  sotte  campagne, 
Car,  en  nommant  Gilda  ma  femme,  ma  compagne, 
Je  sauvais  son  honneur  que  j'avais  compromis... 
En  ferez-vous  autant?.... 
Non,  sans  doute  :  Tébaldo ,  honteux  et  confus,  reconnaît  un    peu 
tard  qu'il  est  au  service  et  ne  peut   s'engager  dans  d'autres  liens. 
Là-dessus  Pedro,  ne   voulant  pas  rester   à    mi-chemin  de  sa  gran- 
deur d'âme,  lui  offre  cent   ducats  pour   se  racheter,  et  Tébaldo  les 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


accepte.  La  belle  Gilda  pardonne  au  fermier  et  chante  d'une  voix 
joyeuse  : 

Dans  chaque  ferme,  d'âge  en  âge, 
Sur  les  deux  rives  du  Douro, 
On  parlera  du  mariage 
Fait  par  la  mule  de  Pedro. 

En  admettant  cette  donnée,  la  critique  pensera  peut-être  que 
M.  Dumanoir  aurait  pu  en  tirer  un  meilleur  parti,  et  surtout  la  tour- 
ner dans  le  sens  comique.  Son  petit  opéra  pèclîe  par  le  double  tort 
d'être  un  peu  long  et  un  peu  sérieux.  D'ailleurs  il  est  écrit  avec 
plus  de  soin  qu'on  n'en  met  ordinairement  dans  les  opuscules  de 
cette  sorte,  quoiqu'on  y  trouve  encore  des  vers  tels  que  ceux-ci, 
dont  la  correction  eût  été  si  facile  : 

La  voici  cette  église  où  l'onde  du  baptême 
Coula  sur  mon  front  assaini  ! 

C'était  presque  une  rentrée  que  faisait  M.  Victor  Massé,  après  un 
trop  long  silence,  et  c'était  en  même  temps  un  début,  puisqu'il  n'a- 
vait encore  rien  composé  pour  notre  grande  scène  lyrique.  Il  y  a 
d'excellentes  choses  dans  sa  partition  nouvelle;  mais,  si  nous  ne  nous 
trompons,  il  y  a  moins  de  liberté,  moins  de  vivacité  que  dans  ses 
œuvres  précédentes.  Serait-ce  que  la  majesté  du  lieu  lui  a  imposé 
de  certaines  réserves  toujours  nuisibles  à  l'inspiration?  Sa  musique 
est  bien  conçue,  bien  écrite,  mais  elle  n'a  pas  assez  de  ce  tour  ori- 
ginal, imprévu,  hardi  que  l'on  avait  remarqué  dans  Galatée,  dans 
les  ISoces  de  Jeannette,  dans  la  Reine  Topaze.  Nous  ne  citons  ces 
titres  qu'à  regret  et  en  protestant  contre  l'intention  de  les  lancer 
comme  autant  de  reproches  à  l'auteur  de  la  Mule  de  Pedro.  Sans 
examiner  en  détail  cette  partition,  disons  que  le  morceau  le  plus 
saillant  est  celui  que  chante  Pedro,  sur  le  caractère  et  les  habi- 
tudes de  sa  mule.  Ces  couplets,  d'une  facture  habile  et  charmante, 
reviennent  plus  d'une  fois  par  fragments  et  terminent  la  pièce.  Le 
chœur  des  toreros,  au  premier  acte,  a  produit  de  l'effet,  et  l'on  a  jus- 
tement applaudi  la  romance  de  Gilda  :  Chaque  jour  je  me  le  rap- 
pelle; l'air  d'entrée  de  l&asXào  :  Hameau  natal!  terre  chérie.  Au 
second  acte,  nous  trouvons  plus  de'  prétention  que  de  valeur  réelle 
dans  l'air  de  Grilio  sur  le  lutin,  et  dans  la  chanson  de  la  gitana; 
mais  il  se  peut  qu'une  seconde  audition  efface  ou  modifie  nos  impres- 
sions de  la  première. 

Quant  à  la  distribution  des  rôles,  nous  ne  saurions  l'approuver  en 
ce  qui  touche  Mme  Gueymard  :  le  rôle  de  Gilda  ne  convient  ni  à  sa 
voix  ni  à  sa  taille ,  qui  n'est  pas  à  beaucoup  près  celle  d'une  vive  et 
légère  Andalouse  ;  sa  voix,  accoutumée  aux  grandes  émotions,  n'a 
pas  non  plus  l'éclat,  le  brio  que  demandent  impérieusement  les  folles 
chansonnettes.  Le  rôle  du  fermier  sied  bien  mieux  à  Faure,  et  sa 
belle  voix  s'y  déploie  largement;  dans  celui  de  Tébaldo,  Warot  s'est 
produit  avec  un  succès  qui  promet  pour  l'avenir ,  et  il  nous  a  paru 
plus  à  l'aise  qu'au  théâtre  de  l'Opéra-Comique.  Les  rôles  confiés  à 
Mlle  de  Taisy  et  à  Guignot  ne  sauraient  compter. 

Faut-il  dire  que  les  décors,  notamment  le  premier,  sont  très-agréa- 
bles, et  qu'ils  ont  pour  auteurs  plusieurs  de  nos  artistes  renommés? 
La  mise  en  scène  est  aussi  soignée  que  possible,  et,  selon  l'habitude 
dès  longtemps  prise,  ne  laisse  rien  à  désirer. 

Paul  SMITH. 


AUDITIONS  MUSICALES. 

H,  aean  Becber.  —  Urne  Slzarvacly.—  Edmoiid  fflocmelle. 
—  SIlIc  Berttaa  Elcbberg.  —  I>es  frèreis  Saaret.  — 
Sllle  Elîsabcfli  de  filcSioaltz.  —  aime  Farrenc. 

M.  ].  Becker  a  obtenu  la  semaine  dernière  un  grand  succès  à  la 
salle  Herz.  Il  a  joué  un  très-difficile  et  très-beau  concerto  de  Beet- 


hoven. Nous  avons  déjà  parlé  ici  même  de  cet  artiste;  nous  avons  dit 
qu'il  faisait  parfaitement  les  difficultés,  mais  qu'il  leur  sacrifiait  parfois 
le  charme  pénétrant,  la  simplicité  de  style,  la  vérité  d'accent  qu'on 
aime  tant  chez  les  violonistes,  et  qu'on  admire  chez  Sivori,  chez  Alard 
et  chez  Vieuxtemps.  Le  redirons-nous  aujourd'hui  ?  Oui  ;  mais  un  peu 
plus  faiblement;  car,  de  ce  côté,  M.  J.  Becker  nous  a  paru  avoir 
gagné. 

Il  y  a  des  maîtres  qui  en  écrivant  des  concertos  ne  font  que  des 
fantaisies;  Beethoven,  lui,  au  contraire,  agrandit  encore  la  forme  et 
fait  quelque  chose  de  colossal.  Il  n'était  pas  homme  à  reculer  devant 
un  doigté  plus  ou  moins  périlleux  (la  musique  bien  sur  les  doigts  lui 
importait  peu)  ;  il  croyait  avoir  atteint  son  but  quand  il  avait  noté 
quelques-unes  de  ses  grandes  inspirations,  et  l'on  sait  ce  que  sont 
en  général  ses  concertos.  M.  Becker,  en  exécutant  l'œuvre  de  Beet- 
hoven, s'est  montré  à  la  hauteur  de  cette  magnifique  conception  si 
redoutée  des  violonistes  ;  il  a  été  très-brillant,  très-chaleureux.  Dans 
Vadagio,  il  a  phrasé  avec  beaucoup  de  goût.  Cette  fois,  l'ampleur  ne 
faisait  pas  défaut,  et  la  sensibilité  un  peu  trop  nerveuse  de  l'artiste  se 
contenait  et  laissait  à  la  période  musicale  toute  sa  largeur  et  toute  sa 
majesté.  Après  avoir  été  dans  cet  ouvrage  aussi  allemand  qu'il  l'a 
pu,  M.  Becker,  par  son  élégant  Morceau  de  salon,  par  ses  Grelots  du 
diable,  par  la  jolie  Cascade  de  Kontski  et  les  belles  variations  de  Pa- 
ganini  sur  Nel  cor  piu  non  mi  scnto,  est  revenu  à  la  fantaisie  de 
style  qu'il  recherche  évidemment.  M.  Becker,  dont  l'exécution  est  re- 
marquable, déroute  quelque  peu  les  auditeurs  accoutumés  à  classer 
les  virtuoses  et  à  les  rattacher  à  une  école  très-distincte.  Par  ses 
qualités  de  musicien,  comme  par  sa  manière  de  tenir  l'archet,  il  ap- 
partient à  l'Allemagne  ;  mais  il  a  pensé  qu'il  serait  glorieux  pour  lui 
de  marier  la  fantaisie  italienne,  le  brio,  le  fantastique  de  Paganini,  au 
sérieux,  à  la  pureté  des  maîtres  d'outre-Rhin,  et  il  ne  s'est  pas 
trompé  ;  seulement  il  a  tenté  l'impossible.  En  gagnant  une  certaine 
variété,  il  a  peut  être  perdu  ce  quelque  chose  d'original,  de  franc  et 
de  vrai  qui  fait  saillir  une  physionomie  d'artiste  et  lui  donne  une 
saisissante  et  énergique  personnalité.  M.  Becker  affectionne  certaines 
témérités  qui,  même  lorsqu'elles  réussissent,  étonnent  plus  qu'elles 
ne  charment;  il  brille  dans  les  doubles  cordes,  dans  les  sons  harmo- 
niques, dans  les  piszicati,  et  surtout  dans  les  trilles,  qu'il  enlève  à 
ravir  ;  mais  il  n'a  pas  cette  note  profonde  qui  remue  tous  les  cœurs. 
Il  est  jeune,  il  aime  sincèrement  son  art,  et  nous  nous  demandons 
s'il  ne  ferait  pas  mieux  de  pencher  davantage  d'un  côté,  de  celui, 
par  exemple,  du  chant  large  et  des  beaux  sons. 

—  L'autre  soir,  dans  les  salons  Pleyel-Wolff,  MM.  Maurin  et  Che- 
villard  secondaient  seuls  Mme  Szarvady.  Leur  sérieux  talent ,  depuis 
longtemps  initié  aux  coquetteries,  aux  surprises  harmoniques  du  style 
de  Mendeissohn,  a  fait  merveille  dans  le  grand  trio  en  ut  mineur  de 
ce  maître.  Toutes  les  parties  de  l'œuvre,  notamment  le  scherzo  et  le 
finale,  ont  été  dites  avec  une  chaleur  d'expression,  une  unité  d'in- 
tention, que  les  meilleurs  artistes  ne  rencontrent  que  bien  rarement 
à  ce  point.  Après  ce  tribut  payé  à  la  musique  d'ensemble ,  le  piano 
a  supporté  seul  l'effrayante  responsabilité  de  captiver  un  auditoire 
composé  d'artistes  et  de  véritables  dilettantes.  Disons  tout  de  suite  que 
Mme  Szarvady  a  triomphé  de  cette  épreuve  difficile,  même  pour  les 
talents  les  plus  élevés. 

Mme  Szarvady  joue  en  parfaite  musicienne;  elle  fait  sentir  le 
rhythme  et  le  soutient  constamment  sans  jamais  le  sacrifier  à  cette 
malheureuse  chose  qu'on  appelle  l'effet.  Indépendamment  de  son  mé- 
canisme, dont  il  est  bien  superflu  de  parler,  elle  a  ces  qualités  maî- 
tresses qui  font  les  grands  virtuoses  :  le  sentiment ,  l'émotion  et 
l'enthousiasme.  Tour  à  tour  sobre,  gracieuse,  fougueuse  et  pathéti- 
que, dans  une  sonate  de  Scarlatti,  dans  une  gigue  de  Mozart,  dans 
une  gavotte  de  Rameau  et  dans  une  admirable  sonate  de  Beethoven  ; 
touchante  et  expressive  dans  de  délicieuses  pages  de  Chopin  et  de 
Slephen  Heller,  Mme  Szarvady  a  enchanté  les  plus  exigeants. 


DE  PARIS. 


75 


—  A  sa  matinëe  musicale  et  littéraire,  Edmond  Hocmelle  a  joué 
sur  l'orgue  différentes  petites  pièces  de  lui  qui  toutes  ont  fait  plaisir. 
Ces  productions  brillent  plutôt  par  la  correction  et  l'élégance  de 
la  forme  que  par  la  nouveauté  et  le  charme  des  idées  ;  elles  sont 
très-courtes,  mais  bien  faites,  et  il  est  étonnant  que,  avec  son  ta- 
lent, l'auteur  n'écrive  rien  de  plus  grand  et  de  plus  distingué. 
M.  Edmond  Hocmelle  ne  s'est  pas  contenté  d'être  applaudi  comme 
organiste  et  comme  compositeur,  il  a  voulu  l'être  aussi  comme  chan- 
teur, comme  poëte  et  comme  professeur  de  chant.  A  t-il  réussi? 
Quoi  qu'il  en  soit,  il  ne  nous  en  voudra  pas  de  dire  que  Jules  Lefort 
a  fait  plus  de  plaisir  que  lui  ;  car  nous  dirions  probablement  la 
même  chose,  mais  avec  renversement,  si  Jules  Lefort  s'avisait  jamais 
de  vouloir  se  produire  comme  instrumentiste.  Mlle  Martinelli ,  élève 
de  M.  Hocmelle,  dit  bien  et  phrase  avec  goût.  Si  ses  vocalises  lais- 
sent encore  à  désirer,  sa  jeunesse  et  le  travail  lui  permettront  de 
les  perfectionner.  On  a  beaucoup  encouragé  Mlle  Marie  Jung,  qui  a 
joué  l'andante  et  le  finale  du  cinquième  concerto  de  Henri  Herz,  son 
maître,  avec  une  netteté,  une  élégance  et  un  charme  remarquables. 

Comme  toujours,  les  plus  enthousiastes  bravos  ont  accueilli  Alard. 
Avec  sa  fantaisie  sur  Robert  le  Diable,  il  a  profondément  ému  l'audi- 
toire. C'étaient  les  voix  d'Alice  et  d'Isabelle  dans  leurs  plus  beaux 
jours.  Le  grand  violoniste  a  trouvé  une  fois  encore  les  accents  pa- 
thétiques, les  élans  de  sensibilité,  le  beau  sentiment  dramatique  et 
la  vérité  d'expression  qui,  mieux  que  les  plus  étonnantes  surprises 
du  mécanisme,  ont  le  privilège  de  passionner  les  foules. 

—  MM.  Kriig-er,  Hermann  et  MuUer  ont  fort  bien  exécuté,  la  se- 
maine dernière ,  au  concert  de  Mlle  Berlha  Eichberg ,  un  trio  de 
Gade.  A  en  juger  par  cet  ouvrage  sérieux,  distingué  de  forme,  plein 
de  couleur  et  de  fraîches  mélodies,  M.  Gade  mériterait  qu'on  fît  pour 
lui  ce  qu'on  a  fait  pour  Schumann,  auquel  il  se  rattache  par  plus 
d'un  côté,  et  notamment  par  un  désir  évident  d'explorer  des  routes 
nouvelles. 

Mlle  Bertha  Eichberg,  brillante  élève  de  M.  Théophile  Kriiger,  a 
fait  entendre  une  très-jolie  fantaisie  de  son  maître  sur  des  mélodies 
de  VElisire  d'amore,  la  Danse  des  fées,  de  P.  Alvars,  et  un  grand 
duo  de  Godefroid,  dans  lequel  Mlle  Hermann  a  très-élégamment  fait 
sa  partie,  L'Allemagne ,  de  même  que  l'Angleterre  ,  aime  les  poèmes 
d'Ossian  ,  les  chœurs  de  bardes ,  et  est  restée  fidèle  à  la  harpe. 
M.  Théophile  Kriiger  est,  dit-on,  l'un  des  champions  les  plus  distin- 
gués de  cet  instrument,  et  son  élève  eu  joue  d'une  façon  charmante  ; 
elle  a  un  bon  style,  beaucoup  de  goût,  de  brio  et  d'expression. 

M.  W.  Kriiger  prêtait  l'appui  de  son  talent  si  justement  apprécié 
à  l'élève  de  son  frère  ;  il  a  joué  un  caprice  de  sa  composition  sur 
Guillaume  Tell,  et  a  été  très-chaleureusement  accueilli. 

—  Les  frères  Sauret,  l'un  violoniste,  l'autre  pianiste,  sont  trop  in- 
téressants, ils  annoncent  une  vocation  trop  prononcée,  des  disposi- 
tions trop  précoces,  pour  que  nous  ne  constations  pas  le  plaisir  qu'ils 
ont  fait  éprouver  l'autre  soir  dans  les  salons  Erard. 

Rien  de  plus  gracieux,  de  plus  aimable  à  voir  et  à  entendre  que 
ces  charmants  enfants,  qui  seront  sans  doute  un  jour  de  véritables 
artistes.  On  a  été  étonné  de  leur  sentiment  musical,  des  qualités  ac- 
quises qu'ils  possèdent  déjà,  de  la  justesse  et  de  l'expression  avec  les- 
quelles ils  ont  attaqué,  soit  le  duo  d'Osborne  et  de  Bériot  sur  Guil- 
laume Tell,  soit  une  sonate  de  Fiorillo,  soit  une  fantaisie  sur  la 
Favorite,  et  on  ne  leur  a  point  marchandé  les  bravos. 

—  Lundi,  Mlle  Elisabeth  de  Schoultz  a  rendu  très-sobrement  le 
nocturne  en  ré  bémol  de  Chopin,  magnifique  rêverie  dont  la  profon- 
deur est  cachée  à  bien  des  yeux  sous  le  charme  d'une  forme  artiste- 
ment  élaborée.  Mlle  de  Schoultz  recherche  parfois  les  couleurs  tran- 
chées, puissantes,  les  sonorités  tumultueuses,  heurt<5es,  et  son  talent 
y  perd  alors  de  sa  grâce  et  de  sa  souplesse.  Pour  notre  part,  nous 


l'aimons  bien  mieux  lorsqu'il  ne  vise  pas  trop  à  la  vigueur  et  qu'il 
se  montre  net,  franc  et  délicat.  Dans  des  fragments  d'un  concerto 
de  Henselt  et  dans  une  valse  de  Schubert,  le  jeu  de  la  jeune  pianiste 
a  été  énergique  sans  de  trop  grands  éclats  de  sonorité.  Là,  Mlle  de 
Schoultz  n'a  point  forcé  son  talent  :  elle  est  restée  elle-même,  c'est- 
à-dire  fort  distinguée  et  fort  élégante.  Elle  a  dit  en  bonne  musi- 
cienne et  avec  beaucoup  de  fermeté  et  de  chaleur  un  très-joli  trio 
de  Damcke.  MM.  Hammer  et  Lebouc  ont  interprété  aussi  ce  trio  d'une 
manière  remarquable.  Ce  dernier  a  joué  ensuite  ses  variations  sur 
des  airs  irlandais;  il  a  tiré  de  son  violoncelle  des  sons  délicieux. 
M.  Lebouc  est  un  artiste  sérieux  et  convaincu;  il  possède  la  plus 
précieuse  de  toutes  les  qualités  de  l'exécutant  :  le  style  ;  aussi  est-il 
toujours  écouté  avec  sympathie.  Une  romance  de  Cosi  fan  lutte, 
chantée  par  Naudin  avec  cette  flexibilité,  cette  égalité  de  voix,  cette 
douceur,  cette  grâce  qui  charment  les  oreilles  et  ravissent  l'âme,  a 
fort  agréablement  diversifié  cette  soirée. 

—  Mme  Béguin-Salomon,  MM.  Alard,  Lebouc,  Gouffé  et  Casimir  Ney 
ont  joué,  à  la  soirée  donnée  par  Mme  Farrenc,  des  œuvres  de  cette 
éminente  pianiste  compositeur.  C'est  dire  qu'elles  ont  été  admi- 
rablement interprétées  par  quelques-uns,  et  fort  joliment  par  quel- 
ques autres.  Ce  que  nous  tenons  surtout  à  constater  aujourd'hui  (car 
le  succès  des  exécutants  se  renouvelle  chaque  jour,  et  celui  des 
auteurs  n'a  pas  ce  même  bonheur),  c'est  le  mérite  très-peu  com- 
mun qui  distingue  les  ouvrages  de  Mme  Farrenc.  Ce  mérite  est  assez 
grand,  il  est  assez  connu  depuis  longtemps  pour  que  nous  ne  cher- 
chions pas  à  le  surfaire;  d'ailleurs,  l'exagération  dans  l'éloge,  qui 
est  souvent  une  preuve  de  bienveillance,  n'est  pas  digne,  à  notre 
avis,  des  artistes  haut  placés.  Disons  donc  que  si  les  idées  de 
Mme  Farrenc  ne  sont  pas  toujours  aussi  neuves,  aussi  saillantes  qu'on 
l'attendrait  d'elle,  elles  sont  du  moins  traitées  avec  infiniment  d'art  ; 
que  si  sa  musique  ne  s'élance  pas  au-delà  des  bornes  posées  par  les 
maîtres,  —  nous  parlons  de  la  forme,  bien  entendu,  —  elle  n'en  at- 
teste pas  moins,  à  chaque  pas,  un  talent  consommé,  sûr  de  lui, 
ferme  et  brillant.  Le  talent  n'est  certes  pas  le  génie  ;  mais,  quand  il 
atteint  à  celte  hauteur,  il  lui  ressemble,  et  s'il  n'en  a  pas  tout  l'essor, 
il  n'en  a  pas  non  plus  les  inégalités.  Dans  le  quintette  et  dans  les 
sonates  entendus  mardi,  on  a  retrouvé  l'élégance,  la  finesse,  le  goiit 
exquis,  l'unité  de  style,  qui  ont  valu  à  Mme  Farrenc  de  si  précieux 
suffrages  et  de  si  beaux  succès. 

Adolphe  BOTTE. 


LÀ  TARENTELLE. 

Pendant  un  séjour  de  plusieurs  années  en  Espagne,  et  notamment 
dans  les  provinces  de  Murcie  et  d'Andalousie,  j'ai  eu  fréquemment  oc- 
casion d'observer  la  danse  connue  sous  le  nom  de  tarentelle,  et  qui 
est  exécutée  par  les  personnes  qui  ont  été  mordues  par  la  tarentule. 
C'est  une  araignée  ayant  environ  un  pouce  de  long,  rouge  sous  le  ven- 
tre, le  dos  tacheté  de  noir;  à  part  la  grosseur,  elle  ressemble  à  l'a- 
raignée domestique.  On  la  trouve  dans  l'Italie  méridionale ,  en  Espa- 
gne et  dans  le  nord  de  l'Afrique.  Ses  yeux,  d'un  jaune  clair,  luisent 
la  nuit  comme  ceux;  du  chat.  Elle  en  a  huit,  quatre  rangés  en 
carré  et  quatre  sur  la  même  ligne,  sur  le  bord  supérieur  du  front. 

La  tarentule  creuse,  de  préférence  dans  des  terrains  marécageux, 
un  trou  perpendiculaire,  qu'elle  remplit  tout  entier.  C'est  surtout  la 
nuit  qu'elle  donne  la  chasse  aux  insectes  dont  elle  se  nourrit  ;  je  ne 
sache  pas  qu'elle  attaque  dautres  animaux. 

La  morsure  de  la  tarentule  est  suivie  d'une  douleur  aiguë,  pareille 
à  celle  que  produit  l'aiguillon  de  l'abeille  ou  de  la  guêpe  ;  elle  dure 
environ  douze  heures,  mais  jamais  personne  n'en  est  mort. 


76 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Dans  toute  l'Espagne  règne  encore  aujourd'hui  le  préjugé  que  si 
on  a  été  piqué  de  la  tarentule,  le  seul  remède  auquel  on  ait  à  re- 
courir, c'est  la  danse  furieuse  que  vous  savez.  Dès  qu'un  individu 
se  sent  piqué,  on  fait  venir  les  guitarreros  qui  jouent  une  taren- 
telle, et  l'on  invite  le  patient  à  gambader  de  son  mieux.  Le  jeu  des 
musiciens  s'accélère  successivement,  et  le  malheureux  danseur  fait 
des  bonds  désespérés  jusqu'à  ce  que,  haletant,  baigné  de  sueur,  il 
tombe  de  fatigue. 

C'est  dans  la  province  de  Murcie  que,  pour  la  première  fois,  je  fus 
témoin  de  ce  singulier  exercice  chorégraphique.  Le  patient  avait  été 
piqué  une  heure  auparavant.  Plus  il  montrait  d'ardeur  dans  ses 
gambades,  et  plus  les  assistants  l'applaudissaient  et  l'excitaient  par 
leurs  bravos.  J'appelai  le  danseur,  et  il  vint  à  moi  sans  hésiter. 
Quoique  la  danse  fût  interrompue,  il  n'en  ressentit  aucune  suite  fâ- 
cheuse. Je  visitai  la  main  blessée  ;  sans  le  consulter,  je  fis  une  inci- 
sion dans  la  tumeur  et  frottai  la  plaie  avec  du  sel  ammoniac.  La 
douleur  qu'il  ressentit  lui  fît  encore  faire  quelques  bonds,  puis  il 
s'assit  :  au  bout  de  quelques  minutes,  tous  les  symptômes  doulou- 
reux avaient  disparu* 

A  la  suite  de  plusieurs  opérations  de  ce  genre,  qui  furent  suivies 
d'un  plein  succès,  la  tarentelle  fut  complètement  discréditée  parmi 
les  paysans  de  la  Murcie.  On  ne  tarda  pas  à  se  convaincre  que  Va- 
gua juerte  du  médecin  allemand  agissait  bien  plus  énergiquement 
que  la  danse  la  plus  furibonde. 

Le  Docteur  BREHM. 


NÉCROLOGIE. 

nime  DAMOBEAV-CIIVTI. 

C'est,  comme  nous  l'avons  déjà  fait  observer,  trente-cinq  ans,  jour 
pour  jour  après  la  première  représentation  de  la  Muette,  dans  la- 
quelle Mme  Damoreau-Cinti  créait  le  rôle  d'Elvire,  que  ses  restes 
mortels  ont  été  conduits  au  lieu  du  repos.  Des  souffrances  si  cruelles 
avaient  affligé  la  fin  de  celte  vie  longtemps  heureuse  et  brillante  que 
le  dernier  moment  en  dut  être  regardé  par  ceux  qui  l'entouraient 
comme  celui  de  la  délivrance,  et  pourtant  ce  n'en  était  pas  moins 
une  perte  vivement  sentie  par  tous  ceux  qui  l'avaient  connue,  ad- 
mirée, applaudie,  ou  qui  savaient  seulement  quelle  place  elle  avait 
occupée  dans  l'art  français. 

Parmi  les  notabilités  de  tout  genre  qui  assistaient  aux  obsèques 
de  la  célèbre  cantatrice,  on  distinguait  MM.  Auber,  le  baron  Taylor, 
Georges  Kastner,  Alfred  Blanche,  Alphonse  Royer,  etc. 

On  y  remarquait  aussi  beaucoup  d'artistes,  et  dans  le  nombre, 
MM.  ChoUet,  Perrot,  l'ancien  danseur,  ainsi  que  plusieurs  dames  ayant 
appartenu  ou  appartenant  encore  au  théâtre.  M.  Wekerlin,  gendre 
de  la  défunte,  conduisait  le  deuil,  et  les  cordons  du  char  funèbre  fu- 
rent successivement  tenus  par  MM.  Camille  Doucet,  Emile  Perrin,  Am- 
broise  Thomas,  Adolphe  de  Leuven,  de  Saint-Georges,  Duprez,  et 
Desprez,  le  sculpteur.  M.  Heugel  avait  présidé  à  tous  les  détails  de  la 
cérémonie,  et  M.  Plantade  en  avait  réglé  la  partie  musicale,  à  la- 
quelle ont  concouru  MM.  Levasseur,  Obin,  Belval,  Warot  et  Gourdin, 
qui  se  sont  fait  entendre  dans  la  messe  chantée  par  les  choristes  de 
l'Opéra  et  de  l'Opéra-Comique. 

Quand  le  cortège  funèbre  eut  atteint  dans  le  plus  grand  recueille- 
ment le  cimetière  Montmartre,  M.  Edouard  Monnais,  commissaire 
impérial  près  les  théâtres  lyriques  et  le  Conservatoire,  s'exprima  en 
ces  termes  : 

«  Le  Conservatoire  tout  entier,  son  illustre  chef  d'abord  et  les  ar- 
tistes   dont   il  se  compose,    vient,    par  mon    organe,  déposer  un 


douloureux  hommage   sur   cette  tombe  qui    va   se   fermer    pour 
jamais. 

»  Mme  Damoreau  n'est  plus,  et  nous  qui  l'avons  suivie  depuis  le 
premier  pas  jusqu'au  dernier  dans  sa  brillante  carrière  de  cantatrice 
et  de  professeur,  nous  n'avons  qu'à  dire  la  vérité  toute  simple  pour 
lui  décerner  un  éloge  qu'envierait  l'orgueil  le  plus  exigeant,  inais 
que  n'aurait  pu  désavouer  son  aimable  et  sincère  modestie. 

»  Au  Conservatoire,  Mlle  Laure-Cinthie  Montalant,  qui  devint 
Mme  Damoreau,  fut  ce  qu'on  appelle  Yenfant  de  la  maison.  Elle  n'a- 
vait pas  sept  ans  lorsqu'elle  y  fut  admise  comme  élève  du  solfège; 
elle  y  étudia  le  piano ,  l'harmonie ,  la  vocalisation.  Il  n'entrait  pas 
dans  le  plan  des  fondateurs  d'exclure  les  femmes  de  l'enseignement, 
puisque  le  nom  de  Mme  Mongeroult,  si  "estimée  comme  pianiste, 
figure  sur  la  première  liste  des  professeurs  ;  mais  il  disparut  bientôt, 
et  sauf  de  rares  exceptions  pour  des  classes  secondaires,  on  ne  ren- 
contre plus  dans  le  professorat  que  des  noms  d'hommes ,  jusqu'à 
l'époque  où  l'on  voit  apparaître  celui  de  Mme  Damoreau,  à  qui  une 
classe  de  chant  fut  confiée,  et  elle  la  garda  plus  de  vingt  ans. 

»  Notre  Rachel  aussi  reçut  le  titre  de  professeur,  mais  elle  n'en 
exerça  pas  les  fonctions.  Mlle  Mars,  Mlle  Georges,  furent  seulement 
appelées  au  comité  des  études  et  au  jury  des  concours.  Mme  Damo- 
reau fut  réellement,  sérieusement  professeur,  et  en  cette  qualité  elle 
forma  une  école.  L'enfant  de  la  maison  eut  alors  le  droit  d'en  être 
surnommée  la  Muse,  comme  cet  être  idéal  placé  par  M.  Ingres  dans 
l'admirable  portrait  de  Cherubini,  et  dont  le  regard  divin  plane  sur 
le  grand  artiste. 

»  Mme  Damoreau  était  née  le  6  février  1801.  C'est  en  1816  qu'elle 
débuta  sur  la  scène  italienne,  où  le  célèbre  Garcia  la  fit  monter  pour 
chanter  avec  lui  dans  son  Califfo  di  Bagdad.  En  1825,  elle  parut  au 
grand  Opéra  dans  une  représentation  extraordinaire.  Pendant  quelques 
mois,  elle  se  partagea  entre  les  deux  théâtres,  et,  en  1826,  elle  s'at- 
tacha exclusivement  au  dernier,  qu'elle  quitta  dix  ans  après  pour 
passer  à  l'Opéra-Comique.  Au  mois  de  mai  1841,  elle  crut  devoir 
prendre  sa  retraite  au  milieu  de  ses  succès. 

»  Avant  elle,  nulle  artiste  n'avait  obtenu  la  double  couronne  qui 
ceignait  son  front  :  celle  du  chant  italien  et  celle  du  chant  français 
dans  les  deux  genres  si  voisins,  mais  si  différents,  du  grand -opéra 
et  de  l'opéra-comique.  Si  la  forte  émotion  n'était  pas  de  son  domaine, 
la  pureté,  la  correction,  l'élégance  hardie,  lui  appartenaient  par  droit 
de  nature  et  d'éducation.  C'était  on  clavier  parfait  que  sa  voix.  Cha- 
cune de  ses  notes,  irréprochable  dans  sa  justesse,  avait  la  sûre  et 
douce  sonorité  d'une  touche  d'ivoire. 

»  A  elle  la  gloire  d'avoir  inspiré  des  hommes  de  génie  :  Rossini, 
Auber,  Meyerbeer,  Halévy.  Les  airs  qu'ils  ont  écrits  pour  elle  con- 
serveront à  jamais  le  souvenir,  et,  s'il  faut  le  dire,  l'impression,  la 
trace  de  cette  voix,  pourtant  si  légère.  C'est  que  les  grands  artistes 
qui  exécutent  ont  leur  part  de  création  dans  l'œuvre  des  hommes  de 
génie  qui  composent.  On  trouve,  on  invente  pour  eux  ce  qu'on  n'au- 
rait trouvé  ni  inventé  pour  nul  autre,  et  ce  fut  là  sans  aucun  doute 
l'un  des  plus  rares  et  des  plus  précieux  privilèges  départis  à  Mme  Da- 
moreau. 

»  Dans  le  professorat,  elle  porta  le  même  goût,  le  même  talent 
qu'au  théâtre.  Dans  la  méthode  de  chant  qu'on  lui  doit,  on  la  re- 
trouve toujours  avec  sa  raison,  sa  modération  fine  et  ingénieuse.  Que 
n'a-t-elle  pu  y  déposer  aussi  sa  grâce  spirituelle  et  son  inépuisable 
bonté  !  Elle  était  chérie  de  toutes  ses  élèves,  parce  qu'elle  ne  refusait 
à  aucune  sa  tendresse,  son  zèle  et  ses  soins.  Dans  ses  leçons,  dans 
les  examens,  elle  les  accompagnait  toujours  elle-même  sur  le  piano, 
et  avec  quel  talent  !  11  nous  semble  l'entendre  encore  ! 

»  D'autres  que  nous  vous  peindront  ses  qualités  de  femme,  de  mère 


DE  PARIS. 


77 


d'amie.  Nous  ne  devions  vous  parler  que  de  l'artiste,  dont  le  modèle 
n'existait  pas  chez  nous.  Nous  ne  voulions  que  rappeler  ses  titres  à 
une  renommée  que  le  temps  ne  détruira  pas.  » 

MM.  de  Saint-Georges  et  Ambroise  Thomas  prirent  ensuite  la  pa- 
role :  le  premier,  au  nom  des  auteurs  dramatiques  ;  le  second,  pour 
les  compositeurs  de  musique,  et  nous  regrettons  vivement  de  ne  pou- 
voir reproduire  ici  les  touchants  discours  dans  lesquels  ils  ont  achevé 
le  portrait  de  la  célèbre  artiste.  Nous  ne  citerons,  pour  conclure, 
que  les  derniers  mots  de  M.  Ambroise  Thomas,  à  propos  des  élèves 
de  Mme  Damoreau  et  des  traditions  laissées  par  elle  : 

«  Trop  tôt  retirée  du  théâtre,  trop  tôt  perdue  pour  le  Conserva- 
toire, elle  n'en  a  pas  moins  laissé  d'ineffaçables  souvenirs. 

»  Ses  élèves,  et  surtout  celle  qui  lui  était  naturellement  la  plus 
chère,  et  comme  le  reflet  vivant  de  son  style  admirable,  sauront 
maintenir  la  tradition  de  sa  méthode  ;  le  public  qu'elle  a  charmé  ne 
l'oubliera  jamais,  et  ses  nombreux  amis  resteront  toujours  fidèles  à  sa 
mémoire.  » 


Le  défaut  d'espace  nous  oblige  à  remettre  à  la  semaine  prochaine 
la  Revue  des  théâtres  de  M.  D.  A.  D.  Saint-Yves. 


NOUVELLES. 


^*^  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  cette  semaine  deux  re- 
présentations de  la  Muette,  et  vendredi,  pour  les  débuts  de  Warot,  la 
première  représentation  de  la  Mule  de  Pedro,  de  Victor  Massé. 

^*^  On  prépare  la  reprise  du  Comte  Ory  pour  la  semaine  de  Pâques. 
Warot,  Obin,  Borchardt,  Mmes  Wandenheuvel  et  de  Taisy  rempliront 
les  principaux  rôles  de  cet  ouvrage. 

»*:„  Quelques  coupures  ont  été  faites  à  l'opéra  de  M.  Duprato,  la  Déesse 
et  le  Berger  ;  il  précède  maintenant  Lalla-Rookh. 

^*,  Pour  couper  court  à  des  commentaires  désobligeants  qui  se  sont 
produits  récemment  dans  la  presse  parisienne  au  sujet  de  l'orchestre  du 
théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique,  M.  de  Leuven  vient  d'adresser  la 
lettre  suivante  aux  journaux  : 

«  Monsieur  le  rédacteur, 

»  Permettez-moi  de  répondre  un  mot  à  certaines  petites  insinuations 
plus  que  malveillantes  qui  s'adressent  à  la  nouvelle  direction  du  théâtre 
de  rOpéra-Comique,  relativement  à  de  prétendues  mesures  d'économie 
portant  principalement  sur  les  artistes  de  l'orchestre. 

»  Dans  mon  administration  personne  n'a  jamais  eu  la  pensée  qu'on 
nous  attribue  si  gratuitement. 

»  Bien  loin  de  songer  à  amoindrir  un  orchestre  qui  doit  toujours  être 
maintenu  au  premier  rang,  je  veux  en  améliorer  et  surtout  en  régula- 
riser le  service.  Les  concours  annoncés  ne  pourraient  donc  effrayer  que 
les  artistes  médiocres  ou  manquant  à  leur  devoir. 

j)  Je  mets  d'ailleurs  au  défl  tout  artiste  de  l'orchestre  de  faire  la 
preuve  qu'on  lui  ait  proposé  la  moindre  diminution. 

»  Veuillez  agréer  l'expression  de  mes  sentiments  distingués. 

»  A.  DE  Leuven.  » 

^*.f  Tamberlick  a  fait  sa  première  réapparition  sur  1»  scène  italienne 
hier  samedi  par  le  rôle  de  Poliuto.  Le  même  opéra  sera  donné  ce  soir, 
et  on  annonce  Otello  pour  fa  semaine  prochaine. 

^*^  M.  Carvalho,  directeur  du  théâtre  Lyrique  vient  d'engager  pour 
trois  ans  un  ténor,  M.  de  Quercy,  qui  chante  en  ce  moment  à  Versail- 
les avea  beaucoup  de  succès. 

»*^  La  première  représentation  des  Peines  d'amour  perdues  {Cosi  fan 
tutte)  aura  lieu  cette  semaine  au  théâtre  Lyrique. 

j*a.Onlitdans  VEntr'acte:  «  Les  Bavards  obtiennent  aux  Bouffes-Parisiens 
un  succès  immense  et  justifié.  Tout:  d'abord  la  pièce  si  originale;  en- 
suite la  partition,  pour  laquelle  M.  Offenbach  s'est  surpassé  ;  puis  l'inter- 
prétation avec  Mme  Ugalde  dans  le  rôle  de  Roland,  qu'elle  joue  en 
comédienne  consommée  et  qu'elle  chante  en  cantatrice  émérite,  avec  les 
joyeux  Pradeau  et  Désiré  ;  enfin  la  mise  en  scène  jolie,  gracieuse,  de 


hon  ton  comme  la  pièce  et  la  musique,  tout,  disons-cous,  contribue  à 
cette  brillante  réussite  qui  n'a  recueilli  que  des  éloges  dans  la  presse 
et  que  le  public  consacre  chaque  soir.  » 

,1,*^.  Le  conseil  municipal  de  Paris  vient  de  décider  la  reconstruction 
sur  place  de  la  salle  des  Bouffes-Parisiens,  passage  Choiseul ,  reconnue 
trop  petite  pour  la  foule  qui  se  porte  à  ce  théâtre.  Xn  lieu  de  cinq  cents 
places  à  peu  près  que  jauge  la  salle  actuelle,  il  y  en  aura  mille  vingt. 

s,*^  On  a  annoncé  l'engagement  à  la  Porte-Saint-Martin  de  Désiré  et 
Edouard  Georges  pour  jouer  dans  les  Pilules  du  Diable  ;  mais  cet  enga- 
gement est  limité  au  congé  que  leur  donne  la  fermeture  annuelle  des 
Bouffes-Parisiens.  Ils  y  reprendront  leur  service  à  la  réouverture  en 
septembre.  —  L'intention  du  directeur  des  Bouffes  est  de  ne  pas  entre- 
prendre de  tournée  théâtrale  à  l'étranger  cette  année. 

^•*^  Le  théâtre  italien  de  Covent-Garden  va  reprendre  cette  saison  la 
Stella  del  Nord,  de  Meyerbeer,  dont  le  grand  succès  ne  fut  interrompu 
que  par  l'incendie  du  théâtre. 

^*^  Une  dépêche  télégraphique  vient  d'annoncer  que  le  début  de 
Mme  E.  Lagrua  au  théâtre  Regio,  à  Turin,  a  eu  lieu  aux  applaudissements 
enthousiastes  de  la  salle  entière.  Rappelée  après  chaque  morceau,  la  cé- 
lèbre cantatrice,  dont  la  voix  n'a  jamais  été  plus  belle,  a  dû  reparaître 
cinq  fois  encore  après  la  chute  du  rideau. 

^*^  Stradella  fera  partie  du  programme  de  M.  Gye  pour  la  saison  pro- 
chaine du  théâtre  italien  de  Covent-Garden. 

j,*,.,  Le  théâtre  national  de  l'Opéra  à  Madrid  joue  l'opéra  de  Stradella, 
traduit  en  espagnol  avec  beaucoup  de  succès. 

^*^  Le  concert  de  la  Cour  qui  a  eu  lieu  lundi,  avait  puisé  son  pro- 
gramme dans  le  répertoire  de  l'Opéra-Comique,  interprété  par  Mmes  Ci- 
co,  Marimon,  Troy  et  Aohard;  différents  morceaux  des  A^oces  de  Jean- 
nette, du  Chalet,  de  h  Dame  Blanche,  du  Domino  noir,  du  Caid,  ont  fait  le 
plus  grand  plaisir  à  l'illustre  auditoire,  etLeurs  Majestés  ont  complimenté 
les  artistes  avec  la  plus  grande  bienveillance.  —  Demain,  ce  sera  le  tour 
des  Italiens  ;  Tamberlick  doit  y  chanter,  et  un  joueur  de  mandohne 
italien,  il  slgnor  Vailati,  qui  a  joué  avec  beaucoup  de  succès  de  cet 
instrument  chez  S.  A.  I.  la  princesse  Mathilde,  doit  s'y  faire  en- 
tendre . 

*'**  Le  sort  vient  de  favoriser  deux  artistes  qui,  chacun  dans  leur 
genre,  ont  droit  ;i  la  sympathie  de  tous  ceux  qu'intéresse  l'art  musical; 
MM.  Gourdin,  du  théâtre  de  l'Opéra-Comique,  et  le  jeune  pianiste,  Al- 
phonse Duvernoy,  étaient  appelés  cette  année  par  la  conscription  ;  le 
premier  a  amené  le  n»  55i,  et  le  second,  le  n"  485,  qui  les  enlèvent 
à  la  loi  du  recrutement. 

»**  Mlle  Wertheimber  est  à  Lille,  oii  elle  joue  tout  son  répertoire 
avec  un  brillant  succès. 

^*»  Demain  lundi  à  1 1  heures,  Mlle  Gillebert,  dite  Trebelli,  et  le  ténor 
Alessandro  Bettini  recevront  la  bénédiction  nuptiale  à  Saint-Roch. 

s,**  Demain  lundi,  9  mars,  à  midi,  à  l'église  Saint-Eustache,  les  or- 
phéonistes, les  chœurs  de  la  ville  de  Paris  et  l'orchestre  des  Concerts 
populaires  exécuteront  le  Requiem  de  Mozart,  sous  la  direction  de 
M.  Pasdeloup,  et  à  la  mémoire  de  Wilhem.  Le  produit  de  la  quête  est 
destiné  aux  ouvriers  cotonniers  sans  travail. 

^*^  A  la  deuxième  réception  artistique  de  M.  le  comte  de  Nieuwer- 
kerke,  Naudin  s'est  fait  entendre  deux  fois  ;  il  a  chanté  l'air  de  Roberto 
Devereux,  Bagnato  il  sen,  et  la  romance  de  Cosi  fan  tutte,  qu'on  lui  a 
redemandée  avec  acclamation  —  Naudin  vient  d'être  engagé  pour  deux 
mois  (du  15  avril  au  15  juin)  par  M.  Gye,  directeur  de  Covent-Garden. 
Le  célèbre  ténor  y  chantera  le  rôle  de  Stradella. 

**^  L'Association  des  artistes  musiciens  de  France  a  fait  entendre  une 
messe  de  M.  Léon  Gastinel,  le  23  février,  à  l'église  de  Saint-Vincent  de 
Paul.  Les  artistes,  au  nombre  de  deux  cents,  étaient  dirigés  par  M.  De- 
loffre,  chef  d'orchestre  du  théâtre  Lyrique.  Les  morceaux  les  plus  re- 
marqués sont  le  Kyrie,  le  Gloria,  le  Sanctus  et  le  Domine  salvum.  C'est 
la  quatrième  fois  que  le  comité  désigne  une  des  messes  de  M.  Gastinel 
pour  être  exécutée  dans  des  solennités  musicales  et  religieuses.  (La 
quête  a  produit  1,200  francs.)  —  Nous  mentionnerons  aussi  le  succès 
que  le  même  compositeur  vient  d'obtenir  dans  la  matinée  du  2i  février, 
chez  M.  Lebouc.  Un  quatuor  de  lui,  interprété  par  Mme  Béguin-Salomon 
(piano),  MM.  White  (violon),  Adolphe  Blanc  (alto)  et  le  maître  de  la 
maison,  a  complètement  réussi.  La  première  partie  et  le  scherzo  surtout 
ont  été  vivement  applaudis. 

^*s:  Samedi,  Mlle  Battu  et  Zucchini  ont  chanté  .à  la  réception  de 
M.  Haussmann  dans  les  salons  de  l'Hôtel  de  ville.L  e  nombreux  et  brillant 
auditoire  a  vivement  applaudi  la  jeune  cantatrice  après  le  brindisi  de 
Stradella,  composé  pour  elle  par  M.  de  Flotow,  et  qu'elle  a  dit  avec  beau- 
coup de  brio.   Pasdeloup  dirigeait  l'orchestre. 


78 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


»**  Le  cinquième  concert  de  la  Société  du  Conservatoire  a  lieu  au- 
jourd'hui 8  mars.  En  voici  le  programme  :  r  Symphonie  n°  31  d'Haydn; 
2°  chœur  de  Castor  et  PoUimc,  de  Rameau  ;  3°  fragment  du  ballet  gli 
Uomini  di  Prometeo,  de  Beethoven  ;  4°  psaume  (double  chœur)  de  Men- 
delssohn  (paroles  de  Trianon);  5°  symphonie  en  la,  de  Beethoven. 

^*^  Aujourd'hui  dimanche,  à  2  heures,  au  cirque  Napoléon,  quatrième 
concert  populaire  de  musique  classique,  troisième  et  dernière  série, 
sous  la  direction  de  Pasdeloup  :  1°  Symphonie  en  sol  majeur  (n"  45)  de 
Haydn;  2°  Allegretto  un  poco  agitalo  de  l'opéra  58  de  Mendelssohn; 
3°  Symphonie  en  mi  bémol  de  Beethoven;  à"  Ouverture  de  Sémira- 
mide. 

^%  Vendredi  13,  premier  concert  historique  de  Jean  Becker,  qui  fera 
entendre  :  1°  Sonate  de  Tartini  {Trille  du  Diable)  ;  2°  Concerto  de  Viotti; 
3"  i  Palpiti,  fantaisie  de  Paganini  ;  4°  La  Redda  dei  Fallelti ,  de  Baz- 
zini. 

^*»  Mme  Madeleine  Graever  est  appelée  à  jouer  au  concert  donné  pour 
Leurs  Majestés  le  roi  et  la  reine,  par  la  Société  Félix  Meritis. 

^*^  Une  séance  intéressante  avait  lieu  le  2  de  ce  mois  dans  les  salons 
du  Cercle  des  sociétés  savantes.  Mme  AUaire-Dietsch,  nièce  de  l'esti- 
mable chef  d'orchestre  de  l'Opéra,  donnait,  avec  le  concours  de  MM.Gar- 
cin,  Violet,  Trombetta  et  Babaud,  artistes  de  l'Académie  impériale  de 
musique,  une  soirée  musicale,  dont  Haydn,  Mozart,  Weber  et  Mendels- 
sohn faisaient  les  frais.  Mme  AUaire-Dietsch  est  une  pianiste  de  race, 
qui  s'est  fait  applaudir  particulièrement  dans  la  délicieuse  sonate  en  si 
bémol  de  Mozart,  qu'elle  a  dite,  ainsi  que  M.  Garcin,  avec  une  rare 
perfection.  Elle  ne  s'est  pas  fait  moins  applaudir  dans  l'exécution  de 
deux  jolies  pièces  de  démenti,  ainsi  que  dans  le  quatuor  en  si  bémol 
do  Weber  et  dans  le  superbe  trio  en  ré  mineur  de  Mendelssohn. 
Mme  AUaire-Dietsch  a  remporté  un  succès  complet,  justifié  par  d'émi- 
nentes  qualités,  et  partagé  par  les  artistes  remarquables  dont  elle 
s'était  entourée. 

^*^  Le  dernier  concert  populaire  du  Cirque  Napoléon  offrait  comme 
attrait  principal  l'ouverture  de  la  Grotte  de  Fingal,  chef-d'œuvre  de  fan- 
taisie, d'invention  et  de  caractère  vraiment  original,  admirablement 
exécuté  par  l'orchestre.  On  l'avait  redemandée  et  on  la  redemandera 
encore.  Il  n'en  sera  pas  de  même  de  la  symphonie  en  si  bémol  de 
Schumann,  malgré  son  excellent  scherzo;  mais  l'andante  et  surtout  le 
finale  ont  été  peu  goûtés  :  quelques  personnes  en  ont  dit  leur  avis  d'une 
façon  qui  aurait  pu  être,  sinon  plus  juste,  du  moins  plus  convenable. 

:i,*:i,  G.  Wieniawski,  de  retour  à  Paris,  donnera  un  grand  concert  le 
20  mars,  salle  Pleyel-Wolff.  Le  programme,  que  nous  publierons  en  en- 
tier dans  notre  prochain  numéro,  sera  des  plus  intéressants,  et  contien- 
dra, entre  autres  morceaux,  des  mazurkas  inédites  et  la  sonate  de  Wie- 
niawski. 

^*^  Samedi  14  mars  1863,  à  8  heures  1/2  du  soir,  dans  les  salons 
d'Erard,  concert  de  Mlle  Wilhelmine  Belin  de  Launay,  avec  le  concours 
de  M.  Alard,  Badiali  et  de  Mlle  R.  Desnoyer. 

^*^  Samedi  prochain,  à  la  salle  Herz,  Mme  Peudefer,  cantatrice  dis- 
tinguée, donnera  un  concert  avec  le  concours  de  MM.  Archainbaud,  Léon 
Lecieux  et  de  Mlle  Marie  Beaumetz. 

^*^  Demain  lundi,  dans  les  salons  Erard,  concert  de  l'éminent  har- 
piste NoUet. 

^*.j.  Le  jeune  violoniste  Hugo  Heermann  et  sa  sœur,  Mlle  Hélène  Heer- 
mann,  harpiste  de  talent,  donneront  mardi  prochain,  10  mars,  un  con- 
cert dans  les  salons  Erard. 

/*  Mlle  Charlotte  de  Tiefensée  a  parcouru  cet  hiver  les  Pays-Bas, 
et  s'est  fait  entendre,  avec  le  plus  brillant  succès,  à  plusieurs  reprises 
dans  les  principales  villes,  notamment  à  Arnheim,  à  Amsterdam,  à  la 
Haye.  Dans  cette  dernière  ville,  elle  a  eu  l'honneur  de  chanter  chez 
S.  M.  la  reine-mère,  qui  a  daigné  lui  exprimer  sa  satisfaction  dans  les 
termes  les  plus  flatteurs. 

^*^  Mardi  prochain,  10  mars,  séance  de  musique  de  chambre  de 
M.  Charles  Lamoureux,  avec  orchestre  sous  la  direction  de  M.  Del- 
devez. 

,t*^  Mercredi  prochain,  1 1  mars,  à  8  heures  et  demie  du  soir,  dans  les 
salons  de  MM.  Wolfi"  et  O',  quatrième  soirée  de  SIM.  Armingaud,  Jac- 
quart,  Lalo  et  Mas,  avec  le  concours  de  Mme  Massart. 

/^  Le  maître  de  chapelle  J.  Strauss,  à  Vienne,  a  reçu  récemment  le 
titre  de  directeur  des  bals  de  la  Cour,  emploi  qui  était  resté  inoccupé 
depuis  la  mort  de  son  père. 

**^  Un  nouveau  chœur  pour  quatre  voix  d'homme,  les  Entrées  triom- 
phales, composé  par  Emile  Jonas,  avec  ou  sans  accompagnement  de  fan- 
fare {ad  libitum),  est  destiné  k  réunir,  dans  les  manifestations  publiques, 
les  sociétés  chorales  et  instrumentales,  qui  manquaient  jusqu'à  présent 
d'un  répertoire  composé  dans  ce  but.  Ce  chœur,  d'une  exécution  facile, 
trouvera  naturellement  sa  place  dans  les  cortèges,  aubades,  concours. 


distributions  de  prix,   etc.  II  se  vend  au  bureau  du  journal  l'Orphéon, 
2,  passage  du  Désir,  et  chez  M.  Adolphe  Sax,  50,  rue  Saint-Georges. 

^%  Vendredi  prochain,  dans  les  salons  Erard,  deuxième  concert  de 
Mme  Schumann,  avec  le  concours  de  Mmes  Viardot,  Szarvady  et  autres 
artistes  distingués. 

***  A  la  dernière  soirée  de  Rossini,  qui  était  très-brillante,  Mlle  Tre- 
belli  a  chanté  une  polka-mazurka  inédite,  la  Farfalletta,  de  l'auteur  d'/i 
Bacio.  Diémer  y  a  joué  pour  la  première  fois  une  fantaisie  bouffe  pour 
piano,  composée  par  l'illustre  maestro,  et  intitulée  VEnterrcment  du  car- 
naval, dont  l'effet  a  été  étourdissant. 

***  A  son  arrivée  à  Paris  en  avril,  S.  Thalberg  donnera  dans  les  sa- 
lons d'Erard  un  concert  où  il  fera  entendre  les  sonates  en  ut  et  en  ré, 
et  V Adélaïde,  de  Beethoven.  —  La  marche  funèbre,  les  polonaises  en  la 
bémol  et  en  ut  dièze  mineur  de  Chopin;  —  des  études  de  Moschelès  ;  —  leme- 
nuetde  la  symphonie  en  soi  mineur  de  Mozart; —  le  scherzo  du  Songe  d'une 
nuit  d'été,  de  Mendelssohn  ;  — ■  VAve  Maria,  la  Fille  du  pêcheur  et  le  Joueur 
de  vielle,  de  Schubert;  —la  ballade  de  Preciosa,  de  Weber,  et,  de  lui-même, 
Etudes  en  octaves  liées,  le  trille-pastorale,  airs  irlandais,  airs  écossais  (tous 
morceaux  Inédits). 

***  Mme  Madeleine  Graever  a  brillamment  et  rapidement  reconquis  la 
place  qu'elle  occupait  dans  le  monde  des  artistes  lorsqu'elle  quitta  la 
France.  L'immense  succès  qu'a  obtenu  son  premier  concert  à  l'hô- 
tel du  Louvre  et  les  nombreuses  demandes  qui  lui  ont  été  adressées 
l'ont  décidée  à  le  répéter,  et  nous  l'entendrons  de  nouveau  le  24  mars, 
dans  la  grande  salle  du  Louvre.  Mme  Graever  a  voulu  s'entourer  des 
mêmes  éléments,  et  Litolff  conduira  l'orchestre.  Nous  en  donnerons, 
incessamment  le  programme,  qui  offrira,  entre  autres,  plusieurs  composi- 
tions de  la  bénéficiaire. 

^*,f  Le  jeune  pianiste,  M.  Goldner,  donnera  son  concert  à  la  salle 
Pleyel,  le  17  mars,  avec  le  concours  de  Mme  Oscar  Comettant,  M.  Heer- 
mann, M.  Poëncet  et  le  fameux  tromboniste,  M.  Nabich;  le  bénéficiaire 
fera  entendre  plusieurs  morceaux  de  sa  composition. 

^,*a,  M.  Alfred  Dufresne,  compositeur  de  musique,  vient  de  mourir  à 
l'âge  de  quarante  et  un  ans.  Il  avait  fait  représenter  au  théâtre  Lyrique 
les  Valets  de  Gascogne,  et  aux  Bouffes-Parisiens  Maître  Bâton,  En  revenant 
de  Pantoise  et  l'Hôtel  de  la  poste.  M.  Alfred  Dufresne  était  beau-frère  de 
M.  Gilles,  secrétaire  du  théâtre  Lyrique  sous  la  direction  de  M.  Ch.  Réty. 


CHRONIQUE    DÉPARTEMENTALE. 


/,  Strasbourg,  1«'  mars.  —  Le  grand  concert  donné  au  bénéfice  des 
ouvriers  de  l'industrie  cotonnière  a  été  non  moins  beau  que  productif. 
On  y  a  exécuté  Berlin  la  nuit,  symphonie  descriptive  de  M.  Victor  Elbel, 
et  l'Océan,  oratorio  du  même  auteur.  L'orchestre  a  parfaitement  rendu 
la  première  de  ces  œuvres  :  les  solos  de  violon,  de  hautbois,  de  clari- 
nette et  de  flûte  ont  été  successivement  applaudis.  C'est  M.  Schwaederlé 
qui  exécutait  le  Songe.  Dans  l'oratorio,  MM.  Koubly,  Marchot  et  Mlle  Ro- 
zés  s'étaient  chargés  des  solos,  et  les  ont  chantés  avec  un  plein  succès. 
La  ballade  du  Vaisseau  fantôme  a  valu  à  Mlle  Rozés  une  triple  salve  de 
bravos.  Le  rideau  est  tombé  au  bruit  de  manifestations  chaleureuses, 
dont  une  bonne  part  revient  à  l'auteur  des  deux  compositions  que  l'on 
venait  d'entendre. 

^*»  Lille,  2  mars.  —  Le  troisième  concert  du  Cercle  du  Nord  a  été 
très-brillant.  M.  Peschard  et  Mlle  Trebelli  s'y  distinguaient  dans  la  par- 
tie vocale  ;  M.  Arban,  le  Paganini  du  cornet  à  pistons,  qui  exécute  sur 
son  instrument  des  choses  fabuleuses  avec  la  plus  grande  aisance,  nous 
a  fait  entendre  son  Carnaval  de  Venise  ainsi  qu'une  charmante  fantaisie. 
Comme  partout,  son  succès  a  été  très-grand,  très-mérité.  C'est,  du 
reste,  un  des  musiciens  qui  jouissent  d'une  réputation  européenne. 
L'orchestre,  sous  la  direction  de  son  excellent  chef,  M.  Bénard,  a  exé- 
cuté un  pot-pourri  d'Hanssens,  sur  des  motifs  populaires  habilement 
enchaînés.  Les  ouvertures  de  Zanctta  et  de  la  Juive  ont  été  fort  applau- 
(jies.  —  Au  quatrième  concert,  donné  la  semaine  dernière  par  V Associa- 
tion lilloise,  le  chef  d'orchestre  de  cette  Société,  M.  Paul  Martin,  ancien 
premier  prix  de  violon  de  notre  Conservatoire,  a  été  l'objet  d'une  ova- 
tion toute  particulière.  Un  magnifique  archet  lui  a  été  offert  par  le 
comte  de  Melun,  au  nom  de  la  Société,  comme  un  témoignage  de  vive 
sympathie  et  de  reconnaissance.  Les  paroles  prononcées  par  M.  le 
comte  de  Melun  au  moment  où  il  est  monté  sur  l'estrade  pour  présen- 
ter l'archet  à  l'artiste,  ont  ému  l'auditoire.  Mme  Oscar  Comettant,  que 
sa  jolie  voix  et  son  excellente  méthode  font  rechercher  de  toutes  les 
sociétés  philharmoniques,  chantait  à  ce  concert,  et  les  journaux  de  la 
localité  constatent  dans  les  termes  les  plus  chaleureux  le  succès  qu'elle 
y  a  obtenu. 

a,*^  Arras.  —  Mlle  Baretti,  MM.  Peschard  et  Mohr  ont  pris  part  au 
„econd  concert  d'abonnement  de  la  Société  philharmonique.  Le  public 


DE  PARIS. 


^9 


et  les  artistes  n'ont  eu  qu'à  se  féliciter  des  résultats  de  cette  brillante 
soirée.  L'orchestre,  dirigé  par  M.  Poisson,  a  fort  bien  exécuté  l'ouverture 
de  Sémiramis  et  un  fragment  de  la  symphonie  pastorale. 

***  Grand,  i<"  mars.  —  La  représentation  extraordinaire  au  bénéfice 
de  M.  Siiigelée,  l'excellent  chef  d'orchestre,  se  composait  de  la  Part 
du  Diable,  et  d'un  intermède  musical.  Les  cadeaux  que  lui  ont  offerts 
les  habitués  et  les  artistes  étaient  splendides  ;  en  outre,  chaque  ar- 
tiste lui  a  remis  un  bouquet  en  témoignage  de  l'attachement  que  lui  por- 
tent ceux  qui  l'entourent. 

^*g.  Marseille.  —  Les  représentations  de  Robert,  des  Huguenots,  de 
la  Juin,  du  Trovatore,  que  vient  de  donner  Mlle  Sax,  de  l'Opéra  de  Paris, 
sur  notre  Grand-Théâtre,  ont  été  fort  brillantes  et  fort  suivies.  On  y  a 
surtout  admiré  le  magnifique  organe  de  la  jeune  cantatrice  et  des  qualités 
dramatiques  incontestables.  L'inauguration  de  la  Société  de  l'Union  des 
Arts  a  été  ces  jours-ci  l'occasion  d'une  grande  solennité  musicale. Elle  s'est 
onverte  par  une  cantate  de  Méry,  dont  Reyer  a  écrit  la  musique,  et  à 
laquelle  ces  deux  enfants  de  la  Provence  ont  donné  le  titre  de  Marseil- 
laise des  Arts.  Chantée  par  Mlle  Sax  et  par  Jules  Lefort,  qui  l'a  dignement 
secondée,  cette  ode  a  électrisé  l'auditoire.  Une  ouverture  du  directeur 
de  notre  Conservatoire,  M.  Jlorel;  une  fantaisie  d'Alard,  exécutée  par  le 
célèbre  violiniste,  et  plusieurs  morceaux  chantés  par  Jules  Lefort  et 
Mlle  Sax,  ont  richement  défrayé  cette  belle  fête  dont  Marseille  conser- 
vera longtemps  le  souvenir. 


CHRONIQUE   ETRANGERE. 


j,*^  Anvers.  —  Le.théâtre  royal  vient  de  reprendre ,  pour  M.  Bryon- 
Dorgeval,  l'Etoile  du  Nord  qui  a  valu  à  cet  excellent  baryton  une  véri- 
table ovation  de  la  part  de  notre  public. 

^*^  Hambourg.  —  Au  trentième  concert  d'abonnement,  nous  avons 
eu  le  plaisir  trop  rare  d'entendre  Servais,  le  célèbre  violoncelliste,  qui 
a  enthousiasmé  l'auditoire  ;  parmi  ses  propres  compositions  on  a  sur- 
tout remarqué  sa  fantaisie  sur  des  chants  nationaux  polonais. 

s,*,^  Berlin.  —  Le  ténor  Wachtel  a  continué  ses  représentations  par 
le  rôle  de  Jean  de  Leyde  dans  le  Prophète;  précédemment  il  avait  in- 
terprété celui  de  Raoul  dans  les  Huguenots.  Dans  ce  dernier  opéra, 
Wachtel  a  eu  autant  de  succès  que  dans  le  Prophète,  où  il  a  été  surtout 
applaudi  au  finale  du  deuxième  acte. —  Le  succès  des  Pêcheurs  dcCatane 
et  celui  de  la  Clochette  de  VErmite  se  soutiennent  au  théâtre  KroU,  où  Si- 
vori  continue  aussi  à  attirer  la  foule. — L'oratorio  de  Samson,  qui  a  été 
exécuté  par  la  société  de  chant  Stern,  a  produit  le  plus  grand  effet. 
—  Dans  le  Domino  noir,  Mlle  Artot  chantera  son  rôle  en  allemand. 

j*^  Vienne.  —  Depuis  que  Mlle  Patti  a  débuté  dans  le  rôle  d'Amina 
(Sonnambula),  son  succès  triomphal  est  décidé.  Toute  la  famille  impé- 
riale a  assisté  à  la  seconde  représentation  de  cet  opéra,  et  l'enthou- 
siasme du  pubhc  a  atteint  un  degré  qui  rappelle  les  plus  beaux  jours 
du  théâtre  italien.  C'est  une  apparition  rare  que  cette  jeune  fille  ;  rien  de 
plus  suave,  de  plus  pur  que  le  timbre  de  son  organe.  Son  jeu  respire 
une  poésie  si  candide  et  si  chaste,  qu'elle  exerce  un  charme  irrésistible. 


Mlle  Patti  a  remis  en  honneur  l'opéra  tant  soit  peu  suranné  de  BelUni. 
Giuglini  est  digne  en  tout  point  de  figurer  à  côté  de  la  diva  ;  dans  les 
duos  entre  Elvino  et  Amina,  il  a  fait  admirer  le  charme  de  sa  voix  de 
ténor  et  la  pureté  du  grand  style  italien.  Après  la  Sonnambula  nous 
aurons  Lucia,  avec  Mlle  Patti  et  Giuglini. 

^*^  Dresde.  —  L'opéra  nouveau  de  Rubinstein,  Lalla-Rookh,  paroles 
de  Rodenberg,  a  été  donné  pour  la  première  fois  au  théâtre  de  la  cour, 
avec  un  grand  succès.  Dans  cette  nouvelle  production  ,  Rubinstein  a 
fait  preuve  d'un  talent  peu  commun  ;  les  mélodies  les  plus  gracieuses 
y  coulent  de  source;  les  rhythmes,  les  modulations  ont  un  caractère 
d'originalité  exempt  de  toute  recherche.  L'instrumentation  est  riche- 
ment colorée,  et  en  même  temps  simple  et  naturelle.  Enfin  toute  la 
partition  respire  une  poésie  rêveuse,  or'entale,  parfaitement  en 
harmonie  avec  le  sujet  de  la  pièce.  Le  premier  acte ,  surtout ,  abonde 
en  morceaux  remarquables.  La  ballade  de  Féramor  a  toutefois  semblé 
un  peu  trop  longue  ;  le  finale,  par  contre,  est  ravissant.  Au  second 
acte,  on  a  vivement  applaudi  le  duo  entre  Lalla-Rookh  et  Féramor. 
L'espace  nous  manque  pour  signaler  tout  ce  que  Lalla-Rookh  renferme 
de  beautés  élégantes,  suaves,  pleines  de  distinction.  L'exécution  a  été 
excellente,  et  la  mise  en  scène  ne  laisse  rien  à  désirer  ;  décors,  costu- 
mes, tout  cela  est  vraiment  splendide.  Les  honneurs  de  la  soirée  re- 
viennent à  Schnorr  de  KarolsfelJ ,  chargé  du  rôle  de  Féramor. 
Mme  Janner-Krall  a  chanté  celui  de  Lalla-Rookh  avec  beaucoup  de 
grâce.  L'orchestre  a  parfaitement  marché  sous  la  conduite  de  l'habile 
directeur  de  musique,  M.  Krebs.  Enfin,  les  chœurs  et  les  ballets  ont 
complété  l'ensemble  de  cette  représentation,  une  des  plus  brillantes  de 
la  saison. 

^*^  Leipzig.  —  L'éditeur  Heine  vient  de  publier,  traduites  par  Pohl, 
les  diverses  œuvres  littéraires  d'Hector  Berlioz.  Le  dernier  volume  de 
l'émiuent  écrivain,  A  travers  chants,  s'y  trouve  compris. 

^'*,i,  Turin.  —  Le  théâtre  national  vient  de  faire  un  excellent  accueil 
au  ballet  la  Jolie  fille  de  Gand  ;  il  a  surtout  applaudi  la  fougueuse  bal- 
lerine, Mme  Barbisan,  qui,  au  bruit  d'un  vacarme  diabolique,  a  dû  ré 
péter  un  de  ses  pas.  Le  tliéâtre  Victor-Emmanuel  nous  promet  pour  le 
printemps  un  beau  spectacle,  la  Marta,  interprétée  par  Mme  de  Roissy 
et  Zacometti,  qui  a  excité  tant  d'enthousiasme  à  Trieste  et  qui  n'en 
rencontrera  pas  moins  parmi  nous. 

^*^  Milan.  —  Notre  Conservatoire  de  musique  nous  promet  une  nou- 
veauté intéressante.  Il  nous  fera  enfin  entendre  l'ouverture  du  Pardon 
de  Ploërmel,  de  Meyerbeer,  et  celle  de  la  Vestale,  de  Spontini. 

^*j  Trieste.  —  Jaell  poursuit  le  cours  de  ses  triomphes;  quatre  con- 
certs ont  à  peine  suffi  pour  satisfaire  l'enthousiasme  de  nos  compatriotes 
pour  le  célèbre  artiste;  aussi  nous  en  promet-il  un  cinquième  d'adieu 
avant  son  départ  pour  Vienne,  pour  lequel  tout  est  déjà  retenu.  Un 
jeune  élève  de  Léonard,  M.  Console,  s'est  produit  dans  deux  des  con- 
certs de  Jaell  et  promet  un  futur  Paganini.  —  Le  ballet  de  Rota,  la 
Comtesse  d'Egmont,  vient  d'être  monté  et  représenté  avec  un  grand  luxe 
au  grand  théâtre.  —  Marta  attire  toujours  beaucoup  de  monde.  —  Le 
théâtre  Armonia  se  prépare  à  donner  une  série  des  opérettes  d'Offen- 
bach. 


leDireclevr  ;  S.  DTIFODR. 


Nouvelles  publications  de  JULES  HEINZ,  éditeur  de  musique, 


RUE    DE  [RIVOLI,    146. 


PIANO 

H.  Dergson.  Op.  53.  Berceuse 5 

—  Op.  54.  Vénitienne 5 

—  Op.  55.  Styrienne „ 5 

Beyermann.  Gitanes,  galop  espagnol 6 

K.  Brlniey.  Souvenirs  de  Marie  Stuart,  fantaisie  sur  un  thème 

écossais 6 

—  Picciola,  chant  du  captif 6 

A.  Croisez.  Rose  et  Colas ,  sur  les  couplets  :  «  Il  était  un  oi- 
seau gris.  » 5 

—  Portici,  barcaroUe 6 

—  L'Orage,  d'après  le  rondo.de  Steibelt .5 

—  Le  Désir,  valse  de  Beethoven 3 

—  Marche  turque  de  Mozart 4 

—  Valse  du  FreyschUtz  (très-facile) 2 

li.-P.  Gervlllc.   Op.  91.  Comme  autrefois,  simple  récit  ...  .5 

—  Op.  92.  Couplets  :  o  La  danse  n'est  pas  ce  que  j'aime,  » 

de  Richard  Cœur  de  lion S 


l^eybacli.  Op.  57.  La  Régente,  valse  brillante 

—  Op.  38.  La  Danse  des  Elfes,  caprice 

liecarpentler.   Six  ouvertures  célèbres  arrangées   à   quatre 

mains,  faciles  : 
\ .  Le  Barbier  de  Séville.    4.  L'Italienne  à  Alger.       ) 

2.  La  Gazza  ladra.  5.  Cenerentola.  |  Chaque 

3.  Sémiramide.  6.  Chasse  du  Jeune  Henri.) 

—  Les  mêmes,  à  deux  mains,  faciles,  chaque .   . 

U.  liCe.  L'Ange  de  l'espérance,  nocturne 

Cl».  '«Vehie.  Betly,  canzonetta 

CHANT 

Tb.  Parntenticr.  Op.  8.  Trois  romances  nouvelles  : 

1 .  Fantaisie 

2.  L'Adieu • 

3.  Dans  l'absence  (ténor) 

La  même,  pour  baryton 

A.  de  Panette.  Ave  verum 

—  Adoremus  (solo  de  basse,  duo  de  ténor  et  basse  et  chœur) 


7  50 
7  50 


3       7> 

3  » 
5  » 
5    » 

u  so 

5     » 


80  REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PAPJS. 


CHEZ  G.  BRAATnVS  KT  IS.  niJFOVIS,  ËHITKIJRS,  103,  RU£  RICMEEiIfiU,  AU  I", 

LA  PARTITION  AVEC  PAROLES  ITALIENNES 

Arrangée  pour  CHANT  ET  PIANO,  de  l'opéra  en  3  actes 

STRADELLA 

Entièrement  conforme  à  la  représentation  de  l'ouvrag-e  au  théâtre  Italien,  musique  de 

F,    BM    FIi®T®W 

Format  10-8».  lES  AIRS  DÉTACHÉS  AVEC  PAROLES  ITALIENNES  Prix:  20  fr. 

Les  mêmes,  avec  paroles  françaises. 
LA  PARTITION  ARRANGÉE  POUR  LE  PIANO  SEUL,  IN-8»,  NET  :  10  FR.    —    U  PARTITION  AVEC  PAROLES  FRANÇAISES,  IN-8»,  NET  :  15  FR. 
Ki'Oiiverture,  arrangée  pour  le  IPiauo ,  V  fr.  50.  —  lia  même,  arrangée  à  quatre  ntatns,  9  francs. 

QUADRILLE   POUR   LE   PIANO   PAR   STRAUSS 


HESS.  —  Op.  78.  Caprice  sur  les  plus  jolis  motifs 7  50 

HDNTEN  (r.).  —  Op.  108.  Rondino  brillant 5 .  » 

HERMAIJN.  —  Andante  et  Tarentelle  pour  violon  et  piano  .    .  7  50 

KRDGER  (W.).  —  Transcription  de  la  Sérénade 7  50 


LIND.  —  Choix  de  Mélodies  (facile) 7  50 

lONGDEVttLE.  —  Op.  106.  Fantaisie  dramatique 7  50 

RDMMEL.  —  Mosaïque  des  Airs 6    » 

VALIQOET.  —  Petite  fantaisie  facile,  à  quatre  mains 5     » 


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HECTOR    BERLIOZ 

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Quadrille  nouveau   par   Strauss.  —  Polka  brillante  par  Juliano. 

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LE8     BAVARDS 

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J.    OFFENBACH 

ROMANCE.  Sans  aimer,  ah!  peut-on  vivrel 2  50    |    CHANSON  A  BOIRE.  Chantons  l'Espagne  qui  donne  le  bon  vin.    h  50 

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SOUS  PRESSE:  QuadriUe,  Taise,  Polka  des  Bavakds.— liAi  PABTIVIOIV  DE  PIANO.— Airs  dé tacbés.— Arrangements. 


CnAIX  ET  C^,  Rt'E  Br.Itr.EBE,  20. 


BUREAUX    A   PARIS  :    BOULEVARD   DES   ITALIENS,    r. 


30«  Année. 


I\o    \\. 


15  Mars  1863. 


on  S'ABONNE  1 

Pans  les  Départements  et  i  l'Étranger,  chez  tons 
les  Marchands  de  Musique,  les  Libraires,  et  aux 
BureauT  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


PRIS  DE  L'ABOHNEUCHT: 

Paris 24Ir.pnroll 

Départements,  Belgique  et  Suisse. ...    30  «       id. 

Étranger 34  .1       Id. 

Le  Journal  paraît  le  Dinianche . 


GAZETTE  MUSI 


--y^/V  VP j\Af JVjw^- 


SOMMAIRE.  —  Du  rhythme  de  la  poésie  lyrique  et  des  études  rhythmiques  de 
M.  A.  Van  Hasselt,  par  Fétis  père.  —  Théâtre  impérial  italien:  rentrée  de 
Tamberlick  dans  Poliulo  et  le  Trovatore.  —  Auditions  musicales,  par  Adol- 
phe Botte.  —  Revue  des  théâtres,  par  D.  A.  O.  Salut-lfTes.  —  Nou- 
velles et  annonces. 


DU  RHYTH9IE  DE  L&  POËSIE  LYRIQUE 

ET   DES  ÉTUDES  RHYTHMIQUES  DE   M.  A.  VAN   HASSELT. 

Il  y  a  maintenant  onze  ans  que,  dans  une  suite  d'articles  publiés 
par  la  Revue  et  Gazette  musicale  de  Paris,  j'ai  indiqué  une  partie 
inexplorée  du  domaine  de  la  musique,  à  savoir,  la  variété  des  rhy- 
thmes  et  leurs  transformations.  J'y  ai  fait  voir  que  le  rhythme  est  la 
symétrie,  soit  dans  le  temps,  soit  dans  l'accent,  soit  dans  la  période, 
et  j'y  ai  démontré  que,  les  valeurs  de  temps  étant  données,  las  rhy- 
thmes  qui  en  résultent  peuvent  être  très-divers,  en  raison  du  temps 
de  la  mesure  musicale,  qui  est  l'initial  de  la  formule  rhythmique . 
Prenez,  par  exemple,  l'élément  le  plus  simple,  tel  que  deux  notes 
d'égale  valeur,  vous  en  obtiendrez  deux  rhythmes  très-différents  si 
la  première  note  est  au  temps  frappé,  comme  |  . .  |  ,  ou  au  temps 
levé,  comme  .  |  .  — .La  variété  est  plus  sensible  encore  s'il  s'agit 
de  deux  signes  de  durées  différentes,  comme  une  noire  et  une  blan- 
che, soit  qu'on  commence  au  tem,ps  frappé  ou  au  temps  levé. 

La  différence  des  accents  forts  et  doux,  exprimés  en  musique  par 
/  etp,  peut  donner  lieu  ii  des  rhythmes  très-dissemblables  dans  des 
dispositions  symétriques.  Ces  rhythmes  dynamiques,  pour  me  servir 
de  l'expression  allemande,  ont  des  caractères  très- différents,  s'ils  sont 
disposés  comme  dans  ces  exemples  : 


fv 


Pf 


fv 


Pf 


fv 


V  t 


ou  I 


ou  I 


fv     f       fv     f      fv      f 


f 


f 


Que  si  l'on  combine  la  diversité  des  temps  d'attaque  du  frappé 
ou  du  levé  avec  la  diversité  des  accents  dynamiques,  on  produira 
une  grande  variété  de  rhythmes  avec  les  éléments  les  plus  simples 


de  durée;  variété  qui,  dans  l'expression  des  sentiments,  exercera 
une  action  très-puissante. 

A  ne  considérer  le  rhythme  que  dans  le  temps,  il  se  réduit  à  deux 
éléments,  qui  sont  le  binaire  et  le  ternaire-,  mais,  comme  on  vient 
de  le  voir,  la  musique  possède  les  moyens  de  varier  la  valeur  primi- 
tive de  chacun  de  ces  éléments  par  la  différence  du  temps  d'attaque 
et  par  la  diversité  de  dispositions  des  accents  dynamiques. 

La  poésie  lyrique,  de  même  que  la  musique,  a  les  deux  éléments 
rhythmiques  primitifs  appelés  binaire  et  ternaire;  mais  elle  n'a  ni  la 
diflérence  facultative  de  temps  frappé  ou  levé,  ni  la  diversité  de  dis- 
positions des  accents  dynamiques.  Tous  ses  moyens  consistent  dans  les 
nombres  do  syllabes,  et  dans  le  placement  de  l'accent  de  repos.  Les 
poètes  lyriques  italiens,  à  la  tète  desquels  se  place  Métastase ,  ont 
très-bien  compris,  soit  par  instinct,  soit  par  expérience,  que  les 
vers  destinés  à  la  musique  doivent  être  rhythmiques,  que  le  rhythme 
naît  de  la  symétrie,  et  que  la  symétrie  a  trois  caractères  qui  sont  : 
Vaccent,  le  nombre  et  la  période.  Tous  leurs  couplets  des  airs  sont 
construits  d'après  ces  principes.  Il  n'en  était  pas  de  même  autrefois 
des  poètes  lyriques  français  ;  les  meilleurs  même  négligeaient  dans 
leurs  vers  les  plus  simples  notions  du  rhythme.  Ainsi,  Quinault,  bien 
supérieur  à  ceux  qui  sont  venus  après  lui,  a  souvent  des  thèmes  de 
mélodies  semblables  à  celui-ci,  tiré  du  deuxième  acte  de  la  tragédie 
lyrique  de  Thésée  : 

Recommencez  d'aimer,  reprenez  l'espérance  ; 
Thésée  est  un  héros  charmant  ; 

Méprisez  en  l'aimant 
L'ingrat  Jason  qui  vous  offense. 
Il  faut  par  le  changement 
Punir  l'inconstance  ; 
C'est  une  douce  vengeance 
De  faire  un  nouvel  amant. 

Non-seulement  ces  vers  de  toutes  mesures,  jelés  pêle-mêle  et  sans 
ordre,  sont  antipathiques  à  la  musique,  mais  il  est  de  toute  évidence 
que  QuinauU  ne  soupçonnait  pas  la  nécessité  du  rapport  symétrique 
d'accent  entre  la  versification  et  le  chaut.  Lors  même  que  les  vers 
sont  de  même  mesure,  comme  ces  deux  derniers  : 

C'est  une  douce  vengeance 
De  faire  un  nouvel  amant, 

le  musicien  ne  peut  les  rhythmer,  parce  qu'il  n'y  a  pas  de  symé- 
trie dans  la  manière  dont  les  syllabes  tombent;  car  l'accent  se 
trouve  au  premier  vers  sur  la  première  syllabe  de  douce;  or,  le 
compositeur,  soumis  qu'il  est  à  la  loi  de  correspondance  des  phra- 


82 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


ses,  pour  le  rhythme  de  sa  mélodie,  sera  obligé  de  placer  sa  note 
longue  sur  la  première  syllabe  de  non — vel  amant;  ce  qui  est  mons- 
trueux. 

Il  est  une  autre  imperfection  qui  se  rencontre  chez  Quinault 
comme  chez  la  plupart  des  versificateurs  français  qui  écrivent  pour 
la  musique  :  elle  consiste  à  faire  commencer  indifféremment  les  vers 
par  une  consonne  ou  par  une  voyelle,  sans  avoir  égard  à  la  nature  de 
la  syllabe  qui  termine  le  vers  précédent.  Or,  c'est  là  une  cause  de 
perturbation  pour  la  régularité  du  rhythme  musical.  Ce  rhythme  exige 
qu'après  une  rime  féminine  le  vers  suivant  commence  par  une  voyelle, 
si  les  vers  sont  égaux,  sous  peine  de  donner  une  syllabe  surabon- 
dante au  vers  féminin,  car  la  musique  n'a  pas  d'e  muet  :  tout  s'y 
prononce.  Au  contraire,  s'il  y  a  changement  de  mesure  dans  le  vers 
qui  suit  la  rime  féminine,  et  si  ce  vers  correspond  à  un  autre  de 
même  mesure,  il  doit  commencer  par  une  consonne  ;  car,  s'il  y 
avait  élision,  elle  enlèverait  au  vers  une  syllabe  nécessaire  pour  la 
mesure,  et  le  rhythme  musical  serait  brisé.  Tous  ces  défauts  sont  ac- 
cumulés dans  la  versification  de  nos  anciens  poètes  lyriques. 

Hoffmann  fut  le  premier  qui,  au  commencement  du  xix«  siècle,  s'oc- 
cupa des  questions  de  quantité  dans  leurs  rapports  avec  la  musique, 
et  qui  fit  des  essais  de  dispositions  symétriques  de  nombres  de  syl- 
labes et  d'accents  de  repos.  Le  premier,  il  osa  faire  des  vers  de  neuf 
pieds  avec  deux  césures  ou  accents  toniques;  vers  qualifiés  de  monstres 
par  les  littérateurs  qui  n'entendent  rien  aux  conditions  du  rhythme 
musical,  mais  qui  n'en  sont  pas  moins  excellents  pour  la  mélodie.  Ce 
fut  dans  le  Secret,  petit  opéra  en  en  acte,  qu'il  introduist  le  premier 
essai  de  vers  de  cette  espèce  : 

Je  te  perds  |  fugiti  |  ve  espérance  ! 
L'infidè  |  le  a  rompu  [  tous  nos  nœuds. 
Pour  calmer  |  s'il  se  peut  |  ma  souffrance, 
Oublions  |  que  je  fus  |  trop  heureux. 

Un  seul  défaut  est  dans  ces  vers  ;  après  la  rime  féminine  du  pre- 
mier, le  second  aurait  dû  commencer  par  une  voyelle. 

L'exemple  des  essais  d'Hoffmann  a  été  suivi  depuis  environ  trente 
ans  par  les  auteurs  de  livrets  d'opéras  français,  et  quelque  améliora- 
tion se  fait  apercevoir  çà  et  là  dans  leurs  ouvrages,  mais  d'une  ma- 
nière partielle  et  tout  exceptionnelle.  Tous  savent  que,  dans  la  versi- 
fication, comme  dans  la  musique,  les  éléments  du  rhythme  sont 
binaires  et  ternaires  ;  mais  leur  attention  ne  s'est  pas  fixée  sur  les 
diverses  combinaisons  régulières  et  symétriques  qu'on  peut  faire  de 
ces  éléments,  pour  en  tirer  de  riches  variétés  de  rhythmes.  M.  An- 
dré Van  Hasselt,  inspecteur  général  de  l'enseignement  en  Belgique 
et  mon  honorable  confrère  à  l'Académie  royale,  a  fait,  depuis  plus 
de  vingt  ans,  de  l'art  de  ces  combinaisons  rhythmiques  l'objet  de 
constantes  études  et  de  travaux  remplis  d'intérêt.  Dans  nos  conver- 
sations, il  soumettait  ses  innovations  poétiques  à  mes  analyses  musi- 
cales, et  le  résultat  de  nos  entretiens  était  toujours  de  ma  part,  et 
comme  musicien,  une  approbation  absolue  de  ses  formes  nouvelles, 
parce  que  je  trouve  des  rhythmes  propres  à  la  musique  partout  où 
il  y  a  symétrie  de  nombre  et  d'accents  dans  les  retours  périodiques. 

Les  nombres  2  et  3  sont  disposés  par  M.  Van  Hasselt  dans  une 
multitude  de  combinaisons  dont  l'effet  rhylhmique  résulte  de  la  symé- 
trie des  répétitions.  Jamais  on  ne  voit  dans  ses  vers  destinés  à  la 
musique  la  moindre  altératioc  dans  cet  ordre  symétrique,  qui  est  la 
règle  suprême  du  rhythme.  Je  prends  pour  exemple  de  la  disposi- 
tion la  plus  élémentaire  celle  oià  les  nombres  2  et  3  se  suivent  alter- 
nativement, et  je  le  trouve  dans  cette  chanson  du  printemps  : 

Les  fleurs  |  sont  écloses. 
Les  fleurs  |  du  printemps. 
Hélas!  I  mais  ces  roses 
Ne  du  I  rent  qu'un  temps. 


0  ter  I  re  des  hommes 
Où  rien  |  n'est  certain. 
Comme  el  |  le  nous  sommes 
Des  fleurs  |  d'un  matin. 

La  ro  I  se  s'effeuille 
Sous  l'ai  I  le  des  vents. 
La  tomb  |  be  recueille 
Le  bruit  |  des  vivants. 

Tout  pas  I  se,  tout  change. 
La  nuit  I  suit  le  jour. 
Tout  meurt,  |  ô  mon  ange  I 
Mais  non  |  mon  amour. 

S'il  ne  fait  usage  que  d'un  seul  élément,  par  exemple,  de  l'ana- 
peste, la  forme  symétrique  de  son  vers  pourra  n'être  pas  admise 
dans  la  poésie  récitée,  mais  elle  est  très -bonne  pour  le  chant, 
comme  on  peut  le  voir  dans  ce  couplet  : 

Hélas  1  I  comptez  |  combien  [  d'étoiles 
La  nuit  |  allu  \  me  au  fond  |  des  airs  ; 
Comptez  I  les  flots  |  où  vont  j  les  voiles 
Qu'on  voit  I  courir  |  les  vas  |  tes  mers. 

Sa  manière  de  combiner  l'ïambe  et  l'anapeste  est  variée-,  mais 
chacune  de  ses  formes,  son  rhythme  est  toujours  parfaitement  régu- 
lier. En  voici  des  exemples  : 

Qui  vous  don  |  ne,  ô  dou  |  ces  fleurs! 
Aux  baisers  |  de  Tau  |  be  écloses, 
Qui  vous  don  |  ne  vos  |  couleurs, 
Margueri  |  tes,  lis  |  et  roses? 
Qui  vous  la  I  ce,  le  |  matin, 
Vos  corsa  |  ges  de  |  satin? 
Et  vos  ro  I  bes  nu  |  ancées, 
Quelle  main  |  les  a  |  tissées? 

Autre  combinaison  : 


3,  2,  2. 


Mes  amis,  |  la  vi  j  e  est  un  livre 
Que  chacun  |  écrit  |  de  sa  main  ; 
Dont  on  voit  |  les  feull  |  les  se  suivre. 
Et  qui  joint  j  hier  |  à  demain. 


3,  2,  3. 


Autre  combinaison  : 


Le  Gondolier  nocturne. 


2,  3,  3,  3 
2,  3,  3. 
2,  3,  3,  3 

2,  3,  3. 

3,  2,  3,  2 
3,  2. 

3,  2,  3,  2 
3.  2. 


A  l'heu  I  re  où  la  nuit  |  sur  Veni  |  se  descend, 
Aux  dou  I  ces  clartés  |  de  la  lune, 

La  bar  |  que  fantô  |  me  s'avan  |  ce  en  glissant 
Sur  l'eau  |  de  la  mor  |  ne  lagune. 

Autre  : 

Ecoutez  I  là-bas,  |  tout  au  fond  |  des  bois, 

Dans  son  nid  |  de  mousse, 
Ecoutez  I  gémir  |  cette  dou  |  ce  voix, 

Cette  voix  |  si  douce. 


Sous  la  feuil  |  le  ombreu  |  se  au  soleil  [  levant,  ^  3,  2,  3,  2, 

Dans  la  nuit  |  dormante,  /  3,  2. 

Comme  un  luth  |  des  cieux,  |  elle  jet  |  te  au  vent  î  3,  2,  3,  2. 

Sa  chanson  [charmante.  J  3,  2. 

M.  Van  Hasselt ,  persuadé  avec  raison  que  toute  forme  régulière 
et  symétrique  peut  offrir  au  compositeur  des  rhythmes  favorables 
pour  ses  chants,  ne  craint  pas  d'associer  le  vers  de  douze  syllabes  aux 
petits  vers,  parce  que  la  rapidité  de  celui-ci  compense  la  lenteur  du 
premier.  11  a  donné  un  heureux  spécimen  de  cette  combinaison  dans 
le  recueil  de  Nouvelles  poésies,  publié  en  1857.  La  pièce  a  pour  li- 


DE  PARIS. 


88 


tre  :  le  Soulier  de  la    Vierge  ;  j'en  citerai  seulement  les  trois   pre- 
mières strophes  : 

Quand  VAngelus  murmure  à  travers  le  feuillage 

Son  chant  d'airain, 
Où  donc  va  ce  vieillard,  triste  et  ployé  par  l'âge, 

Le  long  du  Rhin? 

Il  traîne  en  gémissant,  par  les  sentiers  arides, 

Ses  pieds  tremblants, 
Et  le  vent  chasse  autour  de  son  front  plein  de  rides 

Ses  cheveux  blancs. 

Il  va,  les  yeux  en  pleurs  et  la  tête  affaissée 

Sous  l'aquilon. 
Et  porte  dans  sa  main,  de  froid  toute  glacée. 

Son  violon. 

Je  pourrais  offrir  encore  cinquante  autres  formes,  '  toutes  origina- 
les, toutes  inconnues,  résultats  des  études  rhythmiques  de  M.  Van 
Hasselt;  mais  ici  je  suis  obligé  de  renfermer  dans  d'étroites  limites 
les  citations  qui  concernent  ce  sujet  intéressant.  Ce  que  je  me  suis 
proposé,  c'est  de  fixer  l'attention  des  littérateurs  qui  écrivent  pour 
les  scènes  lyriques  sur  la  nécessité  de  perfectionner  la  versiQcalion 
des  livrets  d'opéras  et  de  la  rendre  régulière  au  point  de  vue  des 
rhythmes  de  la  musique.  Que  s'ils  s'astreignent  à  mettre,  comme 
Van  Hasselt,  de  la  symétrie  dans  les  dispositions  des  nombres  de 
syllabes  et  des  accents  de  leurs  vers,  nul  doute  que  la  trop  grande 
uniformité  des  rhythmes  mélodiques  ne  disparaisse  du  travail  des 
compositeurs,  et  qu'il  n'en  résulte  une  variété  dont  la  musique  a  été 
privée  jusqu'à  ce  jour. 

J'ai  souvent  pressé  M.  Van  Hasselt  de  publier  ta  théorie  de  la 
versification  rhythmique,  avec  des  modèles  de  toutes  les  combinai- 
sons, accompagnés  d'analyses;  rien  de  plus  facile, ^dit-il,  et  la  théorie 
sera  renfermée  dans  un  petit  nombre  de  pages  ;  mais  il  ne  croit  pas 
que  les  avantages  d'une  semblable  versification  puissent  être  démon- 
trés par  la  poésie  seule:  c'est  au  musicien,  selon  lui,  qu'il  appartient 
de  prouver  par  ses  compositions  le  mérite  du  système  nouveau  de 
versification,  et  les  ressources  qu'il  y  a  rencontrées  pour  la  régularité 
des  rhythmes  de  ses  mélodies,  ainsi  que  par  la  diversité  de  leur  ca- 
ractère. A  son  tour,  il  m'a  demandé  d'être  son  collaborateur  pour  ce 
travail;  j'ignore  si  la  collaboration  qu'il  désire  est  par  lui  bien  choi- 
sie; mais  je  la  lui  ai  promise.  11  en  sera  ce  qui  plaira  à  Dieu. 

FÉTIS  père. 


THEATRE  IIHPÉRIAL  ITALIEN. 

Rentrée  de  Tamberllck  dans  POLIUTO  et  le 
TROVATOBE. 

Mais  'qui  peut  dans  sa  course  arrêter  ce  torrent  ? 

Tamberlick  n'a-t-il  pas  quelque  chose  de  ce  fougueux  Achille  que 
nous  dépeint  Racine  et  ne  chante-t-il  pas,  comme  l'autre  combattait? 
Hier  il  était  au  bout  du  monde,-  aujourd'hui  le  voici  parmi  nous,  et  il  ne 
s'arrête  seulement  pas  pour  reprendre  haleine.  A  peine  arrivé,  il  chante 
quatre  fois  de  suite.  Comme  l'année  dernière,  il  a  fait  sa  rentrée  dans 
Poliulo,  ce  rôle  qui  l'embrase  d'une  sainte  chaleur,  et  dans  lequel 
sa  voix  émue  caractérise  si  bien ,  par  ses  qualités  et  même  ses  dé- 
fauts, l'enthousiasme  fébrile  du  néophyte.  A  côté  de  lui,  Mme  Penco 
ne  se  montre  ni  moins  ardente  ni  moins  convaincue,  ce  qui  fait  que 
l'auditoire  est  entraîné,  transporté  par  ces  deux  artistes  ,  dont  le  ta- 
lent s'identifie  si  bien  avec  leurs  rôles. 

Une  indisposition  de  Mme  Penco  ayant  empêché  Poliulo  d'être 
donné  plus  de  deux  fois,  il  Trovaiore  lui  a  succédé  jeudi,  et  Tam- 
berlick a  passé  sans  effort  au  rôle  de  Manrico,  pour  lequel  il  avait 


des  flammes  toutes  prêtes  ;  mais,  il  faut  l'avouer,  ces  flammes  ne  se 
manifestent  dans  tout  leur  éclat  qu'à  la  fin  du  troisième  acte,  où  re- 
tentit la  magniQque  et  terrible  note,  impatiemment  attendue  et  tou- 
jours saluée  de  frénétiques  bravos. 

Voilà  déjà  plusieurs  années  que  Tamberlick  nous  revient  à  la  même 
époque  et  produit  toujours  le  même  effet.  Celte  année,  il  y  avait  des 
incrédules  et  des  sceptiques  :  on  inclinait  à  penser  que  le  miracle  ne 
se  renouvellerait  pas,  ou  que  la  grâce  serait  moins  efficace.  A  pré- 
sent, il  faut  bien  reconnaître  l'évidence  et  croire  à  Tamberlick  comme 
par  le  passé.  Nous  l'entendrons  bientôt  dans  le  Ballo  in  maschera, 
qu'il  n'a  pas  encore  chanté  à  Paris,  et  dans  Olello,  qui  a  servi,  chez 
nous,  à  fonder  sa  renommée.  Pendant  ce  temps,  on  fera  bien  de  re- 
toucher la  cloche  funèbre,  qui,  dans  \e.  Miserere  du  Trovatore,  s'obs- 
tine à  rester  d'un  quart  de  ton  trop  haut,  sans  aucun  souci  du  chan- 
gement de  diapason. 

P.  S. 


ADDITIONS  MDSICALES. 

Emile  Prudent.  —  W.  Krûg;er. 

Sans  accorder  aux  titres  choisis  par  Emile  Prudent  pour  ses  der- 
nières compositions  plus  d'importance  qu'ils  ne  méritent,  et  qu'ils 
n'ont  sans  doute  dans  sa  pensée,  ils  n'indiquent  pas  moins  une 
chose  très-réelle  :  le  désir  et  la  faculté  de  traiter  le  piano  d'une 
manière  exclusivement  musicale,  de  le  rendre,  avant  tout,  chantant, 
expressif  et  coloré.  En  parlant  de  la  Danse  des  Fées,  de  ce  petit 
chef-d'œuvre  oîi  l'orchestre,  ingénieusement  traité,  sert  à  développer 
avec  tant  de  charme,  de  fraîcheur  et  de  poésie  les  choses  merveil- 
leusement légères,  délicates  et  éblouissantes  confiées  au  piano  ;  en 
parlant  de  cette  ravissante  inspiration  qui  est  comprise  partout,  et 
qui,  la  semaine  dernière  encore,  a  excité  l'enthousiasme  et  a  été  re- 
demandée, nous  avons  plus  d'une  fois  signalé  l'heureuse  modifica- 
tion du  style  et  des  idées  d'Emile  Prudent.  Certes,  il  a  écrit  de 
grandes,  difficiles  et  belles  fantaisies  ;  la  plupart  de  ses  arrangements 
sont  très-remarquables;  mais  ses  œuvres  originales  ont  une  tout  au- 
tre valeur,  même  comme  facture,  et  elles  justifient  bien  la  place  à 
part  que  l'auteur  s'est  faite  parmi  les  artistes  contemporains. 

Son  dernier  morceau  de  concert  pour  piano  et  orchestre,  les  Trois 
Rêves,  se  distingue,  comme  quelques  autres  de  ses  compositions,  par 
la  recherche  de  la  couleur,  du  sentiment  pittoresque,  de  l'expression 
simple,  vive  et  naïve.  L'allégro,  les  Esprits  des  campagnes,  est  très- 
concis.  La  phrase  mélodique,  pleine  de  netteté,  sinon  d'originalité, 
est  revêtue  d'ornements  délicieux  ;  mais ,  ce  dont  nous  ne  saurions 
assez  féliciter  Emile  Prudent,  l'accessoire  ne  devient  pas  le  principal, 
les  traits  ne  remplacent  pas  les  motifs.  Ici  point  de  ces  formules, 
de  ces  éléments  tumultueux  qui  aujourd'hui  tiennent  une  si  grande 
place  dans  la  musique  de  piano  ;  point  de  ces  choses  parasites,  de  ce 
papillotage  frivole  qui  souvent  ne  servent  qu'à  dissimuler  ce  que 
l'inspiration  première  a  de  vague,  de  terne,  de  froid  et  de  vaporeux. 
Malgré  une  légère  réminiscence  de  l'andante  en  fa,  si  joliment  varié 
par  Prudent  dans  sa  grande  fantaisie  :  Soiwenirs  de  Beethoven,  l'an- 
dante, les  Génies  du  foyer,  vaut  mieux  encore  que  le  premier  mor- 
ceau ;  il  est  doux  et  suave,  mélancolique  et  distingué.  Comme  origi- 
nalité et  comme  souffle,  la  meilleure  partie,  à  notre  avis,  est  le 
rondo  final  intitulé  Ballet  des  Zingari.  A  travers  les  capricieuses 
combinaisons  d'une  instrumentation  très-claire  et  très-brillante,  le 
piano  garde  une  importance  singulière.  La  beauté,  la  hardiesse  et  la 
légèreté  de  l'exécution  d'Emile  Prudent,  les  divers  développements 
de  l'orchestre  et  de  la  partie  principale  qui  se  renvoient  le  motif,  le 
coupent  ou  le  développent,  le  charmant  paysage  où  s'agitent  les  zin- 
gari, ont  produit  une  grande  impression.  Assurément,  ce  nouvel  ou- 


84 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


vrage  n'a  pas  l'ampleur  et  l'élévation  du  Concerto-symphonie,  qui, 
dans  l'œuvre  d'Emile  Prudent,  reste  jusqu'à  ce  jour  sans  égal  ;  mais 
on  y  reconnaît  cependant  le  même  pinceau.  On  trouve  même  dans 
le  rondo  final  des  Trois  Rêves  quelque  ressemblance  avec  Vallegretto 
du  concerto.  Toutefois  par  le  côté  mélodieux,  par  le  dessin  délicat  et 
pur,  qui  maintenant  remplace  chez  Prudent  les  conceptions  larges 
et  pompeuses,  par  le  charme  des  arabesques  qui,  peu  prodiguées, 
donnent  un  grand  intérêt  mélodique  à  la  composition,  les  Trois  Rêves 
sont  très-remarquables. 

Nous  avons  dit  qu'on  avait  bissé  la  Danse  des  fées;  ajoutons  qu'on 
a  bissé  aussi  le  Chant  d'Ariel.  A  côlé  de  nombreuses  difficultés  que 
le  célèbre  pianiste  ne  laissait  guère  soupçonner,  tant  il  les  a  dites 
avec  une  aisance  et  un  charme  incroyables,  il  y  a  dans  cette  page 
des  harmonies  neuves,  une  finesse  et  une  élégance  de  pensée  qu'on 
n'a  pas  retrouvées,  nous  devons  l'avouer,  dans  les  Etudes-Lieder. 
Seule,  la  troisième  de  ces  études  a  fait  beaucoup  de  plaisir.  Elle  est 
très-belle ,  en  effet ,  et  n'a  rien  de  cette  langueur,  de  celte  pâleur 
mélodique  et  de  ce  vaporeux  qui  entraînent  quelquefois  l'auteur  vers 
un  genre  de  musique  un  peu  maniéré,  et  dans  lequel  sa  forte  nature 
perd  ses  meilleures  qualités.  Emile  Prudent  est  Français  et  très- 
Français  :  le  précieux  ne  saurait  être  son  fait.  11  est  à  cette  heure 
notre  seule  gloire  militante  ;  partout  il  représente  brillamment  notre 
école  de  piano  et  est  accueilli  avec  enthousiasme.  Aussi  désirons-nous 
vivement  que,  comme  compositeur,  il  se  garde  davantage  des  miè- 
vreries et  des  élégies  creuses,  des  rêveries  poétiques  qui,  souvent, 
n'attestent  que  l'absence  d'idées  fortes  et  originales. 

Nous  ne  voulons  pas  parler  longuement  du  jeu  d'Emile  Prudent,  et 
répéter  après  tant  d'autres  ce  que  chacun  sait  si  bien;  nous  dirons 
seulement  que  ce  talent  est  d'autant  plus  magnifique  qu'il  s'est  un 
peu  métamorphosé.  La  délicatesse  et  la  douceur  sont  venues  se  join- 
dre à  la  puissance,  à  la  beauté  de  son  habituelles  au  grand  pianiste, 
et  forment  maintenant  un  ensemble  de  quahtés  vraiment  admirables. 
Mme  Viardot  et  Franchomme  ont  contribué  à  donner  à  ce  beau  con- 
cert un  éclat  inaccoutumé.  Un  excellent  orchestre,  conduit  par  M.Til- 
mant,  a  exécuté  les  ouvertures  de  Fidelio  et  de  la  Grotte  de  Fingal. 
Cette  dernière  composition  de  Mendelssohn  est  appelée  à  avoir  parmi 
nous  le  sort  de  la  belle  partition  du  Songe  d'une  nuit  d'été,  c'est-à- 
dire  à  exciter  d'unanimes  suffrag-es.  Elle  a  été  écrite  dans  une  heure 
d'inspiration.  La  couleur  de  l'instrumentation  et  la  richesse  des  idées 
en  font  une  merveille,  et  les  auditeurs  d'Emile  Prudent  ont  été  ravis 
d'entendre  cette  poétique  et  capricieuse  ouverture. 

M.  W.  Krijger  s'est  fait  parmi  nous  une  légitime  réputation  de 
pianiste  compositeur.  Ses  qualités,  à  la  fois  solides  et  aimables,  ne 
sauraient  être  contestées.  On  lui  reconnaît  surtout  le  talent  de  traiter 
les  mélodies  et  de  garder  un  juste  milieu  entre  ce  que  demandent 
les  artistes  et  les  gens  du  monde,  talent  que  M.  Krûger  doit  à  ses 
bonnes  études,  mais  auquel  son  goût  et  sa  parfaite  connaissance  des 
beautés  de  l'école  allemande  donnent  une  sûreté  et  une  variété  peu 
communes.  Au  charmant  concert  qu'il  donnait  mercredi  dans  les 
salons  Erard,  il  a  joué  ses  Illustrations  sur  Stradella,  et  a  obtenu 
un  fort  beau  succès.  Dans  ce  morceau  brillant,  difficile  et  bien  fait, 
se  pressent  les  plus  jolies  mélodies  de  M.  de  Flotow.  On  a  reconnu 
et  applaudi  au  passage  l'andante  de  l'air  :  Soyes  témoins  de  mon 
ivresse ,  chanté  au  second  acte  par  Leonora ,  où  le  compositeur  a 
exprimé  très-mélodieusement  les  ravissements  d'une  âme  vraiment 
éprise  et  la  surabondance  de  vie  qui  l'oppresse;  le  chœur.  Cloche 
sainte ,  dont  la  mélodie  naïve  a  tant  de  charme ,  dont  l'harmonie 
simple ,  allant  presque  toujours  de  la  tonique  à  la  dominante  ,  est 
néanmoins  très-élégante  ;  la  ballade  que  chante  Stradella  et  qu'il 
appelle  la  ronde  du  fier  Salvator  Rosa.  Il  était  difficile  de  mieux  ar- 
ranger cette  ronde  vraiment  entraînante,  pleine  de  verve,  franche, 
hardie  et  bien  rhythmée:  aussi  a-telle  excité,    ainsi   que  l'hymne 


final  qui  couronne  si  pompeusement  le  beau  morceau  de  M.  Krûger, 
de  chaleureux  bravos. 

En  quelques  pages,  l'auteur  a  su  avec  une  grande  habileté  faire 
entendre  les  mélodieux  arpèges  des  harpes  et  donner  au  piano  l'ac- 
cent éminemment  passionné  et  religieux  qui  fait  de  la  dernière  scène 
de  Stradella  une  chose  très  belle  et  très-élevée  de  style. 

La  Résignation,  remarquable  adagio  de  concert,  et  la  Coupe  d'or, 
brillant  caprice  que  le  succès  a  déjà  popularisé,  ont  été  joués  par 
l'auteur  d'une  façon  tour  à  tour  ferme,  expressive,  fine  et  délicate. 

Après  avoir  charmé  ses  auditeurs  avec  ses  œuvres  originales  , 
M.  Krûger  a  fait  entendre  d'abord  un  scherzo  de  Chopin,  vif,  bon- 
dissant ,  et  pourtant  plus  essentiellement  mélodique  que  beaucoup 
d'autres  pages  du  même  maître  ;  puis,  avec  M.  Hammer,  la  sonate 
en  ut  mineur  de  Beethoven.  Tout  dans  cette  sonate  est  magniOque  ; 
mais  c'est  peut-être  le  splendide  adagio  cantabile  qui  a  excité  le  plus 
vif  enthousiasme.  Il  y  a  là  des  modulations,  des  variations  d'un  effet 
vraiment  prodigieux  ;  le  violon  et  le  piano  atteignent  chacun  à  leur 
tour  les  derniers  sommets  du  style  élégiaque,  mais  élégiaque  comme 
Beethoven  le  comprenait  :  avec  des  bonds  et  des  soubresauts  où 
l'énergie  de  la  passion  se  montre  au  beau  milieu  des  plus  suaves 
harmonies  et  du  plus  rehgieux  apaisement.  Les  exécutants  ont  par- 
faitement rendu  les  nobles  aspirations,  les  chants  sublimes  de  cet 
adagio,  et  ont  prouvé  encore  une  fois  qu'ils  avaient  le  goût  et  l'in- 
telligence de  l'art  sérieux.  Mme  Barthe-Banderali  et  Jules  Lefort,  avec 
le  talent  sympathique  qu'on  lui  connaît,  ont  donné  à  la  partie  vocale 
une  valeur  dont  on  se  montre  trop  avare  dans  ces  fêtes  musicales 
où,  en  général,  les  instrumentistes  ont  le  beau  rôle. 

Adolphe  BOTTE. 


EEVDE  DES  THÉÂTRES. 

Gymnase  :  Sortir  seule,  comédie  en  trois  actes,  par  MM.  Eug.  Grange 
et  H.  Rochefort;  Permettez,  Madame,  comédie  en  un  acte,  par 
MM.  Labiche  et  Delacour;  le  Défaut  de  Jeanne,  comédie  en  un 
acte,  par  M.  Moreau  ;  reprise  du  Fils  naturel.  —  Vaudeville  : 
reprise  du  Hlariage  d'Olympe,  comédie  en  trois  actes,  de  M.  Em. 
Augier.  —  Variétés  :  les  Mousquetaires  du  carnaval,  folie-vau- 
deville en    trois  actes,  par  MM.  Eug.  Grange  et  Lamb.  Thiboust. 

—  Palais-Royal  :  la  Dame  au  petit  chien,  vaudeville  de  MM.  La- 
biche et  Dumoustier;  Célima-e  le  bien-aimé,  comédie-vaudeville  en 
trois  actes,  par  MM.  Labiche  et  Delacour.  —  Gaité  :  reprise  de  la 
Belle  Gabrielle,  drame  en  cinq  actes  et  deux  tableaux,  par  A.Maquet. 

—  Théâtre  impérial  du  Chatelet  :  Marengo,  drame  militaire  en 
douze  tableaux,  par  M.  Dennery.  —  Théâtre  allemand  de  la  salle 
Beethoven.  —  Cirque  Napoléon  :  le  dompteur  Crockett, 

Depuis  quelque  temps  les  Ganaches  ont  disparu  de  l'affiche  du 
Gymnase,  en  rendant  leur  liberté  à  Lafontaine  et  à  Mlle  Victoria,  qui 
en  ont  profité  pour  se  marier  et  pour  se  faire  admettre,  par  décision 
ministérielle,  dans  la  Société  du  Théâtre-Français.  On  ne  peut  rien 
préjuger  sur  la  nature  et  l'importance  des  services  que  les  deux 
nouveaux  époux  rendront  là-bas;  mais  ce  qui  est  certain,  c'est  qu'ils 
laissent  un  grand  vide  au  boulevard  Bonne-Nouvelle,  où  ils  ne  seront 
pas  oubliés  de  sitôt.  La  tiédeur  avec  laquelle  on  a  reçu  les  trois  co- 
médies qui  ont  succédé  tout  d'un  coup  aux  Ganaches,  semble  être 
une  preuve  des  obstacles  que  rencontre  presque  toujours  le  rempla- 
cement immédiat  des  pièces  et  des  acteurs  à  succès.  Ces  comédies  ne 
sont  cependant  pas  pires  que  beaucoup  d'autres  qui  ont  complète- 
ment réussi.  11  y  a  trois  actes  à  Sortir  seule!  C'est  peut-être  un  peu 
long  ;  néanmoins,  la  donnée,  quelque  mince  qu'elle  soit,  accuse  chez 
ses  auteurs  un  louable  esprit  d'observation.  Qu'est-ce  qu'une  jeune 
femme,  au  matin  du  plus  beau  jour  de  la  vie,  désire  le  plus,  après, 
bien  entendu,  les  diamants  et  les  cachemires  de  la  corbeille?  c'est  le 
droit  d'aller  où  bon  lui  semble,  sans  chaperon  incommode,  et  pour 
le  très-innocent  plaisir  de  sortir  seule!  Pour  une  ex-demoiselle  de  la 


DE  PAKIS. 


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veille,  à  peu  de  chose  près  sans  expérience,  ce  privilège  tant  convoité 
n'est  pourtant  pas  dénué  d'inconvénients.  C'est  ce  qu'éprouve  à  ses 
dépens  Mme  Emma  Charvière,  poursuivie  dans  la  rue  à  sa  première 
sortie,  et  accompagnée  même  jusque  dans  une  maison  tierce  par  un 
jeune  audacieux  que  ses  charmes  ont  subitement  fasciné.  Si  des 
amis,  si  son  mari  lui-même  ne  se  trouvaient  pas  là  tout  à  point  pour 
la  défendre  et  pour  la  protéger,  à  quels  périls  ne  se  trouverait -elle 
pas  exposée?  Aussi  jure-t-elle  qu'on  ne  l'y  prendra  plus,  et  que 
lorsqu'elle  voudra  sortir,  elle  commencera  par  réclamer  le  bras  de 
'son  guide  légal. 

Permettez,  Madame!  Ces  deux  mots  impliquent  tout  un  système  de 
contradictions  perpétuelles  entre  deux  personnes  de  sexe  différent 
qui,  sans  le  respect  dû  aux  lois  de  la  civilité ,  auraient  recours  bien 
certainement  à  des  arguments  plus  énergiques.  Ces  estimables  adver- 
saires ne  sont  d'accord  que  sur  un  point,  celui  de  renoncer  à  un  pro- 
jet d'union  qui  devait  faire  le  bonheur  de  leurs  enfants.  Mais,  au 
milieu  de  leurs  controverses,  ils  se  rappellent  un  roman  qu'ils  on'' 
ébauché  ensemble  dans  leurs  jeunes  ans,  et  voilà  le  mariage  renoué 
et  la  paix  rétablie. 

Reste  le  Défaut  de  Jeanne,  une  petite  comédie  bâtie  sur  une  pointe 
d'aiguille,  et  ne  chômant  pas  de  détails  fins  et  spirituels.  Jeanne  a 
un  bien  joli  défaut  :  elle  est  trop  riche,  non-seulement  à  ses  yeux, 
car  elle  veut  être  aimée  pour  autre  chose  que  pour  sa  dot,  mais 
aux  yeux  de  M.  Sylvain,  un  charmant  garçon  qui  n'ose,  en  raison 
de  sa  pauvreté,  avouer  à  Jeanne  sa  tendresse.  Avons-nous  besoin 
de  dire  que  tout  s'arrange  de  manière  à  ce  qu'un  pareil  défaut  de- 
vienne une  qualité  précieuse  pour  les  deux  amoureux  ? 

Non  content  de  ces  nouveautés,  le  Gymnase  a  repris  tout  récem- 
ment le  Fils  nattirel,  qui  n'est  certes  pas  une  des  meilleures  co- 
médies de  M.  Alexandre  Dumas  fils,  mais  qui  contient  un  très-bon 
rôle  de  début,  celui  de  Clara  Vignot,  dans  lequel  Mlle  Fanny  Génat, 
ex-danseuse  de  l'Opér^a,  a  démontré  d'une  manière  victorieuse  que, 
si  la  chorégraphie  perdait  en  elle  une  étoile,  elle  n'avait  fait  que 
changer  de  place  au  Crmament,  et  que  le  drame  pouvait  dès  au- 
jourd'hui la  compter  parmi  les  siennes. 

—  Ce  que  c'est  que  de  ne  pas  arriver  à  l'heure!  Lorsque  l'œuvre 
si  saisissante  et  si  originale  de  M.  Emile  Augier  a  été  représentée 
pour  la  première  fois,  la  Dame  aux  Camélias,  les  Filles  de  marbre, 
le  Demi-Monde,  triomphaient  sur  toute  la  ligne.  La  rude  leçon  infli- 
gée par  le  jeune  académicien  à  ces  vipères  de  courtisanes  ne  pouvait 
être  comprise,  et  elle  ne  le  fut  pas  en  effet.  Mais  pour  tous  les  gens 
de  goût  qui  ont  lu  et  médité  le  Mariage  d'Olympe,  sa  réaction  était 
un  fait  acquis  d'avance.  Nous  avons  donc  vu  sans  surprise  la  revanche 
éclatante  que  cette  pièce  vient  d'obtenir  au  Vaudeville.  Sans  nul  doute, 
elle  sera  durable,  et  achèvera  de  donner  raison  à  ceux  qui,  à  l'exemple 
de  M.  Lebrun,  lors  de  la  réception  de  son  nouveau  confrère,  n'ont 
pas  cessé  de  considérer  ce  drame  comme  un  des  plus  grands  événe- 
ments littéraires  de  notre  époque. 

—  Une  étourdissante  bouffonnerie,  des  mêmes  auteurs  que  la 
Mariée  du  mardi  gras,  recule,  aux  Variétés,  les  barrières  delà  folie  et 
de  la  vraisemblance.  Les  Mousquetaires  du  carnaval  arrivent  pour- 
tant un  peu  tard  pour  prendre  de  semblables  libertés  ;  mais  il  est 
convenu  qu'il  n'y  a  pas  de  carême  pour  les  théâtres,  et  que  les 
travestissements,  défendus  snr  la  voie  publique,  se  réfugient  dans  ces 
endroits  privilégiés.  Du  reste,  les  héros  de  ce  vaudeville  de  circons- 
tance, sont  menacés,  par  le  fait  de  leur  propriétaire,  qui  les  a  mis  à 
la  porte  de  son  immeuble,  de  voir  lever  le  soleil  du  mercredi  des 
cendres,  dans  leur  défroque  de  mousquetaires  carnavalesques,  qu'il 
ne  leur  est  pas  permis  d'échanger  contre  un  costume  plus  décent  et 
plus  rationnel.  Ils  sont  donc  presque  excusables  de  ne  pas  se  sou- 
venir que  les  jours  gras  ont  un  lendemain.  Par  exemple,  ne  nous 
demandez  pas  en  vertu  de  quelle  aberration  du  sens  commun  ils  s'in- 
troduisent chez   un  notaire   pour  empêcher  la  signature  d'un  contrat 


qui  doit  enlever  sa  belle  à  l'un  d'entre  eux,  et  comment  ils  forcent 
ensuite,  au  bal  de  l'Opéra,  le  père  de  la  susdite  demoiselle  à  donner 
son  consentement  au  mariage  de  leur  acolyte.  Tout  cela  est  insensé, 
mais  on  rit,  et  l'on  est  désarmé. 

—  Au  Palais-Royal,  les  choses  ne  se  passent  guère  d'une  façon 
plus  raisonnable.  Un  jeune  homme  a  des  créanciers  :  quoi  de  plus  na- 
turel? mais,  parmi  eux,  se  distingue  un  affreux  usurier  qui,  pour  être 
Slir  de  rentrer  dans  ses  avances,  au  détriment  de  ses  confrères,  fait 
transporter  chez  lui  le  mobilier  que  son  débiteur  lui  abandonne.  En 
conséquence  de  cet  arrangement,  le  débiteur  accompagne  son  mobi- 
lier, et  le  voilà  installé  chez  son  créancier,  buvant  son  vin,  chaussant 
ses  pantoufles,  et  faisant  la  cour  à  sa  femme.  Mais  pourquoi  cela 
s'appelle-t-il  la  Dame  au  petit  chien  ?  C'est  juste;  vous  n'en  saisissez 
pas  le  motif. . .  ni  nous  non  plus.  Cependant,  nous  vous  dirons,  par 
acquit  de  conscience,  que,  la  veifle  du  jour  où  le  débiteur  en  ques- 
tion est  venu  s'asseoir  au  foyer  de  son  créancier,  il  a  rencontré  sa 
femme  aux  Tuileries,  et  a  marché,  par  mégarde,  sur  la  patte  de  son 
petit  chien. 

Cette  petite  pièce  n'a  d'ailleurs  pas  d'autre  prétention  que  de  ser- 
vir de  lever  de  rideau  à  un  ouvrage  plus  important,  qui  a  pour  litre  : 
Célimare  le  hien-aimé.  Comme  dans  presque  toutes  les  pièces  oià 
M.  Labiche  a  une  part  de  collaboration,  il  y  a  dans  celle-ci  une  bonne 
idée  de  comédie.  Célimare,  le  gandin  de  la  rue  des  Lombards,"  n'est 
plus  jeune  ;  mais  il  n'a  pas  toujours  eu  quarante-cinq  ans,  et  il  fut 
un  temps  où  il  était  cité  pour  sa  scélératesse  avec  les  femmes,  sur- 
tout avec  les  femmes  mariées.  Demandez  plutôt  à  Mme  Vernomllat 
ou  à  Mme  Baucardon.  Puis  un  jour  est  venu  où  Célimare  a  senti  le 
besoin  de  se  faire  ermite,  c'est-à-dire  de  goûter  à  son  tour  les  dou- 
ceurs du  ménage.  Il  dit  donc  adieu  au  passé,  et  prend  une  jeune 
femme,  bien  persuadé  qu'il  va  vivre  désormais  dans  un  parfait  état 
de  béatitude.  Mais  il  a  compté  sans  son  hôte  :  les  mads  de  ses  an- 
ciennes maîtresses,  qui  ont  contracté  l'habitude  de  voir  à  tout  ins- 
tant Célimare....  le  bien-aimé,  font  irruption  chez  lui,  s'y  installent 
comme  il  le  faisait  jadis  chez  eux;  en  un  mot,  ils  deviennent  si  im- 
portuns et  en  même  temps  si  indiscrets  que  la  paix  conjugale  du 
couple  Célimare  est  sérieusement  menacée.  Ce  ne  serait  à  coup  sûr 
que  justice  ;  mais  Célimare  n'est  pas  de  cet  avis,  et  en  homme  d'es- 
prit qu'il  est  au  demeurant,  il  se  débarrasse  de  ses  trop  absorbants 
amis,  en  leur  empruntant  de  l'argent  dont  il  n'a  que  faire. 

Le  rôle  de  Célimare  est  joué  par  Geoffroy  :  c'est  tout  dire.  Lhéritier 
et  Hyacinthe  le  secondent  en  excellents  compères  qu'ils  sont. 

—  Des  reprises  et  toujours  des  reprises  !  On  dirait  que  la  splen- 
dide  salle  de  la  Gaîté  n'a  été  édifiée  que  pour  la  glorification  du 
passé,  ce  qui  ne  laisse  pas  que  d'être  peu  flatteur  pour  le  présent. 
Après  Cartouche,  après  Monte-Cristo,  voici  venir  la  Belle  Gabrielle, 
que  nous  avons  vue,  il  y  a  quelques  années,  fournir  une  assez  longue 
carrière  à  la  Porte-Saint-Martin.  Nous  pensons  que,  grâce  à  ses  in- 
terprètes et  à  sa  mise  en  scène,  elle  va  faire  un  nouveau  bail  avec 
le  succès  ;  mais,  en  conscience,  tous  les  talents,  toutes  les  richesses 
que  l'on  a  consacrés  à  cette  résurrection,  n'auraienl-ils  pas  été  mieux 
employés  en  faveur  d'une  œuvre  inédite  ?  MM.  les  directeurs  se 
plaignent  de  la  rareté  des  bons  ouvrages  ;  que  n'essaient-ils  de  mon- 
ter les  nouveautés  avec  le  soin  qu'ils  accordent  aux  reprises  !  Peut- 
être  alors  leur  intérêt  se  trouverait-il  d'accord  avec  celui  des  jeunes 
auteurs  qui  frappent  vainement  chez  eux. 

—  Au  théâtre  impérial  du  Châtelet,  Rothomago  et  la  Prise  de 
Pékin  ont  fait  place  à  la  première  nouveauté  qu'on  ait  montée  dans 
ce  superbe  local.  Sous  le  rapport  de  la  mise  en  scène,  le  tableau 
est  digne  du  cadre.  Marengo  dépasse  tout  ce  qu'on  a  vu  en  ce  genre 
au  boulevard  du  Temple;  le  fond  seul  est  resté  le  môme.  C'est  tou- 
jours la  grande  épopée  napoléonienne  qui  en  fait  les  frais,  de  compte 
à  demi  avec  les  aventures  plus  ou  moins  dramatiques  de  quelques 
individus  de  l'invention  de  l'auteur,  et  qui  sont  parfaitement  indiffé- 


86 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


rents  au  public.  Qu'a-t  il  à  faire  de  cette  famille  de  Rennepont  et  de 
ce  vieux  troupier  calqué  sur  le  Philippe  de  Scribe?  Ce  qu'il  lui  faut 
pour  que  son  enthousiasme  éclate,  c'est  le  premier  consul  avec  son 
cheval  blanc  et  sa  redingote  grise,  c'est  le  bruit  du  canon,  c'est  l'o- 
deur de  la  poudre.  Et,  certes,  on  ne  lui  a  pas  épargné  cette  triple 
satisfaction.  Il  y  a  même  jusqu'à  des  charges  de  cavalerie  dans  le 
combat  de  Montebello  et  dans  la  bataille  de  Marengo,  la  profondeur 
inouïe  de  la  scène  permettant  à  six  cents  hommes  de  s'y  déployer  et 
d'y  manœuvrer  sans  confusion.  Deux  autres  tableaux  méritent  encore 
d'être  cités  :  c'est  le  passage  du  mont  Saint-Bernard,  où  les  mon- 
tagnes superposées  s'élèvent  au-delà  des  frises,  et  la  fête  donnée  au 
premier  consul  par  les  notables  de  Milan.  Il  y  a  là  un  merveilleux 
ballet,  au  milieu  duquel  nous  avons  remarqué  une  très-jolie  barca- 
rolledeM.  deGroot,  chantée  avec  goût  et  talent  par  un  M.  Georges,  et 
dansée  par  de  fort  gracieuses  ballerines.  Outre  les  airs  de  danse,  qui 
sont  en  général  très-bien  venus,  M.  de  Groot  a  composé  aussi  une 
ronde  comique  d'un  excellent  effet,  avec  accompagnement  de  tambour 
et  de  fifre.  Dans  cette  mémorable  victoire  de  Marengo,  remportée  par 
M.  Hostein,  le  chef  d'orchestre  a  donc  eu  sa  part  de  bravos  comme  les 
artistes  chargés  de  l'interprétation,  comme  le  décorateur,  le  machi- 
niste et  le  metteur  en  scène. 

—  Le  théâtre  allemand  continue  à  donner  des  représentations  très-in- 
téressantes et  très-suivies  à  la  salle  Beethoven.  Dans  ces  derniers  temps, 
on  y  a  joué  trois  pièces  nouvelles  de  Bénédix,  l'un  des  auteurs  modernes 
de  l'Allemagne  qui  se  rapprochent  le  plus  des  maîtres  contempo- 
rains de  notre  scène.  Dans  le  Voyage  de  Noces,  dans  les  Jaloux  et 
dans  II  hait  les  femmes,  Mme  Ida  Bruning  a  su  conserver  la  supé- 
riorité qu'elle  s'est  acquise  dans  cette  troupe  étrangère  ;  mais,  très- 
peu  au-dessous  d'elle,  il  faut  citer  Mlle  Wolbruck,  qui  s'efforce  de 
marcher  sur  ses  traces,  et  qui  y  est  fortement  encouragée  par  les 
bravos  des  connaisseurs. 

—  Les  débuts  du  dompteur  anglais  Grockett  attirent  en  ce  moment 
une  affluence  énorme  au  cirque  Napoléon.  C'est,  en  effet,  un  spec- 
tacle fort  curieux  et  en  même  temps  fort  émouvant,  que  de  voir  cet 
homme  entrer,  avec  un  calme  parfait,  dans  la  cage  oij  se  débattent 
deux  lions  et  six  lionnes  d'aspect  redoutable,  les  soumettre  à  la  plus 
passive  obéissance  par  le  pouvoir  d'un  geste  ou  d'un  regard,  jouer 
avec  eux  comme  on  joue  avec  des  chats  inoffensifs,  mettre  sa  tête 
dans  la  gueule  d'un  de  ces  animaux  féroces,  puis  enfin  les  quitter 
après  les  avoir  provoqués  par  la  décharge  inattendue  de  deux  revol- 
vers. Tout  Paris  voudra  voir  cette  merveille. 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 

-"'''^*^  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  lundi  la  Muette  de  Por- 
'pit^;  mercredi,  la  deuxième  représentation  de  la  Mule  de  Pedro;  qui 
a  fait  encore  mieux  apprécier  que  la  première  les  parties  saillantes  de 
l'œuvre  de  M.  Victor  Massé,  la  ronde  de  la  mule,  la  ballade  de  la  Gi- 
'iana  particulièremeat,  qui  ont  été  fort  applaudies.  Vendredi,  la  Muette 
a  repris  son  tour,  et  pour  satisfaire  aux  nombreuses  demandes  de  loges 
qui  se  produisent  en  dehors  de  l'abonnement,  l'opéra  d'Auber  sera  donné 
"par  extraordinaire  aujourd'hui  dimanche. 

''^'***  Vendredi  prochain,  aura  lieu  le  début  du  ténor  Villaret  dans 
■{îuillaume  Tell. 

^*,,  Bonnehée  doit  remplacer,  dans  le  rôle  de  Pedro,  de  l'opéra  de 
Jlassé,  Faure,  qui  prend  son  congé  à  la  fin  de  ce  mois. 

^*^  C'est  samedi  prochain  que  Mme  Ferraris  fait  ses  adieux  au  public 
de  l'Opéra  dans  une  représentation  à  son  bénéfice.  En  dehors  du  désir 
ique  ses  nombreux  admirateurs  éprouveront  de  lui  témoigner  leurs  re- 
;grets  de  son  départ,  les  éléments  de  cette  représentation  et  le  désinté- 
ressement qu'a  mis  la  célèbre  artiste  à  ne  rien  changer  au  prix 
Tiâbitùel  des  places,  suffiraient  pour  remplir  la  salle.  L'ouverture  de 
'CkiillâUim  Tell  ;  le  deuxième  tableau  du  premier  acte  à'Alcaste ,  chanté 
;pa,r  iMnie  r.ueymard  et  Cazaux  ;  le  deuxième  acte  de  la  Juive  par  Guey- 
jmard,  Dulaurens,  Mme  Vandenheuvel-Duprez  et  Mlle  Sax;  le  premier 
tkljieau  de  l'Etoile  de  Messine,  l'un  des  triomphes  de  Mme  Ferraris  et  la 


tarentelle  du  troisième  acte;  le  quatrième  acte  des  Huguenots,  par  M.  et 
Mme  Gueymard,  Cazaux  et  Bonnesseur;  enfin  Graziosa  et  un  grand  pas 
par  Mme  Ferraris  et  Chapuy  ;  telle  est  la  composition  de  cette  splendide 
représentation. 

a,**  Obin  vient  d'être  engagé  au  théâtre  italien  de  Covent-Garden  pour 
le  temps  de  son  congé,  qui  commence  le  1"'  avril.  Il  y  chantera  le  rôle 
de  Bertram,  de  Robert  le  Diable,  et  de  Marcel,  du  Prophète.  M.  Gye  a 
également  engagé  Mlle  Lucca,  qui  cet  hiver  a  obtenu  de  si  grands  suc- 
cès au  théâtre  de  l'Opéra,  à  Berlin. 

^*^  On  annonce  l'engagement  au  théâtre  impérial  de  l'Opéra  de 
Mlle  Mouravieva;  cet  engagement  serait  de  six  mois,  et  elle  débuterait 
dans  Giselle,  qui  serait  remontée  avec  décors  et  costumes  nouveaux. 
Mlle  Mouravieva  est  une  jeune  et  jolie  personne  qui  s'est  partagé  cet  hiver  à 
St-Pétersbourg  avec  MmePetipa  les  triomphes  du  ballet.  On  se  ferait  dif- 
ficilement une  idée  de  l'enthousiasme  qu'ont  excité  les  deux  rivales  et 
les  ovations  dont  elles  ont  été  l'objet.  Mlle  Mouravieva  s'est  produite 
dans  Méthéora  sept  fois,  dans  la  Perle  de  Séville  cinq  fois,  dans  Giselle 
deux  fois,  et  seize  fois  dans  le  Lutin  de  la  vallée,  le  seul  nouveau  ballet 
qu'on  ait  monté  cet  hiver. 

***  L'Opéra  restant  fermé  pendant  la  semaine  sainte,  ce  temps  va 
être  mis  à  profit  pour  le  renouvellement  de  la  décoration  de  la  salle. 
Un  crédit  de  100,000  francs  a  été  mis,  pour  cet  objet,  à  la  disposition  de 
l'architecte,  M.  Boulanger,  qui  reproduira  sur  l'ancienne  coupole  les 
motifs  d'ornementation  delà  salle  future;  de  sorte  que  le  public  sera 
d'avance  à  même  d'en  juger  l'effet. 

^**  La  quatrième  représentation  de  Stradella  au  théâtre  Italien  a  fait 
de  plus  en  plus  apprécier  la  musique  de  cet  opéra.  Un  journal  consta- 
tait tout  récemment  qu'à  Saint-Pétersbourg  il  a  été  joué  simultanément 
tout  l'hiver  au  théâtre  Italien  et  au  théâtre  de  l'Opéra  National,  pour 
lequel  il  a  été  traduit  en  russe. 

**4  Delle-Sedie  a  été  engagé  par  M.  Mapleson,  directeur  du  théâtre 
de  Sa  Majesté,  pour  la  saison  prochaine. 

f*^  Le  début  de  Mario  a  eu  lieu  avec  un  succès  complet  au  théâtre 
de  Barcelone  dans  //  Barbiere . 

*%  Lundi  a  eu  lieu,  à  l'église  Saint-Roch,  le  mariago  annoncé  de 
A.  Battini  avec  Mlle  Trebelh.  Rossini  a  signé  au  contrat  des  jeunes 
époux.  L'orgue  a  été  tenu  pendant  la  cérémonie  nuptiale,  à  laquelle 
assistait  un  grand  nombre  de  célébrités  artistiques,  par  M.  Aug.  Durand, 
organiste  du  grand  orgue. 

s*^,  La  première,  représentation  des  Peines  d''amour  perdues  est  ajour- 
née par  indispusition.  Mme  Cabel  a  fait  sa  rentrée  dans  la  Chatte  mer- 
veilleuse. 

***  Avec  les  Bavards,  le  théâtre  des  Bouffes-Parisiens  fait  tous  les 
soirs  salle  comble.  —  Les  principaux  théâtres  de  l'Allemagne  se  sont 
déjà  adressés  à  Offenbach  pour  monter  l'ouvrage,  et  il  paraît  devoir 
être  donné  aussi  au  Grand  théâtre  de  Berlin,  sur  la  demande  de 
Mlle  Artot,  qui  désire  chanter  le  rôle  de  Mme  Ugaîde. 

:(*^  Il  y  a  peu  d'exemples  d'une  vogue  pareille  à  celle  qu'obtiennent 
les  couplets  bachiques  chantés  par  Mme  Ugalde  dans  les  Bavards  : 
Chantons  l'Espagne.  Plus  de  mille  exemplaires  ont  été  enlevés  en  quel- 
ques jours.  —  Deux  transpositions  pour  différentes  voix  viennent  de 
paraître. 

^*^  Nous  avons  signalé  les  éclatants  succès  que  vient  d'obtenir 
Mme  E.  Lagrua  au  théâtre  Regio.  Tous  les  journaux  italiens  proclament 
ces  succès.  Reçue  par  des  vivat  prolongés,  comme  une  précieuse  con- 
naissance, comme  une  étoile  de  l'art,  elle  fut  encore  plus  chaleureuse- 
ment applaudie  à  son  premier  récitatif  et  à  la  cavatine  qui  suit.  Après 
ce  morceau,  le  public  la  rappela  trois  fois.  Le  duo  avec  Adalgise  et  le 
trio  ne  furent  pas  l'occasion  d'un  succès  moins  brillant  et  de  moins  nom- 
breux rappels.  Nous  ne  saurions  dire  combien  de  fois  enfin,  à  la  chute 
du  rideau,  elle  a  dû  être  obligée  de  reparaître.  La  représentation  de 
Norma  a  soulevé  le  même  enthousiasme  pour  la  célèbre  cantatrice. 

^*^,  Mme  Jenny  Lind-Goldschmidt  se  fera  entendre  au  feslival  du  Bas- 
Rhin,  qui  doit  avoir  lieu  cette  année  à  Dusseldorf. 

^'•'»  On  écrit  de  Posth,  que  Dunanan  père  et  fils,  opérette  d'Offenbach, 
y  est  représentée  avec  un  très-grand  succès.  Les  recettes  sont  si  fruc- 
tueuses, qu'elles  ont  remis  à  flot  la  direction  du  théâtre,  dont  la  po- 
sition était  assez  embarrassée.  Cet  ouvrage  sera  également  monté  à 
Vienne. 

^%  Lundi  dernier  a  eu  lieu  le  second  concert  aux  Tuileries.  C'était 
le  tour  du  théâtre  Italien,  qui  avait  pour  représentants  dans  cette  soirée 
Tamberlick,  Zucchini  et  Délie  Sedie;  Mmes  Alboni  et  Marie  Battu. 
Taniberlick,  qui  chantait  pour  la  quatrième  fois  depuis  son  retour  à 
Paris,  ne  montrait  aucun  signe  de  fatigue.  Il  a  dit  la  Prière  de  Poliuto, 
le  duo  (ÏOtello,  avec  Délie  Sedie,  et  le  quatuor  de  Bigoletio.  Mme  Alboni 
a  chanté  le  duo  du  Barbier  avec  Délie  Sedie,  et  seule,  le  bri7\disi  de 
Lucrezia  Burgia.  Mme  Marie  Battu  s'est  surtout  distinguée  dans  le  rondo 
final  de  Don  Pasquale,  et  elle  y  aurait  été  vivement  applaudie,  si  les  ap- 
plaudissements étaient  d'usage  à  la  Cour.  EKtre  les  deux  parties  du 
concert,  LL.  MM.  l'Empereur  et  l'Impératrice  ont  daigné  s'entretenir 
avec  chaque  artiste.  M.  Franchomme,  seul  iustiumentiste  admis  parmi 


lh~ 


DE  PARIS. 


&7 


tons  ces  chanteurs,  avait  joué  une  fantaisie  sur  la  romance  de  la  Rose 
de  Marta ,  e)  les  élèves  du  Conservatoire  avaient  fort  bien  rendu  un 
chœur  des  Lombardi. 

^%  Berlioz  est  sur  le  point  de  partir  pour  Weimar,  où  il  doit  prési- 
der à  la  représentation  de  son  opéra,  Béatrice  et  Bénédict,  qui  doit  y 
être  exécuté  pour  la  fête  du  grand  duc. 

^%  La  maison  frères  Schott  vient  de  publier  l'œuvre  symphonique  de 
notre  savant  collaborateur  M.  Fétis.  Après  avoir  constaté  la  loi  psycholo- 
gique des  transformations  de  l'art  et  démontré  scientifiquement  que 
l'art  actuel  ne  peut  être  que  le  développement  naturel  de  l'art  ancien, 
le  savant  musicologue  a  voulu  compléter  la  démonstration  par  des  ar- 
guments d'un  autre  genre  et  tout  à  fait  péremptoires.  n'est-ce  pas  en 
marchant  que  l'on  affirme  le  mieux  le  mouvement  ?  M.  Fétis  a  donc  re- 
pris la  plume  du  compositeur,  délaissée  par  le  théoricien,  et  il  a  mis  au 
jour,  pour  ainsi  dire  coup  sur  coup,  les  deux  symphonies,  les  deux 
quintettes  et  le  sextuor  que  publient  MM.  Schott  frères.  L'accueil  en- 
thouiaste  fait  par  le  public  à  ces  ouvrages  est  la  meilleure  preuve  de 
l'excellence  de  la  théorie.  Seules  les  œuvres  qui  se  trouvent  dans  les 
vraies  conditions  de  l'art,  rencontrent  ainsi  l'assentiment  général. 

,**  A  l'une  des  dernières  soirées  de  M.  le  comte  de  Nieuwerkerke, 
Mlle  CaussemiUe,  la  jeune  et  brillante  pianiste,  s'est  fait  entendre  avec 
beaucoup  de  succès.  Elle  a  joué  un  nocturne  et  une  étude  de  Chopin,  le 
galop  d'Ascher,  et  une  fantaisie  due  à  sa  composition,  sur  la  Som- 
nambule. 

^*^  Au  dernier  concert  du  cirque  Napoléon ,  la  marche  turque  de 
Mozart,  orchestrée  par  M.  Pascal,  a  produit  beaucoup  d'effet,  et  on  l'a 
redemandée.  L'allégretto  de  Mendelssohn,  empreint  d'une  tristesse 
charmante,  avait  été  aussi  fort  goûté.  Dans  l'exécution  des  symphonies 
d'Haydn  et  de  Beethoven,  l'orchestre  a  montré  son  ensemble  ordinaire. 

»*^  Vendredi  prochain  aura  lieu,  au  théâtre  Italien,  une  grande  re- 
présentation, organisée  par  la  société  allemande  de  bienfaisance  au 
profit  de  ses  pauvres.  La  danse  sera  représentée  par  Mlle  Friedberg, 
danseuse  russe;  Mlles  Schlœsser,  Parent,  Stoïkoff  et  Fiocre  deuxième,  de 
l'Opéra. 

t*,  L'Association  des  sociétés  chorales  de  la  Seine,  présidée  par 
M.  Delafontaine,  a  donné  dimanche  dernier  une  brillante  séance  à  la 
salle  Barthélémy.  Parmi  les  pièces  les  plus  applaudies,  nous  citerons  le 
Tyrol,  d'Ambroise  Thomas,  et  l'Hymne  des  laboureurs,  de  Georges  Kastner. 
Exécutée  pour  la  première  fois  par  le  choral  de  l'Odéon,  celte  nouvelle 
composition  de  l'auteur  des  Chants  de  la  vie  a  produit  le  plus  charmant 
effet.  On  a  surtout  remarqué  le  duo  de  ténor  et  de  baryton,  ainsi  que 
la  reprise  du  double  quatuor  de  cette  heureuse  inspiration.  Il  est  im- 
possible d'être  plus  simple  et  à  la  fois  plus  varié  que  Georges  Kastner  ne 
l'a  été  dans  cette  composition,  dont  les  paroles  imagées  sont  de  M.  H. 
Vialon.  Déjà  plusieurs  sociétés  de  Paris  et  de  la  province  se  sont  em- 
pressées d'adopter  VBijmne  des  laboureurs  comme  un  chœur  de  première 
division  du  plus  haut  goût. 

^**  Aujourd'hui  dimanche,  à  2  heures,  au  Cirque  Napoléon,  cinquième 
concert  populaire  de  musique  classique  (dernière  série),  sous  la  direc- 
tion de  Pasdeloup.  1"  Symphonie  pastorale  de  Beethoven  ;  2°  adagio  en 
mi  majeur  d'un  quatuor  d'Haydn;  3°  le  Comte  d'Egmont,  tragédie  de 
Goethe,  musique  de  Beethoven  ;  h"  ouverture  de  Zampa. 

,*^  il.  Alexandre  Billet  annonce  deux  matinées  musicales  dans  les  sa- 
lons de  MM.  Pleyel,  Wolff  et  0°,  les  vendredis  27  mars  et  10  avril.  Avis 
aux  amateurs  de  bonne  musique. 

***  Le  Guide  musical  annonce  que  M.  Gevaert  vient  d'achever  la  mu- 
sique de  l'opéra-comique  en  trois  actes,  dont  M.  V.  Sardou  a  écrit  les 
paroles  et  qui  doit  être  représenté  au  commencement  de  l'hiver  prochain. 

^%  Jeudi  dernier,  deux  quatuors  de  J.  Rosenhain  ont  été  exécutés 
devant  un  auditoire  intime  dont  un  illustre  compositeur,  Rossini,  n'a- 
vait pas  dédaigné  de  faire  partie.  En  écoutant  ces  deux  œuvres  diffé- 
rentes d'époque  et  de  caractère,  mais  si  fidèles  aux  traditions  de  la 
grande  école,  on  aurait  pu  les  prendre  pour  quelques  productions  per- 
dues et  retrouvées  des  maîtres  du  genre  dont  J.  Rosenhain  est  le  conti- 
tinuateur  excellent.  J.  Becker,  qui  tenait  le  premier  violon,  s'est  ac- 
quitté de  sa  tâche  avec  un  admirable  talent  de  virtuose  et  de  musicien 
habile  à  pénétrer  les  moindres  secrets  d'une  composition  musicale. 

,*,  Nous  annonçons  et  recommandons  quatre  œuvres  nouvelles  pour 
orgue  :  Olfertoire  du  saint  jour  de  Pâques,  composé  sur  le  chant  de 
VO  Fila,  trois  offertoires  et  trois  communions,  de  M.  Edouard  Batiste, 
professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique.  Ces  remarquables 
compositions  du  célèbre  organiste  de  Saint-Eustache  sont  publiées  chez 
Simon  Richault. 

a,*,,  Aujourd'hui ,  à  2  heures ,  au  cirque  des  Champs-Elysées  ,  grand 
festival  choral  au  profit  des  ouvriers  cotonniers,  par  les  sociétés  cho- 
rales  de  Paris,  de  la  Seine,  et  plusieurs  orphéons  des  départements. 

**»  M.  Bessems  donnera  une  séance  musicale  le  6  avril,  à  8  heures  du 
soir,  dans  les  salons  d'Erard  ;  on  y  entendra,  outre  les  instrumentistes 
les  plus  distingués,  Mlle  Trebelli  pour  le  chant. 

,■"*  Le  pianiste-compositeur  Charles  Wehle,  accompagné  du  violon- 
celliste Fery  Kletzer,  nous  quitte  pour  un  grand  voyage  artistique  dans 


l'extrême  Orient.  Avant  leur  départ,  ces  intéressants  artistes  ont  eu 
l'honneur  de  se  faire  entendre  dans  les  salons  du  prince  Metternich. 
MM.  Wehle  et  Kletzer  se  rendent  d'abord  à  Marseille,  Alger,  Tunis, 
Malte,  Alexandrie  et  le  Caire.  Nous  les  suivrons  dans  leur  tournée  ar- 
tistique. 

.^,'*^  Jeudi  26  mars,  une  messe  solennelle  à  grand  orchestre  de  Camille 
Schubert  sera  exécutée  à  Saint-Eustache ,  au  profit  de  la  Caisse  des 
écoles.  Mlle  Marie  Sax,  MM.  Cazaux  et  Warot  chanteront  les  soli; 
M.  Hurand  conduira  l'orchestre,  et  M.  Batiste  tiendra  le  grand  orgue. 

^*^  La  partition  piano  et  chant  du  Dilettante  d'Avignon,  la  premèire 
d'œuvre  d'Halévy,  paraîtra  le  17  de  ce  mois,  jour  anniversaire  de 
la  mort  de  son  illustre  auteur.  L'éditeur  Adolphe  Catelin  fait  précéder 
cette  puDlication  d'une  notice  complète  sur  ce  maître  tant  regretté. 

,t*^  C'est  samedi  21  mars,  à  la  salle  du  Casino,  qu'a  lieu  le  concert 
annuel  au  bénéfice  d'Arban.  L'orchestre  qu'il  dirige  avec  tant  d'autorité 
et  d'habileté,  sera  composé  de  cent  vingt  musiciens.  Le  programme  est 
des  plus  riches  et  se  distingue  autant  par  la  nouveauté  des  morceaux 
que  par  leur  valeur.  Ainsi  on  y  entendra,  par  deux  orchestres,  la  marche 
composée  par  Meyerbeer  pour  le  couronnement  du  roi  de  Prusse  ;  la 
grande  fantaisie  composée  par  Arban  sur  la  Muette  de  Portici  ;  le.  Carnaval 
à  Rome,  symphonie  descriptive,  composée  exprès  par  M.  Jean  Conte, 
premier  prix  de  Rome  de  18S5,  et  dont  on  dit  le  plus  grand  bien  ;  un 
nouvel  et  entraînant  quadrille  sur  Stradella,  composé  par  Arban;  un 
caprice  et  des  variations  exécutés  par  lui  sur  le  cornet  à  pistons,  et  bien 
d'autres  choses  encore.  Tels  sont  les  éléments  qui,  avec  le  talent  du 
bénéficiaire  et  les  sympathies  qu'il  inspire,  rempliront  et  au  delà  la 
vaste  salle  du  Casino. 

t^*^  Un  nouveau  morceau  de  J.  Herz  pour  le  piano,  Consolation,  vient 
de  paraître  chez  l'éditeur  Hiliard. 

^*»  Mignon  regrettant  sa  patrie  est  une  charmante  composition  dans 
laquelle  Mme  la  vicomtesse  de  Renneville  a  traduit  en  vers  élégants  la 
chanson  de  Goethe.  Sur  ce  texte,  M.  Robertî  a  écrit  une  mélodie  qui 
en  double  la  valeur. 

^*»  Notre  excellent  contre-bassiste  A.  Gouffé  donnera  mercredi 
prochain,  18  niars,  son  concert  annuel,  dans  les  salons  Pleyel-Wolff,  à 
2  heures  très-précises,  MM.  Guerreau,  A.  Rignault,  Casimir  Ney,  Lebouc 
et  Mme  Béguin-Salomon  concourront  à  cette  séance,  dans  laquelle  on 
entendra  des  fragments  d'un  quintette  de  M.  E.  Walckiers,  un  quin- 
tette de  Mozart,  des  fragments  d'un  quatuor  de  G.  Onslow,  un  air  varié 
pour  le  violoncelle,  de  Weber,  un  quatuor  d'A.  Blanc,  deux  mélodies 
pour  le  violon,  de  Robberechts,  un  solo  de  piano.  En  outre,  le  béné- 
ficiaire exécutera  sur  la  contre-basse  une  sicilienne  de  sa  compo- 
sition. 

^*t,  C'est  vendredi  prochain,  20,  dans  la  salle  Herz,  que  Joseph 
Wieniawski  donnera  le  grand  concert  que  nous  avons  annoncé.  En  voici 
le  programme  :  1°  sonate  en  la  mineur,  d'A.  Rubinstein,  pour  piano  et 
violon,  exécutée  par  Wieniavt'ski  et  Sighicelli  ;  2°  Récitatif  et  air  de 
l'opéra  Acis  et  Galathèe  de  Haendel,  chantés  par  Marchesi  ;  3"  menuet 
de  Beethoven,  prélude  n°  1  de  Mendelssohn,  et  mazurka  de  Wieniawski, 
exécutée  par  lui  pour  la  première  fois  ;  k°  sonate  (op.  22),  en  si  mineur, 
de  Wieniawski;  5°  le  Soldat,  le  Cracovien,  romances  chantées  par  Mar- 
chesi ;  6»  thèmes  et  variations  pour  deux  pianos,  par  Mmes  Massart  et 
Wieniawski. 

CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 


,1,*:^  Orléans.  —  La  société  de  Sainte-Cécile  vient  de  docner  son  on- 
zième concert,  dans  lequel  se  sont  fait  entendre  MM.  de  Vroye  et  Mor- 
tier. Ce  dernier,  qui  possède  une  voix  de  ténor  des  plus  sympathiques, 
a  parfaitement  dit  l'air  de  la  Beine  d'un  jour,  et  le  duo  des  Dragons  de 
Villars,  avec  Mme  Lhuillier,  ainsi  que  deux  jolies  romances.  M.  de  Vroye 
a  joué  les  variations  sur  le  Carnaval  de  Venise,  de  Demersmann.  Ap- 
plaudi, rappelé,  M.  de  Vroye  a  bien  voulu  encore  exécuter  une  simple 
et  délicieuse  romance,  dans  laquelle  il  a  su  donner  à  son  instrument 
tout  le  charme  de  la  voix.  Des  fragments  de  la  symphonie  de  Beetho- 
ven (en  ut  mineur),  des  chœurs  de  Judas  Machabée,  Guillaume  Tell,  et 
quelques  chansonnettes ,  complétaient  un  programme  des  plus  at- 
trayants. 

,1,*^:  Bordemiac.  —  Lalla-Roukh  vient  de  recevoir  un  mauvais  accueil 
sur  notre  Grand  Théâtre.  Dès  la  quatrième  représentation  la  salle  était 
vide  ;  on  reproche  à  la  musique  de  cet  opéra  de  n'être  pas  assez  dra- 
matique. L'interprétation  en  a  cependant  été  excellente,  et  la  direc- 
tion l'avait  monté  avec  beaucoup  de  soin. 

,,*„,  Nice.  —  Nous  avons  eu  dernièrement  un  très-beau  concert  donné 
par  l'éminent  violoncelliste  Casella,  avec  le  concours  de  MMes  d'Arbo- 
ville,  Peschel,  de  MM.  Sasserno,  Perny.  Guidi  et  Henry.  La  salle  était 
comble,  le  programme  des  plus  riches  et  le  succès  à  l'avenant.  On  a 
redemandé  avec  acclamations  le  quatuor  de  Rigoletto  pour  violoncelle, 
orgue  et  piano,  exécuté  par  l'auteur,  M.  Cazella,  Cuidi  et  Perny. 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 

»*4  Bruxelles.  —  Vendredi,  on  a  repris  au  théâtre  de  la  Monnaie  les 
Diamants  de  la  couronne,  une  des  plus  charmantes  inventions  de  Scribe 
et  l'une  des  partitions  les  mieux  inspirées  d'Auber.  Notre  public  lui  a 
fait  le  meilleur  accueil,  et  Jourdan,  Aujac,  Borsary  et  Mlle  Cèbe  y  ont 
vaillamment  contribué  pour  leur  part.  On  nous  annonce  encore  les 
prochaines  représentations  de  l'Eloik  du  Nord  et  de  Martha,  qui  ne 
seront  pas  moins  bien  reçues. 

t**  Berlin.  —  Au  théâtre  royal  de  l'Opéra,  a  eu  lieu  une  matinée 
au  profit  des  artistes  des  chœurs  de  ce  théâtre.  On  y  a  surtout  ap- 
plaudi Mlle  Artot,  qui  a  chanté  avec  Formés  un  duo  ûe  Blangini  ;  Si- 
vori,  Mlle  Luoca  et  Mlle  de  Ahna  ont  également  prêté  à  cette  solennité 
le  concours  de  leur  talent. 

,**  \'ienne.  —  Adelina  Patti  poursuit  ici  le  cours  de  sei?  succès  ; 
l'enthousiasme  du  public  va  croissant,  si  c'est  possible,  à  mesure  que 
le  talent  de  cette  merveilleuse  artiste  se  montre  sous  de  nouveaux  as- 
pects. Dans  le  rôle  de  Rosine,  du  Barbiere,  elle  a  ravi  l'auditoire,  dont 
l'admiration  ne  pouvait  se  contraindre  ;  plus  d'une  fois  un  tonnerre 
d'applaudissements  intempestifs  a  éclaté  au  milieu  du  plus  beau  passage. 
Zachi  est  très-bien  dans  le  rôle  de  Figaro.  Quant  k  Carrion  (Alraaviva), 
il  est  du  petit  nombre  des  chantsurs  actuels  qui  nous  donnent  une  idée 
des  beaux  jours  de  la  période  rossinienne.  On  pense  qu'après  le  Barbiere, 
le  Carltheater  donnera  Don  Pasquale. — Pour  le  mois  de  juillet  on  attend 
Mlle  de  Tietjens,  qui  donnerait  des  représentations  à  ce  théâtre. 

**»  Darmstadt.  —  Le  célèbre  ténor  Niemann  a  terminé  ses  représen- 
tations par  le  rôle  de  Rienzi ,  dans  l'opéra  de  'Wagner  :  on  attend 
Wachtel,  qui  vient  d'obtenir  un  si  beau  succès  à  Berlin  dans  les  Huguenots 
et  dans  le  Prophète. 

^*\f  Muyence.  —  Le  ténor  Wachtel  donne  des  représentations  au  théâ- 
tre de  la  ville.  Ses  débuts  dans  le  rôle  du  postillon  de  Longjumeau  ont 
été  des  plus  brillants. 

^*^  Florence.  —  Le  maestro  Vincenzo  Moscuzza  vient  d'obtenir  un 
grand  triomphe  au  théâtre  delà  Pergola  avec  son  opéra  Piccarda  Donati, 
dont  on  vient  de  donner  la  première  représentation.  Cette  œuvre  ren- 
ferme des  beautés  de  premier  ordre  et  qui  témoignent  d'une  grande 
connaissance  do  l'art.  Les  époux  Tiberini  en  ont  été  les  principaux  in- 
terprètes, et  on  les  a  forta  pplaudis. 

,;,*,,  Rome. —  Deux  magnifiques  soirées  musicales,  organisées  au  profit 
des  incendiés  du  théâtre  Alibect,  ont  rempli  la  vaste  salle  du  théâtre 
Argentina.  Le^  sœurs  Marchisio,  Ronzi,  .'iquarcia  et  une  foule  d'autres 
artistes  s'étaient  empressés  d'y  apporter  le  tribut  de  leur  talent.  On  y  a 
exécuté  admirablement  la  première  partie  du  Stabat,  de  Kossini;  le  duo 
de  cette  œuvre  pour  soprano  et  contralto  e.xécuté  par  les  sœurs  Mar- 
chisio, et  la  cavatine  d'Isabelle,  de  Robert  le  Diable,  chantée  par 
Mme  Arancio-Guerrini,   ont  été  les  morceaux  les  plus  applaudis. 

^*,f  Naples.—  L'opposition  qu'avait  rencontrée  d'abord  Mme  Titjens  à 
Naples,  a  fait  place  à  l'enthousiasme.  Dix  représentations  successives 


de  la  Lucrezia  ont  valu  à  la  célèbre  cantatrice  un  véritable  triomphe. 
Elle  a  dû  avant-hier  bisser  sa  cavatine  Wodi,  ah!  rriodi,  aux  acclama- 
tions de  la  salle  entière. 

^*»  Oporto.  —  Nous  avons  eu  ces  derniers  soirs  une  belle  représen- 
tation au  bénéfice  de  notre  excellent  baryton  Buti.  11  avait  choisi  pour 
cette  solennité  la  Marta,  dont  huit  représentations  successives  ont  con- 
sacré le  succès.  Mmes  Julienne  Dejean  et  Marini,  MM.  Bignardi  et  Buti 
s'y  sont  surpassés,  et  l'on  a  fait  à  Buti  une  véritable  ovation.  —Sous  très- 
peu  de  jours  nous  aurons  un  nouvel  opéra,  Béatrice  di  Portogallo,  dû  à 
un  de  nos  compatriotes,  Francisco  Novonha. 


Voici  la  liste  des  principaux  concerts  annoncés  jusqu'à  la  fin  de  ce 
mois  ;  le  défaut  d'espace  ne  nous  permet  pas  de  faire  une  mention 
particulière  de  chacun  d'eux  : 

15  mars.  Salons  Erard.  Matinée  musicale  de  M.  Ten  -  Brinck,  composi- 

teur hollandais  ;  audition  de  ses  compositions. 

16  —      Salle  Herz.  Grand  concert  de  M.  Ben-Tayoux,  compositeur. 

16  —      Salons  Pleyel-Wolïf.  Deuxième  soirée  musicale  de  Mme  Szar- 

vady,  avec  le  concours  de  Mme  Clara  Schumann, 
Mlle  Lorch,  MM.  Maurin  et  Chevillard;  morceaux  à 
quatre  mains  par  Mmes  Szarvady  et  Schumann. 

17  —      Salle  Herz.  Concert  de  Mlle  Louise  Murer,  élève  de  Prudent, 

qui  exécutera  plusieurs  compositions  de  son  maître, 
de  Beethoven  et  de  Mendelssohn. 

17  —      Salons  Pleyel.  Concert  donné  par  W.  Goldner. 

18  —      Id.      Concert  avec  orchestre  de  Bernhard  Rie,  avec   le  con- 

cours de  Mme  0.  Comettant. 

49  —  Id.  Concert  de  Mlle  Sabatier-Blot  au  profit  des  ouvriers  co- 
tonniers; le  Corsaire,  opérette  de  Mlle  Sabatier-Blot. 

20  —  Salons  Erard.  Concert  de  M.  Ferd.  Schoen,  pianiste  compo- 
siteur. 

23  —      Salle  Herz.  Concert  d'Aug.  Durand,  organiste  de  .Saint-Roch, 

avec  le  concours  de  MM.  B.  Bandarali,  Badiali,  de 
Bériot  et  Sighicelli  ;  transcription  de  l'ouverture  de 
la  Sirène  pour  orgue,  et  trio  pour  piano,  orgue  et 
violon  sur  la  première  romance  de  Mendelssohn  par 
le  bénéficiaire. 

24  —      Salle  du  Louvre.  Dernier  concert   à  grand  orchestre  sous  la 

direction  de  Lilolfi',  de  Madeleine  Graever. 
28    —      Salons  Erard.  Soirée  de  Theresa  VVartel  :  1™  partie,  musique 
de    chambre  ;   2"   partie ,    Antipathie ,    comédie    de 
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ICoreaax  (Ch.).  L'Amour  et  l'Amitié  (fabliau  de  Blllevoye),  deux  tons  2  50 

HAÏMES. 

Boullard  (V.).  Fifres  et  clairons,  polkas 3     » 

—  Turf-Polka 5    » 

Talexy  (A.).  Bella  Maria,  polka 5     » 

liC  Corbeiller  (Ch.).  La  Première  Gerbe,  valse 5    » 

Julfano  (A. -P.).  La  Fête  au  hameau  (très-facile),  quadrille.    .  U  50 

IVacbs  (F.).  Le  Tourbillon,  quadrille 4  50 

lUatbien  (fils.).  Déesse,  polka-mazurka 5    » 


ALPHONSE    SA2C    (JUNIOR) 


Facteur  et  Ins^ènienr  en  instraments  de  Uusique 

MAIVUFACTURE  D'INSTRUMEIVTS  EIV  CUIVRE  ET  EIV  ROIS 

B!V  TOUS  «EMBES,    EW  TOUTES  FORMES  ET  DANS  TOUS  liES  TOIVS 

HARMONIE  et  FANFARE.  —  Rue  d'Abheville ,  5  bis,  Paris,  près  de  la  place  Lafayette.  —  Belle  Salle  de  300  personnes  pour  Concerts  et  Répétitions. 
16  Brevets  d'Invention  ou  de  perfectionnement.  —  Commission.  —  Exportation. 

Breveté  de  S.  M.  l'Empereur  des  Français.  —  Grand  brevet  de  S.  M.  la  reine  d'Angleterre.  —  Breveté  de  S.  M.  le  roi  des_  Belges.  —  2ni=  prix  en  1838.  —  1"  prix 
en  ISdl.  —  Prix  d'honneur,  médaille  d'or,  en  1843.  —  Médaille  d'argent  à  l'Exposition  de  Paris,  IS^It.  —  I6E1.EGUE  par  le  gouvernement  belge  pour  visiter 
l'Exposition  universelle  de  Londres,  en  1851.  —  Exposition  universelle  de  Paris,  1855,  les  plus  belles  pages  du  Rapport  officiel,  27"°  Classe,  pages  1835-1336.  — 
Exposition  universelle  de  Londres,  1862,  PHIZK  iVEUAL,  avec  cette  mention  :  POUR  EXCEI.I.EWCE  DE  TOUTE  ESPECE  D'INSTRUMENTS  DE  CUIVRE. 
—  .Membre  de  l'INSTITlIT  POLYTECHNIQVe  de  Paris,  membre  de  l'ASSOCIATION  INTERNATIONALE  POUR  LE  PROGRÈS  DES  SCIENCES  SOCIALES. — 
MEDAILLE  D'OR  et  Membre  du  CORPS  SCIENTIFIQUE  DE  L'HOTEL  DE  VILLE  DE  PARIS. 


PABIS.  —  IMpninERIl 


:  DE  NAPOLÉON  CHAIX  ET  Cj 


LE  BEAGÉRE,   20. 


BUREAUX    A    PARIS  :    BOULEVARD   DES   ITALIENS,    I. 


30«  Année. 


ON  S'ABONNE  t 

Dans  les  Déportemonts  et  à  l'Étranger,  chez  tous 
les  Marchands  de  ïlusique,  les  Libraires,  et  aux 
Bureaux  des  Ucssagerics  et  des  Postes. 


1V°  12. 


REVUE 


22  Mars  1863. 


PRIS  DE  L'ABONNEUENT  : 

Poris Silr.patal 

UL'purtcniuuls,  Belgique  el  Suisse —     30"       id- 

Élranger 31  "       '*• 

Le  Journal  paruU  le  Diiuunchc. 


GAZETTE  MU 


— ^A/uw\/\Afjwv— 


SOMMAIRE.  —  F.  Halévy  ;  Souvenirs  d'un  ami  pour  joindre  à  ceux  d'un  f  rère  ;  à 
M.  Léon  Halévy,  par  Edouard  lUonnais.  —  Théâtre  impérial  de  l'Opéra  : 
début  de  M.  Villaret.  —  Auditions  musicales,  par  Adolphe  Botte.  —  Nou- 
velles et  annonces. 


F.  HALÉVY. 

[Souvenirs    d'un  ami  pour  Joindre  A  ceux  d'an  frère. 

A.  M.  LÉON  HALÉVY. 

Encore  deux  jours,  mon  cher  Léon,  et  une  année  entière  se  sera 
écoulée  depuis  que  nous  avons  conduit  à  sa  dernière  demeure,  au 
milieu  d'un  deuil  national,  vous,  le  frère ,  moi,  l'ami  que  nous 
avons  tant  aimé  !  Rien  ne  lui  aura  manqué  des  hommages  dus 
aux  grands  artistes  qui  ont  pris  rang  parmi  les  illustrations  de 
leur  pays  et  de  leur  siècle.  En  attendant  que  sa  statue  s'élève 
sur  le  monument  consacré  à  sa  mémoire,  son  portrait  historique 
a  été  largement  tracé ,  au  sein  de  l'Académie ,  par  l'homme 
éminent  qui  lui  a  succédé  comme  secrétaire  perpétuel  ;  mais  à 
côté  de  cette  image  en  quelque  sorte  officielle,  vous  avez  voulu 
en  esquisser  une  autre  plus  délicate,  plus  intime.  J'ignorais  en- 
core votre  intention  pieuse,  lorsque,  de  mon  côté,  pressé  par  ce 
devoir  triste  et  doux  qui  nous  oblige  à  recueillir  tout  ce  qui  nous 
reste  de  ceux  que  nous  pleurons,  à  ramasser  en  un  faisceau  toutes 
nos  chères  épaves,  je  vous  demandais  quelques  détails  sur  votre  fa- 
mille. Je  tenais  à  savoir  quelle  part  il  fallait  faire  aux  influences  dans 
l'éducation,  dans  la  vocation  de  votre  illustre  frère.  Il  m'avait 
souvent  parlé  de  votre  père  comme  doué  d'un  esprit  distingué,  de 
facultés  rares,  mais  sans  me  dire  précisément  quel  eu  avait  été  l'em- 
ploi. En  m'apportant  les  lumières  dont  j'avais  besoin,  votre  lettre 
m'apprit  que  nous  nous  étions  rencontrés  dans  le  projet  de  consigner 
par  écrit  de  précieux  souvenirs.  Je  sentis  aussitôt  que  c'était  à  vous 
de  marcher  le  premier,  à  moi  de  suivre  vos  traces.  Vous  avez 
rempli  votre  tâche,  mon  cher  Léon,  et  s'il  ne  s'agissait  ici  d'un 
tout  autre  sentiment  que  celui  de  l'amour  -  propre  ,  vous  l'avez 
remplie  de  façon  à  me  détourner  d'entreprendre  la  mienne.  Je  l'es- 
sayerai pourtant,  mais  dans  la  mesure  la  plus  modeste.  Tout  le  monde 
a  lu  avec  un  vif  intérêt  les  pages  touchantes  où,  sous  le  titre  de  : 
Simples  récits,  Impressions  personnelles,  vous  avez  écrit  la  biogra- 
phie complète  de  votre  frère,  apprécié  ses  oeuvres,  indiqué  les 
rapports  qui    ont    rapproché    votre  existence    de    la    sienne.    Ce 


qui  me  reste  à  dire  est  bien  peu  de  chose,  et  ce  peu  de  chose 
pourrait  bien  n'avoir  de  valeur  que  pour  moi.  N'importe!  C'est  une 
espèce  de  bout  de  l'an  que  je  célébrerai  en  quelques  ligues  commé- 
moratives  d'une  journée  fatale,  dont  la  douleur  se  prolonge  et  se  pro- 
longera toujours  avec  une  force  égale  entre  nous  deux.  Nitlli  flebilior 
quam  iibi,  quam  mihi  ! 

La  plupart  dos  musiciens  célèbres  sont  nés  en  pleine  musique  : 
lorsqu'un  enfant  survient  dans  ces  familles  prédestinées,  il  n'y  a  rien 
de  changé,  si  ce  n'est  qu'on  y  compte  une  voix  ou  un  instrument  de 
plus.  Pour  votre  frère,  il  n'en  fut  pas  ainsi,  et  c'est  ua  argu- 
ment à  l'appui  d'un  instinct  qui  s'éveilla  presque  de  lui-même,  et 
pour  se  développer,  se  passa  des  excitations  d'une  serre  chaude 
domestique  :  «  Notre  père.  Elle  Halévy,  m'écriviez-vous  dans  votre 
réponse  à  mes  questions,  était  un  homme  très-hoiioré  parmi  les  Is- 
raélites pour  son  caractère  et  pour  sa  science;  mais,  je  dois  le  dire, 
celte  science  était  toute  spéciale.  11  était  profond  hébraïsant  et  très- 
versé  dans  les  connaissances  talmudiques.  Il  avait  fondé  en  1818,  de 
concert  avec  quelques  Israélites  de  Paris,  un  journal  ou  Revue  men- 
suelle. Intitulé  l'Israélite  français,  qui  avait  pour  épigraphe  cette 
belle  parole  de  l'Ecriture  :  tiens  au  pays  et  conserve  ta  foi,  parole 
qui  semble  résumer  l'avenir  universel  du  peuple  juif.  Poëte  hébraïque 
très-renommé,  il  eut  toute  sa  vie  l'estime  del'illustre  orientaliste  Silves- 
tre  de  Sacy  (père  de  l'académicien  d'aujourd'hui),  qui  l'honora  d'une 
constante  amitié  et  d'un  Intérêt  qu'il  voulut  bien  reporter  sur  moi- 
même  pendant  tout  le  cours  de  mes  études  universitaires.  Notre  père, 
très-ardent  pour  l'émancipation  intellectuelle  de  ses  coreligionnaires, 
que  la  révolution  avait  fait  citoyens,  ne  prit  pas  à  notre  instruction 
une  part  directe  :  la  spécialité  de  ses  connaissances  ne  le  permet- 
tait pas  ;  mais  il  se  dévoua  entièrement  à  notre  éducation,  et,  quoi- 
que ruiné  par  une  malheureuse  entreprise  commerciale,  il  fit  les  plus 
grands  sacritices  pour  vouer  ses  deux  fils  aux  études  et  aux  profes- 
sions libéi'ales.  » 

Elie  Halévy  était  né  à  Furth,  petite  ville  de  Bavière,  près  de  Nu- 
remberg, mais  la  France  devint  sa  seconde  patrie.  Julie  Meyer,  sa 
femme,  était  Lorraine  :  elle  avait  vu  le  jour  dans  le  village  de  Malze- 
ville,  près  de  Nancy.  Comme  vous,  mais  environ  trois  ans  plus  tôt, 
votre  frère,  Jacques-Fromental-Elie,  vint  au  monde  à  Paris.  Il  naquit, 
le  27  mai  1799,  dans  une  de  ces  maisons  de  la  rue  Neuvcdes- 
Malhurins  qui  viennent  d'être  abattues  pour  laisser  le  terrain  libre 
au  nouvel  Opéra.  Par  une  coïncidence  bizarre,  c'est  aussi  dans  une 
de  ces  maisons  disparues  du  sol,  qu'il  se  maria  en  1842  avec  Mlle  Léo- 
nie  Rodrigues.  Si  rien  de  musical  n'apparaît  auprès  de  son  berceau, 
j'aperçois,  au  contraire,  dans  ses  traditions  et  ses  habitudes  de  fa- 


90 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


mille,  dans  l'exemple  paternel,  l'explication  de  ce  penchant  qui 
Tenlrainera  plus  tard  vers  l'étude  des  lettres,  des  sciences  et  des 
divers  idiomes  morts  ou  vivants.  Mais  ce  qui  ût  de  lui  un  musicien, 
ce  qui  lui  révéla  son  génie,  ce  fut,  comme  vous  l'avez  remarqué,  un 
pur  effet  du  hasard. 

«  La  vocation  de  mon  frère,  disiez-vous,  se  prononça  de  très-bonne 
heure  et  fut  déterminée  par  une  circonstance  singulière.  La  première 
pension  oîi  nous  fûmes  placés  (car  je  ne  parle  pas  d'une  petite 
école,  enclos  du  Temple,  où  nous  reçûmes  force  coups  de  férule  et 
quelques  notions  de  grammaire)  était  un  externat  dirigé  par  un 
nommé  Cazot,  dont  le  fils,  musicien,  avait  remporté  le  premier  prix 
de  fugue  et  de  contre-point  au  Conservatoire.  Il  y  était  répétiteur  de 
solfège.  Il  remarqua  les  brillantes  dispositions  musicales  du  jeune 
élève  de  son  père,  et  le  fit  entrer  dans  sa  classe  au  Conservatoire, 
en  1809.  Je  crois  que  de  toute  façon  mon  frère  aurait  été  ce  qu'il 
devint  plus  tard,  mais  il  n'en  est  pas  moins  vrai  qu'il  y  eut  quelque 
chose  de  providentiel  dans  ce  hasard,  qui  avait  mis  dans  le  voisi- 
nage de  notre  père  (nous  demeurions  alors  rue  Michel-le-Comte,  et 
la  pension  était  rue  du  Chaume,  vis-à-vis  des  Archives)  un  maître  de 
latin  ayant  un  fils  répétiteur  de  solfège  et  lauréat  musical  du  Con- 
servatoire. » 

Ce  lauréat  du  Conservatoire  devait  être  aussi  celui  de  l'Institut  ; 
il  remporta  en  1812  le  grand  prix  de  composition  musicale  ;  Hérold 
l'obtint  en  partage  avec  lui  dans  le  même  concours,  et  Halévy, 
l'élève  de  Cazot,  le  méritait  sept  ans  après,  en  1819.  Hérold,  Cazot, 
Halévy  !  quel  assemblage  de  noms  et  quel  contraste  !  que  de  rayons 
et  que  d'ombre!  C'est  que,  nous  le  savons  trop,  le  voyage  de  Rome 
n'est  qu'une  épreuve,  et  le  plus  difficile  après  tout ,  ce  n'est  pas  d'y 
aller,  mais  d'en  revenir. 

Halévy  ne  partit  pour  l'Italie  qu'en  1820.  La  mort  prématurée  de  votre 
mère  l'avait  retenu  à  Paris,  et,  avant  son  départ,  il  fit  exécuter  dans  le 
temple  israélite  un  De  profundis  à  grand  orchestre  pour  la  mort  du 
duc  de  Berry.  Ce  morceau  fut  gravé,  dédié  à  Cherubini,  qui  l'avait 
initié  aux  mystères  du  contre-point.  Halévy,  qui  devait  en  ouvrir 
l'accès,  en  enseigner  les  détours  5  tant  d'autres,  m'a  souvent  avoué 
qu'il  avait  eu  des  peines  inouïes  à  y  faire  ses  premiers  pas.  A  cette 
époque,  il  était  déjà  professeur  adjoint  de  solfège  au  Conservatoire, 
comme  l'avait  été  ce  Cazot,  son  ancien  mtîlre,  et,  pour  suspendre 
ses  fonctions,  sans  perdre  son  titre,  il  se  munit  d'un  congé.  Pendant 
son  séjour  en  Italie,  en  Allemagne,  s'il  ne  montra  pas  pour  le  travail 
une  ardeur  excessive ,  il  ne  resta  pas  non  plus  oisif.  A  Naples,  il 
écrivit  trois  airs  de  ballet  pour  le  théâtre  San  Carlo,  et  trois  canzo. 
nette  en  dialecte  napohtain,  qu'il  dédia  à  l'une  de  vos  sœurs. 

En  1822,  à  Vienne,  il  composa  une  ouverture  h  grand  orchestre, 
un  psaume  à  grand  orchestre  et  à  deux  chœurs,  et  le  finale  d'un 
grand  opéra  italien  :  Marco  Cursio.  A  Rome,  il  s'était  lié  avec  Ros- 
sini.  A  Vienne,  il  avait  entrevu  Beethoven,  et  c'était  assurément  l'un 
des  avantages  les  plus  grands  qu'il  eût  retirés  de  son  voyage. 

En  revenant  à  Paris,  il  lui  arrive  ce  qui  arriva  à  tous  les  lauréats 
de  Rome:  pendant  son  absence,  les  ténèbres  un  instant  dissipées  par 
l'éclat  d'une  couronne  académique ,  s'étaient  refaites  autour  de  lui. 
Le  nom  d'Halévy  vous  devait  alors  tout  son  lustre,  à  vous,  notre  ad- 
miration et  notre  envie;  vous  que  la  célébrité  avait  visitée  sur  les 
bancs  du  collège,  qui  déjà  traduisiez  si  bien  en  vers  français  les  odes 
d'Horace,  etdont  les  journaux  vantaient  si  justement  le  talent  précoce! 
Votre  frère  ne  pouvait  mieux  faire  que  de  chercher  en  vous  son  Mé- 
cène et  de  vous  demander  un  poëme,  cette  chose  introuvable  et 
pourtant  indi.spensable  à  tout  musicien.  Grâce  à  vous,  un  vétéran  de 
rOpéra-Comique,  M.  Vial,  auteur  d'Aline,  des  Deux  Jaloux  et  autres 
pièces  connues,  lui  confia  un  petit  acte,  le  Jaloux  et  le  Méfiant,  dont 
il  écrivit  rapidement  la  partition,  mais  les  regards  tournés  vers  une 
scène  plus  élevée,  plus  vaste,  qu'il  affectionnait  surtout.  Pour  celte 
scène,  deux  collaborateurs,  dont  M.  Patin,  aujourd'hui  de  l'Académie 


française,  faisait  partie,  écrivirent,  à  son  intention,  un  Pygmalion; 
vous-même,  en  société  avec  Arnould,  déjà  l'associé  de  M.  Patin,  vous 
lui  prépariez  un  Erosirale,  en  trois  actes,  dont  la  musique ,  comme 
celle  de  Pygmalion,  ne  sortit  jamais  des  limbes  où  dorment  tant 
d'œuvres  qui  ont  coûté  de  si  grands  efforts. 

Parmi  les  phénomènes  les  plus  intéressants  de  la  mémoire,  je  n'en 
connais  pas  de  plus  curieux  que  la  promptitude  et  la  ténacité  avec 
lesquelles  s'y  gravent  certains  noms  qu'on  entend  prononcer,  sans  en 
comprendre,  sans  en  pressentir  toute  la  valeur  et  l'importance. 
Aujourd'hui  encore,  je  dirais  sans  me  tromper,  sans  hésiter,  le  jour, 
l'heure,  l'endroit  où  pour  la  première  fois  les  noms  de  Rossini ,  de 
Walter  Scott,  de  Lamartine,  de  Balzac  et  de  bien  d'autres  frappèrent  mon 
oreille.  Il  en  est  ainsi  de  certaines  physionomies,  que  l'on  retrouve 
avec  facilité,  comme  dans  un  miroir  rétrospectif.  Savez -vous,  mon 
cher  Léon,  où,  pour  la  première  fois,  je  rencontrai  votre  frère,  le  fu- 
tur auteur  de  la  Juive  et  de  l'Eclair,  que,  je  dois  en  convenir,  je 
regardai  fort  indifféremment  ?  C'est  dans  le  salon  de  M.  Villemain, 
l'illustre  écrivain,  où,  devant  un  nombreux  auditoire,  par  l'organe  de 
M.  de  Saint-Georges,  votre  ami,  et  depuis  le  nôtre,  vous  lisiez  une 
comédie  en  trois  actes.  El  comment  la  mère  de  notre  hôte,  Mme  Vil- 
lemain, me  désigna-t-elle  votre  frère  ?  «  Ah  !  dit-elle,  c'est  le  musi- 
cien :  il  donne  des  leçons  chez  Mme  de  Duras.  »  La  désignation 
était  exacte,  mais  à  quelque  temps  de  là,  on  eût  pu  la  trouver  bien 
inconvenante,  ou  du  moins  bien  incomplète.  Cependant  la  physiono- 
mie de  votre  frère  me  demeura  présente,  et  je  la  vois  encore  telle 
qu'elle  était  alors,  comme  si  plus  de  trente  années  ne  fussent  inter- 
venues depuis  ce  moment. 

Enfin,  l'heure  propice  finit  par  sonner  pour  le  jeune  compositeur 
en  quête  de  ce  poëme  tant  recherché,  tant  désiré.  Le  théâtre  de 
rOpéra-Comique  vivait  sous  les  lois  d'un  vieil  auteur  de  mélodra- 
mes ,  M.  Guilbert-Pixérécourt ,  qui  avait  joui  du  titre  de  Corneille 
dans  un  genre  dont  M.  Caignez  passait  pour  le  Racine.  Halévy  n'avait 
pas  manqué  de  faire  sa  cour,  avec  toute  l'adresse  dont  il  était  ca- 
pable, à  cet  autocrate  redoutable  et  redouté,  arbitre  souverain  de  son 
avenir,  de  sa  vie.  Un  soir,  il  le  trouva  dans  un  salon,  chez  Boieldieu, 
je  pense  :  l'autocrate  jouait  au  whist  et  le  destin  lui  souriait.  Il  sou- 
rit au  jeune  artiste,  et  lui  dit:  «  Venez  me  voir  demain  matin,  je 
crois  que  j'ai  votre  affaire.  »  Halévy  fut  ponctuel  ,  et  M.  Guilbert- 
Pixérécourt  lui  remit  le  manuscrit  d'une  pièce  en  un  acte,  dont  l'au- 
teur était  M.  de  Saint-Georges,  déjà  nommé.  Cette  pièce  avait  pour 
titre  l'Artisan,  la  musique  en  fut  lestement^ écrite,  et  la  première  re- 
présentation ne  se  fit  pas  attendre.  Il  y  eut  succès,  mais  un  de  ces 
succès  plus  profitables  au  poète  et  au  musicien  qu'au  théâtre.  Le  di- 
recteur rencontrant  votre  frère  le  lendemain,  lui  dit  du  ton  le  plus 
agréable  :  «  Je  suis  content,  très- content;  je  jouerai  votre  pièce  qua- 
torze fois.  »  Et  en  effet,  il  ne  la  joua  pas  davantage.  Pourquoi  qua- 
torze et  non  pas  quinze  ?  Y  avait-il  dans  le  nombre  fixé  quelque 
chose  de  cabalistique  ?  On  comprend  que  le  jeune  compositeur  ne 
fut  pas  assez  téméraire  pour  le  demander. 

Il  faut  tout  noter  dans  l'histoire  d'un  artiste,  les  bonnes  fortunes 
comme  les  déceptions.  Le  soir  même  de  son  premier  succès,  Halévy 
eut  une  chance  encore  plus  rare,  de  nos  jours  surtout.  Il  y  avait 
dans  la  salle  un  éditeur,  un  jeune  homme,  qui  commençait  le  com- 
merce de  musique  avec  une  hardiesse  égale  à  son  intelligence.  A  la 
chute  du  rideau,  l'éditeur  monta  sur  le  théâtre,  et  dit  au  composi- 
teur, qui  reçut  le  coup  à  bout  portant  :  «  Monsieur,  voulez-vous  me 
vendre  votre  partition  ? — Comment  donc?  mais  de  tout  mon  cœur. — 
Eh  bien  ,  je  vous  la  paie  1,000  francs.  Tenez,  les  voilà,  mais  c'est 
à  condition  que  vous  me  vendrez  d'avance  vos  six  premiers  ouvrages 
en  un  acte,  au  même  prix?  —  J'accepte.  »  Et  le  marché  fut  con- 
clu. L'éditeur,  que  quelques-uns  ont  nommé  déjà,  était  M.  Mau- 
rice Schlesinger,  qui  acheta  plus  tard  aussi,  Ludovic,  la  Juive,  l'E- 


DE  PAKIS. 


01 


clair,  Guido,   la  Heine  de  Chypre,  Charles  VI,  et  qui  avait  deviné 
tout  cela  dans  l'Artisan;  c'était  avoir  la  vue  assez  fine  ! 

Désormais,  Halévy  pouvait  travailler  avec  confiance  :  il  comptait  un 
succès  ;  il  avait  un  théâtre,  et,  qui  plus  est,  un  éditeur! 


Edouard  MONNAIS. 


(  La  suite  prochainement. 


THÉÂTRE  IMPËRIU  DE  L'OPËRÀ. 

Dëbut  de  M.  Villaret. 

Le  début  du  ténor  Villaret  a  eu  lieu  vendredi  dans  Guillaume  Tell. 
On  sait  que,  professant  le  métier  de  brasseur  dans  le  Midi,  il  faisait 
partie  d'une  société  chorale  ;  le  hasard  mit  le  célèbre  avocat  Nogent 
Saint-Laurent  à  même  de  l'entendre,  et  ce  fut  lui  qui  le  signala  à 
l'attention  du  directeur  de  l'Opéra.  Mandé  à  Paris,  il  a  travaillé 
avec  beaucoup  de  zèle  et  de  persévérance  sous  la  direction  de 
M.  Vauthrot  et,  devenu  mûr  pour  la  scène,  il  s'est  produit  dans  le 
rôle  d'Arnold,  qu'on  a  jugé  le  plus  propre  à  faire  valoir  les  moyens 
du  néophyte.  On  ne  s'est  point  trompé,  et  dès  les  premières  phra- 
ses de  son  récitatif,  il  avait  conquis  toutes  les  sympathies  de  la  salle. 
En  effet,  la  voix  de  M.  Villaret  se  distingue  tout  d'abord  par 
un  timbre  extrêmement  flatteur;  elle  est  en  même  temps  sonore, 
douce ,  harmonieuse  ;  l'émission  en  est  juste ,  le  son  sort  sans 
effort  et  monte  de  même  jusqu'aux  notes  les  plus  élevées,  et  ce 
n'est  pas  un  des  moindres  charmes  de  cet  organe  qui  ne  laisse  aucune 
inquiétude  au  spectateur,  en  même  temps  qu'il  ne  trahit  aucune 
peine,  aucune  fatigue  de  la  pari  du  chanteur. 

Ces  qualités  se  sont  manifestées  dans  l'air  O  Mathilde  , 
idole  de  mon  âme,  qu'il  a  dit  avec  une  suivilé  et  pourtant  avec  une 
plénitude  de  son  qui  ont  soulevé  des  bravos  unanimes.  Le  duo  avec 
Mme  Vandenheuvel-Duprez  au  deuxième  acte,  n'a  fait  que  confirmer 
cette  première  impression,  et  le  succès  de  M.  Villaret  a  été  couronné 
par  l'admirable  air  Asile  héréditaire,  dans  lequel  Duprez  n'a  point 
jusqu'à  présent  trouvé  de  rival  ;  l'andante  en  a  été  dit  avec  un  sen- 
timent exquis,  et  l'allégro  très-vaillamment  attaqué  par  le  chanteur, 
qui,  dans  le  fameux  Suivez-moi,  écueil  des  imitateurs  de  Duprez ,  a 
fait  entendre  Yiit  de  poitrine  avec  une  facilité  remarquable.  Aussi 
n'étaient  ce  plus  des  applaudissements  d'encouragement  prodigués  à 
M.  Villaret,  mais  bien  les  bravos  et  les  acclamations  accordés  à  l'ar- 
tiste qui  a  conquis  de  longue  date  la  faveur  du  public. 

Jamais,  peut-être,  Mme  Vandenheuvel  n'avait  chanté  avec  une 
semblable  perfection  le  rôle  de  Mathilde.  La  romance  :  Sombres  fo- 
rêts a  été  détaillée,  nuancée  d'une  façon  inimitable.  Fauro  tient 
magistralement  le  rôle  de  Guillaume  Tell,  et  il  y  a  eu  de  très-beaux 
élans.  En  définitive,  nous  croyons  que  la  direction  de  l'Opéra  a 
mis  la  main  sur  un  sujet  qui  lui  fera  honneur.  Sans  être  très-jeune, 
M.  Villaret  est  dans  la  force  de  l'âge,  sa  taille,  sans  être  fort  élevée, 
est  bien  proportionnée,  les  épaules  larges  et  le  thorax  bien  développé. 
Si  l'on  fait  la  part  de  l'émotion  d'un  premier  et  si  solennel  début, 
le  maintien  de  M.  Villaret  n'a  pas  été  gauche,  et  il  se  mettra  prompte- 
rnent  à  l'aise  ;  c'est  de  même  à  cette  émotion  bien  naturelle  qu'il  faut 
attribuer  quelques  défauts  de  respiration,  et  la  brièveté  de  pronon- 
ciation de  quelques  syllabes  désinentes  ;  mais  ces  imperfections  dis- 
paraîtront bientôt  lorsqu'il  se  sera  familiarisé  avec  la  scène  et  avec  le 
public. 

S.  D, 


AUDITIONS  MUSICALES. 

dTosepIi  Romano.  —  Unie  Coriae  de  Eiaigl.  —  Cieorgc!* 
dacobi.  —  Camille  Saint-iliaëns.  —  Mlle  C.  Remanry. 
—  aime  Gulbert-Jung.  —  BIme  Siarvady.  —  M.  Ten 
Briak.  —  UUe  IVîltaelmine  Belïa  de  liauuay.  — 
lime  Clara  iSctanmann. 

La  semaine  dernière,  dans  les  salons  Erard,  Joseph  Romano,  com- 
positeur et  organiste  de  talent,  a  exécuté  divers  morceaux  de  lui 
fort  bien  faits  et  fort  bien  conduits.  Cet  artiste  a  le  charme  qu'ont 
en  général  les  musiciens  italiens,  et  il  phrase  avec  beaucoup  de  goiit. 
Ses  arrangements  sur  Robert  le  Diable  et  sur  le  Stabat  de  Rossini 
annoncent  une  plume  exercée  ;  ils  sont  écrits  avec  soin  ,  avec  art  ; 
ils  sont  brillants,  sans  toutefois  enlever  à  l'harmonium  son  plus  grand 
mérite,  qui,  on  l'oublie  trop  souvent,  est,  non  de  pouvoir  rivaliser  de 
brio  avec  le  piano,  mais  de  pouvoir  mieux  chanter  et  mieux  nuancer 
le  son  :  aussi  les  mélodies  de  Meyerbeer  et  de  Rossini  ont-elles  eu, 
sous  les  doigts  de  M.  Romano,  toute  leur  puissance  et  toute  leur  va- 
riété. Par  le  mélange  heureux  des  deux  instruments,  elles  unis- 
saient, cette  fois,  des  sonorités  diverses  et  rappelaient  les  émotions 
délicieuses  qu'elles  font  goûter  ailleurs. 

—  Mme  Corinne  de  Luigi  a  donné  l'autre  soir,  à  l'hôtel  du  Louvre, 
une  soirée  musicale  et  littéraire  dans  laquelle  elle  a  dit  plusieurs 
morceaux  de  Rossini.  L'art,  la  méthode  et  le  goût  de  la  cantatrice 
perçaient  malgré  les  défaillances  de  sa  voix,  que  paralysait  une  in- 
disposition. Les  instrumentistes  ont  eu  le  beau  rôle.  Dans  quelques 
fragments  du  beau  concerto  de  Mendeissohn  et  dans  la  fantaisie  d'A- 
lard  sur  la  Fille  du  régiment,  le  jeu  brillant  et  expressif  du  jeune 
violoniste  Bauerkeller  a  fait  un  vif  plaisir.  Mme  Dreyfus  et  M.  Au- 
guste Mey  se  sont  fait  applaudir  aussi  :  l'une,  avec  des  morceaux  sur 
la  Muette  Ql  sur  Lucie;  l'autre,  avec  sa  jolie  fantaisie  sur  Diane  de 
Solanges,  opéra  du  duc  de  Saxe-Gobourg-Gotha. 

—  itfardi,  pendant  qu'à  la  salle  Pleyel-Woff  M.  Charles  Lamoureux 
interprétait  Mozart  et  un  très-beau  concerto  de  Rode  de  manière  à  se 
placer  définitivement  parmi  les  meilleurs  solistes  sortis  du  Conserva- 
toire, si  fécond  pourtant  en  violonistes  remarquables  ;  pendant  qu'à 
la  salle  Erard  on  applaudissait  M.  Hugo,  Herman  dont  le  talent  fin, 
élégant  et  expressif  a  été  bien  des  fois  apprécié  cet  hiver,  notam- 
mant  à  une  soirée  donnée  sous  le  patronage  de  Mmes  Rouland,  du- 
chesse Tascher  de  la  Pagerie,  Paulin  Talabot,  de  Mouzay,  etc.,  au 
profit  des  ouvriers  rouennais,  M.  G.  Jacobi  obtenait  à  la  salle  Herz 
un  véritable  succès.  Le  public  lui  a  fait  un  chaleureux  accueil,  bien 
justifié  par  la  grâce  et  la  légèreté  de  son  archet,  par  la  pureté  et  le 
brio  de  son  exécution.  En  jouant  un  difficile  concerto  de  R.  Kreut- 
zer, il  a  développé  tout  à  son  aise  les  qualités  sérieuses  qu'il  pos- 
sède ;  en  disant  des  pages  plus  légères,  telles  que  la  Fantaisie  bal- 
let de  Bériot,  et  les  Variations  de  Vieuxtemps  sur  un  thème  original, 
il  a  prouvé  que  son  style  avait  de  la  souplesse,  et  qu'il  se  prêtait 
également  bien  à  l'interprétation  des  œuvres  sérieuses  et  à  celle  des 
productions  qui  se  contentent  d'être  délicates  et  gracieuses,  ambition 
assez  haute,  on  en  conviendra,  et  à  laquelle  bien  des  fantaisies 
semblent  avoir  renoncé.  Nous  dirions  bien  que  Mlle  Joséphine  Martin 
a  partagé  avec  M.  Georges  Jacobi  les  honneurs  de  la  soirée;  mais, 
outre  que  cette  formule  a  peut-être  déjà  trop  servi,  elle  est,  en  vé- 
rité, tout  à  fait  insuffisante  pour  donner  une  idée  de  la  sévère  cor- 
rection, de  la  haute  intelligence,  du  goût  irréprochable  qui,  on  le 
sait,  distinguent  le  talent  de  l'excellente  pianiste. 

—  Il  est  assez  malaisé  de  parler  de  M.  Camille  Saint-Saens.  Pour 
notre  part,  nous  ne  cherchons  pas  à  le  dissimuler,  cela  nous  embar- 


92 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


rasse  fort.  Pianiste,  il  a  un  très-beau  lalent  gâté  par  une  sécheresse 
d'autant  plus  regrettable  qu'elle  semble  presque  volontaire,  tant  il 
s'y  mêle  parfois  de  délicatesse  et  de  fini  ;  compositeur,  il  a  un  incon- 
testable mérite  de  style,  obscurci  à  chaque  instant  par  des  idées 
vieillottes,  par  une  hésitation  évidente  entre  les  formes  d'autrefois, 
celles  d'aujourd'hui  et  même,  souvent,  celles  de  demain  :  Bach  et 
Wagner  sont  confondus  et  forment  un  tout  qui  ne  satisfait  complète- 
ment personne. 

La  semaine  dernière,  dans  les  salons  Pleyel-Wolff,  M.  Camille 
Saint-Saens  a  fait  exécuter,  entre  autres  morceaux  de  sa  composi- 
tion, une  symphonie  en  ré  qu'on  entendait  pour  la  première  fois  et 
qui  a  été  bien  dite  par  un  bon  orchestre.  Il  y  a  toujours  infiniment 
de  lalent  dans  les  ouvrages  de  M.  de  Saint-Saens  ;  mais,  tantôt, 
comme  dans  cette  symphonie,  le  style  fugué,  une  concision  exagérée, 
une  instrumentation  un  peu  vide  (et  oii  est  prodiguée  cette  puérile 
antithèse  de  la  flûte  et  du  hautbois,  dialoguant  avec  la  masse  des 
instruments),  ne  laissent  que  trop  voir  la  pauvreté  de  l'invention 
première  ;  tantôt  comme  dans  son  concerto  pour  violon,  —  joué  l'au- 
tre soir  par  M.  White  avec  une  supériorité  digne  d'éloges  —  des 
développements  trop  longs,  des  harmonies  plus  correctes  que  belles, 
enlèvent  toute  proportion  à  l'œuvre  et  cachent  complètement  l'idée 
mélodique.  Mais,  dira-t-on,  y  a-t-il  des  idées  mélodiques  dans  la 
musique  de  M.  de  Saint-Saens  ?  Oui,  il  y  en  a  ;  pas  en  profusion 
assurément,  mais,  enfin,  dans  ses  concertos,  par  exemple,  on  en 
trouve.  Malheureusement,  avec  sa  crainte  d'être  commun,  son  amour 
du  détail  et  de  la  couleur,  l'auteur  précipite  bientôt  ses  thèmes  dans 
un  flot  dHniitations,  de  canons,  où  ils  disparaissent  tout  à  fait,  pressés 
et  étouffés  sous  une  forme  qui  manque  d'air  et  de  naturel,  sous  une 
harmonie  trop  serrée,  sous  un  réseau  de  dissonances,  de  cadences 
évitées,  qui  fait  perdre  de  vue  la  tonalité  et  qui  déroute  l'oreille. 
Cette  monotonie  des  surprises  et  des  coquetteries  ne  vaut  pas  mieux 
que  l'autre.  En  somme,  tous  ceux  qui  connaissent  les  difficultés  du 
style  symphonique,  accordent  largement  à  M.  Saint-Saens  presque 
tous  les  genres  de  mérite  que  donne  l'étude  ;  quant  à  la  grâce  et  à 
l'abondance  mélodique,  c'est  tout  autre  chose.  M.  Camille  Saint-Saens 
est  encore  assez  jeune  pour  s'apercevoir  un  jour  que,  s'il  est  bon 
d'avoir  passé  par  l'école,  d'y  avoir  puisé  le  savoir  et  l'érudition, 
il  est  bon  aussi  de  secouer  un  peu  tout  cela  et  de  se  réchauffer 
l'âme  au  contact  de  tout  ce  qui  est  libre,  vivant  et  passionné. 

—  Parmi  les  soirées  données  dans  les  salons  Erard ,  celle  de 
Mlle  Caroline  Remaury  a  été  l'une  des  plus  charmantes.  Mlle  Remaury 
est  une  jeune  et  brillante  élève  de  M.  Félix  Lecouppey  ;  elle  a  fait 
de  notables  progrès.  Son  jeu ,  très-énergique  au  besoin ,  n'exagère 
cependant  jamais  la  pensée  du  compositeur;  il  évite  les  oppositions 
violentes  et  se  garde  de  certains  effets  d'enflure,  si  chers  à  plus  d'une 
école.  Il  n'a  pas  encore  toute  la  liberté,  toute  la  spontanéité  des  ta- 
lents vraiment  originaux  et  complets,  mais  il  est  ferme ,  pur  et  dis- 
tingué. Après  avoir  exécuté  des  œuvres  de  Bach ,  de  Haydn ,  de  Ra- 
meau, de  Mendelssohn  ,  Mlle  Remaury  a  parfaitement  triomphé  des 
difficultés  de  la  sonate  en  ré  mineur  de  Beethoven,  et  en  a  fait  jaillir 
le  véritable  esprit,  la  noble  grandeur,  les  grâces  fougueuses  et  en- 
traînantes. Mlle  Remaury  dédaigne,  et  nous  l'en  félicitons,  toute  es- 
pèce d'affectation;  elle  a  dit  simplement  et  d'une  façon  ravissante  un 
rigodon  de  Dardanvs,  transcrit  par  M.  F.  Lecouppey,  un  nocturne 
de  Chopin  et  une  valse  de  Slephen  Heller.  Ce  dernier  morceau  a  été 
bissé  et  méritait  tout  à  fait  un  pareil  accueil.  L'ampleur,  la  largeur,' 
les  beaux  sons,  en  un  mot  toutes  les  hautes  et  grandes  qualités  de 
Henri  Vieuxtemps  ont  été  déployées  par  lui  dans  sa  Fantasia  appas- 
sionata  et  ont  ravi  les  auditeurs. 

■—  Les  concerts  avec  orchestre  sont  nombreux  cette  année.  Grâce 
à  ce  puissant  auxiliaire,  Mme  Guibert-.Iung,  à  sa  soirée  donnée  salle 
Herz,  nous  a  rendu  dans  toute  leur  richesse  le  caprice  en  si  mineur 


de  Mendelssohn  et  un  fort  beau  concerto  de  Charles  de  Meyer.  Chez 
Mme  Guibprt-Jung  on  ne  remarque  pas  ce  divorce  malheureux  entre 
la  délicatesse  et  la  puissance  :  l'une  et  l'autre  se  touchent,  se  re- 
joignent et  donnent  à  son  style  beaucoup  de  variété.  Le  septuor  de 
Lucie,  transcrit  par  Liszt,  et  deux  jolies  compositions  de  M.  Mar- 
montel,  joués  par  l'habile  pianiste,  ont  été  très-goûtés.  En  interpré- 
tant un  Adagio  et  Rondo  militaire  de  Servais,  fantaisie  remplie  de 
mélodies  colorées,  de  traits  difficiles  et  brillants,  M.  Jules  Deswert  a 
recueilli  de  nombreux  bravos,  Un  des  plus  grands  succès  de  la  soirée 
a  été  pour  M.  Jean  Machiels,  qui  a  dit  avec  une  grande  supériorité 
un  solo  de  clarinette  de  Bender. 

—  Rien  ne  manque  à  Mme  Szarvady  pour  interpréter  les  œuvres 
des  maîtres  :  ni  la  conviction,  ni  les  fortes  études,  ni  un  mécanisme 
excellent,  ni  l'amour  éclairé  et  désintéressé  du  beau.  A  sa  seconde 
séance,  donnée  lundi  dans  les  salons  Pleyel-Wolfî,  Mme  Szarvady  a 
d'abord,  avec  MM.  Maurin  et  Chevillard ,  exécuté  un  superbe  trio  de 
Beethoven.  Là,  elle  n'avait  rien  à  redouter  :  la  beauté  reconnue  de 
l'œuvre,  le  talent  éprouvé  des  interprètes,  répondaient  du  succès  et 
assuraient  une  victoire  ;  mais  avec  Mme  Schumann,  elle  a  joué  deux 
morceaux  à  quatre  mains  de  Schumann,  et  le  public ,  qui  appréciait 
très-bien  cette  attention  délicate,  cet  hommage  rendu  à  un  musicien 
éminent  quelquefois,  mais  très-inégal  et  très-obscur  souvent,  le  public 
se  demandait  s'il  ne  paierait  pas  tous  les  frais  de  cette  courtoisie  fé- 
minine (la  plus  savante  et  la  plus  gracieuse  de  toutes  les  courtoisies 
sans  contredit).  Hâtons-nous  de  constater  que  ses  craintes  ont  été 
vite  dissipées.  Les  deux  grandes  virtuoses  ont  fait  assaut  de  talent, 
ont  rivalisé  de  verve,  de  délicatesse,  et  le  compositeur  a  eu  aussi  sa 
bonne  part  dans  les  bravos  enthousiastes  de  l'auditoire. 

—  Un  jeune  musicien  hollandais,  M.  TenBrink,  a  fait  entendre  di- 
manche divers  morceaux  sérieux  de  sa  composition,  entre  autres  un 
quatuor  et  des  fragments  de  plusieurs  trios.  M.  Ten  Brink  est  plein 
détalent,  mais  qu'est-ce  que  le  talent  sans  l'inspiration?  Nous  ne  sa- 
vons pas  au  juste  ce  qu'est  aujourd'hui,  dans  la  patrie  de  Paul  Potter, 
l'art  hollandais  ;  mais  ce  que  nous  savons,  c'est  que  dans  ce  pays, 
comme  dans  bien  d'autres,  beaucoup  déjeunes  auteurs  oublient  com- 
plètement la  mélodie. 

La  forme  c'est  beaucoup,  nous  ne  l'ignorons  pas;  toutefois,  lors- 
qu'elle est  seule,  c'est  fort  peu  de  chose  ;  et  la  musique  qui  n'offre 
que  cet  intérêt  est  rangée  dans  le  pire  de  tous  les  genres,  genre 
que  nous  nous  abstiendrons  de  nommer.  M.  Ten  Brink  est  un  bril- 
lant pianiste,  plus  énergique  que  délicat.  Ses  fragments  de  trios  et 
son  quatuor  attestent  du  savoir  et  ne  manquent  pas  de  détails  ingé- 
nieux ;  seulement  ils  n'ont  aucun  caractère ,  aucune  physionomie 
propre. 

Trois  solistes  des  plus  distingués,  MM.  Charles  Lamoureux,  Nabich 
et  Jules  Lasserre,  ont  été  chaleureusement  accueillis  dans  ce  concert 

—  Mlle  Wilhelmiue  Belin  de  Launay  appartient  à  cette  race  d'ar- 
tistes trèS' distingués  qui  vivent  volontiers  dans  le  passé  et  y  trou- 
vent, mieux  que  dans  le  présent ,  l'ex^iression  de  leurs  sentiments 
délicats  et  élevés  :  aussi  est-ce  Mozart  que  la  jeune  pianiste  comprend 
le  mieux.  Quoiqu'elle  ait  bien  dit  l'air  de  Grâcel  de  Robert,  si  habi- 
lement transcrit  par  Emile  Prudent,  qu'elle  se  soit  efforcée,  non  sans 
succès,  d'atteindre  au  pathétique  répandu  dans  cette  mélodieuse  ins- 
piration ;  quoiqu'elle  ait  mieux  dit  encore  un  ravissant  andante  de 
Hummel,  c'est  en  jouant,  avec  Alard,  un  thème  varié  de  Mozart,  et, 
seule,  les  adorables  variations  du  même  maître  sur  fJson  dormait 
dans  un  bocage,  que  Mlle  W.  Belin  de  Launay  a  fait  le  plus  applaudir 
la  grâce,  la  clarté  et  le  charme  de  son  talent. 

Les  marques  d'admiration  n'ont  manqué  ni  à  Alard  ni  à,  Badiali, 
et,  bien  des  fois,  la  fantaisie  sur  la  Muette,  exécutée  par  l'un,  et 
l'air  du  Barbier,  chanté  par  l'autre,  ont  été  interrompus  par  les  ac- 
clamations enthousiastes  de  l'auditoire. 


DE  PARIS. 


93 


Mlle  Desnoyers  porte  un  nom  honorable  et  bien  connu  dans  le 
inonde  des  lettres;  elle  a  chanté  de  façon  à  faire  espérer  qu'elle  le 
portera  dignement  dans  le  monde  musical.  La  romanre  de  Marie 
Stuart,  qui  demande,  non  une  habileté  de  vocalisation  que  Mlle  Des- 
noyers ne  possède  pas  encore,  mais  une  sensibilité  et  un  gDÙt  qu'elle 
possède  déjà,  a  été  phrasée  par  la  jeune  cantatrice  avec  une  re- 
marquable expression. 

—  Le  public  parisien  n'a  nulle  rancune  ;  l'autre  soir,  chez  Erard, 
il  a  applaudi  le  beau  quintette  en  mi  bémol  de  Schumann,  absolu- 
ment comme  si  ce  maître  ne  lui  eût  jamais  fait  passer  d'assez  mau- 
vais moments.  Est-il  besoin  de  dire  que  cette  œuvre  est  de  tout  point 
délicieuse?  A  quoi  bon?  Il  y  a  longtemps  déjà  que  MM.  Armingaud, 
Jacquard,  Lalo,  Mas,  Lubeck  ou  Mme  Massart  nous  en  ont  révélé  tout 
le  prix;  il  vaut  donc  mieux  ajouter  que  Mme  Schumann  a  obtenu,  à 
son  second  concert,  plus  de  succès  encore  qu'à  son  premier.  L'émi- 
nente  pianiste  ne  s'est  interdit  ni  les  fugues  de  Bach,  ni  bien  d'autres 
choses  bien  austères  ;  mais  ce  quintette,  un  admirable  duo  de  Mozart 
à  deux  pianos,  un  air  de  Lulli  chanté  par  Mme  Viardot,  ont  fait 
éprouver  à  tous  un  véritable  plaisir. 

Adolphe  BOTTE. 


NOUVELLES. 

**,  La  représentation  de  la  Muette  de  Portici  donnée  dimanche  au 
théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  produit  plus  de  10,000  francs  de  recette. 
On  ne  se  lasse  pas  d'entendre  cette  admirable  partition  d'Auber  qui 
semble  aujourd'hui  toute  nouvelle,  et  dont  le  succès  actuel  surpasse 
celui  qu'elle  obtint  dans  l'origine.  Lundi  l'on  a  joué,  pour  la  troisième 
fois,  la  Mule  de  Pedro  avec  la  Vivandière.  L'opéra  de  Victor  Massé  gagne 
à  chaque  audition.  Mercredi,  la  Mueile  a  de  nouveau  rempli  la  salle,  et 
vendredi  une  grande  affluenoe  de  spectateurs  assistait  au  début  du  ténor 
Yillaret,  dans  Guillaume  Tell. 

***  Le  théâtre  de  l'Opéra-iJomique  a  repris,  le  semaine  dernière,  avec 
beaucoup  de  succès  les  Diamants  de  la  Courcnne.  Mlle  Marimon  a  été 
fort  applaudie  dans  le  rôle  de  la  Catarina.  —  Ou  remonte  Uaydée  pour 
Achard,  qui  remplira  le  rôle  de  Lorédau. 

„*^  TamberHck  est  toujours  fort  beau  dans  Poliuto.  Les  dernières  re- 
présentations de  cet  ouvrage  lui  ont  été  complètement  favorables,  et 
nous  voudrions  pouvoir  en  dire  autant  d'un  Bullo  in  maschera,  mais  le 
genre  léger  ne  lui  convient  pas  à  beaucoup  près  autant  que  le  genre 
grave.  Sa  voix  n'a  rien  de  ce  que  demande  un  badlnage  élégaut,  facile, 
et  sa  physionomie  est  comme  sa  voix.  Pour  la  première  fois  de  la  saison, 
Mlle  Saint-Urbain  reparaissait  sur  la  scène  dans  le  rôle  d'Amelia.  Nous 
n'avons  trouvé  nul  changement  dans  sa  personne  ni  dans  son  talent. 
C'est  toujours  une  jolie  femme,  qui  joue  et  chante  sans  émotion  ,  sans 
effet.  Délie  Sedie  et  Mlle  Marie  Battu  ont  seuls  été  applaudis  et  bissés. 
On  a  redemandé  au  chanteur  VEri  tu,  à  la  cantatrice,  le  Saper  vorreste, 
et  on  les  a  remerciés  de  leur  complaisance  à  les  redire  par  de  nou- 
veaux applaudissements.  On  regrette  que  i\llle  Trebelli  ait  été  condam- 
née à  remplir  le  rôle  insignifiant  de  la  devineresse. 

,1,*^  A  l'un  des  derniers  concerts  des  Tuilerie.;,  Sa  Majesté  l'Impéra- 
trice a  témoigné  à  MM.  Delle-Sedie  et  Zucchini,  chargés  du  rôle  des 
bravi  dans  Stradella,  le  regret  que  l'interruption  des  représentations  de 
l'opéra  de  Flotow  ne  lui  permît  pas  de  l'entendre. 

^*»  La  première  représentation,  très-procliaiue,  des  Peines  d'amour 
perdues  {Cosi  fan  lutlc)^  offrira  un  attrait  de  plus  à  la  curiosité,  par  le 
début  de  M.  Léon  Duprez,  fils  du  célèbre  ténor,  frère  de  Mme  Vanden- 
heuvel,  qui  a  bien  voulu,  en  présence  des  indispositions  qui  retardent 
l'ouvrage,  se  mettre  obligeamment  à  la  disposition  du  théâtre  Lyrique, 
pour  interpréter  le  principal  rôle  de  l'opéra  de  Mozart.  M.  Léon  Duprez 
ne  pouvait  choisir  une  meilleure  occasion  pour  se  produire  dans  une 
carrière  où  les  sympathies  du  public  lui  seront  acquises  d'avance. 

,j*,t  Après  le  départ  de  Mme  Carvalho  pour  Marseille,  qui  Interrom- 
pra les  représentations  de  Fau-it,  arrivé  i  sa  centième  représentation  ot 
qui  ne  sera  plus  joué  que  trois  fois,  le  théâtre  Lyrique  va  reprendre 
Oberon;  Montjauze  chantera  le  rôle  principal.  —  Mme  Cabol  quitte  ce 
théâtre  et  va  contracter  un  engagement  avec  la  direction  du  théâtre  de 
Lyon. 

,*„,  Le  théâtre  Molière  a  commencé  une  série  de  représentations  qui 
intéressent  l'art  dramatique.  Celle  de  jeudi  se  composait  du  premier 
acte  des  Draijons  de  ViUars,  du  Caid  pour  la  partie  lyrique,  et  d'une 
Tasse  de  thé,  suivi  du  Chapeau  d'un  horloyer,  pour  la  partie  comique. 


,j*,t  On  écrit  de  San  Francisco  que  la  Muette  de  Portici  vient  d'être  re- 
présentée sur  la  scène  de  la  Californie  devant  une  foule  immense.  A 
défaut  du  luxe  de  décors  et  de  mise  en  scène  qu'aurait  difficilement  per- 
mis la  localité,  la  troupe  a  fait  de  son  mieux  pour  faire  apprécier 
les  beautés  du  chef-d'œuvre  d'Auber.  M.  et  Mme  Blanchi  ont  eu  les  hon- 
neurs de  la  soirée. 

„,*„,  Mardi  a  eu  lieu  le  troisième  concert  au  palais  des  Tuileries. 
Celait  le  tour  des  artistes  de  l'Opéra.  Faure  a  chanté  un  air  de 
VEnfant  prodiyue  ;  Mlle  Sax,  avec  Obin,  un  duo  des  Huguenots  ;  Guey- 
mard  ,  avec  les  chœurs ,  la  barcaroUe  de  ta  Muette  ;  Mlle  Sax,  avec 
Gueymard,  Faure  et  Obin,  un  quatuor  des  Vêpres  siciliennes;  Mme  Guey- 
mard,  avec  son  mari  et  les  chœurs,  le  Miserere  du  Trouvère;  Mlle  Sax, 
un  air  du  même  opéra;  MM.  Gueymard,  Faure  et  Obin,  un  trio  de 
Guillaume  Tell;  Mme  Gueymard,  les  couplets  de  la  Mule  de  Pedro;  enfin 
Mlle  Sax,  MM.  Gueymard,  Faure  et  Obin,  et  les  chœurs,  ont  terminé 
la  soirée  par  le  finale  de  Moïse. 

^,*ji,  On  nous  écrit  de  Turin  qu'on  vient  de  représenter  au  théâtre 
Carignano  une  comédie  en  quatre  actes,  de  M.  Luigi  Dasti,  qui  a  pour 
titre  Rossini  à  Napoli,  et  dont  le  sujet  est  emprunté  à  un  épisode  de  la 
vie  du  célèbre  maestro.  Nous  voudrions  bien  savoir,  si  Rossini  habitant 
encore  l'Italie,  on  eût  pris  une  pareille  licence? 

^*^  Une  audition  très-intérussante  de  la  musique  de  la  garde  de 
Paris  a  eu  lieu  mardi  dernier,  dans  la  salle  de  Sax,  rue  Saint-Georges. 

^*„,  Voici  le  programme  du  concert  qui  sera  donné  aujourd'hui  par  la 
Société  des  concerts  du  Conservatoire  :  1"  Symphonie  avec  chœurs  de 
Beethoven  (avec  le  concours  de  Mmes  Duprez-Vandenheuvel  et  Viardot, 
MVI.  Warot  et  Bussine);  2°  hymne  d'Haydn,  pour  tous  les  instruments  à 
cordes;  3°  duo-nociurne  de  l'opéra  Béatrice  et  Béncdict,  de  Berlioz, 
chanté  par  Mmes  Duprez-Vandenheuvel  et  Viardot,  ouverture  du  Jeune 
Henri. 

/*  Aujourd'hui  dimanche,  à  2  heures,  au  Cirque  Napoléon,  sixième 
ot  avant-dernier  concert  populaire  de  musique  classique,  sous  la  direc- 
tion de  Pasdeloup.  En  voici  le  programme  :  1"  Ouverture  de  Struensée, 
de  Meyerbeer  ;  2"  symphonie  en  fa  de  Beethoven  ;  3"  allegro  du  concerto 
en  ré  mineur  pour  violon  de  Kreutzer;  4°  adagio  de  la  44=  symphonie  de 
Haydn  ;  le  Songe  d'une  nuit  d'été,  de  Mendelssohn. 

,„*^  Au  dernier  concert  de  l'Hôtel  de  ville,  qui  a  été  fort  brillant, 
Naudin  a  chanté  en  italien  l'air  du  sommeil,  de  la  Muette  de  Portici , 
qu'il  abordait  pour  la  première  fois;  il  lui  a  valu  les  applaudissements 
les  plus   chaleureux,  et  M.  Auber,  qui  assistait  à  ce  concert,  l'a  félicité. 

^*,i,  La  commission  du  monument  d'Halévy  s'est  réunie  jeudi  dernier 
au  Conservatoire.  Tous  les  membres  dont  elle  se  compose  avaient  été 
invités  à  visiter  le  modèle  de  la  statue,  qui  vient  d'être  terminé  par 
iM.  Duret,  de  l'Académie  des  beaux-arts.  L'œuvre  du  célèbre  statuaire 
a  été  l'objet  d'une  approbation  générale.  M.  Lebas,  chargé  de  la  partie 
architecturale,  a  aussi  présenté  ses  plan'^,  et  il  est  probable  que  le  tra- 
vail pourra  être  entièrement  achevé  dans  le  cours  de  l'année. 

,(,*„,  Nous  avons  annoncé  la  prochaine  arrivée  de  Thalberg  à  Paris  et 
donné,  dans  notre  numéro  du  8  mars,  le  programme  aussi  riche  que 
varié  des  morceaux  que  compte  faire  entendre  le  célèbre  pianiste  com- 
positeur; sa  prochaine  séance  est  fixée  au  samedi  8  avril,  dans  les  sa- 
lons d'Erard. 

^*,i,  Après  avoir  fait  entendre  à  son  premier  concert  historique  le 
Trille  du  diable,  de  Tartini,  la  Danse  des  lutins,  de  Bazzini,  et  des  varia- 
tions de  Paganini,  Jean  Becker  a  exécuté  un  concerto  de  Viotti,  chef- 
d'œuvre  d'élégance  et  d'invention,  et  plusieurs  autres  morceaux  avec 
une  justesse  parfaite,  une  siireté  et  une  délicatesse  qu'il  serait  difficile, 
pour  ne  pas  dire  impossible,  de  surpasser.  Il  est  incontestable  que  le 
jeune  artiste  a  fait  depuis  un  an  des  progrès  surprenants;  il  a  le  culte 
de  son  art  et  le  feu  sacré  ;  avec  ces  éléments,  une  des  premières  places 
l'attend  parmi  les  violonistes  modernes.  Aussi  a-t-il  reçu  un  accueil 
enthousiaste  à  ce  concert,  dans  lequel  Mme  Oscar  Comettant  a  chanté 
avec  beaucoup  d'art  et  d'esprit  deux  mélodies  de  M.  Edouard  de  Har- 
tog,  qui  ont  été  fort  applaudies. 

^*^,  M.  E.  Reyer  vient  d'être  nommé  par  le  roi  de  Prusse  chevalier 
de  l'ordre  de  la  Couronne.  Cette  distinction  honorifique  est  la  confir- 
mation du  succès  obtenu  l'année  dernière  à  Bade  par  l'opéra  d'^ros- 
Irate,  et  le  complément  des  éloges  que  S.  M.  la  reine  de  Prusse  donna  au 
jeune  compositeur  dont  elle  venait  d'applaudir  la  partition. 

.^,*^  Lundi  dernier  M.  Pasdeloup  a  fait  exécuter  par  son  orchestre  et 
ses  orphéonistes  le  Requiem  de  Mozart  à  Saint-Eustache,  en  l'honneur 
de  Wilhem.  Le  produit  de  la  quête  était  destiné  aux  ouvriers  de  Rouen. 
Elle  a  été  fructueuse  ,  car  l'assistance  était  considérable,  et  c'était 
Mlle  Pasdeloup  qui  quêtait.  Il  est  inutile  d'ajouter  que  l'exécution  a  été 
de  tout  point  excellente. 

,j*^,  C'est  .  mercredi  soir  qu'aura  lieu,  dans  la  salle  Erard,  le  concert 
d'Alexandre  Batta.  Le  nom  de  Mme  Massart,  la  pianiste  éminente,  ceux 
aussi  célèbres  de  deux  chefs  de  l'école  allemande  et  belge,  MM.  Jean 
Becker  et  A.  Dubois,  exécutant,  pour  cette  fois  seulement,  un  duo  pour 
deux  violons;  M.  Bussine,  Mmes  Peudefer  et  Malézieux;  A.  Batta  se  fai- 
sant entendre  quatre  fois  ;  voilà  les  éléments  d'un  splendide  programme. 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


**»  Dimanche  dernier  avait  lieu  chez  Mme  Erard  la  dernière  des  belles 
soirées  musicales  dont  elle  fait  chaque  saison  les  honneurs  avec  une  si 
cordiale  amabilité.  Empressés  de  reconnaître  l'hospitalité  que  cette  ho- 
norable maison  pratique  depui:  si  longtemps  et  si  largement  à  leur 
égard,  les  artistes  les  plus  renommés  de  la  France  et  de  l'étranger  s'y 
produisent  à  l'envi,  et  y  apportent  le  tribut  de  leurs  plus  remarqua- 
bles compositions.  Dimanche  passé,  c'était  le  tour  de  Mme  Clara  Schu- 
mann,  de  Becker  et  de  Mme  Viardot.  Le  jeune  violoniste  y  a  fait  assaut 
de  talent  avec  la  célèbre  pianiste  dans  la  sonate  de  Beethoven  dédiée  à 
Kreutzer,  et  qui  a  dû  être  rarement  exécutée  avec  plus  de  perfection. 
Dans  la  Danse  des  Lutins,  Becker  a  fait  apprécier  les  qualités  en  même 
temps  solides  et  brillantes  qu'il  possède,  et  Mme  Yiardot  a  fait  venir  lit- 
téralement les  larmes  aux  yeux  de  tout  l'auditoire  féminin,  par  la  façon 
dramatique  avec  laquelle  elle  a  chanté  les  couplets  d'Orphée  :  J'ai 
perdu  mon  Eurydice.  Plusieurs  autres  morceaux,  dits  par  cet  admira- 
ble trio  de  célébrités,  ont  complété  la  soirée,  qui  comptera  parmi  les 
plus  intéressantes  dont  les  heureux  habitués  de  Mme  Erard  auront  h 
garder  le  souvenir. 

,*»  C'est  mardi,  à  l'hôtel  du  Louvre,  à  8  heures  du  soir,  qu'aura  lieu 
le  concert  de  Mme  Madeleine  Graever,  avec  orchestre  composé  des  pre- 
miers artistes  de  Paris,  sous  la  direction  de  Litolff.  Programme  :  1°  ou- 
verture d'Eléonorc,  de  Beethoven;  2"  deuxième  concerto  pour  piano  et 
orchestre,  de  Mendelssohn;  3°  adagio  et  scherzo  du  4"  concerto;  sym- 
phonie de  Litolff;  W  l'es  Guelfes,  ouverture  dramatique  de  Litolff. 

**,  Le  22  mars,  dimanche  de  la  Passion,  et  le  29  mars,  dimanche 
des  Rameaux,  M.  Hurand,  maître  de  chapelle  à  Saint-Eustache,  fera 
e.xécuter  en  ladite  église,  h  4  heures  très-précises ,  le  Stabat  mater 
(avec  orchestre)  de  Pergclèse. 

^*^,  VIndépendance  belge  constate  les  succès  que  vient  d'obtenir  au  con- 
cert donné  par  la  Grande  Harmonie  SiUe  Charlotte  de  Tiefensée.  Elle  y 
a  chanté  des  airs  nationaux  de  tous  les  pays,  qui  ont  produit  un  grand 
effet. 

^*^  Dimanche  dernier  a  eu  lieu  chez  M.  Ettling  sa  deuxième  matinée 
musicale.  Un  grand  nombre  d'artistes  distingués  s'y  étaient  donné  reudez- 
vous  et  ou  a  entendu  successivement  Mme  GaveauxSabatier,  M.  Taglia- 
fico,  Mlle  C.  Labarre,  qui  a  très-bien  chanté  l'air  des  Dragons  de  Villars, 
JIM.  dj  Troye,  Lee  et  plusieurs  élèves  de  M.  Ettling,  qui  ont  fait  hon- 
neur à  leur  maître,  en  exécutant  plusieurs  de  ses  compositions.  M.  Bras- 
seur a  égayé  cette  réunion  artistique  par  des  chansonnettes  de  M.  EttUng. 

,j%  Mercredi  prochain ,  25  mars,  à  midi,  la  Société  des  artistes  musiciens 
fera  célébrer,  ;\  Notre-Dame,  à  l'occasion  de  la  fête  de  l'Annonciation, 
une  messe  solennelle  en  musique,  exécutée  par  trois  cents  artistes  et 
orphéonistes,  et  où  l'on  entendra  nos  plus  éminents  solistes.  Cette  messe 
sera  précédée  de  la  Marche  religieuse,  avec  accompagnement  de  harpes, 
dernière  œuvre  d'Ad.  Adam,  composée  spécialement  pour  cette  solen- 
nité. 

^*^  Le  célèbre  harpiste  Félix  Godefrold  vient  de  parcourir  l'est  de  la 
France,  et  dans  les  concerts  qu'il  adonnés  successivement  à  Strasbourg, 
Nancy,  Bar,  Chalon,  etc.,  il  a  recueilli  les  applaudissements  les  plus 
flatteurs. 

.^,*^  C'est  vendredi  prochain,  dans  les  salons  Pleyel-Wolff,  qu'aura 
lieu  la  première  matinée  musicale  d'Alexandre  Billet.  L'éminent  pia- 
niste compositeur  y  fera  entendre  un  trio  de  Spohr,  un  quatuor  de 
Mendelssohn,  et  il  exécutera  la  sonate,  op.  57,  de  Beethoven,  et  plu- 
sieurs autres  morceaux  de  Chopin,  Field  et  Weber. 

**,t  Deux  nouvelles  mélodies  de  M.  Albert  Lhôte,  Chanson  du  prin- 
temps, paroles  de  Brizeux,  et  Soir  d'été,  paroles  de  M.  Anatole  de  Mont- 
aiglon,  viennent  de  paraître  chez  Gambogi  frères.  Ces  deux  produc- 
tions, d'un  musicien  élégant,  se  distinguent  par  une  grâce  charmante, 
une  grande  délicatesse  de  forme  et  un  sentiment  mélodique  incontes- 
table. Nous  sommes  persuadés  qu'elles  seront  accueillies  avec  un  vrai 
plaisir  par  tous  ceux  qui  prisent  l'alliance  d'une  heureuse  idée  musicale 
avec  des  vers  bien  tournés  et  réellement  poétiques. 

^*^  Une  nouvelle  danse  de  salon,  la  Taglioni,  et  dont  les  figures  ont 
été  réglées  par  la  célèbre  danseuse,  vient  de  paraître  au  Ménestrel.  Elle 
est  précédée  de  l'explication  des  figures.  La  musique  en  a  été  composée 
par  M.  Philippe  Stutz,  bien  connu  par  son  talent  pour  la  musique  de 
danse.  —  Le  nouveau  quadrille  que  nous  annonçons  n'est  pas  inférieur 
à  ses  aînés;  il  se  distingue  par  de  jolies  mélodies;  le  rhythme  en  est  bien 
accentué  et  fort  dansant.  Nous  serions  surpris  si  la  musique  et  la  nou- 
velle danse  ne  recevaient  pas  dans  les  salons  un  excellent  accueil. 

***  Le  célèbre  peintre  de  décors  et  machiniste  de  théâtre,  Miihldor- 
fer,  vient  de  mourir  à  Manheim.  C'est  Miihldorfer  qui,  au  théâtre  de 
l'Opéra-Comique,  avait  établi  la  cascade  qui  produisit  un  si  grand  effet 
dans  le  deuxième  acte  du  Pardon  de  Ploërmel. 

^*^  La  femme  du  général  Tiirr  a  envoyé  à  l'administration  du  théâtre 
populaire  de  Bude  une  opérette  italienne  intitulée  :  la  Masckerada. 

»*,f  A.  Jaell,  qui  a  donné  six  concerts  à  Trieste,  et  qui  a  reçu  de  ses 


compatriotes  des  témoignages  si  nombreux  de  sympathie,  vient  d'être 
nommé  membre  honoraire  du  SchillertVerein  de  cette  ville. 

,*,j  J.  Stockhausen  vient  d'être  nommé  directeur  des  concerts  de  la 
Société  philharmonique  de  Hambourg. 

.j,*»  Le  comité  de  la  Société  l'Union  musicale,  de  Strasbourg,  annonce 
par  une  lettre  à  MM.  les  président  et  membres  du  comité  local,  qu'elle 
s'abstiendra  de  prendre  part  à  la  fête  cliorale  qui  doit  avoir  lieu  au 
mois  de  juin  prochain.  Nous  publions  la  décision,  sans  nous  occuper 
des  motifs. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 


^*^  Rouen,  18  mars.  —  Le  sergent  d'OuiUreham,  opéra-comique  en  un 
acte,  dont  les  paroles  sont  de  MM.  Théodore  Lebreton  et  Georges  Ri- 
chard, la  musique  de  M.  Camille  Caron,  a  été  joué  ici  pour  la  première 
fois.  La  musique  annonce  des  dispositions  heureuses  et,  quoique  à  son 
coup  d'essai,  l'auteur  a  fait  preuve  d'habileté  dans  la  manii^re  de  traiter 
l'orchestre.  Son  ouverture  renferme  de  jolis  chants ,  ingénieusement 
accompagnés,  et  se  termine  par  une  marche  brillante.  On  peut  citer 
encore  un  duo,  un  air,  une  romance,  une  chanson  militaire.  Mlle  Eram- 
bert,  MM.  Forest  et  Gerpré  ont  été  fort  applaudis. 

^"^  Havre.  —  Vieuxtemps  a  donné  la  semaine  dernière,  dans  la  salle 
Sainte-Cécile,  un  concert  qui  avait  attiré  tous  les  admirateurs  du  cé- 
lèbre artiste.  II  a  produit  comme  toujours  un  effet  immense;  une  rêve- 
rie, une  tarentelle,  le  finale  de  la  sonate  de  Beethoven,  dédiée  à  Kreut- 
zer, mais  surtout,  son  exécution  diabolique  des  Sorcièr:s ,  ont  porté 
l'enthousiasme  au  comble.  Mme  Vieuxtemps  a  vaillamment  secondé  son 
mari;  il  est  impossible  en  accompagnant  de  s'identilier  plus  complète- 
ment avec  l'exécutant.  Mme  Marie  Cruvelli  s'est  fait  applaudir  dans 
plusieurs  airs  italiens,  l'orchestre  a  été  fort  bien  dirigé  par  M.  Henri. 

j,\  Mulhouse.  —  Le  deuxième  concert  vocal  et  instrumental,  donné 
par  l'associalion  musicale,  a  eu  tout  le  succès  possible.  La  Concordia, 
le  Cours  mixte  et  la  Société  d'orchestre  ont  fait  tour  à  tour  apprécier 
leurs  progrès.  Mme  Rieder  avait  généreusement  offert  son  concours. 
Dans  la  prière  et  barcarolle  do  l'Etoile  du  Nord,  dans  le  bacio  d'Arditi, 
elle  a  provoqué  d'unanimes  applaudisseraeuts.  Le  concert  avait  commencé 
par  un  magnifique  choral  de  11.  le  pasteur  Braun. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


„,*„,  Bruxelles.  —  Le  théâtre  de  la  Monnaie  a  repris  lundi  la  partition 
de  Martha,  chantée  par  Jourdan,  Perlé,  Bonnefoyet  Mmes  de  Maesen  et 
Andrée.  L'opéra  de  Flotovv  a  été  accueilli  par  notre  public  avec  le  même 
plaisir  qu'aux  premières  représentations.  Jourdan  a  dit  avec  un  grand 
charme  les  délicieuses  mélodies  de  son  rôle;  Perlé  a  montré  beaucoup 
de  verve  et  d'entrain  dans  la  chanson  du  Porter,  et  Mlle  de  .Vlaesen  a 
mis  beaucoup  d'expression  et  de  sentiment  dans  la  romance  de  la  Rose. 
—  Les  concerts  de  notre  Conservatoire  ont  commencé.  Le  deuxième  se 
composait  de  l'ouverture  de  Don  Juan,  d'un  chœur  de  Cherubini ,  d'un 
concerto  de  Mendelssohn,  exécuté  par  M.  Cli.  de  Beriot  fils.  Ce  jeune 
artiste  a  été  accueilli  par  les  applaudissements  les  plus  sympathiques. 
Une  symphonie  nouvelle  de  l'éminent  directeur  du  Conservatoire, 
M.  Fétis,  a  rempli  la  dernière  partie  du  concert.  Voilà  deux  fois  qu'à 
une  année  d'intervalle  le  maître  qui  a  donné  un  si  grand  renom  à  notre 
école  musicale,  étonne  le  monde  artiste  par  l'enfantement  d'œuvres  de 
la  plus  haute  portée,  dans  lesquelles  l'abondance  et  la  fraîcheur  des 
inspirations  le  disputent  à  la  science  des  combinaisons  instrumentales. 
A  l'âge  où  les  facultés  de  l'artiste  Jettent  leurs  dernières  lueurs, 
M.  Fétis  entre  avec  éclat,  par  deux  vastes  compositions  symphoniques, 
dans  une  carrière  nouvelle.  Comment  les  travaux  d'érudition  n'ont-ils 
pas  amorti  chez  lui  les  forces  de  l'imagination?  par  quel  privilège  con- 
serve-t-il  cette  inaltérable  verdeur  d'esprit  ?  C'est  le  secret  de  l'une  des 
plus  puissantes  organisations  dont  les  annales  de  l'art  musical  aient  of- 
fert l'exemple.  Ce  qui  a  surtout  frappé  l'auditoire  devant  lequel  vient 
d'être  exécutée  la  nouvelle  symphonie  de  M.  Fétis ,  c'est  le  caractère  de 
franchise  et  de  spontanéité  des  idées.  L'introduction  de  cette  symphonie 
a  un  cachet  de  grandeur  et  de  puissance  déterminé  par  la  forme  don- 
née aux  développements  de  l'idée,  plus  encore  que  par  l'intensité  des 
sonorités.  On  confond  souvent  le  bruit  avec  la  force  :  M.  Fétis  n'a  pas 
commis  cette  méprise.  L'allégro,  qui  s'enchaîne  avec  l'introduction,  est 
d'une  énergie  et  d'une  chaleur  entraînantes.  Le  motif  de  Vandantino  est 
plein  de   charme;  le  sentiment  se  manifeste  pleinement  dans  sa  con- 


DE  PARIS. 


95 


ception,  et  toutes  les  ressources  de  l'art  apparaissent  dans  la  manière 
dont  il  est  traité,  dans  la  diversité  des  aspects  par  lesquels  lo  font  pas- 
ser les  combinaisons  instrumentales.  Ce  morceau  montre  l'heureuse  al- 
liance de  l'art  et  du  sentiment.  On  la  retrouve  également  dans  la  Fan- 
tasia d'inUrinczzo,  inspiration  vraiment  originale,  de  cette  originalité  qui 
ne  sent  point  le  parti  pris,  mais  surgit  spontanément.  Le  finale,  qui  dé- 
bute de  la  manière  la  plus  neuve,  la  plus  itattendue,  agit  sur  l'audi- 
toire comme  une  force  magnétique,  par  une  vigueur  et  un  mouvement 
irrésistibles.  Il  faudrait  plus  d'une  audition  pour  pouvoir  saisir  et  ana- 
lyser une  pareille  œuvre  dans  tous  ses  détails  ;  mais  on  en  embrasse  de 
prime  abord  les  beautés  dans  leur  ensemble,  et  les  chaleureuses  accla- 
mations du  public  ont  prouvé  à  l'auteur  qu'elles  avaient  été  comprises. 

^*^  Carhruhe.  —  La  première  représentation  du  Roi  Enziu,  opéra  en 
quatre  actes,  musique  d'Abert,  vient  d'avoir  lieu  ici  avec  un  succès  qui 
dépasse  encore  celui  que  l'ouvrage  avait  obtenu  à  Stuttgard  et  à  Mann- 
heim.  Tous  les  morceaux  ont  été  applaudis,  le  compositeur  et  les  ar- 
tistes rappelés  après  chaque  acte;  un  délicieux  duo  d'amour  a  été  bissé 
au  second.  Après  la  chute  du  rideau,  le  grand-duc  et  la  grande-duchesse 
ont  fait  demander  le  compositeur  dans  leur  loge  pour  le  féliciter.  Le  Roi 
Enzio  sera  joué  plusieurs  fois  de  suite,  et  notamment  le  28  mars,  pour 
les  grandes  fêtes  qui  seront  célébr'ies  à  l'occasion  de  l'arrivée  du  frère 
du  grand-duc  avec  sa  jeune  épouse,  la  fille  du  duc  de  Leuohtenberg. 

,^*,j  Vienne.  —  Mlle  Adelina  Patti  a  obtenu  un  nouveau  triomphe  dans 
le  rôle  de  Norine  ;  elle  y  a  été  vraiment  admirable  au  double  point  de 
vue  du  chant  et  du  jeu.  11  y  a  là  plus  que  du  talent,  il  y  a  un  art 
consommé,  rehaussé  par  les  grâces  et  la  fraîcheur  de  la  jeunesse.  Don 
Pasquale,  qui  n'avait  jamais  pu  prendre  à  Vienne,  y  est  maintenant  en 
grande  faveur,  grâce  à  l'enchanteresse  qui  a  su  donner  à  cette  partition 
un  charme  tout  nouveau.  Giuglini  a  fait  merveille  dans  le  rôle  d'Er- 
nesto  :  c'est  sans  contredit  un  des  meilleurs  ténors  italiens  actuels. 
Mlle  Patti,  ainsi  que  les  autres  artistes  qui  jouaient  dans  la  pièce,  ont  eu 
fréquemment  les  honneurs  du  rappel.  LL.  MM.  l'empereur  et  l'im- 
pératrice, les  archiducs  et  les  archiduchesses  de  la  famille  impériale, 
assistent  avec  la  plus  gracieuse  bienveillance  aux  représentations  de 
Mlle  Patti;  et  la  loge  impériale  a  bien  souvent  donné  le  signal  des  plus 
sympathiques  applaudissements,  répétés  avec  empressement  par  toute  la 
salle.  Le  portrait  de  Mlle  Patti,  peint  par  Winterhalter,  est  exposé 
dans  un  des  foyers  du  théâtre  ;  on  paie  1  franc  pour  le  voir,  et  le  pro- 
duit de  cette  exposition  est  donné  aux  pauvres. 

,1,*^  Dresde.  —  La  troisième  représentation  de  Feramor  (Lalla-Rookk), 
opéra  de  Rubinstein,  a  eu  lieu  en  présence  d'une  brillante  et  nombreuse 
société.  M.  Schnorr  de  Carolsfeld  (Féramor)  s'est  surpassé;  il  a  eu  plu- 
sieurs fois  les  honneurs  du  rappel,  ainsi  que  les  autres  artistes  chargés 
des  principaux  rôles. 

„*^  Berlin.  —  Le  10  mars,  Sivori  a  donné  son  concert  d'adieux  ,  à  la 
salle  Kroll,  qui  était  comble.  Sivori  est  le  lion  de  la  saison:  depuis 
longtemps  virtuose  n'a  eu  ici  un  pareil  succès.  —  Au  profit  des  orphe- 
linats catholiques,  la  duchesse  d'Ujest,  la  comtesse  Redern  et  d'autres 
dames  appartenant  aux  plus  hautes  classes  de  la  Société,  ont  organisé 
un  concert,  dans  lequel  se  sont  fait  entendre  la  baronne  Schauroth, 
Mlle  Artot,  Sivori,  etc. 

„,*«  Oporto. — Le  succès  de  l'opéra  de  M.  Novaynlio,  Béatrice  di  Portogallo, 
a  été  immense;  tous  les  morceaux  ont  donné  lieu  aux  plus  bruyantes 
acclamations  et  aux  rappels  réitérés  des  artistes.  Mlle  Stella,  le  ténor  Bi- 
gnardi,  Buti  et  Marinozzi.qui,  d'ailleurs,  ont  fait  vaillamment  leur  devoir. 
L'auteur,  violoniste  distingué  et  chef  d'orchestre,  assistait  à  la  représen- 
tation et  a  été  l'objet  de  manifestations  empressées. 


"Voici  la  liste  des  concerts  annoncés  jusqu'à  la  fin  de  mars  : 

22  mars.  Salle  Ilerz.  Concert  de  Mlle  Hélène  de  Katow,  violoncelliste,  avec 
le  concours  de  Mlles  Fortuna  et  Léontine  Boulard, 
de  MM.  Jules  Lefort ,  Fortuna  et  Malvez ,  pour  la 
partie  vocale;  de  Mlle  Mallet  et  de  MM.  Sighicelli 
et  A.  Lebeau,  pour  la  partie  instrumentale. 

24  —  Salons  Pleyel-Wolff.  Dernière  séance  de  musique  de  chambre 
donnée  par  M.  Ch.  Lamoureux. 

24  —      Salons  Erard.   Soirée   musicale  de  MM.  Binfieîd  frères,  avec 

Mlle  Binfield,  MM.  Accursi,  Sabattier,  Borelli,  Poën- 
cet,  Hurand,  Mlles  Perelli,  Lind  et  Arohaimbaud. 

25  —      Salons  Pleyel-Wolff.  Cinquième  séance  de  musique  de  chambre 

de  MM.  Armingaud,  Jacquard,  Lalo  et  Maas,  avec  le 
concours  de  M.  Lubeck. 
25    —      Salle  Herz.  Concert  de  Mme  Ernest-Bertrand,  avec  le  concours 
de  Henri  Vieuxtemps,  MJI.  Bussine  et  Pagans. 


26  —  Salons  Pleyel.  Concert  de  M.  Greive,  auteur  de  l'opéra  la  Neu 
vaine  de  la  Chandeleur,  avec  le  concours  de  MM.  Ar- 
mingaud, Jacquard,  Lalo,  Lubeck,  A.  Mortier  et 
Mlle  Levietti;  audition  de  plusieurs  nouvelles  com- 
positions de  M.  Greive. 

28  —  Salons  Erard.  Soirée  de  Mme  Theresa  Wartel  :  1«  partie, 
musique  de  chambre;  2«  partie,  Antipathie,  co- 
médie de  Mme  Wartel. 

30  —      Salons  Erard.   Concert  de  M.  Dombrowski ,   audition   de  ses 

nouvelles  compositions,  avec  le  concours  de  Mlle  As- 
tieri  et  de  M.VI.  Jules  Desvaert  et  Michotte 

31  —      Salle  Herz.  Concert  du  tromboniste  Nabich,  avec  le  concours 

de  Mme  Szarwady,  Mlle  Lindo,  de  Londres,  MM.  Mau- 
rin,  Chevillaid,  Viguier  et  Sabatier. 


LeDirecteur  :  S.  DUFOUR. 


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HDNTEN  (F.).  —  Op.  108.  Rondino  brillant 5    » 

HERMANN.  —  Andante  et  Tarentelle  pour  violon  et  piano  .    .  7  50 

ERU6ER  (W.).  —  Transcription  de  la  Sérénade 7  50 

Id.  —  Oa.  118.  Illustrations 9     » 


IIND.  —  Choix  de  Mélodies  (facile) 7  50 

lONGlIEVIllE.  —  Op.  106.  Fantaisie  dramatique 7  50 

RDHEL.  ^  Mosaïque  des  Airs 6     » 

VÀLIQUET.  —  Petite  fantaisie  facile,  à  quatre  mains 5     » 

WOIFF.  —  Grand  duo  brillant,  à  quatre  mains 9    » 


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J.    OFFENBACH 


AIRS  DE  CHANT  DÉTACHÉS  AVEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO  : 

UEIIXPÈME  ACTE. 

8.  Couplets  (sopr.)  :  Ouf!  quel   métier  qw.  d'élre  femme  ...     3     » 

10.  Cbanson  à  boire  chantée  par  Mme  Ugalde  :  Chantons  fEs- 
pagne 4  50 

10  bis.  La  même,  transposée  deux  tous  plus  haut 4  50 

10  ter.  La  même,  transposée  un  ton  plus  haut 4  50 

1 1 .  Causerie  Chantée  par  Mme  Ugalde  :  Ah  !  quel  repas  sans 
égal , 3     » 

12.  Romance:  C^était  pendant  la  mascarade 3    » 


PREMIER   ACTE. 

2.  Romance  chantée  par  Mme  Dgalde  :  Sans  aimer,  ah  I  peut- 

on  vivre  ? 2  50 

3.  COHiilets  (sopr.):  Ce  sont  d'étranges  personnages 3     » 

3  bis,  Daetto  :  Et  maintenant  il  faut  que  je  uous  dise 5     » 

4 .  Air  de  la  Bavarde  :  C'est  bien  reconnu 6     » 

5.  Clianson  de  l'alcade:  Partout  on  chercherait  en  vain  ....  3     » 

6.  Duo  bouffe:  Quel  bavard  insupportable T  50 

7  bis.  ConpI<>ts  des  créanciers  :  Sur  ma  mule  il  trotte,  il  trotte.  3     » 


MUSARD.  —  Suite  de  Valses,  arrangée  pour  le  Piano  par  Desgranges,   6  fr. 

Quadrille  par  ARBATV  pour  le  Piano 4  50    |    Pollia  par  MARX  pour  le  Piano k    » 

WWOTLEA.ttt.  —  Transcription  facile  pour  le  Piano  de  la  Romance  et  Chanson  à  boire,  chantées  par  Mme  Ug-alde,  prix  :  5  fr. 

La  Pariition  pour  Chant  et  Piano,  format  in-8°,  paraîtra  le  1^'  avril. 


BUREAUX    A    PARIS  :    BOULEVARD    DES   ITALIENS,    I. 


30^  /Innée. 


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ON  S'ABONNE  1 

Dana  les  Déportements  et  à  l'Étranger,  chez  tous 
les  Marchands  de  Musique,  les  libraires,  et  aux 
Purcaui  des  Messageries  et  des  Postes, 


REVUE 


2»  Mars  1863. 


PRIS  DE  L'ABONNEMENT: 

Paris 24fr.parQn 

Départements,  Belgique  et  Suisse...,     30  »       id. 

Étranger 3*  "       ^^' 

Le  Journal  paraît  le  Dimiiache. 


GAZETTE  MUSICALE 


j\pj\f\s\s\rjvj\. — 


SOMMAIRE.  — F.  Halévy;  Souvenirs  d'un  ami  pour  joindre  à  ceux  d'un  frère  ;  à 
M.  Léon  Halévy  (2"  article),  par  Edouard  lUonuaïs. —  Société  des  concerts, 
par  Eiéon  Oarocher.  —  Avant-dernier  concert  populaire  de  musique  classi- 
que. —  Festival  annuel  donné  par  Arban.  —  Concert  de  la  loge  maçonnique 
des  Frëres-Unis-Inséparables,  par  jtdolphe  Botte. — Nouvelles  et  annonces. 


F.  HALÉVY. 

Souvenirs    d'an  ami  ponr  joindre  h  ceux  d'un  frèrn. 

A.  M.  LÉON  HALÉVY, 

(2=  article)  (1). 

La  première  étape  de  votre  illustre  frère  dans  la  carrière  théâ- 
trale, ce  fut  donc  l'Artisan,  joué  en  1827  ;  la  seconde,  il  la  fit  avec 
le  Dilettante  d'Avignon,  donné  en  1829,  et  pour  ce  petit  ouvrage  il 
avait  deux  collaborateurs,  Hoffmann  et  vous.  Le  célèbre  auteur  de 
Sratonice  et  des  Rendez-vous  bourgeois  s'était  amusé  à  crayonner  un 
canevas  en  quelques  scènes  dans  le  genre  de  V Imprésario,  dont  la 
musique  est  de  Mozart  ;  rajeunie  et  polie  par  vos  soins,  celle  baga- 
telle posthume  fournit  à  votre  frère  un  de  ces  thèmes  excellents, 
parce  qu'on  les  traite  absolument  sans  conséquence.  On  n'avait  pas 
encore  épuisé  la  grande  question  de  savoir  laquelle  valait  mieux  de 
la  musique  française  ou  de  la  musique  italienne,  et  sur  nos  théâtres 
on  aimait  toujours  à  rire  aux  dépens  de  ceux  qui  préféraient  la  der- 
nière. Du  reste,  pour  se  moquer  de  la  musique  italienne,  il  fallait  la 
parodier,  l'imiter  plus  ou  moins,  et  l'on  ne  saurait  dire  combien  de 
fois  cette  obligation  a  servi  nos  compositeurs.  Halévy  profita  aussi 
de  la  circonstance  :  un  rayon  de  soleil  illumina  son  style,  devenu 
tout  à  coup  plus  franc,  plus  libre,  plus  hardi.  La  popularité  s'empara 
du  charmant  chœur  :  vioe  Vllaiiel  et  l'on  sentit  la  main  du  maître, 
qui,  pour  se  révéler,  n'a  besoin  que  d'un  prétexte,  dans  le  trio 
si  savamment  jeté  sur  les  vers  de  Mallebranche  :  Il  fait  en  ce  beau 
jour  le  plus  beaii,  temps  dumonde,  etc.,  poésie  fameuse,  à  laquelle 
s'enlaçait  la  non  moins  fameuse  mélodie  de  Malbrough. 

Du  théâtre  Italien,  où  votre  frère  avait  été  nommé  accompagnateur 
et  chef  du  chant  en  1826,  il  passa,  en  1829,  au  grand  Opéra  pour 
y  remplir  les  mêmes  fonctions,  mais  nulle  part  il  ne  devait  s'y  bor- 
ner :  son  mérite  en  élargissait  bientôt  la  sphère.  Au  théâtre  Italien, 

(1)  Voir  le  n"  12. 


où  il  avait  remplacé  Hérold,  il  fut  admis  à  écrire  un  ouvrage  en 
trois  actes,  Clari,  et  jugé  dig-ne  d'avoir  Mme  Malibran  pour 
interprète.  Au  grand  Opéra  ,  où  il  se  trouvait  à  côté  d'Hérold, 
presque  dès  son  entrée,  il  composa  la  musique  d'un  ballet,  Manon 
Lescaut,  puis  la  partie  lyrique  d'un  autre  ballet,  la  Tentation,  où  il 
y  avait  des  chœurs  pleins  de  verve.  Dans  le  même  temps,  il  avait 
donné  successivement  à  l'Opéra-Comique  plusieurs  petits  ouvrages  : 
le  Roi  et  le  Batelier,  la  Langue  musicale,  les  Souvenirs  de  Labeur  • 
il  avait  écrit  la  musique  dUldla,  ouvrage  en  trois  actes,  mis  en  répé- 
tition, mais  non  représenté  par  suite  d'événements  politiques.  De  tous 
ces  travaux,  par  lesquels  il  achevait  de  se  former,  de  se  préparer  à 
des  œuvres  plus  hautes  et  plus  heureuses,  aucun  ne  lui  avait  con- 
quis la  position  à  laquelle  l'appelait  sa  nature  d'élite.  Hé.'-old  vint  à 
mourir,  le  lendemain  d'un  triomphe  ;  l'auteur  du  ï>ré  aux  Clercs  lais- 
sait une  partition  à  peine  ébauchée,  celle  de  Ludovic  :\&  choix  qu'on 
fit  d'Halévy  pour  la  terminer  fut  à  la  fois  un  honneur  et  une  jus- 
tice. Nul  autre  n'était  plus  capable  que  lui  de  remplir  la  mission 
qu'on  lui  confiait,  mais  en  le  déclarant  publiquement,  on  l'apprenait 
à  beaucoup  de  gens,  qui  ne  s'en  doutaient  guère;  on  devançait  la  pos- 
térité, en  mettant  sur  la  même  ligne  Hérold  et  Halévy.  Ce  fut  là, 
selon  moi,  la  troisième  étape  de  cette  existence  si  laborieuse,  si 
féconde,  à  laq-uelle  nous  avons  assisté  de  si  près  ;  la  quatrième  et 
dernière,  parce  qu'elle  conduisit  votre  frère  à  son  but,  et  ne  lui 
laissa  plus  d'autre  souci  que  celui  de  rester  égal  à  lui-même,  vous  le 
savez  aussi  bien  que  moi,  et  chacun  le  sait  comme  nous,  c'est  la 
Juive. 

La  .luive  fut  composée  à  cette  heure  solennelle  où  l'artiste  sent 
que  la  bataille  décisive  va  se  livrer ,  que  l'occasion  de  vaincre  se 
présente  aussi  belle  que  possible,  et  que,  sur  sa  tête,  il  est  con- 
damné à  ne  pas  la  manquer.  Comme  le  dit  M.  Beulé,  dans  son  éloge 
académique ,  on  est  alors  forcé  de  faire  un  chef-d'œuvre,  et  il 
ajoute  :  «  Halévy  sentait  le  danger  et  n'en  était  que  plus  enflammé. 
Ceux  qui  l'ont  vu  de  près  â  celte  époque  étaient  frappés  de  son 
exaltation  :  il  avait  tantôt  cette  lièvre  salutaire,  tantôt  ces  abattements 
féconds,  douleurs  de  l'enfantement  intellectuel,  sans  lesquels  ne 
naissent  point  les  belles  choses.  11  était  malade  et  il  avait  peur  de 
mourir,  non  point  à  la  façon  des  âmes  pusillanimes  ou  troublées  par 
la  superstition,  mais  à  la  façon  des  âmes  éprises  de  la  gloire:  il 
avait  peur  de  mourir  avant  que  son  œuvre  fût  achevée  et  son  nom 
sauvé  de  l'oubli.  »  Tel  était. en  traits  généraux  l'élat  moral,  dont 
les  détails  racontés  par  Halévy  lui-même  avaient  quelque  chose  d'ef- 
frayant et  parfois  aussi  de  comique.  Un  grain  de  la  folie  du  Tasse, 
doutant  du  sort  de  sa  Jérusalem,  se  retrouvait  au  fond  de  ces  agita- 


98 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


lions,  de  ces  angoisses  d'un  compositeur,  inquiet  de  savoir  s'il  allait 
enOn  frapper  ce  grand  coup,  qui  commande  souverainement  l'atten- 
tion du  public.  Jusque-là,  que  de  bonnes  choses  passent  inaperçues! 
que  de  talent  perdu,  que  d'inspirations  remarquables  et  non  remar- 
quées !  Mais  quand  l'artiste  a  fait  sa  grande  œuvre,  son  œuvre  maî- 
tresse, alors  c'est  différent  :  on  lui  tient  compte  de  tout ,  même  de 
productions  inférieures  à  celles  qu'il  créait  d'abord. 

HaJévy  était  dans  une  crise  de  surexcitation,  d'oppression  pareille 
à  celle  de  la  sybiile  quand  le  Dieu  s'approche  d'elle  et  la  dompte. 
Il  m'a  si  vivement  dépeint  ses  souffrances,  que  je  puis  les  rappeler 
ici,  comme  sous  sa  dictée.  En  proie  à  toutes  les  terreurs,  il  se  croyait 
atteint  d'une  maladie  grave,  qui  n'exista  jamais  que  dans  son  ima- 
gination. La  mort  lui  apparaissait  sans  cesse,  et,  pour  la  fuir, 
il  changeait  de  place  à  tout  moment  :  il  travaillait  tantôt  dans 
un  lieu,  tantôt  dans  un  autre,  rarement  chez  lui.  A  cette  époque,  le 
Don  Juan,  de  Mozart ,  était  en  répétition  à  l'Opéra  français.  Pour  la 
conclusion  dramatique  et  musicale  de  l'œuvre ,  on  avait  ajouté  au 
dénoùment  une  longue  procession  de  damnés,  de  squelettes,  s'a- 
vançant  une  torche  à  la  main,  un  cortège  de  jeunes  filles  déposant 
à  terre  le  cercueil  de  leur  compagne.  Dona  Anna  sortait 
à  moitié  de  sa  bière,  avec  son  voile  noir  et  une  couronne  blanche. 
La  funèbre  cérémonie  s'accomplissait  sur  le  Dies  irœ  du  Requiem; 
mais  Halévy,  que  ses  fonctions  appelaient  au  théâtre,  ne  pouvait  con- 
cevoir que  l'on  supportât  un  semblable  spectacle;  il  s'éloignait  en 
toute  hâte  et  allait  chercher  un  refuge  bien  loin,  dans  les  Champs- 
Elysées,  au  bois  de  Boulogne.  Le  soir,  il  éprouvait  une  invincible 
répugnance  à  regagner  seul  son  logis,  dans  cette  maison  de  la  rue 
Montholon  qu'il  avait  habitée  avec  vous,  et  que  vous  décrivez  si  bien. 
Parmi  les  chefs  de  service,  il  y  en  avait  un  à  l'Opéra,  que,  du  reste 
il  connaissait  de  longue  date,  et  qui  se  trouva  tout  à  coup  l'objet 
d'une  prédilection  dont  la  cause  lui  échappa  toujours.  Il  demeurait 
près  de  la  rue  Montholon,  et  Halévy  n'oubliait  pas  de  lui  dire  :  «  Mon 
»  ami,  si  rien  ne  te  presse,  attends-moi,  nous  ferons  route  ensemble. >■ 
L'autre  ne  demandait  pas  mieux  et  ne  voyait  à  cela  rien  que  de  flat- 
teur. Il  attendait  votre  frère  et  l'accompagnait  jusqu'au  coin  de  sa 
rue.  De  là,  il  n'y  avait  plus  que  quelques  pas,  et  Halévy  les  fran- 
chissait presque  d'un  seul  bond.  Voilà  dans  quelles  dispositions,  sous 
quelles  appréhensions  s'est  achevée  une  partition  immortelle! 
Quand  on  voit  de  quel  prix  les  grands  artistes  paient  souvent  leurs 
chefs-d'œuvre,  on  ne  sait  s'il  ne  faut  pas  les  plaindre  encore  plus  que 
les  envier. 

Les  répétitions  de  la  Juive  amenèrent  un  nouvel  ordre  d'anxiétés 
et  d'épreuves.  C'est  M.  Véron,  alors  directeur  de  l'Opéra  (et  cet  acte 
est  un  de  ses  plus  beaux  titres),  qui  avait  autorisé  votre  frère  à  prier 
Scribe  de  lui  donner  un  poëme.  Puis-je  ne  pas  noter  en  passant  un 
mot  curieux,  que  je  tiens  d'Halévy,  et  dont  son  illustre  collaborateur 
eût  ri  tout  le  premier?  Quand  le  musicien  alla  chez  le  poëte  et  qu'il 
lui  eût  expliqué  le  motif  de  sa  visite,  le  poëte  dit  aussitôt  :  «  Est-ce 
pressé?  —  Mais  oui,  répondit  le  musicien;  »  et  le  poëte  de  reprendre, 
en  songeant  à  la  prime  d'usage  :  «  C'est  que ,  vous  concevez ,  si 
c'est  pressé,  c'est  plus  cher;  j'ai  des  ouvrages  commencés,  des  col- 
laborateurs qui  aKendent...  »  L'obstacle  fut  levé,  les  collaborateurs 
attendirent.  Scribe  était  d'ailleurs  en  fonds  pour  les  indemniser;  il 
n'avait  qu'à  faire  avec  eux  une  ou  deux  pièces  de  plus.  Il  fut  con- 
venu que  la  Juive  serait  livrée  acte  par  acte  à  des  époques  fixées,  et 
chaque  fois  qu'une  époque  arrivait,  on  voyait  aussi  arriver  le  poëte  , 
cherchant  le  musicien  dans  les  coulisses,  afin  de  constater  légale- 
ment qu'il  était  exact  à  ses  échéances. 

Le  poëme  de  la  Juive  ne  fut  pas  coulé  d'un  seul  jet  :  à  plusieurs 
reprises,  on  en  remit  diverses  parties  à  la  fonte.  Dans  l'origine,  l'ac- 
tion se  passait  à  Goa  et  non  à  Constance  :  l'inquisition  y  tenait  la 
place  maintenant  attribuée  au  concile.  La  question  des  rôles  avait 
une  extrême  importance,  et  quoique  celui  du  juif  Eléazar  semblât 


dévolu  d'avance  à  une  basse-taille  comme  celle  de  Levasseur,  la 
pensée  des  auteurs  se  tourna  vers  Adolphe  Nourrit,  mais  comment 
le  décider  à  prendre  l'emploi  de  père  ?  Halévy  entama  la  négocia- 
tion :  «  Dans  notre  ouvrage,  dit-il,  nous  avons  deux  personnages, 
celui  de  Léopold,  de  l'amant,  que  nous  pouvons  étendre,  amplifier, 
pour  le  rendre  digne  de  vous,  et  celui  d'Eléazar,  qui  passe  pour  le 
père  de  Rachel,  et  qui  peut-être  vous  semblera  préférable.  —  Mais, 
mon  Dieu,  vous  n'y  songez  pas,  s'écria  l'artiste;  que  je  joue  un  rôle 
de  père,  moi  qu'on  accuse  déjà  de  vieillir  !  ce  serait  donner  raison 
à  mes  ennemis  !  —  Lisez  la  pièce ,  vous  choisirez.  »  Halévy  lui  re- 
mit le  manuscrit;  après  l'avoir  lu,  l'artiste  n'hésita  plus  et  dit  :  «  Je 
jouerai  le  rôle  du  père.  »  Qui  ne  sait  que  ce  fut  sa  création  la  plus 
originale  et  la  plus  saillante  ?  Depuis  Adolphe  Nourrit  on  a  trouvé 
des  chanteurs  qui  l'ont  égalé,  surpassé  peut-être,  mais  non  plus  cet 
acteur  qui  s'associait  aux  auteurs,  épousait  leur  œuvre  et  travaillait 
avec  eux  à  la  perfectionner.  Le  grand  air  d'Eléazar,  à  la  fin  du  qua- 
trième acte ,  fut  non-seulement  indiqué  par  Adolphe  Nourrit  comme 
indispensable  à  la  situation,  mais  il  en  écrivit  les  paroles  :  Rachel, 
quand  du  Seigneur  la  grâce  tutélaire,  et  ces  paroles  fournirent  au 
musicien  l'un  des  airs  qui  seront  l'éternel  honneur  de  l'école  fran- 
çaise. 

On  avait  beaucoup  taillé,  rogné  pendant  les  répétitions  de  la  Juive, 
mais  pas  assez,  puisqu'après  la  représentation,  il  fallut  retrancher 
encore,  surtout  au  troisième  acte,  dont  une  moitié  disparut.  Halévy 
me  disait  que  dans  la  fièvre  des  suppressions  il  avait  été  fortement 
question  de  couper  la  romance  de  Rachel  au  second  acte  ■  Il  va 
vertir,  comme  entièrement  inutile  et  faisant  longueur.  «  Voyez  pour- 
tant, ajoutait-il,  c'est  le  morceau  le  plus  populaire  de  tout  l'ouvrage, 
à  ce  point  que  dans  les  examens  du  Conservatoire,  nous  en  sommes 
toujours  poursuivis,  harcelés?  On  a  coupé  dans  la  Juive  et  dans  mes 
autres  opéras  d'autres  morceaux  qui  ne  valaient  peut  •  être  pas 
moins.  »  A  la  première  représentation,  le  spectacle  n'avait  fini  qu'à 
2  heures  du  matin  :  c'était  la  faute  de  la  pièce,  et  encore  plus 
celle  des  décors  trop  compliqués  et  d'une  plantation  trop  difficile.  Ces 
décors,  ces  costumes  d'une  magnificence  qui  n'avait  pas  d'exem- 
ple, furent  d'abord  plus  nuisibles  que  favorables  à  l'œuvre  en  elle- 
même.  On  avait  fait  la  Juive  si  belle  qu'on  refusait  de  la  croire 
bonne.  Le  fabuleux  cortège  de  l'empereur  Sigismond  occupait  telle- 
ment les  yeux  que  les  oreilles  se  dispensaient  d'entendre.  C'est  du 
Franconi  à  la  [troisième  puissance,  s'écriait  un  de  mes  confrères 
en  journalisme  les  plus  distingués.  Un  autre  soutenait  que  le  trio  de 
l'anathème  :  Chrétien  sacrilège,  était  calqué  note  pour  note  sur  le 
trio  de  Ricciardo  e  Zoratde.  Ce  reproche  trouvant  crédit  et  pas- 
sant de  bouche  en  bouche,  Rossini  voulut  bien  informer  l'accusateur, 
qu'entre  le  trio  de  Ricciardo  et  celui  de  la  Juive,  il  n'y  avait  pas  même 
un  air  de  famille.  Pour  savoir  au  juste  à  quoi  m'en  tenir  sur  la  valeur 
musicale  du  premier  acte,  que  l'on  renvoyait  si  cavalièrement  au 
Cirque,  j'allai  l'écouter  dans  un  coin  de  l'orchestre,  en  tournant  le  dos 
à  la  scène,  et  je  fus  ravi  de  me  convaincre  que  tout  cet  acte  était  un 
trésor  de  mélodies  fortes,  brillantes  et  passionnées,  se  succédant 
s'enchaînant  avec  autant  d'art  que  de  puissance  inventive. 

Les  Puritains,  de  Bellini,  avaient  été  représentés  quelques  jours 
avant  la  Juive.  Nulle  comparaison  n'était  à  faire  entre  les  deux  ou- 
vrages dont  chacun  appartenait  à  une  école,  à  un  pays,  à  un  genre, 
et  qu'on  pouvait  seulement  traiter,  à  première  vue,  d'ouvrages  de 
portée  égale.  Mais  le  préjugé  tranche  plus  nettement  et  plus  vite.  Je 
ne  pus  m'empêcher  de  rire,  en  entendant  un  soir,  la  Juive  à  peine 
commencée,  une  belle  dame  s'exclamer  dans  une  baignoire  voisine 
de  l'orchestre  :  «  Ah  !  quelle  différence  avec  les  Puritains  I  n  Ce  pré- 
jugé, si  ridicule,  n'en  persécuta  pas  moins  Halévy  de  ses  dédains, 
et  c'était  presque  toujours  des  hauts  lieux  que  partaient  les  sar- 
casmes. Cependant  il  faut  reconnaître  qu'une  fois  on  fut  juste. 
Bellini  venait  d'obtenir  la  croix  :  M.  Léon  Pillet,  alors  attaché  au  duc 


DE  PAHIS. 


99 


d'Orléans,  fit  observer  au  jeune  prince  qu'un  étranger  ne  devait  pas 
trouver  en  France  plus  de  faveur  qu'un  Français,  et  Halévy  fut 
aussi  décoré. 

23  février  1835!  C'est  la  date  du  jour  où  la  Juive  fut  représentée. 
C'est  aussi  celle  de  la  première  lettre  que  j'aie  reçue  de  votre  frère. 
Depuis  la  soirée  de  M.  Villemain,  je  ne  l'avais  revu  que  par  hasard 
et  de  loin.  Un  jour,  dans  le  bureau  d'un  agent  dramatique ,  il  me 
serra  la  main  et  me  salua  du  titre  de  collaborateur,  parce  que,  en 
effet,  il  avait  mis  en  musique  une  ou  deux  romances  que  Maurice 
Schlesinger  m'avait  demandées  pour  lui.  Je  tenais  alors  le  feuilleton 
lyrique  du  Courrier  français;  mon  intimité  avec  votre  frère  n'était 
pas  encore  bien  étroite,  vous  en  jugerez  par  le  billet  suivant  : 

«  Mon  cher  monsieur  Monnais,  je  n'ai  pu,  comme  je  l'espérais, 
trouver  le  temps  de  vous  voir  aujourd'hui.  Je  voulais  vous  recom- 
mander bien  instamment  ma  Juive.  Je  compte  sur  la  bienveillante 
amitié  dont  vous  m'avez  déjà  donné  des  preuves.  A  ce  soir  donc,  et 
soutenez-moi  des  mains  et  de  la  plume. 

»  Mille  compliments  bien  empressés  de  votre  tout  dévoué. 

I  Lundi,  23  février. 

»  F.  Halévy.  » 

Bien  des   lettres  ont  suivi  celle-là,  mais,  de  toutes  celles  que  je 

possède,  je  ne  publierai  que  les  deux  qu'Halévy  m'écrivit  de  Nice, 

l'une  le  4  et  l'autre  le  31  janvier  de  l'année  dernière. 

Edouard  MONNAIS. 

{La  suite  prochainement.) 


SOCIËTË  DES  CONCERTS- 

La  symphonie  avec  chœurs  n'était  pas  la  seule  partie  intéressante 
du  sixième  concert  donné  dimanche  dernier.  Le  programme  annon- 
çait encore  un  duo  de  Béatrice  et  Bénédict  d'Hector  Berlioz.  On 
sait  que  Béatrice  et  Bénédict  est  un  opéra  qui  a  été  joué  à  Bade  l'été 
dernier,  et  qu'on  y  a  surtout  remarqué  un  duo  pour  deux  voix  fémi- 
nines. C'est  justement  ce  morceau  que  Mmes  Viardot  et  Vanden- 
Heuvel  ont  fait  connaître,  dimanche  ,  aux  abonnés  du  Conserva- 
toire. Autant  que  nous  en  avons  pu  juger,  il  y  est  question  du 
calme  de  la  nuit,  de  la  douce  clarté  de  la  lune,  du  chant  des  ros- 
signols et  de  l'ivresse  d'un  premier  amour,  d'un  amour  heureux  ou 
qui  croit  l'être.  Nous  avons  perdu  quelques  paroles,  mais  nous 
n'avons  pas  perdu.  Dieu  merci!  une  seule  note.  Tout  est  charmant 
dans  ce  morceau  :  le  dessin  mélodique,  l'harmonie,  l'instrumentation, 
la  couleur. 

On  est  à  la  campagne,  on  sent  la  brise  du  soir,  on  voit  à  l'hori- 
zon les  dernières  teintes  du  crépuscule,  et  au  zénith  les  premières 
étoiles,  on  entend  le  feuillage  qui  frémit  et  l'oiseau  qui  chante,  et  l'on 
sent  son  cœur  doucement  envahi  par  une  émotion  indéfinissable,  mais 
délicieuse.  Nous  pourrions  entrer  dans  les  détails,  parler  de  la  dis- 
tinction du  style  mélodique,  de  l'élégance  des  modulations,  de  la  ri- 
chesse du  coloris  instrumental,  des  bruissements  harmonieux  des 
violons,  des  soupirs  mélancoliques  des  clarinettes,  de  la  sonorité 
douce  et  voilée  des  cors,  de  l'art  savant  et  délicat  avec  lequel  l'au- 
teur a  su  employer  tous  ces  éléments...  à  quoi  bon?  Le  mets  est 
parfait,  divin,  digne  des  palais  les  plus  fins  et  les  plus  exercés  :  sa- 
vourons-le, sans  nous  inquiéter  des  ingrédients  qui  le  composent.  Qui 
analyse  son  plaisir  l'amoindrit. 

L'auditoire  tout  entier  a  partagé  nos  sensations.  Le  duo  a  été  re- 
demandé tout  d'une  voix,  et  aussi  vivement  applaudi  à  la  seconde 
épreuve  qu'à  la  première.  Le  public  du  Conservatoire,  si  sévère  pour 
les  compositeurs  vivants,  s'est  montré  cette  fois  d'une  aménité 
inouïe.  La  lyre  d'Orphée  avait  dompté  Cerbère.  Il  faut  ajouter,  pour 
être  juste,  que  les  deux  interprètes  de  M.  Beriioz  y  étaient  aussi  pour 
quelque  chose.  Jamais  duo  n'avait  été  plus  magistralement  exécuté. 


La  séance  précédente  n'avait  offert  aucun  événemeut  extraor- 
dinaire. Il  est  vrai  qu'on  entend  rarement  la  symphonie  (n"31),de 
Haydn,  et  il  est  également  vrai  qu'elle  est  charmante.  Mais  elle  ne 
diffère  en  rien,  ni  pour  la  forme,  ni  pour  la  nature  des  idées,  ni  pour 
le  style,  ni  pour  les  procédés  d'instrumentation,  ni  pour  la  science 
harmonique,  de  tant  d'autres  œuvres  du  même  maître,  aussi  agréa- 
bles et  aussi  savantes  tout  à  la  fois.  Avec  Haydn,  le  stock—  comme 
disent  nos  boursiers  —  est  considérable,  mais  on  ne  connaît  pas  l'em- 
barras du  choix.  On  n'a  qu'à  prendre  au  hasard.  On  est  toujours  sûr 
de  mettre  la  main  sur  un  objet  de  prix . 

Quant  à  la  symphonie  en  la,  de  Beethoven,  au  psaume  à  double 
chœur  de  Mendelssohn,  qui  est  bien  heureux  (le  psaume)  d'être  si- 
gné d'un  nom  illustre,  quant  à  l'air  du  ballet  de  Prométhée,  et  au 
chœur  de  Castor  et  Pollux,  tout  cela  est  connu,  jugé,  classé  depuis 
longtemps.  (Ceux  de  nos  lecteurs  auxquels  il  faudrait  absolument  une 
analyse  bien  faite  et  chaudement  écrite  de  la  symphonie  en  la  peuvent 
s'adresser  à  Hector  Beriioz  et  à  M.  Michel  Lévy,  l'intelligent  éditeur 
d'4  travers  chants  :  ils  trouveront  leur  affaire  à  la  page  40 .  ) 

Pour  ce  qui  est  de  cette  gracieuse  et  délicate  composition  qu'on  ap- 
pelle le  chœur  de  Castor  et  Pollux,  nous  n'avons  qu'un  mot  à  en  dire  : 
c'est  que  Rameau  ne  l'a  pas  conçue  et  écrite  telle  qu'on  l'exécute  au 
Conservatoire.  Les  paroles  qu'on  chante  aujourd'hui  ne  sont  pas 
celles  pour  lesquelles  Rameau  a  fait  sa  musique,  et  cette  musique 
n'est  pas  le  chœur  à  jet  continu  d'à  présent.  Vous  la  trouverez,  si  vous 
en  êtes  curieux,  aux  pages  27  et  29  du  prologue.  C'est  d'abord  un  air 
de  ballet,  un  menuet  purement  instrumental.  Ce  menuet  est  suivi 
d'un  tambourin,  air  de  danse  à  deux  temps.  Le  tambouri.i  terminé, 
l'Amour  —  personnage  inévitable  dans  les  prologues  du  siècle  der- 
nier et  du  précédent  —  l'Amour  (haute-contre),  prend  la  parole,  et 
chante  sur  l'air  du  menuet  les  vers  qui  suivent  : 

Naissez,  dons  de  Flore, 
La  paix  doit  vous  ranimer. 
Naissez  :  c'est  le  temps  d'éclore  : 
Pour  nous  c'est  le  temps  d'aimei". 

Un  chœur  répète  ces  quatre  vers,  et  le  solo  devient  trio.  Ce  chœur 
est  écrit,  en  effet,  à  trois  parties  :  premiers  dessus,  deuxièmes  dessus, 
tailles  et  hautes-contre  à  l'unisson.  Pourquoi  le  compositeur  en  a-t-il 
exclu  les  basses-tailles?  Nous  l'ignorons.  L'intitulé  des  scènes  porte  : 
Chœur  des  Arts  et  des  Plaisirs.  Ce  sont  donc  les  Arts  et  les  Plaisirs 
qui  chantent  :  Pour  nous  c'est  le  temps  d'aimer.  Qu'il  n'y  ait  que  des 
voix  flûtées  dans  la  troupe  des  Plaisirs,  on  le  comprend  ;  mais  les 
Arts  auraient  pu  sans  inconvenance,  même  sous  Louis  XV,  se  per- 
mettre des  accents  plus  graves. 

Quand  les  Arts  et  les  Plaisirs  ont  répété  en  trio  le  premier 
quatrain  de  l'Amour,  celui-ci  reprend  : 

Jeune  Zéphyr,  vole. 
Et  suis  le  Plaisir. 
Verse  les  fleurs  : 
Les  cœurs 
Vont  en  faire  à  tous  moments 
Les  nœuds  les  plus  charmants. 
Prêtons  nos  ailes 
Aux  belles, 
Pour  rendre  heureux  plus  d'amants. 

On  ne  nous  saura  pas  mauvais  gré,  nous  l'espérons,  d'avoir  remis 
en  lumière  ce  curieux  échantillon  de  la  poésie  lyrique  du  xviu'  siècle. 
Le  dernier  trait  surtout  nous  paraît  d'un  prix  infini.  Prêtons  nos  ailes 
aux  belles  pour  rendre  heureux  plus  d'amants  I  Comme  cela  est  in- 
génieux, et  finement  touché  !  11  ne  faut  point  oublier  que  ce  poëme 
de  Caslor  et  Pollux  est  de  Gentil  Bernard,  le  galant  auteur  de  l'Art 
d'aimer.  Son  opéra  fut  joué  le  24  octobre  1737,  après  la  Régence, 
après  le  règne  de  M""  la  marquise   de  Prie,  au  moment  raûnie   oii 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Louis  XV,  enuuyé  des  froides  vertus  de  la  reine,  trouvait  dans  l'il- 
lustre maison  de  Nesle 

Ce  troupeau  de  jouvencelles 
Toutes  jeunes,  toutes  belles, 

Que  Sedaine  enferma  un  peu  plus  tard  dans  le  «  jardin  »  du  sultan 
Saladin.  Gentil  Bernard,  on  le  reconnaîtra,  savait  prendre  l'air  de  la 
cour  aussi  bien  que  son  prédécesseur  Quinault,  et  n'était  pas  moins 
fade  que  lui,  ni  moins  plat. 

Quoi  qu'il  en  soit,  cette  seconde  partie  du  menuet,  devenu  mor- 
ceau de  chant,  et  disposée  comme  la  première  :  solo  de  haute-contre, 
répété  à  trois  voix  par  les  Arts  et  les  Plaisirs.  Ce  n'est  pas  ce  qui  se 
fait  aujourd'hui,  et  nous  devons  faire  observer  encore  que  Rameau 
a  pris  la  peine  d'indiquer  dans  sa  partition  des  alternatives  de  doux 
et  de  fort  dont  le  chœur  et  l'orchestre  du  Conservatoire  ne  tiennent 
aucun  compte.  Ces  messieurs  sont  fort  habiles ,  et  sans  doute  ils 
n'ont  pas  tort.  Mais  Rameau,  qui  est  d'un  avis  contraire  au  leur, 
n'était  pas  non  plus  le  premier  venu,  et  l'on  peut  supposer  à  la  rigueur 
qu'il  avait  aussi  ses  raisons.  Malheureusement  pour  lui ,  il  n'est  pas 
là  pour  les  faire  valoir.    Vœ  victis  ! 

LÉON  DUROCHER. 


Avant-tlernier  Concert  iiopiilaire  de  Slasiqne 
classique. 

Nous  touchons  au  terme  de  la  seconde  saison  remplie  par  ces  con- 
certs, dont  le  succès  toujours  croissant  a  quelque  chose  de  si  imprévu, 
de  si  extraordinaire.  Pas  une  seule  fois,  la  foule  n'a  cessé  de  s'y 
porter  avec  ardeur,  avec  enthousiasme.  De  son  côté,  M.  Pasdeloup 
a  eu  l'art  de  justifier  la  faveur  qu'il  avait  tout  d'abord  conquise  :  on 
ne  pouvait  lui  demander  rien  de  plus  ni  poifr  la  richesse  et  la  va- 
riété des  programmes,  ni  pour  les  mérites  de  l'exécution.  Au  concert 
de  dimanche  dernier,  l'ouverture  de  Struensée,  déjà  entendue  pen- 
dant l'autre  saison,  a  été  dite  de  nouveau  par  un  orchestre  bien  ini- 
tié à  la  grandeur  du  chef-d'œuvre.  Ce  drame  instrumental  si  ma- 
jestueux, si  noble  au  début,  si  passionné  dans  ses  phases  diverses, 
d'une  énergie  si  entraînante  au  dénoûment ,  qu'on  voudrait  con- 
naître entièrement  à  Paris  comme  en  Allemagne,  s'est  déroulé  avec 
une  précision  chaleureuse,  qui  n'a  laissé  dans  l'ombre  aucjne  des 
beautés  d'ordre  si  élevé.  C'est  le  triomphe  d'un  chef  d'orchestre  que 
la  conduite  habile  et  heureuse  d'une  telle  œuvre,  qui  dépasse  toutes 
les  proportions  communes.  La  symphonie  en  fa  de  Beethoven,  le 
Songe  d'une  nuit  d'été  de  Mendelssohn,  n'ont  pas  été  rendus  avec  une 
perfection  moindre,  ni  applaudis  moins  unanimement.  M.Lancien,  qui 
tient  si  dignement  le  premier  violon,  s'est  distingué  comme  soliste, 
en  jouant  très-purement  l'allégro  du  concerto  en  ré  mineur  de 
Kreutzer.  Il  est  bon  de  rendre  ainsi  hommage  aux  éminentes  qua- 
lités d'une  école.  Les  camarades  de  M.  Lancien  ont  compris  que 
l'hommage  s'adressait  à  eux  aussi  bien  qu'à  lui. 


Festival  annuel  donné  par  Arlian. 

Arban  est  aussi  un  artiste,  dont  nous  nous  honorons  à  plus  d'un 
titre.  Chaque  année,  dans  les  salons  du  Casino,  il  nous  donne  un  spé- 
cimen des  progrès  qu'il  sait  commander  à  son  orchestre.  Et  d'abord, 
comme  chacun  sait,  il  prêche  d'exemple  :  il  est  le  premier  des  solistes 
sur  son  instrument  :  il  tire  du  cornet  à  pistons  des  sons  qui 
foraient  envie  à  la  voix  humaine.  Comme  compositeur  il  arrange 
des  fantaisies  dans  lesquelles  il  résume  avec  une  habileté  sans  égale 
des  opéras  entiers.  L'autre  soir  il  a  voulu  nous  montrer  qu'il  pouvait, 
I  lui  aussi,  s'élever  au  niveau  des  plus  grands  maîtres.  Il  a  dirigé  l'exé- 
I     cution  de    la   fameuse  marche   à    double   orchestre   composée   par 


Meyerbeer  pour  le  couronnement  du  roi  de  Prusse  et  qu'on  entendait 
pour  la  première  fois  à  Paris.  Rien  n'y  a  manqué,  ni  la  vigueur,  ni 
la  chaleur,  ni  l'éclat.  Les  voûtes  du  Casino  ont  dû  être  quelque  peu 
surprises  de  retentir  d'un  morceau  digne  d'un  palais  ou  d'un  temple, 
mais  l'ensemble  n'en  a  pas  moins  profondément  saisi  tout  cet  audi- 
toire qu'on  aurait  pu  croire  plus  profane.  Sans  revenir  sur  l'œuvre 
même  dont  nous  avons  apprécié  en  détail  toutes  les  beautés,  nous 
pouvons  dire  qu' Arban  n'a  eu  qu'à  se  féliciter  de  son  initiative,  et 
que  ce  magnifique  morceau  n'a  pas  produit  un  effet  moins  grandiose 
ici  qu'en  Allemagne  et  en  Angleterre. 

Rendons  justice  à  l'essai  d'un  jeune  musicien,  M.  Jean  Conte,  lau- 
réat de  l'Institut,  qui,  dans  une  espèce  de  symphonie  pittoresque,  a 
retracé  le  tableau  du  Carnaval  à  Rome.  Ce  sont  les  souvenirs  de  son 
voyage  dans  la  ville  éternelle,  qu'il  a  réunis  avec  un  talent  mûri  par 
de  solides  études.  Il  y  a  de  la  musique  et  de  la  musique  bien  faite  dans 
son  tableau  sonore,  et  l'auteur  d'une  telle  esquisse  mérite  assurément 
d'obtenir  un  libretlo  d'opéra. 

C'est  purement  et  simplement  un  chef-d'œuvre  du  genre  que  la 
grande  fantaisie  d' Arban  sur  la  Muette  de  Portiez  :  nous  lui  décer- 
nons le  prix  sans  conteste,  et  nous  ne  doutons  pas  de  l'assentiment 
qui  confirmera  notre  sentence,  partout  oîi  la  fantaisie  sera  jouée, 
deux  ,ou  trois  fois  plutôt  qu'une.  Pour  finir,  distribuons  en 
bloc  nos  éloges  à  M.  Demersseman,  le  flûtiste  admirable,  à  M.  Lal- 
liet,  le  hautbois,  à  M.  Isidore  Lévy,  le  violon,  et  aux  Enfants  de  Lu- 
ièce,  qui,  sous  la  direction  de  M.  Gaubert,  chantent  si  bien  le  beau 
chœur  du  Songe  d'une  nuit  d'été. 

P.  S. 


Concert  de  la  loge  maçonnlciue  deis  Frères-Unis- 
Inséparables. 

Si  nous  tenons  à  faire  mention  de  la  matinée  musicale  annuelle 
que  la  loge  maçonnique  tes  Frères-Unis  Inséparables  vient  de  donner 
dans  la  belle  salle  du  Grand-Orient,  c'est  d'abord  que  T'excellence 
du  programme  nous  y  autorise,  car  nous  y  voyons  figurer  des  noms 
éminents,  tels  que  ceux  de  Mme  Viardot,  Naudin,  Délie  Sedie;  ensuite 
cette  loge,  cette  réunion  d'hommes  de  bien,  compte  dans  son  sein  bon 
nombre  de  musiciens,  parmi  lesquels  nous  rencontrons  un  nom  illustre. 
Plusieurs  exécutants  même  étaient  revêtus  de  leurs  insignes  maçon- 
niques, —  et  il  ne  tiendra  qu'à  Mme  Viardot,  si  l'année  prochaine, 
elle  veut  encore  une  fois  prêter  son  précieux  concours  aux  Frères- 
Unis-Inséparables,  de  s'en  revêtir  également,  car  la  loge,  dans  la  der- 
nière séance,  lui  a  voté  à  l'unanimité  son  bijou  d'honneur.  Pareille 
distinction  maçonnique  exceptionnelle  avait  été  décernée,  l'année 
dernière,  à  Mme  Cabel. 

Si  aux  noms  déjà  cités  nous  ajoutons  ceux  de  MM.  Dorus  et  de 
son  élève  Taffauel,  MM.  Jancourt,  Ravina,  Triebert  et  Mlle  Anna 
Whitty,  élève  de  Mme  Viardot,  et  qui  fait  le  plus  grand  honneur  à 
son  éminent  professeur,  nous  aurons  signalé  ce  concert  comme  un 
des  plus  beaux  auxquels  nous  ayons  assisté.  Tous  les  artistes  y  ont 
d'ailleurs  recueilli  chacun  leur  part  des  applaudissements  chaleu- 
reux d'un  auditoire  d'élite,  et  en  dehors  de  leur  talent  ces  applau- 
dissements leur  étaient  bien  dus  pour  leur  généreux  empressement 
à  seconder  celte  œuvre  éminemment,  bienfaisante  et  humanitaire. 
Grâce  à  leur  noble  désintéressement  sept  nouveaux  orphelins  vont 
retrouver  une  famille,  car  c'est  au  profit  de  son  patronage  spécial 
des  orphelins  que  la  recette  du  concert  a  été  appliquée  par  la  loge, 
déduction  faite  d'une  certaine  somme  destinée  à  l'Association  des  ar- 
tistes musiciens.  Le  zèle  déployé  pour  obtenir  ce  beau  résultat  par 
M.  Aronssohn,  président  de  la  loge,  et  la  haute  bienveillance  du  grand 


DE  PARIS. 


101 


maître  de  la  maçonnerie  française,    S.  Exe.    le    maréchal  Magnan, 

membre  de  la  loge  des  Frères-Vnis-lnséparables,  sont  au-dessus  de 

tout  éloge. 

Adolphe  BOTTE. 


Le  défaut  d'espace  nous   oblige   à  ajourner  le  compte  rendu  des 
concerts  de  la  semaine. 


NOUVELLES. 

**^  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  lundi  la  Muette;  mer- 
credi, GuUlawme  Tell  ;  vendredi ,  en  mémoire  d'Halévy  mort  il  y  a  un 
an,  la  Juive,  et  samedi,  par  extraordinaire,  Guillaume  Tell. 

^*.jg  Rarement  on  avait  vu  représentation  plus  splendide  à  l'Opéra  que 
celle  de  samedi  dernier,  donnée  au  bénéfice  de  Mme  Furraris.  La  recette 
a  dépassé  12,000  francs,  quoique  les  prix  n'eussent  pas  été  augmentés. 
Le  comte  Walevvsky  avait  envoyé  300  francs  pour  sa  loge.  Ce  n'étaient 
pas  seulement  LL.  MM.  l'Empereur  et  l'Impératrice,  S.  A.  le  prince  Na- 
poléon, la  comtesse  Walewslca,  la  princesse  de  Metternicli ,  la  princesse 
Poniatovi'ska,  la  baronne  de  Rotlischild  ,  les  comtesses  d'Hahn  et  de 
Pourtalès,  en  un  mot  tout  ce  que  Paris  possède  de  plus  haute  aristo- 
cratie; mais  encore  toutes  les  célébrités  artistiques  de  la  danse  et  des 
théâtres,  qui  avaient  voulu  faire  leurs  adieux  k  cette  étoile  de  la  danse 
s'envolant  vers  d'autres  horizons.  Quoique  le  spectacle  ait  fini  à  près  d'une 
heure  du  matin,  personne,  àcomraencerpar la  famille  impériale,  n'a  voulu 
se  retirer  avant  la  chute  du  rideau.  D'ailleurs  iMme  Ferraris  avait  com- 
posé sa  représentation  d'éléments  bien  faits  pour  retenir  le  public  ,  et 
sans  parler  d'elle,  qui  s'est  surpassée,  Mme  Gueymard  et  Cazaux  dans  un 
acte  d'/lfces/e  ;  Gueymard,  Mlle  Sax  et  Mme  Duprez  dans  le  second  acte 
de  la  Juive;  M.  et  Mme  Gueymard  dans  le  quatrième  acte  des  Hugue- 
nots; tous  rivalisant  de  talent  dans  ces  chefs-d'œuvre  n'ont  cessé  de 
captiver  l'attention  et  de  provoquer  les  applaudissements.  Mme  Ferraris 
avait  choisi  pour  sa  part  le  ballet  de  Graziosa,  augmenté  d'un  grand  pas 
nouveau  pour  elle  et  Chapuy,  et  le  premier  tableau  de  l'Etoile  de  Mes- 
sine. Graziosa  est  un  des  triomphes  de  la  célèbre  danseuse  ;  jamais  elle 
n'y  avait  prodigué  tant  de  grâce  et  de  légèreté,  et  l'on  eût  dit  que  pour 
VEloile  de  Messine  elle  avait  réservé  de  même  dans  cette  dernière  soirée 
toutes  les  ressources  de  son  talent.  Aussi  a-t-elle  dû  éprouver  une  sa- 
tisfaction mêlée  d'orgueil  en  présence  de  l'ovation  que  lui  faisait  cette 
foule  enthousiaste,  traduisant  par  des  acclamations  et  une  pluie  de  fleurs 
ses  regrets  de  la  voir  partir.  L'Empereur  avait  voulu  donner  aussi  à 
Mme  Ferraris  un  témoignage  de  sa  sympathie.  Pendant  le  deuxième  ta- 
bleau à.\'iLeste,  M.  le  comte  Bacciocchi  est  monté  dans  sa  loge  et  lui  a 
remis,  de  la  part  de  Sa  Majesté ,  une  magnifique  paire  de  boucles  d'o- 
reilles en  émeraude,  entourées  de  diamants,  dont  elle  s'est  empressée 
de  se  parer. 

.^*^  La  direction  de  l'Opéra  vient  d'engager  pour  le  1='  septembre 
une  danseuse  d'une  grande  réputation,  Mme  Amina  Boschetti.  Elle  a 
créé  plusieurs  rôles  importants  sur  les  grandes  scènes  de  l'Italie,  dans 
les  ballets  de  Rota  et  de  Borri.  On  la  dit  surtout  très-remarquable 
comme  mime. 

^,*^:  Le  succès  du  ténor  Villaret  s'est  pleinement  confirmé  à  son  se- 
cond début.  On  a  donné  hier  samedi,  par  extraordinaire,  une  troisième 
représentation  de  Guillaume  Tell.  — Les  réparations  de  la  salle  qui  sera 
fermée  toute  la  semaine  sainte,  vont  commencer  immédiatement. 

^*^  C'est  vraisemblablement  dans  la  semaine  de  Pâques  que  sera  re- 
présenté l'opéra  de  MM.  Sardou  et  Vaucorbeil.  Une  première  répétition 
générale  a  eu  lieu  cette  semaine  et  fait  bien  augurer  de  l'ouvrage.  — 
Le  début  de  Mlle  Girard,  nouvellement  engagée,  aura  lieu  au  mois  de 
juin.  —  Mme  Galli-Marié  viendra  au  mois  de  mai  prendre  possession  de 
son  emploi.  —  On  prépare  la  reprise  de  la  Chanteuse  voilée  de  y.  Massé, 
avec  Capoul,  Gourdin  et, Mlle  Marimon. 

»**  Mlle  Girard  quitte  le  théâtre  Lyrique;  elle  vient  de  signer  un 
engagement  avec  la  direction  de  l'Opéra-Comique. 

^*^  Par  arrêté  du  ministre  d'Etat,  en  date  du  25  mars,  M.  Bagier  a  été 
nommé  directeur  du  théâtre  impérial  Italien,  à  panir  du  1"'  mai  pro- 
chain. M.  Bagier  prend  le  théâtre  sans  soubvention.  Il  doit  ouvrir  le 
I''"'  octobre. 

^*.^  Le  théâtre  Italien  donne  aujourd'hui  Otello  avec  Tamberlick  et 
Mme  Frezzolini.—  Samedi  de  la  semaine  dernière,  à  la  représentation 
d'un  Ballo  in  maschcra,  des  manifestations  peu  bienveillantes  et  en  de- 
hors des  habitudes  du  public  distingué  du  théâtre  Italien,  se  sont  pro- 
duites contre  l'illustre  chanteur  qui,  par  suite  d'un  retard  dans  l'arri- 
vée de  la  musique  militaire  nécessaire  pour  la  scène  du  bal,  avait  sup- 
primé une  partie  du  récitatif  et  l'air  qui  précèdent.  De  là  des  signes  de 
mécontentement  qui  auraient  cessé  de  suite,  si  M.  Tamberlick  avait  pris 
la  peine  de  faire  expliquer  par  le  régisseur  la  cause  de  cette  suppression. 


^*^  L'un  des  artistes  les  plus  distingués  du  théâtre  Italien  de  .Saint- 
Pétersbourg,  et  l'un  des  plus  célèbres  barytons  de  l'Italie,  M.  Debassini, 
s'est  décidé  à  paraître  sur  notre  scène  italienne  dans  deux  de  ses  prin- 
cipaux rôles,  celui  de  don  Alfonso  de  Luoresia  Borgia  et  de  Bon  Giovanni. 
Hier  soir  le  théâtre  Italien  a  donné  à  cet  effet  le  deuxième  acte  de 
l'opéra  de  Donizetti,  et  nous  reparlerons  dans  notre  prochain  numéro  de 
ce  remarquable  début.— luo-ezm  Borgia  était  précédée  des  deuxième  et 
troisième  actes  de  StraJella. 

^*,.  Une  indisposition  de  Mlle  Battu  a  forcé  de  changer  jeudi  dernier 
la  reiDrésentation  du  théâtre  Italien  et  de  substituer  le  Barbier  à  l'opéra 
annoncé  :  Cosi  fan  tulle.  Mlle  Volpini,  qui  vient  de  Barcelone,  rempla- 
cera à  partir  du  I»''  avril  Mlle  Battu,  qui  part  pour  Londres. 

^%  Mme  Miolan-Carvalho,  avant  son  départ  pour  Marseille,  a  con- 
senti à  paraître  encore  une  dernière  fois  dans  son  beau  rôle  de  Mar- 
guerite. Demain  lundi,  irrévocablement,  dernière  représentation  de 
Faust. 

^*^  Mlle  Marie  Battu  partie  2  avril  pour  Londres,  où  elle  est  engagée 
pour  toute  la  saison  au  théâtre  Covent-Garden.  La  Muette  de  Portici  est 
le  premier  opéra  qu'elle  y  chantera.  Elle  se  rendra  le  15  août  à  Bade, 
pour  y  jouer  au  nouveau  théâtre  l'opéra  italien,  et  terminera  la  saison 
par  le  grand  concert  donné  pour  les  pauvres,  à  l'occasion  de  la  fête  du 
grand  duc,  le  8  septembre,  dans  le  salon  Louis  XV. 

s'%.  Les  Bavards  en  sont  à  leur  quarantième  représentation,  et  le  suc- 
cès de  ce  charmant  ouvrage  d'Offenbach  ne  paraît  pas  près  de  faiblir. 
Chaque  soir  la  salle  est  comble,  et  l'on  applaudit  à  la  fois  la  musique, 
les  paroles,  l'exécution,  la  mise  en  scène ,  les  costumes  et  les  décors  ; 
mais  par-dessus  tout  Mme  Ugalde,  qui  a  rencontré  dans  cette  pièce  l'un 
de  ses  plus  beaux  succès  artistiques. 

/,  La  célèbre  cantatrice  Mme  Charton-Demeur  est  de  retour  de  la 
Havane,  après  y  avoir  brillamment  accompli  son  engagement. 

***  Au  nombre  des  engagements  faits  par  M.  Gye  pour  le  théâtre  de 
Covent-Garden,  il  faut  citer  celui  de  M.  Paul  Giorza  en  qua'ité  de  chef 
d'orchestre  pour  les  ballets. 

***  On  vient  de  reprendre,  avec  un  très-grand  succès,  au  théâtre  de 
Nantes,  Charles  VI,  opéra  d'Halévy. 

^.*^  Voici  l'état  des  recettes  brutes  qui  ont  été  faites,  pendant  le  mois 
de  février  1863,  dans  les  établissements  soumis  à  la  perception  du  droit 
des  indigents  : 

r  Théâtres  impériaux  subventionnés 592,197  31 

2°  Théâtres  secondaires,  de  vaudevilles  et  petits  spec- 
tacles  1,052,525  95 

3»  Concerts,    spectacles-concerts,    cafés-concerts    et 
bals. 287,630  25 

4°  Curiosités  diverses 8,967    » 

Total 1,941,320  51 


^Kf  Aujourd'hui  dimanche,  à  2  heures,  au  cirque  Napoléon,  septième 
concert  populaire  (le  dernier  de  l'abonnement)  de  musique  classique, 
sous  la  direction  de  Pasdeloup  :  1°  Ouverture  d'Euryanthe  de  Weber  ; 
2°  symphonie  en  la  de  Beethoven;  3°  allegretto  un  poco  agilato  de  Men- 
delsohn  ;  4°  andante  et  menuet  de  la  symphonie  en  mi  bémol  de  Mozart; 
5°  septuor  de  Beethoven,  exécuté  par  MM.  Auroux,  Espeignet,  Paquis 
et  tous  les  instruments  à  cordes. 

^*^  L'Association  des  artistes  musiciens  a  fait  célébrer  à  l'église  Notre- 
Dame,  mercredi  dernier,  25  mars,  une  messe  en  musique ,  à  l'occasion 
de  la  fête  de  l'Annonciation.  Les  soli  ont  été  chantés  par  MM.  Bataille  et 
Laveissière,  du  théâtre  Lyrique,  et  Caillou,  ténor,  élève  de  M.  Bataille. 
L'orphéon  de  M.  Foulon  et  les  élèves  de  la  classe  de  chant  de  M.  Bazm, 
sous  la  direction  de  M.  Prumier  fils,  ont  chanté  les  chœurs  avec  un  en- 
semble remarquable.  L'orgue  d'accompagnement  était  tenu  par  M.  Batiste. 
Au  graduel,  Vieuxtemps  a  exécuté  un  adagio  d'un  de  ses  concertos,  qui 
a  produit  le  plus  grand  effet.  Rarement  il  a  déployé  plus  de  goût  et 
d'onction;  rarement  il  a  tenu  davantage  son  auditoire  sous  le  charme 
de  son  archet  magique.  MM.  Triebert,  Boulu  et  Berthélemy,  ont  fait  en- 
tendre, sur  le  hautbois,  un  trio  de  Beethoven  en  artistes  consommés. 
La  belle  musique  de  la  garde  de  Paris,  conduite  par  son  chef,  M.  Paulus, 
outre  la- messe,  a  exécuté  la  marche  religieuse,  avec  accompagnement 
de  harpes ,  d'Ad.  Adam ,  et  le  Noël  du  même  compositeur.  Elle  s'est 
montrée  à  la  hauteur  de  sa  réputation.  N'oublions  pas  de  payer  un  juste 
tribut  d'éloges  aux  artistes  éminents  chargés  des  parties  de  harpe.  Leur 
remarquable  talent  a  ajouté  un  attrait  de  plus  à  cette  fête,  qui  avait  at- 
tiré un  grand  concours  d'étrangers  et  l'élite  de  la  société  parisienne. 

*.^,  Les  soirées  musicales  qui  ont  lieu  le  samedi  chez  le  préfet  de  la 
Seine,  sous  la  direction  de  Pasdeloup,  continuent  avec  un  grand  éclat, 
justifié  par  le  choix  des  morceaux  exécutés  et  par  la  valeur  des  artistes 
invités.  C'est  ainsi  que  samedi  dernier  on  a  pu  entendre  1  ouverture  de 
Zanetio,  d'Auber;  le  duo  de  Semiramide,  par  Mme  Alboni  et  Marchesi_; 
le  chœur  des  génies,  d'Oôcron;  les  variations  de  l'.ode,  par  Mme  AlDom, 
l'allegretto-scherzando  de  la  symphonie  en  fa,  de  Beethoven,  une  ana 
du  xvn«  siècle,  de  Carissini,  chantée  par  Marchesi  ;  la  valse  ûe  taust, 
avec  chœurs  de  Gounod,  et  le  brindisi  de  la  Lucrezia,  par  Mme  Alboni. 


102 


REVDE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Aussi  ces  réceptions  sont-elles  très-suivies  par  l'élite  de  la  société  pa- 
risienne. 

^**  Les  deux  théâtres  d'opéra  italien  à  Londres  se  préparent  à  inau- 
gurer leur  saison  musicale  qui  s'annonce  cette  année  sous  les  auspices 
les  plus  brillants.  M.  Mapleson,  le  directeur  de  Her  majesiys  théâtre,  vient 
de  publier  son  programme,  dans  lequel  nous  remarquons  les  engage- 
ments suivants  :  ténors  :  Giuglini,  Allesandro  Bettini,  Fraschini,  Baragli, 
Geremia  Bettini.  Prime  donne  :  Mmes  Tiétjens,  Artot,  Rose  de  Ruda, 
Kellogg,  Piccolomini,  Louise  Michel,  Alboni,  Trebelli  et  Lemaire.  Basnes 
et  barytons  :  Dalle  Sedie,  Santley,  Fagotti,  Tricca,  Batagiolo,  Bossi, 
Vialetti,  Bovere,  Zucchini,  Gassier.  —  L'orchestre  sera,  comme  l'année 
passée,  dirigé  par  M.  Arditi.  Les  étoiles  du  ballet  seront  Mmes  Ferra- 
ris,  Pocchini  et  Beretta,  qui  danseront  sous  la  direction  de  MM.  Bota, 
Borri  et  Diani.  En  dehors  du  répertoire  de  la  dernière  saison,  qui  se 
composait  du  Barbiere,  Gli  Ugonotti,  Nozzc.  di  Figaro,  Oberon,  Maria, 
Rigoletto,  Fidelio,  Roberto  il  Diavolo,  Norma,  Trovatore,  etc.,  on  repré- 
sentera pour  la  première  fois  Id  Forza  del  destina,  de  Verdi,  Faust,  de 
Gounod,  Stradella,  de  Flotow,  Nicolo  de  Lassi,  de  Schira,  et  les  ballets 
Blanchi  e  Negri,  la  Farfalletta  et  la  Giocoliera.  La  saison  s'ouvrira  le 
<  1  avril  par  II  Trovatore. 

*■-  **»Dans l'espacedecinquante-deuxjoursSivori  a jouédans septconcerts 
à  la  Cour,  deux  grands  concerts  au  grand  Théâtre-Royal,  deux  concerts 
de  bienfaisance  à  l'Académie  de  chant,  et  dix  concertsàlasalleKroll.  Au 
dernier  concert  de  la  Cour,  qui  a  eu  lieu  le  22,  S.  M.  le  roi  a  fait  re- 
mettre à  Sivory  l'ordre  de  la  Couronne  et  4,000  francs  en  or.  Le  prince 
royal  y  a  ajouté  un  magnifique  album  relié. —  Sivori  vient  de  contracter 
un  nouvel  engagement  pour  huit  concerts  au  théâtre,  et  après  les  fêtes 
de  Pâques,  il  doit  donner  une  nouvelle  série  de  concerts  à  la  salle  Kroll, 
et  des  séances  de  musique  classique  à  l'Académie  de  chant. 

**,  Après  la  brillante  campagne  artistique  qu'il  vient  de  faire  à,  Nice 
et  dans  le  Midi  de  la  France,  l'éminent  violoncelliste  Nathan  revient  à 
Paris  où  l'attendent  de  nouveaux  succès. 

s,**  Aujourd'hui  dimanche  doit  être  exécutée  au  troisième  concert  du 
Conservatoire  de  musique  de  Bruxelles,  et  sous  la  direction  de  M.  Fé- 
tis,  la  troisième  symphonie  à  grand  orchestre  de  Mme  Farrenc. 

^*^  Gustave  Satter  est  en  ce  moment  à  Pesth,  où  il  a  donné  une  série 
de  concerts  qui  ont  été  très-suivis.  A  son  retour  à  Vienne,  vers  le  com  - 
mcucement  d'avril,  l'excellent  pianiste  y  donnera  son  sixième  concert, 
au  profit  des  pauvres. 

»*s,  Après  le  grand  succès  qu'il  venait  d'obtenir  au  Havre,  l'infati- 
gable Vieuxtems  se  rendait  à  Lille,  où  il  était  appelé  pour  jouer  au 
Cercle  du  Nord,  et  s'y  faire  applaudir  avec  enthousiasme;  et  aujourd'hui 
il  est  à  Bruxelles  pour  la  seconde  fois  de  l'hiver.  —  S.  M.  le  Roi  de  Ha- 
novre vient  de  lui  envoyer  la  grande  médaille  en  or  du  Mérite  et  Science 
pour  la  dédicace  de  sa  sonate  d'alto  et  piano. 

„,*„,  M.  Pasdeloup  se  propose  d'inaugurer  à  son  prochain  concert 
spirituel  du  vendredi  saint,  un  chœur  composé  de  cinq  cents  voix 
d'homme  et  de  femme,  qu'il  désignera  sous  le  titre  de  Choral  populaire 
de  musique  classique,  et  qui  complétera  heureusement  sa  création 
des  concerts  populaires.  Le  programme  de  ce  premier  concert  spirituel 
comprendra  des  chœurs  du  xvi%  xvif,  xvm''  et  xix"  siècles. 

,j,**  On  parle  beaucoup  d'une  soirée  très-intéressante  qui  doit  avoir 
lieu  mercredi  chez  Rossini,  et  dans  laquelle  l'illustre  maestro  fera  exé- 
cuter deux  morceaux  du  Stabaf  de  Pergolèse,  deux  du  Stabai  d'Haydn, 
deux  du  Stabat  de  Rossini.  Vinflammalus  du  Stabat  moderne  sera  chanté 
par  Giulia  Grisi.  Le  duo  des  femmes  sera  exécuté  par  Mmes  Ferranti 
et  Trebelli. 

^*^  Un  Stabat  en  musique  de  la  composition  de  Maurice  Bourges  a  été 
exécuté  vendredi  dernier  dans  la  chapelle  des  sœurs  de  Saint- Vincent, 
rue  Boutebrie.  Cette  œuvre,  vraiment  considérable  sous  tous  les 
rapports,  se  distingue  non-seulement  par  l'élévation  du  caractère  re- 
ligieux, mais  encore  par  le  charme,  l'élégance,  l'abondance  de  la  mé- 
lodie aussi  bien  que  par  la  richesse  d'une  harmonie  colorée,  toujours 
appropriée  à  la  dignité  du  texte  sacré.  L'exécution  n'est  pas  restée  au- 
dessous  du  mérite  de  la  partition.  Il  faut  citer  avec  de  grands  éloges 
l'admirable  soprano  de  Mme  Lagnier,  si  sonore,  si  entraînant  ;  la  voix 
suave  et  sympathique  de  Mme  Tropo;  le  chant  très-expressif  de 
Mlles  Marquis  et  Gentilhomme;  le  ténor  éclatant  de  M.  Veillet;  la  basse 
extraordinairement  puissante  de  M.  Rubbiani,  enfin,  et  surtout  la  mé- 
thode savante  et  magistrale  de  M.  Portehaut,  dont  le  style,  empreint 
d'une  onction  pénétrante,  cause  à  l'église  une  irrésistible  émotion. 

^*t  Le  concert  annuel  de  la  Société  des  Concerts  de  chant  classique, 
fondée  par  M.  Beaulieu,  de  Niort,  correspondant  de  l'Institut,  aura  lieu 
le  H  avril  prochain.  Un  offertoire  composé  par  Michel  Haydn,  et  dont 
la  partition  n'est  pas  même  gravée  en  Allemagne,  des  fragments  du 
vingt-sixième  psaume  à  trois  voix  de  Marcello,  un  Ave  verum  corpus 
inédit,  d'Halévy,  et  des  fragments  du  Paulus  de  Mendelssohn,  figureront 
sur  le  programme,  et  auront  pour  interprètes  principaux  Mme  Vanden- 
heuvel-Duprez  et  M.  Eattaille.  Nous  aurons  à  donner  quelques  détails 
sur  les  statuts  qui  viennent  d'être  adoptés  pour  garantir  la  perpétuité 
d'une  fondation  qui  intéresse  si  vivement  l'art  musical. 


„%  Dans  son  concert  de  vendredi  le  jeune  pianiste  Schœn  a  fait  en- 
tendre une  charmante  mazurka  de  sa  composition  {souvenir  de  Berlin), 
qui  a  été  particulièrement  remarquée.  La  mélodie  en  est  fort  distin- 
guée, le  rhythme  bien  accentué,  et  nous  la  croyons  réservée  à  un  grand 
succès. 

*■**  Dans  les  intervalles  de  travaux  plus  sérieux,  M.  Ch.  Manry,  dont 
nous  avons  à  plusieurs  reprises  signalé  à  nos  lecteurs  les  compositions 
religieuses,  ne  dédaigne  pas  de  consacrer  ses  loisirs  à  des  œuvres  qui, 
pour  être  plus  légères,  n'en  ont  pas  moins  de  charme.  De  ce  nombre  sont 
deux  mélodies  nouvelles  pour  piano  :  Une  course  au  clocher  et  la  Chan- 
son du  Berger,  qui  viennent  de  paraître  et  qui,  malgré  leur  concision, 
témoignent  qu'elles  émanent  d'une  plume  ferme,  habile  et  rompue  aux 
savantes  combinaisons.  Elles  ne  rappellent  en  rien  la  profusion  de  no- 
tes, les  sonorités  éclatantes  par  lesquelles,  si  souvent,  on  cherche  à 
dissimuler  l'absence  de  toute  idée  musicale.  Ici,  tout  annonce  au  con- 
traire un  musicien  accoutumé  à  écrire  pour  les  voix  et  pour  l'orchestre. 
Ces  petites  pièces  offrent  parfois  l'intérêt  de  trois  ou  quatre  parties 
réelles,  traitées  avec  une  aisance  et  un  art  remarquables.  Les  mélodies 
ont  assez  de  force  et  de  fraîcheur  pour  se  passer  de  tout  ornement  pa- 
rasite; l'harmonie,  malgré  sa  simplicité,  trahit  cependant,  par  quelques 
modulations  neuves  et  du  plus  bel  effet,  un  artiste  d'un  goût  sûr  et  dé- 
licat. Il  était  difficile  à  M.  Charles  Manry,  auquel  on  doit  plusieurs 
messes,  de  montrer  d'une  façon  plus  caractéristique  la  flexibilité  de  son 
talent. 

**:j  Nous  constations  dans  notre  dernier  numéro  le  succès  obtenu  à 
Bruxelles  par  Mme  Charlotte  de  Tiofensée;  au  second  concert  qu'elle  y 
a  donné,  et  auquel  assistait  la  famille  royale,  ce  succès  a  été  plus  grand 
encore,  et  après  le  concert,  S.  A.  Mme  la  duchesse  de  Brabant,  déro- 
geant à  l'étiquette,  a  daigné  faire  appeler  l'éminente  artiste  pour  la 
féliciter  sur  son  beau  talent.  Mme  de  Tiefensée,  qui  est  d'ailleurs  l'ob- 
jet des  plus  grands  éloges  de  la  presse  belge,  n'avait  pas  reçu  à  la 
Haye  un  accueil  moins  fliatteur;  elle  compte  sous  peu  se  rendre  à 
Paris. 

^*:j  Le  nouvel  air  national  anglais,  God  bless  Ihe  Prince  of  Wales,  com- 
posé par  M.  Brinley  Richards  pour  les  noces  de  H.  R.  H.  le  prince  de 
Galles  avec  H.  R.  H.  la  princesse  Alexandrina  de  Danemark,  a  eu  un  si 
beau  succès  en  Angleterre  que  ses  éditeurs,  MM.  R.  Cocks  et  C",  ont 
fait  présent  au  compositeur  d'une  bourse  contenant  3,000  francs ,  et 
d'une  somme  pareille  à  Sims  Reeves,  le  célèbre  ténor,  qui  l'avait  chanté 
aux  fêtes  du  mariage.  God  bless  the  Prince  of  Wales  a  été  chanté  le  même 
jour  dans  chaque  ville  de  l'Angleterre. 

^*,  Lundi  dernier,  cent  cinquante  ou  deux  cents  personnes  apparte- 
nant au  monde  des  lettres  et  des  arts,  étaient  réunies  dans  les  salons 
de  Mme  Alexandre  (Charlotte  Dreyfus).  Une  soirée  artistique  qui,  aurait 
fait  fortune  à  la  salle  Herz,  avait  été  organisée  par  les  soins  de  la  gra- 
cieuse maîtresse  de  la  maison,  qui  est  en  même  temps  une  de  nos 
grandes  artistes.  En  voici  le  programme  :  l'air  de  talla  Rookh  et  II 
Bacio ,  admirablement  chantés  par  Mme  Oscar  Comettant  ;  l'air  de 
Robin  des  Bois,  que  la  belle  Mme  Bertini  a  dit  à  ravir  ;  un  solo  de  violon 
d'Alard,  sur  les  motifs  de  la  Muette,  exécuté  par  M.  Bauerkeller  qui,  der- 
nièrement, a  obtenu  un  si  grand  succès  à  l'hôtel  du  Louvre;  Souvenirs  de 
Diane  de  Solange,  composés  et  exécutés  sur  le  piano  par  M.  Auguste 
Mey  ;  une  fantaisie  pour  orgue,  ainsi  que  le  duo  de  Freyschutz ,  pour 
orgue  et  piano,  par  Mme  Dreyfus  et  M.  A.  Mey  (ces  deux  morceaux 
d'un  grand  effet),  exécutés  avec  un  art,  un  goût  extrêmes,  Mlle  Dupont, 
des  Français,  a  dit  des  vers  :  Les  deux  chats  et  le  voleur  par  humanité  ; 
Mme  Armand,  de  l'Odéon,  a  récité  l'Histoire  d'uu  sou,  de  Mme  Anaïs 
Ségàlas  ;  enfin,  un  proverbe  d'Octave  Feuillet,  le  Cheveu  blanc,  a  été 
interprété  d'une  manière  remarquable  par  Mme  Armand  et  M.  Saint- 
Germain,  du  Vaudeville,  et  a  été  accueilli  par  plusieurs  salves  d'ap- 
plaudissements. Cette  soirée,  dont  Mme  Charlotte  Dreyfus  a  fait  les 
honneurs  avec  tant  de  grâce  et  de  charme,  s'est  prolongée  fort  avant 
dans  la  nuit. 

,t*,^  La  quatrième  livraison  du  Trésor  des  pianistes  vient  de  paraître  ; 
elle  contient  deux  recueils  de  six  sonates  chacun  de  Charles-Philippe- 
Emmanuel  Bach,  et  tout  l'œuvre  de  Haendel  pour  le  clavecin,  précédé 
d'une  notice  très-développée  sur  la  vie  et  les  diverses  compositions  de 
ce  grand  musicien.  Les  douze  sonates  d'Emmanuel  Bach  peuvent  être 
classées  au  nombre  de  ses  plus  belles  compositions. 

^*^.  S.  M.  le  roi  Victor-Emmanuel  vient  de  conférer  à  M.  le  comte 
Maximilien  Graziani,  qui  s'est  fait  connaître  par  des  compositions  dis- 
tinguées, une  médaille  d'argent  grand  module  à  l'effigie  de  Sa  Majesté, 
pour  la  marche  triomphale  Vltalia  que  M.  Graziani  lui  avait  dédiée.  Cet 
envoi  était  accompagné  d'une  lettre  très-flatteuse  de  M.  Nigra,  ministre 
de  la  maison  du  roi. 

,,*,,  On  sait  avec  quelle  libéralité  M.  de  Mengoval  met  au  service  de 
l'art  musical  la  grande  fortune  dont  il  jouit.  Le  dernier  concert  de  la 
Société  philharmonique  de  Douai,  à  l'organisation  duquel  il  avait  pré- 
sidé, vient  d'en  offrir  une  nouvelle  preuve.  Mme  Cabel,  Hermann,  l'é- 
minent violoniste,  Montaubry  avaient  été  invités  à  lui  prêter  leur  con- 
cours, et  le  succès  de  ce  concert  a  été  complet.  Hermann  y  a  fait 
admirer  et  chaleureusement  applaudir  son  magnifique  talent.  De  retour 


DE  PARIS. 


103 


à  Paris,  Hermann  annonce  un  grand  concert  dans  la  salle  Herz,  pour 
le  48  avril.  On  y  entendra  Ketterer,  J.  Lefort  et  Mme  Cabel. 

,*,  S.  Exe.  M.  le  ministre  d'Etat  a  réuni  hier,  dans  une  dernière  séance, 
la  commission  de  la  propriété  littéraire  et  artistique.  L'ensemble  du 
projet  de  loi  a  été  adopté  et  va  être  immédiatement  présenté  à  l'Empe- 
reur, pour  passer  ensuite  au  conseil  d'Etat.  Ce  projet,  conçu  sur  les 
bases  les  plus  justes  et  les  plus  libérales,  doit  donner  aux  écri- 
vains et  aux  artistes  les  satisfactions  légitimes  qu'ils  réclament  depuis 
si  longtemps. 

,*»  Nicole,  le  compositeur  à  qui  nous  devons  Joconde,  est  mort  en  1818, 
à  l'âge  de  quarante- trois  ans.  Il  laissait  alors  un  frère  plus  jeune 
que  lui  d'une  vingtaine  d'années,  et  qui  vient  de  mourir,  le  23  de  ce 
mois,  à  Rouen.  Ce  frère,  qui  d'abord  suivit  la  carrière  militaire  et  qui, 
sous  le  premier  empire,  avait  atteint  le  grade  d'officier,  se  voua  ensuite 
au  théâtre  comme  artiste  et  comme  directeur.  Quoique  son  nom  de  fa- 
mille fut  celui  d'Isouard,  il  se  fit  longtemps  appeler  Kicolo  comme  son 
frère.  Il  était  médaillé  de  Sainte-Hélène. 

***  A  Donau-Eschingen  est  mort,  le  5  mars  dernier,  à  l'âge  de 
soixante-deux  ans,  le  musicien  de  la  cour,  Gall,  un  des  vétérans  de  la 
chapelle  devenue  célèbre  sous  la  direction  de  Kalliwoda. 

:(,**  Musard  va  renouveler  cet  été  au  Pré-Catelan  ses  succès  de  l'an- 
née dernière.  L'administration  municipale,  désirant  encourager  cette  en- 
treprise vient  de  lui  en  continuer  le  privilège.  Musard  prépare  déjà  son 
répertoire  qui  offrira  tout  d'abord  à  ses  habitués  l'ouverture-mar- 
che  de  Meyerbeer,  composée  pour  l'Exposition  de  Londres,  et  une  valse 
sur  les  Bavards,  qu'on  dit  une  des  meilleures  qu'il  ait  faites. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 


^*,t  Amiens,  25  mars.  —  Mme  Nantier-Pidiée,  MM.  Léonard,  Levassor 
et  Dunkler  prenaient  part  au  concert  donné  par  la  Société  philharmo- 
nique au  profit  des  pauvres.  Ce  n'est  pas  la  bonne  volonté,  mais  la  voix 
qui  a  manqué  à  M.  Achard  pour  y  concourir  aussi.  L'ouverture  de  Gus- 
tave, d'Auher,  la  symphonie  en  ««  mineur  de  Beethoven  et  la  fantaisie 
d'Arban  sur  /  Lombardi,  supérieurement  exécutées  par  l'orchestre  sous 
la  direction  de  M.  Lacoste,  complétaient  le  programme.  L'excellent  vio- 
loniste Léonard  ne  s'était  pas  fait  entendre  ici  depuis  sept  ans,  mais  on 
espère  que  désormais  il  ne  mettra  pas  dans  ses  visites  un  si  long  inter- 
valle. 

,1,*^  Caën,  21  mars.  —  Sous  ce  titre,  l'Amour  d'un  trombone,  on  a  joué 
avec  succès  un  petit  opéra,  dont  la  musique  est  de  M.  de  Croisilles,  qui 
a  été  longtemps  président  de  la  Société  philharmonique  et  n'a  cessé  de 
rendre  des  services  aux  artistes.  Les  heureuses  mélodies  de  sa  partition 
se  déroulent  sur  un  bon  tissu  harmonique.  Les  paroles,  ainsi  que  la  mu- 
sique, sont  un  produit  du  terroir. 

,*^  Nice.  -~  L'opéra  de  Marta  voit  chaque  soir  grandir  son  succès.  A 
l'une  des  dernières  représentations,  la  Pozzi-Branznnti  a  excité  un  véri- 
table enthousiasme  dans  la  romance  de  laRose;  on  lui  a  jeté  deux  magni- 
fiques bouquets  de  fleurs  rares,  noués  avec  de  riches  rubans  ;  le  ténor 
Corsi  chante  divinement,  et  sa  romance  lui  a  valu  une  véritable  ovation. 
Giotti  et  Ronconi,  chacun  de  leur  côté,  ont  également  recueilli  force 
applaudissements. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


^*^  Bruxelles.  —  Le  théâtre  de  la  Monnaie  nous  offre  tour  à  tour  les 
Diamants  de  la  couronne,  avec  Mlle  Monrose,  qui  chante  maintenant  très- 
bien  le  rôle  de  Catarina,  etMartha,  dans  lequel  Jourdan,  Perié,  Mlles  De- 
maesen  et  Andrée  luttent  de  talent  et  de  succès. 

^*^  Vienne.  —  Après  Bon  Pasquale,  les  Italiens  ont  donné  II  Barbiere; 
Mlle  Patti  a  été  ravissante  dans  le  rôle  de  Rosine.  Nous  ne  dirons  pas 
que  le  succès  de  l'enchanteresse  va  croissant,  cela  n'est  pas  possible, 
mais  l'enthousiasme  du  public  se  maintient  au  même  niveau.  Dans 
chaque  nouveau  rôle,  son  merveilleux  talent  se  montre  sous  une  face 
nouvelle,  mais  toujours  il  charme,  il  séduit,  il  fascine.  Le  Barbiere  sera 
suivi  de  Lucia;  Giuglini,  qui  doit  partir  incessamment  pour  Londres, 
chantera  le  rôle  d'Edgardo  ;  inutile  d'ajouter  que  le  rôle  principal  sera 
chanté  par  Adelina  Patti.  Le  dimanche  des  Rameaux  elle  se  fera  entendre 
dans  un  concert  que  la  société  Concordia  doit  donner  au  Carlihcatcr,  et 
le  dimanche  de  Pâques,  dans  une  messe  de  Beranck,  ancien  professeur 
de  Strakosch.  —  Le  troisième  concert  historique  de  M.  L.-A.  Zellner  a 
été  des  plus  intéressants  et  des  plus  variés.  On  y  a  entendu  deux  chan- 
sons de  Thibaut,  roi  de  Navarre  (xm»  siècle),  chantées  par  M.  Walter, 


avec  accompagnement  de  harpe,  parZamarra;  duo  des  Roses,  par  J.-J. 
Rousseau;  des  morceaux  à  quatre  voix,  de  Pierre  Meïer,  D.  Becker, 
M.  Siebenhaar  (tous  les  trois  du  xvii''  siècle),  et  de  Robert  Schumann, 
chantés  par  Mlles  Kraus  et  Prager^  par  MM.  Walter  et  Meyerhofer. 
Musique  instrumentale:  sonate  de  P.-E.  Bach;  diverses  compositions, 
arrangées  pour  l'harmonium  et  exécutées  par  Zellner,  qui  a  eu  plusieurs 
fois  les  honneurs  du  rappel.  Enfin,  airs  de  danse,  tirés  de  Ferramor, 
opéra  de  Rubinstein.  Pendant  la  semaine  sainte  aura  lieu  au  Carltheater 
un  concert  dont  le  produit  sera  employé  à  décorer  le  tombeau  de  Bee- 
thoven. On  y  exécutera  la  symphonie  héroïque,  illustrée  par  des  ta- 
bleaux vivants.  —  Mardi  24  mars,  les  Huguenots  ont  été  représentés 
avec  un  succès  qui  rappelle  la  première  apparition  de  ce  chef-d'œuvre 
au  théâtre  de  la  Cour.  Ander  était  en  voix,  et  il  a  chanté  le  rôle  de 
Raoul  de  manière  à  électriser  la  salle.  Celui  de  Marcel  est  un  des  plus 
brillants  du  répertoire  de  Draxler.  Les  dames  Liebhart  et  Krauss  (Va- 
lentine  et  Isabelle)  se  sont  très-bien  acquittées  de  leur  tâche.  Bref,  la 
soirée  n'eût  laissé  rien  k  désirer,  si  la  mise  en  scène  avait  répondu  à 
l'exécution. 

,**  Stuttijard.  —  Le  théâtre  de  la  Cour  a  donné  une  deuxième  repré- 
sentation de  la  Rose  d'Erin,  par  Benedict.  Le  succès  a  été  encore  plus 
brillant  qu'à  la  première.  C'est  une  œuvre  musicale  très-importante,  et 
qui  ne  tardera  pas  à  faire  le  tour  de  l'Allemagne. 

*■*,.  Turin.  —  Nous  avons  eu  cette  semaine,  au  cercle  des  artistes, 
une  magnifique  matinée  musicale  qui  tirait  surtout  son  éclat  de  la  pré- 
sence d'une  des  étoiles  de  la  scène  italienne,  Emmy  Lagrua.  Elle  a 
chanté  un  grand  air  du  Prophète,  une  barcarole,  et  avec  le  ténor  Can- 
toni,  une  légère  pensée  de  Rossini  :  Mira  la  bianca  luna.  Il  est  inutile  de 
dire  qu'elle  a  été  accueillie  par  des  applaudissements  enthousiastes  : 
c'est  pour  les  grands  artistes  que  sont  faites  les  ovations,  celle-ci  allait 
donc  tout  droit  à  la  grande  cantatrice. 


Voici  la  liste  des  concerts  annoncés  : 

31  mars.  Salle  Herz.  Concert  du  fameux  tromboniste  Nabich  ;  plusieurs 
morceaux  de  sa  composition,  de  Schumann,  Mozart, 
David ,  Bergson,  etc.  ;  artistes  :  MM.  Maurin,  Chevil- 
lard,  Viguier  et  Sabatier;  Mme  Szarvvady,  Mlle  Lindo. 

31    —      Salons  d'Erard.  Concert  de  Mlle  Marie  Colin,  avec  le  concours 

d'Alard,  Jacquard  et  Mme  G.  Comettant. 
6  avril.  Salle  Pleyel-Wolff.  Concert  de  M.  et  Mme  Léop.  Dancla,  avec 
le  concours   de  Ch.  Dancla,  Archainbaud,  B.  Rie, 
Pauvre,  Mohr  et  Lée. 


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104 


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«luBSuno  (A. -P.).  La  Fête  au  hameau  (très-facile),  quadrille.    .  Il  5o 

1^'aclss  (F.).  Le  Tourbillon,  quadrille 4  50 

BSat55i*iiE  (fils.).  Déesse,  polka-mazurka 5     » 


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A     l'exposition     UNIVERSELLE    DE    PARIS    1855. 

vactcur  dn    Couservntolve    et.  de 
1^ Académie  impériale  <le  Paris. 

Agent  à  Saint-Pétersbourg  : 

A.  BDTTNER, 

l'erspect.  Newsky,  maison  de  l'égliscSt-Pierre. 


S 8,  t'we  aes  Mttrais  -  Stiini- ItMat'Iin,   S  S 

Ci-devant  rue  du  Caire,  21. 

La  .-liaison  ANTOUSE  COURTOIS  ayant  agrandi  ses  ateliers,  est  en  mesure  de  satisfaire  à  toutes  i3s  demandes  qui  pourront  lui  être 
adressées;  elle  garantit  réellement  à  sa  clientèle  des  instruments  in-éprochables  sous  tous  les  rapports. 


ALPHONSE    SAZ    (JUNIOR) 

Fac<cur  et  Ingénieur  en  instruments  de  Musitiuc 

ilAIVUFACTUIlE  D'I^^STRUMEI^TS  EIV  CUIVRE  ET  EI^  BOIS 

B%  TOUS  eiENRKlftï,    E?S  TOWMH  FORSIES  BV   DAMS  irOUS  EiKS  TOMS 

HARMONIE  et  FANFARE.  —  Rue  d'Abbeville,  5  bis,  Paris,  près  de  la  place  Lafayette.  —  Belle  Salle  de  300  personnes  pour  Concerts  et  Répétitions. 
16  Brevets  d'Invention  ou  de  perfectionnement.  —  Commission.  —  Exportation. 

Breveté  de  S.  M.  rEmpereur  des  Français.  —  Grand  brevet  de  S.  M.  la  reine  d'Angleterre.  —  Breveté  de  S.  M., le  roi  des,  Belges.  —  am"  prix  en  1838.  —  1'='  prix 
en  1841.  —  Prix  d'honneur,  médaille  d'or,  en  1843.  —  Médaille  d'argent  à  l'Exposition  de  Paris,  1844.  —  MMjKtJUE  par  le  gouvernement  belge  pour  visiter 
l'Exposition  universelle  de  Londres,  en  1851.  —  Exposition  universelle  de  Paris,  1855,  les  pins  belles  pages  du  Rapport  officiel,  27"»'  Classe,  pages  1835-1336.  — 
Exposition  universelle  de  Londres,  1862,  PRIZE  MEDAL,  avec  cette  mention  :  POUR  EXCBl,l,E!«CE  DE  TOUTE  ESPECE  D'INSTRUMENTS  DE  CUIVRE. 
—  Membre  de  l'INSTITUT  POLYTECHNIQl'E  de  Paiis,  membre  de  l'ASSOCIATION  INTERNATIONALE  POUR  LE  PROGRÈS  DES  SCIENCES  SOCIALES.  — 
MÉDAILLE  D'OR  et  Membre  du  CORPS  SCIENTIFIQUIi  DE  L'HOTEL  DE  VILLE  DE  PARIS. 


ERIE  CENTRALE  DE  NAPOLEON  CHAIX  1 


BUREAUX    A   PARIS  :    BOULEVARD   DES   ITALIENS, 


30^  Année. 


1V°  14. 


OIV  S'ABONNE  1 

Dans  les  Départements  et  à  l'ËtraDger,  chez  tous 
les  Uarchanâs  de  Uusique,  les  Libraires,  et  aux 
Purcaui  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


8  Awil  1863 


PRIS  DE  L'ABONNEMENT: 

Paris ■ 24  tr.  par  on 

Départements,  Belgique  el  Suisse...,     30  »       id. 

Étranger M  "       W- 

11-  Journal  paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE  IHUSIC 


■^AA/ vaAA/\AAaa/v- 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  impérial  italien:  début  de  Debassini;  Oiello.  —Théâ- 
tre Lyrique  :  Peines  d'amour  perdues,  opéra-comique  en  quatre  actes,  de 
MM.  Michel  Carré  et  Jules  Barbier,  musique  de  Mozart,  par  liéon  Dapocker. 

—  Concert  donné  par  Jean  Becker  et  Ed.  de  Hartog.  —  Auditions  musicales, 
par  Adolphe  Botte.  —  Revue  des  tliéàtres,  par  D.  A.  D.  Saint-Yves. 

—  Nouvelles  et  annonces. 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  ITALIEN. 

Débat  de  Debassini.  —  Otetlo. 

Samedi  passé  le  spectacle  se  composait  au  théâtre  Italien  des  deux 
derniers  actes  de  Stradella  et  du  deuxième  acte  de  Lucresia  Borgia 
dans  lequel  débutait  M.  Debassini,  baryton  du  théâtre  impérial  de 
Saint-Pétersbourg. 

Les  deux  actes  de  l'opéra  de  Flotow  ont  reçu,  comme  aux  pre- 
mières représentations,  un  accueil  tout  à  fait  sympathique  de  la  part 
du  public,  qui  a  fait  répéter  les  charmants  couplets  à  boire  des  deux 
bravi,  et  applaudi  chaleureusement  la  ballade  et  le  grand  air  du 
troisième  acte,  délicieusement  chantés  par  Naudin. 

Debassini,  de  son  côté,  n'a  qu'à  se  féliciter  de  la  tentative  qu'il 
vient  de  faire.  On  a  vite  apprécié  sa  belle  tenue  en  scène,  la  no- 
blesse de  sa  démarche  et  la  sobriété  de  son  geste,  qui  dénotent  un 
artiste  de  la  grande  école.  Dans  cette  lutte  terrible  de  don  Alfonso 
et  de  Lucrezia,  Debassini  s'est  montré  excellent  tragédien.  En  outre, 
son  organe  est  plein  et'  sonore,  sa  méthode  excellente.  Accoutumé 
à  chanter  sur  les  grands  théâtres  de  la  Scala,  de  San-Carlo  et  de 
Saint-Pétersbourg ,  il  aurait  même  à  modérer  la  portée  de  sa  voix, 
qui,  dans  les  moments  de  passion,  semble  trop  forte  pour  les  dimen- 
sions de  la  salle  Ventadour.  Très-applaudi  après  son  grand  air  d'en- 
trée, qu'il  a  dit  d'une  façon  magistrale,  il  l'a  été  de  nouveau  à  plu- 
sieurs reprises  et  rappelé  après  le  duo  dans  lequel  Mme  Penco  l'a 
fort  bien  secondé. 

Debassini  devait  chanter  Don  Giovanni,  mais  le  départ  de  plu- 
sieurs des  artistes  pour  Londres  y  a  mis  obstacle,  et  il  a  quitté  Paris 
pour  se  rendre  en  Italie.  11  est  à  regretter  qu'on  ne  l'ait  pas  en- 
tendu dans  ce  rôle  qui,  depuis  Tamburini,  n'a  jamais  été  aussi  bien 
chanté  que  par  lui. 

Dimanche  on  a  donné  Otello  pour  la  continuation  des  débuts  de 
Tamberlick.  Nous  constatons  avec  regret  que  la  représentation  n'a  pas 
été  satisfaisante.  Sans  doute  Tamberlick  est  toujours  un  grand  artiste, 
mais  il  faut  bien  avouer  que,  soit  effet  du  temps,  soit  fatigue,  sa  voix 


perd  sensiblement.  Aussi  le  public  s'est-il  montré  très-froidjusqu'au  fa- 
meux duo /'î>a  (Z'owe/-so  qui  a  d'ailleurs  produit  son  effet  accoutumé  et 
dont  le  célèbre  chanteur  a  dû  répéter  la  seconde  reprise.  Quant  à 
Mme  Frezzolini,  qui  chantait  le  rôle  de  Desdemona,  pourquoi  s'obstine- 
t-elle  à  donner  le  spectacle  afQigeant  de  l'agonie  d'une  voix  qui  fut 
si  belle'  Quelle  que  soit  l'excellence  de  sa  méthode  et  la  distinction  de 
son  style,  il  n'y  a  ni  méthode  ni  style  qui  tiennent  quand  l'instru- 
ment fait  défaut  !  Dans  la  phrase  si  dramatique  Se  il  padre  m'aban- 
dona,  on  a  pu  croire  un  instant  qu'elle  ne  gravirait  pas  la  gamme  de 
si  à  sol  dièze  écrite  sur  les  paroles,  et  qu'après  avoir  atteint  par  des 
ports  de  voix  et  des  efforts  réitérés  la  note  culminante,  elle  ne  pour- 
rait plus  redescendre  sur  l'octave  !  En  outre,  nous  défions  quel- 
que auditeur  que  ce  soit  d'avoir  pu  reconnaître  dans  la  romance  du 
Saule  telle  qu'elle  l'a  chantée,  le  thème  de  Rossini  !  Lorsqu'on  en  est 
réduit  à  de  pareils  expédients  pour  chanter  un  rôle ,  le  soin  de  sa 
dignité  et  un  peu  de  charité  envers  le  public  doivent  engager  à  s'abs- 
tenir. Mme  Frezzolini  est  jeune  encore  ;  elle  possède  plus  que  per- 
sonne le  sentiment  et  les  secrets  de  son  art,  et  une  belle  carrière  lui 
serait  ouverte,  celle  du  professorat,  si  elle  voulait  s'y  livrer.  Après 
avoir  brillé  sur  notre  scène  lyrique,  Mme  Damoreau-Cinti,  en  ensei- 
gnant ce  qu'elle  savait  si  bien,  a  rendu  d'immenses  services.  Mme  Frez- 
zolini serait,  en  l'imitant,  certaine  de  recueillir  des  succès,  qui,  pour 
être  moins  éclatants,  n'en  auraient  pas  moins  de  prix. 

S.  D. 


THÉÂTRE  LYRIQUE. 

PEINES    D'AIIOVR    PERDUES, 

Opéra-comique  en  quatre  actes,  imité  de  Shakspeare,  de  MM.  Michel 
Carré  et  Jules  Barbier,  musique  de  Cosi  fan  tutte,  de  Mozart. 

(Premitre  représentation  le  31  mars.) 

Quand  cette  œuvre  charmante  de  Mozart,  Cosi  fan  tutte,  fut  don- 
née au  théâtre  Italien  (novembre  1862),  il  n'y  eut  qu'un  cri,  dans  le 
public  comme  dans  la  presse,  sur  le  mérite  de  la  partition,  et  sur  la 
sottise  du  Ubretto.  M.  Carvalho,  que  le  succès  des  Noces  de  Figaro 
avait  affriandé,  crut  voir  dans  la  partition  une  nouvelle  source  de 
fortune,  et  résolut  de  se  l'approprier.  Mais  si  au  théâtre  Italien  on 
trouve  du  plaisir  à  rire  du  Ubretto,  l'on  a  coutume,  sur  les  scènes 
françaises,  de  prendre  le  poëme  au  sérieux.  M.  Carvalho  en  conclut 
qu'il  fallait  garder  la  musique,  et  changer  le  poëme. 

ÎS'aurait-il  pas  été  plus  simple  de   le  prendre   à  corrections?  La 


406 


revu!-;  ta  GAZlîtïE  MUSICALE 


pièce  italienne  est  plate  et  impertinente  parce  que  les  deux  amants, 
qui  entreprennent  de  mystifier  leurs  maîtresses ,  y  réussissent.  Fior- 
diligi  et  Dorabella  sont  deux  sottes  qui  ne  peuvent  inspirer  aucun  in- 
térêt, el  le  pardon  qui,  au  dénoûment,  couvre  leur  infidélité,  pardon 
motivé  sur  ce  que  toutes  les  femmes  se  valent ,  est  une  dernière 
impertinence  plus  grossière  que  toutes  les  autres.  Mais  si,  au  premier 
acte,  les  deux  sœurs  découvraient  le  piège  qui  leur  est  tendu,  si, 
pour  se  venger  et  pour  punir  les  insolents  qui  les  outragent,  elles 
feignaient  de  s'y  laisser  prendre,  alors  les  mystificateurs  deviendraient 
les  mystifiés,  le  comte  Alfonso  perdrait  son  pari,  el  la  pièce,  dé 
stupide  qu'elle  est,  deviendrait  immédiatement  spirituelle  et  amu- 
sante. 11  suffirait  pour  cela  d'ajouter  douze  lignes  au  dialogue.  N'é- 
tait-ce pas  plus  [  court  et  moins  hasardeux  que  d'essayer  un  mariage 
forcé  entre  les  deux  génies  les  plus  incompatibles?  Et  ne  faut -il  pas 
avoir  eu  la  main  bien  malheureuse  pour  choisir  précisément,  à  cet 
effet,  le  moins  intéressant  et  le  plus  vide  de  tous  les  ouvrages  du 
poëte  anglais? 

Le  commentateur  Johnson,  assez  disposé,  comme  la  plupart  des 
commentateurs,  à  vanter  intrépidement  tout  ce  que  son  auteur  a  pro- 
duit, ne  peut  pourtant  pas  se  faire  complètement  illusion  sur  les  dé- 
fauts de  Loves  labours  lost.  «  Tous  les  éditeurs,  dit-il,  sont  d'accord 
pour  censurer  cette  pièce,  et  plusieurs  l'ont  rejetée,  comme  indigne 
de  notre  poëte.  11  faut  avouer  qu'il  s'y  trouve  plus  d'un  passage  mé- 
diocre, puéril,  vulgaire  {mean,  childish  and  vulgar).-»  Il  plaide  seu- 
lement la  circonstance  atténuante,  et  soutient  qu'il  s'y  trouve,  çà  et 
là,  des  traits  de  génie.  Il  y  a,  en  effet,  des  vers  très-brillants,  el  des 
élans  de  lyrisme  qui  seraient  plus  à  leur  place  dans  un  poëme  que 
dans  une  comédie.  Mais  on  chercherait  vainement  un  ouvrage  drama- 
tique 011  les  caractères  soient  plus  faux,  l'action  plus  nulle  el  l'intérêt 
plus  languissant. 

Il  s'agit  d'un  Ferdinand,  roi  de  Navarre,  amoureux  de  la  science, 
et  passionné  à  tel  point  pour  l'étude  qu'il  a  juré  et  fait  jurer  à  ses 
courtisans  Biron,  Dumaine  el  Longueville,  de  consacrer  trois  années 
de  suite  au  travail,  et,  pendant  tout  ce  temps,  nol  to  see  a  woman, 
de  ne  pas  voir  une  femme,  de  passer  un  jour  par  semaine  sans  man- 
ger, et  de  ne  dormir  que  trois  heures  sur  vingt-quatre.  La  princesse 
de  France  arrive  sur  ces  entrefaites,  chargée  par  le  roi  son  père 
d'une  importante  négociation.  Ferdinand  refuse  de  la  recevoir  dans 
son  palais,  et  lui  permet  seulement  de  séjourner  dans  son  parc,  avec 
sa  suite,  sous  des  lentes.  Il  ne  peut  pourtant  pas  se  dérober  à  la  né- 
cessité d'un  entrelien,  et  une  seule  entrevue  suffit  pour  le  rendre 
amoureux  de  la  princesse.  Ses  trois  favoris  ne  tiennent  pas  mieux 
leur  serment;  ils  trouvent  auprès  de  la  princesse  trois  filles  d'hon- 
neur qui  mellenl  en  désarroi  leur  pauvre  cervelle.  La  maladie,  chez 
tous  les  quatre,  se  manifeste  par  les  mêmes  symptômes,  malgré  la  diffé- 
rence des  tempéraments,  ce  qui  prouve  que  Shakspeare  était  plus  poëte 
que  physiologiste  :  Ils  font  des  vers  à  qui  mieux  mieux  ;  ils  riment 
des  madrigaux,  el  quels  madrigaux  !  Tous  quatre  jouent  à  peu  près 
le  même  rôle,  et  font  les  mêmes  sottises.  La  princesse  el  les  trois 
suivantes  les  bafouent  de  la  même  manière.  C'est  une  lutte  sans  cesse 
renouvelée  de  subtilités,  de  jeux  de  mots,  de  railleries  sans  finesse, 
de  plaisanteries  fort  peu  altiques,  entre  quatre  précieux  et  quatre 
précieuses.  Les  précieux  finissent  par  s'avouer  vaincus  et  demander 
grâce,  c'est-à-dire  mariage.  Ils  ne  l'obtiennent  qu'à  la  condition  de  faire 
pénitence  pendant  un  an  el  un  jour.  On  voit  que  Xqmvs  peines  d'amour 
ne  sont  pas  aussi  complètement  perdues  que  le  titre  l'annonçait.  Mais 
rien  au  monde  n'est  plus  froid  que  cette  longue  suite  de  scènes  sans 
situations,  el  de  conversations  alambiquées,  qui  n'intéressent  ni  l'es- 
prit ni  le  cœur,  et  si  l'auteur  a  eu  pour  bui  d'amuser  les  honnêtes 
gens,  on  peut  dire  que  c'est  lui  qui  a  perdu  sa  peine. 

Ce  qui  a  donné  à  MM.  Michel  Carré  et  Jules  Barbier  l'idée  de 
substituer  cette  mauvaise  pièce  anglaise  à  la  mauvaise  pièce  italienne, 
c'est  probablement  que  le  roi  de  Navarre  etses  trois  acolytes  imaginent, 


on  ne  voit  pas  trop  dans  quel  but,  de  se  présenter  chez  la  princesse 
déguisés  en  Moscovites,  comme  les  deux  amants  de  Cosi  fan  lutte 
reviennent  chez  leurs  soties  maîtresses  déguisés  en  gentilhommes  al- 
banais. D'ailleurs,  ils  n'ont  eu  garde  de  suivre  trop  fidèlement  le  pro- 
gramme tracé  par  Shakspeare.  Ils  y  ont  introduit  le  faux  empoison- 
nement du  libretto  italien,  ainsi  que  le  faux  médecin.  Ils  ont  mis 
seulement  un  duel  fictif,  et  de  faux  coups  d'épée  à  la  place  du  poi- 
son, et  un  page  malin  à  la  place  de  la  soubrette  effrontée.  Au  dé- 
noûment le  même  page  se  présente  en  robe  de  devin,  et  débite  nous 
ne  savons  quelle  prophétie  sur  les  mêmes  notes  qiii  Servent  à  Despina, 
travestie  en  notaire,  pour  lire  les  contrats  de  mariage.  Il  estàremar" 
quer  que  ces  deux  endroits  où  l'ouvrage  français  se  rapproche  de 
l'italien  sont  justement  ceux  qui  produisent  l'effet  le  plus  satisfaisant. 
On  devait  s'y  attendre,  car  c'est  là  qu'il  y  a  le  plus  d'accord  entre 
les  paroles  et  la  musique.  En  effet,  pourvu  qu'on  ne  demande  pas  à 
Mozart  la  verve  bouffonne  des  compositeurs  italiens,  il  exprime  avec 
une  étonnante  précision  la  situation,  les  sentiments  et  le  caractère 
des  personnages.  Il  s'ensuit  nécessairement  que  si  l'on  change  les 
personnages,  les  caractères  et  les  situations,  la  musique  n'a  plus  de 
sens. 

Nous  n'en  donnerons  qu'un  exemple,  qUe  nous  tirerons  du  quin- 
tette di  scrivermi,  ogni  giorno  giurami,  vila  mia,  etc.  Il  commence 
par  des  noies  séparées  par  des  silences,  comme  il  convient  à  la  si- 
tuation de  deux  femmes  éplorées  dont  les  soupirs  coupent  la  respi- 
ration, dont  les  sanglots  arrêtent  la  voix.  Ce  même  quintette  se 
trouve  au  second  acte  des  Peines  d'amour,  mais  dans  une  situation 
calme  oîi  personne  ne  pleure.  Qu'en  reste-t-il?  Une  mélodie  char- 
mante sans  aucun  doute,  el  un  admirable  tissu  harmonique.  Mais  le 
sens  dramatique  n'y  étant  plus,  l'impression  qu'en  reçoit  le  specta- 
teur est  presque  nulle  :  verba  et  voces,  prœtereaque  nihiî . 

Nous  n'insisterons  pas  davantage  sur  cet  inconvénient  à  peu  près 
inévitable  dans  tous  les  pastiches  ;  c'est  pour  cela  sans  doute  qu'au- 
cun ne  peut  vivre.  Déjà  sous  le  premier  Empire  on  avait  ajouté  la 
musique  de  Cosi  fan  tulle  à  un  poëme  intitulé  le  Laboureur  chinois. 
Qui  se  souvient  aujourd'hui  du  Laboureur  chinois?  L'héroïne  princi- 
pale y  chantait  le  bel  air  :  Per  pietà,  ben  inio,  perdona!  sur  ces  vers, 
dont  il  serait  impossible  de  nommer  l'auteur  : 

Au  nœud  secret  qui  nous  engage 

Qu'aurait-il  donc  à  reprocher  ? 

J'aime  son  fils,  mais  son  hommage, 

Je  l'ai  reçu  sans  le  chercher. 
Ces  paroles  et  celles  qui  suivent  allaient  beaucoup  mieux  à  la  mu- 
sique, nous  pouvons  l'attester,  que  celles  que  Mme  Cabel  chante  au- 
jourd'hui au  théâtre  Lyrique.  —  Quel  éditeur  d'à  présent  serait  ca- 
pable de  les  retrouver?  Oîi  chercher  la  partition  tout  entière,  et  celle 
de  la  Prise  de  Jéricho,  et  même  peut-être  celle  des  Mystères 
d'isis? 

Quand  on  rencontre  un  ouvrage  ancien  —  nous  parlons  d'un  ou- 
vrage célèbre  —  le  plus  simple,  à  notre  avis,  comme  le  plus  sur, 
est  de  ne  pas  ambitionner  la  gloire  de  le  perfectionner.  Laissez-le  tel 
qu'il  est,  de  grâce  !  avec  ses  qualités  et  ses  défauts.  Ces  défauts,  si 
grands  qu'ils  soient,  ne  l'ont  pas  fait  mourir,  puisque  vous  songez  à 
le  reprendre.  L'impertinence  du  libretto  de  Cosi  fan  lutte  n'a  pas 
empêché  celte  partition  charmante  d'être,  au  théâtre  Italien  ,  le  plus 
grand  succès  de  la  saison.  11  est  ce  qu'il  est,  on  le  prend  tel  quel, 
et  l'on  jouit  de  la  musique  en  se  moquant  du  signer  poeta  qui 
ne  vaut  même  pas  la  peine  qu'on  lui  fasse  son  procès.  La  responsa- 
bilité de  ses  inepties  ne  pèse  sur  aucun  être  vivant.  Mais  si  le  public 
trouve  votre  arrangement  mal  réussi,  êtes-vous  sûr  qu'il  ne  vous  en 
rendra  pas  responsable? 

Nous  n'avons  pas  besoin  d'indiquer  ici  les  beautés  intrinsèques  de 
l'œuvre  de  Mozart.  Elles  sont  connues,  et  personne,  probablement,  ne 
les  conteste  depuis  que  la  mort  a  brisé  la  plume  du  spirituel  el  pa- 


DE  PARIS. 


107 


radoxal  dcrivain  qui  soutenait  d'un  air  si  résolu  que  «  Mozart  était 
le  premier  des  musiciens  médiocres  )>.Si  la  pièce  à  laquelle  MM.  Carré 
et  Barbier  ont  mis  leur  nom  nous  a  paru  froide,  nous  pouvons  attes- 
ter, en  revanche,  que  la  versification  en  est  facile ,  élégante  habi- 
tuellement et  parfois  très-spirituelle,  et  que  souvent  ces  messieurs  ont 
remplacé,  par  des  traits  ingénieux  et  fins,  les  lourdes  plaisanteries  de 
leur  original.  Mme  Faure  chante  le  rôle  de  la  princesse  avec  une 
voix  faible,  mais  beaucoup  de  grâce.  Mme  Cabel,  au  contraire,  a  plus 
d'éclat  et  de  puissance  qu'elle  n'en  a  jamais  eu.  On  l'a  vivement  ap- 
plaudie après  l'air  de  Fiordiligi  :  Per  pietà,  dont  nous  parlions  tout 
à  l'heure,  et  qui  donne,  plus  qu'aucun  autre  peut-être,  la  mesure  de 
ses  trois  registres.  Elle  donne  religieusement  le  texte  écrit,  sans  se 
permettre  le  moindre  gropetto.  C'est  pousser  le  respect  un  peu  trop 
loin.  Les  maîtres  du  xvni°  siècle  comptaient  sur  l'imagination  comme 
sur  le  goût  de  leurs  interprètes,  et  c'est  pour  cela  que  leurs  parties 
vocales  sont  si  peu  ornées.  Si  Mme  Cabel  tient  à  connaître  le  style  de 
Mozart,  qu'elle  se  fasse  jouer  quelq^ues  andanie  de  ses  sonates  de 
piano,  où  il  a  tout  écrit. 

Mlle  Girard  est  piquante  et  fine,  comme  toujours,  dans  le  rôle  du 
page  Papillon.  M.  Petit  chante  très -agréablement  celui  de  Biron. 
M.  Wartel,  BI,  Guyot,  M.  Lesage,  font  valoir  les  leurs  autant  que 
possible  ;  M.  Léon  Duprez,  fils  du  grand  chanteur  qui  nous  a  laissé 
de  si  beaux  souvenirs,  débute  dans  le  rôle  du  roi  Ferdinand.  11  serait 
difficile  de  chanter  avec  plus  d'art,  d'intelligence,  et,  pour  tout  dire 
en  un  mot,  de  talent  que  M.  Léon  Duprez.  Pourquoi  faut-il  que  sa 

voix chut!  On   l'a  applaudi  à  trois  reprises,   après  l'air  en  la 

dont  le  public  connaît  si  bien  les  paroles  italiennes  :  Un'  aura  amo- 
rosa,  etc.  On  lui  a  fait  répéter  cette  délicieuse  cantilène,  après  quoi 
on  l'a  applaudi  plus  fort  qu'auparavant.  S'il  sait  se  faire  écouter,  et 
si  le  public  le  trouve  suÉSsamment  fort  de  larynx,  qu'avons-nous  à 
dire  ?  Rien,  si  ce  n'est  que  les  costumes  comme  les  décors  des  Peines 
d'amour  ont  un  éclat,  une  magnificence  dignes  du  grand  Opéra,  et 
que  M.  P.  Pascal,  qui  choisit  et  ajusta  les  morceaux  de  musique  au 
nouveau  livret,  s'est  acquitté  de  cette  tâche  délicate  avec  autant  de 
goût  que  d'intelligence.  Si  la  couleur,  le  ton  général  et  les  situations 
des  Peines  d'amour  ne  se  sont  pas  trouvés  parfaitement  semblables 
à  ceux  de  Cosi  fan  tutte,  ce  n'est  pas  sa  faute. 

LÉON  DUROCHER. 


COSCERT  DONNE  PAR  JEAN  BECKER  ET  ED.  DE  HARTOG. 

Nous  avions  déjà  plusieurs  fois  entendu  M.  J.  Becker  et  apprécié 
en  lui  l'artiste  destiné  à  occuper  une  des  premières  places  parmi  les 
maîtres  de  l'art  du  violon.  Le  dernier  concert  qu'il  a  donné  chez 
Herz,  en  compagnie  de  M.  Ed.  de  Hartog,  l'a  encore  élevé  de  beau- 
coup dans  notre  estime ,  et  nous  croyons  fermement  que  ceux  qui 
n'assistaient  pas  à  cette  soirée,  ne  peuvent  se  flatter  de  le  bien  con- 
naître. Poursuivant  la  voie  historique,  oij  il  a  fait  une  si  brillante 
entrée  avec  l'école  italienne,  le  jeune  virtuose  abordait  cette  fois 
l'école  allemande,  et,  pour  ainsi  dire,  l'épuisait  d'un  seul  coup.  Où 
trouverait-on  un  autre  violoniste  capable  d'exécuter,  comme  il  l'a 
fait,  cette  chaconne  de  J.  Séb.  Bach,  pour  violon  seul,  composée  en 
1730?  Quel  autre  eût  osé  entreprendre  ce  long  morceau,  hérissé  de 
difficultés  d'un  genre  si  étrange  pour  nous,  et  dont  tout  le  charme 
consiste  dans  l'habileté  avec  laquelle  l'artiste  parvient  à  les  vaincre? 
J.  Becker  les  a  toutes  vaincues,  sans  paraître  avoir  besoin  d'effort. 
Pendant  plus  de  dix  minutes,  il  nous  a  transportés  dans  un  autre 
siècle,  dans  un  autre  art  que  celui  au  milieu  duquel  nous  vivons,  et 
il  avait  l'air  de  s'y  trouver  comme  chez  lui.  Quelle  facilité ,  quelle 
assurance  dans  ces  coups  d'archet  si  compliqués,  si  ardus!  Quelle 
sûreté  d'intonation  !  quelle  finesse  de  nuances  !  L'allégro  et  l'adagio 


du  quatrième  concerto  de  Spohr  n'ont  été  pour  lui  qu'un  repos  et  lui 
ont  servi  de  transition  pour  arriver  à  un  scherzo  de  Ferdinand  David, 
c'est-à-dire  à  ce  qu'il  y  a  de  plus  hardi  et  de  plus  Oclatant  dans 
l'art  moderne. 

Eh  bien  !  J.  Becker  n'était  encore  qu'à  la  moitié  de  la  tâche  qu'il 
s'était  imposée.  Il  est  rentré  dans  la  lice  en  jouant  un  Concertstûck, 
pour  violon  et  orchestre,  écrit  à  son  intention  par  M.  de  Hartog. 
Ensuite  il  a  joué  la  troisième  polonaise  de  Mayseder,  l'un  de  ces  mor- 
ceaux populaires  en  naissant,  mais  d'une  élégance  et  d'un  brio  tant 
soit  peu  vulgaires.  Enfin,  comme  pour  faire  contraste,  il  a  terminé  par 
une  fantaisie  sur  des  thèmes  hongrois,  dans  laquelle  Ernst  s'est  complu 
à  résumer  les  excentricités ,  les  coquetteries  les  plus  recherchées  du 
style  paganinien.  Ainsi  s'est  achevé  le  tour  de  force ,  qui  sans  aucun 
doute  avait  quelque  chose  de  fabuleux,  et  pourtant  ne  semblait  nulle- 
ment avoir  lassé  le  vigoureux  athlète.  Notez  bien  que  la  vigueur  de 
i.  Becker  ne  se  montre  jamais  ui  sauvage  ni  rude  ;  que  sou  archet 
conserve  toujours  la  moelleuse  douceur  que  l'on  admirait  en  Viotti.et 
qui  faisait  dire  de  lui  :  «  C'est  un  archet  de  coton  dirigé  par  un  bras 
d'Hercule.  » 

Dieu  nous  garde  de  rien  ôter  à  la  gloire  des  virtuoses  dont  le 
talent  se  consacre  uniquement  à  leurs  propres  œuvres,  et  qui  nous 
donnent  de  la  personnalité  autant  et  plus  que  parfois  on  n'en  désire; 
mais  rendons  pleine  justice  à  ces  rares  artistes  qui  ne  sont  étran- 
gers à  aucun  siècle,  à  aucun  pays,  à  aucune  école,  et  qui  nous  en 
révèlent  si  généreusement  les  beautés  !  Notre  Baillot ,  qui  avait  bien 
aussi  son  cachet  individuel,  excellait  à  ces  initiations  rétrospectives; 
nous  ne  doutons  pas  qu'il  n'eût  franchement  applaudi  en  M.  J.  Becker 
un  de  ses  plus  dignes  continuateurs  et  rivaux. 

La  charmante  aubade  de  M.  Ed.  de  Hartog  ouvrait  mélodieusement 
et  discrètement  cet  intéressant  concert,  où  plusieurs  scènes  et  canti- 
lènes  gracieuses  du  même  compositeur  ont  été  dites  par  Mlle  de  Taisy 
et  M.  Grizy  du  grand  Opéra.  Les  ritournelles  et  l'instrumentation  de 
ces  divers  morceaux  sont  remplies  d'effets  d'une  distinction  extrême; 
on  a  surtout  distingué  l'Esclave,  le  Pécheur  et  Poëme  d'amour, 
comme  dictés  par  une  heureuse  et  poétique  inspiration. 

S.  D, 


AUDITIOISS  inSICÂLES. 

Deuxième   concer*    ac   aime  Mailcleïne   «raever.  — 
A.  Ciouffé.  —  Alexamlre  Batla. 

La  seconde  soirée  donnée  mardi  par  Mme  Madeleine  Graever 
était  une  véritable  solennité.  De  même  qu'à  la  première ,  les  salons 
de  l'hôtel  du  Louvre  étaient  à  peine  assez  vastes  pour  contenir  la 
foule  des  dilettantes  qui  était  là  attentive  et  sympathique,  comme  elle 
l'est  toujours  aux  fêtes  de  l'art.  A  son  entrée,  Litolff  a  été  salué  de 
bravos  enthousiastes,  témoignages  sincères  des  délicieux  souvenirs 
qu'avait  laissés  son  troisième  concerto  symphonique. 

L'ouverture  à'Egmont,  c'est-à-dire  une  de  ces  pages  dramatiques 
et  grandioses  comme  Beethoven  en  écrivit  tant,  et  qui  suffirait  seule 
à  faire  regretter  qu'il  n'ait  pas  plus  souvent  associé  son  génie  à  ce- 
lui de  Goethe,  a  tout  d'abord  transporté  l'auditoire,  heureux  qu'on 
débutât  par  une  aussi  large  et  aussi  imposante  conception. 

Cette  fois,  c'est  l'andante  relirjioso  et  le  scherzo  du  quatrième 
concerto  symphonique  de  Henri  Litolff  que  Mme  Madeleine  Graever 
a  fait  entendre.  Ces  deux  morceaux,  tout  le  monde  le  sait,  n'ont 
pas  peu  contribué  à  fonder  la  réputation  du  compositeur.  Jusqu'à  ce 
jour,  il  n'a  rien  réalisé  de  plus  pur,  de  plus  clair,  de  plus  élevé  et 
de  plus  saisissant  ;  c'est,  comme  disait  Mme  de  Sévigné,  le  dessus 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


du  panier.  Rarement  nos  maîtres  symphonistes  eux-mêmes  ont  tiré 
du  rhythme,  de  l'harmonie  et  de  l'instrumentation  des  effets  plus 
neufs  et  plus  délicieux  ;  rarement  l'orchestre  et  le  piano  ont  mieux 
gardé  l'un  et  l'autre  l'importance  qu'ils  doivent  avoir  ;  rarement  ils 
ont  été  animés  d'un  souffle  aussi  puissant  et  aussi  égal. 

Vandante  religioso,  plein  de  noblesse  et  de  mélancolie,  est  ma- 
gnifique. La  mélodie,  les  développements  et  la  sobriété  relative  des 
modulations,  attestent  une  fermeté,  une  concision  et  une  mesure  qui 
distinguent  presque  toujours  les  œuvres  de  Litolff.  Pourquoi  donc  le 
scherzo,  oh  les  répétitions,  les  mêmes  formes  sont  prodiguées,  a-t-il 
fait  éprouver  plus  de  plaisir  encore?  C'est  tout  simplement  une 
question  de  mouvement  :  notre  éducation  musicale  n'est  pas  assez 
avancée  pour  que  Vallegretto,  avec  ses  allures  plus  ou  moins  frin- 
gantes et  légères,  ne  l'emporte  pas  toujours  sur  le  plus  mélodieux 
andante. 

Dans  le  Chant  des  Guelfes,  ouverture  héroïque  jouée  par  l'orches- 
tre d'une  façon  qu'on  a  fort  admirée,  Litolff  est  plus  pompeux,  il 
vise  au  grand;  mais  il  est  moins  éloquent  que  dans  ses  concertos. 
Toutefois,  si  les  couleurs  violentes,  les  tutti  formidables  abondent 
dans  cette  page,  il  y  a  aussi  des  effets  merveilleux  d'orchestration 
et  même  des  élans  d'inspiration  que  nous  ne  mettrons  pas  en  paral- 
lèle avec  ceux  des  œuvres  où  le  goût  égale  le  génie,  mais  qui  n'en 
justifient  pas  moins  les  ovations  et  les  acclamations  prodiguées  l'autre 
soir  au  compositeur. 

Personne  ne  peut  raisonnablement  dénier  à  la  critique  le  droit 
d'avoir  aussi  ses  prédilections.  Les  nôtres  ne  sont  point  pour  l'exa- 
géré, pour  l'effet  purement  matériel ,  pour  l'affectation  et  l'enflure. 
L'abus  de  la  sonorité  nous  semble  plutôt  un  obstacle  qu'une  ressource. 
On  sent  trop  dans  l'ouverture  de  Litolff  le  parti  pris  d'étonner,  de 
frapper  fort,  et,  quoiqu'elle  renferme  de  vigoureuses  pensées  et  des 
passages  magistralement  traités,  nous  préférons  de  beaucoup  ses  con- 
certos symphoniques. 

Mme  Madeleine  Graever,  après  avoir  dit  le  concerto  de  Litolff  en 
bonne  musicienne,  en  pianiste  capable  de  lutter  avec  un  brillant  or- 
chestre et  de  faire  complètement  saisir  toutes  les  beautés  et  tous  les 
détails  de  la  partie  principale,  si  toutefois  on  peut  appeler  ainsi  la 
partie  de  piano  aussi  splendidement  escortée,  a  joué,  aux  applau- 
dissements de  toute  la  salle,  les  variations  de  Haendel  sur  l'air  : 
The  harmonïous  Blacksmith,  qui  ont  été  bissées,  et  le  deuxième  con- 
certo de  Mendelssohn.  La  charmante  pianiste  a  fait  apprécier  le  brio, 
l'élégance  et  la  chaleur  d'une  exécution  à  laquelle  (puisqu'il  faut  tou- 
jours demander  quelque  chose,  et  surtout  à  ceux  qui  peuvent  donner) 
nous  voudrions  dans  les  traits  un  peu  plus  de  netteté,  et  dans  le 
cantabile  un  peu  plus  de  simplicité,  de  moelleux  et  de  charme.  Qua- 
lités précieuses  et  qui  doivent  absolument  faire  partie  de  toutes  celles 
qui  ont  été  si  largement  départies  à  Mme  Graever.  Nous  devons 
constater,  malgré  cette  légère  critique,  que  les  applaudissements  les 
plus  chaleureux  et  les  rappels  après  chacun  de  ses  morceaux ,  ont 
témoigné  de  la  façon  la  plus  significative  à  l'élève  de  Litolff  qu'on 
l'associait  pleinement  au  triomphe  de  son  maître. 

—  Les  juges  les  plus  éclairés  ont  depuis  longtemps  reconnu  le 
mérite  tout  exceptionnel  de  M.  A.  Gouffi  Récemment,  dans  les  salons 
Pleyel-Wolff,  l'excellent  contre-bassiste  n'est  pas  resté  au-dessous  des 
éloges  qui  lui  ont  été  si  souvent  donnés.  Doubles  cordes,  sons  har- 
moniques, trilles  badins,  abondance  inattendue  de  traits,  il  n'est  pas 
une  des  formes  connues  des  violoncellistes  dont  M.  A.  Gouffé  n'ait 
réussi  à  transporter  la  variété,  la  légèreté  et  la  douceur  sur  son 
instrument.  Après  une  délicieuse  sicilienne  de  sa  composition,  de 
chaleureux   bravos  lui  ont  été   prodigués. 

Des  fragments  d'un  quintette  de.  M.  E.  Walckiers  ont  été  écoutés_ 
très-favorablement.  L'auteur  réunit  toutes  les  qualités  que  réclame  la 
musique  de  chambre  :  harmoniste  très-instruit,  il  a  puisé  dans  les 
chefs-d'œuvre  de  l'école  allemande   de  nombreuses   ressources  de 


style;  mélodiste  bien  doué,  ses  chants  sont  simples,  gracieux,  francs 
et  souvent  très-heureux.  Le  quatuor  de  M.  Adolphe  Blanc,  dédié  à 
Rossini,  est  bien  connu;  il  a  été  fort  bien  exécuté  par  Mme  Béguin- 
Salomon,  MM.  Guerreau,  Lebouc  et  Casimir  Ney,  et  a  fait  grand  plai- 
sir. 11  abonde  en  inspirations  charmantes,  aimables,  en  développements 
ingénieux.  Jusqu'ici  M.  A.  Blanc  n'a  rien  fait  de  plus  complet  et 
rien  non  plus  qui  pût  mieux  annoncer  un  véritable  compositeur. 

—  Le  public  est  toujours  très-bienveillant  ;  pourtant  il  sait  parfai- 
tement donner  à  chacun  son  rang.  Comme  la  critique,  il  tient  essen- 
tiellement à  établir  une  hiérarchie  ;  aussi  a-t-il,  cette  semaine,  dans 
les  suions  Erard,  accueilli  Alexandre  Batta  d'une  façon  toute  particu- 
lière et  comme  il  accueille  seulement  les  artistes  d'un  vrai  mérite. 
L'exécution  de  Batta  est-elle  restée  ce  qu'elle  était  autrefois?  En  at- 
teignant à  un  charme  si  pénétrant,  n'a-t-elle  rien  perdu  de  sa  force, 
de  son  éclat  et  de  sa  variété  ?  L'excellent  virtuose  a  obtenu  tant  de 
succès  en  disant,  comme  eussent  pu  le  dire  les  meilleurs  chanteurs, 
des  mélodies  gracieuses,  nobles  et  touchantes  ;  il  a,  sans  exagération, 
fait  verser  tant  de  larmes  en  soupirant  de  plaintives  et  pathétiques 
élégies,  que  son  talent  s'est  un  peu  efféminé.  11  néglige,  assez  sou- 
vent maintenant,  la  sévérité,  la  grandeur,  les  effets  variés  et  puis- 
sants, les  combinaisons  piquantes  qui,  par  leur  plénitude  et  leur 
diversité  de  formes,  ne  font  cependant  que  mieux  ressortir  la  simpli- 
cité et  la  beauté  des  cantilènes.  S'il  a  des  grâces  à  lui,  des  coquette- 
ries tout  à  fait  séduisantes,  il  délaisse  peut-être  un  peu  trop  les 
étonnantes  et  brillantes  difficultés.  Mais  l'expression,  la  sensibilité  et 
la  distinction  ont  un  pouvoir  irrésistible,  et  Batta  triomphe  là  où 
d'autres  échoueraient.  Le  violoncelle  se  prête  admirablement  aux 
plus  délicates  inflexions  du  langage  musical,  et  Batta  le  fait  chanter 
à  ravir.  Mercredi,  il  a  captivé,  ému  et  enchanté  un  auditoire  élégant 
qui,  après  ses  jolies  fantaisies  sur  il  Trovatore,  sur  la  Favorite  et  la 
Norma,  lui  a  prodigué  les  bravos  les  plus  sincères  et  les  plus  chaleu- 
reux. Nous  pourrions  tout  louer  dans  ce  beau  concert,  car  bien  peu 
réunissent  comme  celui-ci  des  solistes  tels  que  Mme  Massart,  MM.  A. 
Dubois  et  Jean  Becker.  Ces  trois  artistes  ont  soutenu  l'éclat  de  cette 
soirée  par  une  exécution  également  vive  et  pure.  Les  gens  du  goût 
le  plus  exquis  ont  été  charmés  des  caractères  différents  de  ces  vir- 
tuoses d'élite,  qui  ont  si  agréablement  varié  leurs  jouissances  et  si 
brillamment  justifié  la  réputation  et  la  haute  estime  qu'ils  se  sont 
acquises. 

Le  talent  de  Bussine  et  celui  de  Mme  Peudefer,  l'un  sévère  et  grave, 
l'autre  fin,  délicat  et  expressif,  ont  été  fort  appréciés. 

Adolphe  BOTTE. 


BEVUE  DES  THEATRES. 

Gymnase  :  la  Maison  sans  enfants,  comédie  en  trois  actes,  par  M.  Du- 
manoir  ;  le  Bout  de  l'an  de  l'amour,  causerie  à  deux  par  M.  Théo- 
dore Barrière.  —  Variétés  :  Crockbéte  et  ses  lions,  à -propos  en  deux 
actes,  par  MM.  Clairville  et  Blum. 

Une  comédie  en  trois  actes  de  M.  Dumanoir  et  une  spirituelle  cau- 
serie de  M.  Théodore  Barrière,  arrivant  dans  la  même  soirée,  voilà 
qui  vaut  mieux  pour  le  Gymnase  que  toutes  les  reprises  imaginables, 
La  comédie  repose  sur  une  idée  féconde ,  et  qui ,  pour  n'être  pas 
très-neuve,  n'en  offre  pas  moins  matière  à  des  déductions  sans  nom- 
bre. La  Maison  sans  enfants ,  on  sait  ce  que  cela  veut  dire.  C'est  le 
mari  cherchant  au  dehors  un  lien,  un  intérêt  qu'il  ne  trouve  pas  dans 
son  ménage;  c'est  sa  femme  qui,  n'étant  pas  retenue  par  les  soins 
maternels,  livre  sa  vie  à  ia  dissipation  et  finit  par  tomber  dans  le 
désordre.  Telles  sont  en  effet  les  apparences  dans  l'intérieur  de  M.  et 
Mme  de  Rives.  Mais,  en  réalité,  Clémence,  désolée  de  n'avoir  point 
d'enfants,  s'efforce  vainement  de  se  distraire  pour  ouWier,  tandis 
qu'Albert  consacre  une  partie  de  son  temps  à  l'éducation  d'une  petite 


DE  PARIS. 


109 


fille  qu'il  a  eue  avant  son  mariage  et  dont  il  n'a  pas  osé  avouer  l'exis- 
tence à  sa  femme.  Celle-ci,  guidée  par  un  instinct  jaloux  ,  découvre 
un  jour  la  vérité,  et,  bien  loin  d'accabler  son  mari ,  elle  lui  propose 
d'adopter  l'enfant,  qui  leur  tiendra  lieu  de  celui  que  le  ciel  leur  a 
refusé.  Cette  jolie  pièce  est  interprétée  d'une  façon  remarquable  par 
les  deux  nouveaux  sociétaires  de  la  Comédie-Française,  Lafontaine  et 
Mme  Victoria,  qui  appartiennent  encore  pour  quelques  jours  au 
Gymnase. 

— Deux  amis  attendent,  dans  un  cabinet  du  Café  anglais,  d'anciennes 
maîtresses,  pour  fêter  avec  elles  le  lout  de  l'an  de  l'amour.  Mais  ces 
demoiselles  se  font  désirer,  et  elles  laissent  à  leurs  adorateurs  le 
temps  de  réfléchir  sur  le  néant  des  distractions  éphémères  qui,  jus- 
que-là, ont  rempli  tous  leurs  instants.  Justement,  Charles  a  une  sœur 
dont  Henry  n'a  vu  que  le  portrait  photographié  ;  dans  les  dispositions 
ovi  il  se  trouve  amené  par  la  conversation,  cela  suffit  pour  qu'il 
veuille  devenir  le  beau-frère  de  son  ami.  L'affaire  est  arrangée 
quand  les  imprudentes  retardataires  arrivent  au  rendez-vous,  et  pen- 
dant qu'elles  entrent  par  une  porte,  Charles  et  Henry  s'esquivent  sans 
bruit  par  l'autre. 

—  11  n'y  a  pas  de  héros  qui  n'ait  eu  son  parodiste  ;  à  ce  com|jte, 
le  fameux  dompteur  Crockett,  qui  emplit  chaque  soir  le  Cirque  Na- 
poléon, devait  trouver  le  sien.  Le  dompteur  des  Variétés  s'appelb 
Croekbéte,  et  ses  lions  ne  sont  autres  que  des  bipèdes  déguisés,  pour 
accaparer  l'admiration  et  les  écus  des  habitants  de  Coulanges-la-Vi- 
neuse.  Mais  ils  ne  sont  pas  à  leur  poste,  c'est-à-dire  dans  leur  cage, 
au  moment  de  l'exhibition,  ce  qui  provoque  une  immense  épouvante 
chez  les  braves  Bourguignons  venus  pour  les  applaudir  et  qui  se 
répandent  dans  les  bois  pour  leur  donner  la  chasse.  Hâtons-nous 
d'ajouter  qu'à  la  suite  d'une  battue  des  plus  grotesques,  le  lion  prin- 
cipal se  dépouille  de  sa  peau  et  épouse  la  fille  de  son  directeur.  Il 
est  à  parier  que  les  lions  de  M.  Crockett  n'en  pourraient  faire  autant. 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 

***  La  salle  du  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  été  fermée  toute  la  se- 
maine sainte;  demain  lundi  elle  se  rouvrira  par  une  représentation  de 
la  Muette  de  Portici. 

^*^  Mardi,    représentation   extraordinaire  :  le  Trouvère  et  Graziosa. 

*%  Mme  Ferraris  a  quitté  Paris  le  31  mars  se  rendant  à  Londres.  Le 
ballet,  dans  lequel  elle  doit  débuter  à  Hay-Market,  s'appelle  décidé- 
ment la  Farfaletla,  et  non  plus  la  Charmeuse. 

^*a,  Pour  la  réouverture  du  théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique, 
après  la  semaine  sainte,  Achard  reparaîtra  ce  soir  dans  la.  Dame  blanche. 
Montaubry  créant  un  rôle  nouveau  dans  Bataille'd' amour,  dont  la  pre- 
mière représentation  est  lîxée  à,  jeudi  9  avril,  on  jouera  demain  Lalla- 
Roukh  pour  la  dernière  fois. 

^*^  On  se  rappelle  les  difficultés  qu'éprouva  l'année  dernière  l'orga- 
nisation d'une  représentation  au  bénéfice  des  petits-enfants  du  célèbre 
Rameau.  Ces  difficultés  viennent  d'être  vaincues,  et  cette  représenta- 
tion, qui  sera  très-belle  et  très-intéressante,  est  annoncée  pour  mer- 
credi prochain  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique.  Le  spectacle  se  compo- 
sera :  1°  du  trio  de  Guillaume  Tell,  chanté  par  MM.  Tamberliok,  Bonne- 
hée  et  Obin;  2°  air  de  Poliuto,  par  Tamberlick;  3°  la  Musette,  de  Rameau, 
chanté  par  Mlle  Marimon  ;  4"  duo  du  Travatorc,  par  Mlle  Grisi  et  Bon- 
nehée;  5°  air  du  Pirate,  par  Malvezzi  ;  6°  premier  acte  de  la  Traviata, 
par  Mme  Charton-  Demeur  ;  7°  duo  de  Béatrice  et  Bénédict,  par  Mmes  Char- 
ton  et  Marimon  ;  8°  intermède  instrumental,  par  Mme  Escudier-Kastner, 
et,  enfin,  9"  te  Chapeau  de  l'horlocjer,  joué  par  Lesueur  et  les  artistes  du 
Gymnase.  Peu  de  représentations  auront  été  composées  avec  un  ensemble 
plus  parfait  et  sous  les  auspices  de  plus  grands  noms. 

»%  Le  théâtre  impérial  Italien  annonce  pour  ce  soir  au  bénéfice 
d'un  employé  du  théâtre  pris  par  la  conscription,  une  nouvelle  re- 
présentation (VOtcllo,  avec  Tamberlick.  Elle  offrira  un  intérêt  de  plus  en 
ce  que,  cette  fois,  c'est  Mlle  do  Lapommeraye  qui  chantera  le  rôle  de 
Dcsdemona,  pour  lequel  la  direction  l'avait  d'ailleurs  engagée,  mais  qui 
avait  été  revendiqué  par  Mme  Frezzolini  en  sa  qualité  de  chef  d'emploi. 
Nous  dirons    dimunclie  le  succès  de  ce  premier  pas  de  Mlle  de  La- 


pommeraye dans  la  carrière  du  chant  italien,  pour  lequel  elle  prendr 
désormais  le  nom  de  Mlle  Pomerani. 

^*,f  Au  nombre  des  artistes  engagés  par  M.  Bagier  pour  la  prochaine 
saison,  on  cite  le  chanteur  bouffe  Scalese,  qui  a  obtenu  cet  hiver  beau- 
coup de  succès  à  Madrid. 

^*^  On  répète  aux  Bouffes-Parisiens  une  opérette  nouvelle  qui  a 
pour  titre  .Migrelin,et,  qui  sera  jouée  par  Désiré,  Pradeau  et  Mme  Ugalde. 

***  S.  E.  le  ministre  d'État  vient  d'accorder  à  M.  'Victor  Massé  une 
pension  de  2,Z|00  francs. 

***  Le  concours  annuel  pour  le  grand  prix  de  composition  musicale 
commencera  le  samedi  2  mai  1863,  à  dix  heures  du  matin.  Les  person- 
nes qui  sont  dans  l'intention  de  concourir  sont  invitées  à  se  faire  ins- 
crire, à  cet  effet,  au  secrétariat  de  l'Institut  impérial  de  France,  et  à 
justifier  qu'elles  remplissent  les  conditions  requises. 

^*^  La  réception  de  samedi  dernier  chez  M.  le  préfet  de  la  Seine  a 
été  consacrée  à  la  musique  religieuse.  On  y  a  entendu  :  Lacrymosa,  de 
Mozart  ;  air  d'église,  de  Stradella,  par  M.  Gardoni;  chœur  du  xvp  siècle, 
de  Arcadet  ;  Inflammatus,  de  Rossini ,  par  Mlle  Sax  ;  chœur  des  Saisons 
(le  printemps),  de  Haydn  ;  air  de  l'oratorio  û'Elie,  de  Mendelssohn,  par 
G.  Gardoni;  0  Salutaris,  d'Auber,  par  Mlle  Sax;  Sanctus,  de  Gounod;  le 
solo  par  M.  Colomb.  L'orchestre  était  dirigé  par  Pasdeloup.  Toutes  les 
sommités  du  grand  monde,  de  la  littérature  et  des  arts  se  pressaient 
dans  les  salons  de  M.  Haussmann. 

^*j  Le  concert  populaire  spirituel  donné  le  vendredi  saint  par  Pasde- 
loup au  Cirque,  a  été  magnifique  et  a  produit  un  immense  efïet;  on  dit 
qu'on  a  refusé  plus  de  douze  cents  personnes.  Mme  Nantier-Didiée  a 
fort  bien  chanté  un  0  salutaris,  d'Auber,  et  ce  morceau  a  été  rede- 
mandé, ainsi  que  l'hymne  d'Haydn,  exécuté  par  tous  les  instruments 
à  cordes. 

„*,^  L'Empereur  a  daigné  faire  remettre  une  magnifique  émeraude  à 
M.  Adolphe  de  Groot,  chef  d'orchestre  du  théâtre  impérial  du  Châtelet, 
pour  la  cantate  composée  le  16  mars  dernier,  à  l'occasion  de  l'anni- 
versaire de  la  naissance  de  Son  Altesse  le  Prince  Impérial. 

^'%  Nous  avons  encore  entendu  cette  semaine  un  admirable  quatuor 
de  J.  Rosenhain,  exécuté  par  Vieuxtemps  et  trois  autres  excellents  ar- 
tistes. Dans  la  même  matinée,  une  charmante  composition  pour  piano 
de  Rossini,  avait  été  jouée  par  l'auteur  du  quatuor. 

^*,,  Le  troisième  et  dernier  concert  historique  de  M.  Jean  Becker  est 
fixé  à  lundi  prochain,  6  avril,  à  la  salle  Herz.  Le  programme  est  des  plus 
intéressants.  Cette  fois,  c'est  un  spécimen  des  écoles  française  et  belge 
que  déroulera  l'éminent  violoniste  dans  une  série  de  morceaux  em- 
pruntés aux  maîtres  les  plus  célèbres,  depuis  Leclair  jusqu'à  Alard. 
M.  Becker  fera  entendre,  en  outre,  une  Marche  aux  flambeaux  de  sa 
composition.  L'orchestre  sera  dirigé  par  M.  Placet.  Mme  Ernest  Ber- 
trand et  M.  Ferranti  sont  chargés  de  la  partie  vocale. 

^*^  Mlle  Simon-Corraldi  et  M.  Paulin  se  feront  entendre  dans  le  con- 
cert qui  sera  donné  le  14  de  ce  mois  par  la  Société  Beaulieu. 

^*^  Le  vendredi  saint,  à  midi,  dans  l'église  Saint-Roch,  on  a  exécuté 
l'oratorio  d'Haydn,  les  Sept  Paroles  de  Notre  Seigneur  sur  la  iroix.  Le  di- 
manche de  Pâques,  on  exécutera  la  Messe  du  Sacre  de  Cherubini.  Un 
salut  delà  composition  de  M.  Charles Vervoitte  sera  chanté  à  3  heures. 
L'orchestre  et  les  chœurs  seront  dirigés  par  M.  Charles  Vervoitte,  maître 
do  chapelle  de  Saint-Roch. 

**^  M.  Gye,  le  directeur  du  théâtre  royal  de  l'opéra  italien  de  Co- 
vent-Garden  à  Londres,  vient  de  publier  le  programme  de  sa  saison. 
Comme  celui  de  M.  Mapleson,  que  nous  avons  fait  connaître  di- 
manche passé,  il  se  distingue  par  un  nombre  inusité  d'artistes  d'une 
grande  célébrité.  Nous  y  remarquons  neuf  chanteurs  et  cantatrices 
qui  se  feront  entendre  pour  la  première  fois  à  Londres.  Ce  sontMmes  Fio- 
retti,  Pauline  Lucca  ,Maurensi,  Elvira  Demi,  de  Mafifei,  et  MM.  Obin,  Caffieri, 
Ferenesi  et  Naudin,  et  les  principaux  artistes  qui  faisaient  partie  de  la 
troupe  du  théâtre  de  l'année  passée  :  Adelina  PattI,  qui  chantera  pour 
la  première  fois  les  rôles  de  Ninetta  dans  la  Gazza  laira  et  de  Zerline 
de  Fra  Diamlo;  Mme  Miolan-Carvalho,  qui  débutera  dans  le  rôle  de  Cata- 
rina  de  la  S/ei/a  del  Nord,  Mme  Nanlier-Didiée,  Mlles  Battu,  F.udersdorff, 
Fricci,  Dottini,  Anese  et  Tagliafico  ;  les  ténors  :  Mario,  Tamberlick, 
Neri-Beraldi,  Lucchesi  et  Rossi;  les  barytons  et  basses  :  Graziani,  Iton- 
coni.  Formés,  Ciampi,  Capponi,  Zelgor,  Tagliafico,  Fellar.  Deux  opéras 
nouveaux  seront  donnés  :  La  forza  del  destino,  de  Verdi,  et  Stradella,  de 
de  Flotow.  Parmi  la  reprise  d'anciens  ouvrages,  nous  remarquons  celle 
de  la  Stella  del  Nord,  de  Meyerbeer.  Les  autres  chefs-d'œuvre  du  maître  : 
il  Profeta,  (jli  Ugonotti,  il  Pelteyrinagyio  di  Ptoërmel  et  Roberlo  il  Diavolo 
figurent  également  sur  le  programme.  Mmes  ZIna-Richard,  Salvioni, 
Montero,  Duriez  et  Dumilâtra  sont  les  principales  danseuses.  La  soirée 
d'ouverture  aura  lieu,  le  7  avril,  par  la  Muta  di  Portici. 

^*^  Les  propriétaires  du  théâtre  de  Sa  Majesté,  à  Londres,  et  de  hauts 
personnages  anglais,  voulant  donner  à  M.  Lumiey  un  témoignage  de  sym- 
pathie, organisent  trois  représentations  au  bénéfice  du  célèbre  imprésa- 
rio. Mlle  l'icoolomini,  aujourd'hui  marquise  Gaetini,  qui  doit  sa  fortune 
il  l'cx-directeur  du  théâtre  de  Sa  Majesté,  et  qui,  ù  la  suite  de  son  ma- 
riage, a  abandonné  la  scène,  doit  chanter  dans  ces  trois  représentations; 


110 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


ce  sera  la  dernière  fois,  dit  le  Musical  H'orld,  qu'elle  paraîtra  en  pu- 
blic. 

^.*^  MM.  Binfield  ont  donné  leur  grande  soirée,  le  24  mars,  dans  les 
salons  d'Erard.  Henri  Binfield,  dont  on  a  déjà  pu,  depuis  plusieurs  an- 
nées, apprécier  les  belles  et  sérieuses  qualités  de  compositeur  et  de  vir- 
tuose, a,  par  de  nouvelles  compositions,  pleinement  justifié  l'espérance 
de  ceux  qui  comptaient  voir  grandir  sa  réputation.  L'ottetto  pour  deux 
harpes,  piano,  violon,  alto,  violoncelle  et  contre-basse,  est  un  morceau 
plein  d'originalité  et  de  pensées  poétiques.  L'introduction,  allegro  quasi 
alleijretto,  dénote  une  fermeté  de  style  qui  a  vivement  impressionné 
l'auditoire  ;  l'effet  est  allé  en  grandissant  dans  l'adagio  appassionato,  qui  est 
une  rêverie  nocturne,  et  dans  Vallegretto  misterioso  et  finale,  qui  peint  la 
danse  des  ombres  de  la  nuit  et  l'aurore  naissante.  La  fantaisie  italienne 
pour  harpe  a  fourni  à  M.  Binfield  l'occasion  de  se  poser  de  nouveau  en 
harpiste  éminent,  et  dans  le  Dernier  des  Carnavals,  qu'il  a  exécuté  sur 
une  seule  corde,  il  a  amusé  et  intéressé  le  public,  qui,  si  les  autres 
cordes  n'a\  aient  pas  été  démontées,  aurait  cru  la  chose  impossible. 
Mlle  Louise  et  Guillaume  Binfield  ont  prêté  leur  précieux  concours  à 
cette  belle  soirée,  pour  laquelle  l'affluence  du  public  était  considérable. 

»■*»  On  parle  beaucoup  en  Italie  du  ténor  Vincenzo  Sarti,  qui  chante 
en  ce  moment  avec  un  très-grand  succès  au  théâtre  Bellini  à  Palerme. 
Il  a  chanté  trente  fois  le  rôle  de  Robert  dans  Jioberto  il  Diavolo  et  dans 
cet  opéra,  de  même  que  dans  Anna  Bolena,  la  Trauiata  et  autres  d'un 
genre  très-varié,  on  lui  a  prodigué  les  applaudissements,  les  cadeaux  et 
les  ovations  de  toutes  sortes. 

,f*,  Alf.  Jaell  vient  de  donner  à  Vienne  une  séance  de  musique  clas- 
sique avec  le  violoniste  Laub.  Brème,  Brunswick  et  Francfort  ont 
successivement  applaudi  le  célèbre  artiste,  qui  sera  de  retour  à  Paris 
dans  le  courant  de  ce  mois.  Plus  de  douze  cents  auditeurs  étaient  accou- 
rus l'entendre  à  Francfort. 

^*^:  Prudent  est  revenu  pour  la  troisième  fois  de  cet  hiver  en  Bel- 
gique, et  a  obtenu  à  Liège  un  succès  qui  doit  lui  laisser  les  plus  agréables 
souvenirs.  Plusieurs  morceaux  ont  été  bissés  ;  à  la  fin  du  concert  il  a 
été  rappelé  et  on  lui  a  demandé  de  jouer  encore. 

^*^,  Nous  rappelons  à  nos  lecteurs  que  mercredi  prochain,  8  avril, 
dans  les  salons  d'Erard,  aura  lieu  la  première  séance  de  Thalberg,  dont 
nous  avons  déjà  donné  l'intéressant  programme. 

„,*»  iNous  distribuons  à  nos  abonnés  de  Paris  le  programme  d'une 
grande  fête  musicale,  dramatique  et  de  prestige  organisée  pour  la  jeu- 
nesse par  M.  Hocmelle  et  qui  aura  lieu  jeudi  9  avril,  à  la  salle  Herz ,  à 
1  heure  de  l'après-midi. 

^*g.  Berlioz  est  en  ce  moment  à  Weimar  occupé  à  diriger  la  prochaine 
représentation  de  son  opéra  Béatrice  et  Bénédict. 

,%  M  Alexandre  Billet  donnera  vendredi  17  avril,  à  8  heures  1/2, 
une  soirée  musicale  chez  Erard,  avec  le  concours  de  Mme  Scott-Morel, 
MM.  Marchesi,  Armingaud  et  Jacquard. 

j*,t  L'éminent  pianiste  compositeur  Blumenthal  est  en  ce  moment  à 
Paris.  Il  vient  d'Italie,  où  son  talent  de  virtuose  et  ses  charmantes 
compositions  lui  ont  valu  de  grands  succès. 

^*^  Les  amateurs  n'ont  pas  oublié  le  délicieux  portrait  d'Adeliua  Patti, 
dû  au  crayon  de  Desmaisons.  Nous  avons  sous  les  yeux  deux  nouvelles 
productions  de  cet  artiste,  qui  n'est  pas  seulement  un  dessinateur  litho- 
graphe de  grand  mérite,  mais  encore  un  de  nos  photographes  les  plus 
habiles  :  ce  sont  les  portraits  de  LL.  AA.  RR.  le  prince  et  la  princesse 
de  Galles.  Nous  avons  rarement  vu  des  portraits  photographiques  mieux 
réussis,  et  surtout  traités  plus  artistement .  M .  Desmaisons  a  déjà  pu- 
blié une  galerie  de  portraits  des  musiciens  célèbres  qui  se  distingue 
précisément  par  cette  qualité  artistique,  mais  il  s'est  surpassé  dans  ceux 
du  prince  et  de  la  princesse  de  Galles.  Il  a  fait  le  voyage  de  Dane- 
mark exprès  pour  avoir  l'image  la  plus  ressemblante  de  la  princesse,  et 
il  y  a  joint  ce  qu'il  entend  si  bien  :  une  pose  et  des  ajustements  d'une 
grâce  et  d'un  fini  inimitables.  Aussi  ne  peut-il  suffire  aux  demandes 
qui  lui  en  sont  faites  de  tous  côtés. 

»*»  Jeudi  9  avril,  salle  Herz,  concert  de  Mlle  Joséphine  Martin ,  avec 
le  concours  de  M.  et  Mme  Archainbaud,  MM.  Pagans  et  Jules  Lasserre. 
Orchestre  sous  la  direction  de  M.  Deledicque. 

,*„,  Jeudi  9,  salons  Pleyel-Wolff,  dernière  soirée  de  musique  de  cham- 
bre de  M.  Ch.  Dancla,  avec  le  concours  de  son  frère  et  de  plusieurs 
autres  artistes  d'élite. 

^*.^  Mercredi  prochain,  8  avril,  dans  les  salons  Pleyel-Wolff,  sixième 
et  dernière  séance  de  musique  de  chambre  de  MM.  Armingaud,  Jac- 
quard, Lalo  et  Maas,  avec  le  concours  de  Mme  Massart. 

^*^  La  Société  chorale  de  Saint-Denis,  que  M.  Jules  Monestier,  ancien 
élève  d'Halévy  et  compositeur  de  musique,  dirige  avec  un  talent  remar- 
quable, a  donné  le  27  mars  dernier  son  concert  annuel  au  théâtre  de 
cette  ville.  L'auditoire  était  nombreux,  et  le  programme  intéressant.  On 
a  fort  applaudi  Mile  Lagye,  du  Conservatoire ,  une  belle  voix  et  un  ex- 
cellent style,  que  l'Opéra-Comique  ne  tardera  pas  à  réclamer;  M.  Isi- 
dore Lévi,  un  des  meilleurs  élèves  d'Alard,  passé  maître  lui-même ,  et 
qui  rappelle  les  brillantes  qualités  du  grand  artiste  ;  MM.  Genin  et  Ca- 
lendini,  de  l'orchestre  des  Italiens.  La  Société  a  chanté  plusieurs  œuvres 


de  son  directeur  i.  Monestier,  entre  autres  les  Enfants  du  Midi,  chœur 
encore  inédit,  d'une  inspiration  heureuse  et  colorée ,  et  d'une  grande 
richesse  de  développements.  On  a  également  remarqué  un  chœur  nou- 
veau de  Camille  de  Vos,  Salut  !  qui  présente  plusieurs  effets  nouveaux 
de  sonorité  et  d'agencement  du  quatuor.  Ces  différents  chœurs  ont  été 
parfaitement  interprétés;  il  est  vrai  de  dire  que,  par  son  accentuation 
nette  et  vigoureuse,  par  son  .sentiment  musical,  par  l'élégance  et  le  fini 
de  son  exécution,  la  Société  chorale  de  Saint-Denis  compte  parmi  les 
meilleures  de  France  et  qu'elle  consacre  tous  ses  efToris  à  conserver 
son  rang  et  sa  réputation. 

**t  Une  très-intéressante  soirée  a  été  donnée  dimanche  dernier  au 
théâtre  de  Sèvres.  On  a  beaucoup  applaudi  Mlle  Castellan,  qui  a  déli- 
cieusement joué  une  fantaisie  de  son  maître  Alard.  Mlle  Nina  Gaillard 
a  exécuté  avec  unegrande  perfection  une  valse  de  Seligmann,  intitulée  les 
Houris.  Mlle  Gaillard  a  été  rappelée  et  applaudie  avec  enthousiasme. 
M.  Aurèle  a  été  désopilant,  et  Mme  Méric  Lalande  aussi  a  eu  une  bonne 
part  dans  le  succès  de  cette  soirée,  qui  avait  réuni  un  nombreux  public. 

**»  M.  Robin  annonce  qu'il  donnera  aujourd'hui  dimanches  et  demain 
lundi  6,  à  2  heures,  une  représentation  de  physique  et  de  magie,  sans 
préjudice  de  celle  du  soir  ;  cédant  aux  nombreuses  demandes  qui  lui 
ont  été  faites,  il  continuera  sa  deuxième  série,  ainsi  que  les  tableaux 
de  la  Terre  sainte,  jusqu'au  vendredi  10  avril.  Samedi  11,  expériences 
et  tableaux  nouveaux. 

,('*»  On  lit  dans  le  Monde  musical,  et  nous  reproduisons  volontiers,  une 
nouvelle  qui  intéresse  tous  les  pianistes  :  «  Les  pianistes  et  les  facteurs 
de  l'aris  s'entretiennent  en  ce  moment  d'une  nouvelle  manufacture  de 
pianos  qui  vient  de  se  créer,  ec  qui  ne  tardera  pas,  si  nos  renseigne- 
ments sont  exacts,  et  ils  le  sont,  à  prendre  le  rang  de  grande  maison. 
En  effet,  nom,  capitaux,  haut  patronage,  tout  y  est  réuni  à  la  fois.  Le 
fondateur  est  M.  Henri  Herz  jeune,  fils  de  M.  Charles  Herz,  et  neveu  du 
célèbre  pianiste.  Le  capital  a  été  formé  par  des  personnes  aussi  in- 
fluentes par  le  rang  élevé  qu'elles  occupent,  que  par  leur  position 
de  fortune.  On  parle  de  grands  noms,  de  puissance  financière,  dont  le 
concours  amical  et  dévoué  est  assuré  à  M.  Herz  fils.  Ce  n'est  pas  là 
évidemment  une  commandite  ordinaire,  mais  bien  un  témoignage  sé- 
rieux d'estime  et  de  considération  rendu  à  M.  Herz  jeune,  et  résultant  de 
motifs  tout  particuliers.  Outre  ces  éléments  exceptionnels  de  succès,  la 
coopération  de  contre-maîtres  aux  capacités  de  longue  date  reconnues 
est  acquise  à  cette  nouvelle  maison.  Si  nous  ne  craignions  d'être  in- 
discret, nous  nommerions  M  Marcus  Knust,  ce  contre-maitre  hors  ligne 
et  dont  la  réputation  si  justement  établie  dans  la  facture  nous  dispense 
de  tout  commentaire.  Nous  attendons  avec  impatience,  pour  en  parler, 
l'apparition  de  ces  pianos,  qui  seront,  dit-on,  de  forme  tout  à  fait  nou- 
velle, et  construits  sur  des  plans  également  nouveaux.  » 

^,*^  Un  des  derniers  feuilletons  de  M.  d'Ortigue,  dans  le  Journal  des 
Débats,  était  en  partie  consacré  aux  efforts  intelligents  que  fait  un  édi- 
teur de  musique  de  Florence,  M.  Guidi,  pour  propager  le  goût  de  la  mu- 
sique instrumentale  en  Italie.  Nous  reproduisons  avec  plaisir  les  appré- 
ciations de  l'éminent  critique;  elles  intéresseront  certainement  les 
lecteurs  de  la  Gazette  : 

«  Merci  à  l'éditeur  Guidi,  de  Florence,  pour  ses  publications  de  mu- 
sique instrumentale.  Rien  de  plus  joli,  de  plus  coquet,  de  plus  net  que 
ses  partitions  en  petit  format  des  Huguenots,  de  Guillaume  Tell,  des  six 
premiers  quatuors  de  Beethoven,  qui  attendent  les  onze  autres,  du 
grand  septuor  et  de  la  sérénade  du  même,  ainsi  que  des  ouvertures  en 
format  in-8°  de  Struensée,  de  Meyerbeer,  et  du  Songe  d'une  nuit  d'été,  de 
Mendelssohn,  qui  nous  promettent  les  neuf  symphonies  de  Beethoven. 
C'est  là  un  symptôme  très-remarquable  du  mouvement  qui  s'opère  au- 
jourd'hui, au-delà  des  Alpes,  dans  la  musique  instrumentale.  Le  onzième 
numéro  du  Boccherini  nous  apporte  des  nouvelles  intéressantes  de  cette 
heureuse  révolution,  L'Italie,  disent  les  rédacteurs,  tenait  depuis  des 
siècles  le  sceptre  de  la  musique  vocale  ;  elle  l'a  laissé  tomber  de  ses 
mains,  et  aujourd'hui  elle  n'applaudit  plus  que  des  hurlements  (urli). 
Il  faut  qu'elle  se  dédommage  en  tâchant  d'égaler  les  autres  nations 
dans  la  musique  instrumentale.  Il  faut  réveiller  les  traditions 
de  l'art  des  Boccherini  et  des  Sammartini.  La  fondation  de  la 
Società  del  Quartelto  de  Florence  a  donné  naissance  à  deux  sociétés 
semblables,  l'une  à  Naples,  l'autre  à  Lucques.  Dans  les  autres  villes,  il 
n'y  a  encore  que  des  tendances  sans  résultat  apparent.  En  attendant, 
la  Société  de  Quatuors  de  Florence  fait  exécuter  la  musique  de  chambre 
de  Boccherini,  de  Haydn,  de  Mozart,  de  Beethoven,  de  Mendelssohn, 
de  Spohr.  Dans  une  des  dernières  séances,  le  deu.vième  quintette  de 
M.  Fétis  a  été  fort  apprécié  et  goûté,  grâce  à  l'habile  interprétation  de 
MM.  Bruni,  Sbolci,  Meunier,  Niccoli  et  Laschi.  Voilà  Florence  en  pos- 
session de  concerts  populaires  de  musique  classique  insirumontate.  La  belle 
et  féconde  idée  de  M.  Pasdeloup,  si  magnifiquement  réalisée  parmi  nous, 
a  porté  ses  fruits  au-delà  des  monts.  Les  .séances  auront  lieu  dans  le 
vaste  théâtre  Pagliano.  L'orchestre  sera  dirigé  par  un  habile  professeur, 
M.  T.  Mabellini,  et  le  premier  concert  s'ouvrira  par  la  symphonie  en  ut 
mineur.  C'est  là  ce  qui  se  passe  dans  la  cité  qui  a  été  le  berceau  du 
drame  lyrique.  » 

D'après  ce  qu'on  nous  écrit  de  Florence,  le  succès  du  premier  concert 
populaire  donné  au  théâtre  Pagliano,  devant  deux  mille  auditeurs,  doit 


DE  PARIS. 


111 


singulièrement  encourager  les  efforts  de  M.  Cuidi.  La  symphonie  en  ut 
de  Beethoven,  le  concerto  en  mi  mineur  de  Mendelssohn  pour  violon, 
l'ouverture  de  Guillaume  Tell,  la  fameuse  Ouverture  en  forme  de  marche 
de  Meyerbeer,  et  le  concerto  en  sol  mineur  de  Mendelssohn  pour  piano, 
composaient  le  programme  de  ce  concert.  Tous  les  morceaux  ont  été 
applaudis  avec  enthousiame,  et  on  a  admiré  le  caractère  majestueux  de 
l'ouverture  de  l'illustre  auteur  des  Huguenots.  Les  exécutants,  MM.  Guidi, 
Passiui  et  Mile  Elv.  del  Bianco  ont  été  maintes  fois  acclamés  et  rappe- 
lés. Enfin,  le  chevalier  Mabeliini  a  dirigé  l'orchestre  avec  autant  de  sa- 
voir que  d'autorité. 

**»  J.  Van  der  Heyden,  l'excellent  violoncelliste,  vient  de  recevoir  de 
S.  M.  le  roi  d'Italie,  la  croix  de  chevalier  des  Saints-Maurice  etLazare. 

^*^  L'inauguration  des  concerts  IMusard  au  Pré  Catelan,  aura  lieu  les 
dimanche  et  lundi  de  Pâques.  La  fête  commencera  à  une  heure  ;  fan- 
fares par  le  16'=  chasseurs  à  pied;  à  2  heures  1/2,  concert;  pendant 
l'entr'acte,  bal  d'enfants  sous  les  quinconces;  marionnettes  lyriques  au 
petit  théâtre,  jeux  divers,  café  et  brasserie.  Première  audition  de  deux 
piquantes  nouveautés  musicales  par  M.  Musard  :  la  valse  des  Bavards  et 
un  quadrille  sur  la  Forsa  del  destino. 

^*t  La  Berceuse  et  la  Mazurka  (souvenir  de  Berlin),  jouées  avec  tant  de 
succès  par  M.  P.  Schœn  dans  ses  concerts,  viennent  de  paraître  chez 
les  éditeurs  Brandus  et  Dufour. 

**i  L'éditeur  Adolphe  Catelin  vient  de  publier  une  bonne  transcription 
pour  le  piano  de  la  ravissante  romance  de  Cosi  fan  lutte  (im'  aura  amo- 
rosa)  par  Alfred  Godard.  Cette  transcription,  dédiée  à  M.  Félix  Lecouppey 
et  acceptée  par  l'éminent  professeur,  est  une  garantie  du  mérite  de  cet 
ouvrage,  que  nous  recommandons  aux  pianistes. 

t*^  M.  Serda,  basse-taille,  qui  fut  longtemps  attaché  à  l'Opéra,  vient 
de  mourir  à  Béziers,  où  il  s'était  retfré  il  y  a  une  quinzaine  d'années. 
Ce  fut  lui  qui  créa  le  rôle  de  Saint-Bris  dans  les  Huguenots. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 

»*»  Marseille.  —  Charles  Wehle  et  Kletzer  ont  donné  leur  premier 
concert  à  Marseille  le  21  mars.  Le  grand  succès  qu'ils  ont  obtenu  est 
d'un  bon  augure  pour  le  grand  voyage  qu'ils  entreprennent  dans  l'O- 
rient. On  a  beaucoup  applaudi  le  talent  correct  et  l'exécution  brillante 
de  Ch.  Wehle^  ainsi  que  ses  compositions.  Kletzer  a  joué  avec  beau- 
coup de  sentiment  de  charmantes  compositions  de  Seligmann,  et  son 
succès  a  été  très-mérité. 

^*^  Boulogne.  —  Un  intéressant  concert  vient  d'être  donné  au  profit 
des  salles  d'asile.  Mlle  Maria  Boulay,  la  charmante  violoniste,  élève 
d'Alard,  Mlle  Filliette,  gracieuse  pianiste  de  notre  ville,  M.  Archainbaud, 
chanteur  d'un  véritable  talent ,  se  sont  partagé  les  applaudissements 
que  leur  a  prodigués  un  nombreux  auditoire.  L'orchestre,  sous  la  direc- 
tion de  M.  Chardard,  a  brillamment  exécuté  les  ouvertures  d'Oberon  et 
de  la  Prison  d'Edimbourg. 

»*,  Alger.  —  Le  directeur  de  notre  scène  lyrique  a  eu  l'heureuse  idée 
de  monter  Charles  VI.  L'opéra  d'Halévy  a  obtenu  le  plus  grand  succès. 
M.  Gaspard,  qui  remplissait  le  rôle  principal,  a  été  chaleureusement 
applaudi.  —  On  attend  l'arrivée  prochaine  de  Mlle  Wertheimber ,  et 
l'on  monte  le  Prophète. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 

^*^  Bruxelles.  —  M.  Ed.  Fétis,  qui  depuis  trois  ans  professe  le  cours 
d'esthétique  établi  par  notre  conseil  communal,  vient  d'être,  à  l'expira- 
tion de  son  année  d'enseignement,  l'objet  d'une  ovation  aussi  flatteuse 
que  méritée  de  la  part  des  habitués  de  son  cours.  M.  l'iron  Vanderton, 
conseiller  provincial,  l'un  de  ses  auditeurs  les  plus  assidus,  lui  a  adressé 
dans  une  allocution  très-bien  sentie,  l'expression  de  leur  gratitude,  et 
l'a  accompagnée  d'un  très-beau  présent  fait  en  leur  nom.  M.  Fétis  a 
été  fort  ému  de  cette  honorable  démonstration,  hommage  rendu  à  une 
existence  consacrée  tout  entière  à  l'étude  de  l'art  et  aux  travaux  qui 
s'y  rapportent. 

^"^  Dusseldorff.  —  Voici  le  programme  complet  du  festival  du  Bas- 
Rhin  qui  aura  lieu  ici  les  2U,  23  et  26  mai  prochain.  Premier  jour  : 
Elie,  de  Mendelssohn.  Deuxième  jour:  ouverture  en  ré  majeur  de  J. 
Bach:  psaume  de  Marcello,  orchestré  par  Lindpaintner;  l'Ode  à  sainte 
Cécîfe,  d'Haendel  ;  symphonie  en  «<  mineur  de  Beethoven;  troisième 
partie  de  la  Création,  d'daydn.  Troisième  jour  :  ouverture  de  J.  Fausch; 
scènes  du  Faust,  de  Schumann;  fragments  de  l'oratorio  de  Hiller,  la 
Destruction  de  Jérusalem.  La  direction  du  festival  a  été  confiée  à  M.  0. 
Goldschmidt  et  M.  Jules  Fausch.  Outre  Mme  Jenny-Lind-Goldschmidt,  se 
feront  entendre  Mlle  d'Edelsberg  et  M.  Kindermann,  de  Munich. 

i*^  Berlin.  —  Mme  Foerster,  qui  était  ici  en  représentation,  a  fait 


ses  adieux  au  public  dans  le  rôle  de  Valentine.  Mme  Foerster  brille 
plus  en  général  au  concert  qu'au  théâtre  ;  néanmoins  elle  a  eu  de  fort 
beaux  moments,  entre  autres  dans  le  duo  avec  Marcel,  et  dans  le  ma- 
gnifique duo  du  quatrième  acte  avec  Raoul  ;  après  ces  deux  morceaux, 
Mme  Foerster  a  eu  les  honneurs  du  rappel.  Dans  la  même  représenta- 
tion Mme  Harriers-Wippern  a  chanté  le  rôle  de  la  reine  de  sa  voix  suave 
et  sympathique. 

^*^  Vienne.  —  La  deuxième  représentation  de  Lucia  n'a  pas  eu  moins 
de  succès  que  la  première.  Mlle  Patti  doit  paraître  encore  dans  deux 
opéras  :  dans  Don  Juan,  de  Mozart,  et  la  Traviata,  de  Verdi.  Mme  La- 
font  débutera  dans  Don  Juan  par  le  rôle  de  donna  Anna.  —  Au  concert 
qui  a  eu  lieu  au  Carltheater  au  profit  de  la  Société  de  secours  Con- 
cordia,  pour  les  journalistes  et  les  écrivains,  on  a  entendu  entre  autres 
Mlle  Patti,  qui  a  eu  les  honneurs  de  la  soirée.  Avec  son  obligeance 
bien  connue,  la  charmante  cantatrice  a  dépassé  le  nombre  des  mor- 
ceaux annoncés  par  le  programme,  et  presque  tous  lui  ont  été  rede- 
mandés. Giuglini,  qui,  dans  cette  soirée,  faisait  ses  adieux  au  public 
viennois,  a  chanté  plusieurs  lieders  avec  beaucoup  de  grâce  et  d'ex- 
pression. Le  célèbre  ténor  se  rend  à  Londres,  où  l'appelle  un  brillant 
engagement. 

**„,  Leipzig.  —  Au  dix-neuvième  concert  du  Gewandhaus,  on  n'a  exé- 
cuté que  des  compositions  françaises,  anciennes  et  modernes.  En  voici 
le  programme.  Première  partie:  ouverture  de  Sémiramide,  par  Catel, 
écrite  dans  un  style  simple  et  grandiose  ;  deux  chansons  populaires  du 
xvii">  siècle  ;  ariette  et  chœur  du  ballet  :  la  Mascarade  de  Versailles,  par 
LuUy;  variations  pour  violon,  par  Rode,  exécutées  par  le  maître  de 
concerts  David ,  avec  autant  de  succès  que  de  talent  ;  air  et  chœur 
à!Hippolyte  et  Aride,  par  Rameau;  ouverture  de  Jean  de  Paris.  —  Se- 
conde partie  :  symphonie  de  Méhul  ;  cette  œuvre  instrumentale  de  l'au- 
teur de  Joseph  en  Egypte  a  été  accueillie  avec  une  faveur  marquée  ; 
chœur  des  Deux  Avares,  par  Grétry  ;  la  Fée  Mab,  scherzo  de  la  sym- 
phonie Roméo  et  Juliette,  par  Berlioz,  et  finalement  :  marche  et  chœur 
des  Mages,  tirés  de  Alexandre  à  Babylone,  par  Lesueur. 

a,**  Trieste.  —  Après  son  sixième  et  dernier  concert ,  non  moins 
brillant  que  les  précédents,  Alfred  Jaell  a  reçu  de  la-Socje'/é  Schiller  de 
notre  ville  une  distinction  des  plus  flatteuses  :  elle  l'a  nommé  membre 
honoraire. 


leOirecteur  :  S.  OUFOUB  . 


Le  dernier  numéro  de  la  Gazette  musicale  a  distribué  le  prospectus  d'une 
publication  qui  ne  peut  manquer  d'intéresser  tous  les  amateurs  de 
l'art  musical  ;  c'est  celle  des  œuvres  choisies  de  M.  A.  Elwart,  profes- 
seur au  Conservatoire  que,  l'auteur,  sur  l'insistance  de  plusieurs  de  ses 
amis  s'est  décidé  à  réunir  et  à  faire  paraître.  Cette  publication  sera  di- 
visée en  six  groupes  principaux  qui  parcourront  le  cycle  entier  de  la 
composition  musicale,  en  commençant  par  la  musique  de  chambre  pour 
finir  â  celle  d'opéra;  elle  aura  lieu  par  souscription  et  sera  terminée 
en  trois  années.  Dans  les  premiers  jours  de  chacun  des  semestres  de 
1863  à  1866  les  souscripteurs  recevront  un  des  groupes  de  l'œuvre  en 
échange  d'une  somme  de  25  francs,  soit  150  francs  pour  la  souscription 
entière.  Plusieurs  des  notabilités  artistiques  de  Paris  ont  déjà  encou- 
ragé cette  publication.  —  La  souscription  est  ouverte  au  magasin  de 
musique  Brandus,  chez  Retté  et  C",  103,  rue  Richelieu. 


On  TCBle 

Chez  BILOIR,  éditeur  de  musique,  46,  faubourg  du  Temple. 

DES 

CONCERTS  POPULAIRES 

six  transcrïpUons  pour  Piano  et  Violon, 

Par  E.  W.  RITTER 

1.  —  Hymne  d'Haydn  (du  80«  quatuor). 

2.  —  Adagio  du  septuor  de  Beethoven. 

3.  —  Rigodon  de  Rameau. 

U.  —  Larghetto  du  quintette  de  Mozart,  op.  108. 

5.  —  Andante  de  la  /|2<;  symphonie  d'Haydn. 

6.  —  Finale  de  la  symphonie  en  sol  d'Haydn. 

Prix  de  chaque  numéro...    6    »    |    Les  6  morceaux  réunis,  net,  10    » 


112 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Cbez  G.  BRAMDVS  et  S./  DVFOVB,  édltearis,  105,  rae  de  Richelieu,  au  f. 

nnsPE  RELIGIEUSE  POUR  LE  MOIS  DE  MARIE 

G.    ROSSINI 


TJlB^T 


M.TMM 


POUR  DEUX  SOPRANI,  TÉNOR,  BASSE  ET  CHŒUR  A  4  OU  5  VOIX. 

La  Partition,  avec  accompag-nemeiit  de  Piano,  format  in-S°,  prix  net  :  8  francs. 
La  même,  format  in-Zi",  prix  :  25  francs. 


HETBRBBBB 

Sept  chants  religieux  à  quatre  voix  ....  net.  15  » 
Sainte  Marie,  chœur  du  Pardon  de  Plocrmel  .  .  5  « 
Pater  noster,  à  quatre  voix,  du  même  opéra ...    4    » 

ADOIiPHi:  ADAlfl 

Mois    de    Marie    de    SalDt  -  Philippe 

hdit  motets  a  une  et  deux  voix  avec  accompagnement 

d'orgde. 
1.  Ave  Maria,  hymne  à  la  Vierge,  pour  soprano, 

avec  accompagnement  de  hautbois,  ad  lib. .   .     3    » 

^.  Ave  Maria,  solo  pour  contralto 3    » 

3.  Ave  Maria,  duo    pour   soprano  et  contralto, 

avec  accompagnement  de  hautbois,  ad  lib. .   .     A  80 
&.  Ave  verum,  solo  pour  soprano 2  50 

5.  Ave  regina  cœlorum,  duo  pour  soprano   et 

mezzo  soprano 375 

6.  Inviolata,  duo  pdur  soprano  et  mezzo  soprano .  3  75 

7.  0  salutaris,  pour  soprano 3    » 

8.  A  ve  maris  Stella,  duo  pour  soprano  et  mezzo 

soprano,  i 5    » 

Les  huit  numéros  réunis,  10  fr.  net. 

Deux  motets  et  les  quatre  antiennes  à  la  sainte 
Vierge,  à  4  voix  avec  accompagnement  d'orgue    7  50 

lilSZV.  —  Cajus  animam,  air  du  Stabat  Mater  de 

Rossini,  transcrit  pour  le  piano 6    » 


LES   MORCEAUX  DETACHES  AVEC   ACCOMP.    DE   PIANO 


ROSSIIVI 


STABAT  MATER 


1.  Introduction.] 

2.  Air  pour     ] 

ténor .  .  .  ( 

3.  Duo  pour  2  ( 

soprani.  .] 

4.  Air   pour     I 
basse  ou  ténor.] 

5 .  Chœur  et  réci-\ 

latif  .  .  .( 

6.  Quatuor  .  .   . 

7 .  Cavatine  pour 

soprano.  . 

8.  Air  et  chœur\ 
pour  sopranoi 

9.  Quatuor  sans[ 

accompag.'i 

10.  Chœur  final.' 


iStabat  Mater ) 

|La  Vierge  en  pleurs.   .   .   .) 

iCujus  animam I 

[La  douleur  avec  son  glaive! 

IQuis  est  bomo ( 

[Où  peut  être  la  mesure  .   .  ( 

IPro  peccatis I 

[Fruits  amers | 

lElia  mater | 

[Source  d'amour j 

iSancta  mater I 
Vierge,  accorde-moi  la  grâcej 

(Fac  ut  portem I 

(0  cœur  noyé! | 

ilnflammatus I 

[Par  la  flamme j 

IQuando  corpus j 

[Que  la  croix  me  justifie.   .  ! 

iAmen j 

[Seigneur!  Seigneur!.   .   .   .) 


5  » 
3  75 
3  75 
3  75 
3  75 


A.    PAJVSERODir 

Prière  à  Marie,  cantique  pour  basse-taille,  bary- 
ton ou  contralto 

le  nom  de  Marie,  cantique  à  deux  voix  de  femmes 
Invocation  à  Marie,  cantique  h  deux    voix  .   . 

0  saiw(a?'(.s,  pour  soprano  ou  ténor 

Agnus  Dei,  pour  basse-taille,  baryton  ou  contralto 
Benediclus,  pour  basse-taille,  baryton  ou  contralto 
Mon  unique  espérance,  pour  soprano  ou  ténor, 
avec  accompagnement  de  piano  ou  mélodium, 
Jésus  vient  de  naitre,  cantique  pour  deux  voix 

.       H.  PAIVOFKA 

Ave  Maria,  pour  ténor  ou  mezzo  soprano ,  avec 
accompagnement  de  piano  ou  orgue 

0  salutaris,  pour  ténor  ou  mezzo  soprano,  avec 
accompagnement  de  piano  ou  orgue 

Ti  prego  o  Madré  mia,  prière  pour  mezzo  soprano, 
avec  accompagnement  de  piano 

XiABARRE 

Cantique  à  Marie,  chœur  à  trois  voix  de  femmes 
A.   IfII]VÉ 

0  salutaris,  pour  soprano  et  chœurs 

E.  JOHTAiS 

0  salutaris,  pour  ténor  ou  soprano  ...... 

SAIiESSES 
0  salutaris,  pour  trois  voix,  solo  et  chœur. .   .   . 


4  50 
2  » 
2  50 


5    » 
2  50 


BRiariiET  RICHARDS.  —  Transcription  pour  le  Piano 
du  Cajus  animani,  air  du  Stabat  Mater  de  Rossini  .     6 


La  Partition  du  STABAT  MATER  de  Rossini,  arrangée  pour  le  piano  seul,  par  HENRI  HERZ,  prix,  25  fr. 

La  même,  arrangée  pour  le  piano  à  quatre  mains,  par  CZERNY,  prix,  25  francs. 

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42  fr.  Cbœnr  avec  solo  de  ténor,  composition  nouvelle  de  Gh.  partie  sép: 

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Ijem  tfoyenx  Chafiisenrjs 

Chœur  à  quatre  voix. 
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Quatuor  pour  voix  d'hommes, 
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80^  Année. 


ON  S'ABONNE  S 

Dans  les  Départements  et  à  l'ÉtraDger,  chez  tous 
les  Marchanils  de  Musique,  les  Libraires,  et  aui 
pureaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


No  In. 


REVUE 


12  Avril  1863. 

PRIX  DE  L'ABONNEMENT  : 

Paris 24  fr. part 

Départements,  Belgique  et  Suisse....     30  •>       id. 


Etranger. 


le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


34  »       id. 


GAZETTE  MUSICALE 


— "j\j  \pj\f\rj\pju\j\' — 


SOMMAIRE.  —  F.  Halévy;  Souvenirs  d'un  ami  pour  joindre  à  ceux  d'un  frère  ;  à 
M.  Léon  Halévy  (3=  article),  par  Edouard  lUonnais.  —  Théâtre  impérial 
de  l'Opéra  :  restauration  de  la  salle.  —  Auditions  musicales ,  par  Adolphe 
Botte.  —  Correspondances  :  Londres.  —  Nouvelles  et  annonces. 


F.  HALÉVY. 

Souvenirs    d'an  amil  poar  joindre  à  ceux  d'un  rrèFi;. 

A.  M.  LÉON  HALÉVY. 
(3"  article)  (1). 

Voire  frère  avait  fait  ses  preuves.  La  Juive  était  née  d'un  effort, 
mais  d'un  effort  heureux  ;  l'Eclair,  qui  vint  ensuite,  fut  au  contraire 
écrit  avec  la  facilité  puissante  d'une  main  qui  se  repose  d'un  grand 
travail  et  que  le  succès  a  fortiliée.  Au  lieu  de  vivre  dans  de  perpé- 
tuelles inquiétudes,  Halévy  montrait  une  pleine  confiance.  11  me  di- 
sait un  jour,  à  propos  de  sa  partition  :  «  Je  l'aurai  terminée  quand 
je  voudrai.  »  Vous  savez  que  le  poëme  de  l'Eclair,  dû  à  la  collabo- 
ration de  MM.  de  Planard  et  de  Saint  Georges  (et  dans  lequel,  par 
parenthèse,  il  y  a  une  romance  de  vous  :  Quand  de  la  nuit  l'épais 
nuage),  avait  été  confié  d'abord  à  Adolphe  Adam,  qui  écrivit  toute 
la  musique  du  premier  acte.  Adam  n'alla  pas  plus  loin,  n'importe 
par  quel  motif;  mais  lorsque  l'Eclair  eut  été  joué,  personne  plus  que 
lui  ne  rendit  justice  à  la  musique  d'Halévy,  personne  n'en  reconnut 
plus  hautement  le  mérite,  quoiqu'elle  fût  composée  dans  un  tout  autre 
système  que  celui  qu'il  avait  cru  devoir  adopter  .  «  Sous  l'influence 
de  Planard,  me  ùisait-il ,  j'en  étais  venu  à  croire  que  la  pièce,  fort 
jolie  d'ailleurs,  avait  à  peine  besoin  de  musique ,  et  qu'il  fallait  la 
traiter  dans  le  genre  des  vieux  opéras  à  ariettes,  avec  peuou  point  de 
développements.  Tout  l'intérêt  devait  être  dans  !e  sujet  et  le  dialo- 
gue. Je  travaillais  dans  ce  goût,  et  si  j'eusse  achevé  mon  œuvre,  je 
suis  sûr  qu'elle  n'eût  pas  eu  le  moindre  succès,  Halévy  a  fait  préci- 
sément tout  le  contraire,  et  il  a  eu  bien  raison.  »  Il  est  vrai  que 
pour  avoir  raison,  comme  votre  frère,  il  fallait  de  plus  avoir  son  ta- 
lent, et  qu'en  essayant  de  voler  comme  lui,  un  autre  eût  fort  bien  pu 
se  préparer  une  belle  et  bonne  chute. 

Du  reste,  ce  n'est  pas  sans  une  opposition  assez  vive  que  M.  de 

(1)  Voir  les  n"'  12  et  13. 


Planard  avait  vu  la  musique  prendre  des  proportions  ti  op  considéra- 
bles, suivant  lui,  dans  son  ouvrage,  dont  il  disputait  pied  à  pied  le 
terrain  à  l'invasion  du  flot  musical.  Il  ne  pouvait  pardonner  à  votre 
frère  d'avoir  conclu  en  trio,  et  quel  trio  !  l'air  de  George,  au  pre- 
mier acte  : 

Je  veux  que  dans  trois  semaines, 

Sans  les  allonger  d'un  jour, 

Vous  ayez  serré  les  chaînes 

De  l'hymen  et  de  l'amour, 
ïrès-mécoiitent  de  son  musicien,  il  le  boudait  pendant  les  répéti- 
tions; mais  à  cette  dernière  incartade,  il  ne  put  se  contenir  et  quitta 
la  place,  en  s'écriant  :  «  Je  n'y  reconnais  rien,  je  n'entends  flus  mes 
paroles  !  »  En  entendant  les  bravos  qui  accueillirent  le  délicieux 
morceau  de  mélodie  si  spirituelle  et  d'harmonie  si  piquante,  M.,  de 
Planard  aura  sans  doute  oublié  ses  ressentiments. 

La  Juive  est  du  mois  de  février,  l'Eclair  du  mois  de  décembre 
1835  :  quelle  belle  et  glorieuse  année  !  quel  jeune  compositeur  em- 
ploya jamais  mieux  son  travail  et  son  temps  !  11  ne  manquait  plus 
que  l'occasion  pour  qu'Halévy  fût  élu  membre  de  l'Académie  des 
beaux-arts.  Quand  Boïeldieu  mourut,  Boïeldieu  qui  voyait  déjà  en 
votre  frère  un  futur  collègue,  on  demanda  que  l'élection  de  son  suc- 
cesseur fût  remise  à  six  mois  ;  Cherubini  appuya  la  motion  par  cette 
parole  d'une  naïveté  touchante  et  presque  sublime  dans  la  bouche 
d'un  maître  si  sévère  :  «  Halévy  fait  la  Juive  !  »  On  était  alors  au 
mois  d'octobre  1834  ;  six  mois  après,  la  Juive  était  faite  et  jouée. 
Cependant,  malgré  les  droits  qu'elle  constituait  à  son  auteur,  Halévy 
ne  fut  pas  nommé  :  Reicha  l'emporta  sur  lui,  mais  pour  peu  de  temps. 
Au  bout  d'une  année ,  Reicha  vint  à  mourir,  et  cette  fuis  Halévy 
réunit  à  peu  près  l'unanimité  des  suffrages. 

Notre  amitié  devenant  chaque  jour  plus  intime,  je  parlais  souvent 
à  votre  frère  de  sa  situation,  de  son  avenir,  et  je  m'étonnais  qu'il 
n'abandonnât  pas  ses  fonctions  de  chef  du  chant  à  l'Opéra.  C'était 
peu  après  la  Juive,  et  je  me  souviens  qu'il  me  répondit:  «  On  ne 
peut  pas  faire  des  opéras  toute  la  journée.  »  Non  sans  doute  ;  mais 
pour  faire  des  opéras  il  faut  pouvoir  y  penser,  y  rêver  alors  qu'on 
ne  tient  pas  la  plume,  dans  ces  heures  oisives,  inerlibns  horis,  qui 
semblent  perdues,  mais  qui  profitent  à  l'imagination,  comme  le  chô- 
mage profite  à  la  terre  :  il  faut  surtout  n'être  pas  forcé  de  songer  sans 
cesse  à  d'autres  choses,  qui  détoiunent  et  fatiguent  sans  compensation. 
Halévy  le  savait,  et  pourtant  il  tenait  à  ses  fonctions  par  habitude, 
par  reconnaissance  peut-être,  car  il  croyait  leur  devoir  la  permission 
qu'il  avait  obtenue  do  faire  un  chef-d'œuvre.  Au  lieu  de  s'en  affran- 
chir, il  s'y  engagea  plus  que  jamais,  lorsque  M.  Duponchel,  dont  le 


Hfl 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


savant  et  habile  concours  avait  été  si  ulile  à  la  nnise  en  scène  de  la 
Juive,  fut  appelé  à  la  direction  de  l'Opéra.  C'est  une  espèce  de  vice- 
royauté  qu'il  offrit  alors  à  votre  frère ,  et  votre  frère  n'eut  pas  la 
force  de  la  refuser.  Il  quitta  la  rue  Montholon  et  vint  s-'installer  dans 
les  bâtiments  du  théâtre,  à  côlé  de  ce  directeur  dont  il  était  Yalter 
ego.  11  y  demeura  plus  de  trois  ans;  c'est  ce  que  j'appellerai  la  pé- 
riode administrative  de  sa  vie,  et  ce  n'en  fut  pas  la  meilleure,  quoique 
pendant  son  cours,  il  ait  écrit  la  partition  de  Guido  et  Ginevra.  Le 
poëme  lui  en  avait  été  donné  par  Scribe,  en  échange  d'un  autre  ou- 
vrage de  genre  bien  différent,  qui  passa  entre  les  mains  de  M.  Auber, 
r Ambassadrice.  Qui  doute  que  le  marché  ne  fût  en  parfaite  harmo- 
nie avec  le  genre  et  l'esprit  des  deux  compositeurs  ? 

Halévy  était  du  nombre  de  ces  artistes  qui  toujours  mécontents 
d'eux-mêmes,  cherchant  toujours  un  mieux  possible,  ont  besoin  de  con- 
trainte pour  se  résigner  à  faire  seulement  bien.  Pour  eux,  je  l'aiditily 
a  longtemps,  le  dernier  moment  est  une  dixième  muse  qui  triomphe 
heureusement  de  leurs  scrupules  et  met  un  terme  à  leurs  hésitations. 
Ce  dernier  moment,  Halévy  l'attendait  presque  toujours  pour  se  dé- 
cider à  écrire.  Au  milieu  des  occupations  qui  l'assiégeaient  du  matin 
au  soir,  et  avec  sa  défiance  habituelle  de  lui-même,  on  conçoit  que 
la  partition  de  Guido  n'avançât  pas  vite.  Enfin,  quand  il  n'y  eut 
plus  moyen  de  reculer,  on  indiqua  une  répétition,  et  un  chœur  fut 
mis  à  l'étude.  Les  autres  morceaux  arrivèrent  à  la  suite,  au  fur 
et  à  mesure  que  l'auteur  les  terminait.  Le  finale  de  l'un  des  actes  se 
fit  désirer  avec  tant  d'impatience,  que  l'on  pria  quelqu'un  de  veiller 
auprès  du  compositeur,  et,  quelle  que  fût  l'heure  de  la  nuit,  de  ne 
le  quitter  qu'avec  la  certitude  que  le  finale  était  achevé  et  qu'il  n'y 
avait  plus  qu'à  le  livrer  à  la  copie.  «  Si  l'on  me  donnait  trois  ans 
pour  faire  un  ouvrage,  me  disait  un  jour  votre  frère,  je  voudrais 
bien  savoir  si  je  parviendrais  à  me  satisfaire  ?  —  Si  l'on  vous  don- 
nait trois  ans,  lui  répondis-je,  vous  ne  commenceriez  que  le  douzième 
mois  de  la  troisième  année,  non  par  paresse,  mais  parce  que  vous 
ne  sauriez  vous  passer  de  la  plus  puissante  des  muses,  le  dernier 
moment.  »  Halévy  plaisantait  lui-même  sur  cette  invincible  disposi- 
tion à  toujours  différer,  dont  les  exemples  sont  si  communs  chez  les 
compositeurs  les  plus  célèbres.  Il  était  à  la  veille  de  donner  je  ne 
sais  plus  quel  opéra-comique,  et  un  ami  lui  demandant  s'il  avait  fait 
son  ouverture  :  «  Pour  gui  me  prenez-vous  ?  n  répliqua-t-il  sur-le- 
champ. 

Guido  et  Ginevra  fut  représenté  le  3  mars  1838,  plus  de  trois 
ans  après  la  Juive.  Le  second  ouvrage  n'était  pas  inférieur  au  pre- 
mier dans  ses  belles  parties,  le  troisième  acte,  par  exemple,  où  le 
rôle  du  ténor  touchait  au  sublime,  et  ce  rôle  était  chanté  par  Du- 
prez  dans  toute  la  force  et  la  fraîcheur  de  sa  voix;  mais  il  y  avait 
moins  d'égalité,  moins  d'unité  ;  le  poète  avait  moins  bien  servi  le 
musicien,  et  il  avait  commis  la  faute  inexplicable,  chez  un  auteur 
si  expérimenté,  de  s'imaginer  qu'un  drame  des  plus  noirs,  rempli  de 
morts  et  de  mourants,  pouvait  se  dénouer  en  simple  pastorale.  La 
pastorale  ne  tarda  pas  à  disparaître,  mais  l'impression  resta.  Guido  et 
Ginevra  ne  cessa  d'attirer  la  foule  jusqu'à  l'époque  où  Duprez  par- 
tait en  congé.  Toutes  les  reprises  que  l'on  tenta  depuis  furent  im- 
productives. Et  pourtant  c'est  un  des  plus  beaux  ouvrages  du  maître! 
mais,  comme  l'a  dit  Horace  : 

Non  satis  est  pulchra  esse  poemata  :  dulcia  sunto. 

«  Ce  n'est  pas  assez  que  les  ouvrages  soient  beaux.  »  Le  dulcia  sunto 
se  traduit  de  nos  jeurs  par  faire  de  l'argent,  condition  impérieuse, 
sans  laquelle  on  est  sans  pitié  banni  du  théâtre,  relégué  dans  la 
poussière  et  l'oubli. 

Le  grand  succès  obtenu  d'abord  par  Guido  et  Ginevra  ne  fut  donc 
pas  sans  mélange  d'amertume.  Halévy  ne  pouvait  s'en  consoler  qu'en 
se  remettant  au  travail;  mais  la  vice-royauté  de  l'Opéra  n'était  pas 
une  sinécure.  Halévy  avait  tous  les  ennuis,  tous   les   tracas  d'une 


direction  théâtrale.  Le  monde,  en  général,  n'en  aperçoit  que  le  côté 
brillant,  sans  en  deviner  les  mille  et  une  petites  misères.  On  ne  se 
doute  pas  de  ce  que  c'est  au  fond  que  passer  sa  vie  à  mettre  des 
auteurs  d'accord,  à  concilier  des  artistes,  à  batailler  sans  paix  ni 
trêve  pour  faire  chanter  ou  danser  des  gens  qui  ont  leurs  raisons 
pour  ne  le  pas  vouloir,  et  auxquels  on  ne  peut  pas  dire  une  bonne 
fois  la  vérité  ;  enfin,  pour  arriver  à  faire  une  affiche  qui  se  défait 
presque  aussitôt.  Telle  était  la  mission  d'Halévy,  et  ce  qui  devait  la 
lui  rendre  encore  plus  difficile,  c'était  sa  qualité  de  compositeur, 
d'auteur  travaillant  pour  le  théâtre,  où  il  régnait  en  second  ordre,  et 
qui  suscitait  contre  lui  les  jalousies,  les  soupçons,  les  colères,  et  fai- 
sait de  tous  les  mécontents  ses  ennemis  personnels.  Composez  donc 
à  travers  ces  débats,  ces  chagrins,  ces  murmures,  ces  calomnies! 
Puisez  la  poésie  à  pleine  aiguière  dans  l'onde  impure  et  troublée 
que  tant  de  mains  agitent  autour  de  vous  ! 

C'est  ce  qu'avait  fait  Halévy  en  écrivant  sa  dernière  œuvre,  et  ce 
qu'il  tâcha  de  faire  encore  pour  ses  partitions  des  Treize,  du  Shériff 
et  du  Drapier.,  deux  opéras-comiques  et  un  opéra  de  genre  repré- 
sentés coup  sur  coup  dans  l'espace  de  quelques  mois.  Les  Treize 
furent  joués  le  15  avril  1839;  le  Shériff,  le  22  septembre  de  la  même 
année,  et  le  Drapier,  le  6  janvier  1840.  Jamais  le  grand  artiste  ne 
s'était  montré  plus  laborieux,  plus  infatigable  ;  jamais  il  n'avait  dé- 
pensé avec  une  si  effrayante  prodigalité  ses  idées,  son  savoir,  ses 
veilles,  car  il  n'avait  guère  à  lui  que  le  temps  qu'il  prenait  sur  son 
sommeil.  Et  de  tant  de  travaux  que  lui  revint-il  ?  Peu  de  chose  ou 
rien.  Plus  il  redoublait  d'efforts,  moins  il  recueillait  de  fruits  !  Plus  il 
semait,  moins  il  récoltait!  Si  ce  n'était  pas  entièrement  la  consé- 
quence de  la  situation  que  votre  frère  avait  acceptée,  et  qu'il  subis- 
sait douloureusement,  cette  situation  n'en  devenait  pas  moins  intolé- 
rable :  il  eût  fini  par  s'y  consunaer  en  pure  perte.  Par  bonheur  l'O. 
péra  changea  de  régime  ;  un  nouveau  directeur  en  prit  le  sceptre, 
et  il  avait  trop  d'intelligence  pour  garder  auprès  de  lui  un  homme 
dont  l'influence  eût  absorbé  la  sienne.  M.  Léon  Pillet  s'entendit  avec 
Halévy  pour  l'amener  à  une  retraite  honorable.  Le  \'"  juin  1840, 
votre  frère  abdiqua  son  litre  de  chef  du  chant,  et,  le  soir  même,  il 
alla  s'asseoir  comme  simple  spectateur  à  l'Opéra,  dans  un  fauteuil  de 
l'orchestre.  Moi  qui  venais  aussi  de  résigner  un  titre  que  j'avais 
porté  six  mois  seulement,  je  me  donnai  l'honneur  et  le  plaisir  de  siéger 
à  côté  de  lui. 


Edouard  MONNAIS. 


[La  suite  prochainement.) 


THÉÂTRE  IMPERIAL  DE  L'OPÉRA. 

Bestauration  de  la  salle. 

Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  rouvert,  lundi,  par  la  Muette, 
qui  a  été  encore  donnée  vendredi.  Dulaurens  y  a  remplacé,  dans  le 
rôle  de  Mazaniello,  Gueymard,  indisposé.  —  Mercredi,  par  suite 
d'une  indisposition  du  nouveau  ténor  Villaret,  Robert  le  Diable  a 
remplacé  Guillaume  Tell.  Le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer  avait  rem- 
pli la  salle.  Mmes  Duprez-Vandenlieuvel,  Mlles  Sax,  Gueymard,  Bel- 
val  et  Mme  Zina  Merante  y  ont  été  chaleureusement  applaudis. 
Mardi,  la  presse  avait  été  gracieusement  convoquée  à  la  représenta- 
tion extraordinaire  donnée  aux  abonnés  en  remplacement  de  celle  du 
30  mars,  dont  les  travaux  de  restauration  de  la  salle  les  avaient  privés. 
Cette  restauration  s'est  accomplie,  sous  la  direction  de  M.  Ch.  Gar- 
nier,  avec  une  remarquable  rapidité,  et  elle  a  obtenu  l'assentiment 
général.  En  effet,  toutes  les  dorures  et  l'ornementation  ont  été  net- 
toyées et  rafraîchies,  les  velours  et  les  crépines  remplacés,  les  fau- 
teuils d'orchestre  et  d'amphithéâtre,  de  même  que  les  stalles  du 
parterre ,    refaits   de    la  façon   la  plus   confortable  ;   les   sièges  de 


DE  PAms. 


115 


l'orchestre  sont  à  coulisse  et  laissent  plus  d'espace  pour  le  pas- 
sage; le  rideau,  repeint  par  MM.  Nolau  et  Rubé,  est  d'un  excel- 
lent style  ;  enfin,  le  foyer  et  les  couloirs  ont  participé  a  cette  réno- 
vation, qui  fera  plus  patiemment  attendre  l'inauguration  de  la  nou- 
velle salle.  Mais  ce  qui  avait  été  annoncé  et  ce  qui  piquait  sur- 
tout la  curiosité  du  public,  c'était  la  modiQcation  apportée  à  la 
coupole,  et  qui  devait  donner  le  spécimen  de  ce  que  sera  celle  du 
futur  théâtre  de  l'Opéra.  Elle  attirait  donc  tous  les  regards,  et 
S.  Exe.  le  ministre  d'Etat,  M.  Eugène  Marchand,  secrétaire  général 
du  ministère,  assistaient  à  la  représentation  pour  se  rendre  compte 
de  l'effet.  Tout  d'abord,  une  addition  importante  a  été  apportée  à 
l'éclairage  :  une  guirlande  de  deux  cent  quarante  globes  en  verre 
dépoli  posée  sur  la  corniche  de  la  coupole  ajoute  sa  lumière  à  celle 
du  lustre. 

Au-dessus  de  cette  corniche,  à  la  partie  inférieure  de  la  voussure 
de  la  coupole,  vingt-quatre  motifs  d'œil-de-bœuf  sont  remplis  par 
des  panneaux  découpés  ;  des  consoles  les  séparent ,  et  des  frontons 
ou  amortissements  circulaires  ornés  de  figures  ou  mascarons  leur  ser- 
vent de  couronnement. 

Dans  la  salle  du  futur  Opéra,  toute  cette  partie  de  la  coupole,  au 
lieu  d'être  peinte,  sera  exécutée  en  sculpture  saillante  et  mouvemen- 
tée. Les  rayons  lumineux  venant  du  lustre  et  de  la  coupole  s'accro- 
cheront alors  et  se  réfléchiront  sur  toutes  les  facettes ,  de  manière  à 
donner  à  l'ensemble  une  richesse  que  la  peinture  ne  peut  atteindre. 

Les  trous  circulaires  percés  dans  cette  partie  de  la  coupole  et 
masqués  par  les  panneaux  découpés  ont lavantage  de  parfaire  la  ven- 
tilation et  l'acoustique  de  la  salle.  Ils  attirent,  en  effet,  et  font  mon- 
ter le  long  des  loges  l'air  frais  venant  de  la  scène  et  les  ondes  so- 
nores que  la  cheminée  du  lustre  appelait  au  centre  de  la  voûte,  c'est- 
à-dire  au  point  le  plus  éloigné  des  spectateurs. 

Au-dessus  de  cette  décoration,  et  s'arrêtant  à  l'orifice  central, 
court  une  frise  circulaire  composée  de  figures  se  détachant  sur  un 
fond  d'or.  La  composition  générale  se  divise  en  quatre  parties  prin- 
cipales qui  représentent  :  1°  Apollon  et  les  Muses  ;  2°  les  Grâces  et 
la  Danse  ;  3"  la  Musique  ;  If  la  Tragédie. 

Le  groupe  de  la  Danse  a  été  peint  par  M.  Gustave  Boulanger; 
les  trois  autres  ont  été  composés  et  exécutés  par  M.  Jules  Lenepveu. 

Toutes  les  peintures  ont  été  terminées  en  moins  de  deux  mois 
dans  les  ateliers.  Il  a  suffi  de  sept  jours  et  de  quatre  nuits  pour  la 
pose  et  la  dépose  de  l'échafaudage,  la  restauration  des  foyers,  loges, 
corridors,  la  dorure,  la  tapisserie,  le  marouflage  des  toiles,  etc.,  etc. 

Dans  la  pensée  de  l'architecte,  ce  travail  considérable  n'est  pour- 
tant qu'une  sorte  d'expérience  faite  pour  se  rendre  compte  des  effets 
qu'il  veut  obtenir  dans  la  nouvelle  salle.  A  l'exécution  définitive, 
bien  des  améliorations  seront  obtenues.  Le  relief,  la  sculpture,  la  do- 
rure remplaçant  les  surfaces  planes,  et  les  trompe-l'ceil,  donneront 
une  magnificence  sans  égale  au  plafond  du  futur  Opéra,  dont  celui-ci 
n'est,  pour  ainsi  dire,  que  l'esquisse.  Pour  donner  un  exemple,  M.  Gar- 
nier  compte  remplacer,  dans  la  frise,  les  peintures  qui  pâlissent  et 
s'altèrent  sous  l'influence  de  la  poussière  et  du  gaz,  par  une  mosaïque 
qui  conservera  toujours  à  la  coupole  sa  fraîcheur  et  son  éclat  pri- 
mitif en  même  temps  qu'elle  donnera  à  la  décoration  plus  de  fermeté 
et  d'accent. 


AUDITIONS  fflUSICÂLES. 

Joitepli  Wlenluwakl.  —  Bernhard    Ble.    —  Hlle   Salia- 
tler-Blot.  —  Qaatnora  françala. 

Après  avoir  exécuté  avec  Sighicelli  la  sonate  en  la  mineur  de  Rubin- 
stein,  œuvre  remarquable  par  la  distinction  des  formes,  par  l'élévation  et 


la  grâce  des  mélodies,  et  avec  Mme  Massart  de  brillantes  et  très-intéres- 
santes variations  de  Schumann,  Joseph  Wieniawski  a  fait  entendre  à  son 
concert,  donné  dans  les  salons  Pleyel-Wolff,  une  mazurka  et  une 
sonate  de  sa  composition.  La  première  œuvre  est  charmante,  distin- 
guée et  très-flnement  harmonisée.  Jouée  avec  une  morhidesza^  une 
sobriété  et  une  délicatesse  qui  rappelaient  un  peu  Chopin,  elle  a 
causé  un  plaisir  extrême  et  a  été  redemandée.  Nous  ne  serions  nalle- 
ment  étonné  qu'elle  obtint  un  véritable  succès.  Quant  à  la  sonate, 
son  sort  sera  moins  beau,  nous  le  craignons  ;  Vandanle  et  le  scherzo 
(les  meilleures  parties  de  l'œuvre  sans  contredit)  se  recommandent 
par  des  quahtés  réelles,  sérieuses  et  délicates  ;  on  y  désirerait  toute- 
fois un  peu  plus  de  hardiesse  et  d'originalité  que  ne  remplacent  pas 
de  nombreuses  modulations.  Vallegro  et  le  finale,  quoique  travaillés 
avec  un  grand  luxe  de  traits  et  d'harmonie ,  ne  nous  plaisent  pas 
autant.  Joseph  Wieniawski  n'en  est  plus  à  prouver  qu'il  a  du  talent, 
qu'il  a  fait  de  bonnes  études;  chacun  sait  qu'il  est  aussi  excellent 
musicien  que  brillant  virtuose.  Il  a  déjà  cueilli  en  chemin  ces  fleurs 
légères  et  charmantes  que  récoltent  si  aisément  les  jeunes  artistes 
bien  doués  ;  il  a  jeté  dans  d'élégantes  petites  pièces  ces  mille  choses 
fraîches  et  gracieuses  que  tout  pianiste  habile  et  instruit  a  sous  les 
doigts  et  dans  la  tête  ;  mais  il  aspire  plus  haut,  et  il  a  raison  ;  car  il 
y  a  en  lui  l'étoffe  d'un  compositeur  éminent.  Ce  qu'on  a  droit  d'exi- 
ger de  lui  aujourd'hui ,  c'est  plus  d'abondance  et  plus  de  liberté 
d'inspiration,  c'est  quelque  chose  de  plus  individuel  et  qui  s'écarte 
des  sentiers  battus.  Comme  exécutant,  le  succès  de  Joseph  Wieniawski 
a  été  très-grand,  très-légitime.  Son  jeu  a  une  pureté,  une  sûreté  et 
une  netteté  tout  à  fait  remarquables,  et  le  public  a,  plus  d'une  fois, 
été  entraîné  par  le  talent  du  jeune  pianiste. 

2^xe'ioldat  et  le  Cracovien,de  S.  Moninssko,  chantés  avec  beaucoup 
de  verve,  d'esprit  et  d'expression  par  M.  Marchesi,  ont  ravi  l'audi- 
toire. Il  y  a  dans  ces  deux  jolies  romances,  tirées  du  volume  les 
Échos  de  Pologne,  des  accents  qui  vont  droit  à  l'âme.  Très-dissem- 
blables de  caractère,  elles  ont  toutes  deux  cette  naïveté,  cette  fraî- 
cheur, cette  franchise,  ce  parfum  pénétrant  qui,  au  milieu  d'un  art 
raffiné  comme  est  évidemment  le  nôtre,  semblent  singulièrement  bons 
et  réveillent  l'imagination  blasée  par  des  combinaisons  d'où  la  vie  et 
la  vérité  sont  trop  souvent  absentes. 

—  La  fugue  en  sol  mineur  de  M.  Bernard  Rie  u'est  pas  trop  mo- 
notone, et,  dans  ce  travail  épineux  et  aride,  l'auteur  a  su  être  inté- 
ressant. Pourtant,  comme  ces  sortes  de  pièces  sont  à  peu  près  inin- 
telligibles pour  la  majorité  des  auditeurs,  c'est  particulièrement  en 
jouant,  outre  le  concerto  de  Weber,  où  il  a  déployé  une  énergie  qui 
ne  lui  est  pas  habituelle,  son  nocturne  sur  la  sérénade  du  Barbier  et 
son  Chant  de  la  fileuse,  que  M.  Bernhard  Rie  a  obtenu  le  plus  de 
succès.  Tout  le  monde  était  capable  de  juger  le  mérite  de  ces  gra- 
cieuses compositions;  aussi  son  double  talent  a-t-il  trouvé  plus  d'ap- 
préciateurs que  pour  la  fugue.  Le  concerto  en  sol  mineur  de  Mendels- 
sohn  et  son  ouverture  de  la  Grotle  de  Fingal,  où  la  verve  et  le 
coloris,  la  splendeur  des  formes  et  la  poésie  éclatante  des  mélodies 
attestent  si  éloquemment  les  métamorphoses  qui,  à  diverses  époques, 
se  sont  opérées  dans  l'esprit  de  l'auteur  à'Elie  et  de  Paulus,  ont 
donné  à  ce  concert,  dans  lequel  on  a  vivement  applaudi  Mme  Oscar 
Comettant,  un  intérêt  tout  particulier. 

—  Mlle  Sabatier-BIot,  pianiste  distinguée,  et  qui,  comme  compo- 
siteur, montre  de  l'intelligence,  a  fait  apprécier,  l'autre  soir,  salle 
Herz,  d'excellente  musique.  Un  quintette  de  Spohr,  exécuté  avec  beau- 
coup de  charme  par  elle  et  MM.  Charles  et  Léopold  Dancla,  E.  Altès 
et  S.  Lee,  de  beaux  morceaux  de  ïhalberg  et  de  Chopin,  ont  prouvé 
la  variété  du  talent  de  Mlle  Sabaticr-Blol.  Une  fantaisie  sur  la  Magi- 
cienne, composée  par  Mohr  et  dite  par  lui  avec  ce  talent  qui  réunit  à 
un  degré  si  rare  la  beauté  des  sons  et  du  mécanisme  à  la  beauté  de 
l'expression  et  du  style,  a  enchanté  les  connaisseurs.  Cette  jolie 
soirée,  donnée  au   profit   des  ouvriers   cotonniers,    s'est  gaiement 


116 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


terminée  par  le  Corsaire,  opérette  dont  la  musique  légère  est  de 
Mlle  Sabatier-Blot,  et  dont  l'interprétation,  confiée  à  M.  et  à  Mme  Ar- 
chainbaub,  a  été,  sous  le  rapport  du  chant,  bien  supérieure  à  ce  qu'on 
entend   ordinairement  dans  les  concerts. 

—  Les  séances  de  quatuors  français  données  par  M.  A.  Ferrand 
sont  très-intéressantes  et  très-suivies.  Si  à  la  première  le  public  a 
chaleureusement  applaudi  un  quintette  d'Onslow,  les  ravissantes,  mé- 
lancoliques et  fraîches  inspirations  répandues  dans  un  délicieux  trio 
de  M.  Henri  Reber,  une  sonate  de  M.  de  Vaucorbeil  pour  piano  et 
alto,  œuvre  remarquable  oià  se  retrouve,  dans  un  style  très- 
fenrae  et  très-serré,  cette  clarté  française  qui,  en  musique  aussi,  est 
une  précieuse  qualité,  il  a  assez  froidement  accueilli  un  quatuor  de 
M.  Gastinel.  L'ouvrage  méritait-il  cet  accueil  ?  Oui,  car  il  a  semblé 
nuageux,  indécis  et  flottant.  Les  quatre  parties  sont  quelquefois  ternes 
et  manquent  souvent  de  sonorité.  C'est  l'œuvre  d'un  musicien  ins- 
truit, mais  qui  cherche  encore  sa  voie,  qui  n'a  pas  de  hardiesse,  de 
passion,  et  qui  surtout  est  avare  de  mélodies.  A  la  seconde  séance, 
un  trio  de  M.  Georg-es  Mathias,  joué  par  l'auteur,  MM.  Albert  Ferrand 
et  Lebouc,  a  obtenu  un  fort  beau  succès.  L'adagio  a  été  bissé.  Il  est 
plein  de  sentiment,  de  grandeur  et  d'une  mélancolie  sévère  rehaussée 
par  une  harmonie  très-belle  et  très-neuve.  Les  autres  morceaux  sont 
tous  sinon  excellents,  du  moins  peu  ordinaires.  La  nouveauté  du 
style  et  le  tour  mélodique  font  valoir  les  idées  les  moins  originales. 
M,  Georges  Mathias  est  un  talent  très-pur  et  très-vigoureux;  l'autre 
soir,  comme  exécutant,  il  a  même  paru  trop  vigoureux  :  il  ne  s'est 
pas  assez  souvenu  qu'un  trio  n'était  pas  un  solo.  Quoi  qu'il  en  soit, 
M.  Georges  Mathias,  entraîné,  sans  doute,  comme  beaucoup  de  ceux 
qui  traduisent  leurs  propres  inspirations,  et  qui  dépassent  quelquefois 
le  but,  n'en  a  pas  moins  été  très-chaleureusement  applaudi. 

Son  trio  atteste  du  savoir  ;  mais  il  atteste  aussi  —  ce  qui  vaut 
mieux  —  de  l'imagination,  de  la  fougue,  même  de  l'emportement  et 
une  veine  mélodique  qui,  seule,  donne  un  véritable  prix  aux  œuvres 
musicales.  Un  trio  de  F.  Boëly  a  fait  aussi  grand  plaisir.  On  le  sait, 
ce  musicien  résista  le  plus  qu'il  put  aux  envahissements  du  style  mo- 
derne. Il  prisait  par-dessus  tout  les  chefs-d'œuvre  de  l'école  alle- 
mande ;  il  y  trouvait  le  point  de  perfection  qu'il  rêvait,  et  traitait 
volontiers  de  goûts  bizarres  et  dépravés  tout  ce  qui  s'éloignait  de 
Bach,  d'Haydn  et  de  Mozart.  Il  faut  avouer  que  son  esprit,  tout 
exclusif  qu'il  était,  ne  l'a  pas  trop  mal  servi  :  son  trio  a  été  plus 
admiré  que  ne  le  seront  jamais  certains  ouvrages  d'auleurs  qui  se 
piquent  de  tout  bouleverser,  et  qui  prétendent,  tout  simplement,  re- 
nouveler la  face  de  l'art. 

Adolphe  BOTTE. 


CORRESPONDANCE. 

Londres,  8  avril. 

Hier  soir,  le  théâtre  royal  italien  de  Covent-Garden  a  rouvert  ses  portes, 
et  la  saison  de  1863  vient  d'être  inaugurée,  de  la  façon  la  plus  brillante, 
par  une  splendide  représentation  de  la  Muette  de  Portici,  ou  plutôt,  pour 
rester  dans  la  vérité  chronologique,  par  la  réception  solennelle  de 
Costa,  le  composer  et  conductor,  qui,  dès  son  entrée  à  l'orchestre,  a  été 
accueilli,  comme  le  veut  la  tradition,  par  une  triple  salve  d'applaudis- 
sements. Venait  ensuite  le  traditionnel  God  save  the  queen,  chanté,  de- 
vant l'auditoire  debout,  par  tout  le  personnel  du  théâtre,  avec  cette 
innovation  toutefois,  que  les  voix  des  solistes  se  confondaient  avec  celles 
des  choristes  ;  qu'il  n'y  avait  par  conséquent  point  de  soli,  mais  que 
toutes  les  strophes  étaient  chantées 'en  chœur.  L'effet  n'en  a  été  que  plus 
grandiose. 

Aucune  œuvre  ne  semble  mieux  convenir  pour  êlre  exécutée  à  la 
suite  du  solennel  God  save  que  la  fière  ouverture  de  la  Muette  de  Por- 
tici.  L'admirable  orchestre  de  Cment-Garden  l'a  enlevée  avec  une  vigueur 
et  en  même  temps  avec  une  rapidité  extraordinaires  ;  aussi  le  public 
a-t-il  voulu  réentendre  cette  belle  page.  Mais  si  la  première  fois  Costa 
a  conduit  ses  artistes  au  grand  galop,  la  seconde  fois  c'était  un  véritable 
sleeple-chase.  Quelle  furia  inglese! 

Les  principaux  rôles  du  chef-d'œuvre  étaient  interprétés  par  Naudin, 


Faure,  Mlles  Salvioni  et  Battu.  Le  rôle  de  la  princesse  Elvira  va  admi- 
rablement à  la  voix  comme  au  talent  de  cette  dernière  ;  il  a  permis 
au  public  anglais  d'apprécier  cette  jeune  artiste  à  sa  juste  valeur,  beau- 
coup mieux  que  le  rôle  de  Gilda,  le  seul  dans  lequel  elle  ait  paru  l'an- 
née dernière.  Dès  sa  première  cavatine,  Mlle  Battu  a  fait  preuve  d'une 
vocalisation  surprenante  et  d'un  goût  exquis;  elle  a  été  applaudie  pen- 
dant (out  le  cours  de  l'ouvrage,  et  elle  peut  se  considérer  maintenant 
comme  l'une  des  artistes  adoptées  dont  le  théâtre  de  Covent-Garden  ne 
saura  se  passer  désormais. 

Si  Naudin  voulait  maîtriser  et  adoucir  un  peu  son  geste,  ce  serait 
un  Masaniello  parfait.  Tel  qu'il  est,  c'est  toujours  un  des  meilleurs  té- 
nors de  notre  temps;  c'est  dans  tous  les  cas  une  véritable  voix  de  ténor. 
Les  applaudissements  ne  lui  ont  pas  été  marchandés,  et  Naudin  aura  tout 
lieu  de  se  féliciter  de  sa  transmigration  au  théâtre  de  M.  Gye. 

Les  honneurs  de  la  soirée,  pourtant,  il  faut  bien  le  dire,  ont  été  pour 
Faure,  qui  a  su  donner  une  grande  importance  au  rôle  de  Piétro.  De- 
puis les  beaux  temps  de  Massol  on  n'a  pas  applaudi  dans  la  salle  de 
Covent-Garden  avec  ces  marques  de  vive  satisfaction,  le  beau  duo  du 
second  acte  (terriblement  raccourci,  hélas  !)  et  qui  a  été  bissé,  et  la  bar- 
carolle  du  cinquième  acte. 

Mlle  Salvioni  prêtait  son  talent  éprouvé  au  rôle  de  la  Muette;  et  à 
peine  sera-t-il  nécessaire  d'ajouter  que  M.  Harris  a  fait  des  merveilles  de 
mise  en  scène,  pour  lesquelles  son  récent  séjour  à  Paris  ne  lui  a  pas  sans 
doute  été  inutile. 

La  Muette  sera  jouée  demain  jeudi,  et  samedi  Mlle  Fioretti  fera  son 
premier  début  à  Londres  dans  les  Puritains.  C'est  samedi  aussi  que  Her 
Majcsty's  tlicatre  fera,  sa  réouverture,  et  ainsi  la  saison  musicale  de  Lon- 
dres se  trouvera  définitivement  ouverte. 

L.  B. 


51.  Marschner,  compositeur  allemand ,  a  fait  un  procès  à  M.  Aula- 
gnier,  éditeur  de  musique  français,  pour  avoir  fait  graver  et  mis  en 
vente,  à  Paris,  une  traduction  de  l'opéra  du  Vampire  dont  lui,  Mars- 
chner, est  l'auteur.  Le  tribunal  de  première  instance  avait  condamné 
l'éditeur.  Sur  son  appel,  la  Cour  impériale  vient  de  rendre  l'arrêt  sui- 
vant qui  tranche  une  intéressante  question  de  propriété  artistique  et 
qui  explique  surabondamment  les  faits  du  procès. 

La  Cour,  après  délibéré,  a  rendu  l'arrêt  suivant  : 

<  Considérant  que  Marschner,  Hanovrien  d'origine,  auteur  de  l'opéra 
le  Vampire,  a  publié  à  l'étranger,  antérieurement  à  l'année  1843,  la 
partition  de  cet  opéra  pour  le  piano; 

»  Qu'en  outre,  il  a  fait  représenter  cette  œuvre  musicale,  dès  1 828, 
sur  le  théâtre  de  Leipzick,  et  successivement  sur  plusieurs  théâtres 
d'Allemagne,  et  à  Strasbourg  ; 

»  Que  si,  conformément  aux  usages  généralement  suivis  à  l'étranger, 
Marschner  n'a  pas  fait  graver  et  n'a  pas  publié  la  partition  d'orchestre, 
les  représentations  successives  de  cet  opéra  ont  eu  pour  conséquence 
de  le  livrer  à  la  publicité,  et  que,  par  suite  de  ladite  publicité,  cette 
composition  musicale  de  Marschner  a  été,  sous  toutes  ses  formes  et 
dans  ses  divers  modes  et  expressions,  acquise  en  France  au  domaine 
public  ; 

»  Que  si  Aulagnier,  éditeur  français,  a  fait  graver  à  Paris  les  parti- 
tions dudit  opéra,  soit  pour  piano,  soit  pour  orchestre,  il  justifie,  par 
ses  livres,  que  ces  publications  ont  été  par  lui  faites  en  1843  et  1844; 

»  Qu'il  résulte  de  ce  que  dessus,  qu'antérieurement  à  18ù3  l'œuvre 
de  Marschner  était  tombée  dans  le  domaine  public; 

»  Que  dès  lors  Aulagnier  ne  saurait  être  recherché  à  l'occasion  des- 
dites publications,  et  qu'il  était  eu  droit  de  continuer  à  écouler  et  à 
vendre  les  exemplaires  lui  restant  de  ses  tirages  de  1843  et  1844; 

.  Considérant  que  le  décret  du  28  mars  18S2  ne  saurait  avoir  d'effet 
rétroactif,  et  qu'il  ne  pouvait  dès  lors  faire  obstacle  à  la  vente  desdits 
exemplaires,  alors  même  que  Marschner  aurait  rempli  les  formalités 
prescrites  par  l'article  4  de  ce  décret; 

»  Que  si,  en  exécution  de  l'une  des  clauses  de  la  convention  conclue 
entre  la  France  et  le  Hanovre,  le  20  octobre  1851,  pour  la  garantie  ré- 
ciproque de  la  propriété  des  œuvres  littéraires  ou  musicales  des  na- 
tionaux des  deux  pays,  un  acte  additionnel  a  fixé  au  1"  septembre 
4853  l'expiratiijn  du  délai  après  lequel  la  vente  des  réimpressions  ou 
reproductions  ne  pourrait  plus  avoir  lieu,  Marschner  ne  justifie  pas, 
conformément  aux  conditions  énoncées  dans  ladite  convention,  avoir 
primitivement  publié  son  œuvre  dans  le  Hanovre,  et  avoir  accompli 
dans  son  pays  les  formalités  nécessaires  pour  y  jouir  de  la  protection 
légale  contre  la  contrefaçon  ou  réimpression  illicite; 

»  Qu'en  admettant  que  ladite  convention  additionnelle  ait  été  régu- 
lièrement portée  à  la  connaissance  du  commerce  en  France,  Marschner 
ne  prouve  pas  que  le  bénéfice  lui  eu  soit  réellement  acquis; 

»  Considérant  enfin  que  si,  dans  la  publication  de  la  partition  d'or- 


DE  PARIS. 


117 


chestre,  Aulagnier  a  eu  le  tort  d'attribuer  à  Marschner  des  récitatifs 
notés  qui  n'étaient  pas  son  œuvre,  il  n'est  pas  établi  que  de  ce  fait  soit 
résulté  pour  Marschner  un  préjudice  de  nature  à  donner  lieu  à  son 
profit  a  une  réparation  pécuniaire,  et  que  d'ailleurs  depuis  le  procès, 
Aulagnier  a  fait  apposer  sur  la  couverture  des  huit  exemplaires  lui  res- 
tant de  la  partition  d'orchestre  une  mention  indiquant  que  les  récitatifs 
ne  sont  pas  de  Marschner; 

»  Que  dans  ces  circonstances  il  est  superflu  de  statuer  sur  le  moj'en 
de  prescription  opposé  par  Aulagnier  et  qu'il  y  a  lieu  de  débouter 
Marschner  de  sa  demande; 

»  Infirme  ; 

B  Au  principal  :  déboute  Marschner  de  sa  demande  et  le  condamne 
aux  dépens.  « 


NOUVELLES. 

.j,**  Les  répétitions  du  Comte  Ory  pour  la  continuation  des  débuts  de 
Warot  et  du  ballet  de  Giselle,  pour  ceux  de  Mlle  Mourawiew,  sont  pous- 
sées avec  activité  à  l'Opéra,  et  selon  toutes  apparences,  la  représenta- 
tion en  aura  lieu  vers  la  fin  de  la  semaine. 

***  La  première  repi'ésentation  de  Pierre  do  Médicis,  opéra  du  prince 
Poniatowslù,  vient  d'avoir  lieu  à  Madrid,  avec  un  grand  succès. 

»**  La  représentation  donnée  mercredi  au  théâtre  impérial  de  l'O- 
péra-Comique, au  bénéfice  des  petits-enfants  de  Rameau,  a  tenu  tout 
ce  qu'elle  promettait.  La  salle  était  comble,  la  recette  très-fructueuse,  et 
le  but  philanthropique  des  promoteurs  de  cette  solennité  a  éié  complè- 
tement atteint.  Laissant  de  côté  le  proverbe  11  faut  qu'une  porte  soit  uu- 
vcrte  ou  fermée  et  le  Chapeau  d'un  Horloger,  interprétés  comme  ils  de- 
vaient l'être  par  Bressant,  Mme  Plessy  et  les  artistes  du  Gymnase,  nous 
donnerons  un  compte  rendu  sommaire  de  la  partie  musicale,  qui  jouait 
le  plus  grand  rôle  dans  la  représentation.  Après  rAvucat  Pathetin,  le 
premier  acte  de  la  Truoiala  a  permis  à  Mme  Charton,  qui  revient  de  la 
Âavane,  chargée  de  couronnes  et  de  dollars,  de  faire  apprécier  de  nou- 
veau à  Paris  les  qualités  qu'elle  avait  déployées  l'année  dernière  au 
théâtre  Italien  :  voix  fraîche  et  pure,  énergie  et  sensibilité,  intelligence 
et  passion  dramatique,  telles  sont  les  qualités  qui  font  de  Mme  Charton- 
Demeur  une  artiste  d'éiite.  Le  ténor  Malvezzi  l'a  vaillamment  secondée. 
Le  trio  de  Guillaume  Tell,  chanté  par  Tamberlick,  Obin  et  lionnehée  ; 
un  fragment  de  Poliuto,  par  Tamberlick  ;  le  duo  du  Trovatore,  par  Bon- 
nehée  et  lime  Giulia  Grisi;  l'air  de  Marta,  dit  par  la  célèbre  cantatrice 
avec  une  expression  sans  pareille,  et  la  cavatine  des  Puritains,  dans  la- 
quelle on  n'a  pas  oublié  sa  supériorité;  une  chansonnette  de  Sainte-l''oy; 
la  Musette,  de  Rameau,  et  l'air  du  Songe  d'une  nuit  d'été,  par  Mlle  Ma- 
rimon  ;  enfin,  le  violon  de  Vieuxtemps  et  le  piano  de  Mme  Escudier- 
Kastner  ont  composé  un  intermède  vocal  et  instrumental  aussi  com- 
plet et  d'une  exécution  aussi  parfaite  que  les  plus  exigeants  pouvaient 
le  rêver.  Aussi  les  applaudissements  les  plus  unanimes  ont-ils  accueilli 
chacun  des  artistes  après  leurs  morceaux.  Nous  devons  constater  qu'un 
de  ceux  auxquels  on  les  a  surtout  prodigués,  c'est  Vieuxtemps,  dont  la 
Fantasia  appassionala  a  produit  une  immense  sensation. 

^*^  Mlle  Ferler,  jeune  artiste  dont  on  dit  beaucoup  de  bien,  vient 
d'être  engagée  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique  pour  l'emploi  des  Du- 
gazon. 

^*»  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique  annonce  pour  demain 
lundi  la  première  représentation  de  Bataille  d'amour.  —  La  Fiancée  du 
roi  de  Garbes,  d'Auber,  ne  sera  représentée  qu'au  mois  d'octobre. 

^*,,  Au  théâtre  impérial  Italien,  un  début  d'espèce  rare  et  curieuse 
a  eu  lieu  dimanche  dernier  dans  Olello.  Mlle  de  la_  Poromeraye,  qui  jus- 
qu'ici n'avait  chanté  qu'à  l'Opéra  français,  s'essayait  dans  le  grand  rôle 
de  Uesdemone,  sous  le  nom  de  Pomerani.  11  faut  dire  qu'une  transfor- 
mation s'est  opérée  dans  la  voix  non  moins  que  dans  le  talent  de  la 
jeune  cantatrice,  qui  a  passé  du  contralto  au  soprano,  en  acquérant  une 
facilité  de  vocalisation  dont  on  ne  l'aurait  pas  jugée  susceptible.  C'est 
surtout  dans  le  finale  du  second  acte  que  cette  facilité  brillante  s'est 
manifestée.  Mlle  Pomerani  a  été  chaleureusement  applaudie  et  rappelée 
après  la  chute  du  rideau.  Nous  regretterions  qu'à  la  fin  d'une  saison, 
les  convenances  administratives  empêchassent  la  continuation  de  débuts 
si  heureusement  commencés. 

f,*^  On  a  beaucoup  parlé  à  Paris  de  l'incident  relatif  au  traité  de 
Mme  Carvalho  avec  le  théâtre  de  Marseille.  Les  faits  n'ont  pas  été  établis 
comme  il  convenait.  'Voici  ce  qui  s'est  passé  :  «  Mme  Carvalho,  d'abord 
engagée  à  Marseille  pour  deux  mois,  avait  obtenu  de  ne  passer  qu'un 
mois  dans  cette  ville,  et  cela,  grâce  à  la  compensation  qu'avait  oiTerte 
M.  Carvalho  en  donnant  Mme  Cabel  pour  un  mois.  Mais  au  commence- 
ment de  ce  mois,  M.  Carvalho  se  trouvant  dans  l'impossibilité  de  laisser 
partir  Mme  Carvalho,  s'est  rendu  lui-même  à  Marseille,  et  a  offert  à 
M.  Ilalanzier,  soit  le  dédit  stipulé  de  20,000  francs,  soit  une  nouvelle 
combinaison,  qui  donnait  Mme  Carvalho  au  théâtre  de  Marseille  pendant 
la  première  quinzaine  de  mai,  et  Mme  Cabel  pendant  la  dernière  quin- 


zaine. —  M.  Halanzier  n'a  accepté  ni  l'une  ni  l'autre  de  ces  offres.  Il 
avait  assigné  M.  Carvalho  non-seulement  en  paiement  de  son  dédit,  mais 
encore  en  30,0i'0  francs  de  dommages-intérêts.  En  outre,  il  a  fait  publier 
à  Marseille  une  note  que  quelques  journaux  ont  reproduite,  — note  qui 
n'avait  qu'un  tort,  celui  de  passer  sous  silence  l'offre  que  lui  avait  faite 
M.  Carvalho  :  ou  de  payer  le  dédit  de  20,000  francs,  ou  de  lui  envoyer 
Mnies  Carvalho  et  Cabel  -Je  mois  en  mois.  —  L'affaire  en  était  là,  lorsque 
M.  Carvalho,  dans  un  but  de  conciliation  qu'on  appréciera,  a  proposé  un 
nouvel  arrangement,  qui  consistait  à  envoyer  Mme  Carvalho  à  Marseille 
en  représention  du  20  avril  au  10  mai,  et  Mme  Cabe!,  du  10  mai  jusqu'à 
la  fin  du  mois.  Cet  arrangement  a  été  accepté  par  M.  Halanzier,  et  l'af- 
faire s'est  terminée  à  la  satisfaction  de  tous.  » 

J^-^  On  annonce  l'engagement  au  théâtre  Lyrique  de  Mlle  Albrecht,  du 
Gymnase. 

/„,  Le  théâtre  des  Bouffes-Parisiens  fermera,  comme  à  l'ordinaire,  à 
la  fin  d'avril;  mais,  cotte  fois,  c'est  pour  la  reconstruction  de  la  salle. 
Avant  la  fermeture,  et  quoique  le  succès  des  Bavards  soit  loin  d'être 
épuisé,  les  Bouffes  passeront  en  revue  quelques-unes  des  plus  jolies 
pièces  de  leur  répertoire.  Ainsi,  dans  quelques  jours,  pour  la  clôture 
des  représentations  de  Mme  Ugalde,  Orphée  aux  enfers  alternera  avec 
les  Bavard",  et  le  public  pourra  applaudir  tour  à  tour  Eurydice  et 
lioland,  personnifiés  dans  1  éminente  et  infatigable  artiste,  et,  à  côté 
d'elle,  Mlle  Testée,  Pradeau,  Désiré,  Léonce,  Georges,  etc.,  ses  joyeux 
partenaires. 

,.*,f  Offenbach  vient  départir  pour  l'Allemagne.  Voici  les  noms  des 
ouvrages  auxquels  il  travaille,  et  qui,  par  traité,  doivent  tous  être  re- 
présentés avant  la  fin  de  l'année.  Les  Fées  du  Rhin,  opéra  romantique 
en  quatre  actes,  composé  pour  l'opéra  impérial  de  Vienne,  sur  un  poëme 
de  M.  Nuitter.  C'est  M.  de  Wolgagcn,  un  des  premiers  littérateurs  de 
l'Allemagne,  qui  en  fait  la  traduction.— la  Belle  Aurore,  opéra  bouffe  en 
trois  actes  et  quatre  tableaux,  sur  un  livret  allemand,  composé  pour  le 
Vicioria  théâtre  de  Berlin.—//  signor  Fagottu,  opérette  bouffe  de  MM.  Nuit- 
ter et  Tréfeu,  composé  pour  la  saison  d'Ems.— Les  Géorgiennes,  opéra 
bouffe  de  MM.  Moinaux  et  Dulocle,  pour  l'inauguration  de  la  nouvelle 
salle  des  Bouffes-Parisiens,  qui  doit  avoir  lieu  le  4"  octobre  prochain. 
Si  le  fécond  maestro  accomplit  cette  tâche  avec  le  succès  dont  il  est 
coutumier,  on  ne  pourra  pas  dire  qu'il  a  perdu  son  année. 

a,*s,  Les  recettes  des  théâtres,  cafés,  concerts  et  spectacles  de  Paris 
pendant  le  mois  de  mars  écoulé,  ont  atteint  le  chiffre  de  1,939,286  fr.  86  c. 

./^  Le  directeur  des  eaux  d'Ems  vient  de  traiter  avec  M.  Varney  pour 
l'engagement  d'une  partie  des  artistes  du  théâtre  des  Bouffes-Parisiens. 
Ils  joueront  les  principales  pièces  de  leur  répertoire  et  une  opérette 
nouvelle  d'Offenbach. 

„,*„,  Il  parait  que  si  l'on  doit  qualifier  d'engouement  l'effet  produit  à 
Paris  par  Mlle  Adelina  Patti,  cet  engouement  s'est  singulièrement  pro- 
pagé à  Vienne.  Du  moins,  nous  recevons  sur  le  séjour  de  la  jeune  artiste 
dans  cette  capitale,  et  sur  l'enthousiasme  dont  elle  est  l'objet,  des  détails 
aussi  intéressants  que  significatifs.  Ainsi,  ce  n'est  pas  seulement  au 
théâtre  où  ses  représentations  ont  déjà  mis  dans  la  caisse  do  l'impré- 
sario Merelli  60,000  francs  de  bénéfice,  c'est  à  la  cour,  c'est  dans  les 
salons  de  la  plus  haute  noblesse,  comme  dans  le  milieu  plus  modeste 
de  la  bourgeoisie,  qu'elle  est  le  sujet  de  tous  les  éloges,  de  toutes  les 
conversations.  Ainsi,  tout  récemment,  le  riche  baron  Sina  a  désiré 
qu'elle  chantât  dans  une  soirée  chez  lui,  et  Merelli  n'y  a  consenti  qu'au 
prix  de  10,000  francs,  qui  lui  ont  été  payés  sans  hésitation.  Et  de  plus, 
pour  témoigner  sa  satisfaction  à  la  charmante  cantatrice,  le  baron  lui 
a  envoyé  le  lendemain  un  magnifique  bracelet  d'une  valeur  de  3,000 
francs.  Quelques  jours  plus  tard,  le  dimanche  de  Pâques,  elle  avait  été 
priée  de  chanter  à  la  grand'messe,  et  voici  comment  un  journal  en  rend 
compte  :  «  Le  dimanche  de  Pâques,  une  foule  immense  se  pressait  dans 
l'enceinte  de  l'église  des  Augustins  pour  entendre  Mlle  Patti,  qui 
chantait  à  la  grand'messe.  Au  moment  où  la  merveilleuse  cantatrice 
quittait  l'église  pour  monter  en  voiture,  il  y  eut  une  telle  cohue,  les 
témoignages  d'enthousiasme  et  d'admiration  devinrent  tellement 
bruyants,  que  la  jeune  fille,  à  moitié  évanouie,  fit  tous  ses  efforts  pour 
chercher  à  se  dérober  à  une  ovation  qui  commençait  à  l'effrayer.  Se 
trouvant  séparée  des  personnes  qui  l'accompagnaient,  ne  pouvant  rega- 
gner sa  voiture,  elle  prit  le  parti  de  se  réfugier  au  palais  Palfy,  qui  est 
tout  proche.  Par  bonheur,  la  camériste  de  la  comtesse  Ferrari-Zichy, 
qui  habite  ce  palais,  avait  vu  de  loin  ce  qui  se  passait  ;  elle  courut  à  la 
rencontre  de  Mlle  Patti  sur  l'escalier,  et  après  lui  avoir  ouvert  la  porte 
du  corridor,  qu'elle  referma  vivement,  elle  conduisit  l'artiste  éperdue 
dans  les  appartements  de  la  comtesse.  Mais  la  foule  qui  était  sur  ses 
pas,  se  précipita  en  tumulte  sur  l'escalier,  après  avoir  enfoncé  la  porte; 
enfin,  la  princesse  Palfy  dut  se  montrer  elle-même,  et  par  ses  exhor- 
•  talions,  son  attitude  calme  et  digne,  elle  parvint  à  décider  la  foule  à 
se  retirer.  Pendant  ce  temps,  Mlle  Patti,  désormais  en  sûreté  dans  le 
salon  de  la  comtesse,  y  recevait  de  la  famille  empressée  autour  d'elle, 
les  soins  les  plus  délicats.  Ce  ne  fut  qu'au  bout  d'un  certain  temps  que 
la  virtuose  effarouchée  se  trouva  assez  bien  remise  pour  pouvoir  être 
ramenée  sans  danger  dans  sa  demeure.  Toutefois  l'émotion  que  lui  a 
causée  cette  scène  ne  lui  a  pas  permis  de  chanter  à  la  représentation 
du  soir.  « 


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REVLE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


^%  L'exécution  du  Stabat  a  dominé  dans  tous  les  concerts  spirituels 
de  la  semaine  sainte.  A  la  cour,  au  théâtre  Italien  et  chez  Rossini,  on 
a  non-seulement  chanté  celui  de  l'illustre  maestro,  qui  a  eu  naturelle- 
ment les  honneurs,  mais  des  fragments  de  ceux  de  Pergolèse  et  de 
Haydn.  La  direction  du  théâtre  Italien  a  donné  deux  fois,  jeudi  et  sa- 
medi, le  Stabat  de  Bossini.  Entre  les  deux  parties,  un  Ave  Maria  de 
Verdi  et  un  trio  de  Mercadante  ont  été  dits,  le  premier  par  Mme  Frez- 
zolini,  et  le  deuxième  par  elle,  Gardoni  et  Delle-Sedie.  En  général, 
l'exécution  de  ce  concert  a  été  satisfaisante  ;  on  eût  désiré  pourtant 
plus  d'accentuation  dans  Vlnflammatus,  dont  Mme  Penco  s'était  chargée. 
On  a  redemandé  le  duo  Quis  est  homo,  chanté  avec  une  grande  perfec- 
tion par  Mmes  Frezzolini  et  Trebelli-Bettini,  qui  n'a  pas  obtenu  moins 
de  succès  dans  la  cavatine  Fac  ut  portem.  On  a  remarqué  le  trio  de 
Mercadante,  traité  avec  beaucoup  de  soin,  et  dans  lequel  la  harpe  et  le 
hautbois  produisent  des  effets  très-heureux. 

^*^  Pasdeloup  fera  exécuter  dimanche  prochain,  19  avril,  à  son  concert 
populaire,  la  symphonie  avec  chœurs  de  Beethoven,  et  un  choix  de 
chœurs  de  Haendel. 

«*,  Mlle  Wertheimber  vient  d'être  engagée  à  de  brillantes  conditions 
pour  une  série  de  représentations  à  Marseille  et  à  Alger.  Elle  se  fera 
entendre  dans  le  Prophète,  qui  doit  être  monté  avec  beaucoup  de  soin  à 
cette  occasion.  La  célèbre  artiste  vient  d'obtenir  un  très-grand  succès 
à  Liège,  où  elle  a  dii  chanter  trois  fois  le  rôle  de  Fidès  et  toujours  de- 
vant une  salle  comble. 

***  Le  Propagateur  du  Nord  annonce  que  le  ténor  Wicart  est  engagé 
au  théâtre  de  Rouen  pour  la  prochaine  saison. 

:j*:(,  On  annonce  que  Mlle  E.  Lagrua  vient  d'être  engagée,  en  qualité 
de  prima  donna,  au  théâtre  de  la  Pergola  pour  la  saison  du  printemps. 

^*t  Mme  Pleyel,  après  avoir,  comme  toujours,  signalé  brillamment 
sa  présence  momentanée  à  Paris  dans  les  concerts  de  Dumon  et  de 
Pasdeloup,  vient  de  repartir  pour  Bruxelles. 

***  Au  nombre  des  artistes  réengagés  pour  la  prochaine  saison  ita- 
lienne au  théâtre  de  Moscou,  on  cite  :  Mmes  Frizzi  et  Laborde  ;  MM.  Pan- 
cani  et  Neri-Baraldi,  ténors;  Frizzi  et  Vialetti,  basses. 

^%  Une  indisposition  a  retardé  l'arrivée  de  Thalberg  à  Paris.  La  soi- 
rée annoncée  par  lui  est  fixée  au  15  courant. 

^*,.  Mme  Mackenzie,  née  Cathinka  de  Dietz,  ne  veut  pas  se  faire  ou- 
blier des  amateurs,  et  elle  prend  le  bon  moyen  en  se  faisant  entendre 
chaque  année  dans  sa  villa  de  Saint-Germain.  Sa  dernière  réunion  mu- 
sicale a  été  charmante,  et  l'éminente  virtuose  y  a  produit  son  effet  ac- 
coutumé dans  un  quintette  de  Hummel,  exécuté  en  compagnie  de 
MM.  Bessems-Muller,  Baillard  et  Rabaud.  Plusieurs  morceaux  ont  été 
ensuite  exécutés  séparément  par  les  artistes  avec  beaucoup  de  talent. 
On  n'a  pas  moins  applaudi  les  nouvelles  compositions  pour  le  piano  de 
M.  Edm.  Guyon,  qui  se  distinguent  par  un  mérite  réel. 

***  Une  audition  qui  réunissait,  chez  Monsieur  Adolphe  Sax,  une 
société  d'élite,  a  de  nouveau  fait  ressortir  les  richesses  sans  nombre  que 
renferme  sa  nouvelle  organisation  des  orchestres  régimentaires.  Dans 
une  série  de  morceaux  composés  par  son  habile  chef,  M.  Magnier,  la 
musique  du  1"  régiment  des  grenadiers  de  la  garde  amis  en  lumière  un 
genre  tout  nouveau  de  composition,  qui  consiste  principalement  à  pro- 
céder par  familles  et  par  groupes,  système  d'où  résultent  mille  effets 
variés  et  inattendus,  par  les  oppositions  non-seulement  d'intensité,  mais 
de  timbre  et  de  coloris.  La  fantaisie  intitulée  les  Querelles  a  particuliè- 
rement fait  ressortir  ces  dispositions  si  neuves  de  l'instrumentation  mili- 
taire, interdites,  il  n'est  pas  besoin  de  le  dire,  à  l'ancienne  organisation, 
et  qui  ne  repoussent  d'ailleurs,  au  besoin,  ni  les  soli  à  découvert,  ni 
les  ensembles  précédemment  en  usage.  Ce  sont  de  nouvelles  ressources 
ajoutées  aux  anciennes,  et  par  conséquent  un  incontestable  progrès. 
M.  le  général  Mellinet,  M.  G.  Kastner,  membre  de  l'Institut,  M.  Ed.  Mon- 
nais  et  plusieurs  artistes  de  distinction  convoqués  à  cette  intéressante 
séance,  ont  adressé  à  M.  Magnier  de  chaleureuses  félicitations,  tant  pour 
la  perfection  de  son  exécution,  que  pour  l'intelligence  avec  laquelle  il 
est  entré  dans  les  désirs  de  M.  Adolphe  Sax.  La  nouvelle  composition 
militaire  nous  révèle  d'ailleurs  chaque  jour  de  nouveaux  prodiges.  Il  y  a 
quelques  semaines,  elle  triomphait,  dans  la  salle  du  cirque  des  Champs- 
Elysées,  par  l'organe  de  la  musique  de  la  Garde  de  Paris  ;  il  y  a  quinze 
jours,  le  même  orchestre,  sous  la  direction  de  son  excellent  chef, 
M.  Paulus,  accompagnait  à  Notre-Dame,  dans  une  solennité  religieuse,  le 
violon  magique  de  Vieuxtemps.  —  Pour  revenir  à  la  séance  de  la  rue 
Saint-Georges,  n'oublions  pas  de  mentionner  le  résultat  véritablementex- 
traordinaire  obtenu  par  les  élèves  de  la  classe  de  saxophone  de  M.  Adol- 
phe Sax,  qui  ont  exécuté  avec  un  aplomb  remarquable  le  septuor  de 
Beethoven  arrangé  pour  sept  saxophones.  On  y  a  applaudi,  en  outre, 
le  son  magnifique  et  magistral  du  nouveau  saxhorn-basse  à  six  pistons 
indépendants  et  à  pavillon  tournant,  sans  préjudice  de  la  nouvelle  trom- 
pette également  à  six  pistons,  et  d'un  cornet  à  sept  pavillons,  merveille 
de  justesse,  de  pureté  et  d'égalité  dans  la  voix. 

***  M.  Vervoitte,  maître  de  chapelle  de  Saint-Roch,  a  fait  exécuter, 
le  jour  de  Pâques,  dans  cette  paroisse,  la  messe  du  Sacre,  de  Chérubini. 
L'exécution  a  été  digne  d'éloges  pour  le  maître  de  chapelle,  les  chan- 


teurs et  l'orchestre,   composé  d'artistes  du  premier  ordre.    M.  Hayet  a 
dit  les  soli,  et  on  a  remarqué  la  voix  suave  d'un  enfant  de  chœur. 

t*^  La  Société  des  concerts  a  donné  le  dimanche  de  Pâques,  au  Con- 
servatoire, un  beau  concert  dans  lequel  on  a  entendu  la  symphonie  pas- 
torale, le  beau  Credo  de  la  messe  du  sacre  de  Chérubini,  un  air  de  la 
Fête  d'Alexandre,  et  le  magnifique  chœur  de  Judas  Machabée,  de  Haen- 
del. Mais  l'événement  de  la  séance  a  été  l'exécution  par  Vieuxtemps  de 
sa  ballade  et  de  sa  Polonaise  ;  on  eût  dit  qu'électrisé  par  le  milieu  dans 
lequel  se  trouvait  le  célèbre  violoniste  compositeur,  toutes  les  ressources 
de  son  prodigieux  talent  eussent  été  mises  en  œuvre.  Aussi  l'effet  qu'il  a 
produit  a-t-il  été  immense.  Applaudi,  acclamé  par  tout  cet  auditoire 
composé  des  plus  fins  connaisseurs,  Vieuxtemps  aura  sans  doute  obtenu 
rarement  plus  flatteuse  ovation. 

^*,i,  Mme  Clara  Pfeiffer  et  M.  Georges  Pfeiffer  ont  donné  lundi  une  de 
leurs  plus  belles  matinées.  Mme  Bertrand,  MM.  White,  Lebouo,  Pagans, 
y  ont  été  tour  à  tour  chaudement  applaudis,  à  côté  des  maîtres  de  la 
maison.  Le  quatrième  nocturne  de  Mme  C.  Pfeiffer  et  la  délicieuse  bar- 
caroUe  du  second  concerto  de  son  fils,  ont  été  surtout  vivement  goûtés 
par  le  monde  élégant  qui  se  presse  dans  leurs  salons. 

,**  Une  société  vient  de  se  former  à  Londres  au  capital  de  125,000 
liv.  sterl.  (3,125,000  franc.*:),  divisés  en  actions  de  25  livres,  pour  la 
construction  à  Haymarket  d'un  nouveau  théâtre  qui  réaliserait  toutes 
les  améliorations  obtenues  dans  la  construction  des  derniers  qu'on  vient 
de  bâtir  à  Paris.  On  sait  que  la  majeure  partie  des  théâtres  de  Londres 
ne  brille  guère  par  la  commodité  et  l'aération. 

***  Voici  le  programme  du  concert  que  donnera  mardi  prochain, 
14  avril,  dans  la  salle  Herz,  la  Société  des  concerts  de  chant  classique 
fondée  par  M.  Beaulieu,  correspondant  de  l'Institut,  et  par  lui  dotée, 
avec  approbation  de  toutes  les  autorités  musicales.  —  Première  partie  : 
1°  Offertoire  pour  chœur  et  orchestre,  de  Michel  Haydn  (non  encore 
exécuté  à  Paris)  ;  2°  air  de  Samson,  de  Haendel,  chanté  par  M.  Paulin  ; 
3°  Salve  liegina,  chœur  sans  accompagnement  (xvi» siècle),  Orlando  Lasso; 
4°  air  i''Armide ,  de  Gluck ,  chanté  par  Mme  Vandenheuvel-Duprez  ; 
5°  fragments  du  26=  psaume  de  Marcello,  chanté  par  Mlle  Simon  Cor- 
radi,  MM.  Paulin,  Marié,  et  chœur.  —  Intermède  :  Octuor  pour  deux 
hautbois,  deux  clarinettes,  deux  cors  et  deux  bassons,  de  Beethoven, 
exécuté  par  MM.  Xriébert,  Barthélémy,  Leroy,  Rose,  Baneux,  Rousselot, 
Jancourt  et  Linof.  —  Deuxième  partie  :  1°  Ave  verum,  d'Halévy,  mo- 
tet chanté  par  Mme  Vandenheuvel-Duprez,  Mlle  Simon-Corradi ,  et 
chœur  (in(*dit)  ;  2°  air  sur  des  paroles  de  la  Disfatta  di  Dario,  de  Mo- 
zart, chanté  par  M.  Battaille  ;  3°  Spirto  di  Dio,  chœur  sans  accompa- 
gnement, de  Lotti,  qui  se  chantait  sur  le  Bucentaure,  à  l'occasion  du 
mariage  des  doges  avec  la  mer  Adriatique  ;  Wair  des  Nozze  di  Figaro,  de 
Mozart,  chanté  par  Mme  Vandenheuvel-Duprez;  5°  fragments  de  l'ora- 
torio de  Paulus,  de  Mendelssohn,  chanté  par  M.  Battaille  et  chœur. 

^*a,  La  notice  biographique  sur  F.  Halévy,  par  Adolphe  Catelin  se 
trouve  chez  Michel  Lévy  frères  ;  elle  se  trouve  également  en  tête  de  la 
partition  pour  chant  et  piano  du  Dilettante  d'Avignon,  du  célèbre  maître. 

^*^  M.  Alexandre  Billet,  l'éminent  pianiste,  n'avait  pas  renoncé,  comme 
on  avait  pu  le  croire,  à  se  faire  entendre  cette  saison  à  Paris;  son  con- 
cert n'a  été  que  retardé  et  n'en  sera  que  plus  beau  ;  il  aura  lieu  le 
17  de  ce  mois  dans  la  salle  Erard  ;  le  programme  est  splendide  :  outre 
M.  Billet,  on  y  entendra  Mme  Scott-Morel,  MM.  Marchés!,  Armingaud  et 
Léon  Jacquard.  Beethoven,  Haendel,  Chopin,  Field,  Weber,  Mozart, 
Mendelssohn,  Moschelès,  Henselt,  sont  les  maîtres  qui  ont  été  choisis 
pour  l'ornement  de  la  soirée;  on  peut  donc  promettre  que  rien  ne 
manquera  pour  en  assurer  le  succès. 

»**  Nous  avons  déji  parlé  des  succès  obtenus  en  Russie  par  Mlle  For- 
tuna  ;  cette  jeune  cantatrice  est  en  ce  moment  à  Paris  et  ne  tardera 
pas  à  y  établir  également  sa  réputation.  Du  moins  la  manière  dont  elle 
a  chanté  il  y  a  quelques  semaines  au  concert  de  Mlle  Hélène  de  Katow, 
et,  ces  jours  derniers,  à  celui  qu'a  donné,  salle  Beethoven,  le  violoniste 
Favilli,  lui  a  valu  des  applaudissements  du  meilleur  augure.  Mlle  For- 
tuna  possède  d'ailleurs  une  belle  voix  et  vocalise  parfaitement  :  aussi 
avait-elle  mis  un  peu  de  coquetterie  à  choisir  la  polonaise  d'/  Puritani 
et  celle  des  Vêpres  siciliennes,  deux  morceaux  de  nature  à  faire  briller 
les  qualités  qu'elle  possède  et  que  l'auditoire  a  chaleureusement  appré- 
ciées. 

/^,  Samedi  dernier,  Nadar,  l'écrivain  spirituel ,  le  dessinateur  sati- 
rique, le  photographe  par  excellence,  avait  convié  dans  son  atelier  du 
boulevard  des  Capucines,  cet  élégant  musée  des  célébrités  contempo- 
raines, transformé  pour  la  circonstance  en  salons  délicieux  par  Godillot; 
avait  convié,  disons-nous,  à  une  soirée  musicale  les  nombreux  amis 
qu'il  compte  parmi  les  littérateurs  et  les  artistes.  Aucun  n'a  manqué  à 
l'appel  ;  et,  vers  dix  heures,  tous  les  sièges  étaient  occupés  par  une 
réunion  de  jolies  femmes  dont  l'éclairage  à  giorno  faisait  ressortir  les 
toilettes.  Vail?.ti,  l'aveugle,  qui  joue  de  la  mandoline  mieux  que  ne  le 
pourrait  faire  un  clairvoyant,  s'est  fait  entendre  trois  fois,  et  a  joué, 
entre  autres,  sur  une  seule  corde,  le  Carnaval  de  Venise  avec  variations, 
de  manière  à  étonner  et  à  enchanter  l'auditoire.  Successivement, 
Mlle  de  Katow  sur  le  violoncelle  ;  Mme  Alexandre  Dreyfus  sur  le  piano- 
orgue  ;  l'excellent  baryton  Gassier,  qui  a  chanté  avec  autant  de  verve 


DE  PARIS. 


119 


que  de  talent  l'air  du  Barbier  :  Sighicelli  sur  le  violon,  et  Mlle  Mallet, 
pianiste  d'un  fort  joli  talent,  ont  varié  les  plaisirs  des  invités,  qui  ne 
se  sont  retirés  qu'après  minuit,  heureux  d'avoir  entendu  d'excellente 
musique  et  reconnaissants  de  l'aimable  hospitalité  pratiquée  à  leur 
égard  avec  tant  de  grâce  et  d'empressement  par  le  maître  et  la  maî- 
tresse de  la  maison. 

^*^  Mlle  Trautmann,  dont  le  talent  comme  pianiste  est  bien  connu, 
donnera  le  lundi  27  avril,  un  concert  dans  la  salle  Herz  ;  il  sera  des 
plus  intéressants.  Mlle  Trautmann  exécutera  des  œuvres  de  Mendel- 
ssohn,  de  Thalberg,  de  Herz,  de  Liszt,  et  elle  sera  secondée  par  d'émi- 
nents  artistes. 

4*^.  Mme  Titjens  vient  de  passer  à  Paris  se  rendant  à  Londres  où  elle 
doit  chanter  dans  la  pièce  d'ouverture  du  théâtre  de  Sa  Majesté. 

a,**  Vendredi  17  avril,  salle  Pleyel-Wolff,  soirée  musicale  donnée  par 
Mlle  Judith  Lion,  organiste. 

^*t  Mme  Madeleine  Graever  part  pour  la  Hollande  la  semaine  pro- 
chaine. Elle  y  est  appelée  pour  jouer  à  la  représentation  solennelle 
donnée  par  la  Société  l'élix  Méritis. 

^**  Mlle  Charlotte  de  Tiefensée,  dont  nous  avons  annoncé  les  succès 
récents  en  Belgique,  vient  d'arriver  à  Paris,  où  elle  se  propose  de  se 
faire  entendre. 

^**  Mlle  Louisa  Barnard,  jeune  et  brillante  pianiste,  élève  de  Georges 
Pfeiffer,  a  donné  un  très-beau  concert.  Les  Habaneras,  de  fiavina,  et 
le  rondo  pastoral  d'un  concerto  de  son  professeur,  ont  eu  un  grand 
succès  sous  ses  doigts  charmants  et  gracieux.  M.  Lafont  a  partagé  avec 
elle  les  honneurs  de  la  soirée. 

a,*s,  Toute  la  presse  a  constaté  le  succès  de  la  messe  solennelle  de 
Camille  Schubert,  exécutée  le  26  mars  à  Saint-Eustache  au  profit  de  la 
caisse  des  écoles  du  deuxième  arrondissement.  Cette  messe  à  grand  or- 
chestre est  empreinte  d'un  sentiment  religieux  très- remarquable,  le 
style  en  est  élevé,  et  elle  a  produit  une  vive  impres.sion  sur  les  cinq 
mille  auditeurs  qui  se  pressaient  dans  la  vaste  basilique.  La  partie  ins- 
trumentale était  confiée  à  l'excellent  orchestre  du  théâtre  Italien,  di- 
rigé par  M.  Hurand  ;  les  chœurs  étaient  composés  des  enfants  des  écoles 
communales;  Mlle  Marie  Sax,  MM.  Cazaux  et  Warot  chantaient  les  soli. 
La  quête  a  été  des  plus  fructueuses. 

4*,,  Le  théâtre  Robin  annonce  de  nouvelles  expériences  de  physique 
et  de  magie,  et  des  tableaux  nouveaux.  Dans  cette  troisième  série  de 
tableaux  on  cite  particulièrement  ceux  qui  reproduisent  le  terrible 
tremblement  de  terre  qui  détruisit  la  ville  de  Lisbonne  le  l^"'  novembre 
1755. 

5A1S  M.  Alaux,  membre  de  l'Institut,  ancien  directeur  de  l'Académie 
de  France  à  Rome,  auteur  d'un  si  grand  nombre  de  toiles  qui  ornent  le 
Musée  de  Versailles,  et  des  deux  grands  tableaux  du  Testament  de 
Louis  XIV  et  de  Charlemagne  donnant  les  Capitulaire  tvient  de  se  décider 
à  se  séparer  de  nombreuses  esquisses  qu'il  a  faites  pendant  quinze  ans 
de  son  séjour  en  Italie. — L'exposition  aura  lieu,  lundi  13  avril,  à  l'Hôtel 
Drouot,  et  la  vente  le  lendemain,  14. 

^*^  Tito  Mattei,  pianiste  italien  d'un  très-grand  talent,  se  trouve  à 
Paris  et  s'y  fera  prchainement  entendre. 

^*,  Deux  journées  magnifiques  ont  favorisé  l'inauguration  du  con- 
cert Musard  au  Pré-Catelan  ;  les  plus  beaux  équipages  s'y  pressaient  au 
milieu  d'une  foule  compacte,  accourue  à  cette  charmante  fête.  L'or- 
chestre de  Musard  a  fait  merveille,  et  sa  nouvelle  valse  sur  les  Bavards 
aétéaccueillie  par  de  chaleureux  applaudissements. — Aujourd'hui  grande 
fête  musicale  ;  programme  aussi  riche  que  varié  ;  bal  d'enfants  sous 
les  quinconces;  marionnettes  françaises;  musique  militaire  ;  jeux  divers; 
fanfares  par  le  bataillon  de  chasseurs  à  pied;  café  et  brasserie.  — 
L'heureuse  idée  de  la  création  du  bal  d'enfants  a  été  justement  goû- 
tée par  les  mères  de  famille. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 


/'^,  Lyon.  —  Mme  Cabel  est  engagée  pour  toute  la  saison,  c'est-à- 
dire  de  septembre  à  avril.  Un  des  premiers  ouvrages  que  chantera  la 
célèbre  cantatrice  sera  le  l'anlon  de  Ploermel,  remonté  avec  de  nou- 
veaux décors.  —  Le  concert  de  George  Hainl  est  toujours  la  plus 
grande  manifestation  de  l'art  qui  se  fasse  en  notre  ville.  Comme 
violoncelliste  de  premier  ordre,  comme  chef  d'orchestre,  il  ne  cesse  de 
justifier  ce  que  Berlioz  a  écrit  de  lui  :  «  A  une  supériorité  incontes- 
table sur  le  violoncelle,  il  joint  toutes  les  qualités  de  chef  d'orchestre 
conducteur-instructeurorganisateur,  c'est-â-dire  qu'il  dirige  d'une  fa- 
çon claire,  précise,  chaleureuse,  expressive  ;  qu'il  sait,  en  montant  les 
nouveaux  ouvrages,  faire  la  critique  des  défauts  de  l'exécution  et  y  por- 
ter remède,  autant  que  les  forces  musicales  dont  il  dispose  le  lui  per- 
mettent, et  enfin  qu'il  sait  mettre  en  ordre  et  en  action  productive  tous 


les  moyens  qui  sont  à  sa  portée,  administrer  son  domaine  musical  et 
vaincre  promptement  les  difficultés  matérielles  dont  chacun  des  mou- 
vements de  la  musique,  en  province  surtout,  est  ordinairement  entravé. 
D'où  il  résulte  implicitement  qu'il  joint  à  beaucoup  d'ardeur  un  esprit 
pénétrant  et  une  persévérance  infatigable.  Il  a  plus  fait  en  quelques 
années  pour  les  progrès  de  la  musique  à  Lyon  que  ne  firent  en  un 
demi-siècle  ses  prédécesseurs.  »  Dans  son  concert  de  cette  année, 
George  Hainl  a  fait  entendre  deux  compositions  nouvelles  :  l"  le  pre- 
mier allegro  d'un  concerto  pour  le  violoncelle  ;  2°  une  fantaisie  sur  des 
motifs  de  la  Fiancée,  d'Auber,  d'après  Bohrer,  refondue  et  orchestrée. 
Entre  ces  deux  morceaux  très-remarquables,  la  préférence  peut  hésiter. 
Des  fragments  de  la  Reine  de  Saba,  de  Gounod,  et  conduits  par  l'au- 
teur ,  et  le  Christophe  Colomb  de  Félicien  David  figuraient  dans  le 
programme. 


CHRONIQUE   ETRANGERE. 


j.*^,  Berlin.  —  A  l'occasion  de  l'anniversaire  de  la  naissance  du  roi,  le 
théâtre  de  la  cour  a  joué  Armide,  de  Gluck.  Mme  Koester  a  rendu  le 
rôle  d'Armide  avec  une  puissance  dramatique  qui  rappelle  les  plus 
beaux  jours  de  l'éminente  cantatrice.  A  côté  de  Mme  Koester  se  sont 
fait  applaudir  Woworsky  (Renaud),  et  Mlle  de  Ahna  (la  Haine). 

^*^  Vienne.  —  Dans  la  vaste  enceinte  de  l'église  d'Alt-Lerchenfeld, 
un  des  plus  beaux  monuments  de  l'architecture  contemporaine,  a  été 
exécuté,  le  3  avril,  le  Slabat  de  Fr.  Schubert.  On  y  trouve  de  beaux 
passages;  mais,  en  général,  la  musique  est  par  trop  mondaine;  en 
outre,  l'unité  de  style  fait  défaut  à  cette  composition.  —  Des  fragments 
d'un  oratorio  inconnu  du  même  auteur,  la  Résurrection  de  Lazare ,  ont 
été  e.xécutés  dans  la  salle  de  la  Société  de  musique.  On  y  remarque 
la  partie  de  Simon  ;  les  chœurs  de  la  marche  funèbre  du  convoi  de 
Lazare  sont  une  des  meilleures  productions  de  Fr.  Schubert. 

^*a,  Carlsruhe.  S  Le  Roi  Enzio,  par  Abert,  a  été  représenté  pour 
la  première  fois  avec  succès  il  y  a  quinze  jours  ;  la  deuxième  représen- 
tation, qui  n'a  pu  avoir  lieu  que  le  lundi  de  Pâques,  n'a  fait  que  con- 
firmer le  triomphe  du  jeune  compositeur. 

^*^  Cologne.  —  Niemann,  l'excellent  ténor  qui  a  laissé  parmi  nous  de 
bons  souvenirs,  vient  de  débuter  au  théâtre  de  la  ville  de  Cologne  dans 
le  rôle  de  Raoul,  des  Huguenots. 

^*j,  Prague.  —  On  vient  de  représenter  pour  la  première  fois  Rizzio, 
opéra  nouveau  en  cinq  actes,  musique  de  M.  A.  Schliebner.  Le  sujet  du 
libretto  est  la  fin  tragique  du  célèbre  musicien  de  Turin,  qui  fut,  comme 
on  sait,  un  des  nombreux  amants  de  la  belle  et  infortunée  Marie 
Stuart.  La  musique  se  distingue  par  des  idées  caractéristiques  et  des 
motifs  d'un  grand  efl'et  vocal  et  instrumental.  L'opéra  de  M .  Schliebner 
a  reçu  un  accueil  favorable  ;  le  compositeur  a  été  rappelé  à  la  chute 
du  rideau. 

*%  Trieste. — La  dernière  représentation  de  notre  grand  théâtre  a  été 
consacrée  au  bénéfice  de  Mme  de  Roissy.  Cette  solennité  a  été  fort 
brillante,  et  tout  notre  public  a  voulu  fêter  la  vaillante  artiste  dans  la 
pièce  qu'elle  a  créée  avec  le  plus  de  supériorité,  AJarta.  Aussi  l'a-t-on 
acclamée  après  chaque  morceau,  et  surtout  après  la  romance  de  la  Rose 
qu'elle  dit  avei  un  sentiment  et  un  charme  inexprimables.  Dans  un  en- 
tre acte,  elle  a  chanté  la  scène  de  l'Ombre  du  Pardon  de  Ploermel  avec 
un  talent  de  vocaliste  et  une  intelligence  dé  comédienne  qui  ont  fait 
redoubler  les  applaudissements.  A  peine  avait-elle  fini,  que  des  bouquets 
ornés  de  riches  rubans,  un  magnifique  cachemire  et  une  couronne  d'or 
accompagnée  d'un  sonnet  en  l'honneur  de  l'artiste,  lui  ont  été  offerts  au 
nom  de  l'auditoire  enthousiasmé. 

^*^  Lisbonne.— Mme  Lotti  délia  Santa  avait  choisi,  pour  son  bénéfice, 
la  Maria  et  le  duo  du  quatrième  acte  des  Huguenots  qu'elle  a  chanté 
avec  Mongini.  On  peut  dire  que  la  célèbre  artiste  a  triomphé  jusqu'au 
dernier  moment,  car  dans  cette  soirée,  elle  a  provoqué  un  véritable 
enthousiasme, 

J''.j,  Saint-Pétersbourg.  —  Mardi  dernier,  31  mars,  a  eu  lieu  au  grand 
Théâtre  le  concert  annuel  au  bénéfice  des  invalides  ;  plus  de  mille  mu- 
siciens et  chanteurs  ont  pris  part  à  cette  solennité,  qui  avait  attiré  un 
grand  concours  d'auditeurs.  LL.  MM.  l'empereur  et  l'impératrice ,  le 
grand-duc  héritier,  et  plusieurs  autres  membres  de  l'auguste  famille 
impériale  y  assistaient. 


LeIHrcctevr  :  S.  DUFOUn  . 


120 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


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liambert  (LnciEn'.  God  savc  the  queen,  air  national  anglais.   .  6  » 

Nensledt  (Ch.).  Première  rêverie 5  ■■ 

—  Deuxième  nocturne ■   .   .    .   .  5  ■> 

Talexj'  (A.).  Les  Feuilles  de  la  marguerite,  six  morceaux-oracle: 

1.  Il  m'aime!        3.  Beaucoup!         5.  A  la  folie! 

2.  Un  peu!  4.  Tendrement!     6.  Pas  du  tout! 

Chaque  numéro  séparé 4  « 

L'ouvrage  complet,  broché       15  » 

—  Fouets  et  Grelots,  grand  galop  brillant 7  .50 

—  Id.    à  quatre  mains 9  » 

TVacbs  (F.).  La  Première  amitié,  romance  sans  paroles  ....  ?>  » 


CHANT.                                         Prix  marqnt. 

Beethoven.  Marguerite  (poésie  de  Mme  Valœorc),  chanson  florale  i2  t.)  2  50 

Field  (John).  L'Oiseau,               id.               conversation.    ...  3     » 

—  Le  Rêve  à  deux,                   id.               romance 2  50 

lEoreaux  (Ch.).  L'Amour  et  l'Amitié  (labliao  de  Miilevoyc),  deux  tons  2  50 

n>%N.«K%. 

Bonllard  (V.).  Fifres  et  clairons,  polkas 3     » 

—  Turf-Polka 5     „ 

Talexy  (A.).  Bella  Maria,  polka ,  5    » 

l<e  Corbeiller  (Ch.).  La  Première  Gerbe,  valse 5    » 

Jullano  (A.-P.).  La  Fête  au  hameau  (très-facile),  quadrille.   .  li  5o 

Wacbs  (F.).  Le  Tourbillon,  quadrille 4  50 

aiatbien  (fils.).  Déesse,  polka-mazurka 5     » 


Irc  niédallle  d'or 

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DÉCORUTION  DE  LA  lÉGION  D'HONNEUR 
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vient  de  se  reproduire  à  Londres  avec  plus  d'éclat  encore  :  aussi  le  Jury  international  vient-il,  en  plaçant  ces  instruments 
au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimilé,  à  M.  Henri  HERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection 
reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  solidité,  de  la  sonorité,  de  régalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  d' expression.   (Rapport  du  Jury  international.) 


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1  Exposition  universelle  de  Londres,  en  1851.  —  Exposition  universelle  de  Paris,  1855,  les  plus  belles  pages  du  Rapport  officiel,  27°"  Classe,  pages  1835-1336.  — 
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MEDAILLE  D'OR  et  Membre  du  CORPS  SCIENTIFIQUE  DE  L'HOTEL  DE  VILLE  DE  PARIS 


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IV«  16. 


REVUE 


19  Avril  1863. 


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Paris. „ 24  fr.  par  an 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    30  »       id. 
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Le  Journal  paraît  le  Dioianche. 


GAZETTE  MUSICALE 


-^^J\i\J\f\f\rj\S\j\r\rj^- 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique  :  Bataille  d'amour,  opéra- 
comique  en  trois  actes,  paroles  de  MM.  Victorien  Sardou  et  Karl  Daclin,  mu- 
sique de  M.  de  Vaucorbeil,  par  liéon  Dnrocher,  —  Société  des  concerts  de 
chant  classique,  fondation  Beaulieu.  —  Concert  de  M.  Achille  Dien,  par  Ap- 
thnr  Pongin.  —Correspondances.  —  Revue  des  théâtres,  par  D.  A.  D. 
Saint-IfTes.  —  Nouvelles  et  annonces. 


THÉÂTRE  mPÉRIAl  DE  L'OPÉRÂ-COffllOUE. 

BATAIIiliE    D'AMOUR, 

Opéra-comique  en  trois   actes,  paroles  de  MM.  Victorien  Sardou 
et  Karl  Daclin,  musique  de  M.  de  Vaucorbeil. 

(Première  représentation  le  13  avril.) 

Tout  le  monde  sait  que  Bataille  d'amour  est  une  imitation,  une 
ampliflcation  d'une  comédie  de  Dumaniant ,  Intitulée  Guerre  ouverte 
ou  Ruse  contre  ruse.  Dumaniant  n'avait  pas  dissimulé  que  sa  pièce 
était  sortie  d'une  pièce  espagnole  comme  l'oiseau  sort  de  son  œuf. 
L'auteur  espagnol  était  Don  Augustin  de  Moreto ,  et  sa  comédie  en 
trois  journées  est  intitulée  No  puede  ser  [Cela  ne  peut  être).  L'avo- 
cat et  littérateur  Linguet,  qui  en  avait  publié  la  traduction  vers  1770, 
l'avait  intitulée  :  La  chose  impossible,  ce  qui  rendait  assez  heureuse- 
ment le  titre  original.  La  chose  impossible,  c'est  de  contraindre  l'in- 
clination d'une  fille,  de  lui  faire  épouser  Jean  quand  elle  veut  épouser 
Pierre,  et  de  la  retenir  à  la  maison  quand  elle  est  résolue  de  sortir. 
Dumaniant  ne  prit  guère  que  la  donnée  de  l'auteur  espagnol.  Il  chan- 
gea les  personnages,  les  caractères,  et  presque  tous  les  détails  de 
l'action.  Mais  après  avoir  fait  remarquer,  dans  sa  préface,  ces  modi- 
fications, il  ajoute  loyalement  :  «  Je  dois  convenir  que  sans  sa  pièce 
je  n'aurais  pas  fait  la  mienne.  » 

M.  Victorien  Sardou  et  son  collaborateur  ne  sont  pas,  sans  doute, 
moins  loyaux  que  Dumaniant,  et,  s'ils  ont  adopté  un  titre  nouveau, 
ce  n'était  pas  pour  donner  le  change  au  public.  Ils  ont  déplacé  la 
scène,  qui  était  à  Marseille,  et  qu'ils  ont  mise  dans  la  forêt  de  Saint- 
Germain.  Ils  ont  affublé  les  personnages  de  noms  plus  recherchés. 
Le  baron  de  Stan ville  est  devenu  baron  d'Hocquincourt  ;  Lucile,  sa 
nièce,  s'appelle  Diane  aujourd'hui ,  et  Lisette ,  Olivette ,  ce  qui  est 
plus  rare.  La  duègne  Nancy,  le  valet  de  chambre  l'Olive,  se  nomment 
Barbe  et  Calendrin.  Enfin  l'amoureux  marquis  de  Dorsan  est  trans- 
formé en  comte  Tancrède,  non  moins  amoureux,  mais  bien  plus  in- 
ventif, car  il  n'a  point  de  valet,  et  fait  ses  affaires  lui-même.  Il  faut 


tenir  compte  de  ce  progrès  du  théâtre  moderne  sur  le  théâtre  an- 
cien. Il  prouve  que  la  lutte  est  finie  pour  jamais  entre  la  noblesse 
et  la  roture.  Avant  la  révolution  ,  tout  gentilhomme  qui  entrait  en 
scène  était  invariablement  doublé  d'un  valet  dont  la  fonction  était 
d'avoir  de  l'esprit  pour  lui,  et  de  lui  fournir  des  idées.  C'était  une 
vengeance  à  l'usage  des  auteurs,  tous  roturiers.  Ecoutez  Boileau  par- 
lant de  Molière  : 

L'autre,  fougueux  marquis,  lui  déclarant  la  guerre. 
Voulait  venger  la  cour  immolée  au  parterre. 

MainteuaiU  qu'il  y  a  des  roluriers  à  la  cour,  — en  majorité  peut- 
être,  —  on  n'immole  plus  au  parterre  ni  ducs,  ni  marquis,  ni  vi- 
comtes ,  et  le  parterre  est  prêt  à  applaudir  tout  gentilhomme  qui 
montrera  de  l'esprit  ou- du  cœur.  Le  comte  Tancrède  de....  excusez- 
moi  de  n'avoir  retenu  que  son  prénom,  est  donc  bien  plus  intéres- 
sant que  le  marquis  de  Dorsan,  qui,  sans  Frontin,  ne  savait  rien  faire. 

M.  Victorien  Sardou  a  supprimé  encore  deux  autres  personnages 
secondaires.  En  revanche,  il  a  fait  comparaître  le  prétendu  choisi 
par  le  baron,  et  il  en  a  fait  un  duplicata  de  i\I.  de  Pourceaugnac. 
Son  chevalier  Ajax  de  Hautefeuille  vient  de  Carcassonne  au  lieu  de 
venir  de  Limoges  ;  mais,  à  cela  près,  c'est  le  même  type  :  ladre, 
gourmand,  poltron  et  sot.  Il  en  résulte  que  le  baron  d'Hocquincourt, 
qui,  après  l'avoir  vu,  s'obstine  à  l'imposer  à  sa  nièce,  n'est  plus 
lui-même  qu'un  sot,  un  Cassandre  extravagant  et  ridicule,  ce  qui 
mine  par  sa  base  la  donnée  de  la  pièce  :  les  deux  adversaires 
sont  de  force  trop  inégale.  Le  baron  est  trop  bête  pour  n'être  point 
battu,  et,  comme  l'a  si  bien  dit  un  des  plus  habiles  maîtres  dans 
l'art  de  l'intrigue  théâtrale. 

On  n'a  plus  ni  plaisir  ni  peine, 
Quand  les  dénoûments  sont  prévus. 

M.  Sardou  a  d'ailleurs  multiplié  les  incidents,  allées,  venues,  ap- 
paritions, disparitions,  cabinets,  paravents,  etc.,  etc.  Sa  pièce  est 
un  jeu  de  cache-cache  et  de  colin-maillard  continuel.  Il  ne  laisse 
pas  un  moment  de  repos  à  ses  personnages,  ni  aux  spectateurs,  que 
lasse  et  importune  à  la  fin  cet  excès  de  mouvement.  Ils  le  lui  ont 
prouvé  avec  une  franchise  qui  nous  dispense  évidemment  d'insister. 

Ce  qui  manque  surtout  dans  cet  arrangement  de  Guerre  ouverte, 
c'est  le  goût  et  la  mesure.  Nous  n'en  citerons  qu'un  exemple.  Dans 
la  pièce  originale,  le  baron  de  Stanville  explique  pourquoi  il  ne  craint 
pas  que  sa  nièce  s'évade.  «  J'ai  eu,  dit-il,  la  précaution  d'enlever 
toutes  ses  hardes.  »  M.  Victorien  Sardou  a  jugé  à  propos  ds  déve- 
lopper cette  idée.  II  installe  au  milieu  de  la  scène  sou  baron  d'Hoc- 
quincourt, qui  dit  à  la  suivante  Olivette  :  «  Que  fait  ta  maîtresse  ? 


122 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


—  Elle  est  malade,  monsieur,  elle  va  se  coucher,  elle  se  déshabille. 

—  Ah  !.. .  elle  se  déshabille  !  —  Oui,  monsieur,  elle  vient  d'ôler  sa 
modeste.  —  Sa  modeste?  qu'est-ce  que  cela?  —  Dame!  monsieur, 
cela  s'appelle  ainsi.  —  Eh!  bien,  va  me  chercher  cette  modeste.  (La 
soubrette  sort  par  la  droite,  et  rentre  aussitôt,  avec  une  pièce  de 
linge  qui  ressemble  assez  à  une  jupe.)  —  Et  maintenant  ?. . .  —  Elle 
vient  d'ôler  sa  discrète.  —  Apporte-moi  la  discrète.  (Même  jeu.)  — 
Oii  en  est-elle  à  présent?  —  A  la  friponne.  —  Je  veux  voir  aussi 
la  friponne.  »  Et  la  friponne  arrive,  comme  la  discrète  et  la  modeste. 
Hélas  !  le  public  n'a  point  paru  charmé  de  cette  littérature  de  blan- 
chisseuse. Décidément,  le  bon  goût  s'en  va,  et  nous  devenons  insen- 
sibles aux  attraits  de  la  belle  poésie. 

Sr.  Sardou  est  un  homme  d'esprit  et  d'imagination.  II  s'est  four- 
voyé celte  fois.  Mais  cet  accident,  auquel  tout  auteur  dramatique  est 
exposé,  n'ôte  rien  au  mérite  des  Ganaches  que  l'on  applaudit  si  jus- 
tement au  Gymnase.  M,  de  Vaucorbeil,  son  collaborateur  musical, 
s'était  fait  connaître  par  des  compositions  instrumentales  et  des  mor- 
ceaux de  salon  d'une  valeur  incontestable.  On  ne  peut  lui  refuser  ni 
la  science,  ni  l'originalité,  ni  la  hardiesse  harmonique.  On  avait  donc 
le  droit  d'attendre  beaucoup  de  lui.  On  a  été  un  peu  désappointé,  il 
faut  le  reconnaître.  Les  qualités  par  lesquelles  on  brille  au  salon  ne 
sont  pas  toujours  celles  qui  réussissent  au  théâtre.  Les  menus  dé- 
tails, les  finesses  harmoniques  se  perdent  à  distance ,  et  manquent 
leur  effet.  Il  y  a  une  perspective  pour  l'oreille  comme  pour  les  yeux. 
Il  faut  surtout  au  théâtre  de  grandes  lignes,  des  effets  vigoureux ,  et 
nous  offririons  volontiers  de  parier  qu'il  y  a  dans  l'orchestration  de 
Bataille  d'amour  quantité  de  petits  détails  fort  jolis  que  l'on  n'a 
point  aperçus.  Sous  ce  rapport,  le  mécompte  probablement  a  été  plus 
grand  encore  pour  le  compositeur  que  pour  le  public. 

M.  de  Vaucorbeil  mérite  un  reproche  plus  grave.  Le  livret  qui  luj 
avait  été  confié,  —  quels  que  soient  d'ailleurs  ses  défauts,  —  est  une 
des  pièces  les  plus  bouffonnes  qu'on  ait  jouées  depuis  longtemps  à 
rOpéra-Comique.  Sa  musique  est  triste.  L'amour  y  est  sentimental, 
mélancolique,  rêveur.  Les  emportements  du  baron,  qui  ne  lutte  après 
tout  que  pour  ne  pas  perdre  sa  gageure,  y  sont  aussi  violents  et  aussi 
sombres  que  les  fureurs  d'Othello.  A  la  fin  du  second  acte,  le  baron 
rassemble  les  domestiques,  valets,  laquais,  piqueurs,  veneurs,  cochers, 
cuisiniers,  marmitons,  les  arme  de  lanternes,  bâtons,  manches  à  balai, 
et  part  avec  eux  pour  faire  patrouille  dans  les  corridors ,  les  esca- 
liers, la  cour,  le  jardin.  Y  eut-il  jamais  scène  plus  digne  d'une  verve 
bouffonne  et  baroque?  M.  de  Vaucorbeil  a  pris  la  chose  au  sérieux, 
et  fait  chanter  à  ce  chœur  grotesque  un  hymne  guerrier  qui  con- 
viendrait parfaitement  à  une  armée  donnant  l'assaut  à  une  ville  de 
guerre.  Il  n'y  a  pas  d'ouvrage  qui  puisse  résister  à  de  tels  contre- 
sens. 

Ce  désaccord  entre  le  livret  et  la  partition  est,  selon  nous,  le  plus 
grand  reproche  qu'on  puisse  adresser  à  M.  de  Vaucorbeil.  On  doit 
certainement  le  blâmer  encore  d'abuser  de  la  modulation  au  point 
de  torturer,  de  défigurer  ses  mélodies,  et  de  se  rendre  trop  souvent 
inintelligi  le.  Cela  dit,  nous  ne  chercherons  plus  dans  son  ouvrage 
que  ce  que  l'on  peut  y  louer,  et  nous  signalerons  —  le  quatuor  du 
premier  acte  chanté  par  Diane,  Olivette,  Tancrède  et  Calendrin  caché, 
morceau  dont  l'harmonie  et  le  chant  ont  beaucoup  de  grâce;  —  l'air 
d'entrée  du  baron,  dont  le  rhythme  est  énergique;  —  un  passage 
très-bien  trouvé  du  duo  de  ce  baron  avec  le  comte  Tancrède,  sur  les 
quatre  vers  : 

Je  m'engage  formellement 

A  pénétrer  tranquillement, 

Commodément,  facilement. 

Jusque  dans  votre  appartement. 
Cette  fois,  M.  de  Vaucorbeil  a  oublié  l'orchestre   et  la  modulation. 
11  a  mis  là  une  mélodie  simple,  claire,  franche,  originale,  et,  chose 
inattendue  !  très-plaisante.  S'il  eût  continué  sur  ce  ton-là ,   il  aurait 


obtenu  un  prodigieux  succès.  Mais  ce  n'est  qu'un  éclair,  dont  la  lueur 
s'efface  avant  même  la  fin  du  duo.  Les  deux  adversaires,  après  ce 
petit  assaut  de  plaisanterie,  reprennent  tout  à  coup  leur  sérieux, 
froncent  le  sourcil,  enflent  leurs  voix,  font  des  gestes  de  matamores, 
se  bravent,  se  défient...  et  crient  aussi  fort  que  s'ils  allaient  tirer 
l'épée.  Et  alors,  adieu  l'esprit,  adieu  la  grâce,  adieu  la  raillerie  pi- 
quante, que  les  trombones  ne  remplacent  pas  ! 

Au  second  acte,  Diane  chante  un  air  qui  commence  à  merveille, 
et  qui  aurait  de  l'expression  et  de  la  couleur  s'il  ne  changeait  pas 
de  ton,  pour  ainsi  dire,  à  chaque  mesure.  Jamais  la  manie  des  modu- 
lations sans  but  et  sans  effet  n'avait  été  poussée  jusque-là.  N'est-il 
pas  affligeant  de  voir  ainsi  gâter,  comme  à  plaisir,  une  idée  agréable, 
qui,  mieux  développée,  aurait  pu  devenir  charmante? 

Au  troisième  acte,  le  baron  contraint  Olivette  à  chanter  une  chan- 
son qui  doit  attirer  le  comte  Tancrède  dans  le  piège  qui  lui  est  tendu. 
Cette  chanson  est  naturellement  écrite,  simple,  mélodieuse,  bien 
tournée,  bien  accompagnée.  Elle  prouve  donc  que  M.  de  Vaucorbeil 
fera  de  la  musique  agréable  aussitôt  qu'il  le  voudra.  Il  faut  seulement 
pour  cela  qu'il  abdique  ses  prétentions  à  l'imprévu,  à  l'extraordinaire, 
qu'il  écrive  ses  idées  telles  que  le  bon  Dieu  les  lui  envoie,  sans  les 
alambiquer,  sans  les  torturer,  et  qu'il  comprenne,  une  fois  pour 
toutes,  que  les  compositeurs  les  plus  originaux  sont  ceux  qui  ont  le 
moins  cherché  à  l'être. 

MM.  Montaubry  et  Crosti  jouent  et  chantent  fort  bien  les  deux 
rôles  de  Tancrède  et  du  baron.  Mlle  Baretti,  Mlle  Bélia ,  sont  très- 
agréables  dans  ceux  de  Diane  et  d'Olivette,  et  l'on  n'a  que  du  bien 
à  dire  de  Mlle  Révilly,  de  M.  Sainte-Foy  et  de  M.  Nathan.  Bref, 
l'administration  et  les  exécutants  ont  fait  pour  cet  ouvrage  tout  ce 
qu'ils  pouvaient  faire.  Mais  il  aurait  fallu  que  l'ouvrage  s'aidât  lui- 
même  un  peu  mieux. 

LÉON  DUROCHER. 


SOCIËTË  DES  CONCERTS  DE  CHANT  CL&SSIQUE. 

Fondation  Beanlieu  (i°  année). 

L'institution  fondée  par  M.  Beaulieu  a  fait  un  grand  pas  cette  année. 
On  sait  qu'elle  a  pour  but  de  remettre  en  lumière  les  chefs-d'œuvre 
de  chant  religieux  et  du  chant  dramatique  oubliés  ou  complètement 
ignorés  de  la  génération  actuelle.  Voulant  la  doter  d'une  partie  de  sa 
fortune  pour  en  assurer  à  jamais  la  durée ,  le  fondateur  n'a  trouvé 
d'autre  moyen  que  d'établir  une  Société  capable  d'accepter  ses  dons, 
et  la  Société  est  déjà  formée.  Elle  compte  plus  de  cent  adhérents, 
dont  la  cotisation,  ne  pouvant  dépasser  10  francs  et  ne  s'élevant  pour 
cette  année  qu'à  7  fr.  50  c,  donne  droit  à  un  certain  nombre  de 
billets  qui  en  excèdent  la  valeur  et  la  remboursent  avec  usure.  Du 
reste,  les  statuts  sont  là  et  répondent  à  toutes  les  questions  possibles. 

Le  concert  donné  mardi  dernier  dans  la  salle  Herz  avait  attiré  un 
auditoire  beaucoup  plus  nombreux  que  les  trois  précédents  :  pas  une 
place  n'était  demeurée  vacante,  et  l'exécution  du  programme  a  par- 
faitement répondu  à  ce  qu'on  devait  s'en  promettre.  La  soirée  com- 
mençait par  un  offertoire  de  Michel  Haydn,  frère  de  l'illustre  Joseph  ; 
à  ce  morceau,  d'une  allegria  plus  mondaine  que  religieuse,  succédait 
un  air  de  Samson,  de  Haendel,  fort  bien  chanté  par  M.  Paulin,  et  un 
Salve  Regina,  dit  parle  chœur,  sans  accompagnement,  avec  une  jus- 
tesse irréprochable.  Mme  Simon-Corradi ,  MM.  Paulin  et  Marié  se 
mêlaient  au  chœur  dans  les  fragments  du  26"=  psaume  de  Marcello. 
L'octuor  de  Beethoven  ayant  été  forcément  remplacé  par  un  char- 
mant quinfetto  de  Reicha,  MM.  Dorus,  Triébert,  Jauncourt,  Leroy  et 
Baneux  en  ont  supérieurement  joué  les  parties  de  flûte,  hautbois, 
basson,  clarinette  et  cor.  Personne  n'a  donc  pu  que  se  louer  du 
morceau  et  applaudir  les  artistes. 

L'Ave  verum,  d'Halévy,  par  lequel  s'ouvrait  la  seconde  moitié  du 


DE  PARIS. 


123 


concert,  est  une  belle  composition  d'un  style  élevé,  d'une  facture 
large,  où  le  chant  se  partage  entre  les  deux  voix  de  femmes,  et  se 
meut  sans  effort  au  milieu  du  chœur.  Les  deux  femmes  étaient 
Mmes  Vandenheuvel-Duprez  et  Simon-Corradi.  La  première  de  ces 
cantatrices  n'a  jamais  été  plus  en  voix  que  dans  ce  moment  :  elle  l'a 
prouvé  par  la  manière  dont  elle  a  rendu  un  air  de  l'Armide  de 
Gluck  et  le  Porgi  amor  des  Nozze  di  Figaro,  de  Mozart.  Quant  à 
Mlle  Simon-Corradi,  elle  sera  bientôt  une  de  nos  meilleures  canta- 
trices de  théâtre  et  de  concert.  Battaille,  fidèle  à  son  poste  et  à 
son  drapeau,  s'est  distingué  dans  un  air  de  Mozart  et  des  fragments 
du  Paulus  de  Mendelssohn.  Dans  le  Spiiio  di  Dio  de  Lotti,  mor- 
ceau qui  se  chantait  sur  le  Bucentaure  pour  le  mariage  des  doges  avec 
la  mer  Adriatique,  on  a  remarqué  d'heureuses  dispositions  de  voix  et 
des  effets  de  sonorité  qui  auraient  été  encore  plus  saisissants  en  plein 
air  ou  dans  une  plus  vaste  enceinte.  M.  Marié  conduisait  les  chœurs, 
et  M.  Deloffre  l'orchestre,  dans  celte  soirée,  dont  l'influence  sera 
des  plus  fa  vorables  à  l'intéressante  fondation  de  M.  Beaulieu. 

P.  S. 


CONCERT  DE  M.  ACHILLE  DIEN. 

Jeudi  dernier,  un  public  nombreux  et  sympathique  s'était  réuni 
dans  les  salons  Erard  pour  assister  au  concert  intéressant  donné  par 
un  violoniste  d'un  talent  souple  et  distingué,  M.  Achille  Dien.  Il  s'a- 
gissait d'entendre  deux  nouvelles  compositions  de  M.  Henri  Reber, 
dont  on  regrette  le  silence  au  théâtre,  et  qui  semble  ne  vouloir  plus 
s'occuper  que  de  musique  instrumentale. 

La  séance  a  commencé  par  le  joli  trio  en  sol  mineur,  aussi  de 
M.  Reber,  exécuté  par  MM.  Saint-Saëns,  Dien  et  Batta,  et  pour  le- 
quel je  renvoie  le  lecteur  à  l'analyse  que  j'en  ai  donnée  dans  ce 
journal  (1).  Puis  venait  le  Chant  de  Mignon,  l'une  des  deux  nouvel- 
les compositions  du  maître  estimé,  écrite  par  lui  sur  les  jolies  stro- 
phes que  M.  X.  Marmier  a  imitées  de  l'auteur  de  Faust  et  de  Wer- 
ther. Cette  mélodie,  pleine  de  tendresse,  de  charme  et  de  sim- 
plicité, est  limpide  dans  sou  style  comme  l'azur  d'un  beau  ciel. 
Mlle  Andréa  Favel,  que  nous  avons  entendue  il  y  a  quelques  années 
à  rOpéra-Comique,  a  chanté  cette  petite  pièce  charmante  avec  une 
émotion  contenue  et  tout  à  fait  heureuse.  On  a  entendu  ensuite  une 
Tarentelle  de  M.  Saint-Saëns,  pour  flûte,  clarinette  et  piano;  ce  mor- 
ceau, d'une  facture  très-distinguée  et  auquel  je  ne  reprocherai  que  son 
titre,  qui  ne  me  semble  pas  suffisamment  justifié,  renferme  de  jolies 
pensées  mélodiques  et  est  très-bien  écrit  pour  les  trois  instruments. 
D  a  reçu  un  excellent  accueil,  dû  en  partie  à  la  perfection  avec  la- 
quelle il  a  été  exécuté  par  MM.  Dorus,  Leroy  et  Saint-Saëns,  trois 
virtuoses  d'un  talent  exceptionnel. 

Après  le  joli  air  du  Père  Gaillard,  chanté  avec  goût  par  Mlle  An- 
dréa Favel,  qui  en  a  surtout  bien  enlevé  la  strette  verveuse  et  char- 
mante : 

Vive  du  village 
La  simplicité... 

est  venue  la  délicieuse  sérénade  inédite  (en  ré  majeur)  de  M.  Reber, 
œuvre  d'une  exquise  élégance,  divisée  en  quatre  morceaux  :  un  alle- 
gro à  deux  temps,  vif,  léger  et  charmant  ;  un  andante  avec  sourdi- 
nes, inspiration  d'une  grâce  et  d'une  tendresse  adorables,  qui  a 
tellement  séduit  l'auditoire  qu'il  l'a  spontanément  redemandé}  un 
allegretto  peu  développé,  mais  d'un  charme  piquant  et  singu- 
lier; enfin  un  finale  chaud,  vigoureux  et  coloré,  dans  lequel 
une  sorte  de  récit  dialogué  entre  les  trois  instruments  amène  ['al- 
legro, dont  la  coupe  très-franche  et  très-originale,  le  rhythme  volon- 
taire et  persistant  produisent  l'effet  le  plus  heureux.  Ce  morceau  a 

(Il  1S53,  n"  1. 


été  exécuté  d'une  façon  merveilleuse  par  MM.  Dien,  Batta  et  Saint- 
Saëns.  M.  Dien,  que  je  regrette  d'entendre  très-rarement  en  public, 
est  un  artiste  de  race,  un  violoniste  de  style,  au  son  pur,  au  jeu  bril- 
lant, au  style  à  la  fois  sobre  et  coloré,  qui  sait  interpréter  avec  dis- 
tinction et  une  rare  élégance  les  œuvres  qu'il  présente  au  public. 
M.  Heber  n'eût  pu  mieux  choisir  pour  l'exécution  des  deux  mor- 
ceaux importants  de  musique  instrumentale  que  nous  avons  entendus 
dans  cette  admirable  soirée.  Quant  à  MM.  Batta  et  Saint-Saëns,  je 
n'ai  pas  besoin  de  m'appesantir  sur  leurs  excellentes  qualités,  qualités 
qui  sont  appréciées  depuis  longtemps  à  leur  juste  valeur  par  le  public 
dilettante  et  connaisseur. 

La  soirée  s'est  terminée  pnr  une  excellente  exécution  de  l'Hymne 
d'Haydn  pour  deux  violons,  alto  et  violoncelle,  par  MM.  Dien,  Faure, 
Defrance  et  Batta. 

Arthur  POUGIN. 


CORRESPONDANCE. 

Monsieur  le  Directeur, 

Je  viens  vous  demander  l'hospitalité  pour  ces  quelques  lignes,  des- 
tinées à  repousser  le  reproche  de  sacrilège  qui  m'est  fait  par  le  journal 
la  France  musicale  au  sujet  du  fragment  des  Sept  Paroles  exécuté  à  mon 
concert  du  vendredi  saint.  Je  laisse  d'ailleurs  à  Haydn  le  soin  de  ré- 
pondre lui-même  par  une  lettre  bien  connue  de  tous  les  musiciens,  et 
que  M.  Escudier  n'aurait  pas  dû  ignorer. 
Veuillez   agréer,  etc. 

Pasdei.oup. 

—  «  Un  chanoine  de  Cadix  me  pria,  il  y  a  environ  quinze  ans,  de 
mettre  en  musique  les  Sept  Paroles  de  Jésus  sur  la  croix. 

i>  Tous  le^  ans,  pendant  le  carême,  on  avait  l'ha'jitude  dans  la  cathé- 
drale de  Cadix  de  dire  un  oralwio,  dont  les  apprêts  suivants  ne  devaient 
pas  peu  contribuer  à  augmenter  l'effet  :  on  couvrait  les  murailles,  les 
croisées  et  les  piliers  de  l'église  d'une  tenture  noire  ;  une  lampe  sus- 
pendue au  milieu  de  la  nef  éclairait  seule  l'obscurité  des  saintes  té- 
nèbres ;  à  midi,  on  fermait  toutes  les  portes,  et  la  musique  commençait. 
Après  l'introduction,  l'évêque  montait  en  chaire,  et  prononçait  une  des 
sept  Paroles,  dont  il  faisait  le  texte  de  son  instruction.  Il  descendait 
ensuite  pour  aller  se  prosterner  au  pied  de  l'autel,  alors  l'orchestre  se 
faisait  entendre.  Pour  chaque  Parole,  l'évoque  montait  et  descendait,  et 
chaque  fois  l'orchestre  exécutait  la  musique  relative  à  la  Parole  dite  en 
chaire. 

1)  On  avait  assigné  des  bornes  à  ma  composition.  Pour  ne  pas  fatiguer 
l'auditoire,  chacun  des  sept  adagio  ne  devait  durer  que  dix  minutes. 
Je  m'aperçus  bientôt  que  cette  condition  était  difficile  à  remplir,  et  que 
je  ne  pouvais  me  renfermer  exactement  dans  l'espace  de  temps  pres- 
crit. La  musique  était  d'abord  sans  paroles;  c'est  ainsi  qu'elle  a  été 
imprimée.  Plus  tard,  on  m'a  prié  d'y  joindre  le  texte,  et  maintenant 
les  Sept  Paroles  du  Sauveur  sur  la  croix,  formant  un  ouvrage  complet  et 
tout  nouveau  sous  le  rapport  de  la  partie  vocale,  se  trouve  pour  la  pre- 
mière fois  chez  MM.  Breitkopf  et  Hœrtel,  à  Leipzig. 

»  La  bienveillance  avec  laquelle  les  connaisseurs  accueillent  cet  ou- 
vrage me  donne  lieu  d'espérer  qu'il  ne  manquera  pas  son  effet  dans  le 
reste  du  public. 

»  Joseph  Haydn. 

!)  Vienne,  mars  1801.   » 


Le  Moniteur  vient  de  donner,  à  la  suite  du  remarquable  rapport 
de  S.  Exe.  le  comte  Walewski,  le  texte  du  projet  de  loi  relatif  à  la 
propriété  littéraire  et  artistique.  Nous  en  extrayons  les  principaux 
articles,  et  nous  nous  proposons  de  les  examiner  au  point  de  vue  du 
commerce  de  musique,  qu'on  n'a  aucunement  distingué  de  celui  de 
la  librairie,  et  qui  deviendrait  impraticable  si  des  modifications  à 
cet  égard  n'étaient  pas  introduites  dans  le  projet  de  loi. 

Projet  de  loi  Mur  la  propriété  tiUérairc   et  arlIMique. 

Art.  1".  —  La  propriété  littéraire  et  ar-tistique  est  le  droit,  pour  les 
auteurs,  compositeurs  et  artistes  ou  leurs  ayants  cause,  de  disposer  et 


in 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALK 


d'user   à   perpétuité  de  leurs  œuvres,  conformément  aux  distinctions 
établies  dans  les  articles  suivants. 

Elle  s'acquiert  et  se  transmet  par  les  manières  énoncées  dans  les  ar- 
ticles 711  et  712  du  Code  Napoléon. 

Art.  2.  —  Les  auteurs,  compositeurs  et  artistes  ont  le  droit  personnel 
et  exclusif  de  publier  leurs  œuvres,  de  les  reproduire  ou  faire  repro- 
duire, de  les  exposer  ou  faire  représenter  en  public,  en  employant  les 
procédés  appropriés  à  chaque  espèce  d'ouvrages. 

Art.  3.  —  A  la  mort  de  l'auteur,  son  droit  est  dévolu  à  ses  héritiers, 
à  son  conjoint  ou  à  -ses  légataires,  conformément  aux  règles  du  droit 
civil. 

La  durée  des  droits  des  héritiers,  du  conjoint  ou  des  légataires,  est 
fixée  à  cinquante  ans,  à  compter  du  décès  de  l'auteur. 

La  même  durée  est  assurée  aux  droits  que  l'auteur  a  pu  conférer, 
de  son  vivant,  à  des  donataires  ou  cessionnaires. 

Art.  4.'" —  A  l'expiration  de  la  période  de  cinquante  ans  fixée  par  l'ar- 
ticle précédent,  toute  personne  peut  publier,  reproduire,  faire  repro- 
duire, exposer  ou  faire  représenter  les  œuvres  d'un  auteur,  d'un  com- 
positeur ou  d'un  artiste,  à  la  charge  de  payer  à  ses  ayants  cause  une 
redevance  prélevée  sur  le  produit  des  publications  ou  reproductions, 
sous  quelque  forme  on  par  quelque  procédé  qu'elles  aient  lieu. 

Art.  5.  —  La  redevance  établie  par  l'article  précédent  est  fixée  à  5  0/0 
du  prix  fort  de  tous  les  exemplaires  ou  objets  compris  dans  chaque  édi- 
tion, publication  ou  reproduction  d'une  œuvre  littéraire  ou  artistique. 

Elle  est  fixée  sur  les  recettes  provenant  de  la  représentation  d'œu- 
vres  dramatiques  ou  de  l'exécution  d'œuvres  musicales,  à  la  moitié  des 
droits  attribués  aux  auteurs  vivants; 

Sauf  le  droit  jjour  les  parties  de  modifier  ces  bases  par  leurs  conven- 
tions. 

Art.  6.  —  Quiconque  veut  user  de  la  faculté  accordée  par  l'article  4 
ci-dessus  est  tenu  d'annoncer  la  publication  qu'il  se  propose  de  faire, 
dans  la  forme  prescrite  par  l'article  26  ci-après. 

Art.  7.  —  Au  cas  de  mariage,  le  droit  de  propriété  littéraire  et  ar- 
tistique reste  propre  à  l'auteur. 

Art.  16.  —  Le  compositeur  d'une  œuvre  musicale  et  l'auteur  des  pa- 
roles qui  l'accompagnent  ont,  à  moins  de  conventions  contraires,  des 
droits  égaux  sur  l'œuvre  commune. 

Art.  21.  —  Avant  toute  publication  ou  reproduction  d'une  œuvre  lit- 
téraire ou  artistique,  la  déclaration  doit  en  être  faite,  à  Paris,  au  mi- 
nistère de  l'intérieur,  et  dans  les  départements,  au  secrétariat  général 
de  la  préfecture. 

Le  procès-verbal  de  la  déclaration  est  inscrit  sur  un  registre  spécial. 

Une  expédition  des  procès-verbaux  faits  dans  les  départements  est 
transmise  au  ministre  de  l'intérieur  dans  les  cinq  jours  de  leur  date. 

Cette  déclaration  doit  énoncer  les  nom,  prénoms  et  domicile  de  celui 
qui  la  fait,  les  nom ,  prénoms  et  domicile  de  l'auteur,  sauf  les  cas  où 
il  s'agit  d'ouvrages  anonymes  ou  pseudonymes. 

Elle  doit  indiquer  le  titre  ou  contenir  la  désignation  ou  la  description 
de  l'œuvre  et  faire  connaître  le  procédé  de  publication  ou  de  reproduc- 
tion, le  nombre  des  exemplaires  ou  des  objets  compris  dans  la  publica- 
tion ou  reproduction,  et  enfin  leur  prix. 

Si,  postérieurement  k  la  déclaration  ci-dessus  prescrite,  une  modifica- 
tion est  apportée  soit  au  nombre,  soit  au  prix  des  exemplaires,  il  sera 
fait  une  nouvelle  déclaration  indiquant  le  nombre  et  le  prix  qui  auront 
été  définitivement  arrêtés. 

Lorsqu'il  sera  fait  plusieurs  tirages  successifs,  chacun  sera  l'objet 
d'une  déclaration  particulière. 

Art.  22.  —  A  défaut  de  déclaration  de  la  part  de  l'auteur  ou  de  ses 
ayants  cause,  conformément  à  l'article  précédent,  ils  sont  non  rece- 
vables  à  exercer  en  justice  les  droits  qui  leur  sont  conférés  par  la  pré- 
sente loi. 

Art.  23.  —  Aucun  acte  entre  vifs,  à  titre  onéreux  ou  à,  titre  gratuit 
opérant  transmission  totale  ou  partielle,  temporaire  ou  perpétuelle,  d'une 
propriété  littéraire  ou  artistique,  n'est  valable  à  l'égard  des  tiers  qu'après 
avoir  été  déclaré  et  transcrit  à  Paris,  au  ministère  de  l'intérieur,  et 
dans  les  départements,  au  secrétariat  général  de  la  préfecture. 

Art.  26.  —  Toute  personne  qui  veut  user  de  la  faculté  accordée  par 
l'article  4  ci-dessus,  est  tenue  d'annoncer  la  publication  qu'elle  se  pro- 
pose de  faire,  par  un  avis  inséré  dans  le  Moniteur,  dans  le  Journal  de  la 
Librairie  et  dans  un  journal  publié  au  chef-lieu  du  département  de  son 
domicile. 

Cet  avis  doit  contenir  l'indication  de  l'ouvrage,  le  nom  de  l'auteur,  le 
mode  de  publication,  les  nom,  prénoms,  profession  et  domicile  de  celui 
qui  se  propose  de  faire  la  publication. 

Il  est  renouvelé  deux  fois,  de  mois  en  mois. 

Art.  36.  —  Les  œuvres  littéraires  et  artistiques  publiées  à  l'étranger 
profitunt  des  dispositions  de  la  présente  loi,  à  la  charge,  par  les  auteurs, 
compositeurs  ou  artistes,  de  remplir  les  obligations  qu'elles  imposent,  et 
de  se  conformer  aux  stipulations  des  traité.i  conclus  avec  la  nation  sur 
le  territoire  de  laquelle  a  eu  lieu  la  publication. 


BEVUE  DES  THEATRES. 

Poivte-Saiint-Martiiv  :  Reprise  de  Bon  Juan  de  Marana,  drame  en 
cinq  actes  et  quatorze  tableaux ,  par  M.  Alexandre  Dumas.  — 
Ambigu-Comique  :  l'Otage^  drame  en  cinq  actes  et  six  tableaux, 
avec  prologue,  par  M.  Thomas  Sauvage. 

Les  morts  vont  vite,  dit  la  ballade;  et  cela  est  si  vrai  que  nous 
avons  peine  à  égaler  leur  allure.  Nous  n'en  devons  pas  moins  une 
mention  très-honorable  à  la  dernière  reprise  de  la  Porte-Saint-Mar- 
lin,  qui,  d'ailleurs  n'est  sans  doute  pas  définitivement  enterrée. 

Quoique  Don  Juan  de  Marana  n'ait  pas  obtenu,  lorsqu'il  fut  joué 
en  1836,  un  de  ces  succès  qui  font  époque,  comme  Antony  ou  la 
Tour  de  Nesle,  il  n'en  a  pas  moins  laissé  une  trace  considérable  dans 
les  souvenirs  de  ses  contemporains.  Le  grand  tort  de  ce  drame , 
qu'aucun  art,  quelque  admirable  qu'il  fût,  ne  pouvait  dissimuler,  était 
de  venir  après  son  homonyme,  un  chef-d'œuvre  de  Molière.  Certes, 
les  deux  Don  Juan  ont  entre  eux  des  différences  faciles  à  constater. 
Les  événements ,  les  personnages  au  milieu  desquels  ils  existent 
et  agissent,  ne  sont  pas  les  mêmes  ;  la  terreur  et  le  fantastique  oc- 
cupent exclusivement,  chez  l'un,  la  place  qui,  chez  l'autre,  est  cédée 
à  la  comédie;  mais,  au  fond,  le  héros  de  Molière  et  celui  d'Alexandre 
Dumas,  issus  d'origines  à  peu  près  semblables,  ont  un  air  de  famille 
qui  domine  tout  le  reste.  Don  Juan  de  Marana,  comme  l'autre  don 
Juan,  est  un  type  achevé  de  tous  les  vices,  sous  un  vernis  d'orgueil 
intrépide  et  de  séduisante  allraclion.  Cuirassé  d'athéisme,  il  ne  craint 
ni  le  ciel  ni  l'enfer,  et  il  faut  que  les  morts  sortent  de  leurs  tombes 
pour  qu'il  s'incline  terrassé  devant  un  Dieu  vengeur.  Don  Sandoval 
est  pour  lui  la  statue  du  commandeur.  Nous  ne  pousserons  pas  plus 
loin  la  recherche  de  l'analogie  ;  elle  est  flagrante,  et  elle  explique, 
selon  nous,  la  tiédeur  de  l'accueil  fait,  dans  sa  nouveauté,  à  la  pièce 
d'Alexandre  Dumas. 

Ce  précédent  redoutable  n'a  pas  effrayé  le  directeur  actuel  de  la 
Porte-Saint-Martin ,  qui  a  sans  doute  pensé  qu'en  entourant  Don 
Juan  de  Marana  de  tout  l'éclat  d'une  mise  en  scène  qui  lui  avait 
manqué  en  partie  au  temps  d'Harel,  il  triompherait  de  toutes  les  pré- 
ventions, et,  en  cela,  nous  ne  pouvons  que  le  plaindre  de  s'être 
trompé.  La  pièce  primitive  avait  pourtant  subi  quelques  remanie- 
ments, opérés  avec  discrétion  par  M.  Méry,  d'après  l'autorisation 
formelle  d'Alexandre  Dumas.  On  y  avait  en  outre  introduit  des  bal- 
lets et  du  chant  qui  n'existaient  pas  autrefois.  Et,  à  ce  propos,  fé- 
licitons M.  Amédée  Arlus  qui,  chargé  de  la  musique  des  quatre 
premiers  actes,  s'est  distingué  dans  l'orgie  du  lever  de  rideau 
et  dans  le  Boléro  de  Grenade,  un  merveilleux  ballet  dansé  par 
Mlle  Mariquilta  et  par  une  foule  de  charmantes  danseuses  dont 
les  pas  sont  accompagnés,  comme  dans  Guillaume  Tell,  par  la  voix 
de  M.  John  Max  et  par  un  chœur  d'élèves  du  Conservatoire.  La  mu- 
sique du  cinquième  acte,  dont  le  fantastique  rappelle  celui  de  la 
Nonne  sanglante,  est  due  à  M.  Debillemont,  qui  a  su  trouver  d'ori- 
ginales et  émouvantes  inspirations  pour  son  Bal  des  Spectres. 

Mais  à  quoi  bon  insister  sur  cette  reprise ,  si  ce  n'est  pour  espérer 
que  le  talent  déployé  par  Mélingue  et  Mlle  Périga,  ainsi  que  la  ma- 
gnificence des  décorations  el  des  costumes  n'auront  pas  été  dépen- 
sés en  pure  perte., 

—  Il  paraît  qu'une  loi  révolutionnaire  (Dieu  sait  le  nombre  des  lois 
et  décrets  édictés  par  la  Révolution  !)  autorisait  les  représentants  du 
pouvoir,  en  cas  de  troubles  dans  un  déparlement,  à  prendre  des 
otages  dans  les  familles  des  ci-devant  nobles,  comme  garantie  de  la 
tranquillité  publique.  C'est  sur  cette  loi  qu'est  basé  l'intérêt  du  nou- 
veau drame  de  l'Ambigu.  Le  citoyen  Bergerac,  envoyé  en  Bretagne 
par  le  Directoire,  fait  la  rencontre  de  deux  jeunes  personnes  dans  la 
diligence  qui  part  de  la  cour  du  Plat-d' Etain.  L'une  d'elles  est 
la  fille  du  marquis  de  Monbarrois,  forcé  de  fuir  à  l'étranger  ;  l'autre 
est  la  sœ.ur  de  lait  de  la  première.  Bergerac,  trompé  par  certaines 


DE  PARIS. 


125 


apparences,  adresse  ses  vœux  à  la  seconde,  qu'il  prend  pour  la  riche 
héritière  des  Montbarrois,  et,  arrivé  à  sa  destination,  il  la  force  de 
le  suivre,  en  vertu  de  la  loi  des  otages.  Madeleine  Morel,  cédant  aux 
plus  mauvais  instincts,  se  garde  bien  de  le  désabuser  avant  de  l'avoir 
complètement  subjugué.  Ce  point  acquis ,  Bergerac  et  sa  digne 
femme  s'entendent  à  merveille  pour  essayer  de  dérober  à  Octavie  de 
Montbarrois  un  trésor  caché  dans  les  caveaux  de  ses  ancêtres;  puis, 
ayant  échoué  dans  ce  beau  projet  par  suite  du  retour  inattendu  du 
vieux  marquis,  ils  prennent  le  parti  beaucoup  plus  radical  de  faire 
assassiner  le  père  et  d'empoisonner  la  fille.  Est-il  besoin  de  dire  que, 
selon  l'antique  usage,  le  crime  est  puni  et  la  vertu  reçoit  sa  récom- 
pense? M.  Thomas  Sauvage,  auteur  de  plusieurs  bons  livrets  d'opéras- 
comiques,  nous  semble  moins  habile  à  amener  des  péripéties  drama- 
tiques que  des  situations  musicales.  Néanmoins,  l'Otage  a  réussi,  et 
nous  avons  la  conviction  qu'il  fournira  une  honorable  carrière. 

D.  A.  D.  SAINT- YVES. 


Le  défaut  d'espace  nous  force  à  renvoyer  au  numéro  prochain,  le 
compte  rendu  de  la  première  soirée  de  Thalberg  et  celui  des  concerts 
de  la  première  quinzaine  d'avril. 


NOUVELLES. 


***  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  dimanche  le  Trouvère  et 
h  Diable  à  quatre,  dansé  par  Mlle  Vernon  et  Mme  Zina-Merante.— Lundi, 
Guillaume  Tell;  le  ténor  Villaret,  encore  indisposé,  a  dû  réclamer  l'in- 
dulgence du  public.  —Mercredi,  la  Muette  avait  rempli  la  s^lle.  —Ven- 
dredi, la  Favorite  et  Grauosa.  —  Aujourd'hui  dimanche,  par  extraor- 
dinaire, la  Muette. 

^*^  Mardi  dernier,  pendant  la  répétition  du  Comte  Ory,  M.  Borohardt, 
chargé  du  rôle  de  Raimbaud,  est  tombé,  en  entrant  sur  la  scène,  frappé 
par  une  attaque  d'apoplexie.  Tous  les  secours  ont  été  inutiles  et  il  a 
expiré  dans  la  soirée.  Borohardt  n'était  âgé  que  de  trente-cinq  ans  ;  avant 
d'entrer  à  l'Opéra,  il  s'était  fait  applaudir  sur  les  principales  scènes  de 
province. 

»**  Dulaurens  qnitte,  dii-on,  l'Opéra  pour  faire  partie  de  la  troupe 
du  grand  théâtre  de  Lyon. 

**^  Un  journal  annonce  que  M.  Delibes,  l'auteur  des  Deux  vieilles  gardes 
et  autres  opérettes,  accompagnateur  au  théâtre  Lyrique,  passe  en  cette 
qualité  au  théâtre  de  l'Opéra,  et  qu'il  est  remplacé  au  théâtre  Lyrique 
par  M.  Mangin,  lauréat  du  Conservatoire. 

»%  La  Patrie  donnait  au  sujet  de  la  construction  du  nouvel  Opéra, 
la  nouvelle  qu'un  prêt  de  12,000,000  de  francs  avait  été  proposé  à  l'ad- 
ministration de  la  ville  de  Paris  par  la  Compagnie  immobilière,  à  la 
condition  que  les  travaux  seraient  achevés  en  une  année. 

***  La  Dame  blanche  continue  à  être  donnée  avec  grand  succès  au 
théâtre  de  l'Opéra-iJomique. 

**a,  La  partition  de  la  Déesse  et  le  Berger  vient  de  trouver  un  acqué- 
reur aussi  généreux  qu'imprévu  dans  la  personne  d'une  dame  fort  riche, 
qui  a  donné  6,C00  fr.  au  jeune  compositeur,  et  qui  fait  graver  et  publier 
l'œuvre  à  ses  frais.  C'est  là  certes  un  événement  heureux  pour  M. 
Duprato,  et  dont  nous  le  félicitons  sincèrement;seuiement,ilestf;icheux, 
ainsi  que  le  fait  remarquer  sensément  un  de  nos  confrères,  que  quel- 
ques journaux,  en  mentionnant  ce  fait,  aient  cru  devoir  ajouter  que  le 
Mécène  féminin  qui  a  surgi  si  inopinément  vengeait  ainsi  le  compositeur 
méconnu  de  V indifférence  des  éditeurs  qui,  si  dédaigneux  hier,  regretteront 
aujourd'hui  de  l'avoir  été.  C'est  une  erreur  de  croire  que  les  éditeurs  ne 
soient  pas  toujours  disposés  à  acquérir  une  œuvre  dont  ils  ont  conçu  une 
bonne  opinion,  et  les  compositeurs  ne  doivent  souvent  les  déceptions 
qu'ils  subissent  qu'à  des  exigences  déraisonnables.  Si,  comme  cela  pa- 
rait être,  M.  Duprato  avait,  la  veille  de  la  représentation,  rejeté  bien 
loin  l'offre  de  ces  mêmes  6,000  francs,  qui  lui  était  faite  par  un  h<ino- 
rable  éditeur  de  Paris,  sa  déconvenue  du  lendemain  n'a  rien  d'étou- 
naut,  et  l'éditeur  en  question  a  dû  se  féliciter  grandement  de  n'avoir 
pas  été  pris  au  mot. 

1^*^  La  représentation  au  bénéfice  des  petits  enfants  Rameau  a  atteint 
le  chiffre  de  M  ,000  francs.  Peu  s'en  est  fallu  qu'elle  n'allât  pas  à  sa 
destination.  Un  créancier  du  père  des  bénéficiaires  l'avait  frappée  d'op- 
position; mais  une  ordonnance  de  référé,  rendue  par  te  président  du 
tribunal  Je  première  instance,  attendu  la  nature  alimentaire  de  cette 


représentation,  a  débouté  le  créancier  de  son  opposition  et  a  autorisé 
le  directeur  du  théâtre  de  l'Opéra-Comique  à  en  payer  le  montant  net 
entre  les  mains  et  sur  la  quittance  du  sieur  Couvert-Rameau ,  adminis- 
trateur et  tuteur  des  biens  de  ses  enfants  mineurs. 

,j%  La  représentation  donnée  au  bénéfice  de  M.  Ferville  au  Gymnase 
a  produit  11,280  francs.  Leurs  Majestés  Impériales  y  assistaient,  et  quoi- 
qu'elle ait  fini  à  près  de  2  heures  du  matin,  l'Empereur  n'a  pas  voulu 
quitter  sa  loge  avant  la  fin.  La  partie  musicale  était  confiée  à 
M.  et  Mme  Gueymard,  Mme  G.  Grisi,  Mlle  Marimon,  qui  a  fort  bien 
chanté,  accompagnée  par  le  violon  de  Sarasate,  l'air  du  Pré  aux  clercs, 
et  A.  Poultier,  Sainte  Foy  et  Eerthelier.  Ferville  est  âgé  de  soixante-dix- 
huit  ans.  Son  père  était  directeur  de  théâtre  et  le  jeune  Ferville  débuta, 
à  l'âge  de  douze  ans,  comme  violoniste  au  théâtre  Louvois.  Son  engage- 
ment au  Gymnase  date  de  4822. 

^*,i,  Nous  devons  rectifier  par  un  petit  erratum  la  note  que  nous  avons 
publiée  dimanche  dernier  relativement  au  traité  entre  Mme  Carvalho 
et  le  théâtre  de  Marseille.  Dans  l'un  des  derniers  paragraphes  de  cette 
note,  en  parlant  de  «  l'offre  faite  par  M.  Carvalho  à  M.  Halanzier  de 
lui  payer  le  dédit  de  20,000  francs  ou  de  lui  envoyer  M  mes  Carvalho 
et  Cabel  au  mois  de  mai,  »  on  a  imprimé  par  erreur  :  de  mois  en  mois. 
Erreur  que  l'intelligence  du  lecteur  aura  facilement  redressée,  et  que 
le  paragraphe  précéJent  rectifiait,  du  reste,  implicitement. 

a,*,^  La  clôture  des  Bouffes-Parisiens  est  toujours  fixée  au  30  avril.  Les 
Bavards  sont  donc  forcément  interrompus  au  milieu  de  leur  éclatant 
succès.  Ainsi  le  veulent  les  traités  passés  avec  les  architectes  char- 
gés de  la  reconstruction  et  de  l'agrandissement  de  la  salle.  Elle  va 
continuer  d'être  trop  petite  pour  tous  ceux  qui  voudront  encore 
applaudir  Mme  Ugalde  dans  un  de  ses  rôles  les  plus  brillants,  et  dire 
adieu  pour  quelques  mois  â  cette  pléiade  de  comiques-bouffes  dans  la- 
quelle on  compte  Pradeau,  Désiré,  Edouard  Georges,  etc. 

.j,*.j,  Par  arrêté  en  date  du  15  avril,  M.  le  ministre  d'État  a  nommé 
M.  Lockroy  directeur  du  théâtre  du  Prince-Eugène,  et  M.  Champlleury, 
directeur  du  théâtre  des  Funambules.  —  Ces  deux  théâtres,  font 
partie  des  nouvelles  constructions  du  boulevard  des  Amandiers;  le 
premier  sera  consacré  au  drame,  à  la  comédie  et  à  la  tragédie. 

,.*,,  Nos  lecteurs  savent  que  Berlioz  s'est  rendu  à  Weimar  pour  pré- 
sider aux  répétitions  de  son  opéra,  Béatrice  et  Benedict,  qui  vient  d'être 
donné  avec  le  plus  grand  succès.  A  la  première  représentation,  où 
l'étiquette  interdisait  les  applaudissements,  Berlioz  a  été  complimenté 
par  LL.  AA.  le  grand-duc  et  la  grande-duchesse,  et  par  la  reine  de 
Prusse.  A  la  seconde  représentation,  les  applaudissements  ont  pris  leur 
revanche.  Le  compositeur  a  été  rappelé  après  le  premier  et  le  second 
acte.  Les  artistes  de  Weimar,  réunis  à  ceux  qui  étaient  venus  de  Dresde, 
de  Leipzig  et  des  petites  villes  voisines,  lui  ont  offert  un  grand  souper. 
Mme  Milde  joue  avec  une  grâce  charmante  le  rôle  de  Béatrice;  dans 
celui  de  Benedict,  le  ténor  Knop  s'est  montré  acteur  plein  de  feu  et  musi- 
cien consommé.  Le  rôle  du  maître  de  chapelle,  Somarone,  n'est  pas 
moins  bien  rendu  par  Sohmidt.  Le  nouveau  trio  chanté  par  Mmes  Milde, 
Podolski  et  Schmidt,  a  produit  l'effet  le  plus  heureux,  et  les  trios  de 
femmes  sont  si  rares  que  tout  le  monde  a  lieu  de  s'en  féliciter.  Ce  qu'il 
y  a  de  plus  rare  encore,  c'est  le  noble  accueil  dont  S.  A.  le  grand-duc 
sait  honorer  les  artistes. — Berlioz  est  allé  à  Lowenberg,  invité  par  le 
prince  de  HohenzoUern  pour  y  diriger  un  concert,  dont  le  prince  lui- 
même  a  composé  le  programme,  ainsi  qu'il  suit  :  Ouverture  du  Roi 
Lear,  fragments  de  Bomeo  et  Juliette,  symphonie  {scène  cVamuur,  adagio, 
fête)  ;    ouverture   du  Carnaval  romain,  et  symphonie  d'Harold. 

H,**  La  Gazette  des  étrangers  annonce  le  retour  à  Paris  de  Mlle  Patti  pour 
le  26  de  ce  mois,  et  ajoute  qu'elle  a  â  peu  près  promis  de  donner,  avant 
son  départ  pour  Londres,  une  représentation  au  théâtre  italien. 

^'^^  Le  théâtre  national  de  Boston  vient  d'être  la  proie  d'un  incendie. 
C'est  le  sixième  établissement  du  même  genre  détruit  par  le  feu  dans 
cette  ville.  Le  théâtre  national  avait  été  construit  sur  les  ruines  du 
Warren  theater,  incendié  le  22  avril  1843  et  le  24  mars  il  périssait  de 
la  même  manière  que  son  devancier. 

,t'*,,Au  Cirque  Napoléon,  pour  la  clôture,  aujourd'hui  19  avril,  à  2  heu- 
res, concert  populaire  de  musique  classique.  Programme  :  Symphonie 
avec  chœurs  de  Beethoven.  Soli  :  Mmes  Viardot,  Simon,  MM.  Capoul, 
Bussine. — Sélectioa  d'Itendel. — Chœur  de  Salomon;— chœur  du  .Messie. — 
Alléluia,  air  de  l'opéra  Alcina  (Mme  Viardot). —  Chœur  de  Josué. —  L'or- 
chestre et  les  chœurs  sous  la  direction  de  M.  Pasdeloup. 

**j.  Voici  le  programme  de  la  deuxième  soirée  de  Thalberg  qui  aura 
lieu  mercredi  prochain,  dans  les  salons  d'Erard.  BarcaroUe  :  Giovanni  di 
Calais,  de  Donizetti;  duo  de  la  Flûte  enchantée,  de  Mozart;  air  irlan- 
dais inédit,  de  Thalberg;  le  Joueur  de  vielle,  la  Fille  du  Pécheur,  de 
Schubert;  pastorale  inédite  de  Thalberg;  sonate  en  ré  mineur,  de  Bee- 
thoven; ballade;  romance  sans  paroles  et  étude,  de  Thalberg;  scherzo 
du  Songe  d'une  nuit  d'été;  fantaisie  du  Trovalore. 

,s*,t  Le  chant  God  blcss  Ihe  prince  of  Waks  ■'  composé  par  M.  Brindiey 
Richards,  à  l'occasion  du  mariage  du  prince  avec  la  princesse  Alexandra, 
a  produit  une  grande  sensation  dans  la  principauté  de  Galles.  A  Swansea, 
plus  de  dix  raille  enfants,  réunis  en  l'honneur  du  mariage  royal,  ont 
exécuté  ce  chœur  avec  autant  d'âme  que  de  puissance  vocale,  d'abord 


126 


KKVLE  ET  GAZETTE  MUSICALK 


en  anglais,  ensuite  en  gallois  ;  à.  Merthyr,  pendant  les  fêtes,  il  a  été  dit 
par  quatre  mille  enfants;  à  Carmarthen,  pour  la  même  occasion,  un 
corps  de  volontaires  qui  traversait  la  ville,  Ta  joué  comme  marche  mi- 
litaire, après  quoi  il  a  été  chanté  en  chœur;  le  même  jour,  à  Lancaster, 
quatre  mille  et  à  Stafford  cinq  mille  enfants  l'ont  dit  et  ont  été  large- 
ment approvisionnés  de  gâteaux  et  d'oranges  par  les  habitants  de  leurs 
villes  respectives. 

^*^  L'éminent  violoniste  Jean  Becker  vient  d'être  appelé  à  Bordeaux 
par  la  Société  du  cercle  ai'tistique  et  philharmonique ,  pour  un  grand 
concert  qui  aura  lieu  le  25  de  ce  mois.  La  lettre  flatteuse  adressée  par 
le  président  de  la  Société  à  M.  Becker,  vient  confirmer  brillamment  les 
succès  obtenus  par  l'éminent  artiste  à  Paris,  et  leur  retentissement  en 
France  et  à  l'étranger. 

^*^  Mme  Oscar  Comettant  donnera  le  30  de  ce  mois,  dans  la  salle 
Herz,  un  concert  dont  le  magnifique  programme  nous  paraît  de  nature 
à  exciter  au  plus  haut  point  la  curiosité  de  tous  les  amis  de  l'art.  La 
gracieuse  cantatrice  s'est  assuré  le  concours  de  MM.  Tamberlick,  Bon- 
nehée  (de  l'Opéra),  Alard,  Félix  Godefroid,  Léon  Jacquard  et  Diémer. 
On  y  entendra  également  toute  la  phalange  des  illustres  pianistes,  exé- 
cutant une  œuvre  d'une  remarquable  originalité.  Cette  œuvre  est  l'Hexa- 
méron,  grande  fantaisie  composée  par  Chopin,  Czerny,  H.  Herz,  Liszt, 
Pixis,  Thalberg,  et  arrangée  pour  six  pianos  concertanis  par  Henri 
Herz.  Les  six  variations  d'écoles  différentes  comprises  dans  cet  ouvrage 
unique  en  son  genre,  sont  distribuées  entre  les  divers  pianos,  de  ma- 
nière à  mettre  en  relief,  et  à  tour  de  rôle,  tout  le  talent  de  chaque 
exécutant.  L'Hexaméron  sera  joué  par  :  Henri  Herz  (variations  de  Henri 
Herz);  G.  Mathias  (variations  de  Liszt  )  ;  Bernhard  Rie  (variations  de 
Czerny);  W.  Kruger  (variations  de  Pixis);  Ravina  (variations  de  Chopin); 
Saint-Saëns  (variations  de  Thalberg).  Le  concert  sera  terminé  par  le 
célèbre  duo  d'Otello,  chanté  par  MM.  Tamberlick  et  Bonnehée.  On  peut 
dire  que  tout  le  Paris  musical  voudra  assister  à  ce  festival  donué  par 
Mme  Oscar  Comettant,  dont  le  talent  peut  se  passer  d'éloges. 

„,*,  Ernst,  le  grand  violoniste,  malheureusement  toujours  souffrant, 
à  passé  cette  semaine  par  Paris  pour  se  rendre  dans  un  établissement 
hydrothérapique  de  l'Angleterre. 

^*^  La  foule  était  si  considérable  au  concert  du  pianiste  Henri  Dom- 
browski  que  beaucoup  de  personnes  ont  dû  se  retirer  faute  de  place. 
A  ce!;i  près,  la  soirée  a  été  de  tout  point  intéressante  et  variée. 
M.  Dombrowski  a  joué  avec  succès  plusieurs  de  ses  compositions, 
notamment  Toujours  —  Jamais  !  qui  a  été  bissée,  et  une  fantaisie  sur  des 
motifs  nationaux  polonais,  qu'on  a  également  voulu  entendre  deux  fois. 
Mlle  Astieri,  le  violoncelliste  belge,  J.  Desovert,  et  Mlle  Humbert,  or- 
ganiste de  beaucoup  de  talent,  ont  dignement  secondé  le  bénéficiaire. . 
^,*^  Samedi  dernier,  M.  Poisot  à  fait  entendre  un  trio  pour  piano, 
violon  et  violoncelle  à  la  Société  des  compositeurs  ;  ces  deux  ouvrages 
ont  été  parfaitement  exécutés  par  les  deux  auteurs,  secondés  par  M.  de 
Cuvillon,  White  et  Lebouc. 

^*^  Mardi  21,  soirée  musicale  donnée  dans  les  salons  d'Erard  par 
Mlle  Sabatier-Blot,  avec  le  concours  de  Mlles  Jenny  et  Fanny  Clauss, 
MM.  Mohr  et  Lavignac  ;  deuxième  partie,  le  Corsaire,  opérette  de  Mlle 
Sabatier-Blot,  jouée  par  M.  et  Mme  Archainbaud. 

„,*»  Lundi  27,  salle  Herz,  grand  concert  de  Mlle  Marie  Trautmann, 
déjà  annoncé. 

^*^  Demain  lundi,  salle  Herz,  concert  de  Henri  Lutgen,  avec  le  con- 
cours de  Mlle  Simon-Corradi,  de  MM.  Archainbaud,  Magnin  et  A.  Du- 
rand. 

a,*t  Vendredi  soir  24  avril,  salons  Erard,  M.  Eugène  Ketterer  don- 
nera une  audition  de  ses  nouvelles  fantaisies  sur  divers  opéras.  MM.  le 
Cieux,  Durand,  Mlle  Louisa  Barnard  et  Mme  Archainbaud  lui  prêteront 
leur  concours. 

t**  Le  célèbre  ténor  Wachtel  vient  de  recevoir  du  grand-duc  de 
Hesse-Darmstadt  la  médaille  en  or  pour  les  arts  et  les  lettres. 

***  La  séance  annoncée  par  le  flûtiste  et  compositeur  Gariboldi  pour 
l'audition  de  ses  nouvelles  compositions,  aura  lieu  le  vendredi  24  avril. 
,t**  Mlle  Charlotte  de  Tiefensée,  cantatrice  d'origine  slave,  qui  vient 
d'obtenir  d'éclatants  succès  à  Londres,  Saint-Pétersbourg  et  Bruxelles, 
annonce  pour  le  l*'  mai,  salle  Herz,  un  brillant  concert.  Elle  fera  en- 
tendre divers  morceaux  anciens  et  modernes  des  grands  maîtres  ita- 
liens et  allemands,  ainsi  que  des  chants  nationaux  en  six  langues  diflé- 
rentes. 

^**  Le  dimanche  de  Pâques  on  a  fait  d'excellente  musique  à  la  ca- 
thédrale de  Dijon.  M.  l'abbé  Schwach,  artiste  des  plus  distingués,  a  di- 
rigé en  maître  la  messe  d'Adolphe  Adam.  L'orchestre  et.les  chœurs  ont 
parfaitement  marché.  On  a  particulièrement  remarqué  la  jolie  voix  de 
baryton  de  M.  le  vicomte  de  S. . .  S. . .,  qui  a  fait  naguère  les  délices 
de  nos  salons  parisiens. 

^*^  Un  intéressant  concert  doit  être  donné  le  samedi  25  avril,  salle 
Pleyel-Wolfl",  par  Frédéric  Brisson,  avec  le  concours  de  plusieurs  ar- 
tistes distingués.  L'éminent  bénéficiaire  fera  entendre  sur  le  piano  et 
sur  l'orgue  d'Alexandre  plusieurs  de  ses  nouvelles  compositions,  tou- 
jours si  recherchées  par  les  amateurs;  puis  on  exécutera  pour  la  pre- 


mière fois  un  petit  opéra-comique,  les  liuses  cillaycoises,  dont  les  paroles 
et  la  musique  sont  de  Brisson.  La  séance  commencera  par  l'œuvre  pre- 
mière d'Auber,  trio,  pour  piano,  violon  et  violoncelle,  morceau  inconnu 
de  nos  dilettantes. 

„,*«  La  troisième  des  soirées  organisée  à  l'hôtel  de  Mme  la  baronne 
de  Meyendorf  par  Mme  la  comtesse  Tascher  de  la  Pagerie,  a  eu  lieu 
jeudi  devant  une  assemblée  aussi  brillante  que  les  précédentes.  Mlle  Po- 
merani  y  remplaçait  Mlle  Mira,  et  la  jeune  néophyte  italienne  a  reçu 
l'accueil  le  plus  flatteur.  Le  charmant  ténor  allemand  Reichardt,  de 
passage  à  Paris,  avait  été  invité  à  y  chanter.  Il  a  dit,  en  allemand,  sa 
ravissante  mélodie,  0  belle  Etoile,  et  une  mazurka,  avec  une  distinction 
et  un  sentiment  qui  lui  ont  valu  les  applaudissements  de  l'aristocratique 
auditoire  tout  entier. 

^*^  A  la  matinée  donnée  pour  l'audition  de  ses  élèves  (chez  M.  Ben- 
son)  par  M.  Bergson,  on  a  surtout  remarqué  une  jeune  Anglaise, 
Mlle  Nicholson.  Elle  a  exécuté  le  Concertstûck  de  Weber  avec  une  verve 
et  une  légèreté  qui  promettent  une  artiste  très-remarquable.  Nous  espé- 
rons l'entendre  dans  les  concerts  de  la  s'aison  prochaine.  Mlle  J a 

joué  avec  beaucoup  de  style  et  de  charme  la  Rêoerie ,  un  souvenir  de 
Bergson,  ainsi  que  Mlle  L. . .  la  Styrienne  du  même  auteur.  La  sonate  en 
si  bémol  à  quatre  mains,  de  Mozart;  la  sonate  pathétique  de  Beethoven,  ainsi 
que  Vlnvitation  à  la  valse  ont  mis  en  évidence  de  grandes  dispositions 
dans  les  élèves  qui  les  exécutaient.  Les  exercices  rhythmés,  destinés  à 
développer  le  sentiment  de  la  mesure,  ont  été  exécutés  par  six  élèves 
(sur  deux  pianos)  avec  un  ensemble  parfait.  M.  Marcliesi  a  très  bien 
chanté  l'air  des  Nozze  di  Figaro  ainsi  que  celui  du  Ballo  in  maschera. 

,*j  La  messe  de  Rome,  qui  a  fait  la  réputation  de  son  auteur,  a  été 
interprétée  le  jour  de  Pâques  dans  quatorze  églises  cathédrales  de 
France.  Cette  grande  composition  de  musique  religieuse,  l'une  des  plus 
importantes  du  genre,  et  qui  rappelle  la  forme  des  oratorios  deHaendel, 
est  beaucoup  plus  connue  en  Allemagne,  en  Italie  et  eu  Espagne  que 
chez  nous,  par  la  raison  que  nos  orphéons  se  forment  généralement 
avec  les  seules  voix  d'adultes  dont  les  timbres  sont  identiques,  et  que  les 
femmes,  flUes  et  enfants  adeptes  de  l'art  choral,  ne  peuvent  pas  toujours 
être  incorporés  en  grand  nombre  dans  les  maîtrises  des  paroisses.  Quoi 
qu'il  en  soit,  la  messe  de  Rome  est  l'œuvre  d'un  artiste  français, 
M.  Sain-d'Arod,  maître  de  chapelle  honoraire  de  l'ancienne  cour  de 
Sardaigne,  qui  depuis  vingt  ans  s'est  occupé  avec  une  activité  inces- 
sante de  l'organisation  des  maîtrises  dans  toutes  nos  grandes  villes  ,  et 
que  l'on  considère  généralement,  à  ce  titre,  comme  le  continuateur  de 
l'entreprise  de  Cherubini  et  de  Lesueur. 

,^*,t  On  lit  dans  un  journal  de  Londres  :  «  M.  S.  R  Tenby  a  inventé 
une  machine  pour  imprimer  la  musique  au  fur  et  à  mesure  que  l'on 
compose.  Cette  machine  aurait  épargné  bien  des  fatigues  à  nos  grands 
compositeurs,  puisque  cet  instrument,  qui  ressemble  beaucoup  à  un  té- 
légraphe électrique  à  clavier,  a  des  touches  sur  lesquelles  le  composi- 
teur joue,  et  les  notes  s'impriment  sur  une  feuille  de  papier  que 
l'on  introduit  dans  l'instrument.  Le  temps,  la  mesure,  les  notes,  le 
mouvement,  andante  ou  allegro,  tout  est  marqué  sur  la  feuille  avec  une 
précision  remarquable.  » 

,j*:j.  La  Société  académique  de  musique  sacrée,  appelée  à  continuer 
celle  dirigée  autrefois  par  le  prince  de  la  Moskowa,  donnera,  le  ven- 
dredi 24  avril,  à  8  heures  du  soir,  dans  la  salle  Herz,  son  premier 
concert  de  bienfaisance,  au  profit  des  ouvriers  cotonoiers.  On  y  enten- 
dra de  la  musique  des  divers  maîtres  des  xv",  ivi^,  xvii"  et  xvui»  siè- 
cles. Les  soli,  chœurs  et  orchestre  seront  conduits  par  M.  Charles 
Vervoitte,  président-directeur  de  la  Société.  Le  programme  de  ce  con- 
cert promet  une  soirée  des  plus  intéressantes  pour  les  amateurs  de  la 
belle  musique  classique  et  religieuse,  et  le  double  but  d'art  et  de  cha- 
rité que  se  propose  la  Société  nous  fait  un  devoir  de  la  recommander 
vivement  à  tous  nos  amis. 

^*^  On  lit  dans  le  Guide  musical,  de  Bruxelles  :  «  Dans  sa  notice  sur 
l'Origine  de  Louis  Van  Beethoven,  suivie  du  testament  de  l'illustre  maître, 
M.  Edouard  Gregoir  prouve,  par  des  faits  et  ûes  dates  authentiques,  que 
la  famille  Beethoven  est  originaire  de  la  Hollande.  Quant  au  testament, 
c'est  la  première  fois  qu'il  aura  paru  d'après  l'original.  L'espace  nous 
manquant  pour  le  donner  en  entier,  nous  nous  bornons  à  reproduire  la 
suscription  ajoutée  par  Beethoven  sur  l'enveloppe  dans  laquelle  le  testament 
était  enfermé  :  «  Heiligenstadt,  1 0  octobre  1802.  —  Ainsi  je  vous  quitte 

—  et  bien  douloureusement.  —  Oui,  ce  doux  espoir,  —  qui  m'avait  ac- 
compagné ici,  de  me  rétablir  au  moins  à  un  certain  degré,  —  je  l'ai  vu 
s'évanouir  tout  à  fait  ;  et  de  même  que  les  feuilles  tombées  en  automne 
se  sont  flétries,  j'ai  vu  mon  espoir  se  dissiper.  Tranquille  comme  j'étais 
en  arrivant  ici,  —  je  poursuis  la  route  qui  m'est  tracée  ;  —  le  courage 
même,  —  qui  m'animait  souvent  pendant  les  belles  journées  d'été,  — 
a  disparu.  —  0  providence  !  —  qu'un  beau  jour  de  félicité  daigne  m'é- 
clairer  encore  !  —  Oh  !  quand,  mon  Dieu,  pourrai-je  de  nouveau  l'é- 
prouver dans  le  temple  de  la  nature  et  de  l'humanité  !  —  Jamais  !  non  1 

—  Oh  1  le  choc  serait  trop  violent.  » 

^*^  Les  frères  Lamoury  ont  inauguré  leurs  succès  de  la  saison  en  An- 
gleterre, Ils  avaient  été  engagés  pour  jouer  au  troisième  concert  de 
souscription  de  la  Société  philharmonique  de  Liverpool.  Les  autres  ar- 


DE  PARIS. 


127 


listes  étaient  Mme  Alboni,  Mlle  Rosa  de  Ruda,  M.  Wehli,  M.  Vf.  Cooper 
et  M.  Rovere.  L'ouverture  de  l'Etoile  du  Nord,  magnifiquement  exé- 
cutée, a  ouvert  la  séance  aux  applaudissements  de  l'auditoire  ;  Mlle  Rosa 
de  Ruda  a  été  charmante  dans  la  scène  de  l'ombre  de  Dinorah,  qu'elle 
a  dite  et  jouée  avec  le  plus  grand  succès.  Les  frères  Lamoury  ont  ob- 
tenu l'accueil  le  plus  flatteur  et  de  nombreux  bravos  leur  ont  été  pro- 
digués après  chacun  de  leurs  morceaux. 

^*^  L'inauguration  des  concerts  Musard  au  Pré-Catelan  a  été  des  plus 
brillantes.  Aujourd'hui  dimanche  grande  fête  musicale  ;  programme 
aussi  riche  que  varié  ;  bal  d'enfants  sous  les  quinconces  ;  marionnettes 
françaises  ;  musique  militaire  ;  jeux  divers  ;  fanfares  par  le  bataillon  de 
chasseurs  à  pied;  café  et  brasserie. 

^*^  Stanislas  Verroust,  arrivé  à  llazebrouck,  son  pays  natal,  le  9  avril 
au  soir,  y  est  mort  le  surlendemain.  Il  était  professeur  au  Conservatoire 
de  Paris,  et  tenait  la  classe  de  hautbois  depuis  dix  ans. 

^*^  Le  D'  F.  C.  Kist,  éditeur  de  la  gazette  musicale  néerlandise  Cae- 
cilia,  vient  de  mourir  à  Utrecht,  dans  sa  soixante  -  septième  année. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


^*:5  Londres.  —  Le  théâtre  de  Sa  Majesté  vient  à  son  tour  d'ouvrir  ses 
portes  pour  la  saison.  Salle  et  corridors  sont  repeints  et  redorés  à 
neuf,  et,  par  un  procédé  ingénieux,  on  a  même  su  rendre  aux  rideaux 
des  loges,  couleur  d'ambre,  jadis  fameux,  leur  ancien  lustre.  Le  Trovatore 
avaitété  choisi  pour  cette  solennité;  il  était  chanté  parGiuglini,  Santley, 
Mmes  Titiens  et  Alboni,  les  tètes  de  colonne  de  la  troupe,  toutes  aussi 
anciennes  connaissances  du  public  que  la  pièce  qu'elles  interprétaient, 
et  dont  il  devient  inutile  de  répéter  l'éloge.  Entre  le  deuxième  et  le 
troisième  acte,  on  a  exécuté  une  cantate  de  la  composition  de  M.  Cusins, 
en  l'honneur  du  mariage  du  prince  de  Galles,  à  laquelle  l'auditoire  ce- 
pendant n'a  paru  prêter  que  peu  d'attention.  Les  chœurs  très-faibles 
l'année  dernière,  semblent  beaucoup  améliorés,  et  l'orchestre,  qui  sous 
la  direction  de  M.  Arditi,  a  toujours  été  bon,  ne  laisse  plus  rien,  ou 
que  fort  peu  de  chose  à  désirer.  Cependant,  pour  bien  les  juger, 
chœurs  et  orchestre,  il  nous  faudra  des  pièces  moins  souvent  jouées  que 
le  Trovatore  ;  le  programme  de  la  saison,  du  reste,  nous  en  promet  en 
abondance.  —  Mme  Ferrarisafaitdeson  côté  avec  le  plus  grand  éclat  son 
début  au  même  théâtre,  dans  le  ballet  de  Diani ,  la  Farfalelta  ;  la  cé- 
lèbre danseuse  a  été  rappelée  à  plusieurs  reprises,  couverte  de  bou- 
quets magnifiques,  et  elle  a  dû  bisser  le  ballabile  et  les  variations  de 
son  pas  principal.  —  Dans  le  concert  de  la  Vocal-Association,  dirigé  avec 
tant  de  zèle  par  Benedict,  on  a  entendu  et  applaudi  un  chœur  encore 
inconnu  à  Londres  de  Meyerbeer,  l'Amitié,  et  un  Cantique  pour  voix  de 
basse  et  chœur,  les  paroles  d'après  Thomas  Akeaipis ,  du  même  maître. 
Ce  dernier  morceau  surtout,  et  dont  le  solo  était  admirablement  chanté 
par  M.  AVein,  a  produit  une  impression  profonde  et  doit  être  chanté  do 
nouveau  au  plus  prochain  concert  de  la  Vocal-Assuciation. 

***  Wiesbaden.  —  La  Société  Sainte-Cécile  a  donné  son  troisième  con- 
cert de  la  saison.  On  y  a  exécuté  le  Requiem  de  Cherubini  ;  cette  ma- 
gnifique composition,  qui  est  placée,  même  en  Allemagne,  à  côté  du 
Bequiem  de  Mozart,  a  produit  un  effet  immense.  —  Wachtel  est  attendu 
avec  impatience;  il  y  a  dix  ans,  ce  chanteur,  l'un  des  meilleurs  ténors 
allemands,  obtenait  h  peine  la  faveur  de  chanter  un  bout  de  rôle. 

,j*^  Genève.— îious  avons  eu  ici  une  fort  bonne  représentation  du  Pro- 
phète, avec  une  mise  cnscènevraiment  magnifique.  En  outre,  on  a  donné 
avec  plus  ou  moins  de  succès  :  Jean  de  Paris,  Si  j'étais  roi',  le  Domino 
noir,  la  Sirène  et  Martha.  Dans  le  charmant  opéra  de  M.  de  Flotow,  a 
débuté  avec  succès  un  nouveau  ténor.  M, 


^,*,f,  Turin.  —  Une  chute  qu'a  faite  Mme  Paul  Donati  en  s'embarras- 
sant  dans  sa  robe,  à  la  répétition  de  Hohert  le  Diable,  et  dans  laquelle 
le  bras  a  été  contusionné,  a  forcé  de  retarder  la  première  représenta- 
tion du  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer,  qui  était  annoncée  pour  mardi 
passé,  mais  elle  est  très-prochaine. 

,j*^  Amsterdam,  i6  avril.  —  Les  concerts  populaires  continuent  à  fa- 
natiser toutes  les  classes  de  notre  Société  ;  à  chaque  concert  la  salle 
du  Parc  est  trop  petite  pour  contenir  le  nombre  des  spectateurs  qui 
s'y  rendent;  le  sixième  concert  aura  lieu  le  19  avril:  on  y  exécutera  la 
symphoniq  militaire  de  Haydn,  une  nouvelle  symphonie  de  Verhlilst, 
un  scherzo  et  une  ouverture  de  Mendelssohn,  plus  un  concerto  pour  vio- 
loncelle, joué  par  M.  Montigny,  de  Saint-Pétersbourg. —A  la  fin  du  mois, 
aura  lieu  le  dernier  festival  de  la  Société  pour  l'encouragement  de  l'art 
musical,  où  l'on  dira  l'oratorio  Paulus  de  Mendelssohn,  sous  la  direc- 
tion de  Verhiilst.  —  L'éminent  violoniste  'Wieniawki  se  fera  entendre  au 
concert  du  Parc,  le  25  avril,  avant  de  se  rendreà  Londres.—  Mme  Graever 
s'est  fait  entendre  à  la  Société  Félix  Meriiis,  où  le  célèbre  violoncelliste 
Piatti  a  obtenu  dernièrement  un  succès  d'enthousiasme.— On  parle  d'un 


grand  festival  musical,  qui  sera  donné  pour  l'inauguration  du  Palais  de 
l'Industrie,  au  mois  de  septembre  prochain. 

^*,„  Darmstadt.  —  La  fermeture  du  théâtre  de  la  Cour  a  été  fixée  au 
27  du  courant.  A  partir  du  1^''  mai,  le  personnel  de  ce  théâtre  se  ren- 
dra à  Mayence,  pour  y  donner  des  représentations  pendant  le  séjour  du 
grand-duc  de  Hesse-Darmstadt  dans  cette  ville,  chef-lieu  de  la  H  esse 
rhénane. 

**^  Berlin.  —  La  représentation  du  Domino  noir  au  théâtre  de  la  Cour 
a  été  tout  un  événement.  Mlle  Artot  s'est  surpassée  dans  le  rôle  d'An- 
gèie,  qu'elle  a  chanté  et  récité  en  allemand:  sa  prononciation,  facile  et 
naturelle,  a  de  légères  inflexions  françaises,  qui  lui  donnent  quelque 
chose  de  piquant.  Après  la  célèbre  ronde  aragonaîse,  que  Mlle  Artot  a 
enlevée  avec  une  verve  et  un  talent  d'exécution  très-remarquable,  toute 
la  salle  a  éclaté  en  bravos  enthousiastes.  Formés  est  également  très-bien 
dans  le  rôle  d'Horace. 

,j*,j  Francfort.  —  Au  grand  festival  des  Sociétés  pour  chant  d'hommes 
qui  doit  avoir  lieu  ici  cette  année,  sera  exécutée  la  cantate  de  M.  E. 
Kuhn,  organiste  à  Manheim,  qui  a  obtenu  le  prix  de  10  ducats  mis 
précédemment  au  concours. 

,j*,„  Vienne.  —  La  représentation  de  Don  Juan  par  la  Société  italienne 
du  Carltheater  a  laissé  beaucoup  à  désirer.  Mme  Lafon,  qui  débutait  dans 
le  rôle  de  dona  Anna,  est  toujours  une  éminente  cantatrice  :  elle  a 
une  bonne  méthode  et  connaît  toutes  les  ressources  de  son  art;  mais  elle 
a  perdu  un  peu  de  la  puissance  et  de  la  sonorité  de  sa  voix.  C'est  Adelina 
Patti  qui  a  sauvé  l'honneur  de  la  soirée  ;  elle  a  joué  et  chanté  le  rôle 
de  Zerline  avec  une  grâce,  un  entrain  qui  ont  beaucoup  contribué  à 
tempérer  la  mauvaise  humeur  du  public.  Tous  ses  morceaux  lui  ont  été 
redemandés,  mais  ce  sont  les  seuls  que  l'on  ait  bissés.  Applaudie  et 
rappelée  fréquemment  pendant  la  soirée,  elle  a  reçu  à  la  fin  du  spec- 
tacle une  couronne  de  laurier  en  or,  sur  laquelle  se  trouvent  gravés 
les  noms  des  principaux  rôles  de  son  répertoire.  —  On  annonce  la 
prochaine  représentation  de  la  Somnambule,  puis  la  diva  chantera  le 
rôle  d'Adine,  dans  PElisire  d'amore. 

,1,*,^  Leipzig.  —  Au  vingtième  et  dernier  concert  du  Gewanahaus 
on  a  exécuté  la  Nuit  de  If  alpurgis,  et  la  neuvième  symphonie  de  Beetho- 
ven. —  Un  nouvel  opéra  :  l'Abbé  de  Saint-Gall,  par  Herther,  a  été  re- 
présenté pour  la  première  fois,  le  29  mars,  au  théâtre  de  la  ville. 

3,*,s  Jiœnigsberg.  —  Sivori  a  donné  ici  un  concert  au  théâtre  de  la 
ville.  La  saile  était  comble;  le  bruit  de  sa  réputation  faisait  pressentir  le 
succès  du  célèbre  virtuose.  Ce  succès  a  été  immense. 

,*,^  Boston.  —  Robert  le  Diable  vient  d'obtenir  un  succès  d'enthou- 
siasme à  sa  reprise  au  théâtre  Italien.  Le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer  a 
été  du  reste  parfaitement  e.xécuté  :  Brignoli  est  un  excellent  Robert  ; 
Susini  s'est  montré  très-remarquable  dans  le  rôle  de  Bertram;  Mme  Lorini 
ne  lui  était  pas  inférieure  dans  le  rôle  d'Alice,  et  Mlle  Cordier  a  fait 
preuve  de  beaucoup  de  talent  dans  celui  d'Isabelle  :  elle  y  a  été  ap- 
plaudie autant  que  dans  le  rôle  de  Dinorah,  qu'elle  avait  créé  ici  avec 
tant  de  succès. 


le  Directeur  :  S.  OUFOCR  . 
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PREMIER   ACTE. 

2.  Romance  chantée  par  Mme  Ugalde  :  Sans  aimer,  ah!  peui- 

on  vivre  ? 2  50 

3.  Couplets  (sopr.)  :  Ce  sont  d'étranges  personnages 3     » 

3  Us.  Daetto  :  Et  maintenant  il  faut  que  je  vous  dise 5     » 

4 .  Air  de  la  Bavarde  :  C'est  bien  reconnu 6     o 

5.  Cbanson  de  l'alcade  :  Parioui  on  chercherait  en  vain  .   ...  3     » 

6.  Bno  bouffe:  Quel  bavard  insupportable T  50 

7  bis.  Couplets  des  créanciers  :  Sur  ma  mule  il  trotte,  il  trotte.  3     » 


Prix  net  :  lO  fr. 


DEUXIEME  ACTE. 

8.  Couplets  (sopr.):  Ouf!  quel   métier  que  d'être  femme  ...  3     » 
10.  Cbanson  à  boire  chantée  par  Mme  Ugalde  :  Chantons  P Es- 
pagne     4  50 

10  bis.  La  même,  transposée  deux  tons  plus  haut 4  50 

10  ter.  La  même,  transposée  un  ton  plus  haut 4  50 

1  f .  Causerie  chantée  par  Mme  Ugalde  :  Ah  !  quel   repas  sans 

égal 3     » 

12.  Romance:  C'était  pendant  la  mascarade 3    » 


MUSARD.  —  Suite  de  Valses,  arrangée  pour  le  Piano  par  Desgranges,  6  fr. 

Quadrille  par  ARBAIV  pour  le  Piano 4  50    |    Polka  par  IHARX.  pour  le  Piano 4    » 

WOIiPART.  —  Transcriptiou  facile  pour  le  Piano  de  la  Romance  et  Chanson  à  boire,  cbantées  par  Mme  Ugalde,  prix  :  5  fr. 

Œuvres    de    S.    THALBERG 


Op. 
Op. 
Op. 
Op. 
Op. 
Op. 
Op. 
Op. 
Op. 

Op. 
Op. 
Op. 
Op. 
Op. 


Op. 
Op. 
Op. 
Op. 
Op. 


1 .  Mélange  sur  Euryanihe 

2 .  Fantaisie  sur  un  thème  écossais 

3.  Impromptu  sur  le  Siège  de  Coriiithe.. 
U.  Douze  caprices  en  forme  de  valse.... 

9.  Grande  fantaisie  sur  (o  SIraniera.,.. 

10.  Grande  fantaisie  sur  /  Capuletti... . . 

lit'.  Grande  fantaisie  sur  Don  Juan 

15.  Premier  caprice 

18.  Premier  divertissement  sur   les  Soi- 
rées musicales  de  Rossini 

18    Deuxifeme  caprice 

21 .  Trois  nocturnes 

22 .  Grande  fantaisie 

27.  Fantaisie  sur  God  save  the  Queen... 
29  et  30.  Lieder,   transcrits   pour  piano 

par  Czerny.  2  suites. 
N°'  1.  Les  Adieux,  les  Tourments  d'amour 

du  voyageur 

2.  Les  Plaintes  de  la  fiancée  du  chas- 
seur, le  Songe,  la  Femme  malheu- 
reuse   

31 .  Scherzo  

32.  Andante 

33.  Fantaisie  sur  la  prière  de  Mdise.,.. 

34.  Divertissement  sur  la  Gipsy 

35 .  Le  Trémolo,  grand  nocturne 


7  50 

7  50 
9  » 
7  50 


7  50 
7  50 


Op.  36. 
Op.  37. 
Op.  38. 
Op.  39. 
Op.  40. 
Op.  41. 
Op.  42. 

Op.  43. 
Op  45. 
Op.  47. 
Op.  49. 
Op  51. 
Op.  51 
Op.  52. 

Op.  56. 


Op.  57. 


Étude  en  la  mineur 

Grande  fantaisie  sur  Oberon 

Romance  et  étude 

Souvenirs  de  Beethoven,  fantaisie. . . 

Fantaisie  sur  la  Donna  del  Lago... 

Trois  romances  sans  paroi  s 

Grande  fantaisie  sur  la  sérénade   et 
le  menuet  de  Don  Juan 

Fantaisie  sur  les  Huguenots 

Thème  et  étude  en  la  mineur 

Grandes  valses  brillantes 

Fantaisie  sur  Béatrice  di  Tenda 

Grande  fantaisie  sur  Sémiramis : 

bis.  Nocturne 

Grande  fantaisie  sur  la  tarentelle  de 
la  Muette  de  Portici 

Grande  sonate  en  quatre  parties. . . .  ! 
Chaque  partie  séparément  : 

1 .  Allegro 

2 .  Scherzo  pastorale 

3 .  Andante ... 

4 .  Finale  agitato 

Décaméron  musical.   Dix    morceaux 

de  piano  servant  d'école  prépara- 
toire à  l'étude  de  ses  grandes  com- 
positions : 


N°'  1 .  Les  Puritains 

2.  Le  Freyschiits 

4 .  La  Norma 

5 .  Mélodies  de  Schubert 

6.  La  Gasza  ladra 

7.  La  Cenerenlola. .: 

8 .  Anna  Bolena 

9.  Le  Prophète 

10.  Airs  irlandais 

Op.  58.  Apothéose,   grande  fantaisie  sur   la 

marche  triomphale  de  Berlioz 

Op .  59 .  Marche  funèbre  variée 

Op.  63.  Fantaisie  sur  le  .Borfct'eî'  deSèuille.. 

Op.  65.  Souvenir  de  Pesth,  air  hongrois 

Adagio  et  rondo  de   concert,   extraits    de  son 

concerto 

Felice  donsella,  romance  italienne  de  J .  Des- 

sauer,  transcrite 

Mi  manca  la  voce,  do  Moise 

Six  romances  sans  paroles,!"  recueil 

Six  romances  sans  paroles,  2"  recueil 

Romance  sans  paroles 

Romance  variée  sans  paroles 

La  Romanesca,  transcrite  pour  le  piano 

Souvenir  de  Venise,  romance   sans  paroles... 


7  50 
7  50 
7  50 
7  50 
7  50 
7  50 


10    » 
7  50 


4  50 
4  50 


PABIS.  —  iniPRini£RlE  CENTRAI 


,  nUE  BERGE  RE, 


BUREAUX    A    PARIS  :    BOULEVARD   DES   ITALIENS,    I. 


30«  Année. 


OH  S'ABONNE  1 

Dons  lea  Départements  et  à  rÉïranger,  chez  tous 
les  Uarchands  de  Musique,  les  Libraires,  et  aux 
pureaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


No  17. 


REVUE 


26  Avril  1863. 


PRIX  DE  VABOMNEMENT  : 

Paris ■ 24rr.pnrttl 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    30  «      ià. 

Étranger 34  >•       id. 

le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


IVos  abonnés  reçoivent,  avec  le  numéro  d'anjonrd'buï, 
le  quadrille  composé  par  Abxsjlx  sur  le»  Bavarda, 
dernier  opéra  de  <*.  Offenbacta. 


SOMMAIRE.  —  Sigismond  Thalberg,  par  Adolplie  Botte.  —  Auditions  musi- 
cales, par  le  même.  —  Concerts  populaires  de  musique  classique.  —  Nécrolo- 
gie: Stanislas  Verroust,  par  A.  Elwart.  —  Coiiespondances.  —  Nouvelles 
et  annonces. 


SIGISIOliD  THÂIBEHG. 

Première    séance    te    4S    avril. 

Dans  l'histoire  du  piano , moderne ,  les  noms  de  Beethoven,  de 
Weber  et  de  Mendelssohn  tiennent  une  place  immense .  Ce  n'est  pas 
la  faute  de  ces  grands  hommes  si  l'instrument  n'a  parfois  servi  qu'à 
répandre  le  goût  de  la  vulgarité  harmonique ,  et  celui  de  certaines 
sonorités,  que  tous  les  connaisseurs  méprisent  dès  qu'elles  ne  servent 
plus  à  faire  valoir  une  pensée  vraiment  musicale  ;  ce  n'est  pas  la 
faute  de  Beethoven,  par  exemple,  si  après  nous  avoir  laissé,  entre 
autres  chefs-d'œuvre,  la  sonate  en  ut  dièse  mineur  ,  nous  n'avons 
pas  mieux  senti  que  la  puissance,  l'effet,  l'intérêt  dramatique,  la 
magnificence  jaillissaient,  nous  ne  dirons  pas  de  la  simplicité  de 
l'harmonie,  mais  de  la  beauté  de  la  mélodie  et  de  la  sobriété  des 
traits.  Entre  Thalberg  et  ces  trois  génies  (considérés  seulement  ici, 
bien  entendu,  comme  créateurs  de  nouvelles  formes  dans  la  musique 
de  piano),  l'affinité  est  très-grande;  d'autant  plus  grande  aujourd'hui 
que,  dans  son  Art  du  chant  appliqué  au  piano  et  dans  ses  Soirées 
de  Pausilippe,  le  célèbre  artiste  délaisse  un  peu  les  grandes  masses 
d'arpèges,  de  gammes,  d'accords  plaqués  ;  qu'il  renonce  à  toute  vo- 
lubilité et  ambitionne  surtout  de  plaire  par  le  charme  des  mélodies . 

En  abandonnant  les  amples  broderies,  les  longs  et  sonores  déve- 
loppements, Thalberg  n'a-t-il  rien  perdu  de  son  originalité?  Nous 
n'oserions  l'affirmer.  Mais  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que  Thalberg 
est  resté  un  grand  maître  par  la  richesse  de  sa  facture,  par  les  tour- 
nures savamment  compliquées  qu'il  sait  donner  à  tous  les  traits  du 
piano,  par  l'art  exquis  d'embellir  toute  phrase  mélodique,  fût-elle 
insignifiante,  plutôt  que  par  la  franchise  et  le  naturel  des  idées.  Le 
piano  tel  qu'il  l'a  fait  ne  laisse  jamais  apercevoir  aucun  vide  et  rap- 
pelle l'orchestre  :  les  dessins,  les  parties  accumulées,  les  notes  pres- 
sées et  touffues  expriment  plusieurs  choses  à  la   fois,  et  demandent. 


pour  se  détacher  nettement  et  ne  pas  tomber  dans  la  confusion,  une 
intelligence  musicale  et  un  mécanisme  exceptionnels.  La  miniature 
n'est  pas  son  fait.  En  musique  elle  demande  des  qualités  entière- 
ment opposées  à  celles  qui  lui  valurent  ses  plus  beaux  succès.  Le 
vrai  domaine  de  Thalberg,  là  où  il  excelle,  où  il  est  incomparable, 
nous  ne  craignons  pas  de  le  dire,  c'est  dans  la  magnificence  des  for- 
mes, dans  l'alliance  des  rhythmes,  des  sonorités,  dans  l'enchevêtre- 
ment des  motifs;  en  un  mot,  c'est  dans  la  grande  fantaisie.  Là ,  il 
possède  des  ressources  incroyables;  les  thèmes  semblent  inépuisables. 
L'intérêt  mélodique  n'est  pas  tout  à  la  main  dioite,  l'iniérêt  harmo- 
nique à  la  main  gauche  ;  l'une  ne  chante  pas  mieux  que  l'autre , 
toutes  deux  également  concourent  à  l'effet  général ,  toutes  deux 
rappellent  la  sévérité  du  quatuor  :  le  plus  souvent,  en  effet,  quatre 
parties  réelles  se  font  entendre  et  offrent  toutes  les  variétés  du  style 
symphonique. 

On  a  pu  s'en  convaincre  en  écoutant  son  beau  morceau  sur  la 
Sonnambula.  Les  motifs  marchent  si  nettement  et  si  harmonieuse- 
ment côte  à  côte;  ils  sont  mêlés  les  uns  aux  autres  avec  tant  d'ha- 
bileté, quoique  brisés  à  chaque  instant  par  le  caprice  du  composi- 
teur; ils  rappellent  si  éloquemment  les  accents  dramatiques  applaudis 
à  la  scène,  que  traiter  et  disposer  ainsi  des  chants  choisis  dans  une 
partition,  c'est  vraiment  créer.  Malgré  la  transformation  qu'annoncent 
les  dernières  œuvres  de  Thalberg,  elles  ont  fait  grand  plaisir.  Quoi- 
que très-courte,  l'Elude  en  octaves  liées  est  pleine  de  charme  et  de 
distinction.  Ces  octaves  ont  une  douceur  et  une  mollesse  auxquelles 
leurs  bouillantes  sœurs,  nous  voulons  dire  les  octaves  détachées,  vi- 
goureuses et  rapides,  ne  nous  ont  guère  habitué.  Cette  étude,  essen- 
tiellement chantante  et  expressive,  est  plutôt  propre  à  faire  briller 
l'élégance  et  la  délicatesse  du  style  des  exécutants  que  la  souplesse 
et  l'infaligabilité  de  leurs  poignets.  Plus  développé,  sinon  plus  mélo- 
dique et  plus  original,  le  morceau  intitulé  le  Trille  est  rempU  de 
contrastes  et  de  passages  gracieux.  Tantôt  aimable  et  vif,  tantôt 
brillant  et  suave,  toujours  richement  harmonisé  et  abondant  en 
rhythmes  coquets  et  voluptueux,  il  a  ravi  l'auditoire,  qui  l'a  rede- 
mandé. .Mais, au  lieu  de  le  redire,  Thalberg,  qui  est  passé  maître  dans 
l'art  des  gradations ,  a  joué  la  Ballade,  qui,  l'année  dernière,  obtint 
de  si  enthousiastes  bravos  et  qui,  par  la  façon  dont  les  idées  sont 
traitées,  nous  semble  supérieure  au  Trille.  Un  Andanlino  et  une  ra- 
vissante Tarentelle  extraites  des  Soirées  du  Pausilippe  ont  été  dits 
d'une  façon  vraiment  enchanteresse  ;  mais  rien  ne  peut  donner  une 
idée  de  la  noblesse,  de  l'éloquence,  du  charme  irrésistible  que  Thal- 
berg a  fait  admirer  en  jouant  la  Marche  funèbre  de  Chopin  et  deux 
romances  sans  paroles  de    Mendelssohn  :  la  Pileuse  et   le  n°  1  de 


130 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


l'op.  19,  simple,  large  et  magnifique  andante.  Les  deux  Etudes 
de  Moschelès  étaient  dignes  d'être  entendues  à  côté  de  ces  belles 
inspirations.  Moschelès  est  un  musicien  d'une  grande  valeur  ;  il  est 
fort  estimé  des  pianistes  qui  savent  le  jouer  et  le  comprendre.  Il  a 
semé  dans  ses  deux  études  —  c'est  une  louange  que  tout  le  monde 
lui  a  donnée  l'autre  soir  —  mille  choses  délicates,  vives  et  expres- 
sives. 

Parmi  les  maîtres  illustres  interprétés  par  Thalberg,  Beethoven  est 
celui  qui  a  fait  éprouver  les  plus  fortes  émotions.  Mais  aussi ,  dans 
l'Adélaïde  et  dans  la  sonate  en  ut  dièse  mineur,  quelles  qualités 
merveilleuses,  quelle  poésie,  quelle  élévation  ! 

Les  exécutants  comme  Thalberg  ne  connaissent  ni  inégalités  ni 
défaillances:  aussi  l'exécution  du  célèbre  pianiste  a-t-elle  été  cons- 
tamment magnifique  et  d"une  pureté  admirable.  Ce  qui,  cette  année 
encore,  a  frappé  la  foule  élégante  réunie  dans  les  salons  Erard,  c'est 
l'accent  vivant,  le  sentiment  qui  sait  s'approprier  tous  les  styles,  le 
ton  soutenu  et  l'unité  qu'on  retrouve  toujours  dans  le  jeu  de  l'émi- 
nent  artiste  ;  c'est  surtout  la  puissance,  la  variété  et  la  beauté  du 
son.  Sous  ce  rapport  principalement,  nous  ne  connaissons  aucun  grand 
virtuose  qui  puisse  égaler  Thalberg. 


Seconde  séance,  le  22  avril. 

Entre  autres  belles  choses,  on  a  entendu  à  la  seconde  séance,  qui 
a  été  magnifique  aussi,  deux  morceaux  inédits.  Pastorale  et  Airs  ir- 
landais. Ces  nouvelles  compositions  ont  été  plus  chaleureusement 
accueillies  que  deux  petites  pièces  de  l'Art  du  chant,  le  Joueur  de 
vielle  et  la  Fille  du  pécheur.  Il  ne  faut  pas  s'en  étonner  :  car  ces 
courtes,  simples,  gracieuses  et  touchantes  mélodies  vocales,  quoi- 
qu'elles soient  habilement  transcrites,  ne  laissent  pas  assez  de  place 
aux  riches  et  puissants  effets  que  l'on  s'attend  et  que  l'on  aime  à  re- 
trouver dans  le  jeu  de  Thalberg.  Avec  l'éminent  pianiste  (et  nous  ne 
saurions  malheureusement  en  dire  autant  de  tous  ses  imitateurs),  on 
a  d'autant  plus  raison  de  tenir  à  la  belle  sonorité,  au  brio  des  traits, 
aux  larges  et  amples  combinaisons  que,  dans  ses  grandes  pages,  le 
style  et  le  mérite  de  la  composition  attachent,  touchent  et  charment, 
que  sa  façon  saisissante,  originale  et  inattendue  de  traiter  les  mélo- 
dies et  de  moduler,  donne  à  l'ensemble  une  plénitude,  une  variété, 
un  éclat  auxquels  il  est  impossible  de  ne  pas  applaudir. 

La  variation  et  la  péroraison  des  Airs  irlandais  ont  produit  une 
vive  impression  ;  mais  c'est  surtout  dans  la  Pastorale  que  Thalberg  a 
su  montrer  le  plus  de  distinction,  d'élégance  et  de  souffle.  Au  milieu 
de  notes  touffues,  de  passages  éclatants,  de  merveilleux  staccati,  il  y 
a  dans  ce  morceau  des  modulations  qui,  tout  h  coup,  éclairent  la 
phrase  mélodique  et  font  briller  les  plus  douces  et  les  plus  vives 
couleurs  de  l'harmonie.  Ici  cependant  la  couleur  n'est  pas  toute  dans 
jes  parties  accompagnantes;  elle  est  aussi  dans  celte  partie  qui  res- 
tera principale,  malgré  tous  les  sophismes  et  toutes  les  subtilités 
d'écoles  intéressées  à  lui  contester  la  prééminence;  elle  est  dans 
l'idée  mère,  autour  de  laquelle  rayonnent  de  si  ravissants  et  si  pi- 
quants détails  ;  elle  y  est  chaude,  brillante  et  distribuée  avec  un  art 
que  nous  ne  saurions  assez  louer.  Cette  pastorale  ne  porte  pas  un  de 
ces  titres  trompeurs  faits  pour  dépayser  l'auditeur  :  c'est  bien  une 
églogue,  quelque  peu  dramatique  il  est  vrai,  mais  où  l'on  respire  la 
fraîcheur,  la  grâce  et  l'énergie  d'une  pensée  tantôt  douce,  tantôt  vi- 
goureuse, et  toujours  pleine  de  saveur  et  de  mâle  simplicité.  Elle  a 
enchanté  et  ravi  tout  le  monde. 

Comme  tous  les  grands  virtuoses  qui  sont  en  même  temps  de 
grands  musiciens,  Thalberg  joue  admirablement  les  œuvres  de  Beet- 
hoven. Il  a  dit  la  sonate  en  ré  mineur  avec  une  expression  et  une 
hauteur  de  style  bien  rares.  Après  sa  Ballade;  après  une  très-bril- 
lante fantaisie  sur  Jl  Trovatore;  un  délicieux  scherzo  du  Songe  d'une 
nuit  d'été,  de   Mendelssohn  ;  après  sa  mélodieuse  et  charmante  lio- 


mance  sans  paroles;  enfin  après  son  étude  en  la  mineur  (celle  à 
trois  temps),  page  justement  populaire  et  classée  depuis  longtemps 
parmi  celles  où  Thalberg  s'est  montré  le  mieux  inspiré  et  le  plus 
attachant,  de  longs,  sincères  et  enthousiastes  bravos  ont  éclaté  de 
toutes  parts. 

Ainsi  qu'à  la  première  séance,  le  célèbre  pianiste  a  constamment 
tenu  son  auditoire  sous  le  charme  d'une  exécution  qui,  si  elle  est, 
comme  on  l'a  tant  répété,  entraînanle  et  foudroyante  dans  les  gammes, 
dans  les  octaves  et  dans  la  complication  de  parties  savamment  intri- 
guées, est  aussi,  au  besoin,  sobre,  touchante,  pathétique,  et  reste 
toujours,  quelle  que  soit  la  différence  des  styles,  d'une  pureté  admi- 
rable. 

Adolphe  BOTTE. 


AUDITIONS  MUSICALES. 

A.  Besnems.  —  liéopold  Dancla.  —  Richard   Hamiuer.  — 
mie  lUarie  Colin. — BlIIw  liOulse  Murer.  —  M.  Goldner. 

—  Ferdinand  Ncboen.  —  Nablch.  —  Charles  lieboac.  — 
aime  Béguin  Sialomon.— Edmond  Hocmelle.— Edouard 
Colonne.  —  dosepU  Teleefnsbl. 

Nous  le  répétons  chaque  année,  M.  A.  Bessems  est  un  violoniste 
sérieux  et  charmant  tout  à  la  fois.  L'autre  soir,  dans  les  salons 
Erard,  secondé  par  Mme  Verdavainne,  pianiste  qui  a  le  sentiment 
des  beautés  classiques,  il  a  dit  d'une  manière  remarquable  un  air 
varié  et  un  trio  de  Mozart.  Il  s'est  fait  vivement  applaudir  aussi 
comme  compositeur.  Sa  jolie  fantaisie  sur  Lucie,  ses  Souvenirs  de 
J.  J.  Rousseau,  et  surtout  ses  deux  fraîches  mélodies,  Dolorès  et 
Sérénade,  joués  avec  autant  de  simplicité  et  de  justesse  que  d'ex- 
pression et  d'élégance,  ont  été  très-sympathiquement  accueillis. 

—  M.  Léopold  Dancla,  lui  aussi,  est  un  violoniste  compositeur  bien 
connu.  Sa  mélodie  religieuse  et  sa  sérénade  villageoise  ont  fait  grand 
plaisir.  Elles  ont  été  applaudies  presque  autant,  et  c'est  dire  beau- 
coup, que  la  symphonie  concertante  de  Charles  Dancla,  que  la  fan- 
taisie sur  des  motifs  de  la  Favorite,  jouée  et  composée  par  Mohr, 
et  que  plusieurs  morceaux  chantés  par  Mme  Léopold  Dancla  et  M.  Ar- 
chainbaud,  morceaux  parmi  lesquels  nous  citerons  la  chanson  de  la 
Mule  de  Pedro,  de  Victor  Massé,  le  Sommeil  de  l'enfant,  d'Alfred 
Mutel. 

—  Puisque  nous  en  sommes  aux  violonistes  compositeurs,  disons 
que  la  soirée  de  M.  Richard  Hammer  a  été  très-brillante.  Cei  artiste, 
extrêmement  "sympathique,  a  charmé  son  auditoire  en  exécutant  avec 
MM.  Krûger  et  Rignault  de  belles  pages  de  Mozart  et  de  Beethoven  ; 
puis  sa  fantaisie  sur  II  Trovatore  et  sa  Berceuse.  M.  Krûger  a  fait 
éprouver  un  vif  plaisir,  et  de  chaleureux  bravos  le  lui  ont  prouvé. 
Dans  la  sérénade  de  Slradella,  transcrite  par  lui,  et  dans  son  caprice 
sur  Guillaume  Tell,  il  a  montré,  est-il  besoin  de  le  dire  ?  toutes  les 
qualités  nécessaires  à  un  brillant  soliste. 

—  Mlle  Marie  Colin  est  une  jeune  pianiste  au  jeu  net,  élégant  et 
distingué.  Soutenue  par  Alard  et  Jacquard,  elle  a  dit  un  mélodieux 
trio  de  Humrael,  les  variations  et  le  finale  de  la  sonate  dédiée  à 
Kreutzer.  Ces  pages,  de  même  que  le  scherzo  de  Chopin  et  la  Danse 
des  Fées  d'Emile  Prudent ,  ont  été  interprétées  avec  beaucoup  de 
charme  et  de  fini.  Mlle  Marie  Colin  a  été  vivement  applaudie,  même 
comme  compositeur.  Ces  trois  petits  morceaux  sont  élégants,  bien 
tournés  et  propres  à'  développer  le  sentiment  musical  des  élèves  et  à 
faire  valoir  leur  exécution. 

—  Nous  venons  de  citer  la  ravissante  Danse  des  Fées;  elle  nous 
rappelle  un  autre  joU  concert  donné,  salle  Herz,  par  une  bonne 
élève  d'Emile  Prudent,  Mlle  Louise  Murer,  dont  jusqu'ici  nous  n'a- 


DE  PARIS. 


131 


vons  pu  constater  le  succès.  La  charmante  artiste  a  joué  avec  un 
style  excellent  des  pages  de  son  maître,  entre  autres  le  Ruisseau  et 
le  Chant  d'Ariel  ;  puis  des  petits  chefs-d'œuvre  de  Beethoven  et  de 
itfendelssohn.  Mme  Morel -Scott,  qui  a  fait  de  grands  progrès  depuis 
qu'on  l'avait  entendue  ici,  a  fort  bien  chanté  à  cette  soirée  un  air 
des  Noces  de  Figaro  et  Sanla  Lucia  de  Braga.  Elle  a  été  fort  ap- 
plaudie, et  c'était  justice. 

—  M.  W.  Goldner  écrit  très-purement,  et  il  serait  à  souhaiter  que 
tous  les  jeunes  musiciens  pussent  montrer  le  savoir  et  la  distinction 
de  pensées  qui  brillent  dans  la  Sérénade,  dans  une  très-jolie  valse 
et  dans  la  Sonate  pour  piano  et  violon  dédiée  à  Rossini.  Toutes  ses 
compositions  ont  valu  à  M.  Goldner  un  double  et  sincère  succès.  Ce 
qui  a  donné  à  ce  succès  une  valeur  toute  particulière,  c'est  que  l'au- 
teur a  mis  dans  ses  morceaux,  non  plus  ces  gammes  ei  ces  arpèges 
qui  ne  disent  rien,  mais  un  fond  mélodique  et  une  richesse  harmoni- 
que qui  charment  les  véritables  connaisseurs . 

— Comme  exécutant,  M.  Ferdinand  Schœn  possède  beaucoup  d'habi- 
leté et  de  souplesse.  Avec  M.  White,  jeune  violoniste  qui  a  le  privi- 
lège d'exciter  partout  de  vives  sympathies,  il  a  fort  bien  exécuté  une 
sonate  de  Beethoven.  Ensuite,  il  a  fait  entendre,  avec  accompagne- 
ment de  double  quatuor,  sa  jolie  fantaisie  sur  des  motifs  de  Sainte- 
Claire,  opéra  du  duc  de  Saxe-Cobourg-Gotha,  une  Berceuse  et  une 
Mazurka.  Dans  ces  deux  dernières  pièces  l'individualité  du  jeune 
pianiste  se  dessine,  et  l'on  voit  aisément  qu'il  se  dirige  vers  la 
bonne  voie. 

—  Dans  le  solo,  le  trombone  est  un  instrument  presque  impossible 
et  très-ingrat  ;  mais  avec  M.  Nabich  il  a  des  sons  délicieux  et  sua- 
ves :  le  monstre  est  muselé,  il  fait  patte  de  velours,  il  a  des  in- 
flexions caressantes;  il  est  doux,  souple,  expressif  et  chante  d'une 
façon  ravissante.  Lui  qui  tonne  si  bien,  qui  est  parfois  si  terrible  à 
l'orchestre,  il  s'est  prêté,  l'autre  soir,  dans  un  concerto  de  David, 
dans  un  solo  de  Nabich  et  dans  une  romance  d'Abt,  à  une  variété 
d'effets,  à  une  grâce  de  style  dont  on  ne  l'aurait  guère  cru  capable. 
Le  succès  de  M.  Nabich  a  été  complet.  On  a  beaucoup  fêté  aussi 
Mme  Szarvady,  MM.  Maurin  et  Chevillard.  Le  quintette  de  Schumann 
et  une  sonate  de  Mozart  ont  été  dits  par  ces  artistes  éminents  d'une 
façon  qui  leur  appartient  et  que  nous  pouvons  louer  sans  réserve. 

—  Pour  toucher,  pour  émouvoir,  pour  atteindre  le  but  que  se  pro- 
posent tous  les  instrumentistes,  il  ne  suffit  pas  d'être  habile  à  toutes 
les  difficultés  du  mécanisme.  M.  Lebouc ,  par  exemple,  n'est  pas, 
comme  on  dit,  plus  fort  que  bien  d'autres  violoncellistes  ;  mais ,  de 
plus  que  quelques-uns ,  il  sait  faire  chanter  son  instrument  :  aussi 
a-t-il  conquis  depuis  longtemps  les  suffrages  du  public.  Lundi,  dans 
les  salons  Pleyel-Wolff,  après  un  quatuor  de  Weber,  un  trio  de 
M.  Adolphe  Blanc,  dont  l'andante  surtout  a  fait  plaisir,  et  un  caprice 
de  B.  Romberg  sur  des  airs  nationaux  suédois,  M.  Lebouc  a  été  très- 
chaleureusement  applaudi . 

Mme  Marie  Damoreau-Wekerlin  a  délicieusement  chanté  et  vocalisé 
l'air  de  la  Muette.  Elle  a  orné  d'exquises  broderies  plusieurs  mor- 
ceaux, et  notamment  un  duo  d'Agnès,  de  Paer,  et  l'Oiseau,  de  Lach- 
ner.  Cette  fois,  nous  n'étions  plus,  Dieu  merci,  dans  cette  voie  de 
l'exagération  et  du  faux  qui  continue  d'effrayer  les  amateurs  et  tous 
ceux  qui  se  préoccupent  un  peu  sérieusement  de  l'art  du  chant. 

—  Mme  Beguin-Salomon  avait  groupé  autour  d'elle,  dans  les  salons 
Erard,  les  talents  aimés  de  MM.  White  et  Brunet.  Elle  a  ouvert  sa 
séance  par  un  quatuor  de  Beethoven  ;  puis  elle  a  dit  seule,  et  par- 
faitement, le  Chant  de  la  fileuse,  de  Litolff,  une  étude  de  sa  compo- 
sition, écrite  pour  la  main  gauche,  et  deux  belles,  bonnes  et  inté- 
ressantes études  de  Mme  Farrenc  ;  enfin,  avec  M.  Lebouc,  un  très- 
beau  duo  de  cet  excellent  violoncelliste  sur  des  mélodies  de  Gluck . 

—  La  matinée  offerte  jeudi  à  la  jeunesse  par  M.  Edmond  Hoc- 
melle  était  vraiment  tout  à  fait  charmante  ;  quantité  et  qualité,  rien 
n'y   a  manqué.   Outre  Edmond  Hocmelle,  qui  a  très-bien  joué  sur 


l'orgue  d'élégantes  pièces  de  sa  composition ,  Mmes  Méric-Lalande, 
Nina  Gaillard  et  M.  Hugo  Hermann  se  sont  distingués  en  interprétant 
plusieurs  morceaux  d'Aimé  Maillart,  da  Henri  Her^  et  de  Nieder- 
meyer.  A  la  partie  musicale,  dans  laquelle  M.  Aurèle,  des  Variétés,  a 
fait  un  plaisir  infini,  en  disant  deux  chansonnettes  de  très-bon  goût, 
a  succédé  un  spirituel  et  fin  proverbe  de  Mme  la  comtesse  Leroux 
de  Mouzay  ;  puis  une  jolie  saynette  villageoise.  Mais  ce  n'est  pas  tout: 
prestige,  somnambulisme  et  spiritisme  étaient  encore  de  la  fête. 
Mme  Julia  Girrood,  surnommée  la  fée  sensitive,  a  vivement  impres- 
sionné l'auditoire.  La  charmante  fée  a-t-elle  dissipé  tous  les  doutes, 
at-elle  fait  taire  les  incrédules  et  les  a-t  elle  désarmés  ?  Nous  sommes 
loin  de  le  prétendre. ,  D'ailleurs  cela  nous  entraînerait  vers  un  ordre 
d'idées  qui  doit  être  laissé  à  la  science  et  qui  demande  une  étude 
approfondie.  Moins  que  tout  autre,  nous  ne  voudrions  y  toucher.  Tout 
ce  que  nous  pouvons  dire,  c'est  que  les  spectateurs  ont  passé  quel- 
ques moments  extrêmement  agréables.  Tous  les  jours,  dans  le  monde 
musical,  on  constate  tant  de  succès  que  nous  ne  pouvons  ni  mieux 
comprendre  ni  mieux  expliquer,  que  nous  ne  voyons  pas  pourquoi 
nous  ne  constaterions  pas  celui  de  M.  et  de  Mme  Girrood. 

—  Le  trio  de  M.  Emile  Albert,  exécuté  au  concert  de  M.  Ed.  Co- 
lonne, manque  de  proportions;  certaines  parties  sont  beaucoup  trop 
concises,  et  cet  ouvrage  est  plutôt  une  fantaisie  pour  piano,  accom- 
pagnée par  un  violon  et  par  un  violoncelle,  qu'un  véritable  trio. 
Malgré  cela,  par  le  charme  de  certaines  mélodies,  par  l'élégance  de 
certains  détails,  il  n'en  reste  pas  moins  une  œuvre  estimable  qui,  si 
elle  n'atteste  pas  un  commerce  très-suivi  avec  les  modèles  les  plus 
parfaits,  annonce  cependant  le  désir  de  s'élever  au-dessus  des  produc- 
tions frivoles.  Un  concerto  de  Viotti,  accompagné  par  un  bon  petit 
orchestre,  n  été  le  grand  succès  de  la  soirée.  M.  Edouard  Colonne  a 
exécuté  ce  concerto  avec  un  grand  charme  d'expression,  sinon  avec 
une  grande  vigueur  de  style,  et  a  été  très  favorablement  accueilli. 

La  jolie  voix,  la  distinction,  la  sûreté  d'intonation  déployées  par 
Mme  Oscar  Comettant  dans  l'air  de  Lalla-Rouhk  et  dans  11  Bacio, 
ont  fait  éclater  d'unanimes  bravos. 

—  Aujourd'hui  les  virtuoses,  même  ceux  de  second  ordre,  s'ap- 
pliquent à  rendre  les  beautés  sévères  et  vigoureuses  de  l'école  al- 
lemande; ils  sortent  enfin  du  morceau  de  concert,  qui,  on  le  sait, 
ne  fut  trop  souvent  qu'un  mélange  peu  harmonieux  et  peu  remar- 
quable des  thèmes  à  la  mode.  A  son  concert,  donné  salle  Herz, 
M.  Joseph  Telesinski  a  fait  entendre  un  quintette  de  Beethoven,  dont 
le  talent  de  MM.  Camille  Saint -Saens,  Castaigner,  Grisez,  Mohr  et 
Espaignet  a  parfaitement  su  faire  saillir  les  beautés,  et  un  quatuor 
de  Mendelssohn.  La  Polonaise  de  J.  Moniuszko,  pour  trois  violoncelles, 
alto  et  contre-basse,  dite  d'une  façon  extrêmement  remarquable  par 
MM.  Lasserre,  Guéroult,  Thalgrun,  Deslandres  et  Telesinski,  était  di- 
gne d'être  applaudie  à  côté  des  grandes  et  ravissantes  pages  des 
maîtres  allemands.  A  en  juger  par  ce  que  nous  avons  entendu  de 
J.  Moniuszko,  l'école  polonaise,  que  l'on  ne  connaît  guère  que  par 
Chopin,  conserve  une  fraîcheur,  un  accent  ému  et  sincère,  une  poésie 
qui  éclipsent  entièrement  cet  art  de  convention,  ces  formes  glacées 
que  tout  le  monde  peut  apprendre,  et  avec  lesquelles  on  espère,  bien 
à  tort,  remplacer  la  vie  et  l'inspiration.  Cette  polonaise  est  fille  de 
l'imagination  et  du  savoir;  elle  n'a  rien  de  commun  avec  ces  choses 
froides  et  inanimées  écrites  d'une  façon  où  il  n'y  a  rien  à  reprendre, 
si  ce  n'est  pourtant  l'absence  complète  de  couleur,  de  signification  et 

.  d'originalité.  Après  ces  hautes  et  charmantes  conceptions,  oîi  les  exé- 
cutants se  sont  élevés  au  niveau  de  leur  admirable  texte,  M.  J.  Te- 
lesinski a  joué  les  fantaisies  de  son  maître  sur  la  Muette  et  sur  le 
Désir,  de  Beethoven.  Il  les  a  jouées  toutes  deux  avec  la  justesse,  la 
sensibilité,  l'élan  et  la  largeur  qui  caractérisent  l'école  d'Alard. 

Adolphe  BOTTE. 


132 


KEVUE  ET  GAZETTE  MUSICALK 


CONCERTS  POPULAIRES  DE  MUSIQUE  CLASSIQUE. 

Les  deux  derniers  concerts  du  Cirque  Napoléon,  celui  du  vendredi 
saint  et  celui  de  dimanche,  dans  lequel  on  a  exécuté  la  symphonie 
avec  chœurs,  ont  été  parliculièrement  remarquables.  Il  faut  recon- 
naître et  constater  que  M.  Pasdeloup  n'a  rien  voulu  laisser  à  faire  de 
ce  qui  pouvait  être  fait.  Il  a  ouvert  à  l'élément  choral  la  vaste  en- 
ceinte dans  laquelle  il  avait  déjà  établi  l'orchestre,  et  tout  d'abord 
il  l'a  posé  sur  des  bases  assez  larges  pour  qu'il  n'y  eût  pas  moyen  de 
demander  plus  ou  mieux.  Cinq  cents  voix  choisies  parmi  les  meil- 
leures du  Conservatoire,  des  théâtres  lyriques  et  des  sociétés  cho- 
rales, forment  un  effectif  de  valeur  et  de  force  imposantes,  dont  l'en- 
semble  produit  d'admirables  effets. 

La  symphonie  avec  chœurs  de  Beethoven  était  désignée  pour  la 
conclusion  de  ce  pacte  d'alliance  entre  les  instruments  et  les  voix. 
M.  Pasdeloup  a  eu  raison  de  réserver  jusqu'ici  cette  symphonie  im- 
mense et  de  ne  l'aborder  qu'avec  la  certitude  de  prouver  qu'il  n'y  a 
rien  pour  lui  d'inabordable  :  nil  intentatum.  Nous  qui  ne  nous 
flattons  pas  encore  de  tout  comprendre  dans  une  production  oi;  il  y 
a  certainement  quelque  chose  de  surhumain,  nous  avons  fait  des 
progrès  en  écoutant  l'interprétation  que  le  chef  en  a  dictée,  inspi- 
rée, commandée  à  son  orchestre  et  à  ses  chanteurs.  Et  nous  n'avons 
pas  été  les  seuls,  si  nous  en  jugeons  par  le  recueillement  profond, 
entrecoupé  de  bravos  enthousiastes,  dans  lequel  l'assemblée  entière  a 
écouté  une  œuvre  qui  ne  dure  pas  moins  d'une  heure  et  demie. 

Mmes  Viardot  et  Simon,  MM.  Bussine  et  Capoul  étaient  chargés 
des  soli,  que,  suivant  son  habitude  et  son  génie,  le  maître  n'a  pas 
gâtés  de  ses  faveurs.  Les  quatre  artistes  ne  sont  placés  là  que  comme 
des  têtes  de  colonne,  obligés  de  tenir  plus  ferme  que  les  autres  et 
marcher  au  feu  les  premiers.  Ils  nous  rappellent  le  prince  de  Lig-ne 
gravissant  une  pente  escarpée,  et  disant  à  ses  grenadiers  :  «  Savez- 
vous  bien  que  s'il  n'y  avait  pas  de  coups  de  fusil  à  gagner,  la  po- 
sition ne  serait  pas  tenable-  »  Malgré  ces  difficultés,  malgré  ces 
périls,  la  quatrième  partie  de  la  symphonie  n'a  pas  été  moins  victo- 
rieusement enlevée  que  les  trois  premières,  et  nous  n'avons  qu'un 
glorieux  bulletin  à  rédiger. 

Dans  le  choix  {sélection)  des  morceaux  de  Haendel ,  qui  venaient 
après  le  Leviathan  de  Beethoven,  les  choristes  ont  remporté  encore 
des  avantages  signalés.  Un  chœur  de  Salomon  a  paru  si  charmant, 
si  curieux  dans  sa  juvénile  vieillesse,  qu'il  a  été  redemandé  et  répété. 
Même  honneur  revenait  à  l'air  à'Alcina,  chanté  par  Mme  Viardot 
avec  ce  sentiment  de  grande  artiste  qui  fait  que  rien  de  ce  qui 
tient  au  beau  et  au  vrai  ne  lui  est  étranger.  C'est  un  triomphe  de 
plus  à  inscrire  sur  sa  liste,  si  toutefois  il  y  reste  une  place  vide,  et 
nous  en  doutons  beaucoup. 

P.  S. 


NECROLOGIE. 

SVAIVISI/AS  VERROVIST. 

Cet  artiste  est  du  nombre  de  ceux  à  qui  la  fortune  ne  refusa  rien 
dès  le  début  de  leur  carrière,  mais  dont  le  caractère  ne  fut  pas  à  la 
hauteur  de  leur  talent.  C'est  à  cette  cause  qu'il  faut  attribuer  le  fatal 
ostracisme  qui,  pendant  les  dix  dernières  années  de  sa  vie,  l'a  suc- 
cessivement privé  de  la  plupart  des  fonctions  auxquelles  il  avait  été 


Né  à  Hazebrouck  (Nord),  le  10  mai  1814,  Stanislas  Verroust  mon- 
t)'a  dès  son  enfance  les  plus  heureuses  dispositions  pour  la  mu- 
sique. Enfant  de  chœur  de  l'église  de  sa  ville  natale,  il  s'y  fit  re- 
marquer par  l'expression  avec  laquelle  il  chantait  les  petits  solos  qui 
lui  étaient  confiés. 


Lorsque  l'âge  de  choisir  un  état  fut  arrivé,  il  se  décida  à  continuer 
plus  sérieusement  ses  études  musicales,  et  il  se  voua,  non  pas  à  un 
seul  instrument,  mais  à  plusieurs  d'un  genre  différent.  Stanislas  Ver- 
roust jouait  avec  habileté  du  violon,  de  l'alto,  de  la  flûte,  grande  et 
petite,  du  hautbois,  du  cor  anglais  et  de  la  musette.  En  1831  il  vint 
à  Paris,  fut  admis  au  Conservatoire  dans  la  classe  de  .M.  Vogt,  et  entra 
vers  la  même  époque  à  l'orchestre  du  théâtre  du  Palais-Royal,  en 
qualité  de  second  violon.  Ses  aptitudes  variées  le  rendirent  cher  à  ses 
nouveaux  camarades  qui,  sous  le  moindre  prétexte,  obtenaient,  grâce 
à  lui,  un  congé  de  leur  chef  d'orchestre,  le  bon  et  original  Hus- 
Desforges. 

S.  peine  admis  au  Conservatoire,  il  y  remporta  l'un  des  plus  bril- 
lants premiers  prix  de  hautbois  qui  aient  illustré  l'enseignement  de 
M.  Vogt.  Le  Gymnase  musical  militaire  le  compta  bientôt  parmi  ses 
plus  habiles  professeurs.  Après  avoir  fait  successivement  partie  des 
orchestres  de  la  Porte-Saint-Martin,  du  théâtre  de  la  Renaissance  et  de 
l'opéra  Italien,  Stanislas  Verroust  fut  admis  enfin  à  celui  de  l'Acadé- 
mie royale  de  musique.  Lors  de  la  retraite  de  son  éminent  profes- 
seur, Stanislas  Verroust  eut  l'honneur  de  lui  succéder  dans  tous  ses 
emplois  ;  il  fut  donc  nommé  premier  hautbois  de  l'Opéra,  de  la  mu- 
sique du  roi  Louis-Philippe  et  de  la  Société  des  concerts. 

Il  lui  succéda  aussi  comme  professeur  au  Conservatoire. 

Après  la  révolution  de  1848,  la  garde  nationale  parisienne  ayant 
été  réorganisée,  Stanislas  Verroust  fut  nommé  chef  de  musique 
d'une  de  ses  subdivisions.  Doué  d'une  imagination  très  ■  vive, 
il  devinait  plutôt  qu'il  n'apprenait,  surtout  en  ce  qui  touche  la 
composition  musicale.  Celui  qui  écrit  ces  lignes  a  eu  l'honneur  de 
lui  enseigner  l'harmonie,  et  ses  progrès  furent  aussi  prompts  que 
brillants.  Le  nombre  de  ses  œuvres  et  arrangements  est  considé- 
rable ;  les  excellents  élèves  qu'il  a  formés  au  Gymnase  musical  et  au 
Conservatoire  comptent  parmi  eux  de  véritables  virtuoses. 

Atteint  depuis  plusieurs  années  d'une  atonie  générale ,  Stanislas 
Verroust  s'était  rendu  le  5  avril  courant  dans  son  pays  pour  y  cher- 
cher un  adoucissement  à  ses  maux  ;  mais  à  peine  avait-il  touché  le 
sol  natal  qu'il  s'y  est  éteint.  Ses  obsèques  ont  eu  lieu  le  11  avril 
1863,  à  Hazebrouck.  Comme  virtuose  et  hautboïste,  Stanislas  Verroust 
était  le  premier  de  l'Europe;  et  quel  que  soit  le  mérite  de  ses  rivaux, 
aucun  d'eux  ne  pourra  le  faire  oublier,  car  il  réunissait  à  la  beauté 
du  son,  la  grâce,  le  style,  l'expression  et  une  sûreté  d'exécution  ex- 
traordinaire. 

A.  ELWART. 


CORRESPONDANCE. 


Paris,  22  août  1863. 


Monsieur  le  Directeur, 


M.  Pasdeloup  s'étaut  servi  de  votre  journal  pour  répondre  à  un  ar- 
ticle de  la  France  musicale,  sur  Pavant-dernier  concert  au  Cirque  Na- 
poléon, permettez-moi  de  lui  faire  parvenir  ma  réponse  par  la  même 
voie. 

J'ai  dit  et  je  soutiens  que  M.  Pasdeloup,  ayant  fait  exécuter  un  frag- 
ment de  l'oratorio  de  Haydn,  le  Sette  ultime  parole,  par  son  orchestre 
seul,  quand  il  pouvait  disposer  de  500  choristes,  avait  commis,  au  point 
de  vue  de  l'art,  un  véritable  sacrilège.  M.  Pasdeloup,  pour  combattre 
mon  opinion,  m'oppose  une  lettre  de  Haydn  de  1801.  Eh  bien  !  c'est  dans 
cette  lettre  même  que  je  vais  puiser  sa  condamnation. 

Si  le  chef  d'orchestre  des  concerts  populaires  de  musique  classique 
ne  connaît  ce  document  que  d'hier,  i'ai  l'avantage  sur  lui  de  le  connaître 
depuis  plus  de  vingt  ans,  car  je  l'ai  publié  en  1340  dans  la  France  mu- 
sicale, et  je  crois  en  avoir  été  le  premier  traducteur. 

Que  dit  cette  lettre? 

Elle  constate  :  1  "  que  l'oratorio  de  Haydn  a  été  écrit  pour  une  cathé- 
drale de  Cadix  qui  manquait  du  principal  élément  pour  l'exécution 
d'une  œuvre  de  ce  genre,  le  chant,  ce  qui  fait  dire  à  Haydn  qu'on  avait 
assigné  des  bornes  à  sa  composition  ; 

2°  Que,  pour  remplacer  le  chant,  l'évêque  montait  en  chaire  et  pro- 
nonçait une  des  sept  paroles  dont  il  faisait  le  texte  de  son  instruction  ; 


DE  PARIS. 


133 


3°  Que,  plus  tard,  Haydn  ajouta  des  chcsurs  aux  Sept  paroles  du  Sau- 
veur sur  la  croix,  pour  former  un  ouvrage  cmnplet,  et  c'est  ainsi  que 
l'oratorio  a  paru  chez  MM.  Haertel  et  Breitkopf,  à  Leipzig. 

C'est  donc  un  morceau  incomplet  des  Sette  ultime  parole  que  nous  a  fait 
entendre  M.  Pasdeloup;  et  puisque,  pour  remplacer  le  cbant,  il  n'a  pas 
eu  le  soin,  à  l'exemple  de  l'évêque  de  Cadix,  de  venir  devant  le  public 
prononcer  le  texte  du  fragment  qu'il  a  fait  exécuter,  j'ai  été  double- 
ment fondé  à  dire  qu'il  avait  commis  un  sacrilège.  Les  500  choristes 
que  M.  Pasdeloup  avait  devant  lui,  cahier  en  main  et  bouches  closes, 
représentaient  un  régiment  de  soldats  qu'un  général  aurait  désarmés  au 
moment  du  combat  :  sur  le  champ  de  bataille,  cela  s'appellerait  une 
trahison;  par  analogie,  ce  qu'a  fait  M.  Pasdeloup  peut  bien,  encore  une 
fois,  être  qualifié  de  sacrilège. 

L'intérêt  constant  avec  lequel  j'ai  suivi  jusqu'à  ce  jour  les  progrès  de 
l'institution  fondée  par  M.  Pasdeloup,  justifie,  je  crois,  suffisamment 
mon  droit  de  critique  à  son  égard,  et  c'est  à  ce  titre  que  je  vous  prie 
d'accueillir  ma  réponse  à  la  lettre  qui  a  paru  dimanche  dernier  dans 
votre  Gazette. 

Veuillez  agréez  l'assurance  de  ma  considération  la  plus  distinguée, 

Marie  Esccdier. 


Pour  répondre  d'un  mot  à  la  lettre  que  l'on  vient  do  lire,  il  suffit  de 
rappeler  que  l'auteur  des  sept  paroles  en  écrivit  la  partie  vocale  quinze 
ans  après  en  avoir  composé  la  partie  instrumentale.  Il  en  est  donc  ré- 
sulté deux  œuvres,  entre  lesquelles  il  est  permis  de  choisir,  sans  man- 
quer à  aucune  loi.  Pour  notre  part,  nous  ignorions  que  la  loi  du  sa- 
crilège eut  été  introduite  dans  la  musique;  mais  évidemment  ce  ne 
serait  pas  ici  le  cas  de  l'appliquer. 


NOUVELLES. 

,*,  Dimanche  dernier  le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  par 
extraordinaire  la  Muette.  —  Lundi,  Villaret  a  continué  ses  débuts  dans 
Guillaume  Tell.  —  Mercredi,  les  Huguenots,  joués  par  M.  et  Mme  Guey- 
mard,  Mmes  Duprez-"Vandenheuvel  et  Donnesseur,  avaient  rempli  la 
salle.  —  Vendredi ,  la  Muette  a  repris  son  tour.  Le  répertoire  est 
donc  loin  de  manquer  de  variété;  ce  qui  n'empêche  pas  de  presser  les 
répétitions  du  Comte  Ory  dans  lequel  Bonnesseur  doit  remplacer 
Comte-Borchardt,  qui  a  succombé  d'une  façon  si  imprévue. 

^*^  Villaret  fera  son  second  début  dans  les  l'êi^res  siciliennes.  Mlle  Sax 
chantera  le  rôle  d'Hélène.  Verdi  préside  aux  répétitions  de  son  opéra. 

^**  Nous  avons  dit  et  on  a  répété  que  M.  Léo  Delibes,  accompagna- 
teur au  théâtre  Lyrique,  passe  en  cette  qualité  à  l'Opéra;  mais  on  a 
ajouté  que  M.  Delibes  était  remplacé  au  théâtre  Lyrique  par  M.  Mangin; 
il  n'en  est  rien.  11.  Delibes  a  pour  successeur  iM.  Hector  Salomon,  et 
M.  Mangin  entre  au  théâtre  Lyrique  comme  second  accompagnateur. 

^*^  Le  journal  la  France,  dans  une  appréciation  des  causes  de  la 
mort  du  chanteur  Comte-Borchardt,  avait  cru  pouvoir  attribuer  cet  évé- 
nement aux  émanations  de  la  peinture  encore  fraîche  au  moment  de  la 
réouverture  de  la  salle.  M.  Perrin  vient,  dans  une  lettre  adressée  à  la 
France,  et  que  ce  journal  a  publiée,  de  réfuter  cette  opinion  en  produi- 
sant à  l'appui  un  certilicat  signé  par  les  douze  médecins  du  théâtre  de 
l'Opéra,  et  constatant  que  la  mort  de  M.  Borohardt  est  due  à  une  con- 
gestion cérébrale,  déterminée  par  sa  constitution,  par  des  accidents  de 
même  nature  éprouvés  par  lui  à  d'autres  époques  et  par  des  antécé- 
dents de  famille. 

^*^  Une  indisposition  de  Montaubry  a  forcé  de  faire  relâche  jeudi,  au 
théâtre  de  l'Opéra-Comique. — La  reprise  de  la  Chanteuse  voilée,  de  Massé, 
chantée  par  Capoul,  Gourdin  et  Mlle  Marimon,  aura  lieu  demain.  —  On 
annonce  pour  mercredi  celle  tX'IIaydée.  Le  charmant  opéra  d'Auber  est 
remonté  avec  beaucoup  d'éclat.  Achard  jouera  Loredan  et  Mlle  Cico 
Haydée.  Le  même  soir,  Mme  Galli-Marié  jouera  la  Servante  maîtresse, 
pour  cette  fois  seulement.  Mme  Galli-Marié  retourne  terminer  son  en- 
gagement à  Rouen  et  appartiendra  définitivement  à,  l'Opéra-Comique  à 
partir  du  20  mai. 

^*f  Le  Ménestrel  nous  communique  un  curieux  et  dernier  renseigne- 
ment au  sujet  de  la  princière  acquisition  faite  par  Mme  S.  de  P...,  de 
la  partition  manuscrite  de  la  Déesse  et  le  Berger.  Indépendamment  du 
prix  principal  de  6,000  francs,  l'enthousiaste  dilettante  a  cru  devoir 
adresser  aux  auteurs  et  aux  interprètes  de  cet  opéra  mythologique,  des 
présents  dignes  des  dieux...  ou  tout  au  moins  des  demi-dieux  de  l'O- 
lympe :  à  M.  Duprato  ,  l'auteur  de  la  musique,  elle  a  offert  un  cachet 
en  pierre  dure  représentant  une  déesse;  à  M.  du  Locle  ,  l'autour  du 
poème,  une  plume  en  lapis  lazzuli  ornée  de  rubis;  à  Mlle  Baretti  (la 
Déesse),  un  papillon  en  diamants  et  saphirs;  à  M.  Capoul  (le  Berger), 
un  diamant  solitaire  (bague);  à  M.  Crosti  (Bacchus),  une  épingle  grecque 
en  diamants  et  onyx  noire;  à  M.  Prilleux  (Silène),  une  épingle  coquille 


en  diamant  avec  perle;  à  M.  Gourdin  (Polémon),  une  garniture  de  bou- 
tons en  diamants;  enfin,  à  Mme  Ferdinand  (la  Na'iade),  une  petite  lyre 
en  diamants,  qui  vient  dignement  couronner  ces  fabuleux  témoignages 
de  dilettantisme. 

^*^  Mme  Volpini  a  fait  sa  rentrée  la  semaine  dernière  au  théâtre  Ita- 
lien par  le  rôle  de  Norina  dans  Don  Pasquale.  Un  excellent  accueil  a  été 
fait  à  la  jeune  et  svmpathique  cantatrice,  qui  a  rendu  ce  jo'i  rôle  de  la 
façon  la  plus  intelligente  et  la  plus  distinguée. 

^*,  Vendredi  Mme  Viardot  a  fait  ses  adieux  au  théâtre  Lyrique  dans 
l'opéra  d'Orphée.  Cette  représentation  avait  attiré  beaucoup  de  monde, 
et  la  célèbre  cantatrice  a  été  comme  toujours  chaleureusement  applau- 
die. Elle  chantera  encore  demain  lundi  dans  le  même  ouvrage.  —  On 
annonce  pour  la  semaine  prochaine  le  Lièvre  au  gite,  opéra-comique  en 
un  acte,  paroles  de  M  VI.  Michel  Carré  et  Théodore  Barrière,  musique 
de  M.  Léo  Delibes. 

»■**  Au  théâtre  Lyrique,  la  reprise  d'Oberon  a  dû  être  retardée  de 
quelques  jours  par  suite  d'une  nouvelle  combinaison  dans  la  distribution 
des  personnages.  C'ist  Mme  Ugalde  qui  se  chargera  du  rôle  de  Rezia. 
La  rentrée  de  cette  brillante  artiste  et  son  concours  imprévu  à  un  ou- 
vrage de  cette  valeur  exciteront  vivement  la  curiosité  publique. 

^*^  Nous  avions  annoncé  que  le  théâtre  des  Bouffes-Parisiens  allait 
donner  quelques  représentations  d'Orphée  avant  sa  clôture,  mais  le  suc- 
cès constant  des  Bavards  ne  l'a  pas  permis.  Chaque  soir  le  charmant 
opéra  d'OÊfenbach  et  la  verve  de  Mme  Ugalde  remplissent  la  salle  et 
l'on  est  obligé  de  refuser  du  monde.  C'est  ce  soir  la  63«  représentation. 

^*^  On  lit  dans  la  Revue  et  Gazette  des  Théâtres  :  «  Mlle  Morio,  canta- 
trice, qui  vient  de  donner  à  Marseille  des  représentations  brillantes,  et 
qui  avait  été  désignée  par  Halévy  pour  jouer  un  rôle  dans  Noé,  est  en  ce 
moment  en  pourparlers  avec  le  théâtre  Lyrique,  où  elle  créerait  le 
rôle  principal  dans  les  Troyens  de  M.  Berlioz.  Voici  la  lettre  adressée  à 
Mlle  Morio  par  M.  Berlioz  lui-même  : 
«  Mademoiselle, 

»  Je  serai  très-heureux,  si  vous  êtes  engagée  au  théâtre  Lyrique  et  si 
»  l 'on  monte  mon  opéra  des  Troyens,  de  vous  offrir  le  rôle  de  Cassandre, 
j  qui  me  paraît  convenir  à  votre  voix  et  à  votre  talent. 

»  Recevez  l'assurance  de  mes  sentiments  distingués, 

»  Signé  :  Berlioz.  » 

^*^  Mme  Charton-Itemeur  est  partie  pour  Bordeaux,  engagée  pour 
chanter  aujourd'hui  au  concert  de  la  Société  philharmonique.  Le  duo 
de  Béatrice  et  Denedict  de  Berlioz,  des  airs  de  Norma  et  de  !a  Traviata 
forment  le  programme  de  la  célèbre  cantatrice. 

„*^  Le  théâtre  de  l'Oriente  de  Madrid  vient  de  clore  sa  saison  par 
les  l'uritains  et  la  Somnambule.  Baragli,  jeune  ténor  d'avenir,  y  a  ob- 
tenu du  succès.  On  l'attend  à  Paris,  de  même  que  Fraschini  et  Mmes  La- 
grange  et  Deraerio-Lablache. 

^"^  On  lit  dans  la  Gazette  des  Etrangers  .  «  Il  se  prépare  au  Mirliton, 
plus  pompeusement  ;  Cercle  de  l'Union  artistique,  la  représentation  d'un 
très-curieux  opéra  inédit,  paroles  de  Mlle  Augustine  Brohan,  musique  de 
dix  compositeurs,  membres  du  cercle.  On  a  tiré  les  morceaux  au  sort 
dans  un  chapeau.  Nous  croyons  savoir  que  le  gros  lot,  un  finale,  est  échu 
au  maestro  prince  Poniatow.ski.  Que  l'on  dise  encore  que  la  fortune  est 
aveugle!  L'ouvrage  aura  pour  interprètes  des  artistes  de  l'Opéra-Co- 
mique. » 

.^*«  Dans  le  rapport  sur  le  budget  présenté  par  M.  Busson  au  Corps 
législatif,  inséré  au  Moniteur,  on  lit  ce  qui  suit  à  l'article  des  subven- 
tions théâtrales  :  «  Notre  honorable  collègue  M.  le  baron  de  Eavinel  a 
proposé  de  réduire  de  300,000  francs  la  subvention  des  théâtres  impé- 
riaux, pour  l'affecter  à  d'autres  besoins  plus  urgents  à  ses  yeux.  Votre 
commission  n'a  pas  cru  pouvoir  s'associer  à  cette  pensée;  depuis  plu- 
sieurs années  le  montant  de  ce  crédit  est  le  même,  et  personne  n'a  cri- 
tiqué comme  excessives  les  allocations  employées  à  encourager  et  à 
soutenir  ces  grands  établissements  destinés  à  vivifier  et  à  populariser  les 
inspirations  du  génie  et  du  talent,  et  à  conserver  les  monuments  de 
notre  art  national.  Le  chiffre  inscrit  au  budget  nous  paraît  donc  devoir 
être  maintenu.  Votre  commission  avait  remarqué  toutefois  que  les  cir- 
constances exceptionnelles  qui  ont  motivé,  il  y  a  quelques  années,  la 
subvention  accordée  au  théâtre  Italien  ont  cessé  d'exister.  Puisqu'une 
partie  du  crédit  peut  cesser  d'avoir  son  emploi  actuel,  la  commission 
pense  qu'il  serait  à,  la  fois  juste  et  libéral  de  s'en  servir  pour  encou- 
rager le  théâtre  Lyrique,  qui  se  recommande  par  ses  efforts  persévé- 
rants, le  caractère  artistique  de  son  exploitation  et  les  talents  qu'il  a 
produits.  1) 

***  Par  arrêté  de  S.  Exe.  le  ministre  d'Etat,  M.  Triébert  vient  d'être 
nommé  professeur  de  hautbois  au  Conservatoire,  en  remplacement  de 
M.  Stanislas  Verroubt,  décédé. 

^*.j:  M.  de  Beaufort  vient  d'être  nommé  pour  la  seconde  fois  direc- 
teur du  théâtre  du  Vaudeville.  C'est  sous  sa  direction  que  furent  obte- 
nus les  trois  grands  succès  des  Faux  bonslwmmes,  Dalilah  et  les  Lionnes 
pauvres. 

.j,'%  On  avait  annoncé  pour  vendredi  dernier,  au  Cirque  de  l'Impératrice, 
un  très-beau  concert  au  bénéfice  de  l'œuvre  de  Notre-Dame-des-Arts,  et 


13/i 


H  h:  VUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


dans  lequel  devaient  se  faire  entendre  les  artistes  de  l'Opéra,  du  théâ- 
tre Italien  et  Tamberlick.  On  devait,  en  outre,  y  exécuter  la  Rédemp- 
tion, mystère  en  cinq  parties,  poëme  d'Emile  Deschamps,  musique 
d'Alary.  Par  suite  de  l'indisposition  persistante  de  Tamberlick,  la  so- 
lennité est  ajournée. 

^*^  Prudent  arrive  de  Metz,  où  il  vient  de  donner  un  concert  magni- 
fique dans  la  belle  salle  de  l'hôtel  de  ville,  mise  à  sa  disposition  et 
remplie  jusque  dans  les  corridors.  Son  succès  a  été  immense.  Depuis 
des  années  Prudent  et  ses  compositions  sont  populaires  à  Metz  ;  son 
école  s'y  trouve  représentée  par  une  de  ses  meilleures  élèves,  Mme  Pê- 
tre,  qui  elle-même  excelle  dans  l'interprétation  de  la  musique  de  son 
maître,  avec  lequel  du  reste  elle  a  partagé  les  applaudissements  d'un 
auditoire  d'élite  et  d'une  rare  intelligence  musicale.  La  Danse  des  Fées, 
Adieu  printemps,  le  Chant  d'Ariel,  étaient  les  principaux  morceaux  que 
Prudent  a  fait  entendre;  il  a  été  obligé  d'exécuter  cette  dernière  com- 
position et  de  promettre  en  même  temps  de  revenir  bientôt  faire  égale- 
ment réentendre  tous  les  autres  morceaux. 

^*^  Le  concert  de  Mme  Oscar  Comettant  est  toujours  fixé  au  jeudi 
30  avril,  salle  Herz.  Rien  de  changé  au  programme  que  contenait  notre 
dernier  numéro. 

^*^  Le  célèbre  violoniste  compositeur  Bazzini  est  à  Paris  pour  quel- 
ques jours.  Il  va  se  reposer  l'été  en  Italie. 

i**  L'Illustration  du  Midi  contient  un  beau  portrait  de  Roger,  et 
consacre  plusieurs  colonnes  à  l'appréciation  du  talent  da  célèbre  chan- 
teur, de  même  qu'au  compte  rendu  de  ses  représentations  à  Toulouse. 
Le  Prophète,  la  Favorite  et  la  Dame  blanche,  ses  triomphes  habituels, 
ont  chaque  fois  rempli  le  théâtre  du  C^pitole.  Applaudissements,  rap- 
pels, rien  n'a  manqué  au  succès  du  brillant  artiste,  dont  le  talent  ré- 
sume tous  les  genres,  et  «  dont  le  nom  (pour  nous  servir  des  termes 
du  journal),  en  s'associant  à  ceux  de  Nourrit  et  de  Duprez,  complète  le 
grand  trio  des  ténors  de  la  scène  française.  » 

^*^  Mme  Madeleine  Graever  vient  d'oblenir  un  très-grand  succès  au 
concert  donné  par  la  Société  Felix-Meritis  à  la  Haye.  Elle  y  a  joué  le 
troisième  concerto  symphonique  de  Litolff,  qui  a  produit  un  immense 
effet  et  après  lequel  Mme  Graever  a  été  rappelée  avec  enthousiasme. 
Dans  la  seconde  partie,  ses  variations  de  Haendel  ne  lui  ont  pas  valu 
une  moins  chaleureuse  ovation,  et  elle  a  été  rappelée  deux  fois. 

^*^  Thalberg  donnera  mercredi  prochain,  29  avril,  une  dernière  séance 
musicale  chez  Erard.  En  voici  le  programme  :  1°  deux  romances  sans 
paroles,  de  Mendelssohn;  2°  Mi  manca  la  voce  (quatuor  de  Moïse),  de 
l'.ossini  ;  étude,  de  Thalberg  ;  3°  le  trille  (inédit),  de  Thalberg  ;  4»  menuet 
de  la  symphonie  en  sol  mineur,  de  Mozart;  polonaise,  de  Chopin;  5°  pas- 
torale (inédite),  de  Thalberg;  6°  air  de  Fernand  Cortez,  de  Spontini  ; 
scène  et  chœur  de  Lucrezia  Borgia,  de  Donizetti  ;  7°  scherzo  du  Songe 
d'une  nuit  d'été,  de  Mendelssohn;  8°  fantaisie  (la  Muette),  de  Thalberg. 
^*.^,  Le  violoniste  italien  Silvestro  Nicosia,  et  son  fils,  Carlo  Nicosia, 
âgé  de  cinq  ans  et  demi ,  donneront  dimanche  prochain ,  26  avril ,  à 
2  heures,  avec  le  concours  d'artistes  distingués,  un  concert  vocal  et 
iustrumental,  dans  la  salle  du  Grand-Orient  de  France,  16,  rue  Cadet. 
»%  Samedis  mai,  salle  Pleyel,  grandconcert  de  M.  DiomèdeZompi,  dans 
lequel  il  exécutera  seul,  et  avec  MM.  de  Cuvillon  et  Franchomme ,  des 
œuvres  de  Beethoven,  Mozart,  Weber  et  iJhopin,  de  même  que  plusieurs 
morceaux  de  sa  composition.  Mlle  Deternoz  et  M.  Pagans  sont  chargés 
de  la  partie  vocale. 

^'»  La  semaine  prochaine  paraîtra  le  duo  de  Béatrice  et  Benedict, 
l'un  des  plus  beaux  morceaux  de  l'opira  de  Berlioz,  qui  n'avait  pas  été 
publié  séparément,  et  qui  est  généralement  demandé.  Le  premier  tirage 
de  la  partition  a  été  épuisé  en  un  mois. 

^*^  Les  étrangers,  dont  l'affluence  augmente  chaque  jour  à  Paris, 
ont  désormais  un  organe  spécial  dans  la  presse  parisienne,  qui  porte 
leur  nom,  et  les  guide  jour  par  jour,  presque  heure  par  heure,  dans 
leurs  affaires  et  leurs  plaisirs.  La  Gazette  des  Etrangers,  journal  quoti- 
dien (H.  de  Pêne,  rédacteur  en  chef),  publie  le  progamme  détaillé  des 
spectacles,  le  bulletin  raisonné  de  la  Bourse,  la  Chronique  du  monde, 
des  théâtres  ;  des  articles  de  critique,  de  littérature  et  d'art. 

***  L'art  musical  doit  à  M.  Guichard  une  excellente  méthode  de  violon 
universellement  connue  et  généralement  adoptée  par  les  professeurs  de 
cet  instrument.  M.  Guichard  a  publié  en  outre  plusieurs  fantaisies  sur 
les  opéras  de  Meyerbeer,  Auber,  etc.,  accueillies  avec  non  moins  de 
faveur  par  le  public.  Aujourd'hui,  après  deux  ans  d'abstention,  M.  Gui- 
chard vient  de  rentrer  dans  la  lice  et  de  se  signaler  par  la  publication 
d'une  nouvelle  et  charmante  fantaisie  sur  Mariha.  Ce  morceau,  qui  ren- 
ferme les  principaux  motifs  de  l'opéra  de  Flotow,  rappelle  le  faire  brillant  et 
gracieux  des  premiers  airs  variés  de  de  Beriot.  L'harmonie  en  est  pure 
et  distinguée  ;  les  traits  de  violon  dialoguent  d'une  manière  ingénieuse 
avec  l'accompagnement  de  piano,  et  forment  un  ensemble  on  ne  peut 
plus  riche,  surtout  dans  le  finale,  où  l'auteur,  au  milieu  d'arpèges  nou- 
veaux, fait  entendre  simultanément  deux  des  plus  jolis  motifs  de  la  scène 
du  marché  au  premier  acte.  Cette  œuvre  nouvelle  sera  certainement 
très-goûtée  par  les  amateurs. 
,f».  L'inauguration  du  grand  orgue  de  l'église  Saint-Etienne  du  Mont, 


qui  vient  d'être  reconstruit  par  la  maison  A.  Cavaillé-CoU  et  C«,  aura 
lieu  lundi  27  avril,  à  7  heures  et  demie  du  soir.  L'orgue  sera  joué  par 
MM.  Franck  aîné ,  organiste  de  Sainte-Clotilde;  Durand,  organiste  de 
Saint-Roch;  Ch.  Hess,  et  Lebel,  organiste  de  la  paroisse. 

^*^  On  vient  de  mettre  en  vente  au  magasin  Brandus  (Retté  et  0"=) 
un  très-beau  portrait  de  Naudin  photographié  à  Londres  dans  le  rôle  de 
Masaniello,  de  la  Muette. 

^,*^  Le  concert  des  Champs-Elysées,  dont  M.  de  Besselièvre  a  fait  un 
salon  de  bonne  compagnie,  rouvre  ses  portes  le  1°'^  mai.  Le  succès  du 
concert  des  Champs-Elysées  est  assuré  par  la  variété  et  l'attrait  du  ré- 
pertoire, par  le  talent  des  solistes,  par  l'ensemble  plus  que  remarquable 
de  l'orchestre  tout  entier,  qui  est  toujours  sous  la  direction  d'Arban. 

,t*^  Au  concert  de  dimanche  au  Pré  Catelan,  .Musard  a  exécuté  un 
galop  de  M.  Charles  Manry.  qui  a  été  fort  applaudi  et  qui  sera  joué  une 
seconde  fois  aujourd'hui.  Ce  nouveau  morceau  de  M.  Manry  est  fort  bien 
réussi  et  confirme  ce  que  nous  disions  récemment  de  la  flexibilité  du 
talent  de  l'auteur. 

„*„,  Le  succès  des  concerts  du  pré  Catelan,  dirigés  par  Musard,  dans  ce 
magnifique  salon  d'été  de  Paris,  est  un  fait  accompli.  Aujourd'hui  dimanche, 
grande  fête  musicale:  à  1  heure,  ouverture  des  grilles,  fanfares;  mu- 
sique militaire  et  marionnettes  françaises;  à  2  heures  1/2,  concert  Mu- 
sard, dont  le  programme  est  entièrement  renouvelé;  à  3  heures  1/2.  bal 
d'enfants,  musiques  militaires  et  polyorama;  â  4  heures  1/2,  seconde 
partie  des  concerts  Musard;  à  5  heures  1/2,  fanfares  et  dernière  repré- 
sentation des  marionnettes  au  petit  théâtre. 

,s*,s  A  Francfort  est  mort  le  6  avril,  dans  sa  soixante  et  douzième  an- 
née, le  directeur  de  musique  Hoffmann,  qui  a  été  attaché  pendant  près 
d'un  demi-siècle  au  théâtre  de  cette  ville. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 

,1,*^,  Marseille.  —  Hier  mercredi,  l'avant-dernière  représentation  des 
Huguenots  avait  attiré  la  foule  au  Grand-Théâtre.  C'est  qu'on  tenait  à 
applaudir  encore,  en  même  temps  que  le  chef-d'œuvre  toujours  nouveau 
de  Meyerbeer,  les  deux  artistes  qui  ont  su  l'inturpréter  avec  tant  de 
talent,  Mme  Meillet  et  M.  Morère,  qui  vont  nous  quitter.  —  C'est  ce  soir 
jeudi,  que  Mme  Miolan-Carvalho  se  fera  entendre  pour  la  première  fois; 
l'éminente  cantatrice,  si  ardemment  désirée,  a  choisi  les  Noces  de  Jean- 
nette —  une  de  ses  créations  à  Paris  —  pour  déployer  les  merveilles  le 
sa  brillante  vocalisation.  Cette  soirée  est  donnée  au  béuéfice  des  pauvres, 
et  Mme  Carvalho  fera  entendre  un  des  plus  charmants  airs  de  son  réper- 
toire: la  chanson  de  l'abeille,  de  la  Reine  Topaze,  l'air  d^Actéon  eiV  Ave  Maria 
de  Gounod.  —  Enfin  comme  excellente  nouvelle  nous  annonçons  le 
rengagement  de  M.  Lefranc,  pour  l'année  prochaine,  en  qualité  de 
premier  ténor  de  grand  opéra. 

^*^  Limoges.  —  L'inauguration  du  grand  orgue  de  la  cathédrale,  res- 
tauré, vient  d'avoir  lieu,  et  M.  Edouard  Batiste  en  a  fait  valoir  les 
jeux  divers  avec  le  talent  qu'il  déploie  toujours  dans  ces  occasions 
solennelles. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


*^  Londres.  —  Les  trois  représentations  annoncées  au  bénéfice  de 
M.  Lumley  excitent  la  plus  grande  curiosité.  Elles  doivent  avoir  lieu 
dans  les  derniers  jours  de  mai,  et  Mlle  Piccolomini  doit  paraître  dans 
trois  des  principaux  opéras  de  son  répertoire,  en  compagnie  pour  un, 
si  ce  n'est  pour  deux,  de  Giuglini  et  de  Mlle  Titjens  et  des  autres  artistes 
de  la  troupe  de  Majestij's  Theater.  Il  est  plus  que  probable  que  ces 
trois  opéras  seront  la  Traviata,  Don  Giovanni  et  la  Figlia  del  reggimento; 
celle-ci  réservée  pour  la  dernière  représentation.  On  y  ajoutera  sans 
doute  la  danse  par  Mmes  Ferraris  et  Pocchini.  —  On  a  donné  une  se- 
conde fois  au  théâtre  royal  italien  la  Muette. — Samedi,  dans  les  Puritains, 
a  paru  pour  la  première  fois  Mme  Fioretti.  Elle  chantait  le  rôled'Elvire. 
Mme  Fioretti  a  justifié  la  réputation  qui  la  précédait  et  ses  succès  à 
Saint-Pétersbourg  et  à  Vienne.  Elle  a  une  voix  de  soprano  très-sympa- 
thique et  chante  avec  beaucoup  de  justesse.  Elle  a  été  particulièrement 
applaudie  après  la  polonaise,  qu'elle  a  vocalisée  admirablement.  Mais 
comme  actrice  elle  laisse  beaucoup  à  désirer.  —  Jeudi,  l'opéra  était 
suivi  d'un  intermède  musical.  Mlle  Antonietta  Fricci  y  a  reparu  pour  la 
première  fois  de  cette  saison  dans  Norma;  elle  a  été  rappelée  après 
chaque  acte.  —  Dans  cette  même  soirée,  la  sœur  d'Adelina  Patti  chan- 
tait pour  la  première  fois  devant  un  auditoire  européen.  Elle  avait 
choisi  pour  ce  début  l'air  de  Linda:  0  Luce  di  quest'  anima;  celui  de  la 
reine  de  la  nuit  dans  il  Flauto  magico,  les  Échos  d'Eckert  et  le  duo  de 
VElisire  d'amore  ,  avec  Ronconi.  La  voix  de  Mlle  Carlotta  Patti  a 
de  l'analogie  avec  celle  de  sa  sœur  Adelina  comme  qualité,  mais  elle  est 
beaucoup  plus  élevée.  C'est  un  soprano  exceptionnel,  montant  facile- 
ment jusqu'au  fa  suraigu,  ainsi  qu'elle  l'a  montré  dans  l'air  de  Mozart 
et  dans    les  Échos.   Jamais   nous  n'avons   entendu    lés  notes  piquées 


nE  PARIS. 


135 


des  passages  staccato  sortir  avec  plus  de  netteté  et  de  justesse. 
Mlle  Carlotta  Patti  a  été  fort  applaudie,  rappelée,  et  plusieurs  bou- 
quets lui  ont  été  jetés.  Malheureusement,  la  légère  claudication  dont 
elle  est  affectée  ne  lui  permettra  guère  d'aborder  la  scène  lyrique.  — 
Henri  Vieuxtemps  obtient  ici  un  véritable  triomphe  aux  Concerts  popu- 
laires du  lundi.  Le  célèbre  artiste  reçoit  de  tous  les  côtés  des  offres 
d'engagement  pour  les  provinces;  mais  il  ne  veut  pas  quitter  Londres, 
où  il  se  propose  de  rester  jusqu'aux  premiers  jours  de  mai. 

j*^  Bruxelles.  —  Au  théâtre  de  la  Monnaie,  mercredi,  dans  ilartha, 
ont  reparu  Mlles  De  Maesen  et  Andrée,  MI\I.  Jourdan,  Périé  et  Bonnefoy. 
Nous  n'avons  plu?  rien  à  dire  de  la  musique  de  Flotow.  Dès  leur  appa- 
rition, le  succès  le  plus  franc  accueillit  ces  mélodies  faciles  et  distin- 
guées qui  plaisent  à  tous  et  sont  connues  partout  à  présent.  Mais,  si 
nous  ne  faisons  pas  l'analyse  de  la  pièce,  nous  pouvons  au  moins  rendre 
un  légitime  hommage  aux  chanteurs  distingués  qui  la  représentent.  — 
Le  Conservatoire  de  musique  donnera  dimanche  prochain  son  quatrième 
concert;  on  y  entendra  l'ouverture  que  Meyerbeer  a  composée  pour 
l'exposition  de  Londres. 

^*^  Berlin.  —  Mme  Petitpa,  du  théâtre  impérial  de  Saint-Pétersbourg, 
qui  est  ici  en  représentation ,  a  débuté  dans  le  rAle  de  Gloriette,  du 
Marché  des  Innocents,  musique  de  Pugni.  Elle  n'y  a  pas  obtenu  moins 
de  succès  qu'à  Paris.  Mme  Petitpa  est  une  jeune  femme  à  la  taille  élan- 
cée, à  la  physionomie  expressive  ;  elle  a  beaucoup  de  légèreté  et  d'élas- 
ticité; ses  pirouettes,  ses  entrechats,  ses  bonds  prodigieux,  qui  pèchent 
peut-être  par  un  peu  trop  d'élan,  ses  pointes  d'une  hardiesse  et  d'une 
vigueur  surprenantes,  ont  provoqué  presque  sans  interruption  des  ap- 
plaudissements assourdissants.  —  Mlle  Artot  a  prêté  le  concours  de  son 
beau  talent  au  concert  du  pianiste  Ehrlich,  de  Vienne  ;  elle  y  a  chanté 
un  air  de  Haendel;  l'aragonaise  du  Domino  noir,  etc.  —  La  Fête 
d'Alexandre,  par  Haendel,  sera  exécutée  au  prochain  et  dernier  con- 
cert de  la  Société  Gustave-Adolphe. 

»*,,  Hanovre.  —  L'opéra  les  Catacombes  sera  joué  pour  la  première 
fois  le  27  mai,  jour  anniversaire  de  la  naissance  du  roi. 

j*^  Mayence.  —  A  l'occasion  de  l'exposition  d'horticulture,  Mme  Kœs- 
ter,  du  théâtre  royal  de  Berlin,  a  donné  ici  deux  représentations.  Dans 
les  rôles  de  Fidelio  et  de  donna  Anna,  la  célèbre  cantatrice  a  complè- 
tement justifié  la  réputation  qui  la  précédait  parmi  nous. 

^■*„  Vienne.  —  L'un  de  ces  jours  derniers  le  théâtre  de  la  cour  a  donné 
les  Huguenots:  salle  comble;  succèssanspareil,conime  toujours,  Mme Mul- 
der-l"abbri  s'est  signalée  dans  le  rôle  de  Valentine;  elle  a  été  rappelée 
immédiatement  après  le  duo  du  quatrième  acte,  et  quatre  fois  à  la  fin 
de  cet  acte,  avec  Walter,  qui  chantait  le  rôle  de  Raoul.  Puis  nous  avons 
revu  cette  splendide  Etoile  du  Nord,  toujours  la  bien-venue,  dans  laquelle 
le  rôle  de  Peters,  un  des  meilleurs  de  son  répertoire,  est  si  merveilleu- 
sement chanté  par  Beck.  Une  demoiselle  Kropp  a  débuté  d'une  ma- 
nière remarquable  dans  le  rôle  d'une  des  vivandières.  —  Mercredi  22 
a  eu  lieu  la  dernière  représentation  de  la  société  italienne  du  Carlihea- 


ter;  elle  a  été  suivie  d'une  représentation  d'adieux  qui  a  clos  définiti- 
vement la  saison.  Mlle  Patti  est  attendue  à  Londres  au  commence- 
ment de  la  semaine  prochaine.  On  assure  que  la  célèbre  cantatrice  a 
été  engagée  d'avance  par  Merelli  pour  les  mois  de  février,  mars  et  avril 
de  l'année  prochaine.  —  Point  de  succès  complet  sans  la  parodie.  Jadis 
on  a  joué  à  Vienne  la  Fausse  Catalani,  à  l'époque  où  cette  prodigieuse 
cantatrice  remplissait  l'Europe  du  bruit  de  ses  succès.  Aujourd'hui  le 
théâtre  Josephstadt  annonce  la  Fausse  Patti.  Le  rôle  principal  sera  joué 
par  M.  Siebert,  qui  imite,  dit-on,  dans  la  perfection,  le  chant  de  la  diva 
Adeliiia.  —  Le  ténor  Wachtel  vient  d'être  engagé  au  théâtre  de  la 
cour  à  raison  de  18,000  florins  par  an,  avec  un  congé  de  trois  mois.  — 
On  annonce  le  prochain  mariage  Ue  Mlle  Mœsner,  la  célèbre  harpiste, 
avec  le  comte  Philippe  Spaur. 

,1,'*^  Kœnigshercj .  —  Les  27,  28  et  29  mai  aura  lieu,  sous  la  direction 
de  M.  A.  Rubinstein,  notre  troisième  festival,  dont  voici  le  programme  : 
Première  journée:  le  lOu''  psaume  de  Haendel,  9°  symphonie  de  Bee- 
thoven ;  deuxième  journée  :  chœurs  de  Mendelssohn,  Fr.  Schubert, 
Liszt,  Fr.  Lachner,  Rubinstein,  Gade  et  Hiller;  troisième  journée:  le 
Paradis  perdu,  oratorio,  par  Rubinstein.  —  Les  frères  Millier,  à  leur 
retour  de  Saint-Pétersbourg,  ont  donné  ici  une  séance  de  quatuors  qui 
a  attiré  beaucoup  de  monde. 


CONCERTS  ANNONCÉS. 

Lundi  27  avril,  salle  Herz,  grand  concert  de  Mlle  Marie  Trautmann. 

Mercredi  29  avril,  salle  de  l'hôtel  du  Louvre,  à  2  heures,  grand  concert 
de  Mme  Corinne  de  Luigi ,  avant  son  départ  pour 
Londres. 

Jeudi  30  avril,  salons  d'Erard,  à  8  heures  1/2,  concert  de  Mlle  Octavie 
Caussemille,  pianiste,  avec  le  concours  d'artistes  dis- 
tingués. 

Vendredi  1"  mai,  salle  Herz,  à  8  heures  1/2,  soirée  musicale  de  Mlle 
Charlotte  de  Tiefensée,  avec  le  concours  de  Mlle  Léo- 
nie  Tonel,  et  de  MM.  Hammer  et  Hocmelle.  —  Mlle  de 
Tiefensée  chantera  un  air  de  l'opéra  Rinaldo;  Casta 
Diva,  de  Bellini;  l'air  de  la  mendiante  du  Prophète;  le 
grand  air  de  Don  Juan  ;  la  prière  de  Schubert  ;  Una 
voce  poco  fa,  et  des  chants  nationaux  en  six  langues 
différentes. 


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NOUVELLES    PUBLICATIONS    MUSICALES 


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Bernard  (Paul).  Barcarolle 6  « 

liambert  (Lccien>.  God  save  the  qiiecn ,  air  national  anglais.    .  6  » 

IVensicdt  (Ch.).  Première  rêverie 5  « 

—  Deuxième  nocturne 5  » 

Talcxy  (A.).  Les  Feuilles  de  la  marguerite,  six  morceaux-oracle: 

1.  Il  m'aime!        3.  Beaucoup!         8.  A  la  folie! 

2.  Un  peu!  4.  Tendrement!     6.  Pas  du  tout! 

Chaque  numéro  séparé 4  .> 

L'ouvrage  complet,  broché      15  " 

—  Fouets  et  Grelots,  grand  galop  brillant 7  50 

—  Td.    à  quatre  mains 9  » 

■WatUs  (F.).  La  Première  amitié,  romance  sans  paroles  ....  H  » 


CHAIVT.                                         Prii  marqoc. 

Reetliovcn.  Marguerite  (poésie  de  Unie  Valmore),  chanson  florale  (2  t.)  2  50 

Fïeld  (John  ).  L'Oiseau,               id.               conversation ....  3     » 

—  Le  Kêve  à  deux,                   id.               romance 2  !J0 

Koreaux  (Cb.).  L'Amour  et  l'Amitié  (fabliau  île  llillevoye),  deux  tons  2  50 

Bonllard  (V.).  Fifres  et  clairons,  polkas 3     » 

—  Turf-Polka 5     » 

Talcxy  (A.).  Bella  Maria,  polka 5    » 

I>e  Corlteiller  (Cb.).  La  Première  Gerbe,  valse 5    » 

Jullano  (A. -P.).   La  Fête  au  hameau  (très-facile),  quadrille.   .  U  5o 

WacSis  (F.).  Le  Tourbillon,  quadrille 4  50 

Kathïeii  (fils.).  Déesse,  polka-mazurka 5     » 


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Breveté  de  S.  M.  l'Empereur  des  Français.  —  Grand  brevet  de  S.  M.  la  reine  d'Angleterre.  —  Breveté  de  S.  M., le  roi  des  Belges.  —  am"  prix  en  1838.  —  1"  prix 
en  18(il.  —  Prix  d'iionneur,  médaille  d'or,  en  18M.  —  Médaille  d'argent  à  l'Exposition  de  Paris,  13;i/i.  —  llUîBjÉftUÉ  par  le  gouvernement  belge  pour  visiter 
l'Exposition  universelle  de  Londres,  en  1851.  —  Exposition  universelle  de  Paris,  1855,  les  plus  belles  pages  du  Rapport  officiel,  27"°  Classe,  pages  1835-1336.  — 
Exposition  universelle  de  Londres,  18C2,  l'IlIZE  MEDAL,  avec  cette  mention  :  POUR  EXCElil^EIV'CE  DE  TOUTE  EfSPÈCE  D'INSTRUIVlliINTS  DE  CUIVRE. 
—  Membre  de  l'INSTlTUT  POLYTECHNIQIE  de  Paris,  membre  de  l'ASSOCIATION  INTERNATIONALE  POUR  LE  PROGRÈS  DES  SCIENCES  SOCIALES. — 
MEDAILLE  IJ'OII  et  Membre  du  CORPS  SCIENTIFIQUE  DE  L'BOTEL  DE  VILLE  DE  PARIS. 


136 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


CHEZ   G.  BRANDUS   ET  S.  DUFOUR,   ÉDITEURS,   r03,    RUE   DE  RICHELIEU,  AU  I' 


Compositions    de 


S.    THALBEBG 


exécutées  par  l'auteur 


AUX  SÉANCES  MUSICALES   DONNÉES  DANS   LA  SALLE  d'ÉRARD  . 

Op.  52.  —  «rande  fantaisie  sur  Mn  JKfueUe  ae   M'ortici 


9  francs 


Uendelssobn.  —  Romauce  sans  paroles 5    « 

Cbopln.  —  Op.  22.  Polonaise 9     » 

Beetboven.  —  Sonate  en  ré  mineur 7  50 


Mi  manca  la  voce,  de  Mohe 5     » 

Romance  sans  paroles 5    > 

Op.  36.  Etude  en  la  mineur 7  50 


Op.  1. 
Op.  2. 

Op.  3. 
Op.  4. 
Op.  9. 
Op.  10 
Op.  lit. 
Op.  15, 
Op.  18. 

Op.  18 
Op.  21 
Op.  22. 
Op.  27 
Op.  29 


Op.  31 
Op.  32 
Op.  33 


Mélange  sur  Euryanthe • 

Fantaisie  sur  un  thème  écossais 

Impromptu  sur  le  Siège  de  Coriiithe. . 

Douze  caprices  en  forme  de  valse.... 

Grande  faotaisie  sur  la  Straniera 

,  Grande  fantaisie  sur  /  Capuletti 

Grande  fantaisie  sur  Don  Juan 

Premier  caprice 

Premier  divertissement  sur  les  Soi- 
rées musicales  de  Rossini 

Deuxième  caprice 

Trois  nocturnes 

Grande  fantaisie 

Fantaisie  sur  God  save  the  Queen. . . 

et  30.  Lieder,  transcrits  pour  piano 
par  Czerny.  ^  suites. 

1.  Les  Adieuï,  les  Tourments  d'amour 
du  voyageur 

2 .  Les  Plaintes  de  la  fiancée  du  chas- 
seur, le  Songe,  la  Femme  malheu- 
reuse   

,  Scherzo  

Andante 

.  Fantaisie  sur  la  prière  de  Mo'ise., .. 


7  50 
7  50 
9  11 
7  50 

7  50 
g  » 
7  50 


DU  MEME  AUTEUR  : 

Op.  34.  Divertissement  sur  la  Gipsy 

Op.  35.  Le  Trémolo,  grand  nocturne 

Op.  37.  Grande  fantaisie  sur  Oberon 

Op .  38 .  Romance  et  étude 

Op.  39.  Souvenirs  de  Beethoven,  fantaisie... 
Op.  40.  Fantaisie  sur  la  Donna  del  Lago... 

Op.  41.  Trois  romances  sans  paroi  s 

Op.  42.  Grande  fantaisie  sur  la  sérénade   et 

le  menuet  de  Don  Juan 

Op.  43.  Fantaisie  sur  les  Huguenots 

Op.  45.  Thème  et  étude  en  la  mineur 

Op.  47.  Grandes  valses  brillantes 

Op.  49.  Fantaisie  sur  Béatrice  di  Tenda.... 

Op .  51 .  Grande  fantaisie  sur  Sémiramis ; 

Op .  51  bis.  Nocturne 

Op.  55.  Grande  sonate  en  quatre  parties. .. .  : 
Chaque  partie  séparément  : 

1 .  Allegro 

2.  Scherzo  pastorale 

3.  Andante 

4 .  Finale  agitato 

Op.  57.  Décaméron  musical.   Dix   morceaux 

de  piano  servant  d'école  prépara- 
toire à  l'étude  de  ses  grandes  com- 
positions : 


N°'  1 .  Les  Puritains 

2 .  Le  Freyschillz 

4.  La  Norma 

5 .  Mélodies  de  Schubert 

6.  La  Gazza  ladra 

7.  La  Cenerentola 

8 .  Anna  Bolena 

9.  Le  Prophète 

10.  Airs  irlandais 

Op.  58.  Apothéose,   grande  fantaisie   sur   la 

marche  triomphale  de  Berlioz 

Op.  59.  Marche  funèbre  variée 

Op.  63.  Fantaisie  sut  \e  Barbier  de  Séville. . 

Op.  65.  Souvenir  de  Pesth,;air  hongrois 

Adagio  et  rondo  de  concert,  extraits    de  son 

concerto 

Felice  donzella,  romance  italienne  de  J .  Des- 

sauer,  transcrite 

Six  romances  sans  paroles,  1"  recueil. ....... 

Six  romances  sans  paroles,  2'  recueil 

Romance  sans  paroles 

Romance  variée  sans  paroles 

La  Romanesca,  transcrite  pour  le  piano 

Souvenir  de  Venise,  romance  sans  paroles... 


7  50 
7  50 
7  50 


10    » 
7  50 


4  50 
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l&ite  de  la  Victoire,  4S,  à  Paris. 

L'immense  succès  que  les  Pianos  de  la  Maison  Henri  HERZ  ont  obtenu  à  l'Exposition  universelle  de  Paris,  en  1855, 
vient  de  se  reproduire  à  Londres  avec  plus  d'éclat  encore  :  aussi  le  Jury  international  vient-il,  en  plaçant  ces  instruments 
au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimité,  à  M.  Henri  IIERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection  | 
reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport   de   la  solidité,  de  la  sonorité,  de  l'égalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  d! expression.  (Rapport  du  Jury  international.) 


PRIX  ACCOUDÉ   A    l'unanimité   A    t'EXPOSITION 
UNIVERSELLE   DE    LONDRES   1851. 

Vanrnlssenr  des  Ministères  de  la 
Cliierre  et  de  la  Marine  de  Erance. 

Seuls   agents    à    Londres 

CHAPPEIL  i  HAMOND,  S"  DE  JDllIEN  &  C= 

214 ,   Régent  Street. 


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ANTOINE  COURTOIS 

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Ci-devant  rue  du  Caire,  21. 


MEDAILLE  O'ABGENT   DE  1"   CLASSE 
A     l'exposition     UNIVERSELLE    DE    PARIS    1855. 

Facteur  du    Conservatoire   et  de 
P Académie  impériale  de  paris. 

Agent  i  Saint-Pétersbourg  : 

A.  BDTTNER, 

Perspect.  Newsky,  maison  de  l'église  St-Pierre. 


La  :-naison  ANTOINE  COURTOIS  ayant  agrandi  ses  ateliers,  est  en  mesure  de  satisfaire  à  toutes  ïss  demandes  qui  pourront  lui  être 
adressées;  elle  garantit  réellement  à  sa  clientèle  des  instruments  irréprochables  sous  tous  les  rapports. 


«re  médaille  d'or 

Exposition  nationale  française  de  1849. 

DÉCORATION  DE  LA  LÉGION  D'HONNEUR 
Exposition  de  1849. 


nANDFAGTURE  D'INSTRDISENTS  DE  «DSIQUE  EN  CDIVRE  ET  EN  BOIS 

FONDÉE  A  PARIS  EN  1843  PAR 


û'"  médaille 

Exposition  nationale  belge  de  1841. 

DÉCORATION   DE    LA   COURONNE  DE    CHÊNE 
de  Hollande  (1845). 


Orande  médaille  d'or 

du  Mérite  de  Prusse  (1846). 


BxpositîZTatioZufranS^edemti.  FacteuF  «Ic  la  Malsou  militaire  de  l'Empereur. 

-o^^^  RUE  SAINT  ■  GEORGES.    50 

Seule  grande  mëdallle  d'Iionnenr  à  l'Expostitia»  uiilTerselIe  de  Paris  (tSSS).  —  Seule  grande  médaille 

(CowNcjf  Meaut)  à  l'Exposition  universelle  de  liondres  (IS51). 

Organisateur  et  fournisseur  de  la  musique  des  Guides  et  des  autres  musiques  des  régiments  de  la  Garde  impériale. 

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SAXOPHONES. 


CLAIRONS-SAX. 
TR0P>1B0NES-SAX. 


SAXO-TROMBAS. 
SAXHORNS. 

Forme  et  dispositions  nouvelles  de  Trombones  à  3,  4  et  5  cylindres  ; 

invention  brevetée  en  1S50. 
Tous  les  instruments  à  pistons  avec  addition  d'une  ou  plusieurs 

clefs;  invention  brevetée  en  1850. 
Système  d'instruments  à  pistons  ascendants;  inv.  brev.  en  IS5%. 


ou  cylindres,  les  mêmes  forme  Saxo-Tromba. 
Clairons,  Trompettes  d'ordonnance,  Fliites,  Clarinettes,   Bassons, 
Caisses  roulantes.  Grosses  Caisses,  Tambours,  Timbales,  Cym- 
bales, etc.,  etc. 


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les  Harchanis  de  Musique,  les  Liltraires,  et  aux 
Purcaux  des  Messageries  et  des  Posies. 


!V«  18. 


REVUE 


3  Mai  18G3. 


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Paris 21(r.poral 

Départements,  Belgique  eL  Suisse —    30  «       id. 

Élranecr 3*  "       '*• 

te  Journal  paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


mm    WM,WL1%, 


— >vAj  vAAA/V\PiAnj>^ 


SOMMAIRE.  —  F.  Halévy;  Souvenirs  d'un  ami  pour  joindre  à  ceux  d'ua  frère  ;  à 
M.  Léon  Halévy  (  Ix'  article  ),  par  Edouard  IHonnais.  —  Théâtre  impérial 
de  rOpéra-Comique :  reprise  de  la  Chanteuse  voilée,  par  liéon  Durocher. 
—  Théâtre  Lyrique  :  les  Fiancés  de  Rosa,  opéra-comique  en  un  acte,  paroles  de 
M.  Adolphe  Choler,  musique  de  Mme  Clémence  Valgrand;  le  Jardinier  et  son 
Seigneur,  opéra-comique  en  un  acte,  paroles  de  MM.  Michel  Carré  et  Barrière, 
musique  de  M.  Léo  Delibes,  par  le  même.  —  Auditions  musicales,  par  Adol- 
phe Botte.  —  Revue  critique,  par  le  même.  —  Nouvelles. 


F.  HAIÉVY. 

SouTenlrs    d'aa  amt  pour  Joindre  à  ceu.v  <l*an  rrèr«. 

A.  M.  LÉON  HALÉVY. 
(4=  article)  (1). 

La  chaîne  était  brisée  :  sans  nul  regret,  je  n'oserais  le  dire;  mais 
en  quittant  l'Opéra  et  ces  fonctions  de  chef  du  chant  qu'il  avait 
remplies  pendant  onze  années,  Halévy  se  trouvait  plus  libre  qu'il  n'é- 
tait lorsqu'il  composait  la  Juive,  et  assez  jeune  encore  pour  produire 
des  œuvres  d'égale  valeur.  Devenu  membre  de  l'Institut ,  il  n'en 
continuait  pas  moins  ce  professorat  commencé  au  Conservatoire 
avant  l'âge  de  dix-sept  ans,  et  qu'on  ne  saurait  l'accuser  d'avoir 
gardé  jusqu'à  son  dernier  jour  par  amour  de  l'argent.  Permeltez- 
moi,  mon  cher  Léon,  de  vous  emprunter  ce  glorieux  bordereau,  qui 
n'a  rien  de  commun  avec  celui  d'un  agent  de  change,  et  d'où  il  ré- 
sulte que  dans  l'espace  de  quarante-trois  ans  (près  d'un  demi-siècle) 
le  traitement  de  votre  frère  s'éleva  par  degrés  de  300  à  2,500 
francs,  maximum  assigné  en  France  aux  maréchaux  de  la  musique  ! 
Ce  bordereau  est  officiel;  on  peut  le  vérifier  sur  les  livres  mêmes. 

HALÉVY. 
Ses  services  au  Conservatoire. 

Répétiteur  de  solfège  le  1"  avril  1816,  à 300  fr. 

Répétiteur  de  solfège  en  1817,  à 500 

Nommé  professeur  titulaire  de  solfège. 

Le  1"  janvier  1818,  à 800 

Le  1"  janvier  1826,  à 1,000 

Professeur  d'harmonie  et  d'accompagnement  pratique, 
en  remplacement  de  M.  Daussoigne-Méhul,  le  1"'  avril 
1827,  à 1,500 

(1)  Voir  les  n"'  12,  13  et  16. 


Professeur  de  contre-point  et  de  fugue,  en  remplace- 
ment de  M.  Fétis,  le  1"  août  1833,  à 2,000 

Professeur  de  composition,  en  remplacement  de  Paër, 
le  1"  janvier  1840  ,  à 2,500 

Il  ne  resterait  plus  qu'à  mettre  en  regard  de  cette  somme  le  chif- 
fre encore  inférieur  de  celle  que  rapporte  annuellement  un  siège  à 
l'Institut,  et  l'on  verrait  que  chez  nous  l'élude  des  beaux -arts  doit 
avoir  pour  compagne  inséparable  celle  du  désintéressement. 

A  la  vérité,  pour  un  petit  nombre  de  musiciens,  le  théâtre  l'H  fer- 
tile en  compensations  magnifiques  ;  mais  s'il  se  montre  ])  irfois  gé- 
néreux, trop  souvent  on  le  trouve  ingrat  et  avare.  Combien  peu  de 
compositeurs  sont-ils  parvenus  à  en  tirer  des  revenus  certains,  régu- 
liers !  Les  interrègnes,  les  revers  sont  fréquents  au  théâtre,  et  dans 
ces  mauvais  jours,  dans  ces  mortes  saisons,  il  rapporte  encore  moins 
que  le  Conservatoire  et  l'Académie.  Halévy  l'éprouva,  quoiqu'il  eût 
conquis  une  place  sur  la  liste  de  ses  favoris  privilégiés.  Le  premier 
ouvrage  qu'il  donna  quelques  mois  après  sa  sortie  de  l'Opéra,  fut  le 
Guitarrero,  opéra-comique  en  trois  actes,  qui  obtint  un  succès  ho- 
norable ;  le  second  fut  la  Reine  de  Chypre,  grand  opér.a  en  cinq  actes, 
dont  le  succès  jeta  bien  plus  d'éclat,  et  auquel  M.  Léon  Pillet  dut  la 
plus  heureuse  année  de  sa  direction.  La  Reine  de  Chijpre  avait  été 
composée  avec  une  rapidité  extrême  :  l'abondance  des  idées,  la  verve 
et  la  chaleur  s'y  soutiennent  d'un  bout  à, l'autre  ;  on  y  sent  une  cer- 
taine fleur  de  jeunesse,  et  pourtant,  vers  la  fin  de  son  travail,  le 
compositeur  était  fatigué  :  «  On  ne  saura  jamais,  'disait-il  en  ache- 
vant l'instrumentation  de  son  œuvre,  combien  il  entre  de  notes  dans 
une  partition  moderne!  »  Qui  n'eût  pensé  qu'à  la  suite  d'une  si 
laborieuse  année,  Halévy  se  donnerait  le  temps  de  respirer?  Le  Gui- 
tarrero avait  été  joué  le  21  janvier  13Zil,  la  Reine  de  Chijpre,  le 
22  décembre.  C'était  le  moment  de  prendre  un  peu  de  repos.  Mais 
quoi  !  les  grands  ouvrages  manquaient  pour  la  saison  prochaine. 
Meyerbeer  n'était  pas  encore  décidé  à  donner  son  Prophète;  Doni- 
zetti  n'acceptait  pas  un  délai  si  court.  Il  y  avait  un  poëme  tout  prêt, 
signé  de  deux  auteurs  renommés,  Casimir  et  Germain  Delavigne, 
qui  d'abord  avaient  eu  l'idée  de  réunir  dans  leur  Charles  VI  les 
deux  ténors  en  vogue,  Duprez  et  Mario,  l'un  dans  le  rôle  du  roi, 
l'autre  dans  celui  du  Dauphin.  Mario  s'étant  éloigné,  la  combinaison 
changea  :  Barroilhet  fut  choisi  pour  le  rôle  du  roi,  Duprez  pour  celui 
du  Dauphin.  M.  Léon  Pillet  insista  fortement  auprès  d'Halévy  pour 
qu'il  se  décidât  à  écrire  la  musique  de  la  pièce  ainsi  distribuée,  et 
Halévy,  qui,  ku  fond,  ne  demandait  pas  mieux  que  de  céder,  fut  assez 
courageux  ou  assez  téméraire  pour  y  consentir.  On  était  au  moisds 
janvier  1842  et  l'ouvrage  devait  être  joué  au  mois  de  décembre  sui- 


138 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


vant,  pour  l'anniversaire  de  la  Favorite.  On  ne  put,  en  effet,  le  don- 
ner qu'au  mois  de  mars  1843,  et  ce  retard  fut  le  résultat  de  diver- 
ses causes,  qui  ramenèrent,  en  diminutif,  l'état  de  souffrance  et  de 
trouble  par  lequel  le  compositeur  avait  passé  lorsqu'il  écrivait 
la  Juive. 

Au  printemps  de  1842,  Halévy  s'était  marié  :  il  avait  épousé 
Mlle  Léonie  Rodrigues,  et  cette  condition  nouvelle,  à  laquelle  il  ne 
tarda  guère  à  se  plier  si  heureusement,  ne  laissa  pas  de  le  troubler 
d'abord.  Depuis  deux  ans,  il  avait  été  nommé  directeur  de  la  mu- 
sique du  duc  d'Orléans,  et  lorsque  ce  prince  eut  appris  de  lui-même 
le  sujet  du  poëme  sur  lequel  il  travaillait,  il  lui  en  témoigna  sa  sur- 
prise :  (1  C'est,  dit-il ,  quelque  chose  de  bien  triste  qu'un  roi  fou  ! 
— J'en  conviens,  répondit  Halévy;  mais  le  Dauphin  sera  là  pour  conso- 
ler la  France  !  »  Il  paraît  que  le  roi  Louis-Philippe  partageait  la  ré- 
pugnance de  son  fils  à  l'égard  du  personnage  historique;  car  à  l'un 
des  grands  dîners  donnés  aux  Tuileries,  et  auquel  avait  été  invité 
M.  Auber,  il  déclara  hautement  qu'il  ne  pouvait  concevoir  un  tel 
choix.  En  s'exprimant  ainsi,  il  regardait  fixement  l'auteur  de  la  Muette, 
comme  s'il  lui  eût  imputé  la  faute,  et  l'on  comprend  que  M.  Auber 
fut  assez  généreux  pour  ne  pas  se  disculper. 

De  funèbres  souvenirs  se  rattachent  à  ce  Charles  VJ.  D'abord  le 
Dauphin,  qui  devait  consoler  la  France,  fut  frappé  bien  avant  le 
temps,  et  l'un  des  deux  auteurs  survécut  à  peine  à  la  première 
représentation  de  son  opéra.  Il  me  semble  encore  voir  Casimir  Dela- 
vigne  à  la  séance  de  la  commission  des  théâtres,  dans  laquelle  fut 
lu  le  poëme.  Il  faisait  sombre  et  froid;  le  poëte  souffrant,  silencieux, 
enveloppé  de  son  manteau,  se  tenait  près  de  la  cheminée,  dans  un 
coin  de  la  vaste  salle.  Son  frère,  Germain,  lut  le  premier  acte,  et 
quand  il  l'eut  fini,  Casimir,  sortant  tout  à  coup  de  l'ombre,  lui  prit 
des  mains  le  manuscrit  en  disaiit  :  «  Donne,  mon  ami  ;  cela  te  fa- 
tigue. »  Evidemment  ce  n'était  qu'un  prétexte,  et  Casimir  tenait  à 
faire  entendre  lui-même,  avec  son  accent  de  poëte,  les  scènes  dra- 
matiques du  second  acte  :  l'entrée  du  roi,  ses  rêves  plaintifs,  son 
réveil  belliqueux  dans  le  duo  de.?  caries  avec  Odette.  Le  poëte,  alors, 
parut  se  réveiller  comme  le  rui;  son  regard  éteint  se  ranima,  et  sa 
voix,  bien  qu'affaiblie,  retrouva  pour  un  instant  l'expression  qui  co- 
lore la  parole  et  lui  communique  la  chaleur,  la  vie.  Mais  cet  effort 
l'avait  épuisé  :  il  retomba  sur  son  fauteuil  et  rendit  lé  manuscrit  à 
son  frère,  qui  acheva  la  lecture  des  trois  derniers  actes. 

Le  travail  d'Halévy  n'avançait  pas  vite  ;  il  le  quittait,  le  reprenait 
pour  le  quitter  encore.  Il  subissait  une  de  ces  crises  nerveuses  où 
l'iniaginalion  est  plus  malade  que  le  corps,  et  il  faut  convenir  que 
le  texte  dramatique  sur  lequel  il  devait  écrire  sa  partition  n'était  pas 
propre  à  dissiper  ses  humeurs  noires.  L'époque  reculée  dans  la- 
quelle il  vivait  forcément,  l'environnait  d'une  atmosphère  chargée  de 
sang  et  de  larmes.  Tout  à  coup,  dans  l'époque  présente,  sarvir.t  un 
de  ces  événements  terribles  qui  changent  le  sort  des  dynasties  et  des 
nations  :  le  duc  d'Orléans  périt  en  quelques  minutes,  et  la  France 
entière  sentit  que  la  royauté  avait  tremblé  sur  sa  base!  Je  n'oublierai 
jamais  l'effet  que  cette  catastrophe  si  soudaine,  si  imprévue,  produisit 
sur  l'âme  de  votre  frère,  ni  comment,  au  lieu  de  l'abattre,  elle  lui 
rendit  l'énergie  :  «  Sur  quoi  compter  ici-bas,  dit-il,  après  un  tel 
exemple!  11  n'y  a  de  bon,  de  sûr  que  le  travail.  Eh  bien,  je  vais 
m'y  remettre;  à  présent,  je  terminerai  mon  opérai  »  Il  tint  la  pro- 
messe qu'il  faisait  à  ses  amis,  ainsi  qu'à  lui-même,  et  il  tùcha  de  re- 
gagner, autant  que  ses  forces  le  lui  permirent,  les  quatre  ou  cinq 
mois  qu'il  avait  perdus.  Charles  VJ,  œuvre  grande  et  sévère,  eut 
cela  de  commun  avec  le  Joseph  de  MéhuI,  que  l'élément  essentiel 
aux  succès  de  théâtre,  surtout  à  ceux  de  l'Opéra,  l'amour,  en  était 
absent,  et  que  la  province  lui  témoigna  plus  de  sympathie  que 
Paris.  Comme  j'engageais  votre  frère  à  ne  plus  traiter  de  sujets 
pareils,  il  me  répondit  :  Si  j'eusse  refusé  celui-là,  je  n'aurais  pas  fait 
le  duo  des  cartes.    »  Et  il  pouvait  citer  encore  plusieurs  morceaux 


profondément  empreints  d'un  cachet  terrible  ou  gracieux,  comme 
celui  de  l'apparition  des  fantômes  et  de  l'homme  de  la  forêt  du  Mans, 
qui  tranche  si  fortement  avec  les  fraîches  villanelles,  les  douces 
chansonnettes  dont  la  partition  est  semée. 

Pour  se  reposer  de  ses  deux  grands  opéras,  Halévy  donna  le  Lazza- 
rone,  opéra  en  deux  actes,  qui  fut  représenté  un  an  après  Charles  VI. 
C'était  son  coup  d'essai  dans  le  genre  illustré  par  le  Comte  Ory, 
le  Dieu  et  laBayadère  elle  Philtre,  genre  difficile,  dont  les  limites  ne 
sauraient  être  assez  définies  pour  qu'on  ne  risque  pas  de  les  enfreindre. 
Le  ÏMszarone,  dont  le  poëme  était  de  M.  Saint-Georges,  comme  celui  . 
de  la  Reine  de  Chypre,  servit  de  transition  à  ses  auteurs  et  les  ra- 
mena sur  le  chemin  de  l'opéra-comique,  où  les  attendait  une  mois- 
son riche  et  brillante.  Avec  les  Mousquetaires  de  la  reine,  qui  furent 
joués  en  1846,  Halévy  entra  dans  une  phase  inconnue  de  prospérité, 
d'opulence.  Le  grand  Opéra  lui  avait  donné  la  gloire,  mais  alors  il 
ne  donnait  rien  de  plus  .  les  droits  d'auteur,  taxés  par  d'anciens 
règlements  qui  n'avaient  plus  de  raison  d'être,  étaient  si  légers,  si 
minces,  que  les  petits  théâtres  en  payaient  de  supérieurs.  Au  contraire, 
l'OpéraComique  traitait  libéralement  ceux  qui  faisaient  sa  fortune  ; 
i^ntre  le  théâtre  et  les  auteurs  il  y  avait  échange  de  bons  procédés, 
et  il  était  temps  qu'Halévy  profitât  de  cette  réciprocité  si  juste. 

Les  Mousquetaires  de  la  reine  inaugurèrent  la  période  vraiment 
productive  de  ses  travaux.  H  n'avait  pas  été  sans  inquiétude  sur  le 
sort  de  cet  ouvrage  :  il  m'en  fît  lire  le  manuscrit,  m'appela  souvent 
aux  répétitions,  et  je  fus  assez  heureux  pour  n'avoir  que  du  bien  à 
lui  en  dire.  Assez  heureux  !  c'est  le  mot;  car  j'aimais  trop  votre  frère 
pour  pouvoir  le  tromper,  en  lui  parlant  contre  ma  pensée.  Dans 
d'autres  circonstances,  il  ne  comprit  que  trop  ma  réserve,  et  quand 
je  m'efforçais  d'en  sortir,  il  se  hâtait  de  m'interrompre,  en  s'écriant: 
«  Oui,  vous  trouvez  cela  bien,  c'est-à-dire  ordinaire,  médiocre,  et 
je  crois  que  vous  avez  raison.  »  Pour  les  Mousquetaires  de  la  reine, 
je  lui  prédis  un  beau  succès,  dont  la  réalité  dépassa  toutes  les  espé- 
rances. 

Il  en  fut  de  même  du  Val  d'Andorre,  qui  vint  ensuite,  en  franchis- 
sant l'entr'acte  d'une  révolution.  Pendant  les  premières  ardeurs 
de  1848,  à  travers  les  agitations,  les  émeutes,  où  nous  accomplis- 
sions ensemble  notre  devoir  de  citoyens,  il  me  montrait  un  rou- 
leau de  papier  réglé,  tout  ficelé,  dormant  sous  son  piano.  C'était 
sa  partition,  commencée  l'année  précédente  à  Bougival,  sur  le  bord 
de  la  Seine  :  «  Advienne  que  pourra,  disait-il,  mon  opéra  est  fait.  » 
Et  cet  opéra,  qui  devait  sauver  un  théâtre ,  eut  à  triompher  des 
préoccupations  les  plus  contraires  aux  œuvres  dramatiques.  Le  drame 
était  dans  la  rue,  sur  la  place  publique.  En  voyant  partout  la  foule 
se  presser,  les  groupes  se  former  pour  ne  s'occuper,  ne  parler  que  de 
la  grande  élection  du  président  de  la  République,  Halévy  ne  pouvait 
s'empêcher  de  craindre  et  de  gémir.  Cependant  la  première  repré- 
sentation du  Val  d'Andorre  eut  lieu  le  11  novembre,  peu  de  jours 
avant  les  opérations  électorales,  et  l'ouvrage  n'en  obtint  pas  moins 
un  succès  éclatant.  Ce  fut  le  premier  qui,  depuis  février,  parvint  à 
remplir  la  salle  et  la  caisse  d'un  théâtre  de  Paris,  espèce  de  miracle 
auquel  des  directeurs  voisins  refusaient  de  croire.  «  C'est  impossi- 
ble !  disait  l'un  d'entre  eux.  —  Impossible  ou  non,  lui  répondais-je, 
cela  est.  » 

La  veine  féconde  et  riante  qui  venait  de  commencer  pour  Halévy 
n'était  pas  près  de  finir.  Les  ouvrages  se  suivaient  d'année  en  an- 
née :  au  Yal  d' Andorre  succédèrent  la  Fée  aux  Roses,  la  Dame  de 
pique,  entre  lesquelles  votre  frère  alla  donner  à  Londres  te  Tempesta, 
dont  le  libretto  était  le  produit  d'une  collaboration  singulière ,  celle 
de  Shaskspeare  et  de  Scribe.  Revenir  au  genre  italien,  c'était  pour 
Halévy  retourner  aux  jours  de  sa  jeunesse,  où  il  avait  composé  Clnri. 
Mais  on  a  beau  changer  d'idiome,  on  ne  change  pas  de  style  ;  mal- 
gré ses  allures  étrangères,  la  Tempesta  était  une  œuvre  française 
qui  aurait  gagné  à  se  produire  sans  déguisement.  L'auteur  de  la  Juive 


DE  PAHIS. 


139 


devait  éprouver  la  nostalgie  du  grand  Opéra;  il  lui  tardait  de  repa- 
raître sur  cette  scène  où  sa  renommée  s'était  faite.  Il  y  reparut 
avec  le  Juif  errant,  qui  fut  joué  au  mois  d'avril  1852.  Le  pre- 
mier acte  de  cet  ouvrage  est  admirable;  mais,  contrairement  à  la  loi 
de  progression,  c'est  le  meilleur.  Halévy  m'avouait  qu'il  avait  mis 
tout  son  espoir  dans  le  cinquième,  consacré  aux  scènes  du  jugement 
dernier,  et  ce  fut  précisément  cet  acte  qui  nuisit  au  succès. 

Je  n'ai  pas  la  prétention  de  dresser  après  vous,  mon  cher  Léon, 
un  catalogue  exact  des  œuvres  de  votre  frère,  encore  moins  d'en 
peser  dans  ma  balance  d'ami,  la  valeur  absolue  et  relative.  C'est  une 
besogne  qu'on  a  déjà  si  souvent  faite,  qu'elle  peut  sembler  superflue. 
Et  puis  je  ne  veux  parler  du  compositeur  que  dans  ses  rapports 
avec  l'homme  :  je  ne  considère  ses  travaux  que  com.me  des  actes  de 
sa  vie.  Si  donc  je  cite  encore  les  titres  des  opéras  qu'il  écrivit  après 
le  Juif  errant,  tels  que  le  Nabab,  Jaguarita,  Valentine  d' Aubigny, 
la  Magicienne,  si  j'ajoute,  que  dans  les  derniers  temps,  il  avait  sur  le 
métier  un  grand  opéra,  Noë,  dont  la  partition  est  incomplète,  c'est 
seulement  pour  prouver  que  jusqu'à  l'heure  fatale  il  s'occupa  de  mu- 
sique; il  resta  fidèle  au  grand  art  qu'il  avait  adoré  dès  son  enfance. 
Pour  lui  plus  que  tout  autre,  cette  fidélité  avait  un  sens  et  un  mé- 
rite, puisque  sa  haute  intelligence,  son  vaste  savoir,  lui  rendaient  plus 
d'une  carrière  accessible.  L'académie  des  beaux-arts  montra  bien 
qu'elle  l'entendait  ainsi,  lorsqu'on  juillet  1854  elle  le  choisit  pour 
secrétaire  perpétuel.  C'est  que  dans  le  grand  musicien  elle  avait 
aussi  reconnu  l'écrivain. 


Edouard  MONNAIS. 


[La  suite  prochainement.) 


THEATRE  IBIPÉRIÂL  DE  L'OPÉRA- COMIODE. 

Beprise  de  la  CHatttettae  voilée. 

Cet  opéra  en  un  acte  fut  le  premier  ouvrage  dramatique  de  M. 
V.  Massé,  et,  certainement,  un  des  plus  heureux.  Il  y  a  des  mélodies 
fraîches,  gracieuses,  élégamment  tournées,  une  harmonie  distinguée 
et  point  prétentieuse,  une  instrumentation  qui  n'est  jamais  plate, 
mais  qui  n'est  point  bruyante,  et  qui  ne  soutient  pas  le  chanteur 
comme  la  corde  soutient  le  pendu.  Ajoutez  à  ces  qualités  qui  ont 
mis,  du  premier  coup,  M.  Massé  en  si  bon  lieu  parmi  les  composi- 
teurs, une  pièce  telle  que  Scribe  les  savait  faire,  intriguée  habile- 
ment ,  vivement  menée,  dénouée  avec  esprit,  amusante  d'un  bout  à 
l'autre...  hélas  !  une  pièce  comme  on  n'en  fait  plus  !  et  rien  ne  s'ex- 
plique mieux  et  ne  paraît  plus  naturel  que  le  succès  de  la  Chanteuse, 
voilée. 

Ce  joli  ouvrage  était  joué,  dans  l'origine,  par  Mlle  Lefèvre,  M.  Au- 
dran  et  M.  Bussine.  Il  a  aujourd'hui  pour  interprètes  Mlle  Marimon, 
M.  Capoul  et  M.  Gourdin.  Si  M.  Gourdin  n'est  pas  encore  un  chan- 
teur aussi  expérimenté  que  l'était  M.  Bussine,  il  a  le  parler  plus  na- 
turel, il  est  un  peu  plus  acteur,  et  c'est  une  compensati&n.  Il  faut 
seulement  conjurer  ce  jeune  artiste,  qui  a  de  l'avenir,  de  ne  pas 
trop  forcer  sa  voix,  de  ne  pas  avoir  l'ambition  de  remplacer  La- 
blache  ou  Levasseur.  11  commence  déjà  à  trembler  sur  certaines 
notes,  symptôme  inquiétant.  M.  Capoul,  dont  la  voix  gagne  sans 
cesse,  a  un  meilleur  style,  bien  plus  d'élégance  et  de  sentiment  vrai 
que  M.  Audran.  Sa  tendance,  dont  il  doit  se  défier,  son  danger,  que 
nous  lui  signalons  afin  qu'il  l'évite,  est  d'exagérer  cette  qualité,  de 
devenir  pathétique  lorsqu'il  faudrait  seulement  être  tendre.  11  n'y  a 
pas  de  voix  de  tête  plus  facile,  plus  agile,  plus  brillante  et  plus 
douce  tout  à  la  fois  que  celle  de  Mlle  Marimon.  11  n'y  a  pas  d'exé- 
cution plus  hardie.—  Nous  permettra-t-elle  un  conseil?  A  notre  avis, 
elle  ferait  bien  d'envoyer  prendre  chez  Michel  Lévy  (boulevard  des 
Italiens,  au  coin  de  la  rue  de  Grammont)  le  dernier  ouvrage  d'Hec- 


tor Berlioz,  intitulé  A  travers  chants,  et  d'en  lire  la  dernière  page. 
Elle  aie  même  défaut  que  Mme  Cabel.  Elle  atteint  toujours  la  note 
qu'elle  a  visée.  Cela  étant,  que  croit-elle  gagner  à  ces  excercices  pé- 
rilleux qu'elle  affectionne?  Les  gens  de  goût  ne  l'y  encourageront 
pas,  et  la  foule,  n'étant  jamais  avertie  par  une  intonation  raanquée, 
ne  se  doutera  même  pas  qu'elle  ait  fait  des  tours  de  force. 

LÉON  DUROCHER. 


THEATRE  LYRIQUE. 

liES    FIAIVCIËS  DE  ROSA, 

Opéra-comique  en  un  acte ,  paroles  de  M.  Adolphe  Choler, 
musique  de  Mme  Clémence  ValgrÀnd. 

liE  a«RDi:%'IER  EX  SO^  SEIGNEUR, 

Opéra- comique  en  un  acte,  paroles  de  MM.  Michel  Carré  et 
Barrière,  musique  de  M.  Léo  Délires. 

•  (Premières  représentations    le  1^'  mal.) 

Commençons  par  le  commencement,  comme  le  conseille  Hamilton. 

Rosa  est  fille  d'un  armurier  de  Londres,  et  en  âge  de  se  marier. 
Il  vient  à  maître  Smith ,  son  père ,  une  idée  assez  originale  :  c'est 
d'ouvrir  dans  son  atelier  un  concours  dont  sa  fille  sera  le  prix.  Sa 
main  appartiendra  à  l'ouvrier  qui  se  sera  montré  le  plus  habile.  II 
semble  que  maître  Smith,  après  avoir  publié  ce  ban,  va  voir  accou- 
rir chez  lui  tous  les  ouvriers  armuriers  de  l'Angleterre.  Hélas  !  il 
n'en  vient  aucun,  et  cela  ne  fait  honneur  ni  aux  attraiis  de  miss 
Rosa,  ni  à  la  galanterie  des  armuriers.  Smith  resterait  seul  dans  son 
atelier  avec  son  apprenti  Nig^l ,  -si  un  gentilhomme  d'Ecosse , 
M.  George  Halifax,  n'imaginait  pas  de  se  réfugier  chez  lui  pour 
échapper  à  ses  créanciers,  et  si  miss  Jenny,  qui  s'obstine  à  épouser 
M.  George,  malgré  ses  fredaines,  n'avait  recours  au  même  déguise- 
ment et  au  même  prétexte  pour  suivre  et  surveiller  de  plus  près 
son  infidèle. 

Voilà  donc  les  trois  prétendants,  ou,  comme  dit  l'affiche,  les  trois 
fiancés  de  Rosa  :  Nigel,  Halifax  et  miss  Jenny,  travestie  en  jeune 
garçon,  et  que  M.  George  n'a  garde  de  reconnaître.  Des  trois,  un 
seul  est  sérieux,  et  c'est  aussi  le  seul  auquel  Rosa  pense.  De  son 
côté,  maître  Smith  n'a  garde  de  s'apercevoir  que  deux  de  ses  ou- 
vriers n'ont  jamais  manié  un  marteau.  Quand  il  reçoit,  par  une  lettre 
anonyme,  l'avis  qu'un  des  trois  est  un  prince  déguisé  qui  a  projeté 
de  lui  ravir  sa  fille,  il  n'est  pas  plus  habile  à  discerner  le  gentil- 
homme aux  façons  élégantes  ou  la  belle  dame  aux  doigts  effilés,  du 
véritable  ouvrier,  qui  a  les  mains  calleuses  et  toutes  les  grâces  de 
son  état.  Enfin,  il  ne  marie  Rosa  et  Nige!  qu'à  la  dernière  extré- 
mité, et  qu'après  avoir  dit  autant  de  sottises  et  commis  autant  d'ab- 
surdités qu'il  en  faut  pour  remplir  un  acte  parfaitement  invraisem- 
blable. 

On  voit  sans  peine,  dès  les  premières  mesures  de  l'ouverture,  que 
Mme  Clémence  Valgrand  est  fort  au-dessus  de  la  classe  des  amateurs 
ordinaires,  qu'elle  a  sérieusement  travaillé.  Un  élève  du  Conserva- 
toire concourant  pour  le  grand  prix  ne  serait  pas  plus  recherché 
dans  ses  harmonies.  Mme  Valgrand  écrit  bien  pour  les  voix  et  ins- 
trumente très-correctement.  Elle  a  mis  dans  la  bouche  de  miss  Jenny, 
déguisée  en  ouvrier,  un  air  dont  le  thème  principal  est  d'une  ex- 
trême élégance,  et  qui  serait  sans  défaut,  si  le  style  n'en  était  pas  trop 
noble  pour  la  situation,  et  l'expression  trop  passionnée.  Elle  a  fait 
chanter  à  Nigel  des  couplets  comiques  :  Comptant  sur  la  promesse 
de  l'auteur  de  vos  jours,  qui  ont  du  naturel  et  une  allure  assez 
franche.  Un  duo  entre  miss  Jenny  et  George  Halifax  finit  par  une 
slrelte  à  trois  temps,  menée  vivement,  gaie,  entraînante.  Le  reste 
est  de  qualité  inférieure.  Les  idées  sont  assez  communes,  et  les  re- 


140 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


cherches  harmoniques  que  l'auteur  y  prodigue  ne  les  relèvent  pas. 
Les  morceaux  sont  très-nombreux  dans  cet  ouvrage,  et,  pour  la  plu- 
part, ne  vont  pas  au-dessus  du  niveau  d'un  recueil  de  chansonnettes 
à  une  ou  à  plusieurs  voix.  En  général,  et  malgré  les  quelques  pas- 
sages que  nous  avons  mentionnés  ci-dessus,  l'intérêt  de  cette  partition 
est  faible,  et  ne  saurait  compenser  tout  ce  qui  manque  au  livret. 

Mlle  Faivre,  M.  Girardot,  M.  Wartel,  M.  Legrand,  jouent  et  chan- 
tent fort  agréablement  leurs  rôles.  Il  serait  à  souhaiter  seulement  que 
Mlle  Faivre,  dans  les  passages  rapides  et  syllabiques,  eût  l'arliculation 
plus  nette.  Le  rôle  de  Rosa  est  rempli  par  Mlle  Boyer,  jeune  artiste 
qui  ne  manque  pas  de  voix  ni  d'intelligence,  probablement,  mais 
dont  le  jeu  et  le  chant  semblent  trahir  l'inexpérience  des  premiers 
débuts. 

Le  second  ouvrage  a  réussi  auprès  du  public  beaucoup  mieux  que 
le  premier.  Nous  ne  saurions  en  faire  un  compte  rendu  plus  exact 
que  celui  de  la  Fontaine,  et  notre  prose  n'aurait  certainement  pas  l'a- 
grément de  ses  vers. 

LE  JARDINIER  ET  SON  SEIGNEUR. 

Un  amateur  de  jardinage, 

Demi-bourgeois,  denii-manant. 

Possédait  en  certain  village 
Un  jardin  assez  propre,  et  le  clos  attenant. 
Il  avait  de  plant  vif  fermé  cette  étendue. 
Là  croissait  à  plaisir  l'oseille  et  la  laitue, 
De  qijQi  faire  à  Margot  pour  sa  fête  un  bouquet, 
Peu  dé'jasmin  d'Espagne,  et  force  serpolet. 
Cette  félicité,  par  un  lièvre  troublée, 
Fit  qu'au  seigneur  du  bourg  notre  homme  se  plaignit. 

—  Ce  maudit  animal  vient  prendre  sa  goulée 
Chaque  matin,  dit-il,  et  des  pièges  se  rit. 
Les  pierres,  les  bâtons  y  perdent  leur  crédit. 

Il  est  sorcier,  je  crois.  —  Sorcier  !  je  l'en  défie. 

Répartit  le  seigneur.  Fût-il  diable,  Miraut 

En  dépit  de  ses  tours,  l'attrapera  bientôt. 

Je  vous  en  déferai,  bonhomme,  sur  ma  vie. 

—Et  quand?— Et  dès  demain,  sans  tarder  plus  longtemps. 

La  partie  ainsi  faite,  il  vient  avec  ses  gens. 

—  Çi,  déjeunons,  dit-il.  Vos  poulets  sont-ils  tendres? 
La  fille  du  logis,  qu'on  vous  voie  !  approchez  ! 

Quand  la  marîrons-nous  ?  Quand  aurons-nous  des  gendres? 
Bonhomme,  c'est  ce  coup  qu'il  faut,  vous  m'entendez. 

Qu'il  faut  fouiller  à  l'escarcelle. 
Disant  ces  mots,  il  fait  connaissance  avec  elle, 

Auprès  de  lui  la  fait  asseoir. 
Prend  une  main,  un  bras,  lève  un  coin  du  mouchoir. 

Toutes  sottises  dont  la  belle 

Se  défend  avec  grand  respect, 
Tant  qu'au  père,  à  la  fin,  cela  devient  suspect. 
Cependant,  on  fricasse,  on  se  rue  en  cuisine. 

—  De  quand  sont  vos  jambons?  ils  ont  fort  bonne  mine. 

—  Monsieur,  ils  sont  à  vous.— Vraiment,  dit  le  seigneur. 

Je  les  reçois,  et  de  bon  cœur. 
Il  déjeune  très-bien.  Aussi  fait  sa  famille, 
Chiens,  chevaux  et  valets,  tous  gens  bien  endentés. 
Il  commande  chez  l'hôte,  y  prend  des  libertés, 

Boit  son  vin,  caresse  sa  fille. 
L'embarras  des  chasseurs  succède  au  déjeuné. 

Chacun  s'anime  et  se  prépare. 
Les  trompes  et  les  cors  font  un  tel  tintamarre 

Que  le  bon  homme  est  étonné. 
Le  pis  fut  que  ''on  mit  en  piteux  équipage 
Le  pauvre  potager.  Adieu  planches,  carreaux  1 

Adieu  chicorée  et  poreaux  I 

Adieu  de  quoi  mettre  au  potage  1 
Le  lièvre  était  gîté  dessous  un  maître  chou. 
On  le  quête,  on  le  lance,  il  s'enfuit  par  un  trou. 


Non  pas  trou,  mais  trouée,  horrible  et  large  plaie 

Que  l'on  fit  à  la  pauvre  haie 
Par  ordre  du  seigneur,  car  il  eût  été  mal 
Qu'on  n'eût  pu  du  jardin  sortir  tout  à  cheval. 
Le  bon  homme  disait  :  Ce  sont  là  jeux  de  prince. 
Mais  on  le  laissait  dire,  et  les  chiens  et  les  gens 
Firent  plus  de  dégât  en  une  heure  de  temps 

Que  n'en  auraient  fait  en  cent  ans 

Tous  les  lièvres  de  la  province. 

La  Fontaine  tire  de  là  une  sage  leçon  de  politique  à  l'usage  des 
petits  États.  Mais  il  est  certain  que  dans  les  affaires  privées  aussi  le 
remède  est  souvent  pire  qiie  le  mal,  et  qu'il  faut  savoir  se  résigner 
philosophiquement  aux  mille  petits  accidents  dont  la  vie  est  pleine. 
Tout  ce  que  le  fabuliste  a  raconté,  MM.  Barrière  et  Michel  Carré 
l'ont  mis  en  scène,  sans  en  omettre  le  moindre  détail.  Ils  ont  seule- 
lement  ajoulé  un  piqueur  nommé  Marcasse,  qui  courtise  Margot,  pen- 
dant que  son  maître,  le  baron,  fait  le  galant  auprès  d'Etiennette,  et 
un  garçon  de  ferme,  amant  aimé  de  celle-ci,  qui  l'épouse  au  dénoû- 
ment.  Leur  pièce  est  vive,  gaie,  drolatique  et  fort  bien  jouée.  La 
musique  a  les  mêmes  quaUtés.  M.  Léo  Délibes  est  élève  d'Adolphe 
Adam ,  et  s'est  parfaitement  approprié  sa  manière.  Si  l'on  eiit  donné 
au  public  le  Jardinier  et  son  seigneur  pour  une  œuvre  posthume 
d'Adam,  personne  n'aurait  songé  à  réclamer.  Nous  ne  pensons  pas 
non  plus  que  M.  Léo  Délibes  songe  à  réclamer  contre  cet  éloge  :  il 
est,  plus  que  qui  que  ce  soit,  à  même  de  l'apprécier.  Le  chœur  des 
gardes -chasse  seulement  est  un  peu  mou,  si  on  le  compare  au  chœur 
des  soldats  qui  font  tapage  dans  le  Chalet  ;  mais,  en  revanche,  nous 
doutons  qu'Adam  ait  rien  écrit  d'aussi  original  que  les  imprécations 
de  Maclou  contre  le  lièvre  :  J'en  d'viendrai  fov  !  etc.  Il  y  a  aussi  une 
inspiration  très-heureuse  dans  les  couplets  de  Petit-Pierre,  finissant 
jiar  ces  vers  : 

Vous  êtes  Jean  qui  pleure, 

Et  j'suis  Jean  qui  rit. 

Maclou  vient  de  lui  refuser  Tiennette  et  de  le  chasser.  En  disant 
qu'il  est  Jean  qui  rit,  sa  voix,  en  dépit  de  lui-même,  éclate  en  san- 
glots, si  bien  qu'en  pleurant  le  plus  naturellement  du  monde,  il  fait 
rire.  Rien  de  plus  piquant  et  de  plus  gracieux  que  le  petit  duo  de 
ce  Petit-Pierre  avec  Tiennette.  Rien  de  plus  gai  que  les  deux  quatuors 
et  les  couplets  de  Marcasse,  auxquels  il  ne  manque  que  d'être  dits 
avec  un  ton  moins  solennel.  Enfin,  paroles  et  musique  ont  parfaite- 
ment réussi,  comme  aussi  les  acteurs,  parmi  lesquels  il  faut  citer 
en  première  ligne  M.  Gabriel  et  Mlle  Faivre. 

LÉON  DUROCHER. 


AUDITIONS  MUSICALES. 

Alexandre  Billet.  —  Jean  Vallall.  —  Mlle  Hélène  de 
,         Katoir.  —  eiusepp»  Garlboldl. 

La  diversité  des  talents  d'exécution  a  un  grand  charme,  et  montre 
chaque  jour  combien  l'art  est  inépuisable  et,  combien  les  mêmes 
œuvres  se  prêtent,  dans  certains  détails  du  moins,  à  une  interpréta- 
tion dissemblable  et  quelquefois  également  belle  et  vraie.  Quoi  qu'on 
en  dise,  la  musique  a  mille  choses  vagues  et  fugitives,  qu'on  a 
peut-être  raison  de  chercher  à  préciser,  à  fixer  pour  la  médiocrité, 
mais  qu'il  est  bon  de  laisser  sentir  et  traduire  comme  ils  l'entendent 
aux  artistes  qui  ont  une  manière  individuelle.  M.  Alexandre  Billet, 
pianiste  dont  la  réputation  n'est  plus  à  faire,  l'a  encore  prouvé  l'autre 
soir  dans  les  salons  Erard.  Il  a  compris  et  rendu  un  triode  Beetho- 
ven en  virtuose  indépendant,  bien  inspiré,  qui  ne  cherche  point  à 
reproduire  le  style  de  celui-ci  ou  de  celui-là,  qui  se  livre  entièrement 
à  son  propre  mouvement   et  à  son   propre  caractère.    M.  Alexandre 


DK  PARIS. 


141 


Billet  n'a  pss  trompé  les  espérances  de  ceux  qui,  depuis  longtemps, 
apprécient  ses  qualités  et  qui  applaudissent  aux  heureuses  modifica- 
tions que  le  temps,  la  réflexion  et  une  plus  grande  intelligence  des 
beautés  classiques  ont  apportées  à  son  jeu.  Rien  de  plus  distingué  et 
de  plus  varié  que  l'exécution  de  M.  Billet  dans  le  solo.  Les  expressions 
les  plus  opposées,  les  influences  les  plus  diverses,  l'accent  musical  de 
l'instrument  à  ses  différents  âges  :  l'âge  de  la  grâce  et  de  l'élégance 
avec  Field  ;  celui  de  la  rêverie,  de  la  tristesse,  de  l'inquiétude,  de  la 
passion,  avec  Weber,  Chopin  et  Mendelssohn,  ont  été  abordés  par 
M.Alexandre  Billet  avec  une  régularité  de  rhylhme,  un  art  de  phraser 
et  une  chaleur  exempte  de  toute  espèce  d'exagération  qui  ont  excité 
d'enthousiastes  bravos. 

On  a  fait  bisser  la  charmante  Danse  russe  d'Armiugaud,  jouée  par 
cet  élégant  violoniste  avec  beaucoup  de  délicatesse  et  d'entrain. 
Mme  Morel  Scott  et  M.  Manesi  ont  fait  aussi  grand  plaisir  et  ont 
été  fort  applaudis. 

—  Cn  aveugle,  M.  ]e;in  Vailaii,  a  dernièrement,  dans  la  salle  Herz, 
enthousiasmé  son  auditoire,  et  cela  avec  la  pauvre  mandoline.  Mais 
il  faut  dire  aussi  que  jamais  instrument  n'a  été  manié  par  un  talent 
plus  fin,  plus  fort  et  plus  touchant.  M.  Vailati  a  exécuté  sur  une  seule 
corde  le  Carnaval  de  Venise,  puis  des  fantaisies  sur  Norma  et  sur  II 
Trovatore.  11  a  causé  une  vive  impression  en  donnant  à  toutes  les 
formes  dont  il  a  su  revêtir  le  chant,  une  variété  et  un  brio  qui,  là, 
semblaient  de  véritables  phénomènes.  Secondé  par  le  violoncelle  si 
expressif  de  Braga,  par  i'ophicléide  de  Colasanli,  qui,  lui  aussi,  a  eu 
des  bonheurs  d'expression  à  rendre  jaloux  bien  des  solistes,  M.  Jean 
Vailati  a  constamment  fait  oublier  l'insuffisance  de  la  mandoline,  et  a 
montré  le  style,  la  sensibilité,  en  un  mot  tous  les  mouvements  de 
l'âme  auxquels  se  reconnaissent  les  véritables  artistes.  Son  succès  a 
été  des  plus  légitimes  et  des  plus  brillants. 

—  Nous  avons  déjà  parlé;  à  propos  d'une  charmante  soirée  musi- 
cale donnée  par  Nadar,  de  Mlle  Hélène  de  Katow.  Jeune,  jolie,  ex- 
cellente musicienne,  et  comme  telle,  premier  prix  du  Conservatoire 
royal  de  Bruxelles;  de  plus,  élève  du  célèbre  violoncelliste  Servais 
tant  de  fois  applaudi  à  Paris,  Mlle  Hélène  de  Katow  ne  pouvait  man- 
quer de  trouver  à  son  tour  un  bon  accueil.  Aussi  avait-elle  réuni  un 
nombreux  et  brillant  auditoire  dans  le  beau  concert  qu'elle  a  donné 
dernièrement  salle  Herz.  Jouer  du  violoncelle  est  chose  rare  pour 
une  femme,  mais  en  jouer  avec  un  talent  réel  est  plus  rare  encore  ;. 
la  curiosité  était  donc  vivement  excitée.  Hâtons-nous  de  dire  qu'elle 
n'a  pas  été  déçue.  Mlle  de  Katow  possède  un  jeu  large  et  brillant;  son 
style  pur,  toujours  élevé,  rappelle  bien  les  qualités  de  son  maître. 
Douée  au  suprême  degré  de  cette  grâce  et  de  ce  sentiment  exquis, 
apanage  de  la  femme,  et  qui,  sans  exclure  la  vigueur  et  la  puis- 
sance, ajoutent  un  charme  infini  à  l'exécution,  elle  domine  son  ins- 
trument et  en  lire  les  plus  beaux  effets.  Aussi  Mlle  de  Katow  a-t-elle 
obtenu  dans  ce  premier  essai  un  succès  véritable  et  dont  elle  doit 
être  fière;  car  elle  est  adoptée  désormais  par  le  public  parisien,  et 
nous  l'entendrons  sans  doute  fréquemment  la  saison  prochaine.  Plu- 
sieurs artistes  de  talent  avaient  tenu  à  prêter  leur  concours  à  Mlle  de 
Katow  .  M.  et  Mlle  Fortuna,  Mlle  Boulart,  s'étaient  chargés  de  la  par- 
lie  vocale;  M.  Lebeau  sur  l'harmonium,  Mlle  Aline  Mallet  sur  Is  piano, 
et  M.  Sighicelli  sur  le  violon,  ont  joué  avec  infiniment  de  talent  un 
concerto  de  Goltermann,  les  Adieux  de  Marie  Suart  et  la  Berceuse 
de  Ueber. 

— M.  Giuseppe  Gariboldi,  flûtiste  de  talent,  a  fait  entendre,  au  cercle 
des  Sociétés  savantes,  des  œuvrts  vocales  et  instrumentales  de  sa 
composition.  Sans  contredit,  la  facilité  es.  un  don;  mais,  comme  tout 
se  paie  ici  bas,  on  ne  l'a  souvent  qu'aux  dépens,  non-seulement  de 
la  correction,  mais  encore  de  la  force  et  de  la  variété  de  la  pensée. 
Quoi  qu'il  en  soit,  les  mélodies  de  M.  Gariboldi  sont  loin  d'être  dé- 
pourvues de  charme;  on  y  trouve  même  d'assez  jolies  idées,  sinon 
une  harmonie  intéressante  et  un  travail  attachant.  La  mélodie  amommi 


allor  a  été  très-bien  accueillie.  — La  scène  fantastique  pour  violon, 
piano  et  orgue  a  eu  aussi  beaucoup  de  succès,  et  on  a  bissé  la  can- 
zone  il  Mereiajualo.  Enfin,  en  jouant  sa  fantaisie  sur  Lalla-Roukh  et 
son  Elégie,  M.  Gariboldi  a  fait  preuve  d'une  grande  habileté. 

Adolphe  BOTTE. 


BEVUE  CRITIQUE. 

liE  CHjtN'T  DES  EXIIjK($, 
Pour  ténor  seal    et    chcear    d'boaimes, 

ParGIACOMO   meyerbeer. 

L'illustre  auteur  du  Prophète  et  des  Huguenots  vient  d'ajouter  à  sa 
belle  collection  de  chœurs,  dont,  l'année  dernière,  nous  signalions  le 
mérite  éclatant  et  pressentions  le  succès,  une  nouvelle  composition 
intitulée  :  le  Chant  des  Exilés.  Comme  dans  les  quatre  premières,  A 
la  patrie.  Invocation  à  la  terre  natale,  les  Joyeux  Chasseurs  et 
V Amitié,  Meyerbeer  a  trouvé  moyen  d'être  constamment  net,  clair, 
chantant,  sans  renoncer  cependant  aux  éléments  avec  lesquels,  par 
toutes  les  forces  de  la  science  et  du  style,  il  revêt  ses  idées  d'un 
caractère  facile  à  reconnaître.  Le  maître  qui  module  si  savamment  ne 
le  fait  pourtant  jamais  que  lorsque  l'expression  de  sa  pensée  le  de- 
mande impérieusement.  Ici,  quoique  développée  par  des  harmonies 
neuves,  piquantes  et  enchanteresses  qui  semblent  multiplier  à  l'infini 
les  ressources  des  voix,  la  mélodie  reste  toujours  souveraine. 

Dans  le  Chant  des  Exilés,  il  y  a  une  mélancolie,  une  tendresse, 
un  sérieux,  une  élévation  qui,  tout  d'abord,  pénètrent  et  ravissent 
l'imagination.  On  y  célèbre  l'amour  de  la  patrie,  du  foyer  domestique, 
le  culte  des  aïeux,  les  souvenirs  d'enfance.  Tout  y  est  simple,  grand, 
naturel,  pur  et  noble.  Il  est  impossible  de  ne  pas  reconnaître  avec 
quel  charme,  quelle  sincérité  on  chante,  de  l'autre  côté  du  Rbin,  les 
joies,  les  tristesses,  les  pieuses  traditions  de  la  famille  et  les  espé- 
rances infinies  de  la  religion.  Evidemment  le  génie  de  Meyerbeer  se 
complaît  à  traiter  ces  thèmes  éternels  qui  semblent  toujours  vierges, 
tant  on  y  trouve  chaque  jour  d'expressions  diverses,  fraîches  et  nou- 
velles. Dans  les  petites  pièces  de  poésie  intime'  qu'il  laisse  échapper 
de  temps  en  temps  dj  sa  plume  si  puissante,  il  atteint  à  une  grâce, 
à  une  souplesse  singulières;  il  arrive  à  des  oppositions  de  couleur  du 
plus  bel  effet  et  qui,  rarement,  furent  plus  richement  employées  que 
dans  le  Chant  des  Exilés.  Ce  chant,  sans  accompagnement  instru- 
mental, attaqué  d'abord  par  le  ténor  solo,  auquel  répond  le  chœur, 
change  de  mode,  passe  du  majeur  au  mineur  et,  toujours  dialoguant, 
se  métamorphose  bientôt  complètement  :  de  vif  et  franc  qu'il  était,  il 
devient  triste  et  désolé.  C'est  bien  simple  assurément  :  tous  les  jours 
et  partout  on  change  ainsi  de  tonalité  et  de  mouvement  ;  mais  on  n'ar- 
rive pas  tous  les  jours,  comme  l'a  fait  Meyerbeer,  à  créer  avec  les 
mêmes  notes  et  le  même  rhythme  une  tout  autre  mélodie.  Avec  l'au- 
teur du  Pardon  de  Ploérmel,  même  dans  ses  cadres  les  plus  restreints, 
l'uniformité  n'est  pas  à  craindre  :  aussi  après  le  retour  du  mode  ma  • 
jeur  aperçoit-on  un  nouveau  tableau  :  les  illusions  de  l'adolescence 
reviennent  en  foule,  la  pensée  passe  de  la  tombe  au  berceau,  et  une 
ravissante  berceuse  termine  l'œuvre,  en  évoquant  les  fantômes  éva- 
nouis de  la  maison  paternelle.  Assurément  tout  le  monde  subira  le 
charme  de  cette  délicieuse  inspiration  si  délicatement  travaillée  ;  on 
se  sent  ému  rien  qu'en  la  lisant. 

Puisqu'il  faut  toujours  qu'il  soit  question  de  détails  techniques, 
disons  que  cette  dernière  strophe,  d'un  mouvement  toujours  plus 
lent,  emprunte  à  un  suave  et  doux  accompagnement  à  bouche  fer- 
mée, à  la  mollesse,  au  balancement  du  rhylhme,  à  la  finesse  de 
l'harmonie,  a  un  morendo  qui,  jusqu'à  la  fin,  jette  un  voile  de  tris- 
tesse et  de  mélancolie  sur  la  composilionj  je  ne  sais  quoi  de  flottant, 


1^2 


KKVLE  KT  GAZETTE  MUSICALE 


de  mystérieux,  de  grave,  de  religieux  même,  bien  digne  de  celui  qui, 
dans  Robert,  a  trouvé  cette  phrase  si  touchante  : 

Quand  près  de  moi,  le  soir, 

Ma  mère  priait  Dieu. 

Au  reste,  Meyerbeer  n'est  pas  le  seul  grand  artiste  que  la  piété 
filiale  ait  magnifiquement  inspiré.  Lamartine  et  Hugo,  se  rappelant 
aussi  les  tendresses  ineffables  de  l'amour  maternel,  ont  trouvé  des 
accents  qui  ne  périront  point.  Le  Chant  des  exilés,  plein  des  mêmes 
sentiments  et  des  mêmes  regrets  amers,  mérite  d'être  rangé  parmi 
ces  petits  chefs-d'œuvre  qui,  entre  autres  chances  de  popularité, 
unissent  la  moralité  à  la  beauté. 

Adolphe  BOTTE. 


Le  défaut  d'espace  nous  oblige  à  remettre  à  la  semaine  prochaine 
la  Revue  des  théâtres  de  M.  D.  A.  D.  Saint-Yves.  Constatons  seule- 
ment, en  attendant,  le  succès  qu'a  obtenu  au  théâtre  du  Vaudeville, 
la  pièce  de  M.  Aylic  Langlé,  Un  homme  de  rien. 


NOUVELLES. 

,*»  Dimanche,  le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  Guillaume  Tell. 
Le  chef-d'œuvre  do  Rossini  a  été  pour  Villaret  l'occasion  d'un  nouveau 
succès.  —  Toute  la  semaine,  la  Muette  a  alterné  avec  Guillaume  Tell, 
chacun  de  ces  deux  opéras  remplissant  la  salle.  Ils  ont  de  nouveau  fait 
les  frais  delà  représentation  donnée  hier  soir  au  bénéfice  de  la  caisse 
des  pensions  de  retraite  des  artistes  et  des  employés  de  l'Opéra. 

**t  ha.  reprise  du  Comte  Ory  et  de  Giselle  est  fixée  définitivement 
aux  premiers  jours  de  cette  semaine.  La  répétition  générale  des  deux 
ouvrages  a  dû  avoir  lieu  hier. 

**j  La  direction  du  théâtre  impérial  de  l'Opéra  vient  d'engager  le 
célèbre  chorégraphe  Rota.  Il  doit  régler  un  ballet  nouveau  dont  M.  de 
Saint-Georges  écrira  le  scénario  et  M.  Giorza  la  musique. 

«*»  Belval  est  en  ce  moment  à  Toulouse  où  il  obtient  de  très-beaux 
succès  dans  Robert,  les  Huguenots  et  ta  Juive.  Ses  représentations  sont 
très-suivies,  et  le  public  toulousain  apprécie  chaleureusement  le  véri- 
table talent  avec  lequel  cet  excellent  artiste  rend  les  magnifiques  rôles 
de  Bertram  et  de  Marcel. 

^*^  La  saison  se  trouvant  très-avancée,  le  théâtre  de  l'Opéra-Comique, 
d'accord  avec  M.  de  Flotow,  a  interrompu  les  représentations  de  son 
opéra  en  deux  actes.  Il  ne  sera  représenté  que  l'automne  prochain,  et 
le  célèbre  compositeur  vient  de  quitter  Paris  pour  retourner  en  Alle- 
magne. 

s.*:s  Une  indisposition  de  Prilleux,  qui  est  atteint  d'une  bronchite  ca- 
pillaire, a  retardé  la  reprise  û'Haydée  ;  il  y  sera  remplacé  par  Du- 
vernoy. 

***  La  saison  du  théâtre  Italien  a  été  close  jeudi  par  une  brillante 
représentation  de  deux  actes  de  Poliuto,  du  troisième  de  Don  Pasquale 
et  du  deuxième  du  Tnuatni-e.  Depuis  les  représentations  d'Adelina  Patti, 
la  salle  n'avait  pas  été  aussi  remplie.  Tamberlick,  rétabli  de  son  indis- 
position, et  qui  avait  de  nouveau  chanté  Poliuto  le  lundi  précédent, 
paraissait  avoir  retrouvé  tous  ses  moyens,  et  ce  rôle,  son  meilleur  au- 
jourd'hui, lui  a  valu  de  chaleureux  applaudissements.  —  Hier  soir,  une 
représentation  extraordinaire  accordée  à  deux  artistes,  réunissait  les 
chanteurs  restant  encore  de  la  troupe  italienne  et  les  sujets  de  di- 
vers théâtres.  —  L'administration  de  M.  Galzado  va  maintenant  faire 
place  à  celle  de  M.  Bagier,  qui  cumule  les  fonctions  de  directeur  à 
Madrid  et  à  Paris. 

***  Mlle  Adelina  Patti  est  arrivée  cette  semaine  à  Paris,  venant  de 
Vienne.  Elle  y  est  restée  quelques  jours  et  est  partie  pour  Londres  où 
elle  est  attendue  avec  impatience  au  théâtre  de  Covent-Garden.  Ce  qu'on 
a  dit  de  l'enthousiasme  provoqué  à  Vienne  par  la  jeune,  et  brillante 
cantatrice  est  encore  resté  au-dessous  de  la  vérité  ;  elle  revient  littéra- 
lement couverte  de  bijoux  du  plus  grand  prix,  offerts  par  l'aristocratie 
de  Vienne,  et  les  vingt-trois  représentations  qu'elle  a  donni^es  ont  pro- 
duit 80,000  francs  de  bénéfice  (les  recettes  brutes  ont  été  de  115,000 
florins,  soit  environ  140,000  francs)  à  l'imprésario  Merelli. 

»**  Plusieurs  journaux  belges  ont  annoncé  que  Meyerbeer  viendrait  à 
Bruxelles  pour  assister  au  quatrième  concert  du  Conservatoire,  qui  a 
eu  lieu  le  26.  Ces  journaux  ont  été  induits  en  erreur.  Meyerbeer  n'a 
pas  quitté  Berlin. 

^,*,i,  H.  Berlioz  est  de  retour  à  Paris.  —  Plusieurs  scènes  d'Allemagne 
vont  monter  son  opéra  de  Béatrixet  Benedict. 


^*»  A  l'une  des  dernières  soirées  de  Rossini,  on  a  entendu  une  mé- 
lodie nouvelle  de  Louis  Engel  pour  chant,  piano,  harpe  et  orgue.  Cette 
mélodie  d'un  beau  style  a  trouvé,  dans  Mme  Bettini-Trebelli,  la  plus 
charmante  interprète.  Elle  a  été  accompagnée  sur  l'orgue  par  l'auteur, 
qui  a  passé  quelques  jours  à  Paris.  Il  a  de  plus  charmé  l'auditoire  en 
exécutant  sur  l'orgue  plusieurs  de  ses  nouvelles  compositions  :  Echo  du 
cœur,  Causerie,  etc.  luutile  d'ajouter  qu'elles  ont  été  suivies  des  plus 
vifs  applaudissements  et  que  l'auteur  a  dû  en  répéter  plusieurs. 

a,**  NOS  correspondances  de  Saint-Pétersbourg  nous  ont,  à  plusîieurs 
reprises,  manifesté  le  doute  qu'après  la  saison  prochaine  qui  verra  finir 
les  engagements  des  principaux  artistes  de  la  troupe  italienne,  la  di- 
rection des  théâtres  impériaux  conserve  une  charge  aussi  lourde  que 
celle  du  théâtre  italien.  Il  ne  faut  pas  se  dissimuler  que  l'émancipation 
des  serfs  a  produit  dans  les  revenus  de  la  noblesse  un  temps  d'arrêt 
qui  la  force,  momentanément  du  moins,  à  l'économie.  11  en  est  résulté 
depuis  deux  ans  un  désabonnement  des  premières  loges  et  des  fauteuils 
d'orchestre  très-préjudiciable  aux  recettes,  tandis  qu'au  contraire  les 
dépenses  ont  été  sans  cesse  croissantes.  Sans  parler  de  ce  qu'a  coûté 
à  monter  la  Forza  del  destina  (près  de  200,000  francs  en  y  comprenant 
la  somme  payée  à  Verdi),  les  appointements  des  artistes  actuels,  que 
citait  dernièrement  un  journal  de  Saint-Pétersbourg,  et  dont  les  chifl'res 
sont  exacts,  se  répartissent  comme  suit  :  à  Tamberlick,  72,000  francs 
d'appointements  et  un  bénéfice  assuré  pour  15,4U0  francs,  total: 
87,400  francs  pour  six  mois;  à  Graziani,  70,000  francs  ;  à  Mme  Barbot, 
75,000  francs  ;  à  Mme  Nantier-Didiée,  45,000  francs;  sans  préjudice  des 
appointements  des  artistes  secondaires,  de.s  choristes,  des  gens  de  ser- 
vices, de  l'orchestre,  des  décorateurs,  des  cadeaux  importants  donnés 
par  la  cour,  etc.,  le  tout  dépassant  certainement  un  million.  Il  ne  se- 
rait donc  pas  étonnant,  si  la  situation  ne  devient  pas  meilleure  au  pro- 
chain abonnement,  que  la  direction  renonçât  à  une  exploitation  si 
coûteuse.  Peut-être  alors  serait-elle  concédée  à  une  entreprise  particu- 
lière qui,  pouvant  opérer  avec  plus  d'économie,  réussirait  vraisem- 
blablement mieux.  —  L'opéra  russe  a  eu  des  malades,  et  il  s'en  est 
suivi  des  retards  dans  l'apparition  des  opéras  nouveaux  d'Artemovski  : 
le  ZaporoLjuc,  et  de  Serovif  :  Judith.  En  attendant,  Slradella,  interprété 
par  l'excellent  ténor  Nicolski,  poursuit  le  cours  de  son  succès. 

***  Mario  et  Fraschini  sont  arrivés  à  Paris.  Avant  son  départ  de 
Barcelone  une  couronne  d'argent,  avec  diverses  devises,  a  été  offerte 
à  Mario,  et  la  musique  du  régiment  d'artillerie  lui  a  donné  le  soir  une 
sérénade. 

„,**  Aux  artistes  éminents  que  nous  avons  déjà  cités  comme  devant 
représenter  l'opéra  italien  à  Bade  :  Naudin,  Mme  Charton-Demeur,  Delle- 
Sedie,  il  faut  joindre  Mlle  Battu  et  Mmés  Colson  et  Demeric-Lablache. 

^*^  Ernest  Reyer,  chargé  par  le  gouvernement  d'une  mission  spéciale 
intéressant  l'art  musi:al.  a  quitté  Paris  jeudi,  pour  se  rendre  à  Ber- 
lin, Vienne,  Belgrade  et  Pesth.  L'auteur  de  la  Statue  reviendra  par  la 
Suisse  à  Bade,  où  il  compte  passer  l'été. 

»*,t  Un  opéra  en  un  acte,  eu  vers,  paroles  de  M.  Th.  Sauvage,  musi- 
que de  Rosenhain,  sera  représenté  cette  saison  à  Ems,  sous  le  titre  : 
Volage  et  jaloux. 

^'^^  Nous  avions  annoncé  le  départ  de  Mme  Charton-Demeur  pour 
Bordeaux,  où  elle  chantait  au  concert  donné  le 22  par  la  Société  phil- 
harmonique. Mme  ChartOD  y  a  reçu  le  plus  brillant  accueil.  Après  cha- 
cun de  ses  morceaux,  la  cavatine  de  Norma,  l'air  des  Nozze ,  celui  de 
la  Traviata  et  //  Bacio,  la  célèbre  cantatrice  a  été  applaudie  avec  en- 
thousiasme et  rappelée  à  plusieurs  reprises. 

j*^  Une  soirée  musicale  intéressante  a  été  donnée,  mardi  dernier,  par 
Mlle  Sophie  Prud'homme,  pianiste  distinguée,  au  cercle  des  Sociétés 
savantes.  Suivant  les  excellentes  traditions  du  cercle,  Mlle  Prud'homme 
s'était  entourée  d'artistes  aimés  du  public  :  Sighicelli,  dont  la  réputa- 
tion est  faite  depuis  longtemps,  et  qui  a  interprété  en  maître  le  fan- 
tastique Trémolo  de  de  Bériot;  M.  Bruyant,  qui  a  joué  avec  une  grande 
délicatesse  d'expression,  et  comme  un  hommage  rendu  à  la  mémoire  du 
maître  regretté,  le  Souvenir  de  Wiesbaden,  poétique  inspiration  de  Ver- 
roust;  Mme  Balanqué,  une  charmante  dugazon,  dont  les  principales 
scènes  de  province  gardent  le  souvenir  ;  M.  Teste,  belle  voix  de  basse, 
que  l'Opéra-Comique  adoptera,  au  sortir  des  épreuves  du  Conservatoire; 
IMM.  Guidon  frères,  ou  plutôt  l'un  des  frères  Guidon,  qui  a  parfaite- 
ment dit  la  Sérénade  de  Gounod.  Nous  devons  une  mention  toute  spé- 
ciale à  M.  Lentz,  organiste  du  chœur  à  Saint-Sulpice,  qui  a  joué  sur 
l'orgue-harmonium  deux  de  ses  nouvelles  compositions  :  un  rondo-ca- 
price, spirituelle  étude,  riche  en  traits  heureux,  et  sur  fOcéan,  sym- 
phonie en  miniature,  dont  les  trois  parties  forment  un  petit  tableau 
dramatique  traité  par  l'auteur  avec  un  talent  qui  n'attend  que  l'occa- 
sion de  se  manifester  en  des  œuvres  plus  sérieuses.  Une  fantaisie  bril. 
lante  de  Leybach  sur  la  Sonnambula,  jouée  par  Mlle  S.  Prud'homme, 
avec  une  assurance,  une  agilité  de  mécanisme  et  une  vigueur  peu  com- 
munes, a  terminé  le  concert. 

,t*»  S.EXC.  le  ministre  de  l'instruction  publique  et  des  cultes  vient  de 
prendre  une  mesure  qui,  nous  l'espérons,  exercera  une  très-grande  in- 
fluence sur  l'enseignement  musical  en  France.  Il  a  adressé  à  tous  les 
préfets  une  circulaire,  que  nous  reproduirons  dans  notre  prochain 
numéro ,  mais  dont  nous  nous  contentons  aujourd'hui  d'indiquer  l'ob- 


I>E  PARIS. 


US 


jet  :  I  Enseignement  du  chant  dans  les  écoles  publiques.  —  Acquisi- 
tion par  les  communes  d'orgues  de  la  fabrique  de  MM.  Alexandre.  » 
Nous  ne  pouvons  qu'applaudir  à  cette  décision  qui  témoigne  de  la  sol- 
licitude éclairée  de  M.  Kouland  pour  tout  ce  qui  concerne  l'enseigne- 
ment artistique. 

»*^  Nous  devons  ajouter  à  la  mention  faite  dans  notre  dernier  numéro 
de  la  partie  du  rapport  de  M.  Busson,  relative  à  la  subvention  de  cent 
mille  francs  que  la  commission  du  budget  a  émis  le  vœu  d'attribuer 
au  théâtre  Lyrique,  à  titre  d'encouragement,  cette  circonstance,  que 
le  Corps  légis'atif  s'est  occupé  de  la  question,  que  M.  Nogent  Saint- 
Laurent  a  chaleureusement  appuyé  cette  motion,  et  que  sa  parole  a  ren- 
contré les  sympathies  générales.  Le  Corps  législatif,  à  l'unanimité,  s'est 
montré  dans  les  dispositions  les  plus  favorables  pour  ce  théâtre.  Le  vœu 
depuis  si  longtemps  formé  par  les  auteurs  et  compositeurs  de  musique, 
pourrait  donc  se  trouver  bientôt  réalisé,  et  tout  le  monde  applaudit 
déjà  des  deux  mains  aux  bonnes  paroles  de  la  commission  du  budget. 
Nous  croyons  pouvoir  dire  à  cette  occasion,  que  la  subvention  une 
fois  acqriise  au  théâtre  Lyrique,  les  jeunes  compositeurs  auront  un 
avenir  d'autant  plus  assuré,  que  la  sollicitude  de  S.  Exe.  le  ministre 
d'État  leur  ménage  des  moyens  réels  de  se  produire  dans  de  meilleures 
conditions.  —  On  en  jugera  bientôt. 

»**  Le  24°  concert,  le  dernier  de  cette  année,  donné  à  Lowenberg, 
vient  d'avoir  lieu  avec  un  grand  éclat  au  château  de  S.  A.  le  prince  de 
HohenzoUern.  Le  programme,  composé  par  le  prince,  ne  contenait  que 
des  œuvres  de  M.  Berlioz,  qui  lui-même  dirigeait  l'exécution.  Mme  PohI 
seulement,  l'habile  virtuose  de  la  cour  de  VVeimar,  a  joué  sur  la  harpe 
avec  un  remarquable  talent  et  un  beau  succès,  la  Danse  des  Fées,  de 
Parish  Alvars.  L'auditoire,  depuis  longtemps  familier  avec  les  partitions 
de  M.  Berlioz,  en  a  saisi  rapidement  les  traits  frappants,  les  délicatesses 
et  les  plus  mystérieased  intentions.  L'ouverture  du  Roi  Léar,  l'adagio 
(scène  d'amour)  de  Roméo  et  Juliette,  et,  dans  un  genre  tout  opposé,  le 
finale  (l'orgie)  de  Harold  en  Italie,  ont  fait  naître  des  émotions  dont  on 
a  peu  d'exemples  au  concert.  Dans  cette  dernière  symphonie,  l'alto  solo 
a  été  joué  avec  une  grande  supériorité  de  talent  par  l'habile  maître  de 
chapelle,  M.  Seifriz,  qui  avait  non-seulement  cédé  son  bâton  au  compo- 
siteur français,  mais  qui  s'était  fait  un  de  ses  interprètes.  Aucune  de  ces 
compositions  si  diverses  de  forme  et  de  caractère  n'a  manqué  son  effet. 
L'exécutioa  d'ailleurs  en  était  entraînante  par  la  verve,  et  pleine  des 
nuances  les  mieux  nénagées.  L'orchestre  de  S.  A.  a  acquis  ce  jour-là 
de  nouveaux  titres  à  l'admiration  des  connaisseurs.  Entre  les  deux  par- 
ties du  programme,  l'aide  de  camp  du  prince  est  monté  sur  l'estrade 
et,  aux  longs  applaudissements  des  artistes  et  du  public,  a  présenté  à 
M.  Berlioz  la  croix  de  l'ordre  de  Hohenzollern. 

***  Prudent  est  de  retour  de  Metz,  où  il  a  donné,  dans  la  salle  de 
l'hôtel  de  ville,  un  très-beau  concert.  Pas  une  place  n'était  à  prendre, 
et  il  a  produit  un  immense  effet  en  exécutant  la  Danse  des  fées,  Adieu 
printemps  et  le  Chant  d'Ariel;  on  lui  a  fait  bisser  cette  dei'nière  com- 
position. 

^*f.  Par  suite  d'une  délibération  de  l'assemblée  générale  des  action- 
naires, le  grand  théâtre  de  Venise  restera  fermé  cet  été. 

^*»  Une  très-intéressante  pianiste,  Mlle  Anna  Meyer,  vient  de  don- 
ner à  Lyon,  Marseille,  Montpellier  et  Toulouse  des  concerts  où  elle 
a  obtenu  des  succès  aussi  brillants  que  mérilés.  A  Toulouse,  elle  a 
joué  chez  le  maréchal  Niel,  et  l'auditoire  réuni  à  cette  occasion  l'a 
chaleureusement  félicitée.  Le  même  accueil  lui  est  fait  à  Bordeaux,  et 
elle  est  engagée  pour  cet  été  à  Bade,  Wisbade  et  Hombourg. 

,1,*^  Mardi  dernier,  la  musique  du  U'  d'artillerie  montée  de  la  garde 
a,  sous  l'habile  direction  de  son  chef,  M.  KIosé,  donné  une  séance  très- 
remarquable  dans  la  salle  d'Adolphe  Sax.  Un  pas  redoublé  et  une  marche 
extraits  des  cris  de  Paris,  livre  partition  de  M.  G.  Kastner,  et  le  rêve 
d''Oswald,  fragments  d'un  autre  excellent  ouvrage  du  savant  membre  de 
l'Institut,  ont  tour  à  tour  excité  l'intérêt  et  enlevé  les  applaudissements 
d'un  auditoire  d'élite,  dans  lequel  on  remarquait  M.  le  général  Melli- 
net,  MM.  A.  Elwart,  Emile  Jouas,  Laurent  de  Rillé,  Jules  Simon,  etc. 
C'est  par  une  fantaisie  sur  h  Pardon  de  Ploermel  et  la  marche  du  Couron- 
nement, de  l'illustre  Meyerbeer,  que  la  séance  a  été  terminiie.  Sous 
forme  d'intermèdes,  M.  Adolphe  Sax  a  fait  entendre  un  trombone  et 
un  saxhorn,  basse  d'un  système  aussi  nouveau  qu'ingénieux-  Au  mo- 
ment de  se  séparer,  et  sur  la  demande  du  {jénéral  et  de  sa  société,  le 
pas  redoublé  et  la  marche  de  G.  Kastner  ont  été  exécutés  uue  seconde 
fois,  et  un  ravissant  morceau  d'inspection  de  M.  KIosé  a,  pour  la  clô- 
ture, obtenu  un  véritable  succès. 

,*«  L'éditeur  Goupil,  dit  M.  de  Lécluse  dans  le  Journal  des  Débats, 
vient  de  publier  une  nouvelle  gravure  qui  intéressera  vivement  les  ar- 
tistes et  les  nombreux  admirateurs  du  célèbre  Beethoven.  Ce  grand 
compositeur  est  représenté  dans  un  accès  de  désespoir,  causé  par  sa 
surdité  prématurée.  Presque  couché  sur  son  piano,  la  tête  appuyée 
contre  ses  bras  et  les  mains  agitées  convulsivement,  il  occupe  le  pre- 
mier plan  de  la  composition;  mais  au-delà  et  au-dessus  de  cette  scène 
réelle  s'en  développe  une  autre  toute  fantastique,  où  l'on  voit  un  chef 
d'orchestre,  de  grandeur  surnaturelle,  qui  semble  faire  mouvoir  les 
pei-sonnifications  de  toutes  les  idées  auxquelles  Beethoven  a  donné  la 
vie.  Cette  composition  remarquable  est  de  M.  Lemud,  jusqu'ici  connu 


comme  habile  lithographe,  mais  qui,  pour  son  coup  d'essai  en  gravure, 
a  rendu  au  burin  sa  belle  composition  de  Beethoven  avec  une  perfec- 
tion remarquable.  La  scène  réelle,  traitée  avec  vigueur,  fait  ressortir  la 
partie  fantastique  de  la  composition,  rendue  avec  une  supériorité  de 
burin  qui  nous  fait  compter  un  très-habile  graveur  français  de  plus. 

,j*i  L'association  des  Artistes  musiciens,  fondée  par  M.  le  baron  Taylor, 
tiendra  son  assemblée  générale  jeudi  prochain,  7  mai,  à  midi,  dans  la 
grande  salle  du  Conservatoire  impérial  de  musique  et  de  déclamation. 

^**  L'association  secourable  des  anciens  élèves  de  l'école  Choron  fera 
exécuter  une  messe  solennelle  à  grand  orchestre,  de  M.  Nicou-Choron, 
son  président,  dans  l'église  de  la  Madeleine,  le  mercredi  6  mai^  à  midi 
précis.  M.  Duprez,  ancien  élève  de  cette  célèbre  école,  donnera  son  pré- 
cieux concours  à  l'exécution  de  cette  œuvre,  qui  sera  montée  dans  des 
proportions  considérables  et  dirigée  par  M.  Dietsch.  Le  grand  orgue  sera 
touché  par  M.  Saint-Saëns. 

*'*4  Aujourd'hui,  dimanche,  il  sera  donné  au  Pré  Catalan,  sous  la  di- 
rection Musard,  avec  le  concours  du  Comité  national  de  bienfaisance, 
un  grand  concert  vocal  et  instrumental  au  profit  des  ouvriers  cotonniers. 
Jamais  Paris  n'aura  assisté  à  une  plus  belle  fête.  Tout  le  monde  a  voulu 
prêter  son  appui  à  cette  œuvre  de  bienfaisance  :  le  travail  sera  représenté 
par  les  députations  des  Sociétés  chorales  de  la  Seine  et  de  Seine-et- 
Oise,  qui  fourniront  plus  de  mille  chanteurs  exécutant  les  plus  beaux 
morceaux  de  leurs  riches  répertoires;  — l'armée  enverra  plusieurs  musi- 
ques militaires; —  l'art  a  offert  ses  plus  habiles  dilettanti,  qui,  guidés  par 
Musard,  rendront  avec  cet  ensemble  qui  caractérise  l'orchestre  du  Pré 
Catelan,  les  majestueuses  compositions  de  nos  grands  maîtres.  —Dans  cette 
fête  de  charité  se  fera  entendre,  pour  la  première  fois  depuis  son  retour 
de  Russie,  Legendre,  piston  solo  qui  n'a  pas  de  rival.  11  jouera  une 
brillante  fantaisie  sur  le  Trovatore,  et  son  merveilleux  Carnaval  de  Venise, 
que  lui  seul  peut  exécuter. 

,f*,f  Un  café-  concert  qui  avait  beaucoup  de  vogue,'  le  Café  du  Géant, 
au  boulevard  du  Temple,  est  devenu  mercredi  la  proie  des  flammes.  11 
a  été  complètement  détruit.  Le  feu  paraît  avoir  pris  dans  la  chambre 
d'une  servante,  qui  a  péri  victime  de  l'incendie.  On  estime  la  perte  à 
250,000  francs;  il  était  assuré  pour  120,000  francs. 

„■*»  L'exposition  des  beaux-arts,  qui  vient  de  s'ouvrir  au  palais  de 
l'Industrie,  offrira  à  la  curiosité  des  visiteurs  le  modèle  en  relief  du 
nouvel  opéra  qui  se  construit  en  ce  moment.  Ce  modèle,  d'assez  grande 
dimension,  est  en  plâtre  et  pèse  près  de  3,000  kilos.  De  grandes  pré- 
cautions ont  dû  être  prises  pour  le  faire  arriver  sain  et  sauf  à  sa  des- 
tination. 

,f*^  La  Gazette  de  Naples  annonce  que  l'exploitation  du  théâtre  de 
San  Carlo  sera  concédée  pour  la  saison  d'été  à  un  riche  négociant, 
M.  G.  Vonviller.  On  augure  favorablement  de  ce  choix. 

a,*,j  A  la  dernière  séance  de  la  Société  des  concerts,  Mme  Duprez- 
Vandenheuvel  a  obtenu,  au  Conservatoire,  un  très-beau  succès  en  chan- 
tant  l'air  d'Idoménée  et  dans  le  duo  de  l'Automne  des  Saisons. 

,1,*^,  De  grandes  fêtes  musicales  se  préparent  à  Strasbourg  pour  les  20, 
21  et  22  juin.  On  évalue  déjà  à  plus  de  2,000  le  nombre  des  chanteurs 
qui  s'y  rendront.  Le  21  il  y  aura  concours  orphéonique  ;  le  22  sera  con- 
sacré à  l'audition  d'une  cantate,  paroles  de  Méry,  musique  de  Schwab, 
et  à  l'exécution  de  l'Enfance  du  Christ,  de  Berlioz. 

j,*^  L'inauguration  du  grand  orgue  de  St-Étienne  du  Mont,  reconstruit 
et  enrichi  de  notables  perfectionnements  par  la  maison  A.  Cavaillé- 
Coll,  a  eu  lieu  lundi  soir,  26  courant,  devant  un  grand  nombre  de 
personnes,  parmi  lesquelles  on  comptait  plusieurs  artistes  et  amateurs 
distingués.  Plusieurs  organistes  de  nos  premières  paroisses  se  sont  fait 
entendre  avec  succès  sur  ce  bel  instrument,  enfermé  dans  un  buffet  du 
style  Louis  XIII  le  plus  riche,  et  qui  possède  une  grande  sonorité  et  des 
jeux  d'une  qualité  de  timbre  vraiment  remarquable.  M.  Franck  aîné,  de 
Sainte-Clotilde,  a  traité  en  maître  les  jeux  de  fond  de  huit  et  de  seize 
pieds.  M.  Auguste  Durand,  de  Saint-Roch,  a  fait  valoir  avec  élégance 
les  gambis  et  les  voix  humaines.  M.  Lebel,  organiste  de  Saint-Étienne 
du  Mont,  et  professeur  d'orgue  à  l'institution  des  Jeunes  Ave'jgles,  a 
prouvé  sa  science  musicale  dans  deux  morceaux  très-bien  développés. 
Mais  le  succès  le  plus  grand  a  été  pour  M.  J.  Ch.  Hess,  un  de  nos  pianis- 
tes-compositeurs dont  le  nom  est  devenu  le  plus  populaire  dans  ces 
derniers  temps.  M .  Hess  est  organiste  in  partihus,  et  l'église  qui  possé- 
dera cet  artiste  n'aura  rien  à  envier  aux  autres  temples  de  la  capitale. 

,f*,t  L'éminent  violoncelliste-compositeur  Ernest  Nathan,  est  de  retour 
de  Nice,  où  il  a.  passé  l'hiver.  Il  a  signalé  son  retour  à  Paris  par  une 
réunion  artistique  dans  laquelle  il  a  fait  entendre  ses  nouvelles  compo- 
sitions sur  Norma,  le  Trouvère  et  une  charmante  mélodie  sur  le  motif 
connu  de  Pauvre  Jacques.  L'auditoire  choisi  qui  avait  répondu  à  son 
appel  n'a  pas  moins  applaudi  Ernest  Nathan  comme  compositeur  que 
comme  virtuose  ;  il  a  d'ailleurs  été  fort  bien  secondé  par  Mmes  de  La- 
pommeraye  et  Viard  Louis  ;  MM.  Félix  Levy,  Marochetti  et  Alfred  Lebeau. 

*■*:,,  Les  musiques  des  régiments  de  cavalerie  et  d'infanterie  de  la 
garde  impériale,  en  garnison  à  Paris,  ont  commencé,  à  dater  du  1"''  mai, 
à  e-xéouter  des  morceaux  d'harmonie  dans  le  jardin  des  Tuileries.  Ainsi 
que  cela  se  pratiquait  les  années  précédentes,  ces  concerts  militaires 
ont  lieu  tous  les  jours,  le  dimanche  excepté 


144 


REVUE  ET  (iAZETTE  MUSICALE  DE  HAKIS. 


***  On  lit  dans  la  Gazette  de  Cologne  que  l'inauguration  à  Munich 
de  la  statue  de  Schiller,  commandée  par  le  roi  Louis,  aura  lieu  le  9  mai, 
jour  anniversaire  de  la  naissance  du  poëte,  en  présence  de  la  fille  et 
du  petit-fils  de  Schiller.  Le  directeur  général  de  la  musique,  M.  Franz 
Lachner,  a  été  chargé  de  composer  des  chœurs  pour  cette  solennité. 

**i  La  bise  du  nord,  compagne  habituelle  de  la  lune  rousse,  a  nui  à 
l'ouverture  du  concert  des  Champs-Elysées,  annoncé  pour  le  1='  mai. 
M.  de  Besselièvre  a  néanmoins  tenu  à  ce  qu'elle  eût  lieu  le  jour  indi- 
qué, et  Arban  a  dû  exécuter  devant  les  rares  visiteurs  qui  avaient  bravé 
le  vent  et  la  froidure,  le  beau  programme  qu'il  avait  composé  pour 
cette  solennité  et  dans  lequel  se  remarquaient  sa  belle  fantaisie  sur  l'É- 
toile du  Nord  et  son  nouveau  quadrille  sur  les  Pavards.  Espérons  que  le 
ciel  va  .se  montrer  plus  clément  pour  M.  de  Besselièvre,  et  qu'Arban 
répétera  ce  programme  devant  un  auditoire  non  moins  nombreux  que 
celui  de  l'été  dernier. 

^*^  Le  commerce  de  musique  allemand  vient  de  faire  une  grande 
perte  dans  la  personne  de  Gustave  Bock,  éditeur  plein  d'intelligence  et 
d'habileté,  qui,  en  peu  d'années,  avait  su  élever  sa  maison  au  rang  des 
premières  de  l'Allemagne.  Dans  ces  derniers  temps,  il  s'était  attaché  à 
naturaliser  dans  son  pays  les  œuvres  des  compositeurs  français,  et  c'est 
grâce  à  son  initiative  que  les  théâtres  de  Berlin  et  de  l'Allemagne  ont 
successivement  représenté  plusieurs  opéras  nouveaux  de  Maillart,  Gou  - 
nod,  Offenbach,  etc.  M.  Gustave  Bock  est  mort  jeune;  il  n'avait  que  cin- 
quante ans.  Son  caractère  honorable,  ses  relations  faciles  le  font  géné- 
ralement regretter. 

,**  A  Cologne  vient  de  mourir  le  violoniste  Grûnwald,  professeur  de 
violon  au  conservatoire  de  la  ville.  Jules  Griinwald,  né  le  21  août  1834, 
à  Posen,  avait  montré  dès  l'enfance  beaucoup  de  goût  et  de  talent  pour 
la  musique.  Il  suivit  les  cours  du  conservatoire  de  Prague,  où  il  reçut 
des  leçons  de  l'excellent  violoniste  Mildner.  Très-jeune  encore,  Grûnwald 
fit  sensatiou  dans  les  concerts  à  Prague  et  à  Leipzig;  plus  tard,  il  rem- 
plit quelque  temps  les  fonctions  de  chef  d'orchestre  au  théâtre  Wil- 
helmstadt.  C'est  en  1 856  qu'il  fut  attaché  au  conservatoire  de  Cologne 
comme  professeur  de  violon,  en  remplacement  de  Théodore  Pixis;  la 
même  année  il  joua  pour  la  première  fois  en  public,  dans  un  concert 
de  Gurzenich,  où  il  obtint  un  succès  d'enthousiasme.  La  mort  préma- 
turée de  l'intéressant  artiste  a  fait  une  impression  douloureuse  à  Colo- 
gne ;  de  nombreux  amis  et  une  foule  de  personnes  qui  avaient  su 
apprécier  son  talent  si  pur  et  si  élevé  et  ses  excellentes  qualités,  ont 
suivi  Ij  convoi.  Ferdinand  Hiller  a  prononcé  d'éloquentes  paroles  sur  sa 
tombe. 


CHRONIQUE    DÉPARTEMENTALE. 


,j*,j  Marseille.  —  Les  représentations  de  Mme  Miolan  Carvalho  ont 
commencé  sous  les  auspices  les  plus  heureux  par  un  acte  de  générosité 
et  de  bienfaisance  de  la  célèbre  cantatrice.  Presque  Marseillaise,  elle 
avait  promis  à  sa  mère  que  sa  première  représentation  dans  sa  ville  na- 
tale serait  donnée  au  profit  des  pauvres:  La  promesse  faite  par  la  jeune 
fille  a  été  plus  que  scrupuleusement  tenue  par  la  grande  artiste.  Non- 
seulement  elle  a  abandonné  la  somme  qui  lui  revenait  de  droit,  mais 
elle  y  a  encore  ajouté  1000  francs,  et  le  tout,  formant  1750  fr.  a  été  dis- 
tribué par  les  soins  du  maire  à  nos  divers  établissements  de  charité. 
Est-il  besoin  dire  que  si  ce  noble  trait  n'ajoutait  rien  à  l'admirable  ta- 
lent de  Mme  Carvalho,  il  devait  lui  concilier  à  l'instant  toutes  les  sym- 
pathies. Aussi  a-t-elle  trouvé  plus  que  de  l'enthousiasme  parmi  notre 
population  charmée,  et  sa  présence  est- elle  devenue  l'objet  des  mani- 
festations les  plus  chaleureuses.  Mme  Carvalho  s'est  déjà  montrée  dans 
les  Noces  de  Jeannette,  le  Barbier  et  la  Fanchonnette  et  ces  représentations 
ont  eu  lieu  avec  un  éclat  inaccoutumé.  On  l'attend  maintenant  dans 
le  Faust  de  Gounod. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


»*,t  Londres.  —  Le  théâtre  italien  de  Covent-Garden,  après  sa  bril- 
lante inauguration  par  la  Muta  di  Portici,  a  donné  Guillaume  Tell  et 
Riyoletto.  Un  ténor  nouveau,  Caffieri,  qui  chantait  le  rôle  d'Arnold  au 
lieu  et  place  de  Tamberiick,  non  encore  arrivé,  a  médiocrement  plu. 
Mlle  Battu  s'est  fort  distinguée  dans  celui  de  Mathilde.  Dans  Bigoletto 
Naudin  a  obtenu  un  très-beau  succès.  On  lui  a  fait  bisser  la  ballade 
\a,  Donna  e  mobile. —  Mardi  dernier  avait  lieu  une  représentation  extraor- 
dinaire de  gala  pour  le  prince  et  la  princesse  de  Galles.  On  devait 
d'abord  donner  Guillaume  Tell,  mais  la  Muette  a  eu  la  préférence.  Les 
prix  avaient  été  doublés,  et  nonobstant  la  salle  était  comble  depuis  le 
parterre  jusqu'au  cintre.  Bien  plus,  par  une  innovation  ingénieuse  au 
profit  de  la  recette,  après  la  chute  du  rideau,  qui  s'est  relevé  immé- 
diatement pour  chanter  une  deuxième  fois  le  God  save  the  queen,  déjà 
entonné  par  la  troupe  entière  au  moment  de  l'entrée  du  couple  royal, 
une  foule  de  personnes  qui  avaient  acheté  ce  droit  moyennant  quel- 
ques shillings,  était  admise  successivement  sur  la  scène,  qu'elles  traver- 


saient en  se  mêlant  aux  personnages  des  chœurs,  pour  jouir  du  coup 
d'œil  et  de  la  présence  de  la  princesse,  que  chacun  était  avide  de  voir 
d'aussi  près.  Aussi  la  recette  a-t-elle  atteint  le  chiffre  de  2,000  gui- 
nées,  et  depuis  longtemps  la  salle  n'avait-elle  compté  pareil  nombre  de 
personnes  de  distinction.  —  Mlle  Ellinger  a  débuté  cette  semaine  à 
Majesty's  Théâtre  dans  le  rôle  de  Maflfeo  Orsini  de  Lucrezia  Bonjia;  on  lui 
a  fait  répéter  le  Brindisi.  -  ■  La  FarfaUtta  avec  Mme  FerrarJs  continue 
à  avoir  beaucoup  de  succès.  —  La  dixième  saison  des  concerts  au  pa- 
lais de  cristal  va  s'ouvrir  avec  éclat  par  la  musique  composée  par  Men-' 
delssohn  sur  Athalie.  A  l'exécution  d'Âihalic  succédera  celle  des  deux 
ouvertures  composées  par  Meyerbeer  et  Auber  pour  l'exposition. —  L'or- 
chestre et  les  chœurs,  sous  la  direction  de  Costa,  ne  se  composeront 
pas  de  moins  de  2,500  exécutants.  Les  violons  et  altos  sont  au  nom- 
bre de  196,  les  violoncelles  et  contre-basses,  de  90,  les  harpes  de 
20,  et  il  y  aura  un  nombre  équivalent  d'instruments  à  vent. 

^*,f  Bruxelles.  —  Le  quatrième  et  dernier  concert  de  notre  Conser- 
vatoire royal  offrait  un  attrait  de  plus  à  la  curiosité  empressée  du  pu- 
blic. Son  illustre  directeur  avait  voulu  profiter  de  cette  occasion  pour 
nous  faire  connaître  l'ouverture  en  forme  de  marche  composée  par 
Meyerbeer  pour  l'exposition  de  Londres.  Rendons  d'abord  hommage  à 
l'admirable  exécution  qui  nous  en  a  été  donnée  par  l'excellent  orchestre 
du  Conservatoire.  Il  en  a  compris  et  supérieurement  rendu  les  divers 
rhythmes,  et  fait  ressortir  délicatement  toutes  les  nuances.  Les  détails 
ingénieux  ,  les  piquants  effets  de  sonorité  qui  y  abondent,  ont  été 
saisis  complètement  par  l'auditoire.  Quant  à  l'appréciation  et  la  valeur 
de  l'œuvre  même,  nous  croyons  être  d'accord  avec  toute  la  presse  en 
disant  que  le  style  grandiose  de  l'auteur  des  Huguenots  s'y  retrouve  tout 
entier  :  aussi  a-t-elle  produit  l'effet  qui  l'a  accompagnée  partout  où 
elle  a  été  déjà  exécutée.  L'ouverture  de  la  Grotte  de  Fingal,  de  Men- 
delssohn  ;  l'air  de  la  Calomnie,  du  Barbier;  l'andante  con  moto  et  rondo 
du  quatrième  concerto  en  sol  de  Beethoven,  et  la  symphonie  en  ut 
majeur  de  l'illustre  compositeur,  complétaient  le  programme  de  cette 
belle  séance,  qui  clôt  dignement  la  série  des  concerts  du  Conserva- 
toire. —  Les  représentations  de  Freyschiitz  avec  récits  de  Berlioz,  sont 
très-suivies  au  théâtre  royal  de  la  Monnaie,  quoique  la  direction  ne  se 
soit  guère  mise  en  frais  pour  la  reprise  de  ce  chef-d'œuvre.  On  y 
monte  le  Roman  d'Elvire,  d'Ambroise  Thomas,  avec  Mlle  Monrose,  qui 
l'a  créé  à  Paris. 

,^*a:  Vienne.  —  C'est  le  26  avril  que  Mlle  Patti  a  fait  sas  adieux  au 
public,  dans  une  représentation  où  elle  a  chanté  des  fragments  d'opéras 
divers.  L'enthousiasme  du  public  tenait  du  délire  ;  à  la  fin  du  spectacle 
la  merveilleuse  cantatrice  a  été  rappelée  seize  fois,  sans  compter  les 
rappels  pendant  la  pièce.  Les  choristes  lui  ont  donné  une  sérénade. 
—  Au  théâtre  de  la  cour  aujourd'hui,  27  avril,  Robert  le  Diable,  avec 
Mme  Mulder-Fabri  (Alice)  et  Mme  Friedberg  (Hélène).  —  Lalla-Roulch, 
opéra  de  F.  David,  n'a  pas  eu  tout  le  succès  auquel  on  s'attendait  ;  la 
faute  en  est  un  peu  à  Mlle  Krauss,  dont  la  voix  n'a  pas  la  fraîcheur  et 
la  jeunesse  que  le  rôle  principal  exige. 

»**  Hambourg.  —  Mlle  Désirée  Artot  a  débuté  au  théâtre  de  la  ville 
par  le  rôle  d'Angèle,  dans  le  Domino  noir.  Le  succès  a  été  des  plus  flat- 
teurs pour  l'éminente  cantatrice.  —  Sivori  a  été  applaudi  avec  enthou- 
siasme dans  le  dernier  concert  de  la  Société  de  musique.  —  On  attend 
Joachin. 

^*^  Dresde.  —  Le  Songe  d'une  nuit  d'été,  avec  la  délicieuse  musique 
de  Mendelssohn,  a  été  repris  au  théâtre  de  la  cour,  et  a  fait  plaisir, 
quoique  l'exécution  ait  laissé  à  désirer. 

„,**  Gotha.  —  Le  théâtre  de  la  cour  a  représenté  pour  la  première 
fois  :  Anne  de  Bretagne,  opéra  nouveau  de  M.  Otto  Preschtler,  musique 
du  comte  Gatterbourg. 

»*,s  Schwerin.  —  Sous  la  direction  du  maître  de  chapelle  de  la  cour, 
A.  Schmitt,  il  s'est  formé  une  société  de  chant  qui  a  débuté  par  l'exé- 
cution de  Paulus,  oratorio  de  Mendelssohn.  —  Au  festival  qui  aura  lieu 
au  mois  de  juin,  on  exécutera  les  Machabées,  oratorio  de  Haendel. 

a,''*  Mayence.  —  A  la'  salle  du  Casino  a  été  exécuté  l'oratorio  de 
Spohr  :  la  Chute  de  Babylone,  parla  Liedertafel  Qt  le  Damen-Verein,  sous 
la  direction  de  Rûhl.  Au  total,  l'exécution  a  été  satisfaisante. 

»*„,  Prague.  —  Au  théâtre  national  a  reparu  Dinorah,  de  Meyerbeer. 
Le  succès  a  été  aussi  brillant,  aussi  enthousiaste  qu'aux  premières  re- 
présentations. Mlle  Brenner  est  fort  bien  dans  le  rôle  principal,  comme 
actrice  et  comme  cantatrice. 

^**  Florence.  —  Les  représentations  du  théâtre  du  Lyceo  sont  três- 
suivies.  Emilio  Pancani,  la  basse  Milesi,  Mlle  Papini,  et  surtout 
MUeE.  Lagrua,  composent  un  excellent  ensemble.  Le  rôle  de  A^orma,  que 
Mlle  Lagrua  a  chanté  plusieurs  fois  avec  cette  puissance  vocale  et  dra- 
matique qui  distingue  à  un  si  haut  degré  la  célèbre  cantatrice,  pro- 
voque chaque  fois  dans  l'auditoire  un  véritable  enthousiasme. 


LeOirecleur  :  S.  OUFOUR  . 


PABIS.  —  IMPBIMEBIE  CENTBA 


:  NAPOLEON  CnAlX  I 


BUREAUX    A    PARIS  :    BOULEVARD   DES   ITALIENS,    I. 


30«  Année. 


N«  19. 


OIV  S'ABONNE  1 

Dass  lea  Déportemenls  et  à  l'Étranger,  chez  tout 
les  MarchantJs  de  Musique,  los  Libraires,  et  aux 
Pureaui  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


10  Mai  1863. 


PRIS  DE  L'ABONHEIUENT  : 

Paris 21tr.piiran 

Départements,  Belgique  et  Suisse —    30  «      id. 

Étranger 31  ir       id. 

Le  Journal  parait  le  DLiiiuncbe. 


GAZETTE  MUS 


-^^A/  \PJV^AA^lAA/•^u 


SOMMAIRE.  —  Tliéâtre  impérial  de  l'Opéra  :  reprise  de  Giselle;  début  de 
Mlle  Mourawief,  par  Panl  Smith.  — Théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique  : 
reprise  i'Hai/dée,  par  liéon  Durocher.  —  Auditions  musicales,  par 
Adolphe  Botte.  —  Fragment  i'Hamlet,  de  M.  Victorien  Joncières,  par 
A,  Elwart.  —  Revue  des  tliéàtres,  par  D.  A.  D.  Saiiit-YTes.  — 
Nouvelles  et  annonces. 


THÉÂTRE  IMPERIAL  DE  L'OPÉRA. 

Reprise  fie  Giaelte.  —  Débat  de  Bille  Moura-wief. 

11  y  aura  tantôt  vingt-deux  ans  qu'à  cette  place  même  nous  ren- 
dions compte  de  la  première  représentation  du  ballet  dont  nous 
venons  de  voir  la  reprise,  et,  à  cette  époque  reculée,  nous  en  expo- 
sions le  sujet  comme  il  suit:  «  Les  naïades,  les  sylphides  ayant  assez 
servi,  voici  venir  les  Wiiis,  qui  ne  demandent  pas  mieux  que  de  leur 
succéder.  Les  Wiiis  nous  arrivent  tout  droit  des  pays  slaves  :  ce 
sont  de  pauvres  filles,  de  pauvres  fiancées,  saisies  par  la  mort  avant 
le  mariage.  Or,  il  paraît  que  c'est  un  instant  fort  désagréable  pour 
mourir  et  qu'on  ne  s'en  va  pas  dans  l'autre  monde  sans  un  violent 
dépit.  Ce  dépit  se  change  en  fureur  et  empêche  de  dormir  jusque 
dans  la  tombe,  où  pourtant  on  a  l'air  de  dormir  si  bien!  Tous  les 
soirs,  à  minuit,  les  jeunes  mortes  se  relèvent,  se  rassemblent  et  se 
mettent  à  danser  au  clair  de  la  lune,  pour  se  dédommager  de  n'avoir 
pas  dansé  le  jour  de  leurs  noces.  Malheur  au  jeune  homme  qui  vient 
à  passer  et  s'aventure  dans  le  cercle  fatal  des  danseuses  nocturnes  ! 
Elles  le  font  danser  malgré  lui  et  danser  à  mort.  Le  galop  de  Mu- 
sard,  le  galop  de  la  Renaissance  (style  de  l'époque),  ne  sont  rien  à 
côté  de  ce  galop  diabolique,  au  bout  duquel  le  jeune  homme  suc- 
combe! Alors  les  Wiiis  se  retirent  joyeuses  de  n'avoir  pas  perdu  leur 
soirée  et  se  donnent  rendez-vous  pour  le  lendemain.  » 

Ce  ballet  avait  été  composé  pour  le  début  de  Carlotta  Gris!  : 
le  rôle  de  Giselle  fut  la  première  et  la  plus  heureuse  incarnation 
de  cette  charmante  et  sympathique  ballerine,  qui  avait  vraiment  l'air 
de  danser  pour  son  plaisir,  ce  qui  faisait  que  tout  le  monde  en 
trouvait  à  la  regarder.  Aujourd'hui  c'est  Mlle  Mourawief,  dont  le  nom 
dit  l'origine,  qui  aspire  à  remplacer  Carlotta.  Mlle  Mourawief,  comme 
Mme  Petipa,  nous  vient  de  Saint-Pétersbourg,  et  n'offre  guère  avec 
elle  d'autre  ressemblance.  Elle  est  petite  et  mince,  plus  légèrequ'une 
noix,  levior  nnce;  si  quelque  moderne  Shylock  avait  à  réclamer 
d'elle  une  livre  de   ce  que  vous  savez,  nous  ne  devinons  pas  où  il 


pourrait  la  prendre.  Au  demeurant,  elle  a  une  jolie  taille,  la  jambe 
bien  tournée,  alerte,  et  tellement  docile  qu'on  dirait  un  instrument 
de  précision.  La  Russie  inculque  à  ses  danseuses  des  principes  ar- 
rêtés, au  fond  desquels  se  retrouve  toujours  quelque  chose  de  l'exer- 
cice militaire.  A  ces  causes,  il  faut  attribuer  les  mouvements  sacca- 
dés qui  tiennent  de  l'horloge  à  secondes  et  les  petits  coups  de  tête, 
dont  l'expression  nous  échappe.  Avouons  que  tout  cela  nous  paraît 
un  peu  trop  mécanique ,  et  que  nous  n'aimons  ,'pas  non  plus  qu'un 
danseur  emporte  sa  danseuse  sous  le  bras  comme  un  rouleau  d'é- 
toffe et  tournoie  avec  elle  dans  celte  attitude.  Sur  les  biirds  de  la 
Seine,  les  conditions  de  succès  ne  sont  pas  les  mêmes  que  sur  ceux 
de  la  Newa.  Mlle  Mourawief  a  pour  elle  une  correction  extrême,  elle 
excelle  dans  le  taqueté:  elle  a  des  pointes  fabuleuses.  Hœ  tibi  erunt 
artes.  Ces  dons  lui  suffisent  et  au-delà  pour  réussir,  enlever  les  bra- 
vos, les  rappels,  comme  elle  l'a  fait  vendredi  et  le  fera  bien  d'autres 
fois  encore.  Il  y  avait  plus  de  nature  et  de  charme  dans  la  manière 
de  Mme  Petipa  :  il  y  a  plus  d'art  et  de  fini  dans  celle  de  Mlle  Mou- 
rawief. L'une  ne  nuit  aucunement  à  l'autre  ;  on  peut  les  admirer 
ensemble  et  les  apprécier  séparément. 

On  doit  aussi  ne  pas  oublier  les  danseuses  françaises,  Mme  Zina, 
par  exemple,  qui  exécute  à  ravir  le  délicieux  pas  du  premier  acte,  la 
valse  populaire,  où  triomphait  Nathalie  Fitzjames.  La  reine  des  Wiiis  . 
est  fort  agréablement  représentée  par  Mlle  Laure  Fonta,  digne  héri- 
tière de  Mlle  Adèle  Dumilâtre.  Mérante,  Coralli,  Chapuy,  remplissent 
avec  talent  les  rôles  de  "autre  sexe. 

Le  ballet  de  Giselle  a  été  remis  en  scène  avec  un  soin  tout  particu- 
lier. Les  deux  décors  offrent  des  tableaux  ravissants  ;  dans  le  second, 
on  a  profité  de  l'invention  des  glaces  pour  l'entrée  de  la  reine  des 
Wiiis.  qui  s'avance  en  se  mirant  dans  l'eau.  11  ne  reste  plus  qu'à  ré- 
gler les  effets  de  la  lumière  électrique,  dont  les  caprices  ne  s'ex- 
pliquent pas  toujours. 

Un  mot  sur  la  partition,  qui  fut  le  chef-d'œuvre  incontesté  du  plus 
habile  de  nos  maîtres  en  ce  genre.  Adolphe  Adam  n'a  jamais  eu 
d'inspiration  plus  franche,  plus  variée,  plus  joyeuse  et  en  même 
temps  plus  délicate  que  celle  qui  lui  a  dicté  la  musique  de  ce  ballet, 
signé- d'ailleurs  par  un  auteur  dramatique  et  un  poëte,  MM.  de  Saint. 
Georges  et  Théophile  Gautier. 

LL.  MM.  l'Empereur  et  l'Impératrice  ont  honoré  la  représentation 
de  leur  présence  et  de  leurs  bravos. 

Paui.  SMITH. 


U6 


REVUK  El   GAZKÏTE  MUSICALK 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  DE  L'OPÉRA- COffllQDE. 

Beprise  a'JBTayttée.  —  M.  liéon    Achard.  —  H.  Troy.  — 
aille   Barctii. 

Haydée  est  incontestablement  un  des  chefs-d'œuvre  de  l'Opéra- 
Comique. 

Il  fallait  une  singulière  audace  pour  entreprendre  un  ouvrage  dra- 
matique où  l'intérêt  serait  concentré  sur  un  homme  coupable  d'un 
acte  infâme  et  déshonorant,  qui  avait  triché  au  jeu,  qui  avait  ainsi 
dépouillé  son  adversaire  de  toute  sa  fortune,  et  l'avait  réduit  au 
suicide.  Il  fallait  une  prodigieuse  habileté  pour  mener  à  bien  un 
projet  pareil.  Le  succès  a  été  complet,  et  n'a  pas  été  douteux  un  seul 
instant.  Scribe,  esprit  blasé,  qui  cherchait  dés  émotions  dans  le  pé- 
ril, qui  se  faisait  un  jeu,  non  des  difficultés,  mais  des  impossibilités, 
qui  avait  déjà  fait  accepter  au  public  une  reine  de  Portugal  —  une 
reine  de  vingt  ans  —  courant  incognito  les  aventures,  s'engageant 
toute  seule  dans  une  caverne  de  faux  monnojeurs  qui  lui  fabriquent 
de  faux  diamants  après  qu'elle  leur  a  donné  les  diamants  vrais  pour 
modèles,  et  puis  revenant  tranquillement  dans  sa  capitale  et  dans 
son  palais  sans  que  ses  ministres,  ses  courtisans,  ses  chambellans, 
ses  dames  d'atours  aient  le  moindre  soupçon  de  son  étrange  esca- 
pade; Scribe  a  dû  se  dire,  après  la  première  représentation  A' Haydée: 
J'ai  fait  le  plus  étonnant  tour  de  force  qu'on  ait  jamais  vu  au  théâtre. 

11  est  certain  que  Lorédan,  même  après  que  son  crime  est  connu, 
ne  cesse  pas  un  seul  instant  d'être  sympathique  au  spectateur.  Scribe 
a  pris  ses  précautions  pour  cela,  et  avec  quel  art  !  Lorédan  est  beau, 
jeune  encore,  brave,  généreux,  magnanime,  entouré  de  l'estime  et  de 
l'admiration  universelle.  Il  a  conquis  tous  ses  grades  à  la  pointe  de 
l'épée.  A  force  de  services  et  de  victoires  il  est  parvenu  au  grade 
le  plus  élevé  que  puisse  ambitionner  un  homme  de  mer.  Le  voilà 
trop  haut  pour  que  le  mépris  désormais  puisse  l'atteindre.  Mais  ce 
n'est  pas  encore  assez  qu'on  ne  le  méprise  pas.  Il  faut  qu'on  l'aime. 
Il  faut,  pour  que  le  drame  réussisse,  qu'on  s'identifie  avec  lui,  qu'on 
s'associe  à  ses  desseins,  à  ses  espérances,  qu'on  frémisse  de  ses  pé- 
rils, qu'on  pleure  de  ses  douleurs.  Le  poëte  a  su  aller  jusque-là. 
M.  Mérimée,  qui  lui  a  fourni  son  sujet  dans  une  nouvelle  qui  est  un 
petit  chef-d'œuvre  (1),  M.  Mérimée ,  il  faut  le  reconnaître ,  l'avait 
mis  sur  la  voie.  Son  lieutenant  Roger  intéresse,  malgré  son  erreur 
d'un  moment,  parce  qu'il  est  profondément  affligé  de  sa  chute,  qu'il 
se  la  reproche  amèrement,  et  sans  cesse,  qu'il  n'a  pas  un  jour,  pas 
une  heure  de  relâche,  si  bien  que  l'ami  auquel  il  a  confié  volontaire- 
ment son  malheur,  ne  songe  qu'à  le  consoler.  «  Je  le  voyais  si 
malheureux  que,  s'il  m'avait  demandé  mes  pistolets  pour  se  tuer,  je 
crois  que  je  les  lui  aurais  donnés.  » 

Dieu  fit  du  repentir  la  vertu  des  mortels, 
a  dit  Voltaire.  Quand  le  remords  est  plus  profond  que  le  crime  n'a 
été  odieux,  il  l'expie,  il  l'efface.  On  ne  voit  qu'un  infortuné  dans  le 
coupable,  et  la  commisération  qu'il  inspire  devient  facilement  de  la 
sympathie,  lorsque  son  repentir  a  été  actif,  qu'il  a  réparé  ses  torts 
autant  qu'il  était  en  lui,  qu'il  les  a  couverts  par  de  grandes  actions, 
et  surtout  par  de  grands  Bacrifices. 

Aussitôt  après  la  mort  de  Donato,  Lorédan  a  changé  de  vie.  11  n'a 
plus  joué.  lia  renoncé  à  tous  les  plaisirs  de  la  jeunesse.  Il  a  cherché 
la  mort  avec  acharnement,  mais  une  mort  utile  à  son  pays.  La  mort 
n'a  point  voulu  de  lui,  et  ses  exploits  l'ont  élevé  rapidement.  La  for- 
tune ne  l'a  point  aveuglé,  pas  même  étourdi,  et  n'a  pas  étouffé  la 
voix  sévère  qui,  en  secret,  l'accuse  et  le  torture.  Donato  a  laissé  un 
fils  qui  a  disparu,  et  une  pupille  qu'il  a  ruinée  :  il  se  charge  de  la 
pupille,  et  ne  néglige  rien  pour  retrouver  le  fils.  A  la  veille  d'un 
combat  où  il  compte  se  faire  tuer,  il  partage  entre  eux,  par  testa- 


(1)  MosAîQDE,  la  Partie  de  trictrac. 


ment,  tout  ce  qu'il  possède.  Enfin,  quand  il  retrouve  ce   fils  dans 
le  volontaire  Andréa,  il  lui  rend  courageusement  justice,   malgré  les 
menaces  du  traître  Malipieri  qui  a  surpris  son  secret  : 
Allons!  du  cœurl 
Sachons  braver  même  le  déshonneur  ! 

Et  tout  le  monde  est  de  son  avis  quand  il  dit  tout  bas  qu'il  sacri- 
fie pour  Donato  plus  que  Donato  n'a  perdu.  Quelle  profonde  con- 
naissance du  cœur  humain  dans  toutes  ses  combinaisons  !  quelle  vi- 
gueur de  logique  dans  leur  agencement  !  quel  art  souverain  dans  la 
manière  dont  tout  cela  est  mis  en  scène,  et  quelle  richesse  d'imagina- 
tion dans  tous  les  détails  ! 

Le  musicien  n'a  pas  été  moins  habile  que  le  poëte,  ni  moins  bien 
inspiré.  Le  style  mélodique  à'Haydée  est  plus  nerveux,  plus  large, 
plus  élevé  que  celui  de  tout  autre  opéra-comique.  —  Nous  laissons 
de  côté  Joseph,  qui  avait  été  originairement  conçu  en  vue  du  grand 
Opéra.  —  Le  duo  de  Lorédan  et  de  Malipieri,  au  second  acte ,  celui 
de  Lorédan  et  d'Haydée,  au  troisième,  ont  une  vigueur  de  coloris  et 
une  énergie  d'expression  peu  communes.  Les  couplets  de  Malipieri  et 
ceux  d'Haydée  :  A  Venise  saches  vous  taire,  ont  une  élévation ,  une 
élégance  et  une  ampleur  de  forme  qu'on  voit  rarement  à  des  mor- 
ceaux de  proportions  aussi  réduites. 

La  barcarolle  à  deux  voix  du  premier  acte,  et  l'air  de  la  Corvette, 
avec  son  accompagnement  choral  à  bouche  fermée,  sont  des  mer- 
veilles d'inventions  d'harmonie  piquante  et  hardie.  Enfin  la  scène  de 
somnambulisme  du  premier  acte  est  traitée  avec  une  habileté  magis- 
trale qui  ne  saurait  être  surpassée.  Nous  ne  croyons  pas  que  M.  Au- 
ber  se  soit  jamais  élevé  plus  haut. 

Le  rôle  de  Lorédan  exige  de  très- grandes  qualités  de  chanteur  et 
d'acteur.  Roger  l'avait  admirablement  compris.  Il  le  jouait  en  tragé- 
dien. Il  le  chantait  en  homme  qui  va  bientôt  aborder  le  grand  opéra, 
et  créer  le  rôle  de  Jean  de  Leyde.  M.  Achard,  qui  aujourd'hui  le 
remplace,  n'a  pas  malheureusement  en  lui  l'étoffe  d'un  ténor  tragique. 
Son  jeu  manque  d'ampleur.  Sa  tenue,  son  geste,  son  ton,  son  regard, 
n'ont  rien  d'héroïque.  On  n'y  sent  pas  la  dignité  du  commandement. 
Sa  voix,  charmante  dans  la  Dame  blanche,  paraît  grêle  dans  Haydée. 
Pourquoi  sortir  ainsi  de  son  caractère?  Pourquoi  forcer  son  talent? 
Comme  ténor  léger,  M.  Achard  est  aujourd'hui  sans  rival  en  France. 
N'est-ce  donc  pas  une  assez  belle  position,  et  la  succession  de  Pon- 
chard  est-elle  tant  à  dédaigner  ?  En  faisant  des  efforts  qui  n'abou- 
tissent pas,  M.  Achard  compromet  la  pureté,  la  souplesse  de  son  or- 
gane, la  faciUté  et  la  grâce  de  son  exécution.  Qu'il  ne  s'obstine  pas 
à  se  faire  autre  qu'il  n'est,  et  à  lutter  contre  la  nature  !  C'est  ce  qu'on 
peut  souhaiter  de  mieux  pour  lui-même  et  pour  nous,  qui  tenons  à 
le  conserver. 

M.  Troy  est  excellent  dans  le  rôle  de  Malipieri.  Belle  tenue,  voix 
solide  et  vigourause,  exécution  toujours  correcte  et  souvent  élégante, 
expre.ssion  juste. . .  Il  a  toutes  les  qualités  de  son  emploi.  Malgré  toute 
la  bonne  volonté  de  Mlle  Baretti,  et  toute  la  peine  qu'elle  prend,  sa 
voix  et  son  style  sont  également  insuffisants.  Quand  à  Mme  Biard- 
Chollet  et  à  M.  Ponchard,  nous  demandons  la  permission  de  n'en 
rien  dire.  Ceux  qui  les  ont  entendus  sauront  bien  pourquoi. 

LÉON  DUROCHER. 


AUDITIONS  MUSICALES. 

Blmc  Giroud  tic  Vïllelte.  —  Edonard  Cazanou'S'e.  — 
Frédéric  BrîMson  et  Portchaut.  —  Société  académique 
de  musique  sacrée. 

La  soirée  donnée  à  l'hôtel  du  Louvre  par  Mme  Ciroud  de  Villette 
a  été  très-intéressante.   On  y  a  vivement  applaudi  Mmes  Charlotte 


DE  ï-i-MlS. 


147 


Dreyfus,  Pilhon-Chéret,  MM.  Prumier,  Tolbecque,  Lebrun  et  Lafont. 
Dans  le  talent  de  Mme  Giroud  de  Villette,  les  dilettantes  ont  fort 
apprécié  la  manière  de  phraser  et  de  vocaliser.  Malgré  l'inégalité  et 
l'indécision  qui  se  sont  fait  remarquer  dans  quelques  passages  ,  la 
chanson  de  l'Abeille,  la  cavatine  de  Pierre  de  Médicis  et  les  soli  de 
la  Charité  ont  été  dits  avec  un  excellent  sentiment. 

—  Si  la  jeunesse  des  exécutants  a  donné  au  concert  de  M.  Edouard 
Cazaneuve  un  attrait  tout  particulier,  le  talent  n'y  a  point  manqué 
non  plus.  Quelques  jolies  voix,  que  l'étude  disciplinera  encore,  la 
sonate  pathétique  de  Beethoven ,  quelques  gracieuses  pages  de 
M.  Edouard  Cazaneuve,  jouées  par  ce  pianiste  d'une  façon  claire, 
simple  et  brillante;  un  beau  concerto  de  Vieuxtemps  ,  exécuté  avec 
justesse  par  M.  Lelong,  et  un  joli  solo  de  hautbois,  dans  lequel 
M.  Fernand  Magnier  a  fait  grand  plaisir,  c'était  plus  qu'il  n'en  fal- 
lait pour  contenter  un  auditoire  bienveillant  et  sympathique  qui,  en 
encourageant  la  jeunesse,  s'est  montré  bien  aise  de  pouvoir  en  même 
temps  applaudir  au  talent:  sous  les  fleurs,  on  n'est  jamais  fâché  de 
pressentir  les  fruits. 

—  Au  charmant  concert  qu'il  a  donné  dans  les  salons  Pleyel- 
Wolff,  en  compagnie  de  M.  Portehaut,  M.  Frédéric  Brisson  a  joué 
sur  l'orgue  sa  Ronde  de  riuit  et  sa  Fêle  des  Porcherons,  petites  piè- 
ces fort  bien  faites  et  très-chantantes.  Mais  il  ne  faut  pas  que  l'or- 
ganiste nous  fasse  oublier  le  pianiste;  disons  donc  que,  après  avoir 
fait  entendre  un  trio  écrit  il  y  a  longtemps  déjà  par  l'auteur  de  la 
Muette,  trio  extrêmement  remarquable,  non-seulement  par  de  jo- 
lies idées,  par  une  facture  pleine  d'habileté ,  mais  aussi  par  une 
grande  intelligence  du  style  de  la  musique  de  chambre  (style  que 
les  symphonistes,  malheureux  au  théâtre ,  déclarent  incompatible 
avec  le  génie  dramatique),  M.  Brisson  a  exécuté ,  trois  morceaux  qui 
ont  fait  un  vif  plaisir.  Son  trio  sur  les  Puritains  a  été  aussi 
très-sympathiquement  accueilli.  Il  a  été  délicieusement  interprété 
par  l'auteur,  par  M.  Lavignac,  pianiste  de  talent,  et  par  Norblin,  l'un 
des  maîtres  du  violoncelle.  M;  Portehaut  a  chanté  une  grande  scène 
de  Charles  VI.  Son  style  est  dramatique,  sa  méthode  excellente  et 
sa  voix  encore  bonne.  Sa  diction  est  remarquable,  et  dans  les  Ruses 
villageoises ,  petite  opérette  de  M.  Brisson,  il  s'est  montré  aussi  fln 
comédien  que  chanteur  expérimenté. 

—  Depuis  longtemps,  les  gens  sérieux  se  plaignent  d'entendre  trop 
souvent  à  l'église  des  airs  légers,  sautillants,  dénués  de  toute  espèce 
de  convenance,  de  gravité,  et  voudraient  bien  que  la  fantaisie  rendît 
enfin  la  place  aux  mélodies  larges ,  simples,  suaves  et  austères.  11 
faut  bien  le  dire,  si  les  œuvres  que,  avec  raison,  on  veut  aujourd'hui 
chasser  du  sanctuaire  y  ont  si  souvent  pénétré,  c'est  que  M.M.  les 
curés  et  les  maîtres  de  chapelle  l'ont  bien  voulu  ;  c'est  que  les  chan- 
teurs n'ont  aucune  idée  du  style  qui  convient  ;  c'est  aussi  que  les 
jeunes  compositeurs  ne  pensent  absolument  qu'au  théâtre.  Pour  notre 
part,  nous  préférons  à  toutes  les  richesses  de  l'instrumentation,  à 
toutes  les  savantes  combinaisons  du  contre-point  et  de  la  fugue,  quel- 
ques-unes de  ces  belles  hymnes  que  tous  les  fidèles  répètent  depuis 
des  siècles;  nous  préférons  des  masses  chorales  bien  exercées,  des 
ensembles  satisfaisants  à  des  solistes  qui  chantent  tout  à  fait  comme 
ils  chantent  à  l'Opéra  :  aussi  désirons-nous  vivement  que  la  Société 
académique  de  musique  sacrée  puisse  réaliser  son  beau  programme. 
Cette  Société,  présidée  par  M.  Charles  Vervoitte,  homme  de  goût,  de 
savoir  et  d'expérience,  ne  se  propose  pas  moins  que  de  restaurer  et 
de  propager  le  chant  l'eligieux,  d'élever  nos  idées  par  l'étude  et  par 
l'audition  des  chefs-d'œuvre  classiques.  C'est  là,  assurément,  une 
noble  tâche,  bien  digne  de  nos  plus  vives  et  de  nos  plus  franches 
sympathies.  Son  premier  concert,  donné  la  semaine  dernière  au  pro- 
fit des  ouvriers  cotonniers,  était  très-intéressant.  Beaucoup  de  gens 
du  monde,  des  dames  surtout,  ont  voulu  prouver  qu'il  n'était  pas 
impossible,  avec  un  peu  de  bonne  volonté  et  de  persévérance,  d'in- 
terpréter   comme  elles  doivent  l'être    les  grandes  inspirations  reli- 


gieuses. L'exécution  a  été  bonne,  et  cette  tentative  a  réussi  au-delà 
de  toutes  les  espérances.  De  belles  séances  de  musique  de  chambre 
initient  le  public  aux  merveilles  du  grand  style  instrumental  ;  quant 
au  style  vocal,  on  ne  le  sait  que  trop,  c'est  tout  autre  chose  ;  et, 
sans  parler  de  la  musique  d'église,  on  peut  affirmer  sans  crainte  que 
les  chefs-d'œuvre  du  passé  ne  sont  guère  connus.  Â  en  iuger  par 
les  applaudissements  qui  ont  accueilli  diverses  pages  de  Marcello, 
dePalestrina,  de  Jomelli,  où  Mme  Brésil  s'est  distinguée  par  un  aplomb 
de  bonne  musicienne  et  où  Mme  la  baronne  de  F...  s'est  fait  remar- 
quer, entre  toutes  les  solistes,  par  la  largeur  de  son  style,  par  la 
justesse  de  sa  voix,  par  la  pureté  et  la  simplicité  de  son  expression, 
les  sociétés  qui,  comme  celle-ci,  se  voueraient  à  l'interprétation  de 
ces  ouvrages  obtiendraient  un  beau  succès  et  exerceraient  la  même 
influence  que  les  sociétés  de  musique  instrumentale,  auxquelles  nous 
devons  d'être  débarrassés  des  choses  fades  et  insignifiantes  qui  na- 
guère y  tinrent  tant  de  place  et  corfompirent  le  goût. 

Quelle  prodigieuse  diversité  dans  tous  les  chœurs  entendus  l'autre 
soir  !  Quelle  différence  entre  le  Stabat  mater  d'Haydn,  le  Tantum  ergo 
de  Bortnianski,  le  Gaudeamus  de  Carissimi  et  le  Paulv.s  de  Mendels- 
sohn  !  Mais  pourtant  quel  fond  commun!  Ces  rares  esprits  se  gar- 
daient bien  de  tout  bouleverser,  de  tout  changer;  ils  n'étaient  pas 
tombés,  comme  de  grandes  intelligences  de  notre  temps,  dans  cette 
funeste  erreur  de  croire  que  la  forme  est  tout,  qu'elle  peut  dispenser 
d'avoir  de  hautes  ,  fortes  ou  gracieuses  pensées;  ils  ne  rejetaient 
point  encore  la  mélodie  ;  ils  y  croyaient;  et  ce  n'est  pas  sans  un 
plaisir  mêlé  de  surprise  que  plus  d'un  auditeur,  entendant  sans  doute 
pour  la  première  fois  ces  chants  religieux,  dépouillés  le  plus  souvent 
des  sonorités  et  des  richesses  de  l'orchestre,  y  trouvait  de  si  douces, 
de  si  claires  et  de  si  ravissantes  mélodies.  Les  artistes  ont  brillam- 
ment fait  leur  devoir:  c'étaient  MM.  Bussine,  Hayet  et  Marochetti. 
Le  difficile,  à  Paris  surtout,  n'est  pas  de  réunir  quelques  solistes  dis- 
tingués; ce  qui  l'est  bien  davantage,  et  ce  que  M.  Charles  Vervoitte 
a  eu  le  bonheur  de  rencontrer,  ce  sont  des  masses  vocales  habiles, 
c'est  l'ensemble  et  la  parfaite  abnégation  dont  d'excellents  musiciens, 
de  tout  âge  et  de  tout  rang,  ont  offert  le  spectacle  avec  tant  de  grâce 
et  de  mérite  artistique. 

Adolphe  BOTTE. 


Fragmeots  A'MSavnlet, 

Musique  composée  par  M.  Victorin  JONCIERES. 

Voici  un  début  plein  de  promesses  ponr  l'avenir.  M.  "Victorin  Jon- 
cières  sera  jugé  par  nous  avec  d'autant  plus  d'impartialité  que  nous 
avons  dirigé  ses  premiers  pas  dans  l'étude  de  la  science  harmonique. 
La  séance  a  commencé  par  l'exécution  d'une  gavotte  de  Bach,  orches- 
trée par  le  jeune  compositeur,  et  la  modestie  de  cette  entrée  en 
matière  lui  a  porté  bonheur. 

L'ouverture  A'Hamlet  est  d'une  coupe  originale  ;  —  elle  a  de  l'u- 
nité, de  la  splendeur,  et  une  phrase  très-expressive  des  violoncelles  s'y 
fait  remarquer. —  Une  marche  avec  chœurs  vient  ensuite. —  Elle  est 
coupée  par  des  phrases  instrumentales  de  l'effet  le  plus  pittoresque  ; 
mais  nous  pensons  que,  si  le  chœur  intervenait 'syllabiquement  sous 
ces  passages  purement  symphonique?,  l'effet  général  du  morceau  y 
gagnerait  beaucoup. 

La  Chanson  d'Ophélia,  dite  par  Mme  Grenier -Ni  vet,  a  été  plutôt 
devinée  que  bien  entendue.  L'entracte  symphonique  par  lequel  l'au- 
teur a  voulu  peindre  les  reproches  adressés  par  Hamlet  à  sa  mère, 
est  un  grand  et  noble  morceau.  Les  rentrées  mélodiques  des  altos  et 
des  violoncelles  ont  fait  sensation.  La  Chanson  du  fossoyeur  a  été  si 
bient  dite  par  Paulin  que  le  public  l'a  fait  recommencer.  Une  marche 
funèbre,  dont  le  début  très-pitloresque  est  confié  aux  cloches  et  aux 
bassons,  tandis  que  le  hautbois  fuit  un  contre-sujet  d'une    couleur 


U8 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


moyen  âge  pleine  d'origioalité,  a  été  exécutée  ensuite  par  l'orchestre 
et  les  chœurs.  L'audition  s'est  terminée  par  une  symphonie  imitîtive 
de  duel  ;  ce  morceau  d'une  allure  assez  ordinaire,  renferme  pourtant 
quelques  passages  saillants.  L'orchestration  de  Victorin  Joncières 
est  sonore  sans  être  bruyante  ;  il  écrit  bien  pour  les  instru- 
ments, et  trouve  quelquefois  des  combinaisons  de  timbres  ori- 
ginales. Sa  mélodie,  purement  vocale,  ne  marche  pas  avec  assez 
de  naturel  et  de  liberté  ;  elle  n'est  pas  encore  assez  en  dehors, 
et  l'auteur,  très-préoccupé  de  l'accompagnement ,  néglige  peut-être 
un  peu  trop  la  partie  vitale  de  toute  musique.  Il  n'en  n'est  pas  de 
même  pour  les  chœurs,  qui  sont  écrits  dans  d'excellentes  conditions 
de  sonorité.  Si  cette  tentative  heureuse  éclaire,  sans  l'éblouir,  le  jeune 
artiste,  nous  croyons  discerner  dans  ses  brillants  essais  le  germe  d'un 
compositeur  de  grand  opéra.  C'est  un  espoir  pour  les  amis  de  l'art 
sérieux,  et  nous  faisons  des  vœux  pour  qu'il  se  réalise  un  jour. 

A.  ELWART. 


Beaucoup  de  personnes,  et  même  des  marchands  de  musique,  sont 
dans  la  persuasion  que  si  l'éditeur,  propriétaire  d'une  œuvre  musicale, 
n'a  pas  jugé  à  propos  d'en  publier  tel  ou  tel  arrangement,  il  est  loi- 
sible à  chacun  de  faire  venir  de  l'étranger,  et  même  de  vendre  en 
France,  cet  arrangement  quelconque,  qu'il  aura  convenu  à  un  éditeur 
d'Allemagne,  par  exemple,  de  faire  paraître,  parce  qu'il  aura  acquis 
pour  ce  pays  la  propriété  de  la  même  œuvre  musicale.  C'est  une 
grave  erreur,  et  nous  devons  leur  rappeler  que  l'introduction,  aussi  bien 
que  la  vente  en  France  de  morceaux  de  ce  genre,  est  assimilée  à  la 
contrefaçon  et  peut  être  poursuivie  comme  telle.  Nous  sommes 
amenés  à  appeler  l'attention  sur  cette  disposition  de  la  loi  par  le 
cas  qui  s'est  présenté  tout  récemment,  et  dans  lequel  nous  avons  dû 
faire  pratiquer  chez  le  sieur  ***,  marchand  de  musique  à  Paris,  la 
saisie  d'un  certain  nombre  d'exemplaires  d'un  arrangement  pour  le 
piano  à  quatre  mains,  deja  Muette  de  Portici,  publié  à  Leipzig,  que 
nous  n'avions  pas  jugé  à  propos  d'éditer,  et  qu'il  débitait  à  notre 
préjudice.  Nous  jugeons  inutile  de  faire  ressortir  en  quoi  consiste  le 
préjudice  que  nous  avons  subi;  mais,  dans  notre  intérêt,  comme  dans 
celui  de  nos  confrères,  nous  avons  tenu  à  les  mettre  en  éveil  sur 
cette  infraction  aux  droits  de  la  propriété,  infraclion,que,  pour  notre 
part,  nous  sommes  parfaitement  décidés  à  réprimer  toutes  les  fois 
qu'elle  sera  commise. 

G.  BRANDUS  et  S.  DUFOUR. 


BEVUE  DES  THEATRES. 

Vaudeville  :  Un  homme  de  rien,  comédie  en  quatre  actes,  par 
M .  Aylic  Langlé .  —  Vamétés  :  Reprise  des  Farces  dramatiques, 
pièce  en  cinq  tableaux,  par  MM.  Dumanoir  et  Clairville.  —  Palais- 
Royal  :  Folammbô  ou  les  Cocasseries  carthaginoises,  pièce  en  qua- 
tre actes,  par  MM.  Laurencin  et  Clairville. —  Porte -Saint-Martin  : 
Reprise  de  Charles  Vil  chez  ses  grands  vassaux,  drame  en  cinq 
actes  et  en  vers,  par  Alexandre  Dumas.  —  Théâtre  Démzet  : 
les  Pantins  éternels,  pièce  en  trois  actes  et  six  tableaux,  par 
MM.  Clairville  et  J.  Dornay.  —  Théâtre  des  Champs-Elysées. 

Il  y  a  peu  de  pièces  nouvelles  à  l'ordre  du  jour  ;  les  théâtres  se 
reposent  des  fatigues  de  la  campagne  d'hiver,  ou  se  préparent  à  af  ■ 
fronter  les  périls  de  la  campagne  d'été.  Quelques-uns  sont  encore 
sous  l'impresi-ion  des  adieux  de  leurs  anciens  pensionnaires  qui  les 
quittent  et  renoncent  à  une  carrière  brillamment  parcourue.  Samson 
et  Maillart,  aux  Français;  Arnal,  aux  Variétés;  Ferville,  au  Gym- 
nase, sont  allés  retrouver  Frederick  Lemaître  et  Bouffé  dans  leur 
retraite.  La  succession  est  ouverte  ;  mais  si  les  vieux  s'en  vont, 
les  jeunes  ne  sont  pas  arrivés,  et,  pour  les  auteurs  comme  pour  leurs 


interprètes,  nous  sommes  à  l'une  de  ces  époques  de  transition,  où 
l'art  dramatique  cherche  sa  voie  sans  la  trouver. 

Impuissante  à  lutter  contre  ce  courant  contraire,  la  direction  du 
Vaudeville,  après  trois  ou  quatre  ans  d'énergiques  efforts,  a  rendu 
son  privilège  au  ministre;  mais,  en  partant,  admirez  la  chance  !  elle 
laisse  à  son  héritier  le  succès  après  lequel  elle  a  couru  si  longtemps- 
Ce  succès,  presque  posthume,  s'appelle  Vn  homme  de  rien,  et  est  dû 
à  la  plume  de  M.  Aylic  Langlé,  fils  d'un  vaudevilliste  et  petit-fils 
d'un  compositeur.  Son  nom  seul  est  sur  l'affiche;  mais  nous  lui  con- 
naissons un  collaborateur  qui  a  voulu  garder  l'anonyme,  par  générosité, 
par  modestie  peut-être,  quoiqu'il  ait  pu  rester  caché  encore  sous  sa 
signature  d'Adrien  Robert,  qu'il  a  adoptée  en  littérature  et  qui  n'est 
pas  la  sienne. 

TJn  homme  de  rien!  En  lisant  ce  titre,  le  public  s'attendait  sans 
doute  à  une  de  ces  pièces  de  mœurs  dont  on  a  tant  abusé  depuis  quel- 
ques années  et  qui  commencent  à  passer  de  mode.  Sa  surprise  a  été 
grande,  lorsque,  au  lieu  de  l'éternel  habit  noir  dont  s'affublent  les 
personnages  des  comédies  modernes,  on  lui  a  montré  les  costumes  de 
la  fin  du  xviii'=  siècle.  Car  l'homme  de  rien  en  question  n'est  autre 
que  le  fameux  Shéridan,  ce  poëte  publiciste,  aux  aventures  bizarres, 
qui  est  mort  dans  la  misère,  non  sans  avoir  jeté  le  plus  vif  éclat  au 
théâtre  et  à  la  tribune.  Mais  il  ne  s'agit  pas  ici  d'une  biographie  com- 
plète ;  l'auteur,  ou  plutôt  les  auteurs  de  la  pièce  nouvelle  n'ont  pris 
pour  but  que  l'exemple  donné  par  un  homme  sans  bien  et  sans  nais- 
sance qui  parvient  à  s'élever  au-dessus  de  la  foule  à  force  d'énergie 
et  de  persévérance.  Shéridan,  à  peine  entré  dans  la  vie,  et  ne  sachant 
comment  s'y  maintenir,  débute  par  des  excentricités  courageuses  qui 
lui  valent  du  même  coup  deux  protecteurs  et  deux  adversaires.  C'est 
plus  qu'il  n'en  faut  pour  faire  son  chemin  envers  et  contre  tous. 
Aussi  le  voyons-nous,  grâce  à  l'amour  d'une  pauvre  fille  et  à  l'amitié 
d'un  vieux  marin,  triompher  de  la  rivalité  politique  d'un  lord  tout- 
puissant,  et  de  la  haine  intéressée  d'une  grande  dame  dont  il  a  dé- 
daigné les  charmes.  D'échelon  en  échelon,  il  monte  au  pouvoir,  et 
quand  le  drame  s'arrête,  Shéridan  est  au  faîte  de  la  gloire  et  des 
grandeurs. 

Donc,  le  dernier  ouvrage  monté  par  la  direction  Dormeuil  a  ob- 
tenu un  beau  et  légitime  succès.  Les  deux  premiers  actes  ont  été 
accueillis  avec  un  véritable  enthousiasme;  ce  n'est  pas  à  dire  pour 
cela  qu'il  n'y  ait  d'excellentes  choses  dans  les  deux  autres.  Ce  qui 
plaît  surtout  dans  cette  pièce,  et  ce  qui  doit  lui  assurer  une  longue 
existence,  c'est  la  variété,  l'originalité  de  ses  détails  épisodiques, 
tels  que  la  fièvre  des  courses,  les  intrigues  des  salons  aristocratiques, 
l'agitation  des  comités  électoraux,  etc.  La  vie  anglaise ,  prise  ainsi 
sur  le  fait,  excite  au  plus  haut  point  l'intérêt  et  la  curiosité. 

Febvre  a  toutes  les  qualités  requises  pour  bien  représenter  le  per- 
sonnage multiple  de  Shéridan.  Les  autres  rôles  sont  fort  bien  tenus 
par  Delaunay,  Parade,  Nertann  et  la  jolie  Mlle  Pierson. 

—  En  dehors  de  cette  importante  nouveauté,  les  reprises  conti- 
nuent à  défrayer  presque  exclusivement  la  chronique  théâtrale.  Ci- 
tons pour  mémoire,  aux  Variétés,  les  Farces  dramatiques,  qui,  au 
Palais-Royal,  s'appelaient,  il  y  a  quelques  années,  les  Folies  drama- 
tiques. C'est  une  espèce  d'olla  podrida,  composée  d'une  tragédie, 
d'un  opéra-seria,  d'un  drame  et  d'un  ballet,  le  tout  pris  au  burles- 
que. Malgré  tous  leurs  efforts,  les  acteurs  d'aujourd'hui  ont  bien  de 
la  peine  à  rajeunir  cette  parade,  qui  était  déjà  vieille  en  naissant. 

—  Nous  n'avons  pas  beaucoup  plus  de  bien  à  dire  d'une  grosse 
parodie  du  célèbre  roman  de  M.  Flaubert,  que  le  Palais-Royal  a  ris- 
quée sous  le  titre  de  Folammbô,  ou  les  Cocasseries  carthaginoises, 
et  qui  a  d'ailleurs  l'inconvénient  d'arriver  un  peu  tard. 

—  Après  l'éphémère  apparition  de  Don  Juan  de  Marana,  la  Porte- 
Saint-Martin  a  évoqué  Charles  VII  chez  ses  grands  vassaux,  drame 
en  vers,  représenté  pour  la  première  fois,  en  1831,  à  l'Odéon,  et 
repris,  depuis,  au  Théâtre-Français,  avec  Beauvallet  dans  le  rôle  de 


DE  PARIS. 


149 


Yacoub.  C'est  pour  "cet  artiste,  actuellement  retiré  de  la  Comédie 
Française,  que  la  Porte-Saint-Martin  a  remonté  le  drame  d'Alexandre 
Dumas.  Il  y  est  en  effet  très-remarquable,  et  Mlle  Périga  le  seconde 
à  merveille.  Charles  F// n'est  d'ailleurs  qu'une  transition  aax  Pilules 
du  Diable,  que  la  direction  remonte  à  grands  frais. 

—  Il  y  a  dans  le  théâtre  de  Picard  une  comédie  intitulée  les  Ma- 
rionnettes, où  l'on  prouve  que  les  bonshommes  mus  par  des  ficelles 
invisibles  ne  sont  pas  seulement  à  la  foire,  mais  que  l'on  en  rencontre 
aussi  beaucoup  dans  le  monde.  C'est  à  peu  près  la  même  idée  qui 
a  présidé  à  la  confection  des  Pantins  éternels  du  théâtre  Déjazet.  La 
sempiternelle  parade  dans  laquelle  figurent  Cassandre,  Pierrot,  Arle- 
quin et  Colombine  se  reproduit  à  chaque  pas,  sous  d'autres  formes, 
hors  de  la  scène.  C'est  là,  à  coup  sûr ,  une  donnée  fort  élastique, 
et  qui,  sans  amener  des  effets  bien  neufs,  peut  servir  de  prétexte  à 
des  tableaux  pleins  de  mouvement  et  de  gaieté,  comme  ceux  qu'on 
applaudissait  aux  défunts  Funambules.  A  ce  point  de  vue,  la  nouvelle 
pièce  du  théâtre  Déjazet  est  fort  bien  réussie.  On  s'y  poursuit,  on 
s'y  culbute,  on  y  grimpe  sur  les  toits,  on  y  danse  même  un  ballet 
de  pantins  très-agréable,  et  le  tout  est  saupoudré  de  couplets  mis 
en  musique  par  M.  Bernardin.  C'est  à  jurer  que  Raynard,  Heuzey  et 
Mlle  Boisgontier  ont  fait  leurs  premières  armes,  en  face,  sur  les 
planches  où  régnait  Debureau. 

—  Dans  l'ancienne  salle  d'Offenbach,  une  troupe  d'artistes  jeunes 
et  intelligents,  dirigée  par  Mme  de  Ghabrillan,  offre  aux  flâneurs  des 
Champs-Elysées  un  point  d'arrêt  des  plus  agréables.  Nous  lui  avons 
vu  représenter  deux  pièces  nouvelles,  dont  l'une.  Sur  la  roule  de 
Clichy,  gentil  vaudeville,  aux  couplets  spirituels,  à  la  donnée  origi- 
nale, a  pour  auteurs  MM.  Alphonse  Baralle  et  Royer;  et  dont  l'autre, 
t/we  méprise,  petite  comédie  fort  ingénieuse,  est  due  à  la  plume  de 
Mme  Rouy,  qui  a  un  nom  recommandé  par  des  succès  de  salon. 

—  Une  artiste  belle  et  de  beaucoup  de  talent,  qu'on  a  déjà  appré- 
ciée à  rodéon  et  dans  quelques  drames  joués  au  boulevard,  Mlle  Agar, 
va  débuter  incessamment  au  Théâtre-Français.  Les  qualités  que  pos- 
sède Mlle  Agar,  les  études  sérieuses  qu'elle  a  faites  de  son  art,  dont 
nous  avons  pu  juger  tout  récemment  encore  dans  une  soirée  privée, 
où  elle  a  bien  voulu  se  faire  entendre,  la  destinent  incontestablement 
à  notre  première  scène  française  et  à  un  brillant  avenir 

D.  A.  D.  SAIWT-YVES. 


NOUVELLES. 

»*,  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  lundi  Guillaume  Tell.  — 
Mercredi,  l'ajournement  du  Comte  Orij  a  motivé  une  représentation  im- 
prévue de  la  Muette,  sans  Gueymard  ni  Mme  Vandenheuvel. —  Vendredi 
a  eu  lieu  le  début  de  Mlle  Mourawief,  danseuse  du  tliéâtre  impérial  de 
Saint-Pétersbourg ,  dans  Giselle,  remontée  à  cette  occasion  avec  un 
grand  luxe.  —  Hier  soir,  représentation  extraordinaire  au  bénéfice 
de  la  caisse  des  pensions  de  retraite,  composée  des  quatre  premiers 
actes  de  la  Muette  et  du  deuxième  acte  de  Guillaume  Tell. 

**^  Roger  et  Belval  viennent  de  donner  à  Toulouse  une  magnifique 
représentation  des  Huguenots.  Une  foule  immense  remplissait  le  tbéâtre 
du  Capitule.  Roger  a  été  sublime  dans  le  quatrième  acte,  point  culmi- 
nant de  la  splendide  partition  de  Meyerbeer.  Belval  l'a  dignement  se- 
condé. 

j*»  Un  curieux  travail  sur  le  nouvel  Opéra  en  construction  a  paru 
dans  le  Monde  illustré  de  samedi  dernier.  Une  double  planche  repré- 
sente la  vue  de  façade  et  de  la  perspective  de  cette  grande  salle, 
d'après  le  modèle  en  relief  exposé  au  palais  de  l'Industrie.  Un  plan  de 
la  salle  accompagne  cetio  vue,  ainsi  qu'un  plan  de  situation  du  nouvel 
Opéra,  en  regard  des  rues  avoisinantes.  L'ancienne  salle  s'offre  sur  la 
même  feuille,  comme  intéressante  comparaison  à  côté  de  l'Odéon  et  de 
l'Opéra-Comique.  Ces  planches  curieuses  sont  accompagnées  d'un  très- 
beau  travail  explicatif  rédigé  par  M.  Charles  Yriarte.  Celui  qui  aura 
vu  ces  planches  et  lu  cet  article  possédera  complètement  son  futur 
grand  Opéra.  Le  Monde  illustré  termine  son  remarquable  numéro  du  même 
jour  par  un  exposé  comparatif  des  neuf  principaux  théâtres  lyriques  de 
l'Europe.  Nous  renvoyons  nos  lecteurs  à  cet  intéressant  examen. 


,*^  La  direction  du  théâtre  de  l'Opéra-Comique  a  voulu  mettre  en 
évidence  sa  nouvelle  pensionnaire,  MmeGalli-Marié.  Elle  va  remonter  à 
son  intention  un  opéra  fantastique  de  MM.  de  Saint-Georges  et  Albert 
Grisar,  le  Diable  amoureux,  donné  il'y  a  une  dizaine  d'années  au  théâtre 
Lyrique  avec  une  jeune  cantatrice  qui  y  était  fort  bien,  Mme  Colson. 
Cet  opéra,  dont  le  succès,  en  province,  sous  le  titre  des  Amours  du 
Diable,  fut  beaucoup  plus  brillant  qu'à  Paris,  sera  repris  avec  un  grand 
luxe  de  décors  et  de  mise  en  scène.  Mme  Marié-Galli  y  chantera  le  rôle 
principal.  —  La  reprise  de  Zampa  avec  Montaubry  et  Mlle  Cico  doit 
avoir  lieu  vers  la  fin  de  ce  mois.  —  Mengal  quitte  le  théâtre  de  l'Opéra- 
Comique.  Il  est  engagé  à  Bruxelles  pour  l'hiver  prochain. 

^*^  Hier  soir  a 'eu  lieu  au  théâtre  Lyrique  la  reprise  àîObéron  avec 
Mme  Ugalde  et  Montjauze. 

^*^  Mme  Cabel  a  donné  vendredi  sa  dernière  représentation  au  théâ- 
tre Lyrique  dans  Peines  d'amour  perdues;  elle  doit  chanter  demain  soir 
à  Marseille,  où  elle  remplace  Mme  Carvalho,  qui  est  de  retour  à  Paris. 

^*t  On  lit  dans  Vlllustration  du  2  mai  1863  :  «  Une  toute  jeune  can- 
tatrice a  débuté  presque  incognito,  au  théâtre  Lyrique,  dans  Robin  des 
Bois,  rôle  d'Agathe.  C'est  Mlle  Doria.  Voilà,  certes,  un  bien  beau  nom  I 
Mais  sa  voix  n'est  pas  moins  belle.  C'est  un  mezzo-soprano,  se  dévelop- 
pant du  si  grave  au  si  aigu,  et  dont  le  timbre  est  à  la  fois  éclatant  et 
doux.  Sa  vocalisation  n'est  point  parfaite.  Il  faut  qu'elle  travaille  encore. 
Mais  elle  a  déjà  l'essentiel,  tout  ce  que  la  nature  donne,  l'instrument, 
le  sentiment  et  l'intelligence.  Ajoutez-y,  ce  qui  ne  gâte  rien,  le  minois 
le  plus  piquant  du  monde,  un  visage  frais  et  original,  une  physiono- 
mie très-mobile,  je  ne  sais  quoi  qui  sent  son  xyih»  siècle.  On  dirait 
une  figure  de  Vanloo  ou  de  Boucher,  animée  par  quelque  magicien, 
comme  la  statue  de  Pygmalion,  et  sortie  tout  exprès  de  son  cadre  pour 
demander  à  M.  Duprez  des  leçons  de  chant.  » 

,*,  Le  directeur  des  Bouffes-Parisiens  met  utilement  à  profit  les  loisirs 
que  lui  fait  la  reconstruction  de  la  salle  ;  il  vient  d'engager  un  excellent 
chef  d'orchestre,  M.  Eugène  Prévost,  et  il  prépare,  outre  l'ouvrage 
d'Offenbach,  qui  doit  signaler  la  réouverture,  plusieurs  nouveautés  impor- 
tantes, au  nombre  desquelles  on  cite  un  opéra  d'A.  Grisar.  — On  se  pressait 
à  la  dernière  représentation  dos  Bavards,  qui  a  valu  à  Mme  Ugalde  une 
véritable  ovation. 

*%  Le  théâtre  du  Palais-Royal  répète  une  pièce  en  un  acte  dans  la- 
quelle Berthelier  doit  créer  le  principal  rôle  avant  de  prendre  un 
congé  de  quatre  mois,  pendant  lequel  il  est  engagé  à  Bade. 

t*^  La  Muta  di  Portici,  malgré  l'insuffisance  de  l'exécution,  vient 
d'obtenir  un  grand  succès  au  théâtre  de  la  Cannobiana  à  Milan.  La  si- 
gnera Corani,  le  ténor  Limberti  et  la  basse  Garcia,  Mlle  Cardani  (Fenella) 
et  la  cliarmante  Malvina  Bertoletti  s'y  sont  fait  applaudir. 

^*^  Le  Roman  d' Eloire  va  être  représenté  sur  le  théâtre  de  l'Opéra  de 
Stockholm. 

»*„,  Les  cinq  jeunes  élèves  musiciens  viennent  d'entrer  en 
loges  au  palais  de  l'Institut  pour  le  concours  préparatoire.  Ce  sont 
MM.  Constantin,  élève  de  M.  Ambroise  Thomas  ;  Danhauser,  élève  de 
M.  Halévy  ;  Massenet,  élève  de  M.  Thomas;  Ruoz,  élève  de...,  et  Salomé, 
élève  de  M.  Thomas. 

^*^  Plusieurs  journaux  ont  répété,  d'après  la  Gazette  musicale,  que 
les  recettes  des  représentations  données  à  Vienne  par  Mlle  Patti  avaient 
atteint  le  chiffre  de  115,000  florins,  représentant  140,000  francs.  Une 
faute  d'impression  s'est  glissée  dans  la  conversion  des  florins  en  francs, 
et  c'est  240,000  francs  qu'il  faut  lire. 

^*.^  Le  nouvel  opéra  de  Litoiff,  Nahel,  légende  de  la  guerre  de  Trente 
ans,  sera  joué  à  Bade  en  septembre  prochain.  Il  sera  interprété  par 
Mmes  Colson,  Faure-Lefèvre,  et  MM.  Jourdan,  Balanqué,  Raynal  et  Ber- 
thelier. 

»*,!,  Bade  a  ouvert  ses  salons  le  1'='^  mai  par  une  soirée  très-brillante 
a  laquelle  assistaient  S.  M.  la  reine  de  Prusse  et  le  duc  de  Mecklem- 
bourg.  M.  Benazet  compte  tenir  le  théâtre  ouvert  pendant  trois  mois. 
Les  artistes  du  théâtre  du  Palais-Royal  avec  Ravel,  —  l'Opéra-Comique 
représenté  par  Mmes  Colson,  Faure,  Lefèvre,  MM.  Jourdan,  Froment, 
Berthelier,  Raynal,  Balanqué; —  Mme  Viardot  dans  une  représentation  ex- 
traordinaire d'Orp/tt'ij; — l'Opéra  italien  avec  Naudin,  DelleSedie,  Mmes  Char- 
ton,  Battu,  Demeric,  — Lablache;  —trois  opéras  nouveaux  de  Plouvier  et 
Litoiff,  de  Sauvage  et  Rosenhain,  de  Leroy,  Foussier  etMembrée;  —une 
comédie  inédite  de  M.  Amédée  Achard,  jouée  par  Provost,  Bressant  et 
Mme  Plessy;  —  enfin  le  drame  allemand  par  la  troupe  du  théâtre  de  Carls- 
ruhe  ;  tel  est  le  menu  des  plaisirs  que  M.  Benazet  offre  aux  visiteurs 
de  Bade  pendant  les  mois  de  juillet  à  septembre;  après  quoi  les 
courses  ordinaire  viendront  clore  une  saison  qui  certes  n'aura  son  égale 
nulle  part. 

.^"^  C'est  à  Bade  et  non  à  Ems  que  sera  donné  l'opéra  -  comique  do 
MM.  Sauvage  et  Rosenhain. 

^*^  M.  Marchesi,  l'excellent  chanteur,  a  été  appelé  à  Weimar  pour  y 
donner  quatre  représentations  au  théâtre.  11  doit  jouer  successivement 
dans  Don  Juan,  le  Barbier,  le  Trovatore  et  Lucrezia  Borgia.  De  Weimar, 
il  se  rendra  à  Berlin. 

,■*„,  Sivori  vient  d'arriver  à  Paris;  il  compte  y  rester  jusqu'à  la  fin  de 


150 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


mai.  Il  est  complètement  rétabli  de  la  grave  maladie  qu'il  a  faite  à 
Kœnigsberg  à  la  suite  de  la  chute  intempestive  du  rideau,  à  la  fin  de 
son  concert,  et  qui  l'avait  frappé  à  la  tête. 

,**  Notre  collaborateur  M.  Arthur  Pougin  nous  adresse  le  compte 
rendu  d'un  concert  donné  par  un  jeune  compositeur,  M.  Borelli,  maî- 
tre de  chapelle  honoraire  du  roi  d'Italie,  pour  l'audition  de  quelques- 
unes  de  ses  œuvres  importantes.  D'après  lui,  ce  concert  se  composait 
d'une  symphonie  en  sol  mineur,  d'une  ouverture,  d'une  fantaisie  pour 
orchestre  sur  un  air  suisse,  et  de  divers  morceaux  de  chant.  La  sym- 
phonie de  M.  Borelli  renferme  d'incontestables  qualités;  on  y  trouve  le 
germe  d'un  vrai  talent,  et  cependant  s'il  faut  le  dire,  elle  ne  satisfait 
pas  l'auditeur  délicat  qui  demande  plutôt  à  la  musique  de  l'émouvoir  et 
de  le  charmer  que  de  l'étonner.  Le  plan  de  l'œuvre  est  bon,  bien  tracé 
et  judicieusement  suivi,  mais  les  idées  ne  sont  généralement  pas  assez 
spontanées,  et  le  développement  en  est  rarement  satisfaisant.  L'orches- 
tre est  éclatant,  véhément,  trop  constamment  bruyant  et  plus  nerveux 
que  véritablement  passionné.  Le  premier  allegro  et  le  finale  se  main- 
tiennent d'un  bout  à  l'autre  dans  un  style  trop  uni,  dont  la  puissance 
continue  ne  laisse  jamais  reposer  l'oreille.  Vanàante  même,  dans  le- 
quel on  espérait  trouver  de  la  douceur  et  de  la  sérénité,  et  qui  con- 
tient une  jolie  phrase  pleine  d'élégance,  dite  par  les  violons,  n'est  pas 
exempt  de  ce  défaut  ;  on  regrette  d'y  trouver  l'abus  du  bruit  et  d'une 
sonorité  mal  placée.  Le  morceau  qui  a  paru  le  plus  original  est  le 
■  scherzo,  dont  le  rhythme  distingué,  les  rares  qualités  de  forme  offrent 
un  charme  réel.  Les  mêmes  observations  peuvent  être  adressées  à  l'ou- 
verture ;  M.  Borelli  ne  semble  pas  connaître  l'emploi  des  demi-teintes, 
du  clair-oljscur,  aussi  appréciables  et  aussi  désirables  en  musique  qu'en 
peinture.  Sa  fantaisie  sur  un  air  suisse  est  préférable.  Là,  du  moins,  on 
trouve  la  tranquillité,  la  sobriété  et  la  douceur.  Ce  morceau  est  plein 
de  charme,  de  grâce  et  de  délicatesse.  Parmi  les  morceaux  de  chant,  on 
doit  citer  particulièrement  la  mélodie  intitulée  Terre  et  deux,  d'une  loua- 
ble simplicité,  qui  a  été  chantée  avec  goût  par  M.  Archaimbaud.  En 
somme,  on  peut  voir  qu'il  y  a  dans  les  divers  fragments  soumis  par 
M.  Borelli  à  l'appréciation  du  public,  du  bon  et  du  mauvais.  M.  Borelli 
a  assez  de  talent  et  d'intelligence  pour  comprendre  nos  critiques  et  on 
tenir  compte. 

^*..:,  M.  Tito  Matteï,  pianiste  de  S.  M.  le  roi  d'Italie,  donnera  vendredi 
soir,  lô  mai,  dans  la  salle  Herz,  un  grand  concert  avec  le  concours  de 
plusieurs  artistes  distingués. 

**»  Le  célèbre  pianiste  Léopold  de  Meyer  est  à  Paris. 

**„,  Un  beau  concert  religieux  a  eu  lieu  le  25  avril  à  Boulogne  au 
profit  de  la  reconstruction  de  l'église  de  Notre-Dame,  à  laquelle  llgr 
Haffreingue  a  consacré  quarante  ans  de  soins  et  d'efforts.  L'organiste, 
M.Gretton,  qui  avait  pris  l'iniiiative  de  ce  beau  concert,  a  tenu  pendant 
deux  heures  la  foule  attentive  aux  chants  variés  qu'il  a  improvisés, 
et  au  nombre  desquels  VOrag-i  a  surtout  produit  une  grande  sensation. 

^*^  Alfred  Jaell  est  appelé  au  grand  concert  qui  aura  lieu  h  Bade  le  8 
septembre  pour  la  fête  du  grand-duc.  — Séligmann  et  Alard  sont  égale- 
ment engagés  pour  cette  solennité  musicale. 

,*^  Mme  Madeleine  Graever,  après  son  grand  succès  au  concert  de  la 
Société  Félix  Merilis,  a  eu  de  la  reine  des  Pays-Bas  une  audience  dans 
laquelle  Sa  Majesté  lui  a  gracieusement  permis  de  prendre  le  titre  de 
pianiste  de  la  reine  des  Pays-Bas. 

,%  Tous  les  ans  l'excellent  professeur  Kriiger  constate  par  une  réunion 
publique  les  progrès  accomplis  dans  le  courant  de  l'année  par  ses  nom- 
breux élèves.  C'est  dans  les  salons  d'Érard  qu'a  eu  liea  la  semaine  der- 
nière cette  séance,  intéressante  sous  tous  les  rapports,  et  qui  a  donné  la 
mesure  des  qualités  remarquables  inculquées  par  le  maître  à  ses  disci- 
ples. Au  nombre  des  morceaux  exécutés  on  a  surtout  remarqué  ses  com- 
positions dernières  pour  le  piano  sur  Stradella,  un  caprice  sur  Guillaume 
Tell,  une  fantaisie  sur  la  Forza  del  destina,  dans  lesquels  M.  Kriiger 
ne  brille  pas  moins  comme  compositeur  que  comme  virtuose:  aussi 
ont-ils  provoqué  des  applaudissements  aussi  fréquents  que  mérités. 

**,.  Les  sociétés  chorales  s'organisent  en  Espagne  comme  dans  les 
autres  pays  de  l'Europe.  Le  11  mai,  à  Lerida,  sous  le  patronage  et  aux 
frais  de  l'ayuntamiento,  a  lieu  la  première  réunion  officielle  de  deux 
cent  cinquante  orphéonistes  sous  la  direction  de  M.  Vidal.  On  remarque 
dans  le  programme  l'ouverture  de  Guillaume  Tell  et  la  marche  du 
sacre  du  PrepAète,  exécutée  par  la  musique  du  régiment  de  la  Princesse. 
Un  profes.seur  distingué,  M.  Joaquin  Huguet,  dirige  l'orchestre. 

***  L'Association  des  artistes  musiciens  a  tenu  jeudi  dernier  sa  séance 
générale,  dons  nous  ajournons  forcément  les  détails.  Disons  seulement 
que  les  membres  du  comité  élus  ou  réélus  pour  cinq  années  sont  MM. 
Prumier  fils,  Deloffre,  Duzat,  Proust,  Henri  Gautier,  Richard  Dambri- 
court,  Baneux ,  Auguste  Wolff,  Gustave  Héquet,  Werrimst,  Colin  et 
Forestier. 

**»  Mardi  dernier,  on  a  célébré,  dans  l'église  Notre-Dame  de  Lorette, 
le  mariage  de  M.  Melchior  Mocker,  avec  Mlle  Fanny  Darroux,  fille  de 
M.  Darroux,  oflicier  principal  d'administration,  et  nièce  de  M.  S.-Henri 
Berthoud.  La  bénédiction  nuptiale  a  été  donnée  par  M.  Castaing,  cha- 
noine du  chapitre  impérial  de  Saint-Denis,  et  ancien  aumônier  en  chef 
de  l'armée  d'Italie.  M.  Edouard  Batiste,  professeur  au   Conservatoire, 


tenait  l'orgue,  et  M.  Gourdin  a  chanté  VO  salutaris.  La  plupart  de  nos 
célébrités  littéraires,  -artistiques  et  scientifiques  assistaient  à  cette  céré- 
monie. 

*■*„,  M.  1h.  Doring,  l'excellent  acteur  du  théâtre  de  la  cour  de  Berlin, 
vient  d'obtenir  la  décoration  de  la  maison  Ernestine  de  Saxe,  que  lui  a 
conférée  le  duc  de  Saxe-Gotha.  Doring  avait  donné  une  série  de  repré- 
sentations au  théâtre  de  ce  duché. 

t,*.^,  Nous  avons  omis  de  mentionner  l'apparition  d'un  petit  volume 
d'une  incontestable  utilité.  11  a  pour  titre  :  Annuaire  spécial  des  musi- 
ciens et  des  artistes,  et  contient  une  foule  de  renseignements  précieux 
pour  les  artistes  et  pour  toutes  les  personnes  qui  s'occupent  de  la  mu- 
sique. L'Annuaire  musical  a  été  fondé  par  Mme  J.  de  B ,  et  pa- 
raîtra tous  les  ans.  11  se  vend  chez  l'auteur,  77,  faubourg  Poissonnière; 
prix  :  3  francs  broché. 

„,*„,  L'éditeur  Schott,  à  Mayence,  vient  de  publier  une  biographie  de 
Matthieu  Le  Maistre.  Cet  ouvrage  renferme  des  renseignements  curieux 
sur  l'histoire  de  l'art  musical  au  xvi"  siècle. 

*■**  Le  prince  Oscar  Frédéric,  l'héritier  présomptif  du  trône  de  Suède 
et  de  Norwége,  vient  de  publier  un  recueil  de  Chants  du  Marin,  qui 
obtient  beaucoup  de  succès.  Le  prince  s'est  également  fait  connaître 
par  une  bonne  traduction  du  Torquato  Tasso  de  Gœthe. 

„,*„,  Vienne  possède  en  ce  moment  une  cantatrice  vraiment  extraor- 
dinaire: elle  ne  chante  jamais  faux,  ne  manque  jamais  la  mesure,  et 
exécute  les  trilles  les  plus  hardis  sans  le  moindre  effort.  Cette  femme 
phénomène  est  en  cire;  le  gosier  a  été  fabriqué  en  caoutchouc  par 
M.  Faber,  qui  a  très-haljilement  imité  l'appareil  de  la  voix  humaine. 

fi'f.  Une  dernière  et  brillante  séance  a  clos  le  cours  d'ensemble  au 
piano  de  Mme  Clara  Pfeiffer  lundi  dernier;  des  notabilités  musicales, 
artistes  et  amateurs,  assistaient  à  cette  belle  réunion,  où  douze  jeunes 
personnes  ou  dames  ont  exécuté  à  six  pianos  à  quatre  mains  l'ouverture 
de  la  Flûte  enchantée  de  Mozart,  le  septuor  de  Beethoven  et  le  duo  ar- 
rangé sur  Guillaume  Tell  par  Mme  Clara  Pfeiffer.  Il  semblait  que  ce 
choix  eût  été  fait  pour  prouver  que  l'ensemble  seul  n'était  pas  le  but 
du  cours,  mais  que  les  charmantes  symphonistes  qui  obéissaient  au  bâ- 
ton féminin  de  leur  chef,  voulaient  prouver  que  le  style  des  grands 
maîtres,  le  sentiment  profond  des  beautés  répandues  dans  leurs  chefs- 
d'œuvre,  pouvaient  être  rendues  avec  une  imitation  complète  des  or- 
chestres, sauf,  bien  entendu,  l'effet  sans  rival  des  divers  timbres  qui  les 
composent.  Aujourd'hui  il  n'est  plus  permis  aux  pianistes  dames,  d'i- 
gnorer les  richesses  symphoniques  qui  forment  le  répertoire  de  nos  cé- 
lèbres sociétés  du  Conservatoire  et  autres  ;  c'était  donc  une  idée  vrai- 
ment heureuse  et  artistique  qui,  depuis  neuf  ans,  a  été  fécondée  au 
profit  d'une  foule  d'élèves,  arrivées  à  un  degré  de  force  qui  leur  permet 
une  telle  exécution.  Le  duo  à  quatre  mains  sur  Guillaume  Tell,  quoique 
très-difficile,  a  été  enlevé  avec  un  brio  et  une  netteté  vraiment  remar- 
quables, et  nous  ne  doutons  pas  qu'il  n'eût  e.tcité  les  bravos  de  l'illustre 
maître  qui  l'a  honoré  de  son  suffrage.  Georges  Pfeiffer,  qui  seconde  si 
bien,  en  prenant  part  à  l'exécution,  la  direction  des  mouvements,  a  re- 
cueilli avec  sa  mère  une  large  part  dans  les  applaudissements,  comme 
moniteur  de  la  phalange  féminine  de  ses  cosymphonistes. 

,*,,  Dans  une  récente  soirée  où  se  sont  fait  entendre  des  artistes 
d'élite,  et  où  l'on  a  exécuté  des  compositions  de  maître,  une  jeune  pia- 
niste, dont  plus  d'une  fois  nous  avons  constaté  le  talent  gracieux  et 
sympathique,  Mlle  Clémence  Laval,  a  su  se  faire  applaudir  dans  plusieurs 
morceaux  de  genre  varié  qu'elle  a  rendus  avec  un  talent  des  plus  remar- 
quables. Mlle  Clémence  Lavai  est  un  peu  de  la  nature  de  ces  artistes 
modestes  qu'on  regrette  de  ne  pas  voir  se  produire  plus  souvent  dans 
nos  concerts  publics,  et  qu'on  n'apprécie  bien  que  dans  les  soirées  in- 
times, où  ils  donnent  mieux  toute  la  mesure  de  leur  savoir  et  de  leur 
goût. 

,,*,,.  On  lit  dans  le  Nouvelliste  de  Rouen  :  «  Le  capitaine  de  l'August-el- 
Georgcs,  récemment  arrivé  de  Corée  dans  notre  port  avec  un  chargement 
d'arachides,  a  apporté  un  curieux  échantillon  des  instruments  de  mu- 
sique en  usage  chez  les  nègres  du  Sénégal.  Qu'on  se  figure  une  sorte 
de  clavier  en  flûte  de  Pan,  formé  de  di,\-neuf  lattes  qui  vont  en  décrois- 
sant de  longueur  sur  un  plan  horizontal.  Ces  lattes,  creusées  en  des- 
sous, correspondent  à  deux  lignes  de  courges,  citrouilles  et  gros  citrons, 
évidés  et  sonores,  qui  résonnent  avec  des  intensités  différentes  lors- 
qu'on frappe  le  clavier  à  l'aide  de  deux  sortes  de  baguettes  de  tam- 
bour. C'est  un  gigantesque  harmonica,  d'une  construction  fort  bizarre, 
mais  dont  l'agencement  ne  laisse  pas  que  de  révéler  une  ingénieuse  et 
patiente  combinaison.  Les  nègres  appellent  cet  instrument  balafon,  et 
ils  s'en  servent  à  Corée  et  dans  l'intérieur  des  terres  pour  régler  les 
bamboulas  et  autres  danses  indigènes.  Le  nègre  instrumentiste  pose  le 
balafon  k  terre,  car  il  n'est  guère  portatif,  et  s'escrime  sur  le  clavier  avec 
ses  baguettes,  à  la  grande  joie  de  son  auditoire. 

i*,,,  Le  projet  de  loi  sur  la  propriété  littéraire  vient  d'être  envoyé  au 
conseil  d'Etat.  Il  sera  présenté  au  Corps  législatif  dès  les  premiers  jours 
de  la  prochaine  session. 

*..  Jeudi  14  mai,  jour  de  l'Ascension,  il  sera  donné  au  Pré-Catelau 
une  grande  fête  au  bénéfice  de  l'association  des  artistes  musiciens  civils 
et  militaires.  Organisée  par  les  soins  actifs  et  dévoués  de  M.  le  baron 


DE  PARIS, 


!51 


Taylor,  l'infatigable  fondateur  de  cette  belle  œuvre  de  charité  fraternelle, 
la  solennité  musicale  marquera  dans  les  annales  du  bien  et  de  l'art. 
Voulant  donner  à  cette  philanthropique  association  une  haute  marq  ue 
de  sa  sympathie,  S.  M.  l'Empereur  a  daigné  accorder  aux  musiques  de 
sa  garde  l'autorisation  de  prêterleur  concours  à  cette  fête  de  la  mutua- 
lité artistique.  Paris  aura  ce  jour-là  un  spectacle  unique:  Les  musiques 
de  la  gendarmerie  impériale,  chef,  M.  Riedel;  du  1='  voltigeurs,  chef, 
M.  Bonnot;du  2=  voltigeurs,  chef,  M.  Sellenick  ;  du  4=  voltigeurs,  chef, 
M.  Antony;  des  guides,  chef,  M.  Mohr;  et  des  chasseurs  à  cheval,  chef, 
M.  Marotel,  unies  au  remarquable  orchestre  de  symphonie  que  conduit 
Musard,  donneront  un  de  ces  concerts  imposants  que  la  capitale  tout 
entière  voudra  entendre  et  surtout  applaudir. 

,,*»  Depuis  la  réouverture  des  concerts  des  Champs-Elysées,  qui  a 
eu  lieu  le  1°''  mai,  les  amateurs  s'y  portent  autant  que  le  temps  le 
permet.  L'orchestre,  toujours  dirigé  par  Arban,  est  sans  contredit  le 
premier  orchestre  en  ce  genre.  Vienne  maintenant  la  chaleur,  et  tous 
les  salons  d'hiver  se  transporteront  dans  le  délicieux  salon  d'été  de 
M.  de  Besselièvre. 

^**  Le  temps  a  favorisé  dimanche  dernier  la  fête  donnée  par  Musard 
au  Pré-Catelan  au  bénéfice  des  ouvriers  cotonniers.  De  brillants  équi- 
pages, dont  partie  revenait  des  courses  de  Longchamps,  y  abondaient. 
L'orchestre  de  Musard  a  eu  son  succès  habituel,  et  Legendre  s'est  fait 
vivement  applaudir  dans  sa  fantaisie  du  Carnaval  de  Venise.  Les  .Sociétés 
d'orphéons  et  la  musique  de  la  garde  de  Paris  ont  agréablement  varié 
cette  solennité  musicale.  —  Aujourd'hui,  grande  matinée  musicale,  bal 
d'enfants,  fanfares  militaires,  théâtre  de  marionnettes  et  de  magie  dans 
ce  ravissant  jardin. 


CHRONIQUE    DÉPARTEMENTALE. 

,*^  Marseille.  —  Mme  Carvalho  nous  est  apparue  cette  semaine  dans 
deux  nouveaux  rôles  de  son  répertoire;  Marguerite  de  Faust  et  Chérubin 
des  Noces  de  Figaro.  La  manière  dont  la  célèbre  cantatrice  les  a  inter- 
prétés nous  laissera  de  profonds  souvenirs.  La  supériorité  avec  laquelle 
elle  comprend  et  rend  la  musique  classique,  u'a  d'égale  que  la  perfec- 
tion dont  elle  fait  preuve  dans  un  caractère  diamétralement  opposé. 
Aussi  a-t-elle  transporté  notre  public,  qui  ne  se  lassait  pas  de  lui  mani- 
fester son  enthousiasme.  Disons  qu'elle  a  été  admirablement  secondée 
dans  l'opéra  de  Gouuod  pur  MM.  Morère  et  Castelmary;  dans  les  Noces 
par  l'excellent  Meillet  (Figaro)  et  Mlle  Baudier  (la  comtesse). 

^*^  Lille.  —  La  reprise  de  Charles  VI,  d'IJalévy,  a  eu  lieu  sur  notre 
théâtre  le  3  de  ce  mois.  La  salle  était  comble.  Le  chœur  Guerre  aux  itj- 
raitsl  a  été  redemandé  trois  fois.  La  pièce  est  bien  montée  et  fait  hon- 
neur au  régisseur  M.  Potel,  ainsi  qu'à  la  direction  de  M.  Simon  Lévy. 
—  Notre  Conservatoire  vient  d'obtenir  un  nouveau  succès  dans  l'exer- 
cice des  élèves  qui  a  eu  lieu  dimanche  dernier.  La  symphonie  en  ré  de 
Beelhoven  faisait  partie  du  programme.  Il  fallait  de  la  part  de  M.  iVla- 
gnien,  directeur,  une  grande  confiance  jiour  tenter  une  pareille  exécu- 
tion. Hâtons  nous  de  dire  que  ce  morceau  capital  a  été  rendu  à  la  satis- 
faction générale,  et  que  l'auditoire  s'est  retiré  sous  l'impression  de  sur- 
prise que  causait  un  pareil  résultat.  Deux  élèves  se  sont  fait  entendre 
comme  solistes,  l'un  sur  la  llûte  Bœhm,  dans  une  fantaisie  sur  Norma, 
par  Jules  Herman,  l'autre  sur  le  violon,  dans  la  première  partie  du 
septième  concerto  de  Rode.  Ces  élèves  sont  en  bonne  voie  et  ont  été 
très-applaudis.  Dans  la  partie  vocale,  on  a  surtout  remarqué  les  air.s 
pour  soprano,  du  Domino  noir  et  de  Giralda  ;  il  en  a  été  de  même  du  trio 
pour  ténor,  baryton  et  basse  de  Vlialienne  à  Alger.  Ce  concert  s'est 
terminé  par  le  finale  du  premier  acte  de  Freischiitz,  qui  a  été  enlevé 
par  les  solistes,  l'orchestre  et  les  chœurs  avec  un  ensemble  et  une  cha- 
leur peu  commune.  M.  Magnien,  en  homme  de  talent  et  d'intelligence,  a 
conduit  admirablement  sa  phalange  d'exécutants.  Son  zèle  pour  l'école 
qu'il  dirige  tient  du  dévouement;  il  n'y  a  qu'une  voix  pour  le  recon- 
naître: aussi  cette  séance  était-elle  honorée  de  la  présence  des  pre- 
mières autorités  civiles  et  militaires,  qui  ont  toutes  adressé  au  directeur 
leurs  félicitations. 

^,*t  Le  Havre.  —  Jeudi  dernier  a  eu  lieu  l'inauguration  solennelle  du 
grand  orgue  construit  pour  l'église  Saint-Michel.  Cette  cérémonie  ar- 
tistique avait  attiré  une  grande  aflluence  et  a  été  pour  l'instrument  et 
pour  M.  Edouard  Batiste ,  professeur  au  Conservatoire  ,  organiste  de 
Saint-Eustache ,  chargé  de  le  faire  entendre,  un  véritable  triomphe. 
MM.  Lebourgeois,  Donat  Guérout  et  Balzac,  organistes  de  la  vil;e,  en- 
tendus dans  la  môme  séance,  ont  fait  preuve  du  plus  grand  talent. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


,'*  Londres. —  Les  trois  représentations  de  la  Piccolomini  au  bénéfice 
de  .\i.  Lumley  éprouvent  des  difficultén .  Lord  Dudley,  propriétaire  de 


la  salle  de  Her  Majestifs  Théâtre,  ne  consent  pas  à  ce  qu'elles  y  soient 
données,  et  des  démarches  sont  faites  en  ce  moment  pour  obtenir  la  salle 
de  Drury  Lane.  —  Le  5,  Mme  Trebelli-Bettini  a  débuté  avec  le  plus  grand 
succès  dans  II  Barhiere.  Les  applaudissements  ,  les  bis  et  de  nombreux 
bouquets  ont  été  prodigués  à  la  jeune  cantatrice.  —  Incessamment  l'ap- 
parition de  Tamberlick  dans  Guillaume  Tell  et  de  Mlle  Patti  dans  la  Son- 
nambula.  Sa  sœur  Carlotta  a  vu  se  confirmer  le  succès  qu'elle  a  obtenu 
à  sa  première  apparition. —  On  attend  la  prochaine  représentation  du 
nouvel  ouvrage  de  Schira,  Nicolo  de  Lapi;  la  répétition  générale  a  eu 
lieu  et  on  en  augure  très-bien.  Les  principaux  interprètes  sont 
Mmes  Titjens  et  Trebelli,  Giuglini,  Bettini  etSantley.  —  Le  succès  de 
Mme  Ferraris  dans  le  ballet  de  Farfalletta  grandit  tous  les  jours.  Le 
prince  et  la  princesse  de  Galles  assistaient  à  la  dernière  représentation; 
un  de  ses  écots  a  été  bissé  et  de  nombreux  bouquets  ont  été  jetés  à  la 
célèbre  danseuse. 

,f,*^  Brvœellfs.  —  La  troupe  de  Merelli  a  commencé  ses  représenta- 
tions par  le  Trovature.  Les  artistes  qui  la  composent  sont  :  Mmes  Lafon, 
Volpini  et  Ciaschetti,  MVl.  Carrion,  Zacchi,  Agaesi  et  Rossi. 

^"^Berlin.  —  Au  théâtre  de  l'opéra  de  la  cour,  Mlle  Lucca  vient  d'obtenir 
unnouveau  triomphe  dans  le  rôle  de  Valentine;  Mme  Harriers  a  très-bien 
rendu  le  rôle  de  la  reine.  Lindeck-Marcel  nous  a  fait  entendre  une  belle 
et  puissante  voix  de  basse  taille.  Quant  à  Raoul  —  Bachmann  —  il  s'est 
montré  par  moments  au-dessous  du  rôle  qu'il  était  chargé  d'inter- 
préter. 

^*4  Brunsivick.  —  Le  l"^''  mai,  le  théâtre  de  la  cour  a  représenté,  pour 
l'anniversaire  de  la  naissance  du  duc,  la  Béole,  opéra  de  G.  Schmidt. 
C'est  une  œuvre  estimable  qui  dénote  chez  l'auteur  une  étude  assidue 
des  meilleures  compositeurs  d'opéra- comique  français,  tels  que  Hérold, 
Auber,  Adam,  etc.  Le  premier  chœur  de  femmes,  la  romance  de  Mar- 
guerite: Le  rossignol  dit  à  la  rose;  une  romance  de  Henri  de  Navarre, 
au  premier  acte;  une  romance  du  deuxième  acte  et  le  grand  finale  du 
troisième  ont  été  surtout  remarqués.  Le  succès  a  été  des  plus  honorables 
pour  M.  G.  Schmidt. 

^*,j  Vienne.  —  L'année  prochaine  on  rétablira  l'opéra  italien  au  théâtre 
de  la  cour.  On  annonce  que  Salvi  a  déjà  engagé  Mlle  D.  Artôt  comme 
prima  donna.  —  Du  i  au  10  mai,  le  théâtre  delà  cour  a  donné  Robert  le 
Diable,  Lohengrin,  Lalla-Boukh,  l'Eloite  du  Nord,  les  Huguenots  et  un 
ballet,  Monte-Cristo.  Dans  le  fameux  ballet  des  Nonnes,  de  Robert, 
Catherine  Friedberg,  qui  est  ici  en  représentation,  s'est  particulièrement 
fait  remarquer.  Son  succès  dans  le  ballet  de  Monte-Cristo  a  été  égale- 
ment des  plus  brillants.  —  J.  Offenbaoh  est  arrivé.  11  va  présider  à  la 
mise  en  scèue  et  aux  représentations  de  l'opéra  romantique,  la  Fille 
du  Rhin,  qu'il  a  composé  pour  le  théâtre  Treumann. 

^*^  hrancfort.  —  Le  prix  de  10  ducats  qui  avait  été  mis  au  concours 
pour  une  cantate  à  exécuter  au  prochain  festival  du  Mœnner-Gesangverein, 
a  été  remporté  par  E .  Kuhn,  organiste  de  l'église  de  la  Trinité  à  Man- 
heim . 

^*^  Maycnce,  29  avril.  —  Aujourd'hui  est  arrivé  ici  le  personnel  du 
théâtre  et  de  l'orchestre  de  la  cour  de  Darinstadt.  —  Les  représenta- 
tions commenceront,  au  théâtre  de  la  ville,  le  2  mai;  c'est  le  Prophète 
de  Meyerbeer  qui  a  été  choisi  pour  l'ouverture. 

^*s,  Hambourg.  —  Sivori  continue  âse  faire  entendre  au  Thalia-Theater 
dans  les  entractes.  Il  paraît  que  le  public  ne  se  lasse  pas  d'admirer  et 
d'applaudir  le  successeur  de  Paganini  :  sjs  concerts  dans  la  grande  ville 
commerçante  semblent  ne  pas  devoir  finir. 


:  s.  DUFOUn. 


Il  vient  de  paraître  chez  les  principaux  libraires  un  vo- 
lume intitulé  :  Extinction  immédiate  du  Paupérisme  par 
la  suppression  des  Chômages.   —  Prix  :  1  franc. 

Nous  recommandons  particulièrement  à  l'attention  de  nos 
lecteurs  cet  ouvrage,  dans  lequel  la  question  vitale  de  notre 
siècle  trouve  les  éléments  d'une  solution  nouvelle,  et  dont 
la  crise  commerciale  que  nous  traversons  augmente  encore 
l'intérêt. 

Les  Économistes,  les  Jurisconsiiltes  ,  les  Publicistes  ,  les 
Grands  Industriels,  les  CLASSES  LABoniEtisEs,  tous  ceux  enfin 
qui  s'occupent,  à  quelque  point  de  vue  que  ce  soit,  des  ques- 
tions sociales ,  voudront  lire  l'exposition  de  ce  système,  oii 
respire,  ainsi  que  le  dit  9lgr.  niarct,  dans  une  lettre  qui 
y    est  citée,  un  profond   amour  de  Vhumanité. 

Les  lettres  sur  l'appréciation  de  ces  idées  nouvelles,  adres- 
sées à  l'auteur  par  les  plus  éminents  Économistes,  —  no- 
tamment celle  de  M.  M.  Itaudrillart,  —  et  qui  sont  insé- 
rées dans  l'ouvrage,  lui  donnent  un  attrait  de  plus. 


152 


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Partition,  net,  42  fr. 


fro  luédaille  d^or 

Exposition  nationale  française  rie  1849. 

DÉCORATION  DE  LA  LÉGION  D'HONNEUR 
Exposition  de  1849. 


MANUFACTURE  D'INSTRUMENTS  DE  MUSIQUE  EN  CUIVRE  ET  EN  ROIS 

FONDÉE  A  PARIS  EN  1843  PAR 


1  ^"^  iiièUallIe 

Exposition  nationale  belge  de  1841. 

DÉCORATION   DE    LA   COURONNE   DE    CHÊNE 
de  Hollande  (1845). 


I"  nicduille  d'urgent  i       i       m   .  •!•<    •  ■       i>ïi  «rande  incdallle  d'or 

Exposition  nationale  française  de  l>ikli.  FaCtCUr    «IC    la    MaiSOfl   militaire    (IC    1  EmpereUF.  du  Mérite  de  Prusse  (IW). 

^>3>S^  RUE   SAINT  ■  GEORGES.    50  ^>^®^ 

Seule  grande  mëdaille  d'honneur  à  l'ExposItien  universelle  de  Paris  (1S55).  —  Seule  grande  niëdallle 

(CoMMcif  Meaai)  à  l'Exposition  universelle  de  liondres  (lS5t). 

Organisateur  et  fournisseur  de  la  musique  des  Gw'des  et  des  autr.'s  musiques  des  régiments  de  la  Garde  impériale. 

INVENTEUR    DES   FAMILLES    DES 

SAXO-TROMBAS.  SAX-TDBAS.  CLAIRONS-SAX.  CORNETS-SAX  (compensateurs).  CLARINETTES  CONTRE-BASSES-SAX. 

CLARINETTES  BASSES-SAX.  BASSON-SAX  (ea cuivre  et  en  bois). 

Cors,  Cornets,  Trompettes,  Trombones  simples,  les  mêmes  à  pistons 


SAXOPHONES. 


TROMBONES-SAX. 


SAXHORNS. 

Forme  et  dispositions  nouvelles  de  Trombones  à  3,  4  et  5  cylindres  ; 

invention  brevetée  en  ISSU. 
Tous  les  instruments  à  pistons  avec  addition  d'une  ou  plusieurs 

clefs;  invention  brevetée  en  1A59. 
Système  d'instruments  à  pistons  ascendants;  inv.  brev.  en  as««. 


ou  cylindres,  les  mêmes  forme  Saxo-Tromba. 
Clairons,  Trompettes  d'ordonnance.  Flûtes,  Clarinettes,   Bassons, 
Caisses  roulantes.  Grosses  Caisses,  Tambours,  Timbales,  Cym- 
bales, etc.,  etc. 


MANUFACTURE  DE  PIANOS  —  MAISON  HENRI  HERZ 

Kue  «le  la  Victoire,  4§,  à  Paris. 

L'immense  succès  que  les  Pianos  de  la  Maison  Henri  HERZ  ont  obtenu  à  l'Exposition  universelle  de  Paris,  en  1855, 
vient  de  se  reproduire  à  Londres  avec  plus  d'éclat  encore  :  aussi  le  Jury  international  vient-il,  en  plaçant  ces  instruments 
au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimilé,  à  M.  Henri  HERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection 
reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  solidité,  de  la  sonorité,  de  l'égalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  7iuances  d' expression.   (Rapport  du  Jury  international.) 


PRIX  ACCORDE   A   L  UNANIMITE   A    L  EXPOSITION 
UNIVERSELLE   DE   LONDRES   1851. 


Foiirnlssear  des  Ministères  de  la 
Guerre  et  de  la  marine  de  frauce. 


Seuls   agents    à    Londres 


MAISON  FONDÉE  EN  1803. 

INSTRUMENTS    DE    MUSIQUE    EN    CUIVRE 

ANTOINE  COURTOIS 


CHAFPELL  &  HAMUOND,  S"  DE  JULLIEN  &C 

214  ,   Régent  Street. 


MEDAILLE  D  ARGENT   DE   1"   CLASSE 
A     l'exposition     UNIVERSELLE     DE    PARIS    1855, 

ractcur  du    Conservatoire    et  de 
l'^acadcmle  Impériale  de  Paris. 

Agent  à  Saint-Pétersbourg  : 

A.  BUTTNER, 

Perspect.  Newsky,  maison  de  l'église St-Pierre. 


SS,  rue  aea  JHnruia  -  Suitit- lUavtin,    SS 

Ci-devant  rue  du  Caire,  21. 

La  .naison  ANTOINE  COURTOIS  ayant  agrandi  ses  ateliers,  est  en  mesure  de  satisfaire  à  toutes  les  demandes  qui  pourront  lui  être 
adressées;  elle  garantit  réellement  à  sa  clientèle  des  instruments  irréprochables  sous  tous  les  rapports. 


ALPHONSE 


(JUNIOR) 


Facteur  et  Ingénieur  en  instruments  de  Unslque 

MANUFACTURE  D'INSTRUMElVïS  EIV  CUIVRE  ET  Ei\  BOIS 

GIW  TOUS  CiBNRESi,    EN  TOUTES  FORjlIES  ET  DANS  TOUS  liES  TO]»S 

HARMONIE  et  FANFARE.  —  Rue  d'AbbevilIe,  5  bis,  Paris,  près  de  la  place  Lafayette.  —  Belle  Salle  de  300  personnes  pour  Concerts  et  Répétitions. 
16  Brevets  d'Invention  ou  de  perfectionnement.  —  Commission.  —  Exportation. 

fireveté  de  S.  M.  l'Empereur  des  Français.  —  Grand  brevet  de  S.  M.  la  reine  d'Angleterre.  —  Breveté  de  S.  M.  le  roi  des  Belges.  —  2m«  prix  en  1838.  —  1"  prix 
en  1841.  —  Prix  d'honneur,  médaille  d'or,  en  1843.  —  Médaille  d'argent  à  l'Exposition  de  Paris,  13j4.  —  UÊE.ÉGUÉ  par  le  gouvernement  belge  pour  visiter 
l'Exposition  universelle  de  Londres,  en  1851.  —  Exposition  universelle  de  Paris,  1855,  les  plus  belles  pages  du  Rapport  officiel,  27»=  Classe,  pages  1835-1336.  — 
Exposition  universelle  de  Londres,  1862,  PRIZE  MEDAL,  avec  cette  mention  :  POUR  EXCEIil..El«CE  DE  TOUTE  ESPÈCE  D'INSTRUMKNïS  DE  CUIVRE. 
—  .Membre  de  l'INSTITllT  POLYTECHNIQUE  de  Paris,  membre  de  l'ASSOCIATION  INTERNATIONALE  POUR  LE  PROGRÈS  DES  SCIENCES  SOCIALES.  — 
MEDAILLE  D'OR  et  Membre  du  CORPS  SCIENTIFIQUE  DE  L'HOTEL  DE  VILLE  DE  PARIS. 


—  Tupniiii-: 


BUREAUX    A   PARIS  :    BOULEVARD   DES   ITALIENS, 


30^  Année. 


1V«  20. 


17  Mai  1863. 


Oft  S'ABONNE  S 

Dons  les  Départements  et  à  l'ËtraDger,  chez  tous 
les  UarchanOs  de  Musique,  les  Libraires,  et  aux 
Bureaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


PRIX  DE  L'ABONNCUENTt 

Paris 24fr.pQroi 

Départenieiils,  lielgique  et  Suisse...     30  »       id. 

Étranger - 34  ip       Id. 

Le  Journal  paraît  le  Dinianche, 


GAZETTE  MUSI 


— vv\j\(\AAAAaa/v^7 


SOMMAIRE.  —  F.  Halévy;  Souvenirs  d'un  ami  pour  joindre  à  ceux  d'un  frère  ;  à 
M.  Léon  Halévy  (5'  article  ),  par  Edouard  lUonnais.  —  Théâtre  Lyrique  : 
reprise  d'Oberon,  par  I<éon  Dorocher.  —Auditions  musicales,  par  Adol- 
phe Botte.  —  Messe  de  Nicon-Choron,  exécutée  à  l'église  de  la  Madeleine, 
par  F.  Danjon.  —  Association  dos  artistes  musiciens;  assemblée  générale; 
banquet  annuel.  —  Correspondance  :  Londres.  — Nouvelles  et  annonces. 


F.  HALÉVY. 

SouTenlrs    d'an  amt  ponr   joindre  à  ceux  d'un  frêrw. 

A.  M.  LÉON  HALÉVY. 

(5=  article)  (1). 

Tous  ceux  qui  ont  connu  Ha]évy  savent  qu'il  y  avait  en  lui  des 
aptitudes  diverses,  et  l'on  peut  même  dire  plusieurs  vocations.  Quel- 
quefois nous  l'avons  entendu  exprimer  le  regret  d'avoir  donné  la 
préférence  à  la  musique  :  c'est  à  peu  près  comme  si  l'illustre  auteur 
de  la  Cène  et  de  ta  Joconde,  Léonard  de  Vinci,  se  fût  plaint  de  n'a- 
voir pas  négligé  la  peinture  pour  les  mathématiques,  l'archilecture, 
la  physique,  la  philosophie  ou  la  littérature,  parce  que  son  vaste 
génie  trouvait  moyen  de  s'y  exercer  avec  succès.  M.  Sainte-Beuve  a 
dit  de  l'auteur  de  la  Juive,  au  début  d'une  charmante  étude  où  la 
musique  n'entre  que  pour  mémoire  :  «  11  avait  cela  de  l'honnête 
homme  de  la  Bruyère,  qu'il  pouvait  causer  avec  vous  pendant  tout 
un  diner,  toute  une  soirée,  en  vous  parlant  de  tout  avec  agrément, 
avec  intérêt,  et  cependant  sans  vous  dire  un  mot  de  musique,  sans 
mettre  sur  le  tapis  les  choses  de  son  métier.  Je  le  prendrai  surtout 
par  ses  côtés  accessoires,  et  où  il  aurait  pu  exceller  très-vite  pour 
peu  qu'il  s'y  fût  adonné.  Il  y  avait  en  lui  l'étoffe  d'un  savant  littéra- 
teur autant  peut-être  que  d'un  grand  musicien,  et  il  le  montra  bien 
lorsque,  dans  ses  dernières  années,  il  eut  si  peu  d'efforts  à  faire  pour 
être  aussitôt  un  secrétaire  perpétuel  tout  formé,  un  orateur  acadé- 
mique des  plus  spirituels  et  des  plus  avenants.  » 

Dans  les  notes  qu'un  de  nos  amis  communs,  M.  Boilay,  rédigea  sur 
la  demande  de  M.  Sainte-Beuve,  et  dont  ce  dernier  a  fait  si  bon  usage 
en  les  transcrivant,  je  rencontre  les  lignes  suivantes  et  je  les  transcris 
à  mon  tour  :  «  Il  avait  un  don  naturel  d'écrire,  cultivé,  perfectionné 
par  l'étude,  par  un  goût  de  lecture  qu'il  satisfaisait  partout,  dans  son 
cabinet,   pendant  l'intervalle  des    travaux,  des   conversations  d'af- 

(1)  Voir  les  n"'  12,  13,  16  et  i8. 


faires,  dans  les  voitures  publiques,  dans  les  réunions  d'amis,  dans  le 
monde  même.  II  avait  le  pouvoir  de  s'isoler  complètement  au  milieu 
du  bruit  de  sa  famille  ou  des  entretiens  du  salon,  s'il  n'y  prenait  part. 
Il  écrivait  de  la  musique,  de  la  prose  ou  des  vers,  il  lisait  avec  une 
attention  imperturbable,  lorsqu'on  causait  autour  de  lui.  Il  possédait 
l'instinct  des  langues.  Il  savait  l'allemand,  l'italien,  l'anglais,  le  latin  ; 
une  teinture  de  grec,  un  peu  d'hébreu.  Il  donnait  une  foule  d'étymo- 
logies.  Il  avait  une  passion  pour  les  dictionnaires.  Il  lui  était  souvent 
difficile  d'y  chercher  un  mot.  Comme  on  ouvre  un  dictionnaire  à  une 
page  quelconque  dans  les  environs  du  mot  qu'on  cherche,  son  œil 
tombait  d'abord  sur  n'importe  quel  mot  ;  il  le  lisait,  puis  le  suivant, 
puis  un  autre  et  un  autre  encore,  tant  qu'il  oubliait  quelquefois  le 
mot  qu'il  voulait  chercher.  Ces  lectures  à  bâtons  rompus  et  même 
au  hasard  lui  profitaient  toutes,  car  il  avait  une  grande  mémoire, 
faisant  à  tout  une  grande  attention.  Il  savait  beaucoup  de  choses, 
même  dans  les  sciences,  en  histoire  naturelle,  en  médecine.  Sa  cu- 
riosité était  inépuisable  :  tout  l'intéressait,  l'attachait,  lui  inspirait  un 
dfeir,  ou  plutôt  un  regret,  celui  de  n'avoir  pas  fait  de  ce  dont  il  était 
question  l'occupation  de  sa  vie.  S'il  lisait  de  l'histoire,  il  aurait  voulu 
être  historien  ;  si  des  relations  militaires,  général  d'armée  ;  si  de  la 
géologie,  géologue;  si  de  la  politique^  homme  mêlé  aux  grandes  af- 
faires. 1) 

Une  fois  les  circonstances  vinrent  un  peu  trop  en  aide  à  l'une  de 
ces  velléités  passagères,  en  l'entraînant  vers  la  carrière  qui  lui  con- 
venait moins  que  toute  autre.  C'est  à  la  fiévreuse  épidémie  de  1848  qu'il 
faut  s'en  prendre.  Alors  on  était  convaincu  que  tous  les  arts,  comme 
tous  les  métiers_devaient  avoir  leurs  représentants  dans  l'Assemblée  na- 
tionale. Les  musiciens  ne  pouvaient  en  choisir  de  meilleur  qu'Ha- 
lévy  :  on  lui  persuada  qu'il  était  obligé  d'accepter  la  candidature,  et 
même  de  faire  quelques  pas  en  avant.  Jamais  je  n'oublierai  la  cu- 
rieuse séance  qui  se  tint  le  IS  avril  dans  la  salle  Barthélémy  encore 
inachevée,  et  dans  laquelle  la  pluie  tombait  par  torrents.  Chaque 
prétendant  à  la  candidature  y  fit  sa  profession  de  foi.  L'abbé  De- 
guerry,  qui  d'abord  avait  songé  à  se  présenter  pour  son  propre 
compte,  n'hésita  pas  à  se  déclarer  pour  le  grand  artiste,  et  Halévy  le 
remercia  en  disant  :  «  Je  suis  d'autant  plus  touché  des  sentiments 
que  vient  d'exprimer  M.  l'abbé  Deguerry  que,  si  tous  deux  nous 
adorons  le  même  Dieu,  nous  ne  suivons  pas  le  même  culte.  »  En  ce 
moment,  on  vil  le  prêtre  et  l'artiste  se  donner  une  fraternelle  acco- 
lade. Singulier  temps ,  singulier  spectacle,  accueilli  par  un  tonnerre 
d'applaudissements  !  Halévy,  proclamé  candidat,  ne  fut  pas  élu  re- 
présentant ;  quelques  milliers  de  voix  lui  manquèrent,  et  ce  fut  au- 
tant de  gagné  pour  la  musique.  Cette  séance  lui  servit  du  moins  à 


154 


REVUE  El  GAZETTE  MUSICALE 


montrer  un  talent  oratoire  dont  personne  ne  se  doutait,  et  que  peut- 
êlre  il  ignorait  lui-même. 

Quelques  mois  après,  l'ordre  se  rétablissant  dans  les  choses  et 
dans  les  idées,  Halévy  fut  nommé  membre  de  la  commission  des 
théâtres,  instituée  par  M.  Dufaure,  ministre  de  l'intérieur  ;  et  comme 
il  était  là  parfaitement  à  sa  place,  il  remplit  ses  fonctions  avec  au- 
tant de  lumières  que  de  zèle. 

Dans  ce  long  professorat,  qui  fut  un  de  ses  titres  d'honneur,  sa 
haute  capacité  s'affirma  non -seulement  par  le  mérite  éclatant  de  plu- 
sieurs de  ses  élèves,  mais  par  la  remarquable  valeur  de  la  majorité. 
Pendant  nombre  d'années,  sa  classe  fut  la  plus  recherchée  du  Conserva- 
toire; les  élèves  s'y  pressaient  en  foule  et  adoraient  leur  professeur,  qui 
les  traitait  comme  des  amis.  Son  grand  principe  était  de  ne  pas  forcer 
la  nature,  de  ne  rien  commander,  de  ne  rien  exiger.  Je  lui  confiai  un 
jour  ce  qu'un  de  ses  élèves  m'avait  raconté  de  son  travail  :  tout  allait 
bien  selon  lui,  sauf  le  contre-point  qui  le  gênait.  «  Qu'en  sait-il?  dit 
le  maître  :  il  n'en  a  jamais  fait  !  —  Comment,  repris-je  à  mon  tour, 
puisqu'il  est  dans  votre  classe,  il  est  bien  obligé  d'en  faire  !  —  Du 
tout,  répondit  Halévy,  je  n'oblige  à  rien.  J'ai  affaire  à  de  grands 
jeunes  gens  qui  ont  l'âge  de  raison  et  qui  doivent  savoir  ce  qu'il 
leur  faut.  Je  suis  toujours  prêt  à  les  écouter.  J'examine  et  je  corrige 
ce  qu'ils  m'apportent,  ouverture,  symphonie,  valse,  romance.  Quand 
le  célèbre  Julien  était  dans  ma  classe,  il  ne  m'apportait  que  des 
quadrilles  :  je  corrigeais  ses  quadrilles.  Je  me  suis  toujours  fait  un 
devoir  de  ne  pas  contrarier  les  inspirations.  » 

Comme  écrivain,  Halévy  s'était  formé  seul  :  il  essaya  ses  ailes 
dans  ce  journal  même,  et  son  nom  figure  sur  la  liste  de  ses  premiers 
collaborateurs.  Dès  l'année  1834,  à  la  mort  de  Boïeldieu,  il  donna 
une  notice  sur  le  grand  artiste  et  sur  ses  ouvrages  ;  en  1837,  il  écri- 
vit un  article  sur  la  seconde  messe  de  Requiem  de  Chérubin!  ;  plus 
tard ,  un  autre  article  sur  la  Méthode  des  méthodes  de  piano ,  de 
MM.  Fétis  et  Moschelès.  Mais  ce  n'étaient  là  que  des  essais  bien  ti- 
mides, et  peu  remarquables  dans  un  temps  oii  la  musique  et  la  litté- 
rature (on  eût  dit  autrefois  la  lyre  et  la  plume)  ont  fait  une  alliance 
plus  étroite  que  jamais.  Halévy  fut  littérateur,  comme  Jean-Jacques 
Rousseau  musicien.  Chez  ce  dernier  la  littérature  l'emporta  sur  la 
musique  :  chez  Halévy  au  contraire,  la  musique  domina;  mais  chez 
l'un  et  l'autre,  il  y  avait  égaUlé  d'instinct,  de  goût,  de  passion  pour 
ce  qui  ne  fut  pas  leur  vocation  maîtresse,  leur  occupation  principale. 
De  nos  jours,  et  c'est,  non  pas  un  blâme,  mais  une  observation  que 
je  formule  ici,  le  nombre  des  compositeurs  s'étaiit  prodigieusement 
accru,  plusieurs  ont  senti  la  nécessité  d'employer  l'art  d'écrire 
comme  auxiliaire,  et  de  se  servir  de  la  plume ,  soit  comme  d'une 
arme  de  défense  ou  de  protection,  soit  comme  d'un  moyen  de  fendre 
la  presse  et  de  se  créer  des  ressources  que  la  musique  ne  procure 
pas  toujours. 

Halévy,  je  dois  le  constater,  ne  fut  pas  de  ce  nombre  :  il  écrivit 
parce  qu'il  lui  plut  d'écrire.  Ce  n'est  pas  sa  plume  qui  a  poussé  sa 
musique,  c'est  sa  musique  qui  a  poussé  sa  plume. 

Ses  premières  lectures  aux  séances  de  l'Institut,  lorsque  M.  Raoul 
Rochette  était  encore  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  des  beaux- 
arts,  excitèrent  un  mouvement  très-vif  d'attention ,  de  surprise. 
M.  Villemain  écouta,  sans  en  perdre  un  mot,  la  notice  sur  Britton  le 
Charbonnier,  lue  dans  la  séance  annuelle  des  cinq  académies,  le 
25  octobre  1852,  et,  après  la  notice  sur  l'organiste  Frohberger,  qui 
vint  l'année  suivante,  un  des  membres  de  l'Académie  des  sciences, 
qui  avait  aussi  lu  quelque  chose  dans  la  même  séance,  se  retourna 
brusquement  du  côté  d'Halévy,  et  lui  dit  avec  l'expression  de  l'éton- 
nement  le  plus  significatif  :  «  IVIais  vous  écrivez  bien  !  »  Quand 
Halévy  eut  rempli  plusieurs  fois  les  fonctions  de  secrétaire  perpétuel, 
qui  lui  furent  conférées  en  1854,  et  que  ses  notices  sur  Pierre  Fon- 
taine, Georges  Onsloio,  Abel  Blouet,  David  d'Angers,  Paul  Delaroche, 
eurent  mis  en  pleine  évidence  les  rares  facultés  que  possédait  leur 


auteur,  MM.  Villemain  et  Sainte-Beuve  l'arrêtèrent  pour  le  compli- 
menter avec  une  franchise  qui  n'en  avait  ([ue  plus  de  prix  pour  être 
académique  :  «  C'est  qu'il  n'a  pas  l'air  de  se  douter,  dit  l'un  d'eux, 
»  que  l'Académie  française  le  considère  cum  invidiâ...  — Etcumex- 
»  pectationel  «  ajouta  l'autre.  Avec  envie  et  avec  attente!  c'était  pré- 
dire aussi  clairement  que  possible  une  promotion  que  votre  frère  eût 
certainement  obtenue,  s'il  eût  vécu  davantage  ;  et  ce  qui  eût  doublé 
son  bonheur,  il  me  l'a  souvent  avoué,  c'eût  été  de  l'obtenir  avec 
vous,  et  même  après  vous. 


{La  fin  prochainement.  ) 


Edouard  MONNAIS. 


THEATRE  LYRIQUE. 

ISciitrlse  d'0&«fott.  —  Mme  IJgalde.  —  M.  IfonjauBC. 

Comme  nous  croyons  superflu  de  démontrer  qn'Oberon  est  une 
oeuvre  de  génie,  que  l'ouverture  est  une  des  plus  belles  symphonies 
dramatiques  qui  aient  jamais  été  faites,  que  le  chœur  d'introduction 
est  une  merveille  de  poésie  fantastique  ;  comme  personne  ne  nous 
demandera  de  lui  expliquer  les  beautés  du  premier  finale ,  du  chant 
des  génies  de  la  mer,  du  duo  de  l'écuyer  de  Huon  avec  la  soubrette 
de  Rézia,  du  quatuor  des  quatre  aurores,  des  airs  de  danse,  etc.,  etc., 
nous  serons  bref,  et  nous  dirons  seulement  quelques  mots  de  la  dis- 
tribution nouvelle  et  de  l'exécution. 

Mme  Ugalde,  cet  oiseau  voyageur  ai.x  zigzags  si  capricieux  et  si 
imprévus,  est  rentrée  au  théâtre  Lyrique  par  le  rôle  de  Rézia  ,  rôle 
difficile  si  jamais  il  en  fut,  au  moins  pour  une  voix  française,  car  on 
ne  peut  nier  que  les  sopranos  allemands  ne  soient  plus  à  leur  aise  que 
les  nôtres  sur  certaines  intonations  élevées.  Mme  Ugalde  n'a  plus  sa 
voix  de  vingt  ans,  ou  d'il  y  a  vingt  ans;  mais  elle  a  de  la  volonté, 
de  l'audace,  une  verve  singulière.  On  l'écoute  toujours  avec  intérêt, 
et  souvent  elle  fait  plaisir.  On  l'a  fort  applaudie  au  second  acte, 
après  son  grand  air  en  mi  bémol,  où  elle  a  de  l'expression,  de  l'ac- 
cent et  parfois  beaucoup  d'éclat.  M.  Monjauze  n'a  pas  l'agréable  so- 
norité ni  la  vocalisation  facile  que  l'on  souhaiterait  au  chevalier  Huon. 
Il  chante  ce  rôle  avec  beaucoup  de  zèle.  C'est  toujours  un  mérite 
dont  il  faut  lui  savoir  gré.  Mlle  Girard  est  très-piquante  dans  le  rôle 
de  Fatime.  C'est  ce  qui  lui  arrive  à  peu  près  partout.  .MM.  Ribes,  Le- 
grand,  Leroy  et  Mme  Dubois  sont  fort  convenables  dans  les  autres 
rôles. 

Ajoutons,  pour  être  juste,  que  le  rôle  le  mieux  rempli  de  tous  est 
celui  de  l'orchestre,  qui  n'est  pas  le  moins  important. 

LÉON  DUROCHER. 


AUDITIONS  MUSICALES. 

MI1«  Ocfavîe  CaassemHle.—  Mlle  Cliarlotte  de  Tiefensée. 
Mlle  Marie  Trautmann.  —  SHvesIro  Klcosla. 

Devant  un  auditoire  des  plus  distingués  et  dans  les  salons  Erard, 
où  cet  hiver  tant  de  pianistes  se  sont  disputé  le  prix,  Mlle  Octavie 
Caussemille  a  produit,  l'autre  soir,  une  vive  sensation,  qu'aucun  bruit 
retentissant  n'avait  cependant  préparée. 

Mlle  Octavie  Caussemille  est  l'une  des  pianistes  qui  ont  le  mieux 
compris  que,  comme  les  autres  instruments,  le  piano  ne  devait  servir 
qu'à  charmer,  à  émouvoir,  et  pouvait  être  aussi,  quand  on  savait  en 
employer  toutes  les  ressource?,  pathétique,  varié,  et  riche  des  cou- 
leurs les  plus  opposées. 

Sauf  le  trio  en  ut  mineur  de  Mendeissohn,  où,  à  côté  d'un  art  in- 
fini, il  y  a  des  accents  si  chaleureux,  une  vivacité  si  entraînante  et 
une  inspiration  si  élevée,  la  brillante  artiste  n'a  guère  fait  entendre 


DE  PAHiS. 


155 


que  des  morceaux  aimables,  gracieux  et  chantants;  mais  elle  a  si  bien 
soupiré  les  molles  et  délicieuses  élégies  de  la  Somnambule;  elle  a 
mis  tant  de  pureté,  de  finesse  et  d'enjouement  en  disant  de  délicates 
et  élégantes  pièces  de  Lysberg  et  de  Gottschalk;  elle  a  si  bien  ex- 
primé, malgré  la  mâle  énergie  qui  distingue  son  talent,  ce  qui  convenait 
à  chaque  auteur,  que  tous  les  dilettantes  ont  été  enchantés  et  ne  se 
sont  point  inquiétés  de  savoir  si  toutes  ces  pages  étaient  bien  difficiles 
et  bien  compliquées.  Mlle  Octavie  Caussemille  fait  très-bien  saillir 
les  caractères  définitifs  de  chaque  école  ;  elle  rejette,  quand  elles  sont 
inutiles,  les  grandes  sonorités,  et  cherche  avant  tout  la  vérité  et  la 
beauté  du  style:  aussi  a  telle  pleinement  mérité  les  longd  applau- 
dissements qui  lui  ont  été  donnés,  et  sa  soirée  comptera-t-elle  parmi 
les  plus  jolies  soirées  de  la  saison. 

Les  variations  de  Franchomme  sur  un  thème  russe  et  sur  la  mélo- 
dieuse romance  de  la  Rose,  popularisée  par  le  grand  succès  de 
Martha,  ont  ravi  l'auditoire.  Ce  morceau  renferme  de  l'imagination 
et  du  savoir;  les  effets  sont  puisés  plutôt  dans  les  ingénieuses  combi- 
naisons de  l'harmonie  et  du  rhythme  que  dans  les  laborieuses  diffi- 
cultés et  les  sonorités  exagérées.  M.  Lebouc  l'a  parfaitement  inter- 
prété. M.  Marochelti,  les  frères  Guidon,  chanteurs  très-agréables, 
ont,  plus  que  Mlle  Dubois,  récolté  de  nombreux  bravos. 

—  Excellente  musicienne ,  renommée  pour  l'étendue  de  sa  voix 
(un  mezzo-soprano  très-riche  et  d'une  souplesse  remarquable),  pour 
son  style  large,  gracieux,  pour  son  intelligence  des  nobles  beautés 
de  l'école  allemande,  Mlle  Charlotte  de  Tiefensée  ne  pouvait  passer 
inaperçue  :  aussi,  quoiqu'à  cette  époque  on  déserte  volontiers  la  salle 
de  concert  pour  la  promenade,  avait-elle  réuni  la  semaine  dernière 
bon  nombre  d'auditeurs.  Tous  ont  été  charmés  de  l'expression  tantôt 
sobre,  hardie,  colorée,  tantôt  suave,  brillante  et  pathétique  qu'elle 
a  déployée  dans  la  romance  du  Prophète,  dans  Casta  Diva,  et  dans 
des  inspirations  de  Haendel,  de  Mozart  et  de  Rossini.  Les  gracieuses  et 
difficiles  variations  de  Proch,  des  chants  nationaux  russes,  espagnols, 
irlandais,  bohèmes,  tyroliens  et  hongrois,  qui  tous  avaient  une  sa- 
veur particulière,  quelque  chose  de  naïf,  d'énergique,  de  tendre  et 
de  passionné,  ont  permis  à  Mlle  Charlotte  de  Tiefensée  de  faire  ap- 
plaudir sa  vocalisation  nette  et  légère,  sa  manière  de  phraser,  qui, 
quoique  véhémente  au  besoin,  sait  toujours  se  renfermer  dans  les 
limites  tracées  par  le  goût  et  par  l'art.  Bien  que  Mlle  de  Tiefensée 
n'ait  pu  faire  apprécier  les  qualités  dramatiques  qui  lui  ont  valu  de 
si  beaux  succès  au  théâtre,  elle  a  néanmoins,  dans  plusieurs  morceaux, 
prouvé  que  sa  voix  et  son  talent  étaient  habitués  aux  accents  tra- 
giques . 

Mlle  Léonie  Tonel,  MM.  Edmond  Hocmelle  et  Bauerkeller  ont  très- 
agréablement  varié  les  plaisirs  de  celte  soirée. 

—  Mlle  Marie  Trautmann  fut  une  enfant  prodige;  on  applaudit  il  y 
a  quelque  dix  ans  à  ses  heureuses  dispositions  et  à  son  intelligence 
musicale.  Son  éducation,  on  le  sait,  fut  puisée  à  différentes  sources, 
et  la  moins  pure  assurément  n'est  pas  la  dernière,  car  Mlle  Trautmann 
obtint  le  premier  prix  au  Conservatoire  et  fit  le  plus  grand  honneur 
à  la  classe  de  Henri  Herz.  Le  talent  de  la  jeune  pianiste  n'a  point 
encore  toute  la  maturité  désirable,  mais  il  est  déjà  très -distingué,  et, 
cette  fois,  du  moins,  la  précocité  n'a  rien  eu  de  regrettable.  Avec 
MM.  MuUer  et  Bauerkeller,  elle  a  fort  bien  joué  le  trio  en  ré  mineur 
de  Mendelssohn  ;  puis,  seule,  la  belle  fantaisie  de  Thalberg,  où  brille 
entre  toutes  les  mélodies  la  ravissante  sérénade  de  Don  Juan,  si  ma- 
gniûquement  analysée  par  Alfred  de  Musset  : 

Une  mélancolique  et  piteuse  chanson, 
Respirant  la  douleur,  l'amour  et  la  tristesse. 
Mais  raccompaguement  parle  d'un  autre  ton. 
Comme  il  est  vif,  joyeux  !  Avec  quelle  prestesse 
Il  sautille  !  —  On  dirait  que  la  chanson  caresse 
Et  couvre  de  langueur  le  perfide  instrument; 
Tandis  que  l'air  moqueur  de  l'accompagnement 


Tourne  en  dérision  la  chanson  elle-même, 
Et  semble  la  railler  d'aller  si  tristement. 

Mlle  Marie  Trautmann  a  mieux  dit  encore  le  sixième  concerta  de 
Henri  ilerz,  qui  a  fait  grand  plaisir. 

I.a  jolie  voix  et  la  bonne  méthode  de  Mlle  Simon  Gorradi  ont  été 
très-remarquées  dans  l'aragonaise  du  Domitio  noir,  dans  la  Vision 
de  sainte  Cécile  de  M.  Lebouc.  Mlle  Simon  Corradi  a  été  d'autant 
plus  fêtée  que  dans  les  concerts  la  partie  vocale  est  ordinairement 
assez  médiocre. 

—  M.  Silvestro  Nicosia  est  un  violoniste  très -inégal,  quelque  peu  ex- 
centrique, comptant  trop  peut-être  sur  la  singularité  de  certains  traits, 
amoureux  surtout  de  capricieuses  fantaisies';  mais,  comme  presque 
tous  les  Italiens,  il  sait  faire  parler  son  instrument.  Il  en  tire  sinon  des 
choses  irréprochables,  du  moins  des  accents  toujours  pourvus  d'un 
certain  charme.  A  son  concert,  donné  dans  la  salle  du  Grand-Orient, 
il  a  été,  après  l'exécution  de  sa  rondo  polonaise,  très-chaleureuse- 
ment applaudi.  Mais  l'enchantement  de  cette  matinée  a  été  l'appa- 
rition de  Cario  Nicosia,  petit  virtuose  de  cinq  ans  et  demi.  Ce  ra- 
vissant enfant  (auquel  on  est  obligé  d'attacher  son  violon)  a  joué  un 
prélude  de  Bach  et  un  duo  de  son  père.  Brise  du  foir,  avec  une 
justesse,  un  aplomb,  une  expression  et  un  sentiment  musical  tout 
à  fait  extraordinaires.  11    a   été    accablé  de  bravos. 

Adolphe  BOTTE. 


MESSE  DE  NICOÏÏ-GEORON 

Exécutée  à  régSEse  «îc  la  UadfileiucQ 

Une  pieuse  et  généreuse  pensée  a  réuni  mercredi  dernier,  dans 
l'église  de  la  Madeleine,  une  belle  assistance,  venue  pour  entendre 
une  messe  à  orchestre,  une  grande  composition  de  M.  NicouChoron. 
Il  s'agissait  d'une  bonne  œuvre ,  de  secours  à  récolter  pour  les  an- 
ciens élèves  malheureux  de  cette  glorieuse  école  Choron  qui  a  existé 
peu  de  temps  et  laissé  cependant  de  si  durables  souvenirs. 

11  y  aura  bientôt  trente  années  que  je  rendais  compte,  dans  cette 
même  et  si  utile  feuille,  des  travaux  de  Choron.  Après  avoir  longtemps 
travaillé  à  la  renaissance  de  l'art  religieux,  dont  Choron  avait  mis  en 
lumière  les  chefs-d'œuvre,  j'ai  quitté  la  carrière;  et  pour  revenir  au- 
jourd'hui dans  la  Gazette  musicale  écrire  sur  la  musique,  il  faut  bien 
que  l'on  sache  que  ses  abonnés  lui  sont  fidèles  et  vivent  longtemps. 

Avant  de  parler  de  la  belle  exécution  de  mercredi  dernier,  je  de- 
mande la  permission  de  rappeler  en  peu  de  mots  quelle  fut  l'œuvre 
de  Choron. 

Au  commencement  de  ce  siècle,  il  y  eut  un  homme  de  génie  qui 
caractérisa  eu  deux  mots  le  mouvement  qui  allait  s'opérer,  la  réac- 
tion qui  allait  se  faire  dans  les  lettres  et  les  arts,  ce  fut  Chateau- 
briand, qui  rendit  sa  mémoire  impérissable  par  l'œuvre  intitulée  : 
Génie  du  christianisme.  Mais  le  génie  du  christianisme,  méconnu 
hélas!  depuis  trois  siècles  par  le  clergé  lui-même,  lequel  n'enseigna 
que  le  génie  du  paganisme  à  la  jeunesse  depuis  le  xvi"  siècle  jusqu'à 
la  révolution,  le  génie  du  christianisme,  dis-je,  embrassait  la  musi- 
que; il  avait  créé  dans  le  moyen  âge  l'harmonie  inconnue  de  ces 
Grecs  et  Romains  dont  la  musique  n'avait  rien  de  commun  ni  de 
comparable  avec  l'art  moderne;  le  génie  du  christianisme  avait 
donné  au  monde  Palestrina ,  et  avec  lui  une  foule  de  maîtres  égaux 
dans  leur  art  aux  architectes  qui  avaient  construit  nos  plus  belles 
cathédrales  gothiques,  aux  sculpteurs,  aux  peintres  de  vitraux  qui 
les  avaient  décoi^es,  égaux  aussi  aux  grands  peintres  de  génie  du 
xv"  et  du  xvi=  siècle. 

Tous  ces  grands  et  inimitables  créateurs  de  l'art  musical,  religieux, 
de  Palestrina  à  Marcello,  étaient  inconnus  de  la  société  oii  vécut  Choron, 
et  travaillant  sans  y   songer   peut-être,  mais  par  un  pur   et  noble 


156 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


instinct,  à  montrer  comme  Chateaubriand  la  puissance,  la  fécondité, 
la  variété  et  la  richesse  du  génie  chrétien ,  Choron  mit  en  lumière 
une  grande  collection  des  chefs-d'œuvre  inconnus  des  créateurs  de 
l'art  chrétien,  créa  une  école  pour  former  des  voix  et  des  artistes 
capables  de  les  exécuter. 

Voilà  l'œuvre  de  Choron,  elle  est  morte  avec  lui  ;  mais  dans  le  peu 
d'années  qu'elle  a  duré  elle  a  montré  par  ses  résultats  étonnants  ce 
qu'on  pourrait  en  France  si  l'idée  de  ce  régénérateur  de  l'art  avait 
été  encouragée  et  suivie. 

Choron  avait  le  don  particulier  de  savoir  deviner  les  facultés  et 
pressentir  l'avenir  des  enfants  ou  des  jeunes  personnes  qu'il  admet- 
tait à  son  école. 

Il  avait  rencontré  Rachel,  pauvre  petite  chanteuse  des  rues,  et  il 
prédit  tout  de  suite  qu'elle  serait  la  plus  grande  artiste  dramatique 
de  son  temps.  Il  avait  deviné  Duprez,  et  Duprez  avait  pris  chez  Choron 
dans  la  pratique  des  œuvres  anciennes,  le  sentiment  et  on  peut  dire 
le  génie  de  ce  chant  large,  noble  et  d'une  expression  profonde,  dont 
la  tradition  après  lui  risque  de  se  perdre.  Tous  les  artistes  sortis 
de  chez  Choron  et  qui  ont  marqué  ensuite  dans  l'histoire  de  l'art 
depuis  trente  ans  étaient  excellents  musiciens. 

Rien  de  rare  aujourd'hui,  excepté  parmi  les  instrumentistes,  comme 
un  véritable  musicien.  Choron,  qui  n'avait  qu'une  pauvre  petite 
école,  a  produit  des  hommes  comme  Dietsch,  l'éminent  chef  d'or- 
chestre, l'auteur  de  tant  de  belles  et  savantes  compositions  pour 
l'église  ;  r^icou-Choron,  le  digne  fils  de  Choron  par  son  alliance,  l'un 
des  compositeurs  qui  ont  le  plus  écrit,  pour  l'église,  de  la  musique 
bonne,  pratique,  variée,  d'un  bon  style,  et  appropriée  aux  ressour- 
ces du  temps. 

11  faudrait  des  pages  pour  nommer  tous  les  artistes  distingués,  qui 
ont  une  place  dans  l'histoire  de  la  musique,  et  qui  ont  été  décou- 
verts pour  la  plupart  et  tous  formés  par  Choron  et  dans  son  école. 
Hippolyte  Monpou,  Boulanger-Kuntz,  de  Lafage,  A.  Maillart,  Delsarle, 
Marié,  Wartel,  Jausenne,  Valiquet,  le  Prévost.  Parmi  les  femmes  qui 
ont  paru  avec  succès  au  théâtre,  je  citerai  Mme  Stoitz,  l'une  d.^s  plus 
vraiment  dramatiques  des  cantatrices  françaises,  Clara  Novello,  etl'ex- 
cellente  Élisa  Massy  qui  fit  longtemps  le  charme  de  l'Opéra-Comique. 

J'en  oublie  sans  doute  et  beaucoup  de  ceux  qui  ont  puisé  chez 
Choron  avec  les  connaissances  musicales,  le  goût  du  beau,  le  sen- 
timent des  grandes  œuvres,  tout  ce  qu'enfin  on  n'apprend  plus  guère 
ailleurs. 

Eh  bien,  parmi  les  anciens  et  nombreux  élèves  de  cette  excel- 
lente école  de  Choron,  il  en  est  qui  ont  passé  par  les  misères  de  la 
vie  d'artiste  ;  il  en  est  que  l'âge  atteint  et  condamne  à  l'inaction, 
d'autres  qne  les  maladies  frappent;  enfin,  il  y  a  là  des  secours  à 
donner,  des  infortunes  à  soulager,  et  M.  Nicou-Choron,  avec  le  con- 
cours de  ses  anciens  camarades  et  d'une  foule  d'artistes  qui  l'hono- 
rent et  qui  l'aiment,  a  eu  la  bonne  et  méritante  idée  de  faire  exé- 
cuter une  messe  pour  réunir  au  pied  des  autels  ceux  qui  unissent  au 
bon  goût  de  l'art  la  vertu  de  la  charité. 

Je  ne  puis  parler  longuement  de  la  belle  composition  de  M.  Nicou- 
Choron.  La  musique  doit  avoir  été  entendue  de  ceux  à  qui  on  en 
parle,  et  beaucoup  des  lecteurs  de  la  Gazette  musicale,  répandue  au 
loin  et  partout,  n'ont  pas  pu  assister  à  cette  excellente  audition.  Je  me 
bornerai  à  dire  que  la  musique  de  Nicou-Choron  en  général  et  celte 
messe  en  particulier,  est  d'un  caractère  religieux,  d'une  facture  dis- 
tinguée, d'un  bon  style,  enfin,  d'une  exécution  convenable  aux  res- 
s  ources  dont  on  peut  disposer  dans  les  églises.  Le  Kyrie  et  le  Saîic- 
ins  sont  remarquables,  le  Gloria  et  le  Credo  ont  particulièrement 
droit  aux  suffrages  des  connaisseurs.  L' Agnus  e?,l  un  chef-d'œuvre 
d'élégance  et  de  finesse,  en  même  temps  que  le  motif  est  plein  de 
douceur  et  de  distinction. 

Cette  grande  composition  a  été  très-bien  exécutée.  Cela  n'étonnera 


personne.  Les  exécutants    étaient  tous  des  artistes  très-distingués. 
Dietsch  conduisait  l'orchestre  et  Duprez  a  chanté. 

F.  DANJOU. 


ASSOCIATION  DES  ARTISTES  MSICIENS. 

Assemblée  générale.—  Banquet  annuel. 

L'assemblée  générale  de  l'Association  des  artistes  musiciens  s'est 
tenue,  comme  les  précédentes  années,  dans  la  grande  salle  du  Con- 
servatoire ,  sous  la  présidence  de  M.  le  baron  Taylor.  Les  membres 
présents  étaient  au  nombre  de  cent  quatre-vingt-dix. 

M.  Colmet-d'Aage  a  encore  cette  fois  présenté  le  rapport  sur  les 
travaux  de  l'année,  avec  ce  talent  qu'on  lui  connaît;  nous  en  ex- 
trayons les  passages  suivants  : 

«  Après  vingt  ans  d'existence,  nous  possédons  26,605  francs  de 
rentes,  représentant  un  capital  de  plus  de  580,000  francs.  Nous 
avons  distribué  à  neuf  cent  quarante-sept  sociétaires  différents  293,809 
francs  de  secours  et  pensions  ou  médicaments  donnés  h  nos  sociétaires 
malades,  et,  pendant  ces  vingt  années,  notre  recette  totale  a  dépassé 
1,100,000  francs. 

»  Pour  arriver  à  ces  résultats,  nos  ressources  ont  été  de  quatre 
sortes  :  les  messes  et  concerts  que  la  bienveillance  des  membres  du 
clergé  de  Paris  et  de  quelques  musiciens  illustres  nous  ont  permis 
d'organiser  au  profit  de  notre  œuvre;  les  dons  qui  nous  sont  remis 
par  quelques  personnes  généreuses;  le  montant  des  cotisations  ver- 
sées par  nos  sociétaires;  enfin,  les  sommes  provenant  des  rentes  ac- 
quises par  l'Association  depuis  son  origine.  » 

Ensuite  l'honorable  rapporteur  est  entré  dans  le  détail  des  so- 
lennités, messes,  concerts,  organisés  pendant  l'espace  de  douze  mois  : 
il  a  fait  connaître  les  libéralités  nombreuses,  recueillies  par  l'Associa- 
tion, nommé  ses  membres  les  plus  généreux,  et  puis  il  a  dit  : 

0  En  résumé,  nos  cotisations  ont  produit  en  1862,  23,831  fr.  50  c. 

1)  Nos  rentes  forment  notre  quatrième  branche  de  ressources. 

»  Nous  possédions,  au  31  décembre,  26,605  francs  de  revenus, 
savoir  : 

20,650  francs  en  renies  3  0/0  sur  l'Etat; 

5,955  francs  en  397  obligations  du  chemin  de  fer  d'Orléans,  avec 
revenu  garanti  par  l'Etat. 

»  Nous  avons  donné  en  pensions Fr.     23,i39  55 

»  En  secours 7,101  50 

»  Soit  un  total  de Fr.     28,541  05 

»  Et  cette  somme  dépasse  celle  dont  nous  pouvons  disposer.  » 
Après  ce  rapport,    salué   d'acclamations  unanimes,  M.    le   baron 
Taylor  a  remercié  l'assemblée  de  ses  sympathies,   en  lui   adressant 
une  de  ces  allocutions  qui  les  rendent  plus  vives  encore,  et  portent 
avec  elles  la  lumière  et  la  conviction. 

Nous  avons  déjà  donné  le  résultat  du  scrutin  pour  l'élection  et  la 
réélection  des  douze  membres  du  comité.  Ces  douze  membres  nom- 
més pour  cinq  années,  sont  :  MM.  Prumier  fils,  Deloffre,  Duzat, 
Proust,  Henri  Gautier ,  Richard  d'Ambricourt ,  Boneux,  Auguste 
Wolff,  Gustave  Héquet,  Werrimst.  Colin  et  Forestier. 

Enfin  le  banquet  annuel  offert  à  M.  le  baron  Taylor,  à  l'occasion 
de  sa  fête,  a  eu  lieu  vendredi,  dans  les  salons  de  Douix.  11  y  avait 
plus  de  cent  convives.  Des  toasls  ont  été  portés  et  des  discours 
prononcés  par  MM.  Edouard  Monnais,  pour  l'Association  des  artistes 
musiciens,  à  laquelle  appartenait  la  présidence  ;  Alexis  de  Fontenay, 
pour  l'Association  des  peintres,  sculpteurs,  architectes,  etc.;  Fran- 
çois, pour  l'Association  des  inventeurs  et  artistes  industriels;  Samson, 
pour  l'Association  des  artistes  dramatiques,  et  Leroy,  pour  celle  des 
membres  de  l'enseignement  et  professeurs.  Les  deux  sociétés  des  au- 


DE  PARIS. 


157 


leurs  et  compositeurs  dramatiques  et  des  gens  de  lettres  avaient 
aussi  leurs  représentants  dans  celte  réunion  de  famille  ;  M.  Valnay 
a  lu  le  toast  de  M.  Plouvier,  absent  pour  cause  d'indisposition  ,  et 
M.  Frédéric  Thomas  a  parlé  au  nom  des  gens  de  lettres.  M.  le  baron 
Taylor  a  répondu  à  tous  ces  discours  avec  la  plus  amicale  et  la  plus 
toucbante  effusion  C'était  la  quatorzième  fois  que  les  sociétés  créées 
par  lui  célébraient  sa  fête,  et  jamais  la  réunion  n'avait  été  plus 
animée  ni  plus  cordiale. 


Emile  Prudent  n'est  plus!  La  nouvelle  de  cette  mort  si  rapide,  si 
inattendue,  a  frappé  comme  un  coup  de  foudre  ses  amis,  ses  admi- 
rateurs, le  public  musical  tout  entier. 

11  était  né  à  Angoulême,  le  3  avril  1817;  à  dix  ans  il  fut  envoyé 
à  Paris,  pour  entrer  dans  la  classe  de  piano  tenue  par  Zimraerman, 
et  il  y  remporta  le  premier  prix. 

Mais  ce  n'est  pas  le  moment  d'entrer  dans  les  détails  d'une  car- 
rière entièrement  remplie  par  le  travail  et  les  succès. 

Emile  Prudent  était  le  pianiste  français  qui  pouvait  le  mieux  sou- 
tenir le  parallèle  avec  les  grands  artistes  étrangers. 

Hier  samedi,  ses  obsèques  ont  été  célébrées  à  Saint-Vincent-de- 
Paul,  au  milieu  d'une  foule  profondément  attristée  et  recueillie. 

M.  Deloffre,  prévenu  seulement  la  veille  des  funérailles,  s'est  em- 
pressé de  réunir  les  artistes  de  l'orchestre  du  théâtre  Lyrique,  qui  ont 
exécuté  plusieurs  morceaux  pendant  le  service  funèbre.  — ■  L'orga- 
niste de  l'église,  M.  Cavallo,  a  joué  sur  le  grand  orgue  trois  mor- 
ceaux d'un  beau  caractère. 


On  peut  remarquer  depuis  quelque  temps  une  progression  bien 
sensible  de  l'Italie  à  s'assimiler  les  œuvres  lyriques  do  la  scène  fran- 
çaise. Soit  que  sous  ce  rapport  les  richesses  de  son  propre  fonds 
s'épuisent,  soit  que  les  oreilles  italiennes  aient  découvert  dans  ces 
premiers  essais  autre  chose  que  l'attrait  de  la  nouveauté  et  se  soient 
ouvertes  à  des  mélodies  dont  il  fallait  bien  reconnaître  le  mérite, 
toujours  est- il  qu'après  avoir  commencé  par  les  grandes  œuvres  de 
Meyerbeer,  Auber,  Amb.  Thomas  sont  maintenant  en  voie  de  s'y 
naturaliser  et  de  s'y  faire  apprécier.  —  Cette  initiative  ne  pouvait 
manquer  d'avoir  du  retentissement;  l'exemple  a  gagné  l'Espagne  et 
le  Portugal,  et  dans  ces  dernières  Années  Robert  le  Diable,  les  Hugue- 
nots et  le  Prophète  y  ont  été  tour  à  tour  applaudis  avec  enthou- 
siasme. En  ce  moment  les  journaux  portugais  signalent  l'immense 
succès  que  vient  d'obtenir  sur  le  théâtre  d'Oporlo  l'opéra  des  Hugue- 
nots, représenté  pour  la  première  fois  le  26  avril,  devant  tout  le 
public  dilettante  de  la  ville  et  interprété  par  Bignardi  (Raoul),  Mme  De- 
jean  (Valentine),  Marinozzi  (Marcel),  Tagliapietra (Saint-Bris),  Mme Cas- 
telli  (Marguerite),  Buti  (Nevers),  et  Mme  Marini  (le  page). 

L'exécution  du  merveilleux  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer,  à  laquelle 
les  artistes  que  nous  venons  de  citer  avaient  consacré  de  sérieuses 
études,  a  soulevé  un  véritable  enthousiasme,  qui  n'a  fait  que  s'accroître 
à  la  deuxième  représentation. 

La  direction,  de  son  côté,  n'avait  rien  épargné  pour  se  mettre, 
pour  les  décors  et  la  mise  en  scène,  à  la  hauteur  de  l'œuvre,  donnée 
an  bénéfice  de  Bignardi.  L'orchestre  et  les  chœurs  ont  vaillamment 
secondé  les  artistes. 


CORRESPONDANCE. 

Londres,  14  mai. 

'Voici  que  les  flots  de  la  grande  marée  musicale  nous  envahissent  : 
c'est  ce  qu'on  appelle  être  en  pleine  saison,  et  en  vérité  je  ne  pense 
pas  qu'une  saison  puisse  l'être  davantage.  Dans  la  même  journée  on  a 
entendu,  au  Palais  de  cristal,  pour  l'inauguration  de  la  dixième  année, 


l'exécution  de  la  musique  coinposée  par  Mendelssohn  pour  Athalie.  L'or- 
chestre et  les  chœurs  ne  comptaient  pas  moins  de  deux  mille  cinq 
cents  artistes  ;  les  soles  étaient  chantés  par  Mmes  Parepa ,  Martin  et 
Sainton-Dolby.  Le  succès  a  dépassé  toute  attente.  La  grande  marche 
des  Lévites  a  été  redemandée  unanimement  par  les  quatorze  mille  au- 
diteurs, et  M.  Costa  n'a  pas  hésité  à  la  faire  redire. 

Le  programme  comprenait  encore  les  ouvertures  composées  par 
Meyerbeer  et  Auber  pour  l'Exposition,  entre  lesquelles  était  placé  le 
chœur  intitulé  Départ ,  de  ilendelssohn.  L'hymne  national ,  chanté  à 
l'unisson,  terminait  la  séance. 

Et  le  soir  Mme  Jenny  Lind-Goldschmidt,  assistée  de  Mme  Lemmens- 
Sherrington,  de  miss  Lascelles,  de  MM.  Montem-Smith,  Weiss  et  Gold- 
schmidt,  chantait  à  Saint-James-Hall  pour  l'hôpital  des  incurables  de 
Putney.  Dans  le  programme  figuraient  Vallegro  et  le  Pensenso  deHaondel, 
précédé  d'un  morceau  du  même  compositeur  pour  instruments  à  cordes. 
Depuis  '1813,  Vatleyro  et  le  Penseroso  n'avaient  pas  été  chantés;  c'était 
donc  une  nouveauté  pour  l'auditoire.  Les  airs  qui  formaient  le  lot  de 
la  célèbre  cantatrice  lui  ont  permis  de  prouver  qu'elle  n'a  rien  perdu 
de  son  art  suprême,  quoiqu'elle  ne  soit  plus,  quant  à  ses  moyens  phy- 
siques, la  Jenny  Lind  de  1817.  Les  autres  artistes  se  sont  montrés  à  sa 
hauteur. 

Le  nouvel  opéra  del  signer  Schira,  Nicolô  de'  Lajn,  donné  au  théâtre 
de  Sa  Majesté,  a  valu  au  compositeur  un  succès  d'autant  plus  méritoire 
qu'il  avait  à  lutter  contre  un  libretto  ingrat  et  confus.  M.  Schira  pos- 
sède à  fond  l'art  de  l'instrumentation,  et  s'il  n'arrive  pas  à  l'origina- 
lité, il  n'est  jamais  trivial.  Il  faut  citer,  comme  morceau  piquant  et  vrai- 
ment remarquable,  la  délia  mia,  mazurka  chantée  avec  un  gotlt  exquis 
par  Mme  Irebelli,  qui  nous  a  rapporté  cette  année  une  voix  plus  suave 
et  plus  fraîche  que  jamais.  Elle  a  partagé  les  honneurs  de  la  soirée  avec 
Mlle  Titjens,  qui  réussit  dans  son  rôle  autant  par  le  jeu  que  par  le 
chant.  N'oublions  pas  MmeFerraris,  qui,  dans  un  pas  ravissant,  la  Fiancée, 
a  enlevé  les  bravos  de  la  salle  entière. 

En  ce  moment,  on  répète  au  même  théâtre  le  Faust  de  Gounod, 
que  suivra  VOberon  de  Weber,  et  enfin,  pour  couronner  l'œuvre,  le 
Prophète  de  Meyerbeer,  aviic  Mme  Trebelli,  dans  le  rôle  de  Fidès. 

A  Covent-Garden,  Adelina  Patti  est  revenue  et  la  foule  avec  elle. 
C'est  dans  hs  Sonnambula  et  ensuite  le  Barbier,  qu'elle  a  fait  sa  rentrée. 
Dans  le  second  de  ces  opéras,  Mario  et  Ronooni  ont  été  admirables. 
Les  répétitions  de  Martha  touchent  à  leur  terme,  et  celles  de  l'Etoile  du 
Nord  vont  immédiatement  commencer.  Le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer 
est  attendu  avec  l'impatience  que  font  naître  toutes  les  productions  de 
l'illustre  maestro,  dont  la  popularité  a  singulièrement  grandi  depuis  son 
dernier  séjour  à  Londres. 

La  nouvelle  Patti  (Carlotta),  sœur  d'Adelina,  exerce  une  oHraction  pro- 
digieuse. Elle  doit,  il  est  vrai,  se  borner  aux  concerts,  mais  elle  n'y 
chante  pas  à  moins  de  2,625  francs,  et  tout  le  monde  veut  l'avoir.  Sa 
voix  est  sans  pareille  et  d'un  timbre  charmant;  elle  donne  le  la  suraigu 
avec  une  facilité  extraordinaire.  C'est  une  fureur  dans  toute  la  force  du 
mot. 

Vieuxtemps  nous  a  quittés,  après  avoir  obtenu  d'éclatants  succès  ; 
Alfred  Jaell  est  aussi  reçu  à  bras  ouverts  partout  où  il  se  présente,  k  la 
Société  philharmonique,  au  festival  du  l'alais  de  cristal,  à  la  Musical 
Union,  aux  concerts  d'Ella,  etc.  Voilà  ce  que  c'est  que  d'avoir  laissé 
d'excellents  souvenirs. 

T.  X. 


NOUVELLES. 


/„,  Lundi,  mercredi  et  vendredi,  le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a 
donné  le  ballet  de  Giselle,  et,  chaque  fois,  devant  une  salle  brillamment 
remplie.  S.  A.  I.  la  princesse  Mathilde  y  assistait  lundi,  et  elle  a  donné 
plusieurs  fois  le  signal  des  applaudissements.  La  façon  tout  à  fait  remar- 
quable dont  M.  rerrin  a  remonté  ce  ballet,  la  belle  décoration  du  second 
acte,  le  talent  incontestable  de  Mlle  MouraviefT,  justifient  d'ailleurs  lar- 
gement ce  succès.  Les  deux  nouveaux  pas  introdidts  par  la  jeune  dan- 
seuse russe  au  premier  et  au  deuxième  acte  du  ballet  soulèvent  des  bra- 
vos enthousiastes  et  mérités.  Nous  ne  devons  pas  omettre,  pour  être  justes, 
la  délicieuse  valse  de  BurgmuUer,  admirablement  dansée  par  Mme  Zina 
Mérante,  et  qui  ne  concourt  pas  médiocrement  à  l'attrait  de  la  repré- 
sentation. —  On  avait  annoncé  pour  hier  la  première  représentation  du 
Comte  Ory;  mais  un  nouvel  ajournement  a  dû  avoir  lieu  par  suite  d'in- 
disposition. —  Dulaurens  quitte  l'Opéra;  il  va  à  Lyon,  où  il  a  un  fort  bel 
engagement.  Mme  Leguine-Dulaurens  suit  son  mari  et  tiendra  l'emploi 
de  première  danseuse.  —  Au  mois  de  décembre,  Mlle  Beaugrand  cessera 
également  défaire  partie  de  la  danse;  elle  a  signé  un  engagement  pour 
Gênes. 

,*«  La  reprise  iTlaydée  attire  beaucoup  de  monde  au  théâtre  de 
l'Opéra-Comique.  Prilleux,  rétabli  de  son  indisposition,  y  a  repris  le 
rôle  de  Domenico.  La  Chanteuse  voilée  et  Lallah-Roukh  alternent  avec  le 
chef-d'œuvre  d'Auber. 


158 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


4%  Nous  avons  annoncé  la  prochaine  reprise,  par  la  direction  du 
théâtre  de  l'Opéra-Comique,  du  Diable  amoureux,  opéra  de  Saint-Georges 
et  Grisar,  que  les  auteurs  prétendent  avoir  le  droit  de  retirer  du  théâtre 
Lyrique,  où  il  fut  joué  dans  le  principe.  Mais  l'administration  de  ce  der- 
nier théâtre  leur  conteste  ce  droit  et  déclare  avoir  l'intention  de  le 
mettre  elle-même  immédiatement  à  l'étude.  Les  tribunaux  vont  être  ap- 
pelé.i  à  prononcer  sur  ce  conflit. 

»**  Au  nombre  des  artistes  italiens  que  nous  entendrons  cet  hiver, 
on  cite  comme  engagés  par  Jl.  Bagier  Mme  Lagrange,  Fraschini  et  le 
baryton  Giraldoni. 

^*»  De  retour  de  Marseille,  Mme  Carvalho  va  donner,  avant  son  dé- 
part pour  Londres,  six  représentations  de  Faw^t.  M.  Carvalho  a  eu  l'ex- 
cellente idée  d'engager  pour  la  seconder  Morini,  charmant  ténor  qui  a 
chanté  avec  succès  le  rûle  principal  de  cet  opéra  à  la  Scala,  à  Milan.  11  a 
débuté  hier  soir. 

^*,  Les  recettes  des  théâtres  impériaux  subventionnés ,  des  autres 
théâtres,  concerts,  cafés-concerts,  etc.,  se  sont  élevés  pendant  le  mois 
d'avril  à  la  somme  brute  de  1,625,102  fr.  21  c. 

^*»  Depassio,  qui  a  teni»  une  belle  place  à  l'Opéra,  obtient  en  ce  mo- 
ment de  grands  succès  à  Genève,  où  il  vient  de  donner  plusieurs  repré- 
sentations très-suivies.  Il  a  joué  trois  fois  Robert  le  Diable  et  chanté  des 
fragments  des  Huguenots  et  de  Guillaume  Tell,  aux  grands  applaudisse- 
ments du  public. 

,*4  Mme  Mayer-Boulart,  qui  a  fait  plusieurs  années  les  délices  du  pu- 
blic bruxellois  au  théâtre  de  la  Monnaie,  vient  de  donner  à  Lyon  et  à 
Strasbourg  des  représentations  qui  ont  attiré  la  foule.  Le  Domino  noir, 
les  Dragons  de  Villars,  la  Fille  du  régiment,  Faust,  lui  ont  fourni  dans 
ces  deux  villes  l'occasion  de  montrer  les  belles  qualités  qu'elle  possède 
comme  chanteuse  et  comme  comédienne  :  aussi  lui  a-t-on  prodigué  les 
applaudissements  et  les  rappels. 

,,*„,  Mlle  Wertheimber  vient  d'arriver  à  Alger,  où  elle  doit  donner  plu- 
sieurs représentations;  son  premier  début  aura  lieu  dans  Léonore  de 
la  Favorite. 

**»  M.  Merelli  fils  vient  d'engager  à  de  très-belles  conditions 
Mme  Trebelli  et  sou  mari,  le  ténor  Al.  Bettini,  pour  quatre  mois  à  partir 
du  1«'  janvier  prochain. 

^.*^,  !,a  direction  des  théâtres  impériaux  a  complété  le  personnel  de 
la  troupe  du  théâtre  italien  de  Saint-Pétersbourg,  en  engageant  pour  la 
saison  prochaine  le  ténor  Giuglini  et  la  basse  bouffe  Fioravanti. 

^*s^  Il  y  a  eu  jeudi,  jour  de  l'Ascension,  une  brillante  soirée  musicale 
dans  les  salons  de  S.  Exe.  le  ministre  d'Etat.  Plusieurs  morceaux  des 
Vêpres  siciliennes  de  Verdi,  qui  vont  être  remis  à  la  scène,  ont  été  chan- 
tés par  Mlle  Marie  Sax,  MM.  Bonnehée ,  Cazaux  et  Villaret.  L'auteur 
lui-même  a  accompagné  le  boléro  chanté  par  Mlle  Sax,  et  le  Miserere 
du  Trovatore  a  terminé  le  concert. 

t*^  Voici  la  liste  exacte  des  élèves  désignés  par  la  section  de  musique 
de  l'Académie  des  Beaux-Arts  comme  concurrents  pour  le  grand  prix 
de  composition  musicale  :  MM.  Massenet,  élève  de  MM.  Ambroise  "Tho- 
mas et  Reber;  Salomé,  élève  de  MM.  Ambroise  Thomas  et  François  Bazin; 
Danhauser,  élève  de  MM.  Halévy,  Reber  et  François  Bazin  ;  Constantin, 
élève  de  M.  Ambroise  Thomas;  Ruitz,  élève  de  M.  Leborne.  Hier,  sa- 
medi, ces  cinq  élèves  sont  entrés  en  loge.  i..a  cantate  choisie  a  pour  titre 
et  pour  auteur 

**„,  Mardi  dernier,  la  musique  de  la  gendarmerie  impériale,  sous  la 
direction  de  son  habile  chef,  M.  Riedel,  a  exécuté  plusieurs  morceaux 
dans  la  salle  d'Adolphe  Sax,  rue  Saint-Georges,  entre  autres  une  fantai- 
sie sur  Dun  Juan,  une  autre  sur  la  Favorite,  ta  Marche  hongroise  de  Liszt, 
arrangée  par  Riedel.  Il  n'y  a  que  des  éloges  à  donner  tant  au  choix  qu'à 
l'arrangement  de  ces  divers  morceaux,  ainsi  qu'à  leur  exécution  précise 
et  vigoureuse.  Dans  les  intermèdes,  on  a  entendu  aussi  un  fragment  du 
septuor  de  Beethoven,  transcrit  pour  la  famille  des  saxophones  et  fort 
bien  exécuté  par  les  élèves  de  M.  Adolphe  Sax.  Sur  le  nouveau  trom- 
bone à  pistons  de  ce  facteur,  M.  Hollebecke  a  fait  preuve  d'autant  de 
facilité,  de  rapidité  qu'il  serait  possible  d'en  montrer  sur  la  flûte. 

,j*,j  Hier  soir  a  dCi  avoir  lieu,  au  cirque  Napoléon,  le  beau  concert  or- 
ganisé au  profit  de  l'œuvre  de  Notre-Dame-des-Arts.  Tamberlick  est  re- 
venu exprès  de  Londres  pour  y  chanter. 

„*i^  Trente -six  musiciens  ont  pris  part  au  concours  ouvert  par  le  di- 
recteur de  l'Union  chorale,  M.  Ch.  SouUier,  dans  le  but  d'avoir  pour 
nos  orphéons  une  messe  écrite  pour  deux  ténors,  baryton  et  basse. 
Le  jury,  composé  de  MM.  Vervoitte,  A  Boïeldieu,  Deffès,  Gastinel,  Savart, 
Saint-Saens,  Sylvain  Saint  Etienne  et  Vialon,  a  décerné  trois  prix,  plu- 
sieurs accessits  et  des  mentions  honorables  à  MM.  Nicolini,  Tomadini, 
José  Barrière,  de  Cherbourg,  Ch.  Alwens,  etc.  Les  ouvrages  couronnés 
seront  exécutés  successivement  dans  les  diverses  églises  de  Paris  par  nos 
sociétés  orphéoniques.  On  ne  peut  qu'applaudir  et  porter  un  vif  intérêt 
à  l'initiative,  aussi  heureuse  qu'utile,  prise  par  M.  SouUier. 

.j*^,  La  Société  de  secours  pour  veuves  et  orphelins  d'arlistes  musi- 
ciens Haydn,  à  Vienne,  a  publié  son  rapport  annuel  ;  il  en  résulte  que 
l'Association  possède  un  capital  de  508,408  florins,  rapportant  25,59T 
florins  de  rente  par  an. 


^*^  La  Ronde  du  Brésilien,  voilà  certes  la  plus  ébouriffante  chanson 
qui  ait  été  imaginée  depuis  longtemps  et  qui  va  faire  courir  cent  fois 
de  suite  la  foule  au  Palais-Royal  pour  l'entendre  chanter  par  Brasseur 
et  Gil-Perez  dans  la  jolie  pièce  de  MM.  H.  Meilhac  .et  L.  Halévy.  Ce  ne 
sont  pas  seulement  les  paroles  bouffonnes  des  deux  spirituels  vaudevil- 
listes qui  provoquent  un  rire  inextinguible,  mais  c'est  une  des  plus  heu- 
reuses trouvailles  musicales  d'Offenbach,  une  des  plus  originales  mélodies 
que  le  fécond  compositeur  ait  jusqu'à  présent  puisées  dans  sa  fertile 
imagination.  Ou  nous  nous  tromperions  bien,  ou  le  succès  du  Sire  de 
Framboisy  et  du  fameux  Pied  qui  remue  va  être  dépassé. 

^*^  Samedi  soir  23  mai,  dans  la  salle  Herz,  Sivori,  qu'on  trouve  tou- 
jours prêt  quand  il  s'agit  d'une  œuvre  bienfaisante,  donne  avec  le  con- 
cours d'artistes  distingués  un  grand  concert  au  bénéfice  d'un  violon 
émérite  de  la  chapelle  de  Napoléon  I",  M.  Morena,  qui  d'ailleurs  mérite 
à  tous  égard  cette  preuve  de  sympathie  de  son  célèbre  confrère  et  de 
tous  ceux  qui  viendront  l'entendre. 

4.*»  Le  jeune  et  brillant  violoniste  Sarasate  poursuit  fort  heureuse- 
ment une  excursion  départementale.  Ses  concerts  attirent  la  foule,  et 
il  a  obtenu  un  immense  succès  à  Angoulème,  Périgueux,  Niort  et  Poi- 
tiers. 

^*,j  La  saison  des  eaux  d'Ems  est  ouverte  et  s'annonce  de  la  façon  la 
plus  brillante.  En  fait  de  représentations  théâtrales  inédites,  on  y  en- 
tendra l'opéra-comique  de  Nuittei-  et  Offenbach,  //  signor  Fagolto,  et 
celui  de  Deforges  et  de  Flotow,  Rob  Roy.  Ce  dernier  ouvrage  sera  inter- 
prété par  Mme  Cabel,  MM.  Duprez  fils  et  Guyot.  Le  théâtre  sera  desservi 
par  la  troupe  des  Bouffes-Parisiens,  augmentée  de  quelques  artistes  des 
théâtres  lyriques  de  Paris  et  par  une  troupe  de  vaudeville. 

^,*^  La  fête  donnée  au  Pré-Catelan  le  jour  de  l'Ascension,  au  bénéfice 
des  ouvriers  cotonniers,  favorisée  par  un  temps  superbe,  avait  attiré 
une  foule  considérable.  Les  corps  de  musique  de  la  garde  et  l'orchestre 
de  Musard  ont  été  à  la  hauteur  de  la  solennité. 

»**  Depuis  quelques  jours,  la  température  s'est  améliorée;  les  soirées 
plus  douces  permettent  d'aller  entendre  l'orchestre  du  concert' des 
Champs-Elysées,  si  parfaitement  dirigé  par  M.  Arban.  C'est  le  lieu  de 
rendez-vous  de  l'élite  de  la  société  parisienne. 

,"**  Au  Pré-Catelan,  l'excellent  orchestre  de  Musard,  la  riche  et  sa- 
vante composition  des  programmes,  le  talent  hors  ligne  des  solistes, 
le  mérite  incontestable  du  chef,  les  séductions  du  parc  et  la  belle  réu- 
nion de  bonne  société  qui  s'y  donne  chaque  dimanche  rendez-vous,  lé- 
gitiment hautement  les  succès  obtenus  par  les  concerts  Musard  dans  ce 
délicieux  salon  d'été  de  Paris. 

»*^  Le  compositeur  Ferdinand  Stegmayer  est  mort  à  Vienne  le  6  de 
ce  mois.  Comme  chef  d'orchestre,  il  était  sans  rival.  Dès  1828,  il 
dirigeait  l'orchestre  de  Kœnigstadt,  à  Berlin.  On  lui  doit  un  petit  nom- 
bre de  compositions  excellentes.  C'est  Stegmayer  qui  a  créé  à  Vienne 
la  Sing-Académie.  Il  lai.sse  une  veuve  et  un  enfant  absolument  sans 
ressources.  Immédiatement  après  son  décès,  le  comité  de  l'Association 
a  fait  remettre  100  florins  à  la  veuve  et  a  ouvert  une  souscription  en 
sa  faveur. 

,j*^  Au  mois  d'avril  est  mort,  à  Méran,  Antoine  Roth,  membre  de  la 
chapelle  de  la  cour  et  ancien  professeur  au  Conservatoire  de  Vienne. 

^*i.  On  annonce  à  Londres  la  mort  du  poëte  et  compositeur  populaire 
Charles  Glover  :  l'une  de  ses  chansonnettes,  Jeannette  et  Jeannot,  don- 
née par  Glover  en  cadeau  à  son  éditeur  ordinaire,  a  rapporté  plus  de 
100,000  francs. 


(CHRONIQUE    DÉPARTEMENTALE. 


^*^  Marseille.  —  Mme  Carvalho  vient  de  nous  faire  ses  adieux  dans 
une  deuxième  représentation  des  Noces  de  Figaro,  avec  les  deux  princi- 
paux airs  de  la  Reine  Topaze.  Cette  soirée  a  été  pour  la  grande  cantatrice 
l'occasion  d'une  magnifique  ovation.  A  peine  finissait-elle  les  dernières 
notes  des  merveilleuses  variations  du  carnaval  de  Venise,  au  bruit  des 
applaudissements  de  toute  la  salle,  que  le  régisseur,  s'approchant  de 
Mme  Carvalho,  lui  remit,  au  nom  de  l'assistance,  un  écrin  renfermant 
un  magnifique  bracelet  dont  l'artiste,  émue  au  dernier  point,  se  para 
sur-le-champ.  Mais  là  ne  devait  pas  s'arrêter  la  surprise.  Après  l'air 
de  rAbeille,  dit  sous  l'empire  de  cette  émotion,  un  temple  magnifique- 
ment illuminé,  et  habité  par  de  charmants  génies  qui  répandaient  des 
fleurs  autour  de  la  diva  fêtée,  descendit  du  cintre,  et  les  plus  jolies 
ballerines  du  théâtre  lui  offrirent  un  bouquet  phénoménal,  don  de 
M.  Ilalanzier  et  apporté  de  Gênes  pour  cette  occasion.  Reconnaissante 
d'une  pareille  manifestation,  Mme  Carvalho  a  consenti  à  se  faire  encore 
entendre  une  dernière  fois  dans  Lucie,  après  quoi  viendra  Marie  Cabel 
pour  lui  succéder. 

t'„  Saint-Germain-cn-Laye.  —  Depuis  les  loisirs  que  lui  a  fait  un 
beau  mariage,  Mme  Mackenzie,  née  Catinka  de  Dietz,  est  la  providence 
des  jeunes  artistes,  et  rien  ne  lui  coûte  pour  les  produire  dans  une  car- 
rière dont  les  commencements  sont  hérissés  de  tant  de  diflicultés.  De 
charmantes  matinées  musicales  dans  lesquelles  elle  prêche  d'exemple 


DE  PARIS. 


Î59r 


en  exécutant  avec  son  admirable  talent  les  belles  pages  des  maîtres 
classiques,  réunissaient  fréquemment  cet  hiver,  dans  la  villa  de  la  rue 
de  Sully,  toute  l'aristocratie  de  notre  petite  ville  en  même  temps  que 
des  sommités  de  l'art  et  de  la  critique  musicale,  venues  exprès  de  Paris 
pour  y  assister,  et  tout  disposées  à  encourager  ses  protégés.  Dans  la  der- 
nière de  ces  matinées,  donnée  pour  la  clôture,  se  coudoyaient  avec 
M.  Slolir,  le  chef  de  la  musique  des  guides,  et  ses  principaux  solistes; 
M.  Marotel,  le  chef  de  la  musique  des  chasseurs  de  la  garde;  Fréd.  Bris- 
son,  le  charmant  pianiste-compositeur;  le  jeune  Edm.  Guion,  créole,  de 
Buenos-Ayres,  dont  les  compositions  ne  sont  pas  moins  gracieuses  que 
bien  exécutées  par  lui;  P.  Rabaud,  violoncelliste  de  l'Opéra;  puis  les  jeunes 
élèves  lauréats  du  Conservatoire.  M.Vl.  Rougé  et  Jullia,  et  Mlle  Marotel, 
jeune  cantatrice  d'avenir,  maintenant  élève  de  Duprez.  Aussi  le  pro- 
gramme offrait-il  uo  attrait  supérieur  à  tous  les  précédents,  et  l'exé- 
cution ne  l'a  pas  démentie.  Nous  regrettons  que  l'espace  nous  manque 
pour  entrer  dans  tous  les  détails  des  morceaux  exécutés;  mais  nous 
pouvons,  en  mentionnant  les  principaux,  dire  qu'ils  ont  provoqué  tour 
ù,  tour  les  applaudissements  les  plus  chaleureux  et  les  plus  légitimes. 
Ainsi,  Mme  Jlackenzie,  dans  des  variations  de  Kalkbrenner  et  un  sep- 
tuor de  Hummel  où  elle  a  tenu  magistralement  la  partie  de  piano  ; 
M.  Guion,  dans  une  pensée  fugitive  de  Ghys,  pour  le  violon,  instrument 
qu'il  ne  possède  pas  moins  bien  que  le  piano  ;  M.  Rabaud,  en  chantant 
avec  le  sentiment  le  plus  exquis  sur  le  violoncelle  la  romance  de  la  Rose 
de  iJarta  ;  MM.  Verger  et  Favre,  flûte  et  clarinette  soli  des  guides,  l'un 
dans  un  solo  de  flûte  de  sa  composition  l'autre  dats  une  mélodie  de 
Schubert  ;  enfin  MM.  Rougé  et  Jullia  dans  un  duo  de  la  Reine  de  Chypre, 
et  Mlle  Marotel,  accompagnée  de  sa  sœur,  très-bonne  pianiste,  dans  la 
cavatine  de  Lucie  et  le  grand  air  de  la  Filte  du  régiment,  ont  véritable- 
ment lutté  de  talent  et  procuré  le  plus  vif  plaisir  à  l'auditoire. 

^*^  Rochefort.  —  La  troupe  d'opéra-comique,  dans  laquelle  brille 
Mme  Juliette  Borghèse,  vient  de  nous  donner  plusieurs  représentations, 
et  entre  autres  celle  du  charmant  opéra  de  Maillart,  les  Dragons  de 
Villars  dans  lequel  l'émiriente  cantatrice  a  créé  d'une  façon  si  remar- 
quable le  rôle  de  Rose  Friquet.  Elle  y  a  obtenu  un  véritable  succès 
d'enthousiasme  et  l'ouvrage  a  été  chaleureusement  applaudi. 

^*^  Metz.  —  Marta  et  les  Dragons  de  litlars  viennent  d'obtenir  un 
beau  succès.  Mlle  Borghèse,  qui  nous  a  donné  quelques  représentations, 
a  joué  dans  l'opéra  de  Maillart  le  rôle  de  Rose  Friquet,  qu'elle  a  créé  à 
Paris;  elle  y  a  provoqué  des  bravos  enthousiastes. 


0H3ONIQUE    ÉTRANGÈRE. 

»*»  Bruœelles.  —  Les  débuts  de  la  Compagnie  Merelli  ne  sont  pas 
heureux  jusqu'à  présent.  Le  Trovalore,  le  Barbier,  Don  Pasquale,  ont  été 
représentés  devant  les  banquettes.  —  Le  Roman  d'Elvire  passera  au 
premier  jour  pour  le  bénéfice  de  Jourdan;  Mlle  Wonrose  remplira  le 
rôle  de  la  marquise  de  Villa-Bianca,  qu'elle  a  créé  à.  Paris. 


/^  lierlin.  —  Le  8  mai,  les  époux  Griinbaum  ont  célébré  la  cinquan- 
taine. Tous  les  deux  ont  eu  dans  le  temps  une  brillante  réputation. 
Mme  Thérèse  Grûnbaiim  est  la  fille  du  célèbre  compositeur  Wenzemiiller; 
pendant  les  premières  dix  années  du  siècle,  elle  tenait  en  Allemagne  le 
sceptre  du  chant:  on  l'avait  surnommée  la  Catalan!  allemande.  C'est 
pour  elle  que  Weber  a  écrit  le  rôle  d'Eglantine,  dans  Euryanthe. 

,*,  Vienne.  —  La  troupe  de  Merelli  fils  donnera  des  représentations 
au  Karl-Theater  pendant  les  mois  de  février  et  mars  de  l'année  pro- 
chaine. Dans  cette  troupe  figurent  Mme  A.  Patti,  Trebelli  et  les  ténors 
Giuglini  et  Betlini.  —  La  messe  de  Robert  Schumann  a  été  exécutée  le 
même  jour,  3  mai,  dans  deux  églises  à  la  fois.  —  Mme  Fabri-Mulder 
restera  en  représentation  pendant  toute  la  saison.  —  Frederigo  Consolo, 
violoniste,  de  Florence,  qui  s'est  fait  entendre  dans  les  principales  villes 
d'Italie,  donne  actuellement  des  concerts  dans  notre  ville.  —  On  attend 
ici  Fr.  Liszt. 

,t*,j  Hambourg.  —  L'administration  ne  se  lasse  pas  de  nous  donner 
Robert  le  Diable,  et  le  public  ne  se  lasse  pas  d'accourir,  d'admirer  et 
d'applaudir.  Dans  la  dernière  représentation  du  chef-d'oeuvre,  Mme  Zirn- 
dorfer,  de  Francfort,  a  chanté  le  rôle  d'Alice;  Robzcek,  de  Dusseldorf, 
celui  de  Bertvam  ;  il  possède  une  voix  de  basse  imposante  qui  pourra 
gagner  encore.  Enfin,  Hagen  (Robert)  a  contribué  par  sa  voix  fraîche  et 
vigoureuse  à  former  un  ensemble,  dont  pourrait  être  fier  le  théâtre 
d'une  grande  capitale. 

^*^  Brunsicick.  —  On  parle  ici  d'un  festival  de  chant  dont  les  pro- 
portions dépassent  tout  ce  que  l'on  a  vu  chez  nous  dans  ce  genre.  11 
est  question  de  trois  mille  chanteurs  qui  prendraient  part  à  cette  fête 
grandiose. 

„,**  Franefort-sur-l'Oder.  —  Nous  avons  enfin  entendu  Dinorah,  la  ma- 
gistrale CLimposition  de  Meyerbeer.  Mlle  Odile  Bartsch  a  chanté  le  rôle 
principal  avec  beaucoup  de  goût  et  de  succès.  Lehmann-Hoël  et  Jseger- 
Corentin  se  sont  également  fait  applaudir.  Le  succès  de  l'œuvre  et  des 
exécutants  a  été  complet.  Ceux-ci  ont  eu  les  honneurs  du  rappel. 

^*^  Barcelone.  —  Mme  Borghi-Mamo  marche  ici  de  triomphe  en 
triomphe.  Le  dernier  et  Is  plus  brillant  est  son  interprétation  du  rôle 
de  Fidès  dans  il  Profeta.  Meyerbeer  pourrait  lui  décerner  une  couronne 
d'or  pour  l'âme  dont  elle  a  su  revêtir  cette  magnifique  création  de  Fi- 
dès, dans  laquelle,  comme  tragédienne  et  comme  cantatrice,  elle  laissera 
chez  nous  un  souvenir  impérissable. 

LeDirecleur  :  S.  OnFOCR  . 


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SXKAIISS.  —  Grand  galop.  I  C  MICHEIi.  —  Polka-mazurka. 

VAï^IçtJEX.  —  Valse  très-facile. 
Arrangement  à  quatre  mains  de  la  valse  de  MUSARD  et  du  quadrille   d'ARBAN. 


160 


REVUE  ET   GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIb. 


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Paris.  —  E.  GERARD  et  G'  (COMPAGNIE  MUSICALE),  18,  rue  Dauphine.  —  Paris. 


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I 
II. 


CHŒURS  EXÉCUTÉS  AUX  CONCERTS  POPULAIRES  PASDELOUP  LE  19  AVRIL  1863. 
SAIiOMOlV.— Oratorio.— A  flots  purs,  un  doux  eucens.  1  III.    liE  MESSBE.   —  Oratorio.  - 


r-  Retraites  secrètes,  soyez  discrètes. 


IV.      JTOâlJE. 


Alléluia  ! 

Roi  des  conquêtes. 


SOUS 

Malomon.  Oratobio.  Chœur. 
Qu'on  entende  nos  accents  ! 

SSalumio».  Oratorio.  Air. 
Trêve  aux  chants  amoureux  ! 

Salomon.  Oratorio.  Double  chœur. 
Assiégeons  et  terre  et  cieux! 

Salomoss.  Oratorio.  Double  chœur. 
D'un  amoursans  espoir  laissons  coulerlespleurs! 

Salomon.  Oratorio.  Air  et  Chœur. 
Tel  roule  en  bondissant. 

Salonion.  Oratorio.  Double  chœur. 
Louez  leSeigneurparlaharpe  et  par  vos  chants! 

Samson.  Oratorio.  Air  et  Chœur. 
Reviens,  Dieu  des  combats  I 

Samson.  Oratorio.  Chœur. 
On  veut  briser  le   roi  des  forts. 


PRESSE  LES  AIRS  ET  CHŒURS  SUIVANTS  : 


Sianison.  Oratorio,  .iir. 
Chœurs  radieux  des  brûlants  séraphins  ! 
lie  Uessie.  Oratorio.  Air. 

O  Christ,  roi   glorieux! 

Jatlas   Macbabée.  Or\tohio.  Récit  et  .iir. 
Sonnez,  clairons! 

•Iisidas  Blachabée.  Oratorio.  Chœur. 
Voici  l'appel  sanglant. 

Judas  Uaciiabce.  Oratorio.  Chœur. 
0  Dieu  que  tout  révère  I 
Israël  en  Egypte.  Oratorio.  DouWec/iœur. 
La  grêle  tombe  à  flots. 

Israël  en  Egypte.  Oratorio. Dou^/ecftœur. 
Moïse,  près  de  l'onde  soumise. 


Israël  en  Egypte.  Orxtorw.  Double  chœur. 
Je  célébrerai  le  roi  des  cieux. 

Sainte  Cécile.  Cantate.  Chœur. 
A  ses  accents  mélodieux. 

I.es  FAtes  «l'Alexandre.  Cantate.  Air. 
Quel  bruit  a  résonné,  quels  sombres  accords? 

Nymphe.  Cantate.  Air  el.  Chœur. 
Hâte-toi,  viens  ma  nymphe  auxbeauxyeuxnoirsl 

Acls  et  Cialatée.  Cantate.  Air. 
Chut  I  oiseaux  charmants  I 

Acis  et  Gnlatée.  Cantate.  Air. 
L'Amour,  dans  son  haleine,  soupire  douieraent. 

Acis  et  etalatée.  Cantate.  Chœur. 
Doux  amants,  le  destin  veut  vos  tourments. 

Saiil.  Oratorio.  Chœur. 
Envie,  fille  des  Enfers. 


POUR  PARAITRE  PROCHAINEMENT,  LES  ORATORIOS  SUIVANTS  COMPLETS  : 

SALOWION     -    LE  WIESSIE    -    JUDAS  MACHABÉE    -    ISRAËL  EN  EGYPTE 

{Les  autres  paraîtront  successivement.)         Cbaque  Oratorio  complet  :  3  fr.  »5  c.  net,         {Les  autres  paraîtront  successivement.) 

TRADUCTION    DE    SYLVAIN    SAINT-ÉTIENNE. 


Chez  Ci.  IÎI&AMI9US   et  S.  I9UF'OlJl£,  éditeurs,   103,  rue  de  Riclielieii,  au  t". 


ÉDITIONS    NOUVELLES: 


Transpositions  des  principaux  Airs  de  chant. 


2  bis.  Air  :  Plaisir  du  rang  suprême,  pour  mezzo-soprano 6     » 

5  bis.  Barcarolle  :  .imis,  la  matinée  est  belle,  pour  baryton. ....     3  75 
5  ter.  La  même,  transposée  pour  basse 3  7S 


12  bis.  Air  :  Du  pauvre,  seul  ami  fidèle,  pour  baryton 3     « 

13  bis.  Cavatlne:  Arbitre  d'une  vie,  pour  mezzo-soprano 3  IS 

1 5  bis.  Barcarolle  :  Voyez  du  haut  de  ce  rivage,  pour  baryton 2  50 


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Paroles  de  Scribe. 


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BUREAUX    A   PARIS  :    BOULEVARD    DES   ITALIENS, 


30^  Année. 

on  S'ABONNE  1 

Dans  les  Départements  et  à  l'Élranger,  chez  tous 
les  Marchands  de  Musique,  les  Libraires,  et  aux 
Bureaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


IVo  21, 


REVUE 


24  Mai  1803. 


pris:  de  L'ABONNEMENT: 

Paris. j 24fr.pQrai 

Départements,  Belgique  et  Suisse....     30  ti       id. 


Le  Jourual  paraît  le  Diniunche. 


GAZETTE 


— ^vAj  \A/\A/VVf 'dw^' 


SOMMAIRE.  — F.  Halévy;  Souvenirs  d'un  ami  pour  joindre  à  ceux  d'un  frère  j  à 
M.  Léon  Halévy  (6"  et  dernier  article),  par  Edouard  IHonnais.  —  Tliéâtre 
impérial  de  l'Opéra  :  reprise  du  Comie  Orij.  —  Concours  d'orphéons,  de  musi- 
que d'harmonie  et  de  fanfares,  à  Puteaux,  par  Uatbiea  de  Uonter,  — 

Nouvelles  et  annonces. 


F.  HALÉVY. 

Souvenirs    d'nn  ami  gionr  joindre  à  ceux  d'un  frère. 

A.  M.  LÉON  HALÉVY. 

(60  et  dernier  article)  (1). 

L'Académie  des  beaux-aris  n'avait  eu  depuis  son  origine  que  trois 
secrétaires  perpétuels  :  Lebreton ,  Quatremère  de  Quincy  et  Raoul 
Rochette  ,  tous  trois  venant  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  ou  de  la  classe  de  l'Institut  qui  en  tenait  la  place.  Ce  fut 
une  grande  nouveauté  de  voir  l'Académie  des  beaux-arts  choisir  son 
secrétaire,  sans  sortir  de  chez  elle,  dans  un  cercle  d'artistes  dont  la 
plupart,  relativement  au  talent  d'écrire,  n'avaient  pas  même  rang  d'a- 
mateurs. Le  choix  étant  reconnu  bon,  c'eijt  été  chose  toute  simple 
et  conforme  à  la  tradition  d'ouvrir  au  secrétaire,  ainsi  arrivé ,  les 
portes  de  l'Académie  française.  M.  Sainte-Beuve  a  fort  ingénieuse- 
ment caractérisé  les  trois  prédécesseurs  de  votre  frère  :  Lebreton, 
qui  datait  du  consulat,  raisonnable,  consciencieux,  mais  un  peu  sec; 
Quatremère  de  Qaincy,  qui  exerça  de  1816  à  1839,  savant,  profond, 
élevé,  mais  ennuyeux ,  impopulaire  et  paraissant  se  complaire  dans 
son  impopularité  ;  enfin,  Raoul  Rochette,  qui  écrivait  bien  et  ne  lisait 
pas  mal,  mais  qui  avait  un  air  de  recherche  et  de  prétention,  une 
certaine  fatuité  d'homme  et  d'orateur.  Halévy  se  présenta  sous  un 
aspect  tout  contraire  :  il  apportait  avec  lui  la  simplicité,  le  naturel, 
la  grâce  ;  il  avait  la  bienveillance  dans  les  yeux,  le  sourire  sur  les 
lèvres  ;  il  savait  intéresser,  attacher  et  souvent  égayer  son  auditoire  ; 
il  avait  ce  je  ne  sais  quoi  de  grave  et  de  doux  qui  fait  qu'on  vous 
écoute  et  qu'on  vous  aime.  Le  charme  opéra  sur-le-champ  :  dès  son 
début,  il  se  posa  en  maître,  quoique  la  seconde  partie  de  sa  notice 
sur  Pierre  Fontaine  fût  inférieure  à  la  première ,  et  que  l'ensemble 
péchât  par  défaut  de  proportions;  mais  il  se  corrigea  vite,  et  l'année 
suivante  on  put  voir  qu'il  avait  saisi  la  juste  mesure  dont  il  ne  de- 

(1)  Voir  les  n'-  12,  13,  16,  iB  et  20. 


vait  plus  se  départir.  Dans  des  genres  différents,  ses  notices  sur 
Adolphe  Adam  et  sur  Simart  me  paraissent  les  meilleures  qu'il  ait 
composées.  La  dernière,  qui  fut  son  chant  du  cygne ,  écrite  dans  les 
alternatives  d'une  santé  qui  ne  se  ravivait  que  pour  s'éteindre,  of- 
frait peu  de  ressources;  et  comme  je  le  disais  à  votre  frère,  en  le 
félicitant  d'avoir  si  bien  tiré  parti  d'un  tel  sujet  :  «  J'aimais  et  j'es- 
timais beaucoup  l'artiste,  me  répondit-il.  Je  trouvais  qu'on  ne  lui 
avait  pas  assez  rendu  justice,  et  je  tenais  à  lui  rendre  l'hommage 
qui  lui  était  dû.  » 

Tel  est  le  sentiment  qui  l'animait  toujours  lorsqu'il  prenait  la 
plume  :  il  ne  s'en  servait  que  pour  louer,  jamais  pour  blâmer  ou  mé- 
dire. On  chercherait  vainement  quelques  lignes  de  lui,  je  ne  dis  pas 
dirigées  contre  un  de  ses  confrères,  mais  qui  fussent  de  nature  à  lui 
causer  quelque  chagrin.  Dans  ces  articles  que  plusieurs  sollicitaient 
parfois  de  sa  complaisance  pour  une  de  leurs  productions  nouvelles, 
et  dans  lesquels,  pour  donner  du  poids  à  l'éloge,  il  fallait  bien  re- 
vêtir un  peu  la  robe  et  l'austérité  du  juge,  son  embarras  se  manifes- 
tait 1.^  où  commençait  le  devoir  d'aristarque.  On  a  retrouvé  dans  ses 
papiers  une  appréciation  inédite  de  Raymond ,  opéra  d'Ambroise 
Thomas.  Toutes  les  pages  laudatives  sont  écrites  franchement,  libre- 
ment ;  dans  les  autres,  qu'il  n'a  pas  terminées,  l'hésitation  se  mon- 
tre :  il  y  a  près  de  cent  ratures. 

Un  jeune  musicien  recevait  une  pension  de  sa  ville  natale,  à  la 
seule  condition  de  produire  chaque  année  un  certilicat  signé  d'un 
membre  de  l'Institut,  en  témoignage  de  son  travail  et  de  ses  progrès. 
La  première  année ,  le  jeune  homme  apporte  une  symphonie  ,  et 
Halévy  lui  délivre  le  précieux  visa.  L'année  suivante,  le  compositeur 
revient  avec  un  rouleau  de  musique;  Halévy  l'examine  rapidement 
et  dit  :  «  C'est  une  symphonie  !  il  me  semble  même  que  je  l'ai  déjà 
vue  l'année  dernière  ?  N'importe,  cette  fois  je  la  trouve  meilleure, 
et  je  vais  vous  donner  votre  certificat.  » 

Non  moins  modeste  que  bienveillant  et  indulgent,  Halévy  se  dé- 
fendait d'être  un  homme  de  premier  ordre.  A  propos  d'une  reprise  de 
Moïse  à  laquelle  il  venait  d'assister  :  «  Nous  autres ,  me  disait-il, 
nous  mettons  une  pièce  en  musique,  mais  là,  l'inspiration  vient  d'ail- 
leurs :  c'est  du  génie  pur  !  » 

Les  deux  volumes  publiés  sous  le  titre  de  Souvenirs  et  Portraits, 
l'un  par  votre  frère  lui-même,  l'aulre  après  sa  mort,  ne  contiennent 
pas  encore  tous  les  écrits  sortis  de  sa  plume.  Il  faut  y  joindre  ses 
Leçons  de  lecture  musicale,  qui  lui  imposèrent  une  tâche  si  pénible, 
et  tous  les  travaux  que  réclamaient  d^  lui  les  diverses  commissions, 
dont  il  était  l 'âme,  et  ce  Dic/ionnaire  de  la  tangue  des  beaux-arts, 
qui,  après  un  demi-siècle  d'immobilité,  reçut  de  sa  main   le  meuve- 


162 


REVUR  ET  GAZETTE  MUSICALK 


ment  et  la  vie.  De  même,  il  faudrait  ajouter  à  la  liste  de  ses  opéras, 
le  Prométhée  enchavié,  dont  il  composa  la  musique  sur  le  texte 
d'Eschyle,  traduit  par  vous,  et  dans  lequel  il  voulait  essayer  l'emploi 
du  quart  de  ton,  l'un  des  éléments  de  la  gamme  enharmonique  des 
Grecs.  C'est  vous  aussi  qui  lui  aviez  fourni  les  paroles  d'une  cantate 
avec  chœurs,  les  Plages  du  Nil,  pour  la  fête  donnée  en  1846  par  le 
ministre  de  l'instruction  publique  à  Ibrahim-Pacha,  vice-roi  d'Egypte. 
Vous  avez  souvent  et  beaucoup  travaillé  aux  poëmes  dont  votre  frère 
composait  la  musique  :  vous  y  avez  fait  d'heureux  changements,  vous 
en  avez  écrit  plusieurs  morceaux  devenus  populaires.  Les  auteurs  de 
ces  poëmes  vous  remerciaient  des  importants  services  que  vous  leur 
rendiez,  mais  le  public  n'en  savait  rien.  A  l'exception  du  Dilettante 
d'Avignon,  vous  n'avez  jamais  donné  d'opéra  seul  avec  votre  frère, 
et  ce  ne  fut  ni  sa  faute  ni  la  vôtre.  Vous  ne  demandiez  pas  mieux 
l'un  et  l'autre  que  de  vous  associer,  mais  les  bizarres  conditions  qui 
président  aux  arrangements  de  théâtre  s'y  opposaient  toujours.  Dans 
toute  sa  carrière,  votre  frère  n'a  guère  connu  que  trois  collaborateurs, 
M.  de  Saint-Georges  et  Scribe  pour  le  public,  et  vous  pour  l'intimité. 
C'est  avec  M.  de  Saint-Georges  qu'il  avait  fait  son  début,  en  donnant 
l'Artisan;  c'est  avec  lui  qu'il  avait  composé  la  Magicienne,  son  der- 
nier ouvrage  représenté,  avec  lui  qu'il  travaillait  à  ce  Noé,  dont  le 
grand  compositeur  n'a  pu  achever  la  partition. 

La  musique  de  Noé,  la  notice  sur  Simart,  et  le  commencement 
d'un  traité  de  la  musique  destiné  à  l'Encyclopédie  nouvelle  de 
MM.  Emile  et  Isaac  Pereire,  sorte  de  préface  élégante  et  gracieuse, 
conservée  par  vos  soins,  telles  ont  été  les  occupations  suprêmes  de 
cet  artiste,  de  cet  écrivain,  qui  ne  voulait  pas  admettre  le  repos 
comme  une  des  nécessités  de  la  vie.  Il  fallut  bien  s'y  résigner  pour- 
tant, lorsque  les  forces  défaillirent  :  il  fallut  partir  à  la  hâte  et  se  ré- 
fugier sous  un  ciel  plus  doux,  pour  jouir,  au  mois  de  janvier,  des 
rayons  du  soleil.  Il  partit  donc,  et  nous  laissa  plein  d'un  espoir,  que 
ses  lettres  si  bonnes  et  si  spirituelles  vinrent  bientôt  augmenter.  Je 
m'étais  rencontré  avec  lui,  à  notre  dîner  du  second  lundi,  peu  de 
jours  avant  son  voyage,  dont  il  n'était  même  pas  question  encore. 
Une  seule  chose  m'avait  causé  non  pas  de  l'inquiétude,  mais  une 
certaine  surprise.  J'avais  remarqué  que  par  intervalles  il  restait  si- 
lencieux entre  ses  deux  voisins ,  deux  amis  ,  et  comme  étranger  à 
la  conversation  générale  ;  mais  en  nous  séparant,  nous  parlâmes  du 
Conservatoire,  et  il  me  proinit  de  venir  aux  examens  de  chant  qui 
devaient  avoir  lieu  la  semaine  suivante. 

J'ai  annoncé  que  je  publierais  ses  deux  lettres  datées  de  Nice;  les 
voici  : 

»  Nice,  samedi  4  janvier  1862. 

»  Mon  cher  ami, 

t  Je  suis  parti  de  Paris  si  précipitamment  qu'il  m'a  été  impossible  de 
vous  aller  voir.  J'ai  fait  comme  les  marins  qui  fuient  devant  le  mauvais 
temps,  et  je  me  suis  hâté  de  mettre  toutes  voiles  dehors.  Nous  avons 
trouvé  en  effet  ici  le  printemps  avec  tous  ses  accessoires,  et  je  m'en 
trouve  bien. 

»  Donnez-moi  des  nouvelles  de  Paris,  mon  cher  Monnais.  Que  fait-on 
dans  ce  gouffre?  Comment  se  comporte  cet  immense  atelier?  Les  théâ- 
tres chantent-ils  bien?  Quelque  nouvelle  étoile  s'est-elle  levée?  Satis- 
faites ma  curiosité,  quand  même  vous  devriez  inventer  un  peu. 

j>  Moi ,  je  n'ai  rien  à  vous  dire.  Le  soleil  est  beau  ;  mais  qu'importe 
aux  habitants  de  la  rue  Saint-Georges  1 

Continuée  lundi  6,  mise  à  la  poste  le  1. 

»  Ils  n'en  ont  pas  besoin,  la  neige  leur  suffit. 

i>  Je  suis  un  peu  fatigué  d'une  grande  promenade  que  nous  venons  de 
faire.  Je  ne  vous  écrirai  pas  longuement.  iNous  venons  de  faire  une  vi- 
site à  Alphonse  Karr.  Je  recevrais  beaucoup  de  monde  ici,  si  je  voulais, 
mais  je  cherche  avant  tout  le  repos.  Donnez-moi  force  nouvelles.  Quand 
jouera-t-on  l'ouvrage  de  Gounod? 

»  Au  premier  diner  du  lundi,  c'est-à-dire  lundi  prochain,  parlez  à  nos 
amis  de  mes  bons  souvenirs.  Si  je  pouvais  leur  envoyer  un  oranger  sur 
pied  ou  un  petit  palmier,  je  le  ferais  volontiers.  Qu'on  boive  à  ma  santé, 
si  on  en  a  le  temps,  et  dites  à  Trousseau  et  à  Demarquay,  qui  m'ont 
envoyé  à  INice,  que  je  me  trouve  bien  jusqu'ici  d'avoir  suivi  leur  con- 


seil. Remerciez  Auber,  qu!  m'a  gracieusement  octroyé  mon  congé,  et 
recevez  mille  vieilles  et  bonnes  amitiés. 

»  F.  Halévy. 
"  Villa  Masclet,  rue  de  France.  » 


ce  Nice,  rue  de  France,  vendredi  31  janvier. 
»  Mon  cher  ami, 

»  Ne  croyez  pas  que  je  vous  écrive  pour  avoir  des  nouvelles.  Je  sais 
ce  qui  se  passe  à  l'Opéra-Comique.  Je  connais  la  restauration  Perrin  : 
lui-même  me  l'a  apprise. 

«Non;  je  vous  écris  parce  que  je  suis  un  grand  coupable;  vous 
m'avez  écrit  une  lettre  charmante  que  j'ai  lue  avec  le  plus  vif  plaisir 
Vous  m'avez  transpais  des  souhaits,  des  vœux,  qui,  dictés  ainsi  du  fond 
du  cœur,  ne  peuvent  manquer  de  s'accomplir;  autrement  à  quoi  servi- 
raient les  vœux? 

i  Si  je  ne  vous  ai  pas  répondu  plus  tôt,  c'est  toujours  à  cause  de  ma 
maudite  paresse.  Mais,  en  étant  paresseux,  je  me  repose;  en  me  repo- 
sant j'obéis  au  docteur;  nesuis-je  pas  dans  mon  droit  et  très -excusable, 
si  ce  n'est  envers  moi-même,  qui  m'avise  souvent  d'avoir  des  remords? 
Quelle  faiblesse! 

»  Écrivez-moi,  mon  cher  Monnais,  car  si  je  ne  commets  pas  l'indis- 
crétion de  vous  demander  des  nouvelles,  je  ne  vous  empêche  pas  de 
m'en  donner  ;  ne  vous  gênez  pas.  Vous  devez  savoir  une  foule  de  propos, 
de  cancans,  d'historiettes.  Soyez  donc  mon  Tallemant  des  Réaux.  Il  doit 
y  avoir  en  ce  moment  bien  des  criailleries,  quelques  tempêtes  peut-être; 
si  vous  pouvez  me  les  envoyer,  elles  ne  troubleront  pas,  j'espère,  la 
sérénité  de  notre  ciel,  qui  a  repris  son  éclat,  car  nous  avons  eu  ici 
huit  jours  d'hiver,  bise,  froidure  et  même  échantillon  de  neige.  Il  y  a 
ici  un  grand  saint,  nommé  saint  Alexandre,  qui  fait  pleuvoir  à  volonté. 
On  a  fait  des  processions;  mais  le  saint  s'est  trompé  et  a  envoyé  de  la 
neige,  tandis  que  les  Niçois  demandaient  de  l'eau.  C'est  sa  seconde  gau- 
cherie. 11  y  a  une  quinzaine  d'années,  il  a  envoyé  un  tel  déluge  qu'il  a 
fallu  le  laisser  tout  seul  au  milieu  de  la  rue.  Pardonnez-moi  cette  petite 
chronique  locale  :  je  n'ai  pas  de  cette  ville  bénie,  calme  et  confite  dans 
les  orangers,  d'autre  nouvelle  à  vous  donner. 

»  Mille  bonnes  et  tendres  amitiés,  mon  cher  Monnais,  et  mille  hom- 
mages à  madame  Monnais;  rappelez-moi  aux  amis  qui  pensent  à  moi; 
c'est  inutile  pour  les  autres. 

»  F.  Halévy.  » 

Qui  donc  aurait  prévu  que  ces  lettres  seraient  les  dernières  ? 

C'en  était  fait  pourtant  :  la  vie  allait  abandonner  celui  qui  la  pos- 
sédait si  pleine  et  si  riante.  Halévy  ne  devait  plus  rentrer  dans  Paris 
que  pour  y  être  pleuré  de  tous  ceux' qui  l'avaient  aimé,  admiré,  que 
pour  y  devenir  l'objet  d'une  de  ces  grandes  manifestations  qui 
prennent  le  caractère  d'un  deuil  national.  Toutes  les  voix  s'unissaient 
alors  en  un  concert  de  regrets  et  de  louanges;  la  malignité,  l'envie,  se 
cachaient  dans  l'ombre.  L'heure  de  la  justice  était  enfin  venue  : 
extinctvs  amabiivr  idem.  Après  sa  mort  on  lui  prodiguait  l'encens, 
comme  de  son  vivant  on  ne  lui  avait  épargné  ni  le  dédain  ni  l'injure. 
Je  connais  des  gens  convaincus  que  votre  frère  n'a  pas  seulement 
succombé  à  l'excès  d'un  labeur  opiniâtre,  mais  que  la  critique  l'a 
tué.  La  critique  !  En  effet,  elle  l'a  souvent  traité  avec  une  rigueur 
bien  cruelle.  Quand  on  songe  que,  non  contente  de  signaler  ses  fautes 
et  ses  faiblesses,  elle  l'a  poursuivi  dans  ses  plus  belles  inspirations  ! 
Par  exemple,  cet  air  sublime  de  la  Juive,  dans  lequel  Halévy  respire 
tout  entier,  ne  l'a-ton  pas  accusé  de  l'avoir  volé  à  Grétry  ?  Pour  les 
myopes,  il  est  vrai,  toutes  les  physionomies  se  ressemblent,  et  il  y 
a  beaucoup  de  myopes  en  musique.  Ceux-là  n'aperçoivent  que  la 
disposition  identique  de  quelques  notes,  et  ne  tiennent  compte  ni  de 
la  diversité  profonde  du  sentiment,  ni  de  celle  de  la  forme  et  du  dé- 
veloppement de  l'idée.  Pour  eux  le  point  de  départ  est  tout,  le  reste 
rien  ;  et  le  reste,  c'est  précisément  l'œuvre  individuelle,  originale  de 
l'artiste  ! 

Pour  Halévy,  la  critique  n'était  pas  toujours  une  douleur,  quel- 
quefois c'était  un  aiguillon.  Je  lui  ai  entendu  dire  :  «  Quand  un 
1)  ouvrage  n'a  pas  réussi  autant  qu'on  l'espérait,  il  faut  en  fjire  un 
»  autre,  et  ne  pas  s'obstiner  à  gémir.  »  Mais  alors  il  était  encore 
jeune,  il  se  sentait  de  la  force  et  du  temps.  Plus  tard  l'aiguillon  le 
blessa  autant  qu'un  poignard.  Si  la  critique  savait  combien  elle  a  de 
manières    d'être   désagréable,  dangereuse,  et  combien   peu   d'être 


DE  PAiiiS. 


163 


utile  !  Il  faut  l'avoir  mesurée  à  la  taille  d'un  esprit  supérieur  ;  il  faut 
pour  ainsi  dire,  en  avoir  suivi  la  clinique,  en  tâtant  le  pouls,  en 
écoutant  battre  le  cœur  d'un  grand  artiste,  pour  réduire  ses  procédés 
à  leur  juste  valeur.  Que  servent,  par  exemple,  ces  éternels  parallèles 
entre  des  talents  contemporains  ?  Pourquoi  ce  cliquetis  de  contrastes 
et  d'antithèses  ?  Pour  arriver  à  cette  démonstration  que  l'un  n'a  pas 
les  qualités  de  l'autre,  et  que  celui-ci  est  peut  être  préférable  à  celui- 
là.  Du  moins,  avant  d'écrire  la  comparaison  de  ses  héros,  le  vieil  et 
bon  Plutarque  attendait  qu'ils  ne  fussent  plus  de  ce  monde,  et  ne  les 
humiliait  pas  à  bout  portant.  Et  d'ailleurs  quelle  manie  que  d'aller 
sans  cesse  distribuant  les  places,  comme  on  le  fait  au  collège  !  Quelle 
prétention  que  de  déterminer  au  juste  le  point  oh  Dnit  le  talent,  oià 
commence  le  génie  !  Il  va  sans  dire  que  le  plus  sûr  moyen  d'insulter 
un  homme  de  génie,  c'est  de  ne  lui  accorder  que  du  talent. 

La  critique  est  dans  son  tort  lorsqu'elle  ne  songe  qu'à  flatter  les 
passions  d'un  public  toujours  jaloux,  même  de  ceux  qui  le  charment 
et  l'amusent,  parce  qu'ils  s'élèvent  au-dessus  de  lui.  Elle  est  dans  son 
tort,  quand  elle  exige  du  même  artiste  des  qualités  inconciliables,  et 
qu'elle  demande,  comme  elle  l'a  fait  cent  fois  pour  une,  à  pro- 
pos d'Halévy  :  —  Pourquoi  n'êtes-vous  pas  Hérold  ?  L'auteur  de  la 
Juive  n'aurait  eu  qu'à  lui  répondre  :  —  Parce  que  je   suis  Halévy. 

La  critique  n'est  vraiment  bonne  que  lorsqu'elle  anime,  soutient, 
encourage;  lorsque,  sous  prétexte  de  l'amour  du  beau,  elle  ne  se 
permet  pas  des  choses  assez  laides,  et  que,  sous  prétexte  d'enthou- 
siasme pour  les  morts,  elle  n'immole  pas  sans  pitié  les  vivants.  Com- 
ment se  croirait-elle  le  pouvoir  de  commander  aux  artistes  puisque 
les  artistes  ne  l'ont  pas  eux-mêmes  ?  Si,  comme  Dieu  l'a  voulu,  le 
style  est  l'homme,  comment  forcer  l'homme  à  changer  de  style?  Le 
sublime  de  la  critique  serait-il  de  contraindre  l'artiste  à  faire  autre- 
ment qu'il  ne  sent  et  plus  qu'il  ne  peut?  La  critique  bourdonne  de 
ci,  bourdonne  de  là;  mais  elle  ne  refait  pas  la  nature,  pas  plus  qu'on  ne 
dirige  les  ballons  malgré  les  vents  du  ciel.  La  critique  est  donc  à  peu 
de  chose  près  cette  mouche  de  la  fable,  qui  pique  l'un,  pique  l'autre, 
et  s'imagine  que  sans  elle  rien  ne  marcherait?  Qu'importe, 
si  elle  a  de  l'esprit,  du  goût,  de  la  politesse,  si  les  ignorants 
la  trouvent  savante  et  qu'elle  leur  procure  d'agréables  mo- 
ments? L'essentiel  est  qu'elle  ne  devienne  jamais  cette  mouche 
empoisonnée  dont  le  pauvre  Henri  Murger  a  tracé  l'épopée  funèbre, 
et  qui  ne  s'arrête  sur  sa  victime  que  pour  déposer  la  mort  avec  son 
venin. 

Pardonnez-moi,  mon  cher  Léon,  ces  réflexions  si  amères  et  si 
tristes;  mais  j'ai  vu  de  près  tant  de  douleurs,  j'ai  surpris  tant  de  tor- 
tures, et  d'angoisses  que  je  ferais  tout  au  monde  pour  en  éloigner 
le  fatal  retour.  Halévy  m'approuverait  s'il  était  encore  avec  nous, 
il  m'exhorterait  à  défendre  une  cause  qu'il  plaidait  lui-même  avec 
éloquence,  en  publiant  ce  qu'il  avait  senti  et  pensé,  lui,  le  grand 
artiste,  le  digne  frère,  l'excellent  ami  ! 

Edouard  MONNAIS. 


THEATRE  IMPÉRIAL  DE  L'OPERA. 

Beprîse  du  Cotnte  Ory. 

M.  Emile  Perrin  fait  en  ce  moment  la  seule  chose  raisonnable  et 
possible.  11  met  en  ordre  ce  qu'il  possède  ;  il  rajeunit,  répare  de  son 
mieux  la  collection  des  anciens  chefs-d'œuvre,  en  attendant  qu'il  en 
arrive  de  neufs.  Le  Comte  Ory  devait  passer  un  des  premiers,  à  cause 
de  sa  valeur,  de  sa  date,  et  aussi  de  l'utilité  dont  il  sera  pour  le 
service  du  répertoire.  Si  jamais  chef-d'œuvre  a  été  composé  en  dé- 
pit de  toutes  les  rt'gles,  c'est  assurément  celui-là  :  libretto  taillé  dans 
l'étoffe  d'un  vaudeville  français,  musique  composée  d'abord  sur  un 


canevas  italien,  et  voilà  comment,  le  génie  aidant,  un  travail  de  cir- 
constance s'est  transformé  en  une  œuvre  immortelle. 

Demander  aujourd'hui  que  tous  les  rôles  en  soient  chantés  avec 
le  même  talent  que  dans  l'origine,  ce  ne  serait  guère  plus  sage  que 
si  du  Comte  Orij  de  1828,  on  voulait  refaire  le  Viaggio  à  Reims  de 
1825.  Au  lieu  et  place  d'Adolphe  Nourrit  et  de  Mme  Damoreau,  qui 
ne  sont  plus,  de  Levasseur  qui  ne  chante  qu'à  la  ville ,  acceptons 
donc  Warot,  Mme  Vandenheuvel-Duprez,  Obin  ,  qui  ont  bien  aussi 
leur  mérite.  Warot,  il  faut  lui  rendre  cette  justice,  continue  de  mar- 
cher de  progrès  en  progrès.  Il  lui  reste  encore  quelque  gravier 
dans  un  coin  du  larynx  :  sa  voix  n'a  pas  toute  la  souplesse  et 
la  légèreté  désirables,  mais  il  chante  avec  goût,  avec  charme  ;  il 
a  fort  bien  dit  sa  partie  du  trio  :  à  la  faveur  de  cette  nuit  obscure  ; 
il  a  des  notes  de  tête  d'une  exquise  pureté. 

Mme  Vandenheuvel-Duprez  était  encore  un  peu  souffrante  :  on 
s'en  doutait  d'abord  à  sa  coiffure,  qui  avait  l'air  d'un  bonnet  de  nuit. 
Elle  n'en  a  pas  moins  fait  preuve  de  ce  talent  courageux,  conscien- 
cieux, qui  grandit  devant  l'obstacle,  et  dont  l'Elvire  de  la  Muette  a 
marqué  l'apogée.  Obin,  qui  joue  fort  bien,  s'est  permis  un  luxe 
presque  italien  de  vocalises. 

Mlle  de  Taisy  est  un  petit  page  d'encolure  tant  soit  peu  flamande, 
mais  ce  n'est  pas  la  voix  qui  lui  manque.  Bonnesseur  parle  en  chan- 
tant et  zézaie  en  parlant  :  c'est  un  double  tort,  l'un  d'habitude  et 
l'autre  de  nature.  Mlle  Godfrend  nous  paraît  une  Ragonde  sans  peur, 
mais  non  sans  reproche  ;  sa  taille  est  bien  mince,  son  talent  encore 
plus. 

Somme  toute,  le  Comte  Orij  nous  a  été  rendu  aussi  bien  que  le 
permettait  l'état  actuel  de  la  troupe.  Les  chœurs  remplissent  leur 
mission  avec  zèle,  et  leur  mission  a  de  l'importance  dans  celle  mé- 
lodieuse partition,  que  nous  serons  toujours  heureux  d'entendre, 
parce  que  la  mélodie  est  toujours  certaine  de  gagner  une  riche  pro- 
vision d'indulgences. 

P.  S. 


CONCOURS  D'ORFHEOISS, 

de  UasiQues  d'barmonie  et  de  Fanfares,  à  PiiteansL. 

(17  mai.) 

L'Orphéon  ne  résiste  pas  au  printemps.  Les  premières  feuilles  et  les 
brises  de  mai,  chères  aux  poètes,  ont  pour  lui  un  attrait  invincible. 
Dès  que  le  ciel  sourit,  il  quitte  l'atelier,  il  déploie  sa  bannière;  il  part, 
radieux  d'espoir,  à  la  conquête  des  médailles,  sa  toison  d'or  à  lui  ;  il 
assiège  les  wagons,  il  affronte  leurs  banquettes  inhospitalières,  l'entas- 
sement, la  chaleur,  la  nuit  sans  sommeil  ;  il  court,  il  s'empresse,  il  ar- 
rive; il  se  présente  enfin  devant  le  jury,  et,  calme,  recueilli,  dans  l'at- 
titude flère  et  modeste  à  la  fois  des  gens  confiants  en  leur  bon  droit, 
il  chante,  sous  la  direction  vigilante  et  surtout  active  de  son  chef,  les 
chœurs  patiemment  travaillés  durant  les  longues  répétitions  d'hiver. 
L'Orphéon,  cette  année,  n'a  pas  voulu  être  en  retard  de  courtoisie  avec 
les  précoces  coquetteries  de  la  nature,  'i^oilà  pourquoi,  dimanche  der- 
nier, tandis  que  dans  Agen  et  la  Uéole  s'ouvrait  la  campagne  chorale 
de  la  région.  Poteaux,  un  des  villages  manufacturiers  les  plus  impor- 
tants des  environs  de  Paris,  inaugurait,  de  son  côté,  les  fêtes  musi- 
cales de  la  saison,  et  voyait  près  de  quinze  cents  chanteurs  et  instru- 
mentistes de  la  Seine,  de  Seine-et-Oise  et  des  départements  limitrophes, 
prendre  part  aux  concours  présidés  par  le  sous-préfet  de  l'arrondisse- 
ment. 

Quoiqu'un  certain  nombre  de  sociétés  inscrites  ne  se  soient  pas  pré- 
sentées, celle  de  Lille  entre  autres,  le  concours  choral  aurait  d&  attirer 
un  plus  grand  nombre  de  concurrents,  particulièrement  dans  les  pre- 
mières divisions.  Ainsi  Paris  n'était  représenté  que  par  treize  de  ses 
cercles  orphéoniques,  la  plupart  de  fondation  récente  et  de  force  se- 
condaire, ses  anciennes  et  vaillantes  sociétés,  celles  d'un  grand  renom 
et  d'un  mérite  artistique  réel,  ayant  cru  devoir  s'abstenir. 

MM.  Ambroise  Thomas,  Georges  Kastner,  Gevaert,  F.  Bazin,  Ch.  Bat- 
taille,  Camille  de  Vos,  Ermol,  Colin  et  Grosset,  avaient  bien  voulu  ac- 
cepter les  fonctions  de  membres  dos  jurys  d'orphéons  ;  MM.  Ambroise 
Thomas  et  Georges  Kastner  ont  présidé  les  concours  de  chant.  Les  jurys 


164 


KEV13E  ET  GAZETTE  MUSICALE 


des  musiques  d'harmonie  et  fanfares^étaient  composés  de'WM.  Meifred, 
Klosé,  Sellenick,  Riedel,  Dufrène  et  Jancourt. 

Les  différents  concours  ont  été  assez  intéressants.  Les  sociétés  tra- 
vaillent; leurs  progrès  sont  sensibles  ;  l'émission  de  la  voix  est  plus  ré- 
gulière; l'articulation  et  l'accentuation  deviennent  meilleures;  le  goût 
s'épure.  Les  sociétés  de  la  division  supérieure  ont  convenablement  in- 
terprété un  chœur,  d'intonations,  de  rhythme  et  d'exécution  difficiles, 
qui  ne  leur  avait  été  délivré  que  quinze  jours  avant  le  concours;  mesure 
appliquée  pour  la  première  fois,  lors  du  concours  de  Paris,  en  1861. 
Les  mômes  sociétés  se  sont  ensuite  présentées  avec  une  fort  belle  hymne  à 
sainte  Cécile,  de  M.  Camille  de  Vos,— envoyée  cinq  jours  à  l'avance,  seule- 
ment,—dansla  division  d'excellence,  que  la  commission  d'organisation  avait 
maintenue,  jusqu'au  dernier  moment,  sur  le  programme,  malgré  l'absence 
de  sociétés  vivement  espérées,  desquelles  dépendaient  l'importance  et 
la  signification  véritables  de  cette  épreuve.  Aussi,  le  jury  a-t-il  sagement 
fait  des  réserves  à  cet  égard,  en  mentionnant  dans  le  procès-verbal  lu 
à  la  distribution  des  récompenses,  que  le  prix  afférent  à  la  division 
d'excellence  ne  s'appliquait  pas  et  n'avait  pas  été  décerné  à  une  division 
telle,  mais  bien  à  la  lecture  musicale  d'un  chœur  appris  en  quelques 
jours.  En  effet,  les  concurrents  entrant  ainsi  en  lice  avaient  dû,  en 
quinze  jours,  non-seulement  déchiffrer,  mais  perfectionner  deux  chœurs 
inédits  et  compliqués.  N'est-ce  pas  là  une  nouvelle  réponse  aux  atta- 
ques incessamment  dirigées  dans  certaines  coteries,  contre  l'éducation 
musicale  des  orphéonistes? 

La  distribution  des  récompenses  s'est  faite  sans  chœurs  d'ensemble  et 
sans  discours,  heureuse  innovation  dont  les  sociétés,  impatientes  de 
connaître  leur  sort,  ont  su  le  meilleur  gré  aux  organisateurs  de  la  fête. 
Les  jurys  avaient  à  décerner  trente-deux  médailles  dont  quatre  accor- 
dées par  l'Empereur.  Les  moyens  ne  leur  manquaient  pas,  on  le  voit, 
de  faire  des  heureux  I 

Les  Enfants  de  Saint-Denis,  société  dont  j'ai  eu  souvent  l'occasion  de 
parler  ici-même,  et  dont  les  progrès  font  honneur  au  mérite  de  son 
directeur,  M.  Jules  Monestier,  ont  remporté  le  premier  prix  de  la  di- 
vision supérieure.  Le  prix  de  lecture  musicale  a  été  décerné  aux  Fils  des 
Trouvères,  habilement  dirigés  par  M.  IMuratet,  chef  d'orchestre  des 
Bouffes-Parisiens.  Les  premiers  prix  des  autres  divisions  sont  échus 
aux  orphéons  de  Saint-Germain,  de  Montmorency  et  à  l'Union  belge  de 
Paris. 

La  fête  s'est  terminée  joyeuse  et  bruyante,  comme  se  terminent 
toutes  les  fêtes  chorales.  Vainqueur,  l'Orphéon  aime  à  tremper  son  cho- 
ral dans  un  verre.  La  muse  populaire  se  souvient  volontiers  qu'elle  est 
gauloise  de  mœurs  et  d'origine;  mais  qui  songe  à  s'en  plaindre? 

Les  premiers  prix  des  divisions  de  musique  et  fanfares  ont  été  dé- 
cernés à  l'harmonie  de  Dieppe,  et  aux  fanfares  de  Màru,  de  l'Isle-Adam 
et  de  Magny-en-Vexin. 

Em.  Mathieu  DE  lUONTEK. 


Dans  noire  numéro  au  3  mai  nous  faisions  connaître  l'excellente 
mesure  adoptée  par  S.  Exe.  le  ministre  de  l'instruction  publique  et 
des  cultes,  à  la  suite  des  propositions  qui  lui  avaient  été  faites  par 
la  maison  Alexandre  père  el  fils.  Pour  mettre  le  public  bien  à  même 
d'apprécier  les  avantages  de  cette  combinaison  au  point  de  vue  tant 
des  personnes  qui  l'adopteront  que  des  progrès  de  l'enseignement 
musical,  nous  ne  croyons  pouvoir  mieux  faire  que  de  reproduire 
l'exposé  si  exact  et  si  lucide  qu'en  a  donné  récemment  M.  Fiorentino 
dans  le  journal  la  France. 

«  L'enseignement  musical  a  fait,  depuis  quelques  années,  de  bien 
grands  progrès.  De  Paris,  son  foyer  central,  il  rayonne  et  s'étend 
par  toute  la  province.  Le  Conservatoire  a  des  succursales  qui  re- 
crutent les  belles  voix  et  forment  les  bons  élèves  ;  les  orphéons  se 
multiplient  ;  la  musique  a  sa  place  h  l'école  du  plus  petit  village  et 
dans  la  plus  humble  des  églises.  Setilement,  pour  chanter  dans  les 
écoles,  pour  prier  dans  les  églises,  il  faut  un  instrument,  et  il  y  a 
en  France  des  commîmes  si  pauvres  qu'elles  n'osaient  même  espérer 
qu'un  jour,  dans  un  avenir  lointain,  elles  pourraient  se  procurer 
cet  instrument  qui  est  l'objet  de  leurs  plus  vifs  désirs. 

»  Ce  que  l'on  croyait  un  rêve,  une  chose  impossible,  peut  se  réa- 
liser sur  l'heure.  Une  maison,  solidement  établie  et  d'une  réputation 
européenne,  est  parvenue,  par  une  fabrication  simultanée,  sur  une 
vaste  échelle,  à  faire  profiter  les  acheteurs  d'une  partie  de  ses  béné- 
fices. 11  s'agit  ici  de  bien  s'entendre,  car  le  public,  à  première  vue, 


se  méfie  quand  on  lui  fait,Ja  part  trop  belle.  C'est  en  multipliant  les 
commandes  que  les  acheteurs  eux-mêmes  augmentent,  dans  une  très- 
large  proportion,  les  bénéfices  du  facteur,  et  qu'ils  lui  permettent 
d'en  distraire  une  partie  à  leur  avantage  ;  si  bien  qu'en  fin  de  compte, 
ce  qu'ils  apportent  d'une  main,  ils  le  reçoivent  de  l'autre. 

»  En  effet,  tout  le  monde  comprend  que  celui  qui  fabrique  à  la 
fois  mille  orgues,  au  lieu  de  cent,  qui  forment  son  débit  ordinaire, 
réalise  un  tel  gain,  qu'il  peut  en  employer  une  partie  à  constituer  un 
capital  dont  les  revenus  seront  partagés,  par  la  voie  du  sort,  et 
dans  un  temps  donné,  entre  les  acheteurs.  C'est  sur  ces  bases  que 
MM.  Alexandre  père  et  fils  ont  imaginé  une  combinaison  des  plus 
simples,  et  qui,  au  premier  abord,  paraît  merveilleuse.  Tous  ceux 
qui  font  l'acquisition  d'un  orgue  de  1,000  francs,  par  exemple,  ont 
un  instrument  de  ce  prix,  et  en  même  temps  une  obligation-warrant 
de  la  même  valeur,  qui,  dans  un  espace  de  deux  à  quarante-cinq 
ans,  doit  nécessairement  sortir  à  l'un  des  tirages  annuels,  et  être 
remboursée.  Ainsi,  dans  un  temps  plus  rapproché,  si  l'on  est  favo- 
risé du  sort,  plus  éloigné,  si  l'on  est  moins  heureux,  on  est  sûr  de 
rentrer  dans  son  argent  et  d'avoir  un  orgue  pour  rien. 

»  A  Paris,  comme  dans  les  grandes  villes,  l'homme  aisé  qui  achète 
un  orgue  ou  un  piano,  paye  le  prix  de  l'instrument  et  se  soucie  peu 
du  reste.  Il  n'en  est  pas  de  même  dans  les  petites  villes  et  dans  les 
campagnes  ;  tel  honnête  agriculteur,  tel  modes  te  rentier,  qui  aime 
beaucoup  la  musique  ou  à  qui  le  serpent  de  sa  paroisse  porte  sur  les 
nerfs,  se  ferait  volontiers  cadeau  d'un  orgue  ou  l'offrirait  à  sa  com- 
mune; mais  ces  braves  gens  n'osent  point  priver  leur  succession 
d'une  somme  relativement  considérable.  Dès  qu'ils  auront  la  certi- 
tude que  dans  trois  ans,  dans  quatre  ans  peut-être,  dans  quarante- 
cinq  ans  au  plus  tard,  la  somme  dont  ils  ont  disposé  reviendra  in- 
tégralement à  leurs  héritiers,  ils  n'hésiteront  plus,  et  la  satisfaction 
qu'ils  se  seront  donnée  ne  leur  coûtera  aucun  remords. 

»  Celte  combinaison  financière  est  si  sérieuse,  si  évidemment  utile 
et  repose  sur  des  données  si  certaines,  que  Son  Exe.  le  ministre 
de  l'instruction  publique,  après  l'avoir  soumise  à  l'examen -d'ime 
commission  d'hommes  compétents,  a  bien  voulu  la  recommander  à 
tous  les  préfets. 

«  La  loi  du  4S  mars  48S0 ,  dit  la  circulaire  ministérielle ,  a  placé  le 
chant  au  nombre  des  connaissances  qui  peuvent  être  enseignées  dans  les 
écoles  primaires,  et  le  gouvernement  n'a  cessé  de  protéger  et  de  favoriser 
le  développement  de  cet  enseignement.  Je  n'ai  point  à  reproduire  les  consi- 
dérations d'intérêt  public  qui  l'ont  déterminé  jusqu'à  ce  jour;  elles  ont  été 
appréciées  par  presque  tous  les  conseils  généraux  et  par  toutes  les  personnes 
compétentes  ;  je  n'ai  qu'à  constater  te  fait. 

»  Parmi  les  divers  moyens  de  propagation  qui  m'ont  été  proposés,  j'ai 
particulièrement  distingué  l'offre  qui  m'a  été  faite  par  MM.  Alexandre  père  et 
fils,  fabricants  d'orgues  à  Paris,  qui  se  chargeraient  de  fournir,  au  prix 
de  2S0  francs,  à  toutes  les  communes  de  France,  des  instruments  pouvant 
tout  à  la  fois  servir  à  l'enseignement  du  chant  dans  l'écule  primaire  et 
contribuer  à  la  pompe  du  culte  dans  l'église. 

»  A  cet  effet,  MM.  Alexandre  ont  imaginé  une  combinaison  financière  à 
l'aide  de  laquelle  chaque  commune  deviendrait  propriétaire  de  son  orgue 
moyennant  1S  francs  par  an,  c'est-à-dire  pour  une  somme  inférieure  au 
prix  de  location  mensuelle  de  cet  instrument,  laquelle  somme  de  1S  francs 
serait  payée  pendant  un  nombre  d'années  qui  varierait  de  deux  au  moins  à 
quarante-cinq  ans  au  plus,  selon  la  sortie  de  l'obligation  dont  la  commune 
serait  en  possession. 

»  Les  orgues  fabriquées  par  MM.  Alexandre  étant  d'ailleurs  excellentes  et 
leur  bonne  qualité  ayant  été  constatée  dans  toutes  les  expositions  publiques, 
je  ne  pourrais  voir  qu'avec  plaisir  le  succès  d'une  entreprise  qui  aurait 
évidemment,  pour  l'enseignement  du  chant,  des  résultats  avantageux.  Je  ne 
puis  donc  que  vous  inviter  à  donner  votre  assentiment  aux  arrangements 
que  les  communes  se  proposeraient  de  faire  dans  ce  but  avec  la  maison 
Alexandre. 


165 


»  Je  suis  peu  courtisan  de  ma  nature  ;  mais  il  faut  louor  sans  ré- 
serve ce  qui  est  vraiment  digne  d'éloges,  et  l'on  ne  peut  remercier 
assez  M.  Rouland  de  la  protection  qu'il  accorde  à  l'enseignement  et 
à  la  propagation  d'un  art  trop  longtemps  négligé.  Grâce  à  lui,  tant 
de  pauvres  enfants  ne  régleront  pas  leur  voix  sur  une  voix  plus 
fausse  que  la  leur,  et  les  fidèles  ne  seront  point  distraits,  dans  l'é- 
glise, par  des  chants  si  peu  mélodieux  et  des  accords  si  déchirants, 
qu'ils  feraient  perdre  patience  aux  âmes  les  plus  pieuses  et  les  plus 
timorées.  La  musique  est  un  puissant  moyen  de  civilisation ,  dont 
les  sociétés  modernes  apprécient  de  plus  en  plus  les  bienfaits; 
elle  doit  entrer  pour  une  large  part  dans  '.oute  éducation  bien  diri- 
gée. Les  âmes  d'élite  et  les  esprits  les  moins  éclairés  en  ressen- 
tent également  les  effets  salutaires  ;  le  peuple  y  trouve  un  allége- 
ment à  ses  maux,  un  repos  à  ses  fatigues,  une  consolation,  la  plus 
douce  qui  soit  au  monde,  à  ses  souffrances.  Malheur  à  ceux  qui  n'ai- 
ment poinf  la  musique!  Il  leur  manque  plus  qu'un  sens  :  ce  sont  les 
déshérités  de  la  famille  humaine.  » 

Pour  compléter  davantage  encore  cet  exposé,  nous  empruntons  au 
prospectus  de  MM.  Alexandre  père  et  fils  quelques  détails  techniques 
sur  la  partie  financière  de  leur  opération ,  et  principalement  sur  la 
création  de  V oblirjation-warrant  qui  en  forme  la  base  : 

«  Vobligation-irarrant  est  nominative  ou  au  porteur  ;  elle  est  de  250, 
de  500,  de  600,  de  1,000,  de  1,100  francs;  elle  correspond  aux  modè- 
les d'orgues  de  nos  tarifs  établis  depuis  quinze  ans. 

Une  obligation-warrant  est  délivrée  à  toute  personne  qui  désire  faire 
l'acquisîtiOD  d'un  orgue,  comptant. 

AVANTAGES   DE   L'OBI.IGATION-WAHRANT. 

L'obligation-ioarrant  donne  droit  : 

1°  A  la  délivrance  d'un  orgue  de  notre  manufacture; 

2°  A  l'intérêt  à  6  0/0  jusqu'au  jour  où  l'on  prend  livraison  de  l'ins- 
trument ; 

3°  Au  remboursement  en  espèces  du  montant  intégral  de  l'obligation. 

Par  conséquent,  le  pcrteur  d'une  obligation-warrant  peut,  à  volonté, 
se  faire  délivrer  un  orgue  du  modèle  correspondant  à  son  obligation, 
c'est-à-dire  de  mo  francs,  si  elle  est  de  250  francs;  de  1 ,000  francs,  si 
elle  est  de  1,000  francs. 

Il  a  trois  années  pour  en  prendre  livraison. 

Tant  qu'il  n'a  pas  retiré  son  instrument,  il  touche  l'intérêt  de  son 
obligation  à  6  0/0  par  an. 

Enfin,  une  fois  qu'il  est  en  possession  de  son  orgue,  il  ne  touche 
plus  aucun  intérêt,  son  obligation-warrant  participe  à  des  tirages  an- 
nuels qui  lui  assurent,  par  le  paiement  en  espèce;  de  l'obligation  sortie, 
le  remboursement  intégral  de  la  somme  qu'il  a  déboursée. 

Le  porteur  d'une  obligaiion-warrant  de  250  ou  de  1,000  francs,  par 
exemple,  reçoit  d'abord  un  orgue  de  250  ou  de  1,000  francs;  puis,  lors- 
que le  numéro  de  son  obligation-warrant  sort  dans  un  tirage  annuel,  il 
reçoit  encore  une  somme  de  250  ou  de  1,000  francs  en  espèces,  de 
sorte  que  son  instrument  ne  lui  coûte  plus  rien. 

Cet  amortissement  se  fait  dans  un  délai  de  quarante-cinq  ans  de  la 
date  du  premier  tirage,  conformément  au  tableau  d'amortissement 
dressé  à  cet  effet. 

COMBINAISON   SPÉCIALE    AUX    COMMUNES,   ÉCOLES,    FABRIQUES,    ETC. 

Les  écoles  et  les  communes  peuvent,  comme  de  simples  partiruliers, 
prendre  des  obligations-warrant  et  se  procurer  ainsi  de.s  orgues,  qui,  à 
un  moment  donné,  ne  leur  auront  absoliiment  rien  coûté. 

Mais  il  peut  arriver  que  la  nécessité  d'un  déboursé,  même  momen- 
tané, soit  un  obstacle  pour  elles,  ou  bien  qu'elles  désirent  avoir  un  or- 
gue d'un  modèle  plus  important  que  ne  le  permettraient  leurs  ressour- 
ces disponibles. 

Dans  ce  cas,  nous  leur  accordons  des  facilités  qui  lèvent  cet  ob- 
stacle. 

Leur  obligation-warrant  est  négociée  par  nos  soins,  et  au  lieu  du  ca- 
pital, nous  leur  demandons  simplement  une  annuité  représentant,  in- 
térêt et  amortissement  compris,  6  C/i)  de  la  somme  qu'elles  auraient 
dû  débourser,  et  cela  jusqu'au  jour  seulement  où  leur  obligation-war 
ranl  sera  désignée  par  le  sort  pour  être  amortie. 

La  commune,  par  exemple,  qui  aura  reçu  un  orgue  de  250  ou  de 
],000  francs,  paiera  7  fr.  50  c.  ou  30  francs  tous  les  six  mois, et  parti- 
cipera aux  tirages,  comme  celle  qui  aura  payé  intégralement  son  obli- 
gation-warrant. De  sorte  que  si  le  numéro  de  son  obligation  sort  dans 
les  premières  années,  elle  n'aura  fait  qu'un   déboursé  insignifiant;  dé- 


boursé qui  sera  toujours  de  beaucoup  inférieur  au  prix  de  location  le 
plus  minime,  ainsi,  une  obligation-warrant  de  250  francs  sortant  après 
trois  aus  donnerait  l'orgue  pour  45  francs. 

GARANTIES. 

L'émission  des  obligations-warrant  se  fait  par  l'entremise  d'une  maison 
de  banque. 

La  reconstitution  du  capital,  les  tirages  annuels  et  les  rembourse- 
ments seront  effectués  par  les  soins  et  sous  la  garantie  de  l'un  de  nos 
grands  établissements  de  crédit. 

RÉSUMÉ    DE   LA   COMBINAISON    FINANCIÈRE.    —   SES   RÉSULTATS. 

En  résumé,  l'acquéreur  d'un  de  nos  instruments,  que  ce  soit  un  par- 
ticulier ou  une  commune  (école  ou  paroisse),  rentre,  dans  un  délai  dé- 
terminé, dans  la  somme  qu'il  a  payée  et  a  son  orgue  pour  rien. 

Si  la  commune  ou  la  paroisse  n'a  pas  voulu  débourser  le  prix  de  son 
acquisition,  mais  en  payer  seulement  le  minime  amortissement,  le  ti- 
rage de  son  obligation  fait  cesser  son  paiement  semestriel,  et  dans  les 
deux  cas  la  sortie  du  numéro  de  Vobligation-warranl  laisse,  entre  les 
mains  du  particulier  ou  de  la  commune,  Vorgue  pour  rien. 

Dès  lors,  l'acquisition  d'un  orgue  n'est  plus  qu'une  avance  momenta- 
née et  se  transforme  en  un  placement  certain  :  les  intérêts  sont  la  jouis- 
sauce  et  la  possession  de  l'orgue,  dont  on  peut  d'ailleurs  disposer,  réali- 
sant ainsi  deux  capitaux  pour  un. 

Quant  aux  communes,  aux  écoles,  aux  fabriques  qui,  seules,  peuvent 
user  de  la  faculté  du  paiement  par  annuités,  elles  peuvent,  si  le  sort 
les  favorise,  après  deux  ou  trois  années,  c'est-à-dire  moyennant  un  dé- 
boursé insignifiant,  rester  propriétaires  de  l'orgue  qu'elles  auront  choisi. 

Quelles  sont  celles  qui  voudront  se  condamner  à  la  privation  de  pa- 
reils avantages? 

Avons-nous  besoin  d'insister  maintenant  sur  les  conséquences  de  no- 
tre double  combinaison,  au  point  de  vue  de  la  propagation  de  l'ensei- 
gnement musical?  » 


Le  défaut  d'espace  nous  oblige  à  remettre  à  la  semaine  prochaine 
la  Revue  des  théâtres  de  M.  D.  A.  D.  Saint-Yves. 


CORRESPONDANCE. 

Londres,  21  mai  1863. 

Les  représentations  qui  doivent  être  données  au  bénéfice  de  M.  Lumley, 
et  le  refus  de  lord  Dudley  de  lui  accorder  la  salle  de  lier  Majesty's  théâ- 
tre, continuent  à  préoccuper  les  esprits  et  ont  notablement  augmenté  l'in- 
térêt qu'on  porte  à  l'ancien  directeur.  Tous  les  artistes  qu'il  a  produits  en 
Angleterre  luttent  d'empressement  dans  l'offre  de  leur  concours  à  ces 
représentations.  Mmes  Titj"ns,  Alboni,  Ferraris,  MM.  Giuglini,  Vialetti, 
Gassier,  etc.,  lui  ont  adressé  des  lettres  gracieuses  à  ce  sujet.  Le  pro- 
gramme doit  être  arrêté  cette  semaine.  Pour  le  moment  il  parait  cer- 
tain que  la  première  représentation  se  composera  de  la  Traviata,  jouée 
par  Mme  la  marquise  de  Gaetani  (Piccolomini)  et  Giuglini,  et  que  Don 
Gioianni  défraiera  la  deuxième,  dans  laquelle  chanteront  Mme  Titjens 
(donna  Anna),  Piccolomini  (Zerlina),  MM.  Gassier  (don  Giovanni),  Beletti 
(Leporello),  Délie  Sedie  (Mazetto),  Giuglini  (don  Ottavio),  et  l'orchestre  et 
les  chœurs  seront  ceux  de  Ber  Majesty's  Ihealre,  sous  la  conduite  d'Ar- 
diti.  —  Mlle  Artot,  arrivée  à  Londres,  après  de  grands  succès  à  Berlin, 
vient  de  faire  au  théâtre  de  Sa  Majesté,  dans  la  Figlia  del  Reggimenta,  un 
des  plus  brillants  débuts  dont  on  ait  souvenance  aux  théâtres  italiens  de 
Londres.  Applaudie  avec  enthousiasme,  acclamée  après  chaque  acte, 
Mlle  Artot  a  dû  bisser  plusieurs  morceaux,  et  si  les  rappels,  si  les  bou- 
quets peuvent  être  considérés  comme  l'expression  d'une  complète  réus- 
site, la  Malibran  elle-même  n'a  jamais  obtenu  de  plus  grand  triomphe. 
—  Mmes  Trebelli-Rettini,  Titjens,  MM.  Giuglini  et  Fricci  ont  chanté 
mardi  chez  S.  A.  le  prince  de  Galles.—  Il  paraît  certain  que  lady  Cramp- 
ton  (la  fille  de  Balfe)  se  sépare  de  son  mari.  —  A  la  représentation  de 
samedi,  au  théâtre  de  .Sa  Majesté,  un  incident  qui  pouvait  avoir  les  plus 
funestes  conséquences,  a  jeté  une  vive  émotion  parmi  les  spectateurs. 
Vers  la  fin  de  la  représentation,  plusieurs  bouquets  sont  jetés  à  Mlle  Tit- 
jens, qui  venait  de  chanter  admirablement.  La  célèbre  artiste  les  relève 
et  s'avance  gracieusement  pour  en  offrir  un  à  son  chef  d'orchestre,  il 
signor  Arditi.  Dans  ce  mouvement,  sa  manche  de  gaze  touche  la  flamme 
d'un  bec  de  gaz  et  s'allume.  L'artiste  alors,  avec  une  présence  d'esprit 
qui  l'a  sauvée,  saisit  à  deux  mains  l'étoffe  légère  et  étoufl'e  aussitôt  le 
feu.  Le  public,  qui  avait  compris  à  quel  danger  Mlle  Titjens  venait  d'é- 
chapper par  son  sang-froid,  éclata  en  applaudissements  les  plus  sympa- 
thiques. —  Nous  gardons  encore  un  mois  Mme  Ferraris  :  elle  doit  créer 
le  principal  rôle  dans  un  grand  ballet  de  MM.  Giorza  et  Rota.  —  Jamais 


166 


tiKVUE  KT  GAZETTE  MUSICALE 


saison  n'a  vu  réunir  une  foule  d'artistes  pareille  à  celle  qui  se  trouve 
ici  en  ce  moment.  —  Thalberg  est  arrivé  et  doit  donner  le  23  sa  pre- 
mière séance  musicale. 

y. 


SODVELLES. 

j,**  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  cinq  représentations  cette 
semaine,  et  cinq  représentations  qui  avaient  rempli  la  salle.  Dimanche, 
c'était  Guillaume  Tell,  avec  Villaret  ;  lundi,  Giselle,  avec  Mme  Moiira- 
wieff,  dont  la  danse  est  de  plus  en  plus  goûtée  par  le  public  ;  mardi, 
pour  une  représentation  due  aux  abonnés,  la  reprise  du  Comte  Ory,  dont 
nous  parlons  plus  haut;  mercredi,  le  chef-d'œuvre  d'Auber,  dont  le  suc- 
cès ne  se  ralentit  pas,  et  vendredi,  enfin,  la  réunion  de  Giselle  et  du 
Comie  Ory. 

»*,  Mlle  Emma  Livry  paraît  décidément  en  voie  d'une  prochaine  gué- 
rison.  La  jeune  artiste  vient  de  recevoir  une  preuve  de  gracieuse 
sollicitude  de  la  part  de  l'Empereur  et  de  l'Impératrice ,  qui 
avaient  toujours  pris  un  vif  intérêt  à  sa  situation.  Leurs  Majestés  ont 
daigné  mettre  à  sa  disposition  une  résidence  dans  le  domaine  impérial  à 
Compiègne.  L'intéressante  malade  a  reçu,  ces  jours-ci,  la  visite  du 
prince  Poniatowski,  et  elle  a  causé  longtemps  avec  lui  de  son  art  et 
de  ses  espérances. 

^*^  Le  théâtre  de  l'Opéra-Comique  n'a  qu'à  se  féliciter  de  la  reprise 
àHaijdée;  le  charmant  opéra  d'Auber  attire  beaucoup  de  monde.  Bientôt 
Lalla-Roukh  va  faire  place  à  Zampa,  qui  doit  être  joué  à  la  fin  du  mois, 
et  dans  lequel  Montaubry  sera,  dit-on,  fort  remarquable.  11  y  sera  en- 
touré de  Capoul,  Sainte-Foy,  Potel,  et  Mlles  Cico  et  Belia. 

^*,  La  rentrée  de  Mme  Carvalho,  après  son  triomphe  à  Marseille,  s'est 
faite  samedi  dans  Faust  à  la  grande  satisfaction  et  aux  applaudissements 
du  public  du  théâtre  du  Châtelet.  A  l'attrait  de  cette  représentation 
se  joignait  celui  de  la  curiosité  inspirée  par  le  début  de  Morini.  Nous 
sommes  heureux  de  constater  que,  malgré  son  émcition,  le  jeune  chan- 
teur n'a  pas  trompé  l'attente  du  public.  Doué  d'un  physique  distingué, 
il  a  rendu  avec  beaucoup  de  charme  le  rôle  de  Faust.  Sa  voix  est  surtout 
agréable  dans  les  morceaux  tendres  et  on  l'a  fort  applaudi  dans  sa  ro- 
mance. Ce  n'est  pas  qu'il  manque  de  force  dans  les  morceaux  où  il  faut 
en  déployer,  mais  il  doit  ménager  son  organe  et  soigneusement  éviter 
de  suivre  la  mode  qui  prévaut  maintenant  sur  les  théâtres  d'Italie,  et 
qui  consiste  à  crier  quand  on  veut  produire  de  l'effet.  M.  Morini  a  d'ail- 
leurs fait  de  grands  progrès  depuis  l'époque  où  il  se  fit  entendre  au 
théâtre  italien,  et  il  ne  peut  être  qu'une  excellente  acquisition  pour 
M.  Carvalho. 

^*:t  Nous  avons  dit  dernièrement  le  succès  obtenu  à  Berlin  par  Mme  Pe- 
tipa  dans  le  Marché  des  innocents  et  le  Diable  à  quatre,  succès  auquel 
s'est  associé  le  roi  lui-même,  dont  la  charmante  danseuse  a  reçu  per- 
sonnellement les  compliments.  Elle  est  en  ce  momeut  à  Paris,  et  elle 
assistait  mardi  avec  son  mari  à  la  représentation  du  Comte  Ory.  Elle  a 
beaucoup  applaudi  Mlle  Vernon  dans  le  Marché  des  innocents,  ballet  dans 
lequel  elle  .s'était  fait  elle-même  connaître  à  son  arrivée  à  Paris. 

^*^  Nous  avons  rendu  compte  dans  notre  dernier  numéro  du  concert 
donné  par  le  violoniste  Sylvestro  Nicosia  et  son  enfant,  petit  prodige  de 
cinq  ans  et  demi,  qui  partageait  avec  son  père  les  applaudissements  de 
l'auditoire.  M.  Sylv.  Nicosia  a  traité  avec  le  directeur  du  théâtre  des 
Délassements-Comiques  pour  une  série  de  représentations,  dans  les  en- 
tr'actes  desquelles  il  joue  avec  son  fils.  Depuis  que  ces  représentations 
ont  commencé,  le  public  a  repris  le  chemin  de  ce  théâtre,  quelque  peu 
abandonné,  et  les  deux  artistes  y  sont  applaudis  avec  enthousiasme.  Il 
est  vrai  de  dire  qu'à  part  quelques  excentricités,  M.  Nicosia  tire  de  son 
violon  dos  effets  étonnants.  Ce  n'est  pas  certes  l'école  sévère  de  Vieux- 
temps;  ce  n'est  pas  non  plus  l'exécution  prodigieuse  de  Paganini,  mais 
dans  les  variations  du  Carnaval  de  Venise  par  exemple,  c'est  une  au- 
dace, une  originalité  dont  on  ne  peut  contester  le  mérite.  Quant  à  l'en- 
fant, son  aplomb,  la  justesse  du  son,  le  sentiment  musical,  sont  réel- 
lement surprenants  à  cet  âge.  On  ira  certainement  aux  Délassements- 
Comiques  pour  entendre  ces  deux  virtuoses,  et  l'on  ne  regrettera  ni 
son  temps  ni  son  argent. 

^*^  Les  soirées  de  physique  que  M.  Robin  donne  dans  sa  charmante 
salle  du  boulevard  du  Temple,  continuent  d'attirer  la  foule  chaque  soir. 
Un  public  choisi  applaudit  chaleureusement  les  expériences  qui  com- 
posent sa  troisième  série;  les  tableaux  qui  reproduisent  le  tremblement 
de  terre  de  Lisbonne  sont  merveilleux  de  vérité,  et  laissent  le  public 
dans  la  plus  grande  admiration.  Malgré  ce  brillant  succès,  M.  Uobin  vou- 
lant tenir  la  promesse  qu'il  a  faite  dès  ses  débuts  de  varier  souvent  son 
spectacle,  annonce  pour  très-prochainement  une  quatrième  série  d'ex- 
périences de  physique  nouvelles,  ainsi  que  des  tableaux  géologiques  re- 
présentant l'histoire  de  la  formation  de  la  terre. 

^,**  On  écrit  de  Naples,  que  le  manuscrit  de  Marie  Sluart,  opéra 
de  Donizetti,  composé  en  1834  et  dont  la  représentation  avait  été  inter- 


dite par  la  censure,  vient  d'être  rei;rouvé  par  le  maestro  Giorza,  que  la 
direction  du  théâtre  Saint-Charles  a  chargé  de  chercher  une  cantatrice 
digne  d'en  interpréter  le  principal  rôle,  afin  que  cette  œuvre  posthuma 
du  célèbre  compositeur  soit  dignement  représentée. 

^*.^,  Mme  Marietta  Gazzaniga,  l'une  des  cantatrices  les  plus  célèbres 
actuellement  en  Italie,  et  qui  surtout  y  a  créé  le  rôle  de  Fidès,  du  Pro- 
phète, avec  le  plus  grand  éclat,  est  en  ce  moment  à  l'aris. 

,**  Une  brillante  soirée  a  eu  lieu  cette  semaine  chez  la  princesse  de 
Metternioh.  Le  célèbre  pianiste-compositeur  Léopold  Meyer  y  avait  été 
convié,  et  il  a  joué  plusieurs  morceaux  aux  grands  applaudissements  de 
l'aristocratique  assemblée. 

***  Le  concert  donné  samedi  dernier  au  profit  de  l'Association  de 
bienfaisance  de  Notre-Dame-des-Arts  a  été  bien  accueilli.  Tamberlick, 
qui,  selon  sa  promesse,  était  revenu  de  Londres  pour  concourir  â 
l'exécution  de  la  Rédemption,  de  M.  Alary,  a  fait  valoir  toutes  les  mé- 
lodies dont  l'interprétation  lui  était  confiée.  On  lui  a  décerné  une  ova- 
tion des  plus  flatteuses.  Les  autres  exécutants  ont  aussi  reçu  des  mar- 
ques non  équivoques  de  la  satisfaction  du  public. 

,^*,i,  Nous  avons  des  nouvelles  du  brillant  accueil  fait  à  M.  Marchesi 
à  Cologne,  à  Weimar,  à  Erfurth.  Après  avoir  chanté  Don  C%vanni  aux 
grands  applaudissements  chaleureux  du  public  au  théâtre  grand-ducal, 
et  avoir  même  été  honoré  des  félicitations  de  Leurs  Altesses,  M.  Mar- 
chesi a  chanté  plusieurs  fois  à  la  cour.  Le  Barbier,  le  Trovalure,  un 
concert  historique  ont  été  ensuite  l'occasion  pour  le  célèbre  baryton 
de  bravos  et  de  rappels  multipliés.  De  retour  à  Paris  depuis  quelques 
jours,  il  repart  pour  Londres,  où  l'attendent  de  nouveaux  et  fructueux 
engagements. 

:,,**  La  société  des  auteurs  dramatiques  s'est  réunie  deux  fois  en  as- 
semblée générale  les  3  et  10  mai  derniers.  D'orageuses  discussions,  dont 
nous  nous  abstiendrons  de  rappeler  le  motif  et  les  détails,  avaient 
obligé  les  membres  de  la  commission,  un  seul  excepté,  à  .se  démettre 
de  leurs  fonctions,  à  la  suite  de  la  première  séance.  Dans  la  seconde  il 
s'agissait  de  les  remplacer  tous.  Voici  le  résultat  du  vote;  ont  été 
nommés  dans  l'ordre  suivant:  MM.  Paul  Féval,  de  Saint-Georges,  Séjour, 
Gevaert,  Dugué,  Barrière,  Mazères,  Alph.  Royer,  Anicet  Bourgeois,  Er- 
nest Reyer,  Dennery,  Amédée  Rolland,  Ch.  Dupeuty,  Jules  Barbier. 
Avec  M.  Ferdinand  Langlé,  non  démissionnaire,  ces  quatorze  membres 
formeront  la  commission,  dont  la  présidence  a  été  déférée  à  M.  de 
Saint-Georges.  MM.  Sardou  et  Ponroy  en  ont  été  nommés  membres 
suppléants. 

»*„,  S.  M.  la  reine  de  Prusse,  qui  affectionne  particulièrement  le  sé- 
jour de  Bade,  avait  témoigné  à  M.  Benazet  le  désir  de  voir  rassemblés 
les  documents  complets  du  mouvement  artistique  qui  a  illustré  Bade  de- 
puis 1855.  Ce  travail  est  aujourd'hui  terminé  et  va  former  un  album 
destiné  à  devenir  entre  les  mains  de  M.  Benazet  le  recueil  de  l'histoire 
artistique  de  Bade. 

»*„,  La  semaine  dernière,  Mme  Charton-Demeur  a  été  appelée  à  An- 
goulême  pour  y  chanter  au  concert  de  la  Société  philharmonique.  Elle 
y  a  obtenu  son  succès  habituel.  De  longs  applaudissements  ont  suivi 
l'air  de  Norma,  celui  d'il  bacio,  et  on  lui  a  fait  bisser  le  boléro  des 
Vêpres  siciliennes. 

,,*,,  Ce  sont  MM.  Brunetto,  Zamperoni  et  C=  qui  ont  obtenu  pour  la 
saison  prochaine  le  privilège  d'exploiter  les  théâtres  royaux  de  Milan. 

t*»  Le  jeune  Lotto,  violoniste  lauréat  du  Conservatoire  il  y  a  quelques 
années,  et  dont  le  talent  n'a  fait  que  grandir  depuis  cette  époque,  vient 
de  parcourir  l'Espagne  et  le  Portugal  et  n'y  a  pas  recueilli  moins  de 
bravos  que  d'argent.  De  retour  à  Paris  pour  quelques  jours,  il  repart 
poiir  Londres,  rendez-vous  actuel  de  tous  les  artistes  à  réputation,  et  où 
l'attendent  de  nouveaux  succès. 

^*^  Georges  HainI,  l'éminent  chef  d'orchestre  de  Lyon,  vient  de 
donner,  en  compagnie  de  sa  femme,  un  très-beau  concert  à  Montpellier. 
11  y  a  "exécuté,  sur  le  violoncelle,  son  caprice  sur  Guillaume  Tell  et  une 
fantaisie  sur  la  Fiancée,  de  façon  à  soulever  spontanément  d'enthou- 
siastes bravos.  Mme  Hainl  ne  le  cède  point  en  talent  à  son  mari.  La 
fantaisie  avec  orchestre  et  chœurs,  de  Beethoven,  et  le  concerto  avec 
orchestre,  de  Weber,  qu'elle  a  joués,  ont  enlevé  l'auditoire  qui  l'a  rap- 
pelée avec  acclamation. 

^*^  La  Ronde  du  Brésilien,  d'Offenbach,  chantée  par  Brasseur  et  Gil 
Ferez  dans  la  pièce  de  ce  nom,  qui  remplit  tous  les  soirs  la  salle  du 
théâtre  du  Palais-Royal,  vient  de  paraître,  ornée  de  la  photographie  très- 
réussie  des  deux  artistes,  chez  les  éditeurs  G.  Brandus  et  S.  Dufour. 

,*^,  Sous  le  titre  de  la  Musique  au  théâtre,  M.  A.  L.  Maillot,  composi- 
teur, professeur  et  critique  de  Rouen,  vient  de  publier  un  volume,  où 
sont  traitées  presque  toutes  les  questions  qui  nous  intéressent.  Nous  nous 
en  occuperons  très-prochainement  et  avec  l'attention  que  méritent  l'au- 
teur et  l'ouvrage, 

^*^  M.  H.  Pape,  le  célèbre  facteur  de  pianos  et  le  doyen  de  la  fac- 
ture, qui  a  habité  pendant  quarante  ans  son  ancien  liôtel  rue  des  Bons- 
Enfants,  19,  vient  de  le  quitter  pour  s'établir  place  de  la  Bourse,  9,  où 
il  a  fait  construire  une  belle  salle  destinée  à  l'exposition  des  instruments 
de  sa  fabrique. 


I>E  PARib. 


167 


^%  La  Société  académique  de  musique  sacrée,  dont  le  premier  con- 
cert donné  à  la  salle  Herz  le  24  avril  dernier  a  eu  un  si  grand  reten- 
tissement dans  le  monde  musical,  est  attendue  à  Rouen ,  le  28  de  ce 
mois,  pour  un  grand  festival  qui  sera  dirigé  par  son  président,  M.  Charles 
Vervoitte. 

^*ji,  M.  Tito  Mattei,  pianiste  du  roi  d'Italie,  est  un  artiste  de  beaucoup 
de  talent.  Son  concert  donné  à  la  salle  Herz  était  spécialement  composé 
d'éléments  italiens,  et  il  a  offert  beaucoup  d'intérêt.  Le  bénéficiaire  y  a 
joué  plusieurs  fantaisies  de  sa  compositioa  sur  les  plus  beaux  motifs 
de  Eellini  et  de  Donizetti,  et  une  cliarmante  valse,  qu'on  a  voulu 
entendre  deux  fois.  Ces  morceaux  ont  mis  en  relief  les  études  sérieuses 
et  la  science  de  M.  Tito  Mattei  comme  compositeur,  en  même  temps 
qu'ils  ont  fait  briller  son  talent  de  virtuose,  remarquable  en  effet  par 
un  beau  style,  un  doigté  très-agile,  une  grande  netteté  et  beaucoup  de 
douceur.  Des  compatriotes  distingués  de  M.  Mattei  lui  avaient  offert 
avec  empressement  leur  concours,  et  nous  citerons  avec  Bartolini,  Vi- 
dal, Antonucci,  Nicosia  et  Marangio,  Mlle  Fortuna,  aussi  belle  personne 
que  bonne  cantatrice,  qui,  dans  la  cavatine  de  Sémiramide  et  dans  sa 
partie  du  trio  d'/  Lombardi ,  a  produit  beaucoup  d'effet  et  recueilli 
beaucoup  de  bravos. 

,*^  En  rendant  compte  dans  notre  dernier  numéro  de  la  grande  fête 
donnée  au  Pré  Catelan  au  bénéfice  de  l'Association  des  artistes  musi- 
ciens (et  non  des  ouvriers  cotonniers  comme  on  l'a  imprimé  par  erreur), 
nous  avons  omis  de  mentionner  le  succès  éclatant  obtenu  parle  fameux 
cornet  à  pistons  Legendre,  dans  des  variations  sur  le  Carnaval  de  Venise. 
Il  a  merveilleusement  exécuté  ce  morceau,  qui  a  provoqué  des  applau- 
dissements réitérés  et  deux  rappels. 

j,*;t  Le  Pré  Catelan,  délicieux  jardin  que  la  bonne  compagnie  a  adopté 
pour  salon  d'été,  et  que  Musard  a  définitivement  rendu  à  la  vie,  offre 
chaque  soir  au  promeneur  une  séduction  nouvelle.  Aujourd'hui  dimanche, 
outre  son  théâtre  des  Fleurs,  la  plus  jolie  merveille  du  bois  de  Boulogne, 
il  y  aura  grande  fête  musicale  avec  bal  d'enfants,  fanfares  et  musiques 
militaires.  —  Demain,  lundi  de  la  Pentecôte,  magnifique  solennité  de 
bienfaisance  au  profit  de  l'OEuvre  des  apprentis  et  jeunes  ouvrières  de 
la  capitale  et  de  la  banlieue,  avec  tirage  annuel  de  la  loterie  en  faveur 
de  laquelle  Leurs  Majestés  Impériales  ont  daigné  envoyer  des  lots  d'une 
grande  richesse  et  d'une  véritable  valeur  artistique. 


CHRONIQUE    DÉPARTEIMENTAS-E. 

^f"^  Marseille.  —  Les  représentations  de  Mme  Cabel  à  noire  grand 
théâtre  sont  très-suivies.  Elle  nous  a  donné,  pour  la  seconde,  le  chef- 
d'œuvre  de  'Victor  Massé,  Galatée,  et  elle  a  rendu  le  rôle  avec  un 
brio  extraordinaire.  Jlme  Cabel  avait  fait  suivre  cet  opéra  de 
la  scène  de  l'ombre,  du  Pardon  de  Ploërmel,  un  de  ses  plus  beaux 
triomphes.  Elle  a  dit  ce  morceau,  tiré  du  dernier  chef-d'œuvre 
de  Meyerbeer,  en  artiste  qui  a  reçu  directement  communication  de  la 
pensée  de  l'auteur.  Aussi,  ne  devrions-nous  à  Mme  Cabel  que  le  bonheur 
d'avoir  entendu  ainsi  chanté  ce  précieux  fragment,  que  toute  notre  sym- 
pathie lui  serait  acquise. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 

„'*»  Stuttçjard. —  Le  1"  mai  a  eu  lieu  l'inauguration  du  tilleul  qui  a  été 
planté  en  souvenir  de  Uhland,  sur  une  hauteur  qui  porte  également  son 
nom.  Le  Liederkranz  a  chanté  trois  lieder  d'Uhland  ;  le  célèbre  esthé- 
ticien J.-G.  Fischer  a  prononcé  des  paroles  éloquentes,  dignes  de 
l'écrivain  auquel  s'adressait  ce  simple  et  poétique  hommage.  — 
M.  Lewald,  littérateur  distingué  et  depuis  quatorze  ans  régisseur  de 
l'opéra  de  Stuttgard    prend  sa  retraite  à  la  fin  du  mois  prochain. 

^*^  Cologne.  —  Une  composition  nouvelle  de  Ferdinand  Killer,  inti- 
tulée :  0[iéreUe  sans  paroles,  pour  piano  à  quatre  mains,  a  été  exécutée 
par  l'auteur  et  M  Breuning,  dans  la  dernière  séance  de  la  Société 
musicale. 


,i,*,s  Amsterdam.  —  Dans  un  concert  de  la  Liedertafel,  du  6  mai,  a 
été  exécutée  une  grande  composition  pour  solo,  chœurs  d'hommes  et 
orchestre  :  la  Délivrance  de  Leyde,  par  Richard  Hol.  La  famille  royale 
assistait  à  la  soirée,  et  le  roi  a  conféré  à  l'auteur  la  décoration  de  l'ordre 
du  Chêne.  —  Le  célèbre  violoniste  Henri  Wieniawski  s'est  fait  entendre 
trois  fois  dans  les  concerts  du  Parc,  et  chaque  fois  il  a  été  applaudi 
avec  enthousiasme.  C'est  un  des  artistes  les  plus  aimés  en  Hollande. 

„*i  Mayence.  —  Le  1 4  mai  est  mort  à  Mayence  le  compositeur  Beyer, 
qui  s'est  fait  avantageusement  connaître  par  de  nombreuses  compo- 
sition. 

^*^  Hambourg.  -  Le  Pruphèle  a  été  représenté  au  théâtre  de  la  ville  devant 
une  nombreuse  assemblée.  Mme  Gaesch-Llez  a  chanté  le  rôle  de  Fidès 
avec  un  incontestable  talent,  qui,  malheureusement,  se  ressentait  encore 
d'une  indisposition  récente.  Mlle  Zirndorfer  est  charmante  dans  le  rôle 
de  Berthe.  —  Le  Nestor  des  éditeurs  de  musique  en  Allemagne,  M.  Au- 
guste Cranz,  célèbre  au  mois  prochain  le  50"  anniversaire  de  la  fonda- 
tion de  sa  maison,  qu'il  n'a  cessé  de  diriger  lui-même  pendant  ce  long 
espace  de  temps. 

,1,*,^  Dusseldorf.  —  Le  40°  festival  du  Bas-Rhin  aura  lieu  aux  fêtes 
de  la  Pentecôte,  le  24-26  mai,  dans  la  salle  de  la  Tonhalle.  On  y  exécu- 
tera Etie,  oratorio  de  Mendelssohn,  et  l'Ode  à  sainte  Cécile,  par  Haendel. 
L'orchestre  se  composera  de  58  violons,  26  altos,  22  violoncelles  et 
20  contre-basses;  les  chœurs  compteront  730  voix.  Parmi  les  virtuoses 
qui  s'y  feront  entendre,  nous  '  citerons  Mme  Jenny  Lind-Goldschmidt; 
Mlle  Edelsberg,  du  théâtre  de  la  cour  à  Munich,  contralto,  M.  Jules 
Stockhausen,  M.Gunz,  ténor  du  théâtre  royal  à  Hanovre. 


:  s.  ocroBR. 


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MARX.  —  Polka 4  » 

STRAUSS.  —  Grand  galop.... 3  » 

VALIQUET.  —  Valse  très-facile 3  » 

WOLFART.  —  Transcription  facile 5  » 

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vient  de  se  reproduire  à  Londres  avec  plus  d'éclat  encore  :  aussi  le  Jury  international  vient-il,  en  plaçant  ces  instruments 
au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimilé,  à  M.  Henri  HERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection 
reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  solidité,  de  la  sonorité,  de  l'égalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  d'expression.  (Rapport  du  Jury  international.) 


168 


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Exposition  de  1849. 

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Exposition  nationale  française  de  18a4. 


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Exposition  nationale  belge  de  1841. 

DÉCORATION   DE    LA   COURONNE   DE    CHÊNE 
de  Hollande  (IStiS). 

Orande  médaille  d'or 

du  Mérite  de  Prusse  (1846). 

Seiife  grande  médaille  d'itonueur  à  l'Oxposition  universelle  de  Paris  (tS55).  — -  Seule  grande  mëdaille 

(Cotincil  JUetlai)  à  l'Hxpoisitlon  universelle  de  liondres  (I95t). 

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Tous  les  instruments  à  pistons  avec  addition  d'une  ou  plusieurs 

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A     l'exposition     UNIVERSELLE    DE   PARIS    1855. 

Facteur  du    Conservatoire   et  de 
l'Académie  Impériale  de  Paris. 

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HARMONIE  et  FANFARE.  —  Rue  d'Abbeville,  5  bis,  Paris,  près  de  la  place  Lafayette.  —  Belle  Salle  de  300  personnes  pour  Concerts  et  Répétitions. 

16  Brevets  d'Invention  ou  de  perfectionnement.  —  Commission.  —  Exportation. 

Breveté  de  S.  M.  l'Empereur  des  Français.  —  Grand  brevet  de  S.  M.  la  reine  d'Angleterre.  —  Breveté  de  S.  M.. le  roi  des,  Belges.  —  2111=  prix  en  1838.  —  1"  prix 
en  1841.  —  Prix  d'honneur,  médaille  d'or,  en  1843.  —  Médaille  d'argent  à  l'Exposition  de  Paris,  1844.  —  »ÉE.ÉI>UÉ  par  le  gouvernement  belge  pour  visiter 
Ibxposition  universelle  de  Londres,  en  1851.  —  Exposition  universelle  de  Paris,  1855,  les  plus  belles  pages  du  Rapport  officiel,  27'°''  Classe,  pages  1835-1336.  — 
Exposition  universelle  de  Londres,  1862,  PIIIZE  MEDAL,  avec  cette  mention  :  POOR  EXCBI.I>B1«CE  DE  TOUTE  ESPECE  D'INSTRUMENTS  DE  CDIVRE. 
TTi;  o*."??^®^  ^^  l'IKSTITlJT  POLYTECHNIQUE  de  Paris,  membre  de  l'ASSOCIATION  INTERNATIONALE  POUR  LE  PROGRÈS  DES  SCIENCES  SOCIALES.  - 
MEDAILLE  D  OR  et  Membre  du  CORPS  SCIENTIFIQUE  DE  L'HOTEL  DE  VILLE  DE  PARIS. 


APOlF.Oi\  CHAIX  ET  C,  RUE  BERGERE,  20. 


BUREAUX    A    PARIS  :    BOULEVARD   DES   ITALIENS, 


30«  Année. 


iV»  22. 


51  lai  1863. 


oit  S'ABOIINC  t 

Dans  le.i  Départements  et  à  l'Étranger,  chez  (0U3 
les  Marchnnds  de  Musique,  les  libraires,  et  lus 
Pureaax  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


ET 


GAZETTE 


PRIS  DE  L'ABOnnBHENT  t 

Paria 24  Ir.  par  an 

Départements,  Belgique  et  Suisse —    30  n      id. 

Étranger • 34  n      Id. 

le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


"mm  w^miB, 


--^^A/ U\AAAA/\AA/v~- 


SOMMAIRE.  —Concert  de  Camille  Sivori,  par  Adolpbe  Botte.  —  La  musique 
au  banquet  annuel  offert  par  les  Associations  d'artistes  à  M.  le  baron  Taylor. 
—  Théâtre  des  Champs-Elysées.  —  Concours  d'orphéons  et  de  musiques  instru- 
mentales à  Agen,  par  A.  Elwart.  —  Littérature  musicale  et  autre,  par 
Paul  Smith.  —  Correspondance  :  Londres.  —  Revue  des  théâtres,  par 
D.  A.    D.  liaint-YTes.  —  Nouvelles  et  annonces. 


CONCERT  DE  CAMILIE  SIVORI- 

La  soirée  musicale  et  littéraire  donnée  samedi  au  bénéfice  de 
M.  Morena,  dont  le  talent  de  violoniste  brilla,  dit-on,  d'un  assez  vif 
éclat  sous  le  premier  empire,  a  été  des  plus  remarquables.  A  voir  la 
salle  Herz,  on  se  serait  cru  en  plein  hiver  :  un  auditoire  élégant  et 
nombreux  s'était  rendu  à  l'appel  de  Sivori,  venu  tout  exprès  pour 
accomplir  cet  acte  de  généreuse  confraternité. 

Avec  le  grand  violoniste  on  est  habitué  à  la  perfection  ;  mais  ja- 
mais, peut-être,  il  n'avait  mieux  fait  apprécier  les  hautes  et  rares 
qualités  qui  caractérisent  son  talent  ;  jamais  il  n'a  eu  de  plus  heureux 
bonheurs  d'expression,  et  jamais  aussi,  par  conséquent,  il  n'a  été 
accueilli  par  de  plus  fréquentes,  de  plus  unanimes  et  de  plus  enthou- 
siastes acclamations. 

Il  faut  lui  avoir  entendu  jouer  sa  fantaisie  sur  il  Trovalore,  la 
sublime  prière  de  Moise  (dont  l'exécution,  l'autre  soir,  semblait  dé- 
fier la  critique  la  plus  méticuleuse),  ou  bien  encore  le  Carnaval  de 
Venise,  si  usé  sous  les  doigts  d'autres  violonistes,  mais  avec  lui 
toujours  riche,  vivant  et  abondant  en  choses  folles,  capricieuses,  poé- 
tiques et  inattendues  ;  il  faut  lui  avoir  entendu  jouer  ces  morceaux 
pour  se  faire  une  idée  de  la  jeunesse,  de  la  finesse  émue,  de  la  lé- 
gèreté spirituelle,  de  la  passion  frémissante  et  du  charme  incompa- 
rable qu'il  sait  trouver  dans  les  inspirations  de  l'école  italienne. 

Sivori,  qui  possède  une  sûreté,  une  justesse  merveilleuse,  une  beauté 
de  son  d'une  suavité  telle,  que  la  voix  humaine  ne  saurait  avoir 
ni  plus  d'énergie  et  de  variété,  ni  des  ressources  plus  diverses,  ni 
des  oppositions  plus  tranchées,  ni  des  accents  plus  pénétrants,  ni  des 
grâces  plus  flexibles  ;  Sivori  se  dépouille  facilement  des  habitudes  du 
soliste;  il  renonce,  quand  il  le  faut,  aux  libertés  qu'autorisent  les 
morceaux  de  concert,  plus  brillants  en  général  que  savamment  dé- 
veloppés, et  se  conforme  parfaitement  à  la  pureté,  à  la  sobriété,  à 
la  gravité  qu'exige  la  musique  de  chambre.  Samedi,  la  sonate  dé- 
diée à  Kreutzer  et  le  trio  en  ut  mineur  de  Mendelssohn  ont  été 
aussi  bien  dits  par  lui  que  les  mélodies  de  Rossini  et  de  Verdi.  Toute 


la  soirée,  Sivori  nous  a  prouvé,  mieux  que  certain  philosophe,  que 
l'harmonie  des  contraires  était  possible  et  même  très-belle. 

La  partie  vocale,  fort  bonne  cette  fois,  était  confiée  à  M.  Maro- 
chelti  et  à  Mlle  Vaneri,  vocaliste  habile  à  laquelle  il  serait  peut-être 
excessif  de  reconnaître  une  voix  très-fraîche  et  très-pure,  mais  qui 
néanmoins,  par  son  talent,  a  justifié  les  nombreux  bravos  qui  lui  ont 
été  donnés. 

Adolphe  BOTTE. 


u  nnsiQUE 

An  .banquet  annuel  offert  par  les  Associations  d'artistes, 
à  m.  le  baron  Tarlor. 

/S  mai. 

Faute  d'espace,  nous  n'avons  pu  reproduire  les  premiers  le  discours 
prononcé  par  M.  Edouard  Monnais  au  nom  de  l'Association  des 
artistes  musiciens,  mais  comme  ce  speech  est  tout  musical  et  qu'il 
établit  historiquement  les  rapports  des  cinq  associations ,  ayant  le 
même  fondateur,  et  ceux  des  deux  sociétés  alliées,  nous  n'avions 
pas  renoncé  à  le  publier.  Le  voici  donc  :  les  discours  ont  un  avan- 
tage sur  les  dîners  :  ils  refroidissent  moins  vite  ! 

«  Messieurs, 

»  Vous  le  voyez!...  Je  persiste...  je  m'enracine,  et  cela  dure  de- 
puis quatorze  ans  !  Je  ne  veux  pas  qu'il  soit  dit  qu'une  seule  fois 
vous  avez  dîné  sans  moi,  qu'une  seule  fois  j'ai  cessé  de  vous  adres- 
ser quelques  mots  pour  bien  et  dûment  constater  que  je  n'ai  pas 
déserté  mon  poste. 

»  Aujourd'hui  j'ai  une  raison  de  plus  pour  ne  pas  manquer  à  mes 
habitudes. 

1)  Voici  la  quatrième  fois  que  l'Association  des  artistes  musiciens 
est  appelée  à  présider  cette  fête  de  famille,  et  que  moi,  son  re- 
présentant bien  indigne,  je  suis  chargé  d'en  composer  —  bien  plus  — 
d'en  exécuter  l'ouverture. 

n  Une  ouverture.  Messieurs,  cela  rentre  dans  la  spécialité  de  nos 
attributions,  et,  à  certains  égards,  cela  n'excède  pas  trop  ma  portée. 
»  Que  le  début  soit  simple  et  n'ait  rien  d'affecté. 

!)  Je  ne  prétends  qu'à  ce  mérite  dans  un  concert  si  nombreux,  si 
brillant,  où  nous  sommes  tous  heureux  de  faire  notre  partie. 

I)  Oui,  chacune  de  nos  sociétés  forme  un  orchestre  complet,  ayant 


170 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


son  organisation,  sa  hiérarchie  ;  mais  aujourd'hui  tous  ces  orchestres 
se  mêlent,  se  confondent  pour  exécuter  une  magnifique  symphonie 
en  l'honneur  de  leur  chef  unique  et  suprême,  pour  célébrer  sur  tous 
les  tons,  dans  tous  les  modes,  leur  joie  de  se  retrouver  à  la  même 
table  que  leur  illustre  fondateur,  de  pouvoir  encore  lui  chanter,  du 
cœur  et  de  la  voix,  l'hymne  de  l'admiration,  du  dévouement,  de  la 
reconnaissance  ! 

»  Loin  de  moi  la  pensée  d'imiter  ces  commentateurs  enthousiastes 
qui  inventent  des  beautés,  des  perfections  pour  mieux  glorifier  les 
auteurs,  objets  de  leur  culte.  Je  n'attribuerai  donc  pas  à  M.  le  baron 
Taylor,  qui  a  tant  d'autres  droits  à  nos  éloges,  l'ordre  étonnant,  mer- 
veilleux, bien  qu'essentiellement  logique,  dans  lequel  nos  sociétés  sont 
venues  au  monde  et  ont  pris  leur  place  au  soleil  ;  mais  vous  me 
permettrez,  j'espère,  d'appeler  votre  attention  sur  ce  phénomène 
providentiel. 

»  Salut  à  vous,  d'abord,  artistes  dramatiques,  qui  êtes  venus  les 
premiers,  comme  c'était  votre  droit,  et  votre  devoir!  N'est-ce  pas 
vous  en  effet  qui  avez  transformé  en  art  la  parole,  le  geste,  le  re- 
gard, le  rire  et  les  larmes?  N'est-ce  pas  vous  qui  êtes  notre  voix, 
notre  verbe,  notre  éloquence  ?  Vous  nous  avez  donné  l'exemple,  et, 
à  votre  tête,  je  vois  encore  le  premier  des  lieutenants  de  notre  il- 
lustre chef.  Salut  à  vous,  ami  Samson,  notre  second  Isidore,  à  vous 
qui  avez  si  bien  servi  la  cause  commune.  De  légitimes  hommages 
vous  attendent,  je  le  sais,  et  sans  empiéter  sur  le  domaine  d'autrui,  je 
ne  veux  vous  dire  qu'une  chose,  c'est  que  jusqu'ici,  vous  avez  bien 
plus  mérité  qu'obtenu  !  Mais  ce  n'est  qu'une  affaire  de  temps,  et 
je  ne  doute  pas  que  le  temps  n'approche  ! 

»  Les  artistes  musiciens  ont  suivi  les  artistes  dramatiques.  La  mu- 
sique, Messieurs,  n'est-ce  pas  le  luxe  de  la  parole?  N'est-ce  pas  la 
voix  enrichie,  étendue,  portée  à  son  expression  la  plus  haute?  Les 
instruments,  n'est-ce  pas  encore  la  voix  imitée,  reproduite  dans  ses 
inflexions,  dans  ses  accents?  Nous  avons  donc  pris  notre  rang,  comme 
nous  devions  le  prendre,  et  nous  l'avons  maintenu  avec  harmonie, 
ce  dont  il  nous  appartenait  de  donner  des  leçons. 

»  Et  vous,  artistes  peintres,  sculpteurs,  architectes,  graveurs,  des- 
sinateurs, vous  ne  vous  êtes  pas  fait  attendre  parce  que  la  parole  et 
la  musique,  après  tout,  sont  choses  passagères  et  fugitives,  verba  volant; 
parce  qu'il  fallait  donner  un  corps  à  l'idée,  en  tracer  des  images  du- 
rables; parce  que  la  parole  et  la  voix  avaient  besoin  de  théâtres,  de 
sanctuaires,  de  temples  construits  par  vous,  ornés  par  vous,  remplis 
par  vous  des  portraits,  des  statues,  des  effigies  de  nos  grands  hommes, 
aussi  bien  que  des  vôtres! 

1)  Salut  à  vous  aussi,  inventeurs  et  artistes  industriels,  qui  avez 
compris  que  sans  vous  nous  ne  pourrions  marcher  d'un  pas  sûr,  et 
•  qui  nous  avez  fait  comprendre  que  fe  mieux  n'est  pas  toujours  l'ennemi 
du  bien  I  C'est  à  vous  que  nous  demanderons  ces  progrès,  ces  per- 
fectionnements infinis,  ces  améliorations  continues  qui  renouvellent 
la  face  du  monde,  et  qui  ne  nous  laisseraient  rien  à  désirer  s'ils 
pouvaient  en  même  temps  rajeunir  un  peu  ceux  qui  l'habitent  ! 

»  Enfin  une  cinquième  association  s'est  formée  :  elle  est  bien  jeune 
encore;  mais  ce  qu'on  peut  affirmer,  c'est  que  sans  elle  tout  périrait! 
Salut  il  vous,  mes  nouveaux  confrères,  membres  de  l'enseignement, 
professeurs,  qui  vous  passez  de  main  en  main  ces  salutaires  flam- 
beaux du  savoir,  qui  formez  entre  vous  cette  chaîne  intelligente 
dont  la  sainte  mission  consiste  à  répandre  la  lumière,  ce  qui,  dans 
l'ordre  moral,  est  le  meilleur  moyen  d'éteindre  le  feu! 

»  Mais  j'aperçois  deux  autres  sociétés  qui,  pour  n'être  pas  sorties  de 
la  même  souche  que  nous,  ne  nous  en  sont  pas  moins  chères,  et  dont 
les  représentants  sont  nos  invités,  nos  hôtes.  Pardon,  mille  fois  par- 
don, messieurs  les  auteurs  et  compositeurs  dramatiques,  messiours 
les  gens  de  lettres  ;  vous  venez  ici  en  dernier  ordre,  mais  ce  sera 
comme  dans  l'Evangile.  J'ai  nommé  d'abord  ceux  qui  parlent,  ceux 
qui  chantent,  ceux  qui  tracent  des  images,  qui  élèvent  des  théâtres, 


des  palais,  des  panthéons;  ceux  qui  inventent  ou  pratiquent  les 
moyens  de  propager,  de  populariser,  de  transmettre  les  manifesta- 
tions de  la  pensée.  Et  c'est  vous.  Messieurs,  qui  la  produisez,  qui 
l'enfantez  !  Salut  à  vous,  et  avec  toutes  mes  excuses,  recevez  nos 
remercîments  de  l'honneur  que  vous  voulez  bien  nous  faire. 

»  Voilà  mon  ouverture,  Messieurs;  je  vous  en  ai  exécuté  purement 
et  simplement  le  motif.  A  présent  c'est  à  vous  d'y  ajouter  vos  ac- 
compagnements si  riches,  vos  modulations  si  ingénieuses,  vos  fiori- 
tures si  brillantes.  En  un  mot,  c'est  à  vous  de  compléter  la  partition. 
Vous  me  trouverez  toujours  prêt  à  me  joindre  à  vous  dans  les  tutti, 
dans  les  morceaux  d'ensemble. 

»  Pour  achever  mon  solo,  je  n'ai  plus  qu'à  me  tourner  vers  l'homme 
illustre  par  qui  nous  sommes  ici  tous,  sans  qui  nos  cinq  sociétés 
seraient  encore  à  naître. 

»  Salut  à  vous  cher  fondateur,  cher  président,  providence  visible 
de  tous  les  artistes  qui  invoquent  le  ciel  dans  leurs  souffrances, 
leurs  misères,  leur  vieillesse,  et  qui,  grâce  à  vous,  sont  toujours  cer- 
tains d'être  entendus,  soulagés  ! 

»  Messieurs,  l'Association  des  artistes  musiciens  vous  propose  par 
mon  organe  un  premier  toast  au  fondateur  de  nos  cinq  sociétés,  au 
protecteur  de  toutes  les  autres,  à  M.  le  baron  Taylor  !  » 


THËÂTRE  DES  CHÂfflPS-fLYSÉES- 

Nedel  est  un  jeune  fermier  breton,  aussi  niais  qu'il  est  riche 
et  beau.  Vainement  Noël,  son  garçon  de  ferme,  gaillard  déluré,  le 
gourmande  sur  sa  timidité;  vainement  les  deux  plus  jolies  filles  du 
village  lui  font  les  agaceries  les  plus  significatives  :  Nedel  résiste  à 
leurs  avances;  bien  plus,  il  se  fâche  des  galanteries  que  Noël  leur 
débite  pour  l'encouragera  en  faire  autant,  et  il  les  met  tous  à  la  porte. 
C'est  que  Nedel  n'est  point  en  réalité  ce  qu'il  paraît  être;  c'est  que 
Nedel,  cru  jusque-là  garçon,  n'est  qu'une  jolie  fille,  à  laquelle  sa  mère, 
dans  la  prévision  de  sa  fin  prochaine,  a  fait  prendre,  en  arrivant 
dans  le  village,  les  habits  masculins,  pour  la  mieux  préserver  des 
dangers  qui  pourraient  la  menacer  lorsqu'elle  ne  l'aurait  plus  pour 
la  protéger.  En  même  temps  que  Nedel  fait  cette  confidence  à 
Noël,  elle  lui  avoue  que  l'affection  qu'il  lui  a  toujours  témoignée, 
que  ses  bonnes  qualités  ont  touché  son  cœur,  et  que  c'est 
lui  qu'elle  aime.  Sur  ce  léger  canevas,  très  agréablement  tracé 
par  Mme  Lionel,  M.  Marius  Boullard,  jeune  compositeur  de  vingt 
ans,  a  écrit  une  musique  vive,  alerte  et  bien  dans  la  couleur 
pastorale  du  sujet.  L'ouverture  reproduit  une  ronde  bretonne 
bien  rhythmée  avec  accompagnement  de  tambourin,  chantée 
dans  le  cours  de  l'ouvrage.  Le  premier  duo  renferme  une  phrase 
très-jolie,  répétée  tour  à  tour  par  les  deux  voix.  On  voudrait  plus  de 
cachet  et  d'originalité  dans  la  légende;  mais  le  quatuor,  dont  une 
partie  se  chante  sans  accompagnement,  est  d'une  bonne  facture  et 
bien  réussi.  La  ronde  dont  nous  parlions  plus  haut  a  de  l'entrain; 
c'est,  à  notre  avis,  le  meilleur  morceau.  En  somme,  la  mélodie  règne 
dans  tout  le  cours  de  cette  opérette;  elle  est  facile,  agréable,  et  a  pro- 
voqué à  plusieurs  reprises  des  applaudissements  de  bon  aloi.  C'est 
un  essai  de  bon  augure  pour  l'avenir  de  M.  Boullard.  Le  principal 
rôle  est  rempli  par  Mme  Lionel,  qui  a  rendu  avec  beaucoup  de  naturel 
et  de  charme  le  double  personnage  qu'elle  représente  ;  Alexis  a  beau- 
coup de  rondeur  dans  celui  de  Noël  ;  Mmes  Suzanne  et  Roger  ont 
convenablement  contribué  à  l'ensemble. 

Un  proverbe  à  deux  personnages,  de  M.  Real  :  Ce  qui  est  fait  est 
fait,  très-finement  joué  par  Mme  Lionel  et  M.  Georges,  accompagne 
fort  agréablement  l'opérette  de  M.  Boullard,  et  compose  un  spectacle 
qui  ne  peut  manquer  d'attirer  les  promeneurs  au  théâtre  des  Champs- 
Elysées. 

S.  D. 


DE  PAHIS. 


171 


CONCOURS  D'ORPHÉONS  ET  DE  MUSIQUES  INSTRUIENTÂIES, 

à  Agcn. 

L'idée  orphéonique  se  répand  de  plus  en  plus.  Grâce  au  zèle  des 
présidents  et  des  directeurs  des  sociétés  chorales  de  la  province  ,  il  y  a 
peu  de  villes  qui  n'aient  maintenant  non  seulement  plusieurs  orphéons, 
mais  aussi  des  musiques  d'harmonie  et  des  fanfares.  Le  temps  est  pro- 
che où  ces  deux  éléments  seront  associés  dans  les  mêmes  luttes  et  les 
mêmes  triomphes.  Jusqu'ici,  les  sociétés  instrumentales  concourent  entre 
elles.  Encore  quelques  efforts,  et  le  public  sera  appelé  à  juger  du  mé- 
rite relatif  des  orphéonistes  et  des  instrumentistes.  Les  compositeurs 
qui  consacrent  leurs  veilles  à  écrire  pour  les  seules  voix  d'hommes, 
ayant  à  leur  disposition  des  masses  instrumentales  dignes  d'accompa- 
gner les  chœurs,  auront  un  champ  plus  vaste  à  parcourir,  et  pourront 
donner  essor  à  leur  imagination  féconde. 

En  attendant  ce  moment  désiré ,  nous  sommes  heureux  d'avoir  à 
constater  les  succès  que  viennent  d'obtenir  à  Agen  plusieurs  sociétés 
chorales  et  instrumentales.  C'est  le  16  mai  que  le  concours  d'harmo- 
nie et  de  fanfares  a  eu  lieu  dans  le  chef-lieu  de  Lot-et-Garonne.  De 
jeunes  enfants  et  des  hommes  faits  ont  pris  part,  dans  des  divisions 
différentes,  à  ce  concours  intéressant.  Citons  parmi  les  premiers  prix, 
les  Enfants  d'Aiguillon  et  la  célèbre  fanfare  RoUet,  de  Bordeaux.  —  Les 
médailles  destinées  auz  musiques  d'harmonie  mllilaire  ont  été  vaillam- 
ment disputées  par  la  Société  de  Sainte  Cécile  de  Casteljaloux ,  l'Har- 
monie de  Langon  et  l'Harmonie  de  Nérac.  Le  lendemain  dimanche  17, 
les  concours  d'orphéons,  beaucoup  plus  nombreux,  ont  eu  lieu  au 
théâtre,  au  cirque  et  à  l'ancienne  chapelle  des  Pénitents  blancs , 
d'Agen. 

Au  théâtre,  la  médaille  de  S.  M.  l'Empereur  a  été  décernée  à  la  So- 
ciété de  Sainte-Cécile  de  Bordeaux.  —  Le  premier  prix  de  la  première 
division  a  été  remporté,  aux  Pénitents  blancs,  par  l'Orphéon  de  Mon- 
tauban.  —  Au  cirque,  la  première  médaille  a  été  décernée  à  l'Orphéon 
de  Sainte-Cécile  de  Bayonne.  Un  grand  progrès  se  fait  sentir,  même 
dans  les  sociétés  les  plus  faibles,  et  nous  aimons  à  insister  sur  l'intelligence 
avec  laquelle  la  plupart  des  chœurs  imposés  ont  été  chantés.  De  plus, 
nous  avons  constaté  l'emploi  des  saxophones  dans  quelques  musiques 
d'harmonie. 

Le  discours  d'usage,  prononcé  avant  la  distribution  des  médailles, 
par  M.  H.  Noubel,  maire  d'Agen,  a  produit  une  très-grande  sensation. 
Cette  page  éloquente  a  parfaitement  exposé  le  but  et  les  avantages 
moraux  de  l'institution  orphéoniqae  ;  et,  en  terminant,  nous  sommes 
heureux  de  remercier  M.  Noubel  de  la  gracieuse  hospitalité  que  l'édi- 
lité  agénoise  et  la  commission  des  concours  ont  offerte  aux  mem- 
bres du  jury  et  aux  représentants  de  la  presse  parisienne. 

A.  ELWART. 


LITTÉRATURE  MUSÎCAIE  ET  AUTRE. 

Cltâtean  à  vegifSre,  par  Alexandre  de  Livergne.  —  Coules 
du    docteur    Sam   et  les  S^etites    Clironiques    de   la 

eeienee,  par  S.  Henby  Berthoud. 

La  musique  reprend  son  bien  partout  où  elle  le  trouve,  et  il  faut 
convenir  qu'elle  trouve  beaucoup  de  choses  à  son  usage,  beaucoup 
de  choses  qui  viennent  d'elle  et  qui  doivent  y  retourner  dans  le 
roman  nouveau ,  que  publiait  tout  récemment  la  Revue  con- 
temporaine. Château  à  vendre,  c'est  le  litre  du  roman  dont 
l'auteur,  M.  Alexandre  de  Lavergne,  nous  a  raconté  déjà  bien 
des  drames  remplis  d'intérêt,  de  passion,  qui  ont  fait  battre  les 
cœurs,  et  souvent  couler  les  larmes.  Pour  cette  fois,  il  n'a  pas 
choisi  son  Château  à  vendre  parmi  ces  Ruines  historiques  de 
France,  dont  les  chroniques,  recueillies  par  lui,  forment  un  des  plus 
curieux  et  des  plus  amusants  volumes  que  l'on  puisse  lire.  Le  châ- 
teau de  la  Fare,  auquel  son  récit  se  rattache,  est  tout  simplement 
un  débris  féodal,  situé  sur  les  marches  de  cet  escalier  naturel  par 
où  l'on  monte  à  la  grande  Chartreuse.  La  restauration  de  cet  élégant 
manoir  a  coulé  si  cher  qu'il  n'est  resté  rien  que  des  dettes  à  l'héri- 
tier de  M.  le  vicomte  de  la  Fare,  ancien  maréchal  des  camps  et  ar- 
mées des  rois  Louis  XVllI  et  Charles  X.  L'héritier  se  voit  donc  réduit 


à  vendre  son  héritage,  et  si  nous  nous  bornions  à  dire  qu'il  se  ren- 
contre là  tout  à  point  quelqu'un  pour  l'acheter,  que  ce  quelqu'un 
est  le  fils  de  l'ancien  jardinier  du  château ,  qu'il  se  nomme  François 
et  qu'il  est  frère  de  lait  de  Raoul,  le  fils  du  noble  vicomte,  nous  ris- 
querions beaucoup  de  n'étonner  personne,  et  plus  d'un  de  nos  lecteurs 
s'écrierait  : 

Ce  n'est  qu'une  aventure  ordinaire  et  commune, 
Qu'un  coup  peu  surprenant  des  traits  de  la  fortune  ! 

Oui,  mais  ce  qu'il  faut  connaître,  et  ce  qui  constitue  le  sujet  même 
du  roman,  c'est  la  cause  de  cette  grandeur,  surgissant  tout  à  coup  en 
face  de  cette  décadence,  c'est  le  moyen  par  lequel  un  fils  de  jardi- 
nier s'est  enrichi  au  point  d'acquérir  le  patrimoine  du  fils  d'un 
vicomte,  et  de  lui  tendre  une  main  protectrice.  Cette  cause,  ce 
moyen,  l'avez-vous  deviné?  C'est  la  musique.  François,  le  petit 
François,  désormais  appelé  Frantz,  a  reçu  du  ciel  le  plus  beau  des 
dons,  une  voix  de  ténor  !  Il  a  chanté  d'instinct,  avant  de  se  douter 
qu'il  fût  né  chanteur.  Son  éducation  musicale  s'est  faite  à  la  grâce 
de  Dieu  :  il  a  quelque  peu  profité  de  leçons  complètement  perdues 
pour  son  noble  maître.  Et  puis  le  hasard  voulut  que,  venant  de  Gre- 
noble à  Paris,  sur  l'impériale  de  la  diligence  où  il  était  perché, 
François  entonnât  un  air  de  ta  Dame  blanche  :  Viens,  gentille  dame, 
tandis  que,  dans  l'intérieur  du  même  véhicule,  Raoul  s'occupait  de 
toute  autre  chose.  Un  des  voyageurs  entendit  François;  ce  voyageur 
arrivait  d'Italie,  et  l'instant  d'auparavant  il  avait  dit  à  Raoul,  son 
voisin  :  «  Vous  me  demanderez  peut-être  ce  que  je  suis  allé  faire  en 
»  Italie,  et  vous  vous  imaginez  sans  doute  que  je  suis  un  archéo- 
»  logue  :  ce  serait  une  grave  erreur.  Monsieur.  Je  n'aime  pas  les  an- 

»  tiquités  en  aucun   genre,  entendez-vous? Je  ne  suis  pas  non 

»  plus  un  amateur  de  peinture,  comme  vous  pourriez  le  supposer,  et 
»  j'aurais  grand'peine  à  distinguer  un  Raphaël  ou  un  Titien  d'un 
»  tableau  de  votre  façon,  Monsieur,  si  vous  êtes  peintre.  Enfin,  j'ai 
»  beaucoup  enlendu  parler  de  Virgile  et  de  Dante,  mais  je  ne  les  ai 
»  jamais  lus,  attendu  que  je  ne  sais  ni  le  latin,  ni  l'italien,  et 
11  que  je  n'estime  guère,  en  fait  de  vers,  que  les  poëmes  de 
»  M.  Scribe,  parce  qu'ils  se  chantent.  Que  suis-je  donc?  Cela  vous 
»  intrigue  peut-être,  bien  que  vous  ne  me  le  demandiez  pas,  mais 
»  je  pense  que  quand  on  est  appelé  à  passer  ensemble  côte  à  côte 

1)  un  laps  de  temps  assez  considérable,  il  faut  se  connaître Eh! 

»  bien.  Monsieur,  puisqu'il  faut  vous  le  dire,  j 'e.xerce  une  profession 
»  toute  spéciale,  une  profession  que  la  régie  des  contributions  n'a 
»  pas  encore  songé  à  enregistrer  dans  la  loi  sur  les  patentes  ;  vous 
»  ne  me  trahirez  pas  au  moins,  j'espère,  auprès  d'elle  :  Je  fais  la 
1)  traite  des  rossignols.  » 

La  traite  des  rossignols  !  Vous  avez  compris  ?  A  compter  de  ce 
moment,  le  Marseillais,  Mirandol,  ayant  trouvé  sous  sa  main  l'oiseau 
rare  qu'il  cherchait  par  terre  et  par  mer,  s'arrange  pour  ne  pas  le 
laisser  envoler,  pour  achever  de  l'instruire,  pour  le  mettre  en  plein 
rapport,  et  il  n'y  réussit  que  trop  bien  !  Grâce  à  lui,  François  entre 
au  Conservatoire,  et  il  en  sort  pour  aller  chanter  en  Allemagne,  en 
Italie  ;  enfin  il  débute  au  théâtre  Italien  à  Paris.  Sa  fortune  de  ténor 
grandit  et  s'élève  au  fur  et  à  mesure  que  celle  du  gentilhomme,  son 
frère  de  lait,  s'anéantit.  Puisque  le  ténor  a  l'âme  généreuse,  il  n'y 
aurait  que  demi-mal,  si  le  gentilhomme  n'eût  apporté  de  sa  province 
un  amour  qu'il  croyait  destiné  à  le  consoler,  à  le  dédommager  de 
toutes  ses  misères;  et  c'est  précisément  le  contraire  qui  arrive! 
Comptez  donc  sur  quelque  chose  ici-bas!  Le  charme  de  la  voix  opère 
sur  la  jeune  et  tendre  Eugénie,  qui  s'élait  d'abord  vouée  tout  entière 
à  Raoul ,  et  le  charme  des  monceaux  d'or  qui  pleuvent  dans  l'escar- 
celle de  Frantz  agit  plus  fortement  encore  sur  l'âpre  et  ambitieuse 
Mme  Brossier ,  mère  d'Eugénie.  De  tout  cela ,  il  résulte  qu'un  beau 
jour,  un  triste  jour,  devrions-nous  dire,  Raoul  est  abandonné,  délaissé; 
Frantz  préféré  :  la  trop  sensible  Eugénie  ne  se  montre  pas  moins 
volage  que  l'aveugle  déesse.  A  qui  la  faute  ?  A  la  musique  d'abord. 


172 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


à  ce  marchand  de  voix  humaines  qui  fait  des  chanteurs  plus  opulents 
que  des  banquiers  et  des  princes  ;  et  aussi  peut-être  à  cette  mobilité 
native  des  cœurs  féminins,  qui  continue  à  causer  tant  de  ravages 
dans  le  monde  et  dans  les  romans.  Eugénie  est  une  fille  d'Eve,  s'il 
en  fut  ;  pour  le  prouver,  il  nous  slifBrait  d'indiquer  le  dénouaient 
final  de  Château  à  vendre.  Mais  à  Dieu  ne  plaise  que  nous  flétrissions 
le  fruit  dans  sa  fleur!  Laissons  aux  lecteurs,  et  ils  ne  manqueront  pas, 
le  plaisir  de  poursuivre,  à  travers  les  ingénieux  méandres  d'un  récit 
toujours  spirituel ,  une  conclusion  qu'on  atteint  toujours  trop  tôt, 
lorsqu'on  se  plaît  sur  la  route.  Et  comment  ne  s'y  plairait-on  pas, 
avec  un  guide,  un  compagnon  tel  que  M.  Alexandre  de  la  Vergue, 
un  expert  en  pareille  matière  ?  C'est  par  une  sorte  d'actualité  que  se 
distingue  sa  nouvelle  œuvre.  Quoi  de  plus  actuel  que  les  ténors  qui 
achètent  des  châteaux  ?  Mais  on  y  remarque  aussi  de  ces  bonnes  et 
franches  figures  ,  qui  sont  de  tous  les  temps ,  comme  celle  de  l'abbé 
Doucerain,  par  exemple  ,  moderne  Caleb ,  ne  vivant  que  pour  Raoul, 
son  élève,  et  ne  dédaignant  même  pas,  pour  lui  procurer  le  pain  quo- 
tidien, de  jouer  incognito  du  violon  dans  l'orchestre  d'un  théâtre  !  Le 
bonhomme  était  convaincu  qu'une  perruque  blonde  et  des  lunettes 
ne  permettraient  à  personne  de  reconnaître  l'auteur  de  sa  belle 
action  !  C'est  donc  par  les  détails,  autant  que  par  le  fond,  que  se  re- 
commande Château  à  vendre. 

Avant  de  quitter  le  rail  littéraire,  sur  lequel  nous  a  entraîné  la 
musique,  cédons  au  désir  d'annoncer,  comme  il  mérite  de  l'être  et 
non  par  une  banale  réclame,  un  magnifique  volume  :  les  Contes  du 
docteur  Sam,  illustrés  avec  infiniment  de  talent  et  de  luxe.  Tout  le 
monde  sait  que  le  docteur  Sam  n'est  autre  que  notre  confrère  et 
ami  Henry  Berthoud,  et  tout  le  monde  le  connaît  aussi  pour  un  sin- 
cère ami  de  l'histoire  naturelle.  Dans  les  contes  qu'il  écrit  pour  les 
enfants  et  que  peuvent  fort  bien  lire  les  grandes  personnes,  il  a  tou- 
jours soin  d'enfermer  quelque  notion  vraie,  utile  ;  il  n'a  pas  seulement 
pour  but  d'amuser,  il  s'attache  à  instruire  ;  il  professe,  il  enseigne  : 
Le  conte  fait  passer  la  science  avec  lui. 

Donc,  notre  avis  est  qu'on  ne  saurait  mettre  dans  les  mains  de  la 
jeunesse  un  livre  plus  récréatif,  ni  plus  instructif  que  les  Contes  du 
docteur  Sam,  et,  quoique  le  premier  jour  de  l'an  soit  bien  loin, 
nous  ajouterons  que  ce  sont  là  de  belles  et  excellentes  étrennes. 

Le  même  Henry  Berthoud  a  encore  publié  un  ouvrage  de  haute 
valeur  :  les  Petites  Chroniques  de  la  science,  où  il  inscrit  jour  par 
jour  le  résumé  des  découvertes,  inventions,  observations,  travaux 
qui  occupent  nos  corporations  savantes.  L'ouvrage  en  est  à  sa  se- 
conde année,  et  le  succès  déjà  établi  ne  peut  que  s'augmenter.  A  la 
manière  simple  et  piquante,  ornée  sans  prétention,  dont  les  faits  y 
sont  présentés,  examinés,  discutés,  on  serait  tenté  de  croire  que  l'é- 
crivain a  retrouvé  quelque  part  une  des  plumes  les  mieux  taillées  de 
notre  célèbre  Fontenelle. 

Paul  SMITH. 


CORRESPONDANCE. 

Londres,  29  mai. 

Mlle  Elvira  Demi  a  fait  un  début  assez  paie  dans  le  rôle  de  la.Iy 
Henriette,  de  Marlha.  Graziani  a  délicieusement  chanté  l'iunkett, 
et  Mario  avait  *oute  sa  délicieuse  voix  dans  Lionel.  La  représenta- 
tion du  chef-d'œuvre  de  Flotow  a  donc  conservé  une  partie  de  son 
éclat,  mais  il  est  indispensable  que  Mme  Koretti  prenne  vite  le  rôle 
principal.  Lfl  Barbier,  Don /î(fm  et  la  yt/«(/ip  ont  défrayé  la  semaine. 
—  Mlle  Patti,  jeudi  dernier,  a  chanté  le  rôle  de  Leonora  du  Troralorc, 
Mario  chantait  le  rôle  de  Manrico,  Graziani  celui  du  comte  de  Luna,  et 
Mme  Nantier-Didiée,  Azuoena.  —  La  semaine  prochaine  nous  aurons  la 
Gazza  ladra,  par  Mlle  Patti,  Neri-Beraldi,  Honconi,  et  Faure,  dans  le 
rôle  du  père.  —  Au  théâtre  de  .Sa  Majeslé  une  indisposition  du' nouveau 
ténor  fSaragli,  a  fait  ajourner  son  début  dans  Lucia  ;  Giuglini  l'a  rem- 
placé.— Je  vous  ai  dit  le  succès  de  Mlle  Artot  àam  la  Fille  du  W'çjimenl, 
Al.  Bettini  dans  le  rôle  de  Tonio,  et  Zucchini  dans  celui  du  sergent 
Sulpice,  ont  beaucoup  contribué  au  succès. 


Le  grand  événement  de  la  semaine  a  été  la  première  représentation 
à  ce  théâtre,  du  grand  ballet  de  Rota,  musique  de  Giorza,  Bianchi  c 
Neri.  C'est  le  26  qu'elle  a  eu  lieu,  et  on  peut  dire  que  le  succès  a  été 
pyramidal.  Ce  n'est  pas  seulement  la  chorégraphie  dont  on  a  salué  le 
mérite,  en  faisant  répéter  les  principaux  pas,  et  en  rappelant  quatre  à 
cinq  fois  M.  Rota,  mais  c'est  la  musique  qui  a  non  moins  réussi,  et 
l'exécution,  qui  dans  la  personne  de  l'incomparable  Ferraris  et  de  la 
célèbre  mime  Giovannina  Morlacchi,  a  été  un  triomphe  tel  qu'on  ne  se 
rappelle  pas  d'un  semblable  obtenu  à  Londres  pour  un  ballet.  Je 
vous  en  reparlerai  nécessairement;  mais  j'ai  à  vous  dire  quelques  mots 
encore  de  la  première  des  représentations  données  à  Drury  Lane.au  bé- 
néfice de  Lumley,  avec  le  concours  de  Mme  la  marquise  de  Gaetani, 
née  Piccolomiûi.  Cette  représentation,  à  laquelle  avaient  voulu  assister 
le  prince  et  la  princesse  de  Galles,  se  composait  de  la  Figlia  del  reggi- 
menlo,  chantée  en  entier,  et  du  dernier  acte  de  la  Favorite,  chanté  par 
Giuglini  ;  les  détails  à  ma  prochaine. 

Les  concerts  vont  leur  train.  J'ai  entendu  Alf.  Jaell  à  celui  de  la  Mu- 
sical Union;  il  y  a  fait  fanatisme  dans  tous  les  grands  morceaux  classiques. 
On  lui  a  fait  répéter  la  marche  du  Tannhauser. — Mlle  Titjens  vient  de 
signer  avec  les  directeurs  des  festivals  de  Worcester  et  de  Norwich  un 
engagement  pour  la  bagatelle  de  600  guinées  (12,600  francs). 

Le  prince  et  la  princesse  de  Galles,  qui  se  montrent  très-amateurs  de 
musique,  assistent  fréquemment  aux  concerts  de  la  Société  philharmo- 
nique. Leurs  Altesses  ont  pris  sous  leur  auguste  patronage  le  magnifique 
concert  que  doit  donner  Jules  Bénédict  le  21  juin. 


REVUE  DES  THÉÂTRES. 

Théâtre-Français  :  Début  de  Mlle  Agar  dans  Phèdre.  —  Gym- 
nase :  Nos  Alliées,  comédie  en  trois  actes,  par  M.  Paul  Moreau. — 
Palais-Roïal  :  Le  Brésilien,  vaudeville  en  un  acte,  par  MM.  H. 
Meilhac  et  Lud.  Halévy  ;  l'Oiseau  fait  son  nid,  vaudeville  en  un 
acte,  par  MM.  Clairville  et  Lambert  Thiboust.  —  Porte-Saint- 
Mautin  :  Reprise  des  Pilules  du  Diable,  grande  féerie  en  vingt- 
quatre  tableaux.  —  Ambigu  :  Reprise  de  la  Poissarde,  drame  de 
MM.  Dupeuty,  Paulin  Ueslandes  et  Bourget. 

Les  débuts  annuels  qui  ont  lieu  vers  cette  époque  au  Théâtre- 
Français  ont  été  inaugurés  par  un  accident  dont  les  suites,  par  bon- 
heur, n'auront,  assure-ton,  aucune  gravité.  Mlle  Agar,  que  l'on  a 
vue,  l'an  dernier,  jouer  Phèdre  avec  un  certain  succès  à  l'Odéon, 
paraissait  pour  la  première  fois,  dans  le  même  rôle,  à  la  rue  Riche- 
lieu, lorsque,  en  sortant  de  scène,  elle  a  fait  un  faux  pas  et  s'est 
blessée  assez  douloureusement  au  visage  pour  être  forcée  de  ne  pas 
achever  la  pièce.  Les  sympathies  nombreuses  que  cette  soirée  a  at- 
tirées sur  la  tragédienne,  ne  peuvent  manquer  de  profiter  d'une  ma- 
nière favorable  à  son  second  début. 

—  En  dehors  des  reprises  qui  continuent  à  aflluer  de  toutes  parts, 
nous  signalerons,  comme  un  événement  qui  devient  de  plus  en 
plus  rare,  la  réussite  complète  au  Gymnase,  d'une  comédie  nou- 
velle, en  trois  actes,  ayant  pour  titre  :  A'os  Alliées.  Suivant  l'usage 
antique,  mais  fort  peu  solennel,  il  s'agit,  dans  cette  pièce,  d'une 
course  au  mariage  entre  deux  rivaux.  L'un  d'eux,  jeune  militaire, 
plein  de  bravoure,  mais  trop  timide  auprès  du  sexe,  se  fait  protéger 
dans  ses  amours  par  une  aimable  veuve;  l'autre,  voyant  cela,  im- 
plore l'appui  d'une  tante  de  la  jeune  fille  qui  est  le  but  de  ce  steeple- 
chase.  Or,  voici  ce  qui  résulte  de  cette  double  alliance:  la  tante,  co- 
quette et  prétentieuse,  essaye  de  se  substituer  à  sa  nièce,  et  la  veuve 
inspire  une  passion  très-réelle  et  très-sérieuse  à  son  protégé.  En  fin 
de  compte,  ces  deux  derniers  s'épousent,  et  le  rival,  après  avoir  ma- 
nœuvré de  manière  à  se  délivrer  de  l'obsession  qui  le  menace,  ob- 
tient la  main  de  celle  qu'il  aime.  Les  situations  un  peu  banales  de  cette 
comédie  sont  sauvées  par  d'ingénieux  détails,  que  l'excellente  troupe 
du  Gymnase  fait  parfaitement  valoir,  bien  qu'on  n'y  voie  briller  au- 
cune étoile. 

—  Deux  vaudevilles  forment  le  contingent  du  Palais-Royal  pendant 
cette  quinzaine.  Le  Brésilien  est,  à  ce  qu'il  paraît,  le  type  accepté 
aujourd'hui   pour  traduire  l'exaltation  amoureuse  poussée  jusqu'à  la 


DE  PARIS. 


173 


folie  la  plus  excentrique,  exaltation  qui  fait  peur  aux  femmes  et  qui  tient 
les  rivaux  à  distance.  Brasseur  n'est  qu'un  faux  Brésilien,  beaucoup 
plus  amoureux  que  s'il  était  de  bon  aloi,  et  il  est  on  ne  peut  mieux 
secondé  par  Gil  Pérès,  par  Mlle  Schneider  et  par  Mlle  Aubry.  Celte 
dernière  est  une  jolie  personne  qui  a  joué  le  rôle  de  Micheline  avec 
beaucoup  de  naturel.  Le  succès  de  cette  joyeuse  petite  pièce  n'a 
pas  été  un  instant  douteux,  et  depuis  ce  premier  jour,  il  n'a  fait 
que  s'accroître.  Une  ronde  écrite  par  Offenbach  pour  Brasseur 
n'est  certainement  pas  étrangère  à  cette  recrudescence.  On  ne  peut 
rien  imaginer  en  effet  de  plus  drôle,  de  plus  original  que  cette 
odyssée  d'un  monsieur  qui  suit  les  femmes.  Non-seulement  la  musi- 
que, très-réussie  et  couronnée  par  une  fanfare  de  trompette  des  plus 
inattendues,  mais  aussi  les  paroles  burlesques  de  la  ronde  en  ques- 
tion, l'ont  déjà  rendue  populaire. 

Le  second  vaudeville  est  loin  d'avoir  le  même  attrait,  et  pourtant 
on  l'a  bien  accueilli.  Comme  l'oiseau  qui  fait  son  nid,  Clovis  a  l'habi- 
tude en  changeant  de  domicile,  d'explorer  avec  soin  le  voisinage, 
pour  y  découvrir  une  compagne  disposée  à  passer  avec  lui  le  bail 
consenti  par  son  propriétaire.  11  jette  son  dévolu  sur  deux  jolies 
grisettes;  mais  si  l'une  est  de  bonne  composition,  l'autre  est  un  mo- 
dèle de  vertu  et  de  sagesse  ;  naturellement,  c'est  de  celle-ci  que 
Clovis  devient  amoureux.  Pour  l'éprouver  il  prend  divers  travestisse- 
ments qui,  par  les  conseils  perDdes  de  la  jeune  fille  qu'il  a  dédai- 
gnée, sont  bien  près  de  tourner  contre  lui-même.  Heureusement 
quelques  mots  d'explication  suffisent  pour  rapprocher  Clovis  et 
Georgette  qui  jurent  de  s'aimer  comme  des  tourtereaux,  mais  après 
avoir  fait  bénir  leur  nid  par  le  curé  de  la  paroisse.  Le  rôle  de 
Clovis  a  été  tracé  en  vue  de  Berthelier  ;  c'est  dire  qu'il  est  enlevé 
avec  un  esprit  et  un  entrain  tout  à  fait  exemplaires.  Dans  ce  vaude- 
ville, on  applaudit  aussi  une  chansonnette,  à  laquelle  Berthelier 
donne  un  cachet   singulièrement  comique. 

—  Au  nombre  des  reprises  qui  continuent  à  inonder  tous  nos 
théâtres  secondaires,  nous  nous  contenterons  d'en  signaler  deux, 
plus  importantes  que  les  autres.  D'abord,  à  la  Porte-Saint-Martin, 
cette  fameuse  féerie  des  Pilules  du  Diable,  qui  compte  plus  d'un 
millier  de  représentations,  et  qui,  probablement,  va  voir  ce  chiffre 
s'augmenter  de  quelques  centaines.  La  magnificence  de  la  direction 
de  ce  théâtre  est  tellement  bien  établie  dans  l'opinion,  que  nous 
n'avons  pas  besoin  de  raconter  les  merveilles  d'une  mise  en  scène 
au  moins  égale  à  celle  du  Pied  de  mouton.  Ajoutons  seulement  que 
la  musique  a  été  ra'eunie  par  M.  Artus,  que  les  ballets  de  M.  Es- 
pinosa  sont  entièrement  nouveaux,  que  les  quatre  frères  Nelson  sont 
des  clowns  comme  on  n'en  voit  guère,  et  que  la  troupe  ordinaire 
de  M.  Marc  Fournier  a  bien  fait  de  s'adjoindre  Désiré,  Edouard 
Georges,  Mlle  Testée,  des  Bouffes-Parisiens,  et  Mme  Mila,  du  théâtre 
du  Châtelet. 

Qiiant  à  la  Poissarde,  on  sait  que  cette  pièce  a  pris  naissance  à 
la  Porte-Saint-Marlin,  et  qu'elle  y  a  accompli  une  longue  et  honorable 
carrière  avant  de  passer  au  répertoire  de  l'Ambigu.  A  l'exception  du 
personnage  éminemment  sympathique  de  Madeleine,  qui  n'a  pas 
cessé  d'appartenir  à  Mme  Marie  Laurent,  et  de  celui  de  Pailleux, 
pour  lequel  on  a  engagé  l'acteur  Boutin  qui  l'a  créé,  tous  les  autres 
sont  en  de  nouvelles  mains,  et  la  comparaison  entre  les  deux  théâtres 
est  un  attrait  de  plus  pour  la  représentation  de  ce  drame  populaire. 
II  est  d'ailleurs  monté  avec  infiniment  de  goût,  et  l'on  y  retrouve  au 
même  degré  l'effet  produit  naguère  par  la  ronde  des  Halles,  par  le 
pas  des  Bouquetières  et  par  la  Fricassée,  cette  danse  si  célèbre  au 
boulevard  pendant  toute  la  seconde  partie  du  siècle  dernier. 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


RODVELLES. 


a,**  Lundi,  le  théâtre  impérial  de  l'Opiîra  a  donné  une  excellente  re- 
présentation de  la  Muette. — Mercredi,  le  Comie  Ory  et  Giselle,  ont  fait  salle 
comble.  S.  A.  lo  duc  de  Brabant  et  M.  le  comte  Walevvslti  y  assistaient. 
Le  ministre  d'Etat  a  complimenté  Warot,  sur  la  manière  dont  il  avait 
chanté  le  principal  rôle,  et  présenté  M.Perrin  au  duc  de  Brabant,  qui 
lui  en  avait  exprimé  le  désir. 

^"^  Une  grande  activité  règne  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique.  —  Dans 
les  premiers  jours  de  la  semaine  aura  lieu  la  reprise  de  Zampa  avec 
décors  et  costumes  nouveaux.  Montaubry  chantera  le  rôle  de  Zampa  et 
Mlle  Cico  celui  de  Camille.  —  Le  Diable  amoureux  suivra  définitive- 
ment, et  Mme  Galli-Marié,  qui  appartient  maintenant  toutafait  au  théâ- 
tre, y  jouera  le  principal  rôle.  —  Plusieurs  débuts  intéressants  auront 
lieu  dans  l'intervalle  ;  celui  de  Mlle  Girard,  qui,  dès  demain,  fait  partie 
du  personnel  de  M.  de  Leuven;  de  Battaille,  artiste  du  théâtre  de  Bor- 
deaux, engagé  à  partir  du  l*'  juillet  prochain;  de  Carrier,  trial,  venant 
de  Bruxelles;  enfin,  celui  d'une  jeune  cantatrice,  Mlle  Lambert,  dont 
on  dit  beaucoup  de  bien.  Pour  ne  pas  interrompre  le  succès  d'Haydée, 
la  direction  a  de  plus  racheté  le  congé  d'Achard,  qui  ne  quittera  qu'au 
1"  juillet. —  Mlle  Cico  a  obtenu,  sur  sa  demande,  la  résiliation  de  l'en- 
gagement qu'elle  avait  contracté  avec  l'Opéra,  et  elle  reste  à  la  salle 
Favart.  Quant  aux  nouveautés  qui  vont  se  préparer  pour  l'hyver,  le  pro- 
gramme en  est  aussi  riche  que  varié  ;  il  se  compose  de  la  Fiancée  du 
roi  de  Garbe,  d'Auber;  —  du  Capitaine  Henriot,  opéra  en  trois  actes,  de 
Sardou  et  Gevaert;  —  de  Lara,  opéra  en  tro;s  actes,  de  Cormon  et  Mi- 
chel Carré,  musique  d'Aimé  Maillart;  —  de  ia  Péruvienne,  opéra  en 
trois  actes,  de  Meilhac,  musique  de  Victor  Massé  ;— d'ffermme,  de 
MM.  de  Leuven  et  Nadaud,  musique  de  Félicien  David;  —  enfin  de  la 
Nuit  des  Dupes,  paroles  de  Saint-Georges,  musique  de  M.  de  Flotow. 

**»  Une  représentation  au  bénéfice  de  Lemaire,  l'acteur  si  utile  du 
théâtre  de  l'Opéra-Comique,  a  eu  lieu  vendredi  avec  le  concours  des 
artistes  du  Théâtre-Français,  du  Gymnase  et  du  Palais-Roj'al.  On  a 
donné  les  Désespérés,  de  F.  Bazin.  Dans  les  entr'actes,  Poultiera  chanté 
l'air  du  sommeil  de  la  Muette,  et  Capoul  celui  de  Joseph. 

**^  Aujourd'hui  le  théâtre  Lyrique  clôture  sa  saison  par  Oberon.  Hier 
a  eu  lieu  la  dernière  représentation  de  Faust. 

**^  Jeudi  dernier  une  belle  représentatiou  avait  été  organisée  à  l'O- 
déon  par  Duprez,  avec  le  concours  de  son  fils,  de  Mlle  Brunetti,  de 
Bussi,  Mézeray  et  de  Ricaeli,  élève  du  célèbre  ténor.  On  y  a  chanté 
des  fragments  des  Huguenots,  du  Prophète,  de  Guillaume  lelt,  de  la 
Juive,  et  la  scène  bouffe  si  originale  de  Duprez  :  Trois  ténors  sérieux. 
Des  pièces  du  Gymnase  et  du  Palais-Royal  complétaient  cette  curieuse 
et  intéressante  représentation ,   qui   avait  attiré  beaucoup  de  monde. 

^*3,  Cinq  cents  exemplaires  de  la  Ronde  du  Brésilien  ont  été  enlevés 
jeudi,  jour  de  la  mise  en  vente  chez  les  éditeurs.  —  Tous  les  cafés 
chantants  ont  déjà  adopté  cette  chanson,  dont  les  paroles,  de  Lud.  Ha- 
Jévy  et  H.  Meilhac,  ne  sont  pas  moins  spirituelles  que  la  musique 
d'Offenbach  est  originale.  La  Ronde  du  Brésilien,  chantée  avec  tant  de 
verve  par  Brasseur,  est  ornée  d'un  beau  dessin  de  Barbizot,  exécuté 
d'après  la  photographie  des  trois  Empereurs,  et  qui  représente  l'excel- 
lent chanteur  en  costume. 

^*^  L'exploitation,  pour  la  saison  prochaine,  du  théâtre  de  l'Oriente 
à  Madrid,  vient  d'èlre  concédée  par  adjudication  à  M.  Mico,  soutenu 
par  un  banquier  de  la  localité.  M.  Bagier  s'est  retiré. 

^*^  On  sait  avec  quelle  intelligence  et  quel  succès  M.  Verger  a  ex- 
ploité le  théâtre  royal  du  Liceo  à  Barcelone.  Non-seulement  la  direc- 
tion vient  de  lui  en  être  confiée  pour  quatre  années,  mais  encore  on 
y  a  joint  un  supplément  de  subvention. 

^*^  Les  succès  obtenus  à  Paris  par  les  deux  étoiles  de  la  danse  russe, 
ont  excité  une  lutte  d'émulation  entre  les  maîtres  de  ballets  des  théâ- 
tres impériaux.  M.  Saiiit-Léon,  d'un  côté^  et  M.  Petipa  de  l'autre,  pré- 
parent pour  l'hiver  prochain,  le  premier  pour  Mlle  Mouravieff,  un  ballet 
tiré  d'un  conte  fantastique  qui  a  pour  titre  Konek  Gerbounok,  et  le  second, 
un  ballet  pour  sa  femme,  (es  Druses  et  les  Maronites,  dans  lesquels  les 
deux  chorégraphes  déploient  toutes  les  ressources  de  leur  talent  comme 
la  direction  impériale  déploiera  toutes  les  richesses  de  la  mise  en  scène. 

^*t  La  troupe  italienne  de  M.  Sinico  donne  à  Bayonne  des  représen- 
tations très-suivies.  La  troupe  est  composée  do  iMmes  Mariui  et.Acs,  Louise 
Marra  et  Maymo.  On  a  joué  avec  beaucoup  de  succès  Norma,  Hernani 
et  le  Trovatore;  l'orchestre  dirigé  par  Gariboldi,  marche  très-bien. 

**:t  Carlo  il  guaslalore,  ballet  de  Rota,  dont  le  compositeur  Giorza  a 
écrit  la  musique,  vient  d'obtenir  un  grand  succès  au  théâtre  Victor- 
Emmanuel,  à  Turin. 

^*.f.   Va  journal  contenait  récemment  la  traduction  d'une  soi-di.'iant 


174 


REVLE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


=3 


requête  ea  reddition  de  comptes  adressée  à  la  cour  de  la  chancellerie 
à  Londres,  par  Adelina  Patti,  contre  son  père  et  son  beau-frère.  Nous 
recevons  de  la  jeune  et  célèbre  cantatrice  un  avis  par  lequel  elle  nous 
informe  du  désaveu  faffiidavit)  donné  par  elle  à  ce  document  écrit  à 
son  insu,  sans;sa  participation,  et  qui  paraît  être  l'œuvre  d'un  intrigant 
famélique  contre  lequel  elle  fait  diriger  des  poursuites. 

»**  Le  célèbre  ténor  Geremia  Bettini  vient  de  traverser  Paris,  se  ren- 
dant à  Londres,  où  il  est  engagé  pour  douze  représentations  au  théâtre 
de  la  Heine. 

***  S.  M.  l'Empereur  a  daigné  souscrire  à  la  publication  des  œuvres 
musicales  choisies  de  M.  A.  Elwart. 

*%  La  première  séance  annuelle  de  l'Orphéon  de  Paris  aura  lieu  di- 
manche prochain  7  juin,  sous  la  direction  de  M.  François  Bazin. 

,*»  Les  examens  semestriels  du  Conservatoire  de  musique  et  de  dé- 
clamation sont  commencés  depuis  jeudi. 

**«  Le  célèbre  pianiste  Léopold  de  Meyer  est  de  toutes  les  grandes 
réunions  qui  se  donnent  encore  avant  le  départ  de  la  haute  société 
pour  la  campagne  ou  les  eaux.  .Iprès  avoir,  la  veille,  joué  chez  la 
princesse  de  Metternich,  il  était  invité  chez  Mme  de  Leowenthal  où 
sa  brillante  exécution  a  produit  le  même  enchantement,  et  lui  a  valu 
les  félicitations  de  M.  le  prince  de  Monléard  ,  du  comte  Esterhazy, 
du  ministre  de  Wurtemberg,  etc.,  qui  faisaient  partie  du  noble  au- 
ditoire.— M.  Léopold  de  Meyer  n'a  pas  reçu  un  accueil  moins  distingué 
chez  Mme  la  baronne  de  MeyendorfT. 

**4  Roger  vient  d'être  encore  l'objet  d'une  distinction  flatteuse  à 
Toulouse.  La  Société  Clémence  Isaure  lui  a  fait  don  d'une  très-belle 
couronne,  ornée  de  rubans,  portant  l'inscription  commémorative  de  ce 
don,  auquel  le  célèbre  chanteur  s'est  montré  fort  sensible.  A  l'issue  de 
la  représentation  les  membres  de  la  Société  se  sont  rendus  à  son  logis 
pour  lui  donner  une  sérénade. 

***  On  lit  dans  la  Gazette  musicale  de  Mayence  :  «  La  direction  de 
l'Opéra  impérial  de  Vienne  a  reçu  l'opéra-comique  en  trois  actes,  d'Of- 
fenbach,  intitulé  les  Fées  du  Rhin.  Le  compositeur  touchera  2,500  fr. 
pour  honoraires  et  S  0/0  des  recettes.  L'éditeur  Spina  lui  a  acheté  la 
partition  pour  le  prix  de  Zi,000  francs.  »  Cette  nouvelle  est  exacte,  sauf 
la  dénomination  de  l'ouvrage.  Ce  n'est  pas  un  opéra-comique  en  trois 
actes,  mais  bien  un  grand  opéra  draaiatique  en  quatre  actes  qu'Offen- 
bach  compose  pour  l'Opéra  impérial  de  Vienne.  Depuis  son  retour  d'Al- 
lemagne, Offenbach  habite  Etretat,  où  il  travaille  activement  à  cet  ou- 
vrage et  à  ceux  qu'il  s'est  engagé  à  livrer  pour  la  saison  prochaine. 

,**  Cet  hiver  la  musique  de  chambre  de  M.  Adolphe  Blanc  a  été  exé- 
cutée quarante-deux  fois  dans  les  réunions  de  MM.  Duvernoy,  Lebouc, 
Casimir  Ney  et  Gouffé,  et  onze  fois  dans  les  concerts.  11  faut  y  ajouter 
le  succès  des  danses  chantées,  l'invitation  à  la  valse,  l'invitation  à  la 
polka,  l'invitation  à  la  mazurka  et  l'invitation  à  la  redowa,  quatre  mor- 
ceaux pour  le  chant  de  ce  jeune  compositeur,  et  que  Mme  Marie  Da- 
moreau  chante  délicieusement. 

a,*i  La  Cour  impériale  d'Orléans,  devant  laquelle  la  Cour  de  cassation 
avait  renvoyé  le  procès  soutenu  par  Debain,  facteur  d'orgues,  contre 
les  fabricants  d'instruments  jouant  dos  airs  par  le  procédé  du  pointage, 
a  condamné  M.  Lepée,  l'un  des  principaux  d'entre  eux,  comme  coupable 
de  contrefaçon,  en  2,000  francs  de  dommages-intérêts  envers  Debain. 
La  question  se  trouve  ainsi  jugée  définitivement. 

,s**  Ainsi  que  nous  l'avons  annoncé,  le  festival  du  Bas-Rhin  a  eu  lieu 
le  24  mai  à  Dusseldorf.  Le  roi  et  la  reine  de  Hanovre,  qui  étaient  ar- 
rivés dès  la  veille,  se  sont  empressés  d'assister  à  la  répétition  à'Elie, 
oratorio  de  Mendelssohn.  L'orchestre  se  composait  de  146  instrumen- 
tistes; les  chanteurs  étaient  au  nombre  de  739,  chœurs  et  solistes  ; 
parmi  ces  derniers,  on  a  surtout  applaudi  Mme  Jenny  Lind-Goldschmidt 
et  Jules  Stockbausen. 

***  A  San-Leopoldo,  ville  du  Brésil,  les  colons  allemands  ont  eu,  le 
1"  et  2  février  dernier,  un  festival  consacré  au  chant.  Dès  7  heures 
du  matin,  les  Sociétés  lyriques  des  environs  accouraient  à  cheval,  ban- 
nières en  tête.  La  ville  était  richement  décorée  de  guirlandes,  festons, 
arcs  de  triomphe.  A  2  heures,  le  concours  de  chant  a  commencé  dans 
une  salle  qui  avait  été  construite  exprès  :  neuf  associations,  compo- 
sées de  deux  cent  quarante  chanteurs  y  ont  pris  part.  Chaque  association 
a  chanté  deux  lieder,  et  à  la  fin,  tous  les  chœurs  réunis  ont  entonné 
le  lied  de  Arndt  :  Où  est  la  patrie  de  V Allemand? 

*■**  Nous  sommes  en  retard  pour  constater  le  succès  qu'a  obtenu  le 
2  mai  M.  Diomède  Zompi  dans  le  concert  qu'il  a  donné  salle  Pleyel. 
Il  y  a  fait  entendre  de  la  musique  classique  des  grands  maîtres,  et  plu- 
sieurs de  ses  propres  compositions,  entre  autres  une  marche  inédite  et 
un  scherzo-valse  qu'on  lui  a  fait  bisser.  11  a  reçu  à  plusieurs  reprises  les 
plus  chaleureux  applaudi.^sements.  M.  Cuvillon  et  M.  Franchomme  qui 
lui  prêtaient  leur  concours,  ont  partagé  son  succès. 


s,**  L'assemblée  générale  de  la  Société  des  auteurs,  compositeurs  et  édi- 
teurs de  musique  a  lieu  aujourd'hui  dimanche  3l  mai,  à  une  heure  pré- 
cise, dans  les  salons  de  M.  Souffleté,  facteur  de  pianos,  rue  Montmartre, 
n»  161.  SIM.  les  sociétaires  sont  instamment  priés  d'assister  à  cette 
réunion. 

^,**  Littérature  musicale.  —  Mes  souvenirs,  tel  est  le  titre  d'un  vo- 
lume anecdotique  de  M.  Léon  Escudier,  qui  vient  de  paraître  à  la  librai- 
rie de  Dentu,  et  qui  sera  lu  avec  plaisir. 

i**  On  lit  dans  une  correspondance  parisienne  adressée  à  l'Indépen- 
dance belge  :  «  Les  belles  soirées  nous  reviennent  ;  aussi  la  foule  est-elle 
assidue  à  ce  square  lumineux  et  embaumé  des  Champs-Elysées  que 
M.  de  Besselièvre  ouvre  à  la  bonne  compagnie.  L'éternelle  prome- 
nade au  bois  a  bien  son  charme,  mais  aussi  sa  monotonie.  Voilà, 
depuis  quelques  années,  un  parc  ouvert  au  milieu  des  promenades  à 
la  meilleure  société,  sous  les  auspices  d'un  excellent  orchestre.  On  se 
promène,  on  peut  même  causer  un  peu.  La  musique  vous  suit,  vous 
accompagne,  mais  ne  vous  absorbe  pas,  ne  vous  enchaîne  pas,  et,  par 
conséquent,  ne  vous  fatigue  pas.  Vienne  un  baromètre  immuable,  et  la 
fortune  de  M.  de  Besselièvre  est  faite.  Je  lui  demande,  toutefois,  de 
donner  plus  de  25,000  francs  à  Arban,  qui  contribue  si  heureusement 
à  cette  fortune.  « 

***  Le  théâtre  du  Chalet-des-Iles,  au  bois  de  Boulogne,  annonce  sa 
réouverture  pour  les  premiers  jours  de  la  semaine. 

.^:*.j,  Les  matinées  musicales  données  par  Musard  au  Pré-Catelan  ob- 
tiennent chaque  dimanche  une  vogue  nouvelle.  Tout  est  réuni  dans  ce 
splendide  jardin  pour  fixer  la  foule  honnête,  élégante  et  artiste.  Or- 
chestre du  premier  ordre,  solistes  remarquables,  œuvres  magistrales  des 
grands  maîtres  admirablement  interprétées,  programmes  des  mieux 
composés  et  des  plus  variés,  avec  Musard  pour  directeur,  voilà  le  secret 
de  cet  immense  succès  toujours  grandissant. 


CHRONIQUE    DÉPARTEMENTALE. 


a,**  Marseille. — La  reprise  de  Charles  VI  a  été  fort  bien  accueillie  au 
grand  théâtre.  L'œuvre  d'Halévy  a  été  interprétée  chaleureusement 
par  Dumestre,  Mme  Lacombe,  Morère  et  Mlle  Baudier.  —  Mme  Cabel 
s'est  de  plus  en  plus  emparée  de  notre  public.  Les  Diamans  de  la  cou- 
ronne  et  l'Etoile  du  Nord  nous  l'ont  cette  semaine  montrée  dans  deux 
des  rôles  qu'elle  a  joués  avec  le  plus  de  supériorité  au  théâtre  de 
l'Opéra-Comique  de  Paris.  Elle  y  a  obtenu  un  triomphe  complet. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


^*^  Bruxelles.  —  Si  jamais  fin  de  saison  est  arrivée  mal  à  propos, 
c'est  certes  celle  à  laquelle  nous  touchons,  puisqu'elle  vient  interrom- 
pre un  succès  qui  se  serait  consolidé,  si  le  temps  l'eût  permis.  La 
direction  aura  le  bon  esprit  de  reprendre  dès  le  début  de  la  pro- 
chaine saison  le  Roman  d'Elvirc,  d'Ambroise  Thomas  (car  c'est  de 
cet  ouvrage  que  nous  voulons  parler),  et  cet  opéra  fournira  une 
longue  carrière  au  théâtre  de  la  Monnaie.  Le  sujet  est  intéressant, 
la  musique  charmante,  l'exécution  excellente,  qualités  que  l'on  trouve 
bien  rarement  réunies.  L'association  de  MM.  Alexandre  Dumas  et  de 
Leuven  ne  pouvait  rien  enfanter  de  plus  élégant,  de  plus  poétique  que 
ce  libretto,  si  favorable  aux  inspirations  musicales.  L'auteur  du  Caid  et 
du  Songe  d'une  nuit  d'été,  M.  Ambroise  Thomas,  s'en  est  emparé  avec  le 
rare  talent  dont  toutes  ses  œuvres  portent  l'empreinte.  Les  morceaux 
remarquables  abondent  dans  le  Roman  d'Elvire,  duos,  romances,  cou- 
plets, chœurs.  Une  romance  :  Ah  l  ce  serait  un  crime,  nous  paraît  la 
plus  charmante  chose  que  l'on  puisse  entendre,  et  M.  Jourdan  la  dit 
d'une  manière  exquise.  —  Le  Moniteur  publie  un  rapport  à  M.  le  mi- 
nistre de  l'intérieur  sur  la  question  de  l'abaissement  du  diapason,  par 
MM.  Fétis,  Daussoigne-Méhul,  Blaës,  Mabillon,  Hanssens,  Bender  et  Sa- 
muel. Voici  les  conclusions  prises  par  cette  commission,  à  l'unanimité  : 
que  le  diapason  ne  doit  pus  être  baissé; — qu'il  doit  être  fixé  en  prenant 
pour  base  le  diapason  du  Conservatoire  de  Bruxelles  ;— que  l'intervention 
de  M.  le  ministre  de  la  guerre  est  nécessaire  afin  que  les  chefs  de  mu- 
sique militaire  n'admettent,  pour  l'usage  des  musiciens  qu'ils  dirigent, 
que  des  instruments  au  ton  du  diapason  type;— que  les  chefs  d'orchestre 
feront  une  chose  utile  au  maintien  de  l'invariabilité  du  diapason  et  à 
la  justesse  de  l'accord,  en  no  faisant  plus  donner  le  la  par  un  hautbois 


DE  PARIS. 


Î75 


ou  tout  autre  instrument  dont  l'intonation  se  modifie  par  la  longueur 
de  l'anche,  par  l'influence  de  la  température  ou  par  des  causes  acci- 
dentelles, et  de  le  donner  eux-mêmes  avec  un  petit  appareil  à  anche 
libre,  accordé  rigoureusement  à  l'unisson  du  diapason  type.  —  Une 
jeune  harpiste  de  talent  et  qui  promettait  davantage  encore,  attachée 
au  théâtre  royal,  au  Conservatoire  et  à  l'association  des  artistes  musi- 
ciens, Mlle  Eulalie  Lemaire,  vient  de  mourir  à  vingt-deux  ans.  —  Nous 
avons  aussi  à  déplorer  la  perte  de  M.  J.  Merts,  excellent  violoniste, 
professeur  au  Conservatoire.  Une  foule  considérable  assistait  à  ses  funé- 
railles, et  M.  Fétis  a  prononcé  sur  sa  tombe  un  discours  touchant  qui 
a  provoqué  la  plus  vive  émotion  dans  toute  l'assistance. 

»*«  Vienne.  —  Parmi  les  pièces  qui  ont  été  jouées  au  théâtre  de  l'O- 
péra de  la  Cour  dans  le  mois  de  mai,  on  remarque  Don  Juan,  l'Etoile 
du  Nord,  Lalla-Roukh,  les  Huguenots.— Oa  annonce  que  dorénavant  l'ad- 
ministration de  l'Opéra,  ainsi  que  celle  du  théâtre  de  la  Cour  (Hofburg- 
theater),  feront  partie  des  attributions  du  ministre  d'Etat.— M.  Salvi  avait 
l'intention  d'engager  Mlle  Trebelli  pour  la  troupe  italienne,  qui  doit 
être  rétablie  au  théâtre  de  la  Cour;  mais  il  a  été  devancé  par  Werelli, 
qui  aura  à  la  prochaine  saison  deux  troupes,  l'une  avec  Adelina  Patti, 
et  l'autre  ayant  poar  prima  donna  Mme  Trebelli.  —  Le  20  mai  a  été 
posée  la  première  pierre  de  la  nouvelle  salle  d'Opéra.  Le  ministre  du 
commerce,  comte  Wickembourg,  a  ouvert  la  solennité  par  un  discours 
analogue  à  la  circonstance.  Une  cantate ,  paroles  de  Steinhaenser  et 
musique  de  Franz  Doppler,  a  été  exécutée  pendant  la  cérémonie. 

**»  Berlin.  —  La  troupe  d'opéra  de  la  salle  Kroll  vient  de  jouer  avec 
succès  Martha,  de  M.  de  Flotow.  M .  Himmens,  du  théâtre  de  Darmstadt, 
a  rendu  convenablement  le  rôle  de  Lionel  ;  Mlle  Suvanny,  avec  sa  voix 
douce  et  gracieuse,  est  une  Kancy  fort  avenante.  —  Le  16  mai,  a  eu 
lieu  le  premier  des  concerts  militaires  qui  seront  donnés  cet  été  sous  la 
direction  de  Wieprecht.  —  Nous  avons  eu  dimanche,  une  fort  intéres- 
sante représentation  des  Huguenots,  au  Théâtre  RoyaL  Mme  Harriers,  qui 
jusqu'ici  n'avait  chanté  que  le  rôle  dç  la  reine,  s'essayait  pour  la  pre- 
mière fois  dans  celui  de  Valentine,  rôle  dramatique,  s'il  en  fut,  et  dont 
l'interprétation  exige  une  énergie,  une  puissance  de  passion  que  ne 
possède  nullement  Mme  Harriers  ;  elle  est  douée  d'une  voix  douce  et 
suave,  ses  émotions  sont  d'une  nature  analogue  à  son  organe  ;  l'idylle 
et  l'élégie,  voilà  son  domaine.  Mlle  Suvanny  a  rendu  convenablement  le 
rôle  de  Marguerite  ;  M.  Gnoss  a  continué  ses  représentations  dans  celui 
de  Raoul. 

»*,  Francfort.  —  La  troupe  d'opéra  a  exécuté  récemment  les  Sylphes, 
charmante  composition  de  Himmel.  Les  chœurs  sont  ravissants  et  ont 
été  très-bien  chantés,  ainsi  que  les  solos,  ce  qui  est  d'autant  plus  re- 
marquable que  la  Société  ne  se  compose  absolument  que  d'amateurs. 
M.  Lichtenstein  a  dirigé  l'exécution  des  Sijlphcs,  qu'il  accompagnait  au 
piano. 

,*^  Milan.  —  Le  théâtre  de  la  Cannobiana  vient  de  représenter  les 
Huguenots.  Le  chef  -  d'oeuvre  de  Meyerbeer  ,  quoique  insuffisam- 
ment interprété,  a  produit  un  grand  effet  sur  notre  public.  La  deuxième 
repré.sentation  a  confirmé  pleinement  ce  succès.  Bertolini  a  déployé  de 
grandes  qualités  dans  Raoul  ;  la  célèbre  Marini,  la  Corani,  la  Majo,  l'ont 
vaillamment  secondé. 

»*i  New-York,  7  mai. —  La  société  allemande  le  Liederkranz,  a  donné 
son  quatrième  et  dernier  concert  ;  la  seconde  partie  du  programme  était 
remarquable  par  les  contrastes  qu'elle  offrait  :  un  motet  à  huit  parties, 
Fratres  ego,  de  Palestrina,  1527-1 594  ;  introduction  à  la  passion  Notre- 
Seigneur,  de  Sébastien  Bach,  1685-4754;  le    Dies  ira  du  Requiem  de 


Mozart,  1736-1791;  et  pour  finir  le  Credo  de  la  grand'messe  de  Liszt, 
composée  en  1859.  Le  Société  philharmonique,  elle  aussi,  vient  de  don- 
ner son  dernier  concert  de  la  saison  :  la  septième  symphonie  de  Beet- 
thoven;  le  deuxième  concerto,  op. 50,  de  Mendelssohn;  une  ouverture  de 
Gave  et  les  Francs  juges  de  Berlioz  ont  été  supérieurement  exécutés. 
Dans  les  cpncerts  de  Gottschalk,  à  côté  d'un  grand  pianiste,  nous  avons 
eu  le  plaisir  d'entendre  une  jeune  artiste  française,  élève  de  Prudent, 
Mlle  Eugénie  Baruetche  ;  c'est  un  talent  de  premier  ordre.  L'opéra  Ita- 
lien vient  de  rouvrir  ses  portes  à  la  troupe  de  la  Havane  ;  le  ténor  Ma- 
zoleni  plaît  beaucoup.  On  a  donné:  Norma, Lucresia,  Lucia,  la  Favorita, 
Ernani,  Âroldo,  Traviata  et  Jone  ou  les  derniers  jours  de  Pompeï,  de 
Petrella.— A  l'opéra  Allemand  on  annonce  pour  la  lin  de  ce  mois,  VOrphée 
de  Gluck. 


le  Directeur  :  S.  DDFOUR. 


Chez  G.  BR.'INDUS  et  S.  DVFOVR,  éditeurs,  403,  rue  Richelieu,  au  4". 


P.   Seligmann 


OUVRAGES    NOUVEAUX     POUR    LE    VIOLONCELLE 

Op.  74.  Nuit  de  décembre,  flocons  de  neige.  Nuit  de  Juin,  chanson 
dans  l'air,  concertants  pour  piano  et  violoncelle. 

Op.  75.  Andante  et  Rondo  de  concert. 

Op.  70.  Concerto. 

Op.  71.  La  Guzla,  Séparation,  deux  mélodies  pour  piano  et   vio- 
loncelle. 

Op.  72.  Morceau  de  concert  sur  la  célèbre  romance  de  Joconde. 

Op.  73.  Ballade  de  minuit,  rêverie  pour  piano  et  violoncelle. 

Op.  60.  Album  algérien  :  La Kouilra,  l'Aube,  le  Derbouka,  la  Captive. 

Op.  60  bis.  La  Kouitra  (imitation  algérienne)  pour  vocalise  et  vio- 
loncelle. 

Op.  61.  Les  Nuits  d'Afrique. 

Op.  62.  Nocturne  sur  l'Eloge  des  larmes. 

Op.  63.  Avec  Sivori.  —  Duo  pour  violon  et  violoncelle   sur  la 
Pesea  et  la  Promessa  des  Soirées  musicales  de  Rossini. 
—      Avec  Si-vori.  —  Mira  la  bianca  luna,  sérénade  de  Ros- 
sini, pour  violon  et  violoncelle. 

Op.  64.  Berceuse  de  l'enfantelet,  pour  violoncelle  avec  ace.  de  piano. 

Op.  68.  Grande  fantaisie  sur  la  Juive. 

Op.  69.  Duo  pour  piano  et  violoncelle  sur  le  Pardon  de  Ploërmel. 


CHEZ   G.  BRANDUS    ET  S.  DUFOUR,    EDITEURS,    105,    RUE    DE  RICHELIEU,  AU  I' 


Ecole    de    Gliant    de    H.    PANOFKA 
ABECÉDAIKE]   v®CAS.i         24    VOCALISES    PROGRESSIVES 

(suite    de    L  ABÉCiiDAlBB    VOCAL) 

POUR  TOUTES  LES  VOIX  {la  voiï  de  basse  eiceptte) 

Dans  l'étendue  d'une  octave  et  demie  {du  DO  au  FA) 

Op.  85.  Prix  :  «5  fr.  Op.  85. 


MÉTHODE  PRÉPARATOIRE  DE  CHANT 

Pour  apprendre  à  émettre  et  à  poser  la  voix. 

Prix  net  :  3  fr. 

Le  même  ouvrage,  traduit  en  italien net    4  fr. 


Nouvelle  méthode 
de  chant. 


li'AMT     HE     CIIAWTEK 


Nouvelle  méthode 
de  chant. 


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Méthode  complète  pour  contralto,  baryton  ou  basse  ...    iO  fr.  |  Vlngt-anotro  Tocailaes  pour  contralto,  baryton  ou  basse,  25  f. 

Vade-Uecum  du  CUanicur,  recueil  d'Exercices  d'agilité,  de  port  de  voix,  de  filé,  etc.,  pour  toutes  les  voix,    25  fr. 


176 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Citez  Cî.  SBAiVDVS  et  S.  HlIFOlIlt,  éditeurs,  fl03,  me  de  Rielielieu,  au  t' 

Pour  Ptuno  et  CUant,  pour  Ptano  seul,  pour  le  Piano  à  qnafre  mains  de 


imimE  DE  PORTICi 


D'AUBER 


LE  GOMT 


De  ROSSINI 


HAYDÉE 


D'AUBER 


Airs  détacIiéH  avec  accompagnement  de  Piano. 

TRANSPOSITION   des  aius    suivants   de   la    MUETTE   DE    PORTICI  : 


2  bis.  Air  :  Plaisir  du  rang  suprême,  pour  mezzo-soprano 6    » 

5  bis.  Barcarolle  :  Amis,  la  matitiée  est  belle,  pour  baryton 3  75 

5  ter.  La  même,  transposée  pour  basse 3  75 


12  bis.  Air  :  Du  pauvre,  seul  ami  fidèle,  pour  baryton 3     » 

13  bis.  Cavatlne:  Arbitre  d'une  vie,  pour  mezzo-soprano 3  73 

1 5  bis.  Barcarolle  :  Voycs  du  Imut  de  ce  rivage,  pour  baryton.  ...„    2  50 


VAIiIQIJET. 


—  Fantaisie  très-facile  sur  le  Comte  Ory  .     2  50    |    KUMMEIj.  —  Transcription  de  thèmes  du  Comte  Ory 
FAVAKGEIt.  —  Op.  45.  Fantaisie  brillante  sur  le  Cmnte  Ory,  pour  le  Piano 9    » 


Composition  pour  le  Piano. 


Op.  18.  Grande  fantaisie  sur  les  Huguenots 10    » 

19.  Scherzo  et  impromptu ; .  6    » 

20.  Fantaisie  sur  le  trio  de  Robert  le  Diable '.»     » 

32.  Air  et  marche  arabe  variés 7  50 

33.  Farandole 7  50 

3/i.  Concerto-symphonie 15    » 

35.  Les  Bois,  chasse .' 9    » 

36.  Allegretto  pastorale 7  50 

38.  Air  de  grâce  de  Robert  le  Diable 9     » 


Op.  39.  Les  Champs , 9  » 

fiO.  Villanelle 9  » 

41 .  Danse  des  Fées 9  » 

42.  Le  Retour  des  Bergers 7  50 

44-  Deux  impromptus 5  » 

51.  Grande  fantaisie  sur  le  Domino  noir 10  » 

53.  Adieu  Printemps,  étude  caprice 9  » 

54.  Chaut  du  ruisseau,  caprice 9  » 

Andanie  de  Mozart,  transcription 6  » 


Portrait  d'Emile  Prudent, 


liné  sur  pierre  par  Vogt,  prix  net:  3  francs. 


Morceaux 
BERCEUSE 

PAR 

Ws    Selioen 

Op.  1.  —  Prix  :  6  fr. 


ïiouvea^TX    pour 

Arrangement  facile  de 

LA  PRIÈRE   D'UNE  VIERGE 

DE 

T.    Badai'z«wska 

Prix  :  3  francs. 


le    Piano  : 

SOUVENIR  DE  BERLIN 


Op.  2. 


Mazurka  par 

W,  Sclioeu 

—  Prix:  6  fr. 


Fantaisie  sur    LA    HIBETTE  DE   PORTICI      dAuber 
Prix  :  9  fr. 


Fantaisie  sur 


de  Flotow 


Prix:  7  fr.  50. 


Mélodie 

MER     CALME 

Prix  :  7  fr.  50. 


SOUS  PRESSE  : 
Fantaisie  sur 

LE   DOMI]\0  IVOIR 

FAR 


Polka-Mazurka  de  salon, 

YVONNE 

Prix  :  7  fr.  50. 


René    Favwrffer 


Du  Stahat  Mater  de  Rossini, 
Transcription. 


Mazurka  de  salon. 

L'HYMNE   DES    VÊPRES 

PAR 


Iju  Slabat  Mater  de  Rossini, 
Transcription. 


BrinMey    MAicUati^ds 


Voulez- VOUS    accepter    uion    bras? 


Prix  :  3  fr. 


Criée  dei  poririili  phologrspbiéi  de  Britsenr  et  (il-Pérci. 


Chantée  au  théâtre  du  Palais-Royal  par  BRASSEUR. 
Paroles  de  Henri  Mcilhac  et  Ludovic  Halévy,  musique  de 


Prix  :  3  fr. 


Oraée  dei  porlrtili  pbolograpliUi  de  Braiieor  el  Gil-Féréi. 


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'  c*^,  nuE  DIÏBGÈnE,  20. 


BUREAUX    A    PARIS  :    BOULEVARD   DES  ITALIENS,    I. 


30«  Année. 

ON  S'ABONNE  1 

Dans  les  Déportements  et  à  l'Étranger ,  chez  tous 
les  Marchands  de  Musique,  les  Libraires,  et  qui 
Purcam  des  Messageries  et  des  Postes. 


N«  23. 


7  Juin  1863. 


PRIS  DE  L'ABONNEUENT  t 

Paris 24fr.parQn 

Diiparlcniciils,  Uulgiquc  et  Suisse....     30  '»       id. 
Étranger M  ri       id. 

Le  Jouroul  paraît  le  Uiitijuchc. 


Avec  le  prochain  noméro,  nos  abonnés  recevront 
oae  transcription  pour  Iiarmoniont  de  l'AVBI  UARIA, 
de  Schubert,  noavelle  composition  de  G.  Romako. 


SOMMAIRE.  —  Emile  Prudent,  par  Panl  Smith.  —  La  Musique  et  la  Danse 
à  l'Exposition    des    beaux-arts  (1"  article),  par  Mathieu  de  Uonter.  — 

Haydn  et  les  princes  d'Esterhazy  (2=  article).   — Correspondance  :  Londres.  — 
Nouvelles  et  annonces. 


£1IIIL£  PSUDENT. 

Ce  grand  artiste  fut  un  de  ceux  qui  ne  disparaissent  pas  tout  en- 
tiers, et  dont  la  perle  ne  s'efface  ni  ne  s'oublie  par  la  vertu  du  mot 
banal  sur  les  champs  de  bataille  :  serres  les  rangs!  Non,  Emile 
Prudent  s'était  fait,  hors  de  la  foule,  une  large  place,  et  tous  ses  tra- 
vaux, tous  ses  efforts  ne  tendaient  qu'à  l'agrandir.  Son  ambition,  son 
rêve  était  d'être  proclamé  chef  de  l'école  du  piano  en  France  ;  il 
touchait  à  son  but  lorsqu'on  moins  de  deux  jours  la  mort  l'a  enlevé  ! 

Il  était  né  à  Angoulôme  le  3  février  1817.  Une  vague  incertitude 
règne  sur  la  famille  dont  il  sortait,  et  à  cet  égard  deux  versions  se 
présentent.  L'une  est  empruntée  à  la  louchante  et  spirituelle  chroni- 
que tracée  par  un  de  ses  meilleurs  amis,  M.  Albéric  Second  (1)  ; 
l'autre,  c'est  un  de  nos  collaborateurs,  M.  Arthur  Pougin,  qui  nous  la 
fournit  d'après  des  renseignements  intimes.  Selon  M.  Albéric  Second, 
«  un  voile  romanesque  et  mystérieux  couvre  sa  naissance.  Un  matin, 
les  habitants  de  la  rue  de  Genève  aperçurent  dans  la  modeste  bou- 
tique d'un  accordeur  de  pianos,  qui  faisait  un  petit  commerce  de 
musique,  un  enfant  âgé  de  quelques  semaines  et  beau  comme  l'A- 
mour. D'où  venait-il?  C'est  ce  qu'on  n'a  jamais  su.  Le  père  et  la 
mère  adoptifs  de  l'enfant  gardèrent  sur  ce  chapitre  un  silence  absolu 
qui  ne  s'est  point  démenti.  Son  extrême  gentillesse,  l'exquise  dis- 
tinction de  ses  formes  délicates,  eussent  suffi  à  prouver  qu'il  n'était 
pas  le  fils  du  vieil  accordeur  de  pianos,  alors  même  que  celui-ci  eût 
essayé  de  donner  le  change  à  l'opinion  publique,  mais  je  répète  qu'il 
né  l'essaya  même  pas.  » 

«  La  maison  où  je  suis  né  deux  mois  plus  tard ,  ajoute  l'ingénieux 
chroniqueur,  n'est  séparée  de  celle  du  père  de  Prudent  que  par  la 
largeur  de  la  rue  de  Genève  ;  autant  dire  qu'elles  se  donnent  la  main. 
Nous  ne  tardâmes  pas  à  suivre  l'exemple  que  nous  montraient  les  toits 

(1)  Voir  l'Univers  illustré,  4  juin. 


pointus  de  nos  habitations  respectives,  et  durant  dix  années  je  n'a; 
pas  souvenir  d'un  seul  jeudi  ou  d'un  seul  dimanche  que  nous  ayons 
passes  l'un  sans  l'autre.  » 

Maintenant,  si  les  informations  de  M.  Arthur  Pougin  sont  exactes, 
Emile  Prudent  s'appelait  réellement  Racine  Gaultier.  «  Son  père,  ac- 
cordeur de  pianos  à  Angoulême,  connaissait  un  peu  le  mécanisme 
de  cet  instrument  et  fut  son  premier  maître.  Pressentant  les  heureuses 
dispositions  de  son  fils,  il  vint,  vers  1827,  s'établir  à  Paris,  afin  de 
lui  faire  donner  une  bonne  éducation  musicale.  » 

Notre  collaborateur  continue  en  ces  termes  :  «  Ce  fut,  je  crois,  peu 
de  temps  après  leur  arrivée  à  Paris,  que  des  dissentiments  s'étant 
élevés  entre  le  père  et  la  mère  du  jeune  Emile,  les  deux  époux  se 
séparèrent.  Tandis  que  sa  mère  devenait,  à  la  suite  de  cette  sépara- 
tion, femme  de  charge  ou  de  confiance  dans  une  famille  qui  habitait 
le  faubourg  Poissonnière,  l'enfant  resta  auprès  de  son  père,  et  jamais 
dévouement  plus  attentif,  jamais  sollicitude  plus  inquiète  n'avaient 
été  consacrés  à  veiller  sur  un  fils  chéri.  Emile  avait  été  reçu  au 
Conservatoire,  où  il  suivait  assidûment  la  classe  de  Zimmerman.  Vers 
1830,  il  vint  avec  son  père  demeurer  dans  la  maison  située  n"  10 ,  rue 
Beauregard,  près  du  boulevard  Bonne-Nouvelle,  maison  rebâtie  depuis 
quelques  années,  mais  fameuse  à  une  autre  époque  sous  le  nom  de 
maison  des  Trois-Pigeons.  Le  père  n'était  pas  riche,  et  malgré  tout 
l'amour  qu'il  portait  à  son  fils,  il  ne  pouvait  lui  mettre  beaucoup 
d'argent  dans  la  poche.  D'ailleurs,  il  ne  voulait  pas  lui  donner  des 
goûts  de  dépense,  que  peut-être  il  n'eût  pu  satisfaire  plus  tard.  Ce- 
lait l'enfant  qui  d'ordinaire  faisait  les  emplettes  du  ménage.  Une 
marchande  du  quartier,  qui  l'avait  pris  en  affection,  et  qui  était  des- 
tinée à  lui  survivre,  lui  inspirant  confiance,  il  se  hasarda  un  jour  à  lui 
emprunter  une  somme  bien  petite.  La  marchande  la  lui  prêta,  mais 
elle  jugea  à  propos  d'avertir  le  père,  pour  savoir  ce  qu'elle  devrait 
faire  en  cas  de  récidive.  —  Prêtez-lui  jusqu'à  concurrence  de  telle 
somme,  répondit  le  père,  et  lorsqu'il  ne  se  trouvera  pas  en  état 
de  vous  la  rendre,  je  la  lui  donnerai  sans  lui  dire  pourquoi  et  lui 
fournirai  ainsi  le  moyen  de  vous  rembourser.  Voilà  comment  ce  père 
aimait  son  fils  et  quelle  influence  il  dut  exercer  sur  sa  destinée,  » 

En  consultant  les  registres  du  Conservatoire,  nous  voyons  qu'E- 
mile Prudent  remporta  le  second  prix  de  piano  en  1831,  et  le  pre- 
mier en  1833.  L'année  suivante  il  obtint  le  second  prix  d'harmonie 
et  accompagnement  pratique.  «  Lorsque  nous  nous  revîmes  à  la  fin 
de  1834,  dit  encore  M.  Albéric  Second,  le  vieil  accordeur  était  mort 
depuis  deux  ans  du  choléra,  et  le  lauréat  du  Conservatoire  vivotait 
du  produit  de  quelques  leçons.  »  Il  faisait  du  métier,  en  atten- 
dant   qu'il    lui    fût    permis  de  faire  de   l'art,    et  souvent    môme, 


178 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


rhiver,  il  jouait  des  contredanses.  Tourmenté  du  besoin  de  se  produire 
d'une  autre  façon  et  de  soumettre  son  talent  à  un  auditoire  sé- 
rieux, il  donna  un  concert  qui,  malgré  les  encouragements  et  l'as- 
sistance de  quelques  bons  amis,  se  résuma  en  une  note  de  frais 
à  payer.  «  C'est  alors,  poursuit  le  chroniqueur,  qu'Emile  Pru- 
dent conçut  et  exécuta  une  résolution  singulièrement  courageuse. 
Il  rompit  du  soir  au  lendemain  avec  la  vie  parisienne,  avec  les  aven- 
tures (joli  garçon  comme  il  était,  on  doit  penser  qu'elles  ne  lui  fai- 
saient pas  faute),  et  il  retourna  à  Angoulême,  où  il  se  livra  au  travail 
avec  une  telle  ardeur  qu'il  fut  menacé  d'une  paralysie  des  deux 
avant-bras.  Un  habile  médecin  du  pays,  qui  l'aimait  beaucoup,  le 
docteur  Brun,  l'envoya  chaque  jour  pendant  un  mois  à  l'abattoir,  où 
il  trempait  ses  bras  jusqu'au  coude  dans  le  sang  fumant  des  bœufs, 
et  ce  traitement  rendit  bientôt  à  ses  poignets  affaiblis  toute  leur  sou- 
plesse et  toute  leur  énergie.  C'est  pendant  son  séjour  à  Angoulême 
qu'Emile  Prudent  épousa  celle  qui  est  aujourd'hui  sa  veuve  désolée, 
après  avoir  été  la  compagne  chérie,  l'amie  intelligente  et  le  vaillant 
camarade  de  toute  son  existence  d'homme  et  d'artiste.  Fortifié  par 
un  travsil  assidu,  par  l'étude  approfondie  des  maîtres,  Emile  Pru- 
dent dit  adieu  à  ses  compatriotes  et  se  fixa  à  Nantes,  où,  dès  l'abord, 
ses  leçons  furent  très-recherchées.  »  De  Nantes  il  se  rendit  bientôt 
à  Paris,  où  le  temps  était  venu  pour  lui  de  prendre  sa  place  comme 
virtuose  et  comme  compositeur.  Tout  le  monde  sait  avec  quelle  au- 
torité imposante,  mais  à  la  fois  modeste,  il  sut  s'y  installer.  L'avé- 
nement  de  Thalberg  avait  été  l'affaire  d'un  seul  jour  :  si  celui 
d'Emile  Prudent  fut  moins  rapide,  il  ne  fut  pas  moins  assuré. 

En  examinant  quelques  productions  du  maître  français,  nous  écri- 
vions il  y  a  plus  de  dix  années  (1)  :  «  Dans  ses  fantaisies  sur  Lucie, 
sur  les  Huguenots,  sur  Norma,  dans  ses  Souvenirs  de  Beethoven, 
il  employa  surtout  le  procédé  dont  Thalberg  était  l'inventeur.  Il 
s'empara  de  l'arpège  avec  une  vigueur  et  une  puissance  au-delà  des- 
quelles il  n'y  avait  plus  rien  :  il  posa  les  colonnes  d'Hercule  de  ce 
moyen  d'effet,  et  c'était  un  honneur  qui  en  valait  bien  un  autre.  En 
même  temps,  il  s'essayait  dans  des  morceaux  originaux,  comme 
r Hirondelle,  la  Ronde  de  nuit,  l'étude  en  la  bémol,  et  montrait  de 
bonne  heure  qu'il  avait  en  lui-même  assez  de  ressources  pour  ne  pas 
bâtir  éternellement  sur  le  terrain  d'autriii.  Ce  que  nous  signalons  en 
la  première  époque  d'Emile  Prudent,  ce  dont  nous  lui  savons  gré, 
c'est  qu'il  commença  par  faire  ce  qui  se  faisait,  aussi  bien  qu'on  le 
faisait,  souvent  mieux,  et  que  de  la  sorte  il  conquit  le  droit  de  faire 
autre  chose.  S'il  changea,  s'il  modifia,  ce  fut  par  conviction  et  non 
par  impuissance.  Loin  d'insulter  aux  succès  de  ses  devanciers,  il  dé- 
buta en  leur  rendant  un  plein  et  sincère  hommage.  Après  quoi,  il 
comprit  qu'on  devait  passer  à  d'autres  combinaisons,  à  d'autres  effets, 
et  il  écrivit  le  Concerto  symphonique ,  l'œuvre  la  plus  élevée,  la 
plus  large  qui  soit  jusqu'ici  sortie  de  sa  plume.  Le  Concerto  sympho- 
nique, dans  lequel  le  rôle  de  piano  acquiert  une  telle  importance  qu'il 
rivalise  avec  celui  de  l'orchestre,  marque  la  seconde  époque  des  tra- 
vaux d'Emile  Prudent,  et  tout  près  de  ce  concerto,  au  même  niveau, 
quoique  de  caractère  bien  divers,  se  groupent  les  délicieux  morceaux 
intitulés  :  les  Bois,  les  Champs,  l'Allégretto  pastoral,  qui  servent  de 
transition  à  une  troisième  époque.  L'auteur  du  Concerto  symphonique, 
descendu  des  hauteurs  de  cette  œuvre  capitale,  s'est  livré  à  l'inspira- 
tion du  paysage  musical,  et  cette  inspiration  se  retrouve  encore  plus 
hardie,  plus  brillante,  plus  ravissante  que  jamais  dans  ses  deux  der- 
nières compositions,  la  Danse  des  Fées  et  la  Villanelle.  n  Depuis  dix 
ans,  celte  liste  s'est  enrichie  d'œuvres  nombreuses,  parmi  lesquelles 
nous  citerons  seulement  le  Chant  du  ruisseau,  Folie,  la  Chanson  à 
boire,  les  Naïades,  le  Chant  d'Ariel,  la  Prairie,  ses  Eludes-lieder, 
ses  romances  sans  paroles,  et  enfin  ses  Trois  Mves. 

Tel  fut  en  résumé  l'emploi  de  cette  existence  d'artiste  si  laborieuse, 

(1)  Voir  Revue  et  Gazette  musicale,  1852,  n'  45. 


et  qui  ne  dévia  Jamais  du  droit  chemin.  Emile  Prudent  eut  cela 
de  particulier,  de  distinctif,  qu'il  ne  voulut  être  et  ne  fut  qu'un 
artiste.  Jamais  il  ne  se  laissa  distraire  de  son  idée  fixe  qui  con- 
sistait à  élever  l'art  français  aussi  haut  que  possible,  et  à  s'en  poser 
lui-même  comme  le  chef.  Cette  idée,  qui  l'occupa  sans  cesse,  il  l'a- 
vait presque  entièrement  réalisée,  et  il  était,  sans  contredit,  le  pia- 
niste français  le  plus  capable  de  soutenir  le  parallèle  avec  les  grands 
pianistes  étrangers.  Personne  ne  représentait  mieux  que  lui  l'école 
qu'il  avait,  sinon  créée,  du  moins  rehaussée,  anoblie. 

Comme  professeur,  Emile  Prudent  possédait  toutes  les  qualités  qui 
rendent  les  leçons  utiles  et  fécondes  ;  il  a  formé  une  multitude  d'é- 
lèves éminents,  et,  Vannée  dernière,  lorsqu'une  place  devint  vacante 
au  Conservatoire,  Emile  Prudent  fut  désigné  par  M.  Auber  pour 
l'occuper.  Il  ne  fut  pas  nommé  pourtant  ;  mais  il  n'en  est  pas  moins 
juste  de  déposer  sur  sa  tombe,  avec  ses  décorations  diverses,  tout 
l'honneur  qu'il  obtint  dans  cette  circonstance  et  qui  lui  était  acquis 
à  tant  de  titres. 

Emile  Prudent  était  un  des  hommes  les  meilleurs  que  l'on  puisse 
rencontrer  ;  il  avait  l'esprit  vif,  prompt  à  la  riposte ,  la  parole  brève 
et  saccadée;  sa  bouche  était  railleuse,  son  œil  clair  et  perçant,  et 
lorsque,  par  un  mouvement  qui  lui  était  familier,  il  rejetait  en  arrière 
ses  beaux  et  abondants  cheveux  noirs,  il  découvrait  un  front  large  et 
pur,  dans  lequel  se  devinait  facilement  sa  rare  intelligence. 

Paul  SMITH. 


LA  miISIQUE  ET  U  DANSE 

A    li'EXPOSilTIOIV    DES    BEAUX -ABTS. 

(Premier  article.) 

Le  salon  de  cotte  année  a  beaucoup  emprunté  à  la  musique  et  à 
la  danse,  et  la  danse  et  la  musique  lui  ont  beaucoup  rendu.  Je  ne 
veux  pas  dire  par  là  que  des  concerts  de  voix  et  d'instruments  ré- 
sonnent sous  les  coupoles  du  palais  de  l'Industrie,  et  que  des  grou- 
pes de  danseuses  exécutent  un  ballet  de  circonstance  dans  le  jardin 
improvisé  de  l'exposition  de  sculpture,  —  le  programme  officiel  ne 
comporte  pas  encore  ces  raffinements  attiques  ;  —  mais  je  ne  crois 
pas  que  les  précédentes  expositions  aient  vu  se  produire  autant 
d'œuvres  aux  sujets  empruntés  à  l'art  musical,  et  surtout  d'œuvres 
aussi  heureuses  de  style  et  d'exécution,  et  qui  tiennent  certainement 
le  premier  rang  parmi  celles  dont  la  critique  spéciale  a  pour  mis- 
sion de  s'occuper  aujourd'hui. 

Nous  ne  sommes  pas  cette  critique.  La  ligne,  le  dessin,  la  cou- 
leur, les  guerres  d'écoles,  les  discussions  d'ateliers  n'ont.  Dieu  merci! 
rien  à  faire  dans  les  colonnes  de  cette  revue.  Je  n'ai  pas  davantage 
la  prétention  de  rattacher,  par  le  parallèle  et  l'antithèse,  la  peinture 
à  la  musique,  et  de  démontrer,  avec  M.  de  Lamartine,  «  que  la 
peinture  est  la  musique  des  yeux,  de  même  que  la  musique  est  la 
peinture  des  oreilles  !  »  Non.  Mais,  tout  en  laissant  de  côté  ces  sub- 
tilités et  ces  quintessences,  derniers  échos  du  petit  salon  bleu  d'Ar- 
thénice;  tout  en  se  gardant  bien  de  mettre  en  doute  le  mérite  des 
statues  et  des  toiles  admises  par  le  jury,  n'y  aurait-il  pas  un  certain 
intérêt,  aujourd'hui  surtout  qu'en  matière  d'art  chacun  tire  à  soi 
et  va  aux  moindres  choses,  à  jeter  un  coup  d'œil  sur  l'ensemble  des 
travaux  exposés  qui  rentrent  dans  le  domaine  de  la  musique,  et  qui 
la  mettent  en  scène  dans  ses  allégories,  dans  sa  légende,  dans  sa 
philosophie  et  dans  son  histoire?  Serait-il  tout  à  fait  inopportun  de 
suivre  la  trace  de  son  influence  et  de  son  action  sur  les  arts  graphi- 
ques, dans  une  exposition  qui  doit  être  la  manifestation  la  plus  com- 
plète de  ces  arts  mêmes,  puisque,  chaque  année,  ainsi  que  le  disait, 
en  1861,  M.  le  comte  Walewski  :  «  Tous  les  États,  toutes  les  cités 


DE  PARIS. 


179 


lui  envoient  leurs  peintres,  leurs  statuaires,  comme  à  un  concours 
général,  puisque  marbres  et  tableaux  viennent  de  tous  les  continents 
se  grouper  dans  ce  sanctuaire,  où  le  goût  s'épure  au  contact  du  beau, 
et  qui  est  un  des  plus  justes  sujets  d'orgueil  de  la  France.  »  Les 
«  États,  les  cités  et  les  continents  »  ont  envoyé  cette  année  au  Salon 
force  soldats,  force  bacchantes,  écuries  et  intérieurs  rustiques;  en 
revanche,  sur  deux  mille  et  quelques  ouvrages  reçus,  plus  de  trois 
cents  —  tableaux,  portraits,  bustes,  statues,  pastels,  gravures  ou  li- 
thographies —  reproduisent  des  scènes  musicales,  ou  des  traits  d'ar- 
tistes et  de  musiciens.  C'est  une  compensation  très-estimable  et  très- 
estimée;  car  on  m'accordera  bien  que,  quelle  que  soit,  du  reste,  la  va- 
leur artistique  de  l'œuvre,  tout  le  monde  ne  professe  pas  un  culte 
exclusif  pour  les  batailles,  les  nymphes  peu  vêtues,  les  poulaillers  et 
les  fermes  normandes  ou  autres,  qui  n'ont,  les  unes  et  les  autres,  que 
le  moindre  défaut  de  se  ressembler  toutes. 

Or,  s'il  est  vrai  que  l'exposition  en  général,  celle  de  1863  comme 
celle  de  1861,  soit  un  «  sanctuaire,  »  et  la  haute  sanction  de  M.  le 
ministre  d'État  ne  nous  permet  pas  d'en  douter,  la  musique  ne  doit- 
elle  pas  être  fort  honorée  de  se  trouver,  par  tant  d' œuvres  qu'elle  a 
inspirées,  en  si  auguste  compagnie  ?  Les  musiciens  n'ont-ils  pas  tout 
à  gagner  à  aller  retremper  leur  vigueur  et  leur  génie  dans  ce  temple 
où  «  le  goût  s'épure  au  contact  du  beau?  » 

Le  nombre  des  œuvres  relatives  à  la  musique,  au  théâtre  et  à  la 
danse  s'élèverait  plus  haut  que  je  ne  l'ai  dit,  s'il  fallait  tenir  compte 
des  scènes  que  la  musique  accompagne  et  dont  les  instruments 
constituent  les  accessoires  et  le  décor.  Combats  antiques  et  combats 
modernes  ont  leurs  tympanons,  leurs  buccins,  leurs  tambours  et  leurs 
trompettes.  Clairons  et  tambours  à  Sébaslopol,  à  Solférino,  en  Syrie, 
en  Cochinchine ,  en  Chine ,  en  Algérie,  au  M^exique.  Sans  repos  ni 
trêve,  et  d'un  bout  du  monde  à  l'autre,  l'exposition  fait  sonner  la 
charge  et  la  victoire  aux  instruments  de  la  rue  Saint-Georges.  Puis, 
s'avancent,  musiques  en  tête,  les  cérémonies  religieuses,  les  proces- 
sions, les  baptêmes,  les  mariages,  les  funérailles,  les  pèlerinages,  les 
mille  cortèges  de  fête  ou  de  deuil.  Musiques  encore  sous  les  tonnelles 
italiennes,  sous  les  tendido  espagnols,  sous  les  tilleuls  allemands, 
sous  lesverandah  de  la  Havane,  sous  la  tente  des  bachi-bousoucks  et 
sous  la  hutte  du  sauvage  !  Musiques  dans  les  bacchanales  antiques  et 
dans  les  caravansérails  !  Musique  et  musiciens  partout  à  l'exposition  ! 
Et  je  ne  parle  ni  des  panneaux  décoratifs  et  des  épisodes  de  chasse 
qu'anime  la  bruyante  fanfare  des  trompes,  ni  des  intérieurs  et  des 
natures  mortes  ,  où  la  lumière ,  savamment  distribuée  ,  allonge  son 
sillon  étincelant  sur  le  palissandre  et  l'ivoire  des  pianos ,  rebondit 
sur  les  hautes  contre-basses ,  et  s'accroche ,  en  vives  bluettes,  aux 
pavillons  des  cors. 

C'est  aux  portraits  d'artistes  que  nous  demanderons  de  nous  faire 
les  honneurs  du  Salon.  Le  jury  a  été  hospitalier  pour  eux.  Ils  atti- 
rent tous  les  regards  ;  ils  font  au  visiteur  bon  visage  et  bon  accueil. 
Il  en  est  que  l'on  salue  comme  d'anciens  amis,  que  l'on  a  vus  hier, 
que  l'on  verra  demain  :  Monrose,  par  exemple,  peint  par  M.  Pichon  ; 
Gustave  Nadaud  ;  Arnal  et  Ravel,  deux  eaux-fortes  spirituellement 
traitées.  Il  en  est  qui  réveillent  les  souvenirs  heureux,  autour  des- 
quels semble  éclater  le  bruit  des  applaudissements  et  des  triomphes, 
et  que  la  pensée  interroge  avec  persistance  ,  comme  si  elle  devait 
retrouver  sous  les  traits,  sous  le  masque,  le  secret  du  génie  ou  du 
talent  :  M.  Auber,  belle  miniature  de  Mlle  Elvire  Leroy  ;  Adelina 
Palti ,  buste  aux  contours  ravissants,  finement  modelé  par  M.  Le- 
quesne  ;  Mme  Viardot,  drapée  à  l'antique,  la  tête  attentive  et  frémis- 
sante, marbre  d'une  grande  tournure  de  M.  Aimé  Millet,  l'auteur  de 
cette  Jeunesse  en  fleur  du  tombeau  d'Henry  Murger  ;  Mme  Victoria 
Lafoniaine;  Mlle  Vernon,  dans  le  rôle  de  Fenella,  de  la  Muette, 
portrait  de  Dubufe  un  peu  idéalisé,  mais  d'une  merveilleuse  richesse 
de  coloris  ;  MM.  Balanqué,  Sarasate ,  Mlle  ./.,  des  Bouffes-Pari- 
siens, etc.  Il  en  est,  enfin,  devant  lesquels  on  s'incline  avec  émotion. 


Halévy  revit  dans  deux  portraits  de  MM.  Roller  (n"  1619)  etCilestin 
Nanteuil  (1383).  Le  premier  est  d'une  pose  familière  et  sans  apparat; 
le  second,  d'une  vérité  et  d'une  ressemblance  saisissantes.  Halévy, 
vêtu  de  noir,  le  cordon  de  la  Légion  d'honneur  au  cou,  les  bras 
croisés,  se  tient  debout  devant  un  piano,  La  tête  se  détache  en  vi- 
gueur sur  de  sombres  draperies.  Oui,  ce  sont  bien  là  les  traits  creusés 
par  le  travail  de  la  pensée,  le  regard  profond,  l'expression  mélanco- 
lique et  réfléchie,  le  port  et  l'attitude  habituelles  du  grand  artiste, 
dont  une  plume  éloquente  et  sincèrement  émue  a  dit,  dans  ces  co- 
lonnes, la  carrière  laborieuse  et  la  gloire  douloureusement  achetée  ! 
Ce  portrait  est,  sans  contredit,  l'un  des  plus  beaux  de  l'exposition. 
Il  impressionne  et  il  attache  vivement. 

La  statuaire,  la  peinture  et  le  dessin  allégoriques  s'unùssent  au 
Salon  pour  traduire  les  poétiques  et  rtiultiples  incarnations  de  la  mu- 
sique. Héroïque,  elle  plane,  le  front  cerclé  d'étoiles,  les  ailes  d'or 
éployées,  éclairées  de  reflets  d'apothéose,  au  milieu  des  génies  et  des 
muses,  dans  un  plafond  destiné  au  ministère  d'Etat.  Funèbre,  elle 
s'appuie  sur  l'élégie  et  pleure  les  splendeurs  disparues-  Populaire, 
sous  l'image  de  la  chanson,  elle  voile  sa  lyre  brisée  et  enlace,  gé- 
missante, le  buste  de  Béranger.  Légendaire,  elle  passe,  escortée  de 
ses  créations  fantastiques,  dans  deux  magnifiques  gravures  :  Beetho- 
ven et  la  Dernière  pensée  de  Weber.E\\&  chante  l'amour  avec  la  Sapho 
de  M.  Picou.  Elle  célèbre  les  louanges  de  Dieu,  avec  une  Sainte  Cé- 
cile de  Mignard,  dont  M.  Jourdain  a  reproduit  la  grâce  exquise  et 
souriante.  Je  rappellerai  encore,  d'après  le  livret,  les  statues  allégo- 
riques de  la  Musique,  de  la  Danse,  d'Hamlet,  du  Drame,  qui  ornent 
la  façade  des  théâtres  de  la  place  du  Châtelet,  et  le  Soapin  de  Mol/ère, 
de  1\I.  Doublenard,  —  qu'attend  le  théâtre  de  la  Gaîté,  —  barette  et 
cheveux  au  vent,  lèvre  sardonique,  moustaches  en  croc,  œil  clignot- 
tant  et  faux,  cachant  dans  les  plis  de  sa  cape  rayée  un  bâton,  auxi- 
liaire violent  de  quelque  fourberie  nouvelle. 

Si  de  l'allégorie  nous  passons  à  la  peinture  historique,  que  de 
pages  de  l'histoire  musicale  de  tous  les  âges  ne  rencontrons-nous 
pas  !  Orphée,  d'abord,  le  civilisateur  des  temps  antiques,  grand  par 
son  double  génie  de  législateur  et  de  poëte,  plus  grand  encore  par  la 
pureté  de  sa  vie  et  la  constance  de  son  amotir  ;  Orphée,  tel  que  l'a 
immortalisé  ce  vers  des  Géorgiques,  dont  la  langueur  imitative  résiste 
à  notre  langue,  et  qui  a  trouvé  dans  le  tableau  de  M.  François  une 
traduction  fidèle  : 

«  Te,  dulcis  conjux .... 
Te,  veniente  die,  te,  decedete,  canebat.  » 

Puis,  Orphée  mis  à  mort  par  les  Bacchantes;  et  si  la  critique  peut 
s'exercer  sur  les  tons  heurtés  de  cette  grande  toile  de  M.  Bin,  il  lui 
faut  rendre  hommage  à  son  mouvement  et  à  son  caractère  tragique. 
Aux  bords  de  l'Hèbre,  sur  les  marches  du  portique  d'un  temple  de 
Bacchus,  Orphée,  couvert  de  sang,  est  renversé.  Ivres,  échevelées, 
furieuses,  les  flancs  ceints  de  peaux  de  léopard,  les  bacchantes  l'en- 
tourent; l'une,  armée  d'une  faucille,  s'apprête  à  lui  lacérer  le  cœur; 
l'autre  va  le  percer  de  sa  fourche  ;  une  troisième  brandit  sur  sa  tête 
une  torche  sanglante.  Le  poëte  expire,  et  les  rochers  de  l'Hémus,  et 
les  profondeurs  de  la  forêt  de  Pangée,  qui  se  profilent  dans  la  per- 
spective, redisent  les  cris  de  ses  farouches  ennemies. 

Le  Vocero  en  Corse,  de  M.  Guillaume,  appartient  au  même  ordre 
de  scènes  musicales  dramatiques.  Un  homme  a  été  tué  dans  les  ma- 
quis par  une  vendetta  sauvage.  On  le  rapporte  dans  sa  maison  ;  on 
l'étend  sur  une  table.  Les  femmes  accroupies  s'arrachent  les  cheveux, 
se  frappent  la  poitrine,  exhalent  leur  douleur  par  des  gémissements 
prolongés.  Les  hommes  sont  à  l'écart,  impassibles  et  silencieux.  La 
voceratrice  s'approche  du  cadavre,  se  penche  vers  lui  et  entonne  le 
vocero,  chant  lugubre  et  monotone,  dont  les  strophes  entrecoupées  de 
sanglots  sont  presque  chucliotées  à  l'oreille  du  mort.  Puis,  la  mé- 
lopée s'élève;  elle  grandit  sur  un  rhythme  précipité;  elle  éclate  enfin, 


180 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


sonore  et  vibrante,  an  moment  où  les  hommes  prononcent   le   ser- 
ment de  la  vengeance. 

Plus  loin,  M.  de  Pinelli  nous  ouvre  la  cabane  d'un  bûcheron,  où 
s'est  réfugié  Knox, persécuté  par  Marie  Suarl.  Le  proscrit  est  tombé 
en  léthargie  ;  les  soldats  qui  le  traquent,  approchent  ;  il  va  périr  ; 
mais  les  sons  du  pibrock  le  raniment,  et  il  échappe  ainsi,  grâce  à  la 
musique,  au  ressentiment  de  la  protectrice  du  musicien  David  Rizzio. 
M.  de  Pinelli  a  également  exposé  un  Palesirina  jouant  de  l'orgue  en- 
touré de  ses  élèves.  On  a  comparé  Palesirina  à  Raphaël  ;  puisqu'il 
s'agit  ici  de  musique  et  de  peinture ,  je  crois  qu'il  serait  plus  judi- 
cieux de  le  rapprocher  d'Ange  de  Fiesole,  si  ces  comparaisons  d'ar- 
tistes différents  n'étaient  pas  toujours  défectueuses. 

Nous  nous  rapprochons  de  l'époque  actuelle  avec  Beethoven  chez 
des  paysans,  quelques  jours  avant  de  mourir.  L'autsur  de  la  Sympho- 
nie pastorale  est  assis  devant  un  clavecin  de  village,  de  ces  clavecins 
à  touches  noires  que  l'on  rencontre  encore  en  Allemagne  et  dans  nos 
vieilles  provinces.  Un  jour  d'automne ,  que  tamisent  des  vitraux 
cerclés  de  plomb,  éclaire  son  front  pâli  par  les  premières  atteintes 
de  la  mort,  ses  yeux  brillants  de  fièvre,  ses  traits  amaigris,  ses 
maias  osseuses  et  crispées.  Il  joue  ;  un  reflet  fugitif  d'inspiration 
passe  sur  ses  lèvres  blêmies.  Il  joue,  et  l'aïeule,  dans  son  grand 
fauteuil,  et  le  père  attristé,  et  les  enfants  entrelacés  dans  la  vigne- 
vierge  de  la  fenêtre,  écoutent,  pensifs  et  recueillis.  Scène  simple  et 
touchante!  De  cette  toile  se  dégage  un  parfum  pénétrant  de  poésie, 
et  longtemps,  et  malgré  soi  l'on  songe  à  ce  puissant  génie  des  temps 
modernes  qui  avait  fait  tonner,  mugir,  chanter  et  rêver  les  orches- 
tres, confiant  à  la  voix  chevrotante  et  cassée  d'un  pauvre  vieil  ins- 
trunient,  au  milieu  de  braves  gens,  les  plaintes  dernières  de  sa  lente 
agonie,  plaintes  qu'il  ne  peut  entendre  et  que  le  vent  emporte! 
Beethoven  eut  la  doctrine  des  Michel-Ange  et  des  Poussin,  doctrine 
austère  et  difficile,  qui  élève  et  perfectionne  l'âme  en  vieillissant.  La 
peinture  lui  devait  bien  cet  hommage. 

Je  citerai  encore  parmi  les  sujets  un  épisode  d'histoire  musicale  : 
Horace  à  Tibur,  chantant  sur  la  lyre  à  sept  cordes  les  charmes  et 
l'amour  d'une  Laïs  romaine  ;  Vue  du  théâtre  d'Hérode,  où  se  donnaient 
les  concerts  à  Athènes  ;  Vadé  à  la  halle  en  mi  ;  Rouget  de  l'Isle 
composant  la  Marseillaise,  tableaux  que  la  gravure  a  rendus  popu- 
laires, et  deux  piquants  fac-similé  de  Gavarni  :  Ne  lui  parlez  pas 
des  artistes  a  ce  bourgeois  puritain  ;  A'e  lui  parles  pas  des  bour- 
geois a  cet  artiste  hérissé  ! 

Em.  Mathied  de  monter. 
{La  fin  prochainement .  ) 


HiYDN  ET  LES  PBIRCES  D'ESTERHâZY. 

(2=  article)  (1). 

Pour  apprécier  les  difficultés  qui  pouvaient  embarrasser  Haydn  dans 
ses  relations  avec  les  princes  ses  protecteurs  et  avec  les  artistes  de 
l'orchestre  qu'il  dirigeait,  il  suffira  de  se  rappeler  le  triste  rôle  que 
jouait  Mozart  à  la  cour  de  l'archevêque  de  Salzbourg,  et  les  conflits 
qui  de  temps  à  autre  ont  troublé  la  vie  de  Haendel  et  de  Beethoven. 
On  sait  que  ces  natures  énergiques  se  trouvaient  parfois  aux  prises 
avec  les  cabales  et  les  intrigues  qui  ne  sont  que  trop  fréquentes 
dans  le  monde  artistique.  Deux  circonstances  heureuses  ont  puis- 
samment aidé  notre  compositeur  à  triompher  de  tous  les  obstacles. 
Par  l'éclat  de  sa  renommée,  il  devenait  pour  les  princes  d'Esterhazy 
presque  tout  aussi  indispensable  que  ses  Mécènes  l'étaient  pour  lui- 
même.  D'un  autre  côté,  parmi  les  artistes  qui  lui  étaient  subordonnés, 
l'envie  et  la  cabale  devaient  se  sentir  désarmées  devant  un  homme 
qui,  malgré  sa  réputaiion  européenne,  était,  comme  chef  et  directeur, 

(1)  Voir  le  n"  5. 


un  parfait  symbole  de  modestie  et  d'humanité.  11  conduisait  l'orches  • 
tre  avec  un  calme  imperturbable  et  sans  le  moindre  bruit  ;  même 
dans  les  passages  les  plus  compliqués  de  ses  compositions,  lorsque  ar- 
rivait un  solo  pour  un  instrument  quelconque,  il  se  bornait  à  diriger,' 
par-dessus  d'énormes  lunettes,  un  regard  encourageant  vers  le  so- 
liste, comme  pour  lui  dire  :  «  C'est  votre  tour,  cher  Monsieur,  de 
nous  faire  honneur,  à  vous  et  à  moi.  » 

Le  maître  avait  d'ailleurs  tout  lieu  d'être  content  d'une  chapelle 
comme  le  prince  Nicolas  en  avait  formé  une,  en  appelant  à  lui  des 
instrumentistes  de  tous  les  pays.  Cependant  il  y  avait  dans  le  Cru- 
ci  fixus  d'une  de  ses  messes  des  arpèges  d'orgue,  et,  dans  une  autre, 
un,  solo  de  timbale,  qui  n'étaient  jamais  exécutés  à  sa  complète  salis- 
faction.  Aussi,  lorsque  les  passages  se  présentaient,  il  grimpait  en 
tonte  hâte  à  l'orgue  pour  les  jouer  lui-même.  Ce  qui  le  mettait 
hors  de  lui,  c'était  l'outrecuidance  des  cantatrices  ou  des  virtuoses 
qui,  de  leur  propre  chef,  se  permettaient  d'enjoliver  ses  compositions; 
mais,  en  ce  cas  même,  il  se  bornait  à  rappeler  l'artiste  à  l'ordre  par 
un  persiflage  sans  aigreur.  Eu  général,  cette  ironie  pleine  de  bon- 
homie était  la  seule  arme  dont  il  se  servît  en  face  de  prétentions 
ridicules.  Un  jour  que  Jean  Fuchs,  deuxième  maître  de  chapelle  et 
élève  de  Haydn,  exaltait  outre  mesure  les  prétendues  beautés  d'une 
messe  qu'il  venait  d'écrire ,  Haydn,  que  cette  jactance  impatientait, 
s'écria  en  riant  :  «  Fuchs,  Fuchs,  je  vois  bien  que  tu  vas  éclipser  le 
vieux  Haydn;  il  faudra  que  je  me  remette  de  nouveau  à  étudier!  » 

Ce  Fuchs  n'en  était  pas  moins  un  des  artistes  peu  nombreux  avec 
lequel  Haydn  se  fût  lié  ;  bizarrerie  qu'on  s'explique  assez  difficile- 
ment. C'était  un  homme  loyal,  mais  sa  conversation  était  aussi  en- 
nuyeuse que  ses  ouvrages.  Haydn  aimait  aussi  la  société  de  son  frère^ 
Jem,  ténor  que  par  sa  protection  il  avait  fait  entrer  dans  la  cha- 
pelle qu'il  dirigeait.  Dans  un  ancien  couvent  de  franciscains ,  que  le 
prince  Nicolas  avait  converti  en  hôtel,  et  où  logeaient,  à  ses  frais, 
Beethoven,  Salieri,  Kreulzer,  Gyrowetz,  Vogler,  etc.,  lorsqu'ils  ve- 
naient à  Eisensladt,  on  montre  encore  la  pièce  où  Joseph  se  réunis- 
sait avec  son  frère  Jean  et  son  ami  Fuchs,  pour  y  boire  un  verre  de 
vin  rouge,  qu'il  aimait  beaucoup.  Frère  Jean  était  un  gai  compa- 
gnon, qui  faisait  la  cour  à  toutes  les  jeunes  demoiselles,  lesquelles  se 
moquaient  de  lui,  et  chantait  de  joyeuses  chansons  à  boire. 

Mais  ce  que  Haydn  aimait  avant  tout,  c'était  la  promenade,  l'aspect 
de  la  nature.  Il  était  heureux  de  composer  en  plein  air.  Au  jardin 
de  Lichlenlhal,  près  d'Eisenstadt,  on  conserve  encore  le  pavillon  en 
bois  où  Haydn  a  souvent  et  beaucoup  écrit.  Voici  comment  il  com- 
posait :  d'abord  il  jetait  sur  des  feuillets  détachés  des  projets  qu'il 
avait  plus  ou  moins  achevés  dans  sa  tête,  et  ce  n'est  que  quand 
l'œuvre  tout  entière  était  vivante  dans  sa  pensée  qu'il  en  écrivait; 
la  partition  ;  aussi  trouve-t-on  peu  de  ratures  dans  ses  ouvrages.  Du 
reste,  cette  rapidité  de  conception  et  de  production,  que  l'on  ad- 
mire chez  Mozart  et  Schubert,  lui  faisait  complètement  défaut;  il 
travaillait  lentement,  comme  il  l'avouait  lui-même:  il  lui  fallait  un  moiS' 
pour  achever  une  symphonie,  et  trois  mois  pour  une  messe.  Le  don 
de  l'improvisation,  que  Mozart  et  Beethoven  possédaient  à  un  si  haut 
degré,  lui  manquait  également. 

J'en  viens  maintenante  une  qualité  essentielle  et  d'une  haute  im- 
portance pour  l'appréciation  de  quelques-unes  des  œuvres  du  maî- 
tre, systématiquement  méconnu  dans  ces  derniers  temps,  j'en  viens 
à  sa  piété,  qui  a  dû  être  aussi  fervente  que  pure  et  sincère  ;  tous  les 
témoignages,  écrits  ou  donnés  de  vive  voix,  que  j'ai  pu  recueillir, 
s'accordent  sur  ce  point.  Ce  n'était  point  le  déisme,  c'était  la  foi  po- 
sitive. Ainsi  que  son  frère  à  Salzbourg,  il  était  catholique  convaincu  : 
la  messe  et  les  sacrements  étaient  pour  lui  un  besoin  spirituel.  Lorsque 
pendant  la  composition,  la  source  des  idées  musicales  commençait  à 
tarir,  il  prenait  un  chapelet,  se  promenait  quelque  temps  de  long  en 
large  dans  l'appartement,  et  l'inspiration  revenait.  A  l'époque  où 
Haydn  écrivait  la  Création,  il  se  mettait  à  genoux  tous  les  matins 


DR  PABIS. 


181 


et  priait  Dieu  de  lui  donner  la  force  d'achever  son  œuvre.  Chaque 
fois  qu'il  avait  terminé  une  messe  —  à  l'exception  d'une  seule,  il  les 
a  écrites  dans  sa  vieillesse  —  il  était  ivre  de  joie  et  versait  parfois 
des  larmes  à  l'idée  qu'il  avait  de  nouveau  achevé  une  œuvre  pour  la 
glorification  du  Créateur. 

Celte  crainte  de  Dieu  était  un  des  éléments  constitutifs  de  sa  na- 
ture morale  dès  sa  jeunesse.  Un  de  ses  autographes,  daté  de  1769, 
que  l'on  conserve  aux  archives  musicales  d'Eisenstadt,  porte  déjà  la 
suscription  :  In  nomine  Domini,  par  laquelle  le  pieux  compositeur 
commençait  toutes  ses  œuvres  de  quelque  étendue.  Un  fait  qui 
prouve  que  chez  lui  la  foi  était  exempte  de  bigoterie,  c'pst  que,  par 
son  testament,  il  a  légué  la  somme  nécessaire  pour  trente  messes  de 
requiem,  et  1,000  florins  pour  les  pauvres. 

Le  docteur  L. 


Une  dame  de  Varsovie  amateur,  Mme  Thecla  Badarzewska,  a  pu- 
blié, il  y  a  quelques  années,  quatre  morceaux  pour  le  piano  qui  ont 
pour  titres  :.1°  La  Prière  d'une  vierge;  2°  Douce  rêverie;  3°  Sou- 
venirs de  ma  chaumière;  k"  Mazurka. 

La  première  de  ces  compositions  a  eu  surtout  un  grand  retentisse- 
ment; les  éditeurs  G.  Brandus  et  S.  Dufour  acquirent  la  propriété 
des  quatre  par  acte  signé  de  Mme  Badarzewska. 

Bientôt  après  elle  mourut  sans  laisser  aucune  autre  œuvre  de  sa 
composition,  ce  qui  résulte  de  renseignements  certains  pris  auprès 
de  sa  famille. 

Cependant  une  maison  de  Londres,  voulant  exploiter  le  nom  et  la 
réputation  de  Mme  Thecla  Badarzewska,  n'a  pas  craint  de  publier  sous 
ce  nom  plusieurs  mélodies  pour  le  piano,  et  entre  autres  une  soi-disant 
réponse  à  la  Prière  d'une  vierge,  complètement  apocryphes,  et  dont 
cette  maison  a  même  rétrocédé  la  propriété  pour  la  France  et  la  Bel- 
gique à  des  éditeurs  de  Paris  et  de  Bruxelles. 

Dans  l'intérêt  de  la  mémoire  de  Mme  Badarzewska  et  dans  le  leur, 
comme  seuls  éditeurs  de  ses  œuvres,  MM.  G.  Brandus  et  S.  Dufour 
doivent  protester  et  mettre  leurs  confrères  aussi  bien  que  le  public 
en  garde  contre  cette  indélicate  spéculation. 

Ils  affirment  donc,  —  et  ils  portent  à  la  maison  anglaise  qui  s'en  est 
rendue  coupable  le  défi  de  justifier  du  contraire, —  qu'en  dehors  des 
quatre  compositions  ci-dessus  mentionnées,  toutes  celles  qui  ont 
paru  ou  qui  paraîtront  sous  le  nom  de  Mme  Thecla  Badarzewska  sont 
l'œuvre  d'un  inconnu  payé  pour  ce  métier. 


CORRESPONDANCE. 


Londres,  5  juin. 


Les  deux  Patti  continuent  de  charmer  la  cour  et  la  ville,  de  remplir 
le  théâtre  et  le  concert;  mais  les  esprits  chagrins  qui  voudraient  à 
tout  prix  établir  une  comparaison  entre  les  deux  sœurs  perdraient  leur 
peine.  Ce  sont  deux  étoiles  brillant  d'un  vif  éclat  toutes  les  deux,  sans 
que  les  rayons  de  l'une  obscurcissent  la  clarté  de  l'autre.  A  l'une  le 
domaine  des  cancerts,  à  l'autre  le  royaume  du  théâtre.  On  admire  Car- 
lotta  Patti,  dont  la  voix  accomplit  des  merveilles,  et  on  l'applaudit  à 
l'égal  des  plus  grands  virtuoses,  comme  on  applaudit  le  violon  de  Joa- 
chim  ou  le  piano  d'Arabella  Goddard.  Quant  à  Adelina  Patti,  qui  a  re- 
trouvé au  théâtre  de  Covent-Garden  l'enthousiasme  qui  l'y  avait  ac- 
cueillie les  années  précédentes,  celle-ci  est  comédienne  comme 
Mlle  Mars;  elle  joue  l'opéra  de  genre  comme  Mme  Faure-Lefèbvre  le 
jouait,  mais  elle  est  encore,  —  le  vrai  peut  quelquefois  n'être  pas  vrai- 
semblable, —  elle  est  tragédienne  comme  liachel.  C'est  dans  le 
Trovatore  que  la  jeune  artiste  vient  de  révéler  cette  face  nouvelle  de 
son  talent.  Le  Trovatore,  il  faut  l'avouer,  commençait  à  s'user  terrible- 
ment; cependant,  à  la  seule  annonce  que  la  Patti  chanterait  le  rôle  de 
Leonora,  toutes  les  places  étaient  enlevées  bien  avant  le  jour  de  la  re- 
présentation; et,  cette  fois,  ce  n'étaient  pas  ses  admirateurs  qui 
poussaient  aux  prix  les  plus  élevés   l'enchère  des   billets.  «  Beaucoup 


de  personnes,  »  dit  le  plus  spirituel  de  mes  confrères  de  la  presse  ari- 
glaise,  «  beaucoup  de  personnes  arrivaient  dans  la  salle  avec  ce  senti- 
ment qui  animait  les  habitués  du  cirque  Van  Amburgh;  elles  arrivaient 
avec  l'espoir  d'assister  au  spectacle  émouvant  do  la  petite  chanteuse 
dévorée  par  la  musique  de  Verdi.  »  —  11  n'en  a  rien  été,  et  la  petite 
chanteuse,  loin  d'être  croquée,  a  si  complètement  maîtrisé  le  monstre 
que  cela  lui  a  valu  un  de  ses  plus  éclatants  triomphes.  »  —  «Elle  mène 
ceux  qui  la  suivent  ;  ceux  qui  ne  la  suivent  pas,  elle  les  entraîne.  » 

Il  était  tout  naturel  de  penser,  et  tout  le  monde  s'y  attendait,  que 
Mlle  Patli  dirait  parfaitement  la  partie  purement  chantante  de  son  rôle;- 
on  s'étonnait  pourtant  que  la  musique  du  Trovatore  ne  parût  pas  lui 
occasionner  la  moindre  fatigue;  mais  personne  n'était  préparé  à  l'effet 
extraordinaire,  irrésistible,  que  son  jeu  dramatique  a  produit  sur  l'au- 
ditoire tout  entier. 

Les  différents  morceaux  qu'elle  chante  dans  les  trois  premiers  actes 
ont  été  rendus  avec  cette  fidélité  et  ce  fini  artistique  qu'on  est  habitué 
à  admirer  dans  chaque  phra-^e  de  Mlle  Patti.  Mais  c'est  dans  le  quatrième 
acte  qu'elle  a  pu  manifester  aussi  plus  amp'ement  sa  puissance  dra- 
matique. Dans  le  Miserere,  la  vigueur  inattendue,  le  naturel  et  le  jeu 
imprévu  de  l'artiste  tenaient  en  haleine  la  salle  entière.  Quand  la 
voix  de  Manrico  se  fait  entendre  une  première  fois,  la  nouvelle  Leo- 
nora s'approche  de  la  tour  ei  se  presse  contre  le  mur  comme  si  elle 
voulait  en  forcer  l'entrée  malgré  les  obstacles,  et  lorsque,  épuisée  par 
ses  vains  efforts,  elle  s'écrie,  Sento  mancarmi,  elle  tombe  comme  fou- 
droyée et  ne  se  relève  que  lentement,  comme  si  le  chant  de  mort  qui 
se  fait  entendre  de  nouveau  la  rappelait  à  la  réalité.  Dans  le  duo  avec 
le  comte  de  Luna  qui  suit,  Mlle  Patti  trouve  encore  un  effet  inattendu 
en  disant  tout  bas  la  phrase,  M'avrai.  ma  fredda,  esanime  spogli,  ce 
qui  produit  un  contraste  saisissant  avec  le  serment  qu'elle  vient  de 
prononcer:  Lo  giuro  a  Dio  che  l'anima  tutta  mi  vedc,  passage  qu'elle  dé- 
clame avec  une  passion  extraordinaire.  C'est  dans  la  dernière  scène 
toutefois  que  le  talent  tragique  de  l'artiste  s'est  révélé  de  la  manière  la 
plus  frappante.  Lorsqu'elle  tombe  aux  pieds  de  Manrico,  l'expression 
du  désespoir  le  plus  profond  empreinte  sur  sa  figure,  dans  son  atti- 
tude et  jusque  dans  les  pUs  de  sa  robe,  serait  une  étude  digne  d'un  sta- 
tuaire. 

Mario ,  électrisé  par  sa  partenaire ,  était  admirablement  en  voix  ce 
soir-là,  et  Graziani,  avec  son  air  11  Balen,  a  provoqué  le  bis,  qui  ne  lui 
fait  jamais  défaut  lorsqu'il  chante  ce  morceau.  Une  demoiselle  Lustani , 
inconnue  jusqu'alors,  s'était  chargée  du  rôle  d'Azucena.  Elle  ne  mérite 
que  des  éloges  si  l'on  considère  qu'elle  le  chantait  presque  à  l'impro- 
viste,  à  la  place  de  Mme  Didiée.  Ayant  chanté  la  veille,  obligée  de  chan- 
ter le  lendemain,  Mme  Didiée  doit  céder  quelques-uns  des  rôles  nom- 
breux qui  lui  sont  échus  cette  année;  car  M.  Gye,  n'ayant  point,  au 
grand  regret  de  ses  abonnés,  renouvelé  l'engagement  de  Mme  Csillag, 
l'emploi  et  le  répertoire  que  les  deux  artistes  se  partageaient  jusqu'ici 
sont  échus  cette  année  à  Mme  Didiée  seule.  Mais  Mme  Didiée  n'est  point 
femme  à  s'effrayer  des  difficultés;  elle  sait  d'ailleurs  qu'elle  est  l'en- 
fant gâtée  de  la  maison,  qu'elle  peut  chanter  à  Covent-Garden  tout  ce 
qu'elle  veut,  et  même  un  peu  comme  elle  le  veut,  sûre  de  toujours 
plaire  et  de  réussir.  C'est  elle  encore  qui,  par  son  entrain,  a  sauvé,  la 
semaine  dernière,  la  représentation  de  Maria,  gravement  compromise 
par  une  Mlle  Demi.  Aujourd'hui  c'est  Mlle  Fioretti  qui  a  repris  le  rôle 
d'Enrichetta ,  et  le  charmant  ouvrage  de  Flotovv  a  retrouvé  tout  son 
ancien  et  légitime  succès. 

C'est  encore  grâce  à  Mme  Didiée  que  nous  avons  pu  assister  lundi  à 
la  reprise  du  Prophète,  dans  lequel  le  rôle  de  Fidès  a  pour  interprète 
cette  inappréciable  artiste,  qui  sait  s'identifier  avec  tous  les  genres. 
Tamberlick  est  splendide  dans  Jean  do  Leyde  ;  il  rend  notamment  au 
magnifique  finale  du  troisième  acte  tout  son  éclat  par  la  manière  vi- 
goureuse et  entraînante  avec  laquelle  il  entonne  le  chant  grandiose  et 
inspiré  de  IRoi  du  ciel.  Il  n'est  pas  moins  remarquable  dans  la  scène  de 
l'église  et  dans  tout  le  cinquième  acte.  Le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer 
sera  répété  lundi  prochain  et  ne  quittera  plus  la  scène  de  Covent-Gar- 
den jusqu'à  la  fin  de  la  saison. 

Au  théâtre  de  Hcr  Majesty,  Mlle  Artot  continue  ses  représentations 
avec  le  talent  et  le  succès  auxquels  la  Revue  musicale  a  si  complète- 
ment rendu  justice.  Si  elle  ne  voulait  pas  quelquefois  trop  faire,  la 
critique  n'aurait  absolument  rien  à  reprocher  à  cette  jeune  et  inteUi- 
genie  artiste,  qui  a  remporté  hier  soir  encore  un  nouveau  et  très-grand 
succès  dans  la  Traviata.  Après  avoir  obtenu  l'honneur  du  bis  dans 
l'air  ;  Force  à  lui,  elle  a  dit  avec  la  plus  touchante  expression  le  grand 
duo  avec  Germon  et  surtout  la  phrase  poignante  :  Dite  allô  giovanne  si 
bellae  pura.  Enfin,  dans  la  dernière  scène  de  l'opéra,  des  acclamations 
et  des  trépignements  formidables  ont  redemanlé  le  fameux  duo:  Parigi 
0  cara,  dit  par  Mlle  Artot  avec  Giuglini ,  qui  a  retrouvé  ses  anciens 
triomphes  dans  le  rôle  d'Alfredo.  —  Une  représentation  des  Huguenots, 
excellente  sous  beaucoup  de  rapports,  défectueuse  sous  d'autres,  a  été 
donnée  mardi  avec  une  nouvelle  basse,  M.  Fricca,  dans  le  rôle  de  Mar- 
cel. M.  Fricca  a  des  qualités  très-estimables,  mais  il  ne  possède  point 
encore  un  talent  assez  transcendant  pour  paraître  à  côté  de  Mlle  Titjens, 
de  Mlle  Trebelli,  de  Giuglini  et  de  Santley.  Il  serait  superflu  de  répéter 


182 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


combien  Mlle  Tifjens  est  imposante  dans  le  magnifique  rôle  de  Valentine, 
et  il  serait  impossible  de  donner  une  idée  de  la  façon  dont  les  accents 
irrésistibles  de  cette  puissance  vocale  s'emparent  du  public  dans  l'im- 
mortel duo  du  quatrième  acte.  Avec  Mme  Trebelli-Bottini,  le  rôle  du 
page  devient  un  rôle  principal,  et  c'est  à  elle  qu'est  échu  le  seul  encore; 
de  la  soirée  dans  le  rondo  du  deuxième  acte,  composé  par  Meyerbeer 
exprès  pour  Londres.  —  A  Covent-Carden,  on  attend  pour  une  digne 
reprise  du  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer,  l'arrivée  d'Obin  et  de  Mlle  Lucca. 
Demain,  Mlle  Patti  abordera  encore  un  rôle  nouveau  :  celui  de  Ninetta 
de  la  Gazza  ladra,  qu'elle  chantera  avec  Faure  et  Mme  Didiée.  —  Dans 
l'intervalle  de  leur  service,  Tamberlick  et  Mmes  Fioretti  et  Mlle  Battu, 
ont  été  à  Liverpool  remplir  un  engagement  contracté  par  M.  Gye  avec 
la  Société  philharmonique  pour  un  grand  concert.  Tamberlick  a  chanté 
l'air  de  /  Lombard!,  et  avec  Mlle  Battu  le  duo  de  Guillaume  Tell. 
Mme  Fioretti  a  dit  l'air  de  la  Traviaia  et  la  romance  de  la  rose  de 
Maria;  Jllle  Battu,  le  boléro  de  Don  Pasquale  et  les  variations  de  la  Ccne- 
rentola,  qui  ont  été  bissées  ;  un  très-chaleureux  accueil  a  été  fait  aux  trois 
célèbres  artistes.  —  Thalberg  a  donné  deux  séances  musicales,  le  25  et 
le  31  mai,  dans  la  salle  de  Hanover-square.  L'élite  de  l'aristocratie  et 
du  monde  élégant  y  assistait,  et  le  succès  du  grand  pianiste-compositeur 
n'a  eu  rien  à  envier  à  celui  qu'il  avait  obtenu  l'an  dernier.  —  Salvi, 
l'imprésario  de  Vienne,  est  ici  pour  recruter  sa  troupe.  Il  a  déjà  engagé 
Mme  Barbot  et  Mlle  Artot,  MM.  Everardi  et  Zucchini,  et  il  est  en  pour- 
parlers avec  Mme  Volpini,  M.M.  Graziani,  Angelini,  Mongini  et  Aldighieri. 

B.  S. 


KODVELLES. 


»*,t  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  lundi  et  vendredi  le  Comte 
Ory,  dans  lequel  Warot  obtient  de  jour  en  jour  plus  de  succès,  et  mer- 
credi la  Muette,  qui  attire  toujours  beaucoup  de  monde.  —  Pour  demain 
lundi,  les  Huguenots  sont  annoncés. 

,,**  La  reprise  des  Vêpres  siciliennes,  opéra,  dans  lequel  Villaret  doit 
continuer  ses  débuts,  aura  vraisemblablement  lieu  vers  le  «IS  juin. 

„*^  Le  théâtre  de  l'Opéra-Comique  a  donné  hier  la  reprise  de  Zampa, 
avec  un  grand  succès.  A  dimanche  le  compte  rendu. 

/»  Le  théâtre  Italien  possédera  Mlle  Adelina  Patti  pendant  la  saison  pro- 
chaine. M.  Bagier  vient  d'engager  la  jeune  et  célèbre  cantatrice  pour 
trois  mois  qui  commenceront  le  1"  novembre.  Elle  recevra  3,000  francs 
par  représentation. 

»**  M.  Berlioz  vient  de  lire  aux  artistes  du  théâtre  Lyrique  son  opéra 
des  Troyens.  L'ouvrage  est  en  cinq  actes  avec  un  prologue.  Mme  Char- 
ton-Demeur  est  engagée  pour  jouer  le  rôle  de  Didon. 

*■**  Nous  avons  parlé  dans  le  temps  du  projet  formé  spontanément 
par  les  membres  du  cercle  de  l'Union  artistique,  dit  cercle  du  Mirliton, 
de  se  donner  la  représentation  d'un  opéra,  et  nous  avons  dit  com- 
ment le  sort  avait  désigné  pour  en  composer  la  musique,  neuf  des  ar- 
tistes musiciens  faisant  partie  de  la  société  :  MM.  Auber,  Jules  Cohen, 
J.  Coste,  Léo  Delibes,  A.  Granger,  Membrée,  comte  d'Osmont,  Pillaut, 
prince  Poniatowski.  Ce  projet  s'est  réalisé,  et  c'est  Mlle  Augustine 
Brohan,  qui  sous  ce  titre:  Il  était  une  fois  un  roi,  a  fourni  aux  com- 
positeurs que  nous  venons  de  nommer,  le  sujet  du  libretto  à  mettre  en 
musique.  La  représentation  a  eu  lieu  jeudi  dernier,  et  nous  en  parlerons 
prochainement. 

»**  Le  théâtre  du  Chalet  des  Iles,  au  bois  de  Boulogne,  entièrement 
restauré,  vient  de  faire  sa  réouverture  par  un  vaudeville,  Jocrisse  mé- 
decin, et  deux  pièces  pour  le  célèbre  mime  Deburau,  Blanc-partout , 
ballet  pantomime  ;  Pierrot  coiffeur,  pantomime,  et  divers  intermèdes. 

*%  A  la  messe  qui  a  eu  lieu  dimanche  à  la  chapelle  des  Tuileries,  et 
qui  a  précédé  le  départ  de  Leurs  Majestés  pour  Fontainebleau,  quatre 
beaux  morceaux  de  M.  Auber,  un  Kyrie,  le  Gloria,  VAgnus  Dei  et  le  Salu- 
taris  ont  été  exécutés.  Mlle  Marie  Sax  a  chanté  le  dernier,  et  sa  belle 
voix  a  été  fort  remarquée.  Pour  la  troisième  fois,  Mlle  Sax  était  appe- 
lée à  la  chapelle  impériale. 

***  Ainsi  que  nous  l'avons  annoncé,  c'est  aujourd'hui  dimanche,  à 
2  heures,  qu'a  lieu,  au  Cirque  Napoléon,  la  séance  solennelle  de  l'or- 
phéon, sous  la  direction  de  M.  François  Bazin.  On  y  entendra  plusieurs 
chœurs  généraux  :  Adieu  pour  se  revoir,  de  Mendelssohn  ;  la  chanson  du 
chevrier  du  Val  d'Andorre  et  la  sérénade  do  la  Reine  de  Chypre,  d'Ha- 
lévy  ;  la  marche  des  Ruines  d'Athènes,  de  Beethoven,  et  un  Ave  Maria 
du  xvi°  siècle.  Les  principaux  chœurs  à  quatre  voix  d'hommes  seront  : 
la  Lyre  et  l'Epée,  de  Weber;  la  marche  A'idoménée;  de  Mozart;  En 
chasse,  d'Asthotz  ;  le  Vin  des  Gaulois,  de  Ch.  Gounod,  et  les  Vendan- 
geurs du  Rhin,  de  François  Bazin. 

***  Le  premier  concerto   de  Baillot  a  été    choisi  pour  morceau  de 


concours  de  la  classe  de  violon  aux  prochains  examecs  du  Conserva- 
toire. Cette  œuvre,  dont  l'édition  était  épuisée,  vient  de  paraître  chez 
MM.  G.  Brandus  et  S.  Dufour,  qui  préparent  également  la  publication 
des  autres  concertos  de  Baillot,  dont  ils  sont  propriétaires. 

/»  Des  concours  de  composition  musicale  viennent  d'être  ouverts 
par  le  journal  l'Orphéon.  L'espace  nous  manque  aujourd'hui  pour  en  re- 
produire entièrement  le  programme.  Disons  seulement  que  le  premier 
concours  a  pour  but  la  composition  d'un  chœur  à  quatre  voix  d'hom- 
mes avec  accompagnement  de  saxhorns  contralto  et  basse,  de  saxo- 
trombas  alto  et  baryton,  et  que  le  second  concours  a  pour  objet  un 
chant  sans  paroles  pour  la  voix  avec  accompagnement  de  piano. 

**„  Sivori,  à  peine  remis  de  ses  fatigues  au  concert  Morena,  partait 
pour  Beauvais,  où  l'appelait  la  Société  chorale  de  cette  ville  pour  pren- 
dre part  à  son  concert  annuel.  Comme  partout,  Sivori  a  été  le  héros  de 
la  fête,  et  c'est  une  véritable  ovation  qui  lui  a  été  faite.  Le  chant  était 
représenté  à  ce  concert  par  Mlle  Lagye  et  M.  Lederac,  lauréats  du  Con- 
servatoire de  Paris. 

***  Malgré  la  présence  de  Tamberlick,  le  concert  donné  au  profit  de 
l'œuvre  de  Notre-Dame-des-Arts,  s'est  soldé  par  un  déficit.  En  apprenant 
ce  résultat,  Mlle  Figeac,  sociétaire  de  la  Comédie  Française,  a  envoyé 
1,000  francs  à  Mme  la  supérieure  de  l'œuvre. 

a,**  Mme  Madeleine  Graever  se  trouve  en  ce  moment  à  "Wiesbade. 
La  célèbre  pianiste  y  est  engagée  pour  un  grand  concert  qui  doit  avoir 
lieu  au  commencement  du  mois  prochain. 

**s  Depuis  les  représentations  du  Pays  de  Cocagne  au  théâtre 
Lyrique,  interrompues  par  la  clôture  de  la  saison  et  par  le  changement 
de  direction,  Mme  Sebaut,  née  Pauline  Thys,  a  composé  les  paroles  et 
la  musique  d'un  opéra-comique  en  trois  actes.  Ces  jours  derniers,  dans 
une  soirée  particulière,  Mme  Sebaut,  dont  l'organisation  artistique  est 
privilégiée,  a  exécuté,  c'est-à-dire  a  déclamé  et  chanté,  sur  le  piano, 
en  s'accompagnant  tout  cet  opéra,  avec  un  succès  enthousiaste  et  du 
meilleur  augure  pour  celui  qu'il  doit  obtenir  à  la  scène. 

***  Les  bans  de  Mlle  Sasse,  dite  Marie  Sax,  avec  M.  Castan,  dit  Cas- 
telmary,  artiste  lyrique  de  Marseille,  sont  affichés  à  la  mairie  du  neu- 
vième arrondissement,  rue  Drouot. 

»*»  On  annonce  que  le  privilège  du  théâtre  San  Carlo  de  Naples  vient 
d'être  accordé  à  M.  Alfredo  Prestreau,  qui  l'a  exploité  déjà  il  y  a 
quelques  années. 

,s**  M.  Wieniawski,  premier  violon  des  théâtres  impériaux  de  Saint 
Pétersbourg,  est  en  congé.  U  s'est  fait  entendre  dernièrement  à  Utrecht 
au  concert  des  étudiants,  et  il  y  a  joué  avec  un  immense  succès  plu- 
sieurs morceaux  nouveaux  de  sa  composition. 

s.**  L'éditeur  G.  Guidi,  à  Florence,  qui  a  fait  des  éditions  si  soignées 
en  petit  format  des  partitions  pour  orchestre  des  Huguenots  et  de  Guillaume 
Tell,  va  faire  paraître  incessamment  dans  le  même  format,  le  premier 
opéra  mis  en  musique:  Eunjdice,  paroles  d'Ottavio  Rinucoini,  musique 
de  Jacopo  Péri,  représenté  en  l'année  1 600. 

»*»  Dans  le  courant  de  l'été  prochain  il  y  aura  en  Allemagne  douze 
grands  festivals  de  chant.  Dans  le  nombre  nous  remarquons  celui  de 
Brunswick,  13  et  15  juillet,  auquel  les  sociétés  chantantes  de  soixante 
villes  se  proposent  de  participer  ;  celui  de  Franconie  (Augsboiirg),  i", 
3  août,  avec  deux  mille  sept  cent  cinquante-cinq  chanteurs  ;  la  pre- 
mière fête  de  chant  du  Rhin,  6  et  7  septembre,  à  Aix-la-Chapelle,  avec 
concours  international  de  chant,  auquel  sont  invitées  les  associations 
lyriques  de  l'Allemagne  et  de  tous  les  pays  de  l'Europe.  Enfin  il  y  aura 
une  magnifique  fête  musicale  à  Munich,  les  l^',  2  et  3  octobre  :  on  y 
entendra  Joachim  et  Stockhausen,  et  peut-être  Mme  Clara  Schumann. 

»*„  La  Société  de  Sainte-Cécile,  de  Bordeaux,  avait  mis  au  concours, 
pour  l'année  1863,  une  grande  ouverture  de  concert.  Voici  les  résultats 
de  ce  concours  :  1"  prix,  M.  Camille  Saint-Saëas,  organiste  do  la  Ma- 
deleine, à  Paris,  pour  son  ouverture  de  Spartacus.  —  2"°  prix,  M.  Bou- 
leau-Peidy,  maître  de  chapelle  à  Saumur.  —  l"  mention  honorable, 
M.  Samuel  David,  premier  grand  prix  de  l'Institut,  à  Paris.— Z""  mention 
honorable,  M.  Anschutz,  <à  Paris-Passy.  —  S""  mention  honorable,  M.  An- 
thony Barré  (élève  de  M.  Reber),  à  Paris. 

^*,  Mlle  Wertheimber  donne  à  Alger  des  représentations  dans  les- 
quelles son  talent  est  vivement  apprécié.  A  plusieurs  reprises,  le  maré- 
chal, duc  de  Malakoff,  gouverneur  de  l'Algérie,  qui  assistait  aux  deux 
premières,  a  donné  le  signal  des  applaudissements  et  de  l'envoi  des  bou- 
quets adressés  à  la  jeune  et  célèbre  cantatrice.  Malheureusement  les 
recettes  ne  répondent  pas  à  ce  succès,  et  la  direction  n'est  pas  récom- 
pensée de  son  zèle  et  de  ses  efforts  à  satisfaire  le  public.  j 

»*,,  Le  piani.ste  Perrelli  est  en  ce  moment  à  Malaga,  où  son  premier    ' 
concert  a  obtenu  un  immense  succès.  La  salle  était  comble,  et  il  faisait 
à  lui  seul  le.s  frais  de  cette  soirée  musicale.  Entre  autres  morceaux  il 
a  exécuté  la  sonate  en  ut  dièse  mineur,  de  Beethoven,  et  le  rondo  capric- 
cioso  de  Mendelssohn,  qui  ont  été  aussi  chaleureusement  applaudis  que 


HE  PARIS. 


183 


le  reste  du  programme.  Le  succès  de  ce  concert  a  yalu  à  M.  Per- 
relli  un  très-brillant  engagement  de  la  Société  du  Lycée,  qui  l'a  prié  de 
donner  une  audition  exclusivement  pour  les  membres  de  cette  société. 
L'éminent  pianiste  est  attendu  successivement  à  Grenade  et  à  Baden- 
Baden,  où  l'appellent  plusieurs  engagements. 

^**  Un  Alléluia  pour  voix  de  basse  vient  de  paraître  chez  l'éditeur 
E.  Girod,  boulevard  Montmartre,  16.  Cette  œuvre  de  Ferdinand  La- 
vainr.e  est  dédiée  à  M.  Ambroise  Thomas.  Elle  se  recommande  par  le 
succès  d'un  Noël  du  même  auteur,  qui  est  digne  de  figurer  parmi  les 
plus  belles  conppositions  de  ce  genre. 

**:,.  Les  trois  ou  quatre  journées  de  chaleur  que  nous  avons  eues  cette 
semaine  ont  attiré  au  concert  des  Champs-Elysées  une  foule  immense  ; 
toutes  les  chaises  étaient  de  bonne  heure  envahies,  et  bien  des  per- 
sonnes ont  dû  se  livrer  à  une  promenade  forcée.  Comme  les  années 
précédentes,  les  familles  aristocratiques  adoptent  certaines  places  et  y 
font  cercle.  Une  rangée  de  laquais  en  grande  livrée,  auxquels  on  a  mé- 
nagé un  espace  et  des  sièges  â  l'entrée  du  jardin,  et  une  multitude  de 
brillants  équipages  témoignent  d'ailleurs  de  la  qualité  des  visiteurs,  qui 
ont  pris  en  affection  le  concert  des  Champs-Elysées.  Cette  vogue  est 
d'ailleurs  justifiée  par  l'excellente  musique  qu'on  y  exécute  sous  la  di- 
rection d'Arban,  lequel  travaille  avec  zèle  et  talent  à  varier  son  réper- 
toire. C'est  là  seulement  en  effet  qu'on  peut  entendre  les  belles  fantai- 
sies sur  les  grandes  œuvres  de  Meyerbeer,  les  Marches  aux  flambeaux 
de  l'illustre  auteur  des  Huguenots,  les  ouvertures  des  plus  célèbres  opé- 
ras et  les  nouvelles  compositions  de  danse  qu'a  inspirées  au  vaillant 
chef  d'orchestre  le  dernier  grand  succès  d'Offenbach,  les  Bavards, 
Slradella  et  bientôt  la  Ronde  du  Brésilien,  délicieuse  polka,  dont  la 
chanson  de  MM.  Lud.  Halévy  et  H.  Melhac  dans  la  pièce  de  ce  nom, 
devenue  déjà  populaire,  a  fourni  les  motifs. 

4**  Au  Pré  Catelan,  Musard  voit  grandir  chaque  dimanche  le  succès 
de  ses  concerts  de  jour.  —  C'est  dans  ce  splendide  salon  d'été  de  Paris 
que  les  riches  équipages  viennent  se  ranger,  et  que  la  bonne  société 
se  réunit.  Le  Pré  Catelan  est  aussi  le  paradis  des  enfants  et  le  rendez- 
vous  des  élégances  de  la  capitale. 

^*»  La  musique  de  danse  composée  sur  des  thèmes  des  Bavards, 
d'Offenbach,  obtient  le  succès  le  plus  éclatant.  Le  quadrille  d'Arban  et 
la  valse  de  Musard,  fréquemment  applaudis  aux  concerts  des  Champs- 
Elysées  et  du  Pré-Catelan,  ne  plaisent  pas  moins  aux  amateurs  que  le 
galop  de  Strauss,  la  polka  de  Marx,  la  polka-mazurka  de  Michel  et  le 
schottisch  do  C.  Merz;  tous  ces  morceaux  ont  promptement  acquis  une 
grande  vogue  et  se  trouvent  sur  tous  les  pianos. 

^*i  On  lit  dans  le  Journal  de  Rouen  :  «  M.  Alain  Chartier,  marquis  de 
Loraille,  vient  de  mourir  dans  notre  ville.  En  lui,  dit-on,  finit  l'antique 
nom  d'Alain  Chartier  auquel  il  tenait  beaucoup.  Il  chercha,  comme 
compositeur,  à  porter  dans  la  musique  ce  qu'avait  mis  dans  la  poésie 
celui  qui ,  très-laid,  fut,  on  le  raconte,  embrassé  dans  son  sommeil  par 
Marguerite  d'Ecosse,  pour  les  belles  choses  qu'il  avait  dites.  » 

^*,  On  annonce  la  mort  du  grand  chambellan,  M.  de  Koenneritz, 
ancien  directeur  général  de  la  chapelle  royale  et  du  théâtre  de  la 
cour  à  Dresde.  Il  était  âgé  de  soixante  et  treize  ans. 


CHRONIQUE    DÉPARTEMENTALE. 


»*^  Rouen,  31  mai.  —  Une  fête  artistique  vraiment  b'elle,  tou- 
chante et  neuve,  vient  d'être  célébrée  dans  la  nouvelle  église  de 
Sotteville  par  la  Société  académique  de  musique  sacrée  de  Paris.  C'est 
du  reste  un  témoignage  non  équivoque  des  progrès  de  cette  Société  dont 
M.Charles  Vervoitte  estlechef.  Alui  revient  l'honneur  d'un  pèlerinage  mu- 
sical qui  a  rencontré  tant  de  sympathie  dans  la  Société  rouennaise.  Les 
voix  des  deux  phalanges  n'ont  pas  tardé  à  se  réunir  pour  exécuter 
dignement  un  magnifique  programme  dans  lequel  on  remarquait  un 


fragment  du  Stabai  mater  d'Haydn,  un  Tantum  trgo  de  Bortniansky,  le 
trio  de  la  Création,  les  Vendanges  d'Orlando  de  Lassus,  un  fragment 
d'Oratorio  de  Haendel,  un  autre  de  Mendelssohn,  un  duo  de  Marcello, 
et  plusieurs  autres  morceaux  excellents  de  Palestrina,  de  Carissimi, 
de  Jomelli,  de  Lully  et  d'Ayblaynger.  L'air  juif,  arangé  par  Marcello  avec 
accompagnement  de  violoncelle,  est  une  mélodie  empreinte  d'origina- 
lité et  d'un  caractère  très-élevé.  M.  Marochetti  l'a  parfaitement  chanté, 
et  M.  Jules  Vervoitte  en  a  joué  l'accompagnement  sur  le  violoncelle 
avec  infiniment  de  goût  et  de  manière  à  se  faire  vivement  applaudir. 
Un  fragment  de  Judas  Machabée  terminait  ce  concert  au  milieu  des 
applaudissements  unanimes.  Les  divers  solos  avaient  été  chantés  par 
MM.  Bussine,  Hayet  et  Coulon.  On  a  aussi  remarqué  la  pureté,  la  jus- 
tesse et  le  timbre  sympathique  de  la  voix  d'un  enfant,  le  jeune  Stocker, 
soprano  solo  à  Saint-Roch.  C'est  un  beau  spécimen  de  l'enseignement 
professé  à  la  maîtrise  de  M.  Charles  Vervoitte.  L'orchestre,  composé  des 
artistes  de  Rouen,  auxquels  étaient  venus  se  joindre  plusieurs  instru- 
mentistes parisiens,  a  parfaitement  fonctionné,  -et  dans  un  excellent 
ensemble,  avec  les  chœurs,  sous  la  direction  vraiment  magistrale  de 
M.  Charles  Vervoitte.  L'orgue  était  tenu  par  M.  Saint -Saens,  et 
M,  Poisot  a  également  bien  joué  la  partie  d'accompagnement  sur  le 
piano. 

,1,*^  Marseille.  —  Mme  Cabel  vient  de  nous  faire  ses  adieux,  et  sa  der- 
nière soirée  a  été  pour  elle  un  nouveau  triomphe  qui  nous  la  ramènera 
certainement  dans  la  saison  prochaine.  Après  son  départ  le  théâtre  a  fait  sa 
clôture  par  une  représentation  composée  des  fragments  de  divers  opéras 
dans  lesquels  ont  paru  les  artistes  les  plus  aimés  de  notre  public, 
M.  et  Mme  iMeillet,  M.  et  Mme  Dumestre,  Morère  et  Hoitzem.  Les  applau- 
dissements leur  ont  été  prodigués,  et  les  bouquets  et  les  couronnes 
n'ont  pas  été  épargnés. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


,t*,j  Berlin.  —  Le  théâtre  de  l'opéra  de  la  cour  restera  fermé  du 
20  juin  au  31  juillet.  On  annonce  les  débuts  prochains  de  Mlle  Spohr 
dans  le  rôle  d'Alice,  de  Robert  le  Diable. 

j*^  Dresde.  —  La  reprise  de  Zampa  est  un  véritable  événement.  Il  y  a 
vingt  ans,  le  chef-d'œuvre  d'Hérold  avait  la  vogue,  et  il  ne  tardera  pas  à 
reprendre  sa  place  parmi  les  opéras  les  plus  estimés  du  public.  Tichats- 
chek  a  merveilleusement  chanté  le  principal  rôle. 

^f"»  Dusseldorf.  —  Le  second  jour  du  festival,  nous  avons  entendu 
l'Ode  à  sainte  Cécile,  de  Haendel  ;  l'exécution  en  a  été  vraiment  admi- 
rable. Jnles  Stockhausen  et  Jenny  Lind  ont  chanté  les  solos  :  Jenny  Lind 
avait  retrouvé  l'inspiration,  la  puissance  d'expression  de  ses  plus  beaux 
jours.  Les  deux  virtuoses  ont  été  également  applaudis  dans  les  frag- 
ments de  la  Création  qui  ont  été  exécutés  ensuite. 

^*,i,  Vienne.  —  Eeck  vient  d'obtenir  un  véritable  triomphe  dans  l'E- 
tnile  du  Nord,  de  Meyerbeer  (rôle  de  Péters).  —  On  écrit  de  Londres 
que  Mmes  Trébelli,  Patti  et  le  ténor  Giuglini  sont  décidément  engagés 
pour  la  prochaine  saison  italienne  que  la  société  Merelli  doit  inaugurer 
dès  le  15  janvier  1864. 

»*:f  Rome.  —  Fr.  Liszt  vient  de  fonder  ici  une  académie  sous  le  titre 
de  :  Rinascimento  délia  musica  sacra  e  profana.  Cet  établissement  a  ob- 
tenu tout  d'abord  les  sympathies  du  public.  Dans  la  dernière  soirée,  ont 
été  exécutés  plusieurs  morceaux  de  musique  religieuse  des  maîtres  ita- 
liens et  allemands,  ainsi  que  deux  compositions  de  Liszt. 

^*^  New-York,  23  mai.  —  La  symphonie  d'Hector  Berlioz,  Harold,  a 
été  fort  bien  exécutée  dans  le  concert  donné  à  Irving-Hall,  par  M.  Théo- 
dore Thomas.  Malgré  le  petit  nombre  de  répétitions ,  cette  œuvre  si 
originale  a  pu  être  comprise,  et  l'effet  général  ena  été  très-remarquable. 


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184 


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en  1841.  —  Prix  d'honneur,  médaille  d'or,  en  1843.  —  Médaille  d'argent  à  l'Exposition  de  Paris,  ISji.  —  MÉEiÉCUÉ  par  le  gouvernement  belge  pour  visiter 
l'Exposition  universelle  de  Londres,  en  1851.  —  Expo>ition  universelle  de  Paris,  1855,  les  plus  belles  pages  du  Bapport  officiel,  27"  Classe,  pages  1835-1336.  — 
Exposition  universelle  d«  Londres,  1862,  PH/ZE  MED  AL,  avec  cette  mention  :  POUR  BXCEIil-ESCE  DE  TOUTE  ESPÈCE  D'INSTBUMKINTS  DE  CUIVRE. 
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reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  solidité,  de  la  sonorité,  de  l'égalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  cV expression.  (Rapport  du  Jury  international.) 


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Exposition  de  1849. 

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14  Juin  1863. 


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Dans  les  DL^nrlements  ot  à  l'Étranger,  cliez  tous 
les  îlfirchnnds  de  Musique,  les  Libraires,  et  aui 
purcnuT  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


PRIS  DE  L'ABOHNEBIENT  : 

Pafig 24  rr.  par  Qû 

Départemellls,  Belgique  et  Suisse —     30  »       id» 

Élranger 34  n       Id. 

Le  Journal  paraît  le  Uimancbc. 


-^^%A/  \PJ\f^rj\PjV\r^- 


Xoa  abonnés  reçoivent,  avec  le  namcro  d'anjourd'Uui , 
une  transcription  ponr  barmonium  de  l'AVE  MARIA» 
de  l^cbuberC,  nonvelle  composition  de  G.  Romjlwo. 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  impérial  de  l'Opéra-Coniique :  reprise  de  Zampa,  par 
liéon  Durocher.  —  La  Musique  et  la  Danse  à  l'Exposition  des  beaux-arts 
(2'  et  dernier  article),  par  llatliiea  de  Uonter.  —  Paolo  Giorza,  par 
Arthur  Pongin.  —  De  la  poésie  lyrique  (1"  article),  par  J.-B.  Rongé. 

—  Concours  d'orphéon,  de  musique  d'harmonie  et  de  fanfares,  à  Valence,  par 
Em.  llatbîcn  de  Monter.  —  Nécrologie:  Jules  Lovy,  par  A.  Elwart. 

—  Nouvelles  et  annonces. 


THEATRE  IBIPÉRIAI  DE  L'OPÉRi- COMIQUE. 

Reprise  de  Xamj^a. 

Voilà  trente  deux  ans  que  cette  belle  partition  a  été  offerte  pour 
la  première  fois  au  public  parisien.  L'Opéra-Comique  occupait  alors 
la  salle  Ventadour,  récemment  construite,  et  n'y  faisait  pas  ses  af- 
faires. On  s'en  prenait  à  l'édifice,  mal  placé,  disait-on,  et  -dont  les 
abords  étaient  tristes.  Ils  étaient  bien  plus  gais  pourtant  que  ceux 
de  l'ancienne  salle  Feydeau,  où  l'on  ne  pouvait  pénétrer  qu'en  tra- 
versant une  sorte  de  caverne  malpropre,  humide,  boueuse,  noire 
comme  une  cave  pendant  le  jour,  et  éclairée  la  nuit  par  deux  ou 
trois  quinquets,  qui  répandaient  plus  de  fumée  que  de  lumière.  Le 
public  ne  cherche  qu'à  s'amuser,  et  prend  son  plaisir  où  il  le  trouve. 
Sous  Louis  XV  il  l'allait  chercher  à  la  foire  Saint-Germain,  dans  une 
baraque,  ou  près  des  halles,  dans  un  bouge  qui  est  aujourd'hui  la 
Halle  aux  cuirs.  L'éclatante  prospérité  du  théâtre  Italien  sous  l'ad- 
ministration de  M.  Vatel  a  prouvé  que  le  discrédit  de  l'Opéra-Comi- 
que,  en  183';,  avait  d'autres  causes  que  son  logement.  Mais  ce  dis- 
crédit était  très-réel,  et  ni  l'immense  mérite  de  Zampa,  ni  le  talent 
qu'y  déployait  Chollet,  ni  la  magnifique  voix  de  Mme  Casimir  n'y 
purent  attirer  la  foule. 

Le  poëme ,  à  cette  époque  ,  avait  beaucoup  plus  d'importance 
qu'aujourd'hui,  et,  bien  que  Zampa  eût  pour  auteur  un  homme  d'un 
esprit  distingué  et  d'un  talent  incontestable,  cet  ouvrage,  succédant 
à  la  Fiancée,  à  Léocadie,  à  Fra  Diavolo,  perdait  trop  à  la  co.mparai- 
son.  Les  teintes  sombres  y  prédominaient.  Le  troisième  acte  surtout. 


avec  son  dénoûment  renouvelé  de  Don  Giovanni,  paraissait  lugubre 
Cela  était  trop  loin  des  habitudes  que  Scribe  avait  fait  contracter  au 
public.  On  regrettait  cette  touche  légère  qui  faisait  sentir  les  situa- 
tions sans  jes  approfondir,  cet  esprit  ingénieux  et  fin ,  qui  savait 
égayer  les  sujets  les  plus  noirs,  et  mettre  partout  de  l'élégance  et  de 
la  grâce.  Nous  serions  bien  heureux,  à  présent,  si  l'on  nous  donnait 
souvent  des  livrets  tels  que  Zampa:  mais  la  génération  d'il  y  a  trente 
ans,  accoutumée  à  des  mets  plus  fins,  avait  le  goût  plus  difficile,  et 
le  pauvre  Hérold  s'en  aperçut.  Il  n'obtint,  malgré  tout  le  talent  qu 
brille  dans  sa  partition,  qu'un  succès  d'estime. 

Peut-être  était-il,  de  son  côté,  pour  quelque  chose  dans  ce  ré- 
sultat. Il  avait  pris  son  sujet  fantastique  au  sérieux  comme  aurait 
pu  le  faire  un  compositeur  allemand.  Il  avait  agrandi  son  style,  pro- 
digué les  teintes  vigoureuses,  les  accents  énergiques,  donné  à  son, 
orchestre  un  éclat  merveilleux.  Les  amateurs  capables  d'apprécier 
les  sévères  beautés  de  l'art  sérieux, — ils  n'étaient  pis  très-nombreux 
alors,  —  allaient  à  l'Opéra,  où  ils  applaudissaient  Robert  le  Diable. 
Les  habitués  de  l'Opéra-Comique  étaient  plus  éblouis  que  charmés 
de  cet  étalage  de  richesses  dont  ils  ne  connaissaient  peut-être  pas 
toute  la  valeur.  Bref,  la  musique  de  Zampa  fut  déclarée  savante,  et 
c'était,  à  rOpéra-Comique,  une  assez  mauvaise  recommandation. 

Depuis  1831  on  a  repris  Zam^a  plusieurs  fois,  et,  à  chaque  nou- 
velle épreuve  ,  cette  belle  partition  a  été  mieux  jugée.  Lundi  der- 
nier, enfin,  elle  a  gagné  une  victoire  complète.  L'intelligence  musi- 
cale du  public,  laquelle  n'a  cessé  de  progresser  depuis  trente  années, 
s'est  trouvée  enfin  au  niveau  de  ce  grand  style,  de  ces  nobles  et 
vigoureuses  harmonies.  Le  quatuor  du  premier  acte,  le  duo  de  Ca- 
mille avec  Alphonse,  celui  de  Zampa  et  de  Camille,  et  les  deux  fi- 
nales ont  produit  l'effet  puissant  qu'Hérold  avait  rêvé,  sans  doute, 
mais  que  l'infortuné  n'a  jamais  vu.  Ce  qui  avait  été  mieux  compris 
dès  l'origine,  la  ballade,  l'air  de  Zampa  au  second  acte,  celui  du 
troisième  :  Pourquoi  trembler,  le  trio  :  Parlez  bas  !  le  duo  de  Rita  et 
de  son  coquin  de  mari,  quand  ils  se  retrouvent  à  l'improviste,  ce 
morceau  si  pétillant  de  verve  et  d'intentions  comiques,  n'en  ont  pas 
été  pour  cela  moins  vivement  applaudis.  Aucune  beauté  n'a  passé 
inaperçue,  aucun  trait  de  génie  n'a  été  méconnu.  Nous  ne  croyons 
pas  que  la  mémoire  de  ce  grand  artiste,  enlevé  si  jeune  à  ses  glo- 
rieux travaux,  —  il  n'avait  qu'un  an  de  plus  que  Kossini,  —  ait  ja- 
mais reçu  un  hommage  plus  complet,  ni  mieux  senti. 

L'administration  n'a  rien  négligé,  d'ailleurs,  pour  amener  ce 
résultat.  La  mise  en  scène  est  plus  que  convenable  :  elle  est  brillante 
et  riche.  L'exécution  chorale  est  très-soignée,  ce  qui  ne  se  voit  pas 


486 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


toujours:  celle  de  l'orchestre  est  excellente.  M.  Montaubry  n'a  pas 
l'étendue  de  voix  nécessaire  pour  chanter  textuellement  le  rôle  de 
Zampa,  écrit  pour  Chollet.  Il  y  change  donc  quelques  passages,  et 
nous  n'avons  pas  la  moindre  envie  de  lui  en  faire  un  reproche.  Les 
voix  ne  sont  pas  comme  les  instruments,  que  l'on  fabrique  sur  un 
modèle  invariable.  Tout  chanteur  doit  donc  ajuster  à  ses  moyens 
personnels  —  quand  il  le  faut  —  les  rôles  qu'on  lui  confie.  Seule- 
ment, il  est  nécessaire  que  les  passages  pointés  restent  dans  le  style 
du  morceau,  et  n'en  altèrent  point  le  caractère.  Cela  demande  quelque 
peu  d'invention  mélodique,  beaucoup  de  tact  et  beaucoup  de  goût. 
Nous  n'affirmons  pas  qu'à  ce  point  de  vue  les  changements  opérés 
par  M.  Montaubry  soient  toujours  irréprochables,  et  nous  reconnais- 
sons qu'alors  même  qu'il  exécute  textuellement  ce  qui  est  écrit,  il 
dénature  parfois  ou  travestit  la  pensée  d'Hérold,  dont  M.  Chollet  était 
probablement  le  fidèle  interprète  On  lui  voudrait  un  style  plus  sé- 
rieux, plus  ample,  une  exécution,  si  l'on  peut  s'exprimer  ainsi,  plus 
étoffée.  N'a-t-on  pas  le  droit  de  désirer  aussi  dans  son  ton,  quand  il 
parle,  dans  ses  allures,  dans  ses  gestes,  plus  de  distinction?  Zampa 
est  un  bandit,  sans  doute,  mais  un  bandit  de  bonne  maison,  et  on 
devrait  le  voir  à  ses  manières. 

Voilà  bien  des  critiques.  Il  serait  injuste  de  ne  pas  ajouter  immé- 
diatement qu'il  y  a  dans  le  rôle  nombre  de  morceaux  ou  de  passages 
que  M.  Montaubry  dit  à  merveille,  notamment  la  première  partie 
de  son  air  :  Toi  dont  la  grâce  séduisante,  et  qu'on  l'a  souvent  ap- 
plaudi avec  autant  de  vivacité  que  de  justice. 

Mlle  Cico  n'a  évidemment  pas  assez  de  force  pour  chanter  le  rôle 
de  Camille.  S'il  faut  s'en  prendre,  comme  on  l'assure,  à  sa  santé  al- 
térée, nous  ne  pouvons  que  la  plaindre,  en  plaignant  aussi  quelque 
peu  le  compositeur.  Elle  a  du  moins,  dans  certains  endroits,  de  la 
grâce  et  de  l'élégance. 

Mlle  Bélia  aurait  dû  se  grimer  un  peu.  Rita  n'est  plus  une  jeune 
femme.  Autrement,  elle  ne  dirait  pas  que  Zampa  l'a  rendue  veuve, 
et  qu'tà  son  âge  on  ne  pardonne  pas  un  tour  aussi  cruel.  A  la  vérité, 
Dandolo ,  le  sonneur  de  cloches ,  lui  fait  la  cour,  et  veut 
l'épouser  :  mais  c'est  un  poltron  et  un  imbécile.  Il  doit  être  ri- 
dicule :  il  ne  le  serait  pas  si  Rita  était  jeune  et  jolie.  M.  Sainte- 
Foy  est  fort  amusant  dans  ce  rôle  du  sonneur.  M.  Potel  joue  fort 
agréablement  celui  du  mari  de  Rita,  et  le  chante  aussi  bien  qu'il  le 
joue.  11  a  une  bonne  et  belle  voix,  avec  la  manière  de  s'en  servir. 
M.  Capoul  est  insiiCTisanl  dans  la  romance  du  premier  acte,  mais  il 
a  du  sentiment  et  de  l'expression  dans  le  duo.  En  somme,  et  malgré 
quelques  imperfections  de  détail,  la  reprise  de  Zampa  a  fait  un  plaisir 
extrême  à  tout  le  monde. 

LÉON  DUROCHER. 


IL  mnSIQUE  ET  LÀ  DANSE 

A    L.'E:XP0SITI0I«    des    beaux -AUTSi. 

(20  et  dernier  article)  (1). 

Si  l'on  ignorait  que,  de  tout  temps,  peintres  et  statuaires  ont  té- 
moigné aux  instruments  de  musique  une  prédilection  marquée,  le 
Salon  se  chargerait,  par  d'intéressants  spécimens,  de  l'apprendre  aux 
moins  clairvoyants.  La  flûte,  surtout,  est  dignement  représentée.  De 
nombreux  bergers  de  beau  marbre  blanc  en  jouent  dans  ces  poses 
naturelles  et  gracieuses,  dont  l'art  grec  nous  offre  les  modèles,  tan- 
dis que  ronflent  les  basses  des  Joueurs  de  basse  Louis  XIII,  et  que 
les  Joueurs  de  mandoline  du  XV I^  siècle  s'escriment  sur  leurs  ins- 


(1)  Voir  le  n»  23. 


truments  au  long  manche.  La  guitare  n'est  pas  moins  bien  traitée  ; 
on  peut  en  étudier  les  modifications  curieuses,  depuis  la  Guitare  in- 
dienne, de  la  donation  Sauvageot,  qui  est  au  musée  du  Louvre,  et 
que  M.  Lièvre  a  dessinée,  jusqu'aux  mandorres  bombées  des 
paysans  napolitains  et  aux  cjiisla  bizarres  de  la  Sérénade  devant  la 
porte  d'un  kuïd.  Voici  maintenant  les  cornemuses  :  à  le;ir  tête  mar- 
che un  Joueur  de  biniou  du  Finistère.,  et  leur  long  défilé  s'arrête  à 
ces  pâtres  siciliens  qui,  dans  la  Neuvaine,  donnent  une  sérénade  de 
musettes  à  la  madone  du  village.  Le  Choral  de  Luther  entonné  sur 
une  route  d'Alsace,  au  soir  d'un  beau  dimanche,  par  les  garçons  et 
les  filles  de  la  montagne,  met  en  scène  le  chant  choral.  C'est  un 
chœur  que  chantent,  d'un  air  de  gravité  superbe,  ces  bambins  roses 
et  barbouillés  auxquels  sourit  le  Curé  à  l'école.  C'est  encore  un 
chœur  que  lancent  dans  l'étendue,  alla  stesa,  comme  ils  disent,  ces 
vigoureux  Transtévérins,  à  la  mine  fière,  à  la  démarche  hardie,  fai- 
sant une  marciata  nocturne  dans  les  rues  de  Rome,  et  troublant  les 
amoureux  réfugiés  sous  les  portiques  en  ruines.  La  musique  religieuse 
et  le  chant  liturgique  ont  servi  de  prétextes  à  des  tableaux  de 
genre  oii  éclatent  le  génie  de  l'observation,  la  vérité  et  la  puissance 
de  la  couleur,  l'esprit ,  le  sourire,  l'émotion  aussi  :  les  charmants 
Enfants  de  chœur  au  lutrin,  de  M.  Holfeld;  les  Sœurs  au  lutrin,  de 
M.  Bailly;  le  Lutrin,  de  M.  Legros,  etc.  Dans  leur  nombre,  je  men- 
tionnerai tout  particulièrement  la  Répétition  avant  la  tr^esse,  un  jour 
de  fête,  à  Bourqueval  (Seine-et-Oise)  (ra"  '174'!).  Pendant  qu'on  al- 
lume les  cierges  et  qu'on  avive  le  feu  des  encensoirs,  le  serpent  et 
les  chantres,  déjà  enluminés  par  le  beau  pinceau  du  marchand  de 
vin,  essayent  leur  creux,  au  milieu  de  la  sacristie,  et  étudient  une 
dernière  fois  le  «  passage  difficile  »  d'un  morceau  composé  pour  la 
solennité.  C'est  pris  sur  le  fait  et  saisi  dans  le  vif.  On  ne  saurait 
rien  voir  de  plus  malicieusement  spirituel  ! 

Bien  des  tableaux,  désignés  au  catalog-ue  sous  un  titre  fantaisiste, 
représentent  tout  simplement  de  petites  scènes  musicales  familières. 
Ainsi,  le  Roman  défendu  est  lu  et  relu  par  une  jeune  fille,  roulant 
consciencieusement  ses  gammes  sur  un  piano,  complice  du  crime. 
Après  le  6oZ?Deux  braves  garçons,  un  arlequin  et  un  scapin,  dé- 
barrassés des  parties  gênantes  de  leur  costume,  exécutent  rinfor- 
sando,  au  petit  jour  d'un  matin  de  mercredi  des  Cendres,  un  duo 
martiale  de  violoncelle  et  de  violon.  Le  bureau  les  réclame  à  neuf 
heures.  S'endormir  serait  périlleux,  et  pour  tuer  le  temps,  ils  font 
un  peu  de  musique.  Leur  en  voulez-vous  ?  Mais  les  voisins  goûteront- 
ils  cette  séance  extraordinaire  de  musique  classique? 

Ils  ont  aussi  leur  place  à  l'Exposition,  et  ce  n'est  ni  la  -moins  artis- 
tique, ni  la  moins  bien  remplie,  ces  pifferari,  ces  zingari,  ces  bo- 
hémiens, chanteurs  de  complaintes  et  musiciens  ambulants ,  ces  no- 
mades aux  pieds  légers,  prompts  à  la  maraude,  qui  ont  spiritualisé 
la  patrie  au  point  de  l'emporter  avec  eux,  enfermée  dans  une  escar- 
celle, qui  passent,  indifférents  et  cyniques,  à  travers  la  propriété 
alarmée,  et  qui  savent,  au  signal  du  danger,  décamper  brusquement, 
reprendre  la  grande  route  et  bientôt  s'effacer. 

Comme  un  essain  chantant  d'histrions  en  voyage, 
Dont  le  groupe  décroît  derrière  le  coteau. 

La  peinture  se  complaît  à  la  poésie  mystérieuse  et  bigarrée  de 
leur  vie  vagabonde  ;  elle  recherche  leurs  groupes  étranges  ;  elle  aime 
leurs  oripeaux,  vrais  régals  de  lumière;  elle  a,  surtout,  des  coquet- 
teries sans  pareilles  pour  les  prime  donne  de  ces  tribus  musicales 
errantes,  pour  ces  brunes  zingarelles  aux  yeux  de  jais  ,  idoles  ado- 
rées et  battues.  Elle  nous  les  montre,  cette  année,  donnant  leurs 
concerts  en  plein  vent,  sous  la  fontaine  du  Triton,  de  la  place  Bar- 
herini,  à  Rome,  devant  la  porte  de  Tolède,  à  Séville,  aux  carrefours 
des  villages  de  la  Provence ,  au  bord  des  rivières ,  à  la  lisière  des 
bois.  Elle  connaît  leurs  mœurs;  elle  les  suit  le  long  des  haies;  elle 
s'arrête  avec  eux  dans  leurs  haltes  ;  elle  accorde  leurs  guitares  ;  elle 


DE  PARIS. 


187 


note  leurs  refrains  ;  elle  leur  témoigne ,  à  tous ,  sans  distinction 
de  pays,  d'instrument  ou  de  race,  une  égale  sollicitude.  Elle  traite  le 
Paganini  de  la  GramV Pinte ,  un  artiste  inconnu  ,  ancien  élève  de 
Boucher,  qui  jouait  les  variations  les  plus  diaboliques  du  Carnaval  de 
Venise  dans  les  guinguettes  de  Charenton,  comme  Don  Guillcrmo 
de  las  Venturas  y  Toledo,  gentilhomme  andalous  et  musicien  ambu- 
lant par  vocation;  Chibiados,  ménestrel  indien;  comme  Burgalès,  le 
romancero  errant  des  Castiiles  ;  le  vieux  ménétrier  de  la  promenade 
de  l'Arquebuse  à  Dijon,  comme  le  Pitre  en  voyage,  comme  ce  Piffe- 
rare,  envoi  de  M.  Schnetz  ,  directeur  de  l'école  française  à  Rome  , 
Pifferare  donnant  à  ses  enfants  une  leçon  de  sufolo.  Tout  ce  monde 
échappé  d'une  nouvelle  cour  des  Miracles  instrumentale  et  vocale, 
chante,  racle,  siffle,  sonne,  corne,  s'agite,  va,  vient  et  vit  dans  plus 
de  cinquante  tableaux  traités  avec  cette  netteté  qui  est  le  vernis  des 
maîtres,  tableaux  mouvementés,  gais  et  pimpants. 

A  qui  s'occuperait  de  l'étude  comparée  des  danses  nationales  de 
l'Europe,  je  conseillerais  la  visite  assidue  des  galeries  de  l'Exposition. 
Toutes  les  nations  comptent  des  députés  à  ce  congrès  chrorégraphi- 
que.  Si  tous  ces  vaillants  «  balleurs  et  ballerines  i-  abandonnaient  la 
nuit  les  cadres  et  les  piédestaux  pour  se  livrer  dans  le  grand  salon 
carré  à  leurs  ébats  favoris*,  quels  quadrilles  et  quelles  rondes  !  Ves- 
tris,  lui-même,  le  diou  Vestris,  n'en  rêva  jamais  de  semblables! 
Entendez-vous  le  cliquetis  des  castagnettes  et  le  bourdonnement  des 
tambours  de  basque?  Ce  sont  les  gitanas  de  Grenade,  embossées 
dans  leurs  mantilles  couleur  de  feu,  cambrant  leur  taille,  piaffant 
de  leurs  petits  pieds,  et  dansant,  sous  un  rayon  de  soleil,  au  miheu 
d'un  cercle  de  graves  muchachos,  le  provoquant  vite,  légué  par  les 
Maures  à  l'Espagne.  Aimez  vous  les  bourrées  champêtres?  vingt-cinq 
violoneux,  disséminés  dans  le  salon,  vont  mettre  en  branle  sous  vos 
yeux  les  beaux  danseurs  de  toutes  les  provinces  de  <c  la  terre  de 
France.  »  La  Russie  vous  sourit-elle  ?  Regardez,  au  seuil  de  cette 
chaumière  de  sapin ,  ces  mougiks,  en  habits  de  fête  brodés  de  perles 
et  de  paillettes,  enchaînant,  avec  une  roideur  tout  automatique,  les 
pas  et  les  figures  de  la  Rouskaîa  plaska  ;  regardez  encore  ces  sol- 
dats tartares,  le  fusil  en  bandoulière,  le  sabre  au  poing,  dansant  la 
lesgMnka  caucasienne,  le  soir,  après  la  bataille,  devant  les  tentes, 
à  l'heure  où  les  feux  du  bivouac  s'allument  dans  la  plaine.  Les  baya- 
dères  vous  attirent-elles?  M.  A.  de  Molins  vous  en  présentera  de  fort 
avenantes,  quoique  un  peu  olivâtres,  menant  sous  un  figuier  mulli- 
pliant  de  l'île  de  Java  une  ronde  qui  ne  me  paraît  pas  concourir 
précisément;  pour  le  prix  de  vertu.  Devant  ces  ardeurs  asiatiques, 
aspirez-vous  aux  plaisirs  calmes  et  honnêtes  de  l'Allemagne '  Offrez 
la  main  à  ces  accortes  westphaliennes  de  la  Kermesse;  suivez  ce 
Dépari  pour  la  danse,  de  M.  Knaus,  joyeux  défilé  de  belles  filles 
rieuses  et  de  grands  garçons  rougissants  ;  ou  bien  encore,  pénétrez, 
avec  M.  Jundt,  dans  ce  chalet  enfumé  du  Tyrol,  où  un  soldat  roide 
et  gourmé  donne  une  Leçon  de  valèe,  —  dit  le  livret,  —  mais  je 
n'en  jurerais  pas,  à  une  charmante  sujette  de  S.  M.  l'empereur  d'Au- 
triche. 

Telle  est,  en  résumé  et  bien  au  raccourci,  la  physionomie  musicale 
de  l'exposition  des  Beaux-Arts.  La  musique  a  porté  bonheur,  je  le 
répète,  aux  artistes  qui  lui  ont  emprunté  leurs  sujets.  Elle  a  donné  à 
la  plupart  de  ces  œuvres  le  charme  qu'elle  seule  possède,  dont  elle 
livre  le  secret  à  ceux  qui  l'interrogent,  et  qui  fait  que  l'agrément  du 
premier  jour  est  aussi  l'agrément  qui  ne  périt  pas.  Quoi  d'étonnant 
à  cela?  La  musique  n'a-t-elle  pas,  au  suprême  degré,  le  sentiment, 
le  foyer  intérieur,  le  mouvement,  l'éclat  et  la  flamme?  Ces  dons,  ce 
souffle,  lorsqu'ils  pénètrent  dans  les  autres  branches  de  l'art,  de 
l'imagination  ou  de  l'esprit,  ne  créent-ils  pas  toujours  les  belles  œu- 
vres sans  vieillesse?  Le  salon  de  1863  n'aménerait-il  que  cette  con- 
clusion, que  ce  ne  serait  pas  là  son  moindre  mérite.  Mais  je  n'ai  pas 


voulu  tout  prouver,  n'ayant  fait  ici,  comme  le  dit  Montaigne  :  «  qu'un 
amas  de  fleurs  estrangiëres,  et  n'y  ayant  fourni  du  mien,  que  le  filet 
à  les  lier.  » 

Em.  Mathieu  DE  MONTEH. 


PÂOLO  GIOBZÂ. 

L'administration  du  théâtre  de  l'Opéra  vient  de  traiter  avec  ce 
compositeur  pour  la  musique  d'un  nouveau  ballet  ;  c'est  le  moment 
de  faire  connaître  les  titres  qui  ont  valu  au  jeune  maître  italien  un 
honneur  que  beaucoup  de  nos  musiciens  français  lui  envieront  cer- 
tainement. 

La  véritable  spécialité  de  !W.  Giorza,  de  l'autre  côté  des  Alpes, 
consiste  dans  la  musique  de  ballets.  11  en  a  fait  représenter  un  grand 
nombre  qui,  pour  la  plupart,  ont  obtenu  beaucoup  de  succès,  tandis 
qu'il  n'a,  si  je  ne  me  trompe,  écrit  la  musique  que  d'un  seul  opéra, 
Corrado,  console  di  Milano,  dont  le  sujet  était  tiré  d'un  épisode  de 
l'histoire  lombarde,  et  qui  fut  donné  à  Milan,  il  y  a  quelques  années, 
sans  beaucoup  de  retentissement. 

Les  deux  premières  partitions  chorégraphiques  de  M.  Giorza  sont, 
je  crois,  il  Fallo  et  il  Giocatore,  représentées  sur  le  théâtre  de  la 
Scala.  La  musique  du  Vampire,  dont  le  livret  avait  été  tracé  par 
M.  Giuseppe  Rota,  collaborateur  ordinaire  de  ce  musicien,  et  qui  fut 
représenté  aussi  à  la  Scala,  dans  les  derniers  jours  du  mois  de  dé- 
cembre 1860,  contenait  quelques  bons  morceaux,  mais  elle  était  gé- 
néralement trop  bruyante,  et  les  idées  y  manquaient,  dit-on,  de  fraî- 
cheur. Au  mois  de  janvier  1801,  MM.  Giorza  et  Rota  donnaient  au 
théâtre  de  la  Pergola,  à  Florence,  la  Capanna  dello  zio  Tom,  ballet 
tiré  du  roman  de  Mme  Beecher  Stowe,  la  Case  de  l'oncle  Tom. 
«  Le  meilleur  de  ce  ballet,  »  disait  à  cette  occasion  un  critique  ita- 
lien, «  c'est  la  musique  de  M.  Giorza,  élégante,  neuve  et  facile  dans 
toutes  ses  parties,  quoique  peut-être  un  peu  trop  bruyante  (on  voit 

que  c'est  là  son  péché  ordinaire) Dans  les  moments  où  l'action 

dramatique  prend  de  l'importance,  les  mélodies  de  M.  Giorza  ac- 
quièrent une  ampleur  et  un  prestige  tels  qu'on  les  croirait  destinées 
à  un  genre  de  composition  plus  élevé  et  plus  important.  »  Le  2  mars 
de  la  même  année,  à  la  Scala,  apparition  d'un  nouveau  ballet  en 
cinq  actes,  la  Contessa  d'Egmont,  des  deux  mêmes  collaborateurs  ; 
cette  fois  la  musique  n'était  point  réussie.  Quelques  mois  plus  tard 
(toujours  en  1851),  au  théâtre  Carignan,  de  Turin,  nouvelle  produc- 
tion chorégraphique  de  M.  Rota,  mise  en  musique  cette  fois  par 
M.  Giorza  et  deux  autres  compositeurs,  MM.  Madoglio  et  Sarti,  la 
Silfide  a  Pechino.  Au  mois  de  janvier  1862,  nous  retrouvons  les  deux 
fidèles  collaborateurs  à  la  Pergola,  où  ils  font  représenter  il_Conte 
di  Monte-Cristo ,  dont  la  musique  était  charmante.  En  décembre  de 
la  même  année,  M.  Giorza  donne  à  la  Scala,  mais  en  collaboration 
avec  un  autre  danseur,  M.  Pallerini,  Folgore,  o  l'Anello  infernale, 
ballet  fantastique  en  six  parties,  dont  la  musique  de  tous  les  airs  de 
danse  était,  paraît-il,  pleine  d'entrain,  de  feu  et  d'originalité,  tandis 
que  celle  de  la  partie  mimique  de  l'ouvrage  était  froide,  peu  distin- 
guée et  imitée  de  parti  pris  de  celle  que  de  grands  maîtres  ont 
écrite  pour  des  cas  analogues.  J'allais  oublier  Nostradamus,  ballet 
fantastique  en  cinq  actes,  dont  le  livret  lui  avait  été  fourni  par  un  de 
nos  compatriotes,  M.  Monplaisir,  et  que  M.  Giorza  donna,  au  mois 
d'avril  1862,  à  la  Scala.  Enfin,  le  7  janvier  de  la  présente  année,  i 
fit  encore  représenter,  au  théâtre  Carlo-Felice,  de  Gênes,  un!  Amen- 
lura  dcl  Carnevale  a  Parigi,  sur  une  action  du  danseur  Borri. 

M.  Giorza  est  aussi  l'auteur  de  la  musique  de  deux  ouvrages  du 
môme  genre,  mais  j'ignore  le  lieu  et  la  date  de  leur  représentation. 


188 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


L'un,  Blanchi  e  ISeri,  était  une  «  action  historico-allégoriqiie  »  en 
trois  actes  et  sept  tableaux ,  l'autre  était  intitulé  Rodolfo,  et  je  lis 
dans  un  compte  rendu  de  la  première  représentation  que  <>  jamais 
on  n'a  entendu  de  musique  de  ballet  plus  gracieuse  et  mieux  appro- 
priée à  son  sujet.  » 

Rappelons  en  terminant  que  M.  Giorza  vient  d'obtenir  un  nouveau 
succès  à  Londres,  au  théâtre  de  Sa  Majesté,  oïi  il  a  donné  le  nou- 
veau ballet  de  Farfaletta,  dans  lequel  Mme  Ferraris  a  été  vivement 
acclamée. 

Arthur  POUGIN. 


DE  Ik  POÉSE  ORIQUE. 

(Premier  article.) 

Le  savant  direcleur  du  Conservatoire  de  Bruxelles  a  publié  der- 
nièrement dans  les  colonnes  de  ce  journal  un  article  qui  a  causé 
une  certaine  sensation  dans  le  monde  musical  en  France  et  à  l'é- 
tranger (1). 

M.  Fétis  arbore  franchement  le  drapeau  de  la  réforme  du  vers 
lyrique,  tentée  avec  tant  de  bonheur  par  M.  A.  Van  Hasselt ,  son 
confrère  de  l'académie  de  Belgique.  Déjà,  depuis  plusieurs  années,  il 
avait  indiqué  dans  la  Revue  et  Gazette  musicale  (2)  «  une  partie 
inexplorée  de  la  musique,  à  savoir,  la  variété  des  rhythmes  et  leurs 
transformations  »  ;  aujourd'hui ,  il  fait  entrevoir  les  horizons  nou- 
veaux que  les  poètes  peuvent  ouvrir  aux  compositeurs ,  en  leur  of- 
frant des  vers  rhythmes  de  mille  manières  différentes,  et  il  donne  de 
nombreux  spécimens  où  la  netteté  et  la  propriété  de  l'expression,  la 
délicatesse  et  le  charme  de  la  pensée  se  trouvent  unis  à  une  cadence 
poétique  absolument  semblable  à  celle  de  la  mélodie. 

La  Chanson  du  printemps,  qu'il  transcrit  en  entier,  a  été  choisie  par 
lui,  entre  les  autres  pièces  de  M.  A.  Van  Hasselt,  parce  que  le 
rhythme,  d'une  extrême  simplicité,  en  est  plus  saisissant. 

Arrêtons-nous  quelques  instants  à  ce  même  exemple,  afin  d'étu- 
dier les  rapports  de  la  poésie  lyrique  avec  la  musique. 

LA   CHANSON   DU  PRINTEMPS. 

Les  fleurs  |  sont  éclo-  |  ses. 

Les  fleurs  |  du  printemps.         | 

Hélas!  I  mais  ses  ro-    ■        |  ses 

Ne  du-  I  rent  qu'un  temps.  | 

0  ter-  I  re  des  hom-  |  mes. 

Où  rien  |  n'est  certain,  | 

Comme  el-  |  les,  nous  som-  |  mes 

Des  fleurs  |  d'un  matin.  | 

La  ro-  I  se  s'effeuil-  |  le 

Sous  l'ai  I  le  des  vents.  | 

La  tom-  i  be  recueil-  |  le 

Le  bruit  |  des  vivants.  | 

Tout  pas-     I  se,  tout  chan-  |  ge. 

La  nuit         |  suit  le  jour.  | 

Tout  meurt,  |  ô  mion  an-  |  ge, 

Mais  non       1  mon  amour.  | 

On  remarquera  d'abord  que  les  vers  précédents  sont  divisés  en 
quatrains,  terminés  par  un  sens  complet;  ensuite  que  les  vers  de 
cinq  syllabes  sont  coupés  en  deux  parties  par  des  sons  pleins  sur 
lesquels  la  voix  peut  faire  un  appui  ou  un  repos. 

Si  l'on  décompose  la  plupart  de  nos  mélodies  vocales  ou  instru- 
it) 1863,  n°  11. 
(2)  1852,  n°  35  et  suivants. 


mentales,  on  verra  qu'elles  procèdent  ordinairement  par  groupes  de 
quatre  phrases,  coupées  elles-mêmes  en  deux  ou  plusieurs  fragments 
par  des  barres  de  mesure  correspondant  aux  notes  accentuées  ou 
frappées.  La  constitution  rhythmique  de  la  pièce  de  vers  de  M.  Van 
Hasselt  est  donc  la  même  que  celle  de  nos  chants  les  mieux  caden- 
cés :  les  syllabes  longues  et  brèves  se  succèdent  dans  un  ordre  ana- 
logue aux  temps  forts  et  faibles  de  la  musique.  Si  l'on  en  doute, 
qu'on  essaye  de  chanter  la  gracieuse  mélodie  de  VEclair  : 

La  ri— che  natu— re. . . 
en  y  adaptant  la  Chanson  du  printemps  . 

Les  fleurs  —  sont  éclo— ses... 
On  ne  tardera  pas  à  s'apercevoir  que  ces  dernières  paroles  s'ap- 
pliquent bien  plus  exactement  sur  la  musique  d'Halévy  que  celles 
qui  s'y  trouvent  :  les  deux  temps  forts  de  la  mesure  à  six-huit  tom- 
beront toujours  d'aplomb  sur  les  deux  syllabes  accentuées  de  chaque 
vers,  de  manière  que  les  trente-deux  notes  accentuées  de  la  mélo- 
die soient  mises  en  rapport  avec  les  trente-deux  syllabes  accentuées 
de  la  poésie,  les  notes  intermédiaires  ou  de  passage  glissant  légè- 
rement sur  des  syllabes  désaccentuées  ou  sur  des  e  muets. 

Dès  que  le  rhythme  musical  a  pris  sa  cadence  régulière,  le  com- 
positeur doit  le  subir  jusqu'à  la  fin  delà  période  musicale.  Ainsi,  ce 
vers  de  l'Eclair  : 

La  ri— che  natu — re... 
a  décidé  de  cette  formule  rhythmique 
1,  2—  1,  2,  3  — 
Tous  les  vers  de  cette  strophe  devaient   avoir  la  même  coupe,  ou 
bien  l'inflexible  rigidité  du  rhythme  musical  allait  couper,  mettre  en 
pièces  l'œuvre  du  poète.  Les  vers  suivants,  que  le  génie  de  la  langue 
française  nous  oblige  à  prononcer  : 

En  ces  beaux  —  climats  — 

J'ai— me  le  riva— ge 

Et  le  bois  —  sauva— ge . . . 

sont  prosodies  forcément  par  le  musicien  : 
En  ces  —  beaux  climats,  — 
J'aime  —  le  riva— ge 
Et  le  —  bois  sauva— ge. . . 

Et  le  chanteur  se  trouvant  contraint  d'appuyer  sur  les  syllabes 
muettes  me  et  le  dit  :  J'aimeu  et  leu  pour  donner  leur  accentuation 
véritable  aux  notes  fraj^pées  tombant  sur  ces  syllabes  faibles. 

C'est  pourquoi  la  langue  française  si  claire  lorsqu'on  la  parle,  de- 
vient souvent  confuse,  inintelligible  même,  alors  qu'on  la  chante. 
Que  les  poètes  lyriques  fournissent  aux  compositeurs  des  vers  où  se 
trouvent  des  accents  réguliers,  et  cet  inconvénient  grave  ne  tardera 
pas  à  disparaître. 

Les  choses  les  plus  simples  sont,  dit-on,  celles  qui  se  présentent 
les  dernières  à  l'esprit.  En  effet,  il  suffit  d'introduire  au  moins  une 
césure  (1)  dans  les  vers  de  cinq  à  dix  syllabes  pour  rendre  notre 
versification  beaucoup  plus  musicale,  les  vers  de  trois  et  quatre  syl- 
lables  pouvant  s'en  passer,  grâce  au  retour  fréquent  du  son  plein  de 
la  rime,  qui  leur  donne  une  force  rhythmique  suffisante.  C'est  aussi 
la  raison  pour  laquelle  les  vers  courts  sont  préférés  aux  vers  longs 

(1)  C'est  plutôt  l'introduction  d'un  accent  r(5gulier  par  vers  que  nous  devrions 
dire;  mais  nous  conservons  le  mot  césure,  parce  que  tout  le  monde  en  connaît 
le  mécanisme.  Il  y  a  même  une  facililé  dans  l'emploi  de  cette  règle  que  noua  de- 
vons signaler  :  celle  qui  permet  d'élider  ou  non  la  syllable  muette  qui  dépasse  le 
son  plein  de  la  césure.  Ainsi  l'on  pourra  écrire  à  volonté  : 
Rends-nous  l'auda — ce  et  la  fierté. 
Ou  bien  : 

Rends-nous  l'auda — ce,  la  fierté. 
Cette  syllabe  non  élidée  comptant  dans  le  second  membre  du  vers. 


DE  PARIS. 


189 


par  les  compositeurs.  Si  nous  préconisons  l'emploi  de  la  césure  dans 
les  vers  de  cinq,  de  six,  do  sept,  de  huit,  et  même  de  neuf  et  de 
dix  syllabes,  c'est  afin  de  couper  chacune  de  ces  différentes  espèces 
de  vers  en  deux  parties,  pour  doubler  le  nombre  de  leurs  sons  ac- 
centués. , 

J.-B.  RONGÉ. 
(La  mile  prochainement.) 


CONCODRS  D'ORPHÉONS, 

<le  mnsiqaes  d'iiarmonie  et  de  fanfares,  à  Valence. 

(7  Juin.) 

Comme  un  vaillant  compagnon  du  gaxj  sçavoir,  l'Orphéon  fait  son  tour 
de  France,  réveillant  sur  son  passage  et  rendant  à  la  vie  musicale,  au 
goût  et  à  la  pratique  de  l'art,  les  villes  endormies  dans  leurs  glorieux 
souvenirs.  C'est  ainsi  qu'il  est  entré  à  Valence,  dimanche  dernier,  con- 
quérant le  Dauphiné  au  chant  clioral  populaire,  et  déployant  dans  son 
cortège  les  bannières  de  nombreuses  sociétés  musicales  de  la  Drôme,  du 
Ubône,  de  l'Isère,  de  Saône-et-  Loire  et  de  l'Ardèohe. 

Le  défilé  des  sociétés  concurrentes  a  ouvert  la  fête.  La  grosse  cloche 
de  la  cathédrale  l'accompagnait  de  sa  basse  profonde.  Elle  ne  pouvait 
manquer  de  jouer  son  rôle  dans  ces  réjouissances,  cette  camiiano  dont 
l'histoire  musicale  est  liée  à  l'histoire  politique  du  Dauphiné.  Avant  1789, 
sa  voix  de  bronze  rappelait  aux  liabitants  de  la  ville  pour  quel  mo- 
narque ils  devaient  faire  une  part  dans  leurs  prières.  Quand  les  dernières 
ondes  sonores  de  la  lente  volée  s'étaient  perdues  au  loin,  la  cloche  tin- 
tait un  nombre  de  coups  égal  à  celui  des  chiffres  ajoutés  au  nom  du 
roi  régnant.  Elle  répétait  chaque  soir  seize  tintements,  lorsque  la  hache 
qui  ensanglanta  une  page  de  nos  annales  fit  tomber  cette  coutume  avec 
la  tète  d'un  roi. 

Les  concours  ont  eu  lieu  sur  la  place  Championnet  et  dans  la  char- 
mante salle  de  spectacle,  devant  un  jury  présidé  par  M.  Jules  Monestier, 
compositeur  de  musique.  L'ensemble  des  épreuves  a  été  satisfaisant. 
Belles  voix,  sentiment  et  aptitudes  musicales,  voilà  ce  que  présente  à 
la  critique  les  sociétés  de  cette  région  de  la  France,  —  véritable  pépi- 
nière du  chant  clioral,  qui  emprunte  une  saveur  particulière  à  l'accent 
du  patois  valencien,  dernier  écho  de  l'idiome  roman,  et  duquel  on  peut 
bien  dire  que  c'est  une  langue  qui  a  éprouvé  des  malheurs. 

Les  premiers  prix  ont  été  remportés  par  le  Cercle  choral  lyonnais, 
l'Harmonie  gauloise  de  Lyon,  la  Société  chorale  de  Tain,  la  musique  des 
sapeurs-pompiers  de  Bourg-Saint-Andéol,  la  musique  municipale  de  Gre- 
noble, la  Société  philharmonique  de  Givors,  et  le  Cercle  Sainte-Cécile 
de  Montélimar. 

Comme  les  hommes,  les  sociétés  orphéoniques  ont  leurs  amis  qui  les 
aiment,  leurs  amis  qui  ne  se  soucient  pas  d'elles  et  leurs  amis  qui  les 
détestent.  Les  concurrents  de  Valence  n'avaient  là,  paraîtrait-il,  que  des 
amis  de  la  première  catégorie,  car,  —  chose  rare  !  —  la  décision  du  jury 
a  été  acceptée  comme  l'expression  même  de  l'équité.  Il  est  vrai  que  la 
bonne  justice  ne  va  pas  sans  la  miséricorde! 

Le  soir  était  venu,  lorsque  les  sociétés  ont  dit  adieu  à  Valence  et  à 
son  hospitalité,  en  chantant  plusieurs  chœurs  d'ensemble  au  Champ  de 
Mars.  Les  éclats  des  fanfares,  les  applaudissements,  les  cris  de  joie  de 
la  foule  répondaient  aux  chœurs  des  orphéonistes,  et  tous  ces  bruits,  et 
toutes  ces  musiques,  et  toutes  ces  allégresses  semblaient  éclairer  la  nuit 
et  animer,  dans  ses  majestueuses  profondeurs ,  l'immense  perspective 
que  l'œil  embrasse  de  la  place  :  la  plaine  de  Valence,  le  cours  du  Rhône, 
les  forêts  de  Crussol ,  les  coteaux  de  Saint-Péray  et  les  montagnes  du 
Vivarais. 

Les  fêtes  musicales  de  Valence  ont  été  organisées,  sous  le  patronage 
de  M.  le  marquis  de  Castellane,  préfet  de  la  Drôme  —  l'amour  de  la 
musique  est  traditionnel  dans  cette  famille  —  par  une  commission  di- 
rigée par  MM.  Menet  et  Lambert,  et  qui  a  rempli  son  mandat  avec  une 
rare  courtoisie. 

Em.  Mathieu  DE  MONTER. 

p.  S.  —  Renard,  de  l'Opéra,  est  en  ce  moment  à  Valence,  où  il  donne 
des  représentations  fort  suivies. 


le  rédacteur  en  chef  du  Ménestrel,  le  collaborateur  du  Tintamarre 
et  dn  Journal  amusant,  Jules  Lovy,  dont  la  nomination  à^l'emploi  de 
secrétaire  général  au  théâtre  Lyrique  avait  été  bien  reçue  de  tous  les 
auteurs  et  compositeurs,  est  mort  le  8  juin  dernier,  à  la  suite  d'une 
cruelle  maladie. 

Né  en  1801,  h  Furth  (Bavière),  il  était  fils  d'Israël  Lovy,  musi- 
cien distingué,  qui  devint  maître  de  cbant  à  la  synagogue  de  Paris. 
11  fit  d'excellentes  études  sous  la  direction  de  son  père,  et  commença 
par  se  vouer  à  l'orgue  et  la  musique  sacrée,  mais  bientôt  il 
quitta  la  musique  pour  la  littérature  légère.  De  1827  à  1863,  il 
n'a  pas  cessé  d'être  journaliste.  En  1833,  il  fonda  le  journal  le 
Ménestrel,  et,  grâce  à  son  caractère  aimable  et  ob'igîant,  il  lança 
dans  la  carrière  une  foule  de  jeunes  compositeurs,  dont  quelques- 
uns  ont  acquis  un  nom  populaire.  C'est  au  Ménestrel  que  L.  Cla- 
pisson,  Alph.  Thys,  Ed.  Brugnière,  Adolphe  Adam,  et  beaucoup  d'au- 
tres compositeurs,  dont  les  noms  nous  échappent,  ont  fait  leurs 
premières  armes. 

Aussi  modeste  qu'il  était  instruit,  Jules  Lovy  possédait  deux  qua- 
lités qui  s'excluent  trop  souvent  :  de  l'esprit  et  du  cœur.  Malgré  son 
esprit  tout  français,  il  ne  fut  jamais  agressif,  et  sa  plume  loyale  a 
été  toujours  au  service  de  tous  les  jeunes  débutants,  littérateurs  et 
musiciens.  Excellent  fils,  frère  tendre,  Jules  Lovy  s'était  consacré 
au  bonheur  de  sa  famille,  et  ses  soins  pieux  ont  contribué  puissam- 
ment à  la  mise  au  jour  des  compositions  musicales  hébraïques  de  son 
illustre  père. 

Les  obsèques  de  notre  ami  ont  eu  lieu  mercredi,  au  cimetière  du 
Nord.  Une  foule  d'artistes  et  de  littérateurs  a  suivi  avec  recueillement 
le  convoi  d'un  collègue,  d'un  confrère,  et  avant  tout,  d'un  ami,  digne 
des  plus  vives  sympathies.  D'après  le  vœu  de  la  famille,  aucun  dis- 
cours n'a  été  prononcé  sur  la  tombe.  Une  prière  très-touchante  a  été 
dite  par  le  rabbin,  et  des  pleurs  silencieux  ont  mouillé  plus  d'une 
paupière.  Pour  notre  part,  nous  n'oublierons  jamais  que  Jules  Lovy 
nous  a  constamment  donné  des  preuves  de  son  excellent  cœur,  et 
nous  ne  saurions  trop  en  adresser  nos  remercîments  à  sa  mémoire. 

A.  ELWART. 


NECROLOGIE. 


aUI/ESi    I..OW. 


La  presse  musicale  vient  d'être  frappée  en  la  personne  d'un  de 
ses  vétérans,  dont  la  bonne  humeur  faisait  oublier  l'âge.  Jules  Lovy, 


NOUVELLES. 

/^  Lundi  dernier  le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  représenté  les  Hu- 
guenots. La  recette  s'est  élevée  à  10,000  francs.  La  représentation  a  été 
fort  belle.  M.  et  Mme  Gueymard  chantaient  les  principaux  rôles;  Belval 
rentrait  par  celui  de  Marcel;  Mme  Vandenheuvel-Duprez  (Marguerite), 
Bonnesseur  (Nevers),  Castelmary  (Saint-Bris)  complétaient  un  admirable 
ensemble  et  l'interprétation  a  été  à.  la  hauteur  du  chef-d'œuvre.  M.  Cas- 
telmary, le  fiancé  de  Mlle  Sax,  tenait  avec  succès  l'emploi  de  basse  à 
Marseille  ;  il  est  d'une  belle  prestance  et  joue  avec  intelligence  et  dis- 
tinction; sa  voix  est  bien  timbrée,  puissante  et  agréable.  S'il  reste  à 
l'Opéra,  il  aura  à  se  défaire  de  quelques  habitudes  provinciales,  et  à 
apporter  plus  de  sobriété  dans  ses  gestes.  Tel  quel,  il  n'a  qu'à  se  féli- 
citer de  la  tentative  qu'il  vient  de  faire,  et  il  a  reçu  du  public  un  ac- 
cueil très-flatteur.  —  Mercredi  le  Comte  Ory  et  Giselle;  vendredi,  la 
ihwtte,  avaient  rempli  la  salle. 

,*^  Les  Huguenots  seront  représentés  aujourd'hui. 

^*j  On  annonce  la  prochaine  reprise  de  l'opéra  d'Auber,  le  Dieu  et  la 
Bayadère. 

^*j  On  répète,  pour  la  continuation  des  représentations  de  Mlle  Mou- 
ravielf,  un  ballet  en  un  acte,  les  Saisons,  de  Saint-Léon,  musique  de 
Pugni,  qui  sera  intercalé  dans  les  Vêpres  siciliennes. 

^*^  Rien  n'est  encore  décidé  pour  la  subvention  de  100,000  fr.  qu'il 
est  question  d'accorder  au  théâtre  Lyrique.  Quoi  qu'il  arrive  à  l'égard  d'un 
subside  si  nécessaire  et  si  bien  mérité,  l'activité  et  l'énergie  de  M.  Car- 
valho  ne  se  ralentissent  pas,  et  il  ne  néglige  rien  pour  assurer  le  succès 
de  sa  saison  prochaine.  Aux  vides  causés  par  le  départ  de  Mmes  Cabel. 
Girard  et  Amélie  Faivre,  il  oppose  provisoirement  Mme  Charton-Demeur 
et  Mlle  Muret,  jeune  et  jolie  élève  de  Duprez,  douée  d'une  voix  fraîche 
ot  agile.  Parmi  les  hommes  une  excellente  basse,  M.  Péront,  lauréat 


190 


RKVLE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


distingué  du  Conservatoire  ;  deux  barytons,  M.  Ismaël,  très-apprécié  en 
Belgique,  et  Liitz  ;  un  ténor,  M.  Pilo,  qui  doit  à  sa  belle  voix  et  à  une 
vocation  décidée,  sa  libération  du  service  militaire,  grossiront  la  troupe. 
Quant  aux  ouvrages  qui  vont  entrer  en  préparation,  les  Troijens,  de  Ber- 
lioz, qui  auront  Mme  Charton  pour  principale  interprète  dans  le  rôle  de 
DIdon,  et  Mireille,  nouvelle  partition  de  Gounod,  occuperont  le  premier 
rang.  Viendront  ensuite  trois  ouvrages  de  trois  prix  de  Rome  ;  un  acte 
de  M.  Bartlie,  trois  actes  de  M.  Bizet  et  un  acte  de  M.  Guiraud;  puis 
trois  actes  de  M.  Boulanger  pour  Mme  Faure-Lefèvre,  sans  préjudice  de 
la  reprise  des  Amours  du  diable  et  des  meilleures  pièces  du  répertoire. 
11  serait  difficile  de  désirer  un  programme  plus  intéressant  et  plus 
complet. 

^*a,  Mme  Carvalho  part  la  semaine  prochaine  pour  Londres ,  où  elle 
est  attendue  au  théâtre  de  Covent-Carden. 


^%  On  imaginerait  difficilement  la  vogue  de  la  Ronds  du  Brésilien; 
la  salle  du  théâtre  du  Palais-Hoyal  est  trop  petite  pour  contenir  la  foule 
qui  accourt  chaque  soir  pour  l'entendre.  Car  ce  n'est  pas  seulement  que 
la  musique  d'Offenbach  est  une  des  plus  heureuses  inspirations  du 
maestro,  c'est  que  les  paroles  sont  aussi  bouffonnes  que  spirituelles. — 
Arban  vient  de  composer  sur  la  Ronde  du  Brésilien  une  polka  des  mieux 
réussies  et  qu'on  entendra  la  semaine  prochaine  au  concert  des  Champs- 
Elysées. — L'édition  de  cette  polka,  pour  piano,  a  paru,  en  même  temps 
qu'une  édition  populaire,  sans  accompagnement ,  de  la  ronde  elle- 
même. 

^*^  Ainsi  que  nous  le  disions  dans  notre  dernier  numéro,  l'opéra- 
comique  de  Mlle  Augustine  Brohan,  Il  était  une  fuis  un  roi,  musiquej  de 
neuf  compositeurs,  a  été  représenté  au  Cercle  de  l'Union  artistique  de- 
vant une  réunion  de  dames  du  grand  monde  plus  ou  moins  ap- 
parentées, selon  la  consigne,  aux  membres  du  Cercle.  Au  nombre  de  ces 
derniers  figuraient  MM.  le  duc  de  Morny,  de  Ségur,  Ernest  André,  etc. 
L'œuvre  a  été  interprétée  par  les  artistes  de  divers  théâtres.  Parmi  les 
morceaux  les  plus  remarqués  et  les  plus  applaudis  de  la  partition,  il  faut 
citer  la  charmante  romance  de  M.  Auber,  un  chœur  de  M.  Costé,  un 
joli  duo  de  M.  Léo  Delibes,  un  beau  finale  du  prince  Poniatowski. 
Mlle  Amélie  Faivre,  MM.  Crosti  et  Berthelier  ont  vaillamment  contribué 
au  succès  de  l'ouvrage,  et  rien  n'a  manqué  à  l'éclat  et  à  l'agrément  de 
cette  fête  qui  avait  commencé  par  un  beau  concert. 

,j*,j  Plusieurs  journaux  ont  annoncé  que  le  prolongement  de  la  rue 
Lafayette  donnerait  lieu  à  la  fondation  d'un  second  théâtre  d'opéra  et 
ont  même  cité  les  noms  de  deux  personnes  auxquelles  le  privilège  en 
aurait  été  accordé.  Ivous  nous  croyons  en  mesure  d'affirmer  qu'il  n'a  jus- 
qu'à présent  été  aucunement  question  de  ce  projet. 

.j,*.j.  En  quittant  Toulouse,  Roger  s'est  rendu  à  Genève,  où  il  doit  don- 
ner quelques  représentations,  après  lesquelles  le  célèbre  ténor  reviendra 
à  Paris. 

^'t  Les  recettes  des  théâtres  impériaux  subventionnés,  des  autres 
théâtres,  concerts,  cafés-concerts,  etc.,  se  sont  élevées  pendant  le  mois 
de  mai  à  la  somme  brute  de  1 ,448,912  fr.  61  c. 

a,*»  Meyerbeer  a  quitté  Berlin  pour  se  rendre  aux  eaux,  comme  il  le 
fait  tous  les  ans. 

,*.j,  Adelina  Patti  est  engagée  pour  une  série  de  concerts  à  Manheim, 
Francfort  et  Wiesbade,  où  la  célèbre  cantatrice  se  fera  entendre  pen- 
dant le  mois  d'août. 

„,**  L'Orphéon  de  Paris  (rive  gauche)  a  tenu  sa  première  séance  an- 
nuelle, dimanche  dernier,  au  cirque  Napoléon,  sous  la  direction  de  M.  F. 
Bazin.  L'exécution  du  programme,  complètement  satisfaisante,  a  fourni 
la  preuve  des  progrès  obtenus  dans  l'enseignement  général.  Deux  mor- 
ceaux ont  été  redemandes.  M.  le  préfet  de  la  Seine  assistait  à  cette  pre- 
mière séance.  Comme  la  seconde  aura  lieu  dimanche  prochain ,  sous 
la  direction  de  M.  Pasdeloup,  nous  rendrons  compte  de  l'une  et  de 
l'autre  en  même  temps. 

,1,*^  On  lit  dans  la  Gazette  des  étrangers  :  «  M.  Roland,  ex-régisseur  du 
théâtre  des  Délassements,  vient  d'obtenir  le  privilège  d'un  nouveau 
théâtre  qui  s'ouvrira  à  l'Eldorado,  boulevard  de  Strasbourg.  On  y  jouera 
l'opérette  et  le  vaudeville.  » 

^*.j,  Les  examens  pour  l'admission  des  élèves  aux  concours  de  la  fin 
de  l'année  ont  commencé  au  Conservatoire  impérial  de  musique.  Les 
morceaux  de  concours  choisis  pour  les  classes  de  piano,  sont,  pour  les 
jeunes  filles,  le  concerto  de  Ries  en  ut  dièze  mineur,  et,  pour  les  jeunes 
gens,  le  finale  de  la  sonate  en  ut  dièze  de  Beethoven,  op.  27.  Une  dé- 
cision, consignée  au  procès-verbal,  a  été  prise  d'un  commun  accord 
parles  professeurs  de  violon  et  les  professeurs  de  piano;  le  morceau  de 
concours  choisi  par  le  comité  devra  être  joué  par  les  concurrents, 
conformément  au  texte  de  l'auteur,  et  sans  y  introduire  aucun  chan- 
gement. 

^■"j  Pasdeloup  fera  prochainement  exécuter,  par  un  très  grand  nom- 
bre de  chanteurs  et  d'instrumentistes,  l'oratorio  de  Mendelssohn  :  Elle. 
„*»  Le  ministre  de  l'intérieur,  à  Turin,  vient  de  nommer  une  commis- 


sion chargée  d'examiner  la  situation  des  théâtres  en  Italie,  et  de  lui 
faire  un  rapport  sur  tout  ce  qui  pourrait  contribuer  à  leur  amélioration. 

a,**  Les  journaux  anglais  signalent  le  grand  concert  que  doit  donner,  le 
19  juin  courant,  Georges  Pfeiffer,  dont  les  compositions  sont  très-appré- 
ciées  à  Londres:  le  jeune  et  brillant  pianiste  s'est  assuré  le  concours 
d'un  excellent  orchestre  et  de  plusieurs  artistes  émineuts,  au  nombre 
desquels  on  cite  Mme  Lemmens-Sherrington  et  le  violoncelliste  Lebouc, 
qui  débutera  en  Angleterre  dans  cette  solennité.  Georges  Pfeiffer  exécu- 
tera son  deuxième  concerto  entendu  cet  hiver  à  Paris  avec  un  grand 
succès  ;  le  programme  anglais  n'oublie  pas,  selon  l'usage,  de  faire  rer 
marquer  que  M.  Lebouc  fait  partie  de  la  Société  des  concerts  du  Con- 
servatoire; h  Londres,  comme  partout,  c'est  un  titre  d'honneur  pour  un 
artiste  français. 

„**  Léopold  Meyer,  qui  a  retrouvé  à  Paris  dans  le  monde  aristocra- 
tique un  accueil  si  distingué,  se  prépare  à  le  quitter  pour  se  rendre  en 
Suisse. 

,j'\.,  Après  avoir  passé  une  semaine  à  Paris  à  son  retour  de  Londres, 
l'éminent  pianiste  compositeur  Alf.  Jaëll  est  parti  pour  Ems,  Bade, 
VViesbaden  et  Hombourg,  où  l'appellent  de  brillants  engagements. 

4,*,f  Un  salut  solennel  sera  chanté  à  Saint-Roch  le  jeudi  18  juin,  à 
3  heures  1/2,  pour  l'œuvre  du  professorat  de  la  musique  vocale  et  ins- 
trumentale. Le  solo  d'un  0  Salutaris,  œuvre  inédite  de  M.  Auber, 
composé  pour  la  chapelle  impériale,  sera  chanté  par  Mlle  de  Taisy, 
artiste  de  l'Académie  impériale  de  musique,  avec  accompagnement  de 
chœur  d'hommes,  par  les  pensionnaires  et  les  élèves  externes  du  Con- 
servatoire; harpe  et  orgue.  Les  dames  artistes  de  la  chapelle  impériale, 
élèves  du  Conservatoire,  la  maîtrise  de  Saint-Roch,  l'exceUente  musique 
de  la  garde  de  Paris,  chef  M.  Paulus,  prêteront  le  concours  de  leur  ta- 
lent à  cette  œuvre  qui  éveille  partout  de  profondes  sympathies.  M.  Gh. 
Vervoittc,  maître  de  chapelle  à  Saiiït-Uoch,  dirigera  l'exécution.  Des 
lettres  d'invitation  se  trouvent  chez  tous  les  éditeurs  de  musique,  gra- 
tuitement. 

.^*s,  Les  éditeurs  G.  Brandus  et  S.  Dufour  viennent  de  faire  paraître 
une  édition  facilitée  de  U  Prière  d'une  Vierge,  morceau  de  salon  pour 
piano,  de  Mme  Thecla  Badarzewska.  Cette  charmante  composition  se 
trouve  ainsi  à  la  portée  des  élèves  même  peu  avancés. 

,i,*.j,  Concours  de  composition  musicale  ouverts  jiar  le  journal  l'Orphéon: 

—  1"  Un  concours  est  ouvert  entre  tous  les  musiciens  français  et  étran- 
gers pour  la  composition  d'un  chœur  inédit  à  quatre  voix  d'homme 
avec  accompagnement  de  saxhorn  contralto  en  si  bémol,  saxotromba 
alto  en  mi  bémol,  saxotromba  baryton  en  s*  bémol  et  saxhorn  en  si  bé- 
mol. Ce  dernier  instrument  pourra  être  doublé  à  l'octave  inférieure  par 
un  saxhorn  contre-basse  en  si  bémol.  Un  jury  chargé  d'examiner  les  ma- 
nuscrits envoyés  et  de  décerner  les  récompenses  est  en  partie  consti- 
tué ;  il  se  compose  déjà  de  :  MM.  Georges  Kastoer,  membre  de  l'Insti- 
tut, président  ;  Ambroise  Thomas  et  Clapisson,  membres  de  l'Institut;  le 
général  Melliuet;  Félicien  David  et  Limnander,  compositeurs  de  musi- 
que; Elwart  et  Jonas,  professeurs  au  Conservatoire,  et  Jules  Simon, 
secrétaire.  Deux  prix  seront  décernés  :  premier  prix,  une  médaille  d'or 
de  200  francs;  deuxième  prix,  une  médaille  d'or  de  100  francs.  Ces 
deux  médailles  ont  été  offertes  pour  ce  concours  par  M.  Adolphe  Sax. 

—  2°  Un  concours  est  ouvert  entre  tous  les  compositeurs  français.  L'ob- 
jet de  ce  concours,  proposé  par  M.  A.  Sax,  est  un  chant  sans  paroles 
pour  la  voix,  avec  accompagnement  de  piano.  Le  caractère  de  ce  chant 
doit  être  la  simplicité,  la  grandeur,  la  majesté;  il  doit,  avant  tout,  être 
propre  à  devenir  un  chant  national.  Quant  à  la  forme,  elle  reste  au 
choix  du  compositeur,  seulement  il  est  indispensable  qu'elle  soit  moulée 
sur  celle  ou  d'un  des  couplets,  ou  d'une  des  stances,  ou  d'une  des 
strophes  admis  dans  notre  poésie  lyrique.  Prix  unique  :  une  médaille 
d'or  de  500  francs.  Ce  prix  est  offert  par  IVI.  Adolphe  Sax.  Le  jury  de 
ce  concours  sera  le  même  que  celui  du  concours  annoncé  ci-dessus. 
Les  manuscrits  devront  être  envoyés  franco  au  bureau  du  journal  l'Or- 
j>héon,  boulevard  de  Strasbourg,  61  bis,  passage  du  uésir,  2  ;  ils  seront 
reçus  jusqu'au  31  décembre  1863  inclusivement.  Chaque  manuscrit  por- 
tera une  épigraphe  reproduite  sur  un  pli  cacheté  qui  l'accompagnera, 
et  dans  lequel  se  trouveront  le  nom  et  l'adresse  de  l'auteur. 

4*,,  La  chapelle  du  prince  Hohenzollern-llechingen,  à  Loewenberg, 
coûte  30,000  thalers  par  an  ;  elle  a  été  formée  uniquement  dans  le  but 
de  donner  des  concerts.  Les  artistes  ne  font  de  service  que  pendant  six 
mois  de  l'année,  et  peuvent  prendre  des  engagements  ailleurs  pour  les 
six  mois  restants.  Les  programmes  de  ces  concerts  indiquent  toujours 
ce  qu'il  y  a  de  mieux  et  de  plus  nouveau  en  fait  de  compositions  mu- 
sicales. 

,j*,i,  La  résurrection  du  Nain  jaune  est  une  heureuse  idée  et  plus 
heureusement  exécutée  encore.  Les  premiers  numéros  de  ce  spirituel 
journal  ont  tout  d'abord  vivement  piqué  la  curiosité,  et  les  abonnés 
sont  arrivés  par  centaines.  La  variété  du  programme  adopté ,  les 
noms  et  la  qualité  des  rédacteurs,  les  mille  scènes  de  la  vie  parisienne 
présentées  sous  la  forme  la  plus  piquante,  ne  pouvaient  manquer  de 
produire  ce  résultat,  et  constituent  les  éléments  d'un  succès  qui  gran- 
dira de  plus  en  plus. 


DE  PARIS. 


191 


^*j  Après  avoir  fait  un  assez  long  séjour  à  Saint-Pétersbourg  et  avoir 
parcouru  tout  le  nord  de  l'Europe,  la  Société  chorale  du  Languedoc  doit 
arriver  prochainement  à  Paris. 

s,*,,  Malgré  la  persistance  du  mauvais  temps,  l'attrait  qu'offrent  les 
représentations  de  Debureau  au  théâtre  du  Chalet-des-Iles  y  attire  beau- 
coup de  monde. 

^*^  Dn  seul  jour  lo  mauvais  temps  a  forcé  Musard  à  fermer  les  grilles 
du  Pré-Catelan;  mais  si  le  soleil  se  montre  aujourd'hui,  il  y  aura  re- 
crudescence de  visiteurs  pour  ce  beau  jardin  et  d'auditeurs  pour  l'ex- 
cellente musique  que  son  vaillant  orchestre  y  fait  entendre  ;  la  musique 
militaire,  le  théâtre  des  fleurs  concourront  aux  plaisirs  offerts  par 
Musard  à  son  brillant  public. 

^■■%  Dans  la  nuit  du  9  au  10  juin,  vers  minuit,  quelques  heures  à 
peine  après  la  représentation  terminée,  le  théâtre  Treumann,  de  Vienne, 
est  devenu  ]a  proie  des  flammes.  Malgré  tous  les  efforts  faits  pour  maî- 
triser l'incendie,  le  bâtiment,  à  i  heures,  n'était  plus  qu'un  monceau 
de  cendres.  Le  théâtre  Treumann  était  un  théâtre  de  genre;  il  était 
nouvellement  construit;  on  y  représentait  des  comédies,  des  vaudevilles, 
des  petits  opéras  ;  c'est  là  qu'ont  été  joués  les  ouvrages  d'Offenbach; 
il  était  très-fréquenté. 

i*^  A  Wiesbaden  vient  de  mourir  le  maître  de  chapelle  et  violoniste 
Ear-Wolf  ;  c'était  un  élève  distingué  de  Spohr. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 


^*i  Bordeaux.  —  La  représentation  organisée  par  MM.  Mezeray  et 
Eloy,  au  Grand  Théâtre,  le  2  juin,  a  été  très-brillante.  L'ainée  des  deux 
filles  de  l'habile  chef  d'orchestre,  Mlle  Caroline  Mezeray,  a  paru  pour 
la  première  fois,  dans  le  second  acte  de  Guillaume  Tell,  et  le  succès  de 
la  jeune  débutante  a  été  très-remarquable.  A  peine  âgée  de  dix-huit 
ans,  Mlle  Mezeray  possède  une  charmante  voix  de  soprano  et  une  ai- 
sance de  comédienne  qui  a  excité  une  agréable  surprise.  —  Elle  a  dit 
avec  beaucoup  de  sentiment  l'air  Sombre  foret,  et  son  duo  avec  Dufrène 
a  enlevé  la  salle  entière.  Elève  de  son  père,  Mlle  Mezeray,  nous  semble 
destinée  ii  parcourir  une  carrière  brillante,  lorsque  son  talent  aura  pris 
tout  son  dévoloppement. —  La  recette  a  été  magnifique. —  Le  public  a 
jonclié  la  scène  de  lleur.i,  et  une  belle  palme  d'or  a  été  remise  au  chef 
d'orchestre,  M.  Mezeray,  au  nom  des  abonnés  de  la  magnifique  scène 
bordelaise. 

„,*-,,  Altjer.  —  Pour  les  adieux  de  Mlle  'Wertheimber,  on  a  monté  le 
Prophète.  En  tenant  compte  des  difficultés  qu'offrait  la  mise  en  scène 
d'un  pareil  ouvrage  et  du  peu  de  jours  qu'avait  la  direction  pour  cela, 
on  ne  peut  que  lui  savoir  gré  du  résultat  obtenu.  La  salle  était  comble, 
et  le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer  a  été  accueilli  au  bruit  d'applaudisse- 
ments répétés.  Le  rôle  de  Fidès  est  d'ailleurs  un  de  ceux  qui  met  le 
mieux  en  relief  le  talent  de  Mlle  Wertheimber,  comme  cantatrice  et 
comme  tragédienne  ;  aussi  lui  a-t-il  valu  une  véritable  ovation.  Elle  a 
été  d'ailleurs  aussi  bien  secondée  que  possible  par  M.  Philippe  (Jean  de 
Leyde),  M.  et  Mme  Pascal,  MM.  Gaspard  et  Marion. 


CHRONIQUE  lÉTRANGÈRE. 


**,  Bruxelles.  —  A  peine  le  théâtre  de  la  Monnaie  a-t-il  fermé  ses 
portes  que  la  direction  annonce  la  formation  de  sa  troupe  pour  la  sai- 
son prochaine.  Elle  se  compose  jusqu'à  présent  de  Mmes  Camille  de 
Maësen,  Boulart,  Elmire,  Meillet,  Cébe  et  de  Mlle  Faivre,  du  théâtre  ly- 
rique deParis;deMM.Meillet,  Périer,  Jourdan,  Aujac,iBertrand,  Lederac, 
Borsary,  Brion-Dorgeval,  Dubouchet,  Mengal  et  Tyckart.  On  voit  que 
M.  Letellier  n'a  rien  épargné  pour  exploiter  largement  les  deux  réper- 
toires d'opéra  et  d'opéra-comique. 

**H=  Bade.  —  Les  hôtels  et  le  salon  de  conversation  commencent  à  se 
peupler  et  chaque  jour  les  listes  d'arrivée  contiennent  les  noms  d'au- 
gustes personnages.  Vienne  nous  a  même  envoyé  une  partie  de  sa  po- 
pulation en  trains  de  plaisir,  et  M.  Benazet  s'est  empressé  de  faire  aux 
visiteurs  viennois  les  honneurs  de  l'établissement  en  ouvrant  et  en 
éclairant  tous  les  nouveaux  salons;  il  leur  a  de  plus  donné  dans  la 
grande  salle  Louis  Xlfl  un  très-beau  concert.  —  En  attendant  la  mise 
à  exécution  du  riche  programme  arrêté  pour  cette  saison,  la  troupe 
du  théâtre  Grand  Ducal  vient  de  clore  la  sienne  par  la  représentation 
de  l'opéra  de  Lortzing  :  Czar  et  Charpenlier.  Il  y  avait  foule  et  les  ap- 
plaudissements de  l'auditoire  ont  témoigné  aux  artistes  ses  regrets  de 
les  voir  partir.  —  A  bientôt  maintenant  les  artistes  français. 

t't  Londres.  —  Rien  de  saillant    n'a   marqué   cette  semaine,    si    ce 


n'est  au  théâtre  de  Sa  Majesté  la  première  représentation  de  Faust,  qui 
a  eu  lieu  avec  un  grand  succès.  L'opéra  de  Goimod  était  interprété  par 
Giuglini  (Faust),  Mme  Titjens  (Marguerite),  Mme  Trebelli  (Siebel), 
Gassier  (Mephistophelès),  Santley  (Valentin).  —  Après  son  immense 
succès  dans  Leonora,  du  Trovatore ,  Adelina  Patti  s'est  montrée  dans 
celui  de  Ninetta,  de  la  Gazza  ladra.  Le  remarquable  cachet  de 
personnalité  qu'elle  imprime  à  chacun  de  ses  rôles,  quelque  diffé- 
rents qu'ils  soient  l'un  de  l'autre,  s'est  produit  d'une  façon  non 
moins  marquante  dans  cette  nouvelle  création  qui  lui  a  valu  un  nou- 
veau triomphe.  —  Les  représentations  au  bénéfice  de  M.  Lumley  se 
sont  terminées  par  Don  Giovanni,  dans  lequel  Mme  Piccolomini-Oaetani 
chantait  le  rôle  de  Zerlina.  Elle  y  a  retrouvé  les  applaudissements  qui 
l'avaient  accueillie  dans  la  Traviata.  Gassier,  Vialetti,  Giuglini  l'ont  tri^s- 
bien  secondée.  —  M.  Salvi  vient  d'ajouter  k  ses  engagements  celui  de 
Ludovico  Graziani,  frère  du  célèbre  baryton.  Il  chantera  à  Vienne  dans 
les  mois  d'avril  et  mai  de  la  prochaine  saison. 

^*^  Hambourg.  —  Mlle  Adelina  Patti  doit  chanter  ici  au  mois  de  sep- 
tembre. Merelli  vient  de  louer  la  salle  du  théâtre  de  la  ville  pour  dix 
soirées. 

^**  Vienne.  —  On  annonce  que  l'opéra  allemand  ouvrira  cette  année 
par  Norma.  M.  Sontheim,  du  théâtre  royal  à  Stuttgard,  en  représenta- 
tion à  Vienne,  débuterait  dans  le  rôle  de  Sévère.  —  Le  théâtre  de  la 
cour  fera  sa  clôture  par  les  Huijuenots.  La  recette  est  destinée  au  fonds 
des  pensions. 

^*^,  Turin.  —  Le  théâtre  national  ouvrira  par  Slradella,  opéra  nou- 
.veau  pour  Turin,  composé  par  Flotovv,  auteur  de  Marta.  Il  sera  chanté 
par  la  prima  donna  la  signera  Torricelli,  le  ténor  Palermi ,  le  baryton 
Rota,  la  basse  Basilio  Bonato  et  le  boufl"e  Torricelli.  Le  ballet  du  pre- 
mier acte  sera  dansé  par  Mmes  Giustetti,  Garbagnati  et  autres.  La  pre- 
mière représentation  aura  lieu  dans  quelques  jours.  —  Mardi,  au  théâ- 
tre Vittorio-Emmanuele,  soirée  des  plus  brillantes  avec  .Mme  de  Rossi 
qui  avait  ajouté  à  Marta  la  scène  de  l'ombre  du  Pardon  de  Ploërmel. 
Fleurs,  rappels,  couronnes,  etc. 

^*^.  Berlin.  —  Mlle  Couqui  vient  de  terminer  ses  représentations  au 
théâtre  de  la  cour  par  la  .toliii  fille  de  Ganâ;  elle  y  a  obtenu,  comme 
dans  toutes,  le  succès  le  plus  éclatant.  —  Au  théâtre  de  l'Opéra,  nous 
avons  eu  une  brillante  représentation  de  Robert  le  Diable;  Mme  llarriers 
a  repris  le  rôle  de  la  princesse,  qui  lui  a  valu,  comme  précédemment, 
le  plus  honorable  succès;  le  rôle  d'Alice  a  été  chanté  par  Mlle  Sauter. 

f,*f  Copenhague.  —  Le  célèbre  violoniste,  H.  'Wieniawski,  a  donné  le 
21  mai  un  concert  au  théâtre  du  peuple;  il  y  a  été  acclamé  avec  en- 
thousiasme. 

*■**  Rosloek.  —  Dans  la  semaine  de  la  Pentecôte,  la  grande  Passion, 
d'après  saint  Mathieu ,  par  Sébastien  Bach,  a  été  exécutée  à  l'église 
Saint-Nicolas.  On  se  rappelle  que  lors  de  la  première  exécution  de  cette 
œuvre  gigantesque,  Mendelssohn  biffa  une  foule  d'airs  et  de  chorals  ; 
ils  ont  été  rétablis  à  Eostock.  Aussi  le  concert  a-t-il  duré  trois  heures 
et  demie  ;  mais  l'auditoire  n'en  a  pas  moins  montré  l'attention  la  plus 
soutenue  jusqu'à  la  fin.  Les  soli  ont  été  chantés  par  des  artistes  venus 
de  Berlin. 

^*^  Kœnigsberg.  —  Le  27  mai  a  commencé  ici  le  festival  prussien, 
qui  a  duré  trois  jours  ;  le  dernier  jour  on  a  exécuté  le  Paradis  perdu,  de 
Rubinstein,  sous  la  direction  de  l'auteur. 

,s*,  Saint-Pétersbourg .  —  Notre  théâtre  national  vient  d'avoir  un  beau 
et  légitime  succès.  Devant  une  salle  comble,  malgré  la  saison  et  l'élé- 
vation des  prix,  a  été  représenté  le  nouvel  opéra  de  Serow,  Judith,  dont 
on  parlait  beaucoup  depuis  quelque  temps.  W.  Serow  ne  s'était  fait 
jusqu'à  présent  connaître  que  par  des  articles  de  critique  musicale,  at- 
testant les  connaissances  de  l'art,  mais  auxquels  on  pouvait  reprocher 
trop  de  passion,  de  parti  pris  et  de  prédilection  pour  la  musique  de 
l'avenir.  La  partition  qu'il  vient  de  soumettre  au  jugement  dn  public, 
et  dont  il  a  aussi  écrit  les  paroles,  participe  bien  un  peu  de  ces  ten- 
dances, mais  elle  dénote  dans  son  auteur  des  études  sérieuses;  aussi 
a-t-elle  été  très-favorablement  accueillie.  A  l'exemple  de  R.  Wagner, 
M.  Serow  a  plutôt  cherché  ses  effets  dans  l'orchestre  que  sur  la  scène; 
l'harmonie  tient  donc  la  première  place  dans  son  œuvre,  et  sous  ce 
rapport  on  ne  peut  lui  refuser  l'entente  de  combinaisons  originales  et  sa- 
vantes ;  mais  elles  sont  obtenues,  il  faut  bien  le  dire,  aux  dépens  de 
l'inspiration  et  de  la  mélodie.  Les  chœurs  tiennent  une  grande  place 
dans  la  partition  ;  dans  cette  catégorie,  les  morceaux  les  plus  remarqués 
et  les  plus  applaudis,  sont  la  prière  des  juifs  au  premier  acte,  le  grand 
hymne  final  du  cinquième  et  la  scène  de  l'orgie  que  termine  le  meurtre 
d'Holopherne.  Les  deux  principaux  rôles  étaient  interprétés  par 
Mme  Blanchi  et  par  Sariotti  ;  ils  y  ont  déployé  beaucoup  de  talent,  et  le 
public  ne  leur  a  pas  marchandé  les  applaudissements.  L'orchestre  et  les 
chœurs  sous  la  direction  de  Liadow,  ont  fort  bien  marché.  La  mise  en 
scène  et  les  décors  sont  très-soignés. 


192 


REVOE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Chez  Ci.  BRAIVDUS   et  S.  UUFOUR,  cditeiirs,  103,  rue  de  Richelieu,  au  1° 

Pour  Piano  et  Cbant,  pour  Piano  seul»  pour  le  Piano  à  quatre  mains  de 


IIUITTE  DE  PORTICl 


D'AUBER 


LE  COMTE  ORY 


De  EOSSINI 


HAYDÉE 


D'AUBER 


Airsi  détachés  avec  accompagnement  «le  Piano. 

TRANSPOSITION   des  airs    suivants   de   la    MUETTE   DE    PORTICl 


2  bis.  Air  :  Plaisir  du  rang  suprême,  pour  mezzo-soprano 6    » 

5  bis.  BarcaroIIe  :  Amis,  ta  matinée  est  belle,  pour  baryton 3  75 

5  ter.  La  même,  transposée  pour  basse 3  75 


1 2  bis .  Air  :  Du  pauvre,  seul  ami  fidèle,  pour  baryton 3     » 

13  bis.  Cavatïne:  Arbitre  d'une  vie,  pour  mezzo-soprano 3  73 

1 5  bis.  BarcaroIIe  :  Voyez  du  haut  de  ce  rivage,  pour  baryton «     2  50 


VAIilQUŒT.  —  Fantaisie  très-facile  sur  le  Comte  Ory  .     2  50    |    KUMMEl.  —  Transcription  de  thèmes  du  Comte   Onj   .     6 
FAVARGEU.  —  Op.  h5.  Fantaisie  brillante  sur  le  Comte  Ory,  pour  le  Piano 9    » 


LA    PARTITION 
POUR  CHANT  ET  PIANO  DES 


RDS 


MUSIQUE  DE 


rrix  net  :  lO  fr. 


Opéra  bouffe  en  deux  actes. 
AIRS  DE  CHANT  DÉTACHÉS  AYEC  ACCOMPAGNEMENT  DE  PIANO. 


Format  tn-S. 


ARBAN.  Quadrille,  piano  et  à  4  mains  U  50 
MUSARD  Valses,  piano  et  à  4  mains.  6  » 
MARX.  Pulka 4     » 


MICHEL  (G.)   Polka-mazurka h    » 

MERZ  (C).  Schotlisch U    » 

STRAUSS.  Grand  galnp 3    » 


LEGARPENTIER.  Bagatelle 5    » 

HESS  (CH.).  Caprice-valse 6    » 

VAI.IQUET.  Valse  très-facile 3    » 


WOLFART.  —  Transcription  facile  pour  le  piano 5     »  1  DEPAS.  —  Fantaisie  facile  pour  violon  avec  piano. 


Voulez-vous    accepter    mon    bras? 


Avec  accomp.  de  piano  :  3  fr. 
Sans  accomp.,  in"8°,         1  fr. 

Oruéc  des  portraits  photographiés  de  Brasseur  el  Gil-Pér'cs. 


Chantée  au  théâtre  du  Palais-Royal  par  BRASSEUR. 
Paroles  de  Henri  Meilhae  et  Ludovic  Ualévij,  musique  de 

J.    OFFl^MMACIÎ 


Avec  Eccomp.  de  piano  :  3  fr. 
Sans  accomp.,  in  8",  1  fr. 

Ornée  des  portraits  photographiés  de  Brassenr  cl  Gil-Pér*eï. 


La  Ronde  du  Brésilien  :  POLKA   par   Arban,  pour  le  Piano,  prix  :  4  francs. 

MORCEAUX  NOUVEAUX  POUR  LE  PIANO  : 


BERCEUSE 

PAR 

F.    Sclioen 

Op.  1.  —  Prix  :  6  fr. 


Arrangement  facile  de 

LÀ  PRIÈRE   D'UNE  VIERGE 

DE  - 

T.    BadarscwsKa 

Prix  :  3  francs. 


SOUVENIR  DE  BERLIN 

Mazurka  par 

F.   Sclioeii 

Op.  2.  —  Prix:  6  fr. 


Fantaisie  sur    LA    MUETTE  DE    PORTICl      d  Auber 

Prix  :  9  fr. 


Fantaisie  sur 


\tmà»mA,& 


Je   Flotovv 


Prix  :  7  fr.  SO. 


Fantaisie  sur 

LE   DOMINO   IVOIR 

PAR 


Mélodie 

MER     CALME 

Prix  :  7  fr.  bO. 

REllÉ     FATARCÎEII 


Polka-Jlazurka  de  salon, 

YVONNE 

Prix  :  7  fr.  50. 


Du  Siabat  Mater  de  Rossini, 


Transcription. 


Mazurka  de  salon. 

L'HYMNE   DES    VÊPRES 

PAR 


S  MBT 


Ou  Stabat  Mater  de  Rossini, 


Transcription. 


BRinfliEï     RIClKARDiS 


PAHIS    —  IMPRIHERIE  CENTRA 


nA»X   ET  C",   EVE  nF-r.r.ÙRE,   20. 


BUREAUX    A    PARIS  :    BOULEVARD   DES   ITALIENS,    I. 


30«  Année. 


Olf  S'ABONNE  s 

Dans  les  Départements  et  &  l'Étranger,  chez  tous 
les  Uarchands  de  Musique,  les  Libroires,  et  aui 
Pureaui  des  Uessogeries  et  des  Postes. 


iv.«  2r>. 


REVUE 


21  Juin  18G3. 


PRIIC  DE  L'ABONNEUEHT: 

Paris.. 24tr.p«r«n 

Départements,  Belgique  et  Suisse —    30  r,       id. 

Étrasger 3*»       '*• 

Le  Journal  parait  le  Dimaocbe. 


GAZETTE  MUSI 


'-r\j^j\J\j\J\f\f\J\j\/\r^ 


SOMMAIRE.  —  Floquet  (1"  article),  par  Arthur  Pongin.  —  De  la  poésie 
lyrique  (2'  et  dernier  article),  par  J.-B.  Rongé .  —  Extrait  de  l'Album  d'un 
pianiste  en  Egypte,  par  Charles  Wehle,  —  Revue  des  théâtres,  par 
D.  A.    D.  Saiiit-Yves,  —  Nouvelles  et  annonces. 


FLOODET. 

(Premier  article.) 
I. 

Les  provinces  méridionales  de  la  France  se  sont  de  tout  temps 
montrées  fécondes  en  musiciens  distingués  dans  toutes  les  branches 
de  l'art,  compositeurs,  instrumentistes  ou  chanteurs. 

Parmi  les  compositeurs,  nous  leur  devons  Campra,  notre  premier 
musicien  national;  le  gracieux  Mouret,  Mondonville,  Trial,  Dalayrac, 
Della-Maria,  Gaveaux  et  Champein;  puis  l'organiste  Marchand,  les 
fameux  virtuoses  Leclair  et  Gaviniés,  qui  peuvent  à  bon  droit  être 
considérés  comme  les  deux  fondateurs  de  l'école  française  du  violon, 
école  si  justement  célèbre  aujourd'hui  dans  toute  l'Europe.  Enfhi, 
dans  l'art  du  chant,  Jéliotte ,  Latour,  Mlle  Fel,  la  toute  gracieuse 
Mme  Favart,  qui  fut  à  la  fois  chanteuse,  comédienne,  musicienne, 
danseuse  et  écrivain,  Gavaudan,  l'incomparable  Garât,  dont  le  nom 
seul  rappelle  chez  nos  vieux  amateurs  les  souvenirs  d'une  admira- 
tion sans  mélange,  Dérivis,  et  bien  d'autres  dont  les  noms  m'é- 
chappent. L'art  moderne  ne  leur  est  pas  moins  redevable,  puisque 
MM.  Berlioz,  Félicien  David,  Alard,  Bazin  et  plusieurs  autres,  nous 
arrivent  en  ligne  droite  de  ces  beaux  pays  baignés  par  le  soleil. 

L'artiste  aimable  qui  fait  le  sujet  de  cette  élude  reçut  aussi  le  jour 
dans  ces  belles  contrées  pleines  d'air  et  de  lumière,  au  sein  de  cette 
riche  et  merveilleuse  Provence,  terre  privilégiée,  où  l'âme  se  dilate, 
où  l'imagination  s'exalte,  et  où  les  facultés  intellectuelles  doublent 
leur  puissance  en  présence  du  spectacle  grandiose  et  saisissant  d'une 
nature  qui  ne  se  repose  jamais. 

Etienne-Joseph  Floquet,  issu  d'une  assez  bonne  famille,  naquit  le 
25  novembre  1750  à  Aix,  ville  si  riche  déjà  en  célébrités  de  tous 
genres,  qui  avait  donné  le  jour  au  géomètre  Peiresc,  à  Brueys,  le 
poëte  comique,  au  musicien  Campra,  au  peintre  Vanloo,  aux  natura- 
listes Tournefort  et  Adamson,  au  navigateur  Entrecasteaux,  au  phi- 
losophe Vauvenargues,  et  qui  devait  le  donner  plus  tard  à  l'un  de 
nos  premiers  magistrats,  le  comte  Portails,  ainsi  qu'à  Mignet ,  l'élé- 
gant historien  de  la  révolution  française. 
Floquet  montra  de  bonne  heure  d'heureuses  dispositions   pour  un 


art  dans  lequel  il  devait  un  jour  faire  preuve  de  talent  véritable, 
et  donna  même  l'exemple  d'une  précocité  peu  commune.  Admis 
comme  enfant  de  choeur,  dès  l'âge  de  six  ans,  à  la  maîtrise  de  l'é- 
glise Saint-Sauveur,  il  étudiait  sous  la  direction  d'un  maître  in- 
connu,.et,  cinq  ans  plus  tard,  faisait  exécuter  dans  cette  même 
église  un  motet  à  grand  chœur  de  sa  composition.  Quoique  cet  essai 
fût  bien  informe  sans  doute  —  car,  malgré  de  réelles  aptitudes  musi- 
cales, Floquet  ne  posséda  jamais  cette  flamme  du  génie  qui,  chez 
un  enfant  précoce,  peut  jusqu'à  un  certain  point  tenir  lieu  de  la 
science  et  de  l'expérience  acquises  —  une  œuvre  de  celte  importance, 
menée  à  fin  dans  un  âge  aussi  tendre,  excita  à  juste  titre  parmi  ses 
compatriotes  un  intérêt  général  et  lui  attira  de  nombreuses  sympa- 
thies. Son  succès  fut  très-grand  et  l'encouragea  vivement  à  continuer 
une  carrière  à  laquelle  il  semblait  destiné,  et  qu'il  entreprenait  sous 
de  si  heureux  auspices.  Il  reprit  donc  ses  études  avec  un  zèle  et  une 
ardeur  qui  ne  se  démentirent  pas  un  instant. 

Tout  jeune  encore,  il  eut  le  malheur  de  perdre  son  père,  qu'il 
aimait  tendrement,  ainsi  qu'un  frère  aîné,  devenu  ainsi  le  chef  de 
la  famille.  Resté  seul  avec  sa  mère  et  une  sœur  cadette,  dont  cette 
double  perte  le  rendait  l'unique  appui ,  il  prit  la  résolution  de  se 
rendre  avec  elles  à  Paris,  afin  d'y  tenter  la  fortune.  Très-entrepre- 
nant de  sa  nature,  parfois  même  audacieux  jusqu'à  la  témérité  ,  Flo- 
quet ne  redoutait  aucun  obstacle,  et  ce  fut  là  ce  qui  causa  sa  perte. 

Sans  trop  songer  aux  difficultés  que  pouvait  et  devait  rencontrer  à 
Paris  un  jeune  artiste  arrivant  de  sa  province,  et  forcé  de  pourvoir 
à  l'existence  de  trois  personnes,  il  ne  songea  qu'à  mettre  son  projet 
à  exécution.  Muni  de  quelque  argent,  il  abandonna  pour  jamais  sa 
ville  natale  et  prit,  en  compagnie  de  sa  mère  et  de  sa  sœur,  le  che- 
min de  Paris.  Après  deux  semaines  environ  d'un  voyage  sans  en- 
combre, il  arriva  dans  cette  cité  qui  devait  être  un  jour  si  favorable  à 
son  talent  naissant,  lui  accorder  un  succès  sans  précédent,  en  France, 
dans  les  annales  de  l'art  musical,  mais  bientôt  suivi  d'une  réaction 
plus  injuste  encore  que  son  triomphe  d'un  instant. 

Une  fois  à  Paris,  Floquet  ne  perdit  point  de  temps.  Grâce  à  quel- 
ques bonnes  recommandations,  il  se  fit  présenter  dans  plusieurs  sa- 
lons où  sa  jeunesse,  sa  bonne  mine  et  sa  distinction  prévinrent  en 
sa  faveur.  Il  cherchait  un  poëme  à  mettre  en  musique  et  le  deman- 
dait vainement  aux  échos  d'alentour.  Qm  pouvait,  en  effet,  avoir  con- 
fiance en  un  jeune  homme  dont  la  vingtième  année  était  à  peine 
accomplie  ? 

On  comprend  que  les  vœux  de  Floquet  ne  furent  pas  tout  d'abord 
exaucés,  et  que  le  poëme,  objet  de  ses  ardentes  convoitises, ^ne  lui 
tomba  pas  à  point  nommé  du  ciel,  ainsi  que  la  manne  aux  Hébreux 


194 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


dans  le  désert.  Il  eut  cependant  le  bon  esprit  de  ne  se  point  décou-  ' 
rager  :  voyant  qu'il  ne  pouvait  arriver  tout  droit  à  son  but,  il 
finit  par  adopter  la  ligne  courbe  et  prit,  pour  arriver  au  théâtre,  le 
parti  de  se  faire  connaître  d'abord  en  dehors  du  théâtre.  Son  plan, 
une  fois  décidé,  il  se  mit  à  composer  de  la  musique  de  genre,  et 
publia  bientôt  deux  morceaux  de  chant  avec  accompagnement  d'or- 
chestre ;  il  fît  ensuite  une  chacone  (1),  —  qu'il  plaça  plus  lard  dans 
V  Union  de  l'Amour  et  des  Arts,  —  et  eut  le  bonheur  de  la  faire  en- 
tendre dans  un  concert  où  elle  excita  un  tel  enthousiasme  qu'il  ne  se 
donna  plus  une  séance  musicale,  publique  ou  particulière,  sans  qu'on 
n'y  exéculât  ce  morceau,  connu  pendant  de  longues  années  sous  le 
nom  de  Chacone  de  Floquel.  Enfin,  le  h  décembre  1772,  il  fit 
exécuter  dans  l'église  des  Petits-Pères,  pour  le  repos  de  l'âme  de 
Mondonville,  mort  le  8  octobre  de  la  même  année,  une  grande  messe 
en  musique.  Voici  comment  cette  œuvre  considérable  était  appréciée 
par  un  recueil  du  temps,  le  Journal  de  Musique,  dirigé  à  cette  épo- 
que par  Framery,  le  collaborateur  de  Ginguené  et  de  l'abbé  Feytou 
pour  la  partie  musicale  de  V Encyclopédie  du  xviiie  siècle  :  «  Celte 
messe  étoit  de  la  composition  de  M.  Floquet,  jeune  musicien,  né  à 
Aix,  connu  avantageusement  par  deux  ariettes,  avec  symphonie,  qui 
ont  para  il  y  a  quelques  mois,  et  surtout  par  une  excellente  chacone, 
exécutée  avec  le  plus  grand  succès.  Sa  messe  était  précédée  d'une 
ouverture  (2)  du  plus  grand  effet.  Les  chœurs  ont  paru  d'une  belle 
harmonie.  On  a  fort  admiré  dans  le  Tuba  mirum,  un  morceau  de 
symphonie  qui  peignait  le  bouleversement  du  jugement  dernier.  Le 
chœur.  Pie  Jesu,  était  d'un  effet  brillant,  mais  peut-être  trop  gai. 
Le  verset  Susiinuit  anima  mea,  chanté  par  une  haute-contre,  au  mi- 
lieu d'un  chœur  doux,  accompagné  de  cors,  a  été  entendu  avec 
plaisir.  En  général,  cette  messe  élait  un  peu  longue  et  trop  chargée 
de  musique,  mais  on  doit  la  regarder  comme  une  preuve  de  zèle 
et  d'émulation  de  son  jeune  auteur,  et  elle  ne  peut  que  faire  bien 
augurer  de  son  talent.  »  (Journal  de  Musique^  année  1773,  n°  1, 
page  75). 

II. 

Si  modestes  qu'ils  fussent,  et  quoiqu'on  France  le  théâtre  soit  presque 
l'unique  chemin  par  lequel  un  compositeur  puisse  arriver  à  la  répu- 
tation ,  ces  différents  essais  n'avaient  pas  été  sans  mettre  en  relief 
le  nom  de  Floquet,  et  l'entourer  d'un  certain  lustre.  Grâce  à  ses 
efforts,  à  sa  persévérance  et  aussi  à  sa  confiance  en  lui-même,  il 
allait  loucher  enfin  le  but  si  vivement  poursuivi.  Il  s'était  rencontré 
dans  le  monde  avec  un  certain  Lemonnier  (3),  qui  fut  plus  tard 
commissaire  des  guerres,  et  qui  était  alors  secrétaire  intime  du  comte 
de  Maillebois  ,  lieutenant  général  des  armées  de  France.  Connu  déjà 
par  quelques  ouvrages  donnés  au  théâtre,  Lemonnier  avait  notam- 
ment écrit  les  poëmes  du  Maître  en  droit  et  du  Cadi  dupé,  dont 
Monsigny  composa  la  musique,  et,  sous  le  pseudonyme  de  Devaux, 
celui  du  Bon  Fils,  qu'il  avait  fait  représenter  avec  Philidor.  Sur  une 
recommandation  pressante,  il  se  hasarda  à  confier  au  jeune  compo- 
siteur deux  actes  d'opéra  qu'il  avait  en  portefeuille  et  qui  avaient 
pour  titre,  l'un  Bathylle  et  Chloé ,  l'autre  Théodore.  Ivre  de  joie, 
Floquel  se  mit  au  travail  sans  plus  tarder  et  eut  bientôt  terminé  sa 
musique.  Dès  qu'elle  fut  prête  ,  on  l'exécuta  dans  le  salon  de  la 
personne  chez  laquelle  il  avait  fait  la  connaissance  de  son  collabora- 
teur. Bien  que  cette  exécution  fût  assez  médiocre,  celui-ci  se  montra 
à  ce  point  satisfait  de  la  façon  dont  Floquet  avait  interprété  ses 
pensées,  qu'il  voulut  compléter  l'opéra  en  y  ajoutant  un  troisième  acte 

(a)  La  chacone  était  un  air  de  danse  d'une  étendue  assez  considérable,  qui 
servait  souvent  de  finale  dans  les  opéras  ou  les  ballets. 

(2)  L'auteur  aurait  pu  dire  :  Introduction. 

(3)  Qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  un  autre  écrivain  du  même  nom  et  du 
mCme  temps,  l'albé  Lemonnier,  auteur  d'une  traduction  de  Perse. 


qu'il  écrivit  aussitôt  sous  le  titre  de  la  Tour  d'amour.  Cet  ouvrage 
élait  donc,  suivant  l'usage  établi  depuis  plus  d'un  siècle  à  l'Acadé- 
mie royale  de  musique  et  enfreint  seulement  par  exception,  composé 
de  trois  actes  comportant  trois  actions  différentes,  formant  chacun  un 
tout  complet  et  n'ayant  aucun  rapport  avec  les  deux  autres. 

11  semblait  que  tout  concourût  en  ce  moment  à  favoriser  Floquet. 
Un  riche  officier  général,  le  marquis  de  Fleury,  mestre  de  camp  de 
dragons  et  grand  amateur  de  musique,  avait  assisté  à  l'audition  des 
deux  premiers  actes  de  sa  partition  et  s'était  pris  de  sympathie  pour 
le  jeune  compositeur,  que  son  inteUigence  et  une  conduite  très-mé- 
ritoire à  l'égard  de  sa  mère  et  de  sa  sœur  rendaient  véritablement 
intéressant.  Homme  d'esprit,  délicat  et  généreux,  le  marquis  de  Fleury 
résolut  de  lui  être  utile  et  de  l'aider  à  se  faire  connaître.  L'idée  lui 
vint  de  faire  faire,  à  ses  frais,  une  répétition  générale  et  complète  de 
l'opéra  inédit.  Dès  que  Floquet  eut  terminé  la  musique  de  son  troi- 
sième acte,  on  fit  apprendre  les  rôles  de  l'ouvrage  par  les  principaux 
sujets  de  l'Académie  royale,  l'orchestre  de  ce  théâtre  fut  convoqué 
pour  l'un  des  jours  de  relâche  habituel,  et,  le  lundi  26  avril  1773, 
Floquet  eut  le  plaisir  d'entendre  sa  musique,  exécutée  avec  le  plus 
grand  soin.  Son  protecteur  avait  choisi  pour  lieu  de  réunion  le  su- 
perbe Vauxhall  de  la  foire  Saint-Germain,  qui  avait  élé,  comme  aux 
jours  de  grande  fête,  décoré  et  éclairé  d'une  façon  splendide  ;  des 
invitations  avaient  été  par  lui  adressées  à  tous  les  amateurs  délicats, 
ainsi  qu'à  un  grand  nombre  de  personnages  de  distinction.  L'effet  fut 
très-grand,  chacun  se  montrait  enchanté,  et  Floquet  reçut  les  applau- 
dissements et  les  félicitations  de  l'assistance  entière. 

Il  était  difficile  d'ouvrir  la  carrière  à  un  artiste  d'une  façon  plus 
ingénieuse  et  plus  charmante,  avec  plus  de  tact  et  de  délicatesse,  que 
ne  le  faisait  en  cette  occasion  le  marquis  de  Fleury.  Malheureusement 
tout  n'était  pas  décidé  par  cet  essai;  l'obstacle  le  plus  sérieux  sub- 
sistait encore,  puisqu'il  s'agissait  de  faire  recevoir  l'œuvre  à  l'Opéra, 
ce  qui  n'était  point  chose  aisée.  Le  moment  pourtant  pouvait  sem- 
bler propice.  Rameau  était  mort  depuis  près  de  dix  ans  ;  Mondonville, 
dont  la  réputation,  cent  fois  supérieure  à  ses  facultés,  pouvait  nuire 
à  un  débutant,  s'était  lui-même  éteint  l'année  précédente.  Parmi  les 
faiseurs  habituels  de  l'Opéra,  on  ne  comptait  plus  guère  que  Dau- 
vergne,  compositeur  sans  idées,  qui  était  alors  directeur  de  ce  théâtre; 
Berton,  qui  en  avait  été  le  chef  d'orchestre  et  dont  plusieurs  ou- 
vrages étaient  justement  estimés  ;  puis  enfin  le  financier  Laborde, 
premier  valet  de  chambre  du  roi,  musicien-littérateur-amateur,  érudit 
sans  science,  compositeur  sans  imagination,  immense  compilateur  des 
œuvres  d'autrui.  Quant  à  Cardonne,  Granier,  Vachon  et  quelques  au- 
tres qui  donnaient  de  loin  en  loin  quelques  ouvrages,  leur  peu  de 
valeur  ne  semblait  pas  devoir  les  rendre  fort  redoutables  aux  nou- 
veaux arrivants. 

Toutefois,  malgré  cet  état  de  choses,  la  prétention  de  Floquet  parut 
tellement  téméraire,  qu'il  vit  aussitôt  s'élever  contre  lui  toutes  les 
basses  intrigues,  les  coteries  mesquines,  les  petites  cabales  de  cou- 
hsses  qui,  alors  comme  aujourd'hui,  ne  manquaient  jamais  dans  nos 
théâtres  lyriques  de  se  déchaîner  contre  un  débutant.  Le  directeur 
de  l'Opéra,  Dauvergne  lui-même,  était  le  premier  à  susciter  au  jeune 
compositeur  nombre  de  tracasseries  el  de  difficultés.  Grâce  à  de 
puissants  auxiliaires,  celui-ci  finit  cependant  par  forcer  les  portes  du 
sanctuaire  et  par  obtenir  la  réception  de  son  œuvre.  Mais,  hélas  1  ce 
résultat,  laborieusement  atteint,  ne  mit  pas  fin  au  mauvais  vouloir 
général,  et  ce  fut,  au  contraire,  pour  Floquet,  le  temps  le  plus 
terrible  à  passer  que  celui  des  éludes  et  des  répélilions.  C'était  à 
qui  se  mettrait  en  travers  de  sa  route  et  chercherait  à  le  faire  trébu- 
cher :  directeur,  chanteurs,  danseurs,  employés,  tous  semblaient  se 
liguer  contre  lui  afin  de  le  dégoûter  et  de  le  forcer  à  abandonner 
la  partie,  ou  tout  au  moins  de  faire  tomber  sa  pièce.  11  tint  bon 
pourtant  jusqu'au  bout,  et,  après  avoir  été  vingt  fois  sur  le  point  de 


DE  PARIS. 


195 


perdre  patience,  il  eut  enQn  la  satisfaction  de   voir  arriver  le  jour 
fixé  pour  la  première  représentation. 

C'était  le  7  septembre  1773.  Malgré  sa  foi,  peut-être  un  peu  exa- 
gérée, en  son  talent,  le  succès  qui  accueillit  le  nouvel  ouvrage  fut 
certainement  plus  grand  et  plus  complet  que  jamais  son  auteur 
n'eût  pu  l'imaginer.  Quelques  citations  suffiront  à  prouver  que  je 
n'exagère  pas. 

Arthur  POUGIN. 
(La  suite  prochainement.) 


DE  LÀ  POÉSIE  LYRIQUE. 

(2«  et  dernier  article)  (1). 

Maintenant,  reprenons  le  rhythme  de  la  Chanson  du  printemps, 
composée  de  vers  de  cinq  syllabes,  coupés  par  une  césure  régulière: 

I,es  fleurs  —  sont  é'clô— ses. . . 

correspondant  à-  la  formule  musicale  : 

1,2  —  1,  2,  3  — 

Frappons  avec  la  pointe  du  doigt  sur  une  vitre,  deux  petits  coups 
suivis  de  trois,  et  continuons  cette  cadence  pendant  quelques  se- 
condes ;  nous  allons  voir  se 'succéder  une  multitude  de  motifs  popu- 
laires que  chacun  fredonne  sans  se  douter  qu'ils  ont  une  charpente 
rhythmique  analogue  : 

Le  jour  —  radieux  —  ... 
du  Pardon  de  Ploërmel  (chœur  d'introduction). 

Parmi  —  les  guerriers  —  ... 
des  Mousquetaires  de  la  reine  (couplets). 

A  moi  —  la  jeunes— se. . . 
de  Faust  (duo  du  premier  acte). 

Ces  chants  —  funérai — res. . . 
du  Trouvère  {Miserere). 

Enfin,  —  ma  vengean— ce. . . 
de  la  Reine  Topaze  (air  du  dernier  acte). 

Chasseur  —  diligent  —  ... 
de  Robin  des  bois  (chœur). 

Nous  trouvons  aussi  dans  LuUa-Roukh  trois  exemples  de  vers  de 
cinq  syllabes,  coupés  en  2,  3  : 

De  près  —  ou  de  loin —  ... 
Charman— te  vallé— e. . . 


Bientôt  —  va  parai— tre. 


Qu'on  veuille  bien  observer  qu'il  suffit  de  changer  une  ou  plusieurs 
syllabes  dans  une  strophe  pour  la  rendre  lyrique  : 

De  près  —  ou  de  loin,  — 
Il  faut  —  avec  soin  — 
Surveiller  —  la  bel— le. 
De  peur  —  d'accident, 
En  hom— me  prudent, 
Fai— re  sentinel— le. 

Ce  couplet  renferme  tous  les  rhythmes  dont  sont  susceptibles  les 
vers  de  cinq  syllabes,  alors  qu'il  n'en  fallait  qu'un  ;  si  les  poètes 
l'avaient  chanté,  la  musique  étant  un  calcul  que  l'âme  fait  à  son 
insu,  leur  aurait  probablement  dicté  les  vers  suivants  : 


(1)  Voir  la  n"  24. 


De  près  —  ou  de  loin  — 
Il  faut  —  avec  soin  — 
Veiller  —  sur  la  bel— le. 
De  peur  —  d'accident,  — 
En  hom— me  prudent,  — 
Faisons  —  sentinel — le. 
La  transposition  d'une  préposition  et  le  changement  du  temps  d'un 
verbe  ont  rendu  ce  sixtain  aussi  bien  rhythmé  que   la  musique  de 
M.  Félicien  David. 

Si  nous  voulions  pousser  nos  investigations  dans  le  répertoire  ita- 
lien ou  allemand,  pour  trouver  des  paroles  coupées  d'après  la  formule 
musicale  qui  nous  occupe,  nous  n'en  finirions  pas.  Rien  que  dans 
l'opéra  des  Nozse  di  Figaro,  Da  Ponte  en  a  fourni  dix  exemples  à 
Mozart,  et  Métastase,  plus  de  cent  aux  grands  compositeurs  du  siècle 
dernier,  dans  ses  admirables  poésies  lyriques. 

On  voit  qu'un  seul  rhythme  poétique  peut  donner  naissance  à  un 
nombre  infini  de  mélodies  entièrement  originales. 

Maintenant,  observons  que  si  l'on  déplace  la  césure,  on  peut  pro- 
duire d'autres  coupes  musicales  qui  vont  encore  ouvrir  de  nouvelles 
séries  de  chants  différents.  Par  exemple,  en  la  portant  à  droite,  on 
obtient,  toujours  pour  les  vers  de  cinq  syllabes  : 

1  —  1,  2,  3,  4  — 
formule  musicale  qui  correspond  à  la  sérénade  de  la  Juive  : 

Loin  —  de  son  ami— e 
Vi— vre  sans  plaisirs  — 

Si  l'on  recule  la  césure  vers  la  gauche,  on  forme  ce  dessin  rhythmi- 
que : 

4,  2,  3  —  1,  2  — 
dont  nous  avons  déjà  parlé  et  qui  a  inspiré  à  Grétry  le  célèbre  re- 
frain de  Zémir  et  Azor  : 

Du  moment  —  qu'on  ai— me 
On  devient  —  si  doux  — 
Et  je  suis  —  moimê— me 
Plus  tremblant  —  que  vous  — 

En  examinant  avec  attention  cette  strophe  de  Marmontel,  on  ne 
tardera  pas  à  s'apercevoir  que  depuis  1771  nous  n'avons  guère  amé- 
lioré notre  poésie  lyrique.  Si  nos  auteurs  observent  mieux  les  règles 
de  la  symétrie  en  ce  qui  concerne  le  nombre  de  syllabes  de  leurs 
vers  et  l'arrangement  de  ces  derniers  entre  eux,  pour  former  dos 
périodes,  il  faut  convenir  qu'on  n'a  presque  rien  fait  depuis  un  siècle, 
pour  introduire  dans  nos  vers  lyriques  Vaccent,  dont  le  retour  régu- 
lier forme  le  rhythme,  sans  lequel  il  n'y  a  pas  de  mélodie  possible. 

Nous  l'avons  dit  et  nous  croyons  l'avoir  prouvé,  l'emploi  de  la  cé- 
sure peut  conduire  à  ce  résultat  :  deux  vers  d'une  même  coupe  suf- 
fisent pour  écrire  le  plus  beau  refrain  ;  quatre,  six  ou  huit  d'une 
même  formule  rhythmique,  pour  inspirer  une  mélodie  très-dévelop- 
pée.  Voilà  à  quoi  se  réduit  la  réforme  du  vers  lyrique  dont  on  s'est 
fait  jusqu'à  ce  jour  un  épouvantai!,  et  encore  ces  quatre,  six  ou  huit 
vers  peuvent  être  de  différentes  longueurs,  pour  vu  qu'ils  soient 
disposés  dans  un  ordre  symétrique  quelconque. 

Les  poètes  auront  autant  à  se  louer  de  cette  réforme  que  les  com- 
positeurs, car  leurs  vers  ne  seront  plus  mutilés,  brisés  par  ces  der- 
niers ;  une  fusion  plus  complète  se  remarquera  bientôt  entre  la 
musique  et  la  poésie,  et  la  cause  qui  désunit  ces  deux  arts,  faits 
pour  marcher  ensemble,  disparaîtra  pour  toujours.  Quand  nos  libret- 
tistes auront  rhythmé  des  vers  pendant  quelque  temps,  ils  ne  vou- 
dront plus  en  faire  d'autres  ;  car  si  la  césure  les  gêne  dans  les 
premiers  temps,  dès  qu'ils  en  auront  l'habitude  ils  ne  pourront  plus 
s'en  passer.  Quel  est  celui  d'entre  eux  qui  pourrait  écrire  des  vers 
de  dix  ou  de  douze  syllabes  sans  observer  la  règle  de  la  césure  ?  Ils 
auraient,  du  reste,  mauvaise  grâce  à  refuser  à  leurs  collaborateurs 
l'iiitruduction  d'un   seul   accent  par  vers  ;  M.  Van  Ilasselt,  le  poiJte 


106 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSlCALt 


2,2,2,3,3. 


lyrique  par  excellence,  en  donne  des  exemples  nombreux;  et  il  ne  se 
borne  pas  là,  il  nous  montre  des  vers  qui  en  contiennent  deux,  trois 
et  même  quatre,  comme  on  peut  le  voir  par  le  spécimen  suivant  : 

Je  suis— le  pâ— tre  enfant— de  la  hau— te  monta— gne 
Le  jour — m'éclai— re  avant— d'éclairer— la  campa-  gne 

On  voit  que  notre  langue  n'est  pas  rebelle  au  rhythme,  comme  on 
l'a  prétendu  trop  longtemps.  Ayons  enfin  le  courage  de  réformer 
notre  poésie  comme  les  Italiens  et  les  Allemands  ont  réformé  la 
leur  pour  la  rendre  musicale.  Que  nos  vers  lyriques  ne  soient  plus 
le  résultat  d'une  addition  de  syllabes,  mais  bien  le  produit  de  la 
combinaison  régulière  des  accents  de  la  langue.  En  parcourant  les 
études  rhythmiques  de  M.  Van  Hasselt,  on  sera  bientôt  convaincu 
qu'aucune  langue  n'est  plus  souple,  plus  élastique,  plus  harmonieuse, 
plus  sonore,  plus  musicale  enfin  que  la  nôtre. 

Si  un  seul  rhythme  poétique  peut  inspirer  un  nombre  infini  de 
chants  originaux,  ainsi  que  nous  croyons  l'avoir  démontré  plus  haut, 
et  qu'on  réfléchisse  à  la  quantité  de  rhythmes  différents  dont  est 
susceptible  la  versification  française,  on  sera  ébloui  à  la  vue  de  ces 
filons  mélodiques  encore  inexplorés. 

J.-B.  RONGÉ. 


EXTRAIT  DE  L'ALBUM  D'UN  PIANISTE  EN  EGYPTE. 

Au  Caire,  2  mai  1863 

Le  17  avril  nous  arrivâmes  à  Alexandrie,  oh  nous  fîmes  immé- 
diatement nos  dispositions  pour  donner  notre  premier  concert  extra- 
européen. Je  craignais  que  le  beau  temps  et  les  fortes  chaleurs  ne 
missent  leur  veto  à  nos  intentions  musicales  ;  toutefois,  nous  ne  nous 
laissâmes  pas  décourager  :  il  fallait  commencer,  et  le  désir  de  réta- 
blir un  peu  d'équilibre  dans  nos  finances  stimulait  puissamment  notre 
zèle. 

Le  plus  difficile,  c'était  de  nous  procurer  une  salle  convenable. 
Après  bien  des  recherches,  et  grâce  à  de  hautes  protections,  on  nous 
promit  la  petite  salle  de  la  Bourse,  de  sorte  que  notre  solennité  mu- 
sicale put  être  fixée  au  25  avril. 

Le  programme  était  affiché,  lorsque  nous  reçûmes  la  foudroyante 
nouvelle  que  nous  ne  devions  pas  compter  sur  l'accomplissement  de 
la  promesse  qu'on  nous  avait  faite,  la  ville  ayant  résolu  de  donner 
un  bal  en  l'honneur  du  vice-roi  d'Egypte.  Ainsi,  même  au  pied  des 
pyramides,  les  souffrances  d'un  donneur  de  concerts  parisien  ne  nous 
furent  pas  épargnées  !  Par  bonheur,  un  génie  tulélaire  se  révéla  à 
nous  dans  la  personne  de  la  maîtresse  de  l'hôtel  Abbat.  Cette  dame 
nous  offrit  son  salon,  qui,  à  l'aide  de  deux  pièces  contiguës,  fut  ap- 
proprié à  notre  dessein.  Nos  affiches  restèrent  donc  une  vérité,  et 
le  concert  put  avoir  lieu  le  25  avril  à  8  heures  1/2  du  soir.  La  salle 
était  comble,  car,  tout  Alexandrie  (rappelez-vous  le  «  tout  Paris  »  qui 
dans  la  même  soirée  se  trouve  réuni  dans  les  quatre  salles  de  con- 
cert et  dans  une  demi-douzaine  de  théâtres),  tout  Alexandrie  était 
accouru  pour  admirer  les  «  célèbres  »  artistes  européens.  La  re- 
cette fut  bonne,  car  déduction  faite  de  frais  asser  considérables,  il 
nous  resta  2,000  francs.  Toutes  les  nationalités  étaient  représentées 
dans  l'auditoire,  mais  ce  n'était  point  l'élite  des  amis  de  l'art.  Si,  en 
dépit  des  chaleurs,  ces  messieurs  nous  écoutèrent  dans  un  profond 
recueillement,  sans  doute  nous  en  étions  redevables  à  ce  qu'ils 
goûtent  rarement  les  jouissances  artistiques  que  nous  avions  l'avan- 
tage de  leur  offrir. 

Klelzer  joua  trois  morceaux  de  Servais.  Un  duo  brillant  sur  des 
motifs  de  la  Favorite,  par  Edouard  Wolff  et  Batta,  nous  servit  d'ou- 
verture ;  j'exécutai  une  romance  sans  paroles  de  Mendelsschn  et  quel- 
ques-unes de  mes  compositions. 


Pendant  notre  séjour  à  Alexandrie,  nous  avions  souvent  été  invités 
à  déjeuner  ou  à  dîner  ;  chaque  jour  nous  nous  faisions  entendre 
dans  des  sociétés  plus  ou  moins  nombreuses.  Ces  soirées  ressemblant 
aux  raouts  d'Europe  comme  deux  gouttes  d'eau,  je  ne  m'y  arrêterai 
pas. 

Une  réunion  qui  avait  été  organisée  à  notre  intention  le  22  avril, 
chez  un  riche  négociant  italien  nommé  Petranhi,  mérite  exception.  Un 
équipage  vint  nous  chercher  vers  9  heures  du  soir,  et  nous  conduisit 
à  sa  villa,  charmante  résidence  située  à  vingt-cinq  minutes  de  la 
ville.  Sa  femme,  une  Anglaise  parfaitement  belle,  fit  les  honneurs  de 
la  maison  de  la  manière  la  plus  aimable.  C'est  avec  un  vif  plaisir 
que  nous  jouâmes,  mon  compagnon  de  voyage  et  moi,  dans  une  so- 
ciété aussi  sympathique.  Après  qu'une  sœur  de  la  maîtresse  du  logis 
nous  eut  chanté  des  airs  français  et  italiens,  on  nous  présenta  un 
grand  amateur  a  de  première  force.  »  11  était  pianiste,  et  je  le  priai 
de  nous  jouer  un  morceau  de  sa  façon.  Il  avait  déjà  pris  place  au 
piano,  avant  que  je  lui  eusse  demandé  un  échantillon  de  son  ta- 
lent ;  il  nous  fit  entendre  une  fantaisie  sur  des  motifs  de  Norma,  par 
Fumagalli.  J'étais  sur  les  épines ,  et  les  dames  ne  se  sentaient  pas 
non  plus  à  l'aise,  à  ce  qu'il  me  sembla;  car  pendant  que  le  virtuose 
égypto-italien  accomplissait  sa  corvée  sur  le  piano,  elles  se  levèrent 
toutes  et  se  précipitèrent,  pâles  et  tremblantes,  vers  la  porte.  Ainsi 
que  je  pus  m'en  convaincre  bientôt,  leur  effroi  ne  devait  pas  être 
attribué  uniquement  à  l'effet  de  cette  production  musicale  ;  car  les 
lustres,  les  murs  et  le  sol  tremblaient  également  au  bruit  des  accords 
du  moderne  Orphée.  Tout  dansait  autour  de  nous,  et  j'assistai  à  un 
vrai  tremblement  de  terre,  qui  ne  dura  guère  plus  de  deux  secon- 
des, mais  les  oscillations  des  objets  inanimés  persistèrent  encore  pen- 
dant deux  minutes. 

Notre  amateur  ne  s'apercevait  de  rien,  et  il  tapota  bravement 
sa  fantaisie  sur  Norma  avec  une  ténacité  digne  d'une  meilleure 
cause. 

Je  mentionnerai  encore  M.  et  Mme  Vigne,  de  Marseille.  Ce  couple 
aimable  est  du  nombre  des  vrais  connaisseurs,  qui  sont  rares 
en  tout  pays.  Nous  pûmes  leur  offrir  de  la  musique  du  meilleur  aloi, 
car  nous  étions  sûrs  d'être  compris. 

Mon  piano,  de  Pleyel,  qui  était  arrivé  à  Alexandrie  en  même  temps 
que  moi,  est  un  magnifique  instrument  ;  dans  la  traversée  de  Paris 
jusqu'en  Egypte  il  avait  si  bien  conservé  l'accord,  que  l'accordeur, 
M.  Virâg,  un  Hongrois,  ne  se  lassait  pas  d'en  témoigner  son  admira- 
tion. D'Alexandrie,  le  piano  partit  pour  Suez,  d'où  il  fera  route  avec 
moi  pour  l'île  de  la  Réunion. 

En  fait  de  musiciens  allemands,  j'ai  trouvé  à  Alexandrie  M.  Alexan- 
dre Dorn,  fils  du  maître  de  chapelle  à  Berlin.  Il  y  a  huit  ans  il 
était  venu  en  Egypte  pour  une  maladie  de  poitrine  :  le  jeune  homme 
y  est  resté  et  gagne  sa  vie  à  donner  des  leçons. 

Après  nous  être  arrêtés  treize  jours  à  Alexandrie,  nous  sommes 
partis  le  29  avril  à  8  heures  1/2  du  matin  pour  le  Caire,  en  chemin 
de  fer. . .  Arrivés  dans  cette  ville  à  4  heures  de  l'après-dînée,  nous 
sommes  descendus  à  l'hôtel  du  Nil,  qui  est  tenu  par  un  Allemand. 

Le  Caire,  ce  Moscou  africain,  est  la  ville  la  plus  curieuse  que  j'aie 
jamais  vue.  Vers  7  heures  du  soir,  j'entendis  pour  la  première  fois 
de  ma  vie  un  orchestre  arabe,  à  la  promenade  ;  il  ne  jouait  que  des 
airs  nationaux,  et  par  cœur,  comme  les  gitanes.  II  n'est  pas  ques- 
tion d'harmonie;  on  joue  tout  à  l'unisson;  le  rhythme  en  est  tout  à 
fait  original,  et  je  n'y  comprends  trop  rien.  Je  vais  me  procurer  quel- 
ques-uns de  ces  motifs,  et  je  tâcherai  de  les  adapter  au  piano. . . 

Charles  WEHLE. 


DE  PARIS 


197 


BEVUE  DES  THÉÂTRES. 

Théatre-Franç4is  :  La  Loge  d'opéra^  comédie  en  un  acte,  et  en 
prose,  par  M.  Jules  Lecomte.  —  Gymnase  :  Le  Train  de  minuit, 
comédie  en  deux  actes,  par  MM.  Henri  Meilhac  et  Ludovic  Halévy. 
—  Variétés  :  Les  Médecins,  comédie  en  cinq  actes,  par  MM.  Edouard 
Brisebarre  et  Nus.  —  Palais-Royal  :  Un  Monsieur  qui  a  'perdu 
son  mot,  vaudeville  par  M.  Renard  ;  les  Toréadors  de  Grenade, 
excentricité  musicale,  par  M.  Hervé.  —  Théâtre  du  boulevard  du 
Temple  :  Reprise  de  la  Famille  Moronval,  drame  en  cinq  actes, 
par  M.  Charles  Lafont. 

La  Comédie  française  est  enfin  sortie  de  son  long  sommeil  avec 
un  petit  acte,  très-agréable,  de  l'auleur  du  Luxe,  qui  est  en  même 
temps  le  chroniqueur  en  titre  du  Monde  illustré.  Nous  croyons  même 
nous  souvenir  qu'il  a  raconté,  par  avance,  le  sujet  de  sa  pièce  dans 
les  colonnes  de  ce  journal.  Il  s'agissait  d'un  jeune  aveugle,  récem- 
ment opéré  de  la  cataracte,  qui  assistait  à  la  toilette  d'une  dame, 
sans  que  celle-ci  se  doutât  qu'elle  avait  auprès  d'elle  deux  yeux  clair- 
voyants. Quand  ce  secret  lui  était  révélé,  la  nouvelle  Diane  confuse, 
ne  trouvait  d'autre  moyen  de  tourner  la  difiiculté  de  sa  situation, 
que  par  un  bon  mariage  avec  son  Acléon.  Mais  ce  nom  à'Actéon  nous 
rappelle  que  Scribe  a  traité  à  peu  près  la  même  donnée  avant 
M.  Jules  Lecomte  ;  en  cherchant  bien,  nous  trouverions  peut-être 
aussi,  dans  le  répertoire  du  Vaudeville,  une  farce  d'Arnal,  intitulée 
l'Aveu'jle  et  son  bâton,  où  ne  manquent  pas  les  points  de  ressem- 
blance. Qu'importe,  après  tout,  si  la  comédie  des  Français  est  aussi 
bien  faite  et  aussi  amusante  que  ses  aînées?  Le  public,  heureusement 
pour  messieurs  les  auteurs  dramatiques  de  nos  jours,  s'occupe  peu 
des  analogies,  et  pourvu  qu'on  le  déride,  qu'on  l'intéresse,  et  c'est 
en  quoi  a  très-bien  réussi  M.  Jules  Lecomte,  il  est  content.  Mais 
pourquoi  la  pièce  s'appelle -t-elle  la  Loge  d'opéra?  c'est  que  Mme  de 
Liria  ne  procède  à  sa  toilette,  en  présence  d'Henri  Darcey,  le  faux 
aveugle,  que  pour  profiter  d'une  loge  offerte  par  Anatole  Duvivier, 
le  rival  éconduit  eu  définitive.  C'est  le  sel  ajouté  au  ragoût  ds  l'a- 
necdote. Dans  tout  cela,  il  y  a  bien  du  marivaudage,  mais  ne  sommes- 
nous  pas  sur  le  terrain  du  Jeu  de  l'amour  et  du  hasard,  et  M.  Jules 
Lecomte,  en  confiant  les  destinées  de  sa  comédie  à  Dressant,  à  Co- 
quelin,  à  Mlle  Madeleine  Brohan,  n'a-t-il  pas  emprunté  à  Mari- 
vaux ses  meilleurs  interprètes  en  même  temps  qu'il  lui  empruntait 
son  spirituel  langage? 

Au  Gymnase,  le  Train  de  minuit,  comédie  en  deux  actes,  ne  jus- 
tifie guère  mieux  son  titre  que  la  Loge  d'opéra.  Un  jeune  homme, 
à  la  veille  de  se  marier,  se  décide  à  rompre  avec  la  famille  de  sa 
future.  La  lettre  d'excuses  qu'il  lui  adresse  tombe  entre  les  mains 
d'une  petite  fille  qui  en  fait  des  cocottes.  Les  relations  ne  sont  donc 
pas  interrompues,  et  un  beau  jour  notre  jeune  homme  se  laisse  me- 
ner à  la  mairie  et  à  l'église.  Ce  n'est  qu'après  la  noce  qu'une  expli- 
cation a  heu  entre  les  deux  époux.  11  est  trop  tard  pour  se  séparer, 
mais  on  vivra  politiquement  aux  yeux  du  monde.  Justement,  voici  un 
couple  amoureux  qui  vient  rendre  visite  au  nouveau  ménage  dans  une 
campagne  des  environs  de  Paris.  C'est  le  cas,  où  jamais,  de  chercher 
à  sauver  les  apparences,  les  deux  époux  feindront  conséquemment  une 
tendresse,  supposeront  une  entente  cordiale  qu'ils  sont  loin  d'éprouver 
l'un  pour  l'autre,  ils  le  croient  du  moins;  mais  lorsque  leurs  amis 
se  retirent,  pour  prendre  le  traiu  de  minuit  qui  doit  les  ramener 
chez  eux,  le  mensonge  est  devenu  une  réalité  ;  le  mari  adore  sa 
femme,  la  femme  ne  peut  plus  vivre  sans  son  mari,  et  l'enfer 
du  mariage  se  transforme  pour  eux  en  un  Eden  plein  de  promesses 
charmantes  de  félicité.  Un  personnage  fort  amusant,  dont  la  mention 
n'a  pu  trouver  place  dans  notre  courte  analyse,  est  celui  d'un  vieux 
commensal  que  le  mari  a  fait  venir  auprès  de  lui  pour  se  distraire, 
en  le  forçant  à  jouer  aux  échecs   du   matin   jusqu'au  soir.  Lesueur 


excelle  toujours  dans  ces  sortes  de  rôles.  Le  Train  de  minuit  est 
d'ailleurs  fort  lestement  mené  par  tous  les  artistes  qui  concourent 
à  sa  représentation;  nous  pensons  que  le  succès  en  sera  durable. 

—  Oser  faire  la  critique  des  membres  de  la  Faculté,  après  Mo- 
lière, c'est  là  une  audace  qu'on  ne  saurait  s'expliquer,  si  l'on  ne 
songeait  à  la  différence  des  temps.  Les  médecins  d'aujourd'hui  ont 
bien  aussi  leurs  travers  ;  mais  ils  ne  ressemblent  que  de  bien  loin  à 
ceux  que  notre  grand  comique  a  mis  en  scène.  W  en  est,  peut-être, 
plusieurs  d'aussi  ignorants  ;  mais  leur  insuffisance  ne  s'abrite  plus 
sous  le  bonnet  carré  et  sous  la  robe  noire,  et,  en  général,  ils  ou- 
blient leur  vocabulaire,  hérissé  de  latin  et  de  grec,  sur  les  bancs  de 
l'école.  Nous  ne  reprocherons  donc  pas  aux  Variétés  d'avoir  rassem- 
blé dans  un  cadre  divertissant  les  nombreux  types  des  médecins  qui 
se  produisent  dans  notre  société  contemporaine,  le  médecin  homœo- 
pathe,  le  médecin  spécialiste,  le  chirurgien  militaire,  le  docteur  des 
théâtres,  ce  dernier  surtout,  qui  rentre  de  droit  dans  les  attributions 
de  la  comédie  satyrique.  Le  seul  inconvénient  de  cette  galerie  de 
portraits,  c'est  qu'il  a  fallu  nécessairement,  pour  la  mettre  en  action, 
la  faire  graviter  autour  d'un  malade  imaginaire,  seconde  audace  bien 
moins  facile  à  justifier  que  la  première.  Le  malade  des  Variétés,  qui 
a  reçu  sur  la  main  une  goutte  de  teinture  noire,  à  laquelle  son  ima- 
gination prête  les  symptômes  les  plus  sinistres,  n'est  pas  de  force  à 
lutter  contre  l'Argan  de  Molière.  Cinq  actes  ne  suffisent  pas  à 
semblable  besogne,  et  pourtant  c'est  beaucoup  dans  l'espèce  ;  quel- 
ques spectateurs  ont  même  trouvé  que  c'était  trop. 

—  Le  Palais-Royal  a  représenté  deux  pièces  nouvelles  dans  la 
même  soirée,  et  toutes  deux  ont  été  assez  mal  accueillies.  Il  n'en 
faut  rien  préjuger  de  fâcheux  pour  leur  avenir  ;  car,  à  l'heure  qu'il 
est,  elles  ont  l'air  de  se  porter  assez  gaillardement.  Parlons  d'abord 
du  Monsieur  qui  a  perdu  son  mot.  Vous  pourriez  croire  que  c'est  un 
muet,  et  vous  vous  tromperiez.  Le  monsieur  est  tout  simplement  un 
comptable  qui  a  oublié  le  mot  de  passe  avec  lequel  il  ouvre  sa 
caisse,  à  l'instar  du  fameux  :  Sésame,  ouvre-toi,  des  contes  arabes. 
La  seule  chose  dont  il  se  souvienne,  c'est  que  ce  mot  était  une  injure 
grossière,  et  aussitôt,  voilà  notre  homme  qui,  pour  retrouver  la  mé- 
moire, cherche  à  se  faire  injurier  par  tout  le  genre  humain.  Enfin,  ô 
joie  !  son  frotteur  le  traite  de  crapaud  I  et  le  secret  de  la  caisse  est 
rattrapé.  El  que  l'on  dise  encore  que  nos  occupations  ordinaires 
n'exercent  pas  une  heureuse  influence  sur  le  cours  de  toutes  nos  pen- 
sées !  L'auteur  de  cette  petite  pièce  est,  assure-ton,  un  financier 
qui  fait  des  vaudevilles  dans  ses  moments  perdus.  Son  acte  du  Palais- 
Royal  n'est-il  pas  caractéristique  ?  Et,  avant  celui-là,  il  en  a  fait  re- 
présenter un  autre  qui  s'appelait  Un  million  dans  le  ventre,  et  qui 
roulait  sur  un  monsieur  ayant  eu  le  malheur  d'avaler  un  diamant,  ce 
qui  le  constituait  fort  riche  au  dedans  et  sans  ressource  au  dehors. 
René  Luguet  fait  valoir  avec  beaucoup  d'entrain  le  Monsieur  ciui  a 
perdu  son  mot.  Quant  aux  Toréadors  de  Grenade,  c'est ,  comme  le 
dit  l'affiche,  une  excentricité  musicale,  avec  accompagnement  de 
courses  de  taureaux,  de  boléros,  de  cachuchas,  etc.  M.  Hervé,  selon 
sa  coutume,  en  a  fait,  à  la  fois,  les  paroles  et  la  musique.  Nous  laisse- 
rons de  côté  les  paroles  qui,  le  premier  soir,  ont  soulevé  une  véri- 
table tempête,  pour  signaler,  dans  la  musique,  un  air  comique  assez 
original  et  fort  bien  chanté  par  Bonnet,  un  boléro  dans  lequel  Mlle  Las- 
sény,  une  débutante,  a  fait  preuve  de  goût,  et  une  chansonnette  exé- 
cutée par  Mlle  Schneider,  qui  aurait  dû  s'en  tenir  là ,  et  nous  faire 
grâce  de  sa  danse  un  peu  lourde. 

—  Les  reprises  sont  toujours  à  l'ordre  du  jour  ;  mais  il  en  est  peu 
qui  offrent  autant  d'intérêt  que  celle  qui  a  succédé  à  Léonard  sur  la 
scène  du  théâtre  du  boulevard  du  Temple.  La  famille  Moronval  est 
un  drame  emprunté  à  l'ancien  répertoire  de  la  Porte-Saint-Martin. 
Une  action  attachante,  des  péripéties  terribles,  une  forme  toute  litté- 
raire ont  valu  naguère  à  cette  pièce  un  très-grand  succès.  C'était  le 


19S 


BEVDE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


début  de  M.  Charles  Lafont,  dont  le  nom  a  acquis,  depuis  cette 
époque,  une  honorable  notoriété,  à  laquelle  se  rattache  la  représen- 
tation, au  Théâtre-Français,  d'wi  Chef-d'œuvre  inconnu.  Le  rôle  créé 
par  Mlle  Georges  est  aujourd'hui  rempli,  dans  la  famille  Moronval, 
par  Mlle  Victorine  de  Gourlais,  jeune  et  belle  comédienne,  que  le 
regain  très-mérilé  de  ce  drame  célèbre  ne  peut  manquer  de  recom- 
mander à  l'attention  des  directeurs  en  quête  d'étoiles. 

D.  A.  D.  SAINT- YVES. 


NOUVELLES. 


^%  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  lundi  le  Comte  Onj  et  Gi- 
selle  ;  mercredi  Guillaume  Tell  et  vendredi  la  Favorite  avec  le  Marché  des 
Innocents. 

^*^.  La  reprise  des  Vêpres  siciliennes  n'aura  pas  lieu  avant  la  fin  du 
mois.  Verdi  a  écrit  pour  Villaret  une  romance  qui  remplacera  la  cava- 
tine  chantée  par  le  ténor  au  quatrième  acte.  Mlle  Vernon  est  char- 
gée d'un  rôle  important  dans  le  divertissement  de  cet  opéra. 

j,**  Nous  avons  annoncé,  il  y  a  quelque  temps  déjà,  l'engagement  au 
théâtre  impérial  de  l'Opéra  de  Mlle  Amina  Boschetti,  et  ses  débuts  au 
mois  d'octobre,  dans  un  grand  ballet  composé  en  collaboration  par 
MM.  Rota  et  Giorza.  Le  sujet  serait  celui  de  Don  Juan,  et  la  direction 
a  définitivement  traité  avec  MM.  Rota  et  Giorza  qui  comptent  de  nom- 
breux succès  en  Italie,  et  qui  y  ont  fait  dernièrement  applaudir  la  Corn- 
tessa  d'Egmont  et  Bianchi  e  Neri. 

,**  Après  ses  grands  succès  à  Londres,  Mme  Amalia  Ferraris  va  par- 
tir pour  Florence.  Elle  est  venue  passer  quelques  jours  à  Paris. 

^**  Zampa,  Haydée  et  la  Dame  blanche  constituent  pour  le  théâtre  de 
l'Opéra-Comique  un  répertoire  fructueux.  Les  deux  dernières  pièces 
n'auront  plus  que  quelques  représentations ,  Achard  prenant  son  congé 
le  1"  juillet. —  Les  Amours  du  Diable  sont  destinés  à  combler  ce  vide. 

^*^  M.  Mico  ne  s'étant  pas  trouvé  en  mesure  de  remplir  à  jour  fixé  les 
obligations  stipulées  par  le  cahier  des  charges  pour  la  concession  du 
privilège  du  théâtre  Oriente  à  Madrid,  a  dû  renoncer  à  cette  conces- 
sion, dont  M.  Bagier  est  devenu  titulaire  définitif. 

***  Mme  Anna  Lagrange  est  arrivée  à  Paris;  on  sait  que  IVI.  Bagier  l'a 
engagée  pour  la  prochaine  saison. 

^*^  Au  dernier  voyage  qu'a  fait  H.  Berlioz  à  Weimar,  S.  A.  R.  la 
grande-duchesse  de  Saxe-Weimar  lui  avait  témoigné  le  désir  de  con- 
naître sa  partition  des  Troyens.  Son  Altesse,  après  l'avoir  lue,  a  fait 
adresser  à  l'auteur  une  lettre  de  félicitations  et  une  riche  bague  ornée 
de  diamants. 

»*3,  Nous  avons  omis  de  citer  dans  la  nomenclature  des  nouveautés 
annoncées  pour  la  saison  prochaine  par  le  théâtre  Lyrique,  les  Mémoires 
de  Fanchette,  dont  M.  Nuitter  a  écrit  les  paroles,  et  le  comte  Gabrielli 
composé  la  musique. 

»*^  La  démolition  de  la  salle  du  théâtre  des  Bouffes-Parisiens  est  ter- 
minée. On  va  procéder  à  sa  reconstruction.  La  troupe  est  à  Ems.où  elle 
a  dû  commencer  ses  représentations. 

^*^  Au  théâtre  Beaumarchais,  tous  les  soirs,  grande  représentation, 
Il  est  Pou  J  avec  Taillade  dans  le  principal  rôle.  Ce  théâtre,  placé  de- 
puis sept  ans  sous  la  direction  intelligente  de  M.  Eartholy,  ne  cesse 
d'attirer  la  faveur  du  public;  le  talent  remarquable  des  artistes,  le  choix 
des  pièces,  le  mettent  aujourd'hui  au  rang  des  spectacles  à  la  mode. 

„*,t  Dans  l'incendie  du  théâtre  Treumann,  à  Vienne,  les  artistes  de 
l'orchestre  ont  perdu  leurs  instruments,  qui  ontété  la  proie  des  flammes. 
Un  d'entre  eux  possédait  un  basson  auquel  il  tenait  beaucoup,  qu'il  em- 
portait chaque  soir  chez  lui,  et  que  ce  jour-là  il  eut  la  malheureuse 
idée  de  laisser  à  l'orchestre;  le  lendemain,  on  voyait  le  pauvre  artiste 
errer,  en  pleurant,  autour  des  cendres  fumantes  où  étaient  enfouis  les 
restes  de  son  instrument  chéri.  On  ne  sait  encore  rien  de  certain  sur 
les  causes  qui  ont  amené  ce  sinistre. 

»**  Le  nouveau  directeur  du  théâtre  de  la  Scala,  à  Milan,  M.  Bru- 
nello,  a  passé  quelques  jours  à  Paris.  Au  nombre  des  engaf^ements  qu'il 
a  faits  pour  la  saison  d'automne,  on  cite  Wme  Lafon;  MM.  Palmieri, 
ténor;  Colonese,  barylon;  Capponi,  basse,  et  pour  le  carnaval  le  ténor 
Carrion.  M.  Brunello  s'est  attaché  aussi  l'excellent  maître  de  ballet 
Perrot,  M.  Rota  et  Mlle  Lamoureux,  première  danseuse. 

^*^  On  lit  dans  le  Monde  artiste  :  »  La  Société  des  auteurs,  composi- 
teurs et  éditeurs  de  musique;  a  tenu  sa  séance  annuelle,  dimanche  der- 
nier, dans  les  salons  de  M.  Souflleto.  Notre  lionorable  trésorier,  M.  Plan- 


tade,  a  lu  un  rapport  financier  très-clair,  très-concis  et  surtout  très- 
satisfaisant.  M.  Sauvage,  président,  a  prononcé  ensuite  un  discours 
remarqua'ble  sur  l'ensemble  des  faits  et  sur  la  situation  générale  de  la 
Société,  qui  maintenant  est  dans  une  véritable  voie  de  prospérité,  grâce 
à  l'activité  intelligente,  au  zèle  éclairé  de  M.  Rollot,  l'agent  général ,  et 
à  l'administration  sage  et  bienveillante  de  tout  le  syndicat.  Pour  rem- 
placer les  trois  membres  sortants  du  syndicat,  l'assemblée  a  nommé 
MM.  Sylvain  Saint-Étienne,  auteur  de  paroles;  Bazzoni,  compositeur,  et 
Vieillot,  éditeur.  » 

***  Deux  concerts  donnés  par  la  ville  de  Nevers,  la  semaine  dernière, 
à  l'occasion  du  concours  régional,  ont  failli  avoir  pour  un  de  nos  plus 
éminents  artistes,  D.  Alard,  des  suites  funestes.  Il  se  rendait  par  un 
train  express  de  Bordeaux  à  Nevers,  lorsque,  dans  la  gare  de  Périgueux, 
une  méprise  de  l'aiguilleur  dirigea  le  convoi  sur  un  autre  train  en  par- 
tance. Le  choc  fut  terrible, et  une  douzaine  de  voyageurs  furent  plus  ou 
moins  gravement  contusionnés.  Alard,  plus  heureux  que  ses  compagnons, 
n'aurait  eu  aucune  blessure,  si  sa  boîte  à  violon,  dont  il  ne  se  sépare  ja- 
mais et  qu'il  avait  placée  dans  le  filet,  n'en  était  violemment  sortie  au 
moment  de  la  secousse,  et  n'était  venue  le  frapper  à  l'avant-bras,  au- 
quel elle  fit  une  profonde  écorchure.  On  fréra't  en  pensant  que,  si  elle 
l'eût  atteint  un  peu  plus  haut,  elle  l'aurait  probablement  tué.  Cet  ac- 
cident n'a  point  empêché  le  célèbre  violoniste  de  tenir  l'engagement 
qu'il  avait  pris,  et  il  a  joué  ses  belles  fantaisies  sur  Robert,  la  Muette, 
le  Trovatore,  Linda  et  Un  Ballo  avec  un  succès  immense,  et  qui  s'ac- 
croissait encore  à  la  pensée  du  danger  couru.  La  ville  avait  convo- 
qué, pour  cette  solennité,  les  deux  excellents  chanteurs,  M.  et  Mme  Meil- 
let  et  Morère;  M.  Léo  Delibes  s'était  chargé  des  fonctions  d'accompagna- 
teur. Le  grand  duo  des  Huguenots,  le  dernier  acte  du  Trouvère,  des 
fragments  du  Maitre  de  chapelle,  composaient  le  programme.  C'est  assez 
dire  que  la  fête  a  tenu  tout  ce  qu'elle  promettait. 

,t**La  musique  des  guides,  sous  l'habile  direction  de  M.  Mohr,  leur  chef, 
a  exécuté,  dimanche  dernier,  à  Saint-Germain,  une  grande  et  belle 
marche  triomphale,  composée  par  Alexandre  Batta.  Ce  morceau,  d'une 
large  facture,  a  été  vivement  acclamé,  et  a  obtenu  un  grand  succès 
parmi  les  artistes  d'élite  qui  l'ont  exécuté  avec  une  rare  perfection. 

^*^  On  vient  d'inaugurer  un  buste  de  Beethoven,  auprès  de  Vienne, 
au  bord  du  ruisseau  de  Dobbling,  dans  un  endroit  solitaire,  où  le  grand 
compositeur  aimait  à  se  reposer  et  à  rêver.  Ce  buste  a  été  modelé  et 
fondu  par  Fernkorn. 

,t'*t  Après  avoir  parcouru  les  Principautés  danubiennes,  Edouard  Wolff, 
l'éminent  pianiste-compositeur,  est  de  retour  en  Allemagne.  —  11  était 
ces  jours  derniers  à  Mayence. 

*"'*  La  Marche  des  Cipayes,  tel  est  le  titre  d'une  fort  jolie  composition 
pour  le  piano,  que  vient  de  publier  M.  Emmanuel Chabrier,  jeune  artiste 
de  grande  espérance.  Ce  morceau  caractéristique  se  distingue  par  l'élé- 
gance du  style,  le  tour  vif  et  piquant  des  motifs,  et  le  coloris  d'une 
harmonie  pittoresque.  Le  succès  fait  rarement  défaut  à  de  si  heureuses 
qualités. 

„,**  Un  grand  concert  sera  donné  à  Douai,  le  13  juillet.  Sivori  qui 
devait  quitter  Paris  à  la  fin  de  ce  mois,  a  cédé  aux  sollicitations  de 
l'organisateur,  M.  François,  et  s'y  fera  entendre. 

*%  Nous  sommes  en  retard  pour  annoncer  une  heureuse  invention 
de  M.  Delsarte  pour  l'accord  des  pianos.  Son  yuide-accord  obtient  un 
succès  mérité,  et  l'emploi  en  est  recommandé  par  tous  les  profe.sseurs 
à  leurs  élèves.  —  L'oreille  est  susceptible  de  se  tromper;  le  guide-accord 
est  infaillible. 

,j*^  Le  chef  de  la  célèbre  librairie  musicale  Uofmeister,  à  Leipzig, 
M.  Wilhelm  Hofmeister,  a  été  nommé  récemment  professeur  de  bota- 
nique et  directeur  du  jardin  botanique  à  Heidelberg.  Les  travaux  de 
M.  Hofmeister,  qui  se  rattachent  â  cette  science,  notamment  sur  les 
cryptogames,  ont  fait  sensation. 

**^  La  Société  des  fêtes  de  bienfaisance  de  Calais  organise  pour  le  19 
et  le  20  juillet  prochain  un  grand  festival  de  musique  d'harmonie,  de 
fanfare  et  d'orphéon,  offert  à  toutes  les  sociétés  musicales  de  la  France 
et  de  l'étranger.  11  sera  accompagné  de  brillantes  régates. 

.^*.f  A  Wiesbaden  et  à  Ems  auront  lieu  cette  année  de  splendides 
fêles,  qui  réuniront  les  artistes  les  plus  renommés.  Déjà  parmi  les  il- 
lustrations on  cite  Alexandre  Batta ,  engagé  pour  y  faire  entendre  ses 
dernières  compositions,  au  nombre  desquelles  on  cite  comme  très-re- 
marquables sa  grande  fantaisie  avec  orchestre  sur  le  Freisclmtz,  dédiée 
à  S.  M.  le  roi  des  Pays-Bas,  et  ses  études-caprices  de  concert.  Mme  Es- 
cudier-Kastner  et  Vieuxtemps;  puis  Vivier,  Godefroid,  Servais,  Sivori, 
Alard  et  Mme  Cabel,  se  succéderont  dans  ces  fêtes,  qui  attirent  à  chaque 
saison  nouvelle  l'élite  de  l'aristocratie.  Mme  Escudier  et  A.  Batta  sont 
aussi  demandés  à  Spa  et  à  Hombourg. 

/\  La  salle  Robin  a  offert  cette  semaine  un  spectacle  d'un  attrait  ir- 
résistible et  merveilleux  ;  il  s'agissait  d'étranges  apparitions  de  spectres 
et  d'esprits  impalpables.  Jusqu'à  ce  jour  on  avait  pu  admirer  sa   caisse 


DE  PARIS. 


199 


battue  par  son  prétendu  médiam  d'Inkermann;  M.  Robin  donne  mieux 
encore,  il  évoque  le  fantôme  de  ce  zouave  comme  il  l'a  fait  à  Londres 
pendant  l'exposiiion. 

t*^  Au  Pré  Catelan,  aujourd'hui  dimanche,  l'orchestre  de  Musard, 
augmenté  pour  la  ciiconstance,  exécutera  la  grande  ouverture  en  forn.e 
(le  marche  composée  par  Meyerbeer  pour  l'Exposition  de  Londres. 
M.  Duprez  a  été  spécialement  engagé  pour  y  jouer  le  solo  de  clarinette 
basse.  Tout  Paris   voudra  applaudir  cette  œuvre  magistrale. 

**»  Cette  semaine  ont  eu  lieu  les  funérailles  de  M.  Pitre-Chevalier, 
directeur-propriétaire  du  Musée  des  familles,  qui  a  succombé  à  une  très- 
courte  maladie.  M.  Pitre-Chevalier  était  né  en  Bretagne  ;  il  a  écrit  sur 
cette  contrée  de  la  France  un  ouvrage  estimé;  en  outre  il  s'occupait  de 
littérature  légère;  l'hiver  dernier,  on  a  pu  entendre  dans  plusieurs  salons 
un  agréable  proverbe  de  lui,  le  Cigare,  exécuté  par  deux  acteurs  de 
rodéon.  M.  Pitre-Chevalier  recherchait  beaucoup  la  société  des  artistes, 
qui  trouvaient  chez  lui  une  agréable  hospitalité. 


CHRONIQUE  DÉPARTEMENTALE. 


^*,  Bordeaux.  —  Le  festival  donné  au  Grand  Théâtre  par  le  Cercle 
littéraire  et  artistique  a  été  des  plus  brillants.  La  société  élégante 
avait  voulu  apporter  son  obole  aux  pauvres,  en  témoignant  au  nouveau 
cercle  son  estime  et  sa  sympathie.  Dans  la  partie  instrumentale ,  il  y 
avait  M.  Ileliking,  notre  habile  violoncelliste,  et  un  jeune  violoniste 
dont  le  nom  nous  était  encore  inconnu,  SI.  Magnin.  Ce  dernier  venait 
demander  la  consécration  de  son  talent  à  ce  même  public  qui,  la  veille 
encore,  applaudissait  Vieuxtemps,  Sivori,  Alard,  Becker.  M.  Magnin  a 
obtenu  beaucoup  de  succès  en  jouant  un  concerto  de  Bériot ,  ainsi 
qu'une  fantaisie  inédite  à  lui  dédiée  par  le  même  maître.  Il  a  été  rap- 
pelé après  chacun  de  ses  morceaux.  Le  lendemain,  il  s'est  fait  entendre 
dans  les  salons  du  Cercle.  M.  le  président  l'a  remercié  dans  les  termes 
les  plus  chaleureux,  et  lui  a  remis  une  magnifique  palme  au  milieu 
des  applaudissements  frénétiques. 

i'^  Marseille.  —  Un  grand  festival  orphéonique,  organisé  sous  la  di- 
rection de  M.  Aug.  Morel,  au  profit  des  ouvriers  cotonniers,  a  été  donné 
dimanche  dernier  dans  la  salle  du  grand  théâtre.  Onze  sociétés  cho- 
rales, unies  aux  deux  musiques  militaires  du  24<=  et  du  64=  de  ligne, 
formant  la  masse  imposante  de  six  cents  exécutants,  ont  pris  part  à 
cette  magnifique  solennité.  A  nombre  des  morceaux  exécutés,  la  Marche 
aux  flambeaux,  de  lUeyerbecr,  jouée  par  la  musique  du  24"  de 
ligne,  sous  la  direction  de  son  habile  chef  M.  Vias,  qui  a  parfaitement 
compris  cette  page  grandiose,  a  produit  un  immense  effet.  M.  'Vias  a  été 
rappelé  à  grands  cris  et  salué  par  d'unanimes  applaudissements. 


CHRONIQUE   ETRANGERE. 


/^  Londres.  —  Le  début  d'Obin  s'est  accompli  d'une  façon  très-bril- 
lante dans  Bertram,  de  Bvbert  le  Diable.  Il  y  a  déployé  toutes  les  belles 
qualités  qui  le  font  toujours  applaudir  sur  le  théâtre  de  l'Opéra  de 
Paris,  et  il  n'a  nullement  paru  gêné  par  le  nouvel  idiome  dans  le- 
quel il  chantait.  Le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer  a  été  d'ailleurs  admi- 
rablement interprété  par  Tamberlick  et  Mlle  Battu,  qui  a  pris  avec 
beaucoup  de  succès  le  rôle  d'Isabelle  à  la  place  de  Mme  Fioretti.  Cette 
dernière  a  tout  d'un  coup  disparu  et  quitté  le  théâtre  sans  qu'on  sache 
où  elle  est  allée.  M.  Lumley,  voulant  témoigner  à  Mme  Piccolomini-Gao- 
tani  sa  reconnaissance  de  la  gracieuseté  qu'elle  a  mise  à  chanter  à  son 
bénéfice,  lui  a  fait  hommage  d'un  très-beau  bracelet  dans  le  goût 
étrusque. —  Mlle  Désirée  Artot  a  chanté  lundi  dernier  chez  la  princesse 
de  Galles.  Leurs  Altesses  Royales  sont  venues  féliciter  la  brillante 
cantatrice  en  ajoutant  :  «  Qu'ils  ne  tarderaient  pas  à  aller  l'applaudir 
au  théâtre  de  la  Ueine.  Mlle  Artot  avait  dû  chanter  le  même  soir  à  la 
Société  philharmonique,  où  elle  a  obtenu  un  très-grand  succès.  La 
princesse  Hélène  assistait  ix  ce  concert. 

,*,f  Francfort.  —  Au  mois  de  juillet  on  célébrera  le  vingt-cinquième 
anniversaire  de  la  fondation  de  l'institut  Mozart.  A  la  fête  musicale 
qui  aura  lieu  à  cette  occasion,  on  entendra,  entre  autres,  une  ouverture 
inédite  de  concert,  par  F.  iJiller,  et  diverses  compositions  de  MM.  Bock 
et  Bruch,  élèves  de  l'établissement.  —  A  la  dernière  représentation  des 
Huguenots,  se  sont  fait  entendre  trois  artistes  étrangers  :  Wachtel 
(Uaoul),  Mlle  Zirndorfer  (Valentine),  et  Mlle  VYalbach  (Marguerite). 

,*^  Manheim.  —  Le  14  juillet,  a  été  exécuté  sur  notre  théâtre  Loretci, 


opéra  nouveau  de  Geibel,  musique  de  Bruch,  élève  de  l'institut  Mozart, 
à  Francfort. 

»*»  Berlin.  —  L'opéra  de  la  salle  KroU  continue  à  compléter  son  ré- 
pertoire :  Martha,  la  Dame  blanche,  le  Maçim  et  le  Philtre  ont  déjà  été 
représentés  pendant  cette  saison.  Le  Philtre  avait  attiré  beaucoup  de 
monde  ;  Mlle  Suvanny  fait  merveille  dans  le  rôle  d'Adine. —  Le  ministère 
du  commerce  a  vendu  les  bâtiments  de  l'ancien  théâtre  Kcenigstadt 
au  banquier  Lévi,  au  prix  de  200,000  thalers.  —  Peu  de  jours  avant 
la  clôture  du  théâtre  de  la  cour,  Mlle  Sau  ter  a  chanté  avec  succès  le 
rôle  d'Alice,  dans  Robert  le  Diable. 

»*,s  Turin. — Au  théâtre  Scribe  a  eu  lieu  la  première  représentation  de 
Don  Carlo,  de  M.  le  chevalier  de  Ferrari  ;  composée  d'abord  pour  le 
théâtre  Carlo  Felice  de  Gênes,  l'œuvre  a  été  complètement  remaniée  et 
même  refaite  dans  certaines  parties.  Le  sujet  est  le  même  que  celui 
de  Filippo,  d'Alfieri,  et  le  livret  du  poète  Eerninzone,  sans  être  un 
chef-d'œuvre,  «ït  raisonnable  et  amusant.  La  musique  est  en  général 
belle  et  même  très-belle  dans  plusieurs  morceaux  ;  aussi  le  succès  a-t-il 
été  aussi  grand  que  mérité,  quoique  la  masse  des  chœurs  et  des  musi- 
ciens eût  pu  être  plus  considérable.  L'exécution  a  été  digne  d'éloges.  — 
Mme  de  Giuli,  aussi  bonne  actrice  que  cantatrice,  le  ténor  Guidotti,  la 
basse  Mezzanti,  Cesaro,  ont  fort  bien  interprété  le  nouvel  opéra  du 
maestro  Ferranti. 

^'^  Milan,  —  La  dernière  séance  du  Conservatoire  avait  attiré  une 
grande  foule.  Au  nombre  des  morceaux  exécutés  figurait  l'ouverture 
du  Pardon  de  Ploermel,  vrai  trésor  de  science  et  ;d'jnspiration  musicale, 
qui  a  soulevé  les  applaudissements  de  toute  la  salle. 


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Par    H.  VALIQUET 

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200 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


ALPHONSE    SAZ    (JUNIOR) 


Factear  et  Ingénieur  en  instromenls  de  MusiqDe 


MAIVUFACTURE  D'INSTRUMENTS  EN  CUIVRE  ET  EN  BOIS 

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Breveté  de  S.  M.  l'Empereur  des  Français.  —  Grand  brevet  de  S.  M.  la  reine  d'Angleterre.  —  Breveté  de  S.  M.  le  roi  des  Belges.  —  2'n«  prix  en  1838.  —  1"  prii 
en  1841.  —  Prix  d'honneur,  médaille  d'or,  en  1843.  —  Médaille  d'argent  à  l'Exposition  de  Paris,  ISai.  —  DÉIiÉGUÉ  par  le  gouvernement  belge  pour  visiter 
l'Exposition  universelle  de  Londres,  en  1851.  —  Exposition  universelle  de  Paris,  1855,  les  plus  belles  pages  du  Bapport  officiel,  27"'  Classe,  pages  1835-1336.  — 
Exposition  universelle  de  Londres,  1862,  PRIZE  MEOAL,  avec  cette  mention  :  POUR  EXCEl.l,E^'CE  DE  TOUTE  ESPÈCE  D'INSTRUMBMTS  DE  CUI\'RE. 
—  .Membre  de  l'INSTITlIT  POLYTECHNIQI  E  de  Paris,  membre  de  l'ASSOCIATION  INTERNATIONALE  POUR  LE  PROGRÈS  DES  SCIENCES  SOCIALES.  — 
MEDAILLE  D'OR  et  Membre  du  CORPS  SCIENTIFIQUE  DE  L'HOTEL  DE  VILLE  DE  PARIS. 

MANUFACTURE  DE  PIANOS  —  MAISON  HENRI  HERZ 

IKue  de  la  Tictoire,  4S,  à  Paris. 

L'immense  succès  que  les  Pianos  de  la  Maison  Henri  HERZ  ont  obtenu  à  l'Exposition  universelle  de  Paris,  en  1855, 
vient  de  se  reproduire  à  Londres  avec  plus  d'éclat  encore  :  aussi  le  Jury  international  vient-il,  en  plaçant  ces  instruments 
au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimité,  à  M.  Henri  HERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection 
reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  solidité,  de  la  sonorité,  de  l'égalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  d'expression.  (Rapport  du  Jury  international.) 


fl'o  médaille  d^or 

Exposition  nationale  françaisede  1849. 

DÉCORUION  DE  LA  LÉGION  D'HONNEUII 
Exposition  de  1849. 


MNDFÂCTDRE  D'INSTRUMENTS  DE  KDSIQUE  EN  CDIVRE  ET  EN  BOIS 

FONDÉE  A  PARIS  EN  1843  PAR 


H'"  médaille 

Exposition  nationale  belge  de  1841. 

DÉCORATION  DE    LA   COURONNE  DE   CHÊNE 
de  Hollande  (1845). 


1"  médaille  d'argent 

Exposition  nationale  française  de  18a4. 


Grande  médaille  d'or 

du  Mérite  de  Prusse  (1846). 


Facteur  de  la  maison  militaire  de  l'Empereur. 

RUE  SAINT  ■  GEORGES,    50 

Seule  grande  mëdallle  d'itonuenr  à  l'Expositien  universelle  de  Paris  (1S55).  —  Seule  grande  niëdallle 

(Cotincil  Metlal)  à  l'Exposition  universelle  de  liondres  (lS5t). 

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Tous  les  Instruments  à  pistons  avec  addition  d'une  ou  plusieurs 

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bales, etc.,  etc. 


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les  Blarchnnds  de  Musique,  les  Libraires,  et  aux 
Purcaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


IVo  26. 


REVUE 


28  Juin  1863. 


PRIX  DE  L'ABONNEMENT  : 

Paris 24rr.par(m 

DépartémeDts,  Belgique  et  Suisse....    30  -i       id. 

Élranser M  .i      id. 

Le  Jouroal  parait  le  Dimanche. 


ET 


GAZETTE 


SICA 


— vuUWUWlAA'V'- 


SOMMAIRE.  —  La  Musique  au  théâtre,  par  Paul  Smith.  —  Orphéon  de 
Paris,  première  et  deuxiènie  séances  annuelles  au  Cirque  Napoléon.  —  Festival 
à  Strasbourg.  —  Correspondance  :  Londres.  —  Nouvelles  et  annonces. 


L&  MUSIQUE  AU  THÉÂTRE. 

Tel  est  le  titre  du  livre  dans  lequel  M.  A.-L.  Malliot  retrace 
l'histoire  de  tous  nos  théâtres  lyriques,  et  traite  les  diverses  ques- 
tions qui  s'y  rattachent,  au  double  point  de  vue  de  l'intérêt  des  mu- 
siciens et  de  celui  du  public.  Je  commencerai  par  rendre  pleine  justice 
à  l'auteur  et  à  l'ouvrage.  M.  A.-L.  Malliot  s'est  fait,  à  Rouen,  une 
belle  position  d'artiste  :  professeur,  il  a  formé  d'excellents  élèves; 
compositeur,  il  a  réussi  au  théâtre;  écrivain,  il  s'est  distingué  dans 
la  presse,  et  le  voilà  maintenant  qui  publie  un  volume  dont  le  mérite 
n'est  pas  douteux.  Personne  jusqu'ici  n'avait  résumé  avec  autant 
d'exactitude,  de  clarté,  les  annales  de  notre  grand  Opéra,  de  notre 
opéra-comique,  et  des  autres  théâtres,  sur  lesquels  la  musique  ob- 
tint la  permission  de  se  produire  pendant  un  temps  plus  ou  moins 
long,  ou  de  s'installer  définitivement.  Personne  n'avait  réuni  des  do- 
cuments aussi  nombreux,  aussi  curieux  sur  les  causes  et  les  effets 
des  révolutions  qui  agitèrent  le  monde  lyrique.  Le  chapitre  du  grand 
Opéra  remplit  seul  près  de  cent  pages,  et  celui  des  Bouffes-Parisiens 
en  a  plus  d'une  douzaine.  D'autres  chapitres  sont  consacrés  à  la 
théorie,  à  la  critique,  et,  si  je  ne  suis  pas  toujours  de  l'avis  de  l'auteur, 
du  moins  je  constate  avec  plaisir  qu'il  lit  assidûment  la  Revue  et  Ga- 
sette  musicale,  qu'il  la  possède  à  fond,  et  qu'il  en  tire,  pour  les  be- 
soins de  sa  cause,  une  collection  assez  riche  de  faits  et  d'arguments. 
La  pensée  dominante  de  M.  A.-L.  Malliot,  c'est  que  le  xix<^  siè- 
cle, qui  s'est  signalé  par  tant  d'améliorations,  de  progrès,  n'a  pas 
fait  pour  la  musique  au  théâtre  ce  qu'il  aurait  dii  faire  :  «  Tout  le 
monde,  dit-il,  parle  musique,  tout  le  monde  s'occupe  de  cet  art,  tout 
le  monde  l'aime  et  s'y  livre.  C'est  plus  qu'un  goût,  plus  qu'une 
mode,  c'est  un  besoin.  La  musique  dramatique,  notamment,  jouit 
d'une  grande  popularité  et  domine  les  autres  branches  de  cet  art 
charmant.  Eh  bien  !  la  musique  dramatique,  la  musique  au  théâtre 
est  encore  entravée,  enchaînée  dans  les  liens  formés  par  les  lois  res- 
trictives de  l'ancien  régime.  La  musique  et  les  musiciens  sont  tou- 
jours soumis  à  des  règles  d'exception,  à  des  restrictions,  à  des 
dîmes,  à  des  impôts  spéciaux  qu'une  longue  habitude  a  consacrés,  et 
que  l'on  laisse  subsister  par  cet  amour  presque  invincible  de  la  rou- 
tine qui  nous  caractérise.  »  Le  remède  à  ces  maux,  ce  serait  d'a- 
bord la  suppression  des  privilèges  ;  M.  Malliot  la  demande,  et  il  n'est 


pas  le  seul  :  il  veut,  non  pas  une  liberté  absolue  et  sans  ordre, 
mais  «  une  liberté  réglée  à  laquelle  serait  jointe  une  protection 
grande,  efficace,  féconde,  qui  élargisse  les  voies  et  renverse  les  bar- 
rières multipliées  comme  à  plaisir  dans  l'arène  de  l'art  musical  au 
théâtre.  »  Tout  cela  serait  fort  beau  sans  dûute,  mais  je  me  permet- 
trai de  dire  à  M.  Malliot  que  ce  serait  d'une  exécution  bien  difficile. 
Il  fut  un  temps,  où,  comme  lui,  j'ai  cru  devoir  proposer  la  liberté 
des  théâtres,  mais  dans  des  vues  tout  autres  que  les  siennes,  et  sans 
me  persuader  en  aucune  façon  que  cette  liberté  serait  la  panacée 
d'un  genre  de  douleurs,  dont  les  musiciens,  comme  les  auteurs,  se 
plaignent  et  se  plaindront  éternellement.  Si  on  nous  l'eût  accordée 
cette  liberté,  je  sais  bien  de  quoi  l'on  .se  plaindrait  aujourd'hui,  et 
sur  quel  mode  les  artistes  chanteraient  leur  désespoir  et  leurs  mi- 
sères. L'air  serait  un  peu  changé,  mais  non  la  chanson. 

Rien  ne  m'a  jamais  semblé  moins  raisonnable  ni  moins  loyal  que 
d'accuser  les  institutions  de  ce  qui  tient  à  la  nature  des  hommes  et 
des  choses.  Supposons  la  liberté  des  théâtres  établie,  et  voyons  en  quoi 
les  musiciens  compositeurs  en  profiteraient.  Les  scènes  musicales 
seraient-elles  beaucoup  plus  nombreuses  qu'aujourd'hui?  Je  ne  le 
pense  pas,  vu  le  prix  des  terrains  et  des  chanteurs;  rnais  admettons 
que  je  me  trompe:  alors  les  théâtres  lyriques  s'élant  multipliés,  hors 
de  toute  mesure  peut-être,  il  y  aurait  plus  de  chances  à  redouter, 
plus  de  dangers  à  courir,  plus  de  sinistres  à  déplorer.  Les  affaires 
seraient  moins  bonnes  et  les  directeurs  moins  solides  :  on  aurait 
peu  ou  point  de  garanties  en  traitant  avec  eux.  C'est  un  inconvé- 
nient qui  se  rencontre,  il  est  vrai,  sous  tous  les  régimes,  mais  que 
celui  de  la  liberté  ne  pourrait  certainement  pas  diminuer. 

Du  reste,  que  les  théâtres  soient  privilégiés  ou  libres,  reste  tou- 
jours la  grande  difficulté  pour  le  musicien  :  se  faire  connaître,  ins- 
pirer -.confiance,  et  pour  cela  il  n'existe  pas  de  procédé  â  la 
portée  de  tout  le  monde.  Obtenez  le  prix  de  l'Institut,  allez 
à  Rome  et  revenez-en,  arrivez  de  Rouen,  de  Bordeaux,  ou  d'un 
quartier  de  Paris  quelconque,  pour  les  directeurs  vous  êtes  à  l'état 
de  doute  et  de  problème  :  vous  êtes  encore  comme  si  vous  n'étiez 
pas.  Inspirer  confiance!  voilà  le  prcnier  travail  d'Hercule  à  accom- 
plir, et  si  vous  en  venez  à  bout,  soyez  tranquille,  les  onze  autres 
qui  vous  attendent  ne  seront  guère  plus  aisés.  Plaire  au  chef -d'or- 
chestre, aux  chanteurs,  au  public  !  Réussir  le  premier  jour,  faire  de 
l'argent  le  second,  le  troisième,  trouver  un  éditeur  qui  vous  achète, 
vous  paie  et  vous  grave  !  Notez  bien  que  plus  il  y  aura  de  théâtres 
et  plus  la  marchandises  s'avilira,  plus  l'éditeur  deviendra  rare  !  Plus 
aufsi  vous  aurez  à  redouter  cette  concurrence,  qui  déjà  commence 
à  vous  effrayer,  celle  du  compositeur  riche,  qui  a  le  moyen  de  payer 


202 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


sa  gloire,  et  qui,  le  cas  échéanl,  pourrait  même  aller  jusqu'à  se 
payer  un  théâtre,  pour  lui  tout  seul,  si  la  loi  ne  s'y  opposait  plus  ! 
M.  Maillot  signale  avec  raison  l'incertilude  qui  règne  dans  la  des- 
tinée des  ouvrages  de  théâtre  ;  il  dresse  le  catalogue  de  ceux  qui 
étaient  reçus  en  1827  à  l'Académie  royale  de  musique;  il  en  trouve 
vingt-quatre,  et  sur  ce  nombre  on  n'en  a  joué  que  deux  !  c'était  en- 
core bien  pis  à  l'Opéra-Comique  :  depuis  1740  jusqu'en  1827,  nn 
comptait  plus  de  douze  cents  ouvrages  dont  la  musique  était  faite  et 
qui  n'avaient  pas  été  représentés.  «  Est-il  nécessaire,  ajoute-t-il ,  de 
faire  ressortir  tout  ce  qu'il  y  a  d'odieux  dans  de  pareilles  décep- 
tions? »  Nous  conviendrons  que  cela  est  très-fâcheux,  mais  odieux, 
pas  le  moins  du  monde.  Tous  les  métiers  ont  leurs  conditions,  et 
quand  on  prend  celui  d'auteur,  il  faut  savoir  à  quoi  l'on  s'expose. 
Or,  les  productions  destinées  au  théâtre  ne  sauraient  être  jugées  ab- 
solument comme  un  livre  ou  un  tableau.  C'est  par  conjecture ,  et  à 
l'aide  d'une  opération  en  quelque  sorte  divinatoire  que  l'on  se  rend 
compte  de  leur  valeur,  ei  qu'on  parvient  à  en  pressentir  l'effet,  le 
succès  ou  la  chute.  Les  plus  habiles  s'y  trompent,  et  les  auteurs  sont 
les  premiers  à  se  faire  illusion.  Comment  donc  s'étonner  qu'à  une 
simple  lecture,  à  une  simple  audition,  les  jugements  différent  sur 
le  même  libretto,  sur  la  même  musique,  et  qu'un  directeur  ou  un 
jury  blâme  et  rejette  ce  que  d'autres  avaient  approuvé?  Comment 
ne  pas  admettre  que  la  même  personne  varie  à  quelque  distance  de 
temps  et  sous  des  impressions  nouvelles?  Or,  comme  il  en  coûte 
beaucoup  pour  mettre  un  ouvrage  en  scène,  il  est  tout  simple  qu'on 
hésite,  qu'on  ajourne,  lorsqu'on  ne  se  croit  pas  bien  sûr  de  son  fait, 
et  que,  comme  au  Palais,  on  demande  une  remise. 

Je  dirai  plus  :  dans  le  fait  signalé  par  M.  Malliot  et  qualifié  pjir  lui 
d'une  façon  trop  sévère,  je  vois  quelque  chose  de  tout  opposé,  car 
en  général,  au  grand  Opéra  surtout,  c'était  le  résultat  d'une  complai- 
sance excessive.  Les  auteurs  soumettaient  leurs  œuvres  à  un  jury 
composé  d'illustrations  littéraires  et  musicales,  membres  de  l'Institut 
pour  la  plupart.  Le  jury  recevait  ou  refusait,  mais  chaque  année  le 
minisire  désignait  les  ouvrages  qui  seraient  joués.  On  comprend  que 
dans  une  telle  situation  le  jury  devait  incliner  bien  plus  à  l'indul- 
gence qu'à  la  sévérité.  Voici  deux  souvenirs  à  l'appui  de  ce  que 
j'avance  :  M.  Delrieu,  l'auteur  d'Arlaxerce,  venait  de  lire  un  poëme. 
Le  jury  va  aux  voix  et  s'aperçoit,  non  sans  horreur,  qu'au  fond  de 
l'urne  il  n'y  a  que  des  boules  noires  !  Refusé  à  l'unanimité  !  La  sen- 
tence pouvait  être  juste,  mais  elle  était  bien  dure  pour  un  auteur 
comme  Delrieu.  Tout  le  monde  est  de  cet  avis,  et  l'on  convient  de 
recommencer  pour  mitiger  un  peu  le  verdict.  On  recommence  donc, 
et  cette  fois  il  n'y  a  dans  l'urne  que  des  boules  blanches!  Reçu  à 
l'unanimité! 

La  partition  d'un  musicien,  fort  honorable  et  fort  bien  placé 
dans  le  monde,  n'avait  été  reçue  qu'à  corrections;  mais  comme  le 
musicien  n'était  pas  moins  laborieux  qu'ambitieux,  il  s'était  empressé 
de  revoir  son  œuvre  et  de  solliciter  une  seconde  audition  ;  même 
résultat  qu'à  la  première.  Le  musicien  revient  encore  à  la  charge, 
et  sa  partition  est  reçue  définitivement.  Boïeldieu  faisait  partie  du 
jury  et  quelqu'un  de  ses  amis  lui  disant  :  «  Comment  se  fait-il  que 
»  vous  ayez  reçu  la  musique  de  Z...,  vous  disiez  qu'elle  était  si  en- 
»  nuyeuse  !  —  Justement ,  répondit  Boïeldieu ,  nous  l'avons  reçue, 
»  pour  ne  plus  l'entendre.  »  Les  deux  ouvrages  dont  je  viens  de 
parler  figurent  dans  le  catalogue,  ainsi  que  le  Protogène,  dont  le 
poëme  était  de  Scribe,  et  la  musique  de  cette  pauvre  Mlle  Pillore, 
qui  mourut  sans  avoir  pu  comprendre  pourquoi  Scribe  s'opposait  à 
ce  que  l'on  jojât  son  ouvrage,  et  qui  le  qualifiait  sans  scrupule  de 
tartufe  et  à'assassin  ! 

L'auteur  de  la  Musique  au  théâtre  se  garde  bien  d'oublier  les  lau- 
réats de  Rome,  auxquels  j'ai  souvent  témoigné  un  intérêt  assez  vif. 
Il  en  reprend  la  liste  ah  ovo,  c'est-à-dire  depuis  1803  jusqu'eu  1857 
et  voici  les  conclusions  qu'il  en  tire.  Sur  un  total  de  cinquante  pre- 


miers prix,  vingt-sept  ont  été  plus  ou  moins  représentés  sur  le  théâtre 
de  rOpéra-Comique  ,  et  vingt-trois  n'y  sont  jamais  parvenus.  Au 
grand  Opéra,  huit  seulement  ont  été  joués;  quarante-deux  n'en  ont 
jamais  franchi  les  portes.  A  la  vérité,  M.  Malliot  ne  compte  pas  les 
seconds  prix,  qui,  comme  Adolphe  Adam,  n'ont  pas  attendu  le  pre- 
mier pour  se  lancer  sur  les  deux  scènes.  Mais  son  observation  n'en 
est  pas  moins  juste,  et  je  m'en  prévaudrai  pour  exprimer  encore  le  . 
regret  que  l'on  accorde  trop  facilement  les  prix  de  Rome,  trop  faci- 
lement en  ce  sens  qu'on  n'est  pas  assez  édifié  sur  la  vocation  de 
jeunes  gens  que  l'on  couronne,  pour  leur  répondre  de  leur  avenir 
et  pour  leur  dire  d'un  ton  d'oracle  :  «  Tu  Marcellus  eris.  Tu  seras 
»  compositeur  et  tu  vivras  de  tes  œuvres  !  » 

Le  prix  de  Rome  bien  entendu  n'est  qu'une  épreuve  de  plus  ajou- 
tée à  plusieurs  autres.  On  envoie  les  jeunes  gens  achever  leur  édu- 
cation en  Italie,  et  au  retour  on  ne  leur  promet  rien  qu'un  poëme, 
qu'il  est  si  difficile,  pour  ne  pas  dire  impossible,  de  leur  donner. 
Sans  doute,  il  y  a  quelque  chose  à  faire  pour  arriver  à  tenir  celte 
promesse,  ou  bien  il  faut  rayer  des  cahiers  des  charges  la  clause 
fallacieuse,  dont  l'inexécution  se  dresse  comme  un  reproche  perpé- 
tuel. Après  cela,  que  demanderez- vous  ?  Que  l'on  assure  aux  lauréats 
de  Rome  une  suite  non  interrompue  de  poëmes  excellents,  une  place 
permanente  sur  l'afliche  et  au  répertoire,  tant  qu'il  leur  plaira  d'é- 
crire, et  une  pension  de  retraite,  quand  ils  n'écriront  plus?  En  vé- 
rité, ce  serait  trop  de  largesse,  et  le  fameux  droit  au  travail  ne  doit 
être  ressuscité  pour  personne.  Si  les  lauréats  de  Rome  ne  sont  pas 
plus  joués  au  grand  Opéra  et  à  TOpéra-Comique ,  c'est  peut-être 
aussi  leur  faute:  s'ils  n'inspirent  pas  confiance  plus  que  les  autres 
artistes,  n'est-ce  pas  à  eux  qu'ils  doivent  s'en  prendre  ,  et  non  à 
l'Etat,  qui  plus  qu'à  tous  les  autres  leur  en  a  fourni  le  moyen  ? 

Il  est  un  point  sur  lequel  M.  Malliot  et  moi  nous  aurions  bien  de 
la  peine  à  nous  entendre.  Je  sais  qu'il  habite  une  grande  ville  de 
province,  et  qu'il  a  fait  jouer  sur  le  théâtre  de  cette  ville  un  opéra 
représenté  depuis  à  Toulouse,  à  Lyon  et  non  encore  à  Paris.  Cepen- 
dant je  ne  comprends  pas  qu'avec  le  bon  sens  et  l'esprit  qu'il  possède 
il  se  soit  fourvoyé  dans  l'absurde  lieu  commun  de  la  décentralisation 
lyrique.  Je  l'ai  dit,  il  y  a  déjà  longtemps  :  «  Décentralisation  est  un 
mot  à  peu  près  barbare  et  l'idée  qu'il  renferme  ne  l'est  guère  moins.» 
Je  pourrais  tout  simplement  renvoyer  M.  Malliot  à  l'un  de  nos  bons 
confrères  de  Marseille,  le  judicieux  1\L  Bénédict,  qui  a  fait  justice  de 
l'idée  et  du  mot  (1).  Mais  je  tiens  à  lui  dire  en  mon  propre  nom 
que,  dans  tout  ce  qui  touche  aux  beaux-arts,  aux  théâtres,  cette 
affreuse  décentralisation  n'est  qu'une  chimère,  et  que  nulle  puis- 
sance au  monde  n'aurait  la  force  de  l'opérer,  parce  qu'on  ne  change 
pas  le  cours  des  fleuves  et  qu'on  ne  les  empêche  pas  d'aller  se  perdre 
dans  la  mer.  Quand  vous  serez  parvenu  à  faire  que  Marseille ,  Bor- 
deaux, Lyon  ou  Rouen  aient  une  importance  égale  à  celle  de  Paris; 
quand  vous  aurez  doté  chacune  de  ces  villes  d'autant  d'académies,  de 
collèges,  d'écoles,  de  théâtres,  de  journaux,  de  salons  ;  quand  vous 
les  aurez  peuplées  d'autant  de  magistrats,  de  savants,  d'écrivains, 
d'artistes,  de  critiques,  d'hommes  de  loisir  qu'il  y  en  a  dans  la  ca- 
pitale, alors  demandez,  si  cela  vous  plait ,  que  leur  jugement  pèse 
d'un  poids  égal  dans  la  balance ,  autrement  que  gagnerez-vous  à 
lutter  contre  ce  qui  n'est  ni  une  loi,  ni  un  système,  mais  une  invin- 
cible nécessité.  En  Italie,  en  Allemagne,  il  y  a  eu  de  tout  temps  plu- 
sieurs États,  plusieurs  gouvernements  de  valeur  équipollente  :  la  cen- 
tralisation n'y  existait  donc  pas.  Il  n'en  est  pas  de  même  en  France, 
où  Paris  sera  toujours  le  Léviathau  des  cités  de  l'empire.  Par  une 
conséquence  inévitable;  Paris  ne  soumettra  jamais  son  opinion  à  celle 
d'une  cité  quelconque,  et  dans  toute  l'étendue  de  l'Empire  il  y  aura 
toujours  un  préjugé  d'ailleurs  fort  plausible  contre  tout  ouvrage  qui 

(1)  Voir  Gazelle  musicale  du  11  août  1850. 


DE  PARIS. 


203 


n'aura  pu  commencer  sa  fortune  à  Paris,  qui  ne  se  présentera  pas 
revêtu  de  l'estampille  et  des  suffrages  de  la  grande  ville. 

Dans  son  livre  si  instructif  et  si  amusant,  M.  Maillot  croit  avoir 
indiqué  toutes  les  plaies  de  l'art  musical  :  il  me  semble  pourtant 
avoir  oublié  la  principale,  et  probablement  la  plus  difficile  à  guérir. 
Aujourd'hui  tout  le  monde  étudie  la  composition,  tout  le  monde  com- 
pose, et  c'est  justement  l'heure,  oîi,  par  suite  d'une  production  im- 
mense, le  génie  même  a  moins  de  richesses  à  découvrir,  moins  de 
ressources  à  exploiter.  N'est-ce  pas  à  peu  près  comme  si,  dans  un 
champ  longtemps  clos ,  oîi  quelques  moissonneurs  travaillaient  à 
l'aise,  on  laissait  tout  à  coup  se  ruer  la  multitude  pour  les  quelques 
épis  qui  restent  seulement  à  glaner  ? 

Paul  SMITH. 


ORPHÉON  DE  PARIS, 

Première  et  deuxième  séanccfs  aimnellcs  au  Cirque 
mapoléon. 

Comme  l'année  dernière,  l'Orphéon  de  Paris  a  eu  ses  deux  jour- 
nées solennelles,  dont  l'une  n'est  plus  l'exacte  reproduction  de  l'au- 
tre. Désormais  chaque  rive  de  la  Seine  a  son  chef  et  son  programme. 
La  rive  gauche  a  comparu,  la  première,  sous  la  direction  de  M.- Bazin; 
la  rive  droite  est  venue  quinze  jours  après  sous  la  direction  de  M.  Pas- 
deloup.  Des  deux  côtés,  il  y  avait  à  peu  près  égalité  de  force  nu- 
mérique :  les  exécutants,  au  nombre  de  douze  cents,  remplissaient 
un  quart  de  la  vaste  enceinte.  Il  y  avait  aussi  dans  l'exécution  gé- 
nérale une  manifestation  sensible  de  progrès,  notamment  en  ce  qui 
touche  la  prononciation,  l'accent,  les  nuances.  Chacun  des 
deux  chefs  apporte  naturellement  à  ce  progrès  l'influence 
de  ses  qualités  personnelles.  M.  Bazin  se  préoccupe  davantage  de 
l'ensemble  et  de  l'expression  du  morceau,  sauf  à  en  laisser  flotter 
quelques  parties  indécises.  M.  Pasdeloup  veut  au  contraire  que  tout 
soit  net  et  marqué,  que  le  rhythme,  les  forlc,  les  pw/îo^s'accusent 
toujours  avec  vigueur  :  sous  ce  rapport  on  a  remarqué  l'excellent 
parti  qu'il  tire  de  ses  voix  d'adultes,  parmi  lesquelles  aucune  n'est 
perdue,  et  dont  la  réunion  manœuvre  avec  la  facilité,  l'intelligence 
du  simple  quatuor. 

Les  deux  programmes  n'offraient  que  quatre  morceaux  identiques, 
le  Départ,  chœur  général,  douce  et  touchante  inspiration  de  Men- 
delssohn;  un  Ave  Maria  du  xvi"  siècle,  autre  chœur  général;  la 
marche  des  Ruines  d'Athènes  de  Beethoven,  dépouillée  de  son  or- 
chestre et  arrangée  pour  les  voix,  et  le  Vin  des  Gaulois,  de  Gounod, 
chœur  pour  voix  d'hommes ,  sans  compter  le  Domine  Salvum,  qui 
ouvre,  et  le  Vive  l'Empereur,  qui  clôt  chaque  séance.  Le  Vin  des 
Gaulois  a  eu  le  même  sort  à  chaque  exécution,  soit  de  la  rive  gau- 
che, soit  de  la  rive  droite;  on  l'a  redemandé  et  redit  au  milieu  des 
bravos  frénétiques.  Nous  avouerons  que  ce  morceau  n'a  pas  le  don 
de  nous  plaire,  et  pourtant  il  faut  bien  qu'il  ait  son  mérite,  ne  fût-ce  que 
celui  d'une  sauvagerie  outrée.  Mais,  en  l'acceptant  tout  au  plus 
comme  fantaisie  d'artiste,  nous  ne  concevons  pas  qu'on  fasse  appren- 
dre et  répéter  des  paroles  (et  non  des  vers)  où.  le  stupide  se  mêle 
au  féroce  :  Mieux  vaut  vin  nouveau  que  bière.  Voilà  une  pensée! 
Sang  rouge  et  vin  blanc,  charmante  alliance  !  C'est  le  sang  gaulois  qui 
coule  !...  J'ai  bu  le  sang  et  le  vin  dans  la  mêlée  horrible  !  Et  ce  sont 
de  jeunes  Français,  qui,  pour  se  réjouir,  entonnent  ces  clianls  de 
cannibales  !  Nous  ne  pardonnerons  à  la  musique  de  M.  Gounod  que 
quand  il  en  aura  changé  le  texte  qu'elle  popularise  de  la  plus  triste 
façon. 

Dans  le  programme  de  M,  Bazin  figuraient  deux  morceaux  em- 
pruntés à  deux  des  plus  beaux  ouvrages  d'Halévy,  la  Reine  de  Chypre 
et  le  Val  d'Andorre;  au  premier,  on  a  pris  un  chœur  ravissant  qu'on  a 
cru  pouvoir  rattacher  au  commencement  de  l'air,  le  gondolier  dans 


sa  pauvre  nacelle;  nous  aurions  mieux  aimé  entendre  le  chœur  et 
l'air  séparément.  Dans  le  second,  c'est  l'air  du  chevrier,  qu'on  a 
choisi  pour  l'adapter  à  quatre  voix  d'hommes,  et  sans  contredit  il 
produit  beaucoup  plus  d'effet,  lorsqu'il  est  chanté,  comme  l'auteur  l'a 
écrit,  par  une  voix  seule. 

Evidemment  la  difificulté  de  composer  des  programmes  pour  des 
séances  comme  celles  qui  se  tiennent  au  Cirque  Napoléon,  est  tou- 
jours très-grande,  et  ce  qui  l'augmente,  c'est  que  l'auditoire,  musi- 
calement parlant,  se  montre  au-dessous  des  chanteurs  qu'il  vient 
entendre;  il  ne  comprend,  n'aime  et  n'applaudit  que  ce  qui  a  l'allure 
et  le  mouvement  des  couplets  de  vaudeville  :  un  accompagnement  de 
tambours  ne  lui  déplairait  même  pas. 

M.  le  préfet  de  la  Seine  assistait  aux  deux  séances  du  7  et  du  21 
juin,  et  par  son  approbation  mêlée  de  conreils  il  a,  comme  il  conve- 
nait, encouragé  les  maîtres  et  les  élèves. 

P.  S. 


FESTIVAL  A  STRASRODRG.     ' 

Les  fêtes  de  Strasbourg  avaient  eu  à  l'avance  un  grand  retentissement. 
Aussi,  dès  le  18,  la  ville  avait  pris  un  aspect  inaccoutumé:  des  drapeaux 
innombrables  français,  allemands  et  suisses  pavoisaient  les  maisons  re- 
liées l'une  à  l'autre  par  des  guirlandes  de  chêne  et  de  lierre.  Une  foule 
bigarrée  aux  costumes  pittoresques  inondait  les  rues;  partout  des  chants 
joyeux,  des  fanfares,  le  bruit  des  tambours  témoignaient  de  l'animation 
générale.  Le  samedi  20,  les  corporations,  bannières  en  tête,  sont  arri- 
vées successivement  par  les  voies  ferrées  de  Fi'ance,  d'Allemagne  et  de 
Suisse,  et  leurs  musiques  ont  donné  dans  la  soirée  des  sérénades  aux 
principales  autorités  de  la  ville. 

C'était  dimanche  21  le  grand  jour  du  festival,  et  dès  6  heures  du  matin 
des  salves  d'artillerie  ont  mis  tout  le  monde  en  mouvement.  A  midi,  les 
sociétés  chorales  ont  été  reçues  officiellement  par  les  autorités  munici- 
pales, et,  suivant  la  coutume,  le  vin  d'honneur  leur  a  été  olTert.  Le  cor- 
tège s'est  ensuite  rendu  à  la  place  Kléber,  dans  la  vaste  salle  (elle  est 
longue  de  plus  de  100  mètres)  construite  pour  la  cérémonie.  Trois  mille 
chanteurs  y  ont  pris  place  et  cinq  mille  auditeurs  ont  achevé  do  la  rem- 
plir. On  se  ferait  difficilement  une  idée,  si  on  ne  l'a  pas  entendu ,  de 
l'effet  produit  par  un  ensemble  de  chanteurs  aussi  exercés  que  ceux 
réunis  pour  cette  solennité.  Parmi  les  chœurs  généraux,  le  chœur  des 
Montagnards,  de  Kiicken,  maître  populaire  en  Allemagne,  qui  dirigeait 
lui-même,  a  produit  un  effet  immense.  Le  chant  de  Bienvenue,  de  Liebe, 
France,  d'Ambroise  Thomas,  ont  excité  de  longs  applaudissements.  Le 
soir,  un  banquet  a  réuni  à  l'hôtel  de  la  Ville-de-Paris  les  autorités  ad- 
ministratives et  municipales,  les  chefs  des  principales  sociétés  et  les 
représentants  de  la  presse  allemande  et  française.  De  nombreux  toasts 
ont  été  portés  par  M.  le  préfet,  M.  Berlioz,  M.  Méry,  M.  Kiicken,  etc. 
Une  brillante  illumination  de  la  cathédrale  a  terminé  la  journée. 

Le  principal  attrait  de  la  journée  du  22  était  le  concert  vocal  et  in- 
strumental, où  l'on  devait  exécuter  des  productions  de  MM.  Schwab  et 
Elbel,  des  morceaux  de  musique  classique,  et  enfin  l'Enfance  du  Christ 
de  Berlioz,  jouée  dans  son  entier  et  sous  la  conduite  du  maître.  Ici  nous 
ne  pouvons  mieux  faire,  pour  en  rendre  un  compte  exact,  que  de  re- 
produire celui  qu'en  a  donné  le  Courrier  du.  Bas-Rhin  : 

»  Hier  a  eu  lieu  le  concert  vocal  et  instrumental  du  festival ,  magni- 
fique complément  des  deux  précédents  concerts.  L'art  symphonique, 
dramatique  et  instrumental  y  était  représenté,  comme  l'était  la  veille  et 
l'avant-veille  le  chant  choral.  L'enthousiasme  était  le  même,  et  la  séance 
aussi  variée  en  épisodes  et  en  triomphes.  Ici,  rien  non  plus  n'avait  été 
épargné  par  le  comité  organisateur  pour  assurer  aux  œuvres  admises 
sur  le  programme  une  exécution  digne  de  la  solennité. 

1'  L'auditoire  était  encore  immense,  et  sur  l'estrade  s'était  rangée, 
comme  spectateurs  cette  fois,  toute  l'armée  des  chanteurs  affranchis 
maintenant  des  angoisses  des  concours,  et  qui  joignaient  leurs  acclama- 
tions expansives  à  celles  du  public. 

»  Nous  renverserons  l'ordre  du  programme  pour  parler  d'abord  du 
succès  brillant  et  complet  obtenu  par  le  chef-d'œuvre  de  M.  Berlioz,  qui 
vient  de  remporter  à  Strasbourg  un  triomphe  dont  notre  ville  doit  être 
aussi  fière  que  le  maître  peut  en  être  heureux;  Accueilli  à  son  arrivée 
au  pupitre  directorial  par  une  triple  sonnerie  de  fanfares,  ce  qui  en 
Allemagne,  l'inventrice  de  celte  forme  d'ovation,  équivaut  au  grand 
triomphe  des  anciens  lîomains,  et  par  les  acclamations  de  son  immense 
auditoire,  M.  Berlioz  a  paru  vivement  touché  de  cet  éclatant  hommage 
que  lui  rendaient  à  la  fois  le  public  et  les  artistes.  A  mesure  que  l'œuvre 
avançait,  l'admiration  de  l'auditoire  allait  croissant,  et  bientôt  chaque 
morceau  avait  sa  salve  de  bravos. 


204 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


»  M.  Berlioz  n'a  pas  dû  attendre  longtemps  pour  être  complètement 
rassuré  sur  la  sonorité  de  la  salle  et  sur  l'effet  que  produisait  son  En- 
fance du  Christ.  Nous  n'avons  plus  à  revenir  sur  cette  superbe  partition 
dont  riccmmer.t  nous  avons  essayé  l'analyse  musicale,  et  qui  est  d'ail- 
leurs unanimement  reconnue  comme  un  chef-d'œuvre  de  science  et 
d'inspiration.  Cédons  tout  de  suite  au  plaisir  de  constater  que  l'exécution 
en  a  été  parfaite,  au  point  de  dépasser  les  espérances  raêmede  l'auteur. 
Les  amateurs  et  dames  de  notre  ville  qui  composaient  le  chœur  mixte 
peuvent  se  féliciter  à  bon  droit  de  cette  victoire,  si  bien  préparée  par 
M.  Liebe  ;  l'orchestre,  les  solistes  ont  rivalisé  avec  le  chœur  de  talent 
et  de  précision,  et  l'illustre  maître  n'a  eu  pour  tous  que  des  éloges  et 
des  témoignages  de  satisfaction  sans  mélange. 

X  Le  ténor  Morini  a  dit  les  récits  de  VEnfance  du  Christ  avec  une  ma- 
gistrale ampleur,  et  l'auditoire  a  salué  en  lui  par  ses  vifs  bravos  et  le 
compatriote  dont  la  présence  sympathique  rehaussait  l'éclat  de  la  fête 
et  l'éminsnt  chanteur. 

»  Le  rôle  du  père  de  famille  était  rempli  par  une  autre  illustration  de 
l'art  vocal,  M.  Battaille,  dont  l'organe  puissant  et  incisif  et  la  belle  dic- 
tion ont  excité  les  applaudissements  de  tous  les  connaisseurs.  JI.  Lutz  a 
chanté  saint  Joseph  avec  la  perfection  que  nous  lui  connaissons  depuis 
longtemps.  Des  amateurs  distingués  de  notre  ville  remplissaient  les  autres 
soli;  M.  Klein  s'est  acquitté  avec  un  talent  d'artiste  de  la  partie  d'Hé- 
rode,  comme  Mlle  Scheffer  de  celle  de  sainte  Marie,  à  laquelle  elle  a 
prêté  le  charme  de  sa  voix  pure  et  sympathique.  Enfin,  M.  «essler  avait 
accepté  Polydorus. 

»  Les  chœurs,  tous  très-difficiles,  ont  été  exécutés,  nous  le  répétons, 
avec  une  surprenante  perfection.  Nous  citerons  parmi  les  plus  épineux 
celui  des  devins,  parmi  les  plus  suaves  le  chœur  d'anges  Mleluia,  finale 
de  la  première  partie,  inspiration  vraiment  céleste,  qui  a  transporté 
l'auditoire. 

»  Le  chœur  des  bergers  de  la  seconde  partie  :  Il  s'en  va  loin  de  la  terre, 
a  été  acclamé  comme  une  merveille  de  simplicité  et  de  couleur  locale. 
La  délicieuse  introduction  d'orchestre  de  cette  partie,  la  Fuite  en  Egypte, 
qui  suit  le  Repos  de  la  sainte  Famille,  raconté  par  le  récitant,  a  été  l'ob- 
jet d'une  aussi  légitime  admiration  et  constitue  à  elle  seule  un  chef- 
d'œuvre  descriptif.  Nulle  part  ne  se  révèlent  d'une  manière  plus  sensible 
la  puissance  de  la  science  orchestrale  en  général  et  le  parti  que  peut 
tirer  un  grand  maître  de  ce  côté  de  l'art  musical  au  point  de  vue  du 
coloris  et  de  l'expression. 

»  Dans  la  troisième  partie,  cette  scène  de  l'hospitalité,  si  bien  con- 
duite par  le  père  de  famille  (M.  Battaille),  on  a  applaudi  le  chœur:  Que 
de  leurs  pieds  meurtris,  si  difficile  par  la  variété  des  rhythmes  superpo- 
sés; et  le  suivant  :  Ailes  dormir,  bon  père,  ravissant  de  calme  et  d'amé- 
nité hospitalière.  —  Enfin,  le  chœur  final  :  0  mon  âme\  sans  accompa- 
gnement, c'est  à-dire  des  plus  dangereux  pour  la  justesse,  a  achevé 
de  faire  honneur  à  nos  exécutants,  et  nous  tenons  de  l'auteur  même 
que  nulle  part  il  n'a  entendu  ce  chœur  rendu  avec  autant  de  finesse,  de 
goût  et  de  respect  de  la  tonalité. 

«  L'orchestre,  orchestre  formidable,  composé  de  l'excellente  phalange 
du  théâtre  renforcée  d'artistes  et  d'amateurs  de  Strasbourg,  de  Bâle,  de 
Colmar,  Mulhouse,  etc.,  a  bravement  fait  son  devoir,  et  les  parties  pu- 
rement symphoniques  de  l'ouvrage  ont  mis  spécialement  en  relief  l'ex- 
cellence de  cette  armée  instrumentale  qui  n'a  cependant  eu  qu'un 
nombre  de  répétitions  fort  restreint. 

ï  Un  bijou  d'originalité  et  de  combinaisons  sonores  est  enchâssé  dans 
cette  partition  qui  renferme  tous  les  trésors  de  l'instrumentation:  c'est 
le  trio  pour  harpe  et  deux  flûtes  qui  se  joue  chez  le  père  de  famille 
en  l'honneur  de  ses  hôtes.  Le  maître  a  admirablement  réussi  dans  la 
couleur  rétrospective  qu'il  a  entendu  donner  à  ce  morceau,  dont  l'effet 
est  aussi  charmant  que  l'exécution  en  est  difficile.  Le  motif  principal  est 
ravissant  et  les  variations  sont  un  chef-d'œuvre  de  rhythme  et  de  con- 
tre-point contrarié.  Les  e.xécutants  de  ce  concert  étaient  MM.  Krûger 
le  remarquable  harpiste  de  Stuttgard,  Bucquoy  et  Prédigam,  flûtistes' 
C'est  dire  que  l'exécution  a  été  parfaite,  et  les  félicitations  qu'ils  ont 
reçues  de  M.  Berlioz,  enchanté,  le  leur  ont  dit  bien  mieux  que  ces 
lignes. 

»  A  peine  le  chœur  des  anges  avait- il  chanté  Amen  qui  termine  pia- 
nissimo Y  Enfance  du  Christ,  que  des  hourras  enthousiastes  ont  éclaté  de 
toutes  parts  ;  les  cris  de  vive  Berlioz  1  ont  retenti,  et  en  moins  d'un 
instant  l'illustre  maestro,  chef  d'orchestre  incomparable,  a  vu  son  pu- 
pitre jonché  de  fleurs  et  sa  personne  entourée  d'admirateurs.  —  A.  un 
pareil  triomphe,  nous  n'avons  plus  rien  à  ajouter,  si  ce  n'est  un  senti- 
ment de  bonheur  certainement  partagé  par  tous  nos  concitoyens,  qui 
ont  à  cœur  l'honneur  artistique  de  la  ville  de  Strasbourg.  Avec  la  sym- 
phonie en  la  de  Beethoven  et  l'ouverture  d'Eurijanlhc,  l'orchestre  sous 
la  direction  habile  et  vivifiante  de  11.  Hasselmans,  a  remporté  une  belle 
part  de  bravos  et  a  bien  mérité  aussi  de  l'innombrable  assemblée. 

»  Un  fragment  très-élendu  de  l'Océan,  oratorio  de  notre  compatriote 
M.  V.  Elbel,  formait  un  des  numéros  du  programme.  Nous  ;ivons  en  son 
temps  fait  ressortir  toutes  les  qualités  de  cette  œuvre  considérable,  deux 
fois  encore  entendue  au  th('atre  et  produite  cette  fois  devant  un  auditoire 


immense,  c'est-à-dire  dans  les  conditions  les  plus  favorables  pour  sa  po- 
pularité. Ce  que  nous  avons  à  constater,  et  nous  le  faisons  avec  plaisir, 
c'est  l'accueil  chaleureu-x  dont  la  composition  de  M.  Elbel  a  été  l'ob- 
jet hier ,  l'effet  puissant  qu'elle  a  produit  par  la  bonne  exécution  qu'elle 
a  obtenue  de  l'orchestre,  des  chœurs  et  des  solistes,  MM.  Lutz,  Morini  et 
Mlle  Scheffer.  —  Des  bravos  éclatants  ont  maintes  fois  retenti,  et,  à  la 
fin,  une  ovation  brillante  a  été  décernée  à  l'auteur,  qui  dirigeait  lui- 
même  son  œuvre.  » 

Pendant  la  matinée  des  deux  journées  ont  eu  lieu  les  concours  entre 
les  sociétés.  On  a  été  surtout  frappé  des  progrès  faits  dans  la  lecture  ; 
les  épreuves  de  lecture  à  première  vue  ont  donné  des  résultats  remar- 
quables et  inattendus.  • 

Un  bal  au  théâtre  a  clos  cette  fête,  qui  avait  mis  toute  l'Alsace  et  la 
vallée  des  Vosges  en  émoi. 

Avant  son  départ  pour  Paris,  les  sociétés  de  chant  du  grand-duché 
de  Bade  ont  invité  M.  Berlioz  à  assister  à  une  réunion  à  Kehl,  et  le 
maestro  français  s'est  rendu  à  cette -gracieuse  invitation,  en  compagnie 
de  MM.  Kïicken  et  Abt.  Arrivés  sur  le  pont  du  Rhin  ,  ces  éminents 
hôtes  furent  reçus  comme  on  reçoit  des  personnages  princiers,  par  des 
musiques   militaires  et  par  une  salve  de  canons  tirée  des  forts  badois. 

Toutes  les  sociétés  étaient  réunies  au  bout  du  pont,  avec  insignes  et 
bannières,  et  ont  reçu  M.  Berlioz,  présenté  par  M.  Beker,  par  un  triple 
hurrah  !  et  par  les  démonstrations  les  plus  enthousiastes  en  l'honneur 
du  maestro  français. 

On  s'est  rendu  ensuite  en  cortège  à  l'église,  où  des  places  d'honneur 
avaient  été  réservées  à  MM.  Berlioz,  Kiicken  et  Abt,  et  les  sociétés  ont 
chanté  le  Chant  allemand  de  Kalliwoda.  M.  Berlioz  a  remercié  nos  voi- 
sins de  l'accueil  qui  lui  avait  été  fait,  et  M.  Kiicken  s'est  chargé  de 
traduire  en  allemand  ce  discours  plein  de  pensées  élevées,  auquel  les 
chanteurs  ont  répondu,  malgré  la  sainteté  du  lieu,  par  des  acclamations 
et  des  applaudissements  prolongés. 

Y. 


CORRESPONDANCE. 

Londres,  25  juin. 

Le  nombre  des  concerts  qui  se  donnent  à  Londres  à  cette  époque  de 
la  saison  est  innombrable,  un  numéro  tout  entier  de  la  Gazette  musicale 
suffirait  à  peine  pour  eu  donner  la  simple  nomenclature;  force  nous 
est  donc  de  nous  borner  à  n'en  citer  que  quelques-uns.  A  leur  tête 
se  place  tout  naturellement,  et  par  ses  qualités  et  par  ses  quanti- 
tés, le  concert  annuel  de  Benedict,  le  plus  important,  le  plus  recherché 
et  aussi  le  plus  formidable  de  tous.  Quarante-quatre  morceaux  en  for- 
maient cette  année  le  programme.  Les  artistes  qui  prêtaient  leur  con- 
cours à  M.  Benedict,  sans  compter,  bien  entendu,  l'orchestre  et  les 
chœurs,  étaient  au  nombre  de  vingt-neuf  ;  et  ces  artistes  s'appelaient 
Trebelli,  Patti,  Alboni,  Arabella  Goddard,  Artot,  Délie  Sedie,  Giuglini, 
Piatti,  etc.;  —  j'en  passe  et  des  meilleurs.  Est-il  besoin  d'ajouter  rien 
de  plus  à  ces  noms  pour  constater  la  magnificence  d'un  tel  concert  1 
—  Le  bénéficiaire,  le  célèbre  auteur  du  Lys  de  Jullerney,  s'y  prodiguait 
lui-même  en  sa  triple  qualité  de  compositeur,  de  virtuose  et  de  chef 
d'orchestre.  Parmi  ses  compositions  inédites  le  fragment  d'un  concerto 
pour  piano  avec  orchestre  (andante  et  allegretto),  nous  a  semljlé  le 
plus  mériter  l'attention  des  musiciens  véritables.  Le  souffle  classique  a 
passé  par  là  ;  c'est  une  composition  digne  de  l'élève  favori  de  Charles- 
Marie  de  Weber;  un  duo  d'un  opéra  posthume  et  inachevé  de  ce  der- 
nier, ks  Trois  Pinlos,  n'était  certes  pas  le  numéro  le  moins  intéressant 
de  ce  riche  concert.  Ce  dernier  morceau  a  été  chanté  par  Mlle  Parepa 
et  M.  Severini,  le  jeune  ténor,  qui  s'est  fait  connaître  déjà  d'une  ma- 
nière extrêmement  favorable  au  dernier  concert  du  Cristal-  Palace,  et 
qui  vient  de  confirmer  au  concert  de  Benedict  les  grandes  espérances 
qu'on  peut  fonder  sur  son  brillant  avenir. 

Il  y  a  tout  un  monde  entre  les  proportions  du  concert  de  M.  Benedict 
et  celles  de  la  matinée  annuelle  de  M.Blumenthal.  Ici,  pas  d'orchestre,  pas 
de  public  bruyant,  point  de  salle  de  concert  encombrée  ;  et  cependant 
le  grandiose  n'y  manque  point  non  plus;  seulement  les  quarante-quatre 
morceaux  du  concert  de  M.  Benedict  sont  remplacés  sur  le  programme 
de  M.  Blumenthal  par  quarante-quatre^dames  patronnesses,  toutes  prin- 
cesses, duchesses,  marquises  ;  si  vous  n'êtes  que  simple  comtesse  mieux 
vaut  vous  abstenir  :  vous  vous  trouveriez  peut-être  un  peu  honteuse. 
Devant  cet  auditoire  aristocratique  M.  Blumenthal  a  fait  entendre  quel- 
ques-uns de  ses  morceaux  dont  le  succès  est  assuré  depuis  longtemps, 
mais  surtout  plusieurs  compositions  ncuvelles,  parmi  lesquelles  nous 
avons  remarqué  surtout  celles  qui  portent  les  titres  :  les  Ailes,  la  Danse 
des  gnomes,  le  Parfum.  C'est,  si  vous  voulez,  toujours  le  même  genre, 
c'est  écrit  de  la  même  manière  que  la  Source,  le  premier  et  le  plus 
grand  succès  de  M.  Blumenthal,  mais  ce  genre  est  aimable,  cette  ma- 
nière est  charmante,  et,  avant  tout,  cela  plait.  M.  Blumenthal  aurait 
donc  grand  tort  de  changer  sa  manière  ;  —  aussi  ne  le  fera-t-il  pas. — 


DE  PARIS. 


205 


Depuis  quelque  temps  cependant,  M.  Blumenthal  applique  son  système 
également  et  tout  à  fait  avec  le  même  succès  aux  compositions  vocales. 
M.  Tennant  était  l'interprète  d'une  nouvelle  mélodie  de  M.  Blumenthal, 
Conu  to  tlnj  laitice,  ravissante  inspiration,  et  qui  obtiendra  bien  cer- 
tainement le  même  succès  que  le  Chemin  du  Paradis  du  même  com- 
positeur. 

Le  programme  du  très-beau  concert  donné  la  semaine  dernière  par 
M.  et  Mme  .Sainton  (miss  Dolby),  contenait  une  composition  extrême- 
ment intéressante.  C'est  un  concerto  (en  ré),  pour  violon,  d'Auber,  écrit 
sans  doute  par  l'auteur  de  la  Muette  avant  qu'il  eût  songé  à  son  pre- 
mier ouvrage  dramatique,  mais  qui  révèle  déjà  cette  fraîcheur,  cette 
netteté  des  idées  qui  n'ont  point  abandonné  l'illustre  compositeur  pen- 
dant sa  longue  et  glorieuse  carrière.  M.  Sainton  a  admirablement  rendu 
les  pensées  du  jeune  Auber,  et  interprété  avec  non  moins  de  succès  le 
iio)if/o  papaycno  d'Ernst.  Aime  Sainton-Dolby,  la  contralto  populaire, 
Délie  Sedie,  qui  a  tant  de  succès  cette  année  à  Her  Majesty's  Théâtre, 
mais  dont  l'exquise  méthode  s'apprécie  mieux  encore  au  concert  qu'au 
théâtre;  Mlle  Carlotta  Patti  et  Mme  Arabella  Goddard  étaient  les  autres 
artistes  qui  partageaient  avec  M.  Sainton  les  applaudissements  d'une 
assemblée  d'élite. 

Nous  venons  de  nommer  Mme  Arabella  Goddard  qu'il  faudrait  nommer 
cent  fois  s'il  y  avait  possibilité  de  rendre  compte  de  tous  les  concerts 
dans  lesquels  cette  jeune,  belle  et  infatigable  artiste  prodigue  son 
merveilleux  talent.  C'est  pour  les  grandes  sociétés  orchestrales  surtout 
que  le  concours  de  Mme  Arabella  Goddard  est  d'une  valeur  inappré- 
ciable. Musique  classique  ou  musique  moderne,  sous  ses  doigts  tout 
devient  succès.  Au  dernier  concert  de  la  nouvelle  Philharmonie, 
Mme  Arabella  Goddard  s'est  chargée  de  l'exécution  d'un  concerto  nou- 
veau de  la  composition  du  directeur  de  cette  société  :  M.  Wilde,  compo- 
siteur plein  de  mérite  du  reste,  et  elle  l'a  enlevé  comme  si  c'était 
simplement  du  Beethoven  ou  du  Mendelssohn. 

Les  théâtres  n'ont  rien  offert  de  nouveau  pendant  la  dernière  quin- 
zaine. A  Covent-Garden  le  succès  d'Obin  se  consolide  de  plus  en  plus 
dans  le  rôle  de  Bertrani  de  Robert  le  Diable,  et  au  théâtre  de  Sa  Majesté  le 
Faust  de  Gounod  poursuit  sa  carrière  brillante,  alternant  avec  les  re- 
présentations de  Mme  Ristorj.  Mardi  prochain,  le  théâtre  de  Covent- 
Garden  jouera  à  son  tour  l'œuvre  populaire  de  Gounod. 

Au  dernier  concert  de  la  Société  philharmonique,  HUe  Artot  s'est  fait 
entendre,  et  a  remporté  un  succès  des  plus  éclatants  avec  le  brillant 
air  de  bravoure  :  Ahl  corne  rapida,  de  Meyerbeer. 

Mlle  Stella  Colas,  de  la  Comédie  française,  vient  de  faire  son  début 
sur  la  scène  anglaise  d'une  façon  tout  à  fait  remarquable  dans  le  rôle 
de  Juliette,  de  Roméo  et  Juliette,  de  .Shakspeare. 

L.  B. 


NOUVELLES. 

,*^  Le  Comte  Ory  et  Gizelle,  avec  la  Muette  de  Portici,  ont  lutté  avan- 
tageusement au  théâtre  impérial  de  l'Opéra  contre  les  chaleurs  de 
cette  semaine.  —  Demain  on  donnera  les  Huguenots. 

f*f  La  reprise  des  Vêpres  siciliennes  est  retardée  d'une  quinzaine.  On 
se  rappelle  la  supériorité  avec  laquelle  Obin  y  a  créé  le  rôle  de  Procida; 
M.  Perrin  a  tenu  à  ce  que  cet  élément  de  succès  ne  fît  pas  défaut  à 
la  reprise  de  l'opéra  de  Verdi,  et  il  s'est  entendu  avec  le  directeur  du 
théâtre  de  l'Opéra  de  Londres,  M.  Gye,  qui  avait  engagé  Obin,  pour  le 
faire  revenir.  —  Dans  le  ballet  des  Saisons,  Mlle  'Vernon  dansera  le  Prin- 
temps, Mlle  Schlœsser  l'Été,  Mme  Zina-.Merante  l'Automne,  Mme  ■Villiers 
l'Hiver. 

***  Un  nouveau  contralto,  Mlle  Dory,  doit  débuter  vendredi  dans 
le  rôle  d'Azucena  du  Trouvère. 

„,%  Nous  trouvons  dans  V Indépendance  belge  quelques  détails  sur  le  nou- 
veau ballet  en  un  acte  dans  lequel  doit  se  produire  MlleMourawief  et  qui  a 
pour  titre  Diarolina.  Il  est  l'œuvre  du  chorégraphe  Saint-Léon  et  du  compo- 
siteur Pugni  ;  entièrement  nouveau,  il  a  été  commandé  par  la  direction 
de  l'Opéra,  afin  de  mettre  en  relief  toutes  les  qualités  de  la  nouvelle 
danseuse.  Ce  ballet,  qui  est  fort  important  et  qu'on  dit  très-bien  réussi, 
est  un  ballet  d'action,  éminemment  comique,  dont  la  scène  se  passe  à 
Naples.  Il  sera  dansé  par  Mlles  Moura\vief,  Marquet,  Parent  et  par  toutes 
les  danseuses  du  corps  de  ballet,  auxquelles  il  faut  joindre,  pour  les  rôles 
d'hommes,  Mérante,  Berthier,  Dauty.  On  parle  beaucoup  dans  le  monde 
des  couliises  de  l'Opéra  de  deux  pas  fort  curieux,  dans  lesquels 
Mlle  Mourawief  déploie  toutes  les  ressources  d'un  talent  plein  de  nerf  et 
d'originalité,  le  pas  de  la  Scarpetta  ou  de  la  mule,  et  le  pas  du  tambour, 
en  costume  de  vivandière. 

t**  On  a  lu  mardi  aux  artistes  de  l'Opéra-Comique  l'opéra  de 
MM.  Cormon  et  Michel  Carré,  musique  de  M.  A.  Maillart,  intitulé  Lara. 
Cette  lecture  a  obtenu  un  véritable  succès.  Les  rôles  de  l'ouvrage  .se- 


ront confiés  à  Montaubry,  Gourdin,  Troy,  Nathan,  Potel,  Mmes  Galli- 
Marié,  Baretty,  Tuai  et  Casimir.  On  voit  par  cette  distribution  l'impor- 
tance qu'attache  la  direction  à  cette  production  nouvelle  de  l'auteur 
des  Dragons  de  Viltars,  ce  charmant  opéra  devenu  aujourd'hui  aussi 
populaire  en  Allemagne  qu'en  France. 

*%  Le  procès  fait  par  le  théâtre  Lyrique  au  théâtre  de  l'Opéra-Co- 
mique, à  l'occasion  des  /amours  du  Diable,  sera  plaidé  très  -prochainement 
au  tribunal  consulaire.  Le  procès  est  fait  à  M.  Carvallho,  par  les  au- 
teurs MM.  de  Saint-Georges  et  Grisar,  et  soutenu  en  leur  nom  par  la 
commission  des  auteurs. 

^**  Mardi,  le  début  de  M.  Mirai,  dans  le  Chalet,  a  été  heureux.  Ce 
jeune  ténor  est  intellifçent  ;  il  possède  une  jolie  voix  qu'il  conduit  avec 
méthode.  Il  chantera  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique  pendant  les  mois 
de  juillet  et  août;  après  quoi  il  retournera  â  Lyon,  où  un  engagement 
le  lie  au  théâtre  de  cette  ville. 

*%  Avant  de  quitter  le  ministère  d'État,  S.  Exe.  le  comte  'Walewski 
a  signé  l'ordonnance  qui  accorde  au  théâtre  Lyrique  une  subvention  an- 
nuelle de  100,000  francs. 

*■**  M.  Carvalho,  à  la  suite  de  la  brillante  rentrée  qu'avait  faite 
Mme  Ugalde  au  théâtre  Lyrique  dans  Oberon,  l'a  engagée  pour  la  réou- 
verture. La  célèbre  cantatrice  ne  retournera  donc  pas  aux  BouEfes-Pa- 
risieus,  qui  la  remplaceront  difficilement. 

^**  Nous  donnions  tout  récemment  la  nomenclature  des  œuvres  qui 
doivent  signaler  la  direction  de  M.  Carvalho,  pour  la  saison  prochaine. 
L'octroi  d'une  subvention  de  100,000  francs  aidera  efficacement  à 
l'exécution  de  ses  projets,  dans  lesquels  entre  celui  de  varier  son  ré- 
pertoire, et  de  remonter  pour  Mme  Carvalho  les  pièces  qui  ont  com- 
mencé sa  grande  réputation  et  l'ont  placée  au  premier  rang  de  nos 
grandes  cantatrices.  La  reprise  de  la  Fanchonnette,  l'un  de  ses  plus 
jolis  rôles,  paraît  déjà  décidée  et  ne  peut  manquer  d'être  bien  ac- 
cueillie. 

***  Offenbach  n'est  resté  à  Paris  que  le  temps  de  voir  poser  les  fon- 
dations du  nouveau  théâtre  des  Bouffes;  il  part  pour  Ems,  où  il  va 
mettre  en  scène  son  opérette  il  signor  Fagolto.  Delà  il  se  rend  à  Berlin, 
où  doit  se  monter  son  opéra-comique  en  trois  actes  ;  après  quoi  il  ira 
jusqu'à  Vienne  préparer  la  mise  en  scène  d'un  grand  opéra  en 
quatre  actes,  les  Fées  du  Rhin.  Enfin  il  reviendra  h  Paris  pour  donner 
tous  ses    soins  à  la  pièce  de  réouverture  des  Bouffes  :  les  Géorgiennes. 

**:(  Nous  parlions  dernièrement  du  nouvel  opéra.  Manette,  ouvrage  en 
trois  actes,  auquel  travaille  en  ce  moment  Mme  Sebault,  née  Pauline 
ïhys,  et  nous  disions  qu'elle  en  avait  composé  les  paroles  et  la  musi- 
que! Mais  nous  apprenons  de  Mme  Sebault,  que  le  poëme  est  écrit  par 
elle  en  collaboration  avec  M.  Léon  Gozlan.  Nous  nous  empressons  de 
réparer  notre  erreur  et  d'ajouter  que  ce  poëme  est  des  plus  intéres- 
sants. Quant  à  la  musique ,  elle  est  depuis  un  an  l'objet  d'un  travail 
soutenu  de  la  jeune  artiste,  et  semble,  comme  nous  l'avons  dit,  lui 
promettre   un   beau  succès. 

***  Le  théâtre  Déjazet  a  dû  donner  hier  la  première  représentation 
des  Spectres  de  l'Aurore,  légende  allemande  en  deuxacteset  trois  tableaux, 
de  Paulin  Deslandes  et  Jules  Dornay,  avec  décors,  costumes  et  trucs 
nouveaux.  L'apparition  de  ces  spectres  est,  dit-on,  d'un  grand  effet. 

j*^  Nous  avons  rendu  compte  du  petit  opéra  :  les  Bourguignonnes, 
de  MM.  L.  Halévy  et  Meilhac  pour  les  paroles,  et  de  M.  H.  Deffès  pour 
la  musique,  représente  pour  la  première  fois  à  Ems.  Il  va  très-prochai- 
nement être  donné  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique,  où  il  sera  chanté 
par  Mlle  Girard,  Mme  Decroix  et  Couderc.  Le  môme  soir,  Mlle  Girard 
débutera,  dans  la  reprise  de  la  Fausse  Magie,  qui  aura  pour  interprètes 
un  débutant,  M.  Carrier,  Gourdin,  Ponchard  et  Mlle  Revilly. 

^*,i,  A  la  salle  Robin,  la  première  représentation  des  Spectres  vivants 
impalpables  a  eu  lieu  samedi  dernier  avec  un  succès  des  plus 
brillants.  Rien  de  plus  saisissant  que  ces  apparitions  produites  par 
un  système  complètement  inconnu.  Un  public  nombreux  et  choisi  rem- 
plissait la  salle,  et  a  accueilli  ce  nouveau  spectacle  avec  de  vifs  et 
chaleureux  applaudissements;  l'enthousiasme  a  été  porté  au  plus  haut 
degré  au  moment  où  M.  Robin  passe  à  travers  les  fantômes  qui  l'absor- 
bent entièrement. 

^*^Le16  courant,  a  été  signé,  à  Madrid,  au  ministère  de  l'inté- 
rieur, le  contrat  par  lequel  M.  Bagier  prend  la  direction  du  théâtre 
royal  pour  cinq  nouvelles  années,  à  partir  du  1=''  octobre  prochain; 
les  cinq  années  écoulées,  il  est  stipulé  qus  M.  Bagier  aura  droit  à  une 
prolongation  de  cinq  années  s'il  le  demande. 

..f*,^.  Plusieurs  directeurs  des  théâtres  allemands  ont,  dit-on,  formé  le 
projet  de  se  réunir  h  Dresde  ou  à  Vienne,  pour  aviser  aux  moyens  de 
lutter  contre  les  prétentions  de  plus  en  plus  exagérées  des  chanteurs 
et  des  danseurs. 

4*4  Une  jeune  cantatrice,  Mlle  Elena  Corani,  qui  s'est  fait  entendre  à 
Paris  l'année  passée  dans  plusieurs   concerts,  était   partie  pour  l'Italie, 


206 


REVLE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


où  elle  a  fait  son  chemin.  Tout  récemment,  on  l'applaudissait  dans 
les  Huguenots  et  dans  la  Muette,  au  théâtre  de  la  Canobbiana,  à  Milan, 
et  nous  apprenons  qu'elle  vient  d'être  engagée  à  la  Scala  pour  l'au- 
tomne et  le  carnaval  prochain. 

»*j  Piir  décret  impérial  du  23  juin,  sont  distraits  du  ministère  d'Etat 
et  placés  dans  les  attributions  du  ministère  de  la  maison  de  l'Empereur 
et  des  Beaux-Arts,  l'administration  des  Beaux-Arts,  l'Académie  de  France 
à  Rome,  l'école  d'Athènes,  l'école  spéciale  des  Beaux-Arts,  les  écoles 
gratuites  de  dessin,  les  ouvrages  d'art  et  de  décoration  d'édifices  pu- 
blics, les  fêtes  et  cérémonies  publiques,  les  encouragements  des  beaux- 
arts,  souscriptions,  indemnités  aux  artistes,  voyages  et  missions  artis- 
tiques, les  théâtres,  le  Conservatoire  impérial  de  musique  et  de  décla- 
mation, les  succursales  du  Conservatoire,  l'administration  supérieure  de 
l'Opéra,  l'examen  et  l'autorisalion  des  ouvrages  dramatiques,  les  encou- 
ragements à  l'art  dramatique  et  musical  ;  les  monuments  historiques,  le 
musée  des  Thermes  et  l'hôtel  de  Cluny.  —  Sont  distraits  du  ministère 
d'Etat  et  placés  dans  les  attributions  du  ministère  de  l'instruction  pu- 
blique :  l'Institut  impérial  de  France,  l'Académie  de  médecine,  l'École 
des  chartes ,  les  bibliothèques  Impériale ,  Mazarine,  de  l'Arsenal ,  de 
Sainte-Geneviève  ;  le  service  général  des  bibliothèques,  le  Journal  des 
savants,  les  souscriptions  aux  ouvrages  des  sciences  et  de  littérature, 
les  encouragements  et  secours  aux  savants  et  hommes  de  lettres,  les 
missions  scientifiques  et  littéraires. 

***  La  lettre  intéressante  de  M.  Ch.  Wehle  que  nous  avons  publiée 
dans  notre  dernier  numéro,  était  adressée  à  M.  Szarvady  qui  l'avait 
envoyée  au  journal  de  Leipzig,  intitulé  Signale.  C'est  par  une  omission 
tout  à  fait  involontaire  que  la  source  où  nous  l'avons  puisée  n'a  pas 
été  mentionnée. 

,t*»  Un  arrêt  de  la  Cour  impériale  de  Paris,  rendu  à  l'audience  du 
20  juin,  a  décidé  qu'en  cas  de  faillite  d'un  directeur  de  théâtre,  les 
artistes  ne  peuvent  se  prévaloir  des  privilèges  résultant  de  l'article  2,101 
du  Code  Napoléon,  et  549  du  Code  de  commerce,  et  qu'ils  ont  seulement 
droit  d'être  admis  à  la  faillite  comme  créanciers  chirographaires. 

„,*„,  On  nous  écrit  de  Londres,  que  notre  compatriote  Georges  Pfeiffer 
y  vient  d'obtenir  un  très-grand  succès.  Toute  la  presse  anglaise  est 
unanime  à  le  constater,  et  nous  extrayons,  entre  autres,  du  Daily  News 
les  lignes  suivantes:  «  M.  Georges  Pfeiffer  est  un  pianiste  et  un  com- 
positeur de  haute  réputation  à  Paris,  et  son  nom  est  bien  connu  de  nos 
cercles  musicaux.  Son  concert  d'hier  soir  à  Saint  James -Hall  avait  par 
conséquent  attiré  un  nombreux  auditoire,  dans  lequel  on  remarquait  la 
plupart  de  nos  artistes  et  amateurs.  Le  concert  était  organisé  d'une  fa- 
çon plus  complète  qu'à  l'ordinaire.  L'orchestre  et  les  chœurs  réunis- 
saient cent  exécutants.  Les  chanteurs  étaient  Mme  Lemmens-Sherrington, 
miss  Palmer,  M.  Wilbye  Cooper  et  M.  Wynn.  M.  Lebouc,  violoncelliste  de 
la  Société  des  concerts  du  Conservatoire,  y  faisait  sa  première  apparition 
en  Angleterre.  L'objet  capital  du  concert  était  naturellement  l'audition 
des  compositions  de  M.  Pfeiffer  et  leur  exécution  par  lui.  Son  .concerto 
en  mj  bémol,  pour  piano  et  orchestre,  a  surtout  fixé  l'attention;  c'est 
un  ouvrage  de  grand  mérite,  écrit  d'un  style  vigoureux  et  hardi,  bien 
calculé  pour  faire  valoir  le  son  plein  et  riche,  le  jeu  brillant  et  ferme 
de  l'exécutant.  .Aussi  a  t-il  éié  accueilli  par  des  applaudissements  cha- 
leureux et  mérités,  qui  d'ailleurs  n'ont  pas  manqué  à,  des  productions 
plus  légères,  telles  que  la  Ruche  et  là  3"  mazurka.  La  sonate  bien  con- 
nue de  Mendelssohn,  en  si  bémol,  a  été  jouée  par  MM.  Pfeiffer  et  Lebouc 
avec  beaucoup  de  grâce  et  de  fini.  Plusieurs  morceaujc  de  chœur  ont 
été  très-bien  chantés,  et  le  concert  s'est  terminé  par  la  cantate  Dream- 
land,  de  miss  Virginia  Gabriel,  déjà  favorablemeut  connue  du  public.  On 
a  admiré  les  beaux  sons  et  la  qualité  du  magnifique  piano  sur  lequel 
jouait  M.  Pfeiffer,  et  qui  sort  des  ateliers  de  MM.  Pleyel-Wolff,  de  Paris.» 

,j*a.  Le  pianiste  Fr.  Bendel  vient  de  recevoir  du  roi  de  Danemark 
la  décoration  de  l'ordre  du  Danebrog. — Le  directeur  de  la  société  Sainte- 
Cécile  et  du  Liederkranz ,  à  Mayence,  M.  Frédérik  Luchs,  a  reçu  du 
duc  de  Saxe-Cobourg,  auquel  il  avait  dédié  une  nouvelle  composition 
intitulée  :  Hymne  allemand,  la  médaille  pour  les  lettres  et  les  arts. 

^*^  L'affluence  qui  se  porte  depuis  quelques  jours  au  concert  des 
Champs-Elysées,  fait  regretter  que  l'étendue  de  ce  charmant  jardin  ne 
soit  pas  plus  grande  ;  l'espace  manque  à  la  foule  de  plus  en  plus  com- 
pacte qui  se  promène  dans  l'allée  circulaire,  et  11  faudra  bientôt  re- 
culer cette  promenade  à  l'extrême  limite  de  la  circonférence.  Arban 
captive  toujours  l'attention  de  cet  auditoire  d'élite,  par  ses  belles  fan- 
taisies sur  les  Huguenots,  Robert,  Guillaume  Tdl,  la  Muette.  La  belle 
Marche  aux  flambeaux,  de  Meyerbeer,  est  un  des  joyaux  de  son  riche 
répertoire.  Le  hauboïste  Lavigne  se  fait  fréquemment  entendre,  et  pro- 
duit beaucoup  d'effet.  Depuis  quelques  jours  le  succès  de  la  Ronde  du 
Brésilien  s'est  transporté  aux  Champs-Elysées  sous  la  forme  d'une  déli- 
cieuse polka,  arrangée  par  Arban,  et  à  laquelle  Offenbach  lui-même  a 
mis  la  main  ;  on  y  retrouve  toute  la  verve  qui  a  rendu  la  ronde  elle- 
même  populaire,  et  l'orchestre  l'exécute  admirablement. 

***  .\  l'occasion  de  l'ouverture  du  nouveau  Casino,  qui  aura  lieu  le 
20  juin,  de  grandes  fêtes  vont  être   données  à    Boulogne-sur-Mer.  La 


musique  n'y  est  pas  oubliée,  et  un  brillant  concert  doit  y  réunir  Mme 
Vandenheuvel-Duprez  et  Warot,  de  l'Opéra;  les  deux  illustres  profes- 
seurs du  Conservatoire  de  Bruxelles,  Servais  et  Léonard,  s'y  feront  éga- 
lement entendre. 

„'",(  Par  la  splendide  journée  de  dimanche  dernier,  une  foule  aussi 
nombreuse  que  brillante  se  pressait  au  Pré  Catelan,  où  l'orchestre  de 
Musard  offre  aux  promeneurs  un  attrait  irrésistible.  Ce  jour  là,  du  reste, 
le  programme  justifiait  par  le  style  des  morceaux  annoncés  l'empresse- 
ment des  visiteurs.  En  effet,  entre  l'ouverture  de  Ruy-Blas  et  un  fragment 
de  symphonie  de  Mendelssohn,  Musard  avait  placé  l'ouverture  en  forme 
de  marche  composée  par  Meyerbeer  pour  l'exposition  de  Londres,  et 
renforcé  son  orchestre  afin  que  rien  ne  manquât  à  l'exécution  de 
ce  morceau .  Musard  n'a  qu'à  se  féliciter  de  ce  choix.  Le  caractère  gran- 
diose de  l'œuvre  de  Meyerbeer,  les  contrastes  et  les  nuances  dont  elle 
est  remplie  ont  été  parfaitement  rendus  par  son  orchestre  et  saisis  par 
l'auditoire,  sur  lequel  elle  a  produit  un  immense  effet. 

,^**  Aujourd'hui  dimanche,  grand  festival  militaire  au  Pré  Catelan, 
donné  au  bénéfice  de  l'Association  des  artistes  musiciens.  Pour  rehausser 
l'éclat  de  cette  solennité,  S.  Exe.  le  maréchal  Magnan  a  daigné 
accorder  à  MM .  le  baron  Taylor  et  Musard,  organisateurs  de  cette  fête 
de  bienfaisance,  les  musiques  des  régiments  de  ligne  et  de  cavalerie  du 
1='  corps  d'armée,  ainsi  que  les  fanfares  des  chasseurs  à  pied.  Réunies 
à  l'orchestre  de  symphonie  de  Musard,  et  aux  élèves  trombonistes  et 
saxophonistes  du  Conservatoire  impérial,  qui  se  feront  entendre  sur  les 
nouveaux  instruments  d'Adolphe  Sax,  toutes  ces  musiques  militaires 
concourront  à  l'exécution  d'un  de  ces  concerts  qui  font  époque  dans 
les  annales  de  l'art. 

**,(,  Au  nombre  des  morceaux  d'harmonie  militaire  exécutés  tous  les 
soirs  dans  le  jardin  du  Palais-Royal  par  le  corps  de  musique  de  la  garde 
de  Paris,  la  Marche  du  couronnement,  de  Meyerbeer,  très-bien  arrangée 
par  son  chef  d'orchestre  Paulus,  est  jouée  fréquemment  et  obtient  un 
grand  succès. 

^*,fc  M.  le  comte  Gilbert  des  Voisins,  qui  avait  épousé  Mlle  Taglioni, 
vient  de  mourir. 

^,*,  On  annoncj,  à  Turin,  la  mort  du  maître  de  chapelle  Luigi  Fellce 
Rossi;  outre  un  grand  nombre  d'œuvres  de  musique  sacrée  qui  jouissent 
d'une  réputation  légitime,  Rossi,  élève  des  savants  contrapontistes  Mat- 
tel et  Zingarelli,  laisse  des  ouvrages  didactiques  estimés. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


^■^,1,  Bade.  —  Mardi  16  a  eu  lieu,  conformément  au  programme,  la 
première  soirée  musicale  de  la  saison;  elle  a  été  suivie  du  premier  bal 
de  réunion.  L'un  et  l'autre  ont  été  fort  brillants  ;  car  Bade  compte  déjà 
un  nombre  respectable  d'augustes  visiteurs.  Les  artistes  ont  d'ailleurs 
rivalisé  de  zèle  et  de  talent  pour  transformer  ce  début  en  victoire.  La 
partie  vocale  était  représentée  par  deux  bons  artistes  du  théâtre  grand- 
ducal ,  Mme  Boni-Bartel  et  M.  Brandès;  Mlle  Colin,  jeune  pianiste  de 
Paris,  nouvelle  venue  à  Bade,  M.  Heermann,  violoniste,  et  sa  sœur, 
harpiste ,  ont  tenu  vaillamment  la  partie  instrumentale.  Mlle  Colin  a 
exécuté  avec  un  jeu  net  et  pur  plusieurs  morceaux  de  musique  clas- 
sique et  une  marche  de  sa  composition,  après  lesquels  elle  a  été  fort 
applaudie.—  Au  second  concert,  les  éléments^  pour  avoir  changé,  n'é- 
taient pas  inférieurs.  Mlle  LItschner  et  M.  Hauser,  du  théâtre  de  Carls- 
ruhe  ;  un  excellent  violoncelliste ,  émule  de  Servais,  M.  Kellermann; 
M.  Ferrand,  violoniste;  Mlle  Anna  Meyer,  pianiste,  formaient  un  en- 
semble qui  n'a  rien  laissé  à  désirer.  —  Les  réprésentations  théâtrales 
vont  maintenant  commencer,  et  nous  attendons  les  artistes  du  Palais- 
Royal. 

„,**  Ems.  —  Le  beau  programme  de  nos  fêtes,  si  brillamment  com- 
posé par  notre  intelligent  et  infatigable  directeur,  M.  Briguiboul,  com- 
mence à  se  dérouler.  Le  16,  la  foule  se  pressait  dans  les  beaux  salons 
du  Kursaal  pour  assister  au  second  concert  de  la  saison.  Alfred  Jaell, 
Léon  Jacquard,  l'éminent  violoncelliste  de  Paris,  et  M.  Wllhelmi,  jeune 
violoniste  de  l'école  de  Leipzig,  devaient  s'y  faire  entendre.  Le  public 
leur  a  fait  un  chaleureux  accueil.  Alfred  Jaell  s'est  surpassé,  et  on  a 
redemandé  avec  acclamation  son  caprice-valse  sur  le  Pardon  de  Plo'érmcl. 
MM.  Jacquard  et  Wilhelml  ont  eu  leur  bonne  part  de  bravos.  —  Le  20, 
nous  avons  eu  le  début  de  la  troupe  des  artistes  des  Bouffes-Parisiens 
de  Paris.  Ils  ont  joué  le  Mariage  aux  lanternes  et  Bataclan  devant  une 
nombreuse  société,  composée  de  la  plus  haute  aristocratie  allemande  et 
russe.  —  Offenbach  est  attendu ,  il  vient  surveiller  les  répétitions  de 
son  opéra  nouveau  :  //  sigiior  Fagotto. 

,t*,  Aix-la-Chai,etle.  --  La  société  musicale  Liedertafel  vient  de  donner 
un  beau  concert  dont  A.  Jaell  a  fait  les  principaux  frais.  Il  a  reçu  uu 


DE  PARIS. 


207 


accueil  enthousiaste,  el  il  a  dû  jouer  trois  morceaux  de  plus  que  ceux 
indiqués  au  programme. 

^*^  Wicsbackn.  —  Les  concerts  ont  repris  au  Kursaal,  qui  a  été  com- 
plètement restauré  et  peut  compter  parmi  les  salles  les  plus  splendides 
en  Europe.  Le  premier  grand  concert  a  eu  lieu  le  12,  devant  un  audi- 
toire composé  de  la  haute  société  cosmopolite  ;  on  y  a  entendu  le  pia- 
niste Booevvitz,  qui  a  passablement  exécuté  la  fantaisie  de  Thalberg  sur 
les  Huguenots;  le  virtuose  sur  la  flûte,  Foltz;  Mme  Bertrand  et 
M.  Schneider  ont  chanté  un  duo  de  Marschner.  Un  accueil  très-flatteur 
a  été  fait  aux  artistes.  —  La  célèbre  Jenny  Lind  se  trouve  ici. 

»*a,  Mayencc.  —  Les  artistes  de  l'opéra  de  Darrastadt  ont  joué  ici  le 
Prophète,  l'Étoile  du  Nord,  les  Vêpres  Siciliennes  et  les  Huguenots.  Parmi 
les  artistes  qui  ont  débuté  en  vue  d'un  engagement,  on  a  remarqué 
M.  Wagner,  qui  a  chanté  avec  talent  le  rôle  de  Raoul. 

^%  Berlin.  —  Le  .théâtre  royal  de  l'Opéra  vient  de  clore  la  saison 
par  une  fort  bonne  représentation  du  Maçon,  opéra-comique  d'Auber. 
Cette  gracieuse  et  piquante  partition  est  toujours  en  grande  faveur  en 
Allemagne.  Dans  le  rôle  de  Mme  Bertrand,  Mlle  Gey  a  fait  preuve  de 
beaucoup  d'habileté  dramatique  et  d'une  excellente  éducation  musicale; 
Mlle  Gericke  (Henriette)  a  surtout  parfaitement  saisi  et  rendu  la  partie 
comique  de  son  rOle.  Woworsky  (Roger)  et  Bost  (Baptiste)  sont  éga- 
lement très-convenables.  Somme  toute,  cette  reprise  a  fait  le  plus  grand 
plaisir.  Pour  la  réouverture,  le  diapason  de  Paris  aura  été  introduit 
dans  l'orchestre  du  théâtre  royal  de  l'Opéra.    • 

^*»  Schwèrin.  —  Au  grand  festival  qui  a  eu  lieu  ici  du  14  au  17  juin, 
tontes  les  classes  de  la  population,  depuis  la  haute  aristocratie  jus- 
qu'aux paysans,  étaient  représentées  par  leurs  sociétés  de  chant.  11  y  a 
eu  trois  concerts  sous  la  direction  du  maître  de  chapelle  A .  Schmitt. 
A  celui  du  dimanche,  14,  a  été  exécuté  Judas  Macchabée,  par  Haendel  ; 
le  lendemain,  fragments  d'Orphée,  de  Gluck;  messe  de  S.  Bach,  la  neu- 
vième symphonie  de  Beethoven.  Le  troisième  jour  était  réservé  aux  vir- 
tuoses, parmi  lesquels  on  cite  Mme  Harriers,  de  Berlin.  Les  chœurs  de 
l'église  du  château  ont  exécuté  des  morceaux  de  Palestrina,  de  S.  Bach, 
de  Mozart  et  de  Mendelssohn.  Pendant  ces  trois  journées  les  maisons  de 
la  ville  étaient  pavoisées;  il  y  a  eu  promenades  en  gondoles,  illumina- 
tions, sérénades.  La  neuvième  symphonie  de  Beethoven,  rendue  avec 
une  netteté,  une  précision  qui  en  a  singulièrement  facilité  l'intelligence  . 
a  été  le  morceau  capital  de  la  fête.  Cette  œuvre  grandiose  a  produit 
une  sensation  profonde. 

j,*^  Stuttgart,  25  juin.  —  Samedi  dernier  a  eu  lieu  la  pose  de  la 
première  pierre  de  la  Liedcrhallc.  Après  les  cérémonies  d'usage,  la 
société  s'est  réunie  pour  chanter  quelques  beaux  iieder  allemands. 
J.-G.  Fischer,  l'orateur  vvurtembergeois  par  excellence,  a  porté  le  pre- 
mier toast  à  l'habile  architecte,  M.  Frédéric  Leins,  dont  les  nombreux 
travaux  auront  bientôt  transformé  l»  ville  de  Stuttgart. 

j%  Francfort. — Le  25  juin,  a  été  célébré  ici  le  vingt-cinquième  anni- 
versaire de  l'institut  Mozart,  avec  le  concours  du  Liederkranz,  des  socié- 
tés Sainte-Cécile,  Kilhl  et  de  l'orchestre  du  théâtre.  Voici  les  princi- 
paux morceaux  qui  figuraient  au  programme  ;  ouverture  de  concert 
(inédite),  par  Ferdinand  Hiller;  concerto  pour  violon,  composé  et  exécuté 
par  M.  Bott,  maître  de  chapelle,  boursier  de  l'établissement  de  1843  à 
1845  ;  diverses  compositions  vocales  par  Bischoff",  boursier  de  1846- 
48;  par  Brambach,  Bruch  et  Denner,  tous  boursiers  de  l'institut  Mozart, 
et  dont  quelques-uns  ont  su  se  faire  une  certaine  réputation. 

^*j  Vienne.  —  Cari  Treumann  a  loué  la  salle  du  Carltheater  pour 
quinze  ans ,  à  raison  de  28,000  florins  par  an,  pendant  les  cinq  pre- 
mières années;  pour  les  dix  dernières,  le  loyer  sera  de  29,000  florins. 

*%  Turin.  —  Le  théâtre  Victor-Emmanuel  a  décidément  fermé  ses 
portes  pour  les  rouvrir  seulement  en  automne.  On  affirme  que  cette 
réouverture  aura  lieu  avec  le  Pardon  de  Ploérmcl,  le  dernier  opéra  de 
Meyerbeer.  —  Après  le  succès  extraordinaire  de  Maria  qui,  pendant 
deux  mois  consécutifs,  a  attiré  un  monde  fou,  il  était  naturel  qu'on 
songeât  à  nous  faire  connaître  un  autre  opéra  de  M.  de  Flotow,  Stra- 
della,  qui  jouit  en  Allemagne  d'une  réputation  égale  à  celle  de  son  aînée. 
Le  théâtre  national  a  donc  donné  mercredi  Stradella,  et  nous  devons  dire 
que  malgré  la  faiblesse  assez  marquée  de  l'exécution,  il  a  généralement 
et  beaucoup  plu.  Le  second  acte  a  surtout  produit  un  grand  effet,  il 
est  beau  du  commencement  à  la  fin.  Les  interprèles  étaient  la  Torri- 
celli,  Palermi,  Rota  et  Torricelli.  Le  rôle  était  un  peu  fort  pour  la  pre- 
mière, pourtant  elle  s'y  est  montrée  bonne  artiste,  et  chacun  de  ses 
morceaux  lui  a  valu  des  applaudissements.  C'est  Palermi  qui  a  eu  les 
honneurs  de  la  soirée;  il  a  chanté  cette  musique  à  merveille  et  provo- 
qué l'enthousiasme  après  le  Salve  Regina.  Le  rôle  de  Rota  est  écrit  un 
peu  haut  pour  sa  voix,  néanmoins  il  s'en  est  tiré  à  son  honneur,  et  l'on 
a  fort  goûlé  son  joli  et  si  original  duo  avec  Torricelli,  de  même  que  le 
trio  sans  accompagnement  des  trois  basses.  La  manière  dont  ces  mor- 
ceaux ont  été  chantés  a  contribué  au  succès  de  l'opéra.  Peu  de  chose  à 
dire  du  ballet  ;  les  chœurs  n'ont  pas  mal  marché;  il  n'en  a  pas  été  de 
même  de  l'orchestre.  En  somme,  Stradella  peut  égaler  le  succès  de  Maria 
dès  que  nous  aurons  une  prima  donna  pour  le  chanter. 


„,%  Gênes.  —  La  saison  d'été  est  close  au  théâtre  Carlo-Felice,  depuis 
le  11  courant;  elle  s'est  terminée  par  une  brillante  représentation  de 
Maria,  dans  laquelle  Graziani,  toujours  fêté,  a  dû  répéter  la  fameuse 
romance  du  troisième  acte  qu'il  dit  merveilleusement.  Mmes  Moro  et 
Tati  ont  partagé  son  succès.  —  La  soirée  du  12  a  été  consacrée  à  un 
grand  concert  au  bénéfice  de  la  caisse  de  secours  mutuels  de  l'art  phil- 
harmonique. On  y  a  exécuté  deux  grandes  ouvertures  nouvelles  pour 
nous,  et  qui  ont  été  brillamment  rendues  par  l'orchestre  de  la  ville, 
sous  la  direction  de  M.  Mariani.  La  première  de  Keyerbeer,  Slruensée, 
est  un  chef-d'œuvre  que  le  public  a  beaucoup  applaudi.  L'autre  est 
une  œuvre  récente  de  Mercadante,  qui  brille  par  l'élégance,  la  passion 
et  la  science.  Elle  n'a  pas  été  moins  bien  accueillie.  Le  célèbre  Tam- 
burini,  Graziani,  Junca,  la  signera  Agrone,  Moro,  s'étaient  chargés  de 
la  partie  vocale.  Le  succès  a  été  complet  et  la  recette  très-fructueuse. 


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Op.  36.  Petite  fantaisie  facile  sur  le  Pardon 

de  Ploërmel 

Op.  42.  Souvenir  des  Puritains 

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Op.  71.  Morceau    de  salon  sur  la  Part  du 

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7 .  Moïse 

8 .  Le  Domino  noir 

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9.  Le  Prophète,  n°  2 

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Morceau  de  salon  sur  le  Pardon  de  Ploërmel. 

A.  LEDUC 

Op.    99.  Fantaisie  sur  le  Duc  d'Olonne 

Op.  110.  —         la  Part  du  Diable... 

Op.  124.  —         la  Sirène 

Op.  1 27.  —         la  Barcarolle 

Op.  137.  Les  Mignonnes,  petites  fantaisies  : 

1 .  Le  Domino  noir 

2.  Les  Diamants  de  la  couronne 

Op.  140.  Fantaisie  sur  Robert  Bruce 

Fantaisie  sur  Haydée 


7  50 
7  50 
7  50 
7  50 
7  5(1 
7  50 
7  50 
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7  50 
7  50 
7  50 


7  50 
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7  50 
7  50 
7  50 


G.   REDLER 

Op.  79.  Les  Roses  sans  épines,  10  suites  : 

1.  Huit  petits  airs  faciles 5 

2.  Huit  petits  airs  de  divers  caractères..  5 

3.  Quatre  bluettes , ..  5 

4.  Trois  rondinos 5 

5.  Deux  divertissements 5 

6.  Variations  sur  un  thème  original 5 

7.  Bagatelle  sur  les  Huguenots 5 

8.  Bagatelle  sur  Robert  le  Diable 5 

9.  Bagatelle  sur  le  Déserteur 5 

Op.  115.  Petit  souvenir  de  Robert  Bruce....  5 

Op.  116.  Rondoletto  sur  Robert  Bruce 5 

Op.  134.  Rondino  sur  des  motifs  de  Haydée.  5 

Op.  H4.  Fantaisie  sur  Giralda 5 

Op.  147.  PelileliHlaisiesar  l'Enfant  prodigue  6 


LE  CARPENTIER 

Op.  37.  Trois  mélodies  de  Schubert,  variées  : 

1.  La  Sérénade 

2.  Adieu 

3.  Rosmonde 

Op.  94.  Fantaisie  facile  sur  la  Sirène 

12=  bagatelle  sur  le  Lac  des  Fées 

13"  —  Guido  et  Ginevra 

16=  —  la  Tarentelle,  de  Rossini.. 

44'  —  Otello 

45"  —  /  Puritanl 

46=  —  la  Muette  de  Portici 

47=  —  la  Danse  des  Esprits.... 

48=  —  Moïse 

4S=  —  le  Cheval  de  bronze 

50=  —  le  Réveil  d'un  beau  jour.. 

52=  —  la  Barcarolle 

54=  —  le  Philtre 

55=  —  le  S^afca^,  de  Rossini 

56=  —  le  Serment 

57=  —  le  Comte  Ory 

59=  —  Fra  Diavolo 

63=  —  le  Barbier  de  Séville 

64"  —  la  Donna  del  Lago 

65=  —  la  N  or  ma 

66=  —  la  Gazza  II. dra 

67=  —  il  Malrimonio  segreto 

68=  —  la  Fiancée 

69=  —  le  Dieu  et  la  Bayadère. . . 

70=  —  Italiana  in  Algieri 

71"  —  Lestocq 

75=  —  Sultana 

76'  .—  le  Siège  de  Corinthe 

77=  —  le  Pirate 

78=  —  Joconde 

79=  —  le  Tromp.  de  M.  le  Prince . 

82=  —  Robert  Bruce 

83'  —  Jcannot  et  Colin 

84'  —  Eitsire  d'amore 

86=  —  zelmire 

87=  —  les  motifs  d'Hérold 

88'  —  la  Bergère  châtelaine 

89'  .  —  Cendrillon .-.. 

yO'  —  les  Soirées  de  Rossini 

91=  —  Actéon...    

92'  —  Marie-Thérèse 

93'  —  le  Portefaix 

94'  —  le  Malheur  d'être  jolie... 

95'  —  les  Chaperons  blancs 

P8'  —  les  Chasses,  deLabarre... 

593  —  le  Billet  de  loterie 

100=  —  Tancredi 

101'  —  Haydée 

102=  —  la  Niobé 

103=  —  Anna  Boléna 

101'  —  Don  Juan 

108*  —  le  Violon  du  Diable 

109'etllO' —         le  Prophète,  chaque 

122=1"    —  l'Enfant  prodigue 

123'  2'     —  l'Enfant  prodigue 

127»etl25= —  Zerline,  chaque 

132=  —  la  Poupée  de  Nuremberg. 

133=  —  le  Farfadet , . 

136'  —  le  Toréador 

153'  —  la  Part  du  Diable 

155=  —  le  Domino  noir 

156'  —  Robert  le  Diable 

157'  —  les  Huguenots 

158"  —  les  Diamants  de  la  couronne 

159'  —  lePostillon  de  Longjumeau 

161*  —  l'Ambassadrice 

165*etl66' —  l'Étoile  du  Nord,  chaque. 

1 85°et  186=  —  le  Pardon  de  Ploërmel,  ch . 

187=  —  Marta 

188'  —  les  Dragons  de  Villars  . . . 

192=  —  les  Bavards 

193'  —  Stradetla 

RUMMEL 

Echos  des  opéras ,  fantaisies  pour  le  piano 
sur  les  motifs  d'Ad.  Adam,  Auber,  Meyer- 
beer, Rossini,  Flotow  : 

1.  Fra  Diaiolo 

2.  L'Etoile  du  Nord 

3.  Le  Comte  Ory 

4.  Le  Domino  noir 

5.  Les  Diamants  de  la  couronne 

6.  La  Muette  de-  Portici 

7.  Robert  le  Diable 

8.  Le  Pardon  de  Ploërmel 

9.  Les  Dragons  de  Villars 

1 0.  Marta 

11.  Slradella 

12.  Le  Postillon  de  Longjumeau 


4  50 
4  50 
4  50 


H.  LEMGINE 

Op.  25.  Divertissement  sur  l'Ambassadrice  .  5 

Op.  26.  —  le  Domino  noir.  6 

Bagatelle  sur  les  Diamants  de  la  couronne. .  S 

—  la  Part  du  Diable 5 

—  la  Sirène 5 

H.  VALIQUET 

Op.  41.  La  Moisson  d'or,  vingt-cinq  petits 
morceaux  très-faciles,  soigneusement  doigtés 
et  sans  octaves,  composés  sur  les  plus  jolis 
motifs  des  opéras  célèbres.  En  cinq  séries, 
vingt-cinq  numéros  : 

1"  série. 
1.  Les  Huguenots. — 2.  La  Poupée  de  Nurem- 
berg.—  3.  L'Ambassadrice.  — 4.  Le  Comte 
Ory.— 5.  La  Fiancée. 

2*  série. 
.  1.  La  Muette  de  Portici  —  2.  Le  Pardon  de 
Ploërmel. — 3.  Le  Postillon  de  Longjumeau. 
—  II.  Joconde.  —  5.  Les  Diamants  de   la 
couronne. 

3'  série. 
1.  Guillaume  Tell. — 2.  Haydée  —  3.  L'Etoile 
du  Nord.  —  4.  Les  Pantins  de  Violette.  — 
5.  La  Part  du  Diable. 

4=  série 
1.  Marta.— 2.  Fra  Diavolo.— 3.  Le  Prophète. 
II.  Guido  et  Ginevra.— 5.  La  Sirène. 
5*  série. 
1.   Ifs  Dragons  de  Villars.  —  2.  Giralda.  — 
3.  Le  Domino  noir.—li.  Robert  le  Diable.— 
5.  Les  Deux  Aveugles. 

Chaque  numéro 2 

Chaque  série .- 9 

Les  cinq  séries  réunies,  net 10 

Les  mêmes  morceaux,  arrangés  à  4  mains,  ch.     5 
Fantaisie  facile  sur  les  Pécheurs  de  Calane..    6 

Fantaisie  facile  sur  l'Etoile  de  Messine 6 

Petite- fantaisie  sur  les  Dragons  de  Villars.     5 

ÉD.  WOLFF 

La  Jeune  Pianiste  ,    ouvrage  élémentaire  et 

progressif.  Six  volumes  divisés  en  36  liv.  : 
Op.  123.  Premier  volume,  Le  Petit  Podcet. 

1.  Richard  Cœur  de  Lion,  le  Désert,  Ro- 
bert le  Diable,  l'Etoile  du  Nord 

2.  Robin  des  bois,  Norma,  le  Carnaval 
de  Venise 

3.  Les  Huguenots,  mazurka,  le  Barbier 
de  Séville 

4.  Polka,  valse  allemande  originale 

5.  Dernière  pensée  de  Weber.  Fra  Diavolo 

6.  L'  Prophète,  la  Norma 

Op.  124.  Deuxième  vol.,  Le  CnAPEnON  rouge. 

1.  Mosaïque  de  l'Elisire  d'amore 

2.  Le  Pardon  de   Ploërmel,  le  Domino 
noir,  le  Roman  d'Elvire 

3.  Maria,  rondo-valse  de  salon 

4.  Mosaïque  du  Templario 

5.  Polka  de  Strauss,  les  Huguenots 

6.  Air  viennois,  rondino  de  Guillaume 
Tell 

Op.  125.  Troisième  volume.  Le  Chat  bottjE'. 

1.  Air  allemand  varié 

2.  Rondino  sur  une  polka  originale 

3.  Fantaisie  mignonne  sur  la   Vestale... 
II.  Mosaïque  de  Guido  et  Ginevra. 

5.  Petite  fantaisie  sur  la  Sonnambula  . . 

6.  Valse  de  Preciosa  ;  l'Heureux  Gondo- 
lier, barcarolle  de  Dœhler 

Op.  126.  Quatrième  volume,  Cendrillon. 

1.  Fantaisie  sur  Béatrice  di  Tenda 

2.  Prière  d'0<f;;o,  de  Ros  ini 

3.  Rondo,  mélodie  de  Meyerbeer 

4.  Air  russe  varié 

5.  Marche  de  Moïse,  de  Rossini 

6.  Fantaisie  sur  le  Crocialo,  de  Meyerbeer 
Op.  127.  Cinquième  vol.,  La  Biche  au  bois. 

1.  Le  Désert,  mélodie  arabe  variée 

2.  Polonaise  favorite  des  Puritains 

3.  Les  Dragons  de  Villars 

4.  Saltarelle  de  Félicien  David 

5.  Valse  brillante  de  Strauss,  variée  .... 

6.  Fantaisie  sur  Adelia,  de  Donizetti. . . . 
Op.  128.  Sixième  volume,  Peau  d'ane. 

1.  Variations  brillantes  sur  la  Niobé.... 

2.  Nocturne  sur  la  Berceuse,  de  Vivier. . 

3.  Divertissement   militaire  sur    le  Rhin 
■   allemand,  de  Félicien  David 

4.  Divertissement  sur  Marta 

5.  Petit  caprice  sur /a  Poste,  de  Schubert 
0.  Thème  original  de  Thalberg,  varié... 

Les  six  volumes,  chaque 


4  50 

4  50 

4  50 
4  50 
4  50 
4  50 

4  50 

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4  50 
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4  50 

4  50 
4  50 


:  BRBnERE,  20. 


BUREAUX    A   PARIS  :    BOULEVARD   DES  ITALIENS,    I. 


30«  Année. 


I\°  27. 


OR  S'ABONNE  l 

Dans  les  Départements  et  à  l'Étranger,  chez  tous 
les  Morchands  de  Musique,  les  Libraires,  et  sut 
Pureaut  des  Messageries  et  des  Postes,  > 


GAZETTE  M 


î>  Juillet  1863. 


PUIS  DE  L'ABOHNEIUENT  : 

Paris Sifr.paran 

Départements,  Belgique  et  Suisse —    30  u       id. 

Étranger 34  "       '*• 

Le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


—^\f\j\PJ\j\PJ\rj\r^/\r~ 


SOMMAIRE.  —  Floquet  (2=  article),  par  Arthnr  Pougin.  —  Concours  d'or- 
phéon, de  fanfares  et  de  musiques  militaires  à  Suresnes,  par  A.  Elwart.  — 
Haydn  et  les  princes  d'Ësterhazy  (3=  article).  —  Nécrologie  :  Luigi-Felice  Rossi, 
par  Arthur  Pongin.  —  Revue  des  théâtres,  par  D.  A.  D.  SSaint- 
Iftes,  —  Nouvelles  et  annonces. 


FLOODET. 

(2'  article)  (1). 

Grimm  dit,  à  propos  de  la  première  représentation  (2)  :  «  L'Aca- 
démie royale  de  musique  se  dédomnoage  du  mauvais  succès  des  der- 
niers intermèdes  :  elle  a  donné,  le  mardi  7  septembre,  im  ballet  hé- 
roïque intitulé  l'Union  de  l'Amour  et  des  Aris.. .  Il  paraît  que  cet 
ouvrage  doit  le  succès  brillant  dont  il  jouit  à  M.  Floquet,  jeune  mu- 
sicien dont  le  début  annonce  quelques  talens ,  surtout  pour  la  sym- 
phonie. Son  ouverture,  ses  airs  de  danse  sont  bien  dessinés  et  d'un 
chant  agréable  ;  mais  il  manque  à  l'auteur  ce  qui  manque  et  man- 
quera toujours  à  tous  nos  musiciens  français,  c'est  de  ne  savoir  point 
écrire  la  musique  et  de  ne  pas  assez  connaître  le  parti  qu'on  peut  tirer 
de  l'accompagnement  du  chant  (3).  Quelques  mois  de  l'école  d'Italie 
pourraient  faire  un  charmant  musicien  de  M.  Floquet,  qui  ne  man- 
que ni  d'idées  ni  de  hardiesse.  » 

Bachaumont  dit  de  son  côté,  en  parlant  de  l'opéra  nouveau  (4)  : 
«  11  a  été  exécuté  avec  un  succès  extraordinaire.  L'enthousiasme  du 
public  a  été  porté  au  point,  que  dans  le  courant  du  spectacle  on  a 
obligé  plusieurs  fois  l'orchestre  de  s'arrêter,  pour  donner  cours  aux 
applaudissemens  et  aux  cris  tumultueux  avec  lesquels  on  demandoit 
l'auteur.  Comme  on  ne  s'est  pas  trompé  sur  celui  qu'on  désiroit  voir, 
à  la  fin  du  spectacle  et  la  toile  tombée,  on  a  amené  par  un  coin  du 
théâtre  le  sieur  Floquet,  qui  a  joui  d'un  honneur  que  n'a  jamais  eu 


(1)  Voir  le  n°  23. 

(2)  Correspondance  littéraire,  septembre  1173. 

(3)  Je  ferai  remarquer,  non  point  le  solécisme  commis  par  Grimm ,  mais  sa 
constante  injustice  envers  les  musiciens  français.  Ce  n'est  pas  huit  ans  après 
la  mort  de  Rameau,  et  lorsqu'on  artiste  supérieur,  que  la  France  n'aurait  pas 
dti  oublier,  Philidor,  tenait  la  scène  depuis  quinze  ans,  ce  n'est  pas,  cnfln, 
lorsque  Dczëdes  commençait  à  établir  sa  réputation  par  des  ouvrages  aussi  dis- 
tingués que  Julie  et  l'Erreur  d'un  moment-,  que  de  tels  reproches  pouvaient  ûtre 
formulés. 

(û)  Mémoires  secrets  four  servir  à  l'Histoire  de  la  république  des  lettres, 
7  septembre  1773. 


Rameau.  C'est  le  premier  qui  ait  été  demandé  sur  la  scène  lyrique 
et  qui  ait  paru  (1).  On  a  su  combien  ce  musicien,  âgé  d'environ  vingt- 
trois  ans,  avoil  eu  de  peine  à  faire  recevoir  son  ouvrage,  quelles  mor- 
tifications il  avoit  essuyées  pendant  les  répétitions,  et  les  spectateurs 
indignés  ont  été  bien  aises  de  trouver  cette  occasion  de  le  dédom- 
mager de  tous  ces  dégoûls.  Au  reste,  son  ouvrage  est  charmant  à 
bien  des  égards,  mais  ne  mériloit  pas  cet  excès  de  fanatisme.  D'ail- 
leurs, les  danses  variées,  pittoresques  et  délicieuses,  n'ont  pas  peu 
contribué  à  faire  tourner  les  têtes.  » 

Enfin,  le  Mercure  de  France,  dans  son  numéro  d'octobre  1773, 
est  plus  chaleureux  encore  et  s'exprime  en  ces  termes  :  «  La  musi- 
que de  M.  Floquet,  jeune  homme  de  vingt-deux  ans,  annonce  du  génie, 
du  goût  et  du  talent.  Il  débute  avec  éclat  dans  cette  carrière  difficile 
et  périlleuse.  Son  premier  essai  est  digne  d'un  grand  maître.  11  entend 
très-bien  les  grands  effets  d'harmonie  ;  ses  airs  de  danse  sont  d'une 
mélodie  agréable,  d'un  ton  neuf  et  saillant.  On  admire  son  duo  et  sa 
belle  chacone  du  second  acte,  le  trio  des  vieillards,  au  troisième, 
comparable  aux  plus  beaux  morceaux  de  ce  genre.  On  peut  désirer 
peut  être  des  motifs  mieux  choisis  et  plus  soutenus  dans  son  chant, 
et  une  expression  plus  juste  et  plus  sentie  dans  son  récitatif,  mais  ce 
jeune  musicien  se  présente  avec  tant  d'avantages  et  de  connaissance, 
qu'il  doit  être  compté  parmi  nos  savans  compositeurs.  On  peut 
même  dire  que  le  caractère  et  le  style  de  sa  musique  annoncent  du 
génie  et  tiennent  à  un  talent  original.  » 

Pour  en  finir  avec  les  éloges,  je  vais  reproduire  une  lettre  qui 
fut  adressée  à  Floquet  le  lendemain  de  la  représentation  de  son 
opéra,  lettre  qui  fut  insérée  dans  le  troisième  numéro  du  Journal  de 
musique  : 

«  Monsieur, 
«  Si  je  vous  faisois  mon  compliment,  il  ne  pourroit  que  vous  être 
insipide  après  ce  qui  se  passa  hier  :  je  veux  me  distinguer  du  général 
en  vous  accablant  de  reproches.  En  effet,  n'est-il  pas  affreux  de  don- 
ner un  opéra  pendant  lequel  on  n'a  pas  le  tems  de  respirer;  il 
faut  avoir  des  mains  de  fer,  un  tympan  d'airain.  Quoi ,  toujours  des 
surprises,  de  la  noblesse,  du  goût,  de  la  nouveauté,  du  génie!  cela 
est  trop  fort  à  votre  âge.  Monsieur,  vous  devriez  mourir  de  honte  ; 
il  vous  sied  bien  à  vingt-deux  ans  d'oser  entrer  en  lice  avec  les  res- 
pectables suppôts  de  l'ancien  genre  :  ce  sont  eux  qui  ont  de  l'acquit. 

(1)  Floquet  fut  en  effet  IjJjH^îmier  auteur  auquel  le  public  de  l'Opéra  ait  tait 
un  tel  honneur.  Voltaire  avait  paru  ainsi,  sur  la  scène  de  la  Comédie  française, 
à  l'issue  de  la  représentation  de  Mérope,  et  la  présence  de  Philidor  avait  été  ré- 
clamée de  même,  à  la  Comédie  italienne,  après  l'éclatant  succès  dn  Sorci'ir. 


210 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


A  la  représentation  de  leurs  graves  ouvrages,  on  est  forcé  de  rester^ 
immobile. . .  Mais  à  vos  idées  singulières  peut-on,  avec  un  peu  de 
goût,  se  défendre  d'un  mouvement  qui  tient  du  convulsif  ?  Corrigez- 
vous  sur  mes  avis. . .;  mais  je  gage  qu'il  n'en  sera  rien,  et  je  jure- 
rois  que  vous  ferez  de  pis  en  pis.  Oh  !  j'en  suis  sûre,  les  Provençaux 
sont  intraitables!  Je  vous  connois  encore  des  ridicules  singuliers,  ce 
sont  ceux  d'élre  bon  fils,  bon  frère,  bon  ami,  humble  sans  bassesse, 
honnête  dans  la  prospérité,  etc.,  etc.,  car  vous  êtes  pétri  de  ces 
misères-là,  qui  vous  rendent  original.  Si  vous  persistez  dans  cette 
étrange  conduite,  je  vous  condamne  de  ma  pleine  puissance  et  sou- 
veraine autorité  à  subir  toute  votre  vie,  trois  fois  par  semaine,  le 
supplice  que  vous  a  infligé  le  public  juste  et  connaisseur. 

»  Fait  en  mon  palais  de  la  Modestie,  scellé  du  sceau  de  l'Amitié, 
ce  lendemain  d'un  succès  rare  et  mérité.  Signé  moi. 

»  J'embrasse  respectueusement  la  plus  respectable  des  mères  et  la 
plus  aimable  des  sœurs.  » 

Dans  sa  forme  plaisante  et  légère,  cette  lettre,  écrite  par  une 
femme,  renferme  les  éloges  les  plus  flatteurs  et  exprime  une  con- 
viction véritable. 

Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  le  succès  de  V Union  de  l'Amour 
et  des  Arts,  auquel  on  était  fort  loin  de  s'attendre,  fut  non-seule- 
ment éclatant  mais  prolongé.  Du  7  septembre  1773  à  la  fin  de  jan- 
vier 177Z(,  l'ouvrage  fut  représenté  soixante  et  uue  fois,  et  le  fait 
s'était  rarement  vu  à  l'Opéra.  Il  fut  encore  joué  à  Choisy,  devant 
le  roi,  le  9  février,  et  on  en  donna  enfin,  deux  mois  après,  trois 
représentations  nouvelles  pour  la  capitation  des  acteurs  (1). 

Ce  succès  était  justifié  jusqu'à  un  certain  point,  non  par  la  distinc- 
tion du  style  employé  dans  cet  ouvrage,  style  presque  toujours  lâche 
et  parfois  vulgaire,  mais  par  des  mélodies  pleines  de  grâce,  et 
dont  la  franchise  contrastait  singulièrement  avec  la  pauvreté  d'ima- 
gination qui  régnait  généralement  dans  les  grands  opéras  à  cette 
époque. 

Croit-on  que  la  question  fût  complètement  décidée  par  ce  succès,  et 
qne  les  obstacles  qui  avaient  entravé  les  premiers  pas  du  jeune  com- 
positeur fussent  écartés  à  jamais?  Loin  de  là  ;  et  la  preuve,  c'est  que 
le  pauvre  Floquet,  qui  s'était,  par  un  traité  conclu  avec  les  directeurs 
de  l'Opéra,  engagé  à  livrer  sa  partition  contre  une  somme  de  mille 
écus  une  fois  payée,  ne  put  même  obtenir  de  ces  derniers,  malgré 
les  200,000  livres  que  sa  pièce  jeta  dans  les  coffres  de  l'Académie 
royale  de  musique,  une  gratification  qu'on  ne  refusait  pas  au  compo- 
siteur de  la  plus  infime  rapsodie.  Encore  celle  somme  de  mille  écus 
fut-elle  écornée  par  un  procès  qu  il  dut  soutenir  contre  un  éditeur 
qui  avait  publié,  sans  son  consentement,  des  airs  détachés  de  son 
opéra,  dont  la  partition  parut  au  mois  de  décembre  1773. 

m. 

Une  telle  injustice,  venant  se  joindre  aux  procédés  peu  délicats 
qu'il  avait  eu  à  supporter  pendant  les  études  de  V Union  de 
l'Amour  et  des  Arts,  était  bien  faite  pour  exaspérer  Floquet. 
Malheureusement  tout  homme  qui  embrasse  ce  qu'on  appelle 
la  carrière  des  arts,  doit  s'attendre  à  des  chagrins  de  toute  sorte. 
Floquet  le  comprit,  et  ne  chercha  qu'à  se  mettre  en  mesure  de  pa- 
raître de  nouveau  devant  le  public.  Du  reste,  l'énorme  succès  de 
son  premier  ouvrage  lui  était  une  large  compensation  de  tous  ses 
ennuis,  et  si  sa  position  n'était  pas  améliorée,  —  car  il  lui  fallait 
toujours,  avec  le  peu  qu'il  gagnait,  soutenir  sa  mère  et  sa  sœur,  et 
l'on  prétend  que  sa  gêne  était  telle  que,  faute  de  pouvoir  acheter  de 
chandelle,  il  s'étendait  par  terre,  la  nuit,  et,  couché  sur  le  ventre, 
travaillait  à  la  clarté  de  la  lune,— du  moins  son  amour- propre  était 


(1)  Les  représentations  données  autrefois  a  pour  la  capitation  des  acteurs  3> 
étaient  ce  que  nous  appelons  aujourd'hui  des  bénéfices,  et  le  produit  leur  en  était 
partagé. 


satisfait.  Confiant  dans  sa  destinée,  il  s'occupa  d'un  opéra  dont  son  pre- 
mier collaborateur,  Lemonnier,  lui  avait  donné  le  poëme;  mais  il  s'ef- 
fraya du  temps  qu'il  lui  faudrait  pour  composer  sa  partition,  faire  les 
démarches  nécessaires  à  sa  réception,  et  enfin  procéder  aux  études  de 
l'ouvrage.  Il  avait  en  portefeuille  une  messe  funèbre  :  quelques  amis  lui 
suggérèrent  l'idée  de  la  faire  exécuter  dans  une  église,  et  de  fixer  une  ré- 
tribution à  payer  par  chaque  assistant,  lui  offrant  de  s'employer  à  cet  effet. 
Floquet  goûta  ce  projet,  et  le  23  mars  177^,  une  foule  nombreuse 
se  rendait  aux  Feuillants  pour  entendre  cette  nouvelle  œuvre  d'un 
jeune  compositeur  aimé  du  public.  Plus  de  cinq  cents  personnes 
étaient  présentes,  et  le  prix  des  places  ayant  été  fixé  à  6  livres, 
c'est  environ  1,000  écus  que  Floquet  vit  tomber  à  cette  occasion  dans 
son  escarcelle. 

Dès  lors,  il  se  remit  au  travail  avec  une  nouvelle  ardeur  et  son 
opéra  fut  bientôt  terminé.  Le  sujet  de  cet  ouvrage,  qui  avait  pour 
titre,  Asolan,  était  tiré  du  joli  conte  si  connu  de  Voltaire,  qui  porte 
le  même  nom  : 

A  son  aise  dans  son  village 
Vivait  un  jeune  musulman. 
Bien  fait  de  corps,  beau  de  visage. 
Et  son  nom  était  Âzolaa. 
Cette  seconde  production  dramatique  du  jeune  musicien  provençal 
n'était  pas,  s'il  faut  s'en  rapporter  aux  chroniqueurs  du  temps,  infé- 
rieure à  la  première.  Mais,  entre  la  représentation  de  l'Union  de 
l'Amour  et  des  Arts  et  celle  d'Azolan,  il  s'était  passé  un  fait 
qui  occupa  tout  Paris  et  devint  fatal  à  la  carrière  du  jeune 
Floquet.  Le  19  avril  1774,  un  homme  de  génie,  auquel  de  profondes 
méditations,  des  études  poursuivies  avec  intelligence  et  ténacité  et, 
plus  que  cela,  vingt  ouvrages  de  différents  caractères  représentés  sur 
les  scènes  les  plus  importantes,  avaient  donné,  outre  la  conscience  de 
sa  valeur,  l'expérience  indispensable  aux  natures  les  mieux  douées, 
faisait  représenter  sur  la  scène  de  l'Acaaémie  royale  de  musique  une 
de  ces  œuvres  gigantesques,  si  sublimes,  si  parfaites  dans  toutes  leurs 
parties  qu'elles  marquent  d'un  trait  de  feu  une  de  ces  dates  qui 
restent  dans  l'histoire  de  l'art.  Cet  homme,  c'était  Christophe  Gluck; 
cette  œuvre,  c'était  Iphigénie  enAuUde.  Quelques  contradictions  qu'eût 
à  subir  le  musicien  allemand,  son  génie  était  si  évident  qu'il  ne  s'im- 
posa pas  moins  aux  suffrages  de  la  foule,  et  que  nos  compositeurs 
français,  dont,  il  faut  le- dire  en  toute  justice,  le  rôle  était  assez  ef- 
facé à  l'Opéra,  furent  complètement  rejetés  dans  l'ombre.  C'est  à  ce 
moment  que  Floquet  arriva  avec  une  œuvre  qu'il  n'avait  peut-être 
pas  assez  méditée,  mais  qui,  je  le  répète,  si  l'on  doit  s'en  rapporter 
,aux  critiques  du  temps,  n'en  renfermait  pas  moins  des  parties  très- 
estimables. 

Arthur  POUGIN. 
{La  suite  prochainement.) 


CONCOURS  D'ORPHÉOSS 

De  fanfare»  et  de  musiques  militaires  à  iSureenes. 

Dimanche  dernier,  un  grand  nombre  de  sociétés  chorales  de  Paris  et 
des  environs,  ainsi  que  dos  fanfares  et  des  musiques  d'harmonie,  ont 
pris  part  au  concours  ouvert  à  Suresnes  par  l'association  des  sociétés 
chorales  de  la  Seine,  sous  le  patronage  de  la  municipalité  de  cette  char- 
mante localité. 

Les  concours  de  chant  ont  eu  lieu  à  la  salle  Gaiddon  (le  Mabille 
de  l'endroit)  et  dans  la  belle  usine  de  M.  Bernadette,  l'un  des  indus- 
triels les  plus  estimés  de  Suresnes.  Quant  à  ceux  de  musique  militaire, 
c'est  dans  le  jardin  assez  mélancolique  de  la  mairie  qu'il  avaient  planté 
leur  tente  voyageuse. 

Deux  belles  médailles  d'or  avaient  été  données  par  S.  M.  l'Empereur; 
et  les  autorités  de  la  ville,  ainsi  que  plusieurs  dames  patronnesses  et 
quelques  riches  habitants,  avaient  également  offert  des  médailles  en  or, 
en  vermeil  et  en  argent. 


DE  PAKIS. 


211 


Les  deux  jurys  du  chant  avaient  pour  présidents  MM.  Ambroise  Tlio- 
mas  et  Georges  Kastner,  membres  de  l'Institut  ;  ceux  de  musique  mili- 
taire M.  Meifred,  professeur  au  Conservatoire.  On  remarquait  parmi 
les  membres  des  trois  jurys,  .MM.  Dauverné,  Charles  Battaille,  F.  Del- 
sarte,  F.  Bazin,  A.  Elwart,  Laurent  de  llillé,  Semet,  OEschner, 
Simiot,  Ermel,  Vialon,  etc.,  etc.  La  médaille  d'or  a  été  remportée 
par  les  Enfants  de  Lutèce.  Le  choral  de  YOdéon,  qui  possède  des 
qualités  excellentes,  a  remporté  le  second  prix  à  ce  concours  si  dis- 
puté de  la  salle  Gaiddon .  La  médaille  de  la  salle  Bernadette  a  été  dé- 
cernée à  l'orphéon  de  Saint-Germain-en-Laye,  et  celles  du  jardin  de  la 
mairie  h  la  fanfare  de  Sainte-Geneviève  et  à  l'harmonie  d'Anet. 

En  général  les  chœurs  imposés  ont  été  bien  exécutés,  sans  qu'il  se 
soit  produit  rien  de  très-remarquable.  Quant  à  la  musique  militaire 
(fanfare  et  harmonie),  elle  est  en  général  assez  médiocre.  Cependant 
l'orphéon  de  Suresnes  et  sa  musique  municipale  ont  fait  généralement 
plaisir  Le  premier  chante  avec  goût  et  ensemble,  et  le  second  joue 
juste.  Nous  avons  entendu  des  clavicors  dans  certaines  musiques  mili- 
taires!!! Espérons  que  le  progrès  qui  se  fait  sentir  à  Bordeaux,  Agen  et 
Toulouse  introduira  bientôt  à  Suresnes  et  dans  les  pays  environnants, 
les  excellents  instruments  d'Adolphe  Sax. 

A.  ELWART. 


HiYDN  ET  lES  PRINCES  D'ESTERHAZY. 

(3=  article)  (1). 

Les  archives  musicales,  d'ailleurs  si  riches,  de  la  maison  d'Es- 
terliazy,  ne  possèdent  que  peu  d'autographes  de  l'homme  illustre 
qui  en  avait  été  l'un  des  plus  glorieux  ornements.  Le  plus  im- 
portant de  ces  manuscrits  est  celui  de  la  Pescatrice,  opérette  en  un 
acte,  qui  date  de  1769.  Les  autographes  de  cinquante  grandes  compo- 
sillons,  dont  Haydn,  de  son  vivant,  avait  par  contrat  assuré  la  propriété 
au  prince,  ont  disparu  sans  laisser  de  trace,  ainsi  que  les  manuscrits 
que  M^hel  Haydn,  en  reconnaissance  de  la  pension  qu'il  devait 
à  la  munificence  de  son  Mécène,  lui  avait  légués  par  testament.  Il 
paraît  hors  de  doute  que  ces  papiers  sont  en  effet  partis  pour 
Eisenstadt,  car  on  ne  trouve  presque  rien  à  Salzbourg,  notamment 
à  l'église  collégiale  de  Saint-Pierre.  Des  innombrables  compositions 
religieuses  de  Michel  Haydn,  cette  église  no  possède  qu'une  litanie 
du  Saint-Sacrement,  la  deuxième  messe  de  Requiem,  inachevée,  en 
partition,  cinq  graduels,  une  séquence  et  un  Veni,  Sancle  Spiritus, 
transcrit  pour  clavecin. 

A.  Fuchs  cite  le  manuscrit  de  la  messe  In  tempore  belli 
comme  se  trouvant  encore  de  son  temps  à  Eisenstadt.  Je  l'ai  cherché 
vainement,  ainsi  que  les  autographes  des  cinquante  lieder  écossais, 
qui  n'ont  disparu  que  depuis  une  vingtaine  d'années  ;  l'autographe 
d'une  litanie  que  Cherubini  avait  écrite  pour  le  prince  Nicolas,  est 
également  perdu. 

En  fait  de  manuscrit  de  Haydn,  je  n'ai  trouvé  dans  ces  archives  que 
deux  lettres  insignifiantes,  de  1763  et  de  1803  ;  et  chez  le  directeur  actuel 
de  musique,  M.  Seitz,  trente-six  des  quarante  canons  que  J.  Haydn 
avait  fait  encadrer  et  accrocher  aux  murs  de  son  appartement,  afin, 
disait-il  avec  un  sentiment  de  légitime  orgueil,  d'avoir  une  décora- 
tion d'appartement  comme  on  n'en  trouverait  chez  aucun  souverain. 
A  part  leur  valeur  musicale,  le  texte  de  ces  canons  offre  un  grand 
intérêt  ;  évidemment,  ils  ne  se  suivent  pas  au  hasard,  mais  d'après 
un  plan  arrêté  d'avance.  Les  paroles,  tour  à  tour  religieuses  ou 
philosophiques,  empreintes  de  sensibilité  ou  d'humour,  sont  desti- 
nées à  offrir  un  résumé  des  idées  et  des  opinions  de  celui  qui  habi- 
tait cette  demeure. 

On  trouve  de  nombreux  autographes  de  J.  Haydn  à  Vienne,  à  la 
bibliothèque  de  la  cour,  aux  archives  de  la  Société  de  musique,  à  la 
maison  Artaria.  La  riche  collection  de  Fischhoff  est  partie  pour 
l'étranger;  quant  à  celle  de  A.  Fuchs,  la  partie  la  plus  importante 
a  été  acquise  par  Thalberg  ;  le  reste  appartient  à  la  maison  Putsch 
à  Augsbourg. 

(1)  Voir  le  n»  23. 


Haydn  repose  aujourd'hui  dans  l'église  dite  Berg-Kirche,  à  Eisenstadt, 
où  ses  restes  ont  été  transférés  en  1819.  Quand  on  ouvrit  le  cercueil, 
on  ne  retrouva  que  le  tronc  :  la  têle  avait  disparu.  On  suppose  quelle 
aura  été  enlevée  par  quelque  cranioscope  enragé,  peut-être  un  An- 
glais. A  cette  époque,  le  culte  de  Haydn  avait  atteint  son  apogée  à 
Londres.  Ce  fut  même  sur  les  pressantes  instances  de  l'aristocratie 
anglaise  que  le  prince  fit  ériger  à  la  mémoire  du  grand  homme  un 
monument  fort  simple.,  pour  ne  pas  dire  mesquin.  C'est  une  plaque 
en  marbre,  encadrée  dans  une  des  parois  d'un  cube  en  grès,  auquel 
un  badigeonneur  a  essayé  de  donner  un  faux  air  de  granit.  Dans  l'é- 
pitaphe,  le  titre  de  «  docteur  de  l'université  d'Oxford  «  est  seul  écrit 
en  italiques  ;  ce  qui  semble  assez  plaisant,  quand  on  songe  que 
Haydn  est  l'auteur  de  la  Création,  des  Saisons,  etc.,  titre  qui  vaut 
bien  celui  do  docteur  de  l'université  d'Oxford.  L'inscription  serait- 
elle  d'origine  britannique? 

On  ne  saurait  parler  de  Haydn  et  de  !>on  art  sans  que  l'atten- 
tion se  porte  tout  naturellement  sur  l'illustre  maison  au  service  de 
laquelle  il  a  consacré  la  plus  grande  partie  de  son  existence.  En  effet, 
plusieurs  faits  problématiques,  le  développement  tardif  de  son  talent, 
le  contraste  entre  les  œuvres  qu'il  a  écrites  à  Esterhazy  et  celles 
qu'il  a  composées  à  Eisenstadt,  l'empiétement  de  plus  en  plus  mani- 
feste de  la  virtuosité,  même  dans  les  compositions  religieuses  de  sa 
dernière  période,  ne  trouvent  une  explication  naturelle  et  satisfaisante 
que  dans  les  rapports  au  milieu  desquels  il  a  vécu  pendant  près  d'un 
demi-siècle. 

Haydn  a  rempli  les  fonctions  de  maître  de  chapelle  sous  les  prin- 
ces suivants  de  la  maison  Esterhazy-Galantha  :  Paul-Antoine,  1761  ; 
Nicolas-Joseph,  1790;  Antoine,  1794;  Nicolas,  1803.  11  avait  vingt- 
huit  ans  lorsqu'il  entra  au  service  de  la  maison  Esterhazy,  en  1760  ; 
il  mourut  sous  le  prince  Nicolas,  en  1809,  à  l'âge  de  soixante-dix- 
sept  ans.  Comme  Haydn  n'a  vécu  qu'un  an  sous  le  prince  Paul-An- 
toine, et  que  pendant  une  partie  du  règne  très-court  d'Antoine  il  était 
en  Angleterre,  nous  n'avons  à  nous  occuper  ici  spécialement  que  de 
Nicolas-Joseph  et  de  Nicolas,  qui  seuls  ont  exercé  une  influence  déci- 
sive sur  sa  carrière.  Les  commencements  en  furent  des  plus  modestes. 
Son  talent  musical  fut  tout  d'abord  mis  à  contribution  pour  un  théâ- 
tre de  marionnettes  d'une  forme  toute  primitive.  Au  dire  de  Prinster, 
un  quatuor,  composé  de  deux  hommes  et  de  deux  femmes,  chantait 
le  texte  mis  en  musique  par  Haydn,  pendant  que  les  marionnettes  al- 
laient et  venaient  en  gesticulant  sur  la  scène.  Nicolas-Joseph,  qui 
succéda  l'année  suivante  à  Paul-Antoine,  apprécia  bientôt  le  talent 
dont  son  maître  de  chapelle  faisait  preuve  dans  ce  genre  de  composi- 
tion comme  dans  tous  les  autres  ;  son  goût  pour  la  musique,  d'abord 
restreint  à  ce  théâtre  de  marionnettes  et  à  quelques  instruments  favo- 
ris, se  développa  peu  à  peu  sur  une  plus  grande  échelle,  et  Haydn 
ne  tarda  pas  à  être  chargé  des  travaux  les  plus  divers,  qu'il  exécu- 
tait à  la  grande  satisfaction  du  maître.  L'augmentation  de  l'orchestre 
en  fut  la  conséquence;  le  nombre  des  artistes  qui  le  composaient  fut 
porté  à  trente.  Sur  le  théâtre  de  marionnettes,  on  chantait  l'opérette, 
sacrée  ou  profane,  et  pendant  une  visite  qu'elle  fit  au  château,  l'im- 
pératrice Marie-Thérèse  ne  dédaig-na  pas  d'y  assister.  Enfin,  le  prince 
fit  construire  un  petit  théâtre  d'opéra,  pour  lequel  Haydn  écrivit 
treize  opéras  italiens  et  uue  quantité  incroyable  de  compositions  de 
tout  genre,  notamment  de  symphonies  et  de  quatuors.  La  réputation 
de  ces  ouvrages  se  répandait  déjà  au  dehors  et  franchissait  les  fron- 
tières de  la  Hongrie  et  de  l'Autriche. 

Le  docteur  l***. 


NECROLOGIE. 


Un  artiste  distingué  vient    de    s'éteindre    en    Italie.    Luigi-Felice 


212 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Rossi,  né  à  Brandizzo,  petite  commune  située  près  de  Chivasso,  le 
27  juillet  1805,  est  mort  à  Turin,  le  20  juin  dernier,  après  avoir 
souffert  toute  sa  vie  des  suites  d'une  maladie  qui  avait  attaqué  sa 
première  enfance. 

Une  flûte  lui  étant  un  jour  tombée  entre  les  mains,  il  s'exerça  seul 
à  jouer  de  cet  instrument,  et  il  réjouissait  ses  compagnons  en  exécu- 
tant des  mélodies  populaires.  Quelques  cahiers  de  musique  lui  sufGrent 
pour  apprendre  le  solfège  sans  maître.  A  seize  ans  il  perdit  son  père, 
et  prit  peu  après  les  habits  de  clerc  qu'il  garda  pendant  tout  le  temps 
qu'il  resta  au  collège  de  Chivasso  et  au  séminaire  de  Turin  ,  où  il 
passa  ses  examens  de  doctorat.  Ne  se  sentant  aucune  vocation  pour 
l'état  ecclésiastique,  il  finit  par  obtenir,  non  sans  peine,  de  sa  mère, 
la  permission  de  se  vouer  à  l'art  musical.  Il  se  rendit  à  Naples,  et  il 
étudia  successivement  avec  Raimondi  et  Zingarelli,  deux  maîtres  en- 
tièrement opposés  de  caractère  et  de  méthode. 

Ses  éludes  terminées,  il  partit  pour  Turin ,  ovi  il  fit  représenter 
au  théâtre  d'Angennes,  gli  Avvenlurieri,  opéra-bouffe,  dont  le  bril- 
lant succès  se  prolongea  pendant  la  saison  entière.  Mais  à  Milan,  au 
théâtre  de  la  Scala,  le  même  ouvrage  lit  un  fiasco  tel  que  Rossi  jura 
—  e'v  il  tint  sa  parole  —  de  ne  plus  jamais  écrire  pour  le  théâtre. 

Revenu  à  Turin  ,  il  composa  deux  messes ,  l'une  en  ré  mineur, 
l'autre  en  fa  mineur,  toutes  deux  dédiées  à  don  Ambrogio  Campo- 
donico,  et  un  office  de  vêpres  en  fa.  Peu  de  temps  après  il  publia 
sa  m.esse  facile  en  fa  mineur,  messe  qu'il  avait  écrite  alors  qu'il 
travaillait  encore  avec  Zingarelli.  Ces  divers  ouvrages  obtinrent  un 
tel  succès  qu'il  fut  chargé  d'écrire  un  service  entier  pour  la  com- 
mune de  Corio.  Cette  nouvelle  œuvre  est  devenue  depuis  ce  temps 
extrêmement  populaire  dans  tout  le  Piémont,  où  elle  est  connue  sous 
le  nom  de  messe  de  Corio.  Il  écrivit  aussi  un  nouvel  office  de  vê- 
pres, qui  n"a  jamais  été  publié. 

H  composa  ensuite  sa  messe  de  Settimo  et  un  troisième  office  de 
vêpres  qui  prit  le  même  nom.  Puis  il  écrivit ,  pour  l'académie  de 
Sainte-Cécile  de  Rome,  dont  il  était  membre,  une  grande  composition 
en  huit  morceaux,  intitulée  les  sept  Paroles  de  Jésus-Christ.  Aujour- 
d'hui encore,  et  après  vingt  années  écoulées ,  on  remarque  dans  cet 
important  ouvrage  des  beautés  d'un  caractère  neuf  et  vraiment  ori- 
ginal. Un  motet  écrit  sur  le  verset  Quœro  pacem,  dont  on  dit  grand 
bien,  et  les  deux  messes  dites  messe  d'Alexandrie  et  messe  de  Cres- 
centino ,  suivirent  de  près  ;  ces  deux  messes  sont  considérées  en 
Italie  comme  des  œuvres  hors  ligne. 

Rossi  écrivit  aussi  un  grand  nombre  d'hymnes  et  de  psaumes, 
parmi  lesquels  on  remarque  surtout  un  Beati  omnes,  avec  accompa- 
gnement de  simple  quatuor,  un  Lœtatus,  un  Conplebor,  un  Laudate, 
un  Magnifical  en  mi  bémol  et  un  Tantum  ergo  choral.  Puis  il  com- 
posa encore  deux  messes,  dont  l'une,  dédiée  à  la  mémoire  de  sa 
mère,  morte  en  1849,  appartient  à  un  autre  genre  que  celui  de  ses 
précédentes  compositions,  et  rappelle  les  effets  du  chant  à  la  Pales- 
trina,  trop  oublié  de  nos  jours.  Dans  les  dernières  années  de  sa  car- 
rière, il  refit  une  symphonie  qu'il  avait  écrite  longtemps  auparavant. 
Enfin  il  publia  nombre  d'ouvrages  didactiques.  Je  ne  dois  pas  oublier 
que,  patriote  ardent,  Rossi  salua  les  premiers  pas  de  la  régénération 
italienne,  en  18/i7,  en  composant  un  grand  Te  Demn  et  un  hymne 
populaire,  ColV  az-zurro  coccarda  sul  petto. 

Rossi  était  un  lettré  distingué.  11  a  écrit  la  partie  musicale  de  \En- 
ciclopedia  popolare  de  Pomba  et  du  Gran  dizionario  délia  lingua 
'laliana  de  Tomaseo.  On  lui  doit  les  deux  traductions  italiennes  du 
Traité  de  composition  de  Reicha  et  du  Cours  de  contre-point  et  fugue 
de  Cherubini,  qu'il  a,  de  plus,  enrichi  d'excellentes  notes  critiques, 
ainsi  que  les  Etudes  de  contre-point  de  Beethoven,  traduites  aussi  par 
lui.  Enfin  il  a  donné  un  grand  nombre  d'articles  à  l'ancienne  Gaz- 
zctta  musicale  publiée  par  l'éditeur  Ricordi. 

On  voit  que  la  vie  de  Rossi  a  été  bien  remplie,  et  pourtant  ce  n'est 
pas  tout  encore,  car  il  consacrait  un  temps  énorme  au  professorat. 


Sans  parler  de  ses  élèves  particuliers,  qui  tous,  grâce  à  ses  soins, 
ont  une  belle  position  en  Italie,  M.  Roberti,  auteur  de  l'opéra  Pietro 
de  Medici;  M.  Bodoira,  organiste  et  compositeur;  M.  Villanis,  qui  a 
eu  de  grands  succès  an  théâtre;  M.  Roasio,  pianiste-compositeur; 
M.  Ramorino,  auteur  de  l'opéra  Ezzelino  da  Romann;  M.  Borano, 
critique  et  maître  de  chant;  M.  Tempia,  violoniste-compositeur  très- 
renommé  au-delà  des  Alpes  ;  M.  Borelli,  qui  est  presque  naturalisé 
français,  sans  parler,  dis-je,  de  ces  élèves  et  de  bien  d'autres  encore, 
Rossi  fut  le  fondateur  et  le  professeur  de  la  première  école  de  chant 
populaire  établie  en  Italie,  à  Turin,  école  pour  laquelle  il  écrivit  et 
publia  une  méthode  particulière.  Il  introduisit  l'étude  du  chant  dans 
les  écoles  communales  de  Turin,  dont  il  fut  nommé  directeur  de  mu- 
sique, ainsi  que  dans  l'œuvre  royale  de  la  Providence;  il  était  aussi 
professeur  à  l'institut  de  Saint-François  de  Paule. 

Rossi  était  le  modèle  des  vertus  privées.  Il  fit  de  grands  efforts 
pour  améliorer  en  Italie  le  sort  des  artistes,  et  soutint  à  cet  effet  des 
luttes  acharnées,  qui  lui  suscitèrent  de  nombreux  ennemis.  Il  encou- 
rageait beaucoup  les  jeunes  gens  et  a  fait  un  certain  nombre  d'élèves 
dont  il  n'a  jamais  voulu  rien  accepter.  Sa  conversation  était  pleine 
de  charme,  sa  bonté  et  son  honorabilité  le  faisaient  aimer  et  respec- 
ter de  tous,  et  il  était  l'ami  de  plusieurs  hommes  célèbres  et  distin- 
gués, entre  autres  de  Gioberti  et  de  Tommaseo.  Il  est  universellement 
regretté  en  Italie  (1). 

Arthur  POUGIN. 


Le  Musical  World  reproduit  l'avis  que  contenait  notre  numéro  du 
7  juin ,  au  sujet  des  compositions  de  Mme  .Thiîcla  Badarzewska. 
Aucune  réclamation  de  l'étranger  ne  nous  ayant  été  adressée  au  su- 
jet des  affirmations  énoncées  dans  cet  article,  nous  répétons  que  les 
quatre  compositions  ayant  pour  titre  :  La  Prière  d'une  vierge  —  Douce 
Rêverie  —  Souvenirs  de  ma  chaumière  et  Mazurka ,  dont  nous 
sommes  éditeurs,  sont  seules  authentiques,  et  que  toutes  celles  qui 
ont  pu  ou  qui  pourront  être  publiées  sous  le  nom  de  Mme  Badar- 
zewska sont  apocryphes. 


BEVUE  DES  THÉÂTRES. 

Tiiéatre-Fbançais  :  Trop  curieux  !  coméàie  en  un  acte  et  en  vers, 
par  M.  Edmond  Gondinet  ;  fin  des  débuts  de  Mlle  Agar.  —  Vau- 
deville :  Les  Coups  d'épingle,  comédie  en  trois  actes,  par  M.  Er- 
nest Capendu.  —  Palais-Royal  :  Les  Mystères  de  l'Hôtel  des  ventes, 
comédie-vaudeville  en  trois  actes,  par  MM.  Henri  Rochefort  et  Al- 
bert Wolff.  —  Ambigu  :  Reprise  de  Lalud'e;  une  Société  de  tem- 
pérance, vaudeville  en  un  acte,  par  MM.  Commersou  et  Henri 
Rochefort.  —  Gaité  :  Reprise  du  Fils  du  Diable. 

Le  nom  de  M.  Adolphe  Gondinet  n'est  pas  tout  à  fait  nouveau  dans 
la  littérature,  mais  nous  croyons  qu'il  n'a  jamais  paru  sur  aucune 
affiche  de  théâtre.  Or,  si  c'est  à  titre  d'encouragement  que  la  Co- 
médie française  a  accueilli  le  petit  acte  de  ce  jeune  auteur,  intitulé 
Trop  curieux!  nous  ne  saurions  la  blâmer  de  son  bon  procédé. 
M.  Edmond  Gondinet  annonce  d'heureuses  dispositions  auxquelles 
il  ne  manque  peut-être,  pour  aboutir  au  succès,  que  la  pratique  de 
la  scène.  Plus  tard,  quand  il  aura  acquis  un  peu  plus  d'expérience, 
il  n'osera  plus  risquer  sans  doute  des  types  aussi  connus  que  ceux 
qui  figurent  dans  sa  pièce  de  début.  Lord  Blount,  cet  Anglais  spleené- 
tique  qui,  pour  n'avoir  pas  su  fermer  les  yeux  à  propos,  est  arrivé 
au  dégoût  de  la  vie,  ce   peintre   issu  de  la  Bohême,  un  domestique 


(1)  Le  journal  italien  l'Opinione  a  donné,  le  29  juin,  une  notice  excellente  et 
trÈs-étendue  sur  cet  artiste. 


DE  PARIS. 


213 


funèbre  spéculant  sur  la  mort  de  son  maître  ;  tout  cela  est  bien 
vieux,  bien  usé,  et  malheureusement  les  rôles  des  femmes  qui  pour- 
raient aviver  les  nuances  du  tableau,  sont  à  peine  indiqués.  Clarisse 
ne  se  montre  qu'au  dénoûment  pour  faire  éclater  son  innocence 
compromise  et  pour  empêcher  un  duel  entre  son  mari  et  le  peintre 
Léon  Rodât,  qu'il  a  institué  son  légataire  universel,  et  qui,  dans  un 
élan  des  plus  désintéressés,  veut  absolument  le  tuer  pour  qu'il  ne  se 
suicide  pas.  Quant  à  Stella,  la  jeune  Napolitaine,  elle  n'a  pour  raison 
d'être  que  les  beaux  yeux  de  Mlle  Marie  Royer.  Reconnaissons  d'ail- 
leurs que  les  vers  de  M.  Edmond  Gondinet  sont  faciles,  spirituels,  et 
qu'ils  sont  fort  bie:i  dits  par  Leroux,  Got,  Coquelin  et  Mlle  Edile 
Riquier.  A  tout  prendre,  la  représentation  de  Trop  curieux!  n'est 
pas  absolument  sans  charmes,  et  peut  être  considérée  comme  une 
promesse  d'avenir. 

Mlle  Agar,  dont  les  débuis  ont  eu  un  certain  reteutissement ,  dij 
non  moins  aux  qualités  incontestables  de  cette  jeune  tragédienne , 
qu'à  l'accident  qui  les  a  interrompus,  s'est  montrée  pour  la  dernière 
fois  dans  la  Clytemnestre  à'Iphigénie  en  Aulide.  Nous  n'avons  pas 
encore  entendu  dire  que  le  Théâtre-Français  lui  ait  fait  des  proposi- 
tions pour  utiliser  ses  services. 

—  La  nouvelle  direction  du  Vaudeville  vient  d'inaugurer  son  rè- 
gne par  un  de  ces  succès  qui  n'ont  peut-être  pas  tout  ce  qu'il  faut 
pour  passionner  la  foule ,  mais  qui ,  sous  plus  d'un  rapport,  se  re- 
commandent à  l'estime  du  public  connaisseur.  L'auteur  des  Coups 
d'épingle,  M.  Ernest  Capendu,  a  collaboré  aux  Faux  Bonshommes 
avec  M.  Théodore  Barrière;  il  n'est  donc  pas  le  premier  venu, 
mais  en  même  temps  il  n'a  plus  à  l'indulgence  de  la  critique  les 
droits  d'un  commençant  inexpérimenté.  Nous  lui  reprocherons  donc, 
sans  scrupule,  le  choix  et  l'insuffisance  de  son  sujet.  Edmond  Dornay 
est  amoureux  de  Mlle  Fargis ,  et  pour  obtenir  sa  main,  il  songe  à 
s'assurei*  la  protection  des  époux  CroisiUes.  Mais  ceux-ci  ont  une 
fille  à  marier,  et,  dépités  de  voir  qu'Edmond  Dornay  ne  lui  donne 
pas  la  préférence,  ils  se  vengent  jésuitiquement  en  l'accablant  de 
coups  d'épingle  et  en  essayant  de  faire  manquer  son  union  avec 
Mlle  Fargis.  Il  y  a  là  matière  à  un  acte,  et  non  à  trois  ;  aussi,  mal- 
gré quelques  scènes  fort  bien  faites,  la  pièce  serable-t-elle  parfois 
trop  languissante.  Selon  le  procédé  qui  lui  a  si  bien  réussi  pour  les 
Faux  Bonshommes.  M.  Capendu  a  cru  devoir  multipliei-  les  rôles 
épisodiques,  mais  cette  fois  en  pure  perte.  Tous  ces  personnages 
plaqués,  dont  la  mode  est  du  reste  tant  soit  peu  passée,  ne  font  que 
gêner  l'action.  Félix,  Félix  lui-même,  l'épisode  incarné,  dépense  en 
vain  sa  verve  qui  pétille  et  éclate  dans  le  vide.  Telle  est  pourtant 
l'influence  salutaire  de  deux  ou  trois  situations  vigoureuses,  habile- 
ment exploitées,  que  les  Coicps  d'épingle  n'ont  piqué  personne  au  vif, 
et  qu'ils  sont  capables  d'eflleurer,  pendant  longtemps  encore,  l'épi- 
derme  des  spectateurs. 

—  Un  livre  curieux  sur  les  Mystères  de  l'Hôtel  des  ventes  a  été 
publié,  il  y  a  quelques  mois,  par  M.  Henri  Rochefort.  De  ce  livre 
MM.  Henri  Rochefort  et  Albert  Wolff  ont  tiré  un  vaudeville  en  trois 
actes  pour  le  Palais-Royal,  et  cette  transformation  a  été  fort  goiitée. 
C'est  une  de  ces  joyeuses  pochades  qui  échappent  à  l'analyse,  mais 
qui,  comme  le  Chapeau  de  paille  d'Italie,  ne  laissent  pas  le  temps  au 
public  de  se  demander  ce  qu'on  lui  veut  ni  où  on  le  mène.  Les  éclats 
de  rire  se  succédant  sans  interruption,  ne  permettent  point  à  la  raison 
de  protester;  Tarte  à  la  crème  serait  bien  reçue,  ma  foi!  au  milieu 
de  ce  déchaînement  de  folle  hilarité  qui  convulsionne  toute  la  salle. 
Le  prétexte  des  auteurs,  c'est  tout  simplement,  autant  que  nous  l'a- 
vons pu  comprendre,  un  portrait  de  femme  exposé  à  l'Hôtel  des 
venles,  en  l'absence  de  son  possesseur,  et  qui  est  sur  le  point  de 
tomber  entre  les  mains  d'un  mari  jaloux  et  féroce.  Comment  ce  por- 
trait a-t-il  été  perdu?  Comment  voyage- t-il  de  main  en  main?  Com- 
ment parvient-il,  sans  catastrophe,  à  sa  véritable  adresse?  C'est  ce 
que  nous  ne   saurions  dire  ;  mais  si  vous  tenez  à  le  savoir,  allez  le 


demander  aux  étourdissants  comiques  du  Palais-Royal,  et  nous  pou- 
vons vous  affirmer  que  vous  ne  vous  repentirez  pas  de  votre  soirée. 
Il  sont  tous  là,  Gil  Ferez,  l'humoriste,  déguisé  en  armoire;  Brasseur, 
le  héros  du  travestissement;  Lhérilier,  le  très-digne  successeur  de 
Sainville;  Mme  Thierret,  qui  porte  le  bonnet  à  poils  comme  un  vieux 
grenadier,  et  tant  d'autres  que  nous  oublions  bien  malgré  nous.  Il 
n'y  aura  pas  de  canicule  pour  les  Mystères  de  l'Hôtel  des  venles. 

—  Que  nous  reste-t-il  à  signaler,  si  ce  n'est,  comme  toujours, 
des  reprises  dans  les  théâtres  de  drame?  Il  faut  bien  nous  résoudre 
à  cette  nomenclature  rétrospective,  sous  peine  de  n'en  plus  parler 
du  tout.  A  l'Ambigu,  Latudc,  une  des  bonnes  pièces  de  feu  Guilbert 
de  Pixérécourt,  retrouve  sa  vogue  d'autrefois,  grâce  au  talent  des 
acteurs,  notamment  de  Castellano,  qui  a  su  donner  une  excellente 
physionomie  à  ce  mousquetaire,  dont  la  folie  originale  avait  fondé 
en  partie  la  réputalion  de  Saiut-Firmin,  le  premier  Don  César  de 
Victor  Hugo.  Ce  drame  est  précédé,  chaque  soir,  d'un  très-agréable 
lever  de  rideau,  tout  plein  de  mots  drôles,  et  de  couplets  spirituels 
qui,  sous  le  titre  de  «ne  Société  de  tempérance,  est  signé  par  deux 
auteurs  qu'il  doit  nous  suffire  de  nommer,  MM.  Commerson  et  Henri 
Rochefort. 

—  A  la  Gaîté,  la  reprise  du  Fils  du  Diable  lutte  avec  avantage 
contre  les  implacables  chaleurs  de  la  saison.  C'est  la  seconde  fois, 
depuis  trois  ans,  que  ce  drame,  emprunté  au  répertoire  de  l'Ambigu, 
traverse  victorieusement  l'été.  11  est  vrai  que  la  direction  n'a  rien 
négligé  pour  lui  conserver  l'atlrait  qu'il  avait  à  l'époque  de  ses  pre- 
mières représentations.  Le  rôle  d'Otto  fournit  à  Dumaine  l'occasion 
de  se  distinguer  sous  une  multitude  d'aspects  divers  ;  tour  à  tour 
grand  seigneur,  juif  ou  dandy,  il  provoque  à  son  gré  la  terreur,  le 
rire  et  les  larmes.  Jamais  puissance  du  comédien  sur  le  public  ne 
s'est  manifestée  d'une  manière  plus  complète.  Le  rôle  de  Franz  ap- 
partient aujourd'hui  à  Léon  Leroy,  qui  s'en  acquitte  à  merveille,  et 
l'intéressant  personnage  de  Noëmie  est  on  ne  peut  mieux  inter- 
prété par  Mme  Glarence.  Une  pareille  reprise  équivaut  à  une  créa- 
tion. 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 

^*.j,  L'Opéra  a  donné  cette  semaine,,  lundi  et  mercredi,  les  Huguenots 
et  Robert;  telle  est  l'attraction  inépuisable  des  deux  chefs-d'œuvre  de 
Meyerbeer  que,  malgré  la  chaleur  actuelle,  la  salle  a  été  chaque  fois 
complètement  remplie.  Dans  les  deux  rôles  de  Raoul  et  de  Robert, 
Gueymard  a  provoqué  d'unanimes  bravos;  on  sait  que  le  rôle  de  Valen- 
tine  est  un  des  meilleurs  de  Mme  Gueymard,  et  Mme  Vandenheuvel- 
Duprez,  Belval,  Cazaux  y  ajoutent  un    magnifique    ensemble. 

^%  Vendredi,  te  Trouvère  a  été  donné  pour  la  rentrée  de  Miohot  et  le 
déijut  de  Mme  Dory-Rottger,  engagée  depuis  un  an  par  la  direction 
précédente,  mais  qu'un  traité  antérieur  avait  appelée  à  Lisbonne. 
Michot  nous  a  semblé  avoir  retrouvé  la  pureté  de  sa  voix,  dont  il  use 
encore  sobrement  et  avec  une  certaine  réserve.  Quant  à  la  débutante, 
qui  se  produisait  dans  le  rôle  de  la  bohémienne,  Azucena,  elle  possède 
une  belle  voix  de  mezzo  soprano,  remarquable  surtout  par  la  franchise 
et  l'homogénéité  parfaite.  Son  style  est  simple  et  pur,  mais  jusqu'ici 
nous  ne  saurions  dire  si  elle  est  douée  de  la  chaleur  et  de  l'accent 
dramatiques,  sans  lesquels  on  n'obtient  pas  les  grands  succès  ;  nous  la 
jugerons  dans  d'autres  rôles.  Mme  Gueymard,  qui  reprenait  celui  de 
Léonore,  y  a  déployé  toute  l'exubérance  de  sa  belle  et  puissante  voix. 
Bonnehée  chantait  le  rôle  du  comte  de  Luua  avec  plus  d'intention  que 
d'effet. 

^*^  Demain  lundi,  la  première  représentation  de  DiavoUna,  de  Saint- 
Léon  et  Pugni,  pour  la  continuation  des  débuts  de  Mlle  Mouravieff. 
,  ,1,*,^  L'état  de  Mlle  Livry  s'est  sensiblement  amélioré.  Elle  peut  main- 
tenant recevoir  quelques  amis  et  causer  avec  eux.  Les  médecins  lui  ont 
ordonné  le  séjour  de  la  campagne.  On  avait  parlé  de  Compiègne,  mais 
c'est  à  Neuilly  qu'on  va  transporter  l'intéressante  malade,  qui  depuis 
bientôt  huit  mois  n'a  pas  quitté  son  lit  de  douleur. 

***  Le  congé  annuel  de  M.  et  Mme  Gueymard  doit  commencer  le 
12  juillet;  les  deux  célèbres  artistes  ont  l'intention  d'aller  se  reposer 
à  Vichy. 


214 


REVLE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


**t  La  direction  du  théâtre  de  l'Opéra-Comique  a  rengagé  JlUe  Cico 
pour  trois  ans.  —  Mlle  Rolin  rentre  à  ce  théâtre. 

»*^  Achard  a  pris  moaientanément  congé  du  public  de  l'Opéra-Co- 
mique  dans  la  Dame  Blanche.  Il  reviendra  pour  le  1°''  août. 

,**  Le  théâtre  de  l'Opéra-Comique  annonce  pour  mardi  la  représen- 
tation de  Galatée.  Mme  Ugalde  chantera  le  rôle  principal,  qui  fut  l'une 
de  ses  meilleures  créations. 

j,%  Mlle  Irène  Lambert  a  débuté  la  semaine  dernière  dans  Haijdéc. 
Elle  a  reçu  du  public  un  accueil  encourageant.  Sa  voix  manque  un  peu 
de  force  ;  mais  elle  a  de  la  fraîcheur  et  de  la  sonorité,  surtout  dans 
le  médium.  Elle  a  chanté  avec  beaucoup  de  grâce  et  de  méthode,  et  le 
travail  aidant,  elle  peut  occuper  une  place  utile  au  théâtre  de  l'Opéra- 
Comique- 

^*^  M.  Bagicr,  le  nouveau  directeur  du  théâtre  Italien,  est  arrivé  à 
Paris  et  va  partir  pour  Londres. 

***  Mme  Frezzolini  a  quitté  Paris,  elle  va  passer  deux  mois  en 
Italie. 

**^  Le  ministre  d'Etat  a  accordé  à  M.  Bagier,  à  titre  de  frais  d'ins- 
tallation, une  somme  ùe  30,000  francs,  une  fois  payée.  Elle  lui  sera 
comptée  en  deux  fois. 

^*4  Hier  samedi,  l'Académie  des  beaux-arts  a  jugé  le  concours  de 
composition  musicale.  Un  1"  prix  a  été  décerné  à  M.  Massenet,  élève 
de  MM.  r.eber  et  Ambroise  Thomas,  dont  la  cantate  était  exécutée  par 
Mme  Vandenheuvel,  M\I.  Roger  et  Bonnehée.  ^  Un  2=  prix  à  M.  Cons- 
tantin, élève  de  M.  Amb.  Thomas,  et  qui  avait  pour  interprètes  Mlle  Ba- 
retty,  MM.  Duprez  et  Crosti.  —  Une  mention  honorable  a  été  accordée  à 
M.  Ruiz,  éU've  de  M.  Leborne,  et  dont  l'œuvre  avait  été  chantée  par  Mlle 
de  Taisy,  MM.  Colomb  et  Caron. 

,j*.  Par  décret  en  date  du  1"' juillet  courant,  une  surintendance  gé- 
nérale des  théâtres  a  été  créée  au  ministère  de  la  maison  de  l'Empe- 
pereur  et  des  beaux-arts.  —  Par  un  décret  en  date  du  même  jour, 
M.  le  comte  de  Baciocchi,  premier  chambellan  de  l'Empereur,  a  été 
nommé  surintendant  général  des  théâtres. 

j*i  Par  décret  en  date  du  1=' juillet,  M.  Camille  Doucet  a  été  nommé 
directeur  de  l'administration  des  théâtres  au  ministère  de  la  maison  de 
l'Empereur  et  des  beaux-arts.  Cette  administration  est  placée  sous  les 
ordres  du  surintendant  général  des  théâtres. 

^*^  Roger  a  quitté  la  Suisse,  où  il  a  commencé  une  série  de  brillantes 
représentations,  pour  venir  passer  quelques  jours  à  Paris.  Il  est  reparti 
pour  Lausanne. 

^*^  La  célèbre  Schiller-Marche  de  Meyerbeer,  dont  il  existe,  outre  les 
arrangements  pour  le  piano  et  à  quatre  mains,  une  transoriptioc  très- 
réussie  de  Liszt,  vient  de  paraître,  arrangée  pour  la  musique  mili- 
taTe,  par  Léon  Chic. 

,1,*^  La  Revue  et  Gazette  des  théâtres  annonce  l'inauguration  pour  le 
15  août  d'une  vaste  salle  de  concert,  construite,  sous  la  direction  de 
M.  Pigeory,  architecte  de  la  ville,  par  M.  Guerault,  entrepreneur,  au 
boulevard  Saint-Germain,  en  face  des  jardins  du  musée  de  Cluny,  et 
qui  portera  le  nom  d'Athénée  musical.  M.  de  Uaousset-Boulbon  est  le  di- 
recteur de  cet  établissement,  dont  M.  Paquis  dirigera  l'orchestre.  Un 
grand  nombre  d'engagements  d'artistes  sont  déjà  faits,  et  on  compte 
parmi  eux,  outre  M.  Paquis  lui-même,  qui  se  fera  entendre  fréquem- 
ment comme  cor  solo,  le  violon  Collongues,  le  cornet  à  piston  Del- 
pech,  le  flûtiste  Miramont,  le  hautbois  Lavigne,  le  basson  Espaignet,  etc. 
Le  directeur  de  VAthénée  musical  paraît  dans  l'intention  de  soumettre 
ses  concerts,  comme  ceux  des  Champs-Elysées,  à  des  conditions  excep- 
tionnelles d'honnêteté  et  d'élégance;  nous  ne  pouvons  que  lui  souhai- 
ter tout  succès. 

^*^  Les  répétitions  de  l'opéra  de  LitolEf,  qui  sera  prochainement  re- 
présenté à  Bade,  se  poursuivent  avec  beaucoup  d'activité  dans  la  salle 
du  théâtre  Lyrique.  Mme  Colson  et  Jourdac,  auxquels  les  principaux 
rôles  ont  été  confiés,  se  trouvent  à  leur  poste  et  paraissent  enchantés 
de  l'ouvrage  de  Litolff. 

j\  Une  actrice  du  théâtre  de  Bromberg,  Mlle  Bergguth,  vient  encore 
d'être  la  victime  d'un  de  ces  accidents  qui  depuis  quelque  temps  arri- 
vent si  fréquemment  au  théâtre.  S'étatit  trop  approchée  de  la  rampe, 
le  feu  a  pris  à  sa  robe,  et  malgré  de  prompts  secours,  elle  a  reçu  de 
nombreuses  et  profondes  brûlures  auxquelles  elle  a  succombé. 

tf*t  M.  Salvi,  directeur  du  théâtre  italien  â  Vienne,  a  engagé  Mlle  Artot 
pour  la  prochaine  saison,  à  raison  de  15,000  francs  par  mois. 

/^  Dresde  et  Givet  viennent  de  célébrer  simultanément  avec  une 
grande  solennité  le  centième  anniversaire  de  la  naissance  de  Méhul. 
A  Dresde  le  théâtre  royal  a  joué  l'opéra  de  Jacoh  et  ses  fils  en  Egypte, 
et  après  un  prologue  qui  précédait  la  pièce,  à  l'exécution  de  laquelle 
les  principaux  artistes  avaient  tenu  à  concourir,  le  buste  de  Méhul  a 
été  couronné  de  lauriers.  —  A  Givet,  un  magnifique  festival  en  l'hon- 
neur de  l'illustre  compositeur  françdis  avait  réuni  plus  de  trente  so- 
ciétés d'harmonie  et  de  chant.  La  Belgique  s'y  était  fait  représenter  par 
l'élite  de  ses  chanteurs. 

^*^  La  Jiose  de  Saint-Flour  était  au  nombre  des  pièces   par  lesquelles 


a  ouvert  le  théâtre  de  Spa.  L'opérette  d'Offenbach  a  beaucoup  plu.  Le 
19,  l'administration  de  la  Redoute  avait  inauguré  sa  saison  par  un  très- 
beau  concert. 

.j,*^  La  troupe  Merelli  a  complètement  échoué  à  Francfort.  C'est 
un  véritable  désastre  pour  les  artistes  dont  elle  se  composait. 

j*«  Nous  avions  annoncé  dans  notre  dernier  numéro  l'inauguration  du 
nouvel  établissement  de  bains  qui  vient  d'être  construit  par  M.  Debayser, 
sous  l'énergique  impulsion  de  M.  le  maire  de  Boulogne-sur-mer.  Cette 
solennité  avait  attiré  une  grande  aSluence.  Nous  n'avons  pas  à  entrer 
dans  les  détails  de  la  construction  du  bâtiment,  qui  fait  honneur  à 
l'architecte,  mais  nous  dirons  que  le  grand  salon  du  Casino,  outre  sa 
magnificence,  est  excellent  comme  salle  de  concert.  Les  nuances  les 
plus  délicates,  les  plus  fins  détails  y  sont  entendus  de  tous  les  points. 
Aussi,  dans  ces  conditions  favorables,  aniiriés  par  la  présence  de  nom- 
breux représentants  de  la  presse  pari-ieniie  et  du  public  d'élite  qui 
remplissait  les  galeries  splendides  et  sonores  du  monument,  les  artistes 
appelés  pour  le  grand  concert  organisé  sous  la  direction  de  la  Société 
philharmonique,  se  sont-ils  surpassés  et  ont-ils  été  salués  de  bravos 
enthousiastes.  Nous  avons  dit  que  Mme  Vandenheuvel-Duprez,  MM.  Wa- 
rot.  Servais  et  Léonard,  défrayaient  le  très-beau  programme  de  ce 
concert.  Mme  'Vandenlieuvel-Duprez  a  chanté  la  ballade  et  la  scène  des 
bijoux  de  Faust,  la  Sicilienne  des  Vêpres,  et  avec  Warot  le  grand  duo 
du  Comte  Ory.  Servais  a  dit  deux  morceaux  de  sa  composition  :  un 
adagio  religioso  et  rondo  miliiaire,  et  une  fantaisie  sur  Lestocq;  Léonard, 
sa  fantaisie  sur  des  motifs  de  Donizetti  et  des  variations  sur  l'air  na- 
tional autrichien  ;  puis,  avec  Servais,  un  grand  duo  sur  deux  thèmes  an- 
glais. On  se  ferait  difficilement  une  idée  de  l'effet  produit  par  les  deux 
illustres  artistes.  Les  ouvertures  de  Guillaume  Tell  et  d'Oberon  ont  été 
admirablement  rendues  par  l'orchestre,  trC'S-bien  conduit  par  M.  Char- 
dard,  et  l'orphéon  de  Boulogne,  sous  la  direction  de  M.  Guilmant,  a 
fourni  au  concert  un  très-intéressant  contingent. 

***  M.  Georges  I-lainl,  chef  d'orchestre  du  théâtre  de  Lyon,  et  l'un 
de  nos  violoncellistes  les  plus  distingués,  est  en  ce  moment  à  Paris. 

^"'^  L'éminent  pianiste-compositeur  Gustave  Satter,  en  faveur  duquel 
un  grand  parti  commence  à  se  former  en  Allemagne,  après  avoir  donné 
cinq  concerts  à  Vienne  et  sept  à  Pesth,  s'est  fixé  à  Vienne  pour  une 
année.  Il  a  fait  paraître  chez  Charles  Hasiinger,  éditeur  de  la  cour, 
six  compositions  nouvelles  qui  jouissent  d'une  grande  vogue,  et  il  ter- 
mine en  ce  moment  deux  symphonies-concertos  à  grand  orchestre, 
qu'il  jouera  l'année  prochaine  dans  ses  concerts.  On  fonde,  non  sans 
raison,  de  grandes  espérances  sur  son  talent  de  compositeur. 

,t*„  A  OEdenbourg,  en  Hongrie,  le  premier  festival  de  chant  a  eu  lieu 
le  28-29  juin;  six  cents  chanteurs  y  ont  pris  part. 

„,*„,  Servais  et  Léonard  viennent  de  passer  deux  jours  à  Paris.  Ils 
arrivaient  de  Boulogne-sur-Mer,  et  sont  repartis  pour  Bruxelles. 

**.,  L'excellent  pianiste  compositeur,  M.  D.  Magnus,  se  rend  à  Spa  et 
à  Wiesbade,  pour  s'y  faire  entendre, 

a,*,j  L'illustre  compositeur  italien  Mercadantç,  directeur  du  Conserva- 
toire do  Waples,  vient  de  recevoir  du  roi  d'Italie  les  insignss  de  com- 
mandeur des  saints  Maurice  et  Lazare. 

,fc*<,  Pour  répondre  a  de  nombreuses  demandes  qui  leur  sont  venues 
de  la  province,  les  éditeurs  des  Bavards,  le  dernier  succès  des  Bouf- 
fes-Parisiens, font  paraître  la  grande  partition  et  les  parties  d'orchestre 
de  l'ouvrage  d'Offenbach.  La  gravure  en  est  presque  terminée. 

,1,'",^  Les  ouvrages  didactiques  de  A.  Panseron  continuent  d'occuper 
une  place  dans  l'enseignement  de  la  musique,  et  plus  ils  sont  connus, 
plus  ils  se  répandent.  Le  solfège  concertant  était  depuis  longtemps 
donné  en  prix  aux  élèves.  Nous  apprenons  que  par  une  décision  toute 
récente  le  solfège  d'ensemble  partagera  désormais  cette  faveur. 

„%  Le  Ménestrel  annonçait  dernièrement  qu'à  la  suite  de  la  mort  de 
sa  mère,  la  santé  de  Mme  Marie  Wekerlin  avait  subi  une  atteinte  grave, 
et  que  la  jeune  artiste  se  trouvait  dans  un  état  alarmant. 

^%  Les  nouvelles  fantaisies  de  Favarger  sur  des  thèmes  de  la  Muette 
de  Portici,  le  Domino  noir  et  Stradclla,  obtiennent  un  très-grand  succès. 
Le  premier  tirage  en  a  été  rapidement  épuisé. 

^*^  Toujours  grande  affluence  de  beau  monde  au  concert  des  Champs 
Elysées;  Arban  y  a  joué  cette  semaine  sa  belle  fantaisie  sur  le  Pardon 
de  Ptoermet  et  la  Schiller -Marsch  de  Meyerbeer.  Ces  deux'  morceaux 
produisent  toujours  un  très-grand  effet.  —  La  polka  du  Brcsife'cn,  jouée 
tous  les  jours,  est  devenue  populaire. 

,*„  Le  grand  festival  de  musique  miliiaire  donné  dimanche  dernier 
au  Pré-Catelan,  avait,  malgré  le  temps  un  peu  incertain,  attiré  une 
grande  affluence,  et  l'association  des  artistes  musiciens,  au  bénéfice  de 
laquelle  il  avait  été  organisé,  a  dû, faire  une  recette  fructueuse.  L'or- 
chestre do  Musarda  exécuté  son  programme  avec  sa  supériorité  ordi 
naire,  et  l'on  a  beaucoup  distingué  un  jeune  violoniste  du  nom  de 
Danbé,  qui  a  joué  avec  un  talent  du  meilleur  augure  pour  son  avenir 
une  fantaisie  sur  le  Trovatore.  Les  musiques  d'harmonie  ont  produit 
beaucoup  d'effet;  la  retraite,  à  cheval,  composée  par  M.  Masson,  chef 
de  la  musique  du  3°  dragons,  est  une  œuvre  très-remarquable  et  qui  a 
été  fort  applaudie. 


I>E  PARIS. 


215 


3,**  Aujourd'hui  dimanche,  Musard  convie  au  Pré  Catalan  les  ama- 
teurs de  bonne  musique  pour  y  entendre,  tour  à  tour,  sur  le  piston, 
le  hautbois  et  la  flûte,  trois  des  premiers  solistes  de  la  .capitale,  Le- 
gendre,  Lalliet  et  Forestier  aîné. 

,*^,  Le  24  juin,  un  des  plus  élégants  théâtres  de  Florence,  le  Poli- 
teama,  est  devenu,  à  lO  heures  et  demie  du  soir,  la  proie  des  flammes. 
On  allait  en  ouvrir  les  portes  pour  un  bal  costumé  organisé  en  commé- 
moration de  la  bataille  de  Soiferino  et  pour  la  fête  de  la  Saint- Jean- 
Baptiste,  patron  de  la  ville,  lorsque  le  feu  a  pris,  on  ne  sait  pas  en- 
core comment,  et  a  duré  vingt  heures  consécutives,  malgré  tous  les 
secours  amenés  en  grande  liâce.  Outre  la  ruine  du  théâtre,  on  a  eu  à 
déplorer  dans  ce  sinistre  la  mort  de  trois  personnes  et  des  blessures 
graves. 

**,  Charles  Schuberth,  né  ii  Magdeburg  le  23  février  18M,  inspecteur  de 
musique  à  l'école  du  théâtre  de  la  Cour,  et  maître  de  chapelle  à  Saint- 
Pétersbourg,  est  mort  le  22  juin,  à  Zurich,  où  il  était  venu  voir  sa  fa- 
mille. C.  Schuberth,  qui  possédiit  un  grand  talent  comme  violoncel- 
liste, habitait  Saint-Pétersbourg  depuis  plus  de  vingt-huit  ans.  Ses 
compositions  pour  le  violoncelle  sont  très-estimées. 

^*f  Le  chef  d'une  des  plus  anciennes  et  des  plua  considérables  mai- 
sons d'éditeur  de  musique  de  Londres,  Cramer  Beale  et  Wood,  M.  Fré- 
déric Beale,  est  mort  le  26  juin  à  Chislehurst,  résidence  de  son  gendre. 

^*a,  On  annonce  la  mort  de  M.  Achille  Maurice,  jeune  architecte 
chargé  de  la  reconstruction  du  théâtre  des  Bouffes. 

**:!,  Le  27  juin  est  mort  à  Angleur,  près  Liège,  M.  André  Jaspar,  né 
à  Liège  le  1S  décembre  17y4,  ancien  directeur  de  l'orchestre  des  concerts 
de  la  Société  d'émulation  et  de  la  Société  Grétry,  maître  de  chapelle 
de  la  cathédrale  de  Liège  ((840-50).  Parmi  les  meilleures  productions 
de  cet  artiste  on  cite  Apollon  et  les  Muses,  prologue  écrit  pour  la  fête  de 
Grétry,  et  joué  au  théâtre  de  Liège,  plusieurs  symphonies,  des  airs  de 
musique  sacrée,  des  mélodies  pour  violon  dédiées  à  M.  Léonard. 

»*,  Le  directeur  de  musique  C.-G.  Muller,  à  Altenbourg,  connu  par  de 
nombreuses  compositions,  est  mort  le  29  juin  dernier,  dans  sa  soixante- 
quatrième  année.  Il  a  dirigé  pendant  plusieurs  années  les  concerts  de 
l'Ëuterpe  à  Leipzig. 

a,**  M.  A.  Cavos,  architecte,  qui  s'était  fait  une  réputation  méritée 
par  la  construction  du  grand  théâtre  de  Moscou,  et  tout  récemment 
du  théâtre  Marie,  à  Saint-Pétersbourg,  vient  de  succomber  aux  suites 
d'une  attaque  d'apoplexie  qui  l'avait  frappé  l'an  dernier. 

CHRONIQUE    DÉPARTEMENTALE. 

^%  Dlois,  2  juillet.  —  Le  concert  donné  par  Mme  Wartel  a  obtenu 
un  plein  succès.  Le  talent  large  et  magistral  de  l'éminente  pianiste  a 
produit  sur  les  auditeurs  son  effet  habituel  d'enchantement.  On  se  sen- 
tait saisi  par  cette  interprétation  si  pure  des  grands  maîtres,  et  bien 
qu'il  ne  soit  pas  donné  à  toutes  les  organisations  d'apprécier  à  leur 
juste  valeur  les  chefs-d'œuvre  de  la  musique  classique,  Mme  'Wartel 
avait  si  complètement  su  se  mettre  en  rapport  avec  son  public,  que  la 
même  passion  avait  envahi  ce  soir-li  les  âmes  les  plus  rebelles.  M.  Xa- 
vier Delsarte  a  dit  avec  esprit  et  verve  deux  fables  de  la  Fontaine;  c'est 
le  digne  élève  de  son  père.  La  soirée  s'est  terminée  d'une  façon  char- 
mante, par  un  proverbe  de  Mme  'VVartel,  qui  a  tenu  à  nous  prouver 
qu'elle  savait  manier  une  plume  aussi  habilement  qu'elle  fait  chanter 
son  piano.  La  célèbre  artiste  est  si  bien  reçue  en  Touraine,  qu'elle 
passera  tout  l'été  dans  ce  pays  oii  se  retrouve  l'élite  de  la  société  fran- 
çaise. 

»*»  Charleville-Mézières.  —  Malgré  la  chaleur  accablante  de  ces  der- 
niers jours,  le  concert  de  M.  Carré  avait  attiré  beaucoup  de  monde. 
Outre  le  talent  hors  ligne  de  l'artiste,  et  qui  lui  a  valu  de  chaleureux 
applaudissements,  on  était  fort  désireux  d'entendre  la  musique  du  9"  de 
dragons,  venue  de  Sedan  tout  exprès  pour  prêter  à  M.  Carré  son  précieux 
concours,  et  qui  passe  à  bon  droit  pour  une  des  premières  parmi  nos 
musiques    de    cavalerie.    Cette  réputation,    elle    la    doit   au    mérite 


individuel  de  la  plupart  des  artistes  qui  la  composent  et  à  la  capa- 
cité hors  ligne  de  son  habile  chef,  M.  Bayer.  On  pouvait  craindre  que, 
dans  une  salle  de  spectacle,  ces  vigoureux  instruments  en  cuivre  fissent 
trop  de  bruit  et  produisissent  un  effet  désagréable.  Rien  de  pareil  n'est 
arrivé  :  on  eût  dit  un  concert  d'instruments  à  cordes,  tant  les  sons 
étaient  doux  et  moelleux,  sans  rien  -perdre  pourtant  de  leur  plénitude 
et  de  leur  force.  Quant  à  l'exécution,  elle  n'a  mérité  que  des  éloges. 

chronique;  étrangère. 

j.**  Londres,  3  juillet.  —  Le  théâtre  de  Covent-Garden,  à  son  tour, 
vient  de  jouer  le  Faust,  de  Gounod,  sous  le  titre  de  FaiwJ  et  Marguerite, 
avec  une  grande  magnificence  de  décors,  do  mise  en  scène,  et,  ajou- 
tons, avec  un  très-grand  succès.  Les  principaux  rôles  étaient  chantés 
par  Tamberlick,  Faure,  firaziani,  Tagliaflco  et  Mmes  Carvalho,  Nantier- 
Didiée  et  Lustein.  Trois  morceaux  ont  été  bissés  :  le  chœur  des  vieillards, 
celui  des  soldats  et  la  chanson  de  Méphistophélès  au  second  acte.  Tous 
les  artistes  ont  été  rappelés,  à  plusieurs  reprises,  et  M.  Gounod  lui- 
même  à  la  fin  du  troisième  acte.  Les  honneurs  de  la  soirée  paraissent 
avoir  été  pour  Faure  (Méphistophélès).  Comme  le  spectacle  vient  seule- 
ment de  finir  à  l'instant  (à  une  heure  du  matin),  nous  sommes  obligé 
de  réserver  pour  le  prochain  numéro  les  détails  de  cette  représentation 
remarquable.  —  Adelina  Patti  vient  de  chanter  avec  un  grand  succès 
le  rôle  de  Maria,  dans  l'opéra  de  Flotovv.  —  Mme  Lind-Goldschmidt 
a  donné  lundi  son  dernier  concert  avec  le  concours  de  Piatti  et  de 
Thalberg.  Toute  l'aristocratie  anglaise  y  assistait. 

.j,*i  Baden.  —  Le  T  juillet  aura  lieu  un  concert  de  musique  classique, 
dont  la  simple  annonce  a  mis  en  émoi  la  foule  des  voyageurs  que  le 
beau  temps  retient  parmi  nous.  L'orchestre  du  théâtre  de  Mannheim  y 
exécutera  la  .symphonie  en  mi  majeur  de  Beethoven  ;  les  virtuoses  qui 
s'y  feront  entendre  sont  Mmes  Viardot  et  Clara  Schumann,  le  violoniste 
Jean  Becker  et  A.  Millier  de  Darmstadt,  contre-bassiste  d'un  grand  ta- 
lent. De  plus,  une  société  de  chant,  dirigée  par  un  amateur  distingué, 
Mlle  Lang,  fera  entendre  un  psaume  de  Marcello  et  VAve  verum  de  Mozart. 

,■■*„,  Dresde.  —  Le  20  juin,  le  théâtre  de  la  cour  a  joué  pour  la  pre- 
mière fois,  la  Clochette  de  l'ermite  (les  Dragons  de  Villars),  d'Aimé  Mail- 
lait. Ce  charmant  opéra-comique  a  été  accueilli  avec  grande  faveur, 
comme  partout  où  il  a  été  représenté  jusqu'ici. 

^*^  Vienne,  3  juillet.  —  Le  compositeur  Reyer  se  trouve  ici  pour 
faire  jouer  son  opéra  Erostrate  au  théâtre  de  la  cour,  où  les  représen- 
tations reprendront  à  partir  du  1^'  juillet.  —  Le  nouveau  grand-cham- 
bellan, Prince  Vincent  Auersperg,  a  été  chargé  de  la  surintendance  des 
théâtres  de  la  cour. 

,^*,^  Florence.  —  Hier  24  juin,  pour  célébrer  la  fête  de  Saint-Jean, 
nous  avons  eu  une  grande  solennité  musicale  au  palais  de  la  Seigneurie, 
dans  la  salle  dite  des  Cinq-Cents.  Parmi  les  artistes,  d'élite  appelés  à  y 
prendre  part,  nous  avons  à  citer  Emilie  Lagrua,  la  Tiberini  et  Pancani. 
Ce  concert  a  été  hors  ligne,  et  il  ne  pouvait  en  être  autrement  avec  des 
noms  d'une  pareille  valeur.  11  y  avait  deux  cents  choristes  et  cent  cin- 
quante instrumentistes.  On  a  commencé  par  une  ouverture  d'Auber. 
Puis  est  venu  un  hymne  à  Jupiter,  œuvre  de  la  jeunesse  de  Meyerbesr 
qui  a  infiniment  plu.  La  Tiberini  a  chanté  une  polonaise  de  Mabel- 
lini.  Le  duo  du  cinquième  acte  du  Prophète  a  ensuite  été  dit  par 
Mmes  Lagrua  et  Pancani  aux  applaudissements  enthousiastes  de  l'audi- 
toire. La  Plainte  du  Barde,  ouverture  de  Mercadante,  la  cavatine  de  la 
Linda,  par  Pancani,  l'hymne  aux  nations  de  Verdi,  ont  suivi,  après  quoi 
de  nouveaux  applaudissements  ont  accueilli  Mme  Lagrua  dans  la  cava- 
tine du  Prophète,  qu'elle  a  chantée  avec  le  plus  grand  talent.  Enfin  la 
Bataille  de  Saint-Martin,  chœur  descriptif,  et  le  duo  de  Poliuto,  dit  par 
la  Lagrua  et  Pancani,  ont  terminé  triomphalement  cette  magnifique 
audition,  qui  avait  attiré  une  foule  nombreuse  et  (ce  qui  vaut  mieux 
encore)  qui  a  enthousiasmé  tout  le  monde. 

leOirecleur  :  S.  OUFOUR. 


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en  1841.  —  Prix  d'iionneur,  médaille  d'or,  en  1843.  —  Médaille  d'argent  à  l'Exposition  de  Paris,  lS:i4.  —  MÉ1.1ÊGUÉ  par  le  gouvernement  belge  pour  visiter 
l'Exposition  universelle  de  Londres,  en  1851.  —  Exposition  universelle  de  Paris,  1855,  les  plus  belles  pages  du  Rapport  officiel,  27'"''  Classe,  pages  1835-1336.  — 
Exposition  universelle  de  Lojidres,  1862,  PRIZE  MEOAL,  avec  cette  mention  :  POUK  EXCEILl/EXCE  DE  TOUTE  ESPÈCE  D'INSTROMKMTS  DE  CUIVRE. 
—  .Membre  de  l'IKSTITIlT  POLYTECHNIQIE  de  Paris,  membre  de  l'ASSOCIATION  INTERNATIONALE  POUR  LE  PROGRÈS  DES  SCIENCES  SOCIALES.  — 
MEDAILLE  D'Oli  et  Membre  du  CORPS  SCIENTIFIQUE  DE  L'HOTEL  DE  VILLE  DE  PARIS. 

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Mue  de  la  Tictoire,  4S,  à  Paris. 

L'immense  succès  que  les  Pianos  de  la  Maison  Henri  HERZ  ont  obtenu  à  l'Exposition  universelle  de  Paris,  en  1855, 
vient  de  se  reproduire  à  Londres  avec  plus  d'éclat  encore  :  aussi  le  Jury  international  vient-il,  en  plaçant  ces  instruments 
au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimité,  à  M.  Henri  HERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection 
reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  solidité,  de  la  sonorité,  de  l'égalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  d'expression.   (Rapport  du  Jury  international.) 


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ADOLPHE    SAX 


* 


50,  rue  Saint- Cieorg^eg, 
à  Paris. 


.=5ï«a 


Facteur  de  la  Maison  militaire  de  l'Empereur.  —  Professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique. 
Seule  grande  Médaille  d'honneur  à  l'Exposition  universelle  de  1855. 

RÉSUMÉ  DES  AVANTAGES  DES  SaXHOKNS  ET  DES  SAXOTROMBAS. 

Le  Saxotromba,  ou  le  Saxhorn,  est  supérieur  à  ses  analogues  existants  précédemment,  comme  proportion  de  tubes  et  par 
conséquent  comme  son;  supérieur  comme  j  ustesse  ;  supérieur  comme  création  de  famille  complète;  supérieur  comme  facilité  et 
unité  de  doigté  ;  supérieur  comme  forme  ou  contour  des  tubes  pour  l'émission  des  sons  ;  supérieur  comme  forme  pour  le  pla- 
cement et  le  maniement  de  l'instrument;  supérieur  comme  ayant  une  même  direction  des  sons  {avantage  pour  l'auditeur  de 
recevoir  tous  les  sons  avec  la  même  puissance);  supérieur  en  ce  que  quelques  jours  suffisent  pour  former,  avec  des  amateurs  ou 
de  simples  conscrits  militaires,  une  musique  passable  ;  supérieur  en  ce  que  les  plus  gros  instruments  comme  les  petits  se 
tiennent  facilement  au  moyen  de  la  main  gauche  et  du  bras  gauche,  et  laissent  le  bras  et  la  main  droite  entièrement  libres, 
et  dans  la  meilleure  position  pour  le  jeu  des  doigts  sur  les  cylindres  ;  supérieur  en  ce  que,  quand  un  élève  a  déji  fait  des 
études  et  qu'il  est  obligé  de  changer  d'instrument  faute  de  disposition  des  lèvres  ou  par  tout  autre  motif,  ses  études  acquises 
servent  pour  le  nouvel  instrument,  soit  trompette,  trombone  ou  tout  autre  instrument  ;  supérieur  en  ce  que  l'on  peut  faire  les 
études  les  plus  longues  et  les  plus  difficiles  sur  l'instrument  qui  fatigue  le  moins  et  les  reporter  sur  d'autres  plus  durs  à  jouer 
ou  plus  lourds  à  porter;  supérieur  en  ce  que,  dans  les  sociétés  ou  dans  un  régiment  de  cavalerie,  surtout  lors  des  congés,  il 
arrive  souvent  que  tous  les  artistes  d'une  même  catégorie  d'instruments  partent,  et  que,  dans  ce  cas,  on  peut  les  remplacer 
en  prenant  des  musiciens  dans  les  parties  les  mieux  garnies  pour  occuper  ou  remplacer  les  parties  manquantes;  supérieur  en 
ce  qu'on  ne  craint  pas  les  c  lups  de  tète  des  chevaux,  qui,  avec  les  anciens  instruments,  brisaient  parfois  les  dents  au  cava- 
lier; supérieur  en  ce  que  l'on  peut  jouer,  le  cheval  au  trot  ou  au  galop,  l'instrument  suivant  toujouis  les  mouvements  du  i\ 
corps;  supérieur  pour  la  musique  en  marche  en  ce  que  l'instrument  ne  se  dérange  pas  survies  lèvres,  et  conserve  par  consé-  \ 
quent  la  même  sonorité  qu'au  repos  ;  supérieur  pour  les  corps  de  musique  et  pour  le  militaire  surtout,  où  tout  est  régulier 
(excepté  les  musiciens  et  les  instruments  d'après  le  système  ancien),  en  ce  que  tout  le  monde  se  trouve  dans  la  même  position, 
toutes  les  mains  à  la  même  hauteur  et  tous  les  instruments  penchés  de  gauche  à  droite  ;  supérieur,  pour  la  musique  à  cheval 
ou  de  cavalerie,  en  ce  que  si,  pendant  que  l'on  joue,  le  cheval  vient  à  faire  un  écart,  il  est  facile  de  ressaisir  les  brides  pour 
le  ramener,  sans  dérangf^r  l'instrument  de  sa  position, 
la  fabrique  purlcnt  l'intcriplioii  suivante  :  Adolphe  Sax,  à  Paris,  factcur  de  la  maison  militaire  de  l'Empereur,  le  numéro  d'ordre  de  riuslrnnienl  et  le  poinçon  oi-(iesiu!. 


NOUVEAUTÉS     MUSICALES     POUR     LE     PIANO 


E.  COMBOUL 

Op.     2.  Caprice  mazurka. 

Op.  15.  Morceau  de  salon. 

Op.  19.  Ave  Maria,  de  Scliubert. 


Publiées  par  Adolpbe  Catelin 


A.  KUNC 

13.  Rêve  perdu. 

lli.  Fiamma,  mazurka. 

15.  L'Hirondelle  de  l'exilé. 


F.  LACAZE 

Op.  2.  Les  Échos  de  la  nuil. 

Op.  4.  Royal-Bolero. 

Op.  5.  Un  Echo  de  France. 


J.  LEYBACH 

Op.  47    La  Diabolique,  élude. 
Op.  li&.  Vanlaisin  sar  les  Puritains. 
Op.  49.  Fête  des  Moissonneurs. 


.  —  iiipniMcitiF.  r.Esi 


iPOlEOK  cil  Al 


BUREAUX    A    PARIS  :    BOULEVARD   DES   ITALIENS, 


30«  Année. 


N°  28. 


12  Juillet  1803. 


OR  S'ABONNE  1 

Itam  les  Dépnrtcmenls  et  à  l'Étranger,  chez  tous 
Ifi  Unrchands  de  Musique,  les  Libraires,  et  aux 
{tureaui  des  Ucssogeries  et  des  Postes. 


REVUE 


PRIX  DE  L'ABONNEMEUT  : 

Paris 2*(r.piir« 

Départcmeuts,  Belgique  et  Suisse —    30»       id. 

Étranger 3*  '       'd- 

Le  Journal  parait  le  Dimanche. 


-^\A/  \PJ\f\rj\rjV\r-r~ 


SOMMAIRE.  —  L'Anneau  des  Nibelungen,  par  Richard  Wagner  (l"  article).  — 
—  Tliéâtre  impérial  de  l'Opéra  :  Diavolina,  ballet-pantomime  en  un  acte  de 
M.  Michel  Saint-Léon,  musique  arrangée  et  composée  par  César  Pugni.  — 
Hérold  (1"  article),  par  Fétîs  père.  —  Correspondance  :  Londres.  —  Nouvel- 
les et  annonces. 


L'ÀNBrEÂn    DES   NIBELUISGEN, 

Par  RICHARD  WACilVER. 

(1=^  article.) 

Un  poëte  de  l'antiquité.  Properce,  voulant  annoncer  au  monde  con- 
temporain l'apparition  de  l'Enéide,  s'écriait  dans  un  vers  devenu  cé- 
lèbre :  «  Je  ne  sais  quoi  de  plus  grand  que  l'Iliade  s'apprête  à  voir 
»  le  jour  !  » 

El  nous  aussi,  nous  pouvons  le  dire  tout  haut  ;  Voici  quelque  chose 
d'immense,  de  colossal,  de  tiianique  !  Arrière  tous  les  poètes,  dra- 
matiques et  lyriques,  sauf  les  Chinois  pourtant ,  dont  quelques-uns 
ont  fait  des  pièces  qui  durent  un  mois  entier!  Richard  Wagner  ne 
se  permet  pas  encore  de  telles  dimensions,  mais  il  en  approche  ! 
L'auteur  de  Tannhœuser  est  un  homme  de  parole:  il  nous  avait  pro- 
mis une  tétralogie,  il  nous  la  donne  !  Nous  la  possédons,  nous  la  te- 
nons, cette  œuvre  formidable,  écrite  depuis  dix  ans,  mais  dont  la 
musique  n'est  pas  encore  complètement  terminée.  Cette  œuvre  n'est 
autre  chose  que  le  livret  d'un  opéra  nouveau,  et  ce  livret,  c'est  un 
livre,  un  gros  livre,  un  épais  in-odavo  de  hh^  pages,  contenant  en- 
viron douze  mille  vers.  Ne  dites  pas  qu'il  faudrait  douze  mille  hom- 
mes pour  les  lire  !  L'auteur  vous  donne  du  temps.  Il  divise  son  la- 
beur et  le  vôtre  en  trois  journées.  De  plus,  il  y  a  un  prologue,  inti- 
tulé la  Veille,  ce  qui  en  réalité  constitue  la  valeur  de  quatre  opéras. 
La  Veille  a  près  de  dix  huit  cents  vers,  et  cela  fait  trembler  pour  le 
lendemain  !  Richard  Wagner  vous  demande  quatre  jours  consécutifs 
pour  la  représentation  de  son  nouveau  livret. 

Aujourd'hui,  nous  l'avouerons,  frappé  de  stupeur  au  seul  aspect  du 
gigantesque  monument,  nous  nous  en  tiendrons  aux  bagatelles  de  la 
porte,  et  nous  n'en  franchirons  le  seuil  que  quand  nous  serons  bien 
sûr  d'avoir  la  force  de  contempler  les  monstres  qui  l'habitent.  Ri- 
chard Wagner  lui-même  ne  se  dissimule  pas  que  sa  tétralogie  pré- 
sente quelques  difficultés  d'exécution,  et  il  enseigne  le  moyen  d'en 
triompher  dans  sa  préface.  D'abord  il  ne  veut  pas  d'un  de  ces  théâtres 
de  premier  ordre  établis  depuis  longtemps,  et  pourvus  d'un  réper- 
toire dont  les  influences  pourraient  nuire  au  nouveau  chef-d'œuvre. 


Ce  qu'il  faudrait  pour  atteindre  son  but,  ce  serait  une  ville  de  pro- 
vince, ni  trop  grande,  ni  trop  petite,  éloignée  des  théâtres  perma- 
nents et  du  public  qui  les  fréquente,  pouvant  recevoir  et  loger  con- 
venablement un  certain  nombre  d'étrangers.  On  y  construirait  une 
salle  provisoire,  toute  simple,  peut-être  seulement  en  charpente  et 
uniquement  disposée  en  vue  des  exigences  artistiques.  Cette  salle  de- 
vrait être  en  forme  d'amphi'.héâtre,  et  l'orchestre  y  serait  soigneu- 
sement dérobé  aux  regards  de  l'auditoire.  Richard  Wagner  insiste 
beaucoup  sur  ce  point. 

C'est  là  que,  dans  les  premiers  jours  du  printemps,  on  ferait  venir 
les  chanteurs  dramatiques  les  plus  distingués,  choisis  dans  les  troupes 
d'opéra  de  l'Allemagne,  pour  y  étudier  exclusivement  la  tétralogie, 
sans  Hre  distraits  par  aucun  autre  fastidieux  travail-  (Autant  que 
possible,  nous  nous  servons  des  expressions  mêmes  de  Richard  Wagner, 
et  nous  espérons  que  le  lecteur  s'en  apercevra.)  Le  public  allemand 
serait  invité  à  se  rendre  dans  cette  ville  aux  jours  fixés  pour  les  re- 
présentations. Le  premier  soir,  «  la  veille,  on  donnerait  l'Or  du 
Rhin,  »  et  aux  trois  soirées  suivantes  :  «  la  Walkyrie,  Siegefroy  et 
les  Dieux.  » 

Ordinairement  le  public  se  livre  pendant  la  journée  à  des  occupa- 
tions de  toute  sorte  et  ne  vient  que  le  soir  au  théâtre  pour  se  distraire. 
Dans  ce  festival,  au  contraire,  on  passerait  la  journée  à  se  distraire, 
à  se  réjouir,  et  l'on  ne  serait  que  mieux  disposé  le  soir  à  compren- 
dre une  œuvre  d'art. 

L'exécution  de  la  tétralogie  ne  paraît  possible  à  son  auteur  que 
dans  ces  conditions,  i  L'opéra  allemand,  dit-il,  manque  complète- 
ment de  style,  et  l'incorrection  presque  burlesque  de  ses  représenta- 
tions ne  permet  pas  d'espérer  que,  même  dans  un  grand  théâtre,  on 
puisse  trouver  réunis  les  éléments  nécessaires.  »  Du  moins,  on  n'ac- 
cusera pas  Richard  Wagner  de  flatter  ses  compatriotes.  Il  ne  recon- 
naît de  talent  réel  que  chez  quelques  chanteurs  qui  n'ont  été  formés 
à  aucune  école,  et  s'en  vont  errants  chacun  de  leur  côté.  Ce  qui  ne 
se  rencontrerait  sur  aucun  théâtre  particulier,  il  faudrait  l'obtenir 
par  une  sorte  de  conscription  exercée  sur  tous  les  théâtres,  et  l'on  y 
parviendrait,  mais  à  quel  prix?  Richard  Wagner  dédaigne  naturelle- 
ment la  question  financière. 

Ainsi  réunis,  rapprochés,  voyez  quel  av.inlage  pour  ces  artistes, 
qui  n'auraient  à  étudier  qu'une  seule  œuvre,  dont  ils  saisiraient  le  ca- 
ractère d'autant  plus  vite  qu'ils  ne  seraient  jamais  interrompus  !  La 
concentration  de  leurs  forces  sur  un  seul  sujet,  une  seule  lâche,  ne 
saurait  être  estimée  trop  haut,  quand  on  songe  aux  faibles  résultats 
que  l'on  obtient  par  l'autre  syslcnie.  En  effet,  que  peut-on  attendre 
d'un  artiste  qui  la  veille  aurait  chanté  quelque  méchante  traduction 


218 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


d'opéra  italien  moderne,  et  qui,  le  lendemain,  devrait  répéter  Wodayi 
ou  Sigefroy,  deux  fragments  de  la  tétralogie?  La  mise  en  scène  pro- 
fiterait également  de  cette  application  à  une  œuvre  unique.  Les  mer- 
veilles des  théâtres  de  Paris  et  de  Londres  s'expliquent  par  cette 
circonstance  heureuse  que,  pour  un  certain  temps,  une  seule  pièce 
y  occupe  la  scène,  et  que  les  peintres,  les  machinistes  ont  pu  s'y 
vouer  exclusivement.  Par  exemple,  la  représentation  du  prologue 
rOr  du  Min  ne  saurait  se  concevoir  sur  un  théâtre  dont  le  réper- 
toire varie  continuellement  comme  en  Allemagne.  Notez,  s'il  vous 
plaît,  que  dans  ce  prologue,  les  Trois  Filles  du  Rhin  nagent  et  sau- 
tent constamment,  tout  en  chantant  leurs  rôles!  C'est  l'école  de  na- 
tation réunie  à  celle  de  la  vocalise. 

«  Pour  compléter  l'effet  que  produirait  une  exécution  préparée  de 
la  sorte,  ajoute  Richard  Wagner,  je  tiens  beaucoup  à  ce  que  Vor- 
chestre  soit  invisible.  L'importance  de  celte  disposition  sera  évidente 
pour  quiconque  assiste  à  nos  représentations  d'opéra  dans  le  but 
d'obtenir  l'impression  réelle  d'une  œuvre  dramatique,  et  en  voyant 
les  mouvements  mécaniques  des  musiciens  et  de  celui  qui  les  dirige, 
est  involontairement  témoin  d'évolutions  techniques,  lesquelles  de- 
vaient lui  rester  cachées.  Cela  produit  un  effet  presque  aussi  fâcheux 
que  la  vue  des  cordons,  des  baguettes  et  boiseries  des  décors  qu'on 
aperçoit  dans  les  coulisses,  ce  qui,  comme  on  sait,  détruit  toute 
illusion. 

»  Si  l'on  a  jamais  pu  se  convaincre  quel  son  transfiguré,  pur  et  qui 
n'est  troublé  par  aucuns  des  bruits  extra-musicaux  que  nécessite  la  pro- 
duction des  accords  des  instruments,  émane  d'un  orchestre  entendu  à 
travers  un  mur  sonore  acoustique,  et  si  l'on  se  représente  la  posi- 
tion avantageuse  où  se  place  le  chanteur  vis-à-vis  de  l'auditeur 
lorsqu'il  se  trouve  pour  ainsi  dire  immédiatement  en  face  de  lui,  on 
n'a  plus  qu'à  tenir  compte,  en  outre,  de  la  facilité  plus  grande  à 
saisir  le  sens  des  paroles  qu'il  prononce  pour  arriver  à  porter  un 
jugement  favorable  sur  la  disposition  acoustique  et  archi tectonique 
que  je  réclame.  Or  cette  disposition  ne  pourrait  être  prise  que  dans 
une  salle  provisoire  construite  exprès.  » 

Nous  avons  voulu  citer  textuellement  ce  passage,  traduit  avec  tout 
le  soin  possible,  afin  de  ne  rien  changer,  ni  au  vœu  de  l'auteur  ni 
à  sa  forme.  Oserons-nous  rappeler  qu'à  Paris  nous  avons  déjà  vu 
quelques  essais  de  ces  orchestres  invisibles  et  que  nous  n'en  avons 
été  nullement  charmé.  Mais  si  nous  n'avons  jamais  désiré  qu'on  ne 
vît  pas  l'orchestre,  en  revanche  il  nous  est  amvé  quelquefois  de 
souhaiter  qu'il  fûl  possible  de  ne  pas  l'entendre. 

Posons  ici  nos  colonnes  d'Hercule  :  nos  citations  auront  suffi  pour 
mettre  le  lecteur  en  éveil  ;  nous  éprouvons  le  besoin  de  reprendre 
haleine  avant  d'aller  plus  loin.  Lire  douze  mille  vers,  ce  n'est  pas  une 
petite  affaire;  et  ce  qui,  dans  le  cas  particulier,  rend  la  tâche  plus 
difficile,  c'est  la  diction  bizarre,  insolite  de  l'auteur.  Chez  lui,  la  cons- 
truction, les  termes  ont  une  tendance  constante  au  néologisme  ;  il 
faut  une  attention  ioutenue,  courageuse,  pour  saisir  sa  pensée  et  la  suivre 
à  travers  les  périodes  compliquées  où  elle  se  développe  parfois  à  perle 
de  vue  —  sans  compter  une  infinité  d'allusions  aux  sagas,  aux  lé- 
gendes mythologiques  du  Nord  qui  ne  sont  pas  familières  à  tout  le 
monde. 

En  attendant,  voici  un  échantillon  qui  pourra  donner  une  idée  des 
dispositions  scéniques  que  Richard  Wagner  prétend  introduire  'dans 
son  théâtre.  C'est  le  commencement  du  prologue.  La  scène  représente 
le  fond  du  Rhin  :  et  c'est  l'auteur  qui  parle  maintenant  :  «  Crépuscule 
verdâtre,  plus  clair  vers  le  haut,  foncé  en  bas.  La  partie  supérieure 
est  remplie  par  les  eaux  qui  ondulent  et  coulent  incessamment  de 
droite  à  gauche.  Vers  la  partie  inférieure,  les  eaux  se  résolvent  en 
une  brume  qui  s'éclaircit  graduellement,  de  telle  sorte  qu'à  partir 
du  fond  jusqu'à  hauteur  d'homme  il  y  a  un  espace  qui  paraît  en- 
tièrement vide.  Partout  d'âpres  rochers  surgissent  du  sol,  qui  n'est 
nulle  part  parfaitement  uni,  et  fait  supposer  dans   toutes  les  direc- 


tions des   gouffres  plus  profonds  au  milieu   des  plus  épaisses  ténè- 
bres. » 

Les  acteurs  qui  figurent  dans  le  prologue,  sont  :  trois  dieux,  Wo- 
dan,  Donner,  Froh  ;  trois  Nibelungen,  Loge,  Albéric,  Mime;  deux 
géants:  Fasolt,  Fafner  ;  trois  déesses  :  Fricka,  Fréia,  Erda,  et  enfin 
trois  filles  du  Rhin  :  Woglinde,  Wellgunde,  Flosshilde.  Quand  la  toile 
se  lève,  la  scène  représente,  ainsi  qu'il  a  été  dit,  le  fond  du  Rhin  ; 
autour  d'un  roc  dont  la  pointe  élancée  s'élève  jusqu'à  la  région  des 
flots,  nage  avec  des  mouvements  gracieux  une  des  filles  du  Rhin  , 
Woglinde,  en  chantant  ce  qui  suit  : 

Wogliiide.  Wéïa,  waga  !  —  Vogue,  ô  vogue,  vogue  vers  le  ber- 
ceau ;  Wagalaweïa  ;  wallala,  weïala,  weïa. 

La  voix  de  Wellgunde  d'en  haut  :  Woglinde,  veilles-tu  seule  ? 

Woglinde.  Avec  Wellgunde,  nous  serons  deux. 

Wellgunde  (plonge  d'en  haut  vers  le  roc).  Voyons  si  tu  fais  bonne 
garde.  (Elle  veut  attraper  Woglinde.) 

(La  voix  de  Flosshilde  d'en  haut)  :  Héïala  !  wéïa  ! 

Wellgunde.  Flosshilde,  nage  ;  Woglinde  fuit,  aide-moi  à  la  pren- 
dre. 

Flosshilde  (plonge  en  bas  et  s'élance  entre  ses  deux  sœurs  qui 
jouent).  L'or  qui  sommeille,  vous  le  gardez  mal;  soyez  plus  vigilan- 
tes au  lit  du  dormeur,  sinon,  vous  porterez  la  peine  du  jeu. 

(Pendant  que  les  nymphes  prennent  leurs  ébats ,  Albéric ,  un  des 
Nibelungen,  sort  de  l'abîme;  encore  entouré  d'obscurité ,  il  s'arrête 
et  prend  plaisir  à  regarder  les  ébats  des  filles  du  Rhin.) 

Albéric.  Eh  !  eh  !  que  vous  êtes  gentilles  !  Venu  de  la  nuit  de  Ni- 
belheim,  je  m'approcherais  volontiers  de  vous,  si  vous  vous  penchiez 
vers  moi. 

(Les  nymphes  s'arrêtent,  lorsqu'elles  entendent  la  voix  d' Albéric. 

Woglinde.  Ah  !  qui  vient  là. 

Flosshilde.  Voyez,  qui  nous  épie  ! 

Woglinde  et  Wellgunde.  Fi ,  qu'il  est  laid  ! 

Mon  Dieu,  que  tout  cela  est  beau  !  Quelles  vastes  et  splendides 
perspectives  ouvre  un  pareil  prologue  !  Il  est  à  propos  de  constater 
que  la  musique  du  Rheingold  est  achevée,  et  que  dans  ses  concerts 
l'auteur  a  fait  exécuter  cette  année  des  fragments  tirés  des  trois  au- 
tres parties  de  son  travail. 

En  résumé,  ce  qui  ressort  virtuellement  de  la  préface,  c'est  que 
tout  ce  qu'on  a  fait,  écrit,  composé  jusqu'ici,  sous  prétexte  d'opéra, 
doit  être  anéanti,  déchiré  en  morceaux,  réduit  en  cendres,  et  que 
l' Anneau  des  Nibelungen  est  un  chef-d'œuvre,  pour  la  représentation 
duquel  nul  sacrifice  ne  saurait  être  trop  grand.  11  y  est  dit  en  propres 
termes  :  «  Si  un  prince  allemand  donnait  la  somme  que  lui  coûte 
annuellement  son  théâtre,  on  pourrait  construire  la  salle  provisoire 
nécessaire  aux  Nibelungen.  »  Mais  il  est  évident  que  cela  ne  suffirait 
pas  encore,  et  l'on  ne  mènerait  l'entreprise  à  bonne  fin  qu'en  fer- 
mant du  même  coup  les  théâtres  de  Vienne,  de  Rerlin,  de  Munich, 
de  Dresde  et  de  Stuttgard.  Le  peuple  allemand  regrelterait-il  de  ne 
pas  entendre  pendant  une  année  entière  une  seule  note  de  Gluck, 
Mozart,  Weber  et  autres  compositeurs  dont  les  œuvres  ne  servent 
qu'à  offenser  le  goût? 

(La  suite  prochainement.) 


THEATRE  mPERIAL  DE  L'OPËRÂ. 

DIAVOIiliVA, 

Ballet-pantomime  en  un  acte  de  M.  Michel  Saint -Léon,  musique 
arrangée  et  composée  par  César  Pugni,  décors  de  MM.  Cambon  et 
Thierry. 

(Première  représentation  le  6  juillet.) 

Ne  parlons  pas  de  ballet  :  il  y  en  a  si  peu  dans  Diavolina!  Parlons 


DE  PARIS 


219 


plutôt  de  danse  et  de  danseuses  :  il  y  en  a  bien  assez  pour  faire 
passer  une  heure  agréable.  Cependant,  il  faut  l'avouer,  en  voyant 
quelque  chose  de  si  petit,  de  si  ingénu,  de  si  simple,  on  est  frappé 
de  l'étrange  disproportion  qui  existe  entre  le  théâtre  et  l'œuvre  !  Ce 
n'est  pas  que  nous  professions  une  passion  violente  pour  ces  vastes 
machines  à  trois  actes  divers,  dans  lesquelles  la  passion  se  démène  à 
travers  les  ronds  de  jambes  et  s'exprime  par  tous  les  langages,  ex- 
cepté celui  dont  l'espèce  humaine  a  reçu  le  don  spécial.  Mais  esl-ce 
une  raison  pour  appliquer  l'idiome  du  geste  aux  escarmouches  d'un 
marivaudage  dont  les  subtilités  ne  sont  nullement  de  son  ressort 
et  n'échappent  pas  moins  à  l'intelligence  qu'à  l'intérêt?  Conçoit- 
on  que  Saint-Léon,  qui  nous  a  donné  la  Fille  de  marbre  et 
le  Violon  du  Diable,  soit  sorti  de  son  repos  pour  mettre  en  panto- 
mime quelques  scènes  du  Dépit  amoureux?  Encore  s'il  se  fût  attaqué 
au  Tartufe  ou  au  Misanthrope  !  Il  y  viendra  peut-être  ;  en  attendant 
il  faut  nous  en  tenir  aux  disputes  et  aux  jalousies  sans  cause  et  sans 
esprit,  de  Diavolina,  la  riche  paysanne,  et  du  pêcheur  Gennariello. 

L'action  (nous  sommes  bien  honnête)  se  passe  aux  environs  de  Ca- 
serte,  en  l'année  de  grâce  1805,  d'où  il  suit  que  les  uniformes  de 
l'armée  française  se  mêlent  aux  costumes  napolitains.  Diavolina  et 
Gennariello  doivent  se  marier  le  jour  même  ;  le  fiancé  est  en  retard, 
et  pour  le  punir,  lorsqu'il  arrive,  la  ûancée  feint  de  dormir  :  puis 
elle  raconte  ses  rêves,  qui  épouvantent  Gennariello.  Il  veut  fuir, 
mais  Diavolina  le  retient  dans  son  propre  filet.  La  récouciliation 
s'opère,  mais  plus  tard  une  autre  querelle  survient;  Gennariello  se 
croit  trahi  pour  le  sergent  Bridoux,  et  cette  fois  il  veut  mourir;  il  re- 
vient à  la  vie  et  le  mariage  se  conclut. 

C'est  Mlle  Mourawieff  qui  remplit  le  rôle  de  Diavolina:  c'est  pour 
elle  qu'il  a  été  tracé.  Nous  l'y  revoyons  telle  que  nous  l'avions  déjà 
vue,  rien  de  plus,  rien  de  moins.  Toujours  même  perfection  de  mé- 
canisme, même  précision  de  mouvements,  même  audace  de  pointes, 
mais  aussi  même  indifférence  de  physionomie  :  plus  de  surprise  et 
d'admiration  que  de  charme.  Le  pas  de  la  Scarpetta  est  fort  joli; 
dans  le  pas  de  quatre  avec  Mérante,  Mlles  Beauregard  et  Baratte, 
la  jeune  ballerine  brille  aussi  comme  une  véritable  étoile.  Mais  on 
avait  imaginé  pour  le  dénoûment  de  coiffer  l'étoile  d'un  bonnet  de 
police  et  de  l'affubler  d'un  tambour,  en  l'entourant  d'une  oscouade 
de  vivandières  et  de  soldats,  le  tout  sous  prétexte  d'un  pas  militaire 
digne  à  tous  égards  de  la  Porte  Saint-Martin.  Le  pas  militaire  a  été 
bien  vite  supprimé;  il  n'aura  vécu  qu'une  soirée,  et  maintenant  Dia- 
volina finit  sans  tambour,  mais  non  sans  trompette. 

Nous  soupçonnons  le  maestro  Pugni  d'avoir  écrit  sa  partition  sous 
la  dictée  d'une  mémoire  toute  remplie  d'airs  napolitains,  qui  se  suc- 
cèdent sans  fin  ni  cesse.  Exceptons  du  nombre  la  musique  du  pas 
des  canotiers,  laquelle  appartient  au  maestro  Graziani,  et  il  est  juste 
d'ajouter  que  le  pas  et  la  musique  ont  enlevé  tous  les  bravos.  Parmi 
les  artistes  groupés  autour  de  Mlle  Mourawieff,  citons  Mérante,  Ber- 
thier,  Dauty,  et  surtout  Coralli,  qui  se  montre  excellent  dans  la  ca- 
ricature chorégraphique.  Diavolina  ne  doit  donc  s'en  prendre  qu'à 
elle-même,  si  elle  n'a  pas  produit  plus  d'impression.  Pauvre  petite  ! 
on  l'a  tout  aussitôt  mise  en  pénitence  derrière  un  opéra  en  quatre 
actes,  le  Trouvère,  toujours  le  Trouvère!  Il  y  a  quelque  temps,  c'eût 
été  derrière  Lucie  ou  la  Favorite  !  Verdi  a  hérité  de  Donizetti. 

P.  S. 


Le  grand  succès  de  la  reprise  de  Zampa  ramène  l'attention  géné- 
rale sur  son  illustre  auteur.  Nous  profitons  de  l'occasion  pour  faire 
connaître  à  nos  lecteurs  la  belle  notice  consacrée  à  Hérold,  par 
M.  Félis,  dans  la  seconde  édition  de  sa  Biographie  universelle  des 
musiciens. 


HÉROLD 

(  Eiouis-Joseith-Feritinnnd  ). 

(Premier  article). 

Hérold  naquit  à  Paris  le  28  janvier  1791.  Son  père  ne  le 
destinait  point  à  suivre  la  môme  carrière  que  lui;  et,  malgré 
les  heureuses  dispositions  qu'il  montrait]  pour  la  musique,  l'édu- 
cation qu'on  lui  donna  n'avait  pas  pour  but  de  les  développer.  A 
l'âge  de  dix  ans,  il  était  placé  dans  un  des  meilleurs  pensionnats  de 
cette  époque  (1),  et  il  y  faisait  d'assez  brillantes  études  dont  les  ré- 
sultats n'ont  pas  été  sans  fruit  pour  ses  succès  d'artiste.  L'auteur  de 
cette  notice,  alors  élève  du  Conservatoire,  demeurait  dans  la  même 
maison,  où  il  était  répétiteur  pour  le  solfège.  Ainsi  que  ses  condisci- 
ples, Hérold  assistait  à  ses  leçons  ;  mais  ses  progrès  étaient  bien  plus 
rapides  que  ceux  de  tous  les  autres  élèves.  La  nature  l'avait  fait 
musicien;  il  apprenait,  ou  plutôt  il  devinait  l'art  en  se  jouant,  et 
sans  paraître  se  douter  lui-même  de  sa  destination. 

La  mort  prématurée  de  son  père  changea  tout  à  coup  la  direction 
de  ses  études,  et  le  rondit  à  sa  vocation.  Déjà  bon  musicien,  il  entra 
au  mois  d'octobre  1806  comme  élève  de  piano  dans  la  classe  d'Adam 
au  Conservatoire  de  musique.  Ses  mains  étaient  bien  disposées  pour 
l'instrument  qu'il  adoptait  ;  bientôt  les  leçons  du  maître  habile  qui 
le  dirigeait  dans  ses  études  en  firent  un  pianiste  distingué,  et  le  pre- 
mier prix  lui  fut  décerné  au  concours  du  Conservatoire  dans  le  mois 
de  juillet  1810.  Elève  de  Catel  pour  l'harmonie,  il  cultivait  aussi  avec 
succès  cette  partie  de  l'art,  et  se  disposait  à  recevoir  les  leçons  de 
Méhul  pour  achever  de  s'instruire  dans  l'art  d'écrire  les  pensées 
musicales  qui  déjà  faisaient  pressentir  son  génie.  Ce  fut  au  mois  d'a- 
vril 1811  que  Méhul  devint  son  maître.  Les  leçons  de  ce  grand  ar- 
tiste, et  peut-être  plus  encore  sa  conversation  piquante  et  remplie 
d'une  spirituelle  raison,  exercèrent  la  plus  heureuse  influence  sur  le 
développement  des  facultés  d'IIérold.  Ses  progrès  furent  ceux  d'un 
homme  né  pour  être  artiste,  et  une  année  et  demie  d'étude  lui  suffît 
pour  être  en  état  de  disputer  et  d'obtenir  le  premier  grand  prix  de 
composition  musicale  au  concours  de  l'Institut,  au  mois  d'août  1812. 
La  cantate  qu'il  composa  pour  ce  concours  {ilachmoiselle  de  la  Val- 
Hère)  ne  donnait  peut-être  pas  une  mesure  exacte  du  talent  élevé 
qu'il  devait  avoir  un  jour  ;  mais  on  ne  peut  nier  qu'il  ne  s'y  trouve 
une  indication  certaine  des  plus  heureuses  dispositions. 

Au  mois  de  novembre  de  la  même  année,  Hérold  partit  pour  Rome, 
en  qualité  de  pensionnaire  du  gouvernement.  La  plupart  des  élèves 
qui  obtiennent  au  concours  le  grand  prix  de  composition,  objet  uni- 
que de  leur  jeune  ambition,  considèrent  cependant  comme  un  temps 
d'exil  celui  que  les  règlements  de  l'Institut  les  obligent  à  passer  en 
Italie,  et  surtout  à  Rome  :  il  n'en  fut  pas  ainsi  d'Hérold.  Depuis 
longtemps  il  soupirait  après  ce  ciel  de  l'Ausonie  sous  lequel  il  lui 
semblait  qu'on  ne  devait  trouver  que  de  belles  inspirations.  Aussi  a- 
t-il  souvent  avoué  depuis  lors  que  le  temps  qu'il  avait  passé  dans  la 
capitale  du  monde  chrétien  était  le  plus  heureux  de  sa  vie.  Après 
trois  années  d'études  et  de  travaux,  il  quitta  celte  terre  classique  des 
arts  pour  se  rendre  à  Naples.  Là,  il  lui  sembla  qu'il  vivait  d'une  au- 
tre vie.  Un  ciel  incomparable,  un  air  pur,  vif  et  léger,  un  site  ad- 
mirable, l'enthousiasme  naturel  des  habitants,  tout  enlin  était  fait  pour 
lui  donner,  dans  ce  pays,  cette  fièvre  de  production  qu'on  n'éprouve 
point  ailleurs  avec  autant  d'intensité.  Le  désir  d'écrire  pour  le  théâ- 
tre le  tourmentait;  l'occasion  se  présenta  bientôt  à  lui,  et,  peu  de 
temps  après  son  arrivée  à  Naples,  il  put  y  faire  représenter  un 
opéra  en  deux  actes  dont  le  titre  était  :  La  Giovcntii  di  Enrico 
Quinto.  Hérold  n'a  pas  fait  connaître  à  ses  compatriotes  la  musique 
de  cet  ouvrage  ;  tout  ce  qu'on  en    sait,  c'est  qu'elle   fut  goûtée  des 

(Il  Ce  pensionnat  était  celui  de  Ilix,  rue  de  Malignon,  pris  des  Clminps-Elysiîiîs. 


220 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Napolitains,  et  que  l'opéra  obtint  pendant  plusieurs  représentations  un 
succès  non  contesté.  Ce  fait  est  assez  remarquable;  car,  à  l'époque 
dont  il  s'agit,  un  préjugé  presque  invincible  était  répandu  dans  toute 
l'Italie,  et  surtout  à  Naples,  contre  les  musiciens  de  l'école  française. 
Un  compositeur  né  sur  les  bords  de  la  Seine  écrivant  pour  le  théâ- 
tre Del  Fondo,  et  des  Napolitains  écoutant  sa  musique  et  l'applau- 
dissant, étaient  une  nouveauté. 

De  retour  à  Paris  vers  la  fin  de  1815,  Hérold  n'y  resta  pas  long- 
temps sans  trouver  l'occasion  de  faire  l'essai  de  ses  forces  sur  la 
scène  française.  Boïeldieu,  qui  avait  découvert  dans  ce  jeune  artiste 
le  germe  d'un  beau  talent,  voulut  l'aider  à  faire  le  premier  pas,  tou- 
jours difficile,  à  cause  de  la  mauvaise  organisation  de  nos  théâtres 
lyriques  :  il  l'associa  à  la  composition  d'un  opéra  de  circonstance  au- 
quel il  travaillait,  sous  le  titre  de  Charles  de  France.  Cet  ouvrage, 
qui  fut  joué  en  1816,  fit  connaître  avantageusement  Hérold,  et  le  li- 
vret des  Rosières  lui  fut  confié.  Un  opéra  en  trois  actes  fournit  tou- 
jours au  musicien  qui  l'écrit  des  occasions  de  déployer  ses  facultés  ; 
Hérold  sut  profiter  du  cadre  de  celui-ci  pour  faire  quelques  mor- 
ceaux où  l'on  pouvait  voir  qu'il  ne  serait  pas  un  musicien  ordinaire. 
On  y  sentait  encore  l'inexpérience  du  jeune  homme,  et  peut-être 
aussi  pouvait-on  comprendre,  à  de  certains  éclairs  de  fantaisie  qui  s'y 
faisaient  apercevoir  de  temps  en  temps,  que  le  compositeur  s'y 
était  fait  violence  pour  se  mettre  à  la  portée  des  habitués  du  théâtre 
Feydeau  de  cette  époque  ;  mais,  nonobstant  cette  sorte  d'incertitude 
de  manière  qui  se  fait  remarquer  dans  la  partition  des  Rosières,  on 
ne  peut  nier  qu'il  y  ait  dans  cet  ouvrage  des  qualités  brillantes,  di- 
gnes de  l'estime  des  connaisseurs.  Les  Rosières  furent  représentées 
vers  la  fin  de  1816  à  l'Opéra-Comique,  et  leur  succès  décida  du  reste 
de  la  vie  de  l'artiste. 

La  Clochette,  opéra  en  trois  actes,  suivit  de  près  les  Rosières. 
Là,  il  y  avait  bien  plus  de  force  dramatique  que  dans  le  premier 
ouvrage,  bien  plus  de  passion,  et  l'on  y  apercevait  d'immenses  pro- 
grès faits  par  Hérold  dans  l'art  d'appliquer  la  musique  à  la  scène. 
Le  gracieux  et  piquant  petit  air:  Me  voici,  me  voilà,  un  duo  au 
deuxième  acte,  et  plusieurs  phrases  charmantes  répandues  dans  quel- 
ques autres  morceaux,  démontraient  qu'il  y  avait  de  la  mélodie  dans 
la  tête  du  compositeur  ;  l'air  d'Azolin  annonçait  une  âme  passionnée, 
et  le  finale  du  premier  acte,  ainsi  que  plusieurs  morceaux  du  second 
et  du  troisième,  faisaient  pressentir  un  compositeur  dramatique  d'un 
ordre  élevé.  Il  y  avait  d'ailleurs  dans  cette  partition  des  effets  d'ins- 
trumentation d'un  genre  neuf;  mais  rien  de  tout  cela  ne  fut  compris. 
La  pièce  réussit,  mais  plutôt  à  cause  du  sujet  et  du  spectacle  que  par 
le  mérite  de  la  musique. 

FÉTIS  père. 
{La  fin  prochainement .  ) 


Nous  avons  déjà  eu  occasion  de  parler  des  derniers  instruments 
d'Adolphe  Sax,  avec  mécanisme  de  tubes  indépendants.  Une  nou- 
velle expérience  vient  de  démontrer  de  la  façon  la  plus  concluante 
que  ce  système  réunit  toutes  les  qualités  désirables,  et  atteint  pour 
ainsi  dire  à  l'idéal  de  la  perfection  en  fait  d'instruments  de  cuivre. 
C'est  ce  dont  les  nombreux  auditeurs  des  concerts  des  Champs-Ely- 
sées ont  pu  se  convaincre  mardi,  en  écoutant  le  duo  sur  des  motifs 
de  Guillaume  Tell,  composé  par  M.  Demersmann  pour  trombone  et 
saxhorn-basse.  Belle  sonorité,  justesse,  pureté,  agilité  incomparable, 
tels  sont  les  principaux  mérites  de  ces  instruments  exceptionnels 
auxquels  le  compositeur  peut  désormais  confier  tous  les  passages 
réservés  jusqu'ici  pour  le  violon  ou  pour  la  voix;  qu'il  peut,  en  un 
mot,  regarder  comme  fidèles  interprètes  de  sa  pensée  tout  entière, 
sous  quelque  forme  qu'elle  vienne  à  se  produire.  Et  n'oublions  pas  de 
faire  observer  qu'avec  l'invention  des  tubes  indépendants,  l'instru- 


ment garde  son  timbre  spécial  dans  toute  sa  sincérité,  c'est-à-dire 
qu'il  n'y  a  pas  la  plus  légère  différence  sous  le  rapport  de  la  voix, 
entre  l'instrument  simple  et  l'inscrumenl  à  pistons.  Cette  remarque  a 
son  importance,  car  l'un  des  arguments  favoris  mis  en  avant  par  les 
défenseurs  de  l'ancien  système,  c'est  précisément  que,  suivant  eux, 
l'adjonction  d'un  mécanisme  quelconque  a  toujours  pour  résultat  d'al- 
térer la  qualité  de  son  de  l'instrument  simple.  Avec  la  nouvelle  in- 
vention d'Adolphe  Sax,  cette  accusation  se  réduit  à  néant,  et  il  de- 
vient impossible  à  tout  homme  de  bonne  foi  de  s'en  prévaloir. 

Aucun  instrument,  flûte,  clarinette,  hautbois,  violon,  piano,  n'a  le 
doigté  aussi  simple  et  aussi  facile  que  les  instruments  à  pistons  in- 
dépendants et  ne  module  avec  autant  d'aisance.  Il  n'y  a  que  la  voix 
qui  puisse  leur  être  comparée  sous  ce  dernier  rapport,  c'est-à-dire 
pour  la  faculté  de  monter  ou  de  descendre  d'un  ton,  d'un  demi-ton 
ou  de  plusieurs  tons,  sans,  pour  ainsi  dire,  s'en  apercevoir,  au  point 
de  vue  de  l'exécution. 

Nous  croyons  fermement  ces  instruments  appelés  à  opérer  une 
nouvelle  révolution  dans  les  instruments  en  cuivre,  et  comme  consé- 
quence dans  la  musique  instrumentale. 

L'un  des  instruments  que  nous  avons  entendus,  le  saxhorn -basse, 
est  à  pavillon  tournant;  c'est  encore  là  une  excellente  création  de 
l'habile  facteur.  Grâce  à  une  rainure  mobile,  le  pavillon  peut  se  tour- 
ner à  volonté  et  projeter  le  son  dans  quelque  direction  que  ce  soit. 
Il  n'est  pas  besoin  de  faire  ressortir  les  avantages  considérables  de 
celte  ingénieuse  application,  qui  peut,  d'ailleurs,  s'adapter  à  tous  les 
instruments  de  cuivre,  même  aux  anciens  instruments. 

Il  serait  injuste  d'oublier  les  protagonistes  des  nouvelles  inventions 
d'Adolphe  Sax  :  MM.  Hollebecke,  trombone,  et  Robins,  basse,  dont 
l'intelligente  habileté  sait  si  bien  faire  valoir  la  création  du  maître, 
et  qui  doivent  compter,  sans  contredit,  parmi  les  meilleurs  solistes 
d'Arban. 


Nous  nous  proposons  de  rendre  compte,  dans  un  de  nos  plus  pro- 
chains numéros,  d'une  visite  très-intéressante  que  nous  avons  faite 
aux  ateliers  et  dans  les  magasins  de  M.  J.  Lacape,  facteur  de  pianos, 
au  Marais.  M.  Lacape  est  encore  jeune  dans  cette  industrie,  mais 
nous  serions  bien  surpris  s'il  tardait  à  s'y  faire  un  nom  ;  car  il  a  l'es- 
prit inventif,  et  le  mérite  de  l'exécution  répond  à  sa  grande  in- 
telligence. Outre  les  pianos  de  tout  genre  dont  nous  avons 
apprécié  l'excellente  facture,  nous  avons  également  vu  des  pianos 
qui  jouent  tout  seuls,  et  dont  l'ingénieux  mécanisme  laisse  bien  loin 
derrière  lui  les  pianos  mécaniques  de  Debain,  et  autres  du  même 
genre  qui  exigeaient  pour  marcher  l'aide  de  deux  hommes.  Nous 
comparerons  d'ailleurs  les  deux  systèmes,  et  cette  étude  profitera 
dans  tous  les  cas  au  commerce  d'instruments  à  l'étranger,  où  la  vente 
de  ces  pianos  se  fait  sur  une  assez  grande  échelle,  et  qui  aura  tout 
avantage  à  connaître  les  inventions  de  M.  Lacape. 

D. 


CORRESPONDANCE. 

Londres,  9  juillet. 

Ainsi  que  vous  l'avez  annoncé,  déjà  le  théâtre  de  Covent-Garden,  à 
son  tour,  joue  maintenant  le  Faust  de  Gounod.  Monté  incontestablement 
avec  plus  de  soins  et  de  magnificence  à  Covent-Garden  qu'à  Her  Ma- 
jesty's  Théâtre,  l'œuvre  de  Gounod  n'y  a  pourtant  pas  produit  autant 
d'effet.  Le  rôle  da  Faust  ne  convient  pas  à  Tamberlick,  qui  n'y  trouve 
point  l'emploi  de  ces  magnifiques  éclats  de  voix,  l'une  de  ses  facultés 
les  plus  éiniaentes,  et  qui  lui  assure  partout  ailleurs  tant  de  bra- 
vos. Mme  Nantier-Didiée  plaît  toujours  et  se  trouve  parfaitement  à  l'aise 


DE  PARIS. 


221 


lorsqu'elle  paut  mettre  des  habits  d'homme;  or  celui  de  l'étudiant  al- 
lemand lui  sied  à  ravir.  M.  Gounod  a  composé  pour  Mme  Didiée  un  air 
nouveau  intercalé  fort  à  propos  dans  la  scène  où  Siebel  vient  conso- 
ler Marguerite  et  jure  do  la  venger;  mais  Mme  Didiée  aurait  dû  se  con- 
tenter de  l'exquise  ballade  du  deuxième  acte,  que  l'air  nouveau  est 
loin  de  valoir.  Le  rôle  de  Méphistophelès  n'est  certainement  pas  le  plus 
important  dans  la  partition  de  M.  Gounod  ;  mais  Faure  a  prouvé  ici 
pour  la  centième  fois  qu'il  n'y  a  pas  de  petits  rôles  pour  les  grands  ar- 
tistes. 11  a  obtsnu  un  succès  dont  il  est  en  droit  de  se  glorifier  autant 
que  de  celui  de  Saint-Cris  dans  les  Huguenots.  Que  Mme  Carvalho  voca- 
lise avec  une  rare  perfection  le  rôle  de  Marguerite,  cela  est  incontes- 
table, et  qu'elle  le  chante  et  le  joue  tel  qu'il  doit  être  chanté  et  joué, 
nul  ne  peut  en  douter,  puisque  c'est  pour  elle  qu'il  a  été  écrit.  Chose 
singulière  cependant  :  bleu  que  ce  rôle  soit  sa  création  et  qu'elle  y  ait 
obtenu  son  plus  beau  succès  en  France,  on  a  de  la  peine  à  se  faire  à 
la  façon  dont  cette  éminente  artiste  le  comprend.  Cela  tient  peut-être 
à  ce  que  la  littérature  et  la  poésie  allemande  ont  pénétré  plus  profon- 
dément en  Angleterre  qu'en  France,  et  que  le  souvenir  du  Faust  de 
Goethe  y  est  plus  vivace.  En  effet,  on  s'imaginerait  difficilement  la 
Gretchen  deGoethe  marchant  à  pas  comptés,  tenant  constamment  les  yeux 
baissés  et  à  demi  fermés,  et  paraissant  pendant  tout  le  cours  de  l'ou- 
vrage dans  un  état  de  somnambulisme.  Mais  on  ne  devrait  pas  oublier 
que  Mme  Carvalho  n'est  nullement  chargée  de  représenter  la  Gretchen 
de  Goethe,  qu'elle  n'est  même  pas  obligée  de  connaître,  mais  bien 
la  Marguerite  du  Faust  de  MM.  Barbier  et  Carré,  qui  n'est  pas,  qui  ne 
peut  et  ne  doit  pas  être  celle  de  Goethe;  ce  qui  n'empêche  en 
aucune  façon  que  MM.  Barbier  et  Carré  n'aient  fait  un  excellent  livret 
d'opéra. 

Mlle  Patti  nous  a  gratifiés  de  deux  nouveaux  rôles,  la  Maria,  de  Flo- 
tow  et  la  Norina  de  Don  Pasquale.  Dans  ces  deux  rôles  le  génie  de  la 
séduisante  artiste  se  montre  sous  des  aspects  différents,  mais  dans  cha- 
cun d'eux  elle  est  inimitable. 

Le  théâtre  de  Her  Majesty,  pour  terminer  dignement  la  saison,  va 
remonter  VOberou  de  'Weber;  et  nous  pouvons  compter  sur  une  belle 
reprise,  car  c'est  le  digne  élève  de  Weber,  c'est  Benedict  hii-mëme  qui 
a  composé  les  récitatifs  et  qui  s'est  chargé  de  tout  l'arrangement  mu- 
sical de  l'œuvre  immortelle  de  son  maître.  Mlle  Titjens  chantera  le  rôle 
de  Rézia,  et  M.  Sims  Reeves,  le  plus  aimé  de  tous  les  ténors,  a  été  en- 
gagé expressément  pour  chanter  le  rôle  de  Huon.  Cependant  Faust  te- 
nant constamment  l'affiche,  la  reprise  d'Oberon  a  été  retardée.  M.  Sims 
Keeves,  qui  s'ennuyait  probab!ement,  a  consenti  à  chanter  le  rôle  d'Ed- 
gardo  dans  Lucia.  Il  va  sans  dire  que  M.  Sims  Reeves  a  eu  un  succès 
prodigieux,  et  il  serait  inutile  d'ajouter,  car  c'est  chose  convenue  (et  j'en 
conviens!  moi-même),  que  jamais,  jamais  le  rôle  d'Edgardo  n'a 
été  chanté  comme  le  chante  le  grand  ténor  anglais.  Je  souligne  ces 
mots  parce  qu'on  ne  désigne  pas  autrement  ici  M.  Sims  Reeves:  c'est 
le  ténor  des  ténors,  c'est  le  grand  ténor  anglais  par  excellence,  et  ce 
serait  un  pléonasme  que  de  dire  M.  Reeves,  le  grand  ténor  anglais,  car 
le  grand  ténor  anglais  ne  peut  être  que  M.  Reeves,  et  la  qualification 
est  devenue  le  synonyme  de  son  nom.  M.  Sims  Reeves  est  le  grand  té- 
nor anglais  comme  le  duc  de  Wellington  était  le  duc.  Au  reste  peut-être 
a-t-on  raison  d'appeler  M.  Reeves  te  grand  ténor  anglais,  car  je  défie 
tout  ténor  non  anglais  de  chanter  de  la  manière  dont  chante  -M.  Sims 
Reeves,  mais  aussi  je  défie  toute  organisation  continentale  de  trouver 
du  charme  dans  cette  manière.  Qu'on  ne  me  lapide  pas  cependant.  Je 
reconnais  que  le  succès  sans  égal  dont  M.  Sims  Reeves  jouit  dans  sa 
patrie  depuis  vingt  ou  trente  ans,  est  très-mérité  et  que  son  talent  est 
très-réel.  Seulement  il  faut  y  être  fait.  Le  charme  particulier  de  cette 
façon  toute  à  lui  de  prononcer  les  voyelles,  de  chanter  sans  ouvrir 
la  bouche,  échappe  à  notre  compréhension. 

Il  ne  faudrait  pas  non  plus  conclure  de  ce  que  nous  venons  de  dire 
qu'il  soit  nécessaire  pour  qu'un  artiste  anglais  ait  du  succès  dans  son 
pays  qu'il  adopte  le  genre  de  M.  Sims  Reeves.  Non;  car  M.  Santley, 
par  exemple,  qui  est  Anglais  aussi  bien  que  l'autre,  obtient  avec  sa 
voix  aussi  franche  que  belle  et  sa  méthode  excellente  de  très- 
grands  succès  à  Londres,  et  il  est  parfaitement  certain  que  ces  succès 
seraient  absolument  les  mêmes  s'il  chantait  à  Paris,  à  Vienne  ou  par- 
tout ailleurs.  Mais  sera-t-il  jamais  le  grand  baryton  anglais  ?  —  That 
is  tlie  question. 

Quel  ravissant  talent  que  celui  de  M.  Reichardt  !  Le  charmant  et 
sympathique  ténor  vient  de  donner  sa  matinée  musicale  annuelle  de- 
vant un  fidèle  et  nombreux  auditoire,  qui  lui  rendait  en  applaudisse- 
ments ce  que  M.  Reichardt  lui  prodiguait  en  morceaux  ;  car  U.  Rei- 
chardt n'en  a  pas  chanté  moins  de  dix  dans  son  concert,  sans  doute 
pour  montrer  toutes  les  faces  de  son  talent  varié.  En  effet,  soit  qu'il 
dise  ses  propres  Lied^r,  qui  sont  tous  délicieux  et  qui  jouissent  à 
Londres  d'un  succès  de  vogue,  soit  qu'il  interprète  les  gracieuses  mélo- 
dies de  son  compatriote  Blumenthal,  ou  qu'il  fasse  entendre  Schubert, 
Mendelssohn,  Meyerbeer  ou  Beethoven,  il  sait  donner  à  chaque  morceau 
la  couleur  qui  lui  convient.  La  JJarcarollc  eft  une  nouvelle  mélodie  de 
M.  Reichardt  ;  elle  est  essentiellement  chantante  et  expressive,  et  l'au- 


ditoire en  a  paru  ravi.  M.  Reichardt,  après  son  fructueux  concert,  a 
quitté  Londres  pour  remplir  de  nombreux  engagements  sur  les  bord» 
du  Rhin,  où  de  nouveaux  succès  l'attendent. 

M.  Engel,  s'inspirant  de  M.  Dlumenthal,  qui,  par  une  exception  rare, 
lui  a  prêté  son  concours,  vient  de  donner  son  concert  dans  un  salon 
des  plus  aristocratiques,  avec  accompagnement  obligé  de  dames  pa- 
tronnesses.  Nul  mieux  que  M.  Engel  ne  sait  faire  valoir  les  immenses 
ressources  de  l'orgue-Alexandre,  instrument  dont  il  se  fait  une  con- 
sommation fabuleuse  en  Angleterre.  La  Causerie,  composition  nouvelle 
de  M.  Engel,  a  été  trouvée  pleine  de  goût  et  d'expression,  et  un  grand 
duo  pour  orgue  et  piano  sur  les  motifs  du  Prophète  a  surtout  révélé 
les  effets  infinis  de  l'instrument  et  le  grand  parti  que  M.  Engel  sait  en 
tirer.  Mlle  Artot  et  M.  Blumenthal  ont  partagé  le  succès  de  M.  Engel. 

11  faut  ordinairement  de  longues  années  pour  qu'un  artiste  étranger 
réussisse  à  se  faire  une  place  à  Londres,  et  rarement  un  talent  a  été  dès 
ses  premières  apparitions  aussi  bien  apprécié  que  celui  de  M.  Georges 
Pfeiffer.  "Vous  avez  déjj  rendu  compte  du  succès  que  ses  compositions 
aussi  bien  que  son  exécution  hors  ligne  ont  obtenu.  Le  jeune  artiste 
vient  de  retourner  h  Paris,  et  il  doit  être  très-satisfait  de  l'accueil  qu'il 
a  trouvé  parmi  nous. 

Le  succès  de  Mlle  Stella  Colas  sur  la  scène  anglaise  prend  des  pro- 
portions tout  à  fait  extraordinaires,  et  cela  paraîtra  d'autant  plus  remar- 
quable qu'il  y  a  quelques  mois,  Mlle  Stella  Colas  savait  à  peine  quelques 
mots  d'anglais. 

Mlle  Lucca,  la  célèbre  cantatrice  de  l'Opéra  de  Berlin,  est  impatiem- 
ment attendue  à,  Covent-Garden,  pour  jouer  le  rôle  de  Valentine  des 
Huguenots. 

L.  B. 


NOUVELLES. 


»**  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  lundi,  avec  le  Comte  Ory, 
la  première  représentation  de  Diavolina,  ballet  en  un  acte  de  Saint-Léon 
et  Pugni;  mercredi  et  vendredi,  ce  même  ballet  avec  le  Trouvère, 

^*f,  On  annonce  pour  vendredi  la  reprise  des  Vêpres  siciliennes. 

j*^  La  reprise  de  Galatée,  qui  a  eu  lieu  mardi  au  théâtre  de  l'Opéra- 
Comique,  avec  Mme  Ugalde,  a  été  fort  goûtée.  La  célèbre  cantatrice  a 
dit  avec  autant  de  verve  et  d'entrain  qu'au  jour  où  elle  créa  si  brillam- 
ment ce  rôle,  les  couplets  bachiques  ;  on  l'a  applaudie  avec  enthou- 
siasme. Sainte-Foy  est  toujours  un  incomparable  Midas;  Troy  et  Ponchard 
complètent  un  excellent  ensemble  du  charmant  opéra  de  .Massé.  —  On 
annonce  pour  jeudi  les  premières  représentations  de  la  Bourguignonne 
et  de  la  reprise  de  la  Fausse  magie.  —  Celle  des  Amours  du  Diable  sui- 
vra de  près.  Capoul,  Prilleux,  Troy,  Barielle,  Potel  et  Mmes  Galli-Marié, 
Baretti,  Casimir,  Bélia  et  Tuai  sont  chargés  de  l'interprétation  de  ce 
dernier  opéra.  —  Zampa  attire  chaque  soir  beaucoup  de  monde. 

^*^  Nous  sommes  informés  que  Mlle  Adelina  Patti  a  reçu,  par  ordre 
de  S.  M.  la  reine  d'Espagne,  l'invitation  de  venir  l'hiver  prochain  à 
Madrid,  sa  ville  natale,  pour  y  chanter  dans  l'opéra  espagnol.  Les  né- 
gociations relatives  à  cet  engagement  sont  presque  conclues.  Il  faut  donc 
perdre  l'espérance  d'entendre,  l'hiver  prochain,  la  jeune  et  brillante  ar- 
tiste au  théâtre  Italien  de  Paris,  où  elle  a  laissé  une  impression  qui  ne 
s'effacera  pas  facilement. 

„,*^  Mme  Borghi-Mamo  vient  d'être  engagée  par  M.  Bagier  pour  la  sai- 
son prochaine.  Elle  devra  chanter  une  partie  de  la  saison  à  Paris  et 
l'autre  à  Madrid.  En  attendant,  la  célèbre  cantatrice  vient  d'être  enga- 
gée pour  chanter  deux  mois  à  Cadix. 

^*^  On  annonce  comme  certaine  la  résolution  prise  par  Mme  Cabel 
de  se  livrer  désormais  au  chant  italien.  On  ajoute  même  qu'elle  serait 
engagée  pour  la  saison  prochaine  au  théâtre  San-Carlo,  où  elle  débute- 
rait dans  la  Traviata.  Nous  ignorons  si  la  célèbre  cantatrice  a  pris  effec- 
tivement ce  parti,  mais  nous  le  verrions  avec  peine,  pour  nos  théâtres 
d'abord,  qui  perdraient  en  elle  une  artiste  dont  les  qualités  sont  tout 
à  fait  appropriées  au  genre  de  l'opéra-comique ,  et  pour  elle  ensuite 
parce  que  nous  croyons  qu'elle  y  perdrait  plus  qu'elle  n'y  gagnerait. 
Mme  Cabel  s'y  prend  un  peu  tard  pour  aller  se  façonner  en  Italie  à  la 
langue  italienne  et  au  style  du  chant  italien  ;  et  quant  aux  avan- 
tages pécuniaiies  qu'elle  en  retirera,  nous  doutons  qu'ils  surpassent  ceux 
qu'elle  était  toujours  sûre  de  trouver  en  France. 

t*^:  Les  débuts  d'un  ténor,  M.  Jaulain,  dans  la  Juive,  ont  été  l'occa- 
sion, au  grand  théâtre  de  Bordeaux,  d'un  tumulte  des  plus  regrettables. 
A  maintes  reprises  la  pièce  a  dû  être  interrompue  ;  enfin  au  milieu 
d'une  tempête  de  sifflets  d'une  part,  et  d'un  tonnerre  d'applaudisse- 
ments de  l'autre,  l'admission  de  M.  Jaulain  a  été  prononcée. 


RKVIJE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


a,**  M.  H.  Crémieux  et  M.  Ph.  Gille.  secrétaire  du  théâtre  Lyrique 
sous  M.  Rety,  ont  écrit  les  paroles  d'une  pièce  en  cinq  tableaux,  le 
Don  Juan  de  Porcntruy,  dont  J.  Offenbach  doit  composer  la  musique. 

i*t  Les  recettes  dos  théâtres  impériaux  subventionnés,  théâtres  secon- 
daires, concerts,  spectacles  concerts,  cafés-concerts,  etc.,  se  sont  éle- 
vées pendant  le  mois  de  juin  à  la  somme  de  1,026,781  fr.  6.ï  c. 

:f*4,  L'Enlr'ncle  annonce  que  MM.  Micliel  Carré  et  Jules  Barbier  ont 
été  autorisés  par  M.  de  Lamartine  à  faire  un  poëme  d'opéra  de  Fior 
d'Alizà,  le  dernier  roman  publié  par  le  grand  poëte. 

s*,,  Les  concours  à  huis  clos  ont  commencé  hier  au  Conservatoire, 
sous  la  présidence  de  M.  Auber,  par  le  concours  d'harmonie  écrite. 
En  voici  les  résultats  :  premier  prix,  M.  Power,  élève  de  M.  A.  Elwart  ; 
second  prix,  M.  Bernsrd;  premier  accessit,  M.  Brunard;  deuxième  acces- 
sit, M.  Nitresko,  élèves  de  M.  L.  Clapisson;  troisième  accessit,  MM.  Fan- 
ton  et  Monnet,  élèves  de  M.  A.  Ehvart.  Quinze  élèves  avaient  pris  part 
à  ce  concours  remarquable.  La  basse  et  le  chant  avaient  été  donnés 
par  M.  Leborne,  l'éminent  professeur  du  Conservatoire.  Ensuite  est  venu 
le  concours  des  classes  de  clavier.  Nous  en  donnerons  le  résultat  di- 
manche prochain.  Les  concours  à  huis  clos  continueront  dans  l'ordre 
suivant  :  Demain  lundi,  orgue,  contre-point  et  fugue  ;  mardi,  contre-basse, 
harmonie  et  accompagnement  pratique;  mercredi,  solfège. — Voici  quelle  sera 
la  marche  des  concours  publics  :  20  juillet,  harpe  et  piano;  21,  chant 
pour  les  classes  d'hommes;  22,  chant  pour  les  classes  de  femmes; 
23,  opéra-comique;  24,  violoncelle  et  violon;  25,  grand  opéra;  27,  tragédie 
et  comédie  ;  28  et  29,  instruments  à  vent. 

„,*„  Dimanche  dernier  a  eu  lieu  à  Sèvres  le  septième  concours  annuel 
ouvert  par  la  Société  orphéonique  du  département  de  Seine-et-Oise. 
M.  Georges  Kastner,  M.  Ed.  Rodrigues  et  M.  Elwart  présidaient  les  trois 
jurys  institués  pour  la  solennité;  des  médailles  d'or  ont  été  distribuées 
aux  vainqueurs. 

,t*4  Un  festival  qui  a  duré  plusieurs  jours  vient  d'avoir  lieu  à  Liège. 
La  musique  n'y  avait  point  été  oubliée,  et  le  directeur  du  Conservatoire, 
M.  Soubre,  a  donné  en  cette  occasion  une  preuve  de  sa  capacité  ;  car  il 
a  organisé  dans  le  délai  d'un  mois  à  peine  un  concert  qui  offrait  de 
sérieuses  difBcultés  à  vaincre  et  qui  a  parfaitement  réussi.  Haendel  et 
Mendelssohn  en  ont  fait  les  frais.  La  Fête  d'Alexandre  et  Judas  Machabée 
du  premier;  la  Nuit  de  l'Valpurgis  du  second,  ont  profondément  remué 
l'auditoire.  Des  artistes  distingués  avaient  été  appelés  à  Liège  pour  cette 
solennité.  Henri  Wieniawski,  prenîier  violon  solo  des  théâtres  de  Russie,  a 
joué  trois  morceaux,  dont  un  concerto  de  Mendelssohn  et  un  air  varié  de 
sa  composition  fort  remarquable,  avec  une  pureté,  un  fini,  une  beauté 
de  sou  qui  ont  excité  un  véritable  enthousiasme.  Mme  Charton-Demeur 
a  chanté  avec  autant  de  style  que  de  sentiment  l'air  dWlcesIc  et  celui  du 
Freischiitz.  Jourdan  et  Stookhausen  ont  brillamment  concouru  au  succès, 
dont  M.  Soubre  peut  également  revendiquer  sa  bonne  part. 

,t*j,  Géraldy  vient  de  passer  quelques  jours  à  Bade.  Il  s'y  est  fait  en- 
tendre dans  le  dernier  concert  de  juin,  donné  à  la  Converiation.  Va 
grand  et  légitime  succès  a  accueilli  le  célèbre  chanteur,  après  le  duo 
du  Barbier,  l'Ange  déchu  et  l'air  du  Philtre,  qu'il  a  dits  avec  son  talent  et 
sa  supériorité  accoutumés.  —  fîéraldy  est  attendu  à  Caen  le  1'"'  août, 
pour  le  concert  donné  à  l'occasion  des  courses  ;  —  le  10  à  Spa,  où  il 
doit  chanter  avec  Mme  Cabel;  —  le  17  à  Ems;  —  le  28  à  .Saint-Halo,  etc. 
On  voit  que  l'éminent  artiste  est  partie  obligée  de  toutes  les  belles  fêtes 
musicales  de  la  France  et  de  l'étranger. 

,t*^  Adelina  Patti  doit  donner  plusieurs  représentations  à  Prague  au 
mois  d'août.  La  célèbre  cantatrice  est  également  attendue  à  Manheim 
pour  le  22  ou  le  23  août. 

,*,s  Après  le  grand  succès  de  son  concert,  Georges  Pfeiffcr  a  quitté 
Londres,  et  il  est  de  retour  à  Paris. 

^*^  M.  Treumann,  directeur  du  théâtre  de  ce  nom  à  'Vienne,  et 
W.  Engel,  directeur  de  l'établissement  Kroll,  h  Berlin,  sont  en  ce  mo- 
ment à  Paris.  v 

,i,*,t  Les  quatre  Marches  aux  flambeaux,  composées  par  Meyerbeer 
pour  musique  militaire,  ont  été  arrangées  pour  un  orchestre  ordinaire 
par  M.  'Wieprecht,  le  célèbre  chef  de  musique  militaire  en  Prusse;  elles 
vont,  sous  leur  nouvelle  forme,  paraître  incessamment  chez  les  éditeurs 
Brandus  et  Dufour.  C'est  une  bonne  nouvelle  pour  les  Sociétés  phil- 
harmoniques et  les  directeurs  de  concerts,  dont  le  répertoire  de  mu- 
sique d'orchestre  se  trouve  ainsi  enrichi  de  quatre  œuvres  d'une  si 
grande  -valeur. 

tt*-,.  Mme  Madeleine  Graever  vient  de  se  faire  entendre  au  deuxième 
concert  du  Kursaal,  à  Wiesbaden.  L'éminente  pianiste  y  a  exécuté  le 
concerto  symphonique  de  Litolfif  et  la  tarentelle  de  lAi'H  avec  le  plus 
brillant  succès;  elle  a  été  rappelée  plusieurs  fois. 

:t*,  M.  Scharfenberg,  de  la  maison  Scharfenberg  et  Luis,  éditeurs  et 
marchands  de  musique  à  New-York,  vient  d'être  nommé  président  de  la 


Société   philharmonique  de  cette  cité.  M.  Scharfenberg  est  un  pianiste 

distingué. 

^*,^  Dimanche  dernier  on  a  exécuté  dans  l'église  de  Saint-Pierre  de 
Montrouge  la  deuxième  messe  de  M.  Ponce  de  Léon.  Cette  œuvre, 
écrite  à  quatre  parties  dans  un  excellent  sentiment  religieux,  a  produit 
le  plus  bel  effet. 

,f*t  Au  nombre  des  artistes  récompensés  à  l'occasion  de  la  dernière 
exposition  de  peinture,  M.  Desmaisons,  auquel  on  doit  des  productions 
lithographiques  d'un  grand  mérite,  et  qui  a  publié  une  galerie  photo- 
graphique très-intiressante  des  musiciens  célèbres,  a  été  nommé  che- 
valier de  l'ordre  de  la  Légion  d'honneur. 

,j*»  A  l'instar  du  concours  décomposition  musicale  ouvert  par  le  jour- 
nal l'Orphéon,  l'Union  chorale  annonce  également  un  troisième  concours 
pour  musiques  d'harmonie.  L'espace  nous  manque  pour  en  donner  les 
conditions;  mais  nous  pouvons  dire  que  la  commission  est  présidée  par 
M.  Georges  Kastner  et  se  compose  de  plusieurs  musiciens  éminents  : 
M.Vl.  Colliu,  Elwart,  Klosé,  .\!ohr,  Paulus,  etc.  ;  que  des  instruments  de 
Sax  de  la  valeur  de  40  à  /lOO  francs  seront  donnés  en  prix  aux  lauréats, 
et  qu'on  peut  pour  tous  autres  renseignements  s'adresser  au  bureau  de 
l'Union  chorale,  39,  rue  Rochechouart. 

,i,*:t  Pendant  le  premier  semestre  de  cette  année,  quinze  opéras  nou- 
veaux ont  été  représentés  sur  les  différentes  scènes  italiennes  ;  ce  sont  : 
liienzi,  de  Péri,  à  la  Scala,  k  Milan  ;  l'Eroe  délie  Asturie,  de  Lucilla,  au 
théâtre  Regio,  à  Modène;  Feruccio,  de  Maglioni,  au  théâtre  Pagliano, 
à  Florence  ;  Cinzica  Sismondi,  de  Gaspare  Brindangoli,  à  Assisi  ;  Zaira, 
de  Corona,  à  Livourne;  Piccarda  Donati,  de  Moscuzza,  à  la  Pergola,  à 
Florence;  Béatrice  Cenci,  de  Rota,  au  théâtre  Regio,  à  Parme;  Vittoria 
ta  madré  degli  esercili,  de  Bona,  au  théâtre  Carlo-Feliee,  à  Gênes;  Orio 
Soranzo,  de  Zescevich,  à  Trieste;  //  didi  S.  Michèle,  de  Quarenghi,  à  l'O- 
péra-Comique  de  Milan  ;  liienzi,  de  Kaschperoff,  à  la  Pergola,  à  Flo- 
rence ;  Giovanna  \di  Castiglia,  de  Battista,  à  San-Carlo,  à  Naples  ;  la  Fi- 
danzala  di  Marco  Bozzari,  de  Frontini,  h  Catane;  Ezzelino  da  Romano, 
de  Noberasco,  au  théâtre  Carlo-Felioe,  à  Gênes.  Deux  autres  opéras 
nouveaux  viennent  aussi  d'être  représentés,  l'un  à  Corfou,  Il  CasteUo 
maledet'.o,  de  Lamelet  ;  l'autre  à  Bastia,  Ivanhoé,  de  Suri. 

**,,  La  Polka  du  Brésilien,  d'Arban,  et  la  valse  des  Bavards,  de  Mu- 
sard,  viennent  de  paraître  arrangées  pour  le  piano  à  quatre  mains. 

,j*a,  L'éditeur  Lavinée,  46,  rue  Notre-Dame-des-Victoires,  vient  de 
faire. paraître  un  Prélude  pour  orgue  ou  clavecin,  composé  par  F.  Dau- 
jou,  ancien  organiste  de  Notre-Dame  de  Paris,  etc.  Les  ouvrages  de  ce 
maître  trop  tôt  retiré  de  la  carrière  artistique,  ont  toujours  joui  d'une 
estime  méritée. — Le  même  éditeur  profite  de  cet  avis  pour  faire  savoir 
à  sa  clientèle  qu'à  partir  du  15  octobre,  son  magasin  sera  transféré, 
11,  rue  des  Saints-Pères.  Sa  spécialité  sera  toujours  la  musique  an- 
cienne. 

^*,,  Dans  la  bibliothèque  du  théâtre  Frédéric-Wilhemstadt,  on  a  re- 
trouvé le  manuscrit  d'une  partition  de  Lortzing,  que  l'on  croyait  perdue. 
Cet  opéra,  qui  s'intitule  la  Veille  de  Noël,  est  inédit  et  complètement 
inconnu;  il  sera  représenté  dans  le  courant  de  l'hiver  au  théâtre  Wil- 
hemstadt. 

a*,,  L'archiduc  Charles  vient  d'accorder  une  somme  de  1  ,-500  florins 
aux  artistes  de  l'orchestre  du  théâtre  Treumann,  qui  a,  comme  on  sait, 
été  détruit  dernièrement  par  un  incendie,  afin  de  remplacer  leurs  ins- 
truments, devenus  la  proie  des  flammes. 

,,**  La  salle  Robin  est  remplie  tous  les  soirs;  les  démonstrations 
physiques  du  célèbre  prestidigitateur,  ses  tableaux  si  curieux  de  la 
formation  de  notre  globe  et  des  animaux  antédiluviens,  mais  surtout 
ses  apparitions  de  spectres  vivants  et  impalpables  qui  terminent  le 
spectacle  et  qui  produisent  un  effet  véritablement  saisissant,  justifient 
l'empressement  du  public  à  assister  à  ces  intéressantes  séances. 

,,*4  Au  Pré-Catelan,  aujourd'hui  12  juillet,  concert  d'adieux  donné  au 
bénéfice  de  J.  Legendre.  Tout  Paris  assistera  à  cette  belle  matinée  mu- 
sicale, qui  se  recommande  par  la  richesse  de  son  programme.  Les  pre- 
miers solistes  de  l'orchestre  iMusard,  le  violon  Danbé,  le  hautbois  Lal- 
liet  et  le  piston  Legendre,  se  feront  entendre  dans  leurs  principales 
compositions. 

,^*„,  La  mort  de  .VI.  Achille  Maurice  n'a  pas  raleuti  les  travaux  de  re- 
construction de  la  salle  des  Bouffes-Parisiens.  Ils  sont  poussés  avec  une 
grande  activité.  Ainsi  que  nous  l'avons  dit,  la  scène  et  la  salle  reçoi- 
vent un  notable  agrandissement.  La  décoration  intérieure  de  celle-ci 
est  confiée  à  des  mains  habiles,  et  c'est,  entre  autres,  un  jeune  peintre 
de  talent,  M.  Emile  Levy,  qui  doit  peindre  le  plafond.  L'entrepreneur 
s'est  engagé  à  livrer  le  théâtre  au  mois  d'octobre. 


DE  PARIS. 


223 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 

^*^  Bade.  —  Les  représentations  de  la  troupe  du  Palais-Royal  de  Paris 
ont  commencé  au  théâtre  par  une  jolie  opérette  de  Sylvain  Slanfîeant, 
Danaé  et  sa  bonne,  chantée  par  Mlle  Schneider,  Mil.  Pellerin  et  Bonnet, 
et  le  Tigre  du  Bengale.  Elles  vont  se  continuer.  —  Il  est  certain  qu'on 
reprendra  l'opéra  de  Berlioz,  Béatrice  et  Benedict,  dont  nous  eûmes  la 
primeur  et  qui  obtint  un  si  lieau  succès  dans  la  saison  dernière.  Cet  ouvrage 
offrira  d'autant  plus  d'intérêt  cette  année  que  le  célèbre  compositeur  y 
a  ajouté  deux  grands  morceaux  nouveaux,  un  trio  de  femmes  et  un 
chœur.  Mme  Charton  y  conservera  le  rôle  qu'elle  a  si  brillamment  créé. 
Les  autres  seront  tenus  par  Jourdan,  Reynal  et  Mlles  Henrion  et  Amélie 
Faivre.  —  Il  n'est  question  que  du  grand  concert  qui  sera  donné  mardi 
l/i  dans  le  salon  Louis  XIII  au  bénélïce  des  veuves  et  des  orphelins  de 
la  chapelle  musicale  de  Manheim.Le  concert  sera  dirigé  par  le  célèbre 
Lachner.  L'orchestre  renommé  de  Manheim  jouera  la  symphonie  en  la 
majeur  et  l'ouverture  du  FreischiUs  ;  les  quatre  principaux  chanteurs 
du  même  théâtre  diront  à  quatre  voix  des  Licder  de  Lachner  et  de 
Kùcken.  La  Société  de  chant,  récemment  organisée  par  Mme  Lang, 
accompagnera  Mme  Viardot  dans  un  psaume  de  Marcello.  La  célèbre 
cantatrice  dira  encore  un  air  de  Britannica  de  Graun  et  deux  Lieder  de 
Robert  Sohumann.  Mme  Schumann  elle-même  exécutera  un  concerto  de 
Mendelssohn.  Enfin  le  violon  de  Becker  et  la  contre-basse  de  Muller  com- 
pléteront ce  magnifique  ensemble.  —  Au  cinquième  concert  de  la  sai- 
son, nous  aurons  Morini  et  Mlle  Richard,  élève  de  Mme  'i^iardot.  —  On 
se  préoccupe  déjà  de  l'opéra  de  Litoiff,  le  chevalier  Nahel,  dont  les  répé- 
titions sont  poussées  avec  beaucoup  d'activité.  C'est  une  œuvre  plus 
importante  que  toutes  celles  qui  ont  été  composées  pour  le  théâtre  de 
Bade,  et  qui  comporte  une  grande  mise  en  scène  :  aussi  nécessite-t-elle 
quelques  modifications  dans  le  programme  des  représentations  d'opéra 
annoncées;  elles  seront  vraisemblablement  données  dans  l'ordre  sui- 
vant :  le  Pré  aux  clercs,  l'Épreuve  villageoise  et  le  Chalet.  Ce  dernier  ou- 
vrage serait  substitué  aux  Noces  de  Jeannette. 

»*^  Ems.  —  La  troupe  des  BoulTes-Parisiens  continue  ses  représenta- 
tions sur  notre  théâtre  avec  un  succès  croissant.  Tout  son  joyeux  ré- 
pertoire y  passera,  depuis  les  immortels  Deux  Aveugles  jusqu'à  Orphée 
aux  enfers.  Offenbach  est  ici  depuis  dimanche,  accueilli  à  bras  ouverts 
par  tous  ses  amis,  salué,  quand  il  passe  devant  le  kiosque,  par  la  mu- 
sique, qui  joue  ses  plus  jolis  airs  ;  il  donne  les  derniers  soins  aux  répé- 


titions d'/Z  signor  Fagotto,  dont  la  première  représentation  est  annoncée 
pour  samedi  11  juillet.  On  ne  prédit  pas  à  cette  nouvelle  production  un 
succès  inférieur  à  celui  des  Bavards,  dont  nous  eûmes  la  primeur  l'été 
dernier,  et  dont  le  succès  s'est  confirmé  cel  hiver  à  Paris  d'une  façon 
si  éclatante.  Nous  verrons  bien. 

,j*^  Vienne.  —  La  saison  allemande  a  commencé  au  théâtre  delà  cour 
par  le  FreischUtz;  puis  on  a  donné  Une  nuit  à  Grenade  et  Lucrèce  Borgia. 
Les  répétitions  de  l'opéra  nouveau,  Lorelei,  par  Max  Bruch,  commence- 
ront immédiatement.  —  M.  Salvi,  directeur  du  théâtre  de  la  cour,  vient 
d'arriver  à  Vienne,  de  retour  de  son  excursion  en  Italie,  à  Paris  et  à 
Londres.  Pendant  la  saison  italienne,  on  donnera  Mazeppa,  opéra  de  Pe- 
drotti.  —  Les  représentations  duKarlcheater  reprendront  vers  le  15  août. 

^*^  Leipzig.  —  Dans  le  mois  de  juin  ont  été  représentés  les  opéras 
suivants  au  théâtre  de  la  ville  :  les  Huguenots,  Dinorah  (trois  fois),  la 
Juive ,  Robert,  Bèlisaire,  Martha,  les  Gaies  commères  de  Windsor,  VAbbé  de 
Saint-Gall,  par  Herther  ;  Une  nuit  à  Grenade. 

.^*j,  Munich.  —  Les  27,  28  et  29  septembre,  un  grand  festival  aura  lieu 
dans  notre  résidence,  sous  la  direction  de  Fr.  Lachner.  L'orchestre  se 
composera  de  cent  violons,  quarante  basses  de  viole,  trente  violoncelles 
et  trente  contre-basses.  Parmi  les  solistes  on  cite  Mme  Clara  Schumann, 
Stockhausen,  Joachim,  etc.  On  exécutera  la  symphonie  héroïque,  un 
motet  de  Palestrina,  l'ode  à  Sainte-Cécile,  par  Dryden  (1687),  Israël  en 
Egypte,  oratorio  par  Haeudel,  et  des  compositions  de  Fr.  Lachner. 

^**  Trieste.  —  M.  Laub  a  donné  son  concert  d'adieux  au  Teatro 
Grande.  Cet  artiste  berlinois  est  rangé  ici,  par  les  journaux,  parmi  les 
Slaves.  «  Si  l'expression  fait  défaut  à  M.  Laub,  dit  un  des  organes  de  la 
presse  de  Trieste,  on  ne  doit  pas  s'en  prendre  à  lui,  mais  à  sa  nationa- 
lité: il  est  Slave,  et  nul  ne  peut  arriver  â  l'expression,  s'il  n'est  pas  né 
en  deçà  de  la  botte  (de  l'Italie),  i' 


ERRATA. 

Une  omission  a  eu  lieu  à  l'imprimerie  dans  la  2=  colonne  de  la  page 
212  de  notre  dernier  numéro.  L'entrefilet  relatif  aux  œuvres  de 
Mme  Thecla  Badarzevska  devait  être  signé  :  G.  Brandus  et  S.  Dufour. 


:  s.  DUFODR. 


LIBRAIRIE  DE  FIRMIN  DIDOT  FRÈRES ,  FILS  ET  C^  RUE  JACOB ,  50, 

Chez  tous  les  libraires  de  France  et  de  l'étranger, 
Et  chez  G.  BRANDUS  et  $.  DUFOUR,  103,  rue  de  Richelieu,  au  1' 


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224 


REVUE  Eï  GAZETTE  MUSICALE  UË  PAlilS 


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Choeurs  pour  Voix  d'Hommes 


1 .  Adber  .   . 

2.  — 

3.  — 

il.  Flotow    . 

5.  Gluck  .   . 

6.  — 

7.  Halévï    . 

8.  Maillakt. 


14.  RossiNi. 

15.  — 


SANS     ACCOMPAGNEMENT 


ET   DES 

SOCIÉTÉS    CHORALES 


PREMIÈRE  SÉniE 


CHŒURS  D'OPERAS 


En  partition 


lie  I^ac  des  Fées.   . 
lUnette    de  Porticl 

,  Slartha 

Alceste 

Armide 

lie  I^^abab 

Srasons  de  Villars 
lies  llng^uenots    .   . 

lie  Prophète.    .    ,   . 
Robert  le  Diable  . 

lie  Comte  Ory  .    .   . 

CfUillanme  Tell  .   . 


Bobert  Bruce 


Chœur  des  Ktudiants 

Chœur  de  la  Chapelle 

Amour  sacré  de  la  patrie.   .    .   . 

Mélodie  irlandaise 

Vivez,  aimez 

Les  plaisirs  ont  clieisi  pour  asile 
Couplets  du  tabac,  avec  solo.  . 
Prière  :  Soutien  de  l'innocent.  , 
Couplets  des  soldats  huguenots  . 

Septuor  du  duel 

Appel  aux  armes 

Chœur  dps  Buveurs 

Chœur  de  moines 

Chœur  et  prière 

Prière    

Cliœur  de  la  Conjuration.    .   .    . 

Chœur  des  Chasseurs 

Chasse  et  prière  du  soir  .... 

Prière 

phœur  bachique  avec  solo  .   .   . 


DEUXIEME    SERIE 


CHŒURS  DIVERS 


1 .  Ad.  Adam  .  lies  Boulaueers 1     » 

2.  —  lies  Fondeurs 1    » 

3.  —  lies  Garçons  de  restaurant 1     n 

II.        —  lies  Horlogers 1    » 

5.  . —  lies  Canotiers 1     » 

6.  —  lies  Postillons 1     » 

7.  —  li'EnclHme 1    • 

8.  —  lies  Charpentiers 1     » 

9.  BEETiioviiN  .  Chant  des  Compasuons 1  50 

10.  —  Chant  élégîaque 1  50 

11.  —  U^mne  du  sacrifice,  avec  solo 1  50 

lies  Canotiers  de  Paris -    .    .    .    .     »  50 

Saint  impérial,  God  save  français 

JUarche  du  Prince    Inipérial 

Oymne  national  russe 

La  Fuite  des  captifs,  chœur  avec  solo  de  ténor 

Yseult  l'impératrice 

lies  Veilleurs  de  unit 

lia  Chasse  au  tigre 

lies  (•oiidolîers  Ténîtiens 


Cavai.lo.  . 
Elwart   . 


19.  Labarre.  . 


40 


Chaque  partie  séparée  de  Ténor  ou  de  Basse  se  vend  séparément  20  centimes  net. 
Les    /SO    cbœurs,    réunis    en    nn    volnme   iu-S°    broclié,    prix  :    6    francs    net. 


Partition  net  : 
1  fr.  50. 


CHilMT     «IJEIBBIEB 

De  STRUENSÉE,  chœur  à  quatre  voix. 


Les  parties  séparées  : 
'  20  centimes. 


Le  Chanl  des  Exilés 

Chœur  avec  solo  de  ténor. 


A  la  Patrie! 

Chœur  avec  soU. 


Couplets  de  la  Cavalerie 

De  ^Étoile  du  Nokd,  à  quatre  voix. 


Les   Joyeux   Chasseurs 

Chœur  à  quatre  voix. 


Invocation  à  la  Terre  natale 

Sur  le  thème  du  God  save  the  King. 


Adieu  aux  jeunes  Mariés  I 

Sérénade  pour  deux  chœurs,  à  huit  voix.      J 


Quatuor  pour  voix  d'hommes. 
Composés    par 


Le  91^  Psaume 

Motet  à  huit  voix  {en  deux  chœurs) 


Chœur  des  Bohémiens  de  PRECIOSA    |   AVAi\T  LA  BATAILLE  (^rr^xE) 

Cbœurs  arrangés  pour  l'Orpliéon  fie  la  fille  de  Paris,  par  PASDEIiOlIP,  composés  par 


^BJLMIiEi»liJ^MIB  m\ 


NOUVEAUTÉS     MUSICALES     POUR     LE     PIANO 


E.  COMBOUL 

Op.     2.  Caprice  mazurka. 

Op.   15.  Morceau  de  salon. 

Op.  19.  Ave  Maria,  de  Scliubert. 


JPniMiées  pas-   Aaloljulie  Caleliu   : 


A.  KUNC 

Op.  13.  Rêve  perdu. 

Op.   .li.   Fiamma,  mazurlia. 

Op.  15.  L'Hirondelle  de  l'exilé. 


F.  LACAZE 

Op.  2.  Les  Échos  de  la  nuit. 

Op.  li.  Royal-Bolero. 

Op.  5.  Un  Echo  de  France. 


J.  LEYBACH 

Op.  kl    La  Diabolique,  élude. 
Op.  48.  Fantaisie  sur  te PttnYrt»i.s'. 
Op.  49.  Fête  des  Moissonneurs. 


BUREAUX    A    PARIS  :    BOULEVARD   DES   ITALIENS,    I. 


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REVUE 


19  Juillet  1863. 


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Dépurtements,  Belgique  et  Suisse....     30  n       id. 

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le  Journal  paruît  le  Dhnanche. 


ET 


GAZETTE  MUSICALE 


-•-'^A/ uvvaaaTjvvv^ 


SOMMAIRE.  —  La  vérité  sur  la  Marseillaise,  par  Fétis  père.  —  Théâtre  im- 
périal de  l'Opéra-Comique:  les  Bourguignonnes,  opéra-comique  en  un  acte, 
paroles  de  M.  Henri  Meilhac,  musique  de  M.  Louis  Deffès  ;  reprise  de  la  Fausse 
Magie,  par  lièon  Durocher.  —  Projet  de  concours  musical  au  théâtre  Lyri- 
que. —  Conservatoire  impérial  de  musique  et  de  déclamation  :  concours  â 
huis  clos. —  Revue  des  théâtres,  par  D.  A.  D.  Saiiit-IfTes.  —  Nouvelles 
et  annonces. 


LÀ  VÉRITÉ  SUR  LÀ  MARSEILIÂISE". 

Une  anecdote  fournie  par  l'imagination  de  M.  de  Lamartine  dans 
les  Girondins,  concernant  VHijmne  des  Marseillais ,  vient  d'être  l'ob- 
jet d'une  rectification  adressée  au  Courrier  du  Bas-Rhin  par  M.  le 
baron  de  Schauenburg  Cette  réclamation  est  conforme  aux  traditions 
contemporaines  recueillies  dans  plusieurs  dictionnaires  biographi- 
ques; mais  elle  ne  fournit  pas  de  l'enseignement  sur  le  point  es- 
sentiel de  la  composition  de  l'air  célèbre  dont  les  accents  ont  en- 
flammé le  courage  des  héros  de  la  première  république  française. 
C'est  celte  question  sur  laquelle  je  .viens  jeter  une  lumière  inat- 
tendue. 

Rouget  de  l'Isle  n'est  pas  l'auteur  de  la  musique  de  la  Marseil- 
laise: j'en  fournirai  la  preuve  tout  à  l'heure.  Capitaine  du  génie,  il 
était  employé  dans  la  place  de  Strasbourg  en  1792,  au  moment  de 
la  déclaration  de  guerre,  et  partagea  l'enthousiasme  patriotique  dont 
fut  saisie  toute  la  garnison  à  celte  importante  nouvelle.  Dans  son 
exaltation,  il  composa,  sous  le  titre  de  Chant  dé  guerre,  les  strophes 
énergiques  dont  le  début, 

Allons,  enfants  de  la  patrie, 
Le  jour  de  gloire  est  arrivé  ! 

était  prophétique.  Des  copies  de  ces  strophes  se  répandirent  avec  ra- 
pidité :  on. les  chanta  sur  un  air  d'opéra  qui  était  alors  en  vogue,  et 
sur  lequel  je  crois  que  la  poésie  fut  composée.  Une  des  copies  du 
Chant  de  rjuerre  de  Rouget  de  l'Isle,  parvenue  à  Paris,  tomba  entre 
les  mains  d'un  bon  musicien,  connu  sous  le  nom  de  Navoigille, 
quoique  le  sien  fût  Julien.  Ardent  républicain,  Navoigille  s'émut  à 
la  lecture  de  ces  vers,  et  enfanta  immédiatement  le  chant  sublime 
qui  leur   assura    l'immortalité.    Comme    tous    mes  contemporains. 


(1)  Nous  devons  rappeler  à  l'occasion  de  cet  article  ceux  qui  furent  publiés  sur 
le  même  sujet  en  ISdS  par  M.  Georges  Kastner,  dans  les  n"  13,  15  et  16  de  la 
gazette  musicale.  Nous  laissons  naturellement  h  chacun  de  nos  deux  éminents 
rédacteurs  la  responsabilité  personnelle  de  ses  assertions. 


j'ai  cru  longtemps  que  l'auteur  des  paroles  était  aussi  celui 
de  la  musique  ;  je  le  croyais  même  lorsque  j'ai  publié  la  notice  de 
Rouget  de  l'Isle  dans  le  septième  volume  de  la  première  édition  de 
]a  Biographie  universelle  des  musiciens  (18/il).  J'avais  connu  Rouget 
de  l'Isle  en  1809  chez  mon  élève,  Mme  Gail,  auteur  des  opéras  les 
Deux  Jaloux  et  de  la  Sérénade.  Il  venait  souvent  chez  cette  femme 
remarquable,  qui  avait  de  l'amitié  pour  lui,  écrivait  les  romances 
qu'il  composait  d'instinct  (car  il  était  très-médiocre  musicien),  et  lui 
en  faisait  les  accompagnements  de  piano.  J'éprouvais,  je  l'avoue,  de 
l'étonnement  qu'avec  une  si  pauvre  éducation  musicale,  il  eût  pu 
trouver  la  mélodie  si  belle,  si  régulière  et  si  bien  rhythmée  à  la- 
quelle il  est  redevable  dj  sa  renommée  ;  mais  aucun  doute  ne  s'était 
jamais  élevé  contre  la  paternité  de  cette  œuvre,  et  je  n'avais  aucun 
motif  pour  la  mettre  en  question. 

Une  circonstance  heureuse  et  fortuite  me  fit  acquérir,  en  1847, 
deux  collections  qu'il  serait  peut-être  impossible  de  réimir  aujour- 
d'hui. La  première  se  compose  de  tous  les  chants  révolutionnaires  et 
républicains,  en  petites  feuilles  volantes  ;  l'autre  renferme  tous  les 
morceaux  composés  par  Gossec,  Gatel,  Lesueur,  Cherubini,  JaJin,  etc., 
pour  les  fêtes  républicaines,  pour  le  Champ  de  Mars,  et  pour  le; 
Temples  de  la  Raison.  Les  lecteurs  de  la  Gazette  musicale  peuvent  se 
représenter  l'étonnement  dont  je  fus  saisi  en  trouvant  dans  la  pre- 
mière de  ces  collections,  parmi  les  petites  feuilles  qui  se  vendaient,  à 
l'époque  de  la  Convention,  puis  du  Directoire,  six  sous  à  la  porte  des 
théâtres,  et  qui  contenaient  les  chants  patriotiques,  et  ceux  des  opéras 
nouveaux,  le  chant  de  la  Marseillaise  avec  ce  titre  :  Marche  des 
Marseillais,  paroles  du  citoyen  Rouget  de  l'Isle,  musique  du  cito'jen 
Navoigille;  à  Paris,  chez  Frère,  passage  du  Saumon,  où  l'on  trouve 
ions  les  airs  patriotiques  des  vrais  sans-culottes  !  Un  autre  exem- 
plaire du  même  chant,  avec  accompagnement  de  guitare,  porte  seu- 
lement au  titre  •  Marche  des  Marseillais,  musique  du  citoyen  Navoi- 
gille ,  accompagnement  de  guitare  par  le  citoyen  Mathieu.  Et  au  bas  : 
Au  magasin  de  musique  d  l'usage  des  fêtes  nationales,  rue  Joseph, 
section  de  Brutus. 

On  sait  que  les  vrais  sans-culottes  ou  terroristes  n'ont  eu  qu'une 
existence  politique  d'environ  dix-huit  mois,  pendant  1793  et  1794, 
jusqu'au  mois  de  juillet.  C'est  donc  en  1793  que  la  Marseillaise,  était 
connue  de  tous  comme  l'ouvrage  de  Navoigille  pour  la  musique,  et 
qu'elle  se  vendait  et  se  colportait  publiquement  sous  son  nom,  sans 
qu'aucune  réclamation  de  Rouget  de  Lisle  se  soil  produite  alors,  ni 
plus  tard.  Quand  il  écrivit  les  paroles  de  cet  hymne,  il  n'avait  cru 
faire  que  des  couplets  de  circonstance  et  n'avait  pas  prévu  la  portée 
qu'ils  auraient  par  la  mélodie.  Michaud  jeune,  qui  avait  eu  des  rela- 


226 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


lions  personnelles  avec  Rouget  de  Lisie,  dit,  dans  le  supplément  de 
la  Biographie  universelle  (t.  80,  p.  57),-  que  ce  fut  en  chantant  cet 
hymne  que  les  Marseillais  attaquèrent  le  château  des  Tuileries  au 
10  août,  et  que  ce  fut  de  là  que  ce  chant  de  guerre  prit  le  nom  de 
la  Marseillaise,  auquel  l'auteur  n'avait  pas  songé.  Il  ajoute  :  «  Il 
»  a  déploré  plus  tard  assez  iiaut  ces  funestes  résultats ,  et  l'on  sait 
»  que  les  manifestations  trop  franches  de  ce  mécontentement  le  firent 
»  arrêter  sous  le  règne  de  la  terreur.  Il  ne  sortit  de  prison  qu'après 
»  la  chute  de  Robespierre  et  vint  alors  habiter  la  capitale.  »  Fixé  à 
Paris,  où  l'on  chantait  la  Marseillaise  comme  l'œuvre  de  Navoigille 
pour  la  musique,  c'était  alors  qu'il  aurait  dû  réclamer  publiquement 
si  cette  musique  eût  été  la  sienne;  nwis  il  n'en  fit  rien.  De  plus,  il 
publia  dans  l'an  V  (1797)  un  volume  in-S»,  sous  le  titre  d'Essais  en 
vers  et  en  prose  :  on  y  trouve  les  paroles  de  la  Marseillaise,  intitu- 
lée simplement  :  Chant  de  guerre,  et  pas  un  mot  relatif  à  la  musique. 
Ce  n'est  que  près  de  trente  ans  après  que  Rouget  de  Lisle  a  publié 
sous  son  nom  la  musique  de  cet  hymne,  dans  un  recueil  qui  a  pour 
litre  :  Cinquante  chants  français,  paroles  de  différents  auteurs,  mis 
en  musique  par  Rouget  de  Lisle.  Paris,  l'auteur,  1825,  m-l\°,  gravé. 
Navoigille  était  mort  depuis  quatorze  ans. 

Je  crois  ne  devoir  pas  terminer  cet  article  sans  donner  quelques 
renseignements  biographiques  sur  l'auteur  d'un  si  beau  chant,  qui, 
en  l'absence  même  de  tout  autre  titre,  suffirait  pour  rendre  son  nom 
digne  de  passer  à  la  postérité. 

Guillaume  Julien,  dit  Navoigille,  compositeur  et  violoniste  de  quel- 
que talent,  naquit  à  Givet  (Ardennes),  en  17Z(5.  Il  quitta  cette  ville 
pour  étudier  la  musique  à  Paris,  où  un  hasard  heureux  lui  procura 
la  connaissance  d'un  noble  Vénitien  qui,  charmé  de  ses  heureuses  dis- 
positions, le  prit  en  affection,  le  logea  chez  lui  et  lui  donna  le  nom  sous 
1  equel  il  était  connu.  Plus  tard,  Monsigny  le  fît  entrer  dans  la  maison 
du  duc  d'Orléans.  Après  la  mort  de  ce  prince,  Navoigille  chercha  des 
ressources  dans  son  art.  Il  s'était  fait  une  réputation  honorable  comme 
chef  d'orchestre,  par  le  taleni  dont  il  avait  fait  preuve  en  dirigeant 
celui  des  concerts  de  la  loge  Olympique,  alors  célèbres,  et  pour  les- 
quels Haydn  avait  écrit  six  belles  symphonies.  Bon  violoniste,  Na- 
voigille avait  établi  chez  lui  une  école  gratuite  de  son  instrument 
dont  le  produit  le  plus  remarquable  fut  l'excentrique  Alexandre 
Boucher. 

En  1789,  Navoigille  entra  comme  chef  des  seconds  violons  à  l'ex- 
cellent opéra  italien,  établi  au  théâtre  Feydeau,  appelé  alors  théâtre 
de  Monsieur.  Cinq  ans  après,  il  donna  sa  démission  de  cette  place 
et  accepta  celle  de  chef  d'orchestre  de  la  Pantomime  nationale, 
connue  plus  tard  sous  le  titre  de  théâtre  de  la  Cité.  Il  dirigeait  en- 
core la  musique  de  ce  théâtre  en  1797  ;  mais  la-  banqueroute  du 
directeur  le  laissa  sans  emploi  et  dans  une  situation  peu  fortunée. 
Lorsque  Plantade  fut  choisi  (en  1805)  pour  diriger  la  musique  de 
Louis  Bonaparte,  roi  de  Hollande,  il  fit  entrer  dans  la  chapelle  de 
ce  prince  son  ami  Navoigille  ;  la  réunion  de  la  Hollande  à  la 
France  ramena  celui-ci  à  Paris,  où  il  mourut  au  mois  de  novem- 
bre 1811. 

Navoigille  avait  écrit  pour  le  théâtre  de  la  Pantomime  nationale 
quelques  ouvrages,  parmi  lesquels  on  avait  remarqué  l'Héroïne  suisse, 
dont  la  muïique  avait  de  la  nouveauté  dans  ses  mélodies.  Il  avait  aussi 
publié  des  sonates,  des  duos  et  des  trios  de  violon  qui  obtinrent 
quelques  succès;  mais  son  plus  beau  titre  de  gloire,  celui  qui  recom- 
mandera sa  mémoire  à  la  postérité,  est  la  création  du  chant  de  la 
Marseillaise. 

FÉTIS  père. 


THÉÂTRE  mPERIÀL  DE  L'OPERA- COMIQUE. 
liES  BOVRCsicïivoararcis, 

Opéra  -  comique  en  un  acte,  paroles  de  M.  Henri  Meilhac, 
musique  de  M.  Louis  Deffês. 

(Première  représentation  le  16  juillet.) 

Ce  petit  ouvrage  a  été  représenté  pour  la  première  fois,  l'an  passé, 
à  Ems.  C'est  aujourd'hui  un  assez  bon  moyen  d'être  joué  à  Paris, 
que  de  se  faire  jouer  en  Allemagne,  tant  il  est  vrai  que  le  chemin 
des  écoliers  n'est  pas  toujours  le  plus  long  ! 

Nous  ne  savons  si  les  Bourguignonnes  ont  passé  à  Ems  pour  une 
œuvre  originale.  A  Paris,  il  n'est  guère  possible  d'y  méconnaître  l'i- 
dée qu'Alfred  de  Musset  a  traitée  avec  tant  d'esprit,  de  grâce  et  de 
délicatesse  dans  cette  charmante  comédie  intitulée  Un  caprice.  Un 
mari,  las  du  bonheur,  trop  uniforme  peut-être,  que  lui  donnent  l'a- 
mour sans  coquetterie  et  le  caractère  toujours  égal  de  sa  jeune 
femme,  imagine  qu'un  peu  de  variété  et  quelques  aventures  rom- 
praient la  monotonie  de  son  existence.  Son  ciel  est  trop  serein,  trop 
bleu,  il  y  veut  absolument  des  nuages.  Il  adresse  ses  hommages  à 
une  femme  jeune,  belle  et  spirituelle,  qui  se  moque  de  lui,  et  le  ra- 
mène, confus  et  repentant,  aux  pieds  de  celle  dont  l'unique  tort  est 
de  l'avoir  trop  aimé.  M.  Meilhac  n'a  changé  à  cette  donnée  que  les 
circonstances  extérieures,  la  position  sociale  des  personnages,  leur 
costume,  leur  langage  et  les  détails  accessoires.  Il  a  fait  de  M.  Cha- 
vigny  un  fermier  bourguignon,  et  de  Mme  de  Léry  une  jeune 
paysanne,  cousine  de  la  fermière,  et  qui  est  venue  passer  quinze  jours 
auprès  d'elle  avant  de  se  marier.  Pendant  que  Thérèse,  la  fermière, 
s'occupe  des  détails  de  l'exploitation,  vérifie  les  comptes,  fait  la  ba- 
lance des  frais  et  des  recettes,  etc.,  M.  Landry  fait  la  cour  très-ou- 
vertement à  la  cousine  Manette,  en  présence  même  de  Thérèse,  qui 
s'en  afflige,  mais  qui,  d'ailleurs,  n'y  met  aucun  obstacle.  Cela  n'est 
ni  vrai  ni  vraisemblable.  Ce  qui  l'est  encore  moins,  c'est  que  Ma- 
nette explique  à  Thérèse  le  fort  et  le  faible  de  sa  situation,  le  dan- 
ger d'une  humeur  trop  égale,  d'une  application  trop  constante  aux 
intérêts  communs,  d'un  dévouement  trop  absolu,  et  lui  donne  des 
leçons  de  coquetterie.  Une  jeune  fille  de  dix-huit  ans  n'en  sait  pas, 
d'ordinaire,  aussi  long,  et  celles  qui  ont  acquis  tant  de  savoir  en 
font  rarement  un  bon  usage. 

Ces  réserves  faites,  nous  reconnaîtrons  volontiers  qu'il  y  a  dans  la 
pièce  de  M.  Meilhac  des  scènes  amusantes,  celle,  entre  autres,  où 
Landry,  forcé  d'étudier  le  dossier  d'une  affaire  que  Thérèse,  con- 
seillée par  Manette,  lui  a  laissée  sur  les  bras,  entend  l'orchestre  du 
bal  où  il  n'a  pu  aller,  et  danse,  malgré  lui-même,  les  pièces  du  pro- 
cès à  la  main.  D'ailleurs,  il  y  a  souvent  de  l'esprit  dans  le  dialogue 
de  M.  Meilhac,  et  l'on  ne  peut  nier  qu'il  n'entende  la  construction 
et  la  conduite  d'une  pièce  de  théâtre  un  peu  mieux  que  la  plupart 
des  librettistes  d'à  présent. 

Les  mêmes  auteurs  avaient  fait  précédemment  —  à  Ems  aussi  — 
le  Café  du  roi  Louis  XV,  qui  a  été  joué  l'année  dernière  au  théâtre 
Lyrique,  et  la  partition  de  M.  Uelfès  avait  obtenu  un  agréable  succès. 
Celle-ci  ne  nous  a  pas  semblé  aussi  richement  pourvue  d'idées.  La 
chanson  bourguignonne  que  Manette  chante  dans  la  première  scène, 
dont  le  motif  fait  presque  tous  les  frais  de  l'ouverture,  et  qui,  vers 
la  fin  de  la  pièce,  devient  l'air  de  danse  qui  met  Landry  en  mouve- 
ment, a  un  rhythme  très-franc,  et  ne  manque  pas  de  caractère.  C'est, 
à  notre  avis,  le  morceau  le  mieux  trouvé  de  tout  l'ouvrage.  La  ro- 
mance de  Thérèse,  qui  finit  par  ce  refrain  assez  prétentieux  :  Pour 
oublier,  souvenons-nous,  se  recommande  par  une  élégante  simplicité 
qu'on  voudrait  rencontrer  plus  souvent  dans  les  Bourguigiionnes.  L'au- 
teur en  a  chargé  le  second  couplet  d'un  accompagnement  de  cor 
destiné  sans  doute  à  en  augmenter  l'effet  :  je  doute  qu'il  ait  atteint 
son  but.  Dans  le  duo  qui   suit,   Manette  chante  des  couplets  d'un 


DE  PARIS. 


227 


rhythroe  un  peu  vague,  et  d'un  style  assez  lourd.  Mais  comme  Ma- 
nette les  a  dits  d'un  air  très-cmne,  en  tenant  son  verre  à  bras  tendu, 
et  en  criant  de  toute  sa  force,  le  parterre  s'est  enthousiasmé  pour  les 
cris,  le  bras  tendu,  le  verre  plein,  le  nez  au  vent  et  la  taille  cambrée 
de  Manette  ;  on  a  applaudi,  acclamé,  on  a  trépigné,  on  a  crié  bis  I. . 
Nous  ne  voulons  pas  troubler  la  joie  du  parterre,  mais  il  nous  est 
bien  permis  de  la  lui  laisser.  Le  trio  renferme  un  passage  syllabique 
très-rapide,  dont  l'intention  paraît  comique,  mais  où,  malheureuse- 
ment ,  nous  n'avons  pu  saisir  un  seul  mot.  L'effet  de  ces  sortes  de 
morceaux  est  à  peu  près  nul  quand  on  n'entend  pas  les  paroles,  et 
tout  ce  que  nous  en  pouvons  dire,  c'est  qu'il  fait  trop  penser  au  trio 
syllabique  de  la  Fille  du  régiment.  Les  couplets,  également  syllabi- 
ques,  dits  par  Manette  dans  son  duo  avec  Landry,  nous  ont  fait  beau- 
coup plus  de  plaisir.  Le  tour  en  est  gracieux  et  fin,  et  l'actrice,  qui 
se  trouve  là  sur  .son  terrain,  les  babille  avec  beaucoup  d'esprit. 

Celte  actrice  est  Mlle  Girard,  qui  a  définitivement  quitté  le  théâtre 
Lyrique,  et  qui  débutait  sur  la  scène  de  la  place  Boïeldieu  par  le 
rôle  de  Manette  Nous  n'aurions  qu'à  répéter  le  bien  que  nous  avons  dit 
si  souvent  de  cette  piquante  artiste,  si  nous  n'étions  obligés ,  celte 
fois,  de  lui  reprocher  ses  efforts  excessifs  pour  augmenter  la  sono- 
rité de  sa  voix.  Tout  ce  qu'elle  y  gagne,  c'est  de  la  rendre  dure  et 
criarde.  Il  est  à  souhaiter,  dans  son  intérêt  comme  dans  celui  du  public, 
qu'elle  renonce  au  plus  vite  à  cette  fantaisie.  Son  succès,  d'ailleurs, 
n'a  pas  été  douteux  un  seul  instant.  La  critique  raisonne,  compare, 
discute,  et  se  permet  de  temps  en  temps  quelques  observations,  pour 
maintenir  son  droit,  et  afin  qu'on  n'oublie  pas  qu'elle  est  la  critique  ; 
mais  il  est  bien  rare  aujourd'hui  que  le  public,  quoi  qu'il  voie  et  quo' 
qu'il  entende,  n'ait  pas  l'air  complètement  satisfait.  _J 


Reprise  de  la  JPauaae  MMagie. 

■  Cet  ouvrage  de  Marmontel  et  de  Grélry  date  de  1775,  et  n'avait 
pas  été  représenlé  à  Paris  depuis  1828.  De  1775  à  1863  il  y  a  qua- 
tre-vingt-huit ans.  N'est-ce  pas  un  bel  âge  ?  Et  connaît-on  beaucoup 
d'œuvres  musicales  auxquelles  il  ait  été  donné  de  vivre  aussi  long- 
temps? De  1828  à  1863  il  y  a  trente-cinq  ans.  Ne  devait-on  pas  la 
croire  ensevelie  pour  toujours  et  définitivement  oubliée'  Elle  n'était 
qu'endormie,  comme  cette  jeune  fille  que  le  Christ  réveilla  sur  son 
lit  de  parade,  au  moment  même  oiiron  préparait  ses  obsèques  et  où 
les  musiciens  du  cortège  accordaient  leurs  instruments  :  «  Et  cuin 
venisset  Jésus  in  domum  principis,  et  vidisset  tibicines  et  turbam 
tumultuantem,  dicebat  :  Recedite,  non  enim  mortua  est  puella,  sed 
dormit.  » 

Non,  les  œuvres  du  génie  ne  meurent  pas.  L'art  se  transforme  inces- 
samment, et  les  habitudes  du  public  se  modifient.  En  musique  surtout 
il  vient  un  moment  oîi  l'on  est  fatigué  de  certaines  formes  de  style,  de 
certaines  cadences,  de  certains  tours  de  phrases,  de  certains  pro- 
cédés d'accompagnement  qui  sont  comme  le  costume  particulier  à 
chaque  siècle,  à  chaque  époque.  Ce  que  les  grands  artistes  ont 
inventé  a  été  si  souvent  reproduit,  si  brutalement  exploité  par  les 
imitateurs  que  le  dégoîit,  un  beau  jour,  succède  à  l'admiration,  et 
que  l'on  s'écrie  tout  d'une  voix  :  En  voilà  assez  de  ce  tonneau-là  : 
tirez-nous-en  d'un  autre  !  C'est  ainsi  que  pendant  trente  années  le 
glorieux  nom  de  Gluck  a  disparu  de  l'affiche  de  l'Opéra.  C'est  ainsi 
que  les  Italiens  ont  si  bien  oublié  Cimarosa  que  Mme  Penco,  lors- 
qu'elle dut  étudier,  il  y  a  deux  ans,  le  Mariage  secret,  qui  lui  était 
complètement  inconnu,  s'écriait  avec  un  étonnement  naïf  :  «  C'est 
incroyable!  Je  ne  sais  si  je  me  trompe,  mais  il  me  semble  que  cette 
musique  est  merveilleusement  belle.  » 

Ou  joue  encore  un  peu  Rossini  chez  nous,  parce  que  l'éloignement 
nous  a  préservés  de  la  majeure  partie  de  ses  imitateurs;  Mais  en  Italie 
on  a  les  oreilles  si  cruellement  rebattues  des  formules  rossiniennes 


que  les  œuvres  du  maître  y  sont  tombées  pour  la  plupart  dans  le 
domaine  de  l'archéologie.  Les  savants  seuls  en  peuvent  parler  en  con- 
naissance de  cause. 

Grétry  en  était  là  chez  nous,  il  y  a  une  vingtaine  d'années,  et 
quand  l'Opéra-Comique,  dans  un  moment  de  détresse,  s'avisa  de  re- 
prendre Richard,  ce  fut  pour  le  public,  —  les  vieillards  exceptés,  et 
ces  débris  d'un  autre  âge  ne  sont  jamais  très-nombreux,  —  ce  fut, 
disons-nous,  comme  une  révélation.  Les  formules  de  Grétry,  si 
vieilles  en  1820,  étaient  inconnues  à  la  génération  de  18/|0;  elles 
parurent  toutes  nouvelles,  et  Richard  Cœur  de  Lion  eut  autant  de 
succès  qu'une  partition  de  M.  Auber.  M.  Perrin  n'a  guère  été  moins 
heureux,  dernièrement,  avec  Zémire  et  Azor.  Dans  l'invervalle,  le 
Tableau  parlant,  l'Amant  jaloux  et  V Epreuve  villageoise,  sans 
obtenir  un  succès  aussi  marqué,  avaient  fourni  honorablement  leur 
carrière. 

11  y  a  pour  tout  grand  composiieur  trois  époques  :  1»  celle  où  il 
est  à  la  mode;  2°  celle  où  il  est  démodé;  —  c'est  pour  lui  le  mo- 
ment de  la  retraite  et  de  l'oubli  ;  —  3"  celle  où,  étant  tout  à  fait  en 
dehors  des  questions  de  mode,  on  ne  le  juge  plus  sur  la  forme  de 
ses  morceaux,  mais  sur  la  valeur  de  ses  idées.  Grétry  et  Gluck  en 
sont  là  depuis  longtemps. 

La  Fausse  Magie  a  été  écoutée  avec  une  religieuse  attention  et  un 
plaisir  extrême  par  tous  les  musiciens,  et  surtout  par  les  musiciens 
connaisseurs.  Dès  les  premières  mesures  de  l'ouverture  on  reconnaî  ^ 
un  style  original,  une  touche  individuelle.  Les  idées  qu'on  trouve  là 
sont  bien  à  celui  qui  les  y  a  mises,  et  personne  ne  tentera  de  s'en 
servir  que  l'emprunt  ne  soit  aussitôt  signalé,  car,  ainsi  que  le  disait 
Voltaire,  pour  voler  impunément  il  faut  tuer  celui  qu'on  vole,  et 
Grétry  n'est  pas  de  ceux  qu'on  peut  tuer.  Tous  ses  motifs  ont  uu 
cachet  indélébile  et  qui  se  reconnaît  sur-le-champ.  Nul  compositeur 
n'a  eu  plus  de  facilité,  de  naturel,  d'élégance  sans  apprêt,  de  grâce 
naïve,  et  surtout  nul  n'a  jamais  eu  l'expression  plus  juste.  Il  chante 
toujours,  et  il  semble  toujours  parler.  Quoiqu'on  ne  l'ait  jamais  rangé 
parmi  les  musiciens  savants,  on  ne  peut  nier  que  ses  morceaux  ne 
soient  conduits  souvent  avec  une  remarquable  habileté,  et  nous  par- 
lons des  plus  difQciles  à  faire,  de  ceux  où  il  faut  que  le  discours  mu- 
sical s'adapte  à  une  scène  donnée,  en  suive  les  mouvements,  en 
marque  les  péripéties.  Grélry,  en  pareil  cas,  devient  un  poëte  dra- 
matique plein  de  tact  et  d'adresse,  sans  cesser  un  instant  pour  cela 
d'être  un  admirable  musicien.  Y  a-t-il  rien  au  monde  de  plus  vive- 
ment conçu,  de  mieux  mis  en  scène,  de  plus  vivement  mené,  de 
plus  vrai,  de  plus  franchement  comique  que  le  fameux *duo  des  deux 
vieillards  que  tous  les  musiciens  savent  par  cœur,  et  qui  sera  éter- 
nellement un  des  modèles  du  genre  bouffe?  Y  a-t-il  rien  de  plus  ado- 
rablement  naïf  et  de  plus  charmant  que  le  duo  des  deux  amants  : 

Vous  souvient-il  de  cette  fête, 
Où  l'on  voulut  nous  voir  danser? 

Et  le  trio  !  et  le  quatuor  qui  termine  le  premier  acte  !  et  la  marche  ! 
et  le  chœur  qui  accompagne  l'entrée  de  la  fausse  magicienne  !  Et 
ceci,  et  cela  encore,  car,  à  vrai  dire,  il  n'y  a  pas  un  morceau  fai- 
ble, et  il  faudrait  citer  tous  les  airs  de  la  partition. 

Un  ami  trop  zélé  a  cru  devoir  aider  Grétry  de  son  expérience  mo- 
derne, et  l'orner  de  ses  combinaisons  instrumentales.  Nous  avons  en- 
tendu des  trombones  dans  certains  morceaux,  —  trois  trombones, 
s'il  vous  plaît  !  C'est  le  pavé  ajusté  si  habilement  et  avec  tant  d'à- 
propos  par  l'ours  de  la  fable.  L'orchestre  de  Grélry,  toujours  conçu 
avec  esprit,  et  souvent  écrit  avec  plus  d'art  qu'on  ne  le  suppose, 
est  plein  de  traits  ingénieux  et  fins,  et  d'effets  d'une  extrême  déli- 
catesse. Ne  voit-on  pas  que  toutes  ces  beautés  de  détail  disparaissent 
sous  les  trombones?  On  peut  les  comprendre,  à  la  rigueur,  dans  une 
pièce  chevaleresque  et  guerrière ,  comme  Richard  Cœur  de  Lion. 
Mais  dans  la  Fausse  Magie,  comédie  du  xviii"  siècle,  où  tous  les  ac- 


228 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALK 


teurs  sont  poudrés,  où  tout  se  passe  en  conversation,  où  le  person- 
nage mystifié  ne  songe  même  pas  à  se  fâcher  un  seul  instant!  En 
vérité,  c'est  pousser  un  peu  bin  !e  goût  du  cuivre,  et  l'amour  du 
bruit.  Nous  ignorons  qui  a  mis  là  ces  trombones,  et  nous  ne  voulons 
pas  le  savoir  ;  mais,  quel  que  soit  son  nom,  c'est  un  musicien,  qui 
ne  comprend  pas  Grétry,  et  ne  le  romprendra  jamais. 

M.  Carrier,  en  revanche,  le  comprend  à  merveille.  On  ne  saurait 
rendre  avec  plusd'esprit,  de.verveef  de  goût,  le  duo  des  vieillards  et 
les  autres  parties  de  son  rôle.  Il  a  une  bonne  voix  de  ténor,  fraîche, 
bien  timbrée,  bien  posée  ;  il  chante  bien,  il  dit  bien,  il  joue  à  mer- 
veille. L'Opéra-Comique  ne  pouvait  faire  une  meilleure  acquisition. 
Mlle  Girard  a  montré  dans  la  Fausse  Magie  les  mêmes  qualités  que 
dans  les  Bourguignonnes,  et  le  même  défaut,  c'est-à-dire  la  même 
tendance  à  forcer  sa  voix.  Ces  efforts,  que  rien  ne  motivait  dans  une 
musique  si  calme  et  dans  un  rôle  sans  passion ,  lui  ont  fait 
exécuter  lourdement  et  sans  correction  l'air  célèbre  du  second  acte, 
Comme  un  éclair  la  flatteuse  espérance,  qui  est  tout  en  vocalises,  et 
ne  demande  que  de  la  légèreté  et  de  la  grâce. 

M.  Gourdin  se  tire  assez  agréablement  du  rôle  de  l'oncle,  bien 
qu'il  y  soit  parfois  un  peu  affecté.  M.  Ponchard  et  Mlle  Révilly  sont 
de  vieux  serviteurs  auxquels  on  doit  des  égards.  Ne  les  contristons 
pas  et  célébrons  plutôt  le  retour  de  Mme  Decroix,  qui  vient  de  ren- 
trer à  l'Opéra-Comique  et  qui  chante  le  rôle  de  Thérèse,  dans  les 
Bourguignonnes,  avec  une  voix  charmante,  une  correction  irrépro- 
chable et  une  rare  élégance. 

LÉON  DUROCHER. 


PROJET  DE  CONCOURS  MSICÂL  AU  THÉÂTRE  LYRIQUE. 

En  accordant  au  théâtre  Lyrique  une  subvention  bien  méritée  par 
ses  services,  le  ministère  n'a  pas  oublié  l'intérêt  des  compositeurs, 
lauréats  de  l'Institut,  dont  la  situation  est  l'objet  de  plaintes  inces- 
santes. A  leur  retour  d'Italie,  on  leur  promet  un  tour  de  faveur  pour 
la  représentation  dans  l'année  d'un  ouvrage  de  leur  composition; 
mais  ce  tour  de  faveur,  comment  en  profiter,  si  l'on  n'a  pas  de 
poërae  ?  Les  cahiers  de  charges  portent  bien  que  les  directeurs  se- 
ront tenus  de  leur  eu  fournir  un,  mais  presque  toujours  cette  obli- 
gation est  illusoire.  Comment  les  directeurs  pourraienl-ils  contraindre 
les  auteurs  à  travailler  pour  les  lauréats,  s'ils  préfèrent  travailler 
pour  d'autres?  D'ailleurs,  jusqu'à  présent  il  ne  s'agissait  qu-î  d'un 
poëme  en  un  acte,  et  rien  n'est  moins  favorable  aux  jeunes  musi- 
ciens, aujourd'hui  surtout  que  l'on  dîne  si  tard  et  que  les  petits 
ouvrages  se  jouent  devant  les  banquettes.  A  moins  de  faire  un  chef- 
d'œuvre,  on  est  sûr  de  vivre  et  de  mourir  incognito. 

Une  autre  combinaison  vient  d'être  proposée  aux  lauréats  par 
M.  Camille  Doucet,  directeur  de  la  division  des  théâtres.  Chaque 
année,  un  concours  sera  ouvert  entre  les  premiers  prix  qui  n'au- 
ront pas  eu  d'ouvrages  représentés.  Un  poëme  en  trois  actes  leur 
sera  offert,  et  la  partition  reconnue  la  meilleure  obtiendra  les  hon- 
neurs de  la  scène.  Ainsi,  M.  Carvalho  prend  l'engagement  de  jouer, 
chaque  année,  un  opéra  en  trois  actes  dont  la  musique  sera  d'un  lauréat 
nouveau  et  sur  un  nouveau  poëme.  Pour  que  nulle  garantie  de  lumières 
et  d'équité  ne  manque  aux  concurrents,  l'administration  leur  propose 
de  choisir  eux-mêmes,  et  d'un  commun  accord,  trois  membres  sur 
cinq,  dont  se  composera  le  jury.  Les  deux  autres  seraient  le  direc- 
teur du  théâtre  Lyrique  et  un  fonctionnaire  désigné  par  l'adminis- 
tration. 

Il  y  a  déjà  plusieurs  jours  que  les  compositeurs  lauréats  de 
l'Institut  ont  été  convoqués  pour  entendre  l'exposition  du  projet 
dont  nous  venons  d'indiquer  les  bases.  La  plupart  d'entre  eux  ont 
accueilli,  comme  cela  devait  être,  une  idée  qui  n'a  d'autre  but  que 


de  leur  ouvrir  une  voie  de  salut  extraordinaire.  C'est  une  chance  de 
plus  ajoutée  à  celles  qu'ils  peuvent  avoir,  et  une  chance  qui  ne  pré- 
judicie  nullement  à  leurs  droits. 

On  a  dit,  nous  le  savons,  qu'après  avoir  subi  l'épreuve  des  concours 
académiques  et  remporté  le  prix  de  l'Institut,  on  devait  se  croire  au- 
dessus  des  concours  de  tout  genre,  et  que  c'était  se  dégrader  que 
de  venir  se  soumettre  encore  à  d'autres  jugements,  à  d'autres  compa- 
raisons et  s'exposer  à  de  nouvelles  défaites.  La  défaite,  ajoutait-on, 
sci'ait  une  marque  de  défaveur,  de  réprobation,  dont  il  n'y  aurait 
plus  moyen  d'appeler. 

Ces  objections  nous  semblent  à  peine  spécieuses  et  ne  soutiennent 
pas  l'examen. 

Jamais  on  ne  s'est  dégradé  en  travaillant  et  en  faisant  de  son  mieux 
pour  mériter  un  avantage.  On  a  vu  les  plus  grands  artistes  accepter 
la  loi  des  concours,  et  nul  d'eux  ne  s'est  cru  déshonoré. 

Selon  nous,  ce  qu'il  y  a  de  pis  pour  les  lauréats,  c'est  de  ne  rien 
faire;  c'est  de  coiffer  sainte  Catherine,  et  de  vieillir  avec  ce  titre 
ridicule  de  jeune  compositeur.  S'il  est  quelqu'un  pourtant  qui  aime 
mieux  le  statu  guo,  rien  ne  le  force  d'en  sortir.  On  lui  entr'ouvre 
une  porte;  s'il  croit  y  voir  un  piège ,  rien  ne  l'oblige  à  franchir 
le  seuil.  Mais  qu'on  n'allègue  pas  la  crainte  d'échouer  dans  le  con- 
cours, et  les  inconvénients  qui  en  seraient  la  conséquence  !  Si  la 
crainte  vous  retient,  ne  travaillez  pas,  même  pour  le  public,  car  de- 
vant lui  le  fiasco  serait  encore  plus  terrible  et  vous  rejetterait  bien 
plus  loin  qu'un  échec  devant  un  jury,  avec  la  certitude  de  pouvoir 
prendre  votre  revanche  au  bout  d'un  an. 

En  résumé ,  le  projet  de  concours  musical  s'appuie  sur  trop  de 
bons  motifs  pour  n'être  pas  mis  en  pratique:  après  quoi,  l'expé- 
rience décidera. 

P.  S. 


CONSERVATOIRE  IISPËRIAL  DE  MUSIQUE  ET  DE  DËCUMTION. 

Concours  A  baf  s  clos. 

Dimanche  dernier  nous  avons  donné  le  résultat  du'  concours  d'har- 
monie qui  avait  eu  lieu  la  veille  ;  voici  celui  du  concours  qui  est 
venu  immédiatement  après  : 

Etitde  du  clavier.  —  1"^  médailles,  Mlles  Viguier,  élève  de 
Mme  Emile  Réty  ;  Ginisty,  élève  de  Mlle  Jousselin  ;  Petit,  élève  de 
Mme  Emile  Réty;  Nondin,  élève  de  Mlle  Jousselin;  Midoz,  élève  de 
Mme  Emile  Réty.  2""^^  médailles,  MM.  Hammerel,  élève  de  M.  An- 
thiome  ;  Joséphine  Wilden,  élève  de  Mme  Emile  Réty;  Chart,  élève 
de  Mme  Emile  Rety  ;  Louise  Wilden,  élève  de  Mme  Réty  ;  Forestier, 
élève  de  M.  Croharé,  3"""'  médailles,  Mlles  Biot,  élève  de  Mme  Réty; 
Régnier,  élève  de  Mlle  Jousselin  ;  Girardot,  élève  de  Mme  Réty  ; 
Le  Callo,  élève  de  Mme  Réty;  Gœthals,  élève  de  Mme  Lemarchand. 

Classe  d'orgue  ^professeur,  M.  Benoist).  —  Pas  de  premier  prix. 
2"  prix,  M.  Sieg.  1"  accessit,  M.  Girard  ;  2"  accessit,  M.  Blondel  ; 
3<=  accessit,  M.  Leavy. 

13  juillet. 

Contre-point  et  fugue.  —  l''''  prix,  MM.  Henri  Hess  et  Massenet, 
élèves  de  M.  Ambroise  Thomas;  2'  prix,  M.  Blondel,  élève  de  M.  Le- 
borne.  V  accessit,  M.  Boisseau,  élève  de  M.  Henri  Reber  ;  2"=  ac- 
cessit, M.  Lepot-Delahaye,  élève  de  M,  A.  Thomas;  3°  accessit, 
M.  Taffanel,  élève  de  M.  Reber. 

14  juillet. 

Contre-hafse  (professeur,  M.  Labro). —  1"  prix,  M.  Thévelin. 
l'"'  accessit,  M.  Schubert. 

Harmonie  et  accompagnement  pratique  (classe  des  hommes,  pro- 
fesseur, M.  Bazin).  —  1'"  prix,  MM.  Coloraer  et  Lavignac  ;  2°  prix, 
M.  Pradeau.  1°''  accessit,  M.  Vygen;  T  accessit,  M.  Rosen;  3"  ac- 
cessit, M.  Rabuteau. 


DE  PARIS. 


229 


Classes  des  femmes  :  l'^''  prix,  Mlle  RouUe,  élève  de  M.  Bienaimé  ; 
1"  prix,  Mlle  Duprez,  élève  de  Mme  Dufresne.  V  accessit,  Mlle  Noël, 
élève  de  Mme  Dufresne  ;  2''  accessit,  Mlle  Hardouin,  élève  de  M.  Bien- 
aimé; 3""  accessits,  Mile  Mangot,  élève  de  Mme  Dufresne,  et  Mlle  Al- 
bazaër,  élève  de  M    Bienaimé. 

15  juillet. 

Solfège  (classes  des  hommes).  —  1'"=  médailles,  MM.  Bonnange, 
élève  de  M.  Duvernoy;  Taudou,  élève  de  M.  Alkan;  Wormser,  élève 
de  M.  Durand;  Forestier,  élève  de  M.  Duvernoy  ;  Leseurre,  élève  de 
M.  Durand  ;  Lamart,  élève  de  M.  Batiste;  2""^'  médailles,  MM.  Soiiplet, 
élève  de  M.  Alkan  ;  Pastou,  élève  de  M.  Batiste  ;  Mareux ,  élève  de 
M.  Savart  ;  Dardet,  élève  de  M.  Alkan  ;  Hammerel,  élève  de  M.  Batiste; 
Palianti,  élève  de  M.  Savart;  Bourgeois,  élève  de  M.  Batiste;  3'""'' mé- 
dailles, MM.  Bousquet,  élève  de  M.  Hatiste  ;  Tirpenne,  élève  de  M.  Du- 
rand ;  Brun,  élève  de  M.  Jonas;  Muntardon,  élève  du  même;  Marie, 
élève  de  M.  Durand;  Bauch,  élève  de  M.  Duvernoy;  Courtade,  élève 
de  M.  Batiste  ;  Singer,  élève  de  M.  Duvernoy. 

Classes  des  femmes  :  l''"^  médailles,  Mlles  Beaumont  aînée, 
élève  de  Mme  Maucorps;  Davignon-Monpoii,  élève  de  Mlle  Leclercq  ; 
Cayrol,  élève  de  Mme  Doumic;  Nortmann,  élève  de  Mme  Maucorps; 
Larcéna  jeune,  élève  de  Mlle  Leclercq;  Meingan,  élève  de  M.  Batiste  ; 
Picamelot,  élève  du  même  ;  Viguier,  élAve  de  Mme  Maucorps;  Bloch, 
élève  de  M.  Lebel;  Lhomme,  élève  du  même;  Nicaise,  élève  de 
M.  Batiste;  Jégouzo ,  élève  de  Mme  Maucorps.  2"°'^  médailles, 
Mlles  Cantin,  élève  de  M.  Goblin  ;  Savit,  élève  de  Mlle  Barles  ;  André, 
élève  de  Mlle  Mercié-Porte  ;  Creutznach,  élève  de  Mlle  Hersant  ;  Biot, 
élève  de  M.  Lebel  ;  Dacasse,  élève  de  Mme  Maucorps;  Renaud,  élève 
de  Mlle  Mercié-Porte;  Laporte,  élève  de  Mlle  Hersant;  Sinner,  élève 
de  M.  Lebel;  Leprévost,  élève  de  Mlle  Hersant;  Courtois,  élève  de 
M.  Batiste  ;  Beaumont  2=,  élève  de  Mme  Maucorps;  de  Massas, 
élève  de  M.  Batiste.  3'"^'  médailles,  Mlles  Clause,  élève  de  M.  Lebel  ; 
Lecallo,  élève  de  .Mlle  Leclercq;  Séguin,  élève  de  Mme  Doumic;  Bapp, 
élève  de  M.  Batiste;  Desmonts,  élève  de  Mme  Maucorps  ;  Nondin  jeune, 
élève  de  Mme  Doumic  ;  Chain,  élève  de  Mlle  Hersant;  Bottollier, 
élève  de  M.  Lebel  ;  Mention,  élève  de  Mlle  Hersant ,  Félix  ,  élève  de 
Mlle  Hersant;  Coevoet,  élève  de  Mme  Maucorps;  Alizier,  élève  de 
Mlle  Barles;  d'Almeïda,  élève  de  M.  Lebel;  Legros ,  élève  de 
Mlle  Mercié-Porte;  Midoz,  élève  de  M.  Lebel;  Salomon,  élève  de 
Mme  Doumic  ;  Blankenstein,  élève  de  Mlle  Mercié-Porte. 


BEVUE  DES  THÉÂTRES. 

Gymnase  :  Le  Démon  du  jeu,  pièce  en  cinq  actes,  par  MM.  Théo- 
dore Barrière  et  Crisafulli.  —  Théâtre  impérial  du  Chatelet  : 
Le  Secret  de  miss  Aurore,  drame  en  ciuq  actes  et  huit  tableaux, 
par  MM.  Lambert  Thiboust  et  Bernard  Derosne.  —  Théâtre  Dé- 
JAZET  :  Les  Spectres  de  l'aurore,  légende  allemande  en  deux  ac- 
tes et  trois  tableaux,  par  MM.  Paulin  Deslandes  et  Jules  Dornay. — 
Salle  Bobuv. 

Le  Gymnase,  bravant  les  chaleurs  tropicales  qui  nous  accablent, 
vient  de  risquer  la  représentation  d'une  grande  pièce  en  cinq  actes, 
dont  le  succès  pourrait  bien  donner  raison  à  son  audace.  11  ne  s'agit 
pourtant  point,  dans  cette  œuvre  nouvelle,  d'une  idée  originale  et 
inexploitée  à  la  scène  ;  tant  s'en  faut.  Depuis  le  Joueur  de  Regnard 
jusqu'au  drame  de  Trente  ans,  triomphe  de  Frédérick-Lemaître,  que 
de  fois  n'avons-nous  pas  vu  le  Démon  du  jeu  diriger  les  fils  d'une 
action  dramatique  et  présider  aux  péripéties  les  plus  émouvantes  du 
répertoire,  tant  ancien  que  moderne?  Mais  certaines  passions,  et  le 
jeu  est  du  nombre,  conservent  le  triste  privilège  d'intéresser  tou- 
jours une  société  où  la  fiction  marche  de  pair  avec  la  réalité.  Tant 
qu'il  y  aura  des  joueurs  dans  le  monde,  le  théâtre  aura  le  droit  de  les 
tradui.-e  à  sa  barre,    sans  lasser  le  public.  Ainsi  que  beaucoup  de 


jeunes  gens,  dont  chacun  de  nous  peut  facilement  désigner  un  ou 
plusieurs  émides  dans  son  entourage,  Raoul  de  Villefranche  a  d'abord 
joué  par  désœuvrement  ;  puis  un  jour  est  venu  où  l'amour  a  pris  vic- 
torieusement la  place  que  ce  travers  avait  usurpée  dans  son  cœur; 
vous  remarquez  que  le  jeu  n'est  encore  pour  lui  qu'un  travers.  Ce- 
pendant, la  famille  où  il  veut  entrer  s'en  inquiète,  et  il  est  poliment 
éconduit.  Que  fait-il  alors?  Il  enlève  Amélie  et  l'épouse.  Or,  c'est  au 
lendemain  de  cette  passion  satisfaite  que  le  démon  du  jeu  le  ressaisit, 
dans  la  personne  d'un  grec,  nommé  Hector  d'Argelès,  qui  s'empare 
de  lui,  et  d'un  travers,  lui  constitue  un  bel  et  bon  vice.  Nous  n'en 
sommes  pas  encore  au  crime,  mais  cela  viendra.  En  effet,  Raoul  joue 
loyalement,  jusqu'au  jour  où,  à  force  de  perdre,  il  ouvre  l'oreille  aux 
conseils  perfides  du  entateur  qui  lui  apprend  à  faire  sauter  la  coupe 
et  à  préparer  des  parties  clandestines  de  cartes.  Un  dernier  effo'^t  de 
conscience  l'empêche  néanmoins  de  mettre  en  pratique  l'admirable 
théorie  à  l'aide  de  laquelle  Hector  lui  enseigne  à  corriger  la  fortune, 
et  de  cet  essai  avorté  surgit  un  de  ces  dénoùments  inattendus  qui 
enlèvent  de  haute  lutte  la  réussite  d'une  pièce.  Pendant  que  Raoul 
Bit  au  jeu,  on  s'aperçoit  des  tricheries  d'Hector  et  on  le  chasse  igno- 
minieusement; mais  Raoul,  favorisé  par  une  chance  extraordinaire, 
est  frappé  de  terreur  à  la  pensée  que  ses  cartes  ont  été  arrangées  par 
Hector,  et  que  bientôt  on  va  lui  faire  subir  la  même  honte  qu'à 
son  complice.  Peu  à  peu  l'obsession  devient  tellement  forte  qu'il 
rejette  les  cartes  avec  horreur  et  veut  s'enfuir.  Mais  on  reconnaît  que 
le  hasard  seul  l'a  fait  gagner  ;  on  le  proclame  joueur  heureux  et  loyal. 
La  leçon  du  reste  a  profité,  et  désormais  Raoul  peut  jurer  en  toute 
assurance  à  sa  femme  et  à  sou  beau-père  qu'on  ne  l'y  prendra 
plus. 

Ce  drame  fort  bien  conduit,  et  dont  les  plus  charmants  épisodes 
échappent  à  notre  analyse,  fait  grand  honneur  au  talent  de  iMM.  Théo- 
dore Barrière  et  Crisafulli,  ainsi  qu'au  mérite  de  leurs  principaux 
interprètes.  De  tels  adieux  ne  peuvent  qu'accroître  les  sympathies 
que  le  couple  Lafontaine  emportera  à  la  Comédie  française. 

—  Si  l'actualité  est  en  tout  temps,  pour  les  théâtres,  une  res- 
source plus  certaine  que  l'habileté  la  plus  consommée,  elle  est  sur- 
tout d'un  prix  inestimable  à  cett'3  époque  de  l'année  où  l'indifférence 
du  public  ne  cède  qu'à  des  moyens  d'une  énergie  exceptionnelle. 
Mais  comment  résister  lorsqu'une  direction,  toujours  bien  inspirée 
comme  celle  du  théâtre  impérial  du  Chatelet,  ne  se  contente  pas 
d'une  actualité  et  en  offre  deux  à  la  fois?  La  première  consiste  dans 
l'exploitation  d'un  roman  à  la  mode,  et  la  seconde  dans  l'exhibition 
d'un  truc  nouveau,  ou  plutôt  renouvelé  des  spirites  du  siècle  der- 
nier. Parlons  d'abord  du  roman  de  miss  Braddon,  que  la  traduction 
de  M.  Bernard-Derosne  est  en  train  de  populariser  en  France,  sous 
le  titre  du  Secret  de  miss  Aurore. 

La  vogue  immense  qu'il  a  en  Angleterre  se  manifeste  par  un  grand 
nombre  d'éditions,  et  par  son  arrangement  en  drame  dans  deux  ou 
trois  théâtres.  Nous  lui  souhaitons  le  même  sort  chez  nous,  mais,  en 
même  temps,  nous  nous  permettons  d'émettre  quelques  doutes  à  cet 
égard.  Le  Secret  de  miss  Aurore  est  peut-être  neuf  de  l'autre  côté  du 
détroit,  mais  à  coup  sûr  il  ne  l'est  pas  de  celui-ci.  Guilbert  de  Pixé- 
récourt,  et,  après  lui,  plusieurs  de  ses  confrères,  ont  défloré  la  situa- 
lion  d'une  femme  mariée  à  un  misérable  indigne  d'elle ,  et  qui,  le 
croyant  mort,  se  donne  le  luxe  d'un  second  mari.  Le  premier  repa- 
raît, impose  des  exigences  de  plus  en  plus  menaçantes,  et  meurt  enfin 
de  la  main  d'un  complice.  Il  n'y  a  rien  là  qui  ne  se  retrouve,  à  peu 
de  chose  près,  dans  la  Femme  à  deux  maris.  Mais  ce  qui  fait  la 
différence  des  deux  drames,  c'est  précisément  le  hors-d'œuvre  em- 
prunté également,  comme  moyen  d'actualité,  à  une  résurrection  an- 
glaise, et  plaqué  tant  bien  que  mal  à  la  fin  du  Secret  de  miss  Aurore. 
Des  spectres  impalpables,  obtenus  par  une  combinaison  de  miroirs 
et  de  lumières  disposés  d'une  certaine  façon,  produisent  un  effet  de 
fantasmagorie  des  plus  saisissants.  C'est   ce  secretlà  bien   plus  que 


230 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


celui  de  miss  Aurore  qui  attire  les  curieux  au  théâtre  du  Châtelet. 
Deux  concurrents  essaient  de  lui  arracher  quelques  spec  ateurs,  le 
théâtre  Déjazet,  avec  les  Spectres  de  l'aurore,  légende  allemande  en 
deux,  tableaux ,  et  le  prestidigitateur  Robin  avec  ses  apparitions  de 
fantômes.  Certes,  les  spectres  du  boulevard  du  Temple  sont  tout  aussi 
complets,  tout  aussi  bien  réussis  que  les  spectres  de  M.  Hostein; 
mais,  il  faut  bien  l'avouer,  l'illusion  est  plus  grande  sur  cette  grande 
scène,  où  le  fantastique  acquiert  des  proportions  qu'aucun  autre  théâtre 
ne  peut  espérer  d'atteindre.  La  pièce  est  d'ailleurs  fort  bien  montée 
et  les  décorations  très-belles,  surtout  celle  du  grand  bois  et  de  la 
scène  finale.  Une  part  du  succès  revient  aussi  à  M.  A.  de  Groot,  qui 
a  composé  pour  le  Secret,  de  miss  Aurore  une  musique  fort  originale, 
dans  laquelle  on  a  remarqué  et  fort  applaudi  de  jolis  airs  de  danse, 
la  ronde  du  jockey  et  la  chanson  du  houblon. 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 

^*^  Lundi  le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  avait  fait  précéder  Diavolina 
de  la  Favorite. — Mercredi  M.  et  Mme  Gueymard  ont  fait  leurs  adieux  au 
public  pour  un  mois,  dans  une  belle  représentation  des  Huguenots  qui 
avait  attiré  beaucoup  'de  monde.  —  Vendredi  on  a  donné  de  nouveau 
Diano'ina  précédée  du  Comte  Ory.  — La  reprise  des  Vêpres  siciliennes  est 
affichée  pour  demain. 

^*a,  Mlle  Boschetti,  que  la  direction  de  l'Opéra  a  engagée  pour  créer 
le  rôle  principal  dans  le  ballet  de  Don  Juan,  dont  s'occupe  le  choré- 
graphe Rota,  vient  d'arriver  à  Paris. 

^*.^  Nous  avons  annoncé  que  Dulaurens  quittait  l'Opéra;  il  va  partir 
pour  Lyon. 

**»  Les  nouveaux  chœurs  composés  par  Meyerbeer,  pour  voix  d'hom- 
mes sans  accompagnement,  se  répandent  rapidement  parmi  les  sociétés 
chorales,  où  ils  produisent  un  très-grand  effet,  surtout  quand,  par  des 
études  sérieuses,  les  chanteurs  sont  parvenus  à  les  exécuter  de  façon  à 
faire  bien  ressortir  les  nuances  et  les  beautés  de  premier  ordre  qui 
abondent  dans  ces  morceaux. 

^*^  Mlle  Saint-Urbain,  qui  a  fait  pendant  plusieurs  années  partie  du 
personnel  du  théâtre  Italien,  vient  d'être  engagée  pour  trois  ans  au 
théâtre  des  Bouffes-Parisiens. 

***  En  annonçant  la  mort  d'un  jeune  architecte,  M.  Achille  Maurice, 
plusieurs  journaux  avaient  avancé  qu'il  était  chargé  de  diriger  les  tra- 
vaux de  reconstruction  de  la  salle  des  Bouffes-Parisiens.  L'Entfacte 
rectifie  cette  assertion  en  disant  que  c'est  M.  Th.  Charpentier  fils  qui 
est  l'auteur  du  projet  de  reconstruction,  et  qui  en  a  toujours  seul  di- 
rigé l'exécution.  Le  même  journal  donne,  sur  l'état  des  travaux,  les 
détails  suivants  :  «  Tout  l'ancien  bâtiment  a  été  détruit.  C'est  donc  un 
théâtre  entièrement  nouveau  et  sans  le  moindre  rapport  avec  l'ancien 
qui  s'élève.  Les  planchers  et  le  comble  seront  en  fer  ;  les  escaliers  du 
public,  en  pierre  et  d'une  largeur  double  de  celle  qui  avait  été  donnée 
aux  escaliers  de  l'ancien  théâtre.  La  largeur  des  couloirs  sera  également 
doublée,  et  un  grand  vestibule  régnera  sous  la  salle.  L'éclairage  aura 
lieu  à  l'aide  de  riches  girandoles.  Quant  â  la  ventilation,  comme  le 
théâtre  jouera  désormais  toute  l'année,  elle  devra  être  l'objet  d'études 
particulières;  les  expériences  faites  ailleurs  profiteront  à  cette  nouvelle 
application.  La  salle  enfin  contiendra  860  places,  où  l'on  se  trouvera 
fort  à  l'aise.  • 

.j*;t  Le  (1  juillet  a  eu  lieu  au  théâtre  du  Kursaal,  d'Ems,  la  première 
représentation  d'il  signor  Fagollo,  opéra-bouffe  composé  par  J.  Oflfen- 
bach,  sur  les  paroles  de  MM.  Nuitter  et  Tréfeu.  On  nous  écrit  que 
cette  nouvelle  partition  du  maë.stro  est  charmante  et  qu'elle  a  été  ac- 
cueillie par  les  plus  vifs  applaudissements.  Sans  être  précisément  neuf, 
le  sujet  est  amusant.  Dans  une  petite  ville  d'Italie,  habite  avec  sa  fille 
Clorinda,  un  bourgeois  fanatique  de  musique,  nommé  Bertolucci.  Clorinda 
aime  un  jeune  musicien,  Fabriccio,  qui  a  peu  d'espoir  d'obtenir  de  Ber- 
tolucci  la  main  de  sa  fille,  car  elle  est  promise  à  l'antiquaire  Caramello. 
11  imagine  alors  de  se  faire  pisser  pour  il  signor  Fagotto,  maestro  cé- 
lèbre dans  toute  l'Italie,  et  dont  une  circulaire  vient  d'annoncer  la  pro- 
chaine arrivée.  Bertolucci  se  prépare  à  recevoir  de  son  nlieux  le  plus 
grand  génie  musical  de  l'univers  et  autres  lieux.  Fabricio,  pour  justifier 
cette  réputation,  après  avoir  donné  à  Bertolucci  un  spécimen  brillant 
de  ses  talents,  qui  l'ont  déjà  à  moitié  subjugué,  le  convie  à  la  représenta- 
tion d'un  grand  opéra  de  sa  composition.  L'enthousiasme  de  Bertolucci 
est  au  comble,  et  il  jure  de  donner  sa  fille  à  l'auteur  d'une  œuvre  aussi 
grandiose,  s'il  daigne  lui  en  faire  la  demande.  Fabriccio  alors  se  nomme 
et  obtient  la  main  de  Clorinda.  —  Offenbach  a  tiré  des  situations  plai- 


santes que  lui  offrait  cet  excentrique  imbroglio,  un  excellent  parti.  On 
cite  parmi  les  morceaux  les  plus  saillants,  le  quatuor  d'entrée.  Il  arrive; 
la  leçon  de  musique  donnée  à  Clorinda  par  Fabriccio;  le  grand  air  du 
faux  Fagotto,  énumérant  ses  divers  talents,  et  dans  lequel  il  imite  sur 
un  accompagnement  inoui,  le  chant  du  coq,  l'aboiement  du  chien, 
le  miaulement  du  chat,  le  tocsin,  etc.,  un  charmantduettino;  la  Chanson 
de  l'Antiquaire,  terminée  par  un  chœur  très-original,  enfin,  le  morceau 
final  et  capital  de  l'ouvrage,  qui  est  censé  le  sextuor  du  chef-d'œuvre 
attribué  à  son  personnage  et  dont  l'orchestration  renferme  de  vérita- 
bles beautés.  Cette  nouvelle  production  de  l'infatigable  compositeur, 
que  nous  ne  tarderons  .sans  doute  pas  à  entendre  à  Paris,  a  été  fort 
bien  interprétée  par  Mmes  Taffanel,  Bouffar,  Dartaux,  et  MM.  Desmonts, 
Gerpré  et  Guyot. 

^*^  On  nous  écrit  de  Stuttgard  que  pour  l'anniversaire  de  la  naissance 
du  roi  de  Wurtemberg,  au  mois  de  septembre  prochain,  le  théâtre  de  la 
cour  représentera  :  Axar,  opéra  de  Salieri;  le  texte  est  de  l'auteur  du 
libretto  de  Don  Juan,  Da  Ponte.  Lindpaintner  avait  entrepris  d'écrire 
une  nouvelle  instrumentation  et  des  récitatifs  nouveaux  pour  cette 
partition;  le  directeur  actuel  de  l'orchestre  du  théâtre,  Eckert  ter- 
mine ce  travail  en  ce  moment. 

,1,*^  Les  principaux  airs  du  Comte  Ory  viennent  de  paraître  transposés 
pour  différentes  voix.  —  Des  transpositions  des  airs  de  chant  de  la  Muette 
dePortici  avaient  été  publiées  récemment. 

„,*„,  La  nouvelle  donnée  par  plusieurs  journaux  de  l'intention  qu'aurait 
Mme  Cabel  de  se  vouer  à  la  carrière  italienne  et  de  l'engagement  qu'elle 
aurait  contracté  au  théâtre  San  Carlo,  est  dénuée  de  fondement.  La  cé- 
lèbre cantatrice  chantera  cet  hiver  au  grand  théâtre  à  Lyon. 

^,*,t  L'éditeur  Tito  di  Ricordi  vient  de  faire  paraître  une  traduction  de 
Struensée,  drame  en  cinq  actes,  de  Michel  Béer.  Ce  n'est  pas  seulement 
de  la  part  du  célèbre  éditeur  une  heureuse  idée  que  d'avoir  ajouté 
cette  traduction  à  celle  que  Pltalie  possède  déjà  de  plusieurs  pièces 
du  répertoire  français,  mais  il  a  fait  preuve  d'un  grand  discerne- 
ment en  confiant  cette  traduction  au  chevalier  Andréa  Maffei,  si  connu 
dans  la  république  des  lettres  par  ses  admirables  traductions  de  Gessner, 
de  Moore,  de  Byron,  de  Klopstock,  du  théâtre  complet  de  Schiller  et 
du  Paradis  perdu  de  Millon.  A  l'occasion  de  cette  traduction,  le  Tro- 
vatore  ajoute  :  <■  A  présent  que  voilà  Struensée  transplanté  en  Italie,  ne 
pourrions-nous  le  voir  représenté  sur  une  de  nos  grandes  .scènes  lyri- 
ques, avec  la  belle  musique  de  Meyerbeer  ?  Ce  serait  un  spectacle  nou- 
veau pour  nous  et  dont  le  théâtre  de  la  Scala  de  Milan  pourrait  pren- 
dre l'initiative  l'automne  ou  l'hiver  prochain,  lorsqu'il  aurait  une  bonne 
troupe  dramatique  !  » 

^*,^  Dans  sa  séance  du  11  juillet  courant,  l'Académie  impériale  des 
beaux-arts  de  Plnstitut  de  France  a  nommé  membre  correspondant 
étranger  M.  F.-F.  de  Valdemosa,  directeur  des  concerts  de  S.  M.  la  reine 
d'Espagne  et  professeur  de  chant  au  Conservatoire  royal  de  Madrid. 
C'est  à  Paris  qu'en  1838  et  1839  M.  F.-F.  de  Valdemosa  perfectionna  ses 
talents  sous  la  direction  de  Bordogni  et  d'A.  Elvvart.  Professeur  de  chant, 
F.-F.  de  Valdemosa  a  doté  les  grandes  scènes  de  l'Italie  d'excellents  su- 
jets ;  compositeur,  il  tient  un  rang  élevé  parmi  ceux  de  sa  nation  ; 
théoricien,  il  a  publié  /'^çuinotoïion,  ingénieux  système  qui  réduit  toutes 
les  clefs  en  une  seule  ;  traducteur  intelligent,  il  a,  en  1845,  traduit  en 
langue  espagnole  l'excellent  Petit  manuel  d'harmonie,  d'A.  Elwart,  et  grâce 
à  sa  traduction  élégante  et  fidèle,  cet  ouvrage,  à  Madrid  comme  à  Paris, 
répand  les  connaissances  harmoniques  parmi  le  monde  musicah 

„,*„  Dn  grand  concours  de  musiques  militaires,  auquel  seize  régiments" 
ont  pris  part,  a  eu  lieu  le  9  juillet  à  Montmartre.  Le  SOi^  de  ligne 
a  brillamment  enlevé  la  Marche  aux  flambeaux  de  Meyerbeer.  Le  60°  s'est 
distingué  dans  l'ouverture  de  Mariha;  des  applaudissements  enthou- 
siastes ont  été  prodigués  au  97=  de  ligne,  après  sa  magnifique  exécution 
de  la  conjuration  et  de  la  bénédiction  des  poignards  des  Huguenots.  Ont 
été  décernés  :  l"'  prix,  au  70"  de  ligne  (médaille  d'or)  ;  2°  prix,  au  9= 
d'artillerie,  l'"  médaille  en  vermeil  au  3'^  d'artillerie  ;  2=,  au  75"=  de 
ligne;  3',  au  89'=  de  ligne.  1'"  médaille  en  argent  au  30"  de  ligne;  2°,  au 
12"  de  dragons;  3%  au  72«  de  ligne.  Le  jury  était  composé  de  MM.  A. 
Tliomas,  membre  de  l'Institut,  président  ;  Georges  Kastner,  membre 
de  l'Institut;  Bazin,  Pasdeloup,  Dorus,  Gallay  et  Dauverné,  professeurs 
au  Conservatoire. 

^*^  S.  M.  4a  reine  d'Espagne  Isabelle  II  vient  de  nommer  comman- 
deur de  son  ordre  royal  de  Charles  Ilf,  M.  Georges  Kastner,  membre 
de  l'Institut. 

,j*j,  Mme  Marchés!,  la  célèbre  cantatrice  et  profcssora,  qui  a  déjà 
fourni  tant  de  sujets  brillants  aux  théâtres  de  l'Europe,  .s'est  décidée, 
non  sans  peine,  à  accepter  une  position  au  Conservatoire  do  Cologne, 
mais  elle  ne  s'y  rendra  qu'à  la  fin  de  mars  de  l'année  prochaine  et  res- 
tera tout  l'hiver  à  Paris.  Nous  avons  sous  les  yeux  la  lettre  charmante 
que  lui  a  écrite  Rossini  pour  la  remercier  de  la  dédicace  des  vingt- 
quatre  vocalises  pour  mezzo-soprano,  dont  elle  est  l'auteur.  Son  mari, 
M.  Marches!  vient  de  donner  à  Londres  avec  un  très-grand  succès 
une  matinée  musicale  historique,  dans  laquelle,  par  suite  de  l'absence 
d'un  acteur,  qu'on  attendait,  il  a  dû  jouer  le  double  rôle  de  lecteur  et 
de  chanteur.  On  n'en  a   pas  moins  rendu  pleine  justice  à  l'expression 


DE  PARIS. 


231 


puissante  et  dramatique  de  sa  voix.  Benedict  tenait  le  piano  avec  sa  su- 
périorité liabitue.le. 

^%  Les  journaux  américains  sont  remplis  de  détails  sur  l'entrée  de 
l'armée  française  à  Mexico.  En  défilant  sur  la  plaza  Major,  nos  soldats 
ont  trouvé  la  garde  nationale,  qui  les  a  accueillis  aux  sons  de  la  marche 
mexicaine,  chant  national  du  pays.  Le  New  York  Htrald  donne  l'histo- 
rique de  cette  composition  musicale.  C'était  en  1848.  Henri  Herz  par- 
courait trioiiiphalemeut  l'Amérique.  Le  président  de  la  République,  le 
général  Avista,  désirant  avoir  un  air  patriotique  digne  de  cette  nation, 
mit  au  concours  les  paroles  d'un  hymne  dont  le  grand  artiste  fut  en- 
suite invité  à  composer  la  musique.  Henri  Herz,  inspiré  par  la  circons- 
tance, improvisa  sur-le-champ,  une  marche  grandiose  dont  le  trio  est 
tout  empreint  du  caractère  de  la  musique  de  ce  peuple.  La  marche  inexi- 
raine  devint  rapidement  populaire;  mais  qui  aurait  pu  prévoir  qu'elle 
saluerait  un  jour  l'entrée  victorieuse  des  troupes  françaises  à  Mexico  ! 

^*^  Cette  semaine,  M.  Francis  Wartel,  l'éminent  professeur  de  chant, 
a  fait  entendre  à  la  salle  Herz,  trois  de  ses  élèves,  Mlles  Slarie  BoiUy, 
Felisson  et  Christine  Nelson.  Si  les  succès  qu'ont  déjà  obtenus  au  théâ- 
tre plusieurs  élèves  de  M.  Wartel  n'avaient  pas  établi  avec  éclat  l'ex- 
cellence de  sa  méthode ,  les  qualités  qu'ont  montrées  dans  cette  inté- 
ressante audition  les  trois  jeunes  personnes  dont  nous  venons  de  citer 
les  noms,  ne  laisseraient  aucun  doute  à  cet  égard.  Les  invités,  au  nom- 
bre desquels  on  remarquait  Ambroise  Thomas,  ont  témoigné  à  maintes 
reprises  par  leurs  applaudissements  leur  juste  appréciation  du  succès 
obtenu  par  M.  Wartel,  et  le  maître  n'a  pas  dû  en  être  moins  fier  que 
ses  élèves. 

,fc*,s  La  Musique  à  Paris,  de  MM.  Albert  de  Lasalle  et  Ev.  Thoinan,  est 
un  recueil  contenant  tous  les  faits  et  gestes  musicaux  de  l'année  1862. 
Nous  nous  en  occuperons  prochainement. 

^*^  .M.  Engel,  directeur  et  chef  d'orchestre  de  l'établissement  Kroll  à 
Berlin,  qui  se  trouvait  à  Paris  la  semaine  dernière,  vient  d'engager  pour 
une  série  de  concerts  deux  des  meilleurs  solistes  de  l'orchestre  de  Mu- 
sard,  M.\I.  Legendre  et  Lalliet. 

^*^  Une  nouvelle  œuvre  musicale,  la  Pêche  au  Trident  dans  le  golfe  de 
Naples,  chœur  à  quatre  voix  d'hommes,  dont  le  poëme  est  de  M.  An- 
tony  Deschamps,  vient  de  paraître  et  d'ajouter  une  page  et  un  mérite  de 
plus  aux  compositious  aussi  remarquables  que  variées  de  M.  Ch.  Manry. 
Ce  chœur,  dont  les  paroles  sont  très-poétiques,  a  beaucoup  de  style;  la 
mélodie  est  bien  empreinte  de  la  couleur  locale,  et  les  voix  d'hommes, 
si  difficiles  à  écrire,  sont  disposées  avec  autant  d'art  que  de  naturel. 
Il  sera,  sans  nul  doute,  promptement  adopté  par  les  sociétés  chorales 
auxquelles  il  est  destiné. 

^*f,  Mme  BochkoUz-Falconi  était  la  semaine  dernière  à  Paris,  qu'elle 
quitte  définitivement  pour  se  fixer  à  Vienne,  où  elle  est  engagée  pour 
plusieurs  années  comme  professeur  des  soprani  et  contralti  à  l'école 
spéciale  de  chant  du  théâtre  impérial  de  Vienne. 

.^*^  L'éditeur  Pagnerre  vient  de  mettre  en  vente  un  nouvel  ouvrage 
de  M.  Oscar  Commettant  :  les  Civilisations  inconnues.  C'est  une  étude 
fort  curieuse  des  mœurs  du  Japon,  du  royaume  Hawaïen,  du  Paraguay, 
du  Brésil,  du  Pérou,  etc.  La  lecture  en  est  des  plus  intéressantes  et 
nous  en  reparlerons. 

**„,  Aujourd'hui  dimanche,  au  Pré  Catelan,  grand  concert  vocal  et  in- 
strumental donné  au  bénéfice  de  M.  Lalliet,  le  célèbre  hautboïste.  La 
partie  vocale  de  ce  beau  festival,  dirigé  par  Musard,  sera  représentée 
par  plusieurs  artistes,  illustrations  de  nos  scènes  lyriques,  et  par  de 
joyeux  diseurs  de  chansonnettes  comiques.  Dans  la  partie  instrumen- 
tale, on  entendra  les  solistes  Danbé,  Robyns,  Tafifanel  et  Lalliet.  l'iu- 
sieurs  musiques  et  fanfares  militaires  ont  bien  voulu  promettre  leur 
concours  pour  cette  solennité  musicale. 

„,'**  La  foule  continue  à  remplir  la  jolie  salle  Robin.  Les  apparitions 
vraiment  surnaturelles  des  spectres  justifieront  cette  affluence.  Ce  n'est 
pas  d'ailleurs  le  seul  attrait  qu'offrent  les  séances' de  M.  Robin,  dont 
les  tours  de  prestidigitation,  les  expériences  de  physique  et  les  ta- 
bleaux de  la  de  la  formation  du  globe,  suffiraient  largement  pour  inté- 
resser les  spectateurs. 

^"^  Nous  venons  de  perdre  le  doyen  de  nos  confrères  dans  la  critique 
musicale;  mais  la  part  qu'il  y  prenait  n'était  que  la  moindre  de  ses 
occupations  littéraires  et  artistiques.  Etienne-Jean  Delécluze,  né  à  Paris 
le  20  février  1781,  avait  achevé  seul  une  éducation  que  la  révolution 
était  venue  interrompre.  D'abord  il  se  voua  à  la  peinture  et  travailla 
dans  l'atelier  de  David;  il  se  produisit  même  dans  plusieurs  expositions, 
mais  en  1814  il  renonça  au  pinceau  pour  la  plume  et  devint  le  collabo- 
rateur de  divers  journaux,  le  Lycée,  le  illonileur  et  enfin  le  Journal-  des 
Débats,  auquel  il  était  attaché  depuis  plus  de  quarante  ans.  Il  y  rendait 
compte  des  œuvres  de  peinture,  de  sculpture,  architecture,  ainsi  que 
des  représentations  du  théâtre  Italien.  Il  faut  dire  que  dans  cette  der- 
nière fonction,  M.  Delécluze  était  un  peu  en  retard,  et  que  ses  admira- 
tions, ses  affections  remontaient  presque  toutes  au  commencement  du 
siècle.  Mais  il  s'était  exercé  avec  succès  dans  l'histoire  et  le  roman. 
Parmi  ses  meilleures  productions ,  on  peut  citer  Mlle  Justine  de  Liron, 
la  Première  Communion,  le  Mécanicien  roi,  Dona  OUjmpia,  Florence  et 
ses  vicissitudes,  Louis  David,  son  école  et  son  temps,  Delécluze  ne  cessa  de 


travailler  qu'en  cessant  de  vivre,  et  pourtant  le  travail  n'avait  jamais  été 
pour  lui  qu'un  plaisir,  et  non  une  nécessité.  Propriétaire  d'une  maison 
située  rue  de  Chabanais,  au  coin  de  la  rue  des  Petits-Champs,  et  qu'il 
habita  toujours,  sauf  ses  résidences  à  la  campagne,  il  jouissait  d'une  hon- 
nête aisance.  C'est  à  Versailles  qu'il  est  mort,  et  que  ses  obsèques  ont 
eu  lieu  modestement,  en  présence  de  quelques  cullaborateurs  et  amis. 
Aucun  discours  n'a  été  prononcé  sur  sa  tombe. 

f*^  11  est  question  d'ériger  dans  le  Rosenthal,  promenade  située  au- 
près de  Leipzig,  un  monument  au  célèbre  compositeur  Charles  Zaelner. 
Le  comité  fera  prochaiuement,  à  cet  effet,  un  appel  aux  réunions  de 
chants  de  l'Allemagne  et  de  l'Autriche. 

CHROI^lQUE    DÉPARTEMENTALE. 

^*^  Cannes.  —  On  nous  fait  espérer  pour  la  l"  août  l'inauguration 
de  notre  nouveau  casino,  dont  la  construction  est  dirigée  avec  la  plus 
grande  activité.  Le  propriétaire-directeur,  M.  Cresp,  n'épargne  rien  pour 
que  cet  établissement  soit  splendidp  et  n'ait  rien  à  envier  à  ceux  du 
même  genre  que  possèdent  les  grandes  villes  de  l'Europe.  La  salle  du 
concert  sera  magnifique.  Les  fêtes  musicales  seront  dirigées  par  un  chef 
d'orchestre  habile,  ayant  sous  ses  ordres  des  artistes  nombreux  et 
choisis  et  un  répertoire  â  l'avenant.  Chaque  jour  le  programme  sera 
nouveau.  On  annonce  pour  le  25  de  ce  mois  l'arrivée  du  personnel 
artistique. 

CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 

^*,j  Bade.  —  Après  le  splendide  concert  donné  de  compte  à  demi  entre 
Bade  et  Manuheim,  nous  avons  eu  au  dernier  concert  de  réunion  de  la 
saison  MM.  Perelli,  Becker  et  Léon  Jacquard.  Ces  trois  artistes,  doués, 
chacun  dans  leur  genre,  d'un  talent  de  premier  ordre,  ont  été  largement 
fêtés.  Une  élève  de  Mme  Viardot,  Mlle  Mera,  était  chargée  de  la  partie 
vocale.  Soit  timidité,  soit  défaillance,  la  jeune  artiste  s'est  montrée  fai- 
ble dans  ce  début.  Il  faut  l'entendre  une  autre  fois  pour  la  juger.  — 
Les  représentations  de  la  troupe  du  Palais-Royal  vont  faire  place  à 
l'opéra-comique.  On  annonce  pour  le  17  l'Epreuve  villageoise,  avec 
.Mme  Faure-Lefevreettrois  autres  artistes  du  théâtre  Lyrique,  Mme  Duolos, 
Reynal  et  Legrand,  et  le  Chalet,  interprété  par  Jourdan,  Balanqué  et 
Mlle  Am.  Faivre.  —  Le  20,  le  Pré  aux  clercs  nous  montrera  Mmes  Henrion, 
Faure-Lefèvre  et  les  chanteurs  que  nous  venons  de  nommer.  —  Le  fa- 
meux ténor  Niemann  est  ici,  mais  en  simple  amateur. 

^*^  Wiesbaden,  —  La  saison  est  dans  tout  son  éclat;  le  nombre  des 
étrangers  qui  résident  dans  notre  petite  capitale  ou  qui  y  ont  passé  quel- 
ques jours,  s'élève  à  près  de  18,000  :  en  moyenne,  il  nous  arrive 
.300  voyageurs  par  jour.  Dans  la  foule  qui  se  promène  au  Kursaal  ou 
dans  le  parc,  au  bord  du  lac,  on  entend  parler  à  la  fois  presque  toutes 
les  langues  de  l'Europe;  de  même,  dans  les  concerts  qui  ont  lieu  chaque 
jour  à  la  promenade,  le  lied  et  la  valse  des  Allemands  alternent  avec 
le  quadrille  français,  la  cavatim  italienne,  le  boléro  espagnol  et  les  czardas 
de  Hongrie.  Je  n'ai  pas  besoin  de  vous  dire  que  le  nombre  des  virtuo- 
ses qui  accourent  à  nos  fêtes  est  légion.  L'administration  du  Kursaal  a 
déji  donné  son  troisième  concert  ;  nous  y  avons  entendu  le  célèbre 
ténor  Wachtel  et  le  violoniste  cosmopolite  M.  Hauser.  Mme  Graever  a 
joué  avec  le  talent  que  vous  lui  connaissez,  Vadagio  et  le  scherzo  du 
quatrième  concerto  symphonique  pour  p;ano  et  orchestre,  de  Litolff. 
—  Au  théâtre,  Wachtel  a  chanté  jusqu'ici  :  G.Brown  dans  la  Dame  Blanche; 
Raoul  dans  les  Hugwnuti,  et  le  Postillon  de  Lon jumeau  ;  son  succès  a 
été  des  plus  brillants  dans  les  trois  rôles.  —  Le  Maennergesanyvereinde 
Cologne  a  donné  deux  concerts,  qui  ont,  comme  toujours,  attiré  beau- 
coup de  monde. 

,^*,^  Scluvalbach.  —  Meyerbeer  est  parmi  nous  depuis  une  quinzaine. 
A  son  arrivée,  nos  sociétés  de  chant  ont  organisé,  en  son  honneur,  une 
ovation  aux  flambeaux  et  lui  ont  doniié  une  sérénade. 

.^*,^Mu7ïich.  —  Mlle  Anna  Deinet  a  chanté  avec  le  plus  grand  succès 
le  rôle  d'Isabelle  (Robert),  celui  de  Martha  et  celui  de  Léonore  {Trouvère), 
au  théâtre  de  la  cour.  A  la  suite  de  ce  brillant  début,  Mlle  Anna  Deiuet, 
qui  est  de  Francfort,  a  été  engagée  au  théâtre  de  cette  ville.  —  Le 
célèbre  peintre  Cornélius,  qui  habite  parmi  nous,  termine  en  ce  mo- 
ment un  opéra  eu  trois  actes,  dont  le  sujet  est  tiré  du  Cid. 

^*,^  Vienne  —  A  l'occasion  du  centième  anniversaire  de  l'inaugura- 
tion du  théâtre  de  la  cour,  on  y  a  joué  la  Flûte  enchantée  de  Mozart  ; 
Mlle  Weyriiiger  s'y  est  particulièrement  fait  remarquer  dans  le  rôle  de 
la  reine  de  la  Nuit.  Son  second  début  dans  le  rôle  d'Isabelle  {Robert}  a 
été  plus  heureux  encore.  Schmid  est  à  coup  sûr  aujojrd  hui  un  des 
meilleurs  interprètes  du  rôle  de  Bertram  ;  son  puissant  organe,  l'ex. 
pression  dramatique  de  son  jeu  ont  produit  un  grand  effet  dans  les  scènes 
du  deuxième  et  du  troisième  acte;  enfin  Mlle  Krauss  et  Mlle  .Millerscheclc 
ont  été  plusieurs  fois  très-vivement  applaudies  Cette  représentation 
du  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer  a  été  marquée  par  un  incident  assez 
curieux  ;  pendant  l'ouverture,  le  gaz  s'est  éteint,  et  tout  le  premier 
acte  a  été  joué  au  milieu  d'une  nuit  profonde. 


232 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


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en  18Ù1.  —  Prix  d'honneur,  médaille  d'or,  en  1843.  —  Médaille  d'argent  à  l'Exposition  de  Paris,  ISji.  —  «ÉE.ÉtJUÉ  par  le  gouvernement  belge  pour  visiter 
l'Exposition  universelle  de  Londres,  en  1851.  —  Exposition  universelle  de  Paris,  1855,  les  plus  belles  pages  du  Rapport  officiel,  27'°=  Classe,  pages  1835-1336.  — 
Exposition  universelle  du  Londres,  1862,  PltlZE  MEDAL,  avec  cette  mention  :  POUR  EXt!Klil..EI«CE  DE  TOUTE  ESPÈCE  D'INSTRUMBNTS  DE  CUIVRE. 
—  Membre  de  l'INSTITUT  POLYTECHNIQI  E  de  Paris,  membre  de  l'ASSOCIATION  INTERNATIONALE  POUR  LE  PROGRÈS  DES  SCIENCES  SOCIALES.  — 
MEDAILLE  D'OR  et  Membre  du  CORPS  SCIENTIFIQUE  DE  L'HOTEL  DE  VILLE  DE  PARIS. 


MANUFACTURE  DE  PIANOS  —  MAISON  HENRI  HERZ 

Kiie  de  la  Victoire,  4$,  à  Paris. 

L'immense  succès  que  les  Pianos  de  la  Maison  Henri  HERZ  ont  obtenu  à  l'Exposition  universelle  de  Paris,  en  1855, 
vient  de  se  reproduire  à  Londres  avec  plus  d'éclat  encore  :  aussi  le  Jury  international  vient-il,  en  plaçant  ces  instruments 
au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimité,  à  M.  Henri  HERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection 
reconnue  clans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  solidilé,  de  la  sonorité,  de  l'égalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  d'expression.   (Rapport  du  Jury  international.) 


MANUFACTURE    GÉNÉRALE    D'INSTRUMENTS    DE    MUSIQUE    EN    CUIVRE    ET    EN    BOIS 


50,  rue  Saint-Ccorges, 
à  Paris. 


ADOLPHE    SAX 


*  >g< 


5f>,  rue  Saint- Cirorg^ es 
à  Paris. 


(excepté 
tous  les 
écart,  il 


Facteur  de  la  Maison  militaire  de  l'Empereur.  —  Professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique. 
Seule  grande  Médaille  d'honneur  à  l'Exposition  unioenelle  de  1855. 

RÉSOJIÉ    DES   AVANTAGES    DES   SAXHORNS   ET   DES   SaXOTROMBAS. 

Le  Saxotromba,  ou  le  Saxhorn,  est  supérieur  à  ses  analogues  existants  précédemment,  comme  proportion  de  tubes  et  par 
conséquent  comme  son  ;  supérieur  comme  justesse  ;  supérieur  comme  création  de  famille  complète  ;  supérieur  comme  facilité  et 
unité  de  doigté  ;  supérieur  comme  forme  ou  contour  des  lubes  pour  l'émission  des  sons  ;  supérieur  comme  forme  pour  le  pla- 
cement et  le  maniement  de  l'instrument  ;  supérieur  comme  ayant  une  njênie  direction  des  sons  (avantage  pour  l'auditeur  de 
recevoir  tous  les  sons  avec  la  même  puissancf')^  supérieur  en  ce  que  quelques  jours  suffisent  pour  former,  avec  des  amateurs  ou 
de  simples  conscrits  milit.aires,  une  musique  passable;  supérieur  en  ce  que  les  plus  gros  instruments  comme  les  petits  se 
tiennent  facilement  au  moyen  de  la  main  gauche  et  du  bras  gauche,  et  laissent  le  bras  et  la  main  droite  entièrement  libres, 
et  dans  la  meilleure  position  pour  le  jeu  des  doigts  sur  les  cylindres  ;  supérieur  en  ce  que,  quand  un  élève  a  déjà  fait  di-s 
études  et  qu'il  est  obligé  de  changer  d'instrument  faute  de  disposition  des  lèvres  ou  par  tout  autre  motif,  ses  études  acquises 
servent  pour  le  nouvel  instrument,  soit  trompette,  trombone  ou  tout  autre  instrument  ;  supérieur  en  ce  que  Ton  peut  faire  les 
étuiles  les  plus  longues  et  les  plus  difficiles  sur  l'instrument  qui  fatigue  le  moins  et  les  reporter  sur  d'autres  plus  durs  à  jouer 
ou  plus  lourds  à  porter;  supéiieur  en  ce  que,  dans  les  sociétés  ou  dans  un  régiment  de  cavalerie,  surtout  lors  des  congés,  il 
arrive  souvent  que  tous  les  artistes  d'une  même  catégorie  d'instruments  partent,  et  que,  dans  ce  cas,  on  peut  les  remplacer 
en  prenant  des  musiciens  dans  les  parties  les  mieux  garnies  pour  occuper  ou  remplacer  les  parties  manquantes;  supérieur  en 
ce  qu'on  ne  craint  pas  les  coups  de  tète  des  chev:iux,  qui,  avec  les  anciens  instruments,  brisaient  parfois  les  dents  au  cava- 
lier; supérieur  en  ce  que  l'on  peut  jouer,  le  cheval  au  trot  ou  au  galop,  l'instrument  suivant  toujours  les  mouvements  du 
corps;  supérieur  pour  la  musique  on  marche  en  ce  que  l'instrument  ne  se  dérange  pas  sur  les  lèvres,  et  conserve  par  consé- 
quent la  même  sonorité  qu'au  repos;  supérieur  pour  les  corps  de  musique  et  pour  le  militaire  surtout,  oii  tout  est  régulier 
les  musiciens  et  les  instruments  d'après  le  système  ancien),  en  ce  que  tout  le  monde  se  trouve  dans  la  même  position,  toutes  les  mains  à  la  même 
instruments  penchés  de  gauche  à  droite;  supérieur,  pour  la  musique  à  cheval  ou  de  cavalerie,  en  ce  que  si,  pendant  (jue  l'on  joue,  le  cheval  vient 
est  facile  de  ressaisir  les  brides  pour  le  rameiier,  sans  déranger  l'instrument  de  sa  position.  (f/îTxl 

Tou!  bs  insirntmDt!  lortoni  de  la  fabrique  porieni  l'inseription  snivanie  :  Adolphe  Sax,  à  Paris,  facteur  de  la  maisou  militaire  de  l'Empereur,     ^§\ 

le  luméro  tl'ordre  tic  l'inslrnmenl  cl  le  poitijon  ci-opr'cs  :  ip>  \'V^ 


hauteur  et 
à  faire  un 


PAUIS.  —  IJlPItl.UERlE  CE.\TttAL 


IVArOlÉON  CHAIX  ET  C,  BUE  BEHG 


BUREAUX    A    PARIS  :    BOULEVARD   DES   ITALIENS,    I. 


30«  Annéo. 


^o  30. 


ON  S'ABONNE  I 

Dans  les  DL^rnr'fmPnts  et  à  l'Étranger,  chez  tous 
les  Marchnnds  de  Musique,  les  Libraires,  et  aur 
Purcaui  di.-5  Messageries  et  des  Posles. 


REVUE 


26  Juillet  1863. 


PRIX  DE  L'ABONHEUBNT  t 

Paris 2Hr.paron 

Dôpurlcmeuls,  Belgique  et  Suisse....    ."30  ->       id. 

Étranser ••■    31  "       ti- 

le  Jouroal  paraît  le  Ditnancbe, 


GAZETTE  MUSICALE 


.-/>A/\_PJ\PJiJ\fjVVv^- 


Avcc  le  procbatn  noinéro,  nos  abonnés  recevront 
un  morceau  de  piano  intitulé  Bereeuae,  première 
œuvre  de  FERDINAIVD  SCHOEIV. 


SOMMAIRE.  —  Tliéâtre  impérial  de  l'Opéra  :  reprise  des  Vêpres  sicilienyies,  pa- 
roles de  Scribe  et  Duveyrier,  musique  de  Verdi.  —  Floquet  (3'  article),  par 
Arthur  Poogin.  —  Conservatoire  impérial  de  musique  et  de  déclamation  : 
concours  publics.  — J.  Hajdn  et  les  princes  d'Esterhazy  (4'  et  dernier  article). 
—  Coriespondance  :  Londres.  —  Nouvelles  et  annonces. 


THEATRE  IMPERIAL  DE  L'OPÉRA. 

Reprise  des  Vêj^rea  aicitiennea. 

Paroles   de    Scribe   et  Duveyrier  ,    musique  de   Verdi. 
(Lundi,  20  juillet.) 

L'apparition  des  Vêpres  siciliennes  remonte  au  mois  de  juin  1 855. 
Jérusalem  et  Louisa  Miller,  deux  opéras  du  même  maître,  avaient 
été  donnés  déjà  sur  le  même  théâtre;  mais  ce  n'étaient  que  des  tra- 
ductions, des  arrangements,  des  importations  d'Italie,  plus  ou  moins 
revues  et  corrigées;  tout  au  contraire,  la  musique  des  Vêpres  sici- 
liennes avait  été  expressément  composée  par  Verdi  pour  notre  scène 
française.  On  s'en  aperçoit  sans  peine  aux  changements  qu'a  subis 
la  manière  du  compositeur.  Quoique  la  force  et  la  grandeur  ne  man- 
quent pas  à  la  partition  nouvelle,  on  y  respire  un  certain  soufQe 
d'élégance  et  de  grâce  dont  ses  autres  ouvrages  alors  connus,  même 
le  Trovafore,  représenté  six  mois  plus  tôt  au  théâtre  Italien,  ne  don- 
naient pas  l'idée. 

La  fortune  des  Vêpres  siciliennes  profita  largement  des  circons- 
tances. C'était  l'année  de  l'exposition  universelle,  qui  remplissait  la 
vaste  salle  de  l'Opéra  de  spectateurs  venus  de  tous  les  coins  du 
monde;  et  puis  Sophie  Cruvelli,  ce  météore,  cette  comète  à  l'éclat 
prestigieux,  Sophie  Cruvelli,  disons-nous,  déployait  sa  rare  beauté, 
sa  voix  plus  rare  encore  dans  le  rôle  de  la  duchesse  Hélène.  Guey- 
mard,  Obin,  Bonnehée,  dans  toute  la  fleur  de  leur  talent,  chantaient, 
à  côté  d'elle,  les  rôles  de  Henri,  de  Procida  et  de  Montforl  Le  suc- 
cès fut  grand,  mais  il  ne  se  prolongea  pas  :  la  fin  de  l'exposition,  le 
départ  de  la  cantatrice,  en  marquèrent  le  terme;  les  diverses  re- 
prises tentées  depuis  cette  époque  ne  produisirent  que  peu  d'effet. 

Qu'adviendra-t-il  de  celle  qui  s'est  accomplie  lundi  dernier?  Rien 
n'a  été  négligé  pour  la  résurrection  de  l'œuvre  ;  le  compositeur  lui- 


même  a  présidé  aux  répétitions,  qui  ont  été  nombreuses.  Obin  et 
Bonnehée  ont  gardé  leurs  rôles,  mais  Mlle  Marie  Sax  a  pris  la  place 
de  Sophie  Cruvelli,  et  Villaret  celle  de  Gueymard.  Puisqu'il  fallait 
absolument  donner  d'autres  interprètes  aux  personnages  d'Hélène  et 
de  Henri,  on  ne  pouvait  rien  trouver  de  mieux.  Mlle  Marie  Sax  est 
une  jeune  et  belle  cantatrice  :  sa  voix  a  de  la  puissance,  de  l'accent 
dramatique  ;  on  lui  voudrait  un  peu  plus  de  nuances,  de  lé- 
gèreté, dans  quelques  moments.  A  tout  prendre,  c'est  une  des  voix 
les  plus  riches  qne  l'on  ait  entendues  à  l'Opéra  :  ses  progrès  sont 
remarquables,  et  il  lui  est  permis  de  chanter  Is  rôle  d'Hélène,  tel 
qu'il  avait  .été  écrit  pour  Sophie  Cruvelli,  sans  y  rien  changer,  sauf 
le  trille  du  charmant  boléro  qu'elle  supprime.  Heureusement  le  bo- 
léro n'y  perd  pas  grand'chose  ;  on  l'applaudit  et  on  le  redemande, 
comme  aux  premiers  temps,  et  c'est  toujours  ce  morceau  qui  a  l'hon- 
neur de  soutenir  le  cinquième  acte. 

k  l'air  que  chantait  Gueymard,  au  commencement  du  quatrième, 
le  compositeur  a  substitué  une  romance  dont  le  principal  mérite  est 
de  fournir  à  Villaret  l'occasion  de  développer  sa  voix  dans  toute  son 
étendue  et  tout  son  charme.  Villaret,  lui  aussi,  a  fait  dts  progrès, 
mais  pas  assez  pour  qu'on  ne  regrette  pas  Gueymard.  C'est  déjà  un 
chanteur  que  l'on  écoute  avec  grand  plaisir  ;  ce  n'est  pas  encore  un 
artiste  s'identifiant  avec  le  rôle  qu'il  joue.  Parviendra-t,-il  jamais  à 
le  devenir?  c'est  ce  que  nous  verrons;  en  attendant,  le  doute  est 
possible.  11  avait  été  question  de  donner  à  Cazaux  le  rôle  de  Procida, 
créé  par  Obin  d'une  façon  magistrale  ;  Obin  est  revenu  à  temps  pour 
rentrer  dans  son  bien.  Nul  n'aurait  dit  aussi  bien  que  lui  l'air  qui 
ouvre  le  second  acte  :  Et  toi,  Palerme,  6  beauté  cju'on  outrage,  et 
qui  lui  vaut  chaque  fois  plusieurs  salves  de  bravos  les  mieux  mé- 
rités. 

Le  ballet  des  quatre  saisons  est  plus  que  jamais  l'épisode  heureux 
du  troisième  acte.  On  l'a  rajeuni  de  toutes  les  manières,  et  quand  on 
regarde  les  danseuses  qui  en  font  les  honneurs,  en  n'aperçoit  que 
le  printemp.s.  Mlle  Vernon,  Mme  Zina-Mérante,  Mlles  Schlosser  et 
Villiers  s'y  disputent  le  prix,  qu'on  serait  tenté  d'accorder  à  toutes 
les  quatre.  Il  y  a  aussi  au  second  acte  une  charmante  tarentelle,  que 
dansent  avec  beaucoup  de  verve  Mlle  Baratte  et  Réraond  La  seule 
chose  que  la  direction  actuelle  n'ait  pu  rendre  aux  Vêpres  skilieniies, 
c'esti  l'exposition  universelle  ;  mais  la  locomotion  habituelle  a  pris  un 
tel  essor  depuis  huit  années  qu'elle  est  tout  près  d'égaler  ce  que  l'on 
avait  alors ,  et  que  les  opéras  anciens  ou  nouveaux  n'ont  plus  rien 
à  craindre  de  la  chaude  saison,  même  sans  le  secours  des  circons- 
tances extraordinaires. 

P.  S. 


234 


REVUE  ET  GAZE'ITE  MUSICALE 


CONSERVATOIRE  IMPÉEIAl  DE  lUSIQUE  ET  DE  DÉCLAMATION. 

Concours  publics. 

Aujourd'hui  nous  nous  bornerons  à  enregistrer  les  résultats  des 
concours  qui  ont  eu  lieu  pendant  la  semaine  ;  nous  y  reviendrons 
dimanche  prochain  avec  plus  de  détails,  et  nous  parlerons  en  même 
temps  des  concours  qui  vont  terminer  la  série  annuelle  dans  les 
séances  de  lundi,  mardi  et  mercredi  prochains. 

Lundi,  20  juillet,  harpe  (professeur,  M.  Prumier). —  Pas  de  premier 
prix;  2'  prix,  Mlles  Waldteufel  et  Rapp.  1"  accessit,  Mlle  Jansen. 

Piano  (classes  des  hommes).  —  l"  prix,  M.  Delahaye,  élève  de 
M.  Marmonte!  ;  a^e  prix,  M.  Martin,  élève  du  même.  1^  accessit, 
MM.  Suiste,  élève  de  M.  Mathias,  et  Launay,  élève  de  M.  Marmontel  ; 
2°"  accessit,  MM.  Lack  et  Power,  élèves  du  même;  3°"=  accessit, 
M,  Lœwenlhal,  élève  de  M.  Mathias. 

Classes  des  femmes.  —  1"  prix,  Mlles  Jeanne  Cellier  et  Lévy, 
toutes  deux  élèves  de  M.  Lecouppey,  et  Deshays-Meifred,  élève  de 
Mme  Coche;  2"*=  prix,  Mlles  Jungk,  élève  de  M.  Henri  Herz,  de  Bié- 
ville  et  Paul  Gayrard,  élèves  de  Mme  Coche,  l'^'  accessit,  Mlles  Can- 
tin,  Noël  et  Laviolette,  élèves  de  M.  Lecouppey;  2™  accessit, 
Mlles  Abazaer,  élève  de  M.  Lecouppey;  Lenoir,  élève  de  Mme  Far- 
renc,  et  Delage,  élève  de  M.  Henri  Herz;  3""=  accessit,  Mlles  Davi- 
gnon-Monpou,  élève  de  M.  Lecouppey,  etLeybaque,  élève  de  M.  Henri 
Herz. 

Mardi,  21  juillet,  chant  (hommes).  —  l"'  prix,  M.  Bach,  élève  de 
M.  Grosset;  2""  prix,  M.  Souslelle,  élève  du  même.  1«' accessit, 
M.  Vidal,  élève  de  M.  Laget,  et  M.  Pons,  élève  de  M.  Grosset;  2°"=  ac- 
cessit, M.  Bougé,  élève  de  M.  Masset,  et  M.  Simon,  élève  de 
M.  Grosset  ;  3""=  accessit,  M.  Mareux,  élève  de  M.  Masset,  et  M.  Bos- 
quin,  élève  de  M.  Laget. 

Mercredi,  22  juillet,  chant  (femmes).  —  1"  prix,  MlleEbrard,  élève 
de  M.  Laget,  et  Mlle  Rey,  élève  de  M.  Révial  ;  2""=  prix,  Mlle  Lagye, 
élève  de  M.  Grosset.  1'^'  accessit,  Mlle  Lévy,  élève  de  M.  Grosset; 
Mlle  Lombia,  élève  de  M.  Fonlana,  et  Mlle  de  Beaunay,  élève  de 
M.  Laget;  2"'"=  accessit,  Mlle  Laporte,  élève  de  M.  Révial;  Mlle  Gas- 
ton, élève  de  M.  Laget,  et  Mlle  Roumieu,  élève  de  M.  Grosset;  3"" 
accessit,  Mlle  Mauduit,  élève  de  M.  Laget;  Mlle  Pichenot,  élève  du 
même,  et  Mlle  Icard,  élève  de  M.  Giuliani. 

Jeudi,  23  juillet,  opéra-comique  (hommes).—  Pas  de  premier  prix  ; 
2™  prix,  MM.  Troy,  élève  de  M.  Mocker;  Vidal,  élève  de  M.  Morin, 
et  Caillou,  élève  du  même.  1"  accessit,  MM.  Rougé,  élève  de 
M.  Mocker,  et  Mareux,  élève  de  M.  Morin;  2""°  accessit,  M.  Simon, 
élève  de  M.  Mocke.  ;  3""=  accessit,  M.  Lozier,  élève  de  M.  Morin. 

Femmes.  —  1'='  prix,  Mlle  Ebrard,  élève  de  M.  Morin  ;  2""=  prix, 
Mlle  Lagye,  élève  du  même,  l'"'  accessit,  Mlle  Lévy,  élève  de 
M.  Mocker;  2""=  accessit,  Mlle  Pichenot,  élève  du  même,  et  Mlle  Rou- 
mieu, élève  de  M.  Morin. 

Vendredi,  24  juillet,  violoncelle.  —  1"  prix,  MM.  Thalgrun  et  Ca- 
bassol,  élèves  de  M.  Franchomme;  2""=  prix,  M.  Schidenhelm,  élève 
du  même,  l'"'  accessit,  MM.  Bernardel  et  Darecq,  élèves  du  même  ; 
2"''  accessit,  M.  Waldteufel,  élève  du  même;  3""=  accessit,  M.  Delsart, 
élève  du  même. 

Violon.  —  r'-  prix,  MM.  Colonne,  élève  de  M.  Sauzay,  et  Desjar- 
dins, élève  de  M.  Massart;  2""=  prix,  MM.  Montardon,  élève  de 
M.  Dancla,  et  Chomanowski,  élève  de  M.  Massart.  l^'  accessit, 
MM.  Wehrié,  élève  de  M.  Alard,  et  Taudou,  élève  de  M.  Massart. 
Trois  autres  premiers-  accessits  ont  été  donnés  à  Mlles  Bastin,  élève  de 
M.  Alard;  Fanny  Clauss,  élève  de  M.  Dancla,  et  Vivien,  élève  de 
M.  Alard  ;  2'""  accessit,  MM.  Gatelier,  élève  de  M.  Sauzay,  et  Rinck, 
élève  du  même;  3»"^  accessit,  M.  Paquolte,  élève  de  M.  Dancla. 

Samedi,  25  juillet,  opéra  (hommes).  —  !■='  prix  à  l'unanimité, 
M.  Soustelle,  élève  de  M.  Duvernoy  ;  2""=  prix,  MM.  Rougé,  élève  de 
M.  Duvernoy,  et  Colomb,    élève    de  M.    Levasseur.    !"■■    accessit, 


MM.  Faure  et  Juillia,  élèves  de  M.  Duvernoy;  2""'  accessit,  M.  La- 
vitte,  élève  de  M.  Duvernoy;  3°"^  accessit,  M.  Wagner,  élève  de 
M.  Levasseur. 

Femmes.  —  1'^''  prix  à  l'unanimité,  Mme  Soustelle,  élève  de 
M.  Duvernoy;  2°"'  prix,  Mlles  Lombia  et  Azimon,  élèves  de  M.  Du- 
vernoy. \"  accessit,  Mme  Nivet,  élève  de  M.  Levasseur,  et  Souka, 
élève  de  M.  Levasseur;  2""^  accessit,  Mlles  Laporte,  élève  de  M.  Du- 
vernoy, et  de  Beaunay,  élève  de  M.  Levasseur. 

Ce  dernier  concours  a  été  des  plus  brillants  ;  il  s'est  signalé  par 
un  fait  jusqu'ici  sans  exemple.  Un  mari  et  une  femme,  unis  depuis 
peu  de  temps,  y  ont  obtenu  chacun  un  premier  prix,  décerné  par  le 
jury  à  l'unanimité. 


FLOODET. 

(3'  article)  (1). 

Azolan  ou  le  Serment  indiscret,  «  ballet  historique  »  en  trois  actes, 
fut  donc  représenté  à  l'Opéra  le  22  novembre  lilk  et  joué  par  Lar- 
rivée,  Legros,  Beauvalet,  Mlles  Beaumesnil  et  Rosalie,  au  milieu  de 
manifestations  ouvertement  et  systématiquement  hostiles  de  la  part 
du  public.  C'est  ce  qui  ressort  des  lignes  que  Bachaumont,  le  23  no- 
vembre, consacre  à  l'annonce  du  nouvel  ouvrage  :  «  On  a  remarqué 
dans  le  parterre  visiblement  deux  partis  ;  ce  qui  empêche  de  fixer 
encore  une  opinion  certaine  sur  cet  ouvrage.  »  Et  plus  encore  de 
celles-ci,  qui  sont  du  1"  décembre  :  «  L'opéra  A'Asolan,  que  les  mau- 
vais plaisants  appellent  désolant,  excite  une  guerre  vive  entre  les  par- 
tisans de  Floquet  et  ceux  de  Gluck.  Ces  derniers  intriguent  tellement 
que  l'orchestre  s'y  prend  de  son  mieux  pour  faire  tomber  l'ouvrage 
du  compositeur  français,  par  son  exécuiion  gauche  et  capable  de  dé- 
sorienter les  chanteurs  et  même  les  danseurs.  C'est  au  point  que  le 
mardi,  jour  de  la  quatrième  représentation,  les  directeurs  n'ont  pas 
eu  100  louis  de  rétribution.  Le  pauvre  Floquet  a  été  obligé  de  faire 
des  bassesses  auprès  de  ces  ménétriers,  pour  les  solliciter  en  sa  fa- 
veur et  leur  faire  oublier  les  choses  dures  qu'il  leur  avait  dites  dans 
ses  moments  d'humeur.  Les  défenseurs  de  ce  musicien,  en  convenant 
de  la  supériorité  des  talents  de  l'Allemand,  ajoutent  qu'il  y  a  de  très- 
jolis  morceaux  dans  Asolan,  et  qu'enfin  on  doit  encourager  un  jeune 
homme  qui  n'a  que  vingt-quatre  ans,  et  ne  pas  le  comparer  à  un 
compositeur  consommé  de  soixante.  »  Enfin  il  dit,  trois  jours  après  : 
«  Azolan,  malgré  la  forte  cabale  contra're,  et  les  mauvaises  inten- 
tions des  acteurs  et  de  l'orchestre,  se  soutient  et  acquiert  même  du 
succès  (2).  » 

Asolan,  cependant,  n'obtint  point  de  succès  réel,  et  ne  fut  joué 
que  peu  de  temps.  C'est  alors  que  Floquet,  dont  l'éducation  musi- 
cale était  restée  incomplète,  se  décida,  sur  les  conseils  de  quelques 
personnes  qui  s'intéressaient  à  lui  et  lui  offraient  d'en  faire  les  frais, 
à  entreprendre  un  voyage  en  Italie  afin  de  perfectionner  son  talent. 
Le  comte  de  Maillebois,  qu'il  avait  connu  par  l'entremise  de  son  col- 
laborateur Lemonnier,  prit  l'initiative  d'une  souscription  dans  ce  but, 
et  bientôt  les  fonds  suffisants  ayant  été  réunis,  le  jeune  homme  se 
mit  en  devoir  de  franchir  les  Alpes.  Il  partit  dans  les  premiers  mois 
de  1775  et  resta  envijon  deux  ans  hors  de  France. 

A  peine  s'était-il  éloigné  que  l'Opéra  reprit  VUnion  de  l'Amour  et 
des  Arts,  qui  obtint  un  très-beau  regain  de  succès.  Floquet  l'apprit 
à  Naples,  où  il  s'était  rendu  tout  d'abord  pour  étudier  le  contre- 
point avec  Sala.  Cette  nouvelle  lui  devait  être  d'autant  plus  agréable 
que  sa  pièce  avait  été  remise  à  la  scène  à  cause  que  YOrphée,  de 
Gluck,  joué  l'année  précédente,  venait  lui-môme  d'être  repris  sans 
succès. 

(1)  Voir  le  n°  27. 

(2)  Mémoires  secrets  pour  servir  à  l'histoire  de  la  République  des  lettres. 


DE  PAHiS. 


235 


Il  séjourca  quelque  temps  à  Naples,  et  se  rendit  à  Bolo- 
gne, où  il  suivit  les  leçons  du  père  Martini.  Après  avoir  complété  ses 
éludes  avec  ce  dernier  maître,  et  avant  de  s'éloigner  de  Bologne, 
Floqiiet  voulut  se  faire  rei;evoir  membre  de  l'Académie  des  philhar- 
moniques de  cette  ville,  ce  qui  alors  n'était  pas  un  vain  titre.  Les 
aspirants  à  cette  dignité  avaient  trois  séances  pour  faire  leurs  preu- 
ves :  dans  la  première,  ils  devaient  composer  une  fugue  à  cinq 
parties;  dans  la  seconde,  un  motet  à  voix  seule,  enfin,  dans  la  troi- 
sième, un  canto  fermo.  Floquet  n'abusa  pas  du  temps  que  les  règle- 
ments laissaient  à  sa  disposition,  et,  dans  une  seule  séance  de  deux 
heures  et  demie,  il  remplit  si  bien  les  conditions  de  celte  triple 
épreuve  qu'il  obtint  d'emblée  son  diplôme. 

11  relourna  ensuite  à  Naples,  où  il  fit  exécuter  un  Te  Deum 
solennel.  Bachaumont  nous  donne  encore  des  détails  à  ce  sujet  : 
«  Tandis  que  M.  Floquet,  dit-il  le  28  août  177ti,  partage  ici  la  scène 
lyrique  avec  le  chevalier  Gluck  {V Union  de  l'Amour  et  des  Arts  avait 
été  reprise  de  nouveau  le  9  juin  1776,  et  l'Opéra  la  donnait  concur- 
remment avec  Alceste,  qui  était  alors  dans  sa  nouveauté;  cet  ou- 
vrage est  le  seul,  et  cela  confirme  son  mérite,  qui  put  se  soutenir  à 
la  scène  à  côté  des  chefs-d'œuvre  du  maître  allemand),  on  écrit  d'I- 
talie qu'il  y  jouit  du  plus  grand  succès:  que  le  5  juillet  dernier,  ayant 
fait  exécuter  à  Naples  un  Te  Deum  de  sa  composition  devant  une 
assemblée  très-brillante,  il  a  reçu  des  applaudissemens  unanimes  ; 
que  le  prince  d'Ardore,  grand  claveciniste,  lui  a  dit  des  choses  tout 
à  fait  flatteuses  ;  mais  que  ce  qui  l'a  le  plus  ravi,  c'a  été  de  s'en- 
tendre louer  par  les  plus  habiles  professeurs  de  l'école  de  cette  ville, 
tels  que  les  sieurs  ^sdrile,  Duamicis  et  Sala.  Une  belle  et  sublime 
invention,  si  l'on  en  croit  le  rapport  des  connoisseurs,  caractérise 
surtout  cette  nouveauté,  où  la  musique  imitative  est  d'ailleurs  pous- 
sée à  une  expression  singulière,  multipliée  et  variée  à  l'infini.  Du 
reste,  une  fécondité  étonnante,  beaucoup  de  naturel,  une  noblesse 
soutenue,  et  quantité  de  chant  confirment  et  décident  un  talent  su- 
périeur dans  l'auteur  (l).   )< 

De  Naples,  Floquet  se  rendit  à  Florence,  où  une  troupe  française, 
dirigée  par  un  nommé  Rutini,  représentait  avec  grand  ^succès  les 
ouvrages  de  Grétry.  Il  écrivit  de  celte  ville  au  célèbre  compositeur 
une  lettre  datée  du  19  septembre  1776  et  dont  j'extrais  les  lignes  sui- 
vantes :  «  On  vous  met  ici  au-dessus  de  tous  les  maîtres  qui  ont  tra- 
vaillé dans  ce  genre  (celui  de  l'opéra-comique)  ;  M.  le  marquis  de 
Ligniville,  parent  du  grand-duc,  m'a  dit  qu'un  seul  morceau  de  Zé- 
mire  et  Azor  achèteroil  tous  les  o/ieca-comiques  italiens  qui  ont  été 
faits  depuis  trente  ans...  Le  quatuor  de  Lucile  a  été  recommencé 
trois  fois  avec  des  applaudissemens  étonnans.  Je  vous  rends  les 
choses  telles  qu'elles  se  sont  passées.  Vous  devez  des  remercimens 
au  signor  Rutini,  maître  de  chapelle  de  cette  cour,  qui  a  fait  toutes 
vos  répétitions  avec  la  même  exactitude  que  si  les  ouvrages  lui  eus- 
sent appartenu  ;  et  les  jours  de  représentations,  il  s'est  mis  lui-même 
au  clavecin  pour  faire  aller  l'orchestre.  Je  crois  que  sous  peu  de 
tems  on  verra  l'opéra  de  Zémire  et  Asor  sur  tous  les  théâtres  d'I- 
talie. » 

Enfin,  après  deux  années  de  voyages  et  de  travaux,  Floquet  ren- 
tra en  France,  où  de  nouvelles  épreuves  l'attendaient.  Avant  de  cou- 
rir une  troisième  fois  les  chances  de  la  scène,  avant  même  de  s'oc- 
cuper d'une  nouvelle  œuvre  dramatique,  il  voulut  faire  connaître 
aux  amateurs  le  Te  Deum  qui  lui  avait  valu  à  Naples  tant  de  succès 
et  de  si  honorables  suffrages.  C'est  le  20  mai  1777  qu'il  fit  exécuter, 
au  Concert  spirituel,  cette  importante  production  :  l'effet  fut  tout 
contraire  à  ce  qu'il  en  attendait,  et  le  jugement  général  ne  lui  fut 
pas  favorable.  Las  critiques  ne  lui  manquèrent  pas,  et  on  lui  repro- 
cha principalement  des  réminiscences  d'œuvres  connues ,  trop  peu 
d'ampleur  dans  la  forme  et  un  emploi  trop  exclusif  des  forces  ins- 

(1)  Mémoires  secrets,  etc. 


Irumentales.  J'enregistre  strictement,  à  ce  sujet,  les  appréciations  des 
contemporains,  celte  œuvre  n'étant  pas  venue  jusqu'à  nous. 

Cette  rentrée  dans  la  carrière  n'était  pas  encourageante,  et  Floquet 
préludait  mal  aux  nouveaux  succès  qu'il  espérait  remporter  à  la 
scène.  Nous  allons  le  revoir  à  l'œuvre. 

IV. 

Une  fois  réinstallé  à  Paris,  Floquet  ne  songea  plus  qu'à  se  re- 
mettre au  travail.  L'occasion  devait  lui  en  être  fournie  bientôt;  mais 
le  sort  du  nouvel  ouvrage  qu'il  allait  entreprendre  ne  fut  pas 
heureux,  et  le  résultat  fâcheux  de  son  troisième  essai  tint  aux 
circonstances  singulières  qui  signalèrent  le  laborieux  enfantement  du 
poëme  dont  il  eut  le  tort  de  se  charger. 

Un  M.  de  la  Boullaye,  intendant  de  la  ville  d'Auch  en  même  temps 
que  maître  des  requêtes,  amoureux  fou  de  musique  sans  y  rien  con- 
naître, avait  trouvé  dans  un  fatras  de  papiers  dont-  il  avait  hérité, 
le  livret  d'un  opéra  en  cinq  actes  intitulé  Hellé.  D'aucuns  prétendirent 
qu'il  avait  acheté  ce  manuscrit  d'un  pauvre  diable.  Quoi  qu'il  en  soit, 
comme  le  titre  d'homme  de  lettres  (même  in  partibus)  donnait  un 
certain  poids  dans  le  monde,  l'ambitieux  maître  des  requêtes  conçut 
le  projet  de  faire  mettre  cet  ouvrage  en  musique  ,  d'en  obtenir  la 
représentation  sur  notre  première  scène  lyrique  et  de  se  proclamer 
l'auteur  du  poëme.  Par  malheur,  ce  poëme  n'était  pas  en  état  de  voir 
le  jour:  il  y  fallait  faire  des  changements  importants,  que  le  sieur 
de  la  Boullaye  était  parfaitement  incapable  de  mener  à  bonne  fin. 
Après  quelques  hésitations,  il  prit  l'héroïque  parti  de  s'adresser  à 
Crébillon  fils  et  de  lui  demander  des  avis  ;  celui-ci  lut  le  manuscrit, 
y  trouva  de  bonnes  situations  musicales,  mais  déclara  qu'il  fallait 
refaire  l'ouvrage  presque  entièrement  et  le  raccourcir  beaucoup.  L'au- 
teur prétendu  consentit  sans  trop  se  faire  prier,  et  tous  deux  se 
mirent  de  la  partie.  Les  voilà  donc  à  l'œuvre,  coupant  de  ci,  rognant 
de  là,  retranchant  de  nombreux  vers  d'un  côté,  en  ajoutant  quel- 
ques-uns de  l'autre;  bref,  faisant  tant  et  si  bien  qu'à  l'issue  de  ce 
travail,  la  pauvre  Hellé,  eslropiée  et  réduite  à  quatre  actes,  leur  parut 
un  chef-d'œuvre  accompli,  digne  des  accents  inspirés  d'un  musicien 
de  génie. 

M.  de  la  Boullaye  était  un  des  protecteurs  de  Floquet,  auquel 
peut-être  il  avait  eu  l'occasion  de  rendre  de  réels  services  ;  il  lui  porta 
\e  malencontreux  livret,  fruit  avorté  de  ses  labeurs  opiniâtres,  en  le 
priant  de  le  mettre  en  musique.  Floquet  ne  se  le  fit  pas  dire  deux 
fois.  Il  travaillait  depuis  peu  de  temps  à  sa  nouvelle  partition,  lors- 
qu'un jour  son  premier  collaborateur,  Lemonnier,  venant  le  voir  et  le 
trouvant  assis  à  son  clavecin,  jeta  les  yeux  sur  le  manuscrit  posé  sur 
l'instrument:  c'était  celui  d'/Zc'/t'.  Or,  voici  que  dans  ce  manuscrit 
Lemonnier  reconnaît,  à  n'en  pouvoir  douter,  un  opéra  qu'il  avait  fait 
au  sortir  du  collège  et  relégué  plus  tard  au  fond  de  ses  cartons  sur 
le  refus  de  Mondonville,  auquel  il  l'avait  présenté  pour  qu'il  en 
écrivît  la  musique.  Gomment  ce  manusicrit  était-il  ensuite  sorti  de 
chez  lui,  comment  le  lui  avait-on  dérobé?  c'est  ce  qu'il  fut  impos- 
sible de  découvrir.  Floquet  continua  nonobstant  son  travail,  et  l'ouvrage 
fut  bientôt  prêt  à  être  présenté  à  l'Opéra,  qui  avait  changé  de  direction. 

Hellé  fut  en  effet  présentée,  et  l'administration  de  l'Opéra  voulut 
bien  la  recevoir,  à  condition  qu'elle  serait  encore  revue  et  diminuée. 
Le  nouveau  directeur,  de  Vismes,  chargea  un  sien  frère,  un  certain 
de  Saint-Alphonse,  de  cette  opération.  Hellé,  donnée  le  5  janvier  1779, 
n'eut  que  trois  représentations.  Cette  fois  encore,  comme  lors  de 
l'apparition  d'Azolan,  Floquet  semble  avoir  été  la  victime  d'une  op- 
position systématique.  Floquet,  le  seul  romposileur  français  éclos  de- 
puis quelques  années  qui  donnât  des  espérances  pour  l'avenir  d'un 
art  national,  devait  succomber  sous  les  attaques  acharnées  des  diffé- 
rentes sectes  opposantes,  gluckiste,  piccinniste,  bouffoniste,  luUiste, 
ramiste,  qui,  ennemies  les  unes  des  autres,  mais  ne  voulant  pas  lais 
ser  renverser  leurs  idoles,  se  réunirent  dans  un  commun  effort  pour 


236 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


faire  sombrer  le  jeune  musicien  assez  audacieux,  bien  que  Français 
et  vivant,  pour  faire  montre  d'un  talent  réel. 

Floquet  s'était  engagé  à  livrer  son  ouvrage  à  de  Vismes  moyennant 
une  rétribution  de  10,000  livres,  dont  un  quart  seulement  devait  lui 
être  payé  immédiatement,  le  reste  de  la  somme  étant  échelonné  en 
plusieurs  paiements,  qui  prenaient  époque  sur  tel  nombre  fixé  de  re- 
présentations. La  pièce  n'en  ayant  eu  que  trois,  le  surplus  du  mar- 
ché se  trouva  annulé  de  fait,  et  le  compositeur  dut  se  tenir  satisfait 
de  ce  qu'il  avait  reçu  d'abord. 

Arthur  POUGI.N. 
{La  suite  prochainement.) 


J.  HÂTDN  ET  LES  PRINCES  D'ESTEBHÂZT. 

(4^  et  dernier  article)  (1). 

Par  malheur,  Nicolas-Joseph,  cet  excellent  prince,  ne  devait  point 
voir  son  protégé  parvenir  à  l'apogée  de  sa  gloire.  Les  principaux 
ouvrages  d'Haydn,  ceux  qui  assurent  l'immortalité  à  son  nom,  ont 
paru  presque  tous  après  sa  mort,  sous  le  prince  Antoine,  qui  ne  régna 
que  quatre  ans,  et  que  Haydn,  alors  en  Angleterre,  ne  vit  qu'en 
passant,  et  pendant  le  règne  du  prince  Nicolas,  sous  lequel  il  vécut 
quinze  ans,  de  1794  jusqu'à  son  dernier  jour. 

Les  renseignements  que  j'ai  pris  au  sujet  de  ce  prince  dans  le 
pays  ont  singulièrement  modifié  le  portrait  que  nous  en  font  les 
notices  biographiques. 

Le  caractère  compliqué  de  ce  bizarre  personnage  doit  rester  une 
énigme  psychologique  pour  quiconque  ne  tient  pas  compte  de  la 
marche  qu'avait  suivie  son  éducation.  Il  avait  passé  sa  jeunesse  au- 
près du  comte  Esterhazy,  archevêque  d'Erlau,  l'un  des  hommes  les 
plus  nobles,  les  plus  vertueux  dont  on  ait  jamais  entendu  parler. 
Toute  sa  vie  n'a  été  qu'une  chaîne  non  interrompue  de  bienfaits  et  de 
bénédictions  ;  et  finalement,  après  avoir  fondé  une  infinité  d'écoles  et 
d'hospices,  d'églises  et  d'hôpitaux,  auxquels,  par  humilité  chrétienne, 
il  n'avait  pas  même  attaché  son  nom,  il  mourut  tellement  pauvre 
qu'on  ne  trouva  pas  chez  lui  de  quoi  payer  les  frais  d'enterrement. 

Au  sortir  de  cette  excellente  école,  le  prince  entra  dans  celle  du 
grand  monde,  que  ses  voyages  dans  toutes  les  parties  de  l'Europe  lui 
avaient  fait  connaître,  avec  son  luxe,  ses  folles  dépenses,  et  la  jactance 
de  ses  goûts  artistiques.  Après  la  mort  du  prince  Antoine,  il  avait 
enfin  recueilli  cet  immense  héritage,  qui,  comme  on  sait,  a  fait  de 
cette  maison  princière  une  des  plus  riches  de  l'Europe. 

Ces  circonstances  nous  expliquent  en  partie  les  contrastes,  inconci- 
liables, en  apparence,  qu'offrait  le  caractère  du  prince  Nicolas.  Il 
était  dévot  et  allait  deux  fois  par  jour  à  l'église,  matin  et  soir,  et 
dans  la  société  il  joignait  l'aisance  aimable  de  l'homme  du  monde  à  la 
dignité  du  grand  seigneur.  Sobre  et  d'une  tempérance  sévère  dans 
les  jouissances  de  la  table,  il  déployait  d'un  autre  côté  un  faste  qui 
dévora  peu  à  peu  son  immense  fortune.  A  sa  cour  se  trouvaient  par- 
fois réunis  quarante  à  cinquante  seigneurs  des  premières  familles  de 
l'Europe,  surtout  à  l'époque  des  célèbres  chasses  d'automne.  Ce  de- 
vait être  un  singulier  et  imposant  spectacle  lorsqu'aux  jours  de  grande 
fête  tous  ces  personnages,  et  parmi  eux  le  prince,  dont  le  costume 
hongrois  tout  chargé  d'or  et  de  pierreries  valait  plus  d'un  million 
de  florins,  se  rendaient  en  carrosses  à  quatre  et  six  chevaux  riche- 
ment harnachés,  précédés  de  coureurs  dans  leur  costume  fantasti- 
que, à  la  VergJiirdie,  escortés  de  deux  cents  hommes  de'la  magnifique 
garde  du  prince,  et  de  cinquante  chasseurs  ii  cheval,  pendant  que  des 
hauteurs  voisines  tonnaient  des  pièces  de  12  et  de  24. 


(1)  Voir  le  n»  27. 


D'après  ce  qui  précède,  le  lecteur  comprend  h  quoi  il  faut  s'en 
tenir  au  sujet  de  l'amour  des  arts  chez  ce  prince,  notamment  par 
rapport  à  la  musique  et  au  grand  compositeur  qui  en  était  le  repré- 
sentant à  sa  cour.  En  tirer  vanité,  être  à  cet  égard  comme  pour  le 
reste  le  premier  gentilhomme  de  l'Europe,  voilà  à  quoi  cela  se  ré- 
duit, quand  on  y  regarde  de  près.  Son  goi!it  pour  les  compositions 
religieuses  de  Michel  Haydn,  de  Reulter,  de  Hoffmann,  ne  doit  pas 
nous  faire  illusion  ;  évidemment  ce  n'était  qu'une  manie  se  rattachant 
à  des  impressions  de  jeunesse  reçues  à  Erlau,  chez  cet  homme  qui 
ne  comprenait  ni  Palestrina,  ni  Bach,  ni  Haendel,  ni  Joseph  Haydn, 
et  qui,  dans  les  arts  et  en  littérature,  ne  possédait  que  l'instruction 
sommaire  d'un  homme  du  monde. 

Ce  n'est  guère  qu'à  cet  amour  du  faste  que  la  célèbre  chapelle 
doit  son  origine.  Jamais  un  particulier  n'en  eut  de  pareille  ;  dans  ses 
beaux  jours  elle  comptait  jusqu'à  quatre-vingts  artistes,  tous  vir- 
tuoses. Il  y  avait,  pour  ne  citer  que  les  plus  connus  :  Henneberg, 
Bévilaqua,  les  deux  Tomasini,  les  deux  Prinster ,  HyrtI ,  Forti , 
Wild,  etc.  ;  des  gentilshommes  amateurs  y  faisaient  quelquefois  leur 
partie,  tels  que  le  prince  Rasoumowski,  comte  Fuchs,  Lamberg.  Un  fait 
qui  témoigne  de  l'excellence  de  cette  chapelle,  c'est  qu'en  1818  année 
où  elle  fut  dissoute,  les  biens  du  prince  ayant  été  mis  sous  séquestre, 
les  artistes  qui  en  faisaient  partie  trouvèrent  immédiatement  à  se  re- 
placer avantageusement,  soit  dans  des  chapelles  de  cour,  soit  dans  de 
riches  familles  nobiliaires.  Ce  qui  prouve  combien  le  prince  était  fier 
d'avoir  à  son  service  ce  corps  d'élite  musical,  c'est  qu'aux  bals  qui 
avaient  lieu  au  château,  c'étaient  des  musiciens  qu'on  faisait  venir 
du  dehors  qui  jouaient  les  airs  de  danse,  tandis  que  les  membres  de 
la  chapelle  se  trouvaient  dans  la  salle  à  titre  d'invités. 

Parfois,  le  prince  invitait  des  célébrités  musicales  à  Eisenstadt  ;  on 
y  vit  venir  Salieri,  l'abbé  Vogler,  Gyrowelz,  Kreutzer,  Beethoven.  Ce 
dernier  ayant  cru  remarquer  que  le  prince  et  Hummel  avaient  ac- 
cueilli d'un  air  narquois  sa  messe  en  ut,  se  remit  en  route  immédia- 
tement, et  partit  comme  un  ouragan. 

Le  vice-maître  de  chapelle  Fuchs  conduisait  l'orchestre  quand  il 
exécutait  dés  morceaux  de  musique  d'église  ;  Hummel  dirigeait  les 
concerts  et  les  opéras.  Même  après  avoir  été  mis  à  la  retraite,  Haydn 
conserva  le  rang  et  le  titre  de  chef  d'orchestre  ;  il  dirigeait  en  per- 
sonne ses  compositions;  pour  le  reste,  il  ne  jouissait  nullement  à  la 
cour  du  prince  de  l'autorité  et  du  crédit  auxquels  sa  célébrité  et  ses 
chefs-d'œuvre  lui  auraient  donné  droit.  Ce  fait  étrange  m'a  été  cer- 
tifié par  tous  les  témoins  que  j'ai  encore  trouvés  vivants. 

Les  procédés  du  prince,  qui  ne  lui  donnait  quelque  marque  de 
faveur  que  lorsqu'elle  lui  était  arrachée  par  l'intercession  de  la  prin- 
cesse Marie,  son  épouse,  le  confirmeraient,  ainsi  que  le  silence  élo- 
quent que  Haydn  gardait  au  sujet  de  ce  prince,  tandis  que  de  son  cœur 
débordaient  des  paroles  de  reconnaissance  et  d'amour  pour  le  prince 
Nicolas-Joseph  et  la  princesse  Marie.  Du  reste,  les  humiliations  qu'il 
lui  fallait  essuyer  de  la  part  du  singulier  personnage  sous  lequel  il 
devait  terminer  ses  jours,  ne  troublaient  en  rien  la  sérénité  et  la 
bonhomie  du  grand  compositeur,  auquel  les  économies  faites  pendant 
son  séjour  h  Londres  assuraient  d'ailleurs  une  existence  indépendante. 
Une  fois  seulement,  par  occasion,  il  dit  à  la  cantatrice,  Mme  Siiss, 
qu'il  était  dur  pour  un  homme  de  son  âgs  d'aller  à  pied,  tandis  que 
le  valet  de  chambre  avait  un  équipage  à  sa  disposition. 

En  revanche,  les  artistes  de  l'orchestre  avaient  pour  lui  le  dévoue- 
ment le  plus  enthousiaste.  Mais  ce  qui  devait  surtout  consoler  Haydn 
du  peu  de  sympathie  que  lui  témoignait  son  Mécène,  c'était  l'attache- 
ment et  la  vénération  qu'éprouvait  pour  lui  la  princesse  Marie  :  elle 
le  soignait,  elle  le  choyait  avec  la  tendre  sollicitude  d'une  mère  pour 
son  nourrisson  ;  détournant  de  son  favori  les  humiliations,  lui  faisant 
parvenir  les  bons  morceaux.  De  son  côté,  Haydn  chérissait  sa  pro- 
tectrice,  et   lui  avait  voué  l'amitié  la  plus   vive   et  la   plus  respec- 


DE  PARIS. 


237 


tueuse.  <t  Sans  la  princesse  Marie  et  le  vin  généreux  qu'elle  m'en- 
voie, répélait-il  souvent,  c'en  serait  fait  de  moi,  pauvre  vieillard  que 
je  suis.  » 

Le  Docteub  L**'- 


Nul  n'est,  Jit-on,  prophète  en  son  pays.  M.  Adolphe  Sax  vient  de 
donner  un  éclatant  démenli  à  ce  vieil  adage.  Il  n'est  bruit  à  Bruxelles 
que  du  triomphe  obtenu  par  les  récentes  inventions  de  l'habile  fac- 
teur :  ses  inslruments  à  pavillons  tournants,  à  six  pistons  et  à  tubes 
indépendants.  Nous  avons  rapporté,  il  y  a  une  quinzaine,  l'effet  pro- 
digieux produit  par  le  trombone  et  la  conlre-bas?e ,  aux  mains  de 
MM.  Hollebecke  et  Robyns  ;  ce  sont  les  mêmes  artistes  qui  se  sont 
chargés  d'initier  les  Bruxellois  à  la  justesse,  à  la  sonorité,  à  l'agilité 
de  ces  instruments  incomparables,  et  c'est  encore  dans  le  beau  duo 
composé  sur  des  thèmes  de  Guillaume  Tell,  par  M.  Demersmann, 
que  ces  excellents  virtuoses  sont  surtout  parvenus  à  impressionner  et 
à  ravir  les  compatriotes  de  M.  Adolphe  Sax.  Victoire  d'autant  plus 
glorieuse,  ajouterons-nous,  que  d'injustes  préventions  et  d'envieuses 
coteries  se  sont  maintes  fois  opposées  à  son  succès  en  Belgique.  Quoi 
qu'il  en  soit,  il  a  bien  fallu  céder  à  l'évidence,  et  les  inimitiés  les  plus 
vivaces  ont  dû  baisser  pavillon  devant  les  bravos,  les  trépignements, 
les  acclamations  des  quinze  mille  auditeurs  désintéressés  qui  se  pres- 
saient dimanche  dernier  au  concert  de  la  Société  zoologique,  dirigé 
par  MM.  Singelée  et  L.  Sacré. 

On  nous  assure  que  MM.  Hollebecke  et  Robyns  n'ont  pas  obtenu 
une  moindre  réussite,  le  jour  suivant,  en  présence  de  plusieurs  artistes 
et  amateurs  distingués,  des  principaux  professeurs  du  Conservatoire 
et  de  leur  illustre  chef  M.  Fétis  ;  pour  être  moins  bruyante  que  celle 
du  jardin  zoologique,  cette  ovation  à  huis  clos  sera  certainement 
tout  aussi  agréable  à  M.  Sax.  Ni  la  valeur,  ni  le  nombre  des  suf- 
frages, rien  n'aura  manqué  à  l'ingénieux  inventeur. 


CORRESPONDANCE. 


Londres,  2i  juillet. 


La  saison  touche  à  sa  fin,  et  l'on  s'éton.Tait  que  les  Huguenots,  cette 
œuvre  capitale  du  répertoire,  cet  ouvrage  en  même  temps  si  grandiose, 
et  si  populaire,  n'eût  pas  encore  paru  cet  été  à  Covent-Garden.  C'est 
que  M.  Gye  nous  réservait  une  surprise,  et  une  agréable  surprise,  en 
effet,  quand  samedi  dernier,  nous  avons  pu  lire  pour  la  première  fois 
de  l'année  ,  sur  l'atEclie ,  l'annonce  des  Huguenots  ,  accompagnée  de 
cette  autre  annonce  en  petits  caractères,  «  pour  les  premiers  débuts  à 
Londres  de  Mlle  Pauline  Lucca.  »  Il  y  avait  bien  quelques  initiés  qui  sa- 
vaient que  Mlle  Lucca,  toute  jeune  qu'elle  est,  jouit  déjà  d'une  grande 
réputation  en  Allemagne,  qu'elle  est  en  possession  d'un  engagement 
superbe  à  l'Opéra  royal  de  Berlin,  et  que  c'est  à  elle  que  Gojnod  doit 
l'étonnant  succès  de  son  Faust  dans  la  capitale  de  la  Prusse;  mais  pour 
la  masse  du  public  c'était  une  inconnue.  Oui,  elle  l'était  hier  ;  mais  le 
miracle  a  eu  lieu,  et  son  nom  est  dans  toutes  les  bouches  aujourd'hui. 
Et  c'est  bien  un  miracle  pour  qui  sait  ce  qu'il  faut  de  patience,  de 
persévérance,  d'efforts  longs  et  constants  pour  réussir  et  pour  se  faire 
adopter  à  Londres;  pour  qui  sait  que  les  plus  grands  artistes,  les  Grisi, 
les  Malibran,  les  Lablache,  ont  dû  passer  par  là!  Une  seule  exception  h. 
cette  règle  avait  eu  lieu  jusqu'à  présent  duns  les  fastes  du  théâtre  de 
Londres,  c'était  lors  de  l'apparition  de  la  Patti.  Elle  aussi,  l'inconnue 
d'hier,  était  célèbre  le  lendemain.  11  y  a  du  reste  plus  d'un  rapproche- 
ment ù.  faire  entre  Jllle  Lucca  et  Mlle  Patti,  bien  que  le  genre  de  ta- 
lent des  deux  artistes  soit  tout  différent.  Mais  de  même  que  Mlle  Patti, 
Mlle  Lucca  est  très -jeune,  très-petite  de  taille  et  très-brune  de 
complexion;  un  éclat  étrange  brille  dans  ses  yeux;  comme  chez 
Aille  Patti,  il  y  a  une  spontanéité  d'impression  qui  subjugue  et 
qui  échappe  à  l'analyse.  En  voyant  Jllle  Lucca,  on  se  demande  si  c'est 
bien  cette  petite  fille  qui  a  joué  ce  rôle  de  Valentine,  le  plus  grand, 
le  plus  beau,  le  plus  fortement  dramatique  qui  ait  jamais  été  conçu, 
écrit  pour  la  scène  lyrique,  et  dans  lequel  les  Grisi,  les  Cruvelli,  les 
Viardot  ont  laissé  d'ineffaçables  souvenii's  sur  la  scène  de  Covent-Gar- 
den, dans  lequel  enfin  Mlle  Titjens,  à  la  taille  majestueuse,  brille  encore 
à  l'heure  qu'il  est  à  lier  Majesty's  Théâtre  ;  et  involontairement  on  se 
rappelle  ce  qu'on  disait  de  Garrick;  .1  qu'il  était  petit,  mais  qu'il  avait 
six  pieds  lorsqu'il  représentait  un  des  héros  de  Shakspeare.   » 


Le  rôle  de  Valentine  ne  commence  réellement  qu'au  troisième  acte 
(ici  le  deuxième);  mais  dès  l'apparition  de  cette  petite  personne  sur  le 
grand  escalier  du  château  de  Chenonceaux,  la  sympathie  lui  était  ac- 
quise :  sa  jolie  figure  prévenait  en  sa  faveur,  en  même  temps  que  sa 
démarche  dégagée  rassurait  complètement  sur  son  compte.  D'ailleurs 
si  Mlle  Li.cca  eût  pu  conserver  encore  la  moindre  peur  (ce  qu'on  ne 
pouvait  du  reste  soupçonner)  en  paraissant  pour  la  première  fois  sur 
une  scène  étrangère,  pour  y  chanter  dans  une  langue  également  étran- 
gère, cette  peur  a  dû  complètement  disparaître  après  les  applaudisse- 
ments qui  ont  couvert  sa  voix  pendant  son  duo  avec  Marcel,  et  devant 
le  rappel  enthousiaste  qui  suivit  imméJiatement  cet  émouvant  mor- 
ceau. Après  le  duo  sublime  avec  Raoul,  le  double  rappel  ,  les  ap- 
plaudissements ont  éclaté  si  spontinément  et  avec  une  telle  unani- 
mité que  toute  incertitude  avait  cessé  sur  l'impression  extraordinaire 
produite  par  la  jeune  artiste  .  Inutile  d'ajouter  qu'après  la  chute  du 
rideau  les  applaudissements  et  les  rappels  ont  redoublé.  C'est  donc 
un  succès  aussi  grand  qu'inattendu,  et  c'est  un  nouveau  coup  de  for- 
tune pour  M.  Gye.  La  voix  de  Mlle  Lucca  est  un  vrai  soprano,  à  peu 
près  de  la  même  étendue  que  celui  de  Mlle  Cruvelli;  elle  donne  et 
soutient  sans  broncher  !'»(  dans  le  duo  avec  Marcel.  Ce  n'est  pourtant 
pas  une  voix  d'un  grand  volume,  mais  elle  est  pénétrante,  fraîche  et 
égale  dans  tous  ses  registres.  Mlle  Lucca,  qui  est  très  jeune,  a  un  bel 
avenir  devant  elle;  elle  a  la  voix,  l'énergie;  elle  a  au  plus  haut  degré 
l'intelligence  dramatique,  et  avec  cela  une  certaine  crânerie  qui  lui 
sied  fort  bien  ;  elle  porte  sur  le  front  la  marque  divine  des  grandes  vo- 
cations. 

Les  autres  rôles  de  l'œuvre  immortelle  de  Meyerbeer  étaient  remplis 
par  Formés  (Marcel),  qui,  si  sa  voix  n'est  plus  ce  qu'elle  a  été,  n'atteint 
pas  moins,  quant  à  la  conception  du  rôle,  un  idéal  qu'il  serait  difficile 
de  surpasser  ;  par  Faure,  le  plus  dramatique,  le  plus  artistique,  le  plus 
complet  des  Saint-Bris  qui  ait  probablement  jamais  paru  sur  aucune 
scène;  enfin  par  Mario,  si  noble,  si  sympathique  dans  le  rôle  de  Raoul, 
malgré  les  défaillances  de  sa  voix.  Mme  Didiée,  heureuse  d'endosser  cette 
fois  encore  le  costume  de  page,  était  ravissante,  et  ses  deux  airs  (vous 
ne  connaissez  pas  à  Paris  le  second,  qui  est  un  chef-d'œuvre  de  grâce) 
ont  été  couverts  d'applaudissements.  J'ai  gardé  pour  la  fin  Mlle  Battu, 
qui  est  admirable,  parce  qu'elle  est  là  dans  son  véritable  élément  de  chan- 
teuse légère,  dans  le  rôle  coquet  de  la  reine  de  Navarre.  N'oublions 
pas  non  plus  Tagliaflco,  irréprochable  dans  le  rôle  de  Nevers. 

La  reprise  d'Oôeron  à  fier  M.ajesty's  Théâtre  a  été  extrêmement  bril- 
lante. Imaginez-voud  une  distribution  comme  celle-ci  :  Mlle  Titjens  qui 
atteint  la  perfection  dans  le  rôle  de  Rezia,  Mme  Alboni  dans  le  rôle  de 
Katma,  Mîle  Trebelli,  Puck  ;  M.  Bettini,  Santley,  et  enfin  Sims  Reeves, 
expressément  engagé,  et  à  grands  frais,  pour  jouer  le  rôle  de  sire 
Huon  de  Bordeaux.  Ces  noms  ne  disent-ils  pas  d'eux-mêmes  toutes  les 
louanges  qu'on  pourrait  y  ajouter?  Mais  les  plus  grands  éloges  appar- 
tiennent à  M.  Benedict,  auquel  on  doit  l'arrangement  de  la  partition, 
arrangement  rendu  indispensable  pour  une  scène  italienne  qui  n'admet 
pas  le  dialogue  parlé.  M.  Benedict  est  l'élève  de  Weber,  et  il  a  accompli 
un  travail  de  maître. 

Je  vous  entretiendrai  dans  ma  prochaine  lettre  de  deux  nouvelles 
créations  de  l'inimitable  Adelina  Patti,  VEiisire  rf'oHîore,  qu'elle  vient  de 
jouer,  et  la  Fille  du  régiment,  qu'elle  doit  jouer  la  semaine  prochaine, 
ainsi  que  de  quelques  autres  jouissances  et  amertumes  musicales  qui 
abondent  en  ce  moment. 

B.  S. 

P.  S.  —  La  deuxième  représentation  de  Mlle  Lucca  a  eu  lieu  hier 
soir  dans  ce  même  rôle  de  Valentine  de  l'œuvre  éblouissante  des 
Huguenots.  Le  salle  élait  pleine  jusqu'aux  combles,  le  succès  étourdis- 
sant. En  vérité,  je  vous  le  dis,  une  étoile  nouvelle  s'est  levée  parmi 
nous. 


NOUVELLES. 

„*„,  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  trois  fois  cette  semaine  tes 
Vêpres  siciliennes.  Nous  rendons  compte  de  la  première  soirée.  Villaret 
s'est  de  plus  en  plus  familiarisé  avec  le  rôle  d'Henri,  et  il  l'a  chanté  avec 
beaucoup  plus  d'assurance  vendredi.  Le  succès  de  Mlle  Sax  s'accroît  à 
chaque  représentation.  Celui  d'Obin  dans  Procida  est  fait  depuis  long- 
temps. 

i,*^  Deux  reprises  importantes  paraissent  décidées  â  l'Opéra;  ce  sont 
celles  de  Mmse  et  du  Dieu  et  la  Bayadère. 

,j*,t  A  l'avant  dernière  répétition  à  l'orchestre  des  Vêpres  siciliennes, 
Verci  ayant  cj'u  remarquer  du  mauvais  vouloir  dans  une  partie  de 
l'orchestre,  s'en  plaignit  vivement  à  M.  Dietsch.  La  réponse  de  celui-ci 
ne  lui  ayant  pas  paru  satisfaisante,  il  prit  son  chapeau  et  se  relira. 
A  la  suite  de  cet  incident,  une  lettre  du  ministre  a  informé  M.  Dietscl), 
chef  d'orchestre  provisoire,  qu'il  était  admis  à  faire  valoir  ses  droits  à 


238 


REVLE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


la  retraite,  et  il.  Georges  Ilainl,  chef  d'orchestre  du  théâtre  de  Lyon, 
a  été  appelé  à  le  remplacer.  M.  Ilainl  est  entré  en  fonction  vendredi  et 
a  dirigé  la  troisième  représentation  des  Vêpres  siciliennes. 

^*»  A  la  suite  de  l'incident  qui  a  eu  lieu  jeudi  i  la  répétition  des 
Vêpres  siciliennes.  Verdi  n'a  point  reparu  à  l'Opéra.  Le  célèbre  maestro 
a  quitté  Paris  et  s'est  rendu  à  Bussetto. 

■i.*t  Nous  apprenons  que  M.  Georges  Hainl,  qui  a  été  pré.senté  jeudi 
aux  musiciens  de  l'orchestre  de  l'Opéra,  auxquels  il  a  exprimé  en  termes 
fort  convenables  sa  satisfaction  de  se  retrouver  au  milieu  d'anciens  ca- 
marades pour  la  plupart,  et  d'être  appelé  à  l'honneur  de  les  diriger, 
a  été  fort  bien  accueilli.  M.  Hainl  a  du  reste  fait  ses  preuves.  Ancien 
premier  prix  du  Conservatoire,  violoncelliste  des  plus  éminents,  com- 
positeur distingué,  il  a  dirigé  pendant  longues  années  l'orchestre  du  grand 
théâtre  de  Lyon  avec  un  talent  et  une  autorité  iuconteslables.  Disons 
tout  de  suite  qu'en  prenant  possession  du  pupitre  M.  Hain!  a  justifié 
peinement  la  bonne  opinion  qu'on  avait  conçue  de  lui.  Les  musiciens  qui 
composent  l'orchestre  sont  des  hommes  distingués,  et  tous  des  artistes  de 
premier  mérite  ;  ils  ont  tenu  à  honneur  de  prêter  un  concours  cons- 
ciencieux il  leur  nouveau  chef,  dont  ils  connaissaient  aussi  la  valeur  ; 
aussi  une  salve  prolongée  d'applaudissenienls  a-t-elle  accueilli  l'ouver- 
ture des  Vêpres,  admirablement  rendue,  et  dans  tout  le  cours  de  l'opéra, 
on  a  pu  remarquer  l'ensemble  qui  n'a  cessé  de  régner  dans  l'exécution 
et  le  soin  tout  particulier  avec  lequel  les  nuances  ont  été  observées. 
M.  Ilainl  sait  les  partitions  par  cœur;  son  oreille  est  partout  ;  son  œil 
ne  quitte  pas  les  chanteurs,  et  tous  les  exécutants  se  sentent  en  con- 
fiance avec  lui.  Nous  croyons  qu'il  eût  été  difficile  de  faire  un  meilleur 
_  choix. 

^,*t  M.  Emile  Perrin  vient  de  choisir  M.  Léon  Gastinel  pour  composer 
la  musique  delà  cantate  qui  se  chante  annuellement  à  la  représentation 
extraordinaire  donnée  au  théâtre  impérial  de  l'Opéra  le  1.5  août,  à 
l'occasion  de  la  fête  de  S.  M.  l'Empereur.  Les  parole's  sont  de  M.  Edouard 
Fournier. 

^*^.  Le  succès  des  Bourguignonnes,  de  MM.  Meilhac  et  Deffès,  s'est  plei- 
nement confirmé  aux  représentations  suivantes  :  cette  pièce  avec  la 
Fausse  magie  constitue  un  spectacle  des  plus  attrayants. 

,i,*:i,  C'est  daus  le  Caïd  que  doit  débuter  incessamment  M.  Eugène  Bat- 
taille,  la  nouvelle  basse  engagée  par  la  direction  du  théâtre  de  l'Opéra- 
Comique.  Il  chantera  le  rôle  du  tambour-major,  et  Mlle  Girard  celui  de 
Virginie. 

^"'g,  M.  Auber  est  en  train  de  terminer  sa  partition  de  la  Fiancée  du 
roi  de  Garbe.Seloa  toutes  apparences,  cet  opéra,  qui  va  entrer  en  rér 
pétitions,  ouvrira  la  saison  d'hiver. 

,*,!,  Une  ordonnance  rendue  par  M.  Benoit-Champy,  président  du  tri- 
bunal civil,  vient  de  nommer  M.  Saint  Salvi  séquestre  judiciaire  de  la 
salle  Ventadour  et  l'a  autorisé  à  en  prendre  possession  provisoire.  Cette 
décision  vapermettre  i  M.  Saint-Salvi  dépasser  un  bail  avec  M.  Bagierpour 
la  location  de  ce  théâtre,  ce  qui  n'avait  pu  être  accompli  jusqu'à  présent. 
Le  nouveau  directeur  voulait  avoir  Bottesini  pour  chef  d'orchestre,  mais  il 
a  été  devancé  par  Verger  qui  a  engagé  le  célèbre  artiste  pour  le  théâtre  du 
Lycée  à  Barcelone.  —  Zucchini  est  à  Jlilnn,  et  il  vient  d'être  engagé 
pour  la  prochaine  saison  du  cai'uaval  au  théâtre  Argentina  à  Home. 
Le  public  du  théâtre  Italien  regrettera  cet  excellent  bouffe  qui  sera  dif- 
ficilement remplacé.  —  M.  Bagier  a  engagé  une  première  basse,  Anto- 
nucci,  qui  a  fait  brillamment  trois  saisons  à  Lisbonne. 

^'"^  Le  litige  existant  entre  Mme  Penco  et  l'ancienne  direction  du 
théâtre  Italien  paraît  s'être  aplani,  car  on  annonce  comme  certain 
l'engagement  de  la  célèbre  cantatrice  au  théâtre  San-Carlo  à  Naples. 

***  La  direction  du  Théâtre-Lyrique  fonde  de  grandes  espérances  sur 
les  Troyeiis.  Rien  ne  sera  épargné  pour  donner  à  cet  opéra  ,  dont  les 
répétitions  sont  commencées,  toute  la  splendeur  possible. 

^,*«  On  annonce  pour  le  1"  septembre  la  réouverture  du  Théâtre- 
Lyrique  par  les  Noces  de  Figaro.  Mme  Carvalho  conserverait  son  rôle 
du  page,  Mme  Ugalde  prendrait  celui  de  Suzanne,  et  le  rôle  de  la  com- 
tesse serait  interpiété  par  Mlle  Maria  Brunetti,  qui  ensuite  se  rendra  à 
Milan,  où  elle  est  engagée  au  théâtre  de  la  Scala  pour  les  saisons  du 
carnaval  et  du  carême. 

^.*,i,  On  annonce  comme  prochain  le  mariage  de  M.  Michel  Carré 
avec  Wlle  Berthe  Baretti,  sœur  de  l'arliste  du  théâtre  de  l'Opéra-Co- 
mique. 

:t*,,  M.  C.aetano  Gaspari,  compositeur  de  musique  sacrée,  maître  de 
chapelle  de  la  célèbre  basilique  San-Petronio  de  Bologne,  bibliothécaire 
du  Conservatoire  de  la  même  ville,  fonctions  qu'a  occupées  le  savant 
père  Martini,  vient  d'être  nommé  membre  correspondant  étranger  de 
l'Académie  des  beaux-arts  de  l'Institut  de  I-'ranco. 

***  Deux  artistes  italiens,  M.  et  Mme  Murri,  victimes  de  la  mauvaise 
administration  du  directeur   qui   les  avait   engagés,   annoncent  pour  le 


5  août,  dans  la  salle  Beethoven,  un  grand  concert  qu'ils  donneront 
avec  le  concours  des  artistes  les  plus  distingués  résidant  à  Paris 
en  ce  moment,  Le  produit  en  est  destiné  à  les  tirer  de  l'embarras 
où  ils  se  trouvent.  M.  et  Mme  Murri  sont  tout  à  fait  dignes  d'intérêt,  et 
l'appel  qu'ils  font  aux  amateurs  de  musique,  et  surtout  à  leurs  compa- 
triotes, sera  certainement  entendu. 

^*^  Rossini  vient  d'achever  une  grande  messe  avec  chœurs  et  or- 
chestre. Malheureusement  cette  nouvelle  œuvre,  comme  la  plupart  de 
celles  que  l'illustre  maître  a  écrites  à  Paris,  n'est  pas  destinée  h  voirie 
jour.  Rossini  l'a  refusée  aux  pressantes  sollicitations  du  baron  Taylor, 
qui  lui  demandait  l'autorisation  de  la  faire  exécuter  au  profit  de  l'as- 
sociation des  artistes  musiciens. 

s,*;s  Sivori  est  parti  pour  l'Italie. 

^*^  Dimanche  dernier  a  eu  lieu  au  château  de  Maisons-Laffite  une 
matinée  musicale  organisée  pour  aider  à  la  construction  de  l'église. 
L'assistance  était  aussi  nombreuse  que  brillante.  11  ne  s'agissait  pas  de 
moins  que  d'un  magnifique  programme  exécuté  par  Mme  la  baronne 
Caters,  Mmes  de  Méric  Lablache,  Napoléon  Uossi,  Agnesi,  Nicolini,  le 
violoniste  Sarasate,  et  de  Un  caprice  joué  par  Mmes  Augustine  Brohan  et 
E.  Fleury.  Aussi  la  fête  a-t-elle  été  fructueuse;  car  outre  la  grosse 
recette  provenant  du  placement  des  billets,  une  quête  faite  par 
Mmes  de  Caters  et  de  Méric  a  produit  près  de  1,500  francs. 

^*^  Richard  Wagner  a  été  victime  d'un  vol.  On  lui  a  enlevé  une 
riclie  tabatière  dont  on  lui  avait  fait  présenta  Saint-Pétersbourg;  quant 
aux  manuscrits  de  Tristan  et  des  Nibelungen,  les  voleurs  n'y  ont  pas 
touché. 

jg*jf  La  Société  chorale  du  Conservatoire  impérial  de  musique  exé- 
cutera, le  dimanche  2  août  1863,  à  10  heures  très-précises,  dans  Té- 
glise  Saint-Eustache,  la  messe  à  trois  voix  égales  de  M.  François  Bazin. 
Les  soli  seront  chantés  par  MM.  Barbet,  Fontange  et  Chevalier.  M.  IIu- 
rand,  maître  de  chapelle  de  la  paroisse,  dirigera  l'exécution.  M.  Edouard 
Batiste,  professeur  au  Conservatoire,  directeur  de  la  Société,  tiendra  le 
grand  orgue. 

^,*„  La  fête  de  chant  qui  a  eu  lieu  récemment  à  OEdenbourg  avait 
attiré  une  grande  afiiuence.  Les  sociétés  allemandes  ont  reçu  à  la  gare 
du  chemin  de  fer  un  accueil  des  plus  cordial.  On  a  chanté  cinq  chœurs 
en  hongrois  et  neuf  en  langue  allemande.  Parmi  ces  derniers  on  a  sur- 
tout applaudi  Loreley  et  Vineta.  Au  banquet,  le  premier  toast  a  été  porté 
à  l'empereur  François-Joseph. 

**^  Le  pianiste-compositeur  G.  Perrelli  est  de  retour  à  Paris  ;  il  ar- 
rive de  Bade,  où  il  s'est  fait  entendre  dans  les  concerts  des  9  et  14  de 
ce  mois.  Le  succès  de  l'éminent  virtuose  a  été  complet  ;  ses  fantaisies 
sur  le  Trovatore,  la  Fille  du  régiment  et  son  Capricio  alla  mazurka,  lui 
ont  valu  les  plus  chaleureux  applaudissements  de  même  que  plusieurs 
rappels. 

:,*,(  Il  résulte  du  rapport  de  la  Société  des  auteurs,  compositeurs  et 
éditeurs  de  musique,  pour  l'année  1862,  que  la  Société  est  en  notable 
progrès.  Le  nombre  de  ses  membres  est  aujourd'hui  de  neuf  cent  soi- 
xante-seize. Les  recettes  se  sont  élevées,  pour  l'exercice  1862-1863,  à 
148,830  fr.  12  c,  tandis  que  l'exercice  1860-1861  n'avait  produit  que 
11b,43A  fr.  67  c,  et  celui  de  1861-1862,  120,455  fr.  12  c.  On  voit  que 
la  progression  est  importante,  et  il  en  faut  féliciter  l'administration. 

^*;i,  Par  les  soins  de  M.  Camille  Doucet,  directeur  de  l'administration 
des  théâtres  au  ministère  de  la  maison  de  l'Empereur,  et  qui  a  fait  par- 
tie de  la  commission  instituée  pour  préparer  la  loi  relative  à  la  pro- 
priété littéraire,  un  volume  in-4"  contenant  les  rapports  â  l'Empereur, 
les  décrets,  procès-verbaux  et  autres  documents  concernant  cette  loii 
vient  d'être  distribué  aux  notabilités  commerciales  et  industrielles 
qu'elle  intéresse  plus  particulièrement. 

,1,'*^,  On  écrit  de  Rome  :  «  Franz  Liszt  habite  depuis  quelque  temps 
plusieurs  pièces  dans  l'ancien  couvent  des  Dominicains,  près  de  l'église 
du  St-Rosaire,  au  Moute-Pincio.  Ces  jours  derniers,  le  Saint-Père,  accom- 
pagné seulement  du  cardinal  de  Mérode,  d'un  camérier  et  de  quelques 
gardes  nobles,  est  venu  surprendre  le  célèbre  pianiste-compositeur  dans 
sa  solitude.  F.  Liszt  joua  deux  compositions  en  présence  du  pape,  l'une 
sur  l'harmonium,  l'autre  sur  le  piano.  Quand  il  eut  terminé,  Pie  IX  le 
remercia  de  la  manière  la  plus  gracieuse ,  et  lui  dit  :  «  Vous  avez 
un  beau  talent;  il  vous  est  donné  de  faire  retentir  à  nos  oreilles  le 
chant  des  sphères  célestes;  mais  les  plus  sublimes  harmonies,  nous  les 
entendrons  un  jour  là-haut.  » 

,t*»  Le  corps  de  musique  du  régiment  d'infanterie  autrichienne  ba- 
ron "Wernbarclt,  a  été  engagé  pour  une  série  de  sept  concerts  au  palais 
de  Cristal,  ù  Londres. 

s,*i,  La  Société  des  concerts,  fondée  h  Saint-Pétesbotrg  sous  la  direc- 
tion d'Ant.  r.ubinstein,  a  donné,  la  saison  dernière,  des  concerts  fort 
intéressants  dont  les  pi-ogrammes  offraient  un  choix  très  varié  de  mu- 
sique classique,  ancienne  et  moderne.  Us  ont  été  fort  suivis.  Le  Conser- 


HE  PARSS. 


2S.9 


vatoire,  à  la  tète  duquel  le  même  Rubinstein  est  placé,  s'est  ouvert 
le  S  septembre  1862.  Le  nombre  des  élèves  des  deux  sexes  admis  dans 
l'année  a  été  de  cent  soixante-quinze,  comprenant  des  personnes  d'âges 
ditrérenis  et  de  toutes  les  classes  de  la  société  sans  exception.  L'ensei- 
gnement des  élèves  se  compose  de  tout  ce  qui  tient  à  l'art  musical,  et 
ceux  qui  le  désirent,  reçoivent  en  outre,  en  russe,  en  allemand  ou  en 
italien,  une  instruction  complète  sur  la  littérature,  l'histoire,  la  géo- 
grapliie,  les  mathématiques,  la  religion,  la  calligraphie  et  la  copie  de  la 
musique.  Les  élèves  payent  100  roubles  de  pension  par  an  (environ  iOO  fr.), 
en  deux  termes,  de  six  mois  en  six  mois.  Us  sont  libres  de  quitter  le 
Conservatoire  après  six  mois,  s'ils  le  désirent.  Il  n'a  pu  y  avoir  d'exa- 
men public  cette  année,  mais  l'examen  privé  qui  a  eu  lieu  fait  on  ne 
peut  mieux  augurer  de  l'avenir. 

„*,t  Tout  ce  qui  reste  à  Paris  de  monde  distingué  prend  tous  les  soirs 
le  concert  des  Champs-Elysées  pour  but  de  promenade.  Plusieurs  nou- 
veautés intéressantes  y  ont  été  exécutées  par  l'orchestre  d'Arban  :  une 
symphonie  héroïque  de  iM.  Meyqui  renferme  de  très-bonnes  choses  ;  une 
marcbe  irlandaise  de  Léopold  Dancla,  remarquable  par  un  motif  ori- 
ginal exécuté  par  la  clarinette-basse,  le  fameux  duo  de  Guillaume  Tell, 
de  Demerssmann ,  exécuté  sur  le  saxhorn  -  basse  et  le  trombone 
d'Ad.  Sax,  par  M.M.  Robyns  et  Hollebeke;  enfin  la  Ronde  du  Brésilien, 
d'OCfenbach,  la  polka  la  plus  chantante,  la  plus  dansante  qu'on  ait  en- 
tendue depuis  longtemps. 

^*^  Aujourd'hui  dimanche,  au  Pré  Catelan,  grande  fête  musicale,  dans 
laquelle  llusard  fera  exécuter  les  oeuvres  de  deux  jeunes  compositeurs. 
Outre  les  variations  sur  la  flûte  jouées  par  M.  Taffanel,  M.  Danbé 
exécutera  le  solo  de  violon  de  Nelhj,  gracieuse  valse  de  V.  Joncières  ; 
et  M.  Forestier,  le  solo  de  petite  flûte  du  Colibri,  brillante  polka  de 
M.  Sellenick. 

^*^  A  la  salle  Robin,  l'affluence  ne  diminue  pas  aux  séances  quoti- 
diennes de  physique,  d'électricité  et  de  prestidigitation.  La  supériorité 
avec  laquelle  M.  Robin  produit  l'apparition  des  spectres  impalpables, 
étonne  et  intéresse  vivement  le  public,  qui  trouve  dans  ces  soirées  un 
passe-temps  aussi  agréable  qu'instructif.. 

^"^  L'ancien  chanteur  du  théâtre  do  la  cour  à  Munich,  Bayer,  est 
mort  le  7  du  courant,  dans  sa  propriété  à  Grabenstadt;  il  était  âgé  de 
soixante-deux  ans.  Dans  son  temps,  Bayer  passait  pour  un  des  premiers 
ténors  de  l'Allemagne. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


^*^  Bade.  —  Les  représentations  d'opéra  suivent  leur  cours  ;  après 
celles  de  VEpreuve  villageoise,  du  Chalet  et  du  Pré  au  clercs,  nous  allons 
avoir,  le  24,  la  première  représentation  de  la  Fille  de  ïorféorc,  opéra 
(inédit)  en  un  acte,  de  MM.  Ed.  Poussier  et  Leroy,  musique  de  M.  Mem- 
brée,  d'après  la  ballade  d'Uhland,  le  Maître  de  chapelle,  et  pour  le  27,  le 
Comte  Onj  :  le  tout  en  attendant  l'opéra  de  Litolff.  Si  nous  en  croyons 
les  bruits  de  coulisses  qui  suivent  les  répétitions  partielles,  le  Chevalier 
Nahel  renferme  des  morceaux  d'une  grande  originalité  et  tout  à  fait 
appropriés  à  la  couleur  du  sujet,  qui  est  une  fois  encore  la  lutte  de 
l'esprit  du  mal  contre  l'esprit  du  bien,  et  dont  une  âme  est  l'enjeu. 
Ici,  c'est  Satan  prêtant  son  aide  au  chevalier  pour  perdre  une  chanteuse 
bohémienne  que  protège  sainte  Cécile.  Cette  première  œuvre  lyrique 
de   Litolff  doit   être  jouée  dans  les  premiers  jours  de  septembre. 

„,*,  Wiesbudcn.  —  Le  10  juillet  l'administration  du  Kursaal  a  donné 
son  troisième  concert.  Le  célèbre  baryton  Stockhausen  y  a  chanté  des 
Lieder  de  Schumann  ;  le  maitre  de  concerts  David,  de  Leipzig,  s'est  fait 
entendre  sur  le  violon  ;  Mlle  Molnar,  de  l'Opéra  de  Darmstadt,  a  chanté 
le  grand  air  d'Ernani;  en  outre,  nous  avons  eu  occasion  d'apprécier 
pour  la  première  fois  le  talent  de  l'émineat  pianiste  Bendel,  de  Prague, 
et  de  l'habile  virtuose  sur  la  guitarre,  Sokolowski,  également  de  Pra- 
gue. —  Le  17,  M.  Pallat,  pianiste  à  Wiesbaden,  a  donné  un  concert 
dans  lequel  ont  successivement  paru  plusieurs  notabilités  musicales: 
le  ténor  VVachtel  ;  le  baryton  W.  l'ormès,  du  théâtre  de  Hambourg;  le 
maître  de  concerts  Baldenecker;  Grasmann,  virtuose  sur  le  zither; 
Lux,  maitre  de  chapelle  à  iMayence;  et,  enfin.  Kellermann,  violoncel- 
liste de  Copenhague.  Kellerman  a  exécuté  VAoe  Maria  et  la  Romanesca, 
de  Schuljert,  avec  un  immense  succès.  La  Romanesca  lui  a  été  rede- 
mandée au  milieu  des  acclamations  et  des  applaudissements. 

,f**  Ems.  —  A  la  suite  du  brillant  succès  obtenu  par  Ofl^enbach  avec 
Il  signor  Fagotto,  quelques  amis  complimentaient  le  maestro  sur  sa 
merveilleuse  facilité;  l'un  d'eux  parla  qu'Ofl"enbach  était  homme  à  écrire 
en  une  semaine  la  musique  d'une  opérette  dont  il  se  faisait  fort  de  li- 
vrer le  poème  immédiatement;  après  quelques  objections  le  pari  fut 
tenu,  etilnous  a  valu.à  jour  dit,  la  j'eprésentation  de  Liesehcn  et  Frilz- 
chen,  paroles  de  M.  P.  Dubois.  C'est  une  pochade  des  mieux  réussies  et 
dans  laquelle  Offenbach  a  prodigué  l'inspiration  et  la  mélodie;  elle  mé- 


rite qu'on  y  revienne.  Elle  était  précédée  d'une  petite  pièce  nouvelle 
de  M.  Ch.  Narrey  :  Quand  on  a  ses  nerfs,  qui  est  pleine  d'esprit  et  qu'on 
a  chaleureusement  applaudie.  —  Samedi,  nous  aurons  la  deuxième  re- 
présentation à'Il  signor  Fngolto,  reculée  sur  la  demande  d'une  auguste 
princesse,  qui  désirait  voir  les  Rendez-vous  bourgeois,  et  la  première  de 
Une  chaîne  de  peurs,  comédie  de  M.  Aurélien  Scholl.—  Nous  avions  ces  jours 
derniers  à  Ems  M.  Treuman,  le  directeur  du  théâtre  de  Vienne  portant 
son  nom,  et  qui  est  devenu  la  proie  des  flammes.  On  sait  que  M.  Treu- 
man a  loué  pour  quinze  ans  le  Cari  Thea'.cr.  Or  nous  apprenons  que 
venu  exprès  à  Ems  pour  assister  à  la  première  représentation  d'/(  signor 
Fagotto,  JL  Treuman  s'était  empressé  de  traiter  avec  Offenbach,  afin 
que  son  nouvel  ouvrage  fit  partie  de  ceux  qu'il  donnera  pour  la 
réouverture  de  son  théâtre,  annoncée  pour  lë  15  août. 

,5*,^  Berlin.  —  Le  Liederkranz  a  offert  à  son  d'recteur  Dasse,  avan- 
tageusement connu  par  ses  compositions,  un  bâton  de  mesure  du  meil- 
leur goût,  avec  cette  inscription:  «  Le  Liederkranz  à  M.  Daase,  11 
juillet  1863.  »  —  Parmi  les  objets  ayant  appartenu  îi  Frédéric  le  Grand, 
qui  sont  exposés  en  ce  moment  dans  la  salle  des  concerts  du  Schaus- 
pielhaus,  on  remarque  un  Te  Deum  de  Graiin,  1757;  le  manuscrit  au- 
tographe des  compositions  du  roi  pour  la  flûte,  et  le  manuscrit  d'une 
fugue  â  six  voix  par  Bach. 

,*if  Neio-York.  —  L'opéra  allemand  a  joué  pendant  huit  mois  sous  la 
direction  de  M.  Anschutz.  11  a  donné  cent  trente  représentations  et 
vingt-sept  concerts  du  dimanche.  La  recette  totale  s'est  élevée  à  72,000 
dollars. 


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Halévy.  Le  Juif  errant,  légende. 

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Rossini.  Soirées  vmsicales,  la  pastourelle. 

Haendel.  Benaud. 

Stradella.  A ria  di  Chiesa. 

C  M.  de  'Weber.  Frcij.schiitz,  cavatine. 

F.  Schubert.  Ave  Maria,  mélodie. 


Auber.   Le  Domino  noir,  cantique. 
Schubert.   Les  Astres,  mélodie. 
Meyerbeer.  La  Fille  de  l'air,  ballade. 
liabarre.   V  Indienne  et  son  fils,  romance. 
Masset.  L'Orpheline,  romance. 
Mecalti.  L'Automne,  romance. 
F.  Schubert.   La  Jeune  Mère,  mélodie. 
Cherubiui.   Les  Deu.x  Journées,  romance. 
Dessauer.   Consolation  du  poète,  mélodie. 
Pauserou.  Montagnes  tranquilles. 
Duprez.  La  Vie  d'une  fleur,  pastorale. 
Cinti-Damoreau.  Le  Refrain  du  pâtre. 
liabarre.  L'Enfantelet,  romance. 
Eiabarre.  Dors,  mon  Jésus,  mélodie. 
liabarre.   La  Mèn,  romance. 
Lihuilller.  Mon  douxpays,  savoyarde. 
Herald.  Le  Pré  aux  Clercs,  romance. 
Adam.  La  petite  Chanteuse,  romance. 
Nicole.  Cendrillon    couplets. 
Dessauer.   La  Prière,  mélodie. 
ViTier.  L'Enfant  s'endort,  berceuse. 

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ItS.  Uossini.  Guillaume  Tell,  romance. 
44.  Blumenthal.  Le  Chemin  du  paradis. 
Û5.  Auber.  L'Enfant  prodigue, romance. 

46.  Blendelssohn.  Le  mois  de  mai,  mélodie. 

47.  Rossini.  Guillaume  Tell,  tyrolienne. 

48.  Panseron.  Kyrie. 

49.  Pauserou.  0  salutari^. 

50.  Auber.  La  Part  du  diable,  romance. 

51 .  Auber.  Le  Domino  noir,  chœur  de  nonnes. 

52.  Panneron.  Agnus. 

53.  Pauserou.  La  Veille  des  vacances,  nocturne 

de  demoiselles. 

54.  Carcassi.  L'heureux  temps,  à  deux  voix. 

55.  Pauserou.  Priez  avant  devons  coucher,noc- 

turne  à  deux  voix . 

56.  jUarcello.  Psaume. 
&7.  li'abbé  Clari.  Duetto. 

58.  Meyerbeer.  Les  Huguenots,  litanies  à  2  voix. 

59.  Pauserou.  A  toi  mon  seul  bonheur,  canti- 

que à  trois  voix . 

60.  Rossini.  La  Charité,  chœur. 


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Nos  abonnés  reçoivent,  avec  le  numéro  d'anjonrd'liai, 
un  morceau  de  piano  intitulé  Berceuse,  première 
œuvre  de  FERDINAND   SCDOEN. 


SOMMAIRE.  —  Conservatoire  impérial  de  musique  et  de  déclamation  :  concours 
publics,  par  Paul  Smith ,  —  La  Marseillaise,  lettres  de  M.  Fétls  père  et 
Rong^et    de   Lisle.   —   Floquet  (4'  article),   par    Arthur    Pongin.  — 

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CONSERVATOIRE  IISPËRIÂL  DE  MUSIQUE  ET  DE  DËGUMÂTION. 

Concours  publics. 

Fais  ce  que  dois,  advienne  que  pourra  :  telle  est  la  maxime  à 
l'usage  de  chacun  au  Conservatoire,  professeurs  et  élèves.  Qui  sait 
jamais  si,  sur  le  terrain  le  mieux  cultivé,  le  plus  propice,  la  moisson 
lèvera  aussi  riche  qu'on  l'espère?  Il  y  a  tant  d'orages  imprévus,  tant 
de  coups  de  vent  funestes  !  La  veille  des  concours,  le  jour  même,  on 
a  vu  plus  d'une  fois  s'évanouir  l'espérance  de  toute  une  année!  Et  il 
y  a  de  bravesi  gens  qui  s'en  vont  disant  avec  candeur  que  les  prix 
sont  donnés  d'avance!  Si  encore  ils  avaient  la  bonté  de  nous  com- 
muniquer leurs  listes,  ils  nous  épargneraient  des  surprises  qui  se  re- 
nouvellent périodiquement. 

Ce  ne  sont  pas  les  concours  de  harpe  ni  ceux  du  piano  qui  nous 
ont  procuré  la  somme  la  plus  haute  de  ces  émotions  inattendues. 
Les  choses  s'y  sont  passées  dans  l'ordre,  et  les  prévisions  raisonnables 
n'ont  pas  été  démenties.  Pour  la  harpe,  il  y  avait  quatre  concur- 
rentes, et  c'est  beaucoup,  lorsqu'on  songe  au  prix  élevé  de  l'ins- 
trument; mais  pourquoi  pas  un  seul  concurrent?  Les  orchestres 
auront  pourtant  besoin  de  se  recruter,  et  il  faudra  payer  les  harpistes 
au  pcidsdel'or.  C'est  peut-être  cela  qu'ils  attendent  pour  se  décider. 
Le  piano  comptait  onze  hommes  et  vingt-six  femmes  ;  le  morceau  de 
concours  était,  pour  les  uns,  le  finale  de  la  sonate  en  m«  dièse  mineur 
de  Beethoven  ;  pour  les  autres,  un  concerto  de  Ries,  dans  le  même 
ton.  En  Allemagne,  nous  a-t-on  rapporté,  un  pareil  choix  a  fait  rire 
les  forts  qui  n'estiment  que  les  difficultés.  —  Que  sert  de  s'attarder, 
disaient-ils,  à  des  œuvres  si  faciles  qu'aujourd'hui  les  enfants  les 
jouent  par-dessous  jambe?  —  Oui,  c'est  vrai,  les  enfants  les  jouent, 
mais  comment?  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  nous  avons  entendu 
des  virtuoses  les  jouer  fort  mal.  L'enseignement  n'est  pas  obligé  de 
suivre  dans  leurs  audaces,  dans  leurs  excentricités,  les  compositeurs 
de  l'époque  :  de  même  tous  ceux   qui  voyagent  en  Suisse  ne  sont 


nullement  forcés  d'escalader  les  cimes  du  mont  Blanc.  L'enseigne- 
ment ne  sort  pas  du  cercle  classique.  Pour  le  violon  il  s'en  tient  à 
Viotti,  Rode,  Kreutzer,  Bail  lot,  et  ne  va  pas  jusqu'à  Paganini.  Pour 
le  piano,  il  en  reste  à  Hummel,  Moschelès,  Field,  Hiller,  Chopin,  et 
s'arrête  devant  Liszt.  Le  classique  s'enseigne,  tandis  que  la  fantaisie 
se  devine,  autant  que  le  permettent  l'instinct  et  le  goût  de  celui  qui 
s'aventure  dans  ses  parages. 

De  tous  les  concurrents  choisis  dans  les  classes  de  Marmontel  et 
deMathias,  un  seul,  élève  du  premier  de  ces  professeurs,  M.Delahaye, 
a  su  rendre  le  finale  de  Beethoven  en  musicien  consommé,  jouant  de 
l'intelligence  autant  que  des  doigts,  soutenant  sans  faiblir,  sans  er- 
rer, le  sens  de  l'œuvre.  Ses  émules  ont  montré  des  qualités  sans 
doute,  mais  ils  ont  été,  pour  la  plupart,  incertains,  vacillants,  tantôt 
pressant,  tantôt  ralentissant  hors  de  propos,  pour  faire  de  l'expres- 
sion et  tombant  dans  la  manière.  Les  concurrentes,  qui  avaient  à 
exécuter  le  concerto  de  Ries,  sortaient  de  quatre  classes  différentes, 
tenues  par  M.  Henri  Herz  et  M.  Lecouppey,  Mme  Farrenc  et  Mme  Co- 
che. En  général,  il  y  a  plus  d'égalité  dans  le  jeu  des  élèves  de  ce 
sexe,  plus  de  soin,  de  finesse  et  d'élégance.  La  classe  -de  M.  Le- 
couppey, qui  a  obtenu  le  plus  de  nomipations,  se  distingue  surtout 
par  une  minutieuse  étude  des  détails  ;  c'est  le  mérite  particulier  de 
Mlles  Jeanne  Cellier  et  Lévy.  Dans  les  autres  classes,  deux  élèves 
de  Mme  Coche  ont  remporté,  l'une  un  premier  prix,  et  l'autre  un 
second  ;  Mlle  Deshays-Meifred  s'est  fait  remarquer  par  une  correction 
sévère,  et  Mlle  Paul  Gayrard,  fille  du  sculpteur  si  prématurément 
enlevé,  par  sa  fermeté  mâle  et  sa  lecture  habile. 

Les  concours  de  violoncelle  et  de  violon ,  sans  promettre  une 
grande  quantité  de  solistes  hors  ligne,  ont  mis  en  lumière  d'excel- 
lents sujets  qui  tiennent  ou  tiendront  honorablement  leur  place. 
M.  Colonne,  qui  a  obtenu  l'un  des  deux  premiers  prix  de  violon,  a 
déjà  vingt-cinq  ans  et  figure  dans  nos  meilleurs  orchesires  ;  son  jeu 
a  de  l'ampleur,  de  la  pureté,  de  la  noblesse  :  c'est  un  talent  presque 
accompli.  M.  Desjardins,  qui  a  remporté  le  second  premier  prix,  n'a 
que  seize  ans  et  peut  grandir  encore.  Moins  large  et  moins  élevé  que 
celui  de  M.  Colonne,  son  style  a  quelque  chose  de  très-séduisant,  et, 
comme  plusieurs  de  ses  émules,  il  s'est  signalé  par  la  dextérité  d'un 
archet  qui  excelle  dans  le  staccato,  soit  ascendant,  soit  descendant. 

Quatre  jeunes  personnes  ont  pris  part  au  concours  de  violon. 
Comme  on  le  voit,  le  nombre  des  concurrentes  est  en  progrès,  et 
avec  le  temps  l'invasion  aurait  chance  de  s'augmenter  encore.  Deux 
sœurs,  au  nom  desquelles  se  rattache  le  souvenir  d'une  affreuse  ca- 
tastrophe, Mlles  Jenny  et  Fanny  Glauss ,  entraient  en  lice  avec 
Mlles  Bastin  et  Vivien.  Dans  le  précédent  concours,  Mlle  Jenny  Clauss 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


avait  obtenu  un  second  cccessit,  et  dans  le  concours  de  celte  année, 
le  jury  a  cru  devoir  accorder  un  premier  accessit  à  chacune  des  trois 
autres  jeunes  filles,  sans  rien  retrancher  des  distinctions  méritées 
par  les  jeunes  gens,  et  sans  leur  porter  préjudice.  N'est-ce  pas 
à  peu  près  comme  si  le  jury  eût  tenu  ce  langage  aux  trois  jeunes 
filles  qu'il  décorait  ?  «  Mesdemoiselles,  vous  avez  bien  travaillé  ; 
vous  jouez  fort  agréablement  sans  doute;  mais  le  violon  n'est  pas 
l'instrument  de  votre  sexe,  et  quand  on  l'aborde  comme  vous,  il 
faut  y  exceller  ;  c'est  seulement  ainsi  qu'on  justifie  sa  hardiesse.  Or, 
vous  ne  la  justifiez  pas  tout  à  fait.  Le  jury  vous  tient  compte  de 
vos  efforts,  et  il  n'examine  pas  s'il  y  a  des  différences  entre  vous,  si 
Mlle  Bastin,  par  exem.ple,  n'est  pas  un  peu  plus  forte  que  Mlles  Vi- 
vien et  Fanny  Clauss.  11  vous  décerne  un  premier  accessit,  comme 
témoignage  de  satisfaction  et  d'estime  ;  peut-être  ferez- vous  bien  de 
vous  y  tenir,  à  moins  que  tout  à  coup  il  ne  s'opère  un  miracle.  Mais 
prenez-y  bien  garde  :  puisque  les  femmes  ne  sauraient  prétendre 
aux  orchestres,  il  faut  qu'elles  soient  solistes,  et  c'est  un  rude  médier, 
lorsque  l'on  n'est  pas  douée  d'une  vocation  extraordinaire.  »  Au  con- 
cours de  l'année  prochaine,  nous  verrons  si  nos  jeunes  violonistes 
ont  compris  le  langage  et  les  intentions  du  jury. 

Les  concours  de  chant,  d'opéra-comique  et  de  grand  opéra  conti- 
nuent de  jouir  d'une  popularité  immense.  L'affluence  y  est  toujours 
la  même,  à  quelque  degré  que  monte  le  thermomètre.  On  veut  en- 
tendre, juger,  applaudir  et  surtout  critiquer,  non  pas  tant  les  élèves 
que  les  professeurs.  A  ces  derniers  surtout  s'attaquent  les  détracteurs 
systématiques,  et  nous  en  savons  trop  la  raison.  Paris  est  rempli  de 
professeurs  qui  ne  seront  jamais  du  Conservatoire  :  de  là  l'envie,  le 
blâme,  l'injure  même,  qui,  par  bonheur,  font  plus  de  bruit  que  de  be- 
sogne. Les  belles  voix  d'hommes  et  de  femmes  n'étaient  pas  rares 
dans  les  deux  concours  de  chant,  où,  comme  toujours,  il  y  a  eu  des 
erreurs  commises  et  des  succès  avortés.  C'est  une  grave  affaire  que 
le  choix  d'un  air  pour  les  concurrents,  et  c'est  là  souvent  qu'ils 
échouent,  à  force  de  vouloir  choisir  trop  bien.  Parmi  les  plus  heu- 
reux, il  faut  citer  M.  Bach,  qui  a  délicieusement  chanté  l'air  de  la 
Dame  blanche.  Viens,  gentille  dame,  et  qui,  le  lendemain,  au  con- 
cours d'opéra-comique,  disait  si  mal  l'air  du  même  ouvrage  ;  Ah! 
quel  plaisir  d'être  soldat!  M.  Soustelle  avait  été  bien  inspiré  aussi 
en  prenant  l'air  de  Joseph  :  Vainement  Pharaon;  mieux  inspiré  encore 
en  le  chantant  avec  une  modération  que  jusqu'alors  il  avait  semblé  ne 
pas  connaître.  C'est  un  roman  tout  entier  que  le  récit  des  travaux  et 
des  progrès  de  cet  élève,  marié  depuis  peu  de  temps  à  Mlle  Wal- 
liang,  élève  du  Conservatoire  comme  lui,  et  qui  vient  de  partager 
avec  lui  les  honneurs  de  la  campagne  lyrique. 

M.  Soustelle  est  un  enfant  de  troupe  :  il  servait  dans  les  chas- 
seurs en  Afrique.  Son  père  et  ses  deux  frères  sont  morts  au 
champ  d'honneur,  et  lui-même,  à  dix-sept  ans,  dans  une  seule  ren- 
contre, il  reçut  treize  blessures,  dont  une  lui  a  laissé  des  traces  au 
visage.  Possédant  une  voix  de  ténor  non  moins  étendue  que  puis- 
sante, on  lui  conseilla  de  quitter  le  service  et  de  se  faire  artiste. 
Il  vint  au  Conservatoire,  où  M.  Auber  s'empressa  de  l'admettre. 
Mais  d'abord  il  crut  pouvoir  s'y  conduire  comme  dans  les  camps  : 
il  voulut  tout  conquérir  par  la  force,  tout  enlever  d'assaut  :  il  prodi- 
guait sa  voix,  comme  naguère  il  exposait  sa  vie.  Mais  sa  voix, 
malgré  sa  vigueur  exceptionnelle,  aurait  fini  par  se  briser,  ni  plus 
ni  moins  que  les  vitres  de  la  salle  d'étude.  Grâce  aux  conseils  de 
M.  Grosset,  son  maître  de  chant,  et  à  l'influence  persuasive  de 
M.  Duverooy,  son  professeur  d'opéra,  chef  du  pensionnat  en  outre, 
l'énergique  et  chaleureux  élève  comprit  la  nécessité  de  se  soumettre 
à  un  régime  différent,  et  il  eut  assez  de  force  pour  l'obtenir  de  lui- 
même.  Le  fait  est  qu'une  transformation  merveilleuse  s'est  réalisée, 
et  que  les  premiers  symptômes  s'en  révélèrent  à  nous  lorsque  nous 
l'entendîmes  chanter  l'air  de  Joseph. 

Cette  transformation  se   manifesta  plus  encore  au  concours  de 


grand  opéra,  dans  le  troisième  acte  d'Otelto,  dans  le  grand  duo  de 
la  Reine  de  Chypre,  dans  le  duo  du  quatrième  acte  de  la  Juive, 
entre  le  cardinal  et  Eléazar.  Jamais  on  n'avait  trouvé  d'organe  plus 
robuste,  plus  touchant,  plus  sympathique,  uni  à  des  gestes  plus 
vrais,  à  une  physionomie  plus  expressive. 

Le  troisième  acte  à'Otello,  M.  Soustelle  l'a  joué  avec  sa  femme, 
qui  concourait  ainsi  que  lui.  L'événement  est  connu  de  reste  :  le 
jeune  couple  a  triomphé  ensemble  :  un  premier  prix  a  été  décerné 
à  chacun  des  époux,  et  à  l'unanimité.  Cela  ne  s'était  jamais  vu  et 
ne  se  reverra  janmais  peut-être.  Le  Conservatoire  n'est  assurément 
pas  destiné  à  servir  d'agence  matrimoniale  ;  l'hymen  n'est  pas  le  dieu 
qu'on  y  révère  le  plus,  mais  pourtant  on  ne  saurait  l'y  proscrire, 
et  l'on  est  heureux  de  voir  que  pour  deux  braves  jeunes  gens  qui 
s'aiment,  et  se  sentent  prédestinés  l'un  à  l'autre,  c'est  encore  quel- 
que chose  de  saint  et  de  sacré,  préférable  de  beaucoup  à  des  liai- 
sons folles  et  passagères.  Cet  Otelh  de  Nîmes  a  trouvé  rue  Ber- 
gère une  Desdemone  de  Mulhouse  :  le  Midi  et  le  Nord  ont  contracté 
alliance,  et  nous  espérons  que  l'art  n'aura  pas  moins  à  s'en  féliciter 
que  la  morale. 

Aujourd'hui  nous  ne  pouvons  qu'enregistrer  les  résultats  des  trois 
concours  qui  ont  eu  lieu  dans  les  premiers  jours  de  la  semaine, 
sauf  à  y  revenir  dimanche  prochain.  Demain  lundi  se  fera  la  distri- 
bution des  prix,  sous  la  présidence  de  M.  le  maréchal  Vaillant,  mi- 
nistre de  la  maison  de  l'Empereur  et  des  beaux-arts. 

Lundi  %1  juillet,  tragédie^  hommes.  —  Pas  de  1"  prix;  2"  prix, 
M,  Etienne,  élève  de  M.  Beauvallel.  l""'  accessit,  M.  Beauvallet, 
élève  de  M.  Beauvallet;  2"  accessit,  M.  Verdellet,  élève  de  M.  Régnier. 

Femmes.  —  l^'  prix,  Mlle  Colombier,  élève  de  M.  Régnier;  1'^  prix, 
Mlle  Estebenet,  élève  de  Mlle  Brohan.  l'^  accessit,  Mlle  Petit,  élève 
de  M.  Beauvallet. 

Come'ï^îe,  hommes. — 1"  prix,  M.  Seveste,  élève  de  M.  Régnier; 
2'=  prix,  M.  Verdelet,  élève  de  M.  Régnier.  V'  accessit,  M.  Etienne, 
élève  de  M.  Beauvallet. 

Femmes. —  Pas  de  1"  prix;  2"^  prix,  Mlle  Petit,  élève  de  M.  Beau- 
vallet ;  Mlle  Estebenet,  élève  de  Mlle  Brohan  ;  Mlle  Colombier,  élève 
de  M.  Régnier,  et  Mlle  Blanc,  élève  de  M.  Régnier.  1"'  accessits, 
Mlle  Bédard,  élève  de  Mlle  Brohan,  et  Mlle  Samary,  élève  de  M.  Ré- 
gnier ;  2'^*  accessits,  Mlle  Leprevost,  élève  de  M.  Régnier  ;  Mlle 
Bloch,  élève  de  M.  Samson,  et  Mlle  de  Marcilly,  élève  de  Mlle  Brohan. 

Mardi  28  juillet,  flûte  (professeur,  M.  Dorus). — l'^'prix,  M.  Canlié, 
élève  civil;  2'=s  prix,  MM.  Martin  et  Simon,  élèves  civils.  1"  acces- 
sit, M.  Denui  jeune,  militaire;  2°  accessit,  M.  Corlieu,  élève  civil; 
3=5  accessits,  MM.  Rauch  et  Krebs,  élèves  civils. 

Hautbois  (professeur,  M.  Triebert). —  !'='■  prix,  M.  Lavagne,  mili- 
taire; 2*^  prix,  MM.  Stoll,  Barrez  et  NicoUeau,  civils.  1"  accessit, 
M.  Mouge,  militaire. 

Clarinette  (professeur,  M.  Klosé).  —  Pas  de  premier  prix;  2" prix, 
MM.  Parme,  civil,  et  Mastio,  militaire;  !""■  accessit,  MM.  Hemme  et 
Turban,  civil;  2"  accessit,  M.  Devos,  militaire;  3'=  accessit,  M.  Fau- 
rès,  civil,  et  M.  Cousin,  militaire. 

Basson  (professeur,  M.  Cokken). —  1"  prix,  M.  Baussart;  pas  de 
deuxième  prix  ;  1"  accessit,  M.  Lalande. 

Cor  ordinaire  (professeur,  M.  Gallay).  —  1"  prix ,  M.  Brunel  ; 
2°  prix,  M.  Delgrange  ;  1"  accessit,  M.  Collin;  2e  accessit,  M.  Strobbe  ; 
3°  accessit,  M.  Seygaud  de  Lachérade. 

Cor  à  pistons  (professeur,  M.  Meifred).  — Pas  de  premier  prix; 
2'^  prix,  M.  Lelong  jeune.-  Pas  d'accessit. 

Trompette  (professeur:  M.  Dauverné).  —  1'^'^  prix,  M.  Laurent; 
2"  prix,  MM.  Dossunet  et  Duseigneur  ;  l»''  accessit,  M.  Amrheim  ; 
2°  accessit,  M.  Roger  ;  3=  accessit,  M.  Morlot. 

Mercredi  29  juillet  :  Trombone  à  coulisse  (professeur,  M.  Dieppe). 
—  1"  prix,  M.  Burthez,  élève  civil  ;  2^  prix,  MM.  Mangean  et  de 
Lorenzo,  élèves  civils. 


DE  PARIS. 


22(3 


Trombone  à  pistons  (système  Sax)  ;  (professeur,  M.  Dieppo).  — 
1<='  prix,  MM.  Dufour  et  Bouchard,  élèves  militaires  ;  2=  prix,  MM.  Jean 
et  Elie,  élèves  militaires  ;  V  accessit,  MM.  Rustang  et  Eck,  élèves 
militaires. 

Cornet  à  pistons  (professeur  :  M.  J.  Forestier).  —  1""  prix, 
MM,  Lamare  et  Excoula,  élèves  militaires  ;  2''  prix,  M.  Leclerc, 
élève  militaire  ;  1""  accessits,  MM.Quirin  et  Pugenc,  élèves  militaires; 
2°  accessit,  M.  Thiébaud,  élève  militaire. 

Saxophone  (professeur  :  M.  Adolphe  Sax).  —  1""  prix,  MM.  Gluck, 
Dagard,  et  Bernhard,  élèves  militaires  ;  2"  prix,  MM.  Compère,  Fel- 
gas  et  Sibillot,  élèves  militaires;  1™  accessits,  MM.  Lévy  et  Grison, 
élèves  militaires  ;  2«'  accessits,  MM.  Gayraard  et  Thuillier,  élèves 
militaires;  3^»  accessits,  MM.  Chabert,  Grandmaire  et  Léonard,  élèves 
militaires. 

Saxhorn    (professeur  :  M.  Arban).  —  l"   prix,    MM.  Lacoste   et 

Discher,   élèves  militaires  ;  2"  prix,    MM.  Dumons  et   Kah,  élèves 

militaires  ;  1"  accessit,  M.   Feningre,  élève  militaire  ;    2^  accessit, 

M.  Sutter,  élève  militaire. 

Paul  SMITH. 


CORRESPONDANCE. 

«  Bruxelles,  le  29  juillet  1863. 
>>Â  M.  le  Directeur  de  la  Revue  et  Gazette  musicale. 

I)  Mon  cher  collaborateur, 

»  J'étais  occupé  à  la  rédaction  du  travail  que  vous  m'avez  demandé 
pour  la  Gazette  musicale,  lorsque,  hier  soir,  m'est  arrivée  la  lettre 
ci-jointe  de  M.  Rouget  de  Lisle,  ingénieur  civil,  et  parent  de  celui 
qui  est  connu  comme  auteur  de  la  Marseillaise.  La  publication  de 
cette  lettre  me  paraît  plus  urgente  que  mon  travail  :  je  vous  prie  de 
vouloir  bien  lui  donner  place  dans  le  numéro  de  la  Gazette  qui  pa- 
raîtra dimanche  prochain,  en  la  faisant  précéder  de  celle-ci. 

»  Je  viens  de  répondre  à  M.  Rouget  de  Lisle,  en  lui  faisant  observer 
qu'il  n'est  pas  exact  de  dire,  comme  il  le  fait,  que  j'attribue  la 
Marseillaise  à  Navoigille;  que  je  n'attribue  pas,  et  que  je  me  borne 
simplement  à  dire  que  ce  chant  a  été  publié,  vendu,  distribué, 
sous  le  nom  de  Navoigills,  et  que  Rouget  de  Lisle  n'a  pas  fait  de 
réclamation.  M.  Rouget  de  Lisle  m'apprend  que  Gossec,  ayant  inter- 
calé la  Marseillaise  instrumentée  dans  son  Offrande  à  la  liberté,  se 
l'est  attribuée  et  l'a  publiée  sous  son  nom.  Son  parent,  dit-il,  alors 
détenu  à  Saint-Germain  pour  incivisme,  n'a  pu  réclamer  ;  mais  il  est 
sorti  de  prison,  et  il  n'a  rien  dit  :  voilà  ce  qui  me  paraît  inexplica- 
ble. De  plus,  quand  il  a  réuni  cette  pièce  aux  autres  mélodies  de  sa 
composition,  lesquelles  ont  été  publiées  en  1827  (1),  il  ne  l'a  accom- 
pagnée d'aucune  observation. 

»  La  plupart  des  faits  mentionnés  dans  la  lettre  de  M.  Rouget  de 
Lisle  m'ont  été  rapportés  dans  ma  jeunesse:  aussi  n'avais-je  jamais 
douté  que  son  parent  fût  l'auteur  de  la  Marseillaise  avant  la  décou- 

(1)  Nous  croyons  que  notre  savant  collaborateur  commet  ici  une  légère  erreur. 
Le  recueil  auquel  il  fait  allusion  nous  parait  être  celui  qu'il  a  mentionné  dans  la 
première  édition  de  sa  Biograptiie  universelle  des  musiciens,  à  l'article  Rouget 
de  Lisle,  et  qui  fut  publié  par  Maurice  Schlesinger  en  1830  sous  le  titre  de 
Quaranie-huil  chants  français,  paroles  de  différents  auteurs,  mises  en  musique 
avec  accompagnement  de  piano,  par  Rouget  de  Lisle.  Dans  ce  recueil,  le  n°  23, 
Ilijmne  des  Marseillais,  est  précédé  de  la  mention  que  voici  :  o  Je  fis  les  paro- 
les et  l'air  de  ce  chant  à  Strasbourg,  dans  la  nuit  qui  suivit  la  proclamation  de 
la  guerre,  fin  d'avril  1792.  Intitulé  d'abord  Chant  de  l'armée  du  Rhin,  il  parvint 
à  Marseille  par  la  voie  d'un  journal  constitutionnel,  rédigé  sous  les  auspices  de 
l'illustre  et  malheureux  Diétrick.  Lorsqu'il  fit  son  explosion  quelques  mois  après, 
j'étais  errant  en  Alsace  sous  le  poids  d'une  destitution  encourue  à  Huningue  pour 
avoir  refusé  d'adhérer  à  la  catastrophe  du  10  août,  et  poursuivi  par  la  proscrip- 
tion immédiate  qui,  l'année  suivante,  dès  le  commencement  de  la  terreur,  me  jeta 
dans  les  prisons  de  Robespierre,  d'où  je  ne  sortis  qu'après  le  9  thermidor.  R.D.L.n 


verte  des  exemplaires  dont  je  viens  de  signaler  l'existence.  Je  n'ai 
pas  de  système  à  défendre  à  cet  égard,  ra'étant  simplement  appuyé 
sur  des  pièces  palpables.  Au  surplus,  M.  Rouget  de  Lisle  a  un  moyen 
très-simple  de  terminer  tout  débat  à  ce  sujet,  lequel  consisterait  à 
produire  l'édition  du  chant  dont  il  s'agit,  paroles  et  musique,  impri- 
mée typographiquement  à  Strasbourg  en  1792.  Après  cette  produc- 
tion, il  n'y  aura  plus  de  discussion  possible. 

»  En  attendant  qu'il  juge  à  propos  de  la  faire,  je  mo  vois  dans  la 
nécessité  de  détacher  un  de  mes  exemplaires  du  volume  qui  contient 
un  recueil  de  Vingt-quatre  chants  patriotiques  avec  accompagnement 
de  guitare,  publié  au  magasin  de  musique  des  fêtes  nationales,  et  de 
vous  l'envoyer,  en  vous  priant  de  le  communiquer  aux  personnes  qu  i 
désireraient  voir  cette  Marseillaise  gravée  sous  le  nom  de  Navoigille, 
vous  priant  aussi  de  la  garder  avec  soin;  car  si  cet  exemplaire  s'é- 
garait, il  est  à  peu  près  certain  que  je  n'en  trouverais  plus  un  autre 
pour  compléter  mon  recueil ,  qui  contient  le  Chant  du  départ ,  par 
Méhul;  l'Eymne  de  guerre,  par  le  même;  l'Hijmne  de  la  victoire,  par 
Catel  ;  le  Chant  pour  l'inauguration  du  buste  de  Marat,  par  Gossec  ; 
le  Chant  funèbre  sur  la  mort  du  représentant  Ferraud,  par  le  même; 
te  Chant  des  triomphes  de  la  France,  par  Lesueur;  l'Hymne  du 
combat,  par  Cherubini;  la  Carmagnole,  etc.  Ce  n'est  qu'avec  peine 
que  je  me  suis  décidé  à  faire  briser  la  rehure  de  mon  volume  pour 
vous  envoyer  cette  pièce. 

»  Recevez,  mon  cher  collaborateur,  mes  salutations  affectueuses . 

»  FÉTIS  père.  » 


«  Paris,  27  juillet  1863. 

A  M.  Fétîs  Père,  directeur  du  Conservatoire  royal  de  musique 
à  Bruxelles. 

»  Monsieur, 

»  J'ai  lu  avec  une  extrême  surprise  et  une  très-grande  douleur 
un  article  signé  par  vous  intitulé  :  La  vérité  sur  la  Marseillaise,  et 
publié  dans  la  Revue  et  Gazette  musicale  (numéro  du  19  juillet 
dernier) . 

»  Vous  attribuez  à  tort  à  Julien  aîné,  dit  Navoizille,  la  mélodie 
de  la  Marseillaise,  à  laquelle  vous  donnez  une  date  originaire  pos- 
térieure au  10  août  1792. 

»  Le  véritable  auteur  de  ce  chant  immortel,  comme  vous  l'appelez 
(paroles,  musique  et  accompag-nement),  est  Claude-Joseph  Rouget  de 
Lisle,  mon  parent,  qui  l'a  composé  à  Strasbourg  dans  la  nuit  du 
26  au  27  avril  1792. 

Ce  chant  a  été  imprimé  typographiquement  à  Strasbourg  dans  le 
commencement  du  mois  de  juin  de  la  même  année,  avec  ce  titre  : 
Chant  de  guerre  pour  l'armée  du  Rhin,  dédié  au  maréchal  Luckner. 
Il  a  été  orchestré  pour  musique  militaire  par  Fuchs,  puis  chanté  à 
Marseille  par  Mireur,  dans  un  banquet  patriotique,  le  27  juin,  et  im- 
primé le  29  dans  un  journal  de  la  localité. 

»  On  le  trouve  dans  la  Trompette  du  père  Duchéne  (numéro  du 
23  juillet  1792),  et  l'auteur  de  cette  publication  explique  dans  une 
note  l'impossibilité  de  reproduire  la  musique. 

»  Les  procès-verbaux  de  l'administration  de  l'Opéra  de  Paris,  prin- 
cipalement ceux  de  la  Convention  nationale,  qui  a  décerné  à  Rouget 
de  Lisle  une  récompense  pour  son  chant  patriotique  (juillet  1795), 
constatent  à  son  profit  la  paternité  de  la  Marseillaise,  que  tous  les 
auteurs  français  (excepté  Caslil-Blaze,  1852),  lui  ont  toujours  ac- 
cordée. 

»  La  Marseillaise  a  été  orchestrée  par  Gossec,  et  représentée  sur 
le  théâtre  du  Grand  Opéra,  le  26  octobre  1792,  sous  le  titre  do  : 
Offrande  à  la  liberté,  comprenant  une  introduction  et  la  strophe 
connue  de  :  Veillons  au  salut  de  l'Empire. 

I)  Les  procès-verbaux  de  l'administration  de  l'Opéra  constatent  en- 
core la  paternité  de  cette  œuvre  multiple  au  profit  de  Rouget  de  Lisle, 


nh 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


quoiqu'elle  ait  été  publiée  sous  le  nom  de  Gossec,  comme  auteur  de 
la  musique,  vers  la  fin  de  1793.  A  cette  époque,  Rouget  de  Lisle 
était  emprisonné  à  Saint-Germain,  pour  cause  d'incivisme. 

»  Le  volume  des  Essais  en  vers  et  en  prose  par  Rouget  de  Lisle, 
auquel  vous  donnez  la  date  de  1797,  au  lieu  de  1796,  renferme,  con- 
trairement à  votre  assertion,  une  note  positive  qui  indique  que 
la  Marseillaise  et  les  autres  chants  de  l'auteur,  avec  accompagne- 
ment de  piano,  ou  de  guitare,  ou  de  violon,  se  vendent  chez  Pleyel- 
Gaveaux,  etc.  Divers  spécimens  de  ces  chants  avec  accompagne- 
ments de  l'auteur,  existent  à  la  Bibliothèque  impériale  de  Paris,  à 
Londres,  à  Berlin,  etc.,  et  je  puis  vous  aflarmerque  Mme  Gail,  votre 
élève,  n'a  jamais  fait  ni  pu  faire  les  accompagnements  des  mélodies 
composées  par  Rouget  de  Lisle. 

»  Je  vous  afiBrme  que  la  musique  des  cinquante  chants  français 
(Paris,  1825),  à  l'exception  de  celle  de  l'hymne  à  la  liberté,  musique 
de  Ignace  Pleyel,  a  été  composée  par  mon  illustre  parent.  J'espère 
que  vous  ne  lui  refuserez  pas  cette  très-faible  gloire,  même  en  lui 
accordant  vne  pauvre  éducation  musicale,  que  je  ne  conteste  nulle- 
ment. 

»  Permettez-moi,  au  moins,  de  solliciter  votre  indulgence  en  fa- 
veur du  poëte,  qui  joignait  à  la  poésie  les  faibles  qualités  d'un  mu- 
sicien mélodiste  et  instrumentiste. 

»  Je  ne  vous  parle  pas  des  connaissances  de  Rouget  de  Lisle  comme 
officier  du  génie,  de  ses  travaux  et  de  ses  actes  militaires,  de  ses 
écrits  politiques,  etc.  La  nomenclature  des  excellentes  choses  qu'il  a 
faites  nous  mènerait  trop  loin  et  hors  de  l'objet  de  ma  réclama- 
tion. 

»  Quant  à  présent,  je  me  borne  à  vous  adresser  une  réclamation, 
et  à  solliciter  de  votre  obligeance  une  réponse  prompte  et  rectifica- 
tive sur  la  Marseillaise. 

»  Je  travaille  en  ce  moment  et  depuis  plusieurs  mois  à  recueillir 
les  œuvres  éparses,  publiées  ou  non  publiées,  de  mon  illustre  parent, 
pour  en  former  un  ouvrage  que  je  me  propose  de  faire    imprimer. 

»  Aujourd'hui  je  m'adresse  à  vous  pour  éclaircir  un  fait  que  vous 
signalez  dans  votre  article,  en  lui  attribuant  une  notoriété  inexacte, 
d'après  une  publication  postérieure  de  plus  de  huit  mois  à  la  créa- 
tion du  Chont  de  guerre,  autrement  dit  la  Marseillaise,  par  Rouget 
de  Lisle,  capitaine  du  génie  à  Strasbourg. 

»  Plusieurs  journaux  me  sollicitent  depuis  quelques  jours  de  ré- 
pondre à  votre  article,  et  je  viens  solliciter  d'abord  vos  explications 
avani  de  publier  une  rectification  honorable. 

1)  Soyez  donc  assez  bon  pour  m'adresser  une  prompte  réponse  et 
m'indiquer  le  numéro  de  la  pièce  que  vous  indiquez  dans  votre  ar- 
ticle. 

»  lia  vérité  svr  Bovget  de  Lisle  est  nécessaire,  et  vous  me  per- 
mettrez de  la  solliciter  de  votre  franchise  et  de  votre  loyauté. 

»  Veuillez  agréer  l'expression  de  ma  considération  la  plus  distin- 
guée, avec  laquelle  je  suis, 

»  Monsieur, 
j>  Votre  très-humble  serviteur, 

»  A.  Rouget  de  Lisle, 
»  Ingénieur  civil,  Vun  des  rédarteurs  principaux  du 
Dictionnaire  des  arts  et  manufactures,  etc.  » 


FlOODET. 

(4'  article)  (1). 


Voilà  donc  les  espérances  de  Floquet  ruinées  une  seconde  fois,  et 
il  faut  avouer  qu'il  expiait  cruellement  son  premier  succès.  Tout  en 
l'afQigeant  profondément,  ces  revers  cependant  n'altéraient  en  rien 


(1)  Voir  le  n° 


son  énergie,  sa  ténacité.  Il  recommença  sur  de  nouveaux  frais,  et, 
cette  fois  du  moins,  le  résultat  devait  lui  être  plus  favorable. 

Rochon  de  Chabannes,  poëte  médiocre,  mais  entendant  assez  bien 
la  scène,  lui  avait  donné  à  mettre  en  musique  un  opéra  intitulé  le 
Seigneur  bienfaisant.  Le  rôle  principal  de  cet  ouvrage  exigeant  une 
comédienne  accomplie,  Rochon,  d'accord  en  cela  avec  son  collabora- 
teur, l'avait  confié  à  Mlle  Durancy.  De  son  côté,  Floquet,  qui  désirait 
plutôt  une  virtuose,  préféra  Mlle  Laguerre,  quoiqu'elle  eût  compro- 
mis son  Hellé  ;  et,  comme  si  ce  n'était  pas  encore  assez  de  deux  ac- 
trices, par  complaisance  pour  certaines  recommandations  et  protec- 
tions, il  offrit  encore  le  rôle  à  une  troisième  personne,  la  demoiselle 
Rosalie.  Mais  ce  qu'il  y  a  de  curieux,  c'est  qu'aucune  des  trois  ne 
joua  dans  l'ouvrage.  Après  de  longs  débats,  ce  fut  définitivement  à 
Mme  Saint- Huberti,  arrivant  alors  d'Allemagne,  où  elle  avait  obtenu 
de  grands  succès,  que  l'on  confia  le  rôle  de  Lise,  et  voici  ce  qu'écri- 
vait Bachaumont  le  lendemain  de  la  première  représentation  :  «  La 
cabale  a  été  si  forte  hier  à  la  première  représentation  du  Seigneur 
bienfaisant,  que  n'ayant  pu  résister  à  l'impression  du  second  acte, 
dont  les  tableaux  terribles  et  touchants  ne  permettent  pas  à  la  criti- 
que de  se  faire  entendre,  elle  s'en  est  dédommagée  au  dernier 
acte  et  a  redoublé  de  fureur,  au  point  de  siffler  le  sieur  Laïs,  chan- 
tant une  ariette  de  bravoure,  applaudi  avec  un  transport  continu  aux 
répétitions,  et  de  chercher  à  le  troubler  et  l'interrompre.  Cet  achar- 
nement a  rendu  fort  équivoque  le  succès  de  l'ouvrage,  qui  avoit  bien 
pris  jusque  là.  »  (Mémoires  secrets,  etc.,  15  décembre  1780.) 

Cependant,  le  succès  du  nouvel  ouvrage  finit  par  s'établir  sans 
conteste;  la  musique  de  Floquet  était  aidée  par  un  poëme  qui,  à  dé- 
faut d'autres  qualités,  contenait  du  moins  une  certaine  dose  d'inté- 
rêt, «  Le  Seigneur  bienfaisant,  dit  encore  Bachaumont,  quoique  d'un 
genre  déjà  traité  plusieurs  fois  sur  la  scène  lyrique,  offre  cependant 
d'heureuses  innovations.  On  n'avait  que  la  pastorale  et  la  comédie 
dans  cetie  classe  des  opéra-ballet  (sic).  M,  Rochon  de  Chabannes  a 
tenté  d'y  introduire  le  drame,  c'est-à-dire  une  fable  naturelle,  inté- 
ressante, qui  ne  nous  occupe  que  des  peines  et  des  malheurs  de  nos 
semblables.  11  a  été  plus  hardi  encore,  il  a  osé  en  retrancher  l'a- 
mour, presque  toujours  fade  à  ce  théâtre  ;  ensuite,  il  a  trouvé  le 
secret  d'égayer  sa  pièce  par  des  fêtes  et  divertissements  tenant  à 
l'action  et  en  découlant;  enfin,  il  a  lié  trois  actions  différentes,  ce 
qui  étoit  sans  exemple  :  les  poëmes  de  cette  espèce  n'ayant  jamais 
été  une  intrigue  suivie  et  se  partageant  toujours  en  trois  petits  sujets 
n'ayant  aucun  rapport  entre  eux. 

»  Dans  le  premier  acte,  le  seigneur  bienfaisant  réconcilie  un  villa- 
geois avec  son  père  ;  dans  le  second,  il  quitte  la  noce  de  sa  fille 
pour  voler  au  secours  de  ces  malheureux  incendiés  ;  au  troisième,  il 
répare  par  ses  largesses  les  pertes  qu'ils  ont  souffertes. 

»  Le  poëte,  ayant  des  paysans  pour  principaux  acteurs,  a  placé  la 
scène  en  Béarn  et  l'a  reculée  à  l'époque  de  Henri  IV,  parce  que  le 
costume  de  ce  siècle  lui  a  paru  plus  théâtral  et  plus  anobli.  Il  a 
choisi  la  saison  de  la  vendange,  ce  qui  amène,  dès  le  commencement 
du  spectacle,  des  divertissemens  et  de  la  gaieté.  Les  effets  funestes, 
trop  fréquents  dans  les  villages,  du  tonnerre,  lui  fournissent  des  ta- 
bleaux terribles  et  touchans  qui  succèdent,  et  les  noces  de  la  fille 
du  seigneur  ramènent  la  joie,  les  plaisirs  et  la  danse  qui  terminent 
cet  opéra-ballet  extrêmement  varié,  où  l'on  passe  avec  les  nuances 
convenables  du  triste  au  gracieux,  du  plaisant  au  sévère,  contraste 
nécessaire  et  que  les  auteurs  travaillans  (sic)  pour  le  grand  maître, 
le  chevalier  Gluck,  ont  rarement  eu  l'adresse  de  lui  fournir. 

»  Le  retranchement  de  l'ariette  qui  avait  occasionné  tant  de  brouhahas, 
la  suppression  de  l'acte  du  bal,  présenté  désormais  comme  la  suite  seu- 
lement du  second  acte,  le  rôle  du  bailli,  très-mal  exécuté  la  première 
fois  par  le  sieur  Durand  et  beaucoup  mieux  par  le  sieur  Laïs  qui  le 
remplaçoit,  ont  ôté  toute  prise  à  la  critique  :  le  Seigneur  bienfaisant 
a  eu  un  succès  complet  hier.  On  a  mieux  senti  les  beautés  de  la 


DE  PARIS. 


245 


musique,  pleine  d'énergie  et  d'onction  successivement,  et  l'envie  a 
frémi  de  voir  impuissans  les  efforts  des  cabales  des  gluckistes, 
piccinisles,  bouffonistes,  des  comédiens  italiens  même  réunis,  de 
n'avoir  pu  empêcher  de  reparoîlre  la  musique  françoise,  c'est-à-dire 
une  musique  aisée,  gracieuse  et  chantante,  m  (Mémoires  secrets.  — 
20  décembre  1782.) 

On  fit  bon  nombre  d'épigrammes  sur  l'ouvrage.  C'était  l'usage  à 
cette  époque,  et  les  ennemis  de  Floquet  se  fussent  bien  donné  de 
garde  d'y  manquer.  En  voici  une  que  Grimm  rapporte,  en  la  faisant 
précéder  de  quelques  lignes  qui  constatent  la  valeur  de  la  pièce  : 

Vit-on  jamais  opéra  si  mécliant  ? 

Musique  et  vers,  tout  en  est  détestable, 

Disait  tout  haut  un  critique  tranchant. 

Mais  comme^en  tout  il  faut  être  équitable. 

Pour  moi,  j'y  trouve  un  tableau  très-touchant. 

De  beaux  habits,  un  ballet  agréable; 

Bref,  retranchez  le  poëme  et  le  chant, 

On  en  peut  faire  un  ouvrage  passable. 


Arthur  POUGIN. 


{La  suite  prochainement.) 


NOUVELLES. 

t*^  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  lundi  les  Vêpres  sicilien- 
nes, mercredi  Lucie  de  Lammermoor  avec  Diavolina,  et  vendredi  la  Muette 
de  Portici. 

j*^  Toute  la  presse  a  été  unanime  à  constater  les  grands  progrès 
qui  se  sont  accomplis  dans  le  chant  et  la  méthode  de  Mlle  Sax,  progrès 
qui  se  sont  manifestés  d'une  façon  si  éclatante  dans  son  rôle  d'Hélène 
des  Vêpres  siciliennes.  Les  représentations  qui  ont  suivi  la  première  de 
cette  reprise  de  l'opéra  de  Verdi,  les  ont  encore  confirmés,  et  chaque 
soir,  c'est  la  salle  entière  qui  se  charge  de  témoigner  à  la  jeune  artiste 
combien  elle  l'apprécie.  11  est  de  fait  que  le  rôle  d'Hélène  équivaut  à 
une  véritable  création  pour  Mlle  Sax,  car  elle  n'a  pu  s'inspirer  de 
l'exemple  de  sa  devancière  MlleCruvelli,et  c'est  à  elle-même  et  à  son  tra- 
vail qu'elle  doit  ses  effets  dramatiques,  et  les  heureuses  modifications 
que  vient  de  subir  son  talent.  Quant  à  la  beauté  de  son  organe,  elle 
est  exceptionnelle  ;  Mlle  Sax  est  donc  une  des  cantatrices  sur  lesquelles 
la  direction  de  l'Opéra  peut  le  plus  sûrement  compter,  et  qui  s'est 
montrée  de  force  à  aborder  tous  les  grands  rôles  qu'on  voudra  lui 
confier. 

»*^  La  pension  de  retraite  de  M.  Dietsch,  ancien  chef  d'orchestre  pro- 
visoire de  l'Opéra,  a  été  liquidée  à  3,500  fr.  De  plus,  il  continuera  jus- 
qu'à la  fin  de  l'année  à  recevoir  ses  appointements  de  chef  d'orchestre. 

j.%  Les  répétitions  du  Dieu  et  la  Baijadère  \ont  commencer.  Mlle  Laure 
Fonta  et  Warot  rempliront    les  principaux  rôles. 

^*^  Mercredi  matin,  Mlle  Sax  descendait  de  son  appartement  pour  se 
rendre  à  l'enterrement  de  Mlle  Emma  Livry,  lorsqu'ayant  manqué  une 
des  premières  marches  de  l'escalier,  elle  tomba  de  toute  sa  hauteur. 
Relevée,  évanouie  et  assez  fortement  contusionnée,  Mlle  Sax  a  dû  garder 
le  lit  depuis  lors,  et  par  suite  de  cet  accident,  qui  n'aura  point  heureu- 
sement de  suites  graves,  les  Vêpres  siciliennes  ont  été  remplacées  ven- 
dredi par  la  Muette  de  Portici. 

,**  Le  directeur  du  grand  théâtre  de  Lyon  n'a  pas  vu  sans  un  vif 
regret  le  départ  de  son  chef  d'orchestre,  Georges  Uainl.  Afin  de  l'en 
dédommager  autant  qu'il  était  en  son  pouvoir,  M.  Hainl  a  obtenu  de 
M.  le  directeur  de  l'Opéra  qu'il  consentit  à  laisser  partir  pour  le  l'^"'  sep- 
tembre M.  Dulaurens,  dont  l'engagement  n'expirait  que  le  l''  novem- 
bre, et  qui  a  traité,  ainsi  que  nous  l'avons  dit  dernièrement,  avec  la 
direction  du  théâtre  de  Lyon  pour  y  chanter  les  rôles  de  premier 
ténor. 

,■",(  Dimanche  soir,  après  huit  mois  et  demi  de  souffrances  endurées 
avec  le  courage  et  la  résignation  d'une  martyre ,  Mlle  Emma  Livry  a 
succombé  à  Neuilly,  où  elle  avait  été  transportée  et  au  moment  même 
où  l'on  concevait  l'espoir  de  la  conserver.  Ses  obsèques  ont  eu  lieu 
mercredi  matin,  à  10  heures,  en  l'église  de  Notre-Dame  de  Lorette,  qui 
s'est  trouvée  trop  petite  pour  recevoir  la  foule  des  notabilités  de  toutes 
les  classes  de  la  société,  accourue  pour  rendre  un  éclatant  hommage 
autant  à  la  jeune  fille  qu'à  l'éminente  artiste.  Les  premiers  sujets  de 
l'Opéra  s'étaient  spontanément  offerts  pour  chanter   la  messe  funèbre 


de  leur  camarade,  si  sincèrement  regrettée  de  tous.  Le  Libéra  de 
Plantade  et  le  Pie  Jesu  de  Panseron  ont  été  exécutés  sous  la  direction 
de  M.  Vauthrot,  chef  de  chant  à  l'Opéra,  par  Villaret,  'W'arot,  Marié, 
Bonnehée,  Obin,  Belval,  Cazaux,  Bonnesseur  et  les  principaux  choristes 
de  l'Opéra.  Après  la  cérémonie,  le  cortège  s'est  dirigé  vers  le  cime- 
tière Montmartre,  au  milieu  d'une  triple  haie  de  personnes  dont  l'atti- 
tude recueillie  témoignait  de  l'estime  et  de  l'admiration  si  bien  méritées 
qu'avait  su  leur  inspirer  Emma  Livry.  M.  Petipa,  maître  de  ballet  de 
l'Opéra,  a  prononcé  sur  sa  tombe  quelques  paroles  qui  ont  profondé- 
ment ému  l'auditoire. 

,1,*^  Carrier  est  définitivement  adopté  par  le  public  du  théâtre  de 
rOpéra-Comique  :  c'est  un  artiste  consciencieux  qui  rendra  de  bons  ser- 
vices. —  Zampa  alterne  avec  la  Fausse  magie  et  les  Bourguignonnes,  et 
chacun  de  ces  ouvrages  remplit  la  salle.  La  Dame  blanche  et  Haijdêe  no 
tarderont  pas  d'ailleurs  à  varier  ce  spectacle,  car  la  direction  a  racheté 
un  mois  du  congé  d'Achard,  et  le  charmant  ténor  rentre  au  mois  d'août. 
—  En  attendant  on  presse  les  répétitions  des  Amours  du  Diable,  et  le 
théâtre  a  fait  relâche  samedi  pour  une  répétition  générale.  Grisar  a 
enrichi  son  œuvre  de  plusieurs  morceaux  nouveaux,  et  l'on  s'accorde  à 
dire  qu'ils  ont  encore  ajouté  à  la  valeur  de  cette  charmante  partition. 
L'interprétation  du  rôle  d'Ariel  est  confiée  à  Mme  Galli-Marié,  qui  met 
beaucoup  d'amour-propre  à  y  justifier  le  bon  accueil  qu'elle  a  trouvé 
à  la  salle  Favart;  elle  sera,  d'ailleurs,  vaillamment  secondée  par  Capoul, 
Barrielle,  Prilleux  et  Mlles  Baretti  et  Tuai.  Quant  à  la  mise  en  scène, 
l'administration  n'a  rien  négligé  pour  qu'elle  fût  splendide.  —  Sainte- 
Foy  va  prendre  son  congé. 

^,*,i,  M.  Bagier,  directeur  du  théâtre  Italien,  vient  d'informer  le  public 
par  une  circulaire,  qu'en  l'absence  de  tous  documents  antérieurs  sur 
l'abonnement  à  ce  théâtre,  les  personnes  qui  désireraient  des  loges  ou 
autres  places  pour  les  représentations  de  la  saison  prochaine,  qui  com- 
mencera le  l^r  octobre  et  finira  le  30  avril  suivant,  sont  priées  de  vou- 
loir bien  lui  adresser  leurs  demandes,  au  théâtre  Italien,  jusqu'au  1 5  août 
courant. —  Le  grand  nombre  de  demandes,  qu'a  déjà  reçues  la  direction 
l'a  déterminée  à  donner  aux  abonnés  cinq  représentations  par  semaine  : 
les  dimanche,  mardi,  mercredi,  jeudi  et  samedi,  et  de  faire  disparaître 
pour  eux  les  inconvénients  des  nombreuses  représentations  extraordi- 
naires données  en  dehors  des  abonnements. —  Chaque  abonnement  se  fera 
pour  toute  la  durée  de  la  saison,  et,  à  la  demande  de  l'abonné,  pour 
un,  deux,  trois,  quatre  ou  cinq  jours  par  semaine.  La  préférence  sera 
donnée  aux  abonnements  demandés  pour  le  plus  grand  nombre  de  re- 
présentations.—La  distribution  des  loges  et  stalles  attribuées  aux  abon- 
nés aura  lieu  dans  les  premiers  jours  de  septembre,  époque  à  laquelle 
sera  publié  le  programme  de  la  saison  et  le  tarif  des  places. 

^*^  On  I  ous  écrit  de  Londres,  que  Mlle  Titjens  vient  de  jouer 
au  théâtre  de  Sa  Majesté  le  rôle  de  la  comtesse  dans  les  Nozze  di 
Figaro  de  la  façon  la  plus  brillante.  Les  applaudissements,  les  rap- 
pels, les  acclamations  ont  accueilli  ses  deux  grands  airs  :  Porgi  amor  et 
Dove  sono  qu'elle  a  dits  avec  un  sentiment  exquis.  Douée  d'une  admi- 
rable voix,  qui  se  plie  à  tous  les  genres  ;  cantatrice  éminemment  dra- 
matique, Mlle  Titjens  a  toutes  les  qualités  voulues  pour  occuper  le 
premier  rang  sur  les  grandes  scènes  lyriques.  Cette  année  comme  l'an- 
née dernière,  la  célèbre  artiste  a  été  la  tête  de  colonne  de  la  magnifi- 
que troupe  de  M.  Mapleson. 

^*^  Berthelier  est  en  ce  moment  à  Bade.  Dans  les  entr'actes  des 
pièces  jouées  au  théâtre,  le  joyeux  chanteur  bouffe  fait  les  délices  de 
l'auditoire  par  son  irrésistible  comique.  Il  a  obtenu  surtout,  ces  jours - 
ci,  en  chantant  une  tyrolienne  de  Plantade,  Furtunia.  un  succès  inouï. 
Jamais,  dit  VUlustration  de  Bade,  Alsacienne  délaissée  n'a  pleuré,  en  pro- 
voquant pareil  fou  rire,  l'infidèle  dont  les  traits  la  font  sec  comme  un 
hareng  saur,  un  homme  que  tout  le  Haut  et  le  Bas-Rhin  s'arrachent,  qui 
a  six  pieds,  «  et  plusieurs  puces.  » 

a,'*t  La  mort  de  Mme  Geneive,  la  malheureuse  acrobate  qui  s'est  tuée 
la  semaine  dernière  à  Birmingham,  a  ému  la  reine  d'Angleterre.  Elle  a 
voulu  intervenir,  elle  au=si,  dans  le  mouvement  do  réaction  qui  se 
manifeste  dans  l'opinion  publique  contre  les  exhibitions  du  genre  de  celle 
qui  vient  de  coûter  la  vie  à  cette  infortunée,  et  elle  a  fait  exprimer  au 
maire  de  Birmingham  son  désir  que  le  parc,  inauguré  par  elle  et  son 
époux  bien-aimé,  cessât,  h  l'avenir,  d'être  déshonoré  par  des  spectacles 
de  cette  nature. 

^*^  Par  suite  des  grands  succès  qu'il  a  obtenus  à  Londres  dans  les 
concerts  publics  et  particuliers,  M.  Marchesi  vient  d'être  engagé  par 
M.  Mapleson,  directeur  du  théâtre  de  Sa  Majesté,  en  qualité  de  basse- 
baryton,  pour  chanter  dans  les  opéras  de  Mozart  et  Rossini. 

^,*^  Nous  annonçons  avec  un  véritable  plaisir  le  retour  ù  Paris,  après 
plus  d'une  année  d'absence,  d'Edouard  WoltT,  l'éminent  pianiste-compo- 
siteur. Après  avoir  parcouru  l'Allemagne,  où  son  talent  l'a  fait  parlent 
sympathiquement  accueillir,  il  a  poussé  son  excursion  artistique  jusqu'en 
Valachie  et  il  est  resté  huit  mois  à  Bucharest,  charmant  les  Valaques 
par  des  concerts  fréquents  et  appelé  à   faire  partie  de  toutes  les  réu- 


246 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


nii  ns  musicales  de  l'aristocratie  du  pays.  Edouard  WolEf  a  mis  d'ail- 
leurs ce  temps  à  profit;  son  talent  de  virtuose,  par  un  travail  incessant, 
a  gagné  en  vigueur  et  en  agilité,  et  il  nous  rapporte,  en  outre,  une 
quarantaine  de  compositions  nouvelles,  plus  originales  les  unes  que  les 
autres  et  que  nous  serons  à  même  d'apprécier  cet  hiver. 

**»  Le  dernier  festival  de  chant,  à  Brunsvcick,  a  été  marqué  par  un 
épisode  intéressant.  Le  concert  commençait  par  une  cantate  de  Meth- 
fessel,  qui  en  avait  écrit  la  musique  et  les  paroles.  Le  digne  vétéran 
des  compositeurs  allemands  parut  lui-même  à  la  fête  et  fut  accueilli 
avec  enthousiasme  par  les  1,300  chanteurs  présents.  Methfessel,  qui 
touche  à  sa  quatre -vingtième  année,  qui  n'y  voit  plus  guère  et  qui 
est  sourd,  a  néanmoins  dirigé  lui-même  l'exécution  de  son  œuvre  ;  à  la 
fin  du  morceau  il  a  été  rappelé  et  accueilli  par  une  pluie  de  bouquets 
et  les  plus  bruyantes  acclamations.  C'est  la  société  de  l'orphéon  de 
Hanovre  qui  a  remporté  le  premier  prix,  consistant  en  une  coupe 
donnée  par  le  duc  de  Brunswick. 

^*^  SI.  Louis  Lacombe,  l'éminent  pianiste-compositeur,  vient  d'avoir 
la  douleur  de  perdre  sa  mère,  décédée  à  Vienne  à  l'âge  de  soixante-trois 
ans. 

***  S.  A.  R.  le  duc  de  Saxe-Cobourg-Gotha  a  daigné  accepter  la  dé- 
dicace d'une  fantaisie,  avec  accompagnement  d'orchestre,  sur  l'opéra 
de  Sainte  Claire,  que  le  pianiste  Ferdinand  Schœn  a  fait  entendre  avec 
succès  dans  ses  concerts. 

^*^  Gariboldi,  après  avoir  dirigé  l'orchestre  de  la  troupe  italienne  à 
Bayonne,  est  parti  pour  Biaritz  ;  il  va  y  monter  une  opérette  :  Bataille 
de  pères,  paroles  de  J.  Ruelle,  dont  il  a  composé  la  musique.  Elle  sera 
interprétée  par  une  partie  de  la  troupe  des  Bouffes-Parisiens  engagée 
pour  deux  mois  à  Biaritz. 

^,*^  Une  réunion  d'artistes  a  eu  lieu  mardi  à  Saint  -Sulpice,  pour  en- 
tendre sur  le  grand  orgue  de  MM.  Cavaillé-Coll,  un  jeune  organiste, 
M.  Ch.  Widor,  de  Lyon.  Cette  audition  se  composait  de  sept  morceaux 
de  dilTérents  maîtres,  Haendel,  Hesse,  S.  Bach,  Lemmens.  On  a  surtout 
remarqué  un  allegro  de  Haendel,  une  fanfare,  une  prière  et  un  grand 
chœur  final  de  Lemmens,  parfaitement  appropriés  au  caractère  d'un 
grand  orgue  dans  une  grande  église.  Le  jeune  organiste  a  d'ailleurs 
très-bien  interprété  les  œuvres  qu'il  a  fait  entendre,  et  particulièrement 
celles  de  M.  Lemmens,  dont  il  est  un  des  meilleurs  élèves. 

^*^  Au  concours  de  composition  musicale  ouvert  pour  1863  par  la 
Société  d'agriculture,  sciences  et  arts  de  l'arrondissement  de  Valen- 
ciennes,  et  auquel  s'étaient  présentés  quarante  concurrents,  M.  José 
Barrière,  de  Cherbourg  (Manche),  a  obtenu  le  premier  prix,  consistant 
en  une  médaille  d'or.  Le  deuxième  prix  (médaille  d'argent)  a  été  ac- 
cordé à  M.  G.  Stem,  de  Paris.  Trois  mentions  honorables  à  MM.  J. 
Boutines,  de  Montmartre  ;  André  Vechsner,  du  Havre,  et  J.  Franck,  de 
Paris. 

^*f.  Le  guide-accord  Delsarte,  invention  d'une  utilité  primordiale 
pour  les  personnes  qui  veulent  accorder  elles-mêmes  leur  piano,  vient 
d'être  récompensé  par  l'obtention  d'une  médaille  d'or  à  la  Société  des 
sciences  industrielles,  arts  et  belles-lettres  de  Paris. 

^*^  I;e  succès  que  les  compositions  pour  le  piano  de  Brinley  Richards 
ont  obtenu  dès  leur  apparition  en  France,  n'a  fait  qu'augmenter.  Parmi 
les  morceaux  que  ce  compositeur,  si  populaire  en  Angleterre,  a  fait  pa- 
raître récemment,  ses  transcriptions  du  Qais  est  homo  et  du  Pro  peccatis 
du  Stabat  Mater  de  Rossini,  sont  surtout  très-appréciées.  Czarina,  nou- 
velle mazurka  de  salon  d'une  grande  originalité,  sera,  sans  nul  doute, 
accueillie  avec  la  même  faveur,  ainsi  que  son  fameux  Hymne  des  vêpres, 
qui  vient  également  d'être  publié  en  France,  et  dont  cinq  éditions 
ont  été  épuisées  eu  peu  de  temjjs  en  Angleterre. 

**,  La  Société  chorale  du  Conservatoire  impérial  de  musique  exé- 
cutera aujourd'hui  dimanche,  à  10  heures  très-précises,  dans  l'église 
Saint-Eustache,  la  messe  à  trois  voix  égales  de  M.  François  Bazin.  Les 
soli  seront  chantés  par  MM.  Barbet,  Fontange  et  Chevalier.  M.  Uurand, 
maître  de  chapelle  de  la  paroisse,  dirigera  l'exécution.  M.  Edouard  Ba- 
tiste, professeur  au  Conservatoire,  directeur  de  la  Société,  tiendra  le 
grand  orgue. 

,t*„,  Continuant  l'œuvre  commencée  par  Lesueur,  poursuivie  plus  tard 
par  Choron  et  Niedermeyer,  M.  Sain-d'Arod,  maître  de  chapelle  hono- 
raire de  la  cour  de  Turin,  accomplit  depuis  plusieurs  années  son  en- 
treprise en  parcourant  toutes  les  grandes  villes  des  départements,  et 
en  y  organisant  tantôt  des  concerts  spirituels  et  historiques,  tantôt, 
dans  les  grandes  églises,  des  messes  de  charité,  qui  ont  déjà  fait  verser 
plus  de  60,000  francs  dans  les  caisses  de  la  bienfaisance  publique.  Dans 
l'intérêt  le  plus  vrai  de  la  musique  religieuse,  dont  le  style  est  regretta- 
blement  néglifçé  aujourd'hui,  le  retour  définitif  à  Paris  d'un  artiste  do 
la  valeur  de  M.  Saiu-d'Arod  serait  du  meilleur  augure,  et  l'on  ne  saurait 
trop  encourager  ses  honorables  tentatives. 


i*,^  Mme  Corinne  de  Luigi ,  l'éminente  cantatrice  élève  de  Rossini , 
vient  de  partir  pour  une  grande  excursion  aux  eaux  thermales  de 
l'Allemagne,  de  la  Suisse  et  de  l'Italie.  Elle  est  accompagnée  par  .M.  Fa- 
villi,  violoniste  distingué,  qui  a  eu  l'honneur  de  se  faire  entendre  cet 
hiver  aux  Tuileries,  devant  Leurs  Majestés  Impériales. 

***  Le  concert  de  M.  de  Besselièvre  continue  à  jouir  delà  plun  grande 
vogue.  C'est  à  peine  si  le  vaste  local  des  Champs-Elysées  peut  contenir 
le  public  nombreux  et  élégant  qui  s'y  rend  chaque  soir.  L'orchestre,  uq 
des  meilleurs  de  l'Europe,  dirigé  par  Arban,  fait  merveille.  Chaque  soir, 
nouveaux  morceaux  exécutés  avec  une  perfection  et  un  ensemble  ad- 
mirables. Parmi  les  nouveautés  qui  font  fureur,  il  faut  citer  la  fantaisie 
sur  le  Déserteur,  la  ronde  du  Brésilien  et  l'étourdissant  quadrille  :  Gai  I 
gai  !  mon  officier.  Les  solistes  Arban,  Lavigne,  Demersseman,  Genin, 
Gobert,  Soler,  Gobin,  Castegnier,  François,  Dihau,  Bardey,  Hollebeke, 
Lacoste,  Calendini  et  Richir  se  font  applaudir  à  tour  de  rôle. 

,^*,t  Au  Pré  Catelan,  au  concert  d'aujourd'hui  dimanche,  le  remarqua- 
ble orchestre  de  IMusard  jouera  pour  la  première  fois,  une  belle  fantai- 
sie deSingelée,  tirée  des  motifs  de  .Vorma.  Les  plus  gracieuses  cantilènes 
de  l'œuvre  divine  de  Bellini  se  retrouvent  dans  cette  belle  composition. 
—  Pour  la  première  fois  aussi  M.  Danbé,  virtuose  du  plus  grand  mé- 
rite, exécutera  sur  le  violon  les  brillantes  et  capricieuses  variations 
que  Saint-Léon  a  récemment  composées  sur  II  Bacio  d'Arditi.  Par  la 
richesse  et  la  variété  du  programme,  la  matinée  musicale  que  Musard 
offre  au  public  d'élite  du  Pré  Catelan,  sera,  sans  contredit,  l'une  des 
plus  attrayantes  de  la  saison. 


CHRONIQUE  ÉTRANGÈRE. 


^*.j,  Londres  30  juillet.  —  Plus  la  clôture  approche,  plus  le  direc- 
teur du  théâtre  de  Covent-Garden  redouble  d'activité.  Dans  l'es- 
pace de  huit  jours,  il  nous  a  fait  connaître  Mlle  Patti  dans  deux 
nouveaux  rôles,  celui  d'Adina  de  VElisire  d'amore,  et  de  Marie  de  la 
Fille  du  régiment.  Ces  deux  ouvrages  ne  sont  pas  précisément  ce  qu'il 
y  a  de  plus  neuf;  cependant,  lorsqu'on  les  voit  représentés  par 
Mlle  Patti,  on  est  persuadé  qu'ils  viennent  d'être  expressément  écrits  pour 
la  voix  et  le  talent  de  ce  petit  démon.  Avec  quelle  rare  intelligence 
Mlle  Patti  a  su  se  rendre  maîtresse  du  rôle  d'Adina,  dans  lequel  la 
Persiani  et  la  Bosio  ont  laissé  à  Londres  de  si  éclatants  souvenirs  I  Ces 
deux  grandes  devancières  ont  pu  aussi  bien  chanter  le  rôle,  jamais 
on  ne  l'a  mieux  joué  avant  Mlle  Patti,  qui  sait  s'identifier  comme  actrice 
et  comme  cantatrice  aux  moindres  nuances  du  rôle.  Qu'Adine  soit 
coquette  ou  sentimentale,  gaie  ou  réservée,  Mlle  Patti  est  toujours  na- 
turelle et  elle-même.  Et  par  exemple,  dans  la  scène  où  Nemorino  lui 
dit  qu'il  ne  peut  pas  renoncer  à  son  amour  pour  elle,  la  manière  dont 
elle  accentue  sa  réponse  :  «  Tu  non  puoi  ?  perche  ?  »  est  quelque  chose 
d'inimitable,  et  à  lui  seul  tout  un  petit  poëme  do  malice  et  de  senti- 
ment. La  gracieuse  artiste  a  été  rappelée  plus  d'une  fois,  et  le  Prcndi, 
per  me,  avec  la  cabaktta  qui  suit,  et  qui  appartient,  je  crois,  -i  un  autre 
ouvrage  de  Donizetti,  ont  été  bissés.  VElisire  d^amore  nous  a  fourni  en 
même  temps  la  bonne  fortune  de  revoir  Ronconi.  Kaudin,  dans  le  rôle 
de  Nemorino,  est  excellent. —  La  verve  de  Mlle  Patti  dans  la  Fille  du  ré- 
giment a,  surpassé  encore  en  audace  tout  ce  qu'elle  a  osé  jusqu'ici; 
mais  la  fortune,  qui  est  chargée  de  protéger  les  audacieux,  ne  lui  a  pas 
fait  défaut  cette  fois  non  plus,  et  son  succès  a  surpassé  toutes  les 
espérances.  —  Le  théâtre  de  Covent-Garden  fera  sa  clôture  samedi 
prochain  par  la  deuxième  représentation  de  la  Fille  du  régiment.  —  Un 
concert  daus  lequel  chantaient  Tamberlick,  Mme  Nantier  Didiée,  Mlle 
Carlotta  Patti,  MM.  Graziani  et  Ciampi,  avait  attiré  dix  mille  auditeurs 
au  palais  de  Cristal.  —  Le  jeune  Lotto,  violoniste,  lauréat  du  Conserva- 
toire de  Paris,  a  donné,  le  13,  son  premier  concert  dans  ce  même  pa- 
lais, et  il  a  produit  une  incroyable  sensation.  Inconnu  la  veille,  il  est 
aujourd'hui  l'objet  d'un  enthousiasme  général. 

„*^  Bade,  27  juillet.—  L'opéra  de  MM.  Foussier  et  Leroy,  la  Fille  de 
l'orfèvre,  vient  de  recevoir  un  bon  accueil.  C'est  une  poétique  ballade 
d'Uhland  qui  en  a  fourni  le  sujet.  Un  orfèvre  de  Nuremberg  a  une  II  lie 
qui  s'est  fait  aimer  d'un  jeune  étudiant  ;  mais  un  jour  il  a  disparu  sans 
dire  où  il  allait  et  quand  il  reviendrait.  Marie  est  en  proie  à  la  dou- 
leur et  aux  regrets  lorsque  le  puissant  comte  Huber,  qui  revient  de 
la  croisade,  suivi  d'un  brillant  cortège,  s'arrête  devant  la  boutique  de 
son  père,  où  il  vient  choisir  des  bijoux  et  de  riches  parures  pour  sa 
fiancée.  Quelle  n'est  pas  la  stupeur  de  la  jeune  fille  en  reconnaissant 
dans  le  comte  l'étudiant  à  qui  elle  a  donné  son  cœur,  et  son  désespoir 
en  se  voyant  choisie  par  lui  pour  essayer  les  parures  dont  il  vient  de 
faire  empiète  et  qui  sont  destinées  à  une  rivale.  Succombant  sous  cette 
humiliation,  elle  tombe  évanouie;  mais  le  comte  relève  la  douce  et 
chaste  jeune  fille  qu'il  n'a  point  oubliée  et  auquel  il  est  resté  fidèle; 
il  a  voulu  seulement  l'éprouver,  et  c'est  elle  qu'il  épouse  et  qui  parta- 


DE  PARIS. 


W 


ger&  son  trône.  M.  Membrée  a  peut-être  eu  le  tort  de  donner  à  la  mu- 
sique qu'il  a  écrite  sur  ce  liferetto  si  peu  compliqué,  des  proportions 
que  le  sujet  ne  comportait  pas;  mais  à  part  cette  critique,  on  recon- 
naît dans  la  partition  le  savoir  du  maître.  Cette  musique  est  bien  faite 
et  de  tout  point  distinguée;  les  morceaux  les  plus  remarqués  par  le 
public  sont  :  le  chœur  d'introduction  des  ouvriers  orfèvres,  l'air  do 
paresse  de  l'apprenti,  et  surtout  le  duo  linal  entre  lUarie  et  le  comte,  qui 
renferme  de  jolies  choses,  mais  qui  a  le  tort  d'être  beaucoup  trop  long. 
En  somme,  c'est  un  succès  auquel  ont  vaillamment  concouru  Balanqué, 
Mlles  Henrion  et  Faivre,  MM.  Mengal  et  Froment.  — Les  répétitions  de 
l'opéra  de  Litolff  se  font  à  l'orchestre  et  l'on  pense  qu'il  pourra  être 
joué  du  12  au  15  août.  Le  directeur  du  théâtre  de  l'Opéra  et  celui 
du  théâtre  Lyrique  de  Paris  doivent,  dit-on,  assister  à  la  première  re- 
présentation. 

„,*„  Ems.  —  Nous  n'avons  dit  que  quelques  mots  de  la  jolie  saynète 
Lieschen  et  Frilzchen,  ce  tour  de  force  de  la  merveilleuse  facilité  d'Of- 
fenbach,  qui  défraie  toutes  les  conversations.  C'est  une  petite  pastorale 
dont  le  sujet  est  tout  à  fait  simplet.  Lieschen  est  une  jeune  Alsacienne 
qui  fait  le  commerce  de  petits  balais  ;  désireuse  de  revoir  son  vieux 
père,  elle  vient  de  se  mettre  en  chemin  pour  son  village,  lorsqu'elle  est 
rencontrée  par  Fritzchen,  que  son  maître,  impatienté  de  son  inintelli- 
gible baragouin  alsacien,  a  renvoyé  et  qui  retourne  également  au  village. 
Dans  la  conver.-iation,  ils  se  reconnaissent  pour  être  frère  et  sœur.  Cette 
découverte  vient  mal  à  propos,  car  ils  se  sentaient  fort  disposés  à  nouer 
une  amitié  plus  que  fraternelle,  et  Lieschen,  dans  son  innocence, 
marcherait  vite  sur  cette  pente,  si  Fritzchen,  plus  timoré,  ne  jugeait 
prudent  de  se  soustraire  à  la  tentation  en  prenant  une  autre  route. 
Heureusement  pour  cet  amour  naissant,  une  lettre  révèle  aux  deux  en- 
fants, au  moment  où  ils  vont  se  séparer,  un  secret  de  famille  qui  res- 
titue à  Lieschen  sa  véritable  qualité  de  cousine  et  non  de  sœur  de 
Fritzchen.  Le  reste  se  devine.  C'est  sur  ce  fabliau  qu'Offenbach  a  trouvé 
le  moyen  d'écrire  une  ouverture  champêtre,  d'une  charmante  couleur 
germanique  ;  une  chansonnette  pour  Fritzchen,  un  très-joli  air  pour 
Lieschen,  un  duo  très-original  et  très-gai  dans  le  style  alsacien,  dans 
lequel  un  motif  plein  de  suavité  a  provoqué  des  bravos  unanimes  et  la 
répétition  du  morceau  ;  enfin  un  air  plein  de  naïveté  :  le  Rat  de  ville  et 
le  Bat  des  champs,  et  le  duo  final  dans  lequel  règne  une  mélodie  soutenue 
qui  a  mené  à  son  apogée  le  succès  de  ce  nouveau  bijou  musical  du 
maestro.  Mlle  Bouffar  a  été  charmante  dans  le  rôle  de  Lieschen,  et 
M.  Jean-Paul,  dans  celui  de  Fritzchen,  a  partagé  avec  elle  les  applau- 
dissements légitimes  et  répétés  de  l'auditoire. 

^*^  Bruxelles.  —  Les  concours  des  élèves  du  Conservatoire  sont  presque 
terminés,  et  les  résultats  connus  jusqu'à  ce  jour  des  plus  satisfaisants. 

^*^  Hambourg,  25  juillet.  —  Avant-hier  a  eu  lieu  au  Kursaal  le  plus 
brillant  concert  de  la  saison.  Les  honneurs  de  la  soirée  ont  été  pour 
le  célèbre  pianiste  Wieniawski  et  le  maître  de  concert  David,  de 
Leipzig,  un  des  plus  éminents  violonistes  der.\llemagne.  Mlle  Marguerite 
Zirndorfer  a  chanté  un  air  de  l'opéra  IVeibertreue  (les  épouses  (idèles), 
par  G.  Schmidt  ;  le  baryton  Hell,  des  Lieder  de  Meyer  et  Abt.  Le  mor- 
ceau le  plus  applaudi  a  été  le  trio  û'Une  nuit  à  Gremwte,  par C.  Kreutzer. 

^*^.  Wiesbade.  —  A  l'occasion  de  l'anniversaire  du  jour  de  naissance  du 
duc  régnant  de  Nassau,  nous  avons  eu,  le  23,  un  grand  festival  mu- 
sical, dans  lequel  nous  avons  entendu  le  célèbre  Vieuxto."nps,  Alfred 
Jaell,  Mme  Dutsmann-Meyer,  première  cantatrice  du  théâtre  impérial  de 
Vienne;  Wacbtel,  le  célèbre  ténor  allemand,  et  iVI.  Oberthiir,  harpiste 
distingué  de  Londres.  Tout  était  loué  à  l'avance  ;  la  salle  était  comble 
et  on  a  dû  refuser  plus  de  trois  cents  personnes.  Jamais  pareil  concert 
à  Wiesbade  n'avait  attiré  pareille  affluence  ;  on  offrait  60  à  80  francs 
pour  une  entrée.  11  est  vrai  que  des  talents  de  cette  valeur  se  trouvent 
rarement  réunis,  et  le  programme  d'ailleurs  était  à  la  hauteur  de  ledr 
mérite.  Un  concerto  de  Vieuxtemps  exécuté  avec  la  perfection  qui  est 
le  partage  de  ce  grand  artiste,  un  duo  concertant  par  Vieuxtemps  et 
Jaell;  le  concerto  en  la  pour  piano  de  Schumann,  par  Jaell,  qui  s'y  est 
surpassé,  étaient  les  morceaux  les  plus  im.portants  ;  ils  ont  excité  un 
véritable  enthousiasme.  On  n'a  pas  moins  applaudi  la  belle  voix  de 
Mme  Dutsmann,  \'ut  dière  de  Wachtel  et  la  harpe  de  M,  Oberthiir. 
Quoique  le  concert  commencé  à  7  heures  et  demie,  continuât  encore  à 
1 1  heures,  pas  un  auditeur  n'a  quitté  la  place.  Pour  qui  connaît  nos 
habitudes,  il  n'y  a  pas  de  plus  bel  éloge  à  en  faire  1  Nous  attendons 
maintenant,  pour  le  31,  le  concert  de  l'éminent  violoniste  Wieniawski. 
—  MM.  Vieuxtemps  et  Jaell  joueront  encore  au  grand  concert  du  28. 

t*^  Spa,  2.')  juillet.  —  Le  grand  concert  donné  hier  dans  la  salle  de 
la  Redoute  par  l'administration  des  jeux,  a  pleinement  réussi.  Au 
nombre  des  artistes  qu'on  a  le  plus  remarqués  et  le  plus  applaudis,  il 
faut  citer  M.  Magnus,  pianiste-compositeur  éminent,  qui  a  joué  sur  le 
piano  (excellent  instrument  de  Pleyel)  un  caprice  sur  les  Hugenols,  ar- 
rangé par  lui  avec  beaucoup  de  goût.  M.  Magnus  y  a  déployS  un  style 
large,  une  exécution  à  la  fois  brillante  et  sévère.  Uans  sa  'Réminiscence 
de  l'Eclair  et  le  Steeple-chase,  galop  de  bravoure  de  sa  composition,  il  a 
prouvé  que  la  délicatesse  et  l'agilité  ne  lui  étaient  pas  moins  familières. 


Il  a  produit  beaucoup  d'effet,  et  M.  Laenders,  jeune  violoniste  d'un  grand 
talent,  a  partagé  son  succès. 

j*^  Vienne,  27  juillet.  —  aujourd'hui  le  théâtre  de  l'opéra  de  la  cour 
donnera  Stradella,  de  M.  de  Flotow,  avec  Mlle  d'Alvsleben,  du  théâtre 
royal  de  Dresde,  qui  chantera  le  rôle  de  Léonore,  et  M.  Krenn  (Mal- 
voglio).— Mme  Kapp-Youug,  du  théâtre  allemand  de  Pesth,  est  loi  en  re- 
présentation ;  elle  débutera  dans  le  rôle  de  Valentine  (Huguenots.)  — 
Rubinstein,  l'auteur  des  Enfants  des  Landes,  est  arrivé  ici,  venant  de 
Saint-Pétersbourg.  —  Le  joyeux  ballet  de  Borrl  :  le  Carnaoal  de  Paris, 
vient  d'être  repris  avec  le  plus  brillant  succès  à  l'opéra  de  la  cour. 
Borri  a  écrit  pour  le  théâtre  un  ballet  nouveau  :  le  Diable  au  bal  ;  la 
première  représentation  aura  lieu  au  mois  d'octobre.— Lians  le  courant 
de  la  saison  d'été,  seront  représentés  il/areo  Spada,  d'Auber,  et  un  opéra 
posthume  de  Marschner. 

^*^  Breslau.  —  Les  corps  de  musique  de  la  garnison  ont  donné  un 
concert  monstre  au  profit  de  la  caisse  des  pensions  militaires.  La 
Marche  du  couronnement,  par  Meyerbeer,  est  le  morceau  qui  a  produit 
le  plus  d'effet. 

„*,j  Dresde.  —  Notre  société  d'artistes  musiciens  se  compose  de 
210  membres.  Dans  le  courant  de  la  saison,  53  compositions  instrumen- 
tales ont  été  exécutées  à  la  salle  de  l'hôtel  de  Saxe. 

**^  Prague.  —  Pour  son  avant-dernière  représentation,  Mme  Harriers 
avait  choisi  le  rôle  de  Valentine,  des  Huguenots,  où  elle  a  eu  un  succès 
d'enthousiasme.  M.  Harriers  fera  ses  adieux  au  public  dans  Eunjante  de 
Weber. 


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L'immense  succès  que  les  Pianos  de  la  Maison  Henri  HERZ  ont  obtenu  à  l'Exposition  universelle  de  Paris,  en  1855, 
vient  de  se  reproduire  à  Londres  avec  plus  d'éclat  encore  :  aussi  le  iury  international  vient-il,  en  plaçant  ces  instruments 
au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimité,  à  M.  Henri  HERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection 
reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  solidilé,  de  la  sonorité,  de  l'égalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  d'expression.  (Rapport  du  Jury  international.) 


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à  Paris. 


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tous  les 
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Facteur  de  la  Maison  militaire  de  l'Empereur.  —  Professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique. 
Seule  grande  Médaille  d'honneur  à  l'Exposition  universelle  de  1855. 

RÉSUMÉ  DES  AVASTAGES  DES  SAXHORNS  ET  DES  SAXOTROMBAS. 

Le  Saxotromba,  ou  le  Saxhorn,  est  supérieur  à  ses  analogues  existants  précédemment,  •  comme  proportion  de  tubes  et  par 
conséquent  comme  son  ;  supérieur  comme  j  ustesse  ;  supérieur  comme  création  de  famille  complète  ;  supérieur  comme  facilité  et 
unité  de  doigté  ;  supérieur  comme  forme  ou  contour  des  tubes  pour  l'émission  des  sons  ;  supérieur  comme  forme  pour  le  pla- 
cement et  le  majiiement  de  l'instrument  ;  supérieur  comme  ayant  une  même  direction  des  sons  (avantage  pour  l'auditeur  de 
recevoir  tous  les  sons  avec  la  mémo  puissance);  supérieur  en  ce  que  quelques  jours  suffisent  pour  former,  avec  des  amateurs  ou 
:r  de  simples  conscriis  militaires,  une  musique  passable;  supérieur  en  ce  que  les  plus  gros  instruments  comme  les  petits  se 
tiennent  facilement  au  moyen  de  la  main  gauche  et  du  bras  gauche,  et  laissent  le  bras  et  la  main  droite  entièrement  libres, 
et  dans  la  meilleure  position  pour  le  jeu  des  doigts  sur  les  cylindres  ;  supérieur  en  ce  que,  quand  un  élève  a  déjà  fait  des 
études  et  qu'il,  est  obligé  de  clianger  d'instrument  faute  de  disposition  des  lèvres  ou  par  tout  autre  motif,  ses  études  acquises 
servent  pour  le  nouvel  instrument,  soit  trompette,  trombone  ou  tout  autre  instrument  ;  supérieur  en  ce  que  l'on  peut  faire  les 
études  les  plus  longues  et  les  plus  difficiles  sur  l'instrument  qui  fatigue  le  moins  et  les  reporter  sur  d'autres  plus  durs  à  jouer 
ou  plus  lourds  à  porter;  supérieur  en  ce  que,  dans  les  Eociétés  ou  dans  un  régiment  de  cavalerie,  surtout  lors  des  congés,  il 
arrive  souvent  que  tous  les  artistes  d'une  même  catégorie  d'instruments  partent,  et  que,  dans  ce  cas,  on  peut  les  remplacer 
en  prenant  des  musiciens  dans  les  parties  les  mieux  garnies  pour  occuper  ou  remplacer  les  parties  manquantes;  supérieur  en 
ce  qu'on  ne  craint  pas  les  coups  de  tête  des  chevaux,  qui,  avec  les  anciens  instruments,  brisaient  parfois  les  dents  au  cava- 
lier; supérieur  en  ce  que  l'on  peut  jouer,  le  cheval  au  trot  ou  au  galop,  l'instrument  suivant  toujours  les  mouvements  du 
corps;  supérieur  pour  la  musique  en  marche  en  ce  que  l'instrument  ne  se  dérange  pas  sur  les  lèvres,  et  conserve  par  consé- 
quent la  même  sonorité  qu'au  repos;  supérieur  pour  les  corps  de  musique  et  pour  le  militaire  surtout,  où  tout  est  régulier 
lea  musiciens  et  les  instruments  d'après  le  système  ancien),  en  ce  que  tout  le  monde  se  trouve  dans  la  même  position,  toutes  les  mains  à  la  même 
instruments  penchés  de  gauche  à  droite  ;  supérieur,  pour  la  musique  à  cheval  ou  de  cavalerie,  en  ce  que  si,  pendant  que  l'on  joue,  le  cheval  vient 
est  facile  de  ressaisir  les  brides  pour  le  ramener,  sans  déranger  l'instrument  de  sa  position.  ifJK^ 

Tous  Us  iDsirnmenii  soriani  de  la  fabrique  portent  l'inscription  saivdiiie  :  Adolphe  Sax,  à  Paris,  facteur  de  la  maison  militaire  de  l'Empereur,     ^1^ 

le  numéro  d'ordre  de  l'inilrumenl  et  le  poinçon  ci-après  :  jlSjoli 


PRIX  ACCORDÉ  A   L'CNANIMITÉ   A   I'EXPOSITION 
UNIVERSELLE   DE   LONDRES  1851. 

Voiirnlsseur  des  Tlinistères  de  la 
Ciucrre  et  de  la  Marluc  de  France. 

Seuls   agents    à    Londres 

CHLPPELl  &  HAIIMOND,  S"  DE  JDllIEN  4C' 

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INSTRUMENTS    DE   MUSIQUE    EN    CUIVRE 

ANTOINE  COURTOIS 


MÉDAILLE  d'argent   DE  1"   CLASSE 
A    l'exposition    UNIVERSELLE    DE  PARIS    1855. 

Facteur  di^'  Conservatoire  et  de 
l'académie  impét'lale  de  Paris. 

Agent  i  Saint-Pétersbourg  : 

A.  BDTTNER, 

Perspect.  Newsky,  maison  de  l'église  St-Pierre. 


S  8,  rtëe  ae»  Murais  -  Suint -Martin,   S  8 

Ci-devant  rue  du  Caire,  21. 

La  'maison  ANTOINE  COURTOIS  ayant  agrandi  ses  ateliers,  est  en  mesure  de  satisfaire  à  toutes  t'es  demandes  qui  pourront  lui  être 
adressées;  elle  garantit  réellement  à  sa  clientèle  des  instruments  irréprochables  sous  tous  les  rapports. 


ALPHONSE    SAS    (JUNIOR) 

Facteur  et  Ingénieur  en  instruments  de  Musique 

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EX  TOUS  «EIVUES,   EIV  TOUTES  FORMES  ET  DAIIS  TOUS  liES  TONS 

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16  Brevets  d'Invention  ou  de  perfectionnement.  —  Commission.  —  Exportation. 

Breveté  de  S.  M.  l'Empereur  des  Français.  —  Grand  brevet  de  S.  M.  la  reine  d'Angleterre.  —  Breveté  de  S.  M.. le  roi  des  Belges.  —  2m«  prix  en  1838.  —  a"  prix 
en  18a.  —  Prix  d'honneur,  médaille  d'or,  en  1843.  —  Médaille  d'argent  à  l'Exposition  de  Paris,  ISiili.  —  MEEiECUK  par  le  gouvernement  belge  pour  visiter 
l'Exposition  universelle  de  Londres,  en  1851.  —  Exposition  universelle  de  Paris,  1855,  les  plus  belles  pages  du  Papport  officiel,  27'"°  Classe,  pages  1835-1336.  — 
Exposition  universelle  de  Londres,  1862,  Pli/ZE  MEDAL,  avec  cette  mention  :  POUR  EXCEIiliEMCE  DE  TOUTE  ESPECE  D'INSTRUMKNTS  DE  CUIVRE. 
—  .Membre  de  l'INSTITllT  POLYTECHNIQIE  de  Paris,  membre  de  l'ASSOCIATION  INTERNATIOINALE  POUR  LE  PROGRÈS  DES  SCIENCES  SOCIALES.  — 
MEDAILLE  D'OR  et  Membre  du  CORPS  SCIENTIFIQUE  DE  L'HOTEL  DE  VILLE  DE  PARIS. 


PAHIS.  —  I.UPHIMERIE  CENTUALE  DE  I 


lÉOH  CBAIX  ET  C,  BUE  BEBr.ÈBE,  20. 


BUREAUX    A   PARIS  :    BOULEVARD   DES   ITALIENS,    I. 


30«  Année. 


IV»  32. 


OIff  S'ABONNE  S 

Dani  Ici  Départements  et  &  rÊtranE:er,  cher  ton» 
let  Uarchands  de  Musique,  les  Ltbrairei,  et  aui 
Bureaux  des  Messageries  et  des  Posle«. 


REVUE 


9  Août  18G3. 


PRIS  DE  L'ABONNEUENT  S 

Paris 24fr.paroa 

Déparlements,  Bdgique  et  Suisse —    30  r)       id. 

Étranger •-•    34  >'       W. 

Le  Jouroal  paraît  le  DimaDcUc. 


GAZETTE  IHUSI 


-,/w  \-PJ\Ar JVTiAA/v^- 


SOMMAIRE.  —  Conserratoire  impérial  de  musique  et  de  déclamatiou  :  séance 
solennelle,  par  Paul  ISmllh.  —  Effets  des  circonstances  sur  la  situation  ac- 
tuelle de  la  musique,  au  point  de  vue  de  la  composition  ;  ce  qu'il  faudrait  faire 
pour  améliorer  cette  situation  (1"  article),  par  Fétis  père.  —  Revue  des  théâ- 
tres, par  D.  A.  D,  Saiut-lfTes. —  Correspondance:  Londres.—  Nouvelles 
et  annonces. 


CONSERVATOIRE  IIIPERIÂL  DE  MUSIQUE  ET  DE  DÎCLÀIIIÂTION. 

séance  solennelle. 

Le  Moniteur  universel  du  mardi  4  août  s'exprimait  en  ces  termes  : 

«  La  distribution  des  prix  a  eu  lieu  aujourd'hui ,  au  Conservatoire 
impérial  de  musique  et  de  déclamation,  à  la  suite  du  concours  de 
l'année  scolaire  1862-1863. 

S.  Exe.  le  maréchal  Vaillant,  ministre  de  la  maison  de  l'Empereur 
et  des  beaux-arts,  est  arrivé  au  Conservatoire  à  une  heure,  accom- 
pagné de  MM.  Alphonse  Gautier,  conseiller  d'Etat,  secrétaire  général 
du  ministère  :  Camille  Doucet,  directeur  de  l'administration  des  théâ- 
tres; le  colonel  Monrival,  aide  de  camp  du  maréchal,  et  Delacharme, 
chef  (lu  cabinet  du  ministre. 

Son  Excellence,  reçue  à  son  arrivée  par  M.  Auber,  membre  de 
l'Institut,  directeur  du  Conservatoire,  et  par  M.  Edouard  Monnais, 
commissaire  impérial,  s'est  rendue  dans  la  partie  de  la  grande  salle 
qui  avait  été  préparée  pour  cette  cérémonie,  et  a  pris  place  au  mi- 
lieu des  professeurs;  on  remarquait  à  ses  côtés  le  général  Mellinet, 
MM.  Ambroise  Thomas  et  Clapisson,  membres  de  l'Institut. 

La  séance  ayant  élé  déclarée  ouverte,  le  ministre  a  prononcé  le 
discours  suivant  : 

«  Jeunes  élèves, 

»  Le  concours  est  terminé,  la  lutte  est  finie  ;  je  viens  au  miheu 
de  vous  couronner  les  vainqueurs  sur  le  théâtre  de  leurs  exploits. 

1)  Innocents  combats  que  les  vôtres  !  guerres  fraternelles  où  la  dé- 
faite même  a  sa  gloire,  où  le  succès  des  uns  ne  fait  que  stimuler  le 
courage  des  autres,  et  d'où  les  vaincus  se  relèvent  sans  honte  et  sans 
amertume,  pleins  de  confiance  parce  qu'ils  ont  en  eux  la  force,  pleins 
d'espoir  parce  qu'ils  ont  devant  eux  l'avenir. 

»  J'aime  à  vous  parler  de  l'avenir,  quand,  plus  qu'un  autre  peut  • 
être,  je  serais  autorisé  à  faire  l'apologie  du  passé. 

»  J'ai  vu,  en  effet,  briller  du  plus  grand  éclat  les  arts  divers  que 
l'on  vous  enseigne  ici;  j'ai  applaudi,  sur  bien  des  scènes,  de  grands 
artistes  qui  appartiennent  aujourd'hui  à  l'histoire    et  qui  semblaient 


ne  pouvoir  jamais  être  égalés;  mais  en  remontant  plus  loin  encore 
dans  mes  souvenirs,  n'ai-je  pas  assisté  aux  débuts  obscurs  de  ceux 
dont  la  retraite  fut  si  regrettée  ;  n'ai-je  pas  vu  des  élèves  inconnus 
succéder  en  tremblant  à  des  artistes  célèbres  qu'ils  devaient  éclipser 
plus  tard?  Chacun,  tour  à  tour,  reçoit  pour  ainsi  dire  en  héritage 
les  admirations  de  ses  pères  et  en  lègue  d'autres  à  ses  enfants. 

»  Loin  de  moi  donc  la  faiblesse  de  croire  que  le  dernier  mot  de 
l'art  ait  jamais  été  dit;  loin  de  moi  la  pensée  de  déprécier  vos  maî- 
tres au  profit  de  leurs  devanciers.  Regrettons  tous  ceux  qui  nous  ont 
charmés,  soit  qu'ils  s'éloignent  volontairement  de  la  scène  comme 
votre  excellent  professeur  M.  Samson,  soit  qu'ils  succombent  dans  la 
retraite  comme  votre  plus  cher  modèle  Mme  Damoreau,  soit  qu'ils 
disparaissent  avant  l'heure  comme  celte  jeune  et  aimable  enfant  que 
je  n'ose  nommer,  tant  sa  perte  est  récente  et  douloureuse  !  Justes 
envers  le  passé,  ne  lui  sacrifions  pas  l'avenir  ;  admirons  tout  ce  qu'il 
convient  d'admirer  ;  gardons  la  mémoire  de  tout  ce  qui  mérite  qu'on 
s'en  souvienne;  mais  ne  prétendons  pas  arrêter  le  monde  aux  jours 
où  nous  nous  sommes  arrêtés  nous-mêmes  ;  si  doux  que  soient  nos 
souvenirs,  ne  disons  jamais  d'aucune  époque  :  C'était  le  bon  temps. 

I)  C'est  toujours  le  bon  temps ,  mes  amis  !  S'il  y  a  toujours  des 
vieillards  qui  finissent  et  qui  regrettent,  il  y  a  toujours  des  jeunes 
gens  qui  commencent  et  qui  espèrent. 

»  Toujours  aussi,  et  en  présence  des  maîtres  qui  m'entourent,  je 
n'aurais  garde  de  l'oublier,  il  y  a  de  vrais  artistes  et  d'éminents  pro- 
fesseurs qui,  par  d'utiles  conseils  et  par  des  exemples  plus  utiles 
encore,  conservent  la  tradition  et  la  transmettent. 

»  A  leur  tête  j'aime  à  voir  l'illustre  et  infatigable  chef  de  l'Ecole 
musicale  française,  de  cette  brillante  école  dont  un  contemporain  de 
Rameau  eut  l'injustice  de  douter,  et  qui  a  réfuté  si  victorieusement 
cette  assertion  de  Jean- Jacques  Rousseau  :  «  Les  Français  n'ont  point 
»  de  musique  et  n'en  peuvent  avoir,  ou  si  jamais  ils  en  ont  une,  ce 
»  sera  tant  pis  pour  eux.  » 

1)  La  France,  et  c'est  tant  mieux  pour  elle,  a  aujourd'hui  sa  musi- 
que et  ses  musiciens. 

»  Qu'ils  composent  ou  qu'ils  exécutent,  qu'ils  soient  à  l'Ecole  de 
Rome  ou  à  l'Institut,  au  Japon  ou  au  Mexique,  qu'ils  charment  le 
public  dans  les  théâtres  ou  qu'ils  conduisent  nos  soldats  à  la  victoire, 
les  musiciens  de  la  France  n'ont  rien  à  envier  à  personne,  et  tandis 
que  les  œuvres  de  nos  compositeurs  sont  applaudies  sur  toutes  les 
scènes,  les  étrangers  eux-mêmes  rendent  hommage  à  l'incomparable 
orchestre  de  notre  Conservatoire. 

))  Heureux  d'être  auprès  des  artistes  l'interprète  d'une  auguste 
bienveillance,  je  ne  saurais  trop  leur  dire  que  l'Empereur  les  aime, 


250 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


et  que  son  intérêt  s'attache  aux  travaux  des  maîtres  comme  aux  pro- 
grès des  élèves.  Avant  de  vous  couronner  en  son  nom,  mes  jeunes 
amis,  je  vous  annonce  que  pour  reconnaître  de  tons  services  et  de 
nombreux  succès,  pour  donner  à  tout  le  corps  enseignant  du  Con- 
servatoire un  témoignage  de  sympathie  el  un  encouragement,  l'Em- 
pereur accorde  la  croix  de  la  Légion  d'honneur  à  l'un  de  vos  plus 
anciens  et  de  vos  plus  heureux  professeurs,  M.  Le  Couppey. 

»  Et  maintenant,  jeunes  ai'tistes,  le  prix  de  vos  efforts  vous  at- 
tend; votre  heure  est  venue,  et  la  carrière  s'ouvre  devant  vous.  Hé- 
ritiers et  successeurs  de  ceux  qui  vous  ont  généreusement  confié  le 
secret  de  leur  art,  vous  avez  appris  d'eux  à  les  imiter  ;  vous  les  éga- 
lerez un  jour,  et  ce  sera  leur  plus  douce  récompense.  » 

Ce  discours,  écouté  avec  un  très-grand  intérêt,  a  été  fréquemment 
interrompu  par  de  nombreux  applaudissements. 

La  séance  s'est  terminée  par  un  exercice  dramatique  et  lyrique 
exécuté  par  les  principaux  lauréats. 

Cet  exercice  se  composait  notamment  du  troisième  acte  de  Marie 
Stuart,  d'une  scène  du  Mariage  forcé  et  du  quatrième  acte  à! Othello, 
de  Rossini. 

Cette  cérémonie  a  fini  à  /j  heures.  » 


Entre  la  distribution  des  prix  et  l'exercice,  S.  Exe.  le  ministre  de 
la  maison  de  l'Empereur  et  des  beaux-arts,  conduit  par  M.  Auber,  a 
visité  le  musée  Clapisson,  cette  collection  si  riche  et  si  curieuse 
d'instruments  de  musique,  rangés  dans  un  ordre  qui  a  paru  excel- 
lent, et  dont  l'exposition  sera  bientôt  publique.  Puis  il  est  venu  s'as- 
seoir dans  la  loge  d'honneur,  et  l'exécution  du  programme  a  com- 
mencé. Ce  programme  nous  ramène  nécessairement  à  celui  des 
concours  différents,  dont  il  offrait  le  résumé  sommaire,  avec  une  dé- 
croissance d'effet  qu'il  faut  bien  reconnaître ,  mais  qu'il  est  facile 
d'expliquer. 

Au  concours,  c'est  l'imprévu  :  l'auditoire  ne  sait  rien,  ne  s'attend 
à  rien  de  ce  que  les  concurrents  vont  faire,  et  leur  tient  compte  de 
tout  ce  qu'ils  font;  la  satisfaction  s'accroît  même  d'une  certaine  dose 
de  surprise,  et  parfois,  la  bienveillance  aidant,  le  succès  dépasse  le 
mérite.  Tout  au  contraire,  à  la  séance  solennelle,  d'une  part  les  lau- 
réats tiennent  à  justifier  leurs  titres;  de  l'autre,  l'auditoire  se  consi- 
dère comme  appelé  à  les  reviser  ;  on  n'est  plus  en  famille  :  noblesse 
oblige,  et  l'on  peut  ajouter  qu'en  pareille  circonstance  noblesse  re- 
froidit. C'est  ce  qui  est  advenu  l'autre  jour  encore,  sans  toutefois 
jeter  trop  de  glace  dans  la  salle.  M.  Bach  a  fort  agréablement  chanté 
l'air  :  Viens,  gentille  dame.  Mlle  Rey  a  montré  qu'elle  avait  de  la 
voix  et  de  l'art  en  redisant,  comme  M.  Bach,  son  morceau  de  con- 
cours, l'air  du  premier  acte  de  la  Somnambule.  Mlle  Ebrard  avait 
cru  devoir  échanger  un  air  de  l'Enfant  prodigue  contre  un  autre  air 
de  Philémon  et  Baucis  :  chacun  son  goût,  mais  le  sien  n'est  pas  le 
nôtre.  Elle  n'en  a  pas  moins  prouvé  qu'elle  est  comédienne  autant 
que  chanteuse.  Elle  rappelle,  de  loin  encore,  le  style  et  le  goût  de 
Mme  Carvalho  ;  puisqu'elle  est  engagée  au  théâtre  Lyrique,  elle  achè- 
vera de  se  former  à  son  école.  M.  Colonne  a  joué  sagement  un  assez 
triste  solo  de  violon  qui  ne  doit  pas  être  jeune,  quoiqu'il  soit  de 
Bériot,  car  il  porte  une  large  perruque. 

Le  fragment  du  troisième  acte  de  Marie  Stuart  réunissait  Mlles  Co- 
lombier, Petit,  Leprévosf,  MM.  Beauvallet  et  Verdellct.  C'est  là  une 
de  ces  scènes  qui  se  jouent  pour  ainsi  dire  toutes  seules  :  on  n'a 
qu'à  ouvrir  la  bouche  pour  y  produire  de  l'émotion,  et  Mlle  Colom- 
bier n'y  a  pas  manqué.  Cependant  avouons  qu'elle  ne  nous  a  pas 
donné  l'idéal  de  la  reine  d'Ecosse  :  ce  sont  plutôt  les  fureurs  que 
les  douleurs  de  Marie  Stuart,  dont  elle  s'est  rendue  l'interprète.  Elle 
a  été  plus  terrible  que  touchante.  Mlle  Colombier  est  brune  et 
Mlle  Petit  blonde  :  l'une  et  l'autre  étaient  donc  dans  la  tradition  his- 


torique; à  cela  près,  il  nous  semble  que  le  rôle  de  Marie  Stuart  eût 
convenu  mieux  à  Mlle  Petit,  jeune  et  gracieuse  personne,  et  celui 
d'Elisabeth  à  Mlle  Colombier,  dont  l'énergie  n'est  pas  douteuse.  La 
scène  du  Mariage  forcé  fait  toujours  grand  honneur  à  Molière  :  un 
héritier  du  nom  de  Séveste,  jeune  garçon  de  dix-sept  ans  à  peine, 
en  a  profité  pour  enlever  son  premier  prix  ,  peut-être  un  peu  vite  ; 
l'année  dernière,  le  jury  n'avait  accordé  qu'un  second  prix  à  M.  Par- 
fouru,  qui  n'avait  pas  témoigné  moins  de  vocation,  de  mémoire,  d'ac- 
tivité que  M.  Séveste.  Le  Mariage  forcé  faire  rire  beaucoup  plus  aux 
concours  qu'aux  séances  solennelles,  oii  le  génie  même  n'absout  pas 
du  soupçon  de  parade. 

Enfin  le  couple  Soustelle  a  reparu  dans  le  troisième  acte  d'Othello, 
et  le  jugement  de  première  instance  a  été  confirmé  en  appel. 
Mme  Soustelle  avait  pour  elle  l'avantage  d'un  rôle  où  il  faut  chanter 
plus  que  déclamer,  tandis  qu'Othello,  dans  cette  partie  du  chef- 
d'œuvre,  doit  déclamer  plus  que  chanter.  On  ne  pouvait  donc  juger 
le  lauréat  tout  entier;  mais  on  a  été  frappé  de  ses  qualités  drama- 
tiques, et  l'on  a  reconnu  en  sa  femme  une  admirable  voix,  un  sen- 
timent vrai,  une  expression  poétique.  Elle  a  dit  la  romance  et  la 
prière  de  façon  à  mériter  des  applaudissements  sur  toutes  les  scènes. 
Au  surplus,  on  dit  que  les  deux  époux  sont  engagé.s  à  l'Opéra  : 
M.  Emile  Perrin,  nous  le  croyons,  n'aura  jamais  fait  ni  meilleure  ni 
plus  prompte  justice. 

Après  un  combat,  une  lutte  de  plusieurs  jours,  il  reste  des  blessés 
sur  le  champ  de  bataille.  Faut-il  chercher  à  les  consoler,  à  les  gué- 
rir, en  versant  un  peu  de  baume  sur  leurs  plaies?  Faut-il  dire  à 
M.  Vincent,  qui,  l'année  dernière,  avait  obtenu  le  second  prix  de 
chant,  que  s'il  n'a  pas  obtenu  le  premier  cette  année,  c'est  qu'il  avait 
mal  choisi  son  air?  Il  y  a  des  airs  charmants  qui  ne  seront  jamais 
des  morceaux  de  concours  :  celui  de  la  Fiancée,  que  chantait  si  bien 
Chollet  à  son  entrée,  n'est  pas  assez  étoffé,  pas  assez  important:  c'est 
le  bonjour  de  quelqu'un  qui  doit  vous  revoir  et  vous  en  dire  plus 
une  autre  fois.  En  effet,  dans  la  délicieuse  partition  d'Auber,  Chol- 
let en  disait  bien  davantage.  Un  autre  blessé  du  concours  de  chant, 
M.  Troy,  frère  de  l'artiste  de  l'Opéra-Comique,  méritait  une  distinc- 
tion par  la  manière  dont  il  a  chanté  un  air  fort  difficile  du  Raymond 
d'Ambroise  Thomas,  et  qui  avait  été  écrit  pour  Bussine,  mais  du 
moins  il  a  pris  une  brillante  revanche  dans  les  Noces  de  Jeannette, 
où  par  le  jeu,  par  l'organe,  il  offre  une  seconde  édition  de  l'excellent 
Couderc.  Comme  lui,  M.  Caillou  s'est  dédommagé  dans  une  scène  du 
Postillon,  du  peu  de  faveur  qui  l'avait  accueilli  dans  l'air  de  Zampa, 
quoique  chanté  avec  beaucoup  d'art.  M.  Mareux  a  réussi  également 
dans  le  chant  et  dans  des  fragments  de  Galaiée,  de  l'Eau  merveil- 
leuse. Nous  ne  sachions  pas  de  plus  remarquable  produit  du  travail  : 
la  nature  n'avait  donné  à  M.  Mareux  qu'une  voix  de  ténor  fraîche  et 
timbrée,  mais  il  lui  fallait  acquérir  tout  le  reste,  et  il  en  est  venu  à 
bout.  Ce  sera  l'un  des  trial  les  plus  précieux.  Il  chante  bien  et  il  est 
comique.  M.  Teste  nous  permettra  de  lui  dire  qu'il  a  complètement 
dépassé  le  but  :  il  a  chargé  au  point  de  n'être  plus  tolérable  ;  il  eût 
paru  hors  de  toute  mesure,  même  sur  les  tréteaux. 

Dans  les  classes  d'instruments  à  vent,  il  règne  une  émulation  très- 
méritoire  :  celles  de  flûte ,  de  hautbois ,  de  clarinette,  de  cor,  de 
trompette,  de  trombone,  tenues  par  MM.  Dorus,  Triebert,  Klosé, 
Gallay,  Dauverné,  Dieppo,  et  dans  lesquelles  l'élément  militaire  se 
mêle  à  l'élément  civil,  ont  brillé  par  la  quantité  non  moins  que  par 
la  qualité.  La  classe  de  cornet  à  pistons,  tenue  par  M.  Forestier,  a 
fait  de  grands  progrès.  Quant  à  celles  de  saxophone  et  de  saxhorn , 
dont  les  professeurs  sont  MM.  Adolphe  Sax  et  Arban,  elles  ont  con- 
servé leur  supériorité  ordinaire  :  tous  les  élèves  qui  en  font  partie 
ont  obtenu  des  récompenses,  soit  en  prix,  soit  en  accessit ,  et  il  faut 
convenir  que  tous  se  distinguent  par  une  exécution  de  solistes  et 
par  une  réelle  faculté  de  lecture.  Cela  tient  sans  doute  au  talent  des 
maîtres,    aux    avantages   que   présentent  les  instruments,  et  à  la 


DE  PARIS. 


251 


discipline  qui,  dans  les  classes  exclusivement  militaires,  ne  souffre 
pas  le  temps  perdu. 

Les  concours  d'instruments  à  vent  étaient  divisés  en  deux  journées: 
ceux  de  la  seconde  ont  eu  pour  président  M.  le  général  Mellinet. 
M.  Auber,  voulant  assister  le  matin  aux  obsèques  de  la  pauvre  Emma 
Livry,  avait  prié  le  glorieux  général  de  vouloir  bien  prendre  sa  place, 
et  à  son  retour  il  l'a  prié  de  la  garder. 

Paul  SMITH. 


EFFETS  DES  CIRCONSTANCES 

sur  la  situation  actuelle   de  la  musique,  au  point  de 
Tue  de  la  composition. 

CE  qu'il  faudrait   faire  I'OUR  améliorer  cette  SITUATIOIV. 

(Premier  article.) 

J'aborde  un  sujet  qui  me  préoccupe  depuis  longtemps  et  sur  lequel 
j'ai  des  opinions  qui  trouveront  peut-être  des  contradicteurs  ;  mais 
en  exposant  mes  idées,  je  songe  à  être  utile  et  non  à  être  approuvé 
de  tous  ceux  qui  me  liront.  Quand  on  se  propose  d'indiquer  les 
causes  d'un  mal  considérable,  il  ne  faut  pas  craindre  de  dire  toute  la 
vérité. 

La  création  de  la  grande  musique,  comme  celle  de  la  grande  pein- 
ture, ne  se  trouve  que  dans  le  passé.  L'évidence  est  ici  telle,  que 
la  discussion  n'est  pas  à  craindre.  N'ayant  pas  la  grande  musique, 
faite  uniquement  pour  l'intelligence  et  le  sentiment,  nous  avons  la 
grosse,  dont  le  but  est  l'émotion  nerveuse,  à  l'aide  des  effets  de 
rhythme  et  de  sonorité.  En  faisant  cette  comparaison,  on  pourrait 
croire,  au  premier  aperçu,  que  ces  deux  déterminations  de  l'art  ré- 
pondent à  des  besoins  d'époques  en  tout  différentes;  mais  il  n'en  est 
pas  ainsi,  car  j'ai  assez  vécu  pour  avoir  la  preuve  qu'en  aucun  temps 
les  oeuvres  les  plus  belles  des  plus  grands  maîtres  n'ont  été  aussi 
bien  comprises  ni  aussi  généralement  admirées  qu'elles  le  sont  au- 
jourd'hui. Il  y  a  là  une  anomalie  qu'on  serait  tenté  de  croire  impos- 
sible, et  dont  il  faut  chercher  les  causes. 

La  première  est  une  illusion  née  du  mouvement  imprimé  par  la 
révolution  française  de  1789.  Les  tendances  de  transformation  qui 
se  manifestèrent  alors  en  toute  chose,  parurent  applicables  à  l'art 
comme  à  la  politique,  aux  mœurs  et  aux  sciences.  Il  y  eut  de  cer- 
tains esprits  qui  se  persuadèrent  qu'il  fallait  faire  disparaître  l'ancien 
régime,  comme  on  disait  alors,  de  la  peinture  et  de  la  musique 
comme  il  avait  disparu  dans  la  nouvelle  organisation  de  la  société. 
Plus  d'églises,  partant  plus  de  musique  religieuse  ni  de  sujets  puisés 
dans  la  Bible  ou  dans  le  Nouveau  Testament  pour  les  tableaux.  Au 
théâtre,  la  mélodie  paraissait  bien  fade  à  d'énergiques  républicains. 
Je  me  souviens  que  lorsque  je  fus  admis  comme  élève  au  Conserva- 
toire de  Paris,  sous  le  Directoire,  on  y  levait  les  épaules  lorsque  je 
prononçais  le  nom  de  Grétry  et  parlais  de  ses  ouvrages.  On  y  parlait 
de  bonne  foi  de  la  création  d'une  musique  nouvelle  qui  serait  en 
rapport  avec  les  sentiments  d'une  nation  régénérée.  Euphrosine  ou 
le  Tyran  corrigé,  Ariodant  et  Adrien,  de  Méhul;  Médée,  de  Cheru- 
bini;  la  Caverne,  de  Lesueur;  Montana  et  Stéphanie,  et  le  Délire,  de 
Berton,  étaient  considérés  comme  les  préludes  de  cette  musique  par- 
faite, née  d'un  système  vers  lequel  on  se  dirigeait.  Qu'on  lise  deux 
ou  trois  discours  prononcés  par  Méhul  aux  séances  de  la  classe  des 
beaux-arts  de  l'Institut,  dans  les  premières  années  de  ce  siècle,  on  y 
trouvera  ces  idées  clairement  exprimées.  Certes,  il  y  avait  de  très- 
belles  choses  dans  les  ouvrages  que  je  viens  de  citer  ;  mais  pour  la 
première  fois  l'esprit  de  système  s'introduisait  dans  une  école  de 
composition,  et  ce  système  préparait  la  décadence  de  l'art.  Il  la  pré- 
parait en  supposant  que  l'art  a  un  passé,  un  présent  et  un  avenir, 
au  lieu  de  reconnaître  en  lui  ce  que  nous  montre  l'histoire,  à  savoir, 


le  développement  de  l'unité  de  sentiment  et  d'idée  dans  des  évolutions 
de  formes  ;  il  la  préparait  en  supposant  la  possibilité  de  créer  dans 
l'art  par  l'action  de  la  volonté  et  de  dessein  prémédité,  à  l'aide  de 
vues  préconçues  et  antérieures  aux  déterminations  spontanées  de  l'i- 
magination; il  la  préparait,  enûn,  en  accordant  à  certains  procédés 
de  facture,  à  certaines  formules  d'école,  le  pouvoir  de  réaliser  des 
beautés  conçues  systématiquement. 

Et  qu'on  ne  croie  pas  que  j'exagère  et  que  je  prête  à  d'illustres 
artistes  des  idées,  des  vues,  des  théories  qui  n'auraient  pas  été  les 
leurs,  car  je  suis  plein  encore  du  souvenir  de  certaines  paroles  qui 
me  furent  dites  par  Méhul  en  1802.  J'avais  alors  dix-huit  ans  et 
j'étais  élève  au  Conservatoire.  Je  me  trouvais  chez  Ignace  Pleyel, 
qui  me  recevait  avec  bonté  ;  Méhul  y  vint  pendant  que  je  parlais 
avec  enthousiasme  du  plaisir  que  je  venais  d'éprouver  à  entendre  le 
Matrimonio  segrelo  de  Cimarosa ,  au  petit  théâtre  de  la  rue  de  la 
Victoire.  C'était  la  première  fois  que  cet  ouvrage  était  entendu  à  Pa- 
ris. Méhul  sourit  de  mon  admiration  chaleureuse  et  me  dit  :  «  Jeune 
homme,  à  votre  âge  on  se  laisse  aller  à  ses  impressions  et  l'on  se 
passionne  volontiers  ;  pour  nous  qui  savons  comment  se  fait  cette 
musique,  ce  qui  s'y  trouve,  et  ce  qui  y  manque,  nous  sommes  moins 
prompts  à  nous  exalter.  La  musique  italienne  fait  son  temps ,  mais 
elle  passera.  Vous  êtes  assez  jeune  pour  voir  s'accomplir  la  révolu- 
tion commencée  dans  l'art  par  l'école  française,  et  pour  être  témoin 
de  son  triomphe  sur  les  autres  écoles.  » 

L'Italie,  concentrée  en  elle-même,  ne  s'occupait  ni  de  la  musique 
allemande,  ni  de  la  française  :  elle  n'estimait,  ou  plutôt  ne  connais- 
sait que  la  sienne.  En  possession  d'écoles  où  d'anciennes  traditions 
étaient  encore  vivantes ,  elle  voyait  ses  compositeurs  se  former  par 
des  études  de  dix  à  douze  années  dans  les  conservatoires ,  et  ses 
chanteurs  ne  se  hasardaient  sur  la  scène  qu'avec  une  belle  voix  et 
une  éducation  vocale  complète.  Malheureusement,  la  France  venait  de 
porter  atteinte  à  la  robuste  constitution  de  l'art  ancien  de  l'Italie  par 
l'introduction  de  l'esprit  révolutionnaire  dans  cette  péninsule  ,  par 
l'ébranlement  de  ses  institutions,  et  par  la  dilapidation  d'une  partie 
de  ses  ressources.  Les  conséquences  de  celte  perturbation  ne  se  firent 
pas  sentir  immédiatement;  mais  de  grands  artistes,  compromis  dans 
ce  mouvement,  disparurent  et  ne  purent  continuer  les  traditions  par 
lesquelles  ils  s'étaient  formés;  les  écoles  s'affaiblirentprogressivement 
et  les  études  cessèrent  d'être  sérieuses.  Dans  cette  situation  survint 
un  homme  de  génie  dont  les  œuvres  furent  une  source  des  plus  vives 
jouissances  pour  toute  la  génération  contemporaine  et  forment,  no- 
nobstant de  certaines  imperfections,  une  des  époques  les  plus  inté- 
ressantes de  l'histoire  de  l'art.  Il  ne  faut  pas  se  le  dissimuler  pour- 
tant: une  des  causes  du  succès  universel  de  ces  mêmes  œuvres  fut 
l'alliance  du  caractère  national  de  la  musique  italienne  avec  l'art 
exotique  ;  l'harmonie  et  l'instrumentation  allemandes  y  apportèrent 
leur  contingent.  On  put  dès  lors  prévoir  que  là  ne  s'arrêteraient  pas 
les  emprunts  que  ferait  l'Italie  pour  sa  musique  aux  nations  étran- 
gères, et  que  le  caractère  national  de  l'art  italien  continuerait  de 
s'affaiblir  en  raison  de  l'accroissement  des  ressources  étrangères 
dont  on  croirait  l'enrichir.  Ce  fut  en  effet  ce  qui  arriva  lorsque  Bel- 
lini  eut  donné  à  ses  mélodies  le  caractère  syllabique  et  déclamé  de 
la  musique  française. 

On  sait  quelles  furent  les  innombrables  imitations  de  la  musique 
de  Rossini  d'abord,  puis  de  Beliini,  qui  virent  le  jour  et  moururent 
dans  l'espace  d'un  demi-siècle.  Pendant  ce  temps,  la  décadence  des 
études  continuait,  au  point  que  l'on  en  est  venu  à  ne  pouvoir  écrire 
une  partition  qui  puisse  soutenir  l'examen  d'un  connaisseur.  L'art  du 
chant  n'était  pas  dans  une  meilleure  situation.  Aux  professeurs  qui 
l'enseignaient  autrefois  avec  de  si  beaux  succès  n'avaient  pas  succédé 
d'autres  maîtres.  La  rareté  des  bons  chanteurs  italiens  étant  venue, 
les  entrepreneurs  des  théâtres  de  Milan ,  de  Venise ,  de  Rome  et  de 
Naples  en  demandèrent  à  la  France,  à  l'Allemagne,  à  l'Angleterre,  et 


252 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


*a  décadence  du  caractère  national  de  la  musique  italienne  n'en  devint 
que  plus  active.  A  l'art  du  chant  succéda  la  force  vraie  ou  factice  des 
poumons  ;  à  celle-ci  succédera  bientôt  le  silence  :  car  on  ne  trouvera 
pas  plus  de  crieurs  que  de  chanteurs  :  la  consommation  en  est  trop 
rapide. 

L'Italie  elle-même,  bien  que  préoccupée  et  malade  de  sa  situation 
politique,  a  poussé  récemment  son  cri  de  détresse  sur  la  perte  de 
Fart  qui  lit  autrefois  sa  gloire  et  sa  joie.  Un  journal  de  musique  qui 
se  publie  à  Florence  (Boccherini)  constatait  dans  un  de  ses  derniers 
numéros  que  n'ayant  plus  ni  compositeurs  dramatiques  d'un  mérite 
suffisant,  ni  chanteurs,  la  musique,  besoin  de  toutes  les  âmes  sensibles, 
devait  chercher  un  refuge  dans  le  style  instrumental.  Cette  pensée  est 
sans  doute  commune  à  toute  l'Italie,  car  presque  au  même  instant  se 
sont  organisées  dans  la  plupart  des  grandes  villes  des  sociétés  de  mu- 
sique de  chambre  et  d'orchestre  :  des  prix  ont  été  fondés  pour  la 
composition  de  quatuors,  de  symphonies  et  d'autres  pièces  de  musique 
instrumentale.  Il  appartient  aux  âmes  énergiques  de  ne  désespérer  ni 
de  soi  ni  de  l'art;  mais  pour  opérer  une  régénération,  il  faut  com- 
mencer par  le  commencement.  Or,  le  commencement,  c'est  l'art 
d'écrire  :  pour  que  cet  art,  à  peu  près  perdu ,  se  retrouve,  il  faut 
fortifier  l'enseignement  dans  les  écoles.  Si  l'on  veut  composer  des 
œuvres  qui  aient  le  mérite  de  celles  de  Haydn  et  de  Mozart,  il  ne 
faut  pas  se  borner  à  les  étudier;  encore  moins  faudrait-il  prendre 
Beethoven  pour  modèle,  car  on  ne  deviendrait  que  les  copistes  de  ces 
grands  hommes.  Pour  les  égaler,  si  l'on  a  du  génie  comme  eux,  il  faut 
puiser  à  la  source  où  eux-mêmes  sont  remontés;  il  faut  étudier  les 
règles  des  anciens  maîtres,  règles  fécondes  qui  s'appliquent  à  tout,  et 
qui  sont  les  bases  de  l'art  dans  toutes  ses  déterminations.  Ces  règles 
et  leurs  applications  pratiques  sont  déposées  dans  des  livres  où  il  faut 
que  des  hommes  intelligents  et  bons  musiciens  les  cherchent  et  se  les 
identifient  de  manière  à  les  bien  enseigner.  Alors  il  pourra  encore 
se  former  de  grands  compositeurs  ;  mais  alors  seulement.  L'art  d'é- 
crire, que  depuis  trente  ans  on  a  tant  décrié ,  et  contre  lequel  il  y  a 
tant  de  révoltes,  parce  qu'il  est  difficile  et  qu'on  n'a  pas  eu  le  cou- 
rage de  l'apprendre  ;  cet  art,  onl'étudiait  avec  persévérance  alors  que 
se  succédaient  sans  interruption  ces  grands  artistes  du  passé  auxquels 
nous  sommes  obligés  de  recourir  pour  retrouver  le  sentiment  du  beau 
que  nous  ne  trouvons  pas  dans  les  élucubrations  impuissantes  des 
hommes  du  jour,  lesquels  ne  savent  rien  de  cet  art  ou  le  savent  mal. 
Commençons  d'abord  par  apprendre  :  plus  tard,  si  nous  avons  quelque 
chose  à  dire,  nous  le  dirons  bien. 

L'Allemagne  est  peut  -  être  dans  une  situation  pire  que  la 
France  et  l'Italie,  eu  égard  à  l'état  actuel  de  la  musique,  après  avoir 
été  placée  plus  haut  qu'aucune  autre  nation  par  la  faculté  de  création 
dans  cet  art.  Pendant  cent  cinquante  ans  (1675  à  1825),  pour  ne 
parler  que  des  astres  puissants  autour  desquels  les  autres  ont  gravité, 
on  voit  sans  interruption  se  succéder  ou  vivre  contemporains  Jean- 
Sébastien  Bach  et  Haendel,  Charles-Philippe-Emmanuel  Bach,  Haydn, 
Gluck,  Mozart,  Beethoven  et  Weber.  Je  n'ai  pas  besoin  de  dire  ce 
que  sont  ces  inventeurs;  on  le  sait  et  j'en  ai  dit  ailleurs  mon 
sentiment.  A  peine  trente  ans  se  sont  écoulés  depuis  le  temps 
où  j'ai  vu  les  Allemands  se  prosterner  devant  les  œuvres  de  leur 
génie.  —  Il  n'en  est  plus  de  même  aujourd'hui.  Non  qu'il  n'y  ait  en 
Allemagne,  comme  partout,  une  population  d'élite  qui  sera  toujours 
sensible  au  véritable  beau  ;  mais  il  s'y  trouve  aussi  en  très-grande 
quantité  des  partisans  fanatiques  des  monstruosités  enfantées  dans 
ces  derniers  temps.  A  l'égard  des  artistes,  ils  se  partagent  en  plu- 
sieurs camps,  et  suivant  l'un  un  drapeau,  l'autre  un  autre,  sans 
autre  règle  que  la  fantaisie,  le  caprice,  ou  guidés  par  des  considéra- 
tions systématiques  étrangères  au  véritable  but  de  l'art.  Ils  ont  des 
opinions  sur  l'objet  de  cet  art  et  sur  ses  produits,  mais  ils  n'ont  plus 
de  foi.  La  réforniation  luthérienne  porte  en  eux  ses  derniers  fruits. 
Mendeissohn  est  le  dernier  compositeur  allemand  qui  soit  resté  fidèle 


aux  traditions  classiques,  c'est-k-dire  à  l'art  vrai,  éternel.  C'était 
d'ailleurs  un  musicien  éminemment  instruit,  qui  cultiva  l'art  d'écrire 
avec  une  grande  distinction.  Tant  que  Mendeissohn  vécut,  Schumann 
eut  peu  de  partisans,  nonobstant  l'influence  de  la  Nouvelle  Gazette 
musicale  de  Leipzick,  qu'il  aviit  fondée  pour  appuyer  ses  tendances 
d'innovation  dans  la  forme.  Aujourd'hui  Mendeissohn  a  perdu  beau- 
coup de  ses  adeptes  qui  se  sont  faits  schumanistes .  D'autres  consi- 
dèrent Schumann  comme  arriéré  et  se  tournent  vers  un  autre  astre 
nébuleux  qui  a  nom  Brahms.  Celui  qui  écrit  le  plus  mal  et  heurte 
les  oreilles  des  associations  de  sons  les  plus  étranges  ;  celui  surtout 
qui  trahit  le  plus  souvent  le  sentiment  tonal,  est  considéré  par 
beaucoup  d'Allemands  comme  le  génie  le  mieux  inspiré,  le  plus  ori- 
ginal. Je  ne  serais  pas  étonné  que  M.  Richard  Wagner  ne  fût  réputé 
quelque  jour  une  ganache  classique.  Dans  une  certaine  portion  de  la 
population  d'outre-Bhin,  l'instinct  de  l'art,  c'est-à-dire  de  ce  qui  mé- 
rite ce  nom,  semble  à  jamais  éteint,  et  le  désordonné  paraît  seul 
pouvoir  faire  naître  l'émotion. 

De  l'excès  naît  en  général  la  réaction  :  cette  réaction,  nous  la 
voyons  dans  le  sentiment  public  en  France  comme  en  Italie.  En 
sera-t-il  de  même  en  Allemagne?  Je  l'ignore,  mais  j'en  ai  quelque 
doute.  La  nation  allemande,  portée  vers  la  méditation,  a  plus  de  pro- 
fondeur que  les  autres  et  peut  s'élever  aux  plus  hautes  régions  de  la 
science  :  mais  il  n'est  pas  dans  sa  nature  de  poser  de  limites  à  sa 
faculté  de  connaître.  C'est  ainsi  qu  elle  s'égare.  En  philosophie,  après 
la  réforme  de  Kant  et  les  rigoureuses  déductions  de  la  logique  de 
Fichte,  elle  parvint  à  l'idéalisme  transcendental  de  Schelling,  bientôt 
dépassé  par  l'aôsoizf  de  Hegel;  et  parmi  les  disciples  de  celui-ci,  il 
s'en  trouva  qui  l'accusèrent  de  timidité  dans  l'application  de  sa  doc- 
trine, et  qui,  voulant  faire  eux-mêmes  cette  application,  se  trouvè- 
rent placés  fatalement  entre  le  panthéisme  et  le  scepticisme.  Depuis 
lors,  une  sorte  de  découragement,  de  dégoût  de  la  philosophie,  sem- 
ble s'être  emparé  de  la  nation  allemande.  Plus  grande  encore,  son 
erreur  à  l'égard  d'une  sorte  d'absolu  en  musique  lui  a  persuadé 
qu'on  avance  vers  la  solution  du  problème  à  chaque  évolution  de 
l'idée  et  de  la  forme,  en  sorte  qu'elle  va  s'égarant  de  plus  en  plus 
dans  sa  recherche,  sans  se  poser  pour  limite  la  nécessité  de  satisfaire 
le  sentiment  et  la  raison.  Les  Allemands  ne  nous  présentent  pas, 
comme  les  autres  peuples,  dans  l'histoire  des  sciences  et  des  arts, 
des  moments  où,  s'apercevant  qu'on  a  fait  fausse  route,  on  s'arrête 
et  l'on  revient  sur  ses  pas. 

Cependant,  il  n'ya  que  la  réaction  du  sentiment  public  qui  puisse 
obliger  les  artistes  allemands  à  revenir  de  la  voie  sans  issue  où  ils 
se  sont  engagés.  Cette  réaction  se  fera-t-elle  ?  C'est  là  qu'est  le  pro- 
blème pour  moi. 

Je  me  suis  proposé,  dans  ce  premier  article,  d'établir  que  la  mu- 
sique est  partout  en  décadence  et  d'en  rechercher  les  causes.  Dans 
la  suite  de  ce  travail  je  dirai  mes  idées  sur  la  restauration  possible 
et  probable  de  cet  art  dans  son  domaine,  et  j'indiquerai  aux  jeunes 
artistes  les  moyens  par  lesquels  je  crois  cette  restauration  infaillible. 

FÉTIS  père, 
{La  suite  ■prochainement.) 


BEVUE  DES  THÉÂTRES. 


Théâtre-Français  :  Reprise  de  la  Jeunesse,  comédie  en  cinq  actes  et 
en  vers,  de  M.  Emile  Augier.  —  Ambigu  :  la  Sorcière  ou  les  États 
de  Blois ,  drame  en  cinq  actes  et  dix  tableaux ,  par  MM.  Aaicet 
Bourgeois  et  Jules  Barbier.  —  Théâtre  du  Boulevard  du  Temple  : 
te  Mauvais  sujet,  drame  en  cinq  actes  et  sept  tableaux,  par  M.  Eu- 
gène Nyon. 

Je  ne  sais  si  la  remarque  en  a  été  faite,  mais  il  est  hors  de  doute 
que  plus  de  la   moitié   du  répertoire  moderne  de  la  Comédie  fran- 


DE  PARIS. 


253 


çaise  ne  lui  est  arrivée  que  de  seconde  main,  et  qu'elle  l'a  empruntée 
à  d'autres  scènes,  principalement  à  celle  de  l'Odéon.  Comme  il  y  a 
gros  à  parier  que  la  plupart  de  ces  conquêtes,  razziées  sur  l'ennemi, 
ont  d'abord  essuyé  les  rebuffades  du  comité  de  la  rue  Richelieu,  cette 
méthode,  avouons-le,  si  elle  ne  fait  pas  l'éloge  de  la  hardiesse  et  de 
l'initiative  de  messieurs  les  sociétaires  de  S.  M.  l'Empereur,  plaide 
du  moins  en  faveur  de  leur  modestie  et  de  leur  respect  pour  la 
chose  jugée.  Qui  a  empêché  la  Jeunesse,  de  M.  Emile  Augier,  d'être 
jouée  pour  la  première  fois  au  Théâtre-Français?  Il  y  a  là  un  mys- 
tère de  coulisse  que  nous  ignorons  et  que  nous  voulons  ignorer. 
Toujours  est-il  qu'à  la  suite  de  la  Ciguë,  du  même  auteur,  de  la 
Bourse,  de  M.  Ponsard,  et  de  tant  d'autres  œuvres  consacrées  par 
le  succès,  elle  est  venue  grossir  le  nombre  de  ces  recrues  étrangè- 
res qui  constituent  le  plus  clair  des  forces  de  la  littérature  drama- 
tique de  notre  époque.  Quoique  interprétée  presque  exclusivement 
par  des  artistes  qui  ne  font  pas  encore  partie  de  l'illustre  aréopage, 
la  Jeunesse  n'en  a  pas  moins  reçu  un  excellent  accueil,  et  la  char- 
mante idylle  du  cinquième  acte  n'a  pas  produit  un  moindre  effet  qu'à 
l'Odéon. 

—  Le  nouveau  drame  de  l'Ambigu,  la  Sorcière  ou  les  Etais  de 
Blois,  se  distingue  par  un  double  courant  d'idées  qui  se  développent 
parallèlement,  sans  pouvoir  parvenir  à  jamais  se  mêler.  D'un  côté, 
l'histoire  sanglante  de  la  lutte  des  Valois  et  des  Guise ,  sombre  et 
grandiose  épisode  terminé  par  l'assassinat  du  Balafré.  Rien  n'égale 
l'intérêt  puissant  de  ces  scènes  qui  ont  inspiré  la  remarquable  trilo- 
gie de  M.  Vitet  et  le  saisissant  tableau  de  Paul  Delaroche.  C'est  en 
elles  que  réside  tout  l'attrait  de  la  pièce  de  l'Ambigu.  Quant  à  la 
Sorcière  qui,  d'autre  part,  traverse  l'action  et  fait  de  vains  efforts 
pour  s'y  rattacher  tant  bien  que  mal,  nous  ne  voyons  guère  de  rai- 
son d'être  que  dans  l'aclualité  du  livre  de  M.  Michelet.  C'est  une  ex- 
plication, mais,  franchement,  ce  n'est  point  une  excuse.  Il  eût  été  plus 
sage  et  plus  prudent  de  laisser  ce  malencontreux  personnage  dans 
les  bas-fonds  malsains  d'où  on  l'a  tiré.  L'histoire,  voilà  le  drame  et 
le  vrai  drame  ;  combien  pâlissent  auprès  d'elle  les  aventures  plaquées 
de  cette  femme,  de  cette  sorcière,  puisque  vous  le  voulez  absolument, 
qui  cherche  partout  les  traces  de  sa  progéniture  égarée,  qui  la  pour- 
suit de  sa  haine,  sans  la  connaître,  et  qui,  la  connaissant ,  l'entoure 
de  sa  protection  secrète  !  Mme  Marie  Laurent  a  beau  prêter  tout  le 
prestige  de  son  incontestable  talent  aux  caprices  de  ce  rôle  hybride, 
les  sympathies  du  public  passent  par-dessus,  et  vont  tout  droit  à  ces 
grandes  figures  historiques  du  duc  de  Guise  et  de  son  assassin  royal, 
habilement  présentées  par  Crindeau  et  Rouvière,  deux  artistes  cons- 
ciencieux. A  tout  prendre,  il  ne  faudrait  peut-être  que  quelques  de- 
grés de  moins  au  baromètre  pour  que  la  Sorcière,  émondée  avec 
soin,  avec  discernement ,  fît  entrer  de  fructueuses  recettes  dans  la 
caisse  de  l'Ambigu. 

—  Alléché  par  la  vogue  réellement  extraordinaire  de  Léonard  et 
de  sa  légion  d'égoutiers,  le  théâtre  du  boulevard  du  Temple  a  voulu 
tenter  sur  nouveaux  frais  une  seconde  édition  de  cette  épopée  po- 
pulaire, au  mépris  de  l'axiome  si  connu  :  non  bis  in  idem.  Il  y  a 
bien  certainement,  dans  te  Mauvais  sujet,  tous  les  ingrédients  néces- 
saires pour  constituer  un  drame  émouvant,  où  le  rire  se  mêle  aux 
larmes  dans  de  justes  proportions.  Le  sort  de  cet  homme  faible  qui, 
entraîné  par  de  mauvais  conseils,  par  des  exemples  déplorables, 
est  arrivé,  de  folies  en  folies,  à  commettre  des  actions  déshonorantes 
qui  rejaillissent  sur  sa  famille  entière,  s'il  n'est  pas  d'une  morahté 
bien  neuve,  offre  pourtant  une  leçon  dramatiquement  déduite  et 
mise  en  relief  par  des  situations  attachantes  ou  terribles.  Le  seul  tort 
du  Mauvais  sujet,  c'est  de  venir  après  Léonard.  Que  faire  à  cela  ? 
Les  sept  décorations  nouvelles  annoncées  sur  l'affiche  n'y  peuvent 
rien,  et  la  musique  elle-même,  de  M.  Auguste  Léveillé,  quelque 
prodigue  qu'elle  se  fasse,  n'est  pas  de  force  à  lutter  contre  les  sou- 
venirs de  la  romance  de  la  Cigale  et  de  la  ronde  des  Egoutiers.  Et 


cependant  il  n'y  a  pas  moins  de  trois  rondes  dans  le  Mauvais  sujet, 
et  quels  titres!  les  Trois  refrains,  la  Brigue-Titi,  et  les  Parisiens 
de  Paris.  Ce  que  c'est  que  de  ne  pas  venir  à  son  heure,  surtout  en 
fait  de  théâtre  ! 

D.  A.  D.  SAINT- YVES. 


CORRESPONDANCE. 

Londres,  le  6  août  1863. 

La  deuxième  représentation  de  la  Fille  du  régiment  a  terminé  samedi 
dernier  la  saison  de  1863  à  Covent-Garden.  Mlle  Patti,  qui  durant  toute 
la  saison  avait  soutenu  la  fortune  du  théâtre,  était  donc  encore 
chargée  de  faire  les  adieux  au  public.  Peut-être  M.  fiye  a-t-il  voulu 
par  ce  choix  augmenter  les  regrets  de  cette  clôture  si  strictement 
exacte. 

Ce  rôle  de  la  Fille  du  régiment,  qui  a  tenté  tant  de  grandes  cantatrices, 
à  commencer  par  Jenny  Lind  —  (oui,  madame  Goldschmidt,  vous  ne  le 
croirez  pas,  mais  vous  avez  porté  un  jour,  et  fièrement  porté,  je  vous 
l'assure,  le  pantalon  bleu  et  le  baril  d'eau-de-vie)  —  ce  rôle  que 
Mlle  Patti  abordait  cette  année  pour  la  première  fois,  a  été  un  de  ses 
plus  grands  triomphes.  Jamais  la  jeune  cantatrice  n'a  montré  plus  d'en- 
train et  de  verve,  et  jamais  réception  ne  fut  plus  cordiale  ni  plus  en- 
thousiaste. Sins  compter  les  rappels  nombreux  dans  le  courant  de  l'ou- 
vrage, Mlle  Patti  a  été  rappelée  à  la  chute  du  rideau,  d'abord  avec  toute 
la  troupe,  et  ensuite  elle  a  été  obligée,  par  deux  fois,  de  reparaître  seule. 
Puis,  à  la  demande  générale,  c'a  été  le  tour  de  M.  Costa  de  venir  de- 
vant le  rideau  recevoir  le-î  applaudissements,  juste  hommage  rendu 
d'ailleurs  à  l'excellent  orchestre  et  à  son  chef,  ou  plutôt  au  chef  célè- 
bre de  tout  ce  qui  concerne  la  musique  dans  ce  bel  et  si  artistique 
établissement  de  Covent-Garden.  Enfin,  pour  terminer  suivant  l'usage, 
l3  rideau  s'est  levé  de  nouveau  pour  l'exécution  de  l'hymne 
national.  A  la  très-agréable  surprise  de  l'auditoire,  Mlle  Patti  s'est 
chargée  des  soli,  et  la  surprise  a  été  double,  car  non-seulement 
Mlle  Patti  les  a  chantés  admirablement,  mais  elle  a  encore  déclamé  les 
strophes  avec  une  prononciation  anglaise  des  plus  pures ,  ce  à  quoi  les 
artistes  italiens  ne  nous  ont  guère  habitués.  Mlle  Patti  chantant  le  God  save 
m'a  rappelé  liachel  chantant  jadis  la  Marseillaise,  et  aussi  Mme  Viardot, 
qui  possède  le  don  et  la  science  de  parler  toutes  les  langues  en  per- 
fection. 
Telle  a  été,  le  1^'  août,  la  clôture  de  la  season  de  Covent-Garden. 
Covent-Garden  fermé,  le  théâtre  de  Her  Majesty  attire  d'autant  plus 
notre  attention.  Ce  théâtre,  qui,  malgré  toutes  ses  vicissitudes,  a  su 
s'attacher  et  garder  la  plus  belle  voix  du  monde, —  nous  avons  nommé 
Mlle  Tietjens,  —  a  déployé  pendant  la  saison  qui  vient  de  finir  une  ac- 
tivité vraiment  prodigieuse,  et  il  la  prolonge  même  au-delà  du  terme  fixé. 
Mais  s'il  est  juste  de  reconnaître  l'activité  dont  M.  Mapleson  a  fait 
preuve,  c'est  surtout  au  zèle  infatigable  de  Mlle  Tietjens  que  nous  de- 
vons payer  notre  tribut  d'admiration,  car  pour  rendre  service  à  son 
théâtre,  cette  grande  artiste  n'a  pas  hésité  à  chanter  souvent  les  six 
jours  de  la  semaine.  Ses  grands  rôles,  tels  que  la  Valentine  des  Hugue- 
nots ou  la  Norma,  sont  devenus  des  types  qui  ne  seront  jamais  dépassés 
et  qu'on  ne  discute  plus.  Les  deu.ii;  dernières  créations  dans  lesquelles 
il  nous  a  été  donné  d'applaudir  cette  belle  interprète  des  grandes  choses, 
étaient  les  rôles  de  Rézia,  dans  Oberon,  et  de  la  comtesse  des  Nozze  di 
Figaro.  Je  vous  ai  déjà  rendu  compte  de  la  maestria  avec  laquelle 
Mlle  Tietjens  s'acquitte  du  rôle  de  Rezia,  uu  des  plus  ardus  qui  soient 
au  répertoire,  et  pour  lequel  il  est  si  difficile  de  trouver  une  interprète, 
non-seulement  qui  consente  à  rendre  fidèlement  le  texte  de  Weber, 
mais  encore  qui  en  soit  capable. 

Quant  aux  Nozze  di  Figaro,  la  reprise  du  chef-d'œuvre  de  Mozart  à 
Her  Majesty''s  Théâtre  est  un  véritable  événement,  et  l'interprétation  du 
rôle  de  la  comtesse  par  Mlle  Tietjens  est  d'une  supériorité  telle  que  la 
tâche  du  critique,  et  même  du  simple  rapporteur,  devient  presque  im- 
possible, car  il  n'y  a  absolument  rien  à  dire  si  ce  n'est  que  c'est  par- 
fait. Ici  encore,  dans  les  scènes  d'intrigue  aussi  bien  que  dans  les  scènes 
de  sentiment  et  de  passion,  il  faut  admirer  cette  vénération  religieuse 
que  Mlle  Tietjens  professe  pour  le  texte  des  maîtres,  et  en  même  temps 
l'intelligence  exceptionnelle  avec  laquelle  elle  sait  les  rendre.  Jamais 
les  deux  grands  airs  Porgi  amor  et  Dove  sono  n'ont  trouvé  dans  une  voix 
plus  superbe  et  plus  limpide  une  expression  plus  éloquente  et  plus 
vraie,  un  goût  plus  exquis  et  plus  pur.  M.  Sautley  (comte  Almaviva)  est 
un  partenaire  tout  à  fait  digne  de  Mlle  Tietjens,  et  c'est  le  plus  beau 
compliment  que  nous  puissions  faire  à  cet  artiste  si  remarquable  sous 
tant  de  rapports,  et  qui  possède  la  voix  de  baryton  la  plus  sonore  que 
nous  connaissions.  Le  page  ne  pouvait  trouver  d'interprète  plus  brillant 
que  Mlle  Trebellj,  qui,  bien  qu'elle  ait  cru  devoir  transposer  l'air  Non 
so  piu,  aussi  bien  que  la  ballade  Voi  che  sapote,  a  cependant  dit  ces  deux 
ravissants  morceaux  d'une  manière  si  exquise  et  avec  un  accent  si  vraj 


254 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


qu'on  aurait  vraiment  mauvaise  grice  à  lui  chercher  querelle  :  aussi  le 
Voi  che  sapeie  \m  a-til  été  bruyamment  redemandé.  M.  Casser  (Figaro) 
ne  mérite  que  des  éloges,  et  l'air  de  Basilio  fn  quegli  ami,  dont  M.  Bet- 
tini  a  bien  voulu  se  charger,  a  été  parfaitement  rendu  par  ce  cons- 
ciencieux artiste. 

Mlle  Liebhardt,  du  théâtre  impérial  de  Vienne,  abordait  pour  la  pre- 
mière fois  la  scène  italienne  dans  le  rôle  de  Suzanne,  et  nous  ne 
pouvons  que  féliciter  M.  Mapleson  de  cette  nouvelle  et  excellente 
acquisition.  Nous  avons  eu  occasion  déjà  de  constater  le  succès  que 
Mlle  Liebhardt  obtient  dans  les  concerts,  succès  pleinement  justifié  par 
son  talent  gracieux  et  par  sa  façon  éveillée  de  dire  les  Lieder  viennois, 
et  qui  nous  ont  souvent  rappelé  la  jadis  si  charmante  Jenny  Trefftz.— 
Mlle  Liebhardt  apporte  toutes  ses  bonnes  qualités  à  la  scène  ;  sa  voix 
est  bien  timbrée,  sa  méthode  excellente  et  son  jeu  laisse  peu  à  désirer; 
seulement  la  langue  italienne  paraissait  la  gêner  beaucoup  le  premier 
soir  et  lui  faire  peur.  Allons,  mademoiselle  Liebhardt,  un  peu  de  cou- 
rage et  quelques  bonnes  leçons  avec  /(  signor  Eitore,  et  cela  ira  tout 
seul.  En  somme,  les  Nosze  di  Figaro  font  le  plus  grand  honneur  à  Her 
Majesiy's  Théâtre,  et  cette  pointe  poussée  dans  le  domaine  classique  lui 
portera  certainement  bonheur  et  profit. 

L.  B. 


NOnVELLES. 

t*»  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  lundi  le  Comte  Ory.  Par 
suite  d'une  indisposition  de  Mlle  de  Taisy,  Mlle  Saint-Aguet  a  dû  jouer 
le  rôle  du  page  au  pied  levé.  Elle  s'en  est  très-bien  acquittée  et  a  montré 
qu'on  pourrait  lui  confier  des  rôles  plus  importants  que  ceux  qu'elle  a 
remplis  jusqu'à  présent.— Pendant  la  représentation  de  Giselle  qui  sui- 
vait, Mlle  Mouravieff  s'est  donné  une  légère  entorse,  malgré  laquelle 
la  courageuse  artiste  a  voulu  finir  le  rôle.  Heureusement  l'accident 
n'aura  pas  de  suite.  —  Mercredi  et  vendredi  on  a  donné  les  Vêpres  sici- 
liennes. 

***  Avant  la  représentation  à  l'Opéra  ds  l'important  ballet  Don  Juan, 
dans  lequel  Mlle  Amina  Boschetti  devait  faire  ses  débuts ,  il  en  sera 
monté  un  autre  de  proportions  plus  réduites,  dû  également  d'ailleurs  à 
la  collaboration  du  maître  de  ballet  Rota,  du  compositeur  Giorza  et 
de  M.  de  Saint-Georges.  Il  pourra  être  représenté  au  commencement 
d'Octobre,  et  la  célèbre  ballerine  y  fera  sa  première  apparition. 

**,  M.  Martin,  secrétaire  général  de  l'administration  de  l'Opéra,  a 
donné  sa  démission.  11  est  remplacé  par  M.  Guillet. 

***  Nous  parlions  dernièrement  et  notre  correspondance  de  Londres 
nous  entretient  encore  aujourd'hui  du  grand  succès  obtenu  par 
Mlle  Titjens;  nous  ne  pensions  pas  alors  que  Paris  allait  être  ap- 
pelé très-prochainement  à  juger  cette  éœinente  artiste.  Nous  apprenons 
qu'elle  va  débuter  vers  la  fin  du  mois  au  théâtre  impérial  de  l'Opéra, 
dans  le  rôle  de  Valentine  des  Huguenots. 

***  Le  directeur  du  théâtre  impérial  de  l'Opéra  M.  Emile  Perrin, 
vient  d'engager  M.  Soustelle,  qui  s'est  fait  si  brillamment  remarquer  aux 
derniers  concours  du  Conservatoire,  où  il  a  obtenu  le  premier  prix  de 
chant.  Sa  femme,  qui  n'a  pas  été  moins  favorisée  que  lui,  va,  dit-on, 
être  également  engagée. 

»**  La  direction  du  théâtre  de  l'Opéra-Comique  vient  d'engager  pour 
trois  ans  M.  Justin  Née,  qui  chantait  avec  succès  l'emploi  de  ténor  en 
province. 

***  La  première  représentation  des  Amours  du  Diable  sera  reculée  à 
mercredi  vraisemblablement.  On  a  encore  fait  relâche  hier  soir  pour  la 
répétition  de  cette  œuvre  dont  la  mise  en  scène  est  très-compliquée.  La 
direction  ne  veut  rien  épargner  pour  les  décors  et  les  costumes  qui 
seront  splendides.  On  dit  surtout  merveilles  d'un  enfer  peint  par 
M.  Despléchin.  —  Montaubry  prend  son  congé  le  1S,  Zampa  n'aura 
donc  plus  que  quelques  représentations. 

**:s  Mlle  Adelina  Patti  est  à  Paris  depuis  quelques  jours.  Les  offres 
brillantes  de  M.  Bagier  l'ont  emporté,  et  la  jeune  et  célèbre  cantatrice, 
qui  était  toute  prête  à  signer  son  engagement  au  théâtre  de  l'opéra 
espagnol,  appartiendra  du  5  novembre  au  15  décembre  au  théâtre  de 
l'Oriente,  et  du  15  décembre  au  5  février  au  théâtre  italien  de  Paris. 
Mlle  A.  Patti  se  rend  à  Francfort,  Hambourg  et  Berlin,  où  l'appellent 
les  divers  engagements  qu'elle  a  contractés, 

***  Le  théâtre  Lyrique  a  engagé  Mlle  Ebrard,  qui  a  obtenu  le  pre- 
mier prix  de  chant  et  d'opéra-comique  aux  derniers  concours  du  Con- 
servatoire; Mlle  Lagye,  deuxième  prix  et  premier  accessit,  et  M.  Caillou, 
jeune  ténor,  deuxième  prix  aux  mêmes  concours.  En  outre,  M.  Car- 
valho  a  engagé  comme  premier  violon  solo,  M.  Albert  Vizentini,  élève 
de  Léonard,  déjà  connu  par  de  brillants  succès. 

*■**  C'est  dans  le  rôle  de  Leporello,  de  Don  Giovanni,  que  M.  Marches! 
a  fait  son  début  à  Londres  au  théâtre  de  la  Reine  ;  son  succès  a  été  franc 


et  légitime.  Ce  qui  le  rend  encore  plus  remarquable,  c'est  qu'au  prin- 
temps dernier,  le  même  artiste  chantait  à  "Weimar  le  rôle  de  Don  Juan 
dans  le  même  opéra.  Nous  croyons  rendre  service  aux  directeurs  en  les 
informant  que  M.  Marches!  n'a  pas  encore  contracté  d'engagement 
pour  la  saison  prochaine. 

»**  Le  Morning  Star  annonce  que  le  théâtre  royal  de  Jersey  a  été 
détruit  par  le  feu  dans  la  nuit  de  vendredi  à  samedi.  Tout  ce  qu'il  con- 
tenait a  été  brûlé.  L'origine  de  cet  incendie  est  encore  inconnue.  C'é- 
tait une  jolie  petite  salle  qui  avait  coûté  125,000  francs.  Elle  n'était 
assurée  que  pour  25,000  francs  par  la  société  d'actionnaires  qui  l'avait 
fait  construire. 

***  Hector  Berlioz  vient  de  partir  pour  Bade,  où  l'on  va  jouer  de 
nouveau  son  dernier  opéra,  Béatrice  et  Benedict.  Mme  Charton  Demeur, 
qui  chante  le  rôle  principal,  s'y  trouve  déjà. 

t*i  La  cantate  qui  sera  exécutée  le  1 5  août  au  théâtre  de  l'Opéra  - 
Comique  est  de  M.  Edouard  Borcastel;  M.  Lefébure-Wély  en  a  composé 
la  musique. 

»*^  Un  brillant  concours  de  musiques  militaires,  dont  nous  rendrons 
un  compte  détaillé  dimanche  prochain,  a  eu  lieu  vendredi  dernier  au 
camp  de  Châlons.  MM.  Ambroise  Thomas  et  Georges  Kastner,  membres 
de  l'Institut,  avaient  été  invités  par  S.  Exe.  le  maréchal  Baraguey- 
d'Hilliers,  commandant  en  chef,  à  présider  ces  coni;ours,  dont  les  jurés 
avaient  été  choisis  parmi  les  officiers  supérieurs  présents  au  camp. 

^*^  M.  Eugène  Ketterer,  pianiste  compositeur,  vient  de  recevoir  de 
S.  M.  la  reine  d'Espagne,  en  témoignage  de  sa  satisfaction,  la  décora- 
tion de  l'ordre  royal  de  Charles  III. 

***  A  la  distribution  des  prix  qui  a  eu  lieu  jeudi  30  juillet  à  l'école 
religieuse,  les  prix  de  plain-chant  et  celui  d'orgue,  première  division, 
donnés  par  S.  Exe.  le  ministre  de  la  justice  et  des  cultes,  ont  été  dé- 
cernés à  M.  Laurent  Girond,  élève  boursier  de  Mgr  de  Belley. 

^*^  De  grandes  fêtes  orphéoniques  se  préparent  à  Rouen  pour  le 
dimanche  30  de  ce  mois;  plus  de  cinquante  sociétés  chorales  et  vingt 
sociétés  instrumentales  so  sont  fait  inscrire  pour  y  prendre  part. 

.j,*^  Les  concerts  populaires  de  musique  classique  fondés  par  M.  Pas- 
deloup  ont  acquis  une  juste  célébrité.  L'orchestre  est  nombreux,  et  tous 
les  soins,  tous  les  efforts  de  M.  Pasdeloup  tendent  à  en  obtenir  l'en- 
semble et  la  perfection  nécessaires  à  l'exécution  des  œuvres  d'élite  qu'il 
fait  entendre.  Il  faut  donc  qu'il  rencontre  chez  ses  artistes  un  bon  vou- 
loir et  une  soumission  à  toute  épreuve.  Peu  satisfait  sous  ce  rapport 
d'un  de  ses  premiers  violons,  M.  Girard,  artiste  de  talent  d'ailleurs, 
M.  Pasdeloup  dut  lui  notifier  un  jour  qu'il  ne  faisait  plus  partie  des 
concerts  populaires.  Le  tribunal  de  commerce,  appelé  à  prononcer  sur 
le  différend,  avait  cru  voir  dans  les  conventions  verbales  intervenues 
entre  les  parties,  un  engagement  réciproque  de  cinq  années,  et,  ne  ju- 
geant pas  les  plaintes  de  M.  Pasdeloup  sufiSsamment  fondées,  il  avait 
condamné  ce  dernier  a  réintégrer  M.  Girard  dans  sou  emploi.  M.  Pas- 
deloup a  interjeté  appel  de  ce  jugement;  il  a  soutenu  :  1°  qu'aucun 
traité  n'ayant  été  signé  entre  M.  Girard  et  lui,  il  n'y  avait  pas  de  durée 
déterminée;  2°  qu'en  sa  qualité  de  chef  d'orchestre,  il  a  le  droit  d'im- 
poser des  règles  de  discipline  aux  artistes  composant  l'orchestre  et  de 
congédier  ceux  qui  ne  s'y  .-loumettent  pas;  que  M.  Girard  ne  s'y  étant 
pas  soumis,  il  a  eu  le  droit  de  le  congédier.  La  i"  chambre  de  la  cour, 
présidée  par  M.  Anspach,  considérant  qu'il  résulte  de  la  nature  de  l'en- 
treprise qu'une  règle  de  discipline  sévère  doit  exister  au  profit  du  chef 
d'orchestre  entre  lui  et  ses  artistes  ;  que  c'est  une  condition  absolue 
de  succès;  que  d'ailleurs  il  n'existe  pas  d'engagement  régulier,  a  infirmé 
le  jugement  des  premiers  juges  et  débouté  M.  Girard  de  sa  demande. 

***  Mercredi  de  la  semaine  passée,  a  eu  Heu  à  Vichy  le  concert  de 
Mlle  Octave  Caussemille.  L'éminente  pianiste  y  a  exécuté  un  grand 
morceau  caprice  sur  le  Trovatore,  la  Napolitaine  de  Lysberg,  et  le  galop 
d'Ascher,  Sans-Souci,  avec  un  talent  qui  lui  a  valu,  après  chaque  mor- 
ceau, les  applaudissements  enthousiastes  de  l'assemblée. 

^*^  Une  grande  fête  nationale  et  militaire  sera  donnée  le  1 6  août  au 
Pré  Catelan  par  la  Société  chorale  de  l'Odéon,  sous  la  direction  de 
M.  Delafontaine.  Il  y  sera  chanté,  avec  accompagnement  de  grand  or- 
chestre, une  cantate  de  M.  T.  de  Saint-Félix  :  l'Aigle  de  France,  dont 
Alfred  Musard  a  écrit  la  musique. 

„,*»  Aujourd'hui  dimanche,  après  le  concert  de  Musard,  Eugène  Go- 
dard, aéronaute  breveté  de  l'Empereur,  opérera ,  au  Pré-Catelan,  une 
première  ascension  avec  son  nouvel  aérostat,  le  Monde. 

^*t  M.  Canaple,  chef  d'attaque  des  chœurs  à  l'Opéra,  est  mort  avant- 
hier  matin,  frappé  d'apoplexie,  en  prenant  un  billet  au  chemin  de  fer 
d'Auteuil. 

,,*,  On  annonce,  à  Plaisance,  la  mort  du  père  Davide,  compositeur 
de  musique  et  organiste  renommé;  Ricordi,  de  Milan,  a  publié  quinze 
sonates  et  soixante-douze  petits  versets  pour  l'orgue,  dus  au  talent  du 
P.  Davide,  qui  appartenait  à  la  famille  des  fameux  chanteurs  de  ce 
nom. 


DE  PARIS. 


255 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 

^*,  Bade.  —  La  première  représentation  de  Volage  et  jaloux,  pro- 
verbe lyrique  en  vers,  imité  de  Kotzebue,  par  M.  Tliomas  Sauvage, 
musique  de  Rosenliain,  à  eu  lieu  le  3  août.  Le  sujet  en  est  des  plus 
simples  et  consiste  dans  l'action  d'un  mari  qui  se  déguise  pour  mettre 
l'amour  de  sa  femme  à  l'épreuve.  On  devait  déji  à  M.  Rosenliain  un 
opéra  en  deux  actes,  le  Démon  de  la  nuit,  paroles  de  Bayard,  joué  dans 
le  temps  à  l'Opéra.  L'œuvre  nouvelle  qu'il  vient  de  faire  représenter  à 
Bade  n'est  donc  point,  comme  on  l'a  dit  à  tort,  son  coup  d'essai  au 
théâtre.  On  s'en  aperçoit  aisément  à  la  science  avec  laquelle  est  traitée 
l'instrumentation  et  à  la  bonne  adaptation  de  la  musique  aux  voix.  Les 
morceaux  qu'on  a  surtout  remarqués  et  applaudis  sont  :  l'ouverture, 
le  premier  air  d'Emma,  la  romance  du  comte',  le  duo  des  deux  époux 
et  le  rondo  de  la  femme.  Mme  Faure  Lefèvre  a  délicieusement  chanté, 
et  le  ténor  Froment  l'a  brillamment  secondée.  Nous  reviendrons  sur 
cette  partition  de  M.  Rosenhain;  il  a  dû  être  flatté  du  bon  accueil  qu'elle 
a  reçu. 

^*»  Spa.  —  Les  concerts  se  succèdent  de  plus  en  plus  brillants.  Le 
31,  c'était  le  tour  de  Mme  Escudier-Kastner,  d'Al.  Batta  et  de  Mme  Peu- 
defer,  cantatrice  de  Paris.  Mme  Escudier  s'est  acquis  une  réputation 
grande  et  méritée  dans  l'interprétation  des  oeuvres  classiques  ;  elle  l'a 
largement  justifiée  en  jouant  le  concerto  en  mi  bémol  de  Beethoven. 
Cette  admirable  conception  du  maître  a  valu  à  Mme  Ka^tner  de  longs 
applaudissements  qui  se  sont  renouvelés  après  l'exécution,  par  elle  et 
Batta,  du  duo  de  Thalberg  et  de  de  Beriot.  pour  piano  et  violoncelle, 
sur  les  Huguenots,  et  celle  du  Carnaval  de  Venise,  de  Schulhof,  parfai- 
tement rendu  par  l'éminente  artiste.  Les  belles  qualités  qui  distinguent 
Batta  sont  assez  connues  pour  que  nous  ayons  besoin  de  les  mentionner 
longuement.  Disons  qu'il  a  constamment  partagé  les  bravos  de  l'auditoire, 
surtout  après  sa  charmante  fantaisie  sur  Robert  et  sa  délicieuse  chanson 
de  Passijlore,  qu'il  a  dite  avec  un  sentiment  exquis.  Mme  Peudefer  a 
brillamment  contribué  au  succès  de  ce  beau  concert,  qui  a  valu  des 
remercîments  mérités  à  l'actif  et  intelligent  directeur  des  eaux,  M.  Da- 
velouis.  —  Nous  attendons  Mme  Cabel  pour  le  concert  du  10. 

„,*»  Cologne.  —  A  la  dernière  séance  de  la  société  musicale,  nous 
avons  eu  la  jouissance  d'entendre  le  trio  en  si  bémol  majeur  pour 
piano,  violon  et  violoncelle,  de  Fr.  Schubert,  magistralement  exécuté 
par  MM.  Breunung,  V.  Kœnigslœwet  A.  Schmitt.  On  se  ferait  difficilement 
une  idée  de  l'enthousiasme  excité  par  cette  composition  qui  porte  le 
cachet  du  génie.  Ce  qui  la  distingue  en  particulier,  c'est  que  l'auteur  y 
a  fait  une  part  égale  à  chacun  des  trois  instruments. 


^*.^,  Aio>la-Chapelle.  —  Les  6  et  7  septembre  sera  célébré  ici  le  pre 
mier  festival  de  l'association  de  chant  du  Rhin.  Au  concours  qui  aura 
lieu  à  cette  occasion,  prendront  part  les  sociétés  vocales  d'Anvers,  de 
Bruxelles,  de  Liège,  de  Bruges,  de  Namur,  etc. 

^*,  Vienne.— Mme  P.  Markowitz  a  terminé  ses  représentations  par  le 
rôle  de  Marguerite  dans  les  Huguenots  :  sa  voix  fraîche  et  sympathique 
a  produit  le  plus  grand  effet.  Mme  Dustmann  a  fait  sa  rentrée  dans  le 
rôle  de  Valentine,  où  elle  a  été  très-applaudie.  M.  Schmid  a  fait  merveille 
dans  celui  de  Marcel.  —  Dans  Robert  le  Diable,  les  principaux  rôles  ont 
été  parfaitement  interprétés  par  Mme  Leutner-Peschka  (Isabelle), 
M.  Pauli  (Raimbaut),  et  Mme  Fabri-Mulder  (Alice). —  Wachtel  a  débuté 
avec  le  plus  éclatant  succès  dans  Guillaume  Tell.  —  On  annonce  l'enga- 
gement d'un  ténor  qui  fait  sensation  en  Italie,  Pepo  Libéra,  pour  l'o- 
péra italien  de  la  cour.  —  La  réouverture  du  Carl-theater  est  fixé  au 
1A  août. 

^*^  Mayence.  —  A  la  halle  aux  blés,  a  eu  lieu  le  festival  de  chant 
du  Miltel-Rhin  {Rhin  central). 

^*^  Nauheim.  —  Nous  avons  eu  ces  jours  derniers  un  concert  qui  avait 
attiré  beaucoup  de  monde.  Les  honneurs  de  la  soirée  ont  été  pour  le 
violoncelliste  Kellermann  qui  a  joué  quatre  de  ses  compositions  avec 
beaucoup  de  goût  et  une  suavité  incomparable  de  son.  Nous  avons  en- 
tendu, en  outre,  Mlle  Diehl,  cantatrice,  et  Mlle  Sophie  Ilummler,  violo- 
niste, qui  a  exécuté  quelques  fantaisies  d'Alard. 

^*.^  Turin.  —  Voici  la  composition  de  la  troupe  d'opéra  que  M.  Mar- 
tinotti,  notre  actif  directeur  du  théâtre  Victor-Emmanuel,  a  réunie  pour 
l'automne  prochain  :  Mmes  de  Roissi,  prima  donna,  Stolz;  Flory,  MM.  Gio- 
vanni, Anastasi  Salvatore,  premiers  ténors;  E.  Florenza,  Leoni,  Vincenzo, 
G.Foli,Marchisio  Giovanni;  Comprimarie  :  Mmes  M.  Luigia,  G.  Giuseppina; 
MM.  M.  Luigi,  G.  Michèle,  S.  Defendente.  Le  théâtre  ouvrira  le  5  sep- 
tembre par  Gli  ultimi  giorni  di  Suii,  opéra  de  Ferrari  ;  après  quoi  on 
jouera  Marta,  Stradella  et  V Anima  délia  tradita,  de  Flotovv. 

^*^  Imola.  —  On  vient  de  représenter  avec  un  grand  succès  sur  notre 
théâtre  l'opéra  de  Filippo  Zappata,  Paolo  Monii.  La  musique  en  est 
claire,  mélodique  et  italienne  par  excellence;  les  idées  brillent  par  la 
légèreté  et  la  nouveauté.  Le  maestro  a  été  rappelé  quinze  fois  avec  les 
artistes.  Des  applaudissements  prolongés  ont  rappelé  quatre  fois  de 
suite  la  Pozzi-Branzanti,  qui  a  dû  répéter  sa  cavatine  au  milieu  d'une 
pluie  de  fleurs.  C'est  uu  succès  de  bon  aloi  et  qui  grandira. 


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5.  Gluck  .   .   . 

6.  — 

7.  HiLÉVY     .     . 

8.  Maillart.  . 

9.  Meïerbeer. 

10.  — 

11.  — 

12.  — 

13.  — 

14.  RossiNi.  .    . 


18. 
19. 
20. 


PREMIERE    SERIE 

CHŒURS  D'OPÉRAS         ""p^ 

lie  liac  des  Fées.   .  Chœur  des  Etudiants 

Uaette    de  Portici  Chœur  de  la  Chapelle 

—  Amour  sacré  de  la  patrie.    .    .    . 

,  Hartlia Mélodie  irlandaise 

Alceste Vivez,  aimez 

Armide Les  plaisirs  ont  cheisi  pour  asile 

lie  IVabab Couplets  du  tabac,  avec  solo.    . 

Dragons  de  Villars  Prière  :  Soutien  de  l'innocent.  , 
lies  Huguenots    .    .  Couplets  des  soldats  huguenots  , 

Septuor  du  duel 

Appel  aux  armes 

Chœur  des  Buveurs 

Chœur  de  moines 

Chœur  et  prière 

Prière 

Chœur  de  la  Conjuration.    .    .    . 

Chœur  des  Chasseurs 

Chasse  et  prière  du  soir  .... 

Prière 

Chœur  bachique  avec  solo  .    .    . 


lie  Propbëte.    .    . 
Robert  le  Diable 


lie  Comte  Ory  . 


Ctuillaume  Tell 


Robert  Bruce 


BEUXIÈSIE   SÉRIE 


CHŒURS  BIVERS 


9. 

Beethoven 

10. 

— 

11. 



12. 

Cavallo.  . 

13. 

Elwart   . 

14. 

— 

16. 

KUCKEN     . 

17. 

— 

19. 

Labarre.  . 

liCS  Boulangers 

lies  Fondeurs 

lies  Cîarçoiks  de  restaurant 

lies  Horlogers 

lies  Canotiers 

lies  Postulons 

li'Enclnme 

lies  Charpentiers 

Chant  des  Compagnons 

Chant  élégiaque 

Hjmne  do  sacrifice,  avec  solo 

liCs  Canotiers  de  Paris 

fSalut  impérial,  God  Save  français 

Marche  du  Prince    Impérial 

Hymne  national  russe 

La  Fuite  des  captifs,  chœur  avec  solo  de  ténor 

Yseult  l'impératrice 

lies  Meilleurs  de  nuit 

lia  Chasse  au  tigre 

lies  («ondoliers  Ténitiens 


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1  50 
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A  la  Patrie! 

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Le  91®  Psaume 

Motet  à  huit  voix  {en  deux  chœurs) . 
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Chant  Guerrier 

De  Struensée,  chœur  à  quatre  voix. 

Invocation  à  la  Terre  natale 

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IV«  33. 


16  Août  1863. 


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Le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


MUSICALE 


-^\Aj  u\AAf  JVTiAAA/— 


SOMMAIRE.  —  La  Marseillaise,  lettres  de  MM.  Fétis  père  et  Bon§;et  de 
liisle.  —  Commission  de  la  propriété  littéraire  et  artistique,  documents.  — 
Concours  de  musiques  militaires  au  camp  de  Cliàlons,  par  A.  Elwart,  — 
Derniers  jours  de  Mendelssobn  {1"'  article),  par  Henri  Charley.  —  Cories- 
pondances  :  Londres  et  Bade.  —  Nouvelles  et  annonces. 


LÀ  MARSEILLAISE. 

"  Bruxelles,  le  11  août  1863. 
>'A  M.  le  Directeur  de  la  Revde  et  Gazette  musicale. 

»  Mon  cher  collaborateur, 

»  Je  vous  renvoie  la  deuxième  lettre  de  M.  Rouget  de  Lisle  que 
vous  m'avez  communiquée  ;  je  n'ai  que  peu  de  choses  à  dire  sur  son 
contenu  ;  mes  observations  se  réduisent  à  ce  qui  suit  : 

»  1°  On  n'a  jamais  contesté  à  feu  Rouget  de  Lisle  la  composition  des 
strophes  de  la  Marseillaise  :  ce  sont  les  paroles  qui  excitaient  l'in- 
térêt des  hommes  de  la  révolution,  fort  peu  sensibles  au  mérite  d'une 
mélodie  quelconque.  L'édition  publiée  par  Frère  (passage  du  Sau- 
mon) porte  en  tête  :  La  Marseillaise,  paroles  du  citoyen  Rouget  de 
l'Jsle,  musique  du  citoyen  Navoigille.  A  l'égard  ,de  la  musique,  le 
passage  des  Essais  sur  la  musique,  de  Grétry,  cité  par  M.  Rouget  de 
Lisle,  prouve  que  la  notoriété  n'était  pas  aussi  bien  établie. 

»  2°  M.  Rouget  de  FJsle  désire  des  renseignements  sur  l'existence 
réelle  de  Navoigille  et  de  Mathieu:  ces  deux  artistes  n'étaient  pas 
des  gens  de  rien,  comme  il  paraît  le  croire.  J'ai  donné,  dans  mon  pre- 
mier article  sur  la  Marseillaise,  une  notice  abrégée  sur  le  premier; 
M.  Rouget  de  Lisle  en  trouvera  une  beaucoup  plus  étendue  publiée 
par  feu  Roquefort,  auteur  du  Glossaire  de  la  lawjue  romane,  dans 
le  Magasin  encyclopédique  de  Millin  (octobre  1814);  il  y  verra  que 
Navoigille  était  un  mubicien  de  grand  mérite,  aussi  estimé  comme 
homme  que  comme  artiste.  A  l'égard  de  Mathieu,  M.  Rouget  de  Lisle 
est  à  peu  près  le  seul  qui  ne  sait  pas  que  ce  fut  un  professeur  du 
Conservatoire,  lequel  devint  ensuite  maître  de  chapelle  de  la  ca- 
thédrale de  Versailles,  qu'il  en  remplit  les  fonctions  pendant  plus 
de  trente  ans,  et  qu'il  était  en  vénération  dans  cette  ville. 

»  3»  M.  Rouget  de  Lisle  objecte  que  les  éditions  citées  par  moi 
n'ont  pas  de  date  ;  ne  sait-il  donc  pas  que  toute  la  musique  publiée, 
non-seulement  en  France,  mais  dans  toute  l'Europe,  n'est  pas  datée? 
On  ne  datait  autrefois  que  les  œuvres  imprimées  en  caractères  mo- 
biles. M.  Rouget  de  Lisle  insiste  beaucoup  sur  ce  que  les  éditions  de 


Frère  et  du  magasin  de  musique  des  fêtes  nationales  n'auraient  été 
publiées  qu'en  1794  ou  1795;  il  ne  voit  pas  que  la  conclusion  du 
fait,  s'il  était  prouvé,  serait  précisément  contraire  à  celle  qu'il  en 
veut  tirer;  car  si,  pendant  plusieurs  années,  la  Marseillaise  eût  été 
connue,  paroles  et  musique,  comme  l'œuvre  de  feu  Rouget  de  Lisle, 
personne  n'eût  eu  l'audace  de  s'en  attribuer  ostensiblement  la  com- 
position. 

»  Remarquez,  mon  cher  collaborateur,  que  les  fondateurs  du  maga- 
sin de  musique  des  fêtes  nationales  étaient  des  hommes  considérables 
qui  n'auraient  pas  fait  légèrement  une  publication  d'œuvres  dont  ils 
n'auraient  pas  connu  l'origine.  C'était  Ozy,  célèbre  bassoniste,  pro- 
fesseur du  Conservatoire  et  auteur  de  la  méthode  de  basson  adoptée 
pour  cette  école  ;  Catel,  l'un  des  compositeurs  dramatiques  les  plus 
renommés  de  la  France,  auteur  du  Traité  d'harmonie,  professeur, 
puis  inspecteur  du  Conservatoire,  et  qui  fut  membre  de  l'Institut;  en- 
fin, Sarrette,  directeur  du  Conservatoire.  Après  la  fondation  de  cette 
école  célèbre,  le  magasin  de  musique  des  fêtes  nationales  fut  trans- 
porté rue  Bergère,  et  l'on  y  publia  tous  les  ouvrages  élémentaires 
destinés  à  l'instruction  des  élèves  de  cette  même  école.  Ce  magasin 
portait  encore  le  même  titre  lorsque  j'entrai  au  Conservatoire,  sous 
le  Directoire,  en  1799.  Ce  ne  fut  qa'en  1802  qu'il  prit  le  titre  de 
Magasia  de  musique  du  Conservatoire. 

'■  Remarquez  encore  que  la  vente  des  éditions  avec  le  nom  de 
Navoigille,  comme  compositeur,  ne  se  fit  pas  en  cachette.  Gomme 
je  l'ai  dit,  les  petites  feuilles  éditées  par  Frère  (que  j'ai  connu  pas- 
sage du  Saumon  pendant  plus  de  vingt  ans)  se  vendaient  tous  les 
soirs  à  la  porte  des  spectacles  ;  les  éditions  du  magasin  des  fêtes  na- 
tionales étaient  considérées  comme  authentiques  ;  enfin,  vous  avez 
pu  voir  sur  l'exemplaire  que  je  vous  ai  envoyé  le  nom  d'un  mar- 
chand de  musique  et  d'estampes  du  Palais  Egalité  (Palais-Royal), 
qui,  sans  doute,  les  prenait  en  nombre,  à  la  condition  que  son 
adresse  fût  imprimée  sur  les  exemplaires.  Voilà,  certes,  de  la  publicilé 
s'il  en  fut  jamais. 

»  4°  J'ai  dit  que  la  production  d'un  exemplaire  de  l'édition  citée 
par  M.  Rouget  de  Lisle,  comme  ayant  été  imprimée  à  Strasbourg,  en 
1792,  par  les  procédés  typographiques,  ferait  cesser  toute  discussion 
et  établirait  d'une  manière  certaine  les  droits  de  feu  Rouget  de  Lisle 
comme  compositeur,  car  ceux  du  poëte  ne  sont  pas  contestés. 
M.  Rouget  de  Lisle  n'a  pas  cet  exemplaire  ;  mais  il  existe  chez  une 
personne  qu'il  nomme  :  il  l'affirme.  A  cela,  je  n'ai  pas  d'objection  à 
faire. 

»  Dans  cette  situation,  la  question  me  semble  suffisamment  éclair- 


258 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


cie,  et  je  de'clare  que  je  ne  rentrerai  plus  dans  une  discussion  qui 
doit  être  aussi  ennuyeuse  pour  les  lecteurs  de  la  Gazette  musicale 
qu'elle  le  devient  pour  moi-même. 
»  Agréez,  mon  cher  collaboraleur ,  mes  salutations  amicales, 

»  FÉTIS  père.  » 


a  Paris,  5  août  1863. 

Benseisnements  ponr  servir  à  l'histoire  véritable  de  la 
HABSElIiliAISE. 

1  A  M.  le  Directeur  de  la  Revue  et  Gazette  siiisicale. 

»  Monsieur  le  Directeur, 

»  Vous  m'avez  fait  l'honneur  d'imprimer  dans  la  Gazette  musi- 
cale du  2  août  une  lettre  confidentielle  que  j'ai  écrite  à  M.  Fétis 
père,  à  Bruxelles,  en  sollicitant  de  sa  loyauté  une  rectification  véri- 
dique  sur  l'origine  de  la  Marseillaise,  dont  l'auteur ,  paroles  et 
musique,  est  Claude-Joseph  Rouget  de  Lisle,  qui  l'a  composée  et 
chantée  chez  Fritz  de  Dietrich,  premier  maire  de  Strasbourg,  dans 
une  réunion  de  famille,  le  27  avril  1792. 

»  M.  Fétis  avait  écrit  précédemment  dans  votre  ifeDwe  du  19  juillet  : 

«  Rouget  de  Lisle  n'est  pas  l'auteur  de  la  musique  de  la  Marseillaise; 
»  j'en  fournirai  la  preuve  tout  à  l'heure.  » 

»  Et  la  preuve  fournie  aujourd'hui  par  le  savant  collaborateur  de 
votre  Gazette  musicale,  est  un  seul  morceau  de  musique,  sans  date, 
portant  ce  titre  : 

ï  MARCHE  DES  MABSEiLLAis,  musique  du  cîtoî/ere  Navoigille,  ac- 
»  compagnement  de  guitare  par  le  citoyen  Mathieu. 

»  Cette  pièce  a  été  détachée,  dit  M.  Fétis,  d'un  Recueil  de  vingt- 
»  quatre  chants  patriotiques,  avec  accompagnement  de  guitare,  pu- 
»  blié  au  magasin  de  musique  des  fêles  nationales.   » 

n  Le  premier  paragraphe  de  la  lettre  de  mon  savant  contradicteur, 
insérée  dans  le  n"  du  2  août,  commence  ainsi  : 

«  Je  viens  de  répondre  à  M.  Rouget  de  Lisle  (1),  en  lui  faisant 
»  observer  qu'il  n'est  pas  exact  de  dire  que  j'attribue  la  Marseillaise 
»  à  Navoigille;  que  je  n'attribue  pas  et  que  je  me  borne  simplement 
»  à  dire  que  ce  chant  a  été  publié,  vendu  et  distribué  sous  le  nom 
»  de  Navoigille,  et  que  Rouget  de  Lisle  n'a  pas  fait  de  réclamation. 

»  Au  surplus,  ajoute-t-il  en  terminant  le  paragraphe  suivant  de  sa 
»  lettre,  M.  Rouget  de  Lisle  a  un  moyen  très-simple  de  terminer 
»  tout  débat  à  ce  sujet,  lequel  consisterait  à  produire  l'édition  du 
»  chant  dont  il  s'agit,  paroles  et  musique,  imprimés  typographique- 
»  ment  à  Strasbourg,  en  1792.  Après  cette  production,  il  n'y  aurait 
»  plus  de  discussion  possible.  » 

«  C'est  ici  le  cas  de  rappeler  et  d'appliquer  les  sages  paroles  d'un 
illustre  écrivain  : 

))  La  plupart  des  disputes,  chez  les  hommes,  dit  Pascal,  viennent 
»  de  ce  qu'ils  ne  s'entendent  pas  sur  la  valeur  des  mots.  Commen- 
»  cez  par  fixer  celte  valeur  et  vous  commencerez  à  vous  entendre.  » 

»  Je  commencerai  donc  par  préciser  la  valeur  des  mots  de  ma  let- 
tre, et  je  demanderai  d'abord  à  M.  Fétis,  avant  d'enlaraer  aucune 
discussion  sur  les  faits,  de  vouloir  bien  m'indiquer  la  date  de  la 
première  publication  de  Navoigille,  et  de  celle  aivc  accompagnement 
de  guitare,  par  Mathieu  ;  en  un  mot,  les  dates  des  deux  documents 
qu'il  invoque  proprio  motu  pour  déposséder  Rouget  de  Lisle  de 
son  œuvre  musicale  et  de  ses  titres  glorieux  à  l'estime  publique. 

»  L'existence  réelle,  l'individualité  et  les  œuvres  musicales  de  Ma- 
thieu sont  trois  choses  également  importantes  à  constater  et  sur  les- 
quelles j'appelle  toute  l'attention  du  savant  auteur  de  h  Biographie 
des  musiciens. 

»  Mais,  avant  d'attendre  ces  diverses  constatations,  qui  offriraient 


(1)  La  lettre  de  M.  Fétis  m'est  parvenue  le  samedi  1"  août. 


certainement  un  très-grand"  intérêt  pour  l'histoire  de  la  Marseillaise 
et  pour  la  glorification  de  Navoigille  et  de  Mathieu,  je  crois  devoir 
faire  remarquer  à  M.  Fétis  qu'il  déclare  implicitement,  dans  son  ar- 
ticle du  19  juillet  1863,  que  Navoigille  est  le  plagiaire  ou  l'éditeur 
posthume  de  l'œuvre  de  Rouget  de  Lisle. 

»  Ainsi,  il  dit  : 

«  Une  des  copies  du  chant  de  Rouget  de  Lisle,  parvenu  à  Paris, 
»  tomba  entre  les  mains  d'un  bon  musicien  connu  sous  le  nom  de 
»  Navoigille,  quoique  le  sien  fût  Julien.  Ardent  républicain,  Navoi- 
»  gille  s'émut  à  la  lecture  de  ces  vers  et  enfanta  immédiatement  le 
»  chant  sublime  qui  lui  assura  l'immortahté.  » 

»  Au  lieu  de  discuter  les  assertions  hasardées  sans  preuves,  con- 
tredites ou  modifiées  par  M.  Fétis  lui-même,  dans  sa  lettre  postérieure 
du  29  juillet,  je  vais  me  borner,  quant  à  présent,  à  transcrire  les 
documents  ayant  des  dates  certaines  et  antérieures  de  plusieurs  mois 
(je  l'affirme  avec  certitude)  aux  publications  citées  par  M.  Fétis. 

»  Mais  d'abord,  pour  répondre  catégoriquement  à  la  sommation 
épistolaire  qu'il  m'adresse,  je  déclare  que  M.  Heitz,  imprimeur-li- 
braire à  Strasbourg,  possède,  à  mon  défaut,  l'édition  primitive  et  ty- 
pographique du  chant  immortel  de  Rouget  de  Lisle,  portant  ce  titre  : 

«  CHANT  DE  GUEniiE  POUR  l' ARMÉE  DU  RHIN,  dédié  au  maréchal 
»  Luckner,  à  Strasbourg.  De  l'imprimerie  de  Dannebach,  imprimeur 
»  de  la  municipalité.  » 

»  La  date  de  la  publication  de  ce  chant,  d'après  les  renseigne- 
ments et  les  traditions  que  mon  père  m'a  transmis,  et  qui  sont  res- 
tés dans  mes  souvenijs,  doit  remonter  au  mois  de  juin  1792.  Pour 
justifier  celte  date,  je  puis  citer  l'ouvrage  ayant  pour  titre  :  la  Trom- 
pette du  Père  Duchesne  (n"  67  du  23  juillet  1792),  dans  lequel  on 
trouve  le  même  titre  et  le  même  chant ,  accompagné  d'une  note 
ainsi  conçue  : 

«  Comme  il  n'est  pas  possible  de  donner  ici  l'air  en  musique,  je 
»  me  suis  contenté  d'en  donner  les  paroles.  » 

»  Il  est  donc  hors  de  doute  que,  le  23  juillet  1792,  le  chant  et  la 
musique  de  Rouget  de  Lisle  étaient  connus  à  Paris,  et  par  consé- 
quent avant  l'arrivée  des  Marseillais,  qui  a  eu  lieu  le  31  suivant. 

«Navoigille  et  tous  les  autres  musiciens  de  l'époque  ont  donc  connu 
ou  pu  connaître  en  même  temps  les  paroles  et  la  musique  du  même 
auteur;  et  Navoigille  par  conséquent  n'a  pas  pu  enfanter  immédiate- 
ment, ainsi  que  le  dit  M.  Fétis,  mais  seulement  vers  la  fin  de  1792 
ou  au  commencement  de  1793  (ce  que  je  conteste  encore),  une  œuvre 
musicale  née  en  avril  1792  et  ayant  une  date  certaine  de  juillet  1792. 

»  Les  deux  Recueils  de  chants  patriotiques  cités  par  M.  Fétis  ren- 
ferment même  des  pièces  publiées  pour  la  première  fois  en  1794  et 
1795. 

»La  pièce  déposée  dans  les  bureaux  de  la  Gazette  musicale  appar- 
tient à  la  catégorie  des  chants  publiés  vers  le  mois  de  décembre  1795 
ou  au  commencement  de  1796.  Dans  tous  les  cas,  cette  pièce  n'a 
pas  élé  publiée  au  magasin  de  musique  des  fêtes  nationales,  rue 
Saint-Joseph,  section  de  Brulus,  mais  chez  Goujon,  grande  cour  du 
palais  Egalité,  ainsi  que  l'indique  la  mention  imprimée  dans  le  pli  de 
la  feuille,  i —  Celte  publication  apocryphe,  a  mon  avis  (j'en  fournirai 
plus  tard  les  preuves  ou  les  présomptions),  n'a  jamais  été  vendue  et 
distribuée  publiquement,  parce  qu'elle  est  dépourvue  du  timbre  rouge 
de  la  République,  sans  lequel  toutes  les  pièces  de  l'espèce  ne  pou- 
vaient être  livrées  à  la  consommation. 

«Une  remarque  bien  singulière  et  que  tout  le  monde  peut  faire  de 
visu,  c'est  que  ladite  pièce  porte  le  nom  de  Navogille,  au  lieu  de 
Navoigille.  Celle  mauvaise  orthographe  du  nom  fournit  encore  une 
forte  raison  de  suspecter  l'authenticité  et  la  sincérité  de  l'œuvre,  pos- 
térieure dans  tous  les  cas,  je  le  répète  avec  la  plus  entière  convic- 
tion, à  la  création  originale  de  Rouget  de  Lisle  (27  avril  1792). 

))Au  résumé,  la  date  et  l'authenticité  de  la  création  de  Rouget  de 


DE  PARIS. 


2'59 


Lisle,  paroles  el  musique,  sont  constatés  par  divers  témoignages  ir- 
récusables. 

•  «  On  a  attribué,  dit  Grétry  {Mémoires,  1797,  t.  III,  p.  13),  l'air  de 
»  la  Marseillaise  à  nDoi  et  à  tous  ceux  qui  y  ont  fait  quelque  accompa- 
»  gnement  ;  l'auteur  de  cet  air  est  le  même  que  celui  des  paroles,  c'est 
«  le  citoyen  Rouget  de  Lille.  Il  m'envoya  son  hymne  :  Allons,  enfants 
»  de  la  patrie,  de  Strasbourg,  où  il  était  alors,  six  mois  avant  qu'il  fût 
»  connu  à  Paris;  j'en  fis,  d'après  l'invitation  de  l'auleur,  tirer  plusieurs 
>)  copies  que  je  distribuai.  » 

»  Dans  le  Courrier  dé  Strasbourg  (27  octobre  1792,  p.  1013),  on  lit 
cette  note  du  journaliste  : 

n  II  est  notoire  que  cette  fumeuse  chanson  (la  Marseillaise],  pa- 
»  rôles  et  musique,  a  été  composée  à  Strasbourg,  le  printemps  passé, 
»  et  a  l'ingénieur  De  Lille  pour  auteur.  » 

»  On  trouve  aux  archives  historiques  du  ministère  de  la  guerre  un 
1)  état  des  officiers  civils  et  militaires  destitués  provisoirement  de 
leurs  fondions  par  les  commissaires  de  l'assemblée  nationale  à  l'armée 
du  Rhin,  et  dans  lequel  Rouget  de  Lisle  est  qualifié  d'officier  du  génie, 
auteur  de  la  Marseillaise,  destitué  à  Huningue,  le  26  août  1792.  » 
Cet  état,  en  duplicata,  dont  l'original  a  été  adressé  à  l'assemblée  na- 
tionale (îéance  du  1"  septembre  1792),  est  signé  par  Coustard,  Car- 
net, Ritter  et  Prieur,  députés  ;  il  porte  la  date  du  21  septembre  1792. 

«Après  la  bataille  de  Valmy  (20  septembre  1792),  Kellermann,  gé- 
néral en  chef,  avait  écrit  à  Ervan,  ministre  de  la  guerre,  pour  obte- 
nir la  permission  de  faire  chanter  en  mémoire  de  cette  batiaille  un 
Te  Deum  dans  son  camp  ;  et  le  ministre  lui  répondit  «  que  l'hymne 
»  national,  connu  sous  le  nom  des  Marseillais,  était  le  Te  Deum  de  la 
»  République,  que  celui-là  était  le  plus  digne  de  frapper  les  oreilles  du 
>)  Français  libre...»  {Moniteur  du  3  octobre  1792.) 

Le  27  septembre  1792,  Kellermann  écrivait  encore  au  ministre  de 
la  guerre  : 

«  Je  substituerai  très-volontiers  au  Te  Deum  l'hymne  des  Marseil- 
»  lais  que  j'ai  trouvé  joint  à  votre  lettre,  et  le  ferai  chanter  solen- 
»  nellement  avec  la  même  pompe  que  j'aurais  mise  au  Te  Deum.  » 
(Archives  historiques  du  ministère  de  la  guerre,  armée  du  Nord.) 

J'ai  déjà  invoqué,  dans  ma  lettre  à  M.  Fétis,  les  procès-verbaux 
des  séances  de  la  Convention  (juillet  1795),  et  il  me  sera  permis  d'en 
transcrire  ici  quelques  extraits,  empruntés  au  Moniteur  des  H  et  27 
juillet  1795  : 

«  Jean  Debrij.  ...  Je  demande  que  l'hymne  à  jamais  célèbre  des 
»  Marseillais,  cet  hymne  qui  nous  fit  gagner  tant  de  battailles,  soit 
»  consigné  tout  entier  dans  le  procès  verbal  d'aujourd'hui,  et  que  le 
»  comité  militaire  donne  des  ordres  pour  que  cet  air  soit  joué  chaque 
»  jour  à  la  garde  montante.  (On  applaudit.) 

»  La  proposition  de  Jean  Debry  est  adoptée  au  milieu  des  bravos. 

»  Jean  Debry.  Je  demande  que  le  nom  de  l'auteur  de  l'hymne  des 
»  Marseillais,  de  Rouget  de  Lille,  soit  honorablement  inscrit  au  procès- 
»  verbal  d'aujourd'hui...  Cette  proposition  est  adoptée.  »  (Séance  du 
26  messidor  an  III.) 

«  Feron.  . .  .J'appelle  l'intérêt  et  la  justice  des  comités  du  gouver- 
»  nement  sur  l'auteur  de  l'hymne  {Maneillaise)  que  vous  venez  d'en- 
»  tendre,  sur  Rouget  de  Lille,  qui  sait  également  chanter  la  liberté  et 
»  combattre  pour  elle.  Ce  nouveau  Tyrtée  n'a  point  quitté  la  tête  des 
B  colonnes  républicaines,  commandées  par  Hoche  (à  Quiberon)  ;  il  n'a 
»  point  quitté  les  représentants  du  peuple,  et,  n'ayant  point  d'emploi 
»  dans  nos  armées,  quoique  officier  du  génie  réintégré,  c'est  en  volon- 
»  taire  qu'il  a  servi  dans  cette  mémorable  action. 

»  Il  est  blessé  à  la  cuisse  d'un  coup  de  mitraille.  Je  demande  que 
»  le  comité  de  salut  public  s'occupe  promptement  des  moyens  de  le 
1)  récompenser,  en  lui  donnant  de  l'emploi  dans  les  armées  de  la  Ré- 
1)  publique. 

»  Cette  dernière  proposition  est  décrétée. . .  »  (Séance  du  U  ther- 
midor an  m.) 


))Je  ne  crois  pas  devoir  rien  ajouter  démon  propre  fonds  aux  témoi- 
gnages publics  accordés  à  Rouget  de  Lisle,  comme  auteur  de  la  Mar- 
seillaise; je  me  borne  seulement  pour  clore  l'exposé  de  mes  rensei- 
gnements et  pour  éviter  à  l'avenir  toute  discussion  sur  un  sujet  brû- 
lant, je  me  borne,  dis  je,  à  poser  cette  simple  question  : 

«Pourquoi  Navoigille  n'a-t-il  pas  réclamé  publiquement  ses  prétendus 
droits  d'auteur?  Les  faits  et  le  bon  sens  disent  et  répondent  à 
M.  Fétis  que  les  prétendus  droits  de  Navoigille  ne  reposent  que  sur 
une  pièce  sans  date,  apocryphe,  erronée  ou  mensongère. 

»  A.  ROUGET  DE  LISLE,  ingénieur  civil.  » 


COMiniSSIOli  DE  LÀ  PROPRIÉTÉ  LITTÉRAIRE  ET  ARTISTIQUE. 

Nous  avons  signalé  dès  son  apparition  le  recueil  des  travaux  de 
cette  commission,  vouée  à  l'étude  de  l'une  des  plus  hautes  questions 
de  la  société  moderne.  On  ne  saurait  trop  remercier  le  ministre  d'Etat 
d'avoir  livré  à  la  publicité  des  documents  d'un  intérêt  universel  pour 
tous  ceux  qui  pensent,  qui  écrivent  et  qui  lisent.  C'est  en  assistant 
d'aussi  près  que  possible  à  des  discussions  pleines  de  lumières  et  de 
conscience,  que  les  esprits  s'élèvent,  se  modèrent,  et  se  rendent 
compte  des  difficultés  sérieuses  qui  s'opposent  souvent  aux  plus  no- 
bles désirs,  aux  plus  légitimes  ambitions. 

C'est  par  un  rapport  en  date  du  28  décembre  1861,  soumis  à 
S.  M.  l'Empereur  par  le  ministre  d'Etat,  M.  le  comte  Walewski,  que 
la  question  fut  soulevée.  La  commission ,  nommée  en  conséquence 
de  ce  rapport ,  s'assembla  pour  la  première  fois  le  22  janvier  1862, 
et  pour  la  dernière  le  20  mars  1863.  Dès  sa  troisième  séance,  elle 
avait  jugé  à  propos  de  déléguer  ses  pouvoirs  à  une  sous-commission 
chargée  de  proposer  un  projet  de  loi  pour  réglementer  la  propriété 
littéraire  et  artistique,  en  prenant  pour  base  de  son  travail  le  prin- 
cipe de  la  perpétuité.  La  sous-commission  ne  tint  pas  moins  de  dix- 
huit  séances,  dont  plusieurs  furent  employées  à  entendre  des  hommes 
spéciaux,  libraires,  éditeurs,  représentants  des  diverses  associations 
des  gens  de  lettres,  des  auteurs  et  compositeurs  dramatiques,  des  ar- 
tistes peintres,  sculpteurs,  graveurs,  dessinateurs,  etc.,  etc. 

Huit  séances  de  la  commission  entière,  dix-huit  séances  de  la 
sous-commission,  couronnées  par  un  nouveau  rapport  de  M.  le  comte 
Walewski  à  S.  M.  l'Empereur,  rapport  suivi  d'un  projet  de  loi,  tel 
est  en  résumé  le  cercle  d'examen  et  de  controverse  parcouru  dans 
l'espace  de  seize  mois.  Tout  ce  qui  s'est  dit  d'important ,  de  grave 
soit  au  point  de  vue  de  l'histoire,  soit  à  celui  de  la  spéculation  pure, 
se  retrouve  consigné  dans  les  pages  du  recueil,  dont  la  rédaction 
est  tout  à  fait  digne  du  sujet  et  des  circonstances. 

M.  Camille  Doucet  remplissait  les  fonctions  de  secrétaire  de  la  com- 
mission ;  c'est  lui  aussi  qui  a  présidé  à  la  composition  générale  de 
l'ouvrage,  destiné  à  servir  de  commentaire  à  une  loi  dont  il  aura 
préparé  la  naissance.  Les  secrétaires  adjoints  étaient  MM.  G.  Guif- 
frey,  Eugène  Pion  et  Eugène  Ferrand,  qui  tous  ont  accompli  labo- 
rieusement leur  tâche. 

Nous  ne  savons  encore  ce  qui  adviendra,  mais,  en  tout  cas,  la 
question  de  la  propriété  littéraire  et  artistique,  depuis  si  longtemps 
posée,  n'aura  jamais  été  approfondie  avec  plus  de  clarté,  disculée 
avec  plus  de  force.  On  ne  pourra  plus  l'aborder  qu'en  revenant  aux 
débats  de  cette  conférence  dont  il  faudra  bien  prendre  les  travaux 
pour  point  de  départ,  si  l'on  ne  consent  à  les  adopter  comme  der- 
nier terme. 

Dans  l'histoire  de  la  pensée,  le  28  décembre  1861  restera  une 
époque. 

P.  S. 


260 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


CONCOURS  DE  lUSIQUES  HLITÂIRES  AU  CAMP  DE  CHÂLONS. 

(7  Août.) 

•Ainsi  que  nous  l'avions  annoncé,  un  brillant  concours  de  musique 
militaire,  dont  l'initiative  appartient  au  maréchal  Baraguey-d'Hilliers, 
a  eu  lieu  au  camp  de  Chalons  le  vendredi  7  de  ce  mois. 

En  moins  d'une  heure,  dix-neuf  musiques  ont  été  réunies  par  les 
soins  du  général  chef  d'état-major  général  du  maréchal. 

C'est  au  théâtre  du  camp,  car  le  camp  est  pourvu  d'une  char- 
mante salle  de  spectacle,  que  le  concours  a  eu  lieu,  sous  la  prési- 
dence de  MM.  Ambroise  Thomas  et  Georges  Kastner,  de  l'Institut,  as- 
sistés de  MM.  Mesnard,  Mugnier,  capitaines  d'artillerie,  Cahen,  capi- 
taine du  génie,  et  Chariot,  lieutenant  de  la  même  arme. 

Deux  séances  ont  été  consacrées  à  ces  luttes  si  intéressantes,  et, 
nous  pouvons  le  dire,  si  brillantes,  que  nous  espérons  bien  les  voir 
se  renouveler  chaque  année. 

De  6  heures  du  matin  jusqu'à  10  heures,  on  a  entendu  les  mu- 
siques d'infanterie.  Après  deux  heures  de  repos,  le  concours  des  fan- 
fares et  des  bataillons  de  chasseurs  a  été  ouvert  ;  il  a  duré  de  midi  à 
2  heures  de  relevée. 

C'est  par  ordre  des  numéros  de  division  et  des  numéros  de  régi- 
ments que  les  musiques  se  sont  présentées  au  concours. 

Chaque  musique  ne  faisiit  entendre  qu'un  seul  morceau,  au  choix 
de  son  chef. 

Le  nombre  des  exécutants,  élèves  compris,  n'excédait  pas  le  chiffre 
fixé  par  les  règlements.  C'est  dans  le  parterre  de  la  salle  ,  dont  les 
banquettes  avaient  été  enlevées,  que  se  tenaient  les  musiques  concur- 
rentes. Le  corps  des  officiers  occupait  les  galeries  ;  les  sous-officiers 
étaient  assis  à  l'amphithéâtre  ;  quant  aux  caporaux  et  soldats,  ils  oc- 
cupaient le  dessus  des  galeries  et  de  l'amphithéâtre. 

Quatre  prix,  consistant  en  belles  médailles  à  l'effigie  de  S.  M. 
l'Empereur,  et  trois  mentions  honorables  ont  été  décernées  ; 

Infanterie. 

1"  prix,  au  47'  de  ligne;  2™  prix,  au  Sôf  de  ligne. 

l''^  mention  honorable,  au  57'  de  ligne  ;  2™',  au  12«  de  ligne. 
Cavalerie. 

Prix,  au  i«  dragons. 

Mention  honorable,  au  9'  dragons. 

Chasseurs  à  pied. 

Prix,  au  2'  bataillon. 

Ce  concours,  dans  lequel  les  plus  belles  inspirations  de  Meyerbeer, 
d'Auber,  d'Halévy  et  d'Adolphe  Adam  ont  souvent  retenti,  a  été  re- 
marquable par  l'excellente  tenue  des  musiques,  par  la  justesse,  l'en- 
train et  le  sentiment  de  morceaux  si  divers  de  style  et  de  facture. 
Nous  sommes  heureux  d'avoir  à  constater  de  nouveau  les  services 
immenses  que  les  instruments  du  système  d'Ad.  Sax  rendent  à  l'in 
terprétation  des  œuvres  des  maîtres  les  plus  illustres. 

A.  ELWARÏ. 


DERNIERS  JOURS  DE  MENDELSSOHIÏ. 

(Premier  article.) 

Beaucoup  de  personnes  pensent  comme  moi  que,  par  la  mort  pré- 
maturée de  Mendelssohn,  le  développement  musical  de  l'Allemagne 
a  subi  un  dommage  sensible,  peut-être  irréparable. 

J'ai  passé  les  trois  dernières  journées  d'août,  en  1847,  auprès  de 
lui,  à  Interlaken,  en  Suisse,  peu  de  temps  avant  son  retour  à  Leip- 
zig, et  avant  l'invasion  de  la  maladie  qui  s'est  terminée  par  sa  mort, 
le  4  novembre  de  la  même  année.  II   me  paraissait  vieilli,  triste  et 


plus  abattu  que  je  ne  l'avais  encore  vu  ;    mais   son   sourire  n'avait 
jamais  été  plus  radieux  ni  son  accueil  plus  cordial. 

Par  une  journée  aussi  sereine,  aussi  resplendissante  de  soleil  que 
jamais  la  Suisse  en  ait  pu  voir,  nous  étions  arrivés  de  grand  matin 
à  Interlaken,  et  tout  d'abord  il  voulut  me  faire  connaître  le  pays  et 
ses  sites  pittoresques.  «  En  plein  air  nous  pourrons  mieux  causer 
de  nos  affaires,  »  me  dit-il.  Nous  sortîmes  pour  nous  promener  sous 
les  noyers  en  face  de  la  Yungfrau.  Plus  tard,  quand  les  hôtelleries  se 
vidèrent  peu  à  peu  en  versant  leurs  habitants  par  groupes  dans  la  rue, 
nous  nous  dirigeâmes  par  le  bois,  vers  une  hauteur,  le  Hohenbiihl, 
si  je  ne  me  trompe,  d'où  le  regard  domine  le  lac  de  Thun,  la  plaine 
de  Neuliaus  et  d'Unterseen,  ainsi  que  les  monts  couverts  de  neige  ' 
qui  se  dessinent  au  loin. 

Pendant  notre  ascension,  les  tintements  des  clochettes  des  trou- 
peaux nous  arrivaient  des  pâturages  voisins  ;  ils  rendent  le  senti- 
ment de  la  solitude  dans  la  montagne  plus  vif,  au  lieu  de  le  faire 
cesser.  Mon  compagnon  s'étant  arrêté,  prêta  l'oreille  quelque  temps, 
puis  il  se  prit  à  fredonner  les  variations  du  ranz  des  vaches,  dans 
l'ouverture  de  Guillaume  Tell  :  «  Comme  Rossini  a  bien  rendu  cela! 
dit-il;  cette  introduction  est  tout  à  fait  suisse.  »  Puis  il  se  remit  à 
chanter  ce  motif,  et  fit  ressortir  les  ressources  de  m'.se  en  scène 
qu'offre  la  Suisse,  avec  une  vivacité  qui  tenait  de  la  passion.  «  J'aime 
ces  sapins,  et  jusqu'à  l'odeur  de  ces  vieux  rochers  couverts  de 
mousse.  "  Avec  une  joie  presque  enfantine,  il  évoqua  le  souvenir  des 
excursions  qu'il  avait  faites  avec  sa  femme  et  ses  enfants.  «  A 
l'avenir  je  viendrai  ici  tous  les  ans.  N'est-ce  pas  ravissant  d'être  assis 
sur  ce  banc,  en  face  de  la  Yungfrau,  de  causer  et  d'oublier  Londres 
et  hanover-sguare-room  ?  n 

Mais,  même  à  Interlakein,  Mendelssohn  dut  retourner  à  la  salle  de 
concert.  On  lui  avait  proposé  d'écrire  une  composition  nouvelle  pour 
l'ouverture  de  la  magnifique  salle  de  concert  à  Liverpool,  et  il  s'a- 
gissait de  nous  entendre  à  cet  égard.  Il  fut  d'abord  question  d'un 
fragment  de  la  Bataille  d'Arminius,  de  Klopstock;  du  Passage  des 
Alpes  par  le  général  Bonaparte.  Je  proposai  l'ode  de  Woodsworth, 
sur  le  pouvoir  de  la  musique  (the  Power  of  Sound);  mais  il  semblait 
regarder  l'idée  de  peindre  les  divers  effets  de  la  musique,  comme 
trop  usée  ;  il  fit  remarquer  que  d'ailleurs  Haendel  avait  complètement 
traité  ce  sujet  dans  la  Fête  d' Alexandre.  Il  craignait  de  ne  pouvoir 
rien  terminer  pour  le  jour  fixé  :  «  Vous  savez,  ajouta-t-il,  qu'on  doit 
exécuter  une  œuvre  de  ma  composition  dans  la  cathédrale  de  Co- 
logne, pour  la  consécration  de  la  nef.  Voilà  une  occasion!  mais 
alors  je  ne  vivrai  plus.  »  Il  porta  la  main  à  sa  tête,  et  ses  traits 
prirent  une  expression  de  souffrance  et  de  fatigue. 

Il  me  dit  qu'il  avait  travaillé  pendant  son  séjour  à  Interlaken  ;  il 
mentionna  en  particulier  cet  étonnant  quatuor  en  fa  mineur,  connu 
comme  le  morceau  le  plus  profondément  empreint  de  tristesse  et  de 
mélancolie  qui  existe  dans  la  musique  instrumentale,  et  quelques 
pièces  liturgiques  pour  l'Église  protestante  d'Angleterre.  «  Cela  m'a 
fait  du  bien  de  travailler,  dit-il,  faisant  allusion  à  la  perte  de  sa 
sœur  (Fanny  Hensel),  qui  l'avait  beaucoup  affecté;  mais  il  me  faut  du 
repos,  sinon  je  mourrai.  » 

Je  ne  jurerais  pas  que  ce  soient  là  les  propres  paroles  de  Men- 
delssohn, mais  ce  jour  est  trop  profondément  gravé  dans  ma  mé- 
moire pour  que  je  puisse  oublier  jamais  quelque  point  important, 
un  trait,  un  mot  caractéristique  de  notre  conversation.  La  vie  offre 
peu  de  souvenirs  pareils. 

Je  m'informai  de  l'opéra  dont  on  le  supposait  occupé  alors.  Il 
s'expliqua  tout  au  long  et  avec  franchise  au  sujet  du  théâtre  et  de 
ses  projets,  «  Le  moment  est  venu  pour  moi  d'essayer  mes  forces. 
Peut-être,  quand  j'aurai  écrit  quatre  ou  cinq  opéras,  ferai-je  quelque 
chose  de  bon  ;  le  difficile,  c'est  de  trouver  un  sujet.  »  Il  discuta  ceux 
que  je  lui  avais  proposés;  et  à  cette  occasion  il  témoigna  en  termes 
très-vifs  son  mé  contentement  de  l'abus  qu'on  avait  fait  de  son  nom 


ni-:  PARIS. 


261 


à  Londres,  où  l'on  avait  annoncé  que  l'opéra  h  Tempête,  composé 
par  lui,  serait  représenté  à  une  époque  fixée,  -i  Le  livret  est  trop 
français;  le  troisième  acte  ne  vaut  rien  du  tout.  Jamais  je  ne  me 
lierai  pour  une  époque  arrêtée  d'avance.  Quand  j'aurai  complè- 
tement fini  mon  œuvre,  je  la  ferai  représenter  quelque  part  »  Il 
continua  son  examen  des  pièces  de  Shakespeare,  en  particulier  du 
Conte  d'hiver,  dont  on  lui  avait  soumis  l'arrangement.  «  Avec  l'^u- 
tolycus,  ajouta  t-il,  ou  pourrait  faire  quelque  chose  de  fort  plai- 
sant. »  On  a  vu  par  son  opérette  le  Retour  de  l'étranger,  publié  de- 
puis, où  le  joyeux  colporteur  Kantz  joue  un  rôle  éminent,  ce  qu'il 
était  capable  d'écrire  dans  ce  genre.  Dans  le  domaine  de  la  musique 
allemande,  nous  n'exceptons  pas  même  l'Enlèvement  au  sérail,  il 
n'y  a  rien  d'aussi  gai  que  l'air  de  dansé  chanté  par  ce  délicieux 
coquin,  ni  que  sa  partie  dans  la  sérénade  donnée  à  la  jeune  paysanne, 
où  le  chant  monotone  du  garde  de  nuit  allemand  est  parodié  avec 
une  sentimentalité  si  baroque. 

«  Nous  n'avons  pas  en  Allemagne  un  seul  poëto  capable  d'écrire 
les  paroles  d'un  opéra,  poursuivit  Mendelssohn.  Ah!  si  Kotzebue  vi- 
vait! Eu  voilà  un  qui  avait  des  idées!  »  Il  y  eut  de  l'animation  dans 
ses  paroles  lorsqu'il  se  rappela  qu'une  occasion  aussi  prosaïque  que 
l'ouverture  du  nouveau  théâtre  de  Pesth  avait  inspiré  à  Kotzebue 
une  œuvre  aussi  caractéristique  que  les  Ruines  d'Athènes,  qui  parut 
digne  d'être  mise  en  musique  à  un  homme  tel  que  Beethoven.  «  Eh 
bien,  soit;  je  ferai  mon  possible  pour  Loreley;  Geibel  s'est  donné 
beaucoup  de  mal  pour  ce  poëme.  Nous  verrons.  »  Puis  il  s'interrom- 
pit :  «  Mais  à  quoi  bon  faire  des  projets  ?  Ma  vie  tire  à  sa  fin  !  n 

Hb-NRi  CHORLEY. 
[La  suite  ■prochainement.) 


CORRESPONDANCE. 


Londres,  11  août. 


Hier  soir,  Her  Majesly^s  Tcalre  a  donné  à  son  tour  sa  dernière  re- 
présentation de  l'année,  et  clos  ainsi  définitivement  la  saison  musi- 
cale de  1863.  Cette  représentation  d'adieu  se  composait  de  différents 
actes  de  Faust,  du  Trovatore  et  d'Oberon.  Dans  ces  trois  ouvrages  il  nous 
a  été  donné  d'admirer  encore  une  fois  l'art  consommé  et  la  voix  sans 
pareille  de  Mlle  Tietjens;  nous  avons  salué  une  dernière-  fois  la  gracieuse 
Mme  Trebelli,  qui  s'était  chargée  du  rôle  de  Fatima  dans  Oberon,  à  la 
place  de  Mme  Alboni  ;  nous  avons  revu  encore  M.  Santley,  l'incompa- 
rable baryton,  ainsi  que  MM.  Giuglini  et  Bettini,  les  deux  excellents  et 
zélés  ténors  ;  enfin  toute  la  brillante  troupe  de  M.  Mapleson  a  reparu 
presque  en  entier  pour  la  dernière  fois  devant  nous.  Après  que  les  trois 
ouvrages  eurent  été  joués  et  toutle  monde  rappelé,  le  rideau,  selon  l'u- 
sage de  rigueur,  se  leva  de  nouveau,  et  tout  le  personnel  du  théâtre, 
M.  Arditi,  chef  d'orchestre  en  tête,  se  trouvèrent  encore  une  fois 
devant  le  public.  M.  Arditi  avait  là  une  magnifique  occasion  de  faire  chan- 
ter en  chœur  et  à  grand  orchestre  son  Bacio  :  cela  aurait  varié  un  peu 
nos  plaisirs,  et  pour  ma  part  j'y  comptais  positivement.  .Mais  il  parait 
avoir  décidément  abandonné  son  chef-d'œuvre  à  Mlle  Artot  et  aux 
orgues  de  Barbarie.  J'en  fus  donc  pour  mes  espérances,  et  c'est  pour 
entendre  l'hymne  national  que,  sur  un  signe  du  inaësiro,  l'assemblée  se 
leva  respectueusement.  Le  God  save  the  queen  achevé,  tout  était  consommé. 

Cette  saison  qui  vient  de  finir  comptera  parmi  les  plus  brillantes 
dans  les  annales  du  théâtre  de  Her  iiajesiij;  mais,  il  faut  le  reconnaître, 
la  gloire  en  revient  pour  la  plus  grande  partie  à  Mlle  Tietjens,  qui, 
non-seulement  par  son  talent  hors  ligne,  mais  encore  par  une  bonno 
volonté  sacs  exemple,  est  venue  si  puissamment  en  aide  à  son  direc- 
teur. Soixante-dix  représentations  en  tout  ont  été  données  durant  les 
trois  mois  de  la  saison,  et  sur  ce  nombre,  Mlle  Tietjens  a  paru  dans 
cinquante-six  soirées  et  dao.s  douze  rôles  différents  :  trois  fois  dans 
Nicolo  de  Lapi,  l'ouvrage  nouveau  de  M.  Schira  ;  sept  fois  dans  le  Tro- 
vatore; deux  fois  dans  I  Puritani;  treize  fois  dans  les  Huguenots;  quatre 
fois  dans  Lncia  ;  quatre  fois  dans  Lucrezia  Borçjia  ;  six  fois  dans  un  Ballo 
in  marchera  ;  deux  fois  dans  les  Nozze  di  Fiijaro;  une  fois  dans  Norma  ; 
une  fois  dans  Don  Juan  (dona  Anna)  ;  trois  fois  dans  Oberon,  et  vingt 
fois  dans  Faust,  la  nouveauté  de  la  saison.  En  vous  énuraérant  ces  ou- 
vrages, j'ai  voulu  vous  donner  la  mesure  de  l'aptitude  extraordinaire 
que  possède  cette  grande  artiste  à  s'approprier  les  rôles  les  plus  divers. 

Je  ne  puis  quitter  lier  Majestifs  Tlieatre  sans  exprimer  le  regret  d'a- 
voir si  rarement  eu  l'occasion  d'applaudir  la  méthode  parfaite  et  le 
talent  plein  de  charme  de  ce  consciencieux  artiste  qui  a  nom  Delle- 
Sedie,  et  qui  a  obtenu  un  si  grand  et  si  légitime  succès  dans  le  Ballo 


in  maschera,  le   seul  ouvrage  dans  lequel  nous   l'aj'ons  entendu   cette 
année. 

Vous  ai-je  dit  que  la  troisième  et  dernière  représentation  de 
5111e  Lucca  dans  le  rôle  de  Valenline,  des  Huguenots,  a  entièrement  ré- 
pondu à  l'immense  succès  de  son  début,  et  que  la  jeune  et  vaillante 
artiste  vient  d'être  engagée  par  M.  Gye  pour  trois  saisons,  à  des  con- 
ditions royales? 

Les  cottcerts  de  samedi  à  Crystal-Palace,  sous  la  direction  de  leur 
e.^cellent  chef  d'orchestre,  M.  Manns,  ont  été  extrêmement  brillants 
cette  année,  et  viennent,  aussi  de  clore  Ipur  saison  par  un  grand 
concert  extraordinaire  dont  la  partie  vocale  comprenait  tout  à  la  fois 
les  noms  de  Mme  Miolan  et  de  Mlle  Adelina  Patti,  de  Tambevlick  et  de 
Mario,  deGraziani  et  Formés.  C'e«t  la  première  fois  probablement  que  ces 
deux  prodiges  de  vocalisation.  Mme  Miolan  et  Mlle  Patti,  se  trouvaient 
en  présence.  Mme  Miolan  avait  choisi  le  rondo  si  brillant  de  la  Son- 
namhula,  et  elle  l'a  chanté  comme  elle  seule  sait  le  chanter;  Mlle  Patti, 
la  simple  et  louchante  ballade  àe.Marta:  Qui  sotauiVjî'nrnso.  Le  programme, 
tout  italien,  indiquait  que  le  morceau  serait  chanté  dans  cette  langue; 
mais  Mlle  Patti,  qui  connaît  son  public,  bien  que  ce  fût  la  première  fois 
qu'elle  chantât  au  Crystal-Palace,  fit  entendre  The  last  rose  of  summer 
en  anglais  le  plus  pur.  Je  vous  laisse  à  penser  les  enchantements  et  les 
applaudissements  sans  fin  prodigués  à  cette  attenLÎon  et  à  cette  délicate 
surprise. 

C'est  dans  les  concerts  de  Crystal-Palace  aussi  que  le  talent  de  ce 
grand  violoniste  que,  il  y  a  peu  de  temps  encore,  vous  appeliez  à  Paris 
le  petit  Lotto,  s'est  révélé  au  public  anglais.  M.  Lotte  vient  de  nous 
quitter,  mais  il  doit  revenir  bientôt,  car  il  est  engagé  pour  une  série 
de  grands  concerts  que  M.  Mellon,  le  chef  d'orchestre  de  la  Musical  So- 
ciety, vient  d'inaugurer  dans  la  salle  devenue  libre  de  Covent-Garden. 
La  grandiose  ouverture  en  forme  de  marche  de  Meyerbeer  a  dignement 
ouvert  cette  nouvelle  entreprise  de  concerts  populaires,  dirigés  par  un 
des  meilleurs  musiciens  de  l'Angleterre. 

Je  voudrais  vous  signaler  encore  un  autre  jeune  violoniste  de  beau- 
coup de  talent,  M.  Auer,  qui  s'est  fait  connaître  cette  année  pour  la  pre- 
mière fois  à  Londres,  et  qui,  dans  les  Mondoy  popular  Concerts,  aussi  bien 
que  dans  ceux  de  VlJnion  musicale,  de  M.  Ella,  a  fait  preuve  d'une  exé- 
cution peu  commune  en  interprétant  Haydn,  lleethoven  et  Spohr;  mais 
qui,  du  reste,  joue  avec  tout  autant  de  talent  la  musique  moderne, 
ainsi  qu'il  l'a  montré  dans  le  concert  de  Mlle  Michal,  une  compatriote  et 
élève  de  Jenny  Lynd,  et  dans  lequel  il  a  partagé  les  applaudissements 
avec  la  bénéficiaire,  avec  Jenny  Lind  elle-même  et  avec  Mlle  Artot. 

Et,  puisque  je  vous  parle  de  violonistes,  je  ne  veux  pas  oublier  de 
vous  donner  des  nouvelles  de  celui,  entre  tous,  qui  nous  inspire  le  plus 
de  sympathie,  de  ce  pauvre  Ernst,  qui  vient  de  passer  quelques  jours  à 
Londres.  Bien  que  toujours  souffrant,  les  eaux  de  Malvern,  pourtant,  pa- 
raissent lui  avoir  fait  du  bien,  car  nous  I  avons  trouvé  beaucoup  mieux 
qu'à  son  arrivée  en  Angleterre,  il  y  a  que.ques  mois.  L'excellent  artiste 
nous  a  quittés  jeudi  dernier  pour  aller  respirer  l'air  de  la  campagne, 
dans  le  manoir  de  Knebworth,  dans  le  Herfordshire,  propriété  de  son 
ami,  sir  Bulwer-Lytton,  le  célèbre  romancier. 

Si  en  France  tout  finit  par  des  chansons,  dans  ce  bon  pays  de  la 
vieille  Angleterre  nous  finissons  tout  par  des  toasts  et  des  banquets. 
Accordez-moi  donc,  pour  terminer  ma  correspondance  de  la  saison, 
quelques  lignes  encore  pour  vous  dire  un  mot  du  banquet  qui  vient 
d'avoir  lieu  à  Freemasons-Tavern .  Bien  quo  la  réunion  eût  un  caractère 
tout  privé,  je  me  croirais  cependant  coupable  de  la  passer  sous  silence, 
parce  que  le  motif  qui  l'a  provoquée  intéresse,  je  le  sais,  grand  nombre 
de  vos  lecteurs.  Il  s'agissait,  en  effet,  de  la  présentation  du  Testimonial 
(je  cherche  vainement  le  mot  français,  mais  j'ai  expliqué  la  chose  dans 
une  autre  lettre)  offert  à  l'honorable  et  très-honoré  .VL  Charles-Lewis 
Gruneisen.  M.  Gruneisen,  par  ses  écrits  aussi  bien  que  par  son  intel- 
ligente activilé,  a  puissamment  contribué  à  l'introduction  et  à  la  pro- 
pagation de  la  bonne  musique  et  des  saines  doctrines  musicales  dans  sa 
patrie,  ainsi  qu'à  la  fondation,  sur  ses  bases  actuelles,  de  l'Opéra  de 
Covent-Garden.  M.  Gruneisen  est  un  des  meilleurs  écrivains  de  son  pays, 
et  la  crit'que  musicale  doit  l'honorer  comme  un  de  ses  membres  les 
plus  éminents,  les  plus  compétents  et  les  plus  dignes. 

Et  à  présent  que  les  théâtres  lyriques  sont  fermés,  que  la  srason  of- 
ficielle est  bel  et  bien  terminée,  et  que  la  chaleur  devient  étouffante, 
permettez-moi  de  prendre  congé  de  vous,  pour  aller  faire  un  tour  dans 
les  montagnes  d'Ecosse.  Si  dans  mes  lettres  que  vous  avez  bien  voulu 
accueillir  j'ai  parfois  prodigué  les  superlatifs  aux  artistes  que  j'aime, 
j'espère  que  ces  artistes  me  pardonneront  ina  rude  franchise  ;  si  j'ai 
risqué  çà  et  là  quelques  plaisanteries  inoffensives,  j'espère  n'avoir  bltjssé 
aucune  susceptibilité,  et  avant  tout  je  crois  vous  avoir  toujours  ren- 
seigné avec  véracité  :  Fun  is  good,  but  truth  t's  bettcr,  and  love  is  best 
of  ail. 

L.  B. 

Bade,  10  août. 

Le  Chevalier  Nahel  vient  de  faire  son  apparition  sur  notre  théâtre. 
On  sait  tout  l'intérêt  qui  s'attachait  à  cette  production  de  l'auteur  d"œu- 


262 


KEVLE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


vres  symphcniques  d'un  grand  mérite.  Disons  tout  de  suite  que  l'attente 
de  notre  brillante  société,  dans  laquelle  Litolff  compte  de  nombreux 
admirateurs,  n'a  pas  été  trompée. 

Le  Chevalier  Nahel  est  une  con.ioption  musicale  grandiose,  originale, 
et  dans  laquelle  se  manifeste  une  véritable  individualité. 

Kous  avons  fjit  connaîire  le  prologue  du  libretto  ;  il  donnait  une  idée 
assez  nette  du  sujet  de  cet  opéra,  très-mouvementé  et  qui  offre  plu- 
sieurs scènes  très-dramatiques.  L'action  se  passe  au  début  de  la  guerre 
de  trente  ans.  Le  duc  Bernard  de  Saxe-Weimar  est  aimé  de  Wilhelmino 
d'Offenbourg;  mais  il  lui  préfère  une  jeuue  bohémienne,  Cécilia,  douée 
d'une  voix  merveilleuse,  qui  aime  un  cornette  de  dragons  suédois,  Max 
Kœrner,  et  qui  en  est  aimée.  Les  opérations  militaires  du  duc  et  les 
amours  de  Willielmine  er  Cécilia  sont  traversées  par  les  intrigues  d'un 
chevalier  Kahel,  espèce  de  sorcier,  qui  joue  dans  la  pièce  le  rôle  d'un 
mauvais  génie  et  prend  plaisir  à  mettre  dans  les  positions  les  plus  cri- 
tiques chacun  des  person  nages  du  drame.  Enfin  Max  Kœrner  le  tue  d'un 
coup  de  pistolet,  et  il  se  trouve  que  la  bohémienne  Cécilia  n'est 
autre  que  la  lille  du  roi  Gustave-Adolphe,  qui  la  donne  à  Max,  tandis 
que  le  duc  Bernard  épjuse  Wilhelmine.  —  Telle  est  l'analyse  très- 
incomplète  de  l'œuvre  sur  laquelle  M.  Litulff  a  été  appelé  à  exercer  ses 
hautes  facultés  musicales  avec  un  succès  qui  destine  inévitablement  sa 
partition  à  l'un  des  théâtres  lyriques  de  Paris. 

L'ouverture  est  une  introduction  d'un  beau  caractère  où  les  instru- 
ments de  cuivre  jouent  le  principal  rôle;  elle  se  termine  par  un  cres- 
cendo d'un  très  bel  effet.  Le  premier  acte  contient  peut-être  les  morceaux 
les  plus  saillants  ;  la  grande  scène  par  laquelle  il  s'ouvre,  offre  des  effets 
d'instrumentation  d'une  grande  originalité;  la  ballade  de  ta  Pauvreté, 
chantée,  par  Cécilia,  avec  un  délicieux  accompagnement  de  harpe  et  de 
cor,  est  admirablement  réussie.  Le  Couvre-feu  et  la  ronde  des  Hulans,  ont 
beaucoup  de  couleur,  et  l'air  satanique  de  Nahel,  qui  procède  de  la  ma- 
nière de  Weber,  termine  très  heureusement  ce  premier  acte. 

Il  faut  citer  dans  le  second  un  chreur  des  soldats  suédois,  chanté  ;\  demi- 
voix  sur  un  accompagnement  d'instruments  à  cordes  d'un  bon  sentiment, 
puis  les  couplets  des  Dragons  de  Saxe-Weimar,  admirablement  chantés 
par  Wilhelmine  (Mme  l'Eure  Lefebvre) ,  et  redemandés  par  la  salle  en- 
tière. Après  une  agréable  cavatine  de  Max,  vient  le  morceau  capital  de 
l'ouvrage,  te  sextuor  des  Invisibles,  dans  lequel  se  détache  l'invocation  de 
Bernard!,  0  mon  épée!  qui  se  termine  par  l'entraînant  appel  aux  armes 
de  Cécilia  et  le  chœur  général  des  Saxons  :  Allons  mourir  pour  la  foi 
paternelle!  Ce  finale,  traité  avec  beaucoup  de  puissance  et  d'entente 
des  sonorités,  fait  beaucoup  d'honneur  au  coaipositeur. 

Les  principales  parties  du  troisième  acte  consistent  dans  un  beau  duo 
entre  Wilhelmine  et  Nahel,  où  se  trouve  une  phrase  admirable  :  Sans 
amour,  sans  pain,  eic.[;  dans  les  couplets  du  valet  Pangolem,  contre  la 
dureté  des  maîtres,  écrits  dans  un  excellent  style  bouffe,  et  que  Ber- 
thelier  a  dû  redire  ;  dans  une  délicieuse  valse  chantée,  et  enfin  dans  toute 
la  scène  du  dénouement,  exprimant  les  alternatives  de  rage,  de  déses- 
poir et  de  repentir  de  Nahel  expirant. 

La  direction  du  théâtre  de  Bade  n'a  eu  guère  que  quinze  jours  pour 
monter  le  Chevalier  Nahel,  et  certes,  on  ne  s'en  douterait  pas,  à  voir 
combien  la  mise  en  scène  est  somptueuse.  Quant  à  l'exécution,  confiée 
à  Mme  Colson  (Cécilia),  Mme  Faure  (Wilhelmine),  à  Balanqué  (\'ahel), 
Jourdan  (Max),  et  Berthelier  (î'angolem),  elle  a  été  à  la  hauteur  de 
l'œuvre.  Litolff  dirigeait  l'orchestre,  et  il  a  dû  à  plusieurs  reprises  se 
lever  pour  répoudre  aux  chaleureu-es  acclamations  provoquées  par  les 
principaux  morceaux  de  l'opéra. 

J'aurais  voulu  vous  parler  de  la  représentation,  par  les  Allemands, 
du  Boi  Enzio,  d'Abert,  mais  les  bornes  de  cette  correspondance  me 
pormetlent  seulement  de  vous  dire  qu'il  n'a  pas  obtenu  moins  de  succès 
qu'en  Allemagne.  Jo  serais  bien  étonné  si  M.  Abert  n'arrivait  pas  à  de 
hautes  destinées  comme  compositeur  d.'-amatique.  Du  reste  vous  serez 
sans  doute  à  même  d'en  juger  avant  peu,  puisque  M.  Alphonse  Royer 
vient  de  lui  confier  le  livret  d'un  opéra  destiné  à  l'une  des  scènes  de 
Paris. 

E.  R. 


NOUVELLES. 

**,j  La  Muette  de  Portici,  au  théâtre  impérial  de  l'Opéra,  le  Postillon 
de  Longjumcau  et  te  docteur  Mirobolan  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique, 
composaient  les  représentations  gratuites  données  à  l'occasion  de  la  fête 
du  15  août. 

,t*,i,  C'est  Mlle  Sax  qui  a  chanté,  le  1 S  août,  le  rô'e  de  la  France,  dans  la 
cantate  de  M.  Edouard  Fournier,  composée  par  M.  (iastinel  pour  cette 
solennité.  Les  Génies  du  Mexique  étaient  chantés  par  Bonnesseur,  Dulau- 
rens,  et  M  mes  de  Taisy  et  Godfrend. 

,*,j  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  lundi  les  Vêpres  siciliennes. 
Mercredi,  Diavolina  et  la  Lucie.  Vendredi,  les  Vêpres  siciliennes. 

***  Mlle  Tietjens  arrive  à  Paris  cette  semaine. 

»**  On  annonce  la  mort  de  Mme  Ferraris,  femme  du  député  italien. 


Elle  s'appelait  Ottavia  Malvani  et  elle  avait  acquis  une  grande  réputation 
de  cantatrice  sur  les  principales  scènes  d'Italie. 

**»  Le  talent  montré  par  M.  Hainl  dès  son  début  dans  ses  nouvelles 
fonctions  de  chef  d'orchestre  de  l'Opéra,  le  désintéressement  dont  il 
avait  fa't  preuve  en  acceptant  des  appointements  inférieurs  à  ceux  qu'il 
avait  au  théâtre  de  Lyon,  ne  pouvaient  manquer  d'être  appréciés  par 
M.  Emile  Perrin,  qui  s'est  empressé  de  les  signaler  à  l'attention  du 
ministre.  Aussi,  la  semaine  dernière,  M.  Hainl  a-t-il  été  agréablement 
surpris  d'apprendre,  par  une  lettre  des  plus  flatteuses  du  directeur  de 
l'Opéra,  que  ses  appointements  étaient  élevés  à  12,000  fr. 

**„,  La  première  représentation  de  la  reprise  d.'s  Amours  du  Diable  a 
été  ajournée  à  demain  lundi  ;  peut-être  même  à  mercredi. 

,t*i  Mlle  .Monrose,  que  le  théâtre  de  la  Monnaie  avait  enlevée  à  notre 
Opéra-Comique,  rentre  à  ce  dernier  théâtre;  M.  de  Leuven  vient  de 
l'engager  pour  trois  ans. 

,f*jf  Après  la  victoire ,  tel  est  le  titre  de  la  cantate  de  M.  Bouscatel , 
musique  de  L-îfébure-Wély,  qui  a  été  chantée  le  -15  août  au  théâtre  de 
l'Opéra-Comique,  par  Mlle  Girard,  Troy,  Crosti,  et  les  chœurs. 

,,*,t  Immédiatement  après  la  reprise  des  Amours  du  diable,  le  théâtre 
de  l'Opéra-Comique  reprendra  le  Caïd. 

***  Nous  avons  appris  avec  plaisir  que  l'excellent  baryton  Délie  Sedie 
ferait  partie  du  personnel  engagé  par  M.  Bagier  pour  la  saison  pro- 
chaine.— Le  maestro  GiulioAlary  a  été  choisi  pour  directeur  duchant,  et 
le  maestro  Castagneri  pour  chef  d'orchestre ,  en  remplacement  de 
M.  Bonotti.—  Le  peintre  Ferri  sera  chargé  des  décorations.—  Malgré  les 
dénégations  de  plusieurs  journaux,  la  Furza  del  destino  sera  représentée 
cet  hiver. 

**,j  Le  chiffre  brut  des  recettes  faites  pendant  le  mois  de  juillet  1863 
par  les  théâtres  impériaux  subventionnés,  les  théâtres  secondaires, 
concerts,  spectacles  et  cafés-concerts,  etc  ,  s'est  élevé  à  la  somme  de 
859,û6/i  fr.  08  c. 

,j*s  On  sait  que  Pradeau  était  à  Toulouse  et  fort  aimé  du  public, 
lorsque  Offenbach  l'y  découvrit  et  l'enleva  pour  les  Bouffes-Parisiens 
qu'il  venait  de  fonder.  Aussi  est-ce  toujours  avec  grande  joie  que  l'excellent 
comique  y  est  reçu,  lorsque  ses  congés  lui  permettent  d'y  aller.  En  ce 
moment,  il  fait  les  délices  du  théâtre  de  Toulouse  en  y  jouant,  îvec  ce 
talent  d'excellente  bouffonnerie  qu'il  possède  à  un  si  haut  point,  Alco- 
fi-ibas  des  Pantins  de  Violette,  Beaujolais  de  Tromb-al-Cazar,  Marcachu  de 
la  Rose  de  Saint-Flour,  Croquefer,  etc.  Chaque  soir,  il  est  salué  par  les 
plus  vifs  applaudissements  et  redemandé. 

**,t  Après  avoir  chanté  avec  un  grand  succès  à  Turin  et  à  Florence, 
Mme  Emmy  Lagrua  vient  de  contracter  un  engagement  de  six  mois  à 
12,000  fr.  par  mois,  avec  la  direction  du  théâtro  du  Lyceo  à  Barcelone, 
en  qualité  de  prima  donna  assoluta  M.  Verger  aura  d'ailleurs  un  très- 
beau  personnel  pour  la  saison  prochaine  ;  on  y  remarque  Mmes  Colson 
et  Grosso,  —  MM.  Negrini  et  Gambetti,  ténors,  —  Cresci  et  Squarcia, 
barytons,  —  Bremond  et  Selva,  basses.  —  Bottesini  est  chef  d'orchestre. 

**,j,  Pendant  les  courses  de  Caen,  la  Société  des  beaux-arts  a  donné 
un  très-beau  concert  auquel  Géraldy  et  Mlle  Ebrard,  premier  prix  du 
Conservatoire,  ont  pris  une  part  brillante.  Au  nombre  des  morceaux 
exécutés,  on  a  chaleureusement  applaudi  l'air  du  Pardon  de  Plo'crmel, 
celui  de  la  Fille  du  régiment  et  les  ouvertures  de  Guillaume  Tell  et  de 
Preciosa. 

a,*t  C'est  M.  Luigini  qui  remplace  M.  Georges  Hainl  comme  chef  d'or- 
chestre au  théâtre  de  Lyon.  —  Le  directeur,  outre  Mme  Cabel  et  Dulau- 
rens,  a  engagé  Mlle  Lagye,  couronnée  aux  derniers  concours  du  Conser- 
vatoire. 

,,,*,,  On  sait  le  succès  avec  lequel  Al.  Bettini  et  Mme  Trebelli-Bettini,  sa 
femme,  ont  chanté ,  cette  saison ,  au  théâtre  de  Sa  Majesté,  à  Londres. 
M.  lUapleson,  outre  la  tournée  artistique  qu'ils  feront  avec  lui  en  Ecosse 
et  en  Irlande,  au  mois  de  septembre  et  en  novembre,  vient  de  les  engager 
pour  la  saison  prochaine. 

3,*»  Dans  notre  numéro  du  12  juillet,  nous  avons  annoncé  le  grand 
festival  qui  aura  lieu  à  Munich  les  27,  28  et  29  septembre.  Voici  le  dé- 
tail des  morceaux  qui  y  seront  exécutés  :  —  Le  premier  jour,  la  sym- 
phonie héroïque  de  Bfethoven  et  l'oratorio  à' Israël  en  Egypte,  de  Uaendel, 
Le  lendemain  :  1"  Symphonie  en  ré  mineur,  de  Franz  Lachner;  —  SoMotet 
à  huit  voix,  de  Palestrina;  —  3°  Scène  de  l'oratorio  de  Tobie,  d'Haydn  ; 
—  h"  Prélude  et  fugue  pour  orchestre,  de  J.  S.  Bach;  —  5°  Finale 
du  deuxième  acte  d'Idomeneo,  de  Mozart  ;  —  6"  Marche  et  chœur  des 
Huines  d'Athènes,  de  Beethoven  ;  —  7°  Ode  à  sainte  Cécile,  de  Uaendel.— 
La  dernière  journée  sera  consacrée  à  l'audition  de  quelques-uns  des 
plus  éminents  virtuoses  de  l'Allemagne.  Mme  Schumann  et  M.  Joachim 
sont  déjà  annoncés.  Tout  semble  donc  promettre  au  festival  de  Mniuch 
un  merveilleux  éclat. 

„,*»  Le  privilège  du  grand  théâtre  San  Carlo,  de  Naples,  va  être  in- 
cessamment mis  en  adjudication  publique.  La  commission  aura  une  durée 
de  trois  années,  et  sera  exploitée  à  partir  du  1"  octobre  prochain.  Le 
théâtre  devra  être  ouvert  chaque  année  pendant  six  mois;  une  sub- 
vention annuelle  est  accordée  par  l'État  :  le  chiffre  en  est  fixé  à  90,000 


I>E  PARIS. 


263 


ducats.  Cette  somme  représente,  suivant  le  change  ù,  déterminer  ulté- 
rieurement, de  380  h  400,000  francs. 

***  Vn  des  meilleurs  comiques  de  Paris,  Brasseur,  profite  d'un 
congé  de  deux  mois,  et  va  les  employer  à  une  excursion  artistique  pen- 
dant laquelle  il  exploitera  son  excellent  répertoire  de  chansonnettes. 
On  sait  avec  quelle  perfection  Brasseur  chante  ce  genre,  et  le  succès 
exceptionnel  qu'il  a  rencontré  tout  dernièrement  dans  la  Rride  du  Bré- 
silien, d'Offenbach.  Interprétée  par  lui,  cette  ronde  deviendra  dans  les 
provinces  aussi  populaire  qu'à  Paris. 

***  Trois  mille  exécutants  composant  quatre-vingts  sociétés  musicales- 
doivent  prendre  part  à  la  fête  orphéonique  de  Rouen.  La  date  avait  été 
fixée  au  30  août;  mais  l'ouverture  de  la  chasse  devant  avoir  lieu  le 
même  jour,  la  commission  d'organisation  a  indiqué  les  6  et  7  sep- 
tembre. 

«**  Le  célèbre  trombone  Nabich  fait  en  ce  moment  une  tournée 
artistique  dans  les  villes  de  bains.  Partout  où  il  a  donné  concert,  au 
Havre,  à  Trouville,  à  Etretat,  etc.,  il  a  obtenu  le  plus  grand  succès. 

^*,  Ischia,  c'est  le  titre  d'un  petit  poëme  italien,  en  trois  chants,  dont 
l'auteur,  M.  Marcello,  nous  raconte  l'origine  en  quelques  pages  de  pré- 
face explicative.  Ne  doit-on  pas  reconnaissance,  hommage  et  actions  de 
grâce  à  qui  vous  a  rendu  la  vie?  Si  l'auteur  vit  encore,  c'est  par  la 
vertu  du  ciel  enchanteur  et  des  eaux  salutaires  d'Ischia,  qui  l'ont  sauvé 
alors  qu'il  étudiait  sous  la  direction  du  célèbre  Mercadante.  Son  poëme 
est  donc  à  certains  égards  un  hymne,  plein  d'inspirations  consolantes 
et  brillantes.  Les  malades  en  profiteront  sans  doute,  et  les  gens  'bien 
portants  ne  le  liront  pas  avec  moins  de  plaisir. 

^*^  Le  préfet  de  la  Côte- d'Or  a  approuvé  une  décision  du  conseil 
municipal  de  Dijon,  autorisant  l'érection  d'une  statue  sur  une  place 
de  cette  ville  à  la  mémoire  de  Rameau,  né  à  Dijon,  le  24  septembre  1683. 
Cette  status  doit  être  en  bronze  ;  l'exécution  en  sera  confiée  à  un 
sculpteur  dijonnais  ;  elle  sera  payée  par  souscriptions  et  dons  volon- 
taires, et  inaugurée  solennellement  le  12  septembre  1861,  anniversaire 
séculaire  de  la  mort  du  grand  musicien. 

,1,*^.  Après  leur  grand  succès  à  Vichy  où  ils  ont  eu  l'honneur  de  jouer 
devant  S.  M.  l'Empereur,  qui  les  a  fort  applaudis,  les  deux  frères  Emile 
et  Auguste  Sauret  viennent  de  partir  pour  Bade,  où  ils  sont  appelés 
pour  plusieurs  concerts. 

»*<,  On  lit  dans  le  journal  de  Fécamp  :  «  Un  de  nos  artistes  les  plus 
éminents,  Ernest  Nathan,  violoncelliste,  qui  s'était  rendu  ici  pour  y 
donner  concert,  vient  de  s'entendre  avec  le  Crédit  suisse  pour  prendre 
l'exploitation  et  la  direction  du  Casino.  C'est  une  véritable  bonne  for- 
tune, et  cous  avons  déjà  pu  juger  par  la  fête  d'inauguration  qui  vient 
d'avoir  lieu,  et  à  laquelle  ont  concouru  le  célèbre  trombone  Nabich, 
Mlle  Chaudesaigues  et  Mme  Pithoii-Chpret ,  des  plaisirs  qui  nous  sont 
promis  pour  les  deux  mois  de  saison  qui  nous  restent  encore.  La  se- 
maine prochaine,  les  plaisirs  prendront  an  Casino  une  marche  régu- 
lière: chaque  jour  il  y  aura  réunions  de  familles  et  soirées  dansantes  au 
piauo  ;  le  jeudi,  bal  avec  quatuor;  le  dimanche,  concerts  et  spectacles.» 
^*^  Les  morceaux  détachés  de  la  partition  d'Hamlet,  de  M.  Vietorin 
Jôncières,  jouée  cet  hiver  avec  succès  "i  l'hôtel  du  Louvre,  viennent  de 
paraître  chez  MM.  Gambogi,  éditeurs  de  musique. 

^*^  A  Munster,  en  Westphalie,  les  étudiants  de  l'Académie  viennent 
de  représenter  au  théâtre  de  la  ville  OEdipe  roi,  tragédie  de  Sophocle, 
dans  la  langue  originale  ;  les  chœurs  étaient  chantés  sur  la  musique 
d'un  jeune  philologue  de  Berlin,  II.  Bellermann.  Quelques  joiirs  après, 
OEdipe  soutenait  sa  thèse  de  docteur  ;  parmi  les  «  opposants  »  se  distin- 
guaient Jocaste  et  Créon,  le  beau-frère  d'OEdipe. 

^*^  Musard  a  voulu  célébrer  dignement  la  solennité  du  15  août.  Aujour- 
d'hui dimanche  a  lieu  au  Pré  Catelan,  au  bénéfice  de  l'Association  des  artistes 
musiciens,  un  festival  musical  qui  attirera  tout  Paris.  Par  autorisation 
spéciale  de  S.  Exe.  le  maréchal  Magnan,  toutes  les  musiques  du  l'"' 
corps  d'armée,  réunies  au  nombre  de  1165  exécutants,  les  musiques  de 
la  ligne,  de  l'artillerie,  de  la  cavalerie  et  les  fanfares  des  chasseurs  à 
pied,  secondées  par  trois  cent  cinquante  tambours,  clairons  et  trom- 
pettes, après  avoir  joué  les  plus  belles  compositions  des  plus  grands 
maîtres,  exécuteront  une  Fantasia  militaire  d'un  effet  entièrement  nou- 
veau. La  Société  chorale  de  l'Odéon,  sous  l'habile  direction  de  M.  Dela- 
fontaine,  l'un  des  plus  intelligents  professeurs  de  la  capitale,  chantera 
avec  accompagnement  de  grand  orchestre,  l'Aigle  de  France,  cantate 
dont  IL  T.  Saint-Félix  a  écrit  les  paroles  et  A.  Musard  fait  la  musique. 
Pour  couronner  dignement  cette  solennité,  les  régiments  de  ligne,  ayant 
àleur  tète  tous  les  tambours  et 'clairons  commandés  par  un  tambour-ma- 
jor en  grande  tenue,  précédé  par  les  fanfares  des  chasseurs  à  pied, 
flanqués  par  les  musiques  d'artillerie  avec  leurs  trompettes,  et  escortés 
par  les  dragons  à  cheval,  exécuteront,  en  décrivant  une  immense  spi- 
rale dans  le  Pré  Catelan,  une  nouvelle  Retraite  de  la  ligne,  spécialement 
composée  pour  cette  fête  nationale. 

^*.^  Les  arts  viennent  de  faire  une  grande  perte  dans  la  personne  du 
célèbre  peintre  Eugène  Delacroix,  qui  a  succombé  jeudi  à  une  mala- 
die de  poitrine. 
**»  L'Allemagne  a  vu  s'éteindre  une  de   ses  premières  notabilités 


musicales.  Le  directeur  de  musique  Adolphe- Frédéric  liesse  est  décédé 
à  Breslau,  après  une  longue  et  douloureuse  maladie.  liesse,  qui  étai 
sans  contredit  l'un  des  plus  forts  organistes  contemporains,  et  i  qui  l'on 
doit  d'excellentes  compositions  pour  sou  instrument,  était  né  le  30  août 
1809,  dans  la  ville  où  il  est  mort. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 

/,  Boulogne-sur-Mer,  13  août.—  La  belle  salle  de  l'établissement 
des  bains  réunissait  hier  dans  sa  brillante  enceinte  deux  artistes 
depuis,  longtemps  célèbres  :  Thalberg  et  Godefroid  ont  tenu  tour 
à  tour  sous  le  charme  le  public  qui  s'était  porté  en  foule  à  ce  concert 
pour  juger  de  la  perfection  à  laquelle  peut  atteindre  le  talent,  et  les 
a  accueillis  avec  un  enthousiasme  indescriptible.  Thalberg  a  joué 
le  Trille,  les  Airs  irlandais  et  les  Airs  russes,  et,  de  plus,  répondant  au 
vœu  du  public,  le  Hon'ie  sweet  home  non  porté  au  programme.  —  Félix 
Godefroid  a  fait  entendre  les  Guutles  de  rosée,  le  Vieux  menuet  du 
xvii»  siècle,  le  Rêve  et  la  Danse  des  sylphes  qu"on  lui  a  redemandés;  il  a 
terminé  par  son  Carnaval  de  Venise,  véritable  prodige  d'habileté. 
Mme  Peudefer,  cantatrice  très-distinguée,  a  fait  preuve  d'une  belle  voix 
et  d'une  excellente  méthode  dans  les  airs  de  la  Pri:e  de  Jéricho  et  du 
Billet  de  loterie;  dans  la  Valse  de  Marguerite,  de  Clémentine  Batta,  ainsi 
que  dans  deux  romances  :  Vieille  chanson  du  jeune  ternis,  de  Joseph 
O'Kelly,  et  Renlruus  chez  nous,  do  Pauline  Thys.  —  L'orchestre,  dirigé 
par  M.  Chardard,  a  fort  bien  exécuté  les  ouveitures  du  Lac  des  fées, 
d'Auber,  et  de  la  Harpe  d'or,  composition  symphonique  de  Félix  Gode- 
froid, parfaitement  écrite  et  qui  a  eu  beaucoup  de  succès. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 

^*^  Hombcurg.  —  Nous  n'avons  jamais  eu  une  telle  afïluence.  Les  ma- 
gnifiques jardins  du  Kursaal  ne  désemplissent  pas,  aussi  les  fêtes  se 
.succèdent  sans  interruption.  Kous  avons  eu  vendredi  un  très-beau 
concert  dans  lequel  Mlle  Parepa,  cantatrice  anglaise,  a  chanté  l'air 
de  l'Ombre  du  Pardon  de  Ploermel  de  manière  à  satisfaire  les  diiet- 
tanti  les  plus  difficiles.  Seligmann  a  chanté  sur  son  violoncelle  un  an- 
dante  de  Rode,  véritabls  poëuie  d'amour,  et  l'on  sait  si  Seligmann  ex- 
celle dans  ces  morceaux  d'expression.  Son  succès  n'a  pas  été  moins 
grand  dans  un  beau  morceau  sur  %l  Trocatore.  Mme  Escudier-Kastner, 
qui  arrivait  de  Spa,  a  fait  admirer  son  beau  talent.  M.  Behrens,  artiste 
suédois,  a  été  fort  applaudi  dans  l'air  du  Chalet,  chanté  en  allemand. 
—  On  espère  que  S.  M.  l'empereur  d'Aulriclie  et  les  autres  souverains 
réunis  à  Francfort  pour  le  congrès,  vitu  iront  visiter  llombourg.  On 
prépare  des  fêtes.  MM.  Gindreau  et  Fouilleroux  ont  engagé  pour  le 
prochain  concert  A.  Jaell,  Vieuxtemps  et  Servais,  et  pour  le  mois  pro- 
chain on  annonce  un  festival  musical.  Des  chœurs  nombreux  venant  de 
toutes  les  parties  de  l'Allemagne  y  prendront  une  large  part. 

^",1.  Berlin.  —  Le  directeur  de  l'établissement  Kroll,  M.  Engel,  pen- 
dant son  séjour  â  Paris,  a  engagé  deux  des  solistes  les  plus  renommés 
de  l'orchestre  Musard,  M.  Legendre,  cornet  à  pistons,  et  H.  Lalliet,  hau- 
boïste.  Leur  début  vient  d'avoir  lieu  avec  un  grand  succès;  on  a 
surtout  admiré  les  beaux  sons  et  la  merveilleuse  agilité  de  M.  Legendre 
dans  sa  fantaisie  sur  le  Carnaval  de  Venise.  M.  Lalliet  n'a  pas  produit 
moins  d'effet  dans  les  morceaux  qu'il  a  exécutés;  il  se  fait  un  jeu  des 
difficultés  les  plus  ardues.  Aussi  a-t-on  prodigué  aux  deux  artistes  fi-an- 
çais  les  applaudissements  les  plus  chaleureux.  —  Le  3  août,  le  théâtre 
de  la  cour  a  fait  sa  réouverture  par  le  Lac  des  Fées  d'Auber;  en  dépit 
des  chaleurs  tropicales  il  y  avait  beaucoup  de  monde.  Le  lendemain, 
au  ballet  de  Flick-Flock,  par  Taglioni,  la  salle  était  comble. 

,j*^  Vienne.  —  Le  nouvel  intendant  général  des  théâtres  de  la  cour, 
prince  Auersperg,  vient  d'entrer  en  fonctions.  —  Les  répétitions  gé- 
nérales de  l'opéra  d'Auber,  Marco  Spada,  ont  commencé.— Mlle  Liebhart 
est  de  retour  de  sa  brillante  et  fructueuse  tournée  en  Angleterre.  L'émi- 
nente  cantatrice  doit  faire  sa  rentrée  par  le  rôle  de  Martha  ;  celui  de 
Lyonel  serait  chanté  par  le  célèbre  ténor  Wachtel.  —  Ofl'enbach  vient 
d'adresser  au  directeur  de  l'opéra  de  la  cour,  ,M.  Salvi,  la  partition  de 
son  nouvel  ouvrage  :  Armgarnd  ou  les  Esprits  du  Rhin,  paroles  alle- 
mandes de  M.  le  comte  de  Vollrogen,  k  qui  l'on  doit  une  excellente 
biographie  de  Mme  Schrœder-Devrient . 

^■%  Pyrmont.  —  Nous  avons  ici  une  troupe  d'opéra  tout  au  moins 
passable.  M.  Gunz,  du  théâtre  de  la  cour  à  Hanovre,  a  donné  deux 
représentations  ;  il  a  chanté  les  rôles  de  Chapelou,  du  Postillon,  et  de 
Georges  Brown,  de  la  Dame  Blanche,  avec  beaucoup  de  succès. 


264 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


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L'immense  succès  que  les  Pianos  de  la  Maison  Henri  HERZ  ont  obtenu  à  l'Exposition  universelle  de  Paris,  en  1855, 
vient  de  se  reproduire  à  Londres  avec  plus  d'éclat  encore  :  aussi  le  Jury  international  vient-il,  en  plaçant  ces  instruments 
au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimité,  à  M.  Henri  HERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection 
reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  solidité,  de  la  sonorité,  de  l'égalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  d' expression.   (Rapport  du  Jury  international.) 


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Facteur  de  la  Maison  militaire  de  l'Empereur.  —  Professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique. 
Seule  grande  Médaille  d'honneur  à  l'Exposition  universelle  de  1855. 

HÉSCJIÉ    DES   AVA.VTAGES   DES   SAXHOBNS   ET   DES   SaXOTROMBAS. 

Le  Sasotromba,  ou  le  Saxhorn,  est  supérieur  à  ses  analogues  existants  précédemment,  comme  proportion  de  tubes  et  par 
con-iéqucut  comme  son  ;  supérieur  comme  justesse  ;  supérieur  comme  création  de  famille  complète  ;  supérieur  comme  facilité  et 
unité  de  doigté  ;  supérieur  comme  forme  ou  contour  des  tubes  pour  l'émission  des  sons  ;  supérieur  comme  forme  pour  le  pla- 
cement et  le  maniement  de  l'instrument;  supérieur  comme  ayant  une  même  direction  des  sons  (avantage  pour  l'auditeur  de 
recevoir  tous  les  sons  avec  la  même  puissance):  supérieur  en  ce  que  quelques  jours  suffisent  pour  former,  avec  des  amateurs  ou 
de  simples  conscrits  militaires,  une  musique  passable  ;  supiSrieur  en  ce  que  les  plus  gros  instruments  comme  les  petits  se 
tiennent  facilement  au  moyen  de  la  main  gauche  et  du  bras  gauche,  et  laissent  le  bras  et  la  main  droite  entièrement  libres, 
et  dans  la  meilleure  position  pour  le  jeu  des  doigts  sur  les  cylindres  ;  supérieur  en  ce  que,  quand  un  él^ve  a  déjà  fait  des 
études  et  qu'il  est  obligé  de  changer  d'instrument  faute  de  disposition  des  lèvres  ou  par  tout  autre  motif,  ses  études  acquises 
servent  pour  le  nouvel  instrument,  soit  trompette,  trombone  ou  tout  autre  instrument  ;  supérieur  en  ce  que  l'on  peut  faire  les 
études  les  plus  longues  et  les  plus  difficiles  sur  l'instrument  qui  fatigue  le  moins  et  les  reporter  sur  d'autres  plus  durs  à  jouer 
ou  plus  lourds  à  porter;  supérieur  en  ce  que,  dans  les  sociétés  ou  dans  un  régiment  de  cavalerie,  surtout  lors  des  congés,  il 
arrive  souvent  que  tous  les  artistes  d'une  même  catégorie  d'instruments  partent,  et  que,  dans  ce  cas,  on  peut  les  remplacer 
en  prenant  des  musiciens  dans  les  parties  les  mieux  garnies  pour  occuper  ou  remplacer  les  parties  manquantes;  supérieur  en 
ce  qu'on  ne  craint  pas  les  cinps  de  tête  des  chevaux,  qui,  avec  les  anciens  instruments,  brisaient  parfois  les  dents  au  cava- 
lier; supérieur  en  ce  que  l'on  peut  jouer,  le  cheval  au  trot  ou   au   galop,   l'instrument  suivant  toujours  les  mouvements  du 

corps;  supérieur  pour  la  musique  en  marche  en  ce  que  l'instrument  ne  se  dérange  pas  sur  les  lèvres,  et  conserve  par  consé-        

quent  la  môme  sonorité  qu'au  repos;  supérieur  pour  les  corps  de  musique  et  pour  le  militaire  surtout,   où  tout  est  régulier 
(excepté  les  musiciens  et  les  instruments  d'après  le  système  ancien),  en  ce  que  tout  le  monde  se  trouve  dans  la  même  position,  toutes  les  mains  à  la  même 
tous  les  instruments  penchés  de  gauche  à  droite  ;  supérieur,  pour  la  musique  à  cheval  ou  de  cavalerie,  en  ce  que  si,  pendant  que  l'on  joue,  le  cheval  vient 
écart,  il  est  facile  de  ressaisir  les  brides  pour  le  ramener,  sans  dérang;r  l'instrument  de  sa  position.  if/T^ 

Toai  l:s  ifisirumenis  lortani  de  la  fabrique  poricni  l'inscription  suivante  :  Adolphe  Sax,  à  Paris,  facteur  de  la  maison  militaire  de  l'Empereur,     ^^ 

le  numéro  d'ordre  de  l'inilrumeiil  et  le  poinçon  ci-aprcs  :  |C\'\)< 


hauteur  et 
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La  maison  ANTOINE  COURTOIS  ayant  agrandi  ses  ateliers,  est  en  mesure  de  satisfaire  à  toutes  îss  demandes  gui  pourront  lui  être 
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en  1841.  —  Prix  d'honneur,  médaille  d'or,  en  1843.  —  Médaille  d'argent  à  l'Exposition  de  Paris,  1344.  —  DÉliECJUÉ  par  le  gouvernement  belge  pour  visiter 
l'Exposition  universelle  de  Londres,  en  1851.  —  Expo'ilion  universelle  de  Paris,  1855,  les  plus  belles  pages  du  Bapport  officiel,  27™  Classe,  pages  1835-1336.  — 
Exposition  universelle  du  Londres,  18C2,  l'ItIZE  MEUAL,  avec  cette  mention  :  PODR  EXCEEI^EXCE  DE  TOUTE  ESPÈCE  D'IiNSTRUMKiN'rS  DE  CUIVRE. 
—  Membre  de  l'IKSTITUT  POLYTECHNIQIE  de  Paiis,  membre  de  l'ASSOCIATION  INTERNATIONALE  POUR  LE  PROGRÈS  DES  SCIE^'CES  SOCIALES.  — 
MEDAILLE  D'OR  et  Membre  du  CORPS  SCIENTIFIQUE  DE  L'HOTEL  DE  VILLE  DE  PARIS. 


:   DE   WPOIEON   ( 


BUREAUX    A   PARIS  :    BOULEVARD   DES   ITALIENS,    I. 


30^  Année. 


!V«  34. 


23  Août  1863. 


on  8'ABONNE  1 

Hans  les  Déi>nrlements  et  à  l'Étranger,  chez  tous 
les  Btnrchands  de  Musique,  les  Libraires,  et  aur 
Pureaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


PRIS  DE  L'ABONHEUEHT  s 

Paris 24tr. paras 

Déparlemeuts,  Belgique  et  Suisse...    30»      id. 

ÉlraDjer 31  -      Id. 

Le  Journal  paraît  le  Simaiicbe. 


GAZETTE  MUSICALE 


-- ^\Aj  \PJ\pj^J\rjy\r^ — 


SOMMAIRE.  —  Floquet  (  5'  et  dernier  article)  ,  par  Arthur  Pongin.  — 
Un  artiste  musicien  en  Italie,  en  1739  (1"  article),  par  Em.  Mathieu  de 
Monter.  —  Hérold  (2'  et  dernier  article),  par  Cétis  père.  —  Nouvelles  et 
annonces. 


FLOODET. 

(5'  et  dernier  article)  (1). 


Relevé  dans  l'estime  du  public  par  le  succès  du  Seigneur  bienfai- 
sant et  consolé  de  sa  précédente  défaite,  Floquet  voulut  essayer  son 
talent  sur  une  scène  dont  les  allures  fussent  moins  solennelles  que 
celles  de  l'Opéra.  Il  tenait  d'un  certain  abbé  Robineau,  attaché  à  la 
bibliothèque  du  roi,  et  connu  dans  les  lettres  sous  le  nom  de  Beau- 
noir,  qui  était  l'anagramme  de  son  nom  véritable,  le  manuscrit  d'une 
«  comédie  eu  trois  actes,  mêlée  d'arieltes  »,  intitulée  la  Nouvelle 
Omphale.  Le  sujet  de  cette  œuvre  était  emprunté  à  un  conte  de 
Sénecé,  Camille,  ou  la  Manière  de  filer  le  parfait  amour.  Floquet 
en  composa  la  musique,  et  l'ouvrage  fut  représenté  à  la  fin  de  1782. 
Le  roi  et  la  reine  en  eurent  la  primeur,  car  la  pièce  fut  jouée  pour 
la  première  fois  sur  le  théâtre  particulier  de  Versailles,  le  22  novem- 
bre ;  puis,  le  26  du  même  mois,  à  la  Comédie-Italienne,  oii,  malgré 
la  froideur  du  poëme,  elle  obtint  un  très-grand  succès,  grâce  à  la 
partition  et  au  jeu  des  acteurs,  Trial  et  sa  femme,  Clairval  et  la 
charmante  Mme  Dugazon. 

Floquet  avait  retouché  la  musique  du  Seigneur  bienfaisant ,  qui  al- 
lait être  repris  à  l'Opéra  et  auquel  Rochon  avait  ajouté  un  acte  nou- 
veau. Ce  ne  fut  pas  sans  difficulté  que  cette  reprise  eut  lieu.  Rachau- 
mont  nous  l'apprend  dans  ces  lignes  que  je  lui  emprunte  :  «  Malgré 
les  efforts  des  différentes  cabales  qui  s'étaient  formées  contre  le  nou- 
vel acte  du  Seigneur  bienfaisant  et  contre  l'ouvrage  ancien  même 
que  l'on  était  fâché  de  voir  remis,  il  a  franchi  la  seconde  représenta- 
tion avec  non  moins  de  succès  que  la  première.  Aux  menées  des 
auteurs  de  l'Embarras  des  richesses  (2),  se  joignaient  celles  des  Glu- 
ckistes ,  des  Piccinistes,  des  Sacchinistes,  outrés  de  voir  les  ou- 
vrages de  leurs  chefs  respectifs  retardés  et  s'imaginant  que  les  étran- 
gers doivent  exclure  les  nationaux  de  leur  propre  domaine.  » 

(1)  Voir  le  n»  31. 

(2)  Lourdet  de  Santerre  et  Grétry,  auteurs  du  poômo  et  de  la  musique  de  cet 


C'est  le  23  décembre  1782  que  reparut  à  la  scène  le  Seigneur  bien- 
faisant ainsi  revu,  corrigé  et  augmenté.  Floquet  se  laissa-t-il  étourdir 
par  le  succès  qu'obtint  cette  réédition  d'un  ouvrage  accueilli  déjà  une 
première  fois  par  le  public  avec  une  faveur  marquée,  et  prit-il  com- 
plètement le  change  sur  la  valeur  réelle  de  son  talent?  Cela  est  pos- 
sible, probable  même,  car  la  nature  l'avait  doué  d'un  excessif  amour- 
propre,  et  j'estime  qu'il  n'eût  accueilli  que  comme  un  hommage 
sincère  et  légitime  l'acclamation  de  tout  individu  lui  déclarant  qu'il 
était  le  premier  musicien  de  son  temps.  Toujours  est-il  qu'un  projet 
extravagant  lui  passa  par  la  cervelle,  et  que,  dans  son  orgueil,  il  ne 
rêva  pas  autre  chose  que  de  détrôner  Gluck. 

Le  marquis  Razins  de  Saint-Marc  avait  retouché  VAlcesie  de  Qui- 
nault.  Floquet  accepta  la  tâche  périlleuse  d'écrire  sur  ce  poëme  ainsi 
remanié  une  nouvelle  musique.  Pour  se  bien  rendre  compte  de  l'au- 
dace d'une  telle  tentative,  il  faut  se  souvenir  que  la  représentation 
de  VAlceste  de  Gluck  remontait  seulement  à  l'année  1776,  et  que, 
depuis,  l'ouvrage  n'avait  cessé  de  se  maintenir  au  répertoire. 

Floquet,  aidé  sans  doute  en  cette  circonstance  par  son  puissant 
collaborateur,  eut  le  crédit  de  faire  recevoir  son  Alceste  à  l'Opéra. 
Mais  son  illusion  fut  courte,  et  son  espoir  bientôt  déçu  d'une  façon 
fâcheuse  pour  son  amour-propre.  Dès  la  première  répétition  l'ou- 
vrage fut  déclaré  impossible,  et  les  auteurs  reçurent  l'avis  que  l'ad- 
ministration se  refusait  à  le  monter. 

Est-ce  aux  suites  de  cette  déception  cruelle,  mais  parfaitement 
méritée,  que  doit  être  attribuée  la  mort  prématurée  de  ce  jeune  ar- 
tiste, dont  le  talent  n'égalait  pas  l'outrecuidance  et  la  présomption  ? 
Je  ne  sais.  La  plupart  de  ses  biographes  l'affirment,  tandis  que  d'au- 
tres, copiant  Bachaumont,  assurent  que  des  excès  de  débauche,  alors 
trop  communs,  le  conduisirent  à  sa  perte. 


ouvrage,  qui  était  tombé  à  plat,  essayèrent  en   effet,  mais  vainement,  d'enrayer 
par  une  cabale  le  succès  nouveau  du  Seigneur  bienfaisant. 

La  représentation  à  l'Opéra  de  l'Embarras  des  richesses  donna  lieu  à  ce  cou- 
plet satirique  : 

Embarras  d'intérêts. 

Embarras  de  paroles, 

Embarras  de  ballets. 

Embarras  dans  les  rôles, 

Enfin,  de  toute  sorte, 

On  ne  voit  qu'embarras  ; 

Mais  allez  à  la  porte, 

Vous  n'en  trouverez  pas. 


266 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


VI 

Comment  se  formerait-on  une  opinion  sur  le  mérite  de  Floquet 
sans  consulter  ses  œuvres,  et  seulement  d'après  les  jugements  con- 
temporains ?  Ces  jugements  se  contredisent  et  sont  toujours  marqués 
au  coin  d'une  extrême  partialité.  Aucun  écrivain  de  son  temps,  si  ce 
n'est  Grimm  —  et  celui-ci  n'était  pas  coutumier  du  fait  —  n'a  su 
garder  la  mesure  envers  lui,  et,  de  nos  jours,  M.  Fétis  est  le  seul 
qui  l'ait  sainement  et  judicieusement  apprécié. 

Si  l'on  s'en  rapporte  au  rédacteur  de  la  Biographie  Michaud  : 
V  Floquet  était  un  savant  harmoniste;  mais  ses  opéras  ont  prouvé 
que  la  science  est  impuissante  sans  le  génie.  Sa  mélodie  est  mono- 
tone et  languissante  ;  ses  chants  sont  surannés,  et,  à  l'exception  de 
sa  Chaconne  et  du  Trio  des  Vieillards,  ses  productions  sont  à  peu 
près  oubliées.  » 

Je  crois  avoir  prouvé,  contrairement  aux  assertions  contenues  dans 
les  lignes  précédentes,  que  Floquet  n'était  rien  moins  qu'un  «  savant 
harmoniste.  »  Il  avait  parfois  des  trouvailles  heureuses,  mais  en  gé- 
néral son  harmonie  était  incorrecte,  débile,  et  manquait  autant  de 
solidité  que  d'imprévu.  Quant  à  sa  o  mélodie  monotone  »,  à  ses 
(I  chants  surannés  »,  ce  sont  autant  d'erreurs  du  biographe.  C'est  préci- 
sément par  la  fraîcheur  et  la  jeunesse  des  idées,  l'heureuse  abondance 
des  motifs,  la  grâce  du  tour  mélodique,  que  Floquet  brille  encore, 
aux  yeux  de  ceux  qui  l'étudient,  d'un  vif  et  pur  éclat.  Ses  œuvres, 
je  ne  saurais  trop  le  répéter,  n'ont  rien  qui  le  puisse  faire  passer 
pour  savant  en  son  art  :  son  style  est  généralement  lâche  et  sans 
fermeté,  son  harmonie  trop  souvent  pauvre  et  misérable;  mais  il  ra- 
chète jusqu'à  un  certain  point  ces  graves  défauts  par  le  naturel  et  la 
facilité  de  sa  phrase  mélodique,  à  laquelle  il  sait  donner  d'aimables 
contours,  par  une  grande  justesse  et  une  grande  sobriété  d'expres- 
sion, enOn  par  l'élégance,  la  richesse  et  la  variété  de  son  orchestre, 
qui  se  dislingue  par  des  effets  de  rhythme  et  de  sonorité  aussi  heu- 
reux, aussi  piquants  que  neufs  et  inattendus. 

Grimm,  disais-je  tout  à  l'heure,  est  le  seul  des  écrivains  contem- 
porains de  Floquet  qui  ait  su  lui  rendre  justice  ;  voici  en  effet  ce  que 
disait,  en  rendant  compte  du  Sabimcs  de  Gossec,  représenté  sans 
succès  en  1774,  ce  critique  atrabilaire  :  «  Si  Floquet  ne  compose  pas 
avec  autant  de  force,  avec  autant  d'art  (que  Gossec),  il  a  des  idées 
de  chant  bien  plus  fraîches,  bien  plus  agréables,  plus  piquantes. 
L'un  rappelle  une  beauté  triste  et  froide  qu'on  admire  sans  goût  et 
sans  plaisir;  l'autre,  une  jeune  nymphe  qui  plaît,  malgré  l'irrégula- 
rité de  ses  traits,  qui  plaît  sans  presque  y  songer,  et  parce  que  la 
nature  l'a  voulu  ainsi.  »  Il  est  impossible,  dans  un  jugement  aussi 
rapide,  de  donner  avec  plus  de  tact  un  aperçu  plus  juste  et  plus 
vrai  de  la  valeur  d'un  artiste. 

Quelle  place  faudrait-il  assigner  à  Floquet  parmi  tous  les  musi- 
ciens qui  ont  plus  ou  moins  illustré  son  époque?  Il  n'y  brilla  qu'un 
instant,  et  cet  instant  fut  si  court  qu'il  n'eut  pas  le  temps  même  de 
se  produire  complètement.  Pour  être  juste,  il  faudrait  donc,  en  quel- 
que sorte,  le  juger,  non  sur  ce  qu'il  a  fait,  mais  sur  ce  qu'il  aurait 
pu  faire.  En  ne  le  jugeant  que  d'après  ce  qu'il  nous  a  laissé,  nous 
trouvons  qu'il  y  avait  en  lui  l'étoffe  d'un  artiste  véritable.  Si  ses 
idées  manquaient  parfois  d'élan  et  de  grandeur ,  si  les  ailes  un  peu 
courtes  de  sa  fantaisie  avaient  peine  à  s'élever  à  la  hauteur  des  su- 
jets qu'il  entreprit  de  traiter,  si  les  défauts  provenant  d'une  mau- 
vaise direction  d'études  l'empêchèrent  de  se  montrer  avec  tous  ses 
avantages  et  de  lutter  avec  plus  de  succès  contre  les  grands  noms 
qui  l'écrasaient,  on  ne  peut  toutefois  lui  refuser  des  qualités  réelles, 
solides  et  nombreuses.  Il  avait  la  grâce  et  l'élégance,  il  avait  la  dé- 
licatesse et  le  goût  ;  il  possédait,  enfin,  le  don  de  plaire  et  de  char- 
mer, qualilé  indispensable  à  qui  s'adresse  à  la  foule,  et  sans  la- 
quelle toutes  les  antres  ne  sont  rien.  Sa  phrase  caressante,  qui,  mal- 
heureusement, ne  s'achevait  pas   toujours  avec  autant   de  bonheur 


qu'elle  avait  commencé,  se  déroulait  avec  une  limpidité,  une  trans- 
parence parfaites.  La  trame  de  sa  pensée  mélodique  était  ourdie  avec 
art,  et  il  donnait  à  celte  pensée  des  contours  pleins  d'harmonie.  Son 
orchestre  était  soigné,  délicatement  travaillé,  toujours  plein  d'ani- 
mation, brillant  ou  coquet,  selon  le  besoin,  sonore  sans  brutalité, 
aimable  sans  fadeur,  et  il  y  savait  apporter  une  variété  d'accents  sin- 
gulière, ainsi  qu'un  remarquable  coloris. 

Comme  homme,  on  a  pu  voir  que  Floquet  était  rempli  d'orgueil  ; 
mais  les  défauts  de  son  caractère,  comme  ceux  de  son  talent,  étaient 
compensés  par  d'excellentes  qualités.  «  Il  fut  bon  fils,  bon  frère, 
bon  ami  » ,  dit  un  de  ses  biographes.  Le  succès  inattendu  de  son 
premier  ouvrage,  succès  qu'on  ne  pouvait  surtout  pardonner  à  son 
jeune  âge,  lui  avait  créé  de  nombreux  ennemis  qui  ne  songèrent 
qu'à  entraver  sa  carrière.  Floquet  n'en  garda  jamais  rancune,  et  ne 
chercha  pas  un  instant  à  rendre  le  mal  pour  le  mal.  Comme,  à  la 
représentation  de  l'ouvrage  d'un  de  ses  rivaux  qui  ne  lui  avait 
ménagé  ni  les  sarcasmes  ni  les  mauvais  procédés,  on  le  voyait  ap- 
plaudir très-fort,  quelqu'un  s'en  étonnant  :  «  Les  beautés  de  l'ou- 
vrage, dit-il,  me  font  oublier  la  haine  de  l'auteur.  »  C'est  là,  certes, 
la  preuve  d'un  excellent  cœur  et  d'un  esprit  élevé.  Très -recherché 
dans  le  monde,  il  y  apportait,  dit-on,  beaucoup  de  candeur  et  une 
franche  et  naïve  gaieté. 

Arthur  POUGIN. 


UN  TOURISTE  OUSICIEN  EN  ITALIE, 

En   1939. 

(Premier  article.) 

Le  30  mai  1739j  le  comte  Charles  de  Brosses,  oonseiller  au  par- 
lement de  Bourgogne,  et  quatre  gentilshommes  de  la  province,  ses 
amis,  quittaient  Dijon  et  se  mettaient  en  route  pour  l'Italie.  A  cette 
époque,  et  malgré  le  mot  célèbre  du  grand  roi,  il  y  avait  encore  des 
Pyrénées  et  surtout  des  Alpes.  Les  traverser,  c'était  entreprendre  un 
véritable  voyage  de  découvertes.  L'Italie  artistique  était  inconnue. 
Ses  richesses  avaient  échappé  au  partial  et  lourd  commentaire  des 
Relations  de  Labat,  de  Misson  ou  de  Burnet,  et  le  Journal  de  Mon- 
taigne ne  les  avait  pas  encore  désignées  à  l'admiration  des  gens  de 
goût. 

Ces  cinq  «  gentilshommes  du  pays  de  Bourgogne  »  allaient  donc 
à  la  découverte  du  beau,  persuadés  que  cette  recherche  ne  se  divise 
pas  en  études  rivales  et  en  manifestations  d'antagonisme.  Ce  principe 
est  admis  aujourd'hui,  mais  en  1739  il  y  avait  un  certain  mérite  à 
le  prendre  comme  règle  de  conduite.  Tous  les  cinq,  ils  étaient  de  la 
famille  de  ces  esprits  éclairés  de  nos  jours,  qui  croient  que  Mozart 
et  Newton,  que  Gluck  et  Shakspeare,  que  Rubens  et  Leibnilz,  que 
Michel-Ange  et  Molière,  que  tous  les  vrais  génies  ont  marché  aussi 
droit  les  uns  que  les  autres  vers  l'éternelle  lumière  où  se  complète 
l'harmonie  des  inspirations  sublimes.  Seulement,  pour  atteindre  plus 
rapidement  le  but,  les  cinq  voyageurs  s'étaient  partagé  la  tâche,  et 
tandis  que  les  frères  Lacurne  de  Sainte-Palaye,  devaient  compulser 
les  manuscrits  anciens  et  les  monuments  littéraires  ;  tandis  que 
MM.  de  Montmort  et  de  Migien  allaient  étudier  la  peinture  et  la  sta- 
tuaire, Charles  de  Brosses  devait  s'attacher  à  l'art  par  excellence  qui 
fut  le  culte  et  l'amour  de  toute  sa  vie  :  la  musique.  Des  cinq,  à  vrai 
dire,  il  était  le  mieux  partagé.  Tartini,  Hasse,  Léo,  brillaient  alors 
en  Italie;  tous  les  théâtres  chantaient  Pergolèse,  et  c'étaient  les 
meilleurs  jours  de  Métastase. 

Le  comte  de  Brosses  est  un  des  hommes  du  xvni'  siècle  qui  ont 
le  plus  honoré  la  France  par  leur  esprit,  par  leur  savoir  et  par  leur 
caractère.  Le  chancelier  d'Aguesseau  le  tenait  en  haute  estime.  Buf- 
fon,  qui  le  connut  beaucoup,  vante  la  supériorité  de  son  esprit  et  la 


DE  PARIS. 


267 


finesse  de  son  discernement.  Voltaire  lui-Kiême,  Voltaire,  qui  lui 
avait  volé  quatorze  moules  de  bois,  qui  plaida  quinze  ans  contre  lui 
devant  toutes  les  juridictions  du  pays,  et  qui  fut  percé  à  jour  et 
morigéné,  en  enfant  menteur  et  mutin,  par  une  de  ses  lettres.  Vol- 
taire, à  la  fin  de  sa  carrière,  rendait  hommage  aux  rares  qualités  du 
président  de  Brosses,  «  fils  de  Dijon,  disait-il,  de  cette  ville  où  le 
mérite  de  l'esprit  semble  être  un  des  caractères  des  citoyens.  » 

Au  xviii"  siècle,  un  gentilhomme  français  spirituel,  instruit,  ai- 
mable, élégant  et  riche,  ne  pouvait  qu'être  fort  remarqué  dans  cette 
Italie  qui  a  tant  aimé,  qui  aime  tant  encore  le  faste,  le  bruit  et 
l'éclat.  Reçu  par  le  pape  Clément  XII  à  Rome  ,  par  Charles  III  à 
Naples,  par  Charles-Emmanuel  à  Turin,  le  comte  de  Brosses  se  vit 
accueilli  de  la  princesse  Borghèse,  du  marquis  Crescenzi,  des  cardi- 
naux de  Tencin  et  Larabertini,  depuis  Benoit  XIV,  admis  dans  l'inti- 
mité des  Toscarini  et  des  Tiepolo  à  Venise,  des  Caraffa  et  des  Mon- 
teleone  à  Naples.  C'est  ainsi,  c'est  dans  les  salons  et  les  loges  aima- 
bles de  la  noblesse  italienne,  toujours  si  gracieuse  et  si  prévenante 
pour  les  étrangers,  que  le  touriste  bourguignon  entendit  les  grands 
artistes  et  étudia  le  mouvement  musical  de  cette  époque.  C'est  de 
ce  milieu  intelligent  et  élevé  qu'il  écrivit  à  ses  amis  de  Dijon  — 
hommes  distingués,  charmantes  femmes  bien  faits  pour  le  compren- 
dre —  ses  impressions,  ses  observations  de  chaque  jour.  En  pour- 
suivant cette  correspondance  ,  en  communiquant  à  des  esprits  qui 
sympathisaient  avec  le  sien,  ce  qu'il  voyait  et  ce  qu'il  apprenait, 
naturellement,  au  courant  de  la  plume,  sans  se  croire  astreint  à  for- 
cer son  admiration  et  à  dépenser  hors  de  propos  de  cet  enthou- 
siasme banal  qui  est  la  monnaie  courante  des  récits  de  voyage  en 
Italie,  sans  songer  surtout  à  faire  un  livre,  Charles  de  Brosses  a  fail 
un  livre  vrai,  intéressant,  un  livre  d'une  vivacité  attachante,  et  qui 
présente  le  tableau  le  plus  exact,  le  plus  brillant  et  le  plus  spirituel 
de  l'Italie  musicale  de  son  temps. 

Elles  n'ont  pas  vieilli,  ces  lettres  heureuses!  elles  gardent  encore 
leur  saveur  et  leur  charme.  II  y  a  profit  et  enseignement,  non  moins 
que  matière  à  comparaisons  curieuses,  à  les  parcourir,  à  refaire,  en 
musiciens  touristes,  ce  voyage  d'un  touriste  musicien,  à  un  moment 
de  l'année  oià  l'Italie,  ce  vaste  et  magnifique  musée,  est  visitée 
par  tant  d'hommes  de  loisir,  depuis  l'Anglais  nomade,  confortable- 
ment blotti  dans  sa  chase  de  voyage,  qui  envoie  ses  gens  s'assurer 
de  la  fidélité  des  descriptions  du  Murray's  hand-book,  jusqu'aux  ar- 
tistes qui  vont  demander  à  cette  terre  poétique  et  fertile  en  génies; 
le  secret  des  belles  œuvres  sans  vieillesse. 

Gênes  est  la  première  ville  que  le  comte  de  Brosses  visita  en  Ita- 
lie. A  peine  débarqué,  il  court  à  la  cathédrale  entendre  la  messe  so- 
lennelle de  la  Saint-Jean,  à  laquelle  le  doge  assistait,  «  messe  chan- 
tée, dit-il,  en  assez  méchante  musique.  »  Ce  qui  lui  plaît  davantage 
—  et  je  n'ai  pas  de  peine  à  le  croire,  —  «  c'est  un  petit  abbé  à 
talons  rouges,  et  un  éventail  à  la  main,  qui,  pendant  la  communion, 
debout  au  milieu  du  chœur,  joua  supérieurement  de  la  serinette!» 
Qui  se  serait  attendu  à  voir  la  serinette  en  cette  affaire  ? 

Comme  Charles  de  Brosses  n'était  pas  précisément  venu  en  Italie 
pour  étudier  l'emploi  de  la  serinette  dans  les  cérémonies  du  culte,  il 
quitta  Gênes  fort  dépiié,  et  nous  le  retrouvons  à  Milan,  fréquentant 
les  théâtres,»  où  l'on  joue  des  pièces  détestables,  »  et  n'y  rencontrant 
que  des  chanteuses  «  très-inférieures  à  la  Vanloo  »  :  —  la  femme 
du  peintre  Carie  Vanloo,  belle,  excellente  et  spirituelle  artiste,  qui 
popularisera  la  musique  italienne  de  ce  côté-ci  des  Alpes.  «  Quant 
à  leurs  castrats,  poursuit-il,  ces  sortes  de  voix  ne  me  plaisent  pas  du 
tout  :  à  l'exception  d'un  ou  deux,  tout  ce  que  j'ai  oui  m'a  paru  misé- 
rable. Ils  ne  chantent  pas;  ils  piaillent  et  glapissent...  De  plus,  leurs 
récitatifs  et  leurs  airs  sont  baroques...  Je  me  suis  fait  beaucoup  pri- 
ser et  chérir  des  principaux  musiciens  du  pays  en  criant  bravissimo 
à  tout  propos,  et  en  ménageant  on  ne  peut  pas  moins  leur  modestie. 


Ici,  il  faut  dire  d'une  chose  passable  :  très-bien.  »  Ici,  c'est  l'Italie; 
mais  c'est  à  croire  que  de  Brosses  parle  de  la  France. 

Il  paraît  qu'en  17Z|9,  on  n'avait  rien  de  mieux  à  faire  en  arrivant 
à  Vérone,  que  d'aller  au  théâtre  pour  se  délasser,  quoique  la  modi- 
cité du  prix  des  places  ait  eu  de  quoi  inquiéter  la  fierté  d'un  gentil- 
homme bourguignon.  Le  comte  de  Brosses  nous  le  dit,  tout  en  dé- 
boursant ses  ••  six  sols  »  et  en  pénétrant  au  milieu  de  l'ancien  am- 
phithéâtre «  où  il  y  a  de  quoi  placer  trente  mille  personnes  qui,  de 
partout,  entendent  admirablement  ».  Il  admire  fort  une  jeune  dan- 
seuse, «  qui  fait  vingt  entrechats  de  suite,  sans  se  reprendre,  battus 
à  huit,  et  de  même  tous  les  entre-pas  de  force  qu'on  admire  dans  nos 
maîtres;  auprès  d'elle  la  Camargo  est  une  danseuse  de  pierre  de 
taille.  Mais,  tout  à  coup,  ajoute-l-il,  une  cloche  de  la  ville  ayant 
sonné  V Angélus,  je  vis  fuir  les  actrices,  quoiqu'il  il  y  en  eût  une 
qui,  selon  son  rôle,  fût  alors  évanouie.  Toute  l'assemblée  se  mit 
promptement  à  genoux,  tournée  vers  l'Orient  ;  les  acteurs  s'y  jetèrent 
dans  la  coulisse;  on  chanta  fort  bien  VAve  Maria;  après  quoi,  l'ac- 
trice évanouie  revint,  fit  fort  honnêtement  la  révérence,  se  remit 
dans  son  état  d'évanouissement  et  la  pièce  reprit Il  y  a  à  Vé- 
rone, continue  de  Brosses,  une  académie  dite  des  Philharmoniques. 
Son  institution  avait  pour  but  de  renouveler  la  musique  ancienne. 
Les  académiciens  devaient  savoir  jouer  du  barbitos,  de  la  cithare  et 
du  sistre  ;  mais,  comme  beaucoup  d'autres  académiciens,  ils  ne  font 
rien  de  ce  qu'ils  devraient  faire  ;  de  sorte  que  je  fus  frustré  de  l'es- 
poir de  voir  exécuter  une  cantate  dont  les  paroles  seraient  de  Pin- 
dare  et  la  musique  de  Timothée.  » 

En  traversant  Vicence,  de  Brosses  visite  et  décrit  le  théâtre  cons- 
truit par  Palladio  sur  le  modèle  des  théâtres  romains.  De  Vicence  à 
Padoue,  le  paysage  lui  paraît  ressembler  «  à  une  décoration  d'opéra 
fort  bien  imitée  ».  A  Venise,  il  se  fait  présenter  au  compositeur 
Adolphe  Hasse,  à  sa  femme,  Fauslina  Bardoni ,  a  qui  chante  d'un 
grand  goût  ;  »  à  Qartini,  «  charmant  garçon,  cavalier  distingué,  dont 
le  jeu  est  dans  le  genre  de  celui  de  Le  Clerc,  et  qui  raisonne  comme 
un  ange  sur  la  musique  ;  »  à  Vandini,  excellent  violoncelliste.  Mais, 
pour  notre  touriste,  la  meilleure  musique  de  Venise  est  celle  des  hô- 
pitaux. (I  II  y  en  a  quatre,  écrit-il ,  composés  d'orphelines  élevées 
par  l'Etat  et  exercées  uniquement  à  exceller  dans  la  musique.  Aussi 
chantent-elles  comme  des  séraphins,  et  jouent  du  violon,  de  la  flûte, 
de  l'orgue,  du  hautbois,  du  basson  ;  bref,  il  n'y  a  si  gros  instrument 
qui  puisse  leur  faire  peur.  Elles  sont  cloîtrées.  Il  n'y  a  rien  de  si 
plaisant  que  de  voir  une  jeune  et  jolie  religieuse,  en  habit  blanc,  avec 
un  bouquet  de  grenades  sur  l'oreille,  conduire  l'orchestre  avec  toute 
la  grâce  et  la  précision  imaginables.  Leurs  voix  sont  adorables  pour 
la  tournure  et  la  légèreté,  car  on  ne  sait  ici  ce  que  c'est  que  sons 
filés  à  la  française.  La  Zabetta  des  Incurables  est  surtout  étonnante 
par  l'étendue  de  sa  voix  et  les  coulis  d'archet  qu'elle  a  dans  le  go- 
sier. Pour  moi,  je  ne  fais  aucun  doute  qu'elle  n'ait  avalé  le  violon  de 
Somis...  C'est  là  seulement  qu'on  entend  ce  premier  coup  d'archet, 
si  faussement  vanté  à  l'Opéra  de  Paris.  » 

A  Bologne,  «  le  premier  et  le  plus  essentiel-  de  tous  les  devoirs  est 
d'aller  trois  fois  par  semaine  à  l'Opéra,  dans  un  petit  village,  à  quatre 
lieues  de  la  ville,  où  l'on  se  rend  en  poste,  à  quatre  chevaux.  On 
soupe  dans  les  loges.  Les  dames  font  la  quête  pour  le  luminaire  de 
la  paroisse.  »  Voilà  bien  l'Italie  !  Mais  de  Brosses  n'est  pas  content  de 
Bologne,  «  ce  séminaire  de  la  bonne  musique.  »  La  Cazzoni,  la  Per- 
nozzi,  Caffarello,  les  grands  artistes  l'ont  quitté.  Farinelli,  lui-même, 
l'illustre. ..  soprano  n'y  est  plus.  Il  s'est  fixé  à  Madrid,  où  il  a,  de 
la  cour  et  du  roi,  le  logement,  la  table,  les  habillements,  les  che- 
vaux, les  voitures,  et  plus  de  80,000  livres  de  rente.  Un  ténor  de  nos 
jours  n'est  pas  mieux  traité.  Et  de  Brosses  ajoute  :  «  Le  roi  l'a  anobli, 
lui  et  toute  sa  postérité!  »  Le  trait  est  gaulois,  je  dirai  même  : 
bourguignon  !  i 

Ce  qui  séduit   le   plus  notre  touriste,  et  ce  dont  il  parie  avec  le 


268 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


plus  de  complaisance  dans  ses  lettres,  ce  sont  les  converzationi  de  la 
noblesse,  véritables  soirées  musicales.  Pour  lui  faire  fête,  on  invite 
les  artistes  en  renom.  A  Florence,  il  entend  ainsi  Veracini,  Tagnani 
«  qui  a  inventé  une  clef  aux  violons  comme  celles  des  flûtes,  et  qui 
a  ajouté  sous  le  chevalet  sept  petites  cordes  de  cuivre  »;  et  Lom- 
bardini  «  qui  joue  du  théorbe  et  de  l'archi-luth  aussi  bien  que  possi- 
ble, et  qui  m'a  convaincu  par  là,  écrit-il,  qu'on  avait  bien  eu  raison 
d'abandonner  ces  instruments.  » 

Au  théâtre  de  Lucques,  le  comte  de  Brosses  est  très-surpris  de  voir 
»  que  la  catastrophe  (le  dénoûment)  de  la  pièce  est  un  grand  feu 
d'artiOce  distribué  le  long  de  la  salle,  au  travers  des  toiles  peintes 
et  des  loges.  »  Le  spectacle  le  plus  singulier  qu'il  a  pendant  son  sé- 
jour à  Sienne,  lui  est  donné,  raconte-t-il,  par  le  chevalier  Perfetli, 
improvisateur  habile.  «  Je  lui  proposai  comme  sujet  Yaurore  boréale. 
Il  rêva  un  instant,  au  son  d'un  clavecin  qui  préludait  à  demi- jeu  ; 
puis,  il  se  mil  à  déclamer  doucement,  accompagné  du  clavecin  qui 
frappait  des  accords  entre  les  strophes.  Peu  à  peu,  la  verve  du  poêle 
s'anima,  et  à  mesure  qu'elle  s'échauffait,  le  son  du  clavecin  se  ren- 
forçait aussi.  Sur  la  fin,  improvisateur  et  clavecin  rivalisèrent  de  ra- 
pidité et  d'enthousiasme.  Au  sortir  de  là,  Perfetti  paraissait  fatigué. 
Le  claveciniste  était  exténué.  »  Je  le  crois  bien  :  mais  on  le  serait  à 
moins  ! 

Quelques  jours  après  cette  pittoresque  séance,  de  Brosses  entrait 
à  Naples,  «  la  capitale  du  monde  musicien,  d'oii  sont  sortis  la  plu- 
part des  fameux  compositeurs,  Scarlatti,  Léo,  Vinci,  les  Zinaldo,  La- 
tilla  et  le  charmant  Pergolèse.  »  Toutes  ses  soirées  se  passent  au 
théâtre.  Pour  ne  rien  perdre  des  opéras  bouffes  de  Léo,  il  apprend 
le  napolitain,  «  le  baragouin  le  plus  détestable  dont  on  se  soit  avisé 
depuis  la  fondation  de  la  tour  de  Babel.  »  Quand  les  représentations 
de  celte  Frascatana  lui  laissent  quelque  répit,  il  va  entendre  au  théâ- 
tre du  palais,  Parthempe,  un  opéra  .de  Sarli.  Le  roi,  vêtu  d'un  vieux 
habit  de  droguet  brun  à  boulons  jaunes,  arrive  un  soir  au  lever  du 
rideau.  11  cause  pendant  la  uioitié  de  l'opéra,  et  dort  pendant  l'autre; 
et  de  Brosses,  qui  sait  son  Molière,  de  s'écrier  : 

Cet  homme,  assurément-,  n'aime  pas  la  musique  / 

A  IVaples,  à  cette  époque,  un  opéra  sans  bataille  ne  plaisait  guère. 
«  Dans  Parthenope,  il  y  avait  une  action  de  cavalerie  effective.  Les 
deux  mestres  de  camp,  avant  que  d'en  venir  au  mains,  chantèrent 
à  cheval  un  duo  contradictoire  d'un  chromatique  parfait.  Les  che- 
vaux, seuls,  n'avaient  pas  l'air  de  le  goûter  et  de  se  plaire  sur  les 
planches.  » 

Em.  Mathieu  DE  MONTER. 
{La  fin  prochainement.  ) 


HÉROLD 

(  Iiouîs-Josepli-I'erdinand). 

(2=  et  dernier   article)  (1). 

Près  de  dix-huit  mois  se  passèrent  avant  qu'Hérold  obtînt  un 
poëme  d'opéra  après  la  Clochette,  et  ce  temps  fut  employé  par  lui  à 
écrire  des  fantaisies  de  piano  et  d'autres  pièces,  genre  dans  lequel  il 
a  produit  de  jolies  choses  qui  n'ont  pas  obtenu  le  succès  qu'elles  mé- 
ritaient. Son  goût  le  reportait  toujours  vers  le  théâtre,  et  quelquefois 
il  s'irritait  contre  l'injustice  qui  lui  en  rendait  les  abords  si  difficiles. 
Fatigué  d'attendre  le  bon  ouvrage  après  lequel  il  soupirait,  il  finit 
par  consentir  à  écrire  la  musique  du  Premier  Venu,  comédie  en  trois 
actes,  spirituelle,  mais  froide,  et  la  pièce  la  moins  propre  à  être 
mise  en  opéra.  Cet  ouvrage  n'avait  point  d'ailleurs  le  mérite  de  la 


(1)  Voir  le  n"  28. 


nouveauté  ;  depuis  longtemps  il  était  au  répertoire  du  théâtre  Louvois 
en  comédie,  d'où  Vial  l'avait  retiré  pour  le  transporter  à  l'Opéra- 
Comique.  Bien  n'était  moins  favorable  au  développement  des  facultés 
chaleureuses  d'Hérold  que  cette  pièce  :  aussi  ne  put-il  parvenir  à  la 
réchauffer,  et  peut-être  lui-même  fut-il  pris  de  froid  en  l'écrivant; 
mais,  comme  il  faut  toujours  que  l'homme  de  talent  se  manifeste, 
même  dans  l'ouvrage  le  plus  médiocre,  il  y  avait  dans  la  partition  du 
Premier  Venu  un  trio  excellent  de  trois  hommes  qui  feignent  de  dor- 
mir. Cet  opéra  fut  représenté  vers  la  fin  de  l'année  1818. 

Le  désir  de  produire  tourmentait  Hérold,  mais  l'aliment  lui  man- 
quait toujours  ;  les  auteurs  semblaient  n'avoir  pas  de  confiance  en 
son  talent  et  ne  lui  confiaient  pas  de  poëmes.  Ce  fut  cet  abandon  oij 
on  le  laissait  qui  le  décida  à  reprendre  l'ancien  opéra-comique  des 
Troquews  (1),  et  à  lui  adapter  une  musique  nouvelle.  Cette  pièce  fut 
jouée  en  1819  :  le  talent  des  acteurs  lui  procura  quelques  représen- 
tations, mais  le  genre  de  l'ouvrage  ne  convenait  plus  au  goût  de 
cette  époque  ;  il  ne  put  se  soutenir  au  théâtre.  Une  sorte  de  fatalité 
semblait  poursuivre  celui  dont  les  débuts  avaient  annoncé  une  car- 
rière plus  brillante.  Un  opéra  en  un  acte,  dont  le  titre  était  l'Amour 
platonique,  lui  avait  été  confié;  la  musique  en  fut  composée  avec  ra- 
pidité, mise  à  l'étude,  et  bientôt  arriva  la  répétition  générale  (en 
1819),  où  l'on  remarqua  des  choses  charmantes;  mais  la  pièce  était 
d'une  faiblesse  extrême,  et  les  auteurs  la  retirèrent  avant  qu'elle  fût 
jouée.  Hérold  ne  se  laissait  point  encore  abattre  par  la  mauvaise  for- 
tune, et  le  besoin  d'écrire  le  tourmentait  toujours.  Planard  lui  donna, 
en  1820,  ime  jolie  comédie  intitulée  :  l'Auteur  mort  et  vivant.  Mal- 
heureusement cette  pièce  était  d'un  genre  peu  favorable  à  la  musique; 
le  compositeur  ne  put  y  développer  son  talent,  et  le  succès  assez 
froid  des  représentations  n'ajouta  rien  à  sa  renommée.  11  paraît  que 
cette  sorte  d'échec  acheva  de  jeter  le  découragement  dans  l'âme 
d'Héiold,  car,  pendant  les  trois  années  suivantes,  il  se  condamna 
au  silence  et  sembla  avoir  renoncé  au  théâtre. 

Dans  cet  intervalle,  la  place  de  pianiste-accompagnateur  de  l'Opéra- 
Ilalien  devint  vacante  ;  Hérold  la  demanda  et  l'obtint.  Dès  lors  les 
devoirs  de  cette  place  s'emparèrent  de  la  plus  grande  partie  de  son 
temps  ;  le  reste  fut  employé  à  écrire  un  assez  grand  nombre  de  mor- 
ceaux de  piano.  Cet  artiste,  dans  la  fleur  de  l'âge  et  du  talent,  se  voyait 
en  quelque  sorte  repoussé  de  la  scène  pour  laquelle  il  était  né.  Il  y  a 
de  ces  phases  de  mauvaise  fortune  dans  la  vie  de  presque  tous  les 
hommes  de  mérite. 

Le  repos  de  trois  années  auquel  Hérold  s'était  condamné  lui  avait 
rendu  cette  ardeur  de  production  qui  est  ordinairement  le  présage 
des  succès.  En  1821,  il  avait  été  envoyé  en  Italie  par  l'administra- 
tion du  théâtre  Italien  pour  y  recruter  des  chanteurs  ;  ce  voyage  fut 
favorable  au  retour  de  sa  faveur  d'artiste  comme  à  sa  santé.  Son 
premier  ouvrage,  après  ce  long  silence,  fut  le  Muletier,  représenté 
en  1823,  à  l'Opéra  -  Comique ,  avec  un  succès  qui  ne  s'établit  point 
sans  contestation,  mais  qui  finit  par  se  consolider,  et  qui  fut  dû  seu- 
lement au  mérite  de  la  musique.  Celte  musique  est  colorée,  dramati- 
que, et  remplie  de  traits  heureux  et  d'effets  nouveaux.  Lasthérde, 
composition  d'un  genre  gracieux,  qui  n'avait  d'autre  défaut  que  d'a- 
voir pour  base  un  sujet  grec,  à  l'époque  où  ce  genre  ne  jouissait 
d'aucune  faveur,  Lasthénie  fut  jouée  à  l'Opéra  dans  le  cours  de  la 
même  année.  Cet  ouvrage  ne  fit  point  une  vive  sensation  sur  le  pu- 
blic; mais  les  connaisseurs  rendirent  justice  au  talent  du  musicien,  et 
la  pièce  obtint  un  certain  nombre  de  représentations.  Les  succès  de 
l'armée  française  dans  la  guerre  d'Espagne  de  1823  donnèrent  lieu  à 
la  composition  d'un  opéra  {Vendôme  en  Espagne)  auquel  Hérold  prit 
part  conjointement  avec  M.  Auber.   Les  morceaux  improvisés   qu'il 


(1)  Les  Troqueurs,  opOra- comique  eu  un  acte,  avaient  été  mis  en  musique  par 
Dauvergne.  Ce  fut  le  premier  ouvrage  de  ce  genre  qu'on  écrivit  en  France. 


DE  PARIS. 


269 


écrivit  pour  cette  partition  renfermaient  de  jolies  choses  qu'il  a  em- 
ployées depuis  avec  succès  dans  d'autres  ouvrages. 

En  1824,  Hérold  fut  encore  chargé  par  l'administration  de  l'Opéra- 
Comique  de  la  composition  d'un  opéra  de  circonstance  qui  a  sur- 
vécu au  moment  qui  l'avait  fait  naître  ;  cet  ouvrage  est  intitulé  le 
Roi  René.  L'année  suivante  il  écrivit  pour  le  même  théâtre  un  acte 
qui  avait  pour  titre  le  Lapin  blanc.  Rien  ne  fut  jamais  moins  musical 
que  celte  bluette;  aussi  le  musicien  fut-il  mal  inspiré  :  paroles  et 
musique,  tout  était  également  faible  dans  cet  ouvrage. 

C'est  ici  le  lieu  de  faire  remarquer  le  changement  qui  s'était  opéré 
dans  la  manière  d'Hérold  pendant  les  trois  années  oii  il  s'était  abs- 
tenu de  travailler  pour  le  théâtre.  Témoin  des  brillants  succès  des 
œuvres  de  Rossini,  dont  il  accompagnait  la  musique  au  théâtre  Ita- 
lien, il  se  persuada  qu'il  n'existait  plus  qu'un  moyen  d'obtenir  les 
applaudissements  du  public,  et  que  ce  moyen  consistait  dans  l'imita- 
tion plus  ou  moins  exacte  des  formes  de  la  musique  à  la  mode.  Beau- 
coup d'autres  partageaient  son  erreur,  mais  ils  n'avaient  pas  son  ta- 
lent ;  po\ir  lui,  cette  erreur  fut  déplorable ,  car  elle  le  détourna 
pendant  quelque  temps  de  la  route  qui  seule  lui  convenait. 

Marie,  opéra  en  trois  actes,  représenté  à  rOpéra-Comique,lel2  août 
1826,  marqua  le  retour  d'Hérold  vers  le  genre  qui  lui  appartenait;  ce 
fut  à  la  fois  et  son  plus  bel  ouvrage  jusqu'à  ce  moment,  et  son  plus 
beau  succès.  Sa  sensibilité  s'était  livrée  dans  cette  production  à  plus 
d'expansion  qu'elle  n'avait  fait  jusque-la  ;  de  là  vient  que  tous  les 
morceaux  obtinrent  dans  le  monde  une  vogue  que  n'avait  point  eue 
auparavant  la  musique  d'Hérold.  Le  moment  était  favorable,  et  peut- 
être  l'arliste  aurait-il  pris  dès  lors  le  rang  dont  il  était  digne,  si  son 
entrée  à  l'Opéra  comme  chef  du  chant  lui  avait  laissé  le  temps  de 
profiter  de  la  justice  tardive  qui  venait  de  lui  être  rendue.  Depuis 
deux  ans  il  avait  quitté  la  place  d'accompagnateur  au  théâtre  Italien 
pour  celle  de  chef  des  chœurs.  En  1827,  il  renonça  à  celle-ci  pour 
la  position  dont  il  vient  d'être  parlé.  Dès  lors,  fatigué  de  mille  de- 
voirs incompatibles  avec  la  liberté  nécessaire  aux  travaux  de  l'imagi- 
nalion,  il  se  vit  hors  d'élat  de  profiter  des  circonstances  favorables 
qui  s'offraient  à  lui  pour  mettre  le  sceau  à  sa  réputation,  et  ses  loi- 
sirs ne  furent  plus  employés  qu'à  écrire  la  musique  de  quelques  bal- 
lets. C'est  ainsi  qu'il  donna  à  l'Opéra  Astolphe  et  Joconde,  ballet  en 
trois  actes,  en  1827;  la  Somnambule,  ballet  en  trois  actes,  dans  la 
même  année  ;  Lijdie,  ballet  en  un  acte,  en  1828  ;  la  Belle  au  bois 
dormant,  ballet  en  trois  actes,  dans  la  même  année.  C'est  aussi  vers 
la  même  année  qu'il  écrivit  l'ouverture,  les  chœurs  et  quelques  autres 
morceaux  pour  le  drame  de  Missolonghi,  représenté  à  l'Odéon.  Le 
3  novembre  de  la  même  année,  il  reçut  la  décoration  de  la  Légion 
d'honneur,  distinction  qui  lui  était  due  à  juste  titre. 

Trois  années  s'étaient  écoulées  depuis  que  Hérold  avait  donné  Marie 
à  rOpéra-Comique,  lorsqu'il  écrivit,  en  1829,  un  acte  rempli  de 
choses  charmantes  sous  le  titre  de  l'Illusion.  La  musique  de  cet  ou- 
vrage était  mélancolique  et  passionnée  ;  Hérold  y  transporta  l'ouver- 
ture qu'il  avait  écrite  autrefois  pour  l'Amour  platonique. 

Emmeline,  opéra  en  trois  actes,  représenté  en  1830,  ne  réussit  pas; 
mais,  l'année  suivante,  Hérold  prit  une  éclatante  revanche  par 
Zampa,  en  trois  actes  (joué  ie  3  mai  1831),  production  digne  d'un 
grand  maître,  et  qui  plaça  enfin  l'artiste  au  rang  des  compositeurs 
français  les  plus  renommés.  Abondance  de  motifs  heureux,  passions 
bien  exprimées,  force  dramatique,  génie  de  l'instrumentation  et  de 
l'harmonie,  tout  se  trouve  dans  cet  ouvrage,  dont  le  succès  n'a  pas 
été  moins  brillant  en  Allemagne  qu'en  France.  Peu  de  temps  après, 
Hérold  prit  part  avec  plusieurs  autres  musiciens,  à  la  composition  de 
la  Marquise  de  BrinvUUers ,  opéra  en  trois  actes. 

Soit  à  cause  de  ses  travaux  de  l'Opéra,  soit  par  suite  de  la  fatigue 
occasionnée  par  ses  derniers  ouvrages,  Hérold  commençait  à  ressentir 
quelque  altération  dans  sa  santé.  Jeune  encore,  il  aurait  pu  arrêter  les 
progrès  du  mal  par  le  repos  et  le   changement  de  climat  ;  mais  rien 


ne  put  le  décider  à  s'éloigner  du  théâtre  de  ses  succès  récents,  et  à 
cesser  de  travailler.  Malgré  les  représentations  de  ses  amis,  il  conti- 
nua le  genre  de  vie  qu'il  avait  adopté,  et  ce  ne  fut  que  lorsque  la 
maladie  eut  abattu  ses  forces,  que  la  crainte  commença  à  s'emparer 
de  lui.  La  nouvelle  administration  de  l'Opéra-Comique  éprouvait  le 
besoin  d'avoir  des  opéras  nouveaux  qui  fussent  appris  en  peu  de 
temps;  Hérold  avait  en  portefeuille  la  partition  du  Pré  aux  Clercs; 
mais  elle  exigeait  des  études  et  des  préparatifs  trop  longs  pour  la 
situation  du  théâtre;  Hérold  le  comprit  et  improvisa  le  petit  opéra 
de  la  Médecine  sans  médecin,  bagatelle  où  l'on  retrouve  la  touche 
d'un  maître.  Cette  dernière  production  de  l'artiste  précéda  de  peu  de 
temps  la  représentation  du  Pré  aux  Clercs  (qui  eut  lieu  le  15  dé- 
cembre 1832),  ouvrage  d'un  genre  plus  doux  que  Zampa,  mais  non 
moins  heureusement  conçu,  non  moins  original.  Ce  fut  le  chant  du 
cygrfe.  La  maladie  de  poitrine  qui  dévorait  l'existence  d'Hérold  faisai* 
chaque  jour  d'effrayants  progrès.  Les  agitations  de  la  mise  en  scène 
et  du  succès  en  hâtèrent  le  développement  :  un  mois  après  le  dernier 
triomphe  de  l'artiste,  elle  le  précipita  dans  la  tombe,  laissant  dans 
une  douleur  profonde  tous  ceux  qui  avaient  pu  apprécier  en  lui  les 
qualités  de  l'homme  de  bien,  et  dans  le  regret  d'une  vie  si  courte 
ceux  qui  ne  connaissaient  que  son  génie.  Il  mourut  le  19  janvier  1833, 
aux  Thèmes,  près  de  Paris,  et  fut  inhumé  au  cimetière  du  Père-La- 
chaise,  non  loin  du  tombeau  de  son  maître  Méhul.  11  avait  laissé 
inachevée  la  partition  d'un  opéra  en  deux  actes,  intitulé  Ludovic; 
Halévy  termina  cet  ouvrage,  qui  fut  joué  avec  succès  en  183ii. 

La  liste  des  compositions  d'Hérold  pour  le  piano  est  considérable; 
on  y  remarque  :  1"  Sonates  pour  piano  seul,  op.  1,  3,  5,  Paris,  Janet, 
Schonenberger,  Lemoine.  —  2°  Caprices  avec  quatuor,  œuvres  8, 
9;  Paris,  Érard.  —  3°  Kondo  à  k  mains,  op.  17;  ibid. —  h"  Caprices 
pour  piano,  œuvres  h,  6,  7,  12,  58;  Paris,  Lemoine,  Érard,  etc.  — 
5°  Rondeaux  et  divertissements,  op.  10,  14,  16,  18,  20,  22,  27,  31, 
34,  37,  40,  41,  44,  47,  53,  55;  Paris,  Janet,  Lemoine,  Érard,  etc. 
—  6°  Fantaisies,  op.  2,  15,  21,  28,  33,  43,  49;  ibid.—  T  Varia- 
tions, op.  19,  30,  35;  ibid.  —  8°  Pots-pourris,  etc. 

FÉTIS  père. 


NOUVELLES. 

a,*^  Le  théâtre  de  l'Opéra  a  donné  lundi  la  Favorite,  suivie  du  pre- 
mier acte  de  Giselte  ;  mercredi,  la  Juive,  et  vendredi,  de  nouveau  la 
Favorite,  avec  Diavolina.  M.  et  Mme  Gueymard  sont  rentrés  après  leur 
congé  dans  ces  deux  pièces,  et  ils  y  ont  reçu  le  plus  chaleureux  ac- 
cueil. —  Faure  reparaissait  également  après  sa  saison  à  Londres,  dans 
le  rôle  d'Alphonse,  et  il  y  a  retrouvé  son  succès  accoutumé. —  Mlle  Mou- 
ravieiT  n'a  plus  que  quelques  représentations  à  donner;  elle  doit  se 
trouver  à  Saint-Pétersbourg  pour  la  réouverture  du   théâtre  Impérial. 

***  Les,  spectacles  gratis  du  15  août  au  théâtre  de  l'Opéra  et  de  l'O- 
péra-Comique n'avaient  pas  laissé  une  place  disponible  dans  ces  deux 
théâtres  assiégés  dès  le  matin  ;  la  Muette  de  Poriici  a  provoqué,  à  cha- 
cune des  belles  scènes  qu'elle  contient,  d'enthousiastes  applaudisse- 
ments, et  Mlle  Vernon,  attendue  à  la  sortie  du  théâtre  par  une  partie 
du  public,  a  été  l'objet  d'une  flatteuse  ovation. — La  cantate  de  iVlM.  Ed. 
Fournier  et  Gastinel,  Mexico,  chantée  vaillamment  par  Mlle  Sax ,  Du- 
laurens  et  Bonnesseur,  et  Mlles  de  Taisy  et  Gocifrend,  a  produit  un  grand 
et  légitime  efTet;  Mlle  Sax  a  été  rappelée  au  milieu  de  frénétiques  bra- 
vos. —  Le  PosUllon  de  Longjumeau  n'a  pas  été  moins  bien  accueilli  à 
l'Opéra-Comique,  et  on  a  beaucoup  applaudi  la  cantate  de  MM.  Bous- 
catel  et  Lefébure-Wélj',  Après  la  victoire. 

^"^  La  première  représentation  des  Amours  du  Diable  est  de  nouveau 
annoncée  irrévocablement  pour  demain  lundi  ;  la  répétition  générale 
a  eu  lieu  vendredi.  —  Montaubry  a  pris  son  congé.  —  En  attendant 
la  rentrée  d'Achard,  la  direction  do  l'Opéra  a  gracieusement  per- 
mis à  Warot  de  chanter  deux  fois  le  rôle  de  Georges  Erown  de  ta 
Dame  htanclie,  et  cola  à  la  grande  satisfaction  du  public,  qui  a  témoigné 
par  ses  applaudissements  au  consciencieux  ténor  combien  il  appréciait 
son  excellente  méthode  et  le  charme  de  sa  voix.  —  Jeudi,  Achard  a 
reparu  dans  llaydce  et  y  a  reçu  un  chaleureux  accueil. 

***  Plusieurs  journaux  ont  annoncé  que  Mlle  Luoca  devait  venir  à 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Paris,  et  donner  deux  représentations  au  théâtre  de  l'Opéra;  nous 
sommes  autorisés  à  affirmer  que  cette  nouvelle  est  complètement  dé- 
nuée de  fondement. 

f,*t  Mlle  Tietjens  est  à  Paris  depuis  mardi.  Elle  assistait  ce  jour-là 
même  à  la  représentation  de  la  Dame  blanche,  à  rOpéra-Comique,  et, 
mercredi,  à  la  rentrée  de  Gueymard  dans  la  Juive,  à  l'Opéra.  Ses  débuts 
auront  lieu  le  26,  le  28,  le  31  août,  et  le  4  septembre  dans  le  rôle  de 
Valentine,  des  Huguenots.  Faure  chantera  pour  la  première  fois  dans  ces 
représentations  le  rôle  de  Nevers. 

t*:f  AU  nombre  des  cantates  exécutées  le  15  août  sur  les  théâtres  de 
Paris,  nous  devons  mentionner  celle  qu'a  écrite  M.  Hostein,  directeur 
du  théâtre  impérial  du  Châtelet,  et  dont  M.  de  Groot,  chef  d'orchestre, 
a  composé  la  musique.  Chanlée  par  les  Enfants  de  Lutèce,  elle  a  été 
applaudie  avec  acclamations  et  bissée. 

»*»  M.  Emile  Perrin,  directeur  de  l'Opéra,  a  bien  voulu  se  joindre 
aux  artistes  éminents  qui  forment  le  comité  de  ras.sociation  pour  le 
monument  à  ériger  dans  la  ville  de  Dijon,  à  la  mémoire  de  Rameau. 

***  M.  Mapleson,  directeur  de  Her  Majesly^s  Tlieatre,  est  en  ce  mo- 
ment à  Paris. 

***  Adelina  Patti  a  été  appelée  d'Ostende  à  Francfort  pour  y  chanter 
dans  la  représentation  de  gala  qui  devait  être  donnée  au  théâtre  de  la 
ville  devant  l'empereur  d'Autriche  et  tous  les  princes  allemands  réunis. 
Le  sénat  de  la  ville  de  Francfort,  aux  frais  duquel  cette  représentation 
avait  lieu  avant-hier,  n'avait  admis  dans  la  salle,  qui  offrait  un  aspect 
féerique,  aucune  personne  non  invitée  par  lui.  Il  Barbiere  di  Seviglia 
avait  été  choisi  pour  la  solennité.  Adelina  Patti  s'y  est  montrée  admira- 
ble, et  bien  que,  suivant  l'étiquette,  tout  signe  d'approbation  fût  in- 
terdit, la  salle  entière  n'a  cessé  d'applaudir  Mlle  Patti  de  la  manière  la 
plus  bruyante.  L'empereur  d'Autriche  lui-même  était  le  premier  à  donner 
le  signal  des  bravos,  et  c'est  sur  la  demande  de  Sa  Majesté  Impériale 
que  la  valse  de  la  Gioja  insolita  de  Strakosch,  intercalée  par  Mlle  Patti 
dans  la  leçon  de  chant,  a  dû  être  répétée.  Quel  que  fût  le  prix  exorbi- 
tant offert  pour  les  billets  d'entrée,  le  public  a  été  rigoureusement  ex- 
clu de  la  salle  ;  on  cite,  en  cette  occurrence,  un  Anglais  qui,  ayant  vu 
refuser  l'offre  de  100  livres  sterling  qu'il  faisait  pour  une  stalle,  a 
corrompu  à  prix  d'or  un  choriste  pour  le  remplacer  sur  la  scène.  C'est 
grâce  à  l'intervention  officieuse  de  Mlle  Patti  que  le  choriste  infidèle 
n'a  pas  été  renvoyé.  —  10,000  francs  ont  été  comptés  à  la  jeune  et 
célèbre  artiste  pour  cette  représentation.  —  A  la  demande  géné- 
rale Mlle  Patti  devait  chanter  une  seconde  fois  le  lendemain  pour  le 
public. 

^,*^  La  fête  organisée  au  Pré-Catelan  dimanche  dernier  par  le  baron 
Taylor  et  Alf.  Musard,  au  bénéfice  de  l'Association  des  artistes  musi- 
ciens, a  tenu  tout  ce  qu'elle  promettait,  et  elle  a  été  magnifique.  Plus 
de  dix  mille  spectateurs  ont  applaudi  les  brillantes  fanfares  des  chas- 
seurs à  pied,  les  excellentes  musiques  de  la  ligne,  de  l'artillerie  et  des 
dragons,  puis  l'admirable  orchestre  de  Musard.  Sa  cantate,  VAigle  de 
France ,  paroles  de  M.  T.  de  Saint-Félix,  très-énergiquement  chantée, 
avec  accompagnement  de  grand  orchestre,  par  Viard,  jeune  artiste  de 
talent,  a  provoqué  d'immenses  applaudissements. 

***  Le  grand  concours  orphéonique  de  Rouen  est  définitivement  fixé 
au  dimanche  6  septembre.  La  fête  devait  durer  trois  jours,  deux  con- 
certs devant  suivre  le  concours  ;  mais  en  présence  des  difficultés  qui 
se  présentaient  pour  retenir  à  Roueu,  trois  jours  de  suite,  les  meil- 
leures Sociétés.,  il  a  été  arrêté  qu'il  y  aurait,  lundi  soir,  un  seul  concert, 
sur  lequel  seraient  reportés  les  plus  puissants  moyens  d'attraction. 

^*^,  Mme  Corinne  de  Luigi  et  M.  Favilli  ont  donné  le  12  août,  à  Aix- 
la-Chapelle,  le  grand  concert  pour  lequel  ils  étaient  attendus.  Une  nom- 
breuse et  élégante  société  y  assistait,  et  les  deux  artistes  ont  obtenu  un 
brillant  succès. 

^*^,  La  musique  de  chambre  n'est  pas  moins  goûtée  en  province  qu'à 
Paris  :  au  concert  donné  le  18  au  Casino  des  bains  de  mer  du  Mail  à  la 
Rochelle,  MM.  Rideau,  Masseau,  Meneau,  Battanchon  et  Rigondeau  ont 
exécuté  un  quintette  d'Onslow  pour  deux  violons,  alto,  violoncelle  et 
contre-basse,  qui  a  fait  le  plus  grand  plaisir  et  qui  a  valu  aux  exécutants 
de  chaleureux  applaudissements. 

»*„,  MM.  G.  Alary  et  Jules  Lefort  ont  donné  jeudi  dernier  un  très-in- 
téressant concert  à  Enghien,  avec  le  concours  de  Mme  Trebelli-Bettini, 
MM.  Al.  Bettini  et  Sighicelli.  Un  élégant  auditoire  remplissait  les  salons 
de  rétablissement  des  bains,  et  a  proaigué  des  applauaissements  cha- 
leureux et  bien  mérités  d'ailleurs  aux  excellents  artistes  qui  lui  fai- 
saient entendre  les  morceaux  les  mieux  choisis  de  leur  répertoire; 
plusieurs  leur  ont  été  redemandés.  Un  air  de  Nicolo  dei  Lapi  de  Sohira, 
et  le  brindisi  de  Lucrezia  Borgia,  délicieusement  chantés  par  Mme  Tré- 
belli,  la  sérénade  de  Gouuod,  une  mélodie  nouvelle  et  bien  inspirée 
d'Alary,  la  tarentelle  de  Rossini,  et  la  romance  de  Maria,  fort  bien  dites 
par  J.  Lefort  et  par  Bettini,  ainsi  qu'une  tarentelle  fort  originale,  et 
supérieurement  exécutée  par  oighicelli  sur  le  violon,  ont  surtout  obtenu 
un  véritable  succès. 

.^*i^  VEté,  journal  d'Ems,  annonce  que  la  troupe  des  Bouflfes-Parisiens 
a  clos  ses  représentations  par  une  dernière  représentation  des  deux 
ouvrages  nouveaux  d'Olïenbach,  Il  signor  Fagotlo  et  Licschcn  et  Fritschen. 


€  Bravos,  rappels,  bouquets,  rien  n'a  manqué,  dit  VElè,  à  celte  soirée 
d'adieux,  qui  a  été  pour  le  compositeur  et  pour  les  artistes  une  soirée 
de  triomphe  mérité.  » 

t*.  Par  décrets  en  date  du  14  août,  ont  été  promus  ou  nommés  dans 
l'ordre  de  la  Légion  d'honneur,  sur  la  proposition  de  S.  Exe.  le  ministre 
de  la  maison  de  l'Empereur  et  des  Beaux-Arts  :  —  Au  grade  de  grand- 
officier  :  M.  le  comte  de  Nieuwerkerke,  surintendant  des  Beaux-Arts, 
membre  de  l'Institut.  —  Au  grade  d'officier  :  MM.  Octave  Feuillet, 
membre  de  l'Académie  française;  de  Courmont,  directeur  de  l'admi- 
nistration des  Beaux-Arts.  —  Au  grade  de  chevalier  :  M.W.  Lépreux, 
architecte;  Auguste  Morel,  directeur  du  Conservatoire  impérial  de 
musique  de  Marseille;  Morin,  directeur  de  l'école  de'  peinture  et  de 
dessin  de  la  ville  de  Rouen  ;  Pasdeloup,  fondateur  des  concerts  popu- 
laires; Reignier,  professeur  à  l'Ecole  impériale  des  beaux-arts  de  la 
ville  de  Lyon  ;  Salles,  secrétaire  du  conseil  des  bâtiments  civils  ;  Victo- 
rien Sardou,  auteur  dramatique;  Thomas  Sauvage,  auteur  dramatique; 
Sauzay,  professeur  au  Conservatoire  ;  Scudo,  critique  musical  et  com- 
positeur de  musique  ;  Thierry,  peintre  décorateur. 

,*„,  S.  M.  le  roi  Victor-Emmanuel  vient  de  conférer  au  célèbre  vio- 
loniste D.  Alard,  l'ordre  des  Saints  Maurice  et  Lazare. 

»*»  M.  Kœkert,  qui  chantait  avec  succès  au  théâtre  de  Strasbourg, 
vient  d'être  engagé  par  la  direction  des  théâtres  impériaux  pour  l'O- 
péra allemand  de  Saint-Pétersbourg,  qui  fait,  dans  cet  artiste,  une  ex- 
cellente acquisition. 

^*^  En  même  temps  que  le  fils  du  célèbre  violoniste  Vieuxtemps  se 
distinguait  au  concours  général  de  nos  collèges,  la  fille  de  M.  Adrien 
Boïeldieu,  par  conséquent  la  petite-fille  de  l'auteur  de  la  Dame  blanche, 
obtenait  à  la  distribution  des  prix  de  la  maison  impériale  de  Saint-Denis, 
sept  prix  et  la  médaille  d'honneur  qu'elle  a  reçus  des  mains  mêmes  de 
S.  M.  l'Impératrice.  —  Un  chœur  pour  voix  de  jeunes  filles  de  M.  E. 
Barateau,  la  Messagère  du  printemps,  dont  M.  A.  Boïeldieu  avait  composé 
la  musique,  avait  précédé  la  distribution  et  valu  à  l'auteur  les  félicita- 
tions de  l'assemblée. 

^,*^  La  distribution  des  prix  du  Conservatoire  impérial  de  musique  de 
Lille,  présidée  par  M.  Vallon,  préfet  du  Nord,  entouré  des  premières 
autorités  civiles  et  militaires,  s'est  faite  comme  les  années  précédentes. 
Les  chœurs  et  les  soli  ont  été  rendus  d'une  manière  remarquable  et  fort 
applaudis  par  un  auditoire  nombreux  et  choisi.  M.  le  préfet,  avant  la 
remise  des  couronnes,  a,  par  quelques  paroles  bien  senties,  fait  ressortir 
l'importance  progressive  de  cette  école,  parfaitement  dirigée  par  M.  V. 
Magnien,  qui,  secondé  par  des  professeurs  d'un  mérite  reconnu,  place 
cet  établissement  très-haut  dans  l'opinion  des  connaisseurs. 

:j,*^:  Le  festival  de  chant  de  Moravie  et  de  Silésie  (autrichienne)  a  été 
célébré  le  15  août  à  Schœnberg,  jolie  ville  manufacturière,  en  Moravie; 
quarante-six  sociétés  de  chant  y  ont  pris  part.  La  fête  a  commencé  par 
la  messe  dite  à  un  autel  improvisé  sur  l'estrade  des  chanteurs,  lequel  se 
trouvait  dans  Une  plaine  située  aux  portes  de  la  ville.  Les  choeurs  réunis 
ont  chanté  une  messe  de  Storch,  sous  la  direction  de  l'auteur.  Pendant 
la  cérémonie  a  été  bénite  la  bannière  de  la  Société  vocale  de  Schœn- 
berg. Treize  sociétés  ont  pris  part  au  concours  de  chant  ;  les  trois  prix 
ont  été  remportés  par  celles  de  Briinn,  d'Ollmiitz  et  de  Hohen-Elbe 
(Bohême). 

»*,j  Le  nombre  des  sociétés  de  chant  augmente  de  jour  en  jour  dans 
les  provinces  allemandes  de  la  Russie  ;  elles  commencent  même  à  prendre 
faveur  parmi  les  populations  russes.  A  Riga,  les  Russes  ont  fondé  la  So- 
ciété Bayge,  où  l'on  ne  chante  que  des  Lieder  nationaux.  C'est  la  pre- 
mière association  vocale  qui  ait  été  établie  en  Russie. 

^*^  On  lit  dans  l'Indépendance  belge  :  «  M.  Panofka,  le  célèbre  profes- 
seur de  chant  de  Paris,  se  trouve  en  ce  moment  à  Bruxelles.  Ses  excel- 
lents ouvrages  didactiques,  qui  ont  été  adoptés  non-seulement  en  France 
et  en  Belgique,  mais  encore  en  Italie  et  en  Espagne,  même  en  Amé- 
rique, sont  considérés  comme  les  meilleures  méthodes  de  chant.  En  de- 
hors d'une  publication  en  espagnol  de  son  Abécédaire  vocal,  qui  a  déjà 
paru  en  français,  en  anglais,  en  allemand  et  en  italien,  l'éminent  pro- 
fesseur publiera  prochainement  douze  vocalises  d'artistes,  qui  termine- 
ront dignement  son  œuvre  vocale.  » 

,(*„,  Le  deuxième  volume  des  lettres  de  Félix  Alendelssohn  vient  de 
paraître;  il  contient  des  lettres  des  années  1 833-1 8Z|7,  qui  vont  jusqu'à 
sa  mort.  Le  maître  de  chapelle  Julius  Rietz  a  joint  à  ce  deuxième  vo- 
lume un  catalogue,  par  ordre  de  dates,  de  toutes  les  compositions  de 
Mendeissohn,  tant  de  celles  qui  ont  été  publiées,  que  des  nombreux  ou- 
vrages qu'il  a  laissés  en  manuscrit. 

„,%  11  vient  de  paraître  chez  l'éditeur  Saint-Hilaire  deux  morceaux 
pour  violon  par  M.  Delavault.  C'est  le  début  d'un  jeune  artiste  qui  an- 
nonce de  l'avenir. 

,j*,j  Kous  avons  sous  les  yeux  un  recueil  d'airs  nationaux  espagnols, 
arrangés  pour  chant  et  piano  par  Santesteban,  fils  de  l'éditeur  de  ce  nom 
à  Saint-Sébastien.  Nous  le  recommandons  à  l'attention  des  amateurs. 
Plusieurs  de  ces  chansons  sont  d'une  grande  originalité,  et  l'arrangement 
de  M.  Santesteban  leur  donne  encore  plus  de  couleur.  Ce  recueil  ob- 
tient beaucoup  de  succès  en  Espagne,  et  il  en  sera  certainement  de 
même  en  France  lorsqu'il  y  sera  connu. 


DE  PARIS. 


271 


i*«  Si  l'hiver  a  les  concerts  populaires  de  Pasdeloup  ,  l'été  a  ceux  de 
M.  Besselièvre  aux  Champs-Elysées.  Ce  n'est  pas  seulement  à  la  par- 
faite composition  de  la  société  qui  s'y  donne  rendez-vous,  au  voisi- 
nage des  beaux  arbres  qui  l'entourent,  que  cette  heureuse  institution  a 
dû  son  succès,  c'est  aussi  à  son  orchestre  fourni  de  premiers  sujets  et 
dirigé  par  Arban.  Nous  ne  saurions  trop  louer  le  choix  et  le  goût  qui 
président  au  programme  quotidien,  et  grâce  auxquels  la  grande  musique 
est  si  habilement  variée  de  musique  légère. 

^*j  Salle  Robin.  —  Le  public,  appréciateur  juste  et  désintéressé, 
place  en  première  ligne  les  merveilleuses  apparitions  de  spectres  de 
M.  Robin;  du  r.ste,  il  serait  difficile,  si  ce  n'est  même  impossible, 
d'exécuter  ce  genre  d'illusions  aussi  bien  que  lui.  Le  succès  de  ces 
apparitions,  joint  aux  intéressantes  expériences  de  physique  amusante 
et  scientifiques  qui  composent  les  soirées  de  M.  Robin,  laisse  le  public 
dans  un  enchantement  réel  ;  aussi  n'est  -  il  pas  étonnant  de  voir  sa 
jolie  salle  remplie  tous  les  soirs. 

*%  Hier  samedi,  les  obsèques  de  F.  MasinI,  compositeur  de  romances  qui 
ont  eu  beaucoup  de  réputation,  ont  eu  lieu  à  la  maison  municipale  de 
santé  du  faubourg  Saint-Denis,  où  Son  Exe.  le  maréchal  Vaillant  avait  fait 
admettre  l'infortuné  compositeur.  Ledeuil  était  conduit  par  M.  A.EIwart, 
auquel  plusieurs  amis  de  F.  Masini  s'étaient  réunis.  F.  Masini  était  à 
peine  âgé  de  soixante  ans  ;  il  a  succombé  aux  suites  d'une  affection  de 
poitrine. 

,%  Le  pianiste  Julius  von  Kolb,  professeur  aa  Conservatoire  de  Munich, 
vient  de  mourir  à  Feldaflng,  sur  le  lac  de  Starnberg.  M.  Kolb,  qui  était 
dans  toute  la  force  de  l'âge,  a  succombé  à  une  attaque  de  typhus. 

^*t  M.  Pierre-Joseph  Mailly,  maître  de  chapelle  à  l'église  de  Saint- 
Jean-Baptiste-au- Béguinage,  vient  de  mourir  à  Bruxelles.  Tous  les  ar- 
tistes de  la  capitale  de  la  Belgique,  le  vénérable  M.  Fétis  en  tête,  as- 
sistaient à  ses  obsèques,  où  l'on  a  exécuté  un  Pie  Jesti  de  la  composition 
de  M.  Henry,  ex-maître  de  chapelle  de  Sainte-Gudule,  œuvre  d'un  style 
non  moins  grandiose  que  religieux. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 


^*^  Cannes.  —  Nous  avons  annoncé  la  prochaine  ouverture  du  casino 
musical  dont  M.  Cresp-Sicard  vient  de  doter  la  ville  de  Cannes.  La  soirée 
d'inauguration  a  été  des  plus  brillantes;  les  autorités  de  l'arrondisse- 
ment de  Grasse  et  de  Cannes  y  assistaient,  et  ont  félicité  M.  Cresp- 
Sicard  sur  le  bon  goût  qui  a  présidé  à  la  décoration  de  l'établissement, 
au  choix  de  ses  artistes,  à  l'ensemble  et  au  talent  déployés  par  les 
musiciens  de  l'orchestre,  sous  la  direction  de  leur  chef  M.  Tavernier- 
Devigo. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


.j%  Bade.  —  H.  Berlioz  vient  de  nous  quitter,  après  avoir  assisté  à  la 
reprise  de  son  opéra  Béatrice  et  Bcnedict,  dont  il  a  dirigé  lui-même  l'exé- 
cution. On  se  rappelle  l'effet  que  produisit  cet  ouvrage  la  saison  dernière, 
et  surtout  le  délicieux  duo  de  femmes  qui  termine  le  premier  acte. 
Quoique  quelques-uns  des  excellents  interprètes  qui  créèrent  Béatrice  et 
Benedict  aient  fait  cette  fois  défaut  au  compositeur,  le  succès  n'a  pas  été 
moindre  que  l'année  passée,  et  les  mêmes  applaudissements  enthousiastes 
ont  accueilli  chacun  des  morceaux  capitaux  de  la  partition.  Berlioz  est 
un  maître  par  excellence  ;  chaque  mesure  de  sa  musique  est  pleine  d'o- 
riginalité ;  chaque  trait  y  est  dessiné  d'une  main  sûre,  et  si  parfois  cette 
originalité  pouvait  paraître  étrange  à  l'auditeur,  c'est  qu'il  ne  se  serait 
pas  suffisamment  familiarisé  avec  le  style  et  le  sentiment  du  maître,  car 
sa  musique  a  le  don  de  charmer  aussitôt  qu'on  la  connaît  et  qu'on  la 
comprend.  On  ne  peut  pas  imiter  Berlioz,  qui  n'emploie  jamais  deux  fois 
les  mêmes  moyens,  qui  ne  procède  d'aucun  autre,  qui  se  montre  toujours 
nouveau,  surprenant,  en  un  mot,  qui  est  lui.  Maître  accompli  dans  l'art 
de  l'instrumentation,  son  orchestre  est  d'une  richesse  et  d'une  variété  de 
couleurs  qui  enchantent  les  connaisseurs.  Dans  Béatrice  et  Benedict,  Ber- 
lioz a  montré  un  côté  nouveau  de  son  talent;  il  y  a  fait  preuve  d'un 
humour  qu'on  pourrait  appeler»  shakspearien  b.  En  même  temps  son 
orchestration  y  est  d'une  simplicité  qui  le  justifie  victorieusement  du 
reproche  qu'on  lui  a  fait  quelquefois  de  ne  savoir  écrire  que  pour  les 
grandes  masses  et  pour  des  orchestres  formidables.  —  Mme  Charton- 
Demeur  a  chanté  avec  sa  supériorité  ordinaire;  elle  a  été  rappelée  par 
de  bruyantes  acclamations  après  son  grand  air  :  Jl  m'en  souvient.  Jourdan 
remplaçait  Montaubry,  Mlle  ilenrion  Mlle  Monrose,  et  Mlle  Faivre 
Mme  Geoffroy.  Après  le  duo  des  deux  femmes,  on  a  également  rappelé 
Mlles  Henrion  et  Faivre.  Inutile  d'ajouter  que  l'orchestre  a  été  admira- 
blement dirigé.  —  L'opéra  de  Berlioz  avait  été  précédé  de.Maîlre  Wulfram, 
d'Ernest  Ueyer,  représenté  pour  la  première  fois  à  Bade,  et  qui  a  obtenu 
un  succès  franc  et  de  bon  aloi. 


^*^  Berlin.  —  Mlle  Lucca  vient  de  faire  sa  rentrée  par  le  rôle  de 
Léonora,  dans  le  Trovatore.  L'éminente  cantatrice,  qui  a  obtenu  récem- 
ment un  si  brillant  succès  à  Londres,  a  reçu  l'accueil  le  plus  chaleu- 
reux et  a  été  fréquemment  applaudie  pendant  le  cours  de  la  représen- 
tation. 

^*^  Vienne.  —  Wachtel  vient  d'aborder  le  rôle  si  dramatique  et  si 
difficile  de  Raoul,  des  Huguenots  ;  il  a  obtenu  un  véritable  triomphe. 
C'est  surtout  dans  le  duo  avec  Marguerite,  et  plus  tard  dans  celui  avec 
Valentine,  que  par  la  beauté  de  sa  voix  et  par  la  puissance  passionnée  de 
son  jeu,  il  a  excité  l'enthousiasme  de  toute  la  salle.  Mlle  Liebhart  s'est 
fait  applaudir  dans  le  rôle  de  Marguerite.  Quelques  jours  auparavant 
l'éminente  cantatrice  avait  interprété  avec  succès  le  rôle  de  Martha  et 
partagé  les  honneurs  de  cette  brillante  soirée  avec  Wachtel  (Lionel).  — 
Mlle  Opfermann,  nièce  de  Fanny  Elssler,  débutera  incessamment  dans 
Satanella,  ballet  de  M.  Taglioni. —  Nous  connaissons  la  composition  de 
la  troupe  italienne  qui  défraiera  cette  saison  le  théâtre  de  la  cour  : 
prime  donne,  Mmes  Artot,  Barbot  et  Lotti  delta  Santa;  Mongini  et  Gra- 
zîani,  ténors;  Graziani,  baryton,  frère  du  ténor;  Zucchini,  bouffe,  et 
Angelini,  basse-taille. 

,k*,t  Philadelphie.  —  On  annonce  comme  prochaine  au  théâtre  de  l'Aca- 
démie de  musique  les  représentations,  durant  une  quinzaine,  de  la  belle 
troupe  d'opéra  de  Maretzek,  qui  vient  de  faire  sensation  à  la  Havane  et 
à  New-York  ;  Mme  Medori  et  le  jeune  et  splendide  ténor  Mazzoleni  en 
font  partie.  On  jouera  entre  autres  l'opéra  de  Petrella,  Jane  ou  les  Der- 
niers jours  de  Pompe'i.  Quant  aux  engagements  pour  la  saison  prochaine, 
M.  Grau  est  parti  pour  le  continent,  à  la  recherche  des  artistes  qui  de- 
vront compléter  son  personnel. 


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272 


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REVUE 


30  Août  1863. 


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Paris 21(r.parQl 

Béparleilieiits,  Bdgique  et  Suisse...     30  n       id. 


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te  Journal  paraît  le  Diiiiaoche. 


GAZETTE  MUSICALE 


mm  WM,MiM. 


-~^a;  vrvAAAATiAA/^^' 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  impérial  de  l'Opéra:  début  de  Mlle  Thérèse  Tietjens 
dans  te  Huguenots,  par  Paul  Smith.  —  Théâtre  impérial  de  l'Opéra- 
Comique:  te  Amours  du  Diable,  opéra  en  quatre  actes,  paroles  de  M.  de 
Saint-Georgps,  musique  de  M.  Albert  Grisar,  par  liéon  Unrocher.  —  Effets 
des  circonstances  sur  la  situation  actueUe  de  la  musique,  au  point  de  vue  de 
la  composition  ;  ce  qu'il  faudrait  faire  pour  améliorer  cette  situation  (2"  article), 
par  Fétis  père.  —  Revue  des  tliéâtres,  par  D.  A.  D.  Saint-YTes.  — 
Nouvelles  et  annonces. 


THEATRE  mPERIÂL  DE  L'OPERA. 

Débat  de  lllle  Tliércise  Vietjens  dans  tea  Xtttguenola . 

Voici  encore  une  de  ces  cantatrices  dont  la  renommée  et  la  fortune 
sont  faites  en  Europe,  et  qui  viennent  soumettre  leurs  titres  au  juge- 
ment du  public  parisien.  Faut-il  rappeler  en  peu  de  mots  le  glorieux 
passé  de  Mlle  Thérèse  Tietjens?  Née  à  Hambourg  le  17  juillet  1833, 
elle  manifesta  dès  ses  premiers  ans  de  rares  dispositions  musicales, 
et  c'est  pendant  qu'elle  étudiait  le  piano  que  se  révéla  sa  précoce 
vocation  de  cantatrice;  avec  l'ardeur  dont  l'avait  douée  la  nature, 
ses  progrès  furent  si  rapides  qu'avant  d'avoir  atteint  sa  dix -septième 
année,  elle  parut  à  Francfort  sur-leMein  dans  Freischutz,  Martha, 
le  Nozze  di  Figaro,  etc.  L'éclatant  succès  qu'elle  obtint  lui  valut 
une  série  d'engagements  pour  les  principales  scènes  d'Allemagne. 

Parvenue  au  théâtre  impérial  de  Vienne,  elle  s'y  maintint  pendant 
six  années,  et  ne  le  quitta  que  pour  celui  de  Sa  Majesté  à  Londres, 
lorsque  M.  Lumley  l'y  appela,  comme  l'héritière  désignée  des  Jenny 
Lind  et  des  Piccolomini.  Au  mois  d'avril  1858,  Mlle  Tietjens  se  pro- 
duisit dans  les  Huguenots  et  chanta  ce  même  rôle  de  Valentine, 
qu'elle  a  choisi  pour  ses  débuts  chez  nous.  Le  théâtre  changea  de  di- 
rection, mais  Mlle  Tietjens  en  demeura  le  plus  solide  appui;  elle  se 
montra  successivement  dans  tous  les  opéras  dont  se  compose  son 
riche  répertoire  :  Fidelio,  Il  Trovatore,  Lucrezia  Borgia,  I  Purilani, 
Martha,  Freischutz,  Oberon,  Faust,  Don  Giovanni,  Robert  le  Diable, 
le  Prophète,  Ernani,les  Vêpres  siciliennes ,  le  Nozze  di  Figaro,  Lucia 
di  Lammennoor,  Un  Ballo  in  Maschera,  Don  Pasquale,  Nortna,  Se- 
miratnide. 

Dans  la  musique  sacrée,  d'une  importance  si  grande  en  Angle- 
terre, dans  les  oratorios  de  Haendel,  Haydn,  Mendeissohn,  que  l'on 
exécute  périodiquement  aux  solennités  de  musique  sacrée,  Mlle  Tiet- 
jens s'est  conquis  une  suprématie  non  moins  élevée  qu'au  théâtre. 


Pour  la  fameuse  commémoration  du  centième  anniversaire  de  Haen- 
del, quatre  à  cinq  mille  voix  avaient  été  réunies  au  Crystal  Palace, 
et  l'organe  sonore  de  la  cantatrice,  dominant  les  masses,  pénétrant 
jusqu'aux  extrémités  de  la  vaste  enceinte,  sortit  victorieux  d'une 
lutte  de  trois  journées. 

Telles  sont  les  conditions  dans  lesquelles  l'artiste  favorite  de  l'Al- 
lemagne et  de  l'Angleterre  s'est  présentée  à  nous.  Comme  Jenny 
Lind,  elle  n'a  pas  dit  avec  orgueil,  en  parodiant  Hamtet  :  «  France 
not  delighls  me,  nor  ihe  French  too.  »  Tout  au  contraire,  elle  a 
voulu  savoir  ce  que  penserait  d'elle  et  de  son  talent  un  public  qui 
ne  passe  pas  pour  manquer  d'intelligence,  qui  a  fait  bien  des  répu- 
tations et  en  a  défait  aussi  beaucoup  d'autres.  Elle  est  venue  franche- 
ment, loyalement  réclamer  nos  suffrages  et  se  livrer  à  nos  critiques; 
elle  a  d'avance  annoncé  qu'elle  jouerait  quatre  fois  de  suite  le  rôle 
de  Valentine,  des  Huguenots.  Quatre  fois  !  comprenez-vous  bien? 
Cela  signifie  que  n'ignorant  pas  les  périls  de  l'entreprise,  ne  se  dissi- 
mulant aucun  de  ses  hasards,  elle  n'a  pas  consenti  a  être  jugée  dé- 
finitivement le  premier  jour  :  allemande  de  naissance,  anglaise 
d'adoption,  elle  a  demandé  à  ses  juges  français  le  temps  de  se 
reconnaître,  de  s'acclimater,  et  quatre  audiences  ne  lui  ont  pas 
semblé  de  trop  pour  que  sa  cause  fût  e.xpliquée,  entendue. 

Eh  !  bien,  nous  ferons  comme  Mlle  Tietjeus  l'a  désiré  :  nous  ne  pro- 
noncerons pas  aujourd'hui  sans  appel  ;  nous  n'entrerons  pas  dans  de 
minutieux  détails  d'examen  et  d'analyse,  mais  nous  énoncerons  som- 
mairement notre  opinion.  Oui,  Mlle  Tietjens  est  une  artiste  d'élite, 
qui  n'a  rien  usurpé  de  ses  brillants  et  nombreux  succès.  C'est  une 
des  plus  franches  et  vigoureuses  organisations  de  cantatrice  et  d'ac- 
trice que  nous  ayons  rencontrées.  Sa  voix,  un  peu  fatiguée  dans  le 
médium,  a  dans  les  cordes  hautes  une  ampleur  et  une  force  qui  sa- 
tisfont pleinement  l'oreille.  Elle  chante  facilement,  largement,  mais 
peut-être  a-t-ellele  défaut  de  pluscomptersurl'inspirationque  sur  l'art, 
sur  la  puissance  que  sur  la  méthode,  et  de  manquer  de  ce  fini,  dont 
nous  ne  saurions  faire  grâce  à  nos  artistes.  Comme  actrice,  elle  n'a 
aucun  parallèle  à  redouter  ;  ses  gestes  sont  excellents,  ses  poses  ex- 
pressives, et  la  souplesse  de  ses  mouvements  se  prête  aux  nuances 
les  plus  variées.  Si  l'on  avait  pu  l'apprécier  dans  le  grand  duo  du 
troisième  acte,  sauf  quelques  accidents  dont  l'émolion  est  responsa- 
ble, le  quatrième  acte  devait  lui  être  bien  plus  favorable  encore.  Elle 
a  supérieurement  chanté  la  l'omance  que  trop  souvent  on  s'est  permis 
de  supprimer,  et  dans  le  duo  avec  Raoul,  duo  qui  vaut  tout  un  opéra, 
elle  s'est  placée  au  niveau  des  meilleures  interprètes  de  cet  admi- 
rable rôle  de  Valentine,  colombe  passionnée  élevée  dans  un  nid 
d'aigle. 


274 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


De  l'exécution  entière  du  chef-d'œuvre  nous  aimerions  à  parler 
longuement,  mais  il  faut  bien  obéir  aux  lois  du  temps  et  de  l'espace. 
Ce  que  nous  dirons  du  moins,  c'est  que  jamais  la  musique  du  grand 
maître  ne  nous  a  causé  plus  d'émotion  ;  c'est  que  jamais  nous  n'avons 
mieux  senti  jusqu'à  quel  point  le  génie  musical  peut  s'imposer  à  une 
page  d'histoire,  et  se  l'incorporer  de  telle  façon  que  désormais  toute 
séparation  devienne  impossible.  Nulle  part  ailleurs  la  Saint-Barthé- 
lémy n'est  plus  vivante  qu'à  l'Opéra  :  les  Huguenots  ont  surpassé 
tous  les  tableaux  et  tous  les  livres. 

Rendons  aussi  bonne  justice  aux  artistes  qui  escortaient  Mlle  Tiet- 
jens.  Le  premier,  c'est  Gueymard,  qui  n'a  pas  failli  à  sa  mission  dans 
le  rôle  de  Raoul.  Il  ne  faut  pas  moins  de  courage  que  de  voix  pour 
soutenir  un  tel  rôle,  et  Gueymard  s'est  habilement  servi  de  l'un  pour 
suppléer  dans  un  ou  deux  moments  aux  défaillances  de  l'autre.  Faure 
avait  une  lûche  bien  plus  aisée  :  le  rôle  de  ISevers  n'est  qu'un  jeu 
pour  un  artiste  de  sa  valeur,  il  n'a  que  peu  de  phrases  à  dire,  mais 
il  en  dit  quelques-unes  avec  tant  de  charme  et  de  maestria,  que  des 
bravos  unanimes  les  ont  fort  justement  saluées;  Obin  et  Cazaux  méritent 
aussi  plus  qu'une  mention  dans  les  rôles  de  Marcel  et  de  Saint-Bris; 
Mlles  Hamakers  et  de  Taisy,  chargées  des  rôles  de  la  reine  et  du 
page  Urbain,  se  contenteront  de  la  mention  simple. 

Félicitons  chaleureusement  l'orchestre  et  son  nouveau  chef, 
Georges  Hainl.  C'est  comme  un  réveil  que  nous  avons  à  signaler 
dans  toute  la  région  instrumentale.  Chacun  y  marche  lestement  sous 
le  regard  du  musicien  dont  l'expérience  égale  le  zèle.  Le  solo  de  ia 
viole  (l'amour  a  été  joué  comme  si  l'illustre  compositeur  eût  été  pré- 
sent. La  danse  n'a  pas  voulu  non  plus  rester  en  arrière  :  Mlles  Beau- 
grand  et  de  Villiers  se  sont  montrées  des  plus  alertes.  Maintenant 
que  le  chef-d'oeuvre  a  repris  ses  allures  naturelles,  nous  ne  de- 
mandons qu'une  chose,  c'est  qu'on  s'y  tienne  et  qu'on  se  garde 
de  vouloir  encore  presser  le  pas. 

Paul  SMITH. 


THEATRE  IMPÉRIAL  DE  L'OPÉRA- COMIODE. 

XiSS  AMOVRiS  DU  DIABIiË, 

Opéra  en  quatre  actes,  paroles  de  M.  de  Saint-Georges, 

musique  de  M.  Albebt  Grisar. 

(Première  représentation  le  24  août.) 

C'est  le  11  mars  1853  que  cet  ancien  ballet,  transformé  en  opéra- 
comique  ,  fut  représenté  pour  la  première  fois  au  théâtre  Lyrique  du 
boulevard  du  Temple.  Il  réussit  :  mais  son  succès  ne  fut  pas,  ce 
semble,  en  proportion  des  frais  qu'avait  occasionnés  sa  mise  en 
scène.  Nous  souhaitons  vivement  que  l'Opéra-Comique  soit  plus 
heureux.  Les  auteurs,  éclairés  par  l'expérience,  et  peut-être  aussi 
par  la  critique,  l'ont  retouché,  l'ont  abrégé.  Ils  l'ont  allégé ,  notam- 
ment, d'une  grande  scène  fantasmagorique  oîi  Satan  appelait  à  grands 
cris  démons  et  diablesses  qui,  à  sa  voix,  sortaient  de  terre  par  des 
trappes,  et  venaient  se  ranger  autour  de  leur  souverain.  Cela  res- 
semblait un  peu  trop  à  l'évocation  des  nonnes,  au  troisième  acte  de 
Robert  le  Diable.  On  regrette  qu'ils  n'aient  pas  fait  de  même  pour 
la  dernière  scène  du  premier  tableau,  où  l'imprudent  Frédéric,  excité 
par  la  courtisane  Phcebé,  comme  Robert  par  Bertrarn,  perd  aux 
trois  dés  son  argent  comptant,  son  château,  ses  terres,  ses  vassaux, 
tout  ce  qu'il  possède,  puis  s'emporte,  et  dit  des  injures  aux  gagnants. 

11  est  dangereux  de  refaire  une  scène  déjà  faite,  et  le  librettiste 
met  ainsi  son  musicien  dans  la  situation  la  plus  incommode.  Le  mal- 
heureux est  obsédé  sans  cesse,  malgré  qu'il  en  ait,  pai  le  souvenir 
des  motifs  qu'a  trouvés  son  devancier,  des  procédés  qu'il  a  em- 
ployés, des  effets  qu'il  a  obtenus;  quand  ce  devancier  s'appelle 
Meyerbeer,  l'embarras  doit  être  grand,  et  le  malaise  intolérable.  On 


s'explique  sans  peine  que  l'imagination  d'un  musicien,  quel  que  soit 
d'ailleurs  son  mérite,  soit  opprimée  par  un  aussi  terrible  cauchemar. 

Les  Amours  du  Diable  ou  le  Diable  amoureux,  —  ce  premier  titre 
nous  paraît  bien  meilleur  que  le  second,  —  étant  un  ouvrage  suffisam- 
ment connu,  nous  ne  croyons  pas  nécessaire  de  raconter  aujourd'hui 
la  pièce,  ni  d'apprécier  en  détail  chaque  morceau  de  la  partition; 
il  nous  suffira  de  citer  les  plus  saillants.   C'est   d'abord,  au  second 
acte,  le  trio  du  chapeau,  oià  les  alternatives  de  chant  passionné  et 
de  chant  bouffe,  selon  que  Frédéric  porte  son  tricorne  sur  sa  tête 
ou  le  tient  dans  sa  main,  sont  très-spirituellement  conçues,  où  l'idée 
du  poëte  est  rendue  avec  beaucoup  de  bonheur.  Ce  contraste,  d'a- 
bord très-piquant,  revient  seulement,  à  notre  avis,  une  fois  de  trop, 
car  son  effet  doit  évidemment  s'émousser  un  peu  à. chaque  reprise. 
La  romance  de  Frédéric,  au  premier  acte  :  Batis  un  rêve  délicieux. 
est  pleine  de  charme  et    de   passion;   elle  a   été  bissée.  Le   même 
personnage  a  déjà  chanté  un  peu  auparavant  un  très-joli  couplet  : 
Quel  repas  charmant, 
Lorsque  tout  m'accable  ! 
Ah!  vraiment  le  Diable 
Est  fort  bon  enfant  1 

L'air  de  ce  diable  ou  diablotin ,  ou  plutôt  de  cette  diablotine, 
quand  elle  s'éprend  de  Frédéric,  est  mélodieux,  expressif,  et  forte- 
ment inspiré  ;  son  retour  produit  beaucoup  d'effet,  au  quatrième 
acte,  où  il  annonce  la  révolution  opérée  dans  le  cœur  de  la  diablesse, 
que  l'amour  élève  jusqu'au  dévouement  et  au  sacrifice.  En  général, 
la  musique  de  M.  Albert  Grisar  a  beaucoup  de  naturel  et  beaucoup 
de  grâce  ;  mais  les  situations  fortes  ne  ront  pas  son  fait.  On  dirait 
qu'il  sent  lui-même  que  dans  certaines  occasions,  —  et  le  livret  du 
Diable  amoureux  lui  en  offre  beaucoup  de  cette  espèce,  —  sa  main 
n'est  pas  assez  vigoureuse.  Il  y  supplée  comme  il  peut  avec  les  trom- 
bones. . .  Le  cuivre  jette  du  bruit  dans  la  salle,  mais  il  ne  donne  pas 
d'énergie  à  la  pensée. 

L'exécution  d'aujourd'hui  nous  a  paru  bien  supérieure  à  celle  d'il 
y  a  dix  ans.  M.  Talion,  le  Fi-édéric  d'autrefois,  criait  très-fort  ; 
M.  Capoul  chante  avec  beaucoup  de  grâce,  de  charme,  et  une  ex- 
pression très-passionnée,  quand  il  le  faut.  Mme  Galli-Marié  montre, 
dans  le  rôle  du  Diable  amoureux,  une  grande  intelligence  dramati- 
que. Gaie,  piquante,  tendre,  sardonique  ou  passionnée  tour  à  tour 
et  selon  l'occurrence,  elle  est  à  chaque  scène,  à  chaque  mot,  ce  qu'il 
faut  qu'elle  soit.  Elle  chante  comme  elle  joue,  avec  une  grande  va- 
riété d'intentions,  une  justesse  d'expression  qui  ne  se  dément  ja- 
mais, et  la  verve  la  plus  remarquable.  11  est  à  souhaiter  seulement 
qu'elle  perfectionne  sa  vocalisation,  qu'elle  rende  sa  voix  plus  égale, 
son  exécution  plus  légère,  qu'elle  adoucisse  ses  notes  élevées,  qu'elle 
ajoute  à  toutes  ses  qualités  de  cantatrice  une  qualité  de  plus  qui 
doublera  le  prix  de  toutes  les  autres  :  la  grâce. 

M.  Troy  n'a  qu'un  air  à  dire  dans  son  rôle  de  Beizébuih  :  il  le 
hurle  comme  un  diable  qui  a  la  rage.  Peut  être  a-t-il  raison.  Peut- 
être  chante-t-on  ainsi  en  enfer.  Nous  aimons  encore  mieux  le  croire 
que  d'y  aller  voir. 

De  son. côté,  M.  Barrielle  crie  comme  un  damné,  ce  qui  ne  va  pas 
trop  mal  à  un  pirate,  et  surtout  à  un  pirate  turc,  mais  ce  qui  est 
bien  peu  flatteur  pour  des  oreilles  chrétiennes. 

Mlle  Bélia  chevrote  beaucoup,  et  prononce  très-pou.  M.  Polel  et 
Mlle  Tuai,  chargés  de  rôles  secondaires,  s'en  acquittent  à  l'entière 
satisfaction  de  tout  le  monde. 

Mlle  Baretti  e  t  jolie  dans  le  rôle  de  Lilia  comme  dans  tous  les 
autres.  On  la  trouverait  plus  charmante  encore  si  elle  minaudait 
moins.  Si  sa  voix  est  faible,  elle  chante  avec  grâce.  Si  elle  pouvait 
prononcer  mieux,  s'animer,  s'échauffer  dans  l'occasion ,  se  pénétrer 
un  peu  plus  du  sens  de  ce  qu'elle  dit,  on  l'applaudirait  bien  davan- 
tage. —  Nous  entendons  par  on  le  public,  et  non  les  claqueurs. 

La  mise  en  scène  est  très-soignée,  les   costumes  splendides  ,  les 


DE  PARIS. 


275 


décors  dignes  de  la  répulation  des  habiles  artistes  qui  les  ont  faits. 
Tous  les  trucs  ont  manœuvré  sans  accident.  Seulement,  la  foudre 
qui  devait  frapper  le  Diable  amoureux  à  la  porte  de  la  chapelle,  est 
arrivée,  à  la  première  représentation,  quelques  minutes  trop  tard. 
Espérons  qu'on  l'aura  guérie  de  ces  distractions,  et  que  le  surlende- 
main elle  n'aura  plus  manqué  son  entrée. 

LÉON  DUROCHER. 


EFFETS  DES  CIRCONSTANCES 

sur  la  situation  actuelle   de  la  niusftiae,  an  iioiut  de 
fue  fie  la  comipositlon. 

CE  qu'il  vaudrait   faire  l'OUR  ASIÉLIORER  CETTE  SITUATION. 

(2=  article)  (1). 

L'esprit  révolutionnaire  a  faussé  le  sentiment  des  artistes  :  il  est 
seul  cause  de  leurs  égarements  et  de  l'abaissement  des  arts.  C'est 
lui  qui,  par  degrés,  a  fait  perdre  de  vue  en  musique  la  véritable 
notion  du  grand,  et  a  conduit  à  Vexafféré,  au  gigantesque  ;  c'est  lui 
qui  a  fait  substituer  la  manière  à  l'inspiralion  naïve;  c'est  lui,  enfin, 
qui  a  jeté  les  musiciens,  comme  les  peintres,  à  la  recherche  du 
nouveau,  leur  faisant  croire  que  faire,  par  système,  autrement  que  les 
grands  hommes  d'autrefois,  c'est  avoir  comme  eux  du  génie.  Que 
dis-je  ?  pour  les  impuissants  de  notre  temps,  ces  bonnes  gens  du 
passé  ont  eu  du  mérite  pour  le  temps  oii  ils  ont  vécu,  mais  le  mo- 
ment est  arrivé  oià  l'art  va  enfanter  des  œuvres  complètes  dignes  de 
l'admiration  de  tous  les  siècles  !  Car,  remarquez-le  bien,  c'est  tou- 
jours au  futur  que  se  placent  nos  artistes  :  l'œuvre  qu'on  termine,  ou 
plutôt  qu'on  ébauche,  est  enfin  la  résolution  du  problème  ,  et  quand 
elle  se  sera  révélée,  c'en  sera  fait  de  toutes  les  vieilleries  dont  on 
s'est  contenté  jusqu'à  ce  jour,  faute  de  mieux.  Les  adhérents,  les 
journaux  affldés,  annoncent  le  Messie  en  termes  hyperboliques  ;  on 
fait  grand  bruit  du  miracle  avant  qu'if  Soit  connu.  Peuple,  prosternez- 
vous,  car  voici  le  nouveau  monde  de  l'art  et  son  créateur  !  Ecoutez  !... 
—  On  écoute...  puis  une  nouvelle  déception  vient  s'ajouter  à  cent 
autres.  C'est  à  ce  résultat  qu'arrivent  inévitablement  les  aspirations 
de  l'esprit  révolutionnaire  qui  agite  l'humanilé  depuis  la  fin  du 
xviiie  siècle.  Jamais  on  n'a  tant  parlé  de  rénovation  ;  jamais  on  ne 
s'est  plus  éloigné  de  la  seule  chose  qu'il  soit  donné  à  l'homme  de 
créer  :  la  spontanéité  de  l'idée. 

Trouver  du  nouveau,  et  faire  de  l'effet,  sont  les  deux  préoccupa- 
tions incessantes  de  nos  artistes,  parce  que  ce  sont  les  deux  condi- 
tions que  leur  impose  leur  siècle  révolutionnaire.  Ils  ne  comprennent 
pas  que  l'alliance  de  ces  conditions,  au  point  de  vue  où  ils  se  placent, 
implique  contradiction  ;  car  la  nouveauté  de  l'idée  ne  peut  être  que 
le  fruit  de  l'imagination,  et  la  réalisation  de  l'effet  procède  du  souve- 
nir. L'effet  inattendu  est,  sans  aucun  doute,  adéquat  à  l'idée  ;  mais 
ce  n'est  pas  ainsi  que  l'entendent  les  musiciens  de  l'époque  actuelle  : 
pour  eux,  comme  pour  le  vulgaire,  c'est,  à  certain  moment  du  déve- 
loppement de  l'œuvre,  l'emploi  de  tel  rhythme  ou  de  telle  combi- 
naison sonore,  parce  que  l'impression,  Veffetqa'oa  veut  produire  n'est 
qu'une  sensation  physique.  Il  ne  s'agit  ni  de  toucher  le  cœur  ni  de 
satisfaire  l'intelligence,  mais  d'ébranler  le  système  nerveux.  Qu'on 
examine  avec  attention  ce  qui  se  passe  à  la  représentation  d'un 
opéra;  on  verra  que  dans  certaines  situations  dramatiques  l'émotion, 
l'enthousiasme  du  public  se  manifestent  par  des  applaudissements 
frénétiques  lorsque  le  compositeur,  arrivant  par  degrés  à  une  explo- 
sion vigoureuse  des  ressources  de  l'orchestre,  imprime  aux  nerfs  de 
son  auditoire  de  violentes  commotions  que  complète  la  puissance  du 
rhythme.  Qu'au  sortir  de  la  représentation,  on  lise  dans  la  partition 

(1)  Voir  le  n°  32. 


le  morceau  qui  a  produit  une  sensation  si  vive,  et  souvent  on  sera 
frappé  d'étonnement  de  n'y  trouver  que  des  lieux  communs  dont  tout 
le  mérite  réside  dans  l'expérience  acquise  des  effets  rhythmiques  et 
sonores.  11  est  si  vrai  que  Veffet,  dans  le  sens  qu'on  y  attache  au- 
jourd'hui, n'a  pas  d'autre  signification  que  la  sensation  nerveuse,  que 
lorsqu'un  directeur  de  théâtre  lyrique  imagine  de  remettre  à  la  scène 
d'anciens  ouvrages  devenus  célèbres,  son  premier  soin  consiste  à 
chu-ger  un  musicien  connu  de  fortifier  l'instrumentation,  et  surtout 
d'y  ajouter  des  cors,  des  trompettes,  des  trombones  et  des  timbales, 
parce  que,  dit-on,  l'ancienne  partition  ne  produirait  pas  d'effet  dans 
son  état  primitif.  C'est  ainsi  qu'on  a  déDguré,  alourdi,  gâté  Richard 
Cœur  de  lion,  le  Déserteur,  et  vingt  autres  opéras  qui  n'avaient  pas 
été  conçus  dans  ces  conditions  ;  mais  le  succès  a  prouvé  que  les  au- 
teurs de  ces  sacrilèges  avaient  bien  jugé  leur  temps. 

Les  aberrations  de  la  critique  concernant  la  nouveauté,  tant  dans 
les  idées  que  dans  la  forme,  n'ont  pas  été  moins  funestes  à  l'art 
que  la  recherche  de  l'effet  depuis  près  d'un  demi-siècle.  Les  artistes 
les  plus  heureusement  doués  n'ont  pas  échappé  à  leur  influence ,  se 
persuadant  que  l'extraordinaire  est  le  beau.  C'est  ainsi  que  Beetho- 
ven, arrivant  par  degré  au  dédain  des  œuvres  de  sa  première  ma- 
nière, où  le  charme  s'unit  à  l'originaUté  nati'relle  ,  se  jette,  dans  la 
seconde,  à  la  recherche  des  développements  de  la  forme  et  les  exa- 
gère. Puissant  génie  de  création,  il  y  découvre  des  trésors  de  nou- 
veautés ;  mais  les  succès  qu'il  obtient  le  poussent  de  plus  en  plus 
à  la  recherche  de  l'inusité,  dont  le  résultat  est  sa  nébuleuse  troisième 
manière ,  dans  laquelle  l'inspiration  libre  et  pure  va  s'affaiblissant 
progressivement.  De  grandes  beautés  se  trouvent  encore  dans  les 
œuvres  de  cette  dernière  période  de  la  carrière  de  cet  homme  illus- 
tre ;  mais,  plus  souvent,  le  vague  de  la  pensée  devient  évident  ;  l'ef- 
fort se  trahit  partout,  et  la  bizarrerie  sans  charme  y  succède  à  l'ori- 
ginalité spontanée.  Oulibicheff  a  désigné,  avec  beaucoup  de  justesse, 
par  le  nom  de  chimère  ,  le  penchant  qui  portait  alors  Beethoven  à 
pousser  l'art  dans  des  voies  qui  ne  sont  pas  les  siennes. 

Mendelssohn,  grand  musicien,  dont  l'individualité  de  sentiment  et 
d'inspiration  ne  peut  être  révoquée  en  doute,  bien  que  la  portée  de 
son  génie  n'égale  pas  celle  des  grands  maîtres  dont  il  fut  le  succes- 
seur; Mendelssohn,  dis-je,  n'a  pas  échappé  à  l'influence  des  préjugés 
de  son  temps  sur  la  nécessité  de  rénovation  de  la  musique.  Inces- 
samment préoccupé  de  la  crainte  de  tomber  dans  ce  qu'il  appelait 
le  commun,  il  évite  avec  soin  la  cadence  de  terminaison  des  phrases 
par  la  modulation,  faisant  à  chaque  instant  élision  de  deux,  trois, 
quatre  phrases,  par  le  même  procédé,  et  n'arrivant  en  quelque  sorte 
qu'à  regret  à  la  conclusion  finale.  On  a  reproché  à  Mendelssohn  de 
manquer  de  variété;  ce  défaut  n'a  pas  d'autre  cause  que  sa  recherche 
de  la  nouveauté  en  ce  sens,  laquelle  avait  fini  par  devenir  le  carac- 
tère distinr.tif  de  son  talent. 

Robert  Schuinann  est  un  des  exemples  les  plus  significatifs  des 
égarements  où  peut  entraîner  la  funeste  recherche  systématique  de 
la  nouveauté  dans  la  musique.  Doué  d'un  sentiment  distingué  de  mé- 
lodie mélancolique,  il  ne  le  laissait  se  produire  sans  contrainte  que 
dans  les  petites  choses  auxquelles  il  n'attachait  pas  d'importance.  Ses 
Lieder  sont  charmants,  et  dans  quelques  pièces  pour  piano  seul,  il  a 
mis  un  charme  inexprimable;  mais  dans  les  grandes  compositions 
telles  que  ses  symphonies,  ouvertures,  concertos,  quatuors,  cantates, 
la  recherche  de  la  nouveauté  le  jette  dans  la  bizarrerie,  l'indécision 
de  la  pensée  et  de  la  forme,  et  fait  disparaître  de  ses  productions 
les  deux  qualités  essentielles,  à  savoir  le  charme  et  la  clarté.  Il  est 
juste  de  faire  exception  à  cet  égard  pour  son  quintette  de  piano  et 
instruments  à  cordes,  où  se  trouvent  des  parties  vraiment  belles , 
particulièrement  un  adagio  d'un  sentiment  exquis.  A  Paris,  comme  à 
Bruxelles,  la  musique  de  Schumann,  à  part  quelques  Allemands  isolés, 
n'a  pas  trouvé  de  partisans  chez  les  artistes,  et  a  provoqué  l'ennui 
et  le  dégoût  dans  le  public  :  il  n'en  est  pas  de  même  en  Allemagne, 


276 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


particulièrement  en  Prusse  et  en  Saxe.  Les  défauts  qui  la  rendent 
antipathique  aux  Français  sont  précisément  la  cause  des  succès  qu'elle 
obtient  à  Berlin,  à  Dresde  et  à  Leipzig.  Ainsi  que  je  l'ai  dit  dans 
mon  premier  article ,  tant  que  Mendelssohn  vécut ,  l'enthousiasme 
qu'inspiraient  ses  œuvres  aux  Allemands  laissa  dans  l'ombre  les  pro- 
ductions de  Schumann.  L'âme  d'artiste  de  celui-ci  en  souffrit;  il 
éprouva  le  besoin  de  ramener  l'attention  de  ses  compatriotes  sur  ses 
vues  esthétiques  et  fonda  la  nouvelle  Gazette  musicale  de  Leipzig,  où 
ses  doctrines  furent  exposées  avec  une  certaine  originalité  de  style. 
Un  parti  se  forma  alors  pour  lui,  mais  peu  nombreux  en  comparai- 
son de  celui  des  admirateurs  de  l'auteur  de  Paulus  et  d'Elias.  La 
domination  de  Mendelssohn  ne  cessa  que  par  sa  mort,  suivie  presque 
immédiatement  par  les  orages  révolutionnaires  de  1848  et  de  IB^Q, 
qui  mirent  en  péril  l'existence  de  l'empire  d'Autriche,  des  royaumes 
de  Prusse  et  de  Saxe,  ainsi  que  de  toutes  les  principautés  de  l'Alle- 
magne. Ce  fut  le  commencement  de  la  vogue  obtenue  par  les  œu- 
vres de  Schumann  dans  les  années  suivantes,  et  qui  s'est  accrue  pro- 
gressivement dans  la  proportion  de  l'affaiblissement  de  l'enthousiasme 
pour  les  productions  de  son  rival. 

Cette  époque  de  l'explosion  révolutionnaire  de  l'Allemagne   (1848) 
est  remarquable  et  digne  d'attention  au  point  de  vue  de   la  musi- 
que, car  elle  inaugura  les  nouvelles  et  déplorables  tendances  qui  s'y 
sont  manifestées  dans  le  public  et  chez  les  artistes.  Antérieurement, 
M.  Wagner,  alors  maître  de  chapelle  du  roi  de  Saxe,  avait  fait  jouer 
à  Dresde  Rienzi,  son  premier  opéra.  Conçu  dans  un  ordre  d'idées 
analogue  aux  drames  de  Charles-Marie  de  Weber,  cet  ouvrage  avait 
été  bien  accueilli  par  la  population  saxonne.  11  n'en  fut  pas  de  même 
du  Hollandais  volant  (le  vaisseau  fantôme),  composition  dans  laquelle 
le  musicien  novateur  avait  abordé  résolument  son  système   de   ré- 
forme et  que  le  sentiment  public  repoussa.  Après  ce  premier  essai 
vint  Tannhœser,  dont  la  chute  fut  décidée  à  la  première  représen- 
tation, bientôt  suivie  de  la  révolution  qui  chassa  le  roi   de  Saxe  de 
sa  capitale.  Compromis  dans  cette  bagarre,  M.  Wagner  fut  obligé  de 
fuir,    lorsque  le  roi  rentra  à  Dresde  avec  le  secours  de  l'armée  prus- 
sieiane.  Retiré  à  Zurich,  l'auteur  de  Tannhœser  y  fut  entouré  du  parti 
démocratique,  qui  le  considérait  comme  un  martyr  de  sa  cause.  Ce- 
pendant ce  ne  fut  point  par  là  qu'il  se  releva  d'abord  comme  musi- 
cien ;  Liszt  seul  a  tout  fait  pour  la  résurrection  de  la  musique  de 
Wagner,  et  la  petite  cour  du  grand-duché  de  Saxe-Weimar  a  été  le 
refuge  de  l'œuvre  révolutionnaire.  On  y  enrôla  sous  sa  bannière  de 
jeunes  artistes,  des  journalistes  et  des   femmes   du  monde.  Le  mo- 
ment était  favorable,  car  le  levain  des  révolutions  était  partout,  et  le 
désir  de  l'innovation,  à  quelque  prix  que  ce  fût,  agitait  les  têtes  rê- 
veuses d'outre-Rhin.  De  là  lès  applaudissements   frénétiques  prodi- 
gués à  Tannhœser  et  à  Lohengrin  dans  beaucoup  de  villes  de  second 
et  de  troisième  ordre,  et  même  à  Vienne.  En  vain,    quelques  con- 
naisseurs, fidèles  au  sentiment  de  l'art  digne  de  ce  nom,  ont-ils  fait 
remarquer   que,    laissant  à  part  les  atteintes  brutales  portées  à  ce 
même  art  par  ces  conceptions  monstrueuses,  elles  ont  le  défaut  ca- 
pital d'être  profondément  ennuyeuses,  et  que  le  ridicule  y  est  en- 
core plus  saisissant  que  l'absence   d'idées  musicales  ;  ces  critiques 
sensées  n'ont  pas  eu  d'écho   dans  un  monde  qui,  fatigué   du   beau, 
s'est  dit  :  Voici  autre  chose!  On  ne  peut  en  douter,   c'est  là  qu'est 
le  principe  de  ces  succès  qui  sont  la  honte  de  notre  siècle  ;  je  n'en 
veux  pour  preuve  que  le  livre  d'un  philosophe  allemand  que  je  viens 
de  lire,  et  qui  a  pour  titre  :  Esthétique  du  laid.  L'auteur   y  établit 
d'une  manière  sérieuse  que  Vacjréable  (confondu  par  lui  avec  le  beau) 
a  été  si  longtemps  l'objet   des  travaux  des  artistes,  qu'il  est  temps 
de  rechercher  si  les  difformités  physiques  et  morales  n'ont  pas  leur 
côté  poétique  ;  c'est  cette  même  recherche  qui  a  été  le  sujet  de  son 
livre,  où  les  paradoxes  les  plus  absurdes  sont  accumulés  pour  dé- 
montrer que,  dans  cet  ordre  de  faits  et  d'idées,  il  y  a  une   source 
abondante  de  nouveautés  à  exploiter  pour  le  talent.  Je  ne  crois  pas 


nécessaire  de  commenter  une  pareille  théorie,  qu'on  peut  considé- 
rer comme  le  dernier  mot  du  réalisme. 

Peut-être  m'objectera-t-on  qu'il  est  un  monde  d'élite  où  de  pareils 
égarements  ne  se  produisent  pas,  parce  qu'ils  ne  peuvent  se  rencon- 
trer que  chez  les  organisations  grossières  du  vulgaire  ;  toutefois  les  per- 
sonnes qui  m'opposeraient  celte  exception  seraient  elles-mêmes  dans 
l'erreur  ;  car  c'est  dans  le  monde  aristocratique  le  plus  cultivé  que  se  sont 
trouvés  les  protecteurs  les  plus  dévoués  des  nouvelles  tendances  mu- 
sicales, ou  plutôt  antimusicales.  J'ai  dit  plus  haut  l'accueil  bienveil- 
lant fait  aux  productions  de  Richard  Wagner  par  la  cour  de  Wei- 
mar,  dont  les  princes  ont  cultivé  la  musique  avec  succès.  On  sait 
aussi  quel  patronage  dévoué  Mme  de  Metternich  accorda  à  l'au- 
teur du  Tannhœser  et  à  ses  ouvrages.  Mme  de  Kalergi,  dont 
le  talent  ferait  honneur  à  un  artiste,  ne  le  considère  pas  seulement 
comme  un  compositeur  de  génie,  mais  comme  le  Messie  de  la  nou- 
velle musique,  et  les  journaux  nous  ont  appris  avec  quelle  magnifi- 
cence S.  A.  I.  madame  la  grande-duchesse  Hélène  de  Russie  a  té- 
moigné son  admiration  à  ce  messie  du  laid. 

Je  prie  mes  lecteurs  de  fixer  leur  attention  sur  la  situation  morale 
d'un  jeune  compositeur  à  l'aurore  de  sa  carrière,  se  trouvant  en 
face  de  pareilles  tendances,  particulièrement  en  Allemagne  et  dans 
les  régions  du  Nord  !  Je  le  suppose  heureusement  doué  des  qualités 
nécessaires  :  qu'en  fera-t-il?  Entrera-t-il  en  lutte  avec  son  époque? 
A  peine  le  génie  de  Mozart  y  suffirait-il.  D'ailleurs  il  est  à  peu  près 
impossible  que  son  caractère  ait  assez  d'énergie  et  ses  convictions 
assez  de  fermeté  (eût-il  la  puissance  du  talent),  pour  n'être  pas  en- 
traîné d'une  part  par  l'exemple,  de  l'autre  par  le  désir  du  succès. 
Bramhs,  de  Hambourg,  m'offre  à  cet  égard  un  exemple  qui  doit  être 
cité  ici.  A  peine  sorti  de  l'enfance,  il  fit  entendre  une  sonate  de  sa 
composition  à  Liszt,  qui,  frappé  de  sa  belle  organisation,  donna  à 
sa  famille  le  conseil  de  confier  son  éducation  de  compositeur  à 
Schumann.  Dans  son  admiration  pour  les  facultés  de  son  nouvel  élève, 
ce  musicien  rêveur  annonça,  par  un  article  inséré  dans  la  nouvelle 
Gazette  musicale  de  Leipsig,  qu'un  second  Mozart  était  né  pour  la 
gloire  de  l'Allemagne.  On  comprend  comment  Schumann  pouvait  être 
le  guide  d'un  musicien  adolescent;  convaincu,  comme  il  devait  l'être, 
de  la  bonne  issue  de  la  voie  où  lui-même  s'était  engagé,  il  y  poussa 
son  élève,  et  celui-ci  ne  put  douter  que  cette  voie  ne  fût  la  meilleure, 
lorsque  l'expérience  lui  eut  démontré  que  le  goût  général  dans  sa 
patrie  s'accordait  avec  l'enseignement  qui  lui  avait  été  donné.  Ainsi 
qu'il  arrive  presque  toujours,  Brahms  a  dépassé  son  maître  dans  ses 
erreurs:' sa  pensée,  qui  d'abord  eut  de  la  clarté,  s'est  obscurcie  par 
degrés  ;  le  naturel  et  la  grâce  en  ont  disparu  ;  enfin  tout  ce  qu'il 
produit  aujourd'hui  est  évidemment  le  fruit  de  pénibles  recherches, 
dans  lesquelles  je  crois  pouvoir  affirmer  qu'il  n'a  pas  lui-même 
conscience  de  ce  qu'il  veut  faire.  Or,  cette  même  musique  a,  au 
moment  où  j'écris,  des  admirateurs  fanatiques  dans  toute  l'Alle- 
magne. 

Où  s'arrêteront  ces  égarements  ?  11  est  maintenant  impossible  de 
le  prévoir  ;  car,  suivant  l'opinion  de  beaucoup  de  jeunes  musiciens 
allemands,  la  musique  ne  doit  pas  être  un  art,  parce  que  l'art  sup- 
pose l'observation  de  certaines  règles  que  le  génie  ne  peut  admettre. 
Le  génie  (celui  de  ces  messieurs)  est,  par  sa  nature,  parfaitement 
indépendant,  et  n'a  d'autres  règles  que  celles  qu'il  s'impose  lui-même. 
Les  expressions  goût,  charme,  grâce,  ne  peuvent  plus  avoir  de  sens 
depuis  que  la  musique  s'est  affranchie  de  ses  gothiques  entraves, 
et  marche  librement  dans  sa  nouvelle  voie. —  Il  faut  les  entendre 
lorsqu'ils  parlent  des  grands  maîtres  d'un  autre  temps  :  Beethoven 
même  n'a  été  que  le  commencement  de  la  réforme  ;  les  préjugés  de 
son  éducation  l'ont  empêché  d'atteindre  le  but.  De  Haydn  et  de  Mo- 
zart il  ne  faut  plus  parler.  Un  de  ces  extravagants,  grand  mécanicien 
sur  le  clavier  du  piano,  nous  disait  il  y  a  peu  de  temps  :  «  Quand 


DE  PARIS. 


277 


je  joue  de  mon  instrument,  je  prends  au  hasard  un  cahier  dans 
ma  bibliothèque  de  musique;  s'il  contient  des  œuvres  de  Mozart 
je  le  rejette  avec  dégoût.  » 

FÉTIS  père. 
[La  suite  prochainement.) 


REVUE  DES  THÉÂTRES. 

Vajuétés  :  La  Chanson  de  la  Marguerite,  comédie-vaudeville  en 
deux  actes,  par  MM.  Delacour  et  Thiéry  ;  Dans  mes  meubles,  vau- 
deville en  un  acte,  par  M.  Jules  Prével  ;  reprise  du  Chevreuil.  — 
Gaité  :  Peau-d'Ane,  grande  féerie  en  vingt  tableaux,  par  MM-  Van- 
derburch,  Laurencin  et  Clairville. 

Après  un  assez  long  chômage,  provoqué  par  l'intensité  des  chaleurs 
que  nous  venons  de  subir,  les  théâtres  commencent  à  donner  signe 
de  vie.  Ceux  qui  sont  restés  ouverts  renouvellent  leurs  affiches,  ou, 
tout  au  moins,  se  préparent  à  les  varier  prochainement;  ceux  qui 
sont  fermés  annoncent  leur  réouverture.  La  rude  besogne  qu'ils  nous 
taillent  nous  fait  donc  un  devoir  de  déblayer  le  terrain,  quelque 
stérile  qu'il  soit  encore. 

Toute  la  récolte  de  la  quinzaine  se  borne  en  effet  à  deux  pièces 
nouvelles  aux  Variétés  et  une  féerie  à  la  Gaîté.  Pour  procéder  par 
ordre,  disons  d'abord  un  mot  des  deux  vaudevilles  du  boulevard 
Montmartre.  La  Chanson  de  la  Marguerite  reporte  notre  pensée  aux 
jolis  couplets  que  Mlle  Darcier  chantait  dans  le  Val  d'Andorre.  Il 
m'aime  un  peu.. .  beaucoup. . .  passionnément. . .  pas  du  tout.  Quelle 
est  la  jeune  fille  qui  peut  se  vanter  de  n'avoir  jamais  fredonné  in 
petto  ce  refrain  entaché  d'une  populaire  superstition?  La  Margue- 
rite des  Variétés  ne  s'en  cache  pas,  elle.  C'est  une  jeune  et  gentille 
ouvrière  qui  est  courtisée  de  très  près  par  un  compatriote,  égaré 
comme  elle  dans  le  labyrinthe  parisien  et  menant  la  vie  à  grandes 
guides.  Lucien  est  peut-être  de  bonne  foi  dans  son  amour  pour  Mar- 
guerite, mais  l'existence  qu'il  a  adoptée  et  qui,  des  frais  ombrages 
de  Mabille  le  conduit  tout  droit  à  la  retraite  forcée  de  Clichy,  offre 
peu  de  garanties  pour  l'avenir  de  l'ouvrière.  Aussi,  influencée  par  la 
chute  fatale  de  sa  chanson  qu'elle  interroge  en  désespoir  de  cau^e, 
se  décide-t-elle  à  chasser  de  son  cœur  l'image  de  Lucien  pour  y 
substituer  celle  de  Cocavoine,  une  espèce  de  chien  de  Terre-Neuve, 
qu'elle  trouve  toujours  sur  ses  pas,  tout  prêt  à  se  dévouer  pour 
elle.  La  pointe  de  sentiment  que  ce  rôle  comporte  et  qu'on  est  si 
peu  habitué  à  rencontrer  dans  les  vaudevilles  des  Variétés,  n'a  pas 
empêché  la  Chanson  de  la  Marguerite  d'avoir  des  partisans  zélés  et 
convaincus.  Il  est  vrai  que  Mlle  Judith  Ferreyra,  cette  éternelle  enfant 
prodigue  qu'on  ne  se  lasse  pas  de  voir  revenir  frapper  à  la  porte  du 
logis  paternel,  est  charmante  sous  les  traits  de  l'ouvrière  Marguerite, 
et  que  Charles  Perey  lui  donne  très-convenablement  la  réplique  dans 
le  rôle  de  Cocavoine. 

Le  second  vaudeville  est  de  M.  Jules  Prével  et  s'appelle  :  Dans 
mes  meubles.  C'est  un  agréable  lever  de  rideau  qui  tend  à  prouver, 
de  la  façon  la  plus  paradoxale,  qu'il  vaut  mieux  habiter  en  garni 
que  dans  ses  meubles,  vu  que  les  soucis  de  la  propriété  empoisonnent 
cruellement  les  jouissances  du  propriétaire.  Si  les  meubles  qui 
ornent  votre  appartement  n'étaient  pas  à  vous,  combien  peu  vous 
vous  inquiéteriez  des  accidents  qui  peuvent  les  détériorer,  ou  des 
soins  à  prendre  pour  les  conserver  dans  tout  leur  lustre!  Mais,  à 
ce  compte-là,  comme  il  n'y  a  pas  au  monde  de  possession  qui  n'ait 
ses  petits  inconvénients,  où  irions-nous,  grand  Dieu  !  avec  le  para- 
doxe de  M.  Jules  Prével?  Ce  sont  de  ces  jeux  d'esprit  dont  on 
s'amuse  pendant  une  heure,  mais  qu'on  ne  prend  pas  au  pied  de  la 
lettre. 

La  reprise  du  Chevreuil  nous  fournit  l'occasion  de  payer  un  juste 
tribut  de    regrets  à  la   perte  de  Lassagne,  ce   joyeux  successeur 


d'Odry,  pour  qui  cet  ancien  vaudeville  avait  été  pour  ainsi  dire  un 
triomphe  in  extremis.  C'est  aujourd'hui  Dupuis  qui  le  remplace,  et 
qui  a  trouvé  moyen  de  s'y  faire  applaudir  sans  l'imiter. 

—  Quoiqu'il  y  ait  eu  déjà  une  Peau-d'Ane  à  la  Porte-Saint-Mar- 
tin en  1838,  il  y  a  peu  de  rapports  entre  cette  pièce  et  la  splendide 
féerie  que  la  Gaîté  vient  de  représenter  avec  un  succès  des  plus 
éclatants.  C'étaient  pourtant  les  mêmes  auteurs,  moins  M.  Clairville, 
qui  avaient  fabriqué  celle  de  la  Porte-Saînt-Martin  ;  mais  à  cette  épo- 
que, la  direction  qui  avait  mis  à  la  scène  tous  les  beaux  drames 
de  Victor  Hugo  et  d'Alexandre  Dumas,  dont  on  ne  perdra  pas  de 
sitôt  la  mémoire,  n'en  était  pas  moins  aux  expédients,  et  l'état  de 
sa  caisse  ne  lui  permettait  pas  de  donner  à  une  féerie  les  vastes  pro- 
portions que  ce  genre  d'ouvrage  a  acquises  de  nos  jours.  Peau-d'Ane 
n'avait  donc  alors  que  neuf  tableaux,  et  ne  brillait  pas  trop  par  la 
magnificence  des  costumes  ni  des  décorations.  En  revanche,  MM.  Van- 
derburch  et  Laurencin  avaient  pris  exemple  sur  Mme  de  Maintenon, 
qui,  pour  dissimuler  l'absence  du  rôti,  faisait  à  ses  convives  les  hon- 
neurs d'une  histoire  piquante  et  spirituelle.  A  présent,  nous 
ne  voulons  pas  dire  que  l'adjonction  de  M.  Clairville  ait  fait  com- 
plètement disparaître  cette  qualité  précieuse  de  l'œuvre  primitive. 
Seulement,  par  un  effet  d'optique  assez  naturel,  ce  sont  les  richesses 
déployées  avec  une  véritable  profusion  par  la  direction  de  la  Gaîté, 
qui  priment  le  dialogue  et  les  couplets  de  la  féerie  nouvelle.  Au  lieu 
de  neuf  tableaux  on  en  compte  vingt,  c'est  assez  dire  la  différence 
qui  existe  entre  celle-ci  et  son  aînée.  Nous  n'avons  pas  à  raconter 
Peau-d'Ane,  en  dépit  de  l'encouragement  donné  à  cette  narration 
par  les  vers  de  la  Fontaine.  Nous  ferions  injure  à  nos  lecteurs  en  sup- 
posant qu'ils  ont  oublié  les  contes  dont  on  a  bercé  leur  enfance. 
Nous  nous  bornerons  à  leur  recommander  d'aller  voir  à  la  Gaîté 
comment  on  a  traduit,  nous  oserons  même  dire,  embelli  la  moralité 
de  Perrault.  Que  de  surprises  le  décorateur  leur  ménage,  depuis  le 
palais  de  l'âne  jusqu'à  la  grotte  d'azur,  aux  jardins  de  la  fée  Co- 
quette, aux  mines  de  diamants,  et  par-dessus  tout  à  ce  fameux 
aquarium  qui,  à  la  première  représentation,  a  excité  un  si  vif  en- 
thousiasme qu'il  a  fallu  que  M.  Chéret,  le  peintre,  vînt  recevoir  en 
personne  les  témoignages  de  l'universelle  satisfaction  de  la  foule. 

Il  y  a  beaucoup  de  musique  dans  cette  pièce,  et  nous  devons  des 
félicitations  à  M.  Fossey,  qui  l'a  arrangée  et  parfois  composée.  Les 
ballets,  montés  par  M.  Fuchs,  sont  fort  gracieux,  et  Its  danseuses, 
moitié  anglaises,  moitié  françaises,  sont  toutes  jolies.  Le  rôle  de  Peau- 
d'Ane,  ou  plutôt  de  Lilia,  créé  à  la  Porte-Saint-Martin  par  une  de- 
moiselle Blés,  bien  complètement  oubliée  aujourd'hui,  fait  ressortir 
la  beauté  d'une  débutante,  Mlle  Frasey,  dont  la  voix  est  en  outre  des 
plus  sympathiques.  Mlle  Alix  Tousez  ,  autre  débutante  non  moins 
bien  accueillie,  est  la  fille  de  cet  excellent  Alcide  Tousez ,  l'un  des 
comiques  les  plus  aimés  de  l'ancienne  troupe  du  Palais-Royal.  Du 
côté  des  hommes,  citons  Perrin,  Alexandre,  Gaspard,  et  un  ex-ar- 
tiste des  Bouffes-Parisiens,  Tayau,  qui,  partout  où  il  joue,  est  tou- 
jours condamné  à  exécuter,  dans  ses  rôles,  un  grand  air  de  violon.  II 
s'en  acquitte  assez  bien,  du  reste,  pour  qu'on  n'ait  pas  encore  à  re- 
gretter cette  persistance.  Somme  toute,  Peau-d'Ane  deviendra  archi- 
centenaire,  et  renouvellera,  au  square  des  Arts-et-Métiers,  le  fabu- 
leux succès  du  Pied  de  mouton  à  la  Porte-Saint-Martin. 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 

it*f.  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  lundi  le  Comte  Orij  et  Ci- 
selle.  —  Mercredi,  la  Favorite  et  Diavoiina.  —  Vendredi,  les  Huguenots 
pour  le  premier  début  de  Mlle  Titjens.  La  célèbre  cantatrice  chantera 
de  nouveau  demain,  mercredi  et  vendredi.  Samedi,  elle  repartira  pour 
Londres. 

»*:,,  La   deuxième  représentation   des  Amours  du  Diable  a  confirmé 


KKVLE  KT  GAZETTE  MUSICALE 


pleinement  le  succès  de  la  première;  la  salle  était  comble,  et  l'on  a  lé- 
gitimement applaudi  Mme  Galli-Marié,  Capoul  et  Mlle  Caretti. 

^*^  La  reprise  du  Caïd,  interprété  par  Mlle  Girard  et  Carrier,  qui  y 
continueront  leurs  débuts,  et  par  Eug.  BattaiUe,  doué,  dit-on,  d'une 
très-belle  voix  et  qui  débutera  dans  le  rôle  du  tambour-major,  aura  lieu 
mardi.  —  Le  cbarmant  ouvrage  d'Ambroise  Thomas  serait  précédé  de 
la  reprise  de  Joconde.  —  C'est  dans  le  Songe  d'une  nuit  d'été  que  Mlle  Mon- 
rose  fera  sa  rentrée  ;  Achard  chantera  le  rôle  de  Shakspeare. 

,*»  Presque  tous  les  journaux  s'occupent  des  modifications  introdui- 
tes par  le  nouveau  directeur  du  théâtre  italien  dans  les  aménagements 
intérieurs  de  la  salle  Ventadour,  des  pièces  qu'il  doit  jouer  et  ne  pas 
jouer,  des  artistes  qu'il  doit  avoir  et  qu'il  n'aurait  pas,  d'augmentation 
éventuelle  du  prix  des  places,  etc.,  etc.  Il  est  fort  difficile  de  discerner 
la  vérité  dans  tous  ces  on  dit  ;  aussi  nous  abstenons-nous  de  les  répé- 
ter. M.  Bagier,  s'il  ouvre  le  1"'  octobre,  ne  peut  tarder  à  publier  son 
programme  ;  on  saura  alors  positivement  à  quoi  s'en  tenir,  et  nous 
sommes  d'avance  persuadés  que  ce  programme  répondra  pleinement 
aux  exigences  du  public. 

»*^  L'administration  du  théâtre  impérial  Italien ,  voulant  modifier  le 
service  des  chœurs,  prie  les  artistes  qui  désireraient  en  faire  partie,  de 
se  présenter  à  !a  direction  de  11  heures  du  matin  à  i  heures  du  soir. 

»*,.  Nous  avons  fait  connaître  partiellement  les  engagements  faits  par 
M.  Carvalho  pour  la  saison  d'hiver.  Nous  donnons  aujourd'hui  la  liste 
complète  des  artistes  qui  composeront  son  nombreux  personnel.  Ce  sont: 
IMM.  Monjauze,  WorJni,  l'etit,  Ismaël,  Lutz,  Cabel,  de  Quercy,  Pilo,  Fe- 
ront, Girardot,  Gabriel,  Wartel,  Legrand,  Caillot,  Trillet,  Jiasson,  Guyot, 
Teste,  et  Mmes  Miolan-Carvalho,  Ugalde,  Charton-Demeur,  Faure-Lefèvre, 
Prunetti,  de  Slaesen,  Ebrard,  Bloch,  Mezeray,  Dubois,  Estagel,  Vie,  Wil- 
lème,  Reboux,  Doria,  Duclos,  Albretch,  Bayon,  Martin.  L'orchestre  con- 
tinuera à  être  dirigé  par  M.  Delolïre.  —  Mardi,  le  théâtre  Lyrique  de- 
venu, par  suite  de  la  subvention  qui  lui  a  été  accordée,  tliéàtre  impérial, 
fera  son  ouverture  par  la  1i6«  représentation  des  Noces  de  Figaro. 
Mme  Ugalde  chantera  Suzanne,  et  Mme  Miolan-Carvalho,  Chérubin.  Le 
rôle  de  la  comtesse  sera  chanté  par  Mlle  Brunetti,  une  étoile  de  l'école 
Duprez;  Petit  remplira  le  rôle  du  comte,  et  Lutz  débutera  par  celui  de 
Figaro.  —  Mercredi,  reprise  de  la  Statue,  d'Ernest  Reyer.  Monjauze  fera 
sa  rentrée  dans  le  rôle  de  Sélim,  qu'il  a  créé  avec  tant  d'éclat,  et 
Mlle  l'iosa  Bloch  débutera  dans  le  rôle  de  Margyane.  —  Mme  Faure-Le- 
fèbvre  reparaîtra  dans  son  joli  rôle  de  Denise  de  l'Epreuve  villageoise,  un 
de  ses  grands  succès  à  l'Opéra-Comique.  —  La  première  représentation 
des  Pécheurs  de  perles,  opéra  en  trois  actes,  de  M.  Georges  Bizet,  grand 
prix  de  Rome,  aura  lieu  dans  les  premiers  jours  de  septembre.  M.  Car- 
valho n'a  pas  attendu  l'effet  de  la  subvention  qui  lui  a  été  accordée 
pour  ouvrir  son  théâtre  à  un  lauréat  de  l'Institut.  L'opéra  de  M.  Bizet 
aura  pour  interprètes  :  Ismaël  et  Mlle  de  Maesen,  deux  artistes  déji 
connus  par  leurs  grands  succès  en  France  et  à  l'étranger,  et  le  ténor 
Morini,  qui  a  débuté  d'une  manière  si  brillante  dans  le  rôle  de  Faust. 
—  Puis  viendront /es  Troyens,  de  Berlioz,  chantés  par  Mme  Charton-De- 
meur, et  par  Monjauze  et  Petit.  Mireille,  de  Gounod,  avec  Mme  Miolan- 
Carvalho,  Morini  et  Ismaël  pour  principaux  interprètes.  En  attendant 
ces  deux  opéras  nouveaux,  le  théâtre  Lyrique  représentera  successive- 
ment les  grands  ouvrages  de  son  répertoire  :  la  Perle  du  Brésil,  la  Fan- 
chonnette,  la  Reine  Topaze,  Faust,  les  Dragons  de  Villars,  le  Val  d'Andorre, 
Oberon,  Joseph  et  le  Freijscliiitz,  qui  sera  rendu  au  public  dans  son 
intégrité. 

»*»  A  en  juger  par  la  lenteur  apportée  dans  la  reconstruction  de  la 
salle  des  Bouffes-Parisiens,  il  ne  paraît  pas  probable  que  ce  théâtre 
puisse  rouvrir  avant  le  milieu  ou  la  fin  de  novembre. 

,*,t  L'illustration  conquise  par  Scribe  pendant  sa  longue  carrière 
dramatique  ,  vient  d'être  consacrée  par  une  décision  du  Conseil  mu- 
nicipal de  la  Seine,  qui  donne  son  nom  à  la  prolongation  de  la  rue 
Mogador. 

»*<,  Les  journaux  italiens  annoncent  que  Mme  Ferraris  est  engagée 
pour  donner  douze  représentations  le  mois  prochain  au  théâtre  de  Pe- 
ruftia,  et  que  Mme  Rosina  Stolz  chantera  pendant  la  saison  d'automne  au 
théâtre  Victor-Emmanuel  à  Turin. 

**»  Charles  flallé ,  l'éminent  pianiste-compositeur  qui  s'est  fixé  en 
Angleterre,  mais  que  Paris  n'a  pas  oublié,  se  trouve  pour  quelques 
jours  ici. 

i*:j  Une  grande  partie  des  artistes  qui  composent  le  personnel  de 
l'opéra  italien  de  Saint-Pétersbourg  est  déjà  en  route  pour  la  Russie. 
Ce  personnel  conserve  ses  quatre  prime  donne  :  Mmes  Barbot,  Fioretti, 
Nantier-Didiée  et  Bernardi  ;  les  ténors  Tatnberlick  et  Calzolari,  auxquels 
on  a  joint  Ciuglini,  en  remplacement  d'Alessandro  Bettini  ;  les  barytons 
Graziani,  Everardi  et  Fortuna  ;  plus  Méo,  qui  chantait  à  l'opéra  russe; 
la  basse  Angelini  et  une  basse  bouffe,  Fioravanti,  nouvellement  engagé. 
La  réouverture  aura  lieu  vers  le  15  septembre. 

,*»  On  sait  que  la  femme  de  Dulaurens,  qui  passe  de  l'Opéra  au  théâ- 
tre de  Lyon,  est  une  danseuse  de  beaucoup  de  talent,  et  qu'elle  suit  en 
cette  qualité  son  mari  au  même  théâtre.  L'auteur  de  l'Etoile  de  Mes- 
sine, le  comte  Gabrielli,  vient  de  composer  pour  elle,  sur  un  scénario 
inédit  de  Mazillier,  la  musique  d'un  ballet  qui  lui  servira  de  début. 


^*,i.  Tous  les  amateurs  fervents  qui  suivent  les  séances  de  la  Société 
des  concerts  du  Conservatoire  applaudiront  à  la  décision  qu'elle  vient  de 
prendre  de  donner  à  l'avenir  quatre  concerts  supplémentaires  destinés 
à  ceux  qui,  ne  jouissant  pas  du  privilège  d'être  abonnés,  sont  privés  du 
plaisir  d'entendre  la  musique  classique  exécutée  avec  une  incomparable 
perfection.  Le  premier  de  ces  concerts  extraordinaires  aura  lieu  en  no- 
vembre, et  les  trois  autres  se  suivront  de  quinzaine  en  quinzaine.  La 
session  de  1864  commencera,  selon  l'usage,  le  deuxième  dimanche  de 
janvier. 

^*f,  Sur  la  proposition  de  M.  Bazin,  directeur  de  l'enseignement  du 
chant,  des  concours  entre  diverses  écoles  communales  de  la  ville  de 
Paris  viennent  d'être  institués  par  l'administration.  Ce  puissant  moyen 
d'émulation,  qui  n'avait  pas  encore  été  pratiqué  dans  nos  écoles  ,  con- 
tribuera, sans  aucun  doute,  aux  progrès  de  l'enseignement  musical. 
L'exécution  d'un  chœur,  des  questions  sur  la  théorie  musicale,  et  la 
lecture  à  première  vue  d'ua  solfège  à  plusieurs  voix  composaient  le 
programme  de  ce  concours,  qui  a  été  très-brillant.  Les  membres  du 
jury  étaient  MM.  Victor  Foucher,  président  de  la  commission  de  l'en- 
seignement du  chant;  le  général  Mellinet,  Ambroise  Thomas,  François 
Bazin,  Ermel,  Foulon,  Spennor  et  Danhauser. 

^•^,1,  L'éminent  pianiste  Jacques  Baur  a  quitté  Paris  pour  se  rendre  à 
Aix  (Savoie). 

^*^  A  l'occasion  des  récents  concours  du  Conservatoire  royal  de 
Bruxelles,  le  Guide  musical  faisait  remarquer  rexcellence  et  la  solidité 
des  pianos  de  la  maison  Erard.  Le  grand  piano  royal  qui  a  figuré  dans 
ces  concours  a  non -seulement  servi  à  l'exécution  des  morceaux  de  piano, 
interprétés  par  les  élèves  de  Slme  Pleyel,  de  MM.  Dupont  et  Steveniers, 
mais  encore  à  tous  les  accompagnements  des  solistes.  Pendant  huit  ou 
dix  jours  qu'ils  ont  duré,  ce  piano  ne  paraît  pas  avoir  été  accordé,  et 
cependant  le  son  est  demeuré  aussi  clair,  aussi  pur  le  dernier  jour  qu'il 
l'avait  été  au  début,  et  le  toucher  n'a  pas  subi  la  moindre  altération, 
malgré  les  efforts  que  les  accompagnateurs  ont  faits  parfois  pour  ne 
point  être  écrasés  par  le  double  quatuor.  C'est  prodigieux,  et  l'on  ne 
peut  pas  assez  faire  ressortir  des  qualités  aussi  précieuses  ! 

^*^  Le  concours  de  chant  d'ensemble  qui  a  eu  lieu  dimanche  23  aoiit, 
à  'fourcoing,  a  été  favorise  par  un  temps  superbe  ;  une  grande  quan- 
tité d'étrangers  y  était  venue,  empressée  d'entendre  les  Sociétés 
françaises  et  étrangères,  présentes  à  cette  solennité.  Le  concours 
des  sociétés  étrangères  était  présidé  par  M.  Ferdinand  Lavainne,  le 
concours  d'honneur  par  M.  Elwart.  Le  morceau  imposé  pour  la  divi- 
sion supérieure  était  intitulé  :  le  Réveil,  de  F.  Lavainne.  Bruges  et 
Yxelles  ont  partagé  le  premier  prix.  Dans  le  concours  d'honneur,  la  So- 
ciété royale  de  Bruges  a  chanté  le  Révetl  une  deuxième  fois  avec  un 
immense  succès,  qui  lui  a  valu  le  prix  unique  donné  par  l'Empereur. 
Parmi  les  sociétés  étrangères,  la  Lgre  ouvrière  de  Bruxelles  a  obtenu 
le  premier  prix  de  la  première  division.  Les  sociétés  françaises,  quoi- 
que moins  remarquables  que  les  sociétés  belges,  ont  cependant  e.xcité 
un  grand  intérêt.  L'Avenir,  société  de  Lille,  a  obtenu  le  premier  prix 
de  la  division  supérieure;  le  morceau  imposé  était  intitulé  :  sur  l'Eau, 
de  Gevaert;  il  a  été  parfaitement  inttj'prété.  Les  premiers  prix  de  la 
première  et  deuxième  division  ont  élé  remportés  par  l'Union  chorale  de 
Roubaix,  et  le  Cercle  musical  d'Iiazebrouok.  Ces  deux  concours  étaient 
présidés  par  M.  Denefve,  de  Mons. 

»*,(.  Nous  engageons  les  amateurs  à  aller  visiler  les  nouveaux  magasins 
de  pianos  que  MM.  Pape  et  C«  viennent  d'ouvrir  place  de  la  Bourse,  9. 
Outre  les  vastes  proportions  des  salons  qui  peuvent  contenir  jusqu'à 
cent  instruments,  et  leur  riche  décoration,  les  amateurs  trouveront 
dans  ce  bel  établissement  le  choix  le  plus  varié  de  pianos  de  tous  mo- 
dèles, de  tous  prix  et  de  la  facture  la  plus  soignée. 

^*^  Jeudi,  3  septembre,  fête  de  saint  Grégoire  le  Grand,  l'Association 
philanthropique  des  artistes  des  églises  de  Paris  fera  célébrer  â  11  heures 
précises  une  messe  solennelle  dans  l'église  Saint-Germain  l'Auxerrois. 
Cette  messe  sera  exécutée  en  plain-chant  et  à  l'unisson  par  soixante 
basses-tailles.  Les  soli  du  Credo  (de  Dumont)  seront  chantés  par  M.  Bar- 
bertéguy-d'Eyhéralde.  Legrand  orgue  sera  touché  par  M.  Vast.  A  l'élé- 
vation, un  0  Saluiaris  de  la  composition  de  M.  Renard  sera  chanté  par 
M.  de  Keghel,  avec  accompagnement  de  hautbois  (M.  Crasse,  de  l'Opéra) 
et  orgue  (M.  Vannson).  Le  produit  de  la  quête  est  destiné  à  la  caisse  de 
secours  de  l'Association. 

f*ji:  Un  nouveau  journal  de  musique  vient  de  se  fonder  à  Londres.  Il 
a  pour  titre  Ttie  choir  et  musical  record,  et  il  s'occupera  principalement 
de  musique  religieuse.  11  paraît  le  samedi  de  chaque  semaine  et  coûte 
un  penny.  Il  compte  au  nombre  de  ses  rédacteurs  M.  Edw.  Rimbault, 
MM.  Hopkins,  organiste,  Mac-Farren,  professeur  d'harmonie,  le  révérend 
F.  Smith,  etc.  Il  donnera  des  (ac-simile  de  musique  ancienne,  des  chœurs 
rares  ou  inédits  des  grands  maîtres,  etc.,  etc. 

^*^,  Le  concert  des  Champs-Elysées  vient  de  faire  entendre  une  nou- 
velle valse  du  comte  Maxirailien  Graziani,  compositeur  qui  jouit  d'un 
nom  justement  célèbre  en  Italie,  et  auquel  le  roi  Victor  Emmanuel  vient 
de  décerner  une  grande  médaille  d'honneur.  Le  comte  Graziani  a  déji 
reçu  ses  lettres  de  naturalisation  en  France,  par  le  succès  qu'ont  ob- 
tenu   ses   compositions   musicales,    et   particulièrement  la  Chasse   aux 


279 


Hirondelles,  intercalée  dans  le  ballet  DiavoUna.  Cette  nouvelle  valse, 
appelée  les  Cydopcs,  admirablement  exécutée  par  l'orchestre  de  M.  Ar- 
ban,  a  été  vivement  applaudie.  —  On  publie  aussi  en  ce  moment  une 
délicieuse  romance  d'Edouard  Plouvier,  dont  M.  Maximilien  Graziani  a 
fait  la  n-.usique.  Cette  romance  a  pour  titre  :  Les  Leçons  du  grand-ijapa. 
Nous  l'avons  entendu  chanter  par  M.  Ouidon,  et  cette  première  audi- 
tion lui  promet  un  grand  succès. 

:t*^  Le  Pré-Catelan  oÊfre  en  ce  moment  aux  Parisiens  une  triple  sé- 
duciion  qu'on  ne  saurait  trouver  nulle  part  ailleurs;  l'orchestre  de  sym- 
plionie  de  Musard,  toujours  si  remarquable  entre  tous  ;  les  ascensions 
aérostatiques  ;  et  ses  splendides  corbeilles  de  fleurs  si  fraîches  de  cou- 
leurs et  si  riches  de  parfums. 

^*^  M.  Delsarte  vient  de  perdre  un  fils  de  dix-neuf  ans  à  peine,  Xavier 
Delsarte,  qui  donnait  les  plus  belles  espérances  pour  l'art  dramatique, 
auquel  il  appartenait. 

^*^  Le  ténor  Bayer,  en  son  temps  le  plus  célèbre  chanteur  drama- 
tique de  l'Allemagne,  ancien  membre  du  théâtre  de  la  cour  à  Munich, 
est  mort  dans  sa  propriété  sur  le  lac  Chiemsée,  en  Bavière,  dans  sa 
soixante  et  unième  année. 

CHRONIQUE    DÉPARTEMENTALE. 

^*j.  Arras.  —  Notre  Société  philharmonique  a  donné  le  25  août  son 
troisième  concert,  plus  brillant  encore,  s'il  est  possible,  que  les  précé- 
dents, et  qui  avait  attiré  tout  ce  que  la  ville  renferme  de  richesse,  de 
luxe  et  d'élégance.  Il  est  vrai  de  dire  que  les  noms  et  la  réputation  des 
artistes  convoqués  pour  la  solennité  étaient  bien  faits  pour  justifier  cet 
empressement.  11  ne  s'agissait  pas  moins,  cette  fois,  que  d'Alard,  de 
Graziani,  de  Mme  Bettini-Trebelli  et  de  son  mari  A.  Eettini.  Trois 
des  beaux  morceaux  de  son  répertoire,  joués  par  le  célèbre  violoniste 
avec  une  variété  de  talent  et  une  perfection  incomparables;  le  duo  du 
Baibkr,  la  valse  de  Faust  et  le  brindisi  de  la  Lucrezia,  chantés  par 
Mme  Trebelli-Bettini  avec  une  pureté,  une  justesse  et  un  brio  qui  dé- 
fient les  plus  exigeants;  l'admirable  voix  de  Graziani,  la  tareniella  dite 
avec  un  entrain  charmant  par  Bettini,  ont  valu  à  chacun  de  ces  artistes 
des  applaudissements  réitérés  et  dçs  bravos  enthousiastes.  L'orchestre 
de  la  Société  avait  dit  avec  beaucoup  d'ensemble  et  de  vigueur  les  ou- 
vertures de  Zampa  et  de  Charles  VJ.  M.  Jlathon  s'est,  comme  toujours, 
distingué  par  son  talent  d'accompagnateur. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


^*tf  Ems.  —  La  saison  théâtrale  est  terminée.  Les  concerts  devien- 
nent donc  la  principale  distraction  des  baigneurs,  et  la  direction  du 
Kursaal  ne  néglige  rien  pour  les  rendre  aussi  brillants  que  possible. 
Après  nous  avoir  fait  entendre  mardi  le  célèbre  violoniste  llaumann, 
une  jeune  organiste,  Mlle  Marie  Descbamps,  qui  ont  exécuté  un  duo 
de  la  composition  de  M.  le  marquis  d'Aoust  ;  Geraldy,  qui  a  dit  supé- 
rieurement l'air  du  chasseur  du  Pardon  de  Ploërmcl,  et  le  Nid  abandonné; 
A.  Batta,  l'excellent  violoncelliste,  qui  s'est  surpassé  dans  le  Songe  d'en- 
fant, merveilleuse  composition  de  Mme  Clémentine  Batta',  transcrite 
pour  le  violoncelle,  et  le  beau  concerto  de  Herz  pour  piano,  par 
5111e  Peschel,  nous  allons  avoir  samedi  la  magnifique  réunion  de  ta- 
lents qui  se  nomment  Mmes  Rosa  Escudier,  Czillag,  MM.  Vieuxtems, 
Alard,  Vivier,  etc. 

^*^,  Hambourg.  —  Le  21  août,  a  eu  lieu,  dans  les  salons  du  Kursaal, 
devant  un  auditoire  aussi  nombreux  qu'élégant,  le  concert  le  plus 
splendide  de  la  saison.  Les  habiles  directeurs  de  l'établissement  avaient 
engagé  pour  cette  occasion  Alfred  Jaell,  Vieuxtemps  et  Servais  :  admi- 
rable trinité  de  virtuoses  !  Aussi  à  peine  parurent-ils  sur  l'estrade  qu'un 
murmure  flatteur  leur  fit  pressentir  l'accueil  enthousiaste  qui  leur  élait 
réservé.  L'expression  ne  s'en  fit  pas  attendre  après  la  magnifique  po- 
lonaise composée  et  exécutée  par  Vieuxtemps,  après  l'air  de  l'Ombre  du 
Pardon  de  Ploërmel,  joué  par  A.  Jaell,  et  le  Carnaval,  par  Servais; 
enfin  après  le  beau  duo  composé  par  Edouard  Wolff  et  Vieuxtems  (duo 
inédit)  sur  les  motifs  de  Preciosa.  Chacun  de  ces  morceaux,  les  plus  re- 
marquables du  concert,  était  à  peine  terminé  que  l'artiste  était  rappelé 
au  milieu  d'acclamations  réitérées.  —  La  partie  vocale  avait  été  confiée 
il  iMme  Wernike  et  à  SI.  Ricolo,  qui  s'en  sont  vaillamment  acquittés. 

^*,g  liade.  —  La  deuxième  représentation  du  Chevalier  Nahel  a  con- 
firmé le  succès  que  l'œuvre  de  Litoiff  avait  obtenu  à  la  première.  — 
Le  17,  a  eu  lieu  une  belle  représentation  cVOrphée,  de  Gluck,  avec 
Mme  Viardot  ;  Mlle  Marcy  faisait  Eurydice,  et  Mlle  Marie  Faivre,  l'Amour. 
LL.  M.M.  le  roi  de  Hollande,  la  reine  Auguste  de  Prusse,  S.  A.  U.  la 
grande-duchesse  de  Bade,  et  le  prince  héréditaire  de  Saxe-Weimar, 
assistaient  à  cette  solennité,  dans  laquelle  S.  M.  néerlandaise  a  daigné 
féliciter  Mme  Viardot  et  lui  faire  remettre  un  riche  bracelet.  —  Le  20, 
la  célèbre  cantatrice  avait  été  invitée  par  Mme  la  comtesse  Tascher  de 
la  Pagerie  à  une  soirée  musicale  intime  qu'elle  donnait  au  roi  de  Hol- 
lande. —  Le  25,  ont  commencé  les   représentations  du   théâtre   italien 


par  la  Lucia,  dans  laquelle  Mlle  Battu,  Naudin  et  Délie   Sedie    ont   ob- 
tenu le  plus  grand  succès. 

^*^  Cologne.  —  Au  théâtre  Victoria  vient  d'avoir  lieu  la  première  re- 
présentation de  Dinorah,  de  Meyerbeer.  Le  dernier  chef-d'œuvre  du 
maître  a  obtenu,  comme  partout,  un  succès  d'enthousiasme.  M  le  L'Ar- 
ronge  a  parfaitement  interprété  le  rôle  princ;pal. 

^*j,  Bruxelles.  —  Dans  quelques  jours  le  théâtre  de  la  Monnaie  va 
rouvrir  ses  portes.  La  troupe  engagée  par  M.  Letellier  se  composera 
pour  cette  saison  de  MM.  Bertrand,  Jourdan,  Aujac,  Tyckaert,  ténors; 
Dubouchet,  Mengal,  ténors  comiques;  Meillet,  Lederac,  barytons  ;  Pe^ié, 
Brion,  Borsary,  Gales,  basses;  de  Mmes  Mayer-Houlart,  Meillet,  Bor- 
ghèse,  Faivre,  Cèbe,  Saué  et  Ouille,  duègne.  —  M.  Ch.  Hanssens  di- 
rigera l'orchestre. 

,1,*^  Hessc-Cassel.  —  Le  20  août,  jour  anniversaire  de  la  naissance  de 
l'électeur,  le  théâtre  de  la  cour  a  donné  l'opéra  la  Réole,  de  G.  Schmidt. 
Le  succès  a  été  des  plus  brillants.  Chaque  morceau  de  chant  a  été 
applaudi.  On  a  remarqué  en  particulier  la  romance  de  Marguerite,  avec 
chœur  de  femmes,  et  le  grand  air  d'Amanda  au  premier  acte;  le  second 
acte  presque  tout  entier,  et  au  troisième,  le  chœur  des  cavaliers. 

^**  Briinn.  —  Les  25  et  26  août  a  eu  lieu  ici  le  festival  de  chant 
slave,  à  l'occasion  du  1000»  anniversaire  de  l'établissement  du  christia- 
nisme en  Moravie.  Une  cinquantaine  de  sociétés  vocales,  comptant  mille 
voix  environ,  y  ont  pris  part. 

:j**  léna.  —  L'académie  de  chant,  sous  la  direction  de  M.  Naumann, 
directeur  de  musique  de  l'Université,  a  donné  un  concert  spirituel  in- 
téressant, dont  voici  le  programme  :  Cantate,  de  S.  Bach;  de  Profundis, 
de  Gluck;  Prière,  solo  avec  chœur  de  femmes,  par  Tottmann;  Te  Deum, 
de  Haendel. 

**„  Berlin.  —  Le  théâtre  de  l'opéra  royal  a  obtenu  un  grand  succès 
avec  les  Nozze  di  Figaro,  do  Mozart.  Les  trois  rôles  de  femme  ont 
trouvé  dans  Mmes  de  Ahna,  Ilarriers  et  Lucca,  des  interprètes  comme 
il  serait  diflîcile  d'en  réunir  ailleurs.  Cette  représentation  a  fourni  de 
nouveau  l'occasion  d'apprécier  l'excellent  effet  produit  par  l'abaisse- 
ment du  diapason,  qui  porte  beaucoup  plus  sur  les  instruments  que  sur 
la  voix.  —  Le  Songe  d'une  nuit  d'été,  avec  la  musique  de  Mendelssohn, 
qui  jusqu'ici  faisait  partie  du  répertoire  du  Schauspielhaus,  sera  joué 
dorénavant  au  théâtre  de  l'opéra  de  la  cour.  —  Pendant  le  mois  d'oc- 
tobre, la  société  Merelli,  avec  Adelina  Patti,  donnera  des  représentations 
au  théâtre  Victoria. 

„,'%  Vienne.  —  Le  théâtre  Treumann  a  fait  sa  réouverture  le  19  de 
ce  mois.  Le  maître  de  chapelle  Stenzel  avait  composé  une  ouverture 
pour  la  circonstance  ;  il  y  a  eu  prologue,  etc.  La  salle  est  louée  d'a- 
vance pour  plusieurs  représentations. 

,f*^  Turin.  —  Nous  venons  d'avoir,  au  théâtre  Gerbino,  la  première 
représentation  d'un  petit  opéra  nouveau  du  maestro  Petrella,  Il  follctlo 
di  Gresy.  C'est  une  œuvre  très-gracieuse,  digne  en  tout  point  de  l'au- 
teur des  Precauzioni  et  de  Don  Bucefalo,  et  qui  clôt  brillamment  la 
saison. 

,„*j,  Milan.  —  Un  jeune  compositeur,  M.  Sinico,  auquel  on  doit  déjà 
l'opéra  des  Moschettieri,  vient  de  faire  représenter  un  nouvel  ouvrage 
dont  le  sujet  est  emprunté  au  fameux  roman  de  Paul  Féval  :  le  Bossu. 
Il  a  pour  titre  Aurora  di  Nevers,  et  il  a  obtenu  un  bon  accueil.  On  a 
remarqué  surtout  l'ouverture,  morceau  capital  de  la  partition  ;  un 
chœur  d'introduction  et  un  finale  bien  réussis  ;  la  cavatine  du  baryton 
au  premier  acte  et  un  brindisi  au  deuxième  acte,  très-bien  chantés  par 
la  voix  puissante  de  Cotigni  ;  une  chanson-boléro  au  troisième  acte, 
qui,  avec  l'aria  du  premier  acte,  ont  valu  à  Mme  Elvira  Demi  de  cha- 
leureux applaudissements. 

.^*^  Sydney.  —  Ce  n'est  pas  sans  plaisir  que  nous  voyons  le  culte  de 
la  musique  se  propager  en  même  temps  que  s'accroît  la  prospérité  de 
l'Australie,  et  nous  signalons  avec  empressement  le  concours  aussi  actif 
qu'utile  que  cette  propagation  rencontre  dans  le  zèle  et  les  efforts  de 
M.  Andersen,  chef  de  notre  premier  établissement  commercial  de  mu- 
sique et  d'instruments,  et  de  son  fils,  M.  Alfred  Anderson  jeune,  artiste 
de  beaucoup  de  savoir  et  de  talent.  Mous  avons  pu  constater  tout  ré- 
cemment ces  heureux  résultats  dans  le  grand  concert  qui  vient  d'être 
donné  au  bénéfice  du  Randwick  azytum  dans  la  salle  de  l'Opéra,  et  qui 
avait  été  organisé  précisément  par  W.  Alfred  Anderson,  avec  le  concours 
des  principaux  artistes  du  théâtre,  de  toutes  les  sociétés  chorales  de  la 
ville  et  des  musiques  militaires  de  différents  régiments,  sous  la  direc- 
tion de  M.  Callen.  Le  programme,  aussi  complet  que  varié,  était  parfai- 
tement choisi  :  on  y  distinguait  notamment  le  Gloria  de  la  douzième 
messe  de  Mozart,  une  hymne  de  Haydn,  des  fragments  de  Norma,  l'air 
de  grâce  de  Robert  le  Diable,  très-bien  dit  par  Mlle  Simmons,  la  barca- 
rolle  d'Haydée,  et  un  air  de  Spohr,  chantés  par  M.  Ellard  et  Mlle  Cor- 
dier,  un  duo  Irès-brillant  pour  deux  pianos  sur  VEtuilc  du  Nord ,  par 
MM.  Anderson  et  Ellard ,  et  une  belle  fantaisie  sur  la  Rase  de  CasHlle, 
composée  et  jouée  par  M.  Alfred  Anderson,  dont  le  succès  a  été  des 
plus  éclatants.  Un  auditoire  nombreux  assistait  à  cette  solennité,  dont 
le  produit  a  été  fructueux  pour  le  Randwick  azylum. 


280 


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vient  de  se  reproduire  à  Londres  avec  plus  d'éclat  encore  :  aussi  le  Jury  international  vient-il,  en  plaçant  ces  instruments 
au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimilé,  h  M.  Henri  HERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection 
reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  solidité,  de  la  sonorité,  de  l'égalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  d' expression.   (Rapport  du  Jury  international.) 


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à  Pa 


ADOLPHE    SAX 


*  * 


50,  rue  Saint- Ci eorges 
à  Paris. 


Facteur  de  la  Maison  militaire  de  l'Empereur.  —  Professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique. 
Seule  grande  Médaille  d'/ionneur  à  l'Exposition  universelle  de  1S55. 

RÉSUMÉ   DES   AVANTAGES    DES   SAXHOBNS   ET   DES   SAXOTROMBAS. 

Le  Saxotromba,  ou  le  Saxhorn,  est  supérieur  à  ses  analogues  existants  précédemment,  comme  proportion  de  tubes  et  par 
conséquent  comme  son  ;  supérieur  comme  j ustesse  ;  supérieur  comme  création  de  famille  complète  ;  supérieur  comme  facilité  et 
unité  de  doigté  ;  supérieur  comme  forme  ou  contour  des  tubes  pour  l'émission  des  sons  ;  supérieur  comme  forme  pour  le  pla- 
cement et  le  maniement  de  l'instrument  ;  supérieur  comme  ayant  une  même  direction  des  sons  (avantage  pour  l'auditeur  de 
recevoir  tous  les  sons  avec  la  même  puissance);  supérieur  en  ce  que  quelques  jours  suffisent  pour  former,  avec  des  amateurs  ou 
do  simples  conscrits  militaires,  une  musique  passabla  ;  supérieur  en  ce  que  les  plus  gros  instruments  comme  les  petits  se 
tiennent  facilement  au  moyen  de  la  main  gauche  et  du  bras  gauche,  et  laissent  le  bras  et  la  main  droite  entièrement  libres, 
et  dans  la  meilleure  position  pour  le  jeu  des  doigts  sur  les  cylindres  ;  supérieur  en  ce  que,  quand  un  élève  a  déjà  fait  di;s 
études  et  qu'il  est  obligé  de  changer  d'instrument  faute  de  disposition  des  lèvres  ou  par  tout  autre  motif,  ses  études  acquises 
servent  pour  le  nouvel  instrument,  soit  trompette,  trombone  ou  tout  autre  instrument  ;  supérieur  en  ce  que  Ton  peut  faire  les 
études  les  plus  longues  et  les  plus  difficiles  sur  l'instrument  qui  fatigue  le  moins  et  les  reporter  sur  d'autres  plus  durs  à  jouer 
ou  plus  lon/'ds  à  porter;  supérieur  en  ce  que,  dans  les  sociétés  ou  dans  un  régiment  de  cavalerie,  surtout  lors  des  congés,  il 
arrive  souvent  que  tous  les  artistes  d'une  même  catégorie  d'instruments  partent,  et  que,  dans  ce  cas,  on  peut  les  remplacer 
en  preniint  des  musiciens  dans  les  parties  les  mieux  garnies  pour  occuper  ou  remplacer  les  parties  manquantes;  supérieur  en 
ce  qu'on  ne  craint  pas  les  coups  de  tête  des  chevaux,  qui,  avec  les  anciens  instruments,  brisaient  parfois  les  dents  au  cava- 
lier; supé'ieur  en  ce  que  ron  peut  jouer,  le  cheval  au  trot  ou  au  galop,  l'instrument  suivant  toujours  les  mouvements  du 
corps;  supérieur  pour  la  musique  en  marche  en  ce  que  l'instrument  ne  se  dérange  pas  sur  les  lèvres,  et  conserve  par  consé- 
quent la  même  sonorité  qu'au  repos  ;  supérieur  pour  les  corps  de  musique  et  pour  le  militaire  surtout,  oii  tout  est  régulier 
(excepté  les  musiciens  et  les  instrumenis  d'après  le  système  ancien),  en  ce  que  tout  le  monde  se  trouve  dans  la  même  position,  toutes  les  mains  à  la  même 
tous  les  instruments  penchés  de  gauche  à  droite  ;  supérieur,  pour  la  musique  à  cheval  ou  de  cavalerie,  en  ce  que  si,  pondant  que  l'on  joue,  le  cheval  vient 
écart,  il  est  facile  de  ressaisir  les  brides  pour  le  ramener,  sans  dérang'T  l'iaslrument  de  sa  position.  .      /[JT^ 

Toui  hs  insirumenii  soriant  de  la  fabrique  poricni  l'iiiscripi4on  suivanie  :  Adolphc  Sax,  à  Paris,  facteur  de  la  maison  militaire  de  l'Empereur,      g|jh 

le  numéro  d'ordre  de  l'initrument  el  le  poinçon  ci-apr'es  :  jp.  Vvi 


hauteur  et 
à  faire  un 


PRIX  ACCORDE  A   L  UNANIMITE   A    l'EXPOSITION 
UNIVERSELLE   DE   LONDRES   )851. 

ïournisscur  des  Ministères  de  lu 
Cucrre  et  de  ia  Marine  de  rrance. 

Seuls   agents    à    Londres 

CHAPPEll  &  HAMMOND,  5"  DE  JDLLIEN  &C' 

214  ,   Régent  Street. 


MAISON  FONDÉE  EN  1803. 

INSTRUMENTS    DE    MUSIQUE    EN    CUIVRE 

ANTOINE  COURTOIS 


MÉDAILLE  d'argent   DE  1"   CLASSE 
A     l'exposition    universelle    DE   PARIS    1855. 

Vactcur  ilu    Conservatoire   et  de 
l'Académie  imiiérialo  de  Paris. 

Agent  à  Saint-Pétersbourg  : 

A.  BDTTNER, 

Perspect.  Newsky ,  maison  de  l'égliseSt-Pierre. 


S  8,  rue  aea  JTMnrais  -  Saint  -  lUttt'lim  ,   S  8 

Ci-devant  rue  du  Caire,  21. 

La  inaison  ANTOINE  COURTOIS  ayant  agrandi  ses  ateliers,  est  en  mesure  de  satisfaire  à  toutes  îss  demandes  qui  pourront  lui  être 
adressées;  elle  garantit  réellement  à  sa  clientèle  des  instruments  irréprochables  sous  tous  les  rapports. 


:",  RUE  DCRGÉRE,  20. 


BUREAUX    A   PARIS  :    BOULEVARD   DES   ITALIENS,    I. 


30«  Année. 


1V«  36. 


ON  S'ABONNE  t 

Dans  lei  Départements  et  i  rÉtraDgrer,  chez  tous 
les  Marchands  de  Kusique,  ks  LibroireSi  et  auc 
Pureaux  des  Messugeries  et  des  Postes. 


REVUE 


6  Septembre  18C3. 


PRIX  DE  L^ABONHEUEHT  S 

Paris 24  (r.  par  an 

Dépnrtemeuts,  Belgique  et  Suisse....     31)  »       id. 

Étranger ■■■    34  »       Id. 

Le  Journal  paraît  le  Diinunche. 


GAZETTE  MUSICAL 


— ^vv  vAAAAAPovv^^- 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  impérial  de  l'Opéra:  Mlle  Tietjens  et  les  Huguenots, 
par  Paul  Smith .  —  Réouverture  du  théâtre  Lyrique  impérial. —  L'Anneau  des 
Nihelungen,  par  Richard  Wagner  (  2'  article  ) .  —  Un  touriste  musicien  en 
Italie,  en  1739  (  2°  et  dernier  article  ) ,  par  Em.  Mathieu  de  Ilonter,  — 
Littérature  musicale  :  la  Musique  à  Paris,  par  Albert  de  Lasalle  et  Er.  Thoinan. 
—  Nouvelles  et  annonces. 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  DE  L'OPÉRA. 

mile  Kletjens  et  les  Mlwgwenots. 

L'épreuve  est  accomplie  :  les  Huguenots  ont  élé  représentés  qua- 
tre fois  de  suite,  et  chaque  fois  Mile  Tietjens  s'y  est  montrée  avec 
un  progrès  manifeste  ;  chaque  fois  le  succès  qu'elle  avait  obtenu  dès 
le  premier  jour  est  devenu  plus  prononcé,  plus  décisif  ;  chaque  fois 
elle  a  été  applaudie,  rappelée  avec  plus  de  chaleur,  et  enfin,  pour 
tout  résumer  en  un  mot  d'une  éloquence  irrésistible ,  chaque  fois  la 
recette  s'est  élevée  à  ce  chiffre  qui  est  Vultima  ratio  des  auteurs, 
des  artistes  et  des  directeurs. 

II  y  a  huit  jours,  nous  disions  que  Mlle  Tietjens  avait  elle-même 
posé  les  termes  du  cartel  et  que,  pour  être  bien  jugée,  elle  avait 
demandé  quatre  soirées;  mais  savez-vous  que  pour  toute  autre 
qu'elle,  au  heu  d'être  une  garantie,  ces  quatre  soirées  eussent  élé 
un  danger  de  plus,  et  nommez  s'il  vous  plaît  la  cantatrice  qui  se  se- 
rait sentie  de  force  à  l'affronter?  Mlle  Tietjens  a  fait  mieux  :  elle  en 
a  triomphé  sans  effort,  sans  fatigue.  Quelques  jours  lui  avaient  suffi 
pour  apprendre  à  dire  en  français  ce  rôle  de  Valentine,  qu'elle  avait 
si  souvent  chanté  en  allemand  et  en  italien.  Nommez  encore  la  canta- 
trice qui  eût,  avec  la  même  facilité,  mené  à  bonne  fin  l'opération 
contraire. 

Mlle  Tietjens  est  venue  à  Paris  s'essayer  devant  un  public  qu'elle 
ne  connaissait  nullement,  dans  un  idiome  qu'elle  connaissait  à  peine. 
Nous  vous  étonnerions  beaucoup,  et  vous  ne  nous  croiriez  peut-être 
pas,  si  nous  affirmions  qu'elle  n'a  rencontré  sur  son  chemin  que  d'af- 
fectueuses sympathies.  Laissons  de  côté  les  obstacles  moraux  ;  ne 
parlons  que  des  difficultés  matérielles.  Mlle  Tietjens  n'avait  eu  que 
quelques  semaines  pour  étudier  son  rôle,  sur  un  lit  de  douleur,  oîi 
un  accident  l'avait  jetée;  elle  n'a  eu  qu'une  répétition  au  théâtre,  et 
pourtant  elle  est  parvenue  à  se  faire  reconnaître  unanimement 
pour  grande  artiste.  Elle  a  rempli  sa  tâche  aussi  bien  que  la 
plupart  de  ses  devancières  ;    elle   a  chanté,  elle  a  joué  mieux   que 


plusieurs  d'entre  elles,  et  la  foule  ne  l'a  pas  abandonnée  un  seul  ins- 
tant. Nous  savons  la  part  qui  revient  au  chef-d'œuvre  dans  cette 
bonne  fortune,  nous  faisons  aussi  celle  des  artistes,  dont  la  débutante 
était  environnée,  mais  nous  lui  réservons  la  sienne,  et  nous  deman- 
dons s'il  était  possible  d'espérer  quelque  chose  de  plus  significatif, 
y  compris  même  les  doutes,  les  critiques,  leshostihlés  perfides  ou  vio- 
lentes, qui  toujours  servent  d'escorte  au  talent  et  de  témoignage  au 
succès. 

Que  Mlle  Tietjens  retourne  aux  pays  oh  elle  jouit  d'une  popularité 
immense,  du  moins  elle  ne  pourra  pas  dire  qu'elle  a  été  méconnue 
par  laFrance,  qui  lui  a  contre-signe  son  brevet  de  grande  artiste.  Si  en 
Angleterre  on  lui  adresse  la  question  que  la  reine  Marguerite  fait 
à  Valentine  dans  les  Huguenots  : 

Dis -moi  le  résultat  de  ton  hardi  voyage? 
elle   répondra,  nous   l'espérons,  qu'elle    n'a   pas  à  s'en  plaindre  et 
qu'elle  est  prête  à  recommencer. 

Paul  SMITH. 


RÉOUVERTURE  DU  THÉÂTRE  LYRIQUE  IMPËRIM.. 

Oui,  impérial  !  Il  ne  l'était  pas  il  y  a  trois  mois  :  il  l'est  aujour- 
d'hui, et  c'est  vraiment  un  beau  litre,  car  il  y  a  dessous  la  bagatelle 
de  100,000  francs.  Les  théâtres  impériaux  sont  les  théâtres  subven- 
tionnés par  l'Empereur,  et  M.  Carvalho  a  obtenu,  comme  on  sait, 
l'honneur  d'entrer  dans  cette  noble  catégorie. 

Il  a  fait  sa  réouverture  le  jeudi  3  septembre,  et  nous  a  rendu  ce 

soir-là  le  Mariage pardon!   les  Noces  de  Figaro.  Mme  Carvalho 

y  a  repris  le  rôle  du  page,  et  Mme  Ugalde  celui  de  Suzanne. 
Mlle  Brunetti  a  débuté  dans  le  rôle  de  la  comtesse,  et  M.  Lutz  dans 
celui  de  Figaro.  M.  Petit,  qui  n'en  est  plus,  depuis  longtemps,  à  ses 
débuts,  a  rempli  pour  la  première  fois  le  rôle  du  comte  Almaviva. 

M.  Petit  et  M.  Lutz  sont  deux  barytons.  Les  rôles  de  Figaro  et  du 
comte  ont  été  écrits  pour  deux  véritables  basses-tailles.  Obligés  de 
donner  presque  constamment  les  notes  de  leur  voix  les  plus  faibles, 
les  plus  sourdes,  ils  ont  dîi  borner  leur  ambition  à  se  faire  entendre 
tant  bien  que  mal,  et  ils  n'y  ont  pas  toujours  réussi.  Nous  connais- 
sons M.  Petit,  et  nous  nous  bornerons  à  le  plaindre  d'avoir  vu  son 
talent  soumis  à  cette  épreuve.  Le  théâtre  sans  doute  ne  pouvait  se 
passer  de  son  concours,  et  il  s'est  immolé.  Louons  ce  généreux  dé- 
vouement qui,  nous  l'espérons,  recevra  bientôt  sa  récompense.  —  La 
manière  dont  il  joue  le  rôle  d'Almaviva  prouve  d'ailleurs  que    ses 


2S2 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


études  dramatiques  ont  grand  besoin  d'être  complétées.  Il  a  un  beau 
chapeau  galonné,  et  un  riche  pourpoint  de  velours,  mais  il  en  est  bien 
empêtré.  Il  se  pose  et  se  meut  gauchement.  Il  dit  froidement  le 
dialogue,  et  son  débit  a  les  pâles  couleurs.  Il  ne  sait  ni  railler,  ni  se 
mettre  en  colère.  Ce  n'est  pas  tout  que  d'être  chanteur  :  il  faut  en- 
core être  comédien. 

M.  Lutz  nous  semble  avoir  aussi,  à  cet  égard,  beaucoup  à  faire. 

Mlle  Brunetti,  qui  a  débuté  jadis  à  l'Opéra,  a  parcouru  depuis  le 
monde,  et  chanté  sur  quantité  de  théâtres  soit  de  !a  province,  soit  de 
l'étranger.  De  si  grands  travaux  lassent  les  ©jrganes  les  plus  vi- 
goureux. —  Quel  piano,  après  dix  ans  de  service,  a  la  même  sono- 
rité qu'en  sortant  de  l'atelier  du  facteur?  —  La  voix  de  Mlle  Brunetti 
est  donc  un  peu  fatiguée,  son  chaut  manque  de  couleur,  d'accent,  de 
passion.  Peut-être  était-elle  intimidée.  La  justice  donc,  et  la  politesse 
nous  commandent  d'attendre  qu'elle  soit  rassurée  pour  avoir  sur  elle 
une  opinion  définitive. 

Il  ne  faut  plus  parler  de  la  voix  de  Mme  Ugalde,  qui  était  de  ce 
monde  où  les  plus  belles  choses  ont  le  pire  destin.  Mais  elle  a  de 
l'entrain,  de  la  gaieté,  de  la  verve,  de  l'audace...  trop  d'audace  même. 
Ne  pourrait-elle  en  donner  un  peu  à  Mlle  Brunetti? 

Mme  Carvalho  chante  avec  une  grâce  parfaite  l'air  du  second  acte 
et  le  duo  du  troisième.  C'est  toujours  l'admirable  artiste  que  l'on  ne 
se  lasse  pas  d'entendre  et  d'applaudir.  A  elle  tout  le  succès  de  la 
soirée.  Si  elle  fuisait  l'effort  de  rendre  ce  Chérubin,  Cherubino  di 
amore,  ce  page  infernal,  ce  page  endiablé,  comme  dit  Almaviva,  un 
peu  moins  mélancolique,  quel  gré  lui  en  sauraient  tous  ceux  qui  ont 
lu  Beaumarchais  ! 

L.  D. 


L'ÂNNEÂU    DES   NIBELUNGEN, 

Par  BICHARD  ^VACNEB. 

(2=  article)  (1). 

Deux  mois  d'entr'acte,  c'est  un  peu  long,  n'est-ce  pas  ?  Mais  que 
nos  lecteurs  nous  pardonnent  cette  halte  inusitée  dans  l'analyse  d'un 
ouvrage  qui  dépasse  toutes  les  proportions  ordinaires!  Quelques-uns 
d'entre  eux  s'impatientaient,  nous  le  savons,  et  par  leurs  sommations 
amicales  nous  engageaient  à  reprendre  la  tâche  interrompue.  D'au- 
tres, et  c'est  le  plus  grand  nombre,  auront  complètement  oublié  ce 
que  nous  leur  avons  dit  des  Nibelungen  et  de  leurs  trois  journées, 
précédées  d'un  prologue,  au  milieu  duquel  nous  les  avons  brusque- 
ment quittés  pour  étudier  l'œuvre  entière.  Ils  ne  se  souviennent 
plus  des  conditions  proposées  par  Richard  Wagner  pour  la  représen- 
tation de  cette  œuvre  :  une  petite  ville  de  province,  une  salle  en 
bois,  un  orchestre  invisible,  et  surtout  une  troupe  d'artistes  choisis 
parmi  les  meilleurs  du  pays,  pour  s'occuper  uniquement  d'apprendre 
et  de  jouer  leurs  rôles  dans  la  tétralogie. 

Puisqu'il  nous  faut  revenir  à  ce  prologue,  dont  nous  n'avons  cité 
que  le  début,  rappelons  qu'il  a  pour  titre  l'Or  du  Rhin  (Rheingold), 
qu'il  se  passe  dans  l'eau,  dans  la  brume,  entre  des  rochers  et  des 
abîmes  ;  que  les  nymphes  du  fleuve,  gardiennes  de  ses  trésors,  y 
chantent  en  nageant  et  y  nagent  en  chantant;  enfin,  qu'Albéric,  l'un 
des  Nibelungen,  entre  en  scène  et  goûte  un  certain  plaisir  à  con- 
templer les  ébats  de  Weglinde,  de  Wellgunde  et  de  Flosshilde. 
Ajoutons  que  ce  rôle  exigerait  les  qualités  d'un  clown  de  première 
force.  Albéric,  faisant  la  chasse  aux  belles  nageuses ,  monte,  des- 
cend, bondit,  court  sur  la  crête  des  rocs,  plonge,  remonte,  plonge 
derechef  et,   l'instant  d'après,  sans    reprendre    haleine,    se  met  à 

(1)  Voir  le  n°  28. 


chanter.  De  guerre  lasse,  écumant  de  rage,  harassé,  épuisé,  il  s'ar- 
rête et  montre  le  poing  aux  nymphes  qui  se  sont  moquées  de  lui  1 

Tout  à  coup,  une  lueur,  qui  devient  de  plus  en  plus  vive ,  tombe 
d'en  haut,  traverse  les  ondes  et  va  frapper  le  milieu  du  rocher  où 
l'or  du  Rhin  rayonne.  Les  nymphes  chantent  un  trio  dont  voici  en 
abrégé  le  texte  :  «  Heia,  jaheia  !  heia  heia  !  Wallahalla  la  la,  leiajohei  ! 
Or  du  Rhin!  or  du  Rhin!  Volupté  luisante  !  comme  tu  souris  pur  et 
clair!  Le  fleuve  étincelle,  l'onde  flamboie!  Nous  voguons  en  plon- 
geant, en  chantant  et  en  dansant  dans  ton  lit ,  comme  dans  un  bain 
délicieux,  etc.  »  Chanter  en  nageant,  ce  n'était  déjà  pas  mal,  mais 
danser  au  milieu  (des  vagjaes,  c'est  encore  plus  fort! 

Alhéric  veut  savoir  d'où  vient  cet  éclat  soudain ,  et  Wellgunde  lui 
répond  :  «  Le  monde  appartiendrait  à  celui  qui  façonnerait  cet  or 
en  anneau;  sa  puissance  serait  sans  limites.  »  Woglinde  lui  dit  en- 
core :  «  Celui  qui  renoncera  aux  joies  de  l'amour,  celui-là  seul  con- 
naîtra le  charme  à  l'aide  duquel  l'or  peut  se  plier  en  forme  d'an- 
neau. »  Albéric  s'écrie  :  «  Par  toi  je  serais  maître  du  monde  !  —  Si 
par  la  force  je  n'obtiens  pas  l'amour,  du  moins  par  la  ruse  j'aurai 
la  volupté!  (Prenant  une  voix  terrible.)  Raillez  toujours:  voici  le 
Nibelung  qui  s'approche  de  vos  jeux!  (Il  s'élance  avec  fureur  sur  le 
rocher  et  grimpe  jusqu'au  sommet,  malgré  les  cris  des  nymphes.] 
J'éteins  la  lumière  qui  vous  éclaire  !  J'arrache  l'or  des  entrailles 
du  roc  !  Je  forgerai  l'anneau  vengeur  !  car  —  que  le  fleuve  l'entende 
—  je  maudis  l'amour  !  »  Albéric  s'enfuit  avec  son  trésor  et  disparaît 
dans  l'abîme,  où  les  filles  du  Rhin  le  suivent  en  criant  au  voleur  ! 

Ici  la  scène  change  :  les  eaux  se  transforment  eu  nuages,  puis  en 
brouillard;  une  contrée  montagneuse  apparaît;  sur  le  haut  d'un  ro- 
cher, un  château  dresse  ses  créneaux.  Odin,  que  l'auteur  appelle 
Wotan,  et  Frigga,  sa  femme,  qu'il  nomme  Fricka,  sommeillent  sur  le 
gazon  fleuri. 

A  leur  réveil,  ils  ont  ensemble  un  loug  entretien  qui  nous  apprend 
que  les  géants  Fasolt  et  Fafner  ont  construit  le  château,  et  qu'en  re- 
tour Odin  a  promis  de  leur  livrer  Freïa,  sœur  de  Frigga.  Les  géants, 
armés  de  gros  bâtons,  viennent  réclamer  le  prix  de  leur  travail.  Sur 
le  refus  d'Odin  de  les  satisfaire,  ils  enlèvent  Freïa  de  vive  force,  en 
promettant  de  la  lui  rendre,  s'il  cousent  à  les  mettre  en  possession 
de  l'anneau  des  Nibelungen. 

A  peine  Freïa  est-elle  partie,  que  les  ténèbres  enveloppent  la  scène  : 
les  dieux  pâlissent  et  semblent  atteints  d'une  subite  vieillesse.  L'un 
d'eux.  Loge  ou  Loke,  dit  qu'il  connaît  la  cause  de  cet  effet.  Ils  n'ont 
pas  encore  mangé  en  ce  jour  des  pommes  d'or  du  jardin  de  Freïa, 
et  ce  sont  elles  qui  leur  donnent  la  vigueur  et  la  jeunesse.  «  Sans 
ces  fruits,  vous  vieillissez,  le  monde  vous  raille  et  la  race  divine 
s'éteint.  » 

Odin  et  Loke  prennent  le  parti  de  descendre  à  Nibelheim,  capitale 
du  pays  des  Nibelungen  ;  ils  plongent  dans  l'abîme  sulfureux,  et  re- 
paraissent en  ramenant  Albéric,  qu'ils  ont  garrotté.  Odin  lui  arrache 
l'anneau,  et  Albéric  est  débarrassé  des  liens  qui  l'étreignaient.  «Suis-je 
libre  maintenant  ?  s'écrie-t-il ,  réellement  libre  ?  Eh  bien ,  voici  le 
premier  salut  que  vous  adresse  ma  liberté  !  Par  une  malédiction,  je 
me  suis  emparé  de  l'anneau,  qu'il  soit  maudit  à  son  tour!  Si  son  or 
m'a  donné  une  puissance  sans  limite,  que  son  charme  donne  la  mort 
à  celui  qui  le  porte  !  que  le  maître  de  l'anneau  en  soit  l'esclave,  qu'il 
souffre  et  se  consume,  jusqu'à  ce  que  ce  joyau  soit  de  nouveau  en 
ma  possession  !  » 

Freïa  est  rachetée  ;  les  géants  s'en  vont  avec  l'anneau  ;  Odin  et 
Frigga  se  retirent  dans  le  château  de  Walhalla. 

Que  vous  en  semble,  lecteurs?  Est-ce  là  un  prologue?  Est-ce  là 
une  conception  lyrique,  dramatique,  allégorique?  Avez-vous  percé 
les  profondeurs  de  ces  symboles,  de  ces  emblèmes,  de  ces  lambeaux 
d'une  mythologie  des  plus  obscures?  En  ce  cas,  nous  vous  en  faisons 
bien  notre  compliment,  car  vous  êtes  plus  heureux  que  nous-même. 


DE  PARIS. 


283 


Nous  nous  sommes  tiré,  comme  nous  l'avons  pu,  du  dédale  inextri- 
cable de  scènes,  du  déluge  infini  de  vers,  dont  ce  prologue  se  com- 
pose ;  nous  avons  de  notre  mieux  dégagé  le  squelette  informe  d'ac- 
tion que  nous  avons  trouvé  dans  ses  quatre-vingt-quinze  pages,  for- 
mant à  peu  près  le  quart  du  volume  et  de  l'œuvre.  Que  de  plus  forts 
et  de  plus  habiles  fassent  le  reste  ;  puissent-ils  découvrir  un  monde 
oîi  nous  n'apercevons  que  le  chaos  !  Ce  qui  nous  console  un  peu, 
c'est  de  voir  qu'en  Allemagne  on  apprécie  assez  nettement  le  sys- 
tème de  Richard  Wagner  et  l'application  qu'il  en  fait  au  théâtre.  Un 
journal,  l'Echo  de  Berlin,  s'exprimait  dernièrement  en  ces  termes  : 
c(  Nous  ne  discuterons  pas  la  question  de  savoir  si  la  tradition  des  Nibe- 
limgeti  peut  être  dramatisée  avec  succès.  En  tout  cas,  le  drame  veut 
des  hommes  véritables ,  des  sentiments  humains,  une  volonté  hu- 
maine. Tous  les  poètes  dramatiques  modernes  qui  ont  traité  ce 
sujet,  soit  d'après  le  poëme  épique  des  Nibehmgen,  soit  d'après  les 
ancio'iims  Sagas,  se  sont  attachés  à  faire  ressortir  l'élément  humain. 
Ricl.ard  Wagner  a  pris  une  route  opposée  :  il  a  puisé  dans  les  Lieder 
de  l'Edda  ;  il  suit  la  généalogie  des  Nibelungen,  nous  conduit  à  tra- 
vers les  ténèbres  primitives  qui  enveloppent  les  dieux  du  Nord,  nous 
initie  à  leurs  rapports  de  famille,  à  leurs  querelles.  Dans  l'Anneau 
des  Nibelimgm,  il  n'y  a  d'autres  personnages,  outre  les  dieux  et  les 
demi-dieux,  que  des  hommes  de  nature  hybride,  parents  de  ceux  qui 
se  meuvent  dans  le  monde  des  puissances  magiques.  »  Et  quand  on 
songe  que  tout  cela  est  destiné  à  être  mis  en  opéra!  Quand  on  songe 
que  dans  l'intention  de  l'auteur,  il  faudrait  écouter  pendant  quatre 
jours  consécutifs  de  pareils  poëmes  ornés  d'une  musique  dans  le 
genre  de  celle  de  Tannhœuser  ou  de  Lohengrin,  peut-être  même  de 
Tristan  et  YseuU!  En  vérité,  le  vertige  vous  prend,  comme  lorsqu'on 
regarde  au  fond  d'un  précipice!  Pour  se  remettre,  pour  revenir  à 
soi,  l'on  a  besoin  de  se  rattacher  à  cette  idée ,  bientôt  changée  en 
conviction,  que  Richard  Wagner  a  rêvé  l'impossible. 

Nous  aussi,  qui  voulions  esquisser  l'analyse  des  trois  poëmes  dont 
VOr  du  Rhin  n'est  que  l'introduction,  nous  avions  trop  présumé  de 
notre  courage,  de  notre  patience.  Nous  risquerions  trop  à  poursuivre 
une  entreprise  pleine  de  périls  et  plus  encore  d'ennui.  Qui  sait  ?  peut- 
être  nous  soupçonnerait-on  d'inventer  ce  que  nous  nous  bornerions 
à  transcrire,  car,  il  faut  l'avouer,  jamais  le  vrai  ne  fut  moins  vrai- 
semblable que  dans  les  productions  d'un  auteur  pour  qui  l'avenir 
seul  a  quelque  attrait.  Donc,  au  lieu  d'examiner  minutieusement  et 
pas  à  pas  les  trois  journées,  en  trois  actes  chacune,  intitulées  : 
la  Valkyrie,  Sigefroy  et  le  Crépuscule  des  Dieux  (Gœtterdammerung, 
titre  qui  n'est  pas  plus  clair  en  allemand  qu'en  français),  nous  les 
parcourrons  à  vol  d'oiseau,  nous  arrêtant  seulement  aux  endroits 
les  plus  saillants,  aux  singularités  les  plus  dignes  d'être  remarquées. 

Vous  savez  que  les  Valkyries  étaient  des  divinités  Scandinaves 
qui,  sur  le  champ  de  bataille,  coupaient  la  trame  de  la  vie  des  guer- 
riers, et  dans  le  palais  de  Walhalla,  leur  versaient  la  bière  et  l'hydro- 
mel. Dans  la  première  journée,  à  laquelle  la  Valkyrie  prête  son  nom, 
nous  retrouvons  Odin  et  Frigga.  Il  est  question  d'une  épée  enfoncée 
par  Odin  dans  le  tronc  d'un  chêne,  et  qui  doit  appartenir  à  celui 
dont  le  bras  sera  assez  vigoureux  pour  l'en  arracher.  Un  certain  Sieg- 
mond  est  cet  homme  prédestiné  :  il  arrache  l'épée,  avec  laquelle  il 
doit  combattre  un  ceitain  Hunding,  son  mortel  ennemi,  par  suite  de 
ces  haines  de  famille  infiniment  trop  prolongées.  Odin  veut  que  Sieg- 
mond  triomphe  ;  mais  Frigga  n'entend  pas  que  Hunding  soit  vaincu, 
et,  sur  ses  remontrances,  Odin  change  d'avis. 

Suivent  des  conversations  interminables  entre  Odin  et  la  Valky- 
rie, Brunnhilde,  que  désole  le  changement  d'avis.  Odin  lui  dit  entre 
autres  choses  :  ^  Aibéric  a  maudit  l'amour  et  a  conquis  ainsi  l'or  bril- 
lant du  Rhin,  et  avec  lui  une  puissance  sans  bornes.  Son  anneau  je 
le  lui  ai  enlevé  par  la  ruse,  mais  je  ne  le  rendis  pas  au  Rhin  ;  je  le 
donnai  aux  géants  qui  m'avaient  bâti  Walhall,  d'où  je  gouvernai  dès 


lors  les  hommes.  Erda,  qui  sait  tout,  me  dissuada  de  garder  l'an- 
neau et  m'avertit  de  la  fin  éternelle  (sic).  Je  voulus  en  savoir  davan- 
tage, mais  cette  femme  disparut.  » 

En  dépit  de  ces  explications  et  de  bien  d'autres  encore  ,  lorsque 
Siegmond  et  Hunding  sont  en  présence,  Brunnhilde  se  déclare  en 
faveur  du  premier.  On  la  voit,  à  la  lueur  des  éclairs,  planer  au-des- 
sus de  sa  tête  et  le  couvrir  de  son  bouclier  ;  on  l'entend  lui  crier  : 
«  Frappe  le  Siegmond  !  Aie  confiance  dans  l'épée  victorieuse  !  »  Mais 
la  voix  d'Odin  se  fait  entendre  aussi,  et  sa  lance  brise  en  éclats 
l'épée  de  Siegmond  :  Hunding  lui  plonge  la  sienne  en  pleine  poi- 
trine. C'est  tout  à  fait  un  combat  à  la  façon  des  dieux  et  des  héros 
d'Homère.  Odin  jure  de  punir  la  Walkyrie,  et  disparaît  au  bruit  du 
tonnerre. 

Au  troisième  acte,  Brunnhilde,  toujours  poursuivie  par  Odin,  re- 
met à  la  fille  de  Siegmond  les  morceaux  de  l'épée  de  son  père,  en 
lui  annonçant  que  le  fils  qu'elle  porte  dans  son  sein  et  qui  se  nom- 
mera Siegfried  ou  Siegefroy  (le  victorieux)  forgera  avec  ces  fragments 
une  épée  nouvelle.  Pour  punir  la  Walkyrie  qui  lui  a  désobéi,  Odin 
la  renferme  dans  un  château  enchanté,  entouré  de  flammes  éter- 
nelles, oîi  elle  dormira  jusqu'à  ce  qu'un  héros  vienne  la  réveiller. 

La  seconde  journée  a  Siegefroy  pour  principal  personnage.  Le  pre- 
mier acte  se  passe  dans  une  forêt;  on  y  voit  à  gauche  sur  le  devant 
une  caverne,  et  dans  le  fond  une  forge,  avec  une  enclume  formée 
d'éclats  de  rocher.  Mime,  un  nain,  se  tient  debout  devant  l'enclume 
et  s'occupe  à  forger  une  épée  ;  puis  il  s'arrête  et  chante  :  «  Con- 
trainte et  ennui  !  peines  perdues  !  La  meilleure  épée  que  j'aie  jamais 
forgée  !  Elle  résistait  très-bien  dans  la  main  des  géants  ;  mais  lui, 
pour  qui  je  l'avais  faite,  ce  petit  drôle,  il  la  casse  et  la  brise  comme 
un  joujou  d'enfant  !  » 

Siegefroy,  grossièrement  vêtu  en  habitant  des  bois,  entre  brusque- 
ment. Il  a  attaché  un  ours  énorme  à  une  corde  faite  d'écorce  d'arbre 
et  il  ne  cesse  de  l'exciter  contre  Mime.  Saisi  de  terreur,  ce  dernier 
laisse  tomber  l'épée  et  se  sauve  derrière  l'enclume.  Siegefroy  le  pour- 
suit avec  son  ours,  qu'il  lance  toujours  contre  lui.  Voici  un  échan- 
tillon de  leur  dialogue  : 

Siegefroy. —  Hoïho  !  hoïho!  mords-le  !  mords-le  !  mange-le  !  Mange- 
le  !  (Il  éclate  de  rire) . 

Mime.  —  Eloigne  la  bête  !...  A  quoi  bon  cet  ours? 

Siegefroy.  — Je  viens  à  deux  pour  mieux  te  pincer.  {S'airessant  à 
l'ours)  Brunet,  informe-toi  de  l'épée. 

Mime.  —  L'arme  est  là-bas  :  je  l'ai  terminée  tout  à  l'heure. 

Siegefroy.  —  Te  voilà  sauvé  pour  aujourd'hui.  (Il  ôte  la  bride  à 
l'ours  et  lui  en  donne  un  coup  sur  le  dos).  Cours,  Brunet,  de  toi  je 
n'ai  plus  besoin. 

Mi7ne  (il  sort  tremblant  de  sa  cachette  derrière  Venclumé). — J'aime 
bien  te  voir  tuer  les  ours,  mais  pourquoi  les  amener  vivants? 

Siegefroy  {fatigué  de  rire,  s'assied  pour  reprendre  haleine).  — 
Je  cherchais  un  meilleur  ouvrier  que  je  n'en  ai  chez  moi  ;  au 
fond  des  bois  j'ai  fait  résonner  le  cor  (si  un  ami  voulait  se  joindre 
à  moi);  voilà  ce  que  demandaient  les  sons  de  l'instrument.  Du  fourré 
sortit  un  ours  qui  m'écoutait  en  grognant  ;  je  le  trouve  plus  à  mon 
gré  que  toi,  mais  j'en  rencontrerai  sans  doute  encore  de  meilleurs.  {Il 
se  lève  et  se  dirige  vers  l'épée.) 

Mime  saisit  l'épée  pour  la  présenter  à  Siegefroy.  —  J'ai  solide- 
ment trempé  l'arme  ;  tu  seras  satisfait  de  son  tranchant. 

Siegefroy  prend  l'épée.  —  A  quoi  sert  le  tranchant,  si  l'acier 
n'est  pas  dur  et  solide!  {IL  l'essaye  de  la  main).  Eh!  qu'est-ce  que 
ce  bibelot?  Cette  broche- là,  tu  l'appelles  une  épée?  {Il  la  brise 
sur  l'enclume,  et  la  fait  voler  en  éclats  ;  Mime  saute  de  côté  avec 
terreur).  Tiens,  voilà  les  morceaux,  misérable  gâte-fer  !  que  ne  te  l'ai- 


284 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSlCALlS 


je  cassée  sur  le  crâne  !  Me  laisserai-je  duper  encore  par  ce  hâbleur  ! 
Il  parle  de  géants  et  d'exploits,  il  s'offre  à  me  forger  des  armes,  il 
vante  son  art,  comme  s'il  était  passé  maître,  et  d'un  seul  coup  je 
casse  sa  drogue  !  Si  le  drôle  ne  me  semblait  pas  trop  galeux,  je  le 
briserais  avec  son  joyau.  Je  n'aurais  plus  à  me  mettre  en  colère!  (Il 
se  jette  furieux  sur  un  banc  de  pierre,  à  droite.) 

Mime  (qui  s'est  constamment  tenu  sur  ses  gardes).  —  Voilà  que  tu 
te  démènes  encore  comme  un  forcené  !  Ma  foi,  tu  es  un  vilain  in- 
grat!  Tu  mangeras  bien,  n'est-ce  pas?  Tiens,  voilà  le   rôti  que 

j'ai  retiré  de  la  broche  ;  veux-tu  goûter  à  la  boisson  que  j'ai  brassée 
pour  toi?  (Siegefroy,  sans  se  retourner,  lui  fait  tomber  des  mains  le 
pot  et  le  rôti.) 

Mime.  — De  toutes  mes  peines,  voilà  le  prix  !  Le  fou- 
gueux enfant  me  tourmente  et  me  hait. 

Siegefroy.  —  Tu  m'as  enseigné  bien  des  choses,  et  j'en  ai  appris 
aussi  ;  mais  ce  que  tu  aimerais  le  mieux  à  ra'enseigner,  et  ce  que 
je  n'ai  jamais  pu  apprendre,  c'est  à  pouvoir  te  souffrir.  Quand  je  te 
vois  aller  et  venir,  cligner  des  yeux,  il  me  prend  envie  de  t'em- 
poigner  par  !a  nuque  et  de  te  faire  ton  affaire.  L'arbre,  l'oiseau,  les 
poissons  dans  le  ruisseau,  je  les  aime  mieux  que  toi.  —  Gomment  se 
fait-il  que  je  revienne  ici? 

Mime.  —  Ce  que  pour  l'oiselet  est  l'oiseau  qui  le  nourrit  avant 
qu'il  puisse  voler,  voilà  ce  que  Mime  est  pour  toi  ! 

Siegefroy.  —  Ah!  Mime,  si  tu  as  tant  d'esprit,  apprends-moi  en- 
core ceci.  Les  petits  oiseaux  chantaient  avec  tant  de  bonheur  au 
printemps  :  l'un  appelait  l'autre;  tu  me  dis  que  c'était  le  mâle  et  la 

femelle Or,  où  as-tu  vu.  Mime,  ta  femelle  aimée, 

pour  que  je  l'appelle  ma  mère? 

Mime  (embarrassé).  —  Je  suis  pour  Loi  père  et  mère  en  même 
temps 

Siegefroy  (le  prend  à  la  gorge)  —  Parleras-tu?  qui  est  mon  père? 
qui  est  ma  mère? 

C'est  bien  malgré  nous  que  nous  ajournons  à  huitaine  la  réponse 
à  cette  question;  mais  nous  espérons  que  nos  lecteurs  n'auront  pas 
été  insensibles  au  charme  littéraire  du  petit  morceau  que  nous  ve- 
nons de  leur  servir  dans  sa  native  simplicité. 

(  La  suite  prochainement.) 


UN  TOURISTE  IIIUSICIEN  EN  ITALIE, 

En   t939. 

{2'  et  dernier  article)  (1). 

Le  comte  de  Brosses  et  ses  amis  arrivèrent  à  Eome  dans  les  pre- 
miers mois  de  1740.  Ils  y  firent  un  assez  long  séjour,  interrompu 
par  de  fréquents  voyages  à  Turin,  à  Milan,  à  Parme  et  à  Modène. 
De  ces  excursions,  le  touriste  bourguignon  rapportait  d'amusants  sou- 
venirs. «  Pendant  le  carnaval,  à  Milan,  écrit-il,  impossible  de  rien 
entendre  au  théâtre.  Messieurs  du  parterre  font  la  conversation  du 
plus  haut  de  la  voix,  et  applaudissent  par  des  hurlements.  Ils  ont  de 
longs  bâtons  dont  ils  frappent  tant  qu'ils  peuvent  sur  les  bancs,  par 
forme  d'admiration.  Dans  les  loges  chacun  s'élance  à  mi-corps  pour 
saisir  au  passage  les  feuilles  lancées  d'en  haut  et  contenant  un  sonetto 
imprimé  à  la  louange  de  la  signora  ou  du  virluoso  qui  vient  de 
chanter.  Le  plus  grand  carillon  est  le  plus  grand  triomphe,  et  le  dé- 
noûment  de  la  pièce  est  un  mal  de  tête  prodigieux  infligé  aux  as- 
sistants. » 

(1)  Voir  le  n'  34. 


Une  fête  moins  tumultueuse  le  retient  chez  le  duc  de  Modène,  qui 
célèbre,  à  sa  cour,  la  première  représentation  d'un  opéra  de  sa 
composition  :  le  Carnaval  et  la  Folie.  Après  le  spectacle  on  sert  un 
souper  au  parterre,  dans  chaque  loge,  sur  le  théâtre  et  à  l'orchestre. 
Au  dessert,  la  duchesse  de  Modène,  Mlle  de  Valois,  fille  du  régent, 
figure  habillée  en  homme,  dans  un  ballet  de  circonstance. 

En  traversant  Turin,  le  comte  de  Brosses  ne  manque  pas  d'aller 
présenter  ses  hommages  au  marquis  de  Senneterre,  ambassadeur  de 
France  «  qui  n'a  pas  inventé  la  poudre,  mais,  ce  qui  est  bien  pré- 
férable, qui  aime  passionnément  la  musique.  »  En  son  honneur,  M.  de 
Senneterre  organise  un  concert.  Lanzetti,  violoncelliste,  et  les  deux 
Besozzi,  hautbois  et  basson,  «  y  eurent  de  petites  conversations  mu- 
sicales dont  il  fallait  se  pâmer  d'aise,  »  et  de  Brosses  avoue  «  que 
dans  sa  vie  il  n'a  rien  éprouvé  de  plus  enchanteur,  et  que  cela  ne 
se  peut  comparer  qu'à  la  Nuit  du  Corrége.  » 

Le  carnaval  terminé,  notre  voyageur  revint  à  Rome,  son  séjour  de 
prédilection,  à  Rome  qui  l'attirait  par  de  puissantes  séductions  artis- 
tiques. Il  y  retrouvait  ses  amis,  ses  compositeurs  aimés,  et  les  deux 
fils  du  prétendant  Jacques  III,  Charles-Edouard,  le  glorieux  vaincu 
de  Gulloden,  et  le  cardinal  d'Yorck,  son  frère,  qui  l'avaient  pris  en 
affection.  Le  premier  jouait  très -bien  du  violoncelle,  le  second  chan- 
tait avec  une  jolie  petite  voix  d'enfant,  du  meilleur  goût.  Tous  deux 
aimaient  passionnément  la  musique,  et  les  concerts  qu'ils  donnaient 
étaient  les  plus  suivis  de  Rome.  On  faisait  encore  d'excellente  musique 
chez  le  doyen  du  sacré  collège,  Ottoboni,  grand  amateur  des  psaumes 
en  langue  vulgaire  du  Vénitien  Marcello.  Ces  réunions  d'élite  con- 
solaient de  Brosses  de  la  pitoyable  exécution,  au  théâtre  Gapranica, 
de  Mérope,  opéra  nouveau  :«  Il  y  avait,  dit-il,  ce  soir-là,  une  foule  à 
étouffer  ;  les  décorations  n'étaient  ni  finies  ni  tendues  ;  on  voyait  les 
murailles  de  tous  côtés,  les  violons  ivres,  les  rôles  mal  sus,  les  ac- 
teurs enrhumés,  une  Mérope  abominable,  un  Polyphonie  à  rouer  de 
coups.  Le  lendemain,  le  gouverneur  de  Rome  fit  mettre  en  prison 
l'entrepreneur,  la  pièce  et  les  acteurs.  In  questo  modo  fii  finita  la 
eommedia.  »  Je  m'explique  la  colère  du  comte  de  Brosses.  Il  ne 
vivait  alors,  il  ne  parlait,  il  n'écrivait  que  de  musique.  Sa  corres- 
pondance est  bien  certainement  le  traité  le  plus  complet,  le  plus 
technique,  et  en  même  temps  le  plus  attrayant  de  l'art  musical  en 
Italie  à  cette  époque.  11  étudie,  il  discute,  il  compare  :  nature  des 
voix,  méthodes  d'enseignement,  composition  des  orchestres,  exploi- 
tation des  théâtres,  analyse  des  pièces,  ressources  musicales  de  la 
langue  italienne,  aptitudes  spéciales  du  peuple,  parallèle  entre  le  gé- 
nie français  et  le  génie  italien,  tout  devient  pour  lui  matière  à  exa- 
men et  à  jugement.  Depuis  lors,  ces  questions  ont  été  bien  souvent 
agitées  ;  le  débat  est  clos,  sinon  vidé  maintenant  ;  mais  on  n'a  jamais 
mieux  vu,  mieux  pensé  et  mieux  dit  que  Charles  de  Brosses. 

Au  milieu  de  ces  études,  une  grande  douleur  le  frappe  :  la  mort 
de  Pergolèse.  «  Ah  !  le  gracieux  génie,  simple  et  nalural  !  —  s'écrie- 
t-il  avec  une  émotion  qui  vient  du  cœur.  —  On  ne  pouvait  pas 
écrire  avec  plus  de  facilité,  de  charme  et  de  goût.  Consolez-moi 
dans  mon  affliction  ;  mon  pauvre  favori  vient  de  mourir  de  la  poi- 
trine, à  l'âge  de  trente-trois  ans.. .  »  Les  regrets  de  de  Brosses  fu- 
rent sincères  et  durables  ;  mais,  soit  qu'il  ne  voulût  pas  en  at- 
trister ses  amis  de  Dijon,  soit  que  son  heureuse  nature  reprît  le 
dessus,  nous  le  voyons  bientôt  revenir  à  ses  judicieuses  critiques, 
à  ses  anecdotes  piquantes,  à  ses  charmantes  vivacités  et  à  ses  élans 
de  jeunesse.  Lisez  ce  qu'il  écrit  après  une  promenade  à  Baïa  :  «...  La 
bonne  compagnie,  en  vérité,  que  l'on  trouvait  là  du  temps  de  Cioé- 
ron,  d'Horace,  d'Auguste,  de  Mécène  et  de  Catulle  !  Les  jolis  soupers 
qu'on  allait  faire,  en  se  promenant  au  son  des  flûtes,  à  la  bastide 
de  LucuUus,  près  du  promontoire  de  Misène!  le  beau  spectacle  pour 
sa  soirée  que  ces  nefs  dorées,  que  cette  mer  couverte  de  roses ,  que 
ces  barques  pleines  de  jolies  femmes,  que   ces  concerts   sur  l'eau, 


DE  PARIS. 


285 


que  tout  ce  luxe  en  un  mot,  si  sottement  blâmé  par  Sé.jèque!  » 
N'est-ce  pas  là  le  langage  d'un  artiste  et  d'un  grand  seigneur,  et 
savez-vous  quelque  chose  de  plus  pimpant  et  de  plus  frais? 

Les  devoirs  de  sa  charge  de  conseiller  au  Parlement  ne  permirent 
pas  au  comte  de  Brosses  de  prolonger  son  voyage  autant  qu'il  l'au- 
rait voulu,  mais  il  était  resté  assez  longtemps  en  Italie  pour  y  former 
son  goût,  et  pour  y  acquérir  les  connaissances  musicales  approfon- 
dies qu'il  mit  ensuite  en  lumière  dans  un  grand  nombre  d'ouvrages 
spéciaux.  Le  temps  a  ratifié  ses  appréciations.  Non  plus  dans  ses  let- 
tres d'Italie,  mais  dans  dautres  lettres  écrites  de  Paris  eu  1754,  il 
disait  de  l'opéra  de  son  compatriote  Rameau,  Castor  et  Pollux  : 
«  Pièce  à  la  française,  noble,  belle,  triste,  assez  ennuyeuse.  »  Et  il 
mettait  en  regard  la  musique  italienne  des  Bouffons  :  «  Combien 
tout  ceci  est  au-dessus  de  notre  musique  française!. . .  La  musique 
leur  doit  beaucoup  à  Paris;  ils  oiit  commencé  d'y  apprendre  (d'y 
enseigner)  ce  que  c'était  que  du  coup  d'archet,  des  nuances  et  de 
l'accompagnement,  choses  dont  on  n'avait  pas  même  de  soupçon.  Il 
est  étonnant  combien  ils  ont  perfectionné  l'orchestre  de  l'Opéra,  qui 
commence  à  être  un  bon  écolier.  »  Du  Devin  du  villaçie,  de  Rous- 
seau, dont  tout  le  monde  raffolait  alors,  il  jugeait  sans  hésiter  et  en 
homme  qui  sait  de  quoi  il  s'agit  :  «  C'est  une  petite  misère  villa- 
geoise, qui  est  jolie  et  agréable  la  première  fois,  quand  on  ne  la  sait 
pas  ;  quand  on  la  sait,  ce  li'est  plus  qu'un  lampion  et  un  pont-neuf. 
Il  n'y  a  point  d'étoffe  là-dedans.  »  En  1756,  il  proposait  comme  in- 
novation et  souhaitait,  à  son  grand  honneur,  «  de  voir  établir  à  Paris 
un  opéra  italien,  en  laissant  subsister  le  nôtre  tel  qu'il  est.  «  Ce 
vœu  est  maintenant  une  réalité  ;  mais  puisque  le  vent  est,  de  nos 
jours,  aux  œuvres  de  justice  et  de  réparation,  j'aimerais  assez  à  voir 
le  buste  du  comte  de  Brosses  au  foyer  du  théâtre  Italien.  De  tels 
fondateurs  honorent  uue  fondation. 

Jlembre  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  premier 
président  au  Parlement  de  Dijon,  ami  de  tous  les  hommes  supérieurs 
de  son  temps,  l'ancien  touriste  musicien  de  1739  resta  jusqu'à  la  fin 
fidèle  à  son  éducation  artistique  italienne,  et  de  même  que  Bayle  et 
Diderot  avaient  créé  la  critique  littéraire  exacte ,  émue,  fine  et  em- 
pressée, le  comte  de  Brosses  créa,  pendant  son  voyage  en  Italie,  la 
critique  musicale  vive,  féconde,  pénétrante,  et,  si  je  puis  dire,  il  lui 
trouva  son  âme.  C'est  que  pour  lui  la  meilleure  manière,  non-seule- 
ment de  sentir,  mais  de  faire  valoir  les  belles  œuvres,  c'était  de  se 
laisser  faire  chaque  fois  en  les  entendant,  en  parlant  d'elles  ;  d'ou- 
blier, autant  qu'il  le  pouvait,  qu'il  les  possédait  de  longue  main,  et 
de  recommencer  avec  elles,  comme  s'il  ne  les  connaissait  que  de  la 
veille.  Le  jugement,  ainsi  retrempé  à  sa  source,  diît-il  rester  infé- 
rieur quelquefois  à  ce  qu'on  avait  trouvé  précédemment,  y  reprend 
du  moins  de  la  vie  et  de  la  fraîcheur. 

A  l'exemple  du  président  de  Brosses,  les  musiciens,  les  hommes 
de  goût  et  de  loisir  devraient,  pour  eux  seuls,  revenir ,  tous  les  qua- 
tre ou  cinq  ans,  sur  leurs  anciennes  et  meilleures  admirations,  les 
vérifier,  les  remettre  sur  le  pupitre  comme  nouvelles,  c'est-à-dire  les 
réveiller,  les  rafraîchir,  au  risque  même  de  voir  s'y  faire  çà  et  là 
quelque  dérangement;  l'essentiel  est  qu'elles  soient  vives.  Toutes 
celles  de  ces  admirations  qui  sont  bien  fondées,  si  les  artistes  eux- 
mêmes  ne  sont  pas  devenus,  dans  l'intervalle,  moins  dignes  de 
comprendre  le  beau,  toutes  ou  presque  toutes  gagneront  et  s'accroî- 
tront à  cette  revue  sincère.  Les  vraiment  belles  choses  paraissent 
de  plus  en  plus  telles  en  avançant  dans  la  vie  et  à  proportion  qu'on 
a  plus  comparé.  Ce  sera  la  moralité  que  nous  pouvons  tirer  de  notre 
voyage  en  Italie,  à  la  suite  du  noble  touriste  «  du  pays  de  Bourgogne.» 

Em.  Mathibd  de  monter. 


littërâtdre  musicale. 

liA   UCSIQtJB  A  PARIS, 

Par  Albert  de  Laiialle  et  Er.  Vboinan. 

Acquittons  une  dette  déji  ancienne,  en  nous  occupant  d'un  ou- 
vrage auquel  toutes  nos  sympathies  sont  acquises  et  qui  ne  mérite 
pas  moins  celles  de  nos  lecteurs.  Nous  aimons  beaucoup  les  vieux 
journaux,  dans  lesqiie's  le  passé  se  représente  à  nous  par  fragments 
dépareillés,  sans  ordre,  sans  méthode,  oîi  chaque  pas  amène  une 
trouvaille,  une  surprise,  qui  réveille  les  souvenirs  en  foule.  Nous 
n'avons  pas  moins  de  goût  pour  les  annuaires,  véritables  miroirs 
d'une  époque,  sur  lesquels  il  suffit  de  jeter  un  coup  d'œil  pour  re- 
trouver ce  que  l'on  cherche,  pour  vérilier  un  fait,  s'assurer  d'une 
date,  rattacher  le  fil  des  événements,  et,  si  le  cœur  vous  en  dit,  re- 
monter des  effets  aux  causes.  La  Musique  à  Paris  n'est  autre  chose 
que  le  miroir  exact  et  fidèle  de  l'année  1862,  prise  au  point  de  vue 
musical.  Tout  ce  qui  s'est  accompli,  tenté,  risqué  en  ce  genre  pen- 
dant les  douze  mois  de  cette  période,  a  été  saisi  au  vol  et  conscien- 
cieusement enregistré  par  les  deux  auteurs  sous  les  rubriques  sui- 
vantes :  Actes  de  l'autorité,  InsHtut  de  France,  Théâtres,  Concerts, 
Musique  religieuse,  Enseignement  musical.  Littérature  muicale, 
Nécrologie,   Variétés. 

La  plus  grande  difliculté  pour  l'auteur  d'un  livre,  tel  que  celui  dont 
nous  parlons,  c'est  de  l'écrire  avec  une  certaine  impartialité,  mais  en 
même  temps  avec  assez  d'esprit  et  de  sel  pour  en  rendre  la  lecture 
constamment  agréable  et  facile.  Nos  deux  chroniqueurs  n'ont  pas 
mal  réussi  dans  cette  double  tâche.  Sauf  de  rares  exceptions,  leurs 
jugements  nous  ont  paru  de  tout  point  justes  et  raisonnables. 

Si,  dans  leurs  comptes  rendus  de  pièces  nouvelles  ou  de  reprises, 
ils  n'ont  pas  toujours  parfaitement  observé  la  différence  qui  doit  exis- 
ter entre  le  style  d'un  article  écrit  le  lendemain  et  celui  d'un  an- 
nuaire, fait  pour  être  lu  à  distance,  nous  nous  plaisons  à  reconnaître 
qu'ils  n'ont  jamais  dépassé  les  limites  d'une  ironie  permise,  et  qu'ils 
ont  su  critiquer  sans  laisser  de  blessure  trop  profonde.  A  propos 
des  concerts  qui  se  multiplient  durant  le  carême,  quand  l'heure  des 
grandes  orgies  musicales  est  sonnée,  ils  se  sont  bien  gardé  de  con- 
fondre ce  qui  doit  être  soigneusement  séparé,  l'œuvre  d'art  et  celle 
de  métier.  Ils  n'ont  pas  eu  le  tort  de  prendre  pour  un  concert  ce 
qui  n'est  qu'une  réclame,  que  tout  artiste  a  bien  le  droit  de  donner 
annuellement  dans  l'intérêt  de  sa  chentèle. 

Bref,  ta  Musique  à  Paris  est  assurément  fort  digne  de  l'attention 
des  artistes  et  des  amateurs  :  sa  place  est  marquée  dans  les  biblio- 
thèques, oià  elle  se  rangera  entre  les  ouvrages  savants,  composés 
pour  l'avenir,  et  les  productions  légères,  destinées  à  ne  vivre  qu'un 
jour. 

P.  S. 


NOUVELLES. 


**«  L'Opéra  a  donné  cette  semaine  les  Huguenots  pour  les  trois  der- 
nières représentations  de  Mlle  Tietjen». 

^,**  Mme  Tedesco  est  de  retour  à  Paris  après  une  absence  d'un  mois 
qu'elle  a  passé  à  Wiesbaden. 

,*»  Mlle  Wertheimber  vient  d'être  engagée  à  l'Opéra  ;  elle  y  débutera, 
demain  lundi,  dans  le  rôle  d'Asucena  du  Troucèfe  ;  Villaret  remplira  le 
rôle  de  Manrique. 

**,  M.  de  Saint-Georges  travaille  activement  avec  MM.  Rota  et  Giorz» 
au  ballet  destiné  aux  débuts  de  Mlle  Amina  Boschetti.  On  pense  qu'il 
sera  prêt  vers  la  fin  d'octobre. 


29Û 


REVLE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


^*t,  Un  journal  annonce  le  prochain  mariage  de  la  jeune  danseuse  de 
l'Opéra  Mlle  Vernon  avec  M.  Gaïffe,  homme  de  lettres. 

^*»  Mlle  Tietjens  est  partie  hier  matin,  pour  Londres;  Aless.  Bettini 
et  sa  femme,  Mme  Trebelli-Bettini,  sont  partis  également.  Ces  Irois  ar- 
tistes, avec  Mmes  Lemmens-Sherriugton,  Weiss,  Wilkinson  et  Palmer  ; 
MM.  Sims-lieeves,  Montene,  Santley,  Boissi  et  Weiss,  sont  engagés  pour 
chanter  au  festival  musical  de  Korwich,  qui  doit  avoir  lieu  le  Ji  sep- 
tembre et  se  prolonger  jusqu'au  18.  Les  chœurs  et  l'orchestre  compren- 
dront quatre  cents  exécutants,  sous  la  direction  de  Benedict.  Le  pro- 
gramme se  compose,  entre  autres,  des  oratorios  Judas  Machabéc  et  le 
Messie,  de  Ilaendel;  Elie.  de  Mendelssohn;  Richard  Cœur  de  Lion,  nou- 
velle cantate  de  Benedict,  et  une  sérénade  nuptiale,  composée  par 
M.  Cusins  à  l'occasion  du  mariage  du  prince  de  Galles. 

:i,**  Les  Amours  du  Diable  continuent  à  attirer  beaucoup  de  monde  au 
théâtre  de  l'Opéra-Comique.  —  Hier  soir  on  a  représenté  les  Noces  de 
Jeannette  et  le  Caïd  ;  le  nouveau  baryton  Eug.  Battaille  débutait  dans 
le  chef-d'œuvre  d'Amb.  Thomas. 

a,*j.  Le  directeur  du  théâtre  Italien  vient  de  publier  son  programme 
de  la  saison.  Les  artistes  engagés  jusqu'à  ce  jour  pour  la  double  exploi- 
taiion  de  Madrid  et  Paris  sont  :  Prime  do7ine  soprani,  mezza  sojjrani  et 
coniralti,  Mmes  .\nna  de  la  Grange.  Borghi  Mamo,  Calderon,  Gassier, 
de  Méric-Lablache,  Marchisio  (Carlotta),  .Marchisio  (Barbara),  Patti  (Ade- 
lina),  Vander-Beek,  Mariotti.  Primi  tenori,  MM.  Baragli,  Fraschini,  Mario, 
Musiani,  .^'■colini,  Pagans.  Primi  bariloni,  MM.  Agnesi,  Delle-Sedie,  Gi- 
raldoni,  Guicciardi,  Guadagnini,  Mofelli.  Primi  bassi ,  iMM.  Antonucci, 
Bouché.  PiiHif  bufft  MM.  Rovère,  Scalese.  Parti  comprimarie  et  secondarie, 
M,M.  Arnoldi,  Capello,  Leroy  (lenori),  Mercuriali,  Padovani,  Vairo  (bassi). 
Diretlore  d'crchcstra,  M.  Castagneri.  Dircttorc  del  canio,  M.  Alary,  Ùiret- 
ture  dei  cori,  M.  Gautier.  Piltore  scenografo,  M.  Ferri. — Outre  le  répertoire 
co'irant,  deux  ouvrages  nouveaux  sont  annoncés:  la  Forza  del  destina 
(.1  Simon  ISoccanegra,  de  Verdi.  On  reprendra,  outre  le  Mose  de  Rossini, 
Béatrice  di  Tenda,  de  Bellini,  Linia  di  Chamounix,  Maria  di  Rohan, 
Saffo^àe  Pacini. —  Les  représentations  auront  lieu  les  dimanche,  mardi, 
mercredi,  jeudi  et  samedi  ue  chaque  semaine. —  Diverses  modifications  ont 
été  apportées  à  l'aménagement  intérieur  de  la  salle.  Le  parterre  .est 
supprimé;  des  loges  supplémentaires  sont  construites  sur  son  emplace- 
ment. Un  amphithéâtre  a  été  disposé  aux  quatrièmes  pour  tenir  lieu 
des  places  de  parterre.  Le  prix  en  a  été  fi.xé  à  i  francs.  La  profondeur 
de  la  scène  a  été  diminuée  de  2  mètres,  de  sorte  que  les  loges  d'avant- 
scène  qui  se  trouvaient  au-delà  de  la  rampe  seroni,  désormais  en  deçà. 
L'orchestre  sera  dans  toute  sa  longueur  divisé  par  une  allée  spacieuse, 
qui  permettra  à  cliacun  de  se  rendre  commodément  à  sa  stalle. 

^*f  Le  théâtre  Lyrique  impérial  a  fait  jeudi  sa  réouverture  par  les 
Noces.de  Figaro,  devant  une  nombreuse  et  brillante  assemblée. — Vendredi 
il  a  donné  la  Statue;  Monjauze  y  a  reparu  aux  nombreux  applaudisse- 
ments-de  l'auditoire.  .Mlle  Reboux  y  débutait  dans  le  rôle  de  la  Statue, 
créé  par  Mlle  Baretti. 

»*a,  Meyerbeer  vient  d'arriver  à  Paris;  il  va  se  rendre  aux  bains  de 
mer  de  Dieppe. 

^*.j,  H.  Panofka  est  de  retour  de  son  excursion  en  Belgique. 

.^*^  M.  Marchesi  est  engagé  pour  la  saison  prochaine  au  théâtre  de 
Sa  Majesté  à  Londres  :  il  y  jouera  le  double  répertoire  ancien  et  mo- 
derne. D'ici  là,  il  doit  se  rendre  dans  plusieurs  villes  d'Allemagne , 
où  le  rappellent  ses  derniers  succès  au  théâtre  et  dans  les  concerts. 

-j,*^  Au  nombre  des  artistes  qui  parcourent  en  ce  moment  les  pro- 
vinces d'Angleterre  après  la  saison  de  Londres,  noiis  devons  une  men- 
tion spéciale  à  M.  et  Mme  Volpini  qui  y  donnent,  en  compagnie  de  Sant- 
ley et  de  la  basse  Rossi,  des  concerts  très-suivis.  On  se  rappelle  le 
succès  de  Mme  Volpini  au  théâtre  Italien;  celui  qu'elle  a  obtenu  au 
théâtre  de  la  Reine  à  Londres  n'a  pas  été  moins  grand.  Quant  à  son 
mari,  il  tenait  une  belle  place  sur  les  scènes  d'Amérique.  A  Derby,  où 
Mme  Volpini  a  donné  son  premier  concert,  elle  a  provoqué  un  vérita- 
ble enthousiame. 

:,,*»  Un  arrangement  pour  petit  orchestre  de  YOuverture  en  forme  de 
marclie,  composée  par  Meyerbeer  pour  l'exposition  de  Londres,  vient  de 
paraître.  On  en  a  retranché  les  parties  de  clarinette  basse,  troisième 
et  quatrième  basson,  deuxième  petite  flûte,  troisième  et  quatrième 
trompette,  de  façon  à  en  rendre  l'exécution  accessible  à  toute  réunion 
musicale. 

***  Le  Ménestrel  de  dimanche  dernier  contenait,  sous  le  titre  de  pe- 
tite chronique  ,  une  anecdote  concernant  EUeviou  et  la  répétition  de 
l'opéra-comique,  le  Poète  et  le  musicien.  La  petite  chronique  était  pré- 
cédée de  la  note  suivante  :  «  On  lit  dans  le  journal  le  Tliéâlre:  «  Nous 
découvrons  dans  une  feuille  de  jadis  l'histoire  suivante;  elle  nous  a  paru 
avoir  son  piquant,  etc.»  Pourquoi  ne  compléterions-nous  pas  cette  note 
en  disant  que  la  feuille  de  jadis  est  la  Iteme  et  Gazelle  musicale  ?En  effet, 
au  n°  21  de  l'année  1842  de  ce  journal,  on  trouvera  le  fragment  re- 
produit par  nos  deux  confrères  et  portant  la  signature  de  Paul  Smith, 
qui  tenait  l'anecdote  de  M.  Dupaty  lui-même. 


tT't,  Les  journaux  de  Londres  sont  unanimes  à  constater  l'immense 
succès  que  continue  d'obtenir  le  violoniste  Isidore  Lotto,  «  pupil  of 
M.  Massart,  an  eminent  professer  of  the  Paris,  Conservatoire  »,  dit  le 
Times  du  25  août.  A  l'un  des  derniers  concerts  de  M.  Alfred  Mellon, 
ajoute  le  Morning  Star,  M.  Lotto  a  joué  un  charmant  concerto  de  Viotti, 
avec  un  fini  exquis  et  une  puissance  magistrale ,  puis  le  Mouoement 
perpétuel  de  Paganini;  après  l'exécution  de  ce  délicieux  et  brillant 
morceau,  le  public  enthousiasmé  rappela  plusieurs  fois  le  jeune  artiste 
et  lui  demanda  les  variations  sur  le  Carnaval  de  Venise,  qu'il  s'empressa 
d'exécuter  au  milieu  des  applaudissements  et  des  acclamations  frénéti- 
ques de  l'auditoire. 

„,■*,  On  écrit  d'Ems  :  «  Le  dernier  concert  du  Kursaal  a  été  le  plus 
beau  auquel  il  nous  ait  été  doniié  d'assister.  Après  le  grand  trio  en  ré 
mineur  de  Mendelssohn,  exécuté  par  Mme  Escudier-Kastner,  MM.  Batta 
et  Vieuxtemps,  Mme  E.  Kastner  s'est  surpassée  dans  l'admirable  et  si 
difficile  fantaisie  sur  le  Prophète,  de  Liszt;  Vieuxtemps  a  joué  sa  Fanta- 
sia appassionata  et  deux  mélodies  irlandaises  avec  un  talent  qui  ne 
compte  plus  de  rivaux.  Enfin  Vivier  a  exécuté  avec  sa  merveilleuse  ha- 
bileté et  une  expression  de  sensibilité  qui  mouillait  tous  les  yeux  l'Eloge 
des  larmes,  de  Schubert.  En  vérité,  Vivier  est  un  grand  artiste  !  A  côté 
de  ces  célébrités  do  premier  ordre,  Monari  Rocca  s'est  fait  applaudir 
en  chantant  avec  goût  et  d'une  voix  sympathique  l'air  du  bravo  de 
Mercadante.  « 

»**  Pendant  le  séjour  qu'a  fait  l'empereur  d'Autriche  à  Darmstadt,  le 
directeur  du  théâtre  de  cette  résidence  et  du  théâtre  de  la  ville,  à 
Mayence,  M.  Tesoher,  a  reçu  de  Sa  Majesté  la  décoration  de  chevalier 
de  l'ordre  de  François-Joseph. 

^*,j  On  lit  dans  la  Gazette  musicale  universelle  do  Leipzig  :  «  Après 
la  première  représentation  de  Fidelio,  de  Beethoven,  au  théâtre  de 
Dresde,  le  29  avril  1823,  le  directeur  général  de  la  chapelle  et  du 
théâtre  de  la  Cour,  baron  de  Kœnneritz,  lui  adressa  le  billet  suivant  : 
«  A  M.  le  maître  de  chapelle  Beethoven,  à  Vienne:  Votre  opéra  de  Ficif/io 
vient  d'être  représenté  avec  un  succès  complet  ;  je  me  réjouis  de  pou- 
voir vous  le  faire  savoir,  et  je  joins  à  ma  lettre  le  montant  de  vos  ho- 
noraires (40  ducats),  avec  l'expression  de  ma  gratitude;  je  vous  prie  de 
me  renvoyer  signée  la  quittance  ci-incluse,  pour  la  caisse  du  théâtre.» 

,j*,t  Franz  Liszt  a  eu  dernièrement  une  audience  au  Vatican.  A  cette 
occasion  il  a  reçu  du  pape  un  fort  beau  camée.  Le  célèbre  pianiste- 
compositeur  a  écrit  une  liymne  pour  la  fête  de  Saint-Cyrille,  l'apôtre 
des  Slaves,  à  l'églisii  de  San  Girolamo  degli  Schiavoni. 

jf*^,  M.  le  docteur  Ludwig  Nohl,  qui  écrit  une  nouvelle  biographie  de 
Beethoven,  prie  les  personnes  en  possession  de  lettres,  documents  ou 
renseignements  quelconques  sur  la  vie  du  maître,  de  lui  en  donner  avis 
où  de  lui  en  faire  adresser  copie  à  Munich,  Schiilergarten,  U,  docteur 
Ludwig  Nohl. 

t**  M.  de  Filippi,  l'un  des  hommes  les  plus  érudits  qu'il  y  ait  pour 
l'histoire  du  théâtre,  s'était  occupé,  depuis  nombre  d'années,  de  ras- 
sembler les  matériaux  d'une  étude  sur  l'opéra  italien  de  tous  les  temps 
et  de  tous  les  pays.  Ce  travail  se  compose  aujourd'hui  de  plus  de  huit 
mille  articles.  Obligé  de  s'en  séparer  à  cause  de  la  difficulté  de  le  trans- 
porter en  voyage,  M,  de  Filippi  s'est  volontiers  contenté  d'un  prix  mi- 
nime pour  que  sa  collection  ne  fût  pas  dispersée  et  pût  devenir  utile. 
A  défaut  de  la  bibliothèque  du  Conservatoire  et  des  archives  du  théâtre 
Italien  auxquelles  un  travail  de  ce  genre  paraissait  logiquement  destiné, 
c'est  l'administration  de  la  Bibliothèque  impériale  qui  a  eu  le  bon  es- 
prit de  s'en  emparer.  Cette  précieuse  compilation,  que  rien  ne  rem- 
placerait, est  allée  rejoindre  les  collections  non  moins  précieuses  de 
Bsffara,  au  département  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque,  où  l'on 
pourra  désormais  la  consulter. 

/h.  Mme  Trebelli-Bettinii  Aless.  Bettini,  son  mari,  et  M.  Kowalsky, 
pianiste  distingué,  viennent  de  donner  au  Casino  de  Saint-Malo  un  con- 
cert qui  avait  attiré  beaucotip  de  monde,  et  qui  a  valu  aux  trois  excel 
lents  artistes  les  plus  chaleureux  applaudissements. 

tf,*^,  Nous  apprenons  avec  regret  qu'Arban  vient  d'accepter  un  engage- 
ment très-avantageux  et  cessera  à  l'avenir  de  diriger  l'orchestre  des  con- 
certs des  Champs-Elysées. 

,j*^  Le  concert  des  Champs-Elysées,  ce  rendez-vous  élégant  de  la 
meilleure  société,  annonce  sa  clôture  annuelle  pour  le  15  septembre. 
U  y  aura  concert  de  jour,  comme  les  années  précédentes,  les  diman- 
ches 20  et  27  septembre,  4,  M,  18  et  25  octobre,  de  2  à  S  heures  du 
soir.  M.  de  Besselièvre  conserve  tout  son  orchestre  pour  ces  matinées 
musicales,  qui  ont  eu  tant  de  succès  l'automne  dernier. 

^■".i,  Demain  dimanche,  au  Pré-Catelan,  second  grand  bal  d'enfants. 
Exiiériences  aérostatiques  et  l'excellent  orchestre  de  Musard. 

4*^  Tous  les  soirs  la  jolie  salle  de  M.  Robin  est  remplie;  ses  inté- 
ressantes expériences  de  physique  et  d'électricité,  ses  apparitions  de 
spectres  si  admirablement  réussies  lui  ont  donné  une  vogue  qui  s'ac- 
croît de  jour  en  jour. 


I>E  PARIS. 


^*^  Une  jeune  pianiste  dont  nous  avons  bien  des  fois  signalé  les  suc- 
cès, Mlle  Ida  Boullée,  vient  dr  succomber  à  une  courte  maladie. 

»*4  Le  directeur  du  bal  qui  portait  son  nom,  M.  Victor  Mabille,  est 
mort  à  Neuilly  la  semaine  dernière  à  l'âge  de  quarante-trois  ans.  C'é- 
tait eu  outre  un  homme  instruit  et  qui  avait  publié  d'assez  jolies 
poésies. 

^*^  M.  Schodel  ancien  maître  de  chapelle  du  théâtre  national  de 
Pesth,  mari  de  la  cantatrice  jadis  célèbre  de  ce  nom,  vient  de  mourir  à 
l'hospice  de  Saint-Kouh,  à  Vienne. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 


^*^  Marseille.  —  Le  Grand-Théâtre  vient  de  faire  sa  réouverture  par 
les  Mousquetaires  de  la  reine.  Le  directeur  M.  Halanzier  avait  fait 
précéder  cette  réouverUire  de  la  publication  de  son  programme,  et 
l'avait  accompagné  de  réflexions  fort  sensées  sur  les  difficultés  qu'é- 
prouvent aujourd'hui  les  directeurs  de  province  pour  composer  une 
troupe  d'opéra,  et  sur  la  nécessité  d'écouter  avec  iudulgence  les  débuts 
des  artistes  engagés.  Ceux  qui  débutaient  dans  l'opéra  d'Halévy  n'avaient 
d'ailleurs  pas  besoin  de  cette  recommandation,  car  leur  réputation 
n'était  point  à  faire  auprès  de  notre  public.  Aussi  les  principaux  in- 
terprètes des  Mousquetaires,  Mme  Gasc,  M.  et  Mme  Dufrène,  M.  Bru- 
neau,  Mme  Dumestre,  MM.  Charansonnay  et  Durand  n'ont-ils  eu  qu'à 
se  louer  de  l'accueil  qui  leur  a  été  fait. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


^*^  Bade.  —  Les  représentations  de  la  troupe  italienne  ont  continué 
cette  semaine.  Le  Trovatore  a  été  chanté  par  Naudin ,  Delle-Sedie, 
Mmes  Charton-Domeur  et  Demeric-Lablache.  Nous  ne  pensons  pas  que 
l'œuvre  de  Verdi  ait  jamais  été  mieux  interprétée  au  théâtre  italien  de 
Paris.  Naudin  a  déployé  dans  le  rôle  de  Manrico  d'admirables  qualités; 


Delle-Sedie  est  un  comte  de  I,una  excellent,  et  le  rôle  de  Leonora  a  été 
pour  Mme  Charton-Demeur  un  véritable  triomphe.  Mme  Demeric  ex- 
celle dans  celui  d'Azucena,  auquel  elle  donne  un  caractère  de  pas- 
sion sauvage  qui  produit  le  plus  grand  effet.  —  Au  Trovatore  a  succédé 
Rigolelto,  non  bien  moins  rendu  par  Naudin,  Delle-Sedie,  Balanqué, 
Mmes  Battu  et  Demerio.  iN'audin  a  dû  répéter  la  chanson  :  la  donna  è 
mobile,  qu'il  a  dite  avec  une  légèreté  et  un  goût  parfaits.  Le  brillant 
auditoire  qui  peuplait  la  saile  a  fait  également  bisser  le  quatuor.  Meyer- 
beer  assistait  à  ces  deux  représentations. 

^*4  Berlin.  —  Formés  ayant  été  pris  d'une  indisposition  subite  une 
heure  avant  le  lever  du  rideau,  il  a  dû  être  remplacé  dans  le  rôle  de 
Raoul  des  Huguenots  par  un  M.  Polenz,  qui  s'en  est  tiré  de  son  mieux. 
MUeLunca,  comme  toujours,  a  fait  merveille  dans  le  rôle  de  Valentine. 

^*^  Vienne.  —  Ander  est  parfaitement  rétabli;  le  9  ou  le  10  sep- 
tembre, jour  où  finit  son  congé,  l'excellent  ténor  fera  sa  rentrée 
dans  le  rôle  de  Jean  de  Leyde  du  Prophète,  celui  de  Fides  sera  chanté 
pour  la  première  fois  par  Mlle  Destinn.  —  VVachtel  a  chanté  pour  la 
seconde  fois  le  rôle  de  Raoul,  dans  tes  Huguenots.  —  Les  répétitions  de 
Vlphigénie  de  Gluck  se  poursuivent  avec  activité,  —  Le  premier  chan- 
tre de  la  communauté  isréalite,  et  professeur  émérite  au  Conservatoire 
de  Vienne,  M.  Sulzer,  a  reçu  l'ordre  du  Médjidié;  il  avait  offert  au  sultan 
l'excellent  ouvrage  connu  sous  le  nom  de  «  Schir-Zion  »,  recueil  de 
chants  liturgique. 

^^^,New-York,  19  août.  —  Au  concert  de  M.  Thomas,  la  symphonie 
d'Hector  Herlioz  :  Harold  en  Italie,  a  été  accueillie  avec  toute  la  fa- 
veur possible.  Les  bravos  étaient  unanimes  et  l'on  aurait  voulu  faire 
recommencer  la  symphonie  entière.  Nos  sociétés  philharmoniques  se 
proposent  de  faire  exécuter,  l'hiver  prochain,  plusieurs  des  grandes 
compositions  du  maître  français.  —  Nous  avons  perdu  M.  Michaele  Ra- 
petfi,  excellent  musicien,  violoniste  de  première  force,  qui  avait  tenu 
le  bâton  de  chef  d'orchestre  de  l'opéra  italien,  pendant  vingt  ans  au 
moins  ;  fatigué  de  la  vie  publique  et  jouissant  d'une  fortune  honora- 
blement acquise,  il  s'était  voué  à  l'instruction  et  ne  paraissait  en  public 
qu'à  de  longs  intervalles,  pour  des  actes  de  charité.  Sous  la  direction 
de  son  ami,  .M.  L.  Dachauer,  on  a  exécuté  à  ses  obsèques  la  magnifique 
messe  de  Requiem  d'Ambroise  Thomas,  ainsi  que  des  fragments,  en 
plain-ohant,  arrangés  pour  quatre  voix,  par  V.  Verrimst. 


s.  DUFOUR. 


LIBRAIRIE  DE  FIRMIN  DIDOT  FRÈRES ,  FILS  ET  C.\  RUE  JACOB ,  56, 

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Choeurs  pour  Voix  d'Hommes 


SANS     ACCOMPAGNEMENT 


SOCIÉTÉS    GHORikLES 


PBEMIÈRE   SÉRIE 


GBŒURS  D'OPERAS 


II.  Flotow    . 

5.  Gluck  .   . 

6.  — 

7.  HàLÉVI     . 

8.  Maillart. 

9.  Mexebbeer. 


13.  — 

14.  RossiNi. 

15.  — 


lie  Eiac  des  Fées.   . 
Unette    de  Porticl 

.  lUartba 

Alceste 

Armide 

lie  IVabab 

Dragons  de  Villars 
Eies  Hnguenots    .   . 

lie  Prophète.    .    ,   . 
Robert  le  Diable  . 

lie  Comte  Ory  .    .   . 

«nillannie-  Tell  .   . 


Robert  Rrnce 


Chœur  des  Etudiants 

Chœur  de  la  Chapelle 

Aniour  sacré  de  la  patrie.   .    .   . 

Mélodie  irlandaise 

Vivez,  aimez 

Les  plaisirs  ont  chcisi  pour  asile 
Couplets  du  tabac,  avec  solo.  . 
Prière  :  Soutien  de  l'innocent.  . 
Couplets  des  soldats  huguenots  , 

Septuor  du  duel 

Appel  aux  armes 

Chœur  dfs  Buveurs 

Chœur  de  moines 

Chœur  et  prière 

Prière 

Chœur  de  la  Conjuration.    .   .    . 

Cliœur  des  Chasseurs 

Chasse  et  prière  du  soir  .... 

Prière 

Chœur  bachique  avec  solo  .   .    . 


DEUXIEME    SÉRIE 


CHŒURS  DIVERS 


9.  Beethoven 

10.  — 

11.  — 

12.  Cavallc. 

13.  Elwart    . 
16.         — 

15.  — 

16.  Kl'CKEN     . 

17.  — 

18.  — 

19.  Lababre.  . 

20.  — 


lies  Bonlauirers 1     » 

lies  Fondeurs .  1     » 

lies  Carçons  de  restaurant i     u 

lies  Horlogers 1     » 

lies  Canotiers i    » 

lies  Postillons 1     n 

li'Enclame 1     n 

lies  Charpentiers 1     » 

Chant  des  Compag^nous i  50 

Chant  élégâaque 1  50 

H^mne  du  sacrifice,  avec  solo 1  50 

lies  Canotiers  de  Paris '    .    .    .   .  »  50 

Saint  impérial,  God  Save  français »  40 

Uarche  du  Prince    Impérial »  40 

Hymne  national  russe »  25 

La  Fuite  des  captifs,  chœur  avec  solo  de  ténor  .   .  lï  50 

Yseult  l'impératrice »  50 

lies  Veilleurs  de  nuit »  50 

lia  Chasse  an  tig^e 1  50 

lies  Gondoliers  Ténitiens d  50 


Chaque  partie  séparée  de  Ténor  ou  de  Basse  se  vend  séparément  20  centimes  net. 
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Le  Chant  des  Exilés 

Chœur  avec  solo  de  ténor. 

Les   Joyeux   Chasseurs 

Chœur  à  quatre  voix. 

Adieu  aux  jeunes  Mariés 

Sérénade  pour  deux  chœurs,  à  huit  voix. 
Chaque  partition  net  :  1  rn.  SO. 


A  la  Patrie! 

Chœur  avec  soli. 

L'Amitié 

Quatuor  pour  voix  d'hommes. 

Le  91^  Psaume 

Slotet  à  huit  voix  [en  deux  chœurs) . 
Composés    par 


Chant  Guerrier 

Do  Struensée,  chœur  à  quatre  voix. 

[Invocation  à  la  Terre  natale 

I    Chœur  sur  le  thème  du  God  save  the  King. 

Couplets  de  la  Cavalerie 

De  TÉtoile  du  Nord,  à  quatre  voix. 
Les  Parties  séparées  :  20  centimes. 


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Chœur  des  Bohémiens  de  PRÉCÏOSA     |   AVAÎVÏ  LA  BATAILLE  ( 

Clicenrs  arrangés  pour  l'Orpliéon  ae  la  ville  de  Paris,  par  PASIDEIiOUP,  composés  par 


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Traiispositeur  pour  faciliter  renseignement  du  chant  sans  accom- 
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Membre  de  la  Commission  de  surveillance  du  chant  et  de  la  Société 
pour  l'inslmclion  primaire. 

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Oir  s* ABONNE  S 

Dans  les  Dâportcments  et  à  l'Étroiigcri  chez  loua 
les  Uarchaods  de  Uusiquc,  les  Libraires,  et  aux 
Pureaui  des  Messageries  et  des  Poites. 


N«  37. 


REVUE 


13  Septembre  1863. 

PRIS  DE  L* ABONNEMENT  : 

Paris 24  fr.  par  an 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    30  «      id. 


Étranger. . 


Le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


34  >•      id. 


GAZETTE  MUSIC 


—y\/^j\PJ\f\j\f\Pj\j\rj~- 


SOMMAIRE.  —  Tliéàtre  impérial  de  l'Opéra  et  théâtre  impérial  de  l'Opéra- 
Comique:  rentrées  et  débuts,  par  Paul  Smith.  —  L'Anneau  des  Nibelun- 
gen,  par  Richard  Wagner  (  3"  article  ) .  —Concours  orphéonique  de  Rouen. 
—  Derniers  jours  de  Mendelssohn  (2*  et  dernier  article),  par  Ilenri  Chor- 
lej.  —  Revue  des  théâtres,  par  O.  A.  D.  Saint-YTes.  —Nouvelles  et 
annonces. 


THEATRE  mPÉRIÂL  DE  L'OPÉRA 

ET 

THÉÂTRE  mPERIÀL  DE  L'OPERA- COMIQUE. 

Rentrées  et  débuts. 

Dans  la  représentation  du  Trouvère,  que  notre  grand  Opéra 
donnait  lundi  dernier,  le  ténor  Villaret  prenait  possession  de  son 
troisième  rôle  ;  notez  bien  qu'en  sa  qualité  de  débutant  il  n'a  pas 
encore  quitté  l'Italie.  D'abord  le  chant,  le  drame  ensuite.  De  Guil- 
laume Tell  il  a  passé  aux  Vêpres  siciliennes  et  des  Vêpres  siciliennes 
au  Trouvère.  Le  rôle  de  Manrico  lui  convient-il  plus  ou  moins  que 
celui  d'Arnold  ?  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  dans  l'un  comme 
dans  l'autre  sa  belle  voix  trouve  l'occasion  de  déployer  largement  ses 
aptitudes  mélodiques.  S'il  n'est  pas  encore  arrivé  à  ce  degré  d'émo- 
tion que  l'artiste  complet  doit  ressentir  et  communiquer,  il  chante 
du  moins  en  amateur  habile,  qui,  dans  son  propre  plaisir,  trouve 
la  garantie  de  celui  qu'il  procure  aux  autres.  En  effet,  on  aime 
la  voix  de  Villaret  pour  elle-même,  on  est  heureux  d'en  écouter  le 
son  indépendamment  de  toute  application  à  un  rôle  quelconque. 
Dans  celui  de  Manrico,  il  n'a  besoin  de  s'animer  qu'à  la  lin  du  troi- 
sième acte,  dans  la  cabalette  de  son  air,  et  il  n'a  pas  failli  à  son 
devoir  ;  il  a  prouvé  que  lorsqu'il  le  voudrait  résolument ,  il  pourrait 
atteindre  à  l'expression  dramatique.  En  attendant,  c'est  encore  la 
phrase  du  Miserere  .  Je  meurs,  heureux  encore  si  ton  cœur  est  à 
moi,  qui  lui  est  le  plus  favorable  et  le  montre  avec  tous  les  avan- 
tages dont  la  nature  l'a  doué.  Quand  on  songe  aux  progrès  que  l'art 
lui  a  fait  faire  en  quelques  mois,  on  ne  peut  se  refuser  à  des  espé- 
rances que  le  temps  conDrmera  sans  doute;  jusqu'ici  Villaret  a  mar- 
ché d'un  pas  tranquille,  mais  sûr. 

C'était  presque  une  rentrée  que  faisait  Mme  Gueymard  dans  le  rôle 
de  Léonore,  qui  lui  a  servi  pour  ses  débuts  sur  notre  grande  scène 
lyrique.  Nous  ne  dirons  pas  qu'elle  ait  gagné  en  talent  depuis  cotte 


époque,  mais  nous  constaterons  avec  plaisir  qu'elle  a  toujours  sa 
grande  et  puissante  voix,  à  la  vérité  un  peu  essoufQée,  et  qui  ferait 
plus  d'effet  si  elle  ne  s'efforçait  de  la  pousser  violemment  au-delà  de 
ses  limites.  Si  Mme  Gueymard  n'est  pas  plus  dramatique,  on  ne  sau- 
rait s'en  prendre  à  sa  volonté,  mais  à  sa  nature. 

Mlle  Wertheimber,  qui  nous  revenait  après  une  longue  absence  dans 
le  rôle  de  la  bohémienne,  Azucena,  nous  a  semblé  pécher  aussi  par 
excès  d'ambition  :  elle  a  trop  enflé  sa  voix,  et  par  conséquent  s'est 
privée  de  la  ressource  inappréciable  des  nuances.  Elle  a  le  sentiment, 
elle  a  le  geste,  il  ne  lui  reste  qu'à  prendre  le  diapason  du  théâ- 
tre et  à  gouverner  son  chant  avec  goût  et  prudence. 

Caron  n'a  mérité  que  des  éloges  dans  le  rôla  du  comte  de  Luna  ; 
il  le  chante  et  le  joue  avec  tant  de  talent  qu'il  mérite  bien  qu'on  lui 
en  donne  un  autre,  et  le  plus  tôt  sera  le  mieux. 

Au  théâtre  de  l'Opéra-Comique,  la  reprise  du  Caid  s'est  accomplie 
sous  les  plus  heureux  auspices.  Depuis  Mme  Ugalde,  qui  a  créé  le 
rôle  de  Virginie,  nous  ne  croyons  pas  qu'une  cantatrice  s'y  soit  es- 
sayée avec  de  meilleures  chances  que  Mlle  Girard.  C'est  une  Virginie 
par  excellence  que  cette  piquante  dugazon,  si  vraie  et  si  fine,  si 
naïvement  spirituelle  et  moqueuse.  Que  surtout  Mlle  Girard  se  pé- 
nètre bien  de  l'idée  que  malgré  sa  jolie  voix,  malgré  sa  vocalisation 
brillante,  elle  n'est  nullement  appelée  à  l'emploi  de  prima  donna. 
C'est  pour  elle,  dirait-on,  qu'a  été  fait  le  vers  :  Tel  brille  au  second 

rang  qui nous  n'achèverons  pas  le  reste,  d'autant  qu'au  théâtre 

il  n'y  a  réellement  ni  premier  ni  second  rang:  il  y  a  l'effet  que  l'on 
produit  sur  le  public,  et  cet  effet  détermine  seul  l'ordre  des  talents, 
l'importance  des  artistes. 

A  côté  de  Mlle  Girard,  constamment  applaudie  pour  son  chant  et 
pour  son  jeu,  débutait  Eugène  Bataille  (et  non  Battaille),  annoncé 
par  de  nombreux  succès  de  province.  Heureusement  le  débutant  n'a 
rien  de  provincial  :  au  contraire,  il  nous  apporte  des  manières 
d'homme  qui  a  vu  le  monde  comme  il  faut  et  qui  sait  y  tenir  sa 
place.  Il  chante  bien  d'une  voix  de  baryton  franche  et  timbrée  :  il 
parle  encore  mieux,  et  ne  joue  pas  mal.  Cependant,  pour  le  juger 
définitivement  comme  acteur,  nous  lui  laisserons  le  temps  de  se  dé- 
faire d'une  certaine  timidité  qu'augmentait  la  récente  indisposition 
dont  sa  voix  se  ressentait  encore.  M.  Eugène  Bataille  remplissait  le 
rôle  de  tambour-major,  et  M.  Carrier  celui  d'Ali  Bajou.  On  se  sou- 
vient que  M.  Carrier  s'est  montré  à  nous  pour  la  première  fois  dans 
le  rôle  d'un  des  vieillards  de  la  Fausse  Magie.  11  n'est  pas  moins 
bien  dans  celui  d'Ali  Bajou,  si  on  le  compare  à  lui-même  ;  ce  n'est 
que  la  comparaison  avec  Sainte-Foy  qui  lui  ferait   grand  tort.  Pon- 


290 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


chard  est  toujours  très-amusant  dans  le  rôle  de  Biroteau  ;  Mlle  Ro- 
lin  et  Nathan  complètent  l'ensemble.  Quant  à  la  musique  d'Ambroise 
Thomas,  elle  a  conservé  toute  sa  fraîcheur  et  sa  verve  :  les  an- 
nées ont  passé  sans  laisser  la  moindre  trace. 

Paul  SMITH. 


L'ÂNIÎEÂD    DES   NIBELUNGEN, 

Par  RICHARD   1VAGIVER. 

(3"  article)  (1), 

Toujours  de  plus  fort  en  plus  fort  !  Encore  un  peu  de  patience  et 
nous  arrivons  au  nec  plus  ultra  des  combinaisons  dramatiques  et 
lyriques.  Jamais  dans  aucun  temps,  dans  aucun  pays,  le  règne  ani- 
mal n'a  été  aussi  hardiment  exploité  que  dans  la  tétralogie  de  Ri- 
chard Wagner.  Tout  à  l'heure  nous  avions  un  ours;  bientôt  nous 
allons  avoir  une  bien  autre  bête  ! 

Se  souvient-on  que  nous  avons  laissé  Siegefroy  serrant  fortement  à 
la  gorge  le  nain  Mime  pour  l'obliger  à  lui  décliner  les  noms  des  au- 
teurs de  ses  jours  ?  Mime,  ne  pouvant  plus  résister  à  cette  somma- 
tion énergique,  se  décide  à  l'informer  que  SiegUnde,  fille  de  Sieg- 
mond,  est  sa  mère  ;  qu'il  l'a  trouvée  dans  la  forêt,  conduite  à  sa 
caverne,  où  elle  est  morte  en  mettant  au  monde  Siegefroy.  Sur  le 
point  d'expirer,  Sieglinde  lui  a  laissé  deux  morceaux  de  l'épée  que 
portait  son  père  dans  son  dernier  combat.  Siegefroy  veut  que  le  nain 
lui  en  fabrique  une  pour  le  jour  même,  et  il  quittera  immédiatement 
la  forêt  pour  courir  les  aventures.  Il  s'éloignera  de  Mime  pour  jamais. 
Là-dessus  il  rentre  précipitamment  dans  la  forêt.  Mime  reste  seul  et 
son  émotion  n'est  pas  médiocre.  Wotan  ou  Odin  se  présente  sous  la 
forme  et  le  nom  d'un  voyageur. 

Wandrer  heist  mich  die  Welt 
Weit  wandert'ich  schon. 
Auf  der  Erde  Rucken 
Ruhrt'  ich  mich  viel. 

Le  dieu  propose  au  nain  une  gageure,  dont  sa  tête  sera  l'enjeu. 
Il  s'oblige  à  répondre  aux  questions  que  le  nain  lui  adressera.  Ces 
questions  sont  au  nombre  de  trois,  et  ne  font  que  résumer  tout  ce 
que  nous  savons  déjà  du  sujet  et  des  incidents  de  la  pièce.  A  son  tour, 
le  dieu  se  met  à  interroger  Mime.  Il  lui  adresse  aussi  trois  questions, 
dont  les  deux  premières  sont  de  même  catégorie  que  celles  du  nain 
au  dieu.  Pour  la  troisième,  il  lui  demande  :  «  Avec  les  morceaux  de 
l'épée  de  Siegefroy,  qui  pourra  forger  l'épée  digne  d'être  appelée  No- 
thung?  »  Mime  avoue  qu'il  l'ignore  et  qu'il  l'a  déjà  lui-même  essayé 
en  vain.  Alors  Odin  reprenant  la  parole  :  «  Celui-là  seul,  dit-il 
pourra  forger  Nothung,  qui  n'a  jamais  eu  peur  !  »  Le  pauvre  Mime 
ouvre  de  grands  yeux  :  Odin  se  dispose  à  partir  en  lui  disant  :  «Ta 
tête  m'appartient?  Je  l'abandonne  à  celui  qui  ne  connaît  pas  la 
crainte.  » 

Mime,  demeuré  seul,  se  livre  à  des  réflexions  d'une  nature  peu 
rassurante.  Le  géant  Fafner  habite  une  caverne  dans  la  forêt;  c'est 
lui  qui  garde  l'anneau  des  Nibelungen,  et  il  a  pris  la  figure  d'un  ser- 
pent formidable,  ayant  quelque  chose  d'un  lézard  monstrueux.  Le 
nain  croit  le  voir  marcher  sur  lui,  ouvrant  la  gueule  pour  le  dévo- 
rer !  Il  tombe  éperdu  derrière  l'enclume.  Siegefroy  revient  et  lui  de- 
mande ce  qu'il  faisait  là  ?  Mime  lui  répond  : 

«  J'apprenais  la  peur  afin  de  te  l'enseigner.  »  Siegefroy  lui  dit  : 
«  Qu'est-ce  que  la  peur?»  Mime  s'épuise  en  explications  auxquelles 
le  jeune  héros  ue  comprend  rien.  Pour  en  finir,  il  offre  de  conduire 
Siegefroy  à  la  caverne  du  géant  Fafner,  qui  ne  manquera  pas  de  le 

(1)  Voir  les  n"  28  et  36. 


mettre  au  fait.  Siegefroy  consent,  mais  il  veut  d'abord  avoir  son  épée 
Mime  lui  ayant  avoué  qu'il  n'en  peut  venir  à  bout,  Siegefroy  se  met 
à  l'œuvre.  Il  place  sur  le  feu  les  deux  morceaux  de  l'arme  pater- 
nelle, et  quand  le  fer  est  incandescent,  il  le  pose  sur  l'enclume  et 
chante  :  «  Hoho  !  haliei  !  hoho  !  Forge,  ô  mon  marteau,  une  dure 
épée  !  hoho  !  hahei  !  hoho  !  la  braise  t'a  rougie,  ta  dureté  s'amollit 
sous  le  marteau  !  Domptée  dans  ta  colère,  tu  lances  des  étincelles  ; 
que  ces  étincelles  me  réjouissent  !  La  vigueur  de  la  colère  sied  à 
l'audacieux  !  Tu  me  souris  gaiement  !  Que  le  rouge  de  la  pudeur  pâ- 
lisse à  présenti  Redeviens  froide  et  dure  comme  auparavant.  »  Quand 
l'épée  est  forgée,  il  chante  :  «  Nothung,  Nothung,  tu  es  neuve,  ra- 
jeunie !  Je  t'ai  ressuscitée!  tu  étais  morte,  en  morceaux,  maintenant 
tu  luis  fière  et  belle  !  Frappe  l'hypocrite  !  abats  le  scélérat  !  Mime, 
forgeron,  regarde  !  vois  comment  coupe  l'épée  de  Siegefroy.  »  D'un 
coup  de  cette  arme,  il  fend  l'enclume  en  deux  morceaux  :  Mime 
tombe  à  la  renverse;  le  jeune  héros  lève  réjée  en  l'air  avec  des  cris 
de  joie,  et  la  toile  tombe. 

Le  second  acte  commence;  il  fait  nuit  :  au  fond  du  théâtre  on  aper- 
çoit une  caverne.  Albéric  entre,  et  peu  après  lui,  Odin,  toujours 
sous  la  forme  de  voyageur.  Au  moment  où  le  dieu  sort  de  la  forêt, 
un  éclair  illumine  la  scène.  Odin  avertit  le  nain  qu'un  héros  appro- 
che pour  exterminer  Fafner.  Le  géant  qui  a  entendu  la  menace  n'y 
répond  que  par  ces  mots  :  «  Il  me  tarde  de  le  manger.  »  Quelques 
instants  après  il  bâille  et  dit  encore  :  «  Je  suis  couché,  je  possède, 
»  laissez-moi  dormir.  »  Le  dieu  disparaît  dans  le  bois,  Albéric  se 
cache  au  milieu  des  rochers. 

Mime  et  Siegefroy  paraissent.  Le  nain  va  s'asseoir  au  bord  d'une 
fontaine ,  et  lorsqu'il  s'éloigne,  il  se  dit  à  lui-même  :  «  Fafner  et 
Siegefroy  !  Siegefroy  et  Fafner  !  Puissent  -  ils  s'exterminer  l'un 
l'autre  !  »  Siegefroy ,  resté  seul,  coupe  avec  son  épée  un  roseau 
pour  en  faire  une  flûte,  sur  laquelle  il  essaye,  mais  sans  suc- 
cès, d'imiter  le  chant  des  oiseaux  ;  puis  il  joue  un  air  joyeux  sur 
son  cor  d'argent.  On  entend  du  bruit  dans  le  fond,  et  ici  vient  la 
scène  extraordinaire,  la  scène  entièrement  neuve,  qu'on  n'a  jamais 
jouée  sur  aucun  théâtre,  et  que,  nous  avons  nos  raisons  pour  le 
craindre,  on  n'y  jouera  peut-être  jamais  !  Fafner,  sous  la  forme  d'un 
énorme  serpent  ou  lézard  (m  der  Gestalt  eines  ungeheuren  eidech- 
senariigen  Schlangenwurmes),  a  surgi  de  sa  couche  dans  la  caverne: 
il  sort  du  taillis  et  s'avance  vers  la  partie  élevée  du  théâtre.  Atten- 
tion générale  !  curiosité  universelle  !  Quel  sera  le  premier  mot  du 
monstre  ainsi  présenté  ?  Le  premier  mot,  ce  sera  (nous  traduisons 
littéralement)  un  bâillement  fort  (siarken).  Quel  début  heureux  pour 
un  duo  !  Siegefroy  se  retourne,  regarde  et  se  met  à  rire.  «  L'air  que 
j'ai  joué,  dit-il,  a  fait  venir  quelque  chose  de  charmant!  Tu  me 
semblés  un  fier  gaillard  ! 

Fafner  {s' arrêtant  à  la  vue  de  Siegefroij).  —  Qui  est  là? 

Siegefroy.  —  Parbleu,  tu  es  un  animal  qui  parle  !  on  pourrait 
peut-être  apprendre  quelque  chose  de  toi  ?  —  Voici  quelqu'un  qui 
ne  connaît  pas  la  crainte  :  pourrais-tu  la  lui  enseigner?  Sinon,  je  me 
jette  sur  toi. 

Fafner  [riant).  —  Je  voulais  simplement  boire  et  je  trouve  aussi  à 
manger  (il  ouvre  la  gueule  et  fait  voir  ses  dents). 

Siegefroy.  —  Tu  me  montres  là  un  fort  élégant  râtelier  !  des  dents 
qui  rient  dans  la  gueule  du  gourmand  !  Il  serait  bon  de  te  la  fermer; 
tu  l'ouvres  trop  grande. 

Fafner.  —  Elle  ne  vaut  rien  pour  de  vaines  paroles  ;  elle  servira  à 
te  dévorer  {il  le  menace  de  sa  queue). 

Siegefroy.  —  Oh!  oh  !  comme  tu  es  féroce  !  Être  digéré  par  toi, 
cela  ne  m'irait  pas  ;  ce  qui  serait  bon  et  à  souhaiter,  c'est  que  tu 
crèves  ici  sur-le-champ. 

Fafner  {mugissant).  —  Prouh!  Viens,  enfant  vantard! 


DE  PARIS. 


291 


Siège froy  {saisissant  son  épée). —  Gare  à  toi,  grognon!  le  vantard 
vient  ! 

Siegefroy  marche  vers  Fafner.  De  son  côté,  celui-ci  s'avance  et 
dirige  sur  son  ennemi  le  souffle  de  ses  naseaux.  Siegefroy  s'es- 
quive en  sautant  ;  Fafner  manœuvre  de  sa  queue  pour  le  saisir.  Sie- 
gefroy bondit  par  dessus,  mais  Fafner  insiste  et  persiste.  Au  moment 
où  il  va  saisir  sa  proie,  Siegefroy  blesse  de  son  épée  la  terrible 
queue.  Fafner  la  retire  promptement  en  mugissant  plus  fort  que  ja- 
mais :  il  se  cabre  pour  envelopper  Siegefroy,  et  par  ce  mouvement 
découvre  sa  poitrine.  Siegefroy  en  profite  pour  lui  plonger  l'épée  au 
cœur.  Fafner  se  cabre  de  nouveau  et  tombe.  Siegefroy  lui  crie  : 
«  Reste-là  couché,  méchant  envieux,  tu  as  l'épée  Nothung  dans  le 
cœur.  )) 

Stupete  gentes  l  Quelle  scène  !  quel  tableau  !  que  de  génie  !  et 
quelle  musique  on  peut  faire  pour  un  tel  duo! 

{La  suite  prochainement.) 


CONCOURS  OBPHEONKinE  DE  RODEN. 

Le  temps  a  failli  compromettre  cette  belle  manifestation,  organisée 
avec  tant  de  zèle  et  d'entente  par  l'administration  municipale  :  une 
pluie  diluvienne  était  tombée  toute  la  nuit  et  n'a  pas  discontinué  toute 
la  matinée  ;  mais  à  midi  le  soleil  a  reparu,  et  une  foule  immense  s'est 
portée  au-devant  dos  Sociétés  chorales. 

Le  cortège,  réuni  à  Saint-Sever,  s'est  mis  en  marche  à  midi.  C'était 
un  spectacle  imposant  que  cette  masse  d'hommes,  portant  de  magnifi- 
ques bannières,  au  milieu  de  bruits  d'applaudissements  et  de  fleurs 
jetées  des  fenêtres.  Sur  tout  le  parcours,  fanfares,  musiques  et  orphéons 
ont  été  acclamés. 

Sur  la  place  de  rilôtcl  de  Ville  était  élevé  un  quadrilatère  de  magni- 
fiques estrades.  Le  défilé,  qui  a  duré  vingt  minutes  au  moins,  s'est  fait 
devant  une  tribune  adossée  à  l'Hôtel  de  Ville,  où  avaient  pris  place  le 
sénateur  préfet,  en  costume  officiel,  le  maire  de  Rouen  et  tes  adjoints, 
également  en  grand  costume,  l'amiral  Cécille,  tous  les  membres  du 
conseil  municipal,  les  diverses  illustrations  formant  le  jury,  des  mem- 
bres de  la  presse  parisienne  et  départementale,  etc.,  etc. 

A  midi  et  demi,  les  Sociétés,  ayant  à  leur  tête  leurs  jurés,  se  diri- 
gèrent vers  les  locaux  qui  leur  avaient  été  assignés,  et  où  commen- 
cèrent alors  les  divers  concours,  qui  eurent  lieu  partout  en  présence 
d'une  foule  considérable  de  curieux. 

Les  chœurs  imposés  étaient  dus  à  MM.  Kucken,  Saintis,  Becker,  Amé- 
dée  Méreaux,  Besozzi  et  Gastinel.  On  a  remarqué  particulièrement  la 
Prière,  de  M.  Besozzi,  et  la  Veille  de  bataille,  de  M.  A.  IMéreaux. 

A  5  heures  du  soir,  les  autorités  commençaient  à  se  réunir  sur 
l'estrade  d'honneur  pour  procéder  à  la  distribution  des  récompenses. 

Les  Orphéons,  bannières  déployées,  et  les  fanfares,  arrivèrent  suc- 
cessivement sur  la  place  de  l'Hôtel  de  Ville. 

Quand  tous  les  membres  du  jury  furent  réunis,  M.  Delaporte  monta 
sur  une  petite  estrade,  au  pied  do  la  grande  tribune,  et  là,  rassemblant 
autour  de  lui  tous  les  Orphéons,  prit  la  direction  de  cette  masse  clio- 
rale  imposante,  et  fit  exécuter  deux  chœurs:  France l  France l  et  la 
Retraite.  Ces  milliers  de  voix,  chantant  avec  un  ensemble  remarquable, 
produisirent  un  effet  prodigieux  sur  la  foule  immense  qui  garnissait  la 
place  de  l'Hôtel  de  Ville  tout  entière. 

La  distribution  des  récompenses,  précédée  d'un  discours  du  maire,  a 
commencé  immédiatement  après. 

A  1  heures,  les  autorités  municipales  conviaient  à  un  magnifique 
banquet  les  illustrations  parisiennes  et  rouennaises  qui  avaient  accepté 
les  fonctions  de  jurés.  Le  maire  de  Rouen  présidait  ce  banquet.  Il 
avait  à  ses  côtés  le  sénateur  préfet,  le  premier  président,  l'amiral  Cé- 
cille, le  général  de  Lioux,  M.  Pouyet-Quertier,  député. 

Parmi  les  célébrités  musicales  se  trouvaient  le  ténor  Duprez,  aujour- 
d'hui professeur;  M.  Victor  .Massé,  l'auteur  de  Galalce;  M.  Semet,  l'au- 
teur de  Gil  Blds;  M.  Adrien  Boïeldieu,  MSI.  Georges  Hainl,  chef  d'or- 
chestre à  l'Académie  impériale  de  musique,  Elwart,  Gastinel,  Jouas,  De- 
laporte, Maillot,  Dautresme,  etc. 

Pendant  le  dîner,  la  musique  du  16°  de  ligne  a  fait  entendre  des 
symphonies  quiont  toutes  été  chaudement  applaudies;  mais  quand 
l'orchestre  militaire  commença  l'ouverture  de  la  Dame  Blanche,  un  ton- 
nerre d'applaudissements  retentit  de  toutes  parts.  Le  buste  de  Boïeldieu, 
la  tête  ornée  de  couronnes  d'immortelles,  avait  été  placé  au  milieu  de 
la  salle.  Quand  l'ouverture  fut  achevée,  les  applaudissements  redoublè- 


rent. M.  Boïeldieu  fils  se  leva  alors,  et,  en  face  du  buste  de  son  père 
prononça  des  paroles  de  remercîment  avec  une  émotion  qui  gagna  toute 
l'assemblée. 

Après  cet  incident,  le  sénateur  préfet  s'est  levé  et  a  porté  un  toast 
à  l'Empereur  ;  le  maire  a  porté  ensuite  un  toast  à  ses  hôtes.  Enfin,  ce 
banquet  charmant  s'est  terminé  par  une  chanson  de  Déranger,  le  Dieu 
des  bonnes  gens,  dite  par  Duprez  avec  une  âme,  une  vigueur  toute  ju- 
vénile. 

Le  soir,  un  grand  festival  choral  et  instrumental  donné  au  cirque 
Sainte-Marie  attirait  une  affluence  immense,  tant  à  l'intérieur  qu'aux 
alentours  du  cirque. 

Les  Orphéons  ont  chanté  les  plus  beaux  chœurs  du  répertoire  avec 
un  plein  succès. 

La  musique  de  la  garde  de  Paris,  sous  l'habile  direction  de  M.  Paulus, 
a  joué  l'ouverture  de  la  Muette  et  le  morceau  imitatif  intitulé  Fremersberg. 
M.  le  maire  de  Rouen  a  remis  à  M.  Paulus  une  médaille  d'or. 

Après  le  festival,  plusieurs  sociétés  chorales  se  sont  rendues  près 
de  la  statue  de  Boïeldieu  et  ont  chanté  plusieurs  chœurs  en  l'hon- 
neur du  célèbre  compositeur. 

Cette  fête  vraiment  magnifique  laissera  de  profonds  souvenirs  dans 
la  population  rouennaise. 

B.  M. 


DERNIERS  JOURS  DE  MENDELSSOHIÎ. 

(2e  et  dernier  article)  (1). 

Qui  aurait  pu  se  laisser  aller  de  si  tristes  pressentiments ,  près 
d'un  homme  chez  lequel  se  révélait  une  telle  abondance  d'énergie , 
de  puissance  de  raisonnement  et  d'esprit  d'entreprise  !  J'avoue  qu'à 
cette  époque  je  n'attribuai  son  appréhension  de  la  mort  qu'à  la 
profonde  impression  que  lui  avait  faite  la  perte  d'une  sœur  qu'il  ai- 
mait tendrement.  Mais  d'autre;;  idées  pénibles  surgissaient  dans  son 
esprit.  La  situation  politique  l'inquiétait.  Ses  yeux  se  rempli.ssaient 
de  larmes,  car  jamais  homme  n'a  été  plus  sérieusement  dévoué  à  sa 
patrie.  Ensuite  il  revenait  à  ses  projets  pour  l'avenir.  Souvent  j'avais 
entendu  des  artistes  manifester  le  désir  de  se  soustraire  à  toute  rela- 
tion personnelle  avec  le  public  ;  jamais  personne  ne  manifesta  cette 
pensée  plus  vivement  que  Mendelssohn  le  fît  ce  jour-là,  et  il  était 
décidé  à  la  réaliser.  «  Quand  on  n'est  plus  jeune,  disait-il,  il  ne 
faut  plus  courir  le  monde  pour  donner  des  concerts.  »  11  songeait  à 
s'établir  quelque  part  sur  le  Rhin,  mais  non  dans  une  ville,  pour  s'y 
livrer  avec  plus  d'ardeur  que  jamais  à  la  composition.  »  J'y  serai  à 
proximité  de  l'Angleterre,  ajouta-t-il  ;  je  pourrai  m'y  rendre  à 
mon  gré  ;  à  l'aide  des  chemins  de  fer,  il  me  sera  facile  d'atteindre 
une  de  nos  villes  ;  mais  il  me  faut  de  la  tranquillité,  pas  d'interrup- 
tion, si  je  dois  vivre.  »  11  revint  encore  à  sa  triste  prédiction  :  il  pâlit, 
et  son  regard  mélancolique  remplit  l'âme  de  celui  qui  était  près  de 
lui  d'une  profonde  douleur. 

J'avais  l'intention  d'aller  à  Fribourg  avec  mon  compagnon  de 
voyage  et  m'informai  de  l'orgue  célèbre  de  Moser.  J'engageai  Men- 
delssohn à  y  venir  avec  moi.  «  Non,  s'écria-t-il  en  riant  ;  les  orga- 
nistes n'aiment  pas  que  d'autres  jouent  de  leur  instrument.  On  ren- 
contre toujours  des  difficultés,  et  puis  cela  fait  trop  de  bruit.  Je  dois 
renoncer  à  l'orgue.  De  plus,  l'hiver  approche,  et  nous  ferons  mieux 
de  rentrer  tranquillement  au  pays.  »  Il  fut  également  question  d'un 
voyage  que  Mendelssohn  devait  faire  à  Vienne  pour  affaires  musi- 
cales. Jamais  je  ne  l'avais  vu  aussi  préoccupé  de  plans  qu'il  formait 
pour  l'avenir;  et  à  coup  sûr,  jamais  artiste  n'était  arrivé  d'une  ma- 
nière plus  honorable  à  une  célébrité  bien  méritée  et  universelle.  Va- 
nitas  vanitatum  ! 

Le  lendemain  de  notre  arrivée  à  Interiaken,  le  ciel  était  couvert 
de  nuages  ;  par  intervalles  ,  il  pleuvait  à  verse.  Mendelssohn  passa 
presque  la  journée  tout  entière  avec  moi.  Je  me  rappelai  alors  ce 
qu'on  dit  de  Walter  Scott,  qu'il  était  tellement  prodigue  de  son  temps 


(1)  Voir  le  n°  33. 


292 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


avec  ses  amis,  qu'on  eût  dit  qu'il  n'avait  rien  à  faire  que  de  songer 
à  les  amuser.  Je  ne  pouvais  guère  m'expliquer  comment  Mendelssohn 
s'y  prenait  pour  travailler.  Il  fut  de  nouveau  question  de  Fribourg. 
11  se  montra  d'abord  disposé  à  m'y  accompagner;  mais  au  bout  d'une 
demi-heure  il  revint  à  sa  première  résolution.  En  revanche  il  s'offrit 
à  jouer  sur  un  petit  orgue  qu'il  avait  découvert  dans  un  village  des 
environs;  il  y  avait  trouvé  l'église  ouverte  ,  et  personne  ne  l'ayant 
empêché  d'entrer,  il  y  avait  été'Iplusieurs  fois  pour  toucher  de 
cet  instrument. 

C'était  par  une  triste  et  froide  journée  :  nous  nous  embarquâmes 
pour  aller  à  Riegenberg.  La  petite  église  s'élève  toute  grise  sur  une 
hauteur  voisine  du  lac,  dans  une  conlrée  silencieuse  et  solitaire; 
on  y  monte  par  des  degrés  grossièrement  taillés,  couverts  de  mousse 
et  de  lierre.  Ce  jour-là,  les  portes  de  l'église  étaient  ouvertes  et  nous 
pûmes  monter  à  l'orgue.  C'était  l'œuvre  d'un  constructeur  du  Valais; 
le  son  en  était  assez  médiocre,  comme  on  peut  se  le  figurer  sans 
peine.  Un  jeune  garçon  se  montra  disposé  à  faire  aller  les  soufflets 
pour  quelques  batz,  et  Mendelssohn  prit  place  devant  l'instrument, 
pour  complaire  à  ses  trois  auditeurs.  J'ai  su  depuis  que  c'était  la 
dernière  fois  qu'il  avait  joué  de  l'orgue. 

Après  quelques  motifs  de  Sébastien  Bach,  il  commença  une  impro- 
visation en  ut  mineur,  qui  prit  d'abord  la  forme  canonique  d'une 
fugue  et  d'un  prélude.  Peu  à  peu  son  imagination  s'alluma,  ses 
traits  rayonnèrent  de  ce  pur  et  sublime  sourire  qui  leur  donnait 
une  expression  transfigurée,  et  que  tous  ceux  qui  l'ont  connu  doivent 
se  rappeler  ;  tandis  que  sous  ses  doigts  se  déroulait  ce  splendide  tissu 
d'accords,  qui,  comme  a  dit  Milton,  «  ouvrent  tous  les  deux  à  nos 
regards.  »  11  me  semble  que  jamais  je  n'entendrai  plus  rien  de  pa- 
reil; ce  qu'il  mêlait  de  science  à  cette  imposante  manifestation  de 
son  art,  prenait  de  riches  couleurs  sous  le  feu  de  l'inspiration  dont 
l'absence  se  fait  trop  souvent  sentir  en  pareille  occasion.  (î'était  l'ar- 
tiste complet  dans  la  plénitude  de  son  talent  ;  vieux  par  l'expérience 
et  jeune  par  le  cœur  :  ce  jour-là,  il  me  sembla  plus  prodigieux  que 
jamais.'  Sans  aucune  ostentation  il  dispensait  les  jouissances  qui  le 
charmaient  lui-même,  et  qu'il  tirait  d'un  fonds  inépuisable  de  pensées 
grandioses  et  d'idées  sublimes.  De  pareils  moments  doivent  finir, 
mais  on  ne  saurait  jamais  les  oublier. 

Le  soir,  la  conversation  tomba  par  hasard  sur  la  musique  italienne. 
Mendelssohn  parla  de  nouveau  avec  l'accent  de  l'admiration  la  plus 
chaleureuse  de  Guillaume  Tell  de  Rossini,  et,  à  ma  grande  surprise,  avec 
une  bienveillance  cordiale  de  la  Fille  du'régiment  de  Donizetti.  «  Cet 
opéra  est  si  gai,  dit-il,  il  a  une  allure  toute  militaire  :  il  passo  pour 
être  mauvais;  et  certes,  ajouta-t-il  d'un  air  humoristique,  par  forme  de 
corectif,  c'est  singulier  avec  quelle  facilité  on  s'habitue  à  la  mauvaise 
musique.  «Puisil  s'informa  de  Verdi;il  avaitentendu  dire  quececomposi- 
teur  avait  trouvé  une  espèce  d'effet  nouveau  dans  les  finales;  il  voulait 
savoir  à  quoi  s'en  tenir.  11  exprima  également  le  désir  d'entendre 
bien  jouer  un  jour  les  concertos  pour  orgue  de  Haendel,  en  mani- 
festant toutefois  quelques  scrupules  à  l'endroit  des  passages  frivoles 
et  surannés  par  les  soloregister  dont  ils  sont  pleins.  Puis  il  parla 
avec  beaucoup  d'intérêt  du  grand  Opéra  de  Paris,  pour  lequel  il  se 
montrait  disposé  à  écrire  quelque  jour  (il  me  semble  même  qu'il  y 
avait  eu  des  pourparlers  à  cet  égard)  ;  il  rappela  aussi  son  séjour  à 
Rome,  lequel,  disait-il,  avait  eu  une  influence  décisive  sur  son  édu- 
cation musicale. 

Le  lendemain,  Mendelssohn  vint  avec  nous  à  Lauterbrunnen.  L'as- 
pect de  la  Yungfrau  et  du  Silberhorn  était  magnifique  quand  nous 
remontâmes  la  vallée  :  jamais  le  Siaubbnch  n'a  pu  offrir  un  coup 
d'oeil  plus  magique  que  sous  la  splendide  illumination  de  cette 
journée  d'arrière-saison  :  ses  eaux  étincelaient  comme  des  fusées  par- 
tant des  bords  du  rocher  et  s'élançant  dans  l'abîme. 

Un  de  mes  derniers  souvenirs  me  montre  Mendelssohn  au  milie\i 


de  l'arc-en-ciel  que  la  fée  des  Alpes  jette  sur  la  cascade,  comme  on 
sait,  si  on  a  lu  lUanfred  de  Byron  ;  il  regardait  en  haut,  ravi  du 
spectacle  merveilleux  qu'offrait  cette  grande  scène  de  la  nature.  Puis 
je  le  vis,  et  pour  la  dernière  fois,  quand  il  retourna  seul  à  Inter- 
laken,  pendant  que  nous  gravissions  le  chemin  de  la  Wengern-Alp 
au  Grindenwal.  Mes  yeux  suivaient  sa  stature,  que  le  petit  habit 
noir  et  le  chapeau  de  paille  entouré  d'un  crêpe  ne  faisaient  pas  pa- 
raître plus  jeune.  Je  remarquai  encore  une  fois  qu'il  avait  l'air  très- 
fatigué,  et  que  sa  démarche  était  pénible.  Mais  qui  aurait  pu  croire 
que  sa  vie  terrestre  déclinât  si  rapidement  vers  sa  fin? 

Henei  CHORLEY. 


BEVUE  DES  THEATRES. 

Théâtre-Français:  reprise  d'Eugénie,  drame  de  Beaumarchais.  — 
Odéon  ,  réouverture  :  les  Ouvrières  de  qualité,  comédie  en  cinq 
actes  et  en  prose,  par  MM.  Paulin  Deslandes  et  Louis  d'Anthoine  ; 
la  Fille  de  Dancourt ,  comédie  en  un  acte  et  en  vers ,  par  MM . 
N.  Fournier  et  H.  Bonhomme.  —  Variétés  :  représentations  de 
Ch.  Mathews  ;  Vn  Anglais  timide.  —  Palais-Royal  :  les  Diables 
roses,  vaudeville  en  cinq  actes,  par  MM.  Eugène  Grange  et  Lam- 
bert Thiboust. 

Le  Théâtre-Français  a  repris,  on  ne  sait  trop  pourquoi,  le  drame 
d'Eugénie ,  qui  n'avait  pas  été  représenté  depuis  fort  longtemps. 
Cette  première  pièce  de  Beaumarchais,  qui  date  de  1767,  et  qui  a 
précédé  de  huit  ans  le  Barbier  de  Séville,  ne  méritait  guère  l'hon- 
neur qu'on  vient  de  lui  faire.  Beaumarchais,  dans  la  préface  qu'il  a 
mise  en  tête  d'Eugénie,  voudrait  nous  faire  croire  que  son  drame 
a  été  reçu  par  les  uns  avec  dédain,  mais  par  d'autres  avec  enthou- 
siasme. La  vérité  est  qu'il  n'a  jamais  soulevé  d'autre  sentiment  que 
celui  de  l'indifférence,  tant  il  est  loin  de  faire  présager  l'auteur  bril- 
lant et  incisif  de  Figaro.  Si  la  Comédie  française  a  cru  pouvoir  le 
réhabiliter  dans  l'opinion,  elle  s'est  étrangement  trompée.  Il  faudra 
désormais  laisser  reposer  Eugénie  dans  les  œuvres  de  Beaumarchais, 
où  les  curieux  et  les  érudits  seront  libres  d'aller  la  lire  pour  appré- 
cier la  distance  énorme  qui  existe  entre  ce  point  de  départ  incolore 
et  la  trilogie  triomphante  du  célèbre  barbier. 

—  L'Odéon  a  fait  sa  réouverture  dans  les  premiers  jours  du  mois 
avec  deux  pièces  nouvelles,  les  Ouvrières  de  qualité,  comédie  en 
cinq  actes  et  en  prose,  par  MM.  Paulin  Deslandes  et  Louis  d'An- 
thoine, et  la  Fille  de  Dancourt,  comédie  en  un  acte  et  en  vers,  par 
MM.  Narcisse  Fournier  et  Bonhomme.  La  première  est  moins  une 
piècede  mœurs  qu'une  pièce  d'intrigue,  etmême  d'intrigue  très-com- 
phquée.  L'exemple  des  émigrés  qui  utilisaient  à  l'étranger  leurs  ta- 
lents et  leurs  connaissances  pour  se  procurer  des  moyens  d'existence, 
n'a  pas,  à  ce  qu'il  paraît,  été  perdu.  Le  grand  monde  fourmille  d'ou- 
vrières aristocratiques  qui,  sous  le  voile  de  l'incognito,  ne  dédaignent 
pas  de  se  livrer  à  des  occupations  vulgaires  qui  les  aident  à  dissi- 
muler de  mystérieux  embarras  d'argent  et  à  tenir  leur  rang  dans  la 
société.  Voici,  par  exemple,  Mme  de  Castéjac,  la  femme  d'un  banquier, 
qui  relève  la  fortune  compromise  de  son  mari,  en  faisant  secrètement 
des  modes  ;  puis  Mlle  Léa  de  Sivry  qui  vend  en  cachette  des  ou- 
vrages de  broderie  sortis  de  ses  mains  de  fée  ;  puis  enûn  Mlle  Va- 
lentine  de  Lacenay  qui  peint  des  aquarelles  et  donne  des  leçons  de 
piano.  Que  cela  se  passe  ainsi  dans  le  noble  faubourg  à  l'état  d'ex- 
ception, nous  le  voulons  bien  ;  mais  que  ce  soit  une  chose  ordinaire 
et  généralement  pratiquée,  c'est  là  un  paradoxe  que  nous  avons  quel- 
que peine  à  admettre.  Les  ouvrières  de  qualité  sont  rares,  fort  heu- 
reusement pour  celles  qui  n'ont  d'autre  ressource  que  leur  industrie. 
Quoi  qu'il  en  soit,  et  comme  si  ce  n'était  pas  assez  de  ce  trio  nobi- 
liaire, faisant  œuvre  d'émigrées  à  l'intérieur,  il  se  trouve  dans  le 
même  cercle  un  monsieur  encore  plus  étonnant,  qui,  se  voyant  re- 


DE  PARIS. 


293 


poussé  par  une  jeune  fille  en  raison  de  sa  trop  grande  richesse, 
sème  son  or  sur  les  chemins  pour  se  rendre  digne  d'elle.  Le  public 
de  la  première  représentation  a  peu  goûté  ces  imaginations  roma- 
nesques, en  retard  de  plusieurs  siècles.  Depuis,  la  pièce  a  été  écoutée 
avec  plus  d'indulgence  ;  mais  il  est  peu  probable  qu'elle  accomplisse 
une  longue  carrière. 

Quant  à  la  Tille  de  Dàncourt,  c'est  une  petite  comédie  anecdo- 
tique  sans  prétention,  et  qui  par  cela  même  a  la  chance  de  vivre  un 
peu  plus  longtemps.  Dàncourt,  auteur  et  comédien,  ferme  les  portes 
du  théâtre  à  tout  concurrent  qui  lui  porte  ombrage.  Mais ,  en  son 
absence,  sa  fille,  touchée  d'une  tendre  sympathie  pour  le  jeune  La- 
chaussée,  fait  jouer  une  pièce  de  lui  comme  étant  de  son  père,  et 
quand  celui-ci  revient,  il  n'y  a  plus  de  remède.  Lachaussée  a  forcé 
les  barrières,  et  Dàncourt  se  voit  contraint  de  l'accepter  en  qualité  de 
confrère  et  de  gendre.  Une  action  vive  et  piquante,  de  jolis  vers,  et 
par-dessus  tout  le  jeu  de  Mlle  Picard,  que  nous  verrons,  un  jour  ou 
l'autre,  au  Théâtre-Français,  ont  valu  à  cette  comédie  un  accueil  des 
plus  honorables. 

—  Il  paraît  que  le  besoin  se  faisait  sentir  d'exhiber  des  acteurs 
anglais  sur  nos  scènes  parisiennes.  Nous  avons  vu  d'abord  le  fameux 
Henderson  dans  Nip-Nip  aux  Folies-Dramatiques  ;  puis,  aujourd'hui, 
nous  avons  l'inimitable  Ch.  Malhews,  dans  une  pièce  de  sa  façon, 
au.x  Variétés.  Cette  pièce,  qui  s'appelle  Un  Anglais  timide,  a  été  jouée 
deux  cents  fois  à  Londres,  et  nous  pouvons  parier  à  coup  sûr  qu'elle 
n'atteindra  pas  le  même  chiffre  à  Paris.  Quoi  de  plus  vieux,  en 
effet,  que  la  donnée  sur  laquelle  elle  repose?  Un  touriste  d'Al- 
bion, du  nom  de  Brown,  fait  la  rencontre,  sur  les  bords  du  Rhin, 
du  jeune  Gogo,  un  Parisien,  qui  entre  en  liaison  avec  lui  et  lui  donne 
son  adresse,  que  Brown  égare  en  route.  Cependant,  arrivé  à  Paris, 
il  se  met  à  la  recherche  de  son  ami  Gogo,  tombe  chez  une  famille 
du  même  nom,  s'y  installe  pour  l'attendre  et  y  met  tout  sens  dessus 
dessous.  Survient  le  fils  de  la  maison  :  ce  n'est  pas  le  Gogo  des 
bords  du  Rhin.  N'importe  !  Brown  s'attache  à  ce  jeune  homme,  et 
ne  s'en  va  qu'après  avoir,  en  dépit  de  tout  le  monde,  assuré  par 
un  mariage  le  bonheur  de  son  nouvel  ami.  Et  voilà  ce  que  c'est 
^p!un  Anglais  timide  !  Que  penser  de  ceux  qui  ne  le  sont  pas  ? 

M.  Mathews,  bon  comédien,  plutôt  servi  que  gêné  par  son  accent 
natal,  inspire  un  sympathique  intérêt  que,  sans  lui,  on  refuserait 
peut-être  à  sa  pièce. 

—  Sous  le  titre  des  Diables  roses,  le  Palais-Royal  a  joué  tout  ré- 
cemment un  de  ces  vaudevilles  enfiévrés  d'entrain  et  de  folies  dont 
ce  théâtre  a  le  monopole.  Il  a  eu  parfois  la  main  plus  heureuse  en 
fait  d'invention,  mais  non  en  fait  de  détails  drolatiques.  Antonin 
Boucart  est  sur  le  point  d'entrer  dans  une  famille  qui  professe  des 
principes  d'un  rigorisme  exagéré  :  aussi  est-il  de  toute  nécessité 
qu'il  divorce,  avant  le  mariage,  avec  un  passé  embelli  par  ces  char- 
mants démons  qu'il  appelle  des  diables  roses,  mais  qui  sont  plus 
spécialement  désignés  sous  le  nom  de  cocolfes.  Dans  le  nombre  se 
trouvent  :  une  blanchisseuse  sentimentale  qui  ne  veut  pas  être  quittée; 
une  Brésilienne,  à  la  tête  ardente,  qui  prétend  se  venger  en  livrant 
Antonin  à  la  vengeance  de  son  mari,  un  maître  d'armes  expert  dans 
l'art  de  tuer  ses  semblables,  et  enfin  une  danseuse,  qui  ne  consent 
à  rendre  les  lettres  d' Antonin  qu'à  raison  de  500  francs  pièce,  et 
Antonin  avait  l'affreuse  manie  d'écrire.  On  comprend  aisément  les 
tribulations  de  ce  pauvre  diable  ,  au  milieu  des  périls  se- 
més autour  de  lui  par  ses  anciennes  maîtresses.  Néanmois,  il  sort 
victorieux  de  tant  d'épreuves,  et  nous  avons  l'honneur  de  vous  faire 
paît  de  son  mariage  avec  Mlle  Adeline  Belzingue.  Il  y  a  bien  des 
scènes  moisies,  bien  des  mots  frelatés  dans  les  cinq  actes  dont 
celte  bouffonnerie  se  compose  ;  mais  que  ne  passerait-on  pas  à  la 
verve  enragée  de  ses  interprètes,  et  en  première  ligne,  de  Gil-Pérez, 
d'Hyacinthe  et  de  Mme  Thierrct? 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 

,*:>  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  lundi  et  mercredi  le 
Trouvère  et  Diavolina. —  Vendredi,  les  deux  premiers  actes  de  Guillaume 
Tell,  le  premier  acte  de  Gisclle  et  Diavolina. 

^*^  L'affiche  de  ce  théâtre  annonce  pour  aujourd'hui  par  extraordi- 
nair<^  et  pour  la  dernière  représentation  de  Mlle  Mouravieff,  le  Trouvère, 
Diavolina,  et  pour  demain  lundi  la  Juive. 

»*a,  La  direction  du  théâtre  de  l'Opéra  a  renouvelé  l'engagement  de 
Mlle  Mouravieff  pour  deux  étés.  Après  sa  saison  au  théâtre  impérial 
russe,  la  jeune  ballerine,  qui  a  su  si  promptement  captiver  le  public 
parisien,  nous  reviendra  au  printemps. 

^*^  Nous  avons  annoncé,  d'après  un  journal  mal  informé,  le  mariage 
de  Mlle  Marie  Vernon.  Ce  bruit  est  complètement  inexact.  —  La  char- 
mante danseuse,  qui  était  aux  bains  de  mer  d'Ostende,  est  de  retour  à 
Paris. 

»**  L'Opéra-Comique  va  donner  le  Tableau  parlant  pour  la  continua- 
tion des  débuts  de  M.  Carrier  et  de  Mlle  Girard,  qui  chantera  le 
rôle  de  Colombine.  —  Demain  lundi,  Mlle  Monrose  rentrera  par  le  rôle 
d'Elisabeth  dans  le  Songe  d'une  nait  d'été  ;  Achard  jouera  celui  de  Shak- 
speare,  et  Crosti  celui  de  Falstaff. 

^*^  Au  théâtre  Lyrique  impérial ,  les  Noces  de  Figaro  ont  alterné 
depuis  la  réouverture  avec  la  Statue.  Vendredi  a  eu  lieu,  dans  Joseph, 
le  début  annoncé  du  ténor  Pilo  et  la  rentrée  de  Mme  Faure-Lefèvre 
dans  le  rôle  de  Benjamin.  Si  nous  nous  en  souvenons  bien,  ce  fut  une 
des  premières  et  des  plus  sympathiques  créations  de  la  charmante  can- 
tatrice au  théâtre  de  l'Opéra-Comique  ;  nous  l'y  avons  retrouvée,  ven- 
dredi, aussi  parfaite  qu'à  l'origine,  et  nous  avons  joint  avec  un  vif  plaisir 
nos  applaudissements  à  ceux  que  lui  ont  valus  l'air  du  deuxième  acte 
et  le  duo  du  quatrième.  On  avait  dit  à  l'avance  beaucoup  de  bien  de 
Pilo  ;  il  l'a  justifié  ;  il  est  doué  d'un  physique  agréable,  sa  tenue  est 
bonne,  il  a  de  l'intelligence  et  de  la  physionomie.  11  a  fort  bien  dit  son 
air  d'entrée  :  X'ainement  Pharaon  dans  sa  reconnaissance,  et  avec  beau- 
coup d'expression  et  de  charme  la  fameuse  romance  :  .-1  peine  au  sortir 
de  Venfance.  Sa  voix  est  d'une  force  suffisante,  bien  timbrée,  et  l'on  voit 
qu'il  a  été  à  bonne  école.  Il  a  obtenu  un  franc  succès.  Petit,  dans  le 
rôle  de  Jacob,  a  eu  de  beaux  accents  et  a  été  redemandé  après  le  duo 
du  quatrième  acte.  —  Dans  l'Epreuve  villageoise,  où  triomphe  également 
Mme  Faure-Lefèvre,  un  jeune  lauréat  du  Conservatoire,  M.  Caillot,  a 
fait  également  son  début,  et  il  n'a  qu'à  se  féliciter  de  l'accueil  qu'il  a 
reçu  ;  il  n'est  nullement  gauche  et  il  a  une  fort  jolie  voix. 

^"^  On  annonce  comme  prochaine  la  reprise  â'Oberon,  et  l'on  presse 
les  répétitions  des  Pêcheurs  de  perles,  opéra  de  M.  Bizet,  dans  lequel  doi- 
vent débuter  le  baryton  Ismaël  et  Mlle  de  Maesen,  qui  ont  obtenu  de 
grands  succès  en  province. 

4*4  Mme  Charton-Demeur,  après  ses  triomphes  à  Bade,  est  de  retour 
à  Paris.  Son  arrivée  va  donner  une  nouvelle  impulsion  aux  études  du 
grand  opéra  de  Berlioz  :  les  Troyens,  qui  se  poursuivent  quotidienne- 
ment. 

^**  M.  le  comte  Bacciochi,  surintendant  des  théâtres,  a  reçu  mardi 
dernier  aux  Tuileries,  le  personnel  de  la  direction  des  théâtres  et  les 
commissaires  impériaux  près  les  théâtres  subventionnés.  Le  directeur 
du  théâtre  impérial  de  l'Opéra  et  son  personnel  administratif,  l'admi- 
nistrateur du  Théâtre-Français  et  le  comité  administratif,  les  directeur 
et  professeurs  du  Conservatoire  de  musique  ont  eu  également  l'honneur 
d'être  reçus  par  M.  le  surintendant.  Vendredi,  M.  le  comte  Bacciochi 
a  reçu  les  directeurs  des  autres  théâtres  de  Paris. 

j%  Mlle  Adelina  Patti  est  attendue  à  Monaco;  la  célèbre  cantatrice 
a  été  engagée  par  le  directeur  du  Cercle  pour  s'y  faire  entendre . 

***  Nous  avons  donné  dernièrement  la  composition  de  la  troupe  du 
théâtre  italien  de  Saint-Pétersbourg.  Celle  de  Moscou  se  trouve  égale- 
ment au  complet  ;  elle  se  compose  de  Mmes  Antonietta  Fricci,  Rosina 
Laborde,  Brayda  Lablache,  prime  donne;  Emilio  Pancani,  Neri  Baraldi  et 
Grossi,  tenori;  Francesoo  Stelleri,  baryton  ;  Gassier,  Vialetti,  Finocohi, 
hassi;  Francesco  Frizzi,  butfo,  etc. 

,*,,.  Le  théâtre  de  la  ville,  à  Cologne,  vient  de  publier  son  programme 
pour  la  réouverture  de  la  saison  1863-1864.  Les  représentations  seront 
très-variées.  Outre /es  Catacombes,  de  Hiller,  Lalla-Iiouck  de  David,  Bigolctto 
et  le  Bal  masqué,  de  Verdi,  etc.,  on  répète  déjà  le  Prophète,  de  Meyer- 
beer;  Hans  Heiling,  de  Marschner;  Undine,  de  Lortzing;  les  Joyeuses  Com- 
mères de  Windsor,  de  Nicolaï;  rEtoile  du  Nord,  Dinorah,  de  Meyerbeer; 
la  Part  du  Diable,  d'Auber,  etc.,  etc. 

^*^  A  Hambourg ,  les  représentations  de  l'opéra  italien  de  Merelli 
ont  commencé  le  10  septembre  par  la  Sonnambula.  Adelina  Patti  chantait 
lo  rôle  principal. 


294 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


**,  Berthelier,  après  ses  succès  à  Bade,  a  pris  part  à  un  très-beau 
concert  donné  par  Louis  Brassin  dans  les  salons  de  la  Redoute  à  Spa.  Il 
a  tenu  l'auditoire  sous  l'empire  d'un  riro  inextinguible  en  chantant  ses 
ébouriffantes  chansonnettes,  et,  entre  autres,  C'est  ma  fille. 

:j*,j  Dans  un  concert  donné  dernièrement  à  Dieppe,  au  bénéfice  de 
l'orchestre  du  Casino,  on  a  exécuté  la  cantate  qui  a  obtenu  le  second 
grand  prix  au  dernier  concours  de  l'Institut  :  David  Bizzio,  musique  de 
M.  Charles  Constantin.  On  a  applaudi  dans  cette  œuvre  de  fraîches 
inspirations  mélodiques,  un  beau  style  et  une  remarquable  orchestra- 
tion. M.  Constantin  est  élève  d'Ambroise  Thomas. 

^*3,  Ida  Bertrand,  la  célèbre  cantatrice,  qui  se'repose  des  fatigues  de 
l'hiver  dans  sa  jolie  villa  de  Pierrefonds,  a  été  priée  de  chanter  à 
l'église,  pour  une  quête  au  profit  de  l'asile.  Elle  a  profité  du  séjour  de 
Lefebure  Wely  pour  dire  VAve  Maria  de  Gounod,  accompagnée  par 
lui  sur  l'orgue.  Sa  sœur  joignait  sa  harpe  aux  harmonies  de  l'orgue  et 
d'une  voix  puissante  que  l'on  entendra  certainement  encore  au  théâ- 
tre. Cet  ensemble  parfait  a  charmé  l'assistance  entière. 

»**  Le  pianiste  Mortier  de  Fontaine  a  trouvé,  dit-on,  une  composi- 
tion inédite  de  Haendel  pour  clavecin,  écrite  de  la  main  de  J.-Ehr. 
Smith  ;  il  se  propose  de  l'exécuter  dans  un  de  ses  concerts  historiques. 

,**  Mme  Corinne  de  Luigi  a  donné  à  Ems,  avec  le  violoniste  Favilli, 
un  concert  dans  lequel  les  deux  artistes  ont  eu  un  grand  succès. 

,*»  Un  fait  dont  la  singularité  mérite  au  moins  d'être  mentionnée 
vient  de  se  produire  en  Italie.  Le  gouvernement  italien  ayant  décidé 
qu'un  Conservatoire  royal  de  musique  serait  établi  à  Palerme,  nomma 
une  commission  chargée  d'examiner  les  titres  des  artistes  qui  se  pré- 
senteraient comme  aspirants  aux  fonctions  de  directeur  de  l'école.  Cette 
commission,  dont  le  siège  est  à  Florence,  est  composée,  à  ce  qu'on  as- 
sure, d'hommes  respectables  à  tous  égards,  et  dont  la  compétence  en 
matières  musicales  ne  saurait  être  mise  en  doute.  C'est  précisément  ce 
qui  rend  plus  étrange  encore  le  fait  dont  nous  voulons  parler.  Parmi 
les  concurrents  s'était  présenté  le  chevalier  Petrella,  compositeur  de 
talent,  auteur  d'un  grand  nombre  d'opéras  représentés  sur  les  premières 
scènes  italiennes;  entre  autres  Mario  Visconli,  le  Precauziani,  VAssedio 
di  Leyda,  lone  et  il  Folletto  di  Gresy,  qui  obtinrent  de  grands  succès, 
soit  à  la  Scala  de  Milan,  soit  au  Fonde  ou  à  San-Carlo  de  Naples,  soit 
sur  les  théâtres  de  Turin.  Eh!  bien,  le  croirait-on!  la  commission  a 
iavité  M.  Petrella  à  lui  présenter  un  travail  spécial  destiné  à  prouver 
sa  connaissance  de  l'art,  spécifiant  rigoureusement  un  canon  ou  une 
fugue.  Nous  n'avons  pas  à  discuter  ici  le  plus  ou  moins  de  valeur  des 
œuvres  livrées  au  public  par  M.  Petrella;  mais,  ou  la  commission  devait 
l'écarter  du  concours  pour  une  raison  quelconque,  ou  elle  ne  devait 
pas  exiger  de  lui  un  travail  que  l'on  pourrait  à  peine  demander  à  un 
élève  de  contre-point  de  troisième  année.  Il  est  arrivé  de  tout  ceci  que 
M.  Petrella  s'est  offusqué  à  bon  droit  d'une  telle  façon  d'agir,  et  qu'il  a 
retiré  sa  demande. 

^*^  Alf.  Jaell  vient,  pour  la  deuxième  fois,  d'être  appelé  à  Aix-la-Cha- 
pelle ;  entre  autres  morceaux  qu'il  a  joués,  le  concerto  en  la  de  Schu- 
mann  lui  a  valu  des  applaudissements  enthousiastes. 

^,*i,  Le  20  août  dernier  a  été  célébré,  à  Londres,  le  mariage  de 
Mlle  Alice  Benedict,  fille  de  l'éminent  compositeur  Jules  Benedict,  si 
populaire  à  Londres,  avec  M.  Joseph-Emile  Boulan,  de  Bordeaux. 

^*^  La  cinquième  livraison  du  Trésor  des  pianistes,  publiée  par  M.  et 
Mme  Farrenc,  vient  de  paraître  ;  elle  contient  les  deux  livres  de  pièces 
de  clavecin  de  Chambonnières,  claveciniste  de  Louis  XIV,  publiés  en 
1670;  vingt  trois  pièces  de  Dominique  Scarlatti  ;  les  trois  sonates  de 
Beethoven,  dédiées  à  Joseph  Haydn  ;  la  sonate  œuvre  7,  en  mi  bé- 
mol, et  les  trois  sonates  œuvre  10  du  même  compositeur.  Le  succès 
de  cette  importante  publication  est  désormais  assuré  non-seulement  en 
France,  mais  dans  tous  les  pays  où  se  trouvent  des  intelligences  d'élite 
parmi  les  personnes  qui  cultivent  le  plus  riche  de  tous  les  instruments. 
La  notice  biographique  sur  Beethoven  n'ayant  pu  être  terminée  pour 
paraître  avec  la  cinquième  livraison,  sera  jointe  à  une  des  prochaines. 

a,"*.,  M.  Cavaillé-Coll ,  l'excellent  facteur  d'orgues,  ayant  reconnu  chez 
Alexandre  Musard,  petit-fils  de  feu  Musard,  le  célèbre  compositeur  de 
musique,  des  dispositions  exceptionnelles  pour  l'orgue,  vient  de  lui  ac- 
corder l'entrée  de  sa  manufacture  (rue  de  Vaugirard),  en  mettant  à  sa 
disposition  les  orgues  nécessaires  à  son  instruction.  M.  Alexandre  Mu- 
sard fait  entendre  les  mercredis  et  vendredis,  de  11  heures  à  midi  et 
demi,  des  morceaux  improvisés. 

^*^  M.  Weitzmann,  qui  s'est  fait  connaître  par  une  monographie  du 
Lied,  vient  de  publier  un  nouvel  ouvrage  :  l'Hisloire  du  piano,  dé- 
dié à  l'illustre  Mécène  de  l'art  musical,  le  prince  de  Hohenzollern- 
Ilechingen. 

a,*^  Les  lecteurs  de  la  Gazelle  musicale  auront  ùù  être  assez  intrigués 
en  vo)  ant  dans  la  deuxième  partie  de  l'article  intitulé  :  Un  touriste  en 
Italie  (page  285,  première  colonne,  ligne  23),  publié  dimanche  dernier, 
la  musique  du  Devin  de   Village  comparée    par  le   comte  de  Brosses  à 


un  lampion,  et  ils  ont  dû  saisir  difficilement  l'analogie.  C'est  dans  une 
coquille  faite  par  le  compositeur  qu'il  faut  en  chercher  l'explication.  Il 
a  imprimé  lampion  au  lieu  de  lampon,  terme  connu  en  musique  et  qui 
désignait  une  espèce  de  chanson  populaire. 

**,j  Le  pianiste  Charles  Halle,  de  Londres,  vient  de  donner  un  con- 
cert au  théâtre  de  Francfort-sur-Mein.  Il  y  a  exécuté  le  concerto 
(en  mi  majeur)  de  Beethoven,  ainsi  que  plusieurs  compositions  de 
Chopin,  Steph.  Heller,  et  Mendelssohn,  avec  un  admirable  talent,  et  il 
a  obtenu  les  plus  vifs  applaudissements. 

**,,  Au  nombre  des  morceaux  exécutés  dimanche  dernier  au  concert 
du  Pré  Catelan,  figurait  le  Galop,  composé  par  M.  Charles  Manry,  et  qui 
y  avait  été  plusieurs  fois  exécuté  avec  succès.  Cette  nouvelle  audition 
en  a  mieux  encore  fait  ressortir  le  mérite  et  il  a  été  fort  applaudi. 

*■**  Outre  les  notabilités  musicales  qui  composent  l'excellent  orchestre 
de  Musard,  on  entendra  aujourd'hui,  au  Pré  Catelan,  deux  remarquables 
artistes  sur  la  flûte  et  le  cornet  à  piston.  Il  y  aura,  en  outre,  grand 
bal  d'enfants. 

***  Les  journaux  de  New-York  annoncent  la  mort  de  Mlle  "Vestvali, 
la  célèbre  cantatrice  qui  s'est  fait  applaudir  sur  la  scène  du  théâtre 
impérial  de  l'Opéra.  Elle  a  succombé  à  la  rupture  d'un  anévrisme. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 


^*i.  Boulogne.  —  Décidément  la  vogue  est  acquise  au  nouvel  établisse- 
ment de  bains.  Au  concert  du  9,  une  brillante  société  remplissait  le 
grand  salon  des  fêtes  et  ses  annexes  pour  entendre  Vieuxtemps, 
Mme  Arabella  Goddard-Davison,  et  M.  et  Mme  Soustelle.  Le  premier  a 
joué  avec  le  prodigieux  talent  qu'on  lui  connaît  une  ballade  et  polonaise, 
avec  orchestre,  dans  le  style  pastoral,  qui  renferme  des  beautés  de 
premier  ordre.  Dans  son  Bouquet  américain.  Vieuxtemps  a  exécuté  des 
traits  éblouissants  :  Saint-Patrick' s  day  particulièrement  est  un  caprice 
paganinien,  prouvant  que  dans  tous  les  genres  le  génie  reste  à  sa  hau- 
teur. Dans  le  beau  duo  sur  Oberon,  avec  Mme  Goddard-Davison,  les  deux 
éminents  artistes  ont  produit  un  immense  effet.  En  outre,  Mme  Goddard 
a  obtenu  sa  part  d'applaudissements  enthousiastes,  en  faisant  entendre 
la  paraphrase  du  concerto  de  Liszt  et  la  fantaisie  sur  Lurline,  d'Ascher. 
La  partie  vocale  de  ce  concert  était  confiée  à  M.  et  Mme  Soustelle, 
lauréats  des  derniers  concours  du  Conservatoire.  On  a  reconnu  et  ap- 
précié dans  ces  deux  artistes  les  qualités  qui  leur  ont  valu  cette  dis- 
tinction. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


^*^:  Bruxelles.  —  Le  1"''  septembre  a  eu  lieu  la  réouverture  du  théâtre 
de  la  Monnaie  par  l'Ambassadrice,  dans  laquelle  Mme  Mayer-Boulard  a 
reçu  le  plus  brillant  accueil.  —  Dans  le  courant  de  la  semaine,  tous  les 
nouveaux  chanteurs  ont  été  entendus,  et  l'impression  causée  par  la  plu- 
part d'entre  eux  a  été  des  plus  favorables.  Il  y  a  unanimité,  parmi  les 
habitués  du  Théâtre-Royal,  pour  reconnaître  que  la  troupe  chantante 
n'avait  pas  offert  depuis  longtemps  un  ensemble  aussi  distingué.  Le  suc- 
cès de  Mme  Meillet,  première  chanteuse  dramatique,  a  été  complet  dans 
les  Huguenots  et  dans  la  Juive.  Mlle  Faivre  a  conquis  toute  la  faveur  du 
public  dans  les  rôles  du  page,  des  Huguenots,  et  de  Gertrude,  du  Maître 
de  chapelle,  qu'elle  a  chantés  après  avoir  fait  un  premier  début  très-heu- 
reux dans  l'Ambassadrice.  Le  Maître  de  chapelle  a  été  également  pour 
M.  Meillet,  baryton  d'opéra-comique,  l'occasion  de  déployer  un  talent 
auquel  pleine  justice  a  été  rendue.  Mlle  Borghèse,  qui  vient  tenir  sur 
notre  scène  l'emploi  de  contralto,  demeuré  vacant  l'année  dernière,  a 
reçu  un  accueil  sympathique  dans  Galalée,  où  elle  a  chanté  avec  un 
talent  incontestable  le  rôle  de  Pygmalion.  M.  Lédérac,  baryton  du  grand 
opéra,  et  M.  Bryon-Dorgeval,  basse-taille  d'opéra-comique,  ont  fait  leur 
première  apparition  dans  les  Huguenots;  mais  les  rôles  de  Nevers  et  de 
Saint-Cris  sont  trop  peu  importants  pour  que  l'opinion  ait  pu  se  pro- 
noncer à  leur  égard.  On  les  attend  â  des  épreuves  plus  concluantes. 

^.*,j  Baie.  —  Les  courses  ont  occupé  toute  cette  première  semaine  de 
septembre. — Après  avoir  clos  brillamment  ses  repi'ésentations  par  un 
ballo  in  Maschera,  la  troupe  italienne  a  cédé  la  place  à  la  comédie  fran- 
çaise.—Le  10,  à  l'occasion  de  la  fête  de  S.  A.  R.  le  grand-duc  de  Bade, 
un  grand  concert  a  été  donné  au  profit  des  hospices  de  la  ville.  Il  nous 
suffira  d'en  citer  le  programme  pour  faire  connaître  l'intérêt  qu'il  devait 
offrir  à  notre  aristocratique  public  et  le  succès  qui  l'a  couronné.  Ce 


DE  PARIS. 


programme  se  composait  de  1°  Ouverture  de  l'opéra  la  Grande-Duchesse 
Catherine  (F.  de  Flotow);  2°  Addio  àella  moriente  (A.  Peruzzi),  par  M.  Délie 
Sedie  ;  3°  a)  nocturne  dramatique  (A.  Jaell)  ;  6)  allegro  (Kirnberger)  ; 
c)  Caprice,  valse  sur  Dinorah  (A.  Jaell);  4°  duo  :  Stabat  Mater  (Rossini), 
par  Mlle  Battu  et  Mme  Lablache  de  Méric;  5°  morceau  de  concert  sur  un 
Lied  de  Schubert  (Seligmann),  par  M.  Seligmami;  6°  variations  de  Cene- 
rentola  (Rossini),  par  Mlle  Battu  ;  7°  fantaisie  sur  le  Trouvère  (Alard),  par 
M.  Alard;  8°  o)  arioso  du  Prophète  (Meyerbeer);  b)  brindisi  de  Lucrezia 
Borgia  (Donizetti),  par  Mme  Lablache  de  Méric  ;  9°  fantaisie  sur  des 
motifs  de  VElisir  d'amore  (E.  Kriiger),  par  M.  G.  Kriiger;  10°  duo  de 
Don  Pasquale  (Donizetti),  par  Mlle  Battu  et  Délie  Sedie.  L'orchestre  était 
conduit  par  M.  M.  Kœnnemann. 

^*^  Aix-la-Chapelle.  —  Soixante  et  une  sociétés  de  chant,  dont  trente- 
sept  appartiennent  à  l'Allemagne,  ont  pris  part  au  festival  qui  a  eu  lieu 
ici  les  6  et  7  septembre  ;  il  y  avait  en  outre  dix-sept  sociétés  belges  et 
sept  hollandaises.  Le  prix  d'honneur  a  été  vivement  disputé  par  les 
deux  associations  belges,  Legia,  de  Liège,  et  la  Société  d'amateurs  de 
Huy.  Pour  le  concours  on  avait  choisi  un  morceau  des  plus  difficiles, 
intitulé  le  Matin.  Les  deux  Sociétés  rivales  se  sont  acquittées  de  leur 
tâche  épineuse  avec  une  perfection  rare  ;  une  légère  nuance  a  distingué 
la  Legia,  qui  a  obtenu  le  premier  prix  d'honneur  ;  un  magnifique  vase 
de  porcelaine,  donné  par  le  roi  de  l'russe,  et  250  thalers.  Le  deuxième 
prix,  remporté  par  la  Société  de  Huy,  consistait  en  un  laurier  en  argent 
doré  et  émaillé;  il  était  dû  à  la  munificence  de  la  Société  d'encourage- 
ment pour  la  saison  des  eaux.  Le  lendemain,  7  septembre,  a  eu  lieu  un 
concert  dans  le  nouveau  Kursaat,  qui  est  vraiment  splendide. 

»%  La  Haye. —  Les  3  et  5  septembre  a  eu  lieu  un  festival  national,  où 
on  n'a  exécuté  que  des  compositions  d'auteurs  hollandais  :  Psaume,  par 
Lubeck,  la  Résurrection,  oratorio  de  Heinze;  ouverture,  par  Boert;  la 
Délivrance  de  Leyde,  par  R.  Hol,  etc. 

i^*n  Hambourg.  —  Nous  venons  d'avoir  une  excellente  représentation 
de  Guillaume  Tell.  M.  Rûbsam,  qui  a  été  engagé  au  théâtre  de  la  ville 
après  de  brillants  débuts,  a  eu  dans  le  rôle  principal  un  double  succès 
comme  acteur  et  comme  chanteur.  —  La  société  Merelli  est  attendue 
pour  le  13  de  ce  mois.  —  Le  comité  de  la  bourgeoisie  s'est  opposé  à 
l'abaissement  du  diapason,  que  le  Sénat  avait  autorisé. 

,*4  Berlin.  —  A  l'occasion  du  congrès  de  statistique,  le  théâtre  royal 
devait  donner  Nurmahal.  Une  indisposition  subite  de  Mlle  Lucca  a  forcé 
l'administration  à  remplacer  l'opéra  de  Spontini  pa.v  Faust,  de  Gounod. 
—  L'opérette-bouffe  Venise  à  Paris  a  été  représentée  au  théâtre  Wilhelm- 


stadt  ;  le  succès  de  la  musique  a  été  légèrement  compromis  par  la 
niaiserie  du  texte.  —  Pendant  cette  saison  on  jouera  pour  la  pre- 
mière fois  la  Réole,  de  Schmidt,  et  la  Rose  d'Erin,  de  Bénédict. 
—  La  direction  du  théâtre  Victoria  avait  traité  avec  Offenbach 
pour  la  représentation  d'un  nouvel  opéra  :  la  Fée  Rosa;  mais  comme  le 
maestro  voulait  user  de  la  faculté  qu'il  s'était  réservée  de  refuser,  aux 
répétitions,  ceux  des  artistes  qui  ne  lui  conviendraient  pas,  la  direc- 
tion a  préféré  résilier  son  traité,  et  Offenbach,  qui  avait  déjà  livré  la 
partition  de  cet  opéra,  l'a  reprise  et  a  quitté  Berlin. 

***  Vienne.  —  La  reprise  du  ballet  Esmeraïda,  au  théâtre  de  la  Cour, 
n'a  obtenu  qu'un  succès  d'estime  ;  à  sa  première  apparition,  il  avait  été 
reçu  avec  enthousiasme.  Le  goût  du  public  a  changé  depuis  ;  on  ne 
cherche  plus  dans  un  ballet  qu'un  simple  divertissement  de  danse. 
Mlle  Couqui  était  fort  bien  dans  le  principal  rôle.  —  Oberon  a  fait  salle 
comble  ;  Wachtel,  dans  le  rôle  de  Huon,  a  eu  de  beaux  moments  ;  quant 
à  Mme  Dustmann,  celui  de  Rézia  dépasse  tant  soit  peu  la  mesure  de  ses 
forces  physiques.  —  Au  premier  jour,  Mlle  Hasselt-Barth,  la  fille  de  la 
célèbre  cantatrice,  doit  débuter  au  Karltheater.  —  L'académie  de  chant 
a  publié  pour  la  saison  le  programme  suivant  :  Requiem,  de  Mignon,  et 
la  Malédiction  du  chanteur,  par  K.  Schumann  ;  la  pastorale  Acis  et  Gala- 
tée,  par  Haendel  ;  une  cantate  et  l'oratorio  de  Noël,  par  S.  Bach. 

^*^  Turin.  —  Autant  qu'on  peut  le  savoir,  le  nouvel  opéra  que  le 
maestro  Petrella  écrit  pour  la  prochaine  saison  du  carnaval,  au  théâtre 
royal  de  Turin,  aura  pour  titre  la  Pazza  d'Ischia. 

^*^  Milan.  —  La  nouvelle  direction  du  théâtre  de  la  Scala  a  livré  sa 
première  bataille  d'automne,  le  5,  par  le  Vieux  de  la  montagne,  de  Ca- 
gnoni,  et  Oronos,  ballet  de  Costa.  Elle  a  obtenu  une  demi-victoire 
avec  l'opéra  et  subi  les  trois  quarts  d'une  déroute  avec  le  ballet.  Elle 
n'a  doue  pas  plus  à  triompher  qu'à  se  livrer  au  désespoir.  Nous  n'avons 
pas  à  entrer  dans  des  détails  sur  l'opéra  de  Cagnoni,  qui  a  pendant 
trois  ans  fait  ses  preuves  au  Théâtre  Carignan,  de  Turin;  nous  dirons 
seulement  que  la  Palmieri,  avec  une  belle  voix,  manque  de  chaleur;  que 
Prudenza,  au  contraire,  avec  une  voix  puissante,  manque  de  douceur  ; 
mais  que  le  baryton  Cotogni  est  un  artiste  sympathique  qui  chante  avec 
âme  et  tire  très-bon  parti  de  ses  moyens.—  Quant  au  ballet,  il  pèche 
par  l'invention,  par  la  musique  et  par  l'exécution. 


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ADOLPHE    SAX 


*  * 


SO,  rae  Saint- Cieorges 
à  Paris. 


Fadeur  de  la  Maison  militaire  de  l'Empereur.  —  Professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique. 
Seule  grande  Médaille  d'honneur  à  l'Exposition  universelle  de  1855. 

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Le  Saxotromba,  ou  le  Saxhora,  est  supérieur  à  ses  analogues  existants  précédemment,  comme  proportion  de  tubes  et  par 
conséquent  comme  son  ;  supérieur  comme  justesse  ;  supérieur  comme  création  de  famille  complète  ;  supérieur  comme  facilité  et 
unité  de  doigté  ;  supérieur  comme  forme  ou  contour  des  tubes  pour  l'émission  des  sons  ;  supérieur  comme  forme  pour  le  pla- 
cement et  le  maniement  de  l'instrument  ;  supérieur  comme  ayant  une  même  direction  des  sons  (avantage  pour  l'auditeur  de 
recevoir  tous  les  sons  avec  la  mêms  puissance);  supérieur  en  ce  que  quelques  jours  suffisent  pour  former,  avec  des  amateurs  ou 
de  simples  conscrits  militaires,  une  musique  passable  ;  supérieur  en  ce  que  les  plus  gros  instruments  comme  les  petits  se 
tiennent  facilement  au  moyen  de  la  main  gauche  et  du  bras  gauche,  et  laissent  le  bras  et  la  main  droite  entièrement  libres, 
et  dans  la  meilleure  position  pour  le  jeu  des  doigts  sur  les  cylindres  ;  supérieur  en  ce  que,  quand  un  élt-ve  a  déjà,  fait  des 
études  et  qu'il  est  obligé  de  changer  d'instrument  faute  de  disposition  des  lèvres  ou  par  tout  autre  motif,  ses  études  acquises 
servent  pour  le  nouvel  instrument,  soit  trompette,  trombone  ou  tout  autre  instrument  ;  supérieur  en  ce  que  l'on  peut  faire  les 
études  les  plus  longues  et  les  plus  difficiles  sur  l'instrument  qui  fatigue  le  moins  et  les  reporter  sur  d'autres  plus  durs  à  jouer 
ou  plus  lourds  à  porter;  supérieur  en  ce  que,  dans  les  sociétés  ou  dans  un  régiment  de  cavalerie,  surtout  lors  des  congés,  il 
arrive  souvent  que  tous  les  artistes  d'une  même  catégorie  d'instruments  partent,  et  que,  dans  ce  cas,  on  peut  les  retuplacer 
en  prenant  des  musiciens  dans  les  parties  les  mieux  garnies  pour  occuper  ou  remplacer  les  parties  manquantes;  supérieur  en 
ce  qu'on  ne  craint  pas  les  coups  de  tête  des  chevaux,  qui,  avec  les  anciens  instruments,  brisaient  parfois  les  dents  au  cava- 
lier; supérieur  en  ce  que  l'on  peut  jouer,  le  cheval  au  trot  ou  au   galop,  l'instrument  suivant  toujours  les  mouvements  du 

corps;  supérieur  pour  la  musique  en  marche  en  ce  que  l'instrument  ne  se  dérange  pas  sur  les  lèvres,  et  conserve  par  censé-         

quent  la  même  sonorité  qu'au  repos;  supérieur  pour  les  corps  de  musique  et  pour  le  militaire  surtout,   où  tout  est  régulier 
excepté  les  musiciens  et  les  instruments  d'après  le  système  ancien),  en  ce  que  tout  le  monde  se  trouve  dans  la  mêine  position,  toutes  les  mains  à  la  même 
tous  les  instruments  penchés  de  gauche  à  droite  ;  supérieur,  pour  la  musique  à  cheval  ou  de  cavalerie,  en  ce  que  si,  pendant  que  l'on  joue,  le  cheval  vient 
écart,  il  est  facile  de  ressaisir  les  brides  pour  le  ramener,  sans  déranger  l'iastrument  de  sa  position.  ifJTxl 

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20  Septembre  1803. 


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SOMMAIRE.  — Effets  des  circonstances  sur  la  situation  actuelle  de  la  musique, 
au  point  de  vue  de  la  composition  ;  ce  qu'il  faudrait  faire  pour  améliorer  cette 
situation  (3«  article),  parFétis  père.  —  Théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique  : 
reprise  du  Somje  d'une  nuit  d'été,  par  liéon  Duroclier.  —  L'Anneau  des 
Nibelungen,  par  Richard  Wagner  (4=  et  dernier  article),  par  J.  Daesberg 
et  S***.  —  Nouvelles  et  annonces. 


EFFETS  DES  CIRCONSTANCES 

sur  la  sitnation  actuelle   de  la  mnsfqae,  an  point  de 
vue  de  la  composition. 

CE  qu'il  faudrait  faire  pour  améliorer  cette  situation. 

(3«  article)  (1). 

L'intérêt  pur  de  l'art  ne  peut  se  séparer  de'  celui  des  artistes  ;  car 
si  les  circonstances  ne  favorisent  pas  ceux-ci,  ils  peuvent,  quel  que 
soit  leur  talent,  être  laissés  dans  l'obscurité,  se  décourager,  et,  do- 
minés par  les  besoins  de  la  vie  matérielle,  finir  par  se  résigner,  et  cher- 
cher le  pain  quotidien  dans  de  vulgaires  emplois  de  leurs  facultés. 
Je  ne  crois  pas  au  génie  incompris,  quand  il  a  pu  se  produire,  mais 
j'ai  la  conviction  de  l'existence  de  talents  inconnus,  parce  que  toutes 
les  voies  leur  sont  fermées  dans  l'état  actuel  des  choses.  Je  parle  pour 
la  France  et  la  Belgique  dans  cet  article. 

La  plupart  des  jeunes  gens  qui  sortent  des  écoles  de  composition, 
rêvent  les  succès  du  théâtre,  parce  que  ce  sont  ceux-là  qui  procu- 
rent les  avantages  ds  la  popularité.  Obtenir  un  livret  d'opéra,  en 
écrire  la  musique,  avoir  une  audition  d'un  des  directeurs  des  scènes 
lyriques,  enfin,  arriver  à  la  représentation  de  l'œuvre  projetée, 
composent  le  plan  du  roman  conçu  par  tous  les  lauréats  de  concours 
de  musique.  Mais  pour  que  le  roman  se  transforme  en  réalité,  il  faut 
commencer  par  le  commencement,  c'est-à-dire  obtenir  un  livret, 
Obtenir  un  livret!  De  qui?  D'un  des  auteurs  en  renom,  qui  ont  assez 

(1)  Voir  le  n°  35. 


de  crédit  pour  faire  Jouer  leurs  ouvrages,  et  qui,  à  d'ifaut  d'idées, 
ont  du  moins  l'expérience  des  procédés  de  fabrication.  Les  plus  har- 
dis tentent  l'essai,  s'informent  des  accointances  du  librettiste  qu'ils 
ont  en  vue,  parviennent  parfois  à  se  faire  présenter  à  lui,  et  font 
avec  timidité  leur  demande.  L'homme  de  lettres  est  poli  ;  il  a  son 
thème  tout  fait  pour  les  requêtes  de  ce  genre  :  «  Mon  jeune  ami, 
dit-il,  je  ne  vous  refuse  pas,  car  je  ne  doute  pas  de  votre  talent;  mais 
vous  n'êtes  pas  connu;  or  le  nom  du  compositeur  est  pour  beaucoup 
dans  le  succès  d'un  opéra,  et  vous  devez  comprendre  qu'un  poëte 
ne  se  prive  pas  à  plaisir  de  cot  appui  pour  ses  ouvr.nges.  Faites-vous 
connaître,  et  vous  me  trouverez  tout  disposé  à  faire  pour  vous  ce 
que  vous  me  demandez.  —  Mais,  Monsieur,  comment  pourrai-je  me 
faire  connaître  si  je  n'ai  pas  une  pièce  pour  en  composer  la  musi- 
que ?  —  Ceci,  vous  devez  le  comprendre,  n'est  pas  mon  affaire  ; 
c'est  la  vôtre.  Je  ne  doute  pas  qu'avec  votre  talent,  vous  ne  réus- 
sissiez. I) 

Après  cette  conversation,  qui  a  dissipé  une  première  illusion,  il  ne 
reste  plus  que  la  ressource  d'un  jeune  littérateur  inconnu,  qui  ait  be- 
soin d'un  musicien  pour  son  essai  de  drame,  comme  le  musicien 
d'un  librettiste.  De  ce  côté,  la  réussite  est  plus  facile  ;  on  ne  tarde 
pas  à  s'entendre,  et  bientôt  ce  bienheureux  livret,  objet  d'incessan- 
tes aspirations,  est  entre  les  mains  tressaillantes  du  compositeur 
qui,  plein  d'ardeur,  se  met  immédiatement  à  l'œuvre.  Il  ne  s'est  pas 
informé  si  l'ouvrage  a  été  admis  par  le  directeur  du  théâtre  auquel 
il  le  destine,  et  quand  sa  partition  est  achevée,  il  apprend  que  l'exis- 
tence de  la  pièce  est  aussi  ignorée  du  directeur  que  celle  de  la  mu- 
sique. Alors  commence  le  second  acte  de  la  désillusion.  Dans  l'ordre 
ordinaire  des  choses,  le  jeune  artiste  se  rend  chez  le  directeur,  et 
apprend,  du  concierge  de  la  maison,  que  pour  ce  qui  concerne  les 
affaires  du  théâtre,  M....  ne  reçoit  qu'à  son  cabinet,  au  théâtre 
même.  Il  y  court.  Le  concierge  l'arrête  au  moment  où  il  se  dirige  vers 
l'escalier  de  la  direction  :  «  Où  allez-vous?  —  Je  désire  parler  à  M... 
—  Il  n'est  pas  ici.  —  A  quelle  heure  peut-on  lui  parler?  —  Oh! 
il  n'a  pas  d'heure  fixe.  —  Pensez-vous  que  je  puisse  venir  demain 
à  midi.  —  Il  ne  vient  pas  sitôt.  —  A  deux  heures?  —  Essayez.  » 
Le  lendemain,  l'artiste  se  rend  au  théâtre  à  l'heure  dite,  et  cette 
fois,  il  s'arrête  à  la  loge  du  concierge  :  «  M.  le  directeur?  —  Il  n'y 
est  pas.  —  C'est  moi  qui  suis  venu  hier.  —  Ah  1  oui,  je  vous  recon- 
nais ;  eh  bien  I  vous  jouez  de  malheur,  il  vient  de  sortir.  » 

Après  trois  ou  quatre  scènes  de  ce  genre,  le  concierge  ennuyé  de 
revoir  toujours  le  même  individu,  lui  dit  de  monter  au  cabinet  de 
M.  le  secrétaire  de  la  direction.  L'artiste  s'y  rend,  et  s'adressant  à 
une  personne  assise  à   un  bureau  :  «  Monsieur,  je  désire   parler  à 


298 


r.EVIJK  El'  GAZETTE  MUSICALE 


M....  —  Hr.  le  directeur  est  en  affaire,  Monsieur,  et  ne  pourra  vous 
recevoir  ;  mais  si  vous  voulez  me  confier  l'objet  de  votre  visite,  je 
lui  en'  parlerai  ce  soir.  »  Enchanté  de  ce  bon  accueil,  le  jeune 
homme  décline  son  nom,  celui  de  son  poêle,  et  parle  de  son  désir 
d'une  lecture  de  la  pièce  et  d'une  audition  de  la  musique.  «  Ah!  tu 
es  un  auteur  (dit  en  lui-même  le  secrétaire)  ;  je  te  réponds  que  nous 
te  donnerons  le  temps  de  corriger  ton  ouvrage  !  »  Cependant  rien 
ne  paraît  sur  sa  flgure  de  ses  dispositions  pour  le  nouveau  venu, 
qu'il  accompagne  avec  politesse  jusqu'au  bout  du  corridor.  Il  serait 
trop  long  de  détailler  les  courses  inutiles  avant  que  l'audience  du  di- 
recteur soit  enûn  accordée.  Dans  cette  séance,  l'entrepreneur  promet 
de  lire  la  pièce  ;  mais,  dans  le  cas  où  il  la  jugerait  digne  d'être  re- 
présentée, il  ne  peut  cacher  au  compositeur  qu'il  a  des  engagements 
pris  pour  plus  de  deux  ans,  et  qu'il  sera  nécessaire  que  les  auteurs 
s'arment  de  patience.  Et  vraiment  la  recommandation  n'est  pas  inu- 
tile, car  les  mois  s'écoulent  et  les  démarches  se  multiplient  avant 
qu'un  résultat  soit  obtenu.  Après  une  si  longue  attente  et  tant  de 
temps  perdu,  si  le  refus  n'est  pas  absolu,  les  auteurs  en  ont  à  peu 
près  l'équivalent  dans  la  demande  de  corrections  indiquées  sommai- 
rement au  crayon  sur  le  manuscrit.  Dans  la  supposition  que  ces  cor- 
rections soient  de  nature  à  satisfaire  la  direction,  et  qu'enlin  la  pièce 
soit  reçue  après  une  nouvelle  attente  non  moins  longue,  tout  est  à 
recommencer  pour  l'audition  de  la  musique,  dont  il  faut  copier  les 
rôles  et  les  parties  d'orchestre.  Vingt  fois  remise  à  des  époques 
plus  ou  moins  éloignées,  celte  audition  est  enfin  fixée  pour  tel  jour..., 
à  minuit,  après  le  spectacle.  Chanteurs  et  artistes  de  l'orchestre  ac- 
cablés de  fatigue,  haletant  et  dé.sirant  le  repos,  exécutent  avec  ennui, 
mauvaise  humeur,  ne  saisissent  pas  toujours  les  intentions  et  font 
ressortir  à  plaisir  les  fautes  du  copiste  ;  dans  ces  conditions,  un  di^ 
recteur,  étranger  à  la  musique,  juge  du  mérite  de  la  composition. 
S'il  la  reçoit  cela  ne  l'engage  à  rien  :  il  fera  jouer  l'ouvrage  quand 
cela  lui  conviendra.  Si,  de  guerre  lasse,  et  fatigué  de  sollicitations, 
de  recommandations  et  d'influences  directes  ou  indirectes,  il  accorde 
enûn  le  tour  de  représentation,  les  auteurs  sont  prévenus  qu'on 
ne  peut  mettre  à  leur  disposition  que  les  acteurs  de  second  ou  de 
troisième  ordre  (relativement)  pour  l'exécution  de  leur  opéra,  parce 
que  les  premiers  sont  destinés  à  un  grand  ouvrage  auquel  un  tour  de 
faveur  est  accordé.  Ou  accepter  ces  conditions,  ou  refuser  de  se  faire 
connaître,  est  l'alternative  par  laquelle  se  termine  souvent  une  at- 
tente de  plusieurs  années.  Tel  est  le  sort  du  jeune  musicien  qui,  à 
l'aurore  de  sa  carrière,  à  Paris,  se  sent  entraîné  vers  la  composition 
pour  le  théâtre. 

11  ne  faut  pas  croire  que  les  choses  se  passent  toujours  avec  là 
politesse  qu'on  vient  de  voir,  dans  le  tableau  vrai  que  j'ai  tracé  des 
tribulations  d'un  jeune  compositeur.  Le  directeur  privilégié  d'un  des 
théâtres  lyriques  s'y  est  pris  d'autre  manière,  il  y  a  quelques  mois, 
avec  un  jeune  artiste,  grand  musicien,  que  je  considère  comme  l'es- 
poir du  présent  et  de  l'avenir,  mais  que  je  ne  nomme  pas,  pour  ne 
pas  ameuter  contre  lui  les  médiocrités.  Il  avait  remis  au  directeur 
dont  il  s'agit  le  manuscrit  d'un  livret  dont  il  a  fait  la  musique,  le 
priant  de  le  lire  et  de  décider  de  sa  réception  ou  de  son  refus.  A 
quelque  temps  de  là,  il  lui  demanda  s'il  l'avait  lu  :  n  Non,  Mon- 
sieur. —  Voudriez-vous  me  fixer  un  jour  pour  connaître  votre  déci- 
sion? —  Non.^  Pourquoi?  —  Parce  que  je  ne  lirai  pas  l'ouvrage. — 
Pourquoi  ne  voulez-vous  pas  le  lire?  —  Parce  que  c'est  mauvais.  — 
Mais  comment  pouvez-vous  savoir  ce  que  c'est  sans  le  lire.  —  Parce 
que  vous  m'avez  dit  que  c'est  d'un  jeune  homme,  et  qu'un  jeune 
homme  ne  'peut  rien  faire  de  bon.  Au  surplus,  je  n'ai  que  faire  de 
nouveaux  auteurs;  fui  mon  monde,  vous  n'en  êtes  pas  !  »  Que 
dites- vous  de  cette  aménité,  cher  lecteur? 

Voilà  pour  le  théâtre.  Supposons  maintenant  que  le  jeune  artiste 
soit  doué  d'une  de  ces  organisations  exceptionnelles  qui  peuvent 
trailer  tous  les  genres  de  musique  avec  succès,  et  que  convaincu  de 


l'impossibilité  de  réaliser  ses  vues  à  la  scène,  dans  l'état  actuel  des 
choses,  il  ait  pris  la  résolution  d'appliquer  les  qualités  de  son  génie 
à  la  musique  instrumentale.  Le  voilà  donc  qui  compose  des  sympho- 
nies, des  ouvertures  de  concert,  des  quintettes,  quatuors,  trios,  enûn, 
tous  les  genres  de  musique  d'orchestre  et  de  chambre.  Que  fera-t-il 
de  tout  cela?  Gomment  fera-t-il  connaître  au  public  les  produits  de 
son  imagination  et  de  ses  longues  études  ?  Il  y  a  à  Paris  deux  or- 
chestres symphoniques  de  musique  sérieuse,  puis  des  concerts  de 
futilités,  de  casinos  et  de  mauvais  lieux.  Homme  de  talent  vrai,  il 
ne  peut  vouloir  livrer  ses  œuvres  qu'à  la  Société  des  concerts  du 
Conservatoire,  ou  bien  aux  concerts  populaires,  fondés  et  dirigés  par 
M.  Pasdeloup  ;  mais  pour  lui,  ces  institutions  sont  murées,  car  on 
n'y  peut  être  entendu  qu'à  la  condition  d'être  mort.  Quelques  essais 
ont  été  faits  de  loin  en  loin,  à  la  Société  des  concerts,  d'ouvrages 
dont  les  auteurs  n'étaient  pas  descendus  dans  la  tombe,  mais  ce 
furent  de  rares  exceptions  obtenues  par  de  certaines  influences,  et 
rarement  goûtées  par  le  public  fossile  de  ces  concerts.  Pour  l'admis- 
sion des  œuvres  nouvelles  dans  les  concerts  de  cette  société,  fussent- 
elles  les  plus  belles  du  monde,  il  y  a  deux  obstacles  à  peu  près 
invincibles,  à  savoir,  l'obligation  de  faire  des  répétitions  pour  l'or- 
chestre, et  les  préjugés  de  l'auditoire.  A  Paris,  chacun  est  si  occupé 
de  ses  propres  affaires,  qu'on  n'a  pas  de  temps  à  sacrifier  pour  l'art, 
pour  étendre  le  cercle  des  idées  et  sortir  de  la  routine.  On  y  vit 
dans  un  tra-la-la  qui  est  toujours  le  même.  A  la  pensée  de  se  réunir 
pour  une  symphonie  nouvelle,  avec  les  soins  qu'elle  exigerait,  tous 
les  artistes  d'un  orchestre  se  sentent  pris  de  frémissements.  Si,  par 
aventure,  on  ne  peut  éviter  cette  corvée,  on  regarde  vingt  fois  les 
aiguilles  de  sa  montre  pendant  sa  durée.  A  quoi  bon  d'ailleurs  passer 
du  temps  à  déchiffrer  des  nouveautés?  N'avons-nous  pas  assez  de 
belle  musique  que  nous  savons  par  cœur  et  qui  nous  laisse  le  loisir 
de  faire  nos  affaires?  Et  puis,  notre  public  ne  la  préfère-t-il  pas  à 
tout  ce  que  nous  pourrions  lui  faire  entendre  d'inconnu.  —  Telles 
sont  les  objections  qui  ont  vingt  fois  frappé  mon  oreille ,  lorsque  je 
pressais  les  membres  de  la  Société  des  concerts  de  sortir  des  étroites 
limites  de  leur  répertoire. 

A  l'égard  du  public,  les  difficultés  ne  sont  pas  moins  sérieuses.  11 
a  ses  habitudes,  ses  traditions  d'enthousiasme  et  la  garantie  des  noms 
célèbres,  qui  ne  l'obligent  pas  à  faire  usage  d'intelligence  pour  porter 
le  jugement  qu'exigerait  une  œuvre  nouvelle.  Il  sait  qu'il  va  goûter 
du  plaisir  à  un  passage  qui  le  chatouille  depuis  trente  ans,  et  il  s'en 
réjouit  d'avance  :  il  n'aime  que  les  surprises  qu'il  connaît.  C'est  un 
honnête  public,  fier  de  sa  qualité  de  classique,  qu'il  suppose  syno- 
nyme de  borné. 

Dans  ses  concerts  populaires  de  musique  classique,  M.  Pasdeloup 
aurait  pu  prendre  une  autre  allure,  ou  plutôt  il  l'aurait  dû ,  car  son 
jeune  orchestre  subit  une  comparaison  désavantageuse  avec  celui  de 
la  Société  des  concerts,  au  point  de  vue  de  la  perfection  d'exécution, 
dans  des  œuvres  connues  de  tout  le  monde  jusqu'à  satiété.  La  longue 
existence  de  la  Société  du  Conservatoire,  les  excellentes  traditions  de 
son  orchestre,  l'habitude  qu'a  depuis  longtemps  la  majorité  des  mem- 
bres de  cet  orchestre  de  l'unité  d'accentuation,  donnent  à  sa  ma- 
nière de  rendre  hs  ouvrages  de  son  répertoire  une  précision,  une 
délicatesse,  un  fini,  auxquels  ne  peut  atteindre  un  orchestre  qui  ne 
jouit  pas  des  mêmes  avantages.  Mais  là,  comme  partout  à  Paris, 
c'est  la  routine  qui  l'emporte.  La  qualification  de  classique,  ajoutée  par 
M.  Pasdeloup  au  titre  des  concerts  populaires,  lui  a  vraisemblable- 
ment persuadé  qu'elle  l'obligeait  à  suivre  les  errements  de  la  Société 
des  concerts;  mais  toute  musique  bien  faite,  dans  les  conditions  de 
l'art  sérieux,  est  classique.  Or,  il  en  existe  une  quantité  immense 
complètement  inconnue  à  Paris,  et  si  les  abords  des  concerts  popu- 
laires étaient  rendus  faciles  aux  hommes  nouveaux,  il  s'en  produirait 
encore,  j'en  ai  la  conviction.  M.  Pasdeloup  n'aurait  pas  à  craindre 
de  son  public  l'empire  des  habitudes  de  celui  du  Conservatoire  :  ce 


DE  PAHIS. 


299 


public  lui-même  est  nouveau  dans  la  voie  qui  lui  est  ouverte  ;  il  n'a 
pas  les  préjugés  de  l'autre  et  se  laissera  faire ,  si  la  musique  est 
bonne,  quel  que  soit  le  nom  sous  lequel  elle  se  produise.  Je  ne 
serais  pas  étonné  toutefois  d'entendre  M.  Pasdeloup  me  faire  une  ob- 
jection qui,  pour  lui,  serait  très-sérieuse  ;  il  me  dirait  probablement  : 

«  Les  n3uf  symphonies  de  Beethoven,  les  quatre  ou  cinq  de  Mo- 
zart et  les  dix  ou  douze  de  Haydn  qu'on  exécute,  les  trois  symphonies 
de  Mendelssohn,  les  ouvertures  de  ces  auteurs  et  quelques  autres, 
sont  sçues  de  tous  les  artistes.  Avec  ces  compositions,  une  ou  deux 
répétitions  au  plus  suffisent  pour  chaque  concert  ;  il  eu  faudrait  beau- 
coup plus  pour  des  œuvres  inconnues,  ce  qui  serait  un  inconvénient 
des  plus  graves,  sous  tous  les  rapports.  Ne  me  parlez  donc  pas  de 
substituer  un  autre  répertoire  à  celui  qui  ne  me  donne  pas  d'embar- 
ras, et  avec  lequel  je  remplis  ma  salle  de  fond  en  comble.  » 

Que  si  le  jeune  compositeur  dont  j'ai  parlé,  se  voyant  repoussé 
par  la  Société  des  concerts  et  par  M.  Pasdeloup,  prend  la  résolution 
de  renfermer  son  génie  dans  le  cadre  de  la  musique  de  chambre,  il 
portera  ses  quintettes,  ses  quatuors,  ses  trios  à  MM.  Alard,  Fran- 
chomme,  Casimir  Ney,  ou  à  MM.  Maurin,  Chevillard,  Viguier  et  Saba- 
tier,  ou  à  M.  Armingaud,  etc.,  les  priant  d'essayer  sa  musique. 
Pleins  de  bienveillance,  ces  artistes  accueilleront  sa  demande  et  fe- 
ront quelque  effort,  afin  de  trouver  un  moment  qui  convienne  aux 
quatre  ou  cinq  exécutants  pour  l'essai  projeté.  Habiles  autant  qu'in- 
telligents, ils  saisiront  bien  les  intentions  du  jeune  artiste,  apprécie- 
ront les  beautés  de  l'œuvre,  et  adresseront  à  l'auteur  de  sincères 
félicitations.  Ravi  d'avoir  enfin  trouvé  le  chemin  qui  doit  le  conduire 
à  la  célébrité,  le  compositeur  se  persuadera  que  ces  mêmes  artistes 
vont  exécuter  ses  ouvrages  dans  leurs  séances  babil  uelles  de  musique 
de  chambre  :  ici  encore  une  illusion  va  se  dissiper. 

«  Nous  ferions  très-volontiers  ce  que  vous  nous  demandez,  lui 
dira-t-on  ;  mais  nous  sommes  obligés  de  satisfaire  le  goût  de  nos 
abonnés,  lesquels  ne  veulent  entendre  que  les  œuvres  des  grands 
maîtres  que  nous  avons  l'habitude  d'exécuter,  et  qui  accueillent  mal 
toute  nouveauté.  Quel  que  soit  le  mérite  de  votre  composition,  nous 
ne  pouvons  donc  vous  promettre  de  la  faire  entendre  à  nos  ha- 
bitués. )) 

On  voit  que  c'est  toujours  la  même  chose  :  Quand  voies  serez 
connu,  quand  vous  aurez  acquis  de  la  célébrité,  nous  serons  prêts  à 
tout  faire  pour  vous  ;  mais  nous  ne  voulons  pas  vous  aider  à  vous 
faire  connaître. 

Convaincu  enfin  qu'il  n'a  rien  à  attendre  des  spéculateurs  qui  ne 
font  de  l'art  qu'un  moyen,  l'artiste  se  décide  à  s'adresser  aux  ama- 
teurs désintéressés  de  cet  art,  pour  la  publication  de  ses  œuvres. 
Un  éditeur  était  précisément  témoin  de  l'exécution  d'un  de  ses  ou- 
vrages par  les  artistes  que  j'ai  nommés^  des  éloges  qu'ils  en  ont 
faits,  et  avait  joint  ses  compliments  aux  leurs.  Nul  doute  qu'il  n'ac- 
cueille avec  empressement  la  proposition  que  l'artiste  va  lui  faire  de 
la  cession  de  propriété  de  ses  compositions,  pour  les  faire  imprimer 
et  répandre  partout.  11  se  hâte  de  se  rendre  chez  lui  et  de  l'infor- 
mer de  l'objet  de  sa  visite.  De  nouveaux  éloges  sont  prodigués  à 
l'auteur  pour  la  beauté  de  l'ouvrage  qu'on  a  entendu.  Malheureuse- 
ment ce  genre  de  musique,  dont  on  aime  à  entendre  l'exécution  par 
d'habiles  artistes,  ne  se  vend  pas.  Le  goût  frivole  du  public  ne  s'ac- 
commode que  de  petites  choses  dont  les  opéras  nouveaux  fournissent 
la  plupart  des  thèmes.  Quel  que  soit  le  penchant  qu'auraient  les  édi- 
teurs à  ne  s'occuper  que  de  ce  qu'il  y  a  de  beau  et  de  sérieux  dans 
la  musique,  ils  ne  peuvent  oublier  qu'ils  sont  négociants,  et  comme 
tels  obligés  de  faire  honneur  à  leurs  affaires,  en  ne  publiant  que  des 
choses  dont  le  débit  est  assuré.  C'est  donc  à  regret  qu'on  se  voit 
obligé  de  décliner  une  offre  qu'on  aurait  été  heureux  d'accueillir  dans 
des  circonstances  plus  favorables. 

Que  s'est-il  donc  passé  depuis  le  commencement  du  xix"  siècle  ? 
Sans  parler  des  prédécesseurs  de  Haydn,  qui  sont  en  grand  nombre, 


deux  mille  symphonies  ont  été  publiées  par  ce  grand  homme ,  ses 
contemporains  et  ses  successeurs,  Beck,  Benda,  Brodosky,  Carmerloher, 
Cannabich,  Cambini,  Crocs,  Danzi,  Dittersdorf,  Fiala,  Filz,  Giulini, 
Gossec,  Graun,  Harrer,  Hiller,  Hoffmann,  Hoffmeisler,  Holzbauer, 
Horn,  Kleinknecht,  Kozeluch,  Kuntzen,  Lampugnani,  Leduc,  Martini, 
Misliwaeczeck,  LéopoldMozart,Wolfgange,  Amédée,  Mozart,  Naumann, 
Neruda,  Nichelmann,  Pichl,  Richler,  Riegelg,  Roelli,  Schmidt,  Schmit- 
bauer,  Seiffert,  Sonnleithner ,  Stamitz ,  Toeschi,  Sterkel,  Vannhall , 
Van  Maldère,  Wagenseil,  Wranilzky,  Gyrowetz,  Pleyel,  Abel,  André, 
Beethoven,  Feska,  Kaliiwoda  ,  Krommer,  Kûffner,  Lachner,  Lentz  , 
Maurer,  Méhul,  Mendelssohn,  Moralt,  Onslow,  Reicha,  Reissiger,  Ries, 
André  Romberg,  Schneider,  Schubert,  Schumann,  Spohr,  Tomaschek, 
Vogler,  Ch.  M.  de  Weber,  Winter,  Woelff,  M""'=  Farrenc,  et  beaucoup 
d'autres  dont  les  noms  m'échappent.  Depuis  mon  enfance ,  j'ai  en- 
tendu les  compositions  de  la  plupart  de  ces  artistes  :  elles  étaient 
exécutées  dans  beaucoup  de  petites  villes,  parce  qu'elles  n'exigea^nt 
pas  de  puissants  orchestres,  et  offraient  aux  amateurs  l'avantage  de 
la  variété,  que  nous  n'avons  plus.  On  objectera  sans  doute  que  peu 
de  noms  tirés  de  cette  foule  ont  survécu  :  il  en  est  toujours  ainsi, 
car  le  génie  est  rare.  Toutefois  ce  n'est  pas  à  dire  qu'il  n'y  ait  dans 
le  reste  des  œuvres  fort  estimables  et  même  d'heureuses  inspirations. 
Par  exemple,  Sterkel,  Vannhall,  Gyrowitz  et  Wranitzky,  dont  les  noms 
sont  maintenant  oubliés ,  furent  des  artistes  de  grande  distinction , 
dont  les  œuvres  renfermaient  des  choses  pleines  d'intérêt.  Si  les  édi- 
teurs d'autrefois  n'avaient  pas  publié  les  ouvrages  de  tous  ces  auteurs  ; 
si  tous  les  orchestres  ne  les  avaient  pas  exécutés,  les  grands  artistes 
dont  nous  admirons  aujourd'hui  les  productions  seraient  restés  dans 
l'obscurité. 

Il  en  est  de  même  pour  toute  la  musique  de  chambre.  J'ai  vu  le 
temps  où  tout  ce  qui  s'écrivait  de  quintettes,  de  quatuors,  de  trios 
et  de  sonates  était  publié,  et  où  il  y  avait  à  Paris  cent  maisons  d'a- 
mateurs dans  lesquelles  on  exécutait  ce  genre  de  musique,  cultivé 
également  dans  les  provinces,  en  Belgique,  en  Hollande,  en  Angle- 
terre, en  Espagne  et  dans  toute  l'Allemagne.  La  consommation  de  ces 
ouvrages  égalait  celle  des  babioles  de  notre  temps,  et  les  éditeurs 
s'enrichissaient. 

FÉTIS  père. 
[La  suite  prochainemeni.) 


THÉÂTRE  IIPÉRIÂL  DE  L'OPÉRA-COffllOUE. 

Reprise  da   Songe  ti'ttne  atttil  d'ete- 

Rentrée  de  Mlle  Monrose.  —  M.  Léon  Ach4rd.  —  M.   Crosti.  — 
M.  Justin. 

Jamais  titre  ne  fut  mieux  justifié  que  celui-ci,  car  on  n'a  jamais 
mis  sur  la  scène  une  histoire  plus  fantastique.  Il  y  a,  dans  les  Dia- 
mants de  la  couronne,  une  reine  de  Portugal  qui  fait,  il  est  vrai, 
des  choses  bien  extraordinaires  ;  mais  c'est  une  reine  qui  n'a  pas  de 
nom,  et  qui  n'a  jamais  existé.  Mais  la  reine  du  Songe  d'une  nuit 
d'été  se  nomme  Elisabeth,  rien  que  cela  !  C'est  cette  terrible  fille 
d'Henry  VIII,  que,  de  son  vivant  comme  après  sa  mort,  tout  le 
monde,  jusqu'à  M.  de  Leuven,  avait  prise  au  sérieux.  L'héritière 
des  Tudors  et  des  Plantagenets,  la  fière  souveraine  de  l'aristocratique 
Angleterre,  amoureuse  de  Skakspeare,  le  rencontrant  la  nuit  dans  un 
cabaret,  après  avoir  couru  les  aventures  dans  les  rues  de  Londres, 
lui  prêchant  la  tempérance  pendant  qu'il  s'enivre,  le  couvrant  d'un 
manteau  quand  il  est  tombé  ivre  mort,  et  le  faisant  transporter  dans 
son  parc  de  Richmond,  où  il  se  réveille  amoureux  comme  un  fou, — 
comme  un  poëte,  si  vous  le  préférez,  —  de  l'idéale  beauté  qui  lui  a 
dit,  au  milieu  de  son  orgie  :  «  Je  suis  ton  génie,  et  je  viens  te  ren- 
dre le  respect  de  toi-même,  etc.,  etc.  !  »  Quel  auteur  dramatique  a 


300 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


jamais  pris  plus  de  libertés  avec  l'histoire,  avec  la  vraisemblance,  et 
poussé  plus  loin  la  fantaisie  ?  Elisabeth  était  née  en  1633,  et  Skaks- 
peare  en  156Z|  :  il  y  avait  entre  ces  étranges  amants  trente  et  un  ans 
de  distance!  Mais  qu'importe  à  l'Opéra-Comique?  Elisabeth  y  a 
l'âge  de  Mlle  Monrose,  et  Skakspeare  celui  de  M.  Achard.  Ils  sont 
jeunes  tous  deux,  en  dépit  de  l'histoire,  et  on  ne  leur  demande  pas 
d'être  vraisemblaràes ,  mais  bien  d'être  amusants.  Or,  on  les  voit 
coup  sur  coup  dans  des  situations  aussi  délicates,  aussi  difficiles 
qu'inattendues  ;  ils  ont  tout  l'esprit  de  M.  de  Leuven ,  doublé  de 
M.  Brunswick,  et  ils  chantent  la  musique  de  M.  Ambroise  Thomas! 
On  les  écoule  donc  avec  un  intérêt  qui  va  croissant  de  scène  en 
scène,  et  que  viennent  soutenir  ou  ranimer,  chaque  fois  qu'il  en  est 
besoin,  la  jalousie  de  lord  Lalimer,  et  les  bouffonneries  épisodiquas 
de  sir  John  Falstaff. 

La  partition  du  Songe  d'une  nuit  d'été  est  une  des  plus  heureuses 
de  M.  A.  Thomas,  une  de  celles  oîi  son  talent  fin,  gracieux  et  bril- 
lant s'est  trouvé  le  plus  à  l'aise,  et  s'est  déployé  avec  le  plus  d'am- 
pleur. Sa  mélodie  est  facile  et  distinguée,  son  harmonie  toujours 
élégante  ;  son  instrumenlalion  est  pleine  d'éclat,  et  fourmille  d'ingé- 
nieux détails.  Toute  la  partie  bouffe  —  c'est  le  rôle  de  Falstaff  —  est 
écrite  avec  autant  d'e.sprit  que  de  verve.  Le  duo  de  la  reine  et  d'O- 
livia, au  premier  acte,  est  d'une  élégance  rare...  —  L'auteur  nous 
pardonnera-t-il  de  regretter  seulement  qu'il  y  ait  donné,  comme 
dans  tout  le  rôle  d'Ehsabeth,  une  trop  large  place  à  la  vocalise?  — 
La  romance  de  Skakspeare,  quand  il  se  réveille  dans  le  parc  de  Ri- 
chmond,  est  délicieuse;  son  duo  avec  la  reine  est  plein  de  passion 
et  d'ardeur.  Quant  au  chœur  des  gardes-chasses,  il  est  si  connu,  on 
l'a  tant  répété  partout,  et  tant  bissé,  qu'il  ne  reste  plus  qu'à  le  sa- 
luer comme  un  des  modèles  du  genre. 

Mlle  Monrose  avait  déjà  chanté  le  rôle  d'Elisabeth  à  l'Opéra-Comi- 
que, avant  ses  voyages.  La  Belgique  nous  l'a  rendue  plus  jolie  que 
jamais  :  mais  il  nous  semble  que  sa  voix  n'a  pas  résisté  aussi  vic- 
torieusement que  son  frais  visage  à  l'inclémence  du  climat  septen- 
trionaL  Est-ce  une  erreur  de  notre  oreille?  Est-ce  l'efiet  de  l'émo- 
tion où  d'une  fatigue  accidentelle?  Nous  ne  savons,  mais  ses  notes 
aiguës  nous  ont  paru  voilées,  et  d'une  émission  difficile  ;  elle  a  de  la 
peine  à  soutenir  un  son  prolongé  ;  elle  tourne  au  trille  involontaire. 
Aurait-elle  donc  chanté  souvent,  et  sans  prendre  les  précautions  con- 
venables, la  musique  de  M.  Verdi  ? 

M.  Léon  Achard  dit  avec  autant  de  sentiment  que  de  grâce  la 
romance  du  second  acte,  dont  nous  parlions  tout  à  l'heure.  Dans 
d'autres  parties  de  son  rôle,  on  le  croirait  préoccupé  de  la  funeste 
pensée  de  devenir  un  fort  ténor.  11  pousse  sa  voix  avec  violence, 
lui  ôtant  ainsi  toute  flexibilité,  et  gâtant  ce  timbre  délicat  et  char- 
mant que  lui  a  donné  la  nature.  Qu'il  le  regrettera  amèrement, 
quand  il  l'aura  perdu  !  Cetle  tendance  à  l'excès,  qui,  chez  lui,  pa- 
raît nouvelle,  se  trahit  même  dans  le  dialogue.  11  crie  la  prose  de 
M.  de  Leuven  autant  que  la  mélodie  de  M.  Thomas.  11  a  bien  tort  : 
l'une  demande  a  être  ménagée  et  nuancée  tout  autant  que  l'autre. 

M.  Crosli  aussi  (Falstaff)  exagère  la  sonorilé  et  trille  sans  le  vou- 
loir. Heureusement  qu'il  n'a  encore  rien  perdu  de  son  agilité  cor- 
recte et  brillante.  D'ailleurs,  plein  de  feu,  et  très-gai  par  moments, 
ce  jeune  artiste  a  tout  ce  qu'il  faut  pour  s'élever  au  premier  rang, 
comme  acteur  et  comme  chanteur;  mais  il  faut  qu'il  se  surveille  et 
se  modère. 

M.  Justin,  qu'on  ne  connaissait  pas  encore  à  Paris,  est  jeune 
aussi,  si  l'on  s'en  rapporte  à  l'apparence,  et  il  semble  peu  expéri- 
menté. Mais  il  chante  correctement,  sagement,  avec  un  excellent 
style  et  une  expression  fort  juste.  Qu'il  devienne  seulement  un  peu 
moins  timide,  et  son  succès  est  certain. 

Mlle  Bélia  joue  f.rt  bien  le  rôle  d'Olivia,  et  le  chante  très-agréa- 
blement. M.  Nathan  a  plus  de  talent  qu'il  n'en  faut  pour  celui  du 


tavemier,  mais  ne  nous  en  plaignons  pas.  C'est  seulement  quand  les 
petits  rôles  sont  donnés  à  des  gens  de  talent  qu'une  pièce  est  jouée 
avec  ensemble. 

LÉON  DUROCHER. 


L'ÂNNEÂD    DES   NIBELUNGEN, 

Par  RICHARD  IVAGMER. 

(/je  et  dernier  article)  (1). 

Il  paraît  que  les  géants,  lors  même  qu'ils  se  déguisent  en  mons- 
trueux lézards,  et  qu'ils  ont  reçu  un  coup  en  pleine  poitrine,  ne  per- 
dent pas  leur  présence  d'esprit.  Fafner,  blessé,  comme  nous  l'avons 
vu,  trouve  encore  la  force  de  dire  à  Siegefroy  :  «  Qui  donc  es-tu, 
hardi  garçon,  qui  m'as  frappé  au  cœur  ?  Ce  n'est  pas  ta  cervelle  qui 
a  couvé  ce  que  tu  viens  de  faire.  »  Avant  de  mourir,  le  monstre  lui 
conseille  de  se  tenir  sur  ses  gardes,  car  celui  qui  l'a  poussé  à  cet 
exploit,  médite  sa  perle.  Siegefroy  arrache  le  fer  du  cœur  du  géant, 
et  le  sang  en  rejaillit  sur  sa  main  qu'il  porte  vivement  à  sa  bouche. 
0  merveille  des  merveilles  !  Ce  sang  du  dragon  qu'il  a  terrassé,  lui 
communique  la  faculté  de  comprendre  le  chant  des  oiseaux,  et  il.  en 
profite  à  l'instant  même.  Un  oiseau  chante  dans  le  tilleul,  et  voici 
le  sens  de  son  ramage  :  <<  A  Siegefroy  appartient  le  trésor  des  Nibe- 
lungen.  Le  tannhelm,  ou,  si  vous  aimez  mieux,  le  casque,  dont  la 
vertu  rend  invisible  celui  qui  le  porte,  aiderait  puissamment  à  exé- 
cuter de  grandes  choses,  mais  l'anneau  rendrait  son  possesseur  maître 
du  monde.  »  Siegefroy  s'enfonce  dans  la  caverne.  Albéric  et  Mime, 
qui  se  tenaient  cachés,  paraissent  sur  la  scène  :  ils  se  disputent  à 
qui  des  deux  appartiendront  le  casque  et  l'anneau.  Tous  les  deux  se 
sauvent  à  l'aspect  de  Siegefroiy,  qui  revient  avec  les  deux  talismans. 
L'oiseau  l'avertit  derechef  d'avoir  à  se  méfier  du  nain.  Un  homme 
averti  en  vaut  deux  :  le  nain  se  montre,  et  après  un  dialogue  assez 
obscur,  Siegefroy  le  tue  d'un  coup  de  son  épée.  L'oiseau  chante  alors  : 
n  Siegefroy  a  tué  le  méchant  nain:  maintenant  j  a  connais  une  femme 
ravissante.  Elle  dort  sur  un  rocher  élevé  qu'entourent  des  flammes. 
S'il  passe  il  réveillera  sa  fiancée,  et  Brunnhilde  est  à  lui.  »  Le  héros 
se  décide  à  tenter  l'aventure  :  il  sort  précédé  de  l'oiseau,  qui  lui 
montre  le  chemin. 

Nous  voici  à  l'acte  troisième  de  la  seconde  journée,  et  pour  va- 
rier, le  théâtre  représente,  comme  toujours,  des  montagues,  des  ro- 
chers. Il  fait  nuit  :  l'éclair  brille,  le  tonnerrre  gronde.  Le  voyageur, 
c'est-à-dire  Odin,  à  l'entrée  d'une  caverne,  évoque  Erda  qui,  en  ar- 
rivant, répand  autour  d'elle  une  clarté  bleuâtre.  La  déesse  semble 
couverte  d'vne  gelée  blanche  :  ses  cheveux,  ses  vêlements  ont  le 
scintillement  de  la  glace.  Tout  ce  qu'il  nous  a  été  possible  de  déga- 
ger d'une  conversation  apocalyptique  se  réduit  à  ceci  :  Odin  com- 
mande à  Erda  de  redescendre  dans  le  sein  de  la  terre  pour  y  dormir 
d'un  sommeil  éternel.  Celui  qu'il  a  choisi  a  conquis  l'anneau  des  Ni- 
belungen.  La  malédiction  d'Albéric  ne  saurait  l'atteindre  :  la  peur 
lui  est  restée  inconnue.  Erda  disparaît,  la  grotte  redevient  sombre. 
Odin  veut  empêcher  Siegefroy  d'y  entrer;  il  lui  crie  :  «  Redoute  le 
gardien  du  rocher  ;  ma  puissance  y  tient  renfermée  une  jeune  fille 
endormie.  Celui  qui  la  réveillerait,  qui  en  ferait  la  conquête,  celui-là 
mettrait  fin  à  ma  puissance  !  Lève  les  yeux,  vois  les  torrents  de  lu- 
mière, la  flamme  va  te  dévorer.  »  Siegefroy  lui  dit  :  «  Arrière,  fan- 
faron :  je  dois  diriger  mes  pas  vers  Brunnhilde.  —  Si  tu  ne  crains 
pas  le  feu,  répliqua  Odin,  que  ma  lance  te  barre  le  chemin.  L'épée 
que  tu  portes,  cette  arme  l'a  déjà  coupée  en  deux  autrefois.  Que  la 
tienne  se  brise  également  contre  la  lance  éternelle  !  »  Siegefroy  s'é- 
crie :  «  Ennemi  de  mon  père,  je  te  retrouve  ici!  quelle  belle  occasion 

(1)  Voir  les  n"  28,  36  et  37. 


DE  PARIS. 


301 


pour  ma  vengeance.  »  La  lutte  s'engage,  Siegefroy  fait  voler  en  éclats 
la  lance  d'Odin,  qui  s'enfuit  en  disant  :  «  Marche  donc  en  avant,  je 
ne  puis  l'arrêter.  »  Un  vaste  incendie  remplit  le  théâlre;  Siegefroy 
s'y  précipite  en  sonnant  du  cor.  Peu  à  peu  les  flammes  pâlissent  et 
Siegefroy  trouve  Brunnhilde  ;  il  soulève  le  bouclier  d'Odin  et  réveille 
la  valkyrie.  Suit  une  interminable  scène,  où  les  deux  amants  se  li- 
vrent aux  transports  de  la  passion,  dans  un  style  dont  il  serait  diffi- 
cile de  donner  une  idée.  Le  langage  de  Brunnhilde  est  d'ailleurs  em- 
preint d'une  rêverie  mystique  et  d'allusions  obscures,  qui  font  dire  à 
Siegefroy  :  «  Le  doux  chant  de  la  voix,  je  l'entends;  mais  quant  à 
ce  que  lu  me  dis  en  chantant,  étonné,  je  ne  puis  comprendre.  »  Le 
lecteur  est  tout  à  fait  dans  le  même  cas  :  à  la  fin,  les  deux  amants 
tombent  dans  les  bras  l'un  de  l'autre,  c'est  la  conclusion  de  la  se- 
conde journée. 

Italiam!  ItaliamI  Enfin  nous  voici  à  la  troisième  journée,  à  ce 
Crépuscule  des  dieux,  dont  nous  renonçons  à  débrouiller  les  ténèbres. 
Un  prologue  y  conduit,  et  trois  nomes  se  montrent  en  longs  vête- 
ments flottants,  comme  des  espèces  de  voiles  ;  elles  tressent  des 
cordes  prophétiques,  que  la  première  attache  par  un  bout  à  une 
branche  de  sapin,  l'autre  à  la  saillie  d'un  rocher  ;  la  troisième  lance 
le  bout  de  la  corde  derrière  elle.  Tout  en  se  livrant  à  ces  exercices, 
elles  chantent  une  espèce  d'hymne  en  trio  ;  ce  chant  résume  ce  qui 
s'est  passé  dans  les  pièces  précédentes.  La  première  norne  dit  :  «  La 
nuit  s'évanouit,  je  ne  trouve  plus  les  fils  de  la  corde  ;  Albéric  a  ravi 
jadis  l'or  du  Rhin  ;  sais-tu  ce  qu'il  est  devenu  ensuite?  »  La  seconde 
norne  dit  ensuite  :  «  L'anneau  des  Nibelungen  surgit  à  mes  yeux 
du  sein  de  l'envie  et  du  nialheur.  Une  malédiction  ronge  les  fils  de 
ma  corde,  etc.  »  Les  trois  nornes  ensemble  :  «  Notre  science  éternelle 
est  à  bout!  les  sages  n'annoncent  plus  rien  à  la  terre;  descendons 
auprès  de  la  mère.  »  Elles  disparaissent  et  le  jour  luit  aussitôt. 

Au  commencement  du  premier  acte,  Siegefroy  et  Brunnhilde  sortent 
d'une  chambre  taillée  dans  le  roc.  Siegefroy,  qui  veut  quitter  Brunn- 
hilde pour  voler  à  de  nouvelles  prouesses,  lui  fait  présent  du  fameux 
anneau.  La  malédiction  d' Albéric  va  produire  son  effet.  Nous  entrons 
dans  le  cercle  des  traditions  qui  servent  de  base  au  poëme  épique 
des  Nibelungen.  Nous  sommes  aux  bords  du  Rhin,  chez  les  Gie- 
bichungs,  c'est-à-dire  les  descendants  de  Giebich.  Hagen ,  homme 
haineux,  plein  d'astuce,  implacable  dans  ses  vengeances,  qui  a  amené 
la  terrible  catastrophe  dans  le  poëme,  joue  ici  un  rôle  semblable.  Il 
sait  que  Brunnhilde  a  l'anneau  des  Nibelungen  ;  pour  s'en  emparer,  il 
conçoit  le  projet  de  lui  faire  épouser  son  frère  Gûnther.  Quant  à 
Siegefroy,  on  lui  donne  un  breuvage  qui  a  les  vertus  des  eaux  du 
Léthé  ;  aussitôt  qu'il  y  a  goijté,  il  oublie  Brunnhilde  et  s'enflamme 
d'une  vive  passion  pour  Guthrune,  femme  de  Hagen.  Brunnhilde  est 
assise  à  l'entrée  de  la  chambre  taillée  dans  le  roc,  les  yeux  fixés  sur 
l'anneau  de  Siegefroy.  Arrive  IFaltrante,  l'une  des  valkyries  :  «  Dans 
le  conseil  des  dieux,  Odin  a  dit  :  Si  Brunnhilde  rendait  l'anneau  aux 
filles  du  Rhin,  Dieu  et  le  monde  seraient  rachetés  de  la  malédiction 
d'Albéric.  C'est  de  cet  anneau  que  tu  portes  au  doigt  qu'il  est  ques- 
tion. Ecoute  mon  conseil  :  pour  Odin,  jette-le  loin  de  toi,  rends-le 
aux  filles  du  Rhin  ! 

Brunnhilde.  —  Moi,  qu'aux  filles  du  Rhin  je  rende  l'anneau  ?  es-tu 
folle  ?  le  gage  de  son  amour  !  Retourne  vers  les  dieux  ;  dis-leur  qu'ils 
ne  me  prendront  pas  mon  amour,  quand  même  le  palais  orgueilleux 
de  Walhall  devrait  s'écrouler. 

Wallrante.  —  Malheur!  malheur!  malheur  à  toi,  ma  sœur!  mal- 
heur aux  dieux  de  Walhall  !  » 

Le  cor  de  Siegefroy  résonne  dans  le  lointain  ;  Brunnhilde  court 
au-devant  de  lui.  II  s'avance;  il  est  coiffé  du  Tarnhelm  (casque  ma- 
gique) et  il  a  !a  figure  de  Gûnther.  Brunnhilde  est  effrayée.  «  Je  suis 
un  Giebichung,  »  lui  dit-il  ;  «  Gûnther  est  le  nom  du  héros  que  lu 
dois  suivre.  »  Brunnhilde,  désespérée,  éclate  en  imprécations  furieuses. 
Siegefroy  lui  arrache  l'anneau  et  lui  ordonne  de  le  recevoir  dans  sa 


chambre.  Jusqu'à  présent  il  avait  pris  la  voix  de  Giinther;  mais  c'est 
avec  sa  voix  naturelle  qu'il  prononce  ces  mots,  en  tirant  son  épée  : 
«  Nolhung,  sois  témoin  que  j'ai  recherché  Brunnhilde  en  tout  bien, 
tout  honneur  !  gardant  ma  foi  envers  mon  frère,  sépare-moi  de  ma 
femme.  »  La  toile  tombe  fort  à  propos  ;  mais  ne  devinez-vous  pas  un 
peu  ce  qui  se  passe  dans  l'entr'acte,  ou  plutôt  ce  qui  ne  se  passe  pas? 
Siegefroy  revient  avec  Brunnhilde  et  avoue  qu'il  a  partagé  sa  couche, 
mais  séparé  d'elle  par  Nothung.  Brunnhilde  dément  Siegefroy  ;  qui 
des  deux  faut-il  croire?  à  qui  s'en  rapporter?  Hagen  s'offre  à  punir 
Siegefroy,  quoique  la  valkyrie  l'ait  rendu  invulnérable,  mais  n'im- 
porte ;  comme  il  n'a  jamais  fui,  le  charme  ne  s'étend  pas  jusqu'à 
son  dos.  C'est  donc  par  derrière  que  Hagen  le  frappera  de  l'avis  de 
sa  femme. 

Au  troisième  acte,  le  théâtre  représente  une  vallée  dans  la  forêt 
sur  les  bords  du  Rhin  :  nous  retrouvons  les  trois  nymphes  chanteuses 
du  prologue.  Siegefroy  entre  en  scène  et  veut  leur  rendre  l'anneau  : 
mais  elles  le  refusent  :  «  Garde-le,  héros,  lui  disent-elles,  jusqu'à  ce 
que  tu  comprennes  les  malheurs  qui  y  sont  attachés.  »  Qui  croirait 
que  le  héros  garde  sottement  l'anneau  qu'il  n'aurait  qu'à  jeter  dans  le 
fleuve  pour  détourner  l'effet  de  la  malédiction  ? 

Enfin,  Hagen  tue  Siegefroy  à  la  chasse  :  Giinther  lui  dispute  la 
possession  de  l'anneau  et  tombe  sous  les  coups  de  son  frère.  Quand 
Hagen  veut  retirer  l'anneau  du  doigt  de  Siegefroy,  celui-ci,  tout  mort 
qu'il  est,  lève  les  mains  d'un  air  menaçant.  Guthrune  tomba  sur  le  corps 
de  son  mari  et  ne  bouge  plus  jusqu'à  la  fin.  Brunnhilde  fait  cons  ■ 
truire  un  immense  bûcher  sur  les  bords  du  Rhin,  et  ordonne  d'y 
porter  le  corps  de  Siegefroy,  puis  elle  chante  :  «  Maudit  cercle  !  ter- 
rible anneau  !  Je  saisis  ton  or  et  je  m'en  défais.  Sages  sœurs,  dans  la 
profondeur  des  eaux,  vous  m'avez  donné  un  loyal  conseil  !  Ce  que 
vous  demandez,  je  vous  le  rends.  Prenez-le  dans  mes  cendres,  que 
le  feu  qui  me  consume  le  purifie  de  la  malédiction.  —  Vous,  corbeaux, 
volez  chez  vous  !  Dites  à  votre  maître  ce  que  vous  avez  entendu  ici 
sur  les  bords  du  Rhin  !  La  fin  des  dieux  approche  :  c'est  ainsi  que  je 
jette  le  brandon  dans  le  palais  de  'Walhall  !  Si  la  race  des  dieux  a 
passé  comme  un  souffle...  je  lègue  au  monde  le  trésor  de  ma  science 
la  plus  sainte.  Ni  l'or,  ni  la  magnificence,  ni  maisons,  ni  biens,  etc., 
l'amour  seul  nous  rend  heureux  dans  la  volupté  et  dans  la  souf- 
france. » 

Brunnhilde  fait  amener  son  coursier,  y  monte,  et  d'un  bond  s'élance 
au  milieu  du  bûcher  qui  flamboie.  Tout  à  coup  le  bûcher  s'écroule  ; 
le  Rhin  déborde  et  roule  ses  flots  sur  les  cendres.  Les  trois  nymphes, 
filles  du  Rhin,  arrivent  en  nageant  :  à  leur  aspect  Hagen  est  saisi  de 
vertige  ;  il  jette  ses  armes  et  se  précipite  dans  le  Rhin,  oi!i  les  nym- 
phes le  saisissent  et  l'entraînent  vers  le  fond. 

La  pièce  finit  par  une  aurore  boréale  ;  et  c'est  assurément  ce  qu'i^ 
y  a  de  plus  clair  pour  nous  dans  l'immense  logogriphe  que  Richard 
Wagner  appelle  une  tétralogie. 

Ici  notre  tâche  s'arrête.  Pour  faire  connaître  à  des  Français  l'œuvre 
étrange  de  Richard  Wagner,  il  n'y  avait  pas  deux  partis  à  prendre, 
nous  ne  pouvions  que  la  raconter,  l'exposer  aussi  intelligiblement 
que  nous  le  permettaient  la  longueur  et  la  bizarrerie  du  texte.  En- 
core ne  nous  flattons-nous  pas  d'avoir  évité  les  contre-sens,  les  er- 
reurs; souvent  nous  avons  marché  dans  ce  labyrinthe  comme  un 
aveugle  qui  a  perdu  son  bâton.  Toute  discussion  d'ailleurs  était  im- 
possible. Bien  fou  qui  chercherait  à  corriger,  modifier,  amender  des 
conceptions  qui  n'ont  ni  précédents,  ni  analogues  dans  aucun  réper- 
toire théâtral.  C'est  tout  simplement  à  prendre  ou  â  laisser. 

Que  les  lecteurs  qui  nous  ont  suivi,  s'il  y  en  a  quelques-uns, fassent 
donc  à  leur  guise!  Quant  à  nous,  on  sait  déjà  notre  opinion.  V Anneau 
des  Nibelungen  n'est  qu'un  conte  légendaire,  dont  nous  abandonnons  la 
valeur  poétique  à  des  juges  plus  compétents,  plus  experts  surtout 
dans  la  langue  allemande. 


302 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Comme  œuvre  dramatique,  l'auteur  nous  paraît  avoir  composé  quelque 
chose  d'aussi  absurde,  mais  de  beaucoup  moins  amusant  que  le  Pied 
de  mouton,  les  Pilules  du  diable  et  autres  féeries  de  même  force. 
Ce  qui  nous  étonne  le  plus,  c'est  qu'un  musicien  ait  méconnu  la  mu- 
sique au  point  de  croire  qae  l'Anneau  des  Nihelungen  fût  propre  à  en 
inspirer,  nous  ne  disons  pas  de  bonne,  mais  seulement  de  tolérable, 
et  que  s'il  existe  dans  l'univers  un  seul  homme  capable  d'en  écrire 
sur  ce  texte,  il  pût  s'en  rencontrer  un  seul  autre  en  état  de  l'é- 
couter. 

J.  DUESBERG  et  S***. 


NOUVELLES. 

**;t  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  commencé  dimanche  dernier  ses 
représentations  du  dimanche  par  le  Trouvère  et  Diauolina.  Mlle  Moura- 
vieff  a  dansé  une  dernière  fois  dans  le  ballet  et  a  fait  de  brillants  adieux 
au  public  parisien. 

***  Lundi,  on  a  donné  la  Juive.  Warot  a  chanté  pour  la  prercière  fois 
le  rôle  de  Léopold  avec  beaucoup  de  charme.— Mercredi,  par  suite  d'une 
indisposition  de  Faure,  le  Trouvère  a  été  substitué  à  la  Favorite  annoncée 
avec  le  Marché  des  Innocents.  Mlle  Sax  a  chanté  admirablement  le  rôle 
de  Leonora.— On  devait  donner  vendredi  les  Huguenots  ;  mais  Mme  Guey- 
niard  étant  à  son  tour  indisposée,  le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer  a  été 
remplacé  par  le  Comte  Ory  et  le  Diable  à  quatre. 

***  Mlle  Vernon  a  reparu  mercredi  dans  le  Marcfié  des  Innocents,  aux 
grands  applaudissements  des  amateurs  de  la  nouvelle  étoile.  C'est  elle 
qui  remplissait  vendredi  le  rôle  de  Mazourka  dans  le  Diable  à  quatre. 

***  Le  Prophète,  de  Meyerbeer,  sera  représenté  incessamment,  avec 
Mlle  Wertheimber  dans  le  rôle  de  Fidès. 

**:(,  On  s'occupe  activement  de  la  reprise  de  Moïse  et  du  nouveau 
ballet  dans  lequel  Mlle  Amina  Boschetti  doit  faire  ses  débuts. 

**:j  Mlle  Cico  est  de  retour  à  Paris.—  Montaubry  revient  aujourd'hui. 
—  Le  nouvel  opéra  d'Auber,  la  Fiancée  du  roi  de  Garbes,  va  entrer  en 
répétitioD.  —  Les  études  de  l'opéra  de  Maillart,  Lara,  commenceront 
très-prochainement. 

***  Quoique  la  transformation  intérieure  que  subit  la  salle  Ventadour 
ne  doive  pas  être  entièrementaooomplie  pour  le  !'='■  octobre,  la  réouverture 
de  l'Opéra  Italien  n'en  aura  pas  moins  lieu  k  cette  date,  et  vraisemblable- 
ment elle  se  fera  par  io  Lucia,  interprétée  par  MraeLasrange  et  Fraschini  ; 
Giraldoni  débutera  dans  le  rôle  d'Ashton.— 11  paraît  décidé  par  M.  Bagier 
que  pendant  les  premiers  mois  de  la  saison,  la  troupe  de  Paris  se  com- 
posera de  Mmes  Lagrange ,  de  Méric-Lablache,  Gassier,  Vanderbeck, 
Vestri,  et  de  MM.  Fraschini,  Baragli,  iNicolini,  Giraldoni,  Délie  Sedie,' 
Bouché,  Rovère;  tandis  que  le  théâtre  de  l'Oriente,  à  Madrid,  sera  défrayé, 
pendant  le  même  temps,  par  Mmes  Borghi-Marao,  les  sœurs  Warchisio, 
Calderon,  et  MM.  Mario,  Musiani,  Guicciardi, Antonucci  Scalese.  Quanta 
Mlle  Adelina  Patti,  nous  avons  dit,  lorsqu'elle  fut  engagée,  que  ses  re- 
présentations commenceraient  à  Madrid  et  qu'elle  ne  serait  ici  que  vers 
la  fin  de  décembre.  —  Baragli  débutera  dans  le  rôle  du  comte  Alma- 
viva  dHl  Barbiere. 

***  Joseph  et  l'Epreuve  villageoise  attirent  beaucoup  de  monde  au 
théâtre  Lyrique.  —  On  devait  donner  vendredi  la  première  représen- 
tation du  Pêcheur  de  perles,  mais  elle  a  été  ajournée  à  demain,  par  suite 
d'une  indisposition  de  Mlle  de  Maësen. 

***  Les  recettes  brutes  des  théâtres  impériaux  subventionnés,  des 
théâtres  secondaires,  des  concerts,  spectacles  et  cafés-concerts  se  sont 
élevées,  pendant  le  mois  d'août  1863,  à  939,266  fr.  56  c. 

***  On  écrit  de  Bade  que  le  roi  de  Hollande,  qui  a  fort  remarqué  le 
talent  de  Mlle  Artot  pendant  son  séjour  dans  cette  résidence,  a  fait  of- 
frir à  l'éminente  cantatrice  un  engagement  de  plusieurs  années  au 
théâtre  de  la  Haye,  avec  30,000  florins  de  traitement  et  un  congé  de 
cmq  mois,  et  qu'elle  a  refusé  ces  brillantes  propositions. 

**«  On  écrit  de  Pérouse  que  Mme  Ferraris  vient  d'obtenir  une  véri- 
table ovation  dans  un  nouveau  ballet  de  Diani  Grazidla.  La  célèbre 
danseuse  tant  admirée  à  Paris,  à  Londres,  à  Saint-Pétersbourg,  s'y  est 
surpassée.  Elle  aurait  dû  répéter  tous  ses  pas  si  elle  avait  obéi  aux  ac- 
clamations enthousiastes  du  public.  Les  plus  belles  fleurs  lui  ont  été 
jetées,  la  salle  croulait  sous  des  tonnerres  d'applaudissements,  et  enfin 
un  honneur  tout  à  fait  inusité  à  une  première  représentation  lui  a  été 
décerné  par  la  musique  municipale,  qui  s'est  rendue  sous  ses  fenêtres 
pour  lui  donner  une  sérénade.  A  la  seconde  représentation  l'enthou- 
siasme s'est  encore  accru. 

***  Mlle  Lucca,  qui  a  eu  dernièrement  l'honneur  de  se  faire  enten- 
dre chez  la  princesse  royale  de  Prusse,  à  Potsdam,  vient  de  recevoir 
de  Son  Altesse  un  bracelet  magnifique  et  d'un  goût  exquis.  —  Un  grand 
personnage  a  daigné  aussi  envoyer  de  Londres  à  l'éminente  cantatrice 
une  bague  enrichie  de  diamants. 


j.**  Après  une  excursion  de  plusieurs  mois  en  Suisse,  en  Allemagne,  etc. 
signalée  par  des  succès  sans  nombre,  Roger  est  de  retour  à  Paris,  et 
nous  donnons  une  bonne  nouvelle  à  nos  lecteurs  en  les  informant  que 
le  célèbre  ténor  va  ouvrir  un  cours  de  chant  et  de  déclamation  lyrique. 
**»  Nous  avons  eu  l'occasion  de  parler  dernièrement  du  beau  concert 
donné  par  Louis  Brassin  dans  les  salons  de  la  Redoute,  à  Spa,  et  de  men- 
tionner le  succès  qu'y  avait  obtenu  Berthelier.  Nous  avons  omis  de  dire 
qu'outre  l'éminent  pianiste  Brassin  et  son  jeune  frère,  violoniste  plein 
d'avenir,  l'administration  des  jeux  avait  demandé  le  concours  de  Mlle 
Balbi,du  théâtre  de  l'Opéra-Comique,  et  de  Mlle  Uélène  de  Katofl",  la  char- 
mante violoncelliste,  élève  de  Servais,  qui  s'est  fait  applaudir  l'hiver  der- 
nier à  Paris  dans  plusieurs  concerts.  Digne  élève  de  son  maître,  Mlle 
de  Katolï  a  e.xécuté,  avec  accompagnement  d'orchestre,  le  Désir  et  des 
fantaisies  brillantes  sur  la  Muette  de  Portici,  deux   belles    compositions 
de  Servais.  Le  public  a  été  vivement  impressionné  par  le  style   large, 
toujours  élevé  et  gracieux  en  même  temps  de  Mlle  de  Katoff,  et,  en  en- 
tendant ces  sons  pleins  de  charme,  de  sentiment  et  de  chaleur  qu'elle 
sait  tirer  de  son  instrument,  il  a  battu  des  mains  avec  enthousiasme. 
,^*^  Le  Musical  World  consacre  six  colonnes  au  compte  rendu  du  ma- 
gnifique festival  qui  vient  d'avoir  lieu  k  Worcester.  Le  choix  des  mor- 
ceaux était  grandiose,  l'exécution  a  été  admirable.  Nous  nous  bornerons 
à  signaler  les  résultats  de  ces  trois  solennelles  journées  :  —  Le  mardi 
8  septembre,  à  midi,  à  la  cathédrale,  devant  nn   auditoire  de  dix-sept 
cents    personnes  :  Elle ,    de  Mendeissohn.   Mmes  Lemmens  ,   Banks  , 
Palmer  et  M.  Wilbye-Cooper  en  ont  chanté  la  première  partie  ;  Mmes 
Tietjens,  Sainton-Dolby  et  M.  Sims-Reeves,  la  seconde  partie  ;  M.  Weiss 
a  interprété    la  partie  du  prophète  en    entier.    Le  soir,   concert  à  la 
galle  du   Collège,    avec  la  participation  des  artistes  susnjentionnés.   Le 
produit  de  cette  journée  a  été  de  liv.  st.  333  (environ  8,000  francs.)  — 
Mercredi,  à  midi,  le  Requiem,  de  Mozart,  le  Christ  au  mont  des  Oliviers, 
de  Beethoven  et  un  hymne  de  Mendelsshon  (chant  d'actions  de  grâce). 
Le    soir,     !a    Première    nuit   de    Walpurgis,   de    Mendeissohn     (soi!  : 
Miss    Palmer,   MM.  Wilbye   et  Weiss),    et   un  conçoit.  Produit  de  la 
recette,  liv.  st.  2-50  (environ  6,200  francs.)—  Jeudi,  à  midi,  devant  deux 
mille  cent  soixante-dix  personnes,  l'oratorio  de  Schachner,  IsraeVs  return 
from  liabijlon,  la  nouveauté  par  excellence  de  ce  festival,  avec  Mme  Tiet 
jens,  Miss  Palmer,  M.Vl.  Sims-Reeves  et  Santley.  La  deuxième  partie  de 
cette  matinée  était  remplie  par  des  fragments  d'œuvres  de  Haendel,  in- 
terprétés par    les  artistes  déjà  mentionnés.    Cette   troisième  journée 
a  produit,  avec  des  dons  supplémentaires,  environ  liv.  300  (7,500  francs.) 
—  L'année   dernière  le  produit  total    avait  atteint    liv.    1,300    (32,300 
francs.)  L'Angleterre  est  encore  certainement  le  seul  paj's  où  une  so- 
lennité musicale  puisse  atteindre  a  un  pareil  chififre  de  recette. 

,1,*^  Le  Mœnncr-gesang-verein  de  Vienne  a  donné  un  concert  à  Press - 
bourg,  avec  le  concours  de  la  Lieder-tafel  de  cette  ville,  au  profit  des 
pauvres  de  la  basse  Hongrie.  Au  moment  où  les  chanteurs  viennois 
montèrent  sur  l'estrade,  la  salle  de  la  Redoute,  où  la  fête  avait  lieu, 
retentit  d'applaudissements  et  d'acclamations  enthousiastes.  Presque  tous 
les  morceaux  exécutés  par  les  chœurs  ont  été  bissés.  On  a  particuliè- 
rement remarqué  :  Vineta,  la  Rose  dans  les  bois,  le  Laurier  et  la  Rose,  etc. 
Olschbauer  a  chanté  un  solo  :  Espérance,  par  Schubert,  et  Ah!  que 
n'en  est-il  toujours  ainsi,  de  Rubinstein.  La  Liedertafel  de  Pressbourg  a  dit, 
entre  autres,  un  chœur  de  Tinody  du  xvf  siècle,  et  un  lied  populaire 
par  le  comte  Léon  Fesztetits,  qui  a  eu  un  succès  extraordinaire  et  qui  a 
été  redemandé. 

^*^  L'éminent  violoniste  Lecieux  vient  de  donner  au  casino  de  Trou- 
ville  un  brillant  concert  avec  le  concours  de  Mme  Cartelier,  de  la  cha- 
pelle impériale,  de  Mlle  de  Corteuil,  pianiste  de  Caen,  et  de  Berthelier. 
Après  l'exécution  de  plusieurs  compositions  distinguées  de  M.  Lecieux, 
Mme  Cartelier  a  chanté  avec  beaucoup  de  charme  une  très-jolie  valse 
de  concert  encore  inédite  de  M.  Emile  Ettling,  et  Berthelier  a  excité 
des  rires  inextinguibles  en  disant  sa  charmante  chanson  du  Coquelicot 
et  la  bouffonnerie  si  originale  :  C'est  ma  fille. 

^,*,t  Nathan  et  Ravina  viennent  de  donner  un  charmant  concert  au 
casino  d'Etretat.  L'éminent  violoncelliste  a  joué  avec  une  pureté  et  un 
sentiment  exquis  ses  compositions  Hommage  à  Bellini,  Chansons  napoli- 
taines et  la  Berceuse.  Ravina  a  enlevé  avec  son  inimitable  talent  trois 
morceaux  originaux,  le  Nocturne,  la  Mahoura,  Havanera,  et  M.  Maro- 
chetti,  avec  Mlle  Dellernos,  se  sont  très-bien  acquittés  de  la  partie  vo- 
cale. Cette  soirée,  la  deuxième  de  la  saison,  a  été  charmante,  et  a  valu 
de  fréquents  applaudissements  aux  artistes. 

,i,*,t.  L'éminent  pianiste-compositeur  Henri  Wieniawski  est  de  retour 
à  Paris,  et  son  frère  le  célèbre  premier  violon  du  théâtre  impérial 
russe  est  retourné  à  Saint-Pétersbourg.  Les  deux  frères  ont  donné  à 
Spa  et  dans  différentes  villes  d'eaux  des  bords  du  Rhin,  des  concerts 
où  leur  magnifique  talent  leur  a  valu  d'unanimes  applaudissements. 

j.*,^  On  écrit  de  Leipzig  en  date  du  12  septembre,  que  M.  Paul  Men- 
deissohn, frère  du  célèbre  compositeur,  a  depo.se  entre  les  mains  du 
magistrat  municipal  une  somme  de  1,500  thalers,  produite  par  la  vente 
des  lettres  de  son  frère.  Ce  don  a  été  désigné  comme  «  Fondation  de 
Félix  Meodelssohn-Bartholdy,  »  et  ce  capital  sera  administré  par  le 
magistrat.  Le  3  février,  jour  anniversaire  de  la  naissance  dé  feu  Men- 


DE  PARÎS. 


303 


delssohn,  les  intérêts  en  seront  remis  à  deux  veuves  d'artistes  de  l'or- 
chestre de  Leipzig,  lesquelles  seront  désignées  par  le  même  magistrat 
municipal  de  cette  ville. 

j,*«  Jacques  Baur,  l'éminent  pianiste,  vient  de  donner  deux  beaux 
concerts  ù  Aix  en  Savoie,  dont  l'un  avec  le  concours  du  ténor  Bettini 
et  de  Swetschin,  violoniste,  au  bénéfice  des  incendiés  du  hameau  de 
Tresserve,  a  produit  près  de  1,300  francs  net.  L'élite  de  la  société  d'Mx 
s'était  rendue  à  ces  deux  concerts  dans  lesquels  les  artistes  ont  été 
chaleureusement  applaudis. 

,,*:,,  Aujourd'hui  dimanche,  grande  matinée  musicale  au  Pré  Catelan. 
Musard,  l'éminent  et  populaire  artiste,  vient  de  renouveler  son  pro- 
gramme et  d'y  ajouter  de  nouvelles  richesses.  L'excellent  corniste  Cor- 
tiani  et  le  célèbre  flûtiste  Forestier  se  feront  entendre  dans  deux  de 
leurs  plus  charmantes  compositions.  —  Avant-dernier  grand  bal  d'enfants 
avec  les  fanfares  militaires. 

a,**  Aujourd'hui  dimanche,  au  concert  des  Champs-Elysées,  première 
matinée  musicale,  de  2, à  5  heures.  L'orchestre  sera  dirigé  par  M.  Go- 
bert. 

^*t  Le  magasin  de  musique  ancienne  de  Lavinée  est  transféré,  à  partir 
de  ce  jour,  1 1 ,  rue  des  Saints-Pères. 

^*^  Les  lettres  viennent  de  faire  une  grande  perte!  L'auteur  de  Cinq- 
Mars,  de  Stella,  de  Chatterton,  Alfred  de  Vigny,  membre  de  l'Académie 
française,  vient  de  succomber  dans  sa  soixante-quatrième  année,  à  une 
longue  et  douloureuse  maladie. 

^*^  Une  cantatrice  italienne,  qui  jouit  autrefois  d'une  grande  cé- 
lébrité, Mme  Schoberlechner,  née  Dali'  Occa,  vient  de  mourir  à  .Saint- 
Pétersbourg.  Des  revers  de  fortune  lui  avaient  imposé  la  dure  nécessité 
de  donner,  sur  ses  vieux  jours,  des  leçons  de  chant  dans  cette  capitale. 
Mme  Schoberlechner  avait  été  prima  donna  de  la  première  société  ita- 
lienne qui  y  donna  des  repré-sentations  de  1829-1830.  Peu  de  temps 
après  l'entrée  en  fonctions  de  l'intendant  des  théâtres,  M.  de  Kustner, 
cette  cantatrice,  déjà  sur  le  retour,  se  fit  entendre  sans  beaucoup  de 
succès  à  l'Opéra  de  Berlin. 

4*,t  On  annonce  la  mort,  à  Turin,  d'une  cantatrice  de  grand  talent, 
Mme  Palmire  Tacchinardi,  nièce  du  célèbre  chanteur  de  ce  nom,  et  qui 
s'était  déjà  fait  applaudir  sur  plusieurs  scènes  italiennes. 

.j,*^  M.  Moreau,  qui  a  tenu  longtemps,  en  province,  d'une  façon  dis- 
tinguée, l'emploi  de  ténor,  vient  de  mourir  à  l'âge  de  soixante  ans;  il 
était  frère  de  Moreau  Sainti. 


CHRONIQUE    DÉPARTEMENTALE. 

,1,*^  Dinan.  —  A  l'occasion  des  fêtes  qui  ont  accompagné  les  courses, 
M.  Kovalsky,  pianiste  distingué,  avait  organisé  avec  M.  et  Mme  Archain- 
baud,  chanteurs  de  talent,  des  soirées  musicales  terminées  par  de  petits 
opéras-comiques  qui  ont  eu  beaucoup  de  succès,  et  qui  ont  valu  aux 
trois  artistes  des  applaudissements  légitimes. 

^*^  Lyon.  —  Robert  le  Diabk  avait  été  choisi  pour  la  réouverture  du 
grand  théâtre,  mais  les  honnêtes  gens  qui  venaient  jouir  du  chef-d'œu- 
vre de  Meyerbeer  n'ont  rencontré  dans  la  salle  que  tumulte  et  scandale. 
Une  bande  de  spectateurs  du  plus  bas  étage  avait  organisé  contre  un 
artiste  de  talent,  gendre  du  directeur,  M.  Danguin,  une  cabale  aussi 
absurde  qu'injuste,  devant  laquelle  il  a  dû  se  retirer  en  jurant  que  ja- 
mais il  ne  chanterait  devant  un  public  comme  celui  de  Lyon.  Après 
cette  déclaration  faite  par  le  régisseur,  l'opéra  a  pu  continuer,  et  Du- 
laurens  a  effectué  son  début.  Ce  début,  malgré  l'émotion  d'une  scène 
aussi  dégoûtante,  a  d'ailleurs  eu  lieu  avec  un  grand  succès  qui,  depuis 
la  phrase  :  «  Chevaliers,  c'est  à  vous  que  je  bois,  »  a  été  en  croissant 
jusqu'à  la  fin  de  la  représentation. — Il  n'en  a  pas  été  de  même  de  celui 
de  Mlle  Olivier  dans  le  rôle  d'Alice;  elle  a  été  impitoyablement  siflée. 
—  Le  deuxième  début  de  Dulaurens  dans  Guillaume  Tell,  n'a  pas  été 
moins  heureux  que  le  premier.  —  Mme  Cabel,  qui  passionne  toujours 
notre  public,  a  reparu  plus  belle  et  plus  brillante  que  jamais  dans 
Marie  de  la  Fille  du  Régiment  ;  Mirai  y  faisait  son  troisième  et  très-fa- 
vorable début.  M.  Fabre,  ténor  léger,  et  Mlle  Lagye,  jeune  lauréate 
du  Conservatoire  de  Paris,  ont  été  admis  sans  opposition,  et  compléte- 
ront bien  l'ensemble  de  la  troupe. 

j^*^,  Marseille.  —  La  rentrée  de  MM.  Lefranc  et  IJumestre  dans  Guil- 
laume Tell,  a  été  pour  ces  deux  artistes  un  véritable  triomphe.  M.  Le- 
franc a  été  acclamé  par  la  salle  entière  et  applaudi  à  tout  rompre.  Un 
accueil  analogue  était  quelques  instants  après  fait  à  M.  Dumestre.  Le 
rôle  de  Mathilde  a  servi  de  premier  début  à  Mlle  Moreau,  belle  personne 
et  cantatrice  de  talent,  qui  n'avait  besoin  que  de  paraître  pour  se  faire 
accepter.  Son  second  début  dans  le  rôle  de  Marguerite  des  Huguenots  a 
d'ailleurs  confirmé  pleinement  ce  premier  succès.  —  La  Juive  a  fourni 
à  Mme  Ecarlat-Geimar  l'occasion  d'un  deuxième  début  très-brillant; 
enfin  la  direction  a  fait  une  excellente  acquisition  dans  M.  Gilbert,  basse 
d'opéra-comique,  qui  possède  une  voie  franche  et  sonore,  conduite  avec 
art.  Notre  saison  lyrique  s'annonce  donc  sous  les  meilleurs  auspices. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 

„*,s  Bruxelles.  —  Lucie,  Martha  et  Faust  ont  défrayé  cette  semaine 
le  théâtre  de  la  Monnaie.  Le  charmant  opéra  de  Flotovv  est  toujours 
bien  accueilli,  et  le  succès  antérieur  de  Faust  se  soutient  très-bien. 
—  On  nous  annonce  comme  prochaines  les  représentations  successives 
des  Noces  de  Figaro,  du  Val  d'Andorre,  de  Quentin  Durward.  etc.  —  La 
direction  monte  en  outre  Oberon,  de  Weber,  la  Statue,  de  Reyer,  etc. 

j*„  Bade.  —  La  troupe  italienne  a  fait  place  à  la  comédie  française  ; 
la  troupe  allemande  seule  donne  encore  des  représentations  lyriques  ; 
elle  a  joué  cette  semaine  l'Lpkigénie  en  Aulide,  de  Gluck.  Le  chef-d'œuvre 
du  maître  a  été  chanté  par  Brandes,  Ilaiiser  et  IVlme  Boni,  avec  un  ta- 
lent, une  conscience  et  un  respect  de  l'œuvre  qui  leur  fait  honneur. 
Ces  trois  chanteurs,  doués,  comme  on  sait,  de  voix  magnifiques,  ont 
été  bien  secondés  par  le  reste  de  la  troupe.  Les  chœurs  sont  excellents, 
et  l'orchestre  a  justifié  sa  bonne  réputation.  —  Nous  sommes  encore 
sous  l'impression  de  l'effet  produit  par  le  magnifique  concert  donné  à 
l'occasion  de  la  fête  de  S.  A.  [\.  le  grand-duc  de  Bade.  Mlle  Marie  Battu, 
Mme  Lablache  de  Méfie,  M.  Delle-.Sedie  pour  le  chant;  MM.  Alard,  Jael 
Kriiger,  harpiste,  et  Seligmann  pour  la  partie  instrumentale,  étaient 
chargés  de  l'exécution  du  splendide  programme  que  nous  avons  publié, 
et  dont  Donizetti,  Meyerbeer  et  Rossini  faisaient  les  frais.  S'il  fallait 
entrer  dans  le  détail  des  perfections  apportées  par  chacun  de  ces  vir- 
tuoses merveilleux  à  l'interprétation  de  ce  programme,  la  place  et  l'ex- 
pression nous  feraient  défaut.  Contentons-nous  de  dire  (jue  cette  per- 
fection a  encore  surpassé  ce  qu'on  pouvait  attendre,  et  que,  si  le  concert 
a  été  donné  devant  des  têtes  couronnées,  il  n'a  pas  cessé  un  instant 
d'être  à  la  hauteur  de  l'auguste  auditoire  qui  l'honorait  de  sa  présence. 

^*^  Stuttgard.  —  Pour  l'anniversaire  de  la  naissance  du  roi  le  théâtre 
de  la  Cour  doit  donner:  Axur,  roi  d'Ormus,  opéra  de  Saliéri,  paroles  de 
Lorenzo  da  Ponte,  l'auteur  des  paroles  de  Don  Juan.  L'ancien  maître 
de  chapelle,  feu  Lindpaintner,  avait  commencé  à  écrire  pour  cet  opéra 
une  nouvelle  instrumentation  et  des  récitatifs  ;  le  chef  d'orchestre 
actuel  Eckart  s'est  chargé  de  terminer  ce  travail. 

^*,i.  Berlin. —  L'Académie  de  chant  s'est  proposé  d'exécuter  le  TeDeum 
ds  Graun,  le  jour  anniversaire  de  celui  où  cette  composition  fut  dite 
pour  la  première  fois,  il  y  a  cent  ans,  en  présence  de  Frédéric  le  Grand. 
Dans  le  concert  qui  aura  lieu  ensuite,  on  entendra  le  :  Lauda  Sion,  de 
Mendelssohn,  et  le  Magnificat,  de  S.  Bach.  —  Le  pianiste  de  la  cour, 
M.  Hans  de  Biilow,  et  M.  Carlberg  donneront  en  outre  une  série  de  con- 
certs avec  orchestre.  —  Une  cantatrice  de  concert,  qui  a  eu  du  succès 
Sx  Londres,  Mme  Parepa,  est  arrivée  ici  ;  elle  se  fera  entendre  d'abord 
dans  les  concerts  du  Gevvandhaus. 

,,,*„,  Hambourg.  —  La  société  Merelli  a  donné  laSunnambula  au  théâtre 
de  la  ville.  Mlle  Patti  a  chanté  le  rûle  d'Aminade  manière  à  faire  tour- 
ner la  tête  au  public,  pourtant  assez  peu  impressionnable,  de  la  grande 
cité  marchande.  —  La  représentation  d'il  Barbiere,  qui  était  attendue 
avec  une  vive  impatience  pour  samedi,  a  été  ajournée  au  mardi  15  du 
courant,  par  suite  d'une  indisposition  de  la  jeune  et  célèbre  artiste. 

^*^  Prague.  —  Kaudin  vient  d'obtenir  un  beau  succès  au  théâtre  de 
la  ville  :  il  a  chanté  de  la  façon  la  plus  dramatique  le  rôle  d'Edgardo, 
de  Lucie  de  Lammermoor. —  Le  maître  de  chapelle  M.  Jahn,  qui  demeure 
parmi  nous,  a  été  nommé  maître  de  chapelle  de  la  cour,  à  Weimar,  en 
remplacement  de  Franz  Liszt. 

^*^  Vienne.  —  Le  théâtre  de  la  Cour  a  donné  la  Juioe,  d'Ilalévy  ;  les 
principaux  rôles  étaient  interprétés  par  dts  artistes  étrangers.  MmeFabri- 
Mulder,  qui  est  bonne  musicienne  et  qui  chante  correctement,  n'a  pas 
toute  Pénergie  voulue  pour  le  rôle  de  Rachel;  elle  a  eu  toutefois  quelques 
beaux  moments.  Wachtel  (Eléazar)  était  en  voix  ;  il  a  parfaitement  dit  l'air 
du  quatrième  acte;  malheureusement  chez  l'excellent  ténor,  le  talent 
dramatique  laisse  à  désirer.  —  Bokitansky,  du  théâtre  de  Prague,  doit 
chanter  le  rôle  de  Marcel  (Huguenots)  lundi  14  ;  le  lendemain,  Ander 
fera  sa  rentrée  dans  Fidclio,  de  Beethoven.  —  Outre  ses  deux  dernières 
partitions,  il  Signor  Fagotto  et  Lieschen  et  Fritzchen,  Offenliach  a  livré  au 
Carlthéater  celle  d'un  opéra  en  trois  actes  :  les  Géorgiennes.—  Mlle  Barlh 
doit  débuter  au  théâtre  Treuraann  par  le  rôle  de  Mme  Denis,  dans  la 
pièce  d'Offenbach.  —  On  annonce  que  Piscliek,  l'ancien  baryton  du 
théâtre  royal  de  Stuttgard,  donnera  prochainement  quelques  représen- 
tations au  théâtre  do  la  Cour. 

,j*„,  Milan.  —  Après  la  représentation  de  :  il  Veccliio  de  la  Montagna 
et  du  malencontreux  ballet  Oronos,  Nurma  est  venue  nous  apporter  un 
magnifique  dédommagement.  Jamais  l'épopée  lyrique  de  Bellini  ne  nous 
est  apparue  aussi  triomphante.  Mme  Marie  Lafon  est  bien  la  prêtresse 
terrible,  faite  pour  inspirer  aujourd'hui  comme  autrefois  la  terreur  à 
plus  d'un  Pollion  et  à  plus  d'un  Adalgise.  Son  chant,  tour  à  tour  tendre 
sans  fadeur,  gracieux  sans  alfectation,  dédaigneux  sans  rudesse,  violent 
et  emporté  sans  exagération,  a  valu  à  la  célèbre  cautatrice  un  véritable 
triomphe.  Mlle  Corani  l'a  vainement  secondée  dans  Adalgise,  et  Capponi 
a  été  très-beau  dans  Oroveze. 


SERIE. 


N^. 


r'r. 


\ 


VALSES  \^_^  Polkas 

QUADRILLES 

Galops, PolKa-Iazurkas,  Schottischs,  Mazurkas, Redowas 

LES  PLUS  FAVORIS 

DE 

ARBAN.HERZOG.lftBITZKI.LUMBYE.MUSARD.OFFENBACH 
•STRAUSS.TALEXY.VALiaUET.ETCETC 

arrangés  pour  les  petites  mains 

et  soigneusement  doigtés 

6  <o 

PAR 


&  SBBIES 


OP.  4  9. 


23NI/MER0S. 


'  f:e  SERIE: 

1  Bœufs  et  Moutons Quadrille. 

1  Pardon  de  Ploërmel Taise. 

s  Coucou  el  Cricri Folka. 

*  Sturm-Galop Galop. 

s  Diane Po]Ra-Mazurh. 


2?  SERIE: 

6  Les  Tambours  de  la  Garde. . .  Quadrille 
1  les  Bavards Valse. 

8  Polka  des  Enfants Polka. 

9  Rose  de  Juin jPoMa-Mazuria 

10  Redowatslca Rèdowa  -Polka. 


4eSERIE: 

16  Les  lanciers Quadrille. 

il  Aurora Valse. 

18  les  Horloges  delaForét-Noire . .  Polka. 


.    Chaque  N" 

Les  Quadrilles  «La  Berbère  des  Alpes...  .^eVwa. 
■T .  o  0         20  Champagne Galop. 

CMgi/BSEB/E.  f2f 


3?  SE  RIE: 

11  Les  Dragons  de  Villars . . .  Quadrille. 

12  les  Chants  duDanuhe Valse. 

13  Jenny  lind Polka. 

14  Le  Trompette  de  Spahis .  .Schotusch. 

15  Express  -Train Galop. 

5?  SÉRIE: 

21  Le  Gothique Quadrille. 

22  Les  Etoiles  du  Soir Valse. 

23  La  Ronde  du  Brésilien Polka. 

24  Rèdowa  de  Wallerstein ....  Rêdo  wa.   les  Quadrilles 

25  LEtoile  du  îîori Polka-MazurJca.        *  •  ^o 

lES  S  SÉH/ES MUMES.- iâ^fset 


Chaque  îl° 
3Î 


&^ 


%j^ 


PARIS 
G.BRANDUS  &  S.DUFOUREdit^.'rueRichelieu.lOS.aul^'' 


Pranoe  et  Etranger 


I     Ckz  ks mêmes  M'tevrs:£AMO/SSOJVJ^OR£Spetflsniorceâurfrésâa!es,so^/!'ei/SPjn.* 
âoi^és  etsansociares,cojnposés^r/es'phs Jolis  mofi'û  des  Opéras  célèbres,  pour  7e  J^/ano  et  à  -^Mâïris. 


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BUREAUX    A    PARIS  :    BOULEVARD   DES   ITALIENS,    I. 


30«  Année. 


!V«  39. 


on  S'ABONNE  I 

Dttos  tes  r>iipartements  et  à  l'Étranger,  chez  tom 
les  Marchonds  de  Musique,  les  Libraires,  et  aux 
PureauY  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


27  Septembre  1863. 


PRIS  DC  L* ABONNEMENT  : 

Paris 24fr.paroi 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    30  »       id. 


Le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


WB    WAWLËBn 


JVPiAAAAfiA/w- — 


SOMMAIRE .  —  Chanl  guerrier,  chœur  pour  voix  d'hommes,  composé  par  Meyer- 
beer,  par  Adolphe  Botte.  —  Phénomènes  acoustico-physiologiques  (1"  ar- 
ticlel,  par  Charles  Meerens.  —  Le  royaume  Hawaïen,  par  Oscar  Co- 
mettant.  —  Nouvelles  et  annonces. 


CHANT  GUERRIER. 

Cboear  ponr  voix.  d'Iiommes  compasé  par  IBeyerbeer 
ponr  la  tragédie  de  Stvwenaêe. 

Après  VOuverture  et  la  Polonaise  de  Siruensée,  si  bien  exécutées 
aux  concerts  de  Pasdeloup,  et  qui  ont  produit  une  si  vive  et  si  pro- 
fonde sensation,  on  vient  encore  d'extraire  de  cette  partition  uu  très- 
beau  Chant  guerrier  (cliœiir  pour  voix  d'hommes).  Malheureuse- 
ment, le  reste  de  l'ouvrage  n'est  guère  connu  ici;  mais  comme  il  nous 
a  été  donné  de  l'entendre  dernièrement  et  que  tout  a  excité  l'ad- 
miration, nous  voulons  essayer  de  rendre  compte  de  nos  impres- 
sions. 

Michel  Béer,  auteur  de  la  tragédie,  avait,  dit-on,  un  admirable 
instinct  de  la  scène;  comme  son  frère,  il  possédait  le  génie  dra- 
matique, ce  don  précieux,  inestimable,  refusé  à  tant  de  grands  poètes 
et  à  tant  de  grands  musiciens.  L'histoire  de  Struensée,  histoire  pleine 
de  grandeur,  de  passion,  de  larmes  et  d'amour,  luijnspira,  on  le 
sait,  un  vrai  chef-d'œuvre.  Cette  tragédie  obtint  le  plus  grand  et 
le  plus  légitime  succès  en  Bavière  d'abord,  puis  dans  toute  l'Alle- 
magne ;  elle  promettait  un  écrivain  digne  de  recueillir  une  bonne 
part  de  l'héritage  de  Goëlhe  et  de  Schiller.  Mais  aussi  quelle  for- 
tune pour  un  poëte  d'avoir  un  tel  collaborateur,  et  combien  Michel 
Béer  eût  été  heureux  et  fier  de  se  voir  ainsi  compris,  chanté,  et, 
osons  le  dire,   agrandi! 

Soutenu  et  entraîné  non-seulemsnt  par  son  imagination,  mais  en- 
core par  sa  piété  fraternelle,  par  le  souvenir  d'une  perte  cruelle, 
par  tout  ce  qui  est  la  source  féconde  des  talents  vraiment  grands, 
nous  voulons  dire  les  nobles,  pures  et  religieuses  pensées,  Meyer- 
beer  en  composant  la  musique  de  Struensée  a  fait  une  œuvre  belle 
et  durable.  Même  dans  les  courts  passages  qui,  pas  à  pas,  suivent 
quelquefois  l'action,  il  a  su  faire  un  emploi  nouveau  et  original  de 
certaines  combinaisons  instrumentales,  il  a  su  créer  un  genre 
d'intérêt  trop  négligé  dans  les  solennités  de  nos  deux  théâtres  fran- 
çais. Si  nous  assistons   quelque  jour  à  la   représentation    de  celte 


tragédie,  habilement  traduite;  si  la  musique  de  Meyerbeer,  exécutée 
comme  elle  demande  à  l'être,  vient  animer  et  colorer  les  scènes 
principales,  nous  compterons  certainement  un  grand  succès  de  plus; 
nous  applaudirons  à  cette  heureuse  et  fertile  alliance  de  la  poésie  et 
de  la  musique  dont  les  tragiques  grecs  tirèrent  de  si  beaux  effets, 
et  dont  la  savante  et  large  musique  de  Mendelssohn,  entendue  na- 
guère à  rOdéon,  lors  des  représentations  à'Aniigone,  nous  donna 
une  si  ingénieuse  quoique  si  infidèle  imitation. 

On  peut  diviser  la  partition  de  Meyerbeer  en  cinq  morceaux  prin- 
cipaux :  VOuverture,  la  Révolte,  la  Polonaise,  la  Villanelle  et  le 
Songe  de  Struensée. 

L'ouverture  s'étend  bien  au  delà  de  ce  que  le  titre  annonce  ; 
c'est  à  la  fois  la  préface  et  le  résumé  plein  d'ampleur  de  la  tragé- 
die; c'est  une  grande  page  où,  grâce  à  un  art  consommé,  les  variétés 
de  la  couleur,  les  richesses  du  développement  et  des  motifs  se  fondent 
en  une  remarquable  unité.  La  noblesse  et  la  majesté  de;ia  marche  du 
début,  l'élégance,  le  pathétique  du  magnifique  chant  en  ut  dièse 
mineur,  chant  confié  aux  violoncelles,  délicatement  accompagné  et 
ramenant,  par  une  ravissante  enharmonie,  la  marche,  développée 
d'une  façon  charmante,  intéressante  et  nouvelle;  la  passion, 
l'agitation  de  l'allégro,  attaqué  par  les  premiers  violons;  les 
rêves  d'amour,  de  gloire;  les  couleurs  les  plus  brillantes,  les  plus 
tranchées,  les  tableaux  les  plus  mouvementés,  les  plus  divers  y  sont 
mariés  dans  une  telle  harmonie  qu'ils  rendent  en  quelques  pages 
saisissantes  et  vivantes,  tout  ce  que  la  pensée  du  poëte  recèle  de 
plus  éclatant  et  de  plus  magnifique.  Est-il  besoin  de  le  dire?  cette 
ouverture  est  le  morceau  capital  de  la  partition.  Il  y  a  là  des  ren- 
trées, des  dessins,  des  modulations,  une  plénitude  de  pensées  qui 
commandent  l'enthousiasme.  Quant  à  la  polonaise,  c'est  parce  que 
Meyerbeer  trouve  souvent  de  semblables  merveilles,  qu'il  unit  à 
la  gloire  de  compositeur  dramatique  la  grâce,  la  légèreté  et  l'esprit 
qu'on  admire  dans  les  œuvres  les  plus  aimables  et  les  plus  simples 
des  grands  maîtres  de  la  symphonie.  Pourtant ,  même  dans  cette 
charmante  polonaise,  tout  n'est  pas  grâces  et  sourires,  mouvements 
vifs  et  voluptueux,  gaieté  noble  et  décente  :  le  puissant  génie  de 
l'auteur  se  montre  bientôt.  Nous  sommes  au  bal,  il  est  vrai;  mais 
à  cette  fête  se  trame  la  perte  de  Struensée  et  de  la  jeune  et  belle 
reine  :  des  accents  fiévreux,  des  jalousies  dévorantes  grondent  dans 
cette  riche  orchestration;  le  rhythms  de  la  polonaise  fait  place  à 
d'autres  rhythmes.  On  retrouve  là  celte  beauté  de  conception ,  cette 
complexité  de  sentiments  et  d'images,  ce  style  énergique  et  concis, 
ces  mélodies  resplendissantes  de  coloris  et  de  verve  qui  distinguent 
tout  ce  qu'écrit  Meyerbeer. 


306 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Dans  le  premier  entr'acte  :  la  Révolte,  après  un  motif  délicieux, 
entendu  déjà  dans  l'ouverture  et  peignant  chaleureusement  l'amour 
de  Struerisée,  amour  profond,  inaltérable,  un  de  ces  amours  comme 
il  y  en  eut  même  au  xvni"  siècle,  qui  subjuguent,  épurent  et  élèvent 
l'homme,  l'orchestre  quitte  bientôt  les  accents  de  la  tendresse  :  les 
roulements  du  tambour,  des  timbales,  l'agitation  qui  se  manifeste, 
la  couleur  sombre  d'une  pédale  de  dominante,  sur  laquelle  se  déve- 
loppe crescendo  un  rapide  dessin  en  triolets,  annoncent  quelque 
grand  événement;  en  effet,  c'est  une  révolte  qui  éclate  tout  à  coup. 
Par  son  charme  mélodique,  par  sa  franchise  d'accent,  par  la  ri- 
chesse de  ses  harmonies  et,  plus  encore  peut- être,  par  un  splendide 
développement  instrumental  qui  plusieurs  fois  en  multiplie  et  en 
change  complètement  la  physionomie  primitive,  le  beau  chœur  pour 
voix  d'homme,  publié  récemment,  tient,  par  ses  dimensions  ainsi 
que  par  son  mérite,  une  très-grande  place  dans  l'ouvrage.  Inspiré 
par  une  célèbre  mélodie  danoise,  ce  chœur,  dont  les  quatre  parties 
ont  toutes  une  élégance,  une  distinction  singulièrement  remarqua- 
bles, est  vraiment  entraînant.  A  chaque  strophe,  on  est  frappé  de 
la  variété  harmonique,  des  piquantes  et  passagères  tonalités  (parfois 
à  peine  indiquées)  jetées  là  incidemment  et  sobrement  pour  donner 
du  relief  et  de  la  nouveauté  à  ce  chant  populaire  plein  de  franchise, 
d'entrain,  sinon  de  grandeur  et  d'originalité.  Il  faut  entendre  la  mé- 
lodie de  ce  chœur  (dite  d'abord  par  les  voix  seules,  puis  par  les 
ténors  soli)  pour  se  faire  une  idée  de  tout  ce  que  la  science  peut 
ajouter  à  un  thème  de  mouvements  éloquents  et  de  beautés  inatten- 
dues. 

On  découvre  à  chaque  instant  dans  cette  scène  de  la  révolte, 
mille  jolies  choses  admirablement  traitées,  remplies  de  mouvement, 
de  vie,  de  poésie,  et  oîi  ne  manquent  aucunes  de  ces  larges  combi- 
naisons familières  à  la  plume  qui  traça  les  impérissables  beautés  du 
Prophète  et  des  Huguenots.  Le  ravissant  solo  de  hautbois,  par  exem- 
ple, qui  accompagne  les  quatre  ténors,  et  oii  brillent  les  plus  Gués 
coquetteries  du  contre -point  ;  puis  les  dialogues  si  habilement  en- 
chevêtrés de  l'orchestre  et  du  chœur,  où  les  sentiments  des  soldats 
et  ceux  de  la  cour  marchent  parallèlement  :  tout  cela  et  beaucoup 
d'autres  passages  encore  qu'il  serait  trop  long  de  citer,  fait  com- 
prendre d'une  façon  claire  et  saisissante  les  caractères  si  divers  qui 
se  pressent  en  foule  dans  cette  scène  éminemment  dramatique  et  ré- 
volutionnaire. Toujours  essentiellement  vrai  et  pathétique,  lors  même 
qu'il  est  resserré  dans  un  cadre  étroit,  Meyerbeer  a  tracé  ici  avec  la 
fermeté,  la  concision  et  l'éloquence  tant  admirées  dans  ses  grands 
ouvrages,  un  de  ces  tableaux  vigoureux  qui  captivent  la  foule  aussi 
bien  que  les  gens  de  goût  ;  il  a  peint  avec  un  art  que  nous  ne  sau- 
rions trop  louer  les  poignantes  émotions  accumulées  dans  ce  deuxième 
acte  ;  il  a  tiré  de  la  conception  du  poëte  des  effets  et  des  beautés 
que  d'autres  musiciens  n'y  eussent  assurément  pas  trouvés. 

Avec  le  troisième  entr'acte,  on  entre  dans  un  tout  autre  ordre  de 
sentiments  et  d'idées.  Plus  de  cour,  plus  d'éclat,  plus  de  fêtes;  mais 
aussi  plus  de  fausses  joies,  plus  de  tragiques  douleurs.  A  Copenha- 
gue on  conspire,  on  veut  faire  expier  au  ministre  plébéien  et  tout- 
puissant  son  génie,  sa  naissance  et  son  amour  ;  à  la  reine  (ce  qu'on 
ne  pardonne  guère  davantage),  sa  jeunesse  et  sa  beauté.  Nous  ne 
sommes  plus  au  palais  de  Christianbourg,  nous  sommes  dans  une 
pauvre  auberge  de  village  oîi  l'on  boit,  où  l'on  chante,  où  l'on  rit 
et  où  l'on  aime,  s'il  faut  en  croire  certains  trilles,  certaines  indiscré- 
tions des  flûtes,  des  clarinettes  et  des  hau  bois.  Rien  de  plus  frais, 
de  plus  gracieux,  de  plus  original  que  la  villanelle  qui  compose  cet 
entr'acte  :  c'est  un  chef-d'œuvre  de  pensée  et  de  style.  A  notre  avis 
elle  vaut  la  polonaise.  C'est  enchanteur  comme  invention ,  mais  c'est 
aussi  merveilleusement  travaillé.  Cela  fait  songer  à  Virgile,  à  Théo- 
crite,  à  tout  ce  qui  est  délicat,  féminin,  tendre  et  enjoué.  Après  les 
éclats,  les  agitations  qui  précèdent,  cette  jeunesse,  cette  naïveté, 
cette  simplicité,  forment  le   plus  heureux  contraste.   Nous  tenons  à 


insister  sur  la  simplicité  de  cette  villanelle,  car  elle  frappera  cer- 
tainement, comme  elle  nous  a  frappé,  tous  ceux  qui  entendront  cette 
charmante  inspiration,  dans  laquelle  l'auteur  s'est  pourtant  fréquem- 
ment contenté  des  accords  de  tonique  et  de  dominante,  et  où  il  n'a 
employé  que  très-discrètement  les  mille  détails,  les  dessins  expres- 
sifs, les  courtes  et  belles  modulations  dont  il  a  le  secret. 

Dans  le  quatrième  entr'acte  qui  succède  à  cette  scène  rustique,  le 
compositeur  nous  fait  encore  une  fois  changer  d'émotions.  Toute  la 
musique  qui  accompagne  les  derniers  moments  de  Struensée,  entre 
autres  la  Marche  funèbre,  est  d'une  tristesse  navrante.  Struensée 
endormi  repasse  en  lui-même  sa  vie  si  agitée,  ses  rêves  de  rénova- 
tion sociale  ;  bercé  par  une  douce,  tendre  et  mélancolique  mélodie, 
il  murmure  le  nom  de  la  reine,  et  ce  qu'il  se  rappelle  surtout,  ce  sont 
les  heures  enivrantes  passées  à  la  contempler. 

Au  seul  point  de  vue  musical,  ce  songe  doit  produire  à  la  scène 
un  effet  prodigieux  ;  il  est  plein  de  larmes,  de  soupirs  entrecoupés, 
de  religieux  et  chastes  accents. 

Tout  est  beau  dans  ce  cinquième  acte  ;  mais  une  des  pages  les 
plus  tristes  et  les  plus  pénétrantes  est  la  noble  et  pathétique  mélodie 
de  l'avant-dernière  scène.  Le  pasteur  de  Struensée  accourt  bénir  et 
embrasser  pour  la  dernière  fois  son  fils  bien-aimé;  alors  un  chant 
large,  simple,  exprimant  une  douleur  mâle  et  contenue  s'élève  de  l'or- 
chestre. Dit  par  trois  violoncelles,  harmonisé  avec  un  goût  exquis, 
ce  chant  est  assurément  l'un  des  plus  émouvants  de  l'œuvre. 

Y  a-t-il  dans  Meyerbeer  lui-même,  qui  pourtant  a  écrit  de  si  belles 
marches,  des  inspirations  supérieures  à  la  marche  par  laquelle  dé- 
bute l'ouverture  et  à  celle  qui  termine  si  lugubrement  la  tragédie  ? 
A-t-il  beaucoup  de  morceaux  plus  riches  d'harmonie,  plus  remarqua- 
bles comme  expression,  comme  invention  et,  ajoutons,  comme  ins- 
trumentation que  l'ouverture  tout  entière,  que  la  célèbre  polonaise 
et  que  cette  adorable  villanelle  qui,  mieux  connue,  pourrait  bien  de- 
venir la  benjamine  des  dilettantes,  et  qui,  brillante  antithèse,  atteste 
à  quel  peint  le  génie,  presque  toujours,  unit  à  la  force  et  au  gran- 
diose, l'esprit,  la  grâce  et  la  noblesse?  On  en  jugera  bientôt,  nous 
l'espérons.  En  attendant,  et  sans  parler  des  magies  de  l'orchestration 
qui  ne  font  jamais  défaut  à  Meyerbeer,  tous  ce.ux  qui  étudieront 
cette  partition  désireront  vivement,  nous  ne  craignons  pas  de  l'af- 
firmer (surtout  dans  un  temps  si  peu  fertile  en  chefs-d'œuvre),  que 
Paris  puisse,  à  son  tour,  goûter  avec  la  poésie  brillante  et  élevée  de 
Michel  Béer,  la  musique  profonde,  originale  et  variée  de  l'auteur  de 
Robert  et  du  Fardon  de  Phërmel. 

Adolphe  BOTTE. 


PHENOMENES  ÂCODSTICO-PHTSIÛLOGIQOES. 

(Premier  article.) 

Les  artistes  doués  d'un  sentiment  musical  délicat,  s'aperçoivent 
fréquemment  du  désaccord  qui  règne  dans  les  intervalles  du  piano, 
et  c'est  alors  que  ceux  d'entre  eux  qui  ignorent  la  théorie  de  l'art, 
s'en  prennent  souvent  à  l'accordeur;  cependant  ils  ont  pu  remarquer 
que  le  piano  paraît  plus  discord  un  jour  que  l'autre,  et,  dans  d'autres 
circonstances  encore,  jouit  d'une  justesse  qui  semble  satisfaisante. 

L'accordeur  ne  peut  remédier  à  cet  état  de  choses;  il  est  obligé 
aujourd'hui  de  faire  une  répartition  tempérée  de  l'octave  en  douze 
intonations  équidistantes,  déterminées  par  le  cycle  des  douze  quintes 
également  altérées,  chacune  du  douzième  de  comma  pythagorique  : 
de  là,  les  tierces  majeures  trop  fortes,  les  tierces  mineures  trop  fai- 
bles, et,  enOn,  une  désorganisation  générale  dans  les  rapports  ra- 
tionnels  des  intonations  des  gammes  et  des  accords. 

Il  suflît  de  mettre  en  regard  les  rapports  numériques  rigoureux 
des  sons  constituant  l'accord  parfait  majeur,  donnant  respectivement 


Dli  PAHIS. 


307 


4,  5  et  6  vibrations  (  soit  Zi.OOO,  5,000  et  6,000)  dans  le  même 
temps,  avec  ceux  qui  résultent  de  la  répartition  d'un  tempérament 
égal,  qui  sont  dans  la  même  proportion  Z;,000,  5,040  et  5,903,  pour 
avoir  sous  les  yeux  une  idée  de  l'altération  de  ces  intervalles. 

Au  sujet  des  rapports  numériques  des  intervalles,  Leibnitz  dit  :  que 
l'oreille  sans  évaluer  les  nombres  mêmes, -aperçoit  l'effet  de  leurs 
rapports  et  de  la  concurrence  des  vibrations  simultanées  lorsqu'elles 
reviennent  ensemble;  elle  fait  pour  le  temps  ce  que  l'œil  fait  pour 
l'espace  lorsqu'il  est  affecté  d'une  manière  agréable  par  des  rapports 
justes  des  formes  sans  mesurer  ni  sans  calculer  les  rapports  mêmes. 

Chladni,  au  sujet  du  tempérament,  dit  que  si  l'on  entend  un  in- 
tervalle qui  diffère  peu  d'un  autre  exprimable  par  des  nombres  d'un 
rapport  plus  simple,  ou  croit  entendre  le  plus  simple;  et  que  cette 
illusion  est  d'autant  plus  parfaite  que  la  différence  est  moindre. 

C'est  un  fait  d'expérience  incontestable  que  si  l'on  entend  des  mo- 
dulations sur  un  instrument  à  sons  fixes,  dans  lesquelles  une  note 
commune  se  trouve  constamment  intercalée,  l'intonation  de  cette 
note  semble  se  modifier,  et  on  croit  distinguer  les  transitions  et  les 
mouvements  enharmoniques  ou  diacomatiques,  ce  qui  confirme  les 
assertions  de  Leibnitz  et  de  Chladni. 

Cependant  la  délicatesse  de  l'ouïe  est  quelquefois  trop  grande 
pour  que  celle-ci  puisse  s'accommoder  facilement  à  des  altérations 
quelque  minimes  qu'elles  soient  ;  on  peut  s'en  convaincre  en  accor- 
dant par  tempérament  égal  un  piano  soi-même  quand  on  en  a  l'habi- 
tude, sinon  en  prêtant  une  attention  soutenue  au  travail  d'un  accor- 
deur. Cette  opération  surexcite  tellement  le.s  parties  nerveuses  de 
l'organe,  que  lorsqu'on  touche  du  piano  immédiatement  après,  il 
semble  plus  discord  qu'auparavant  ;  c'est  probablement  pour  ce 
motif  que  certains  accordeurs  engagent  les  pianistes  à  laisser  re- 
poser l'instrument  pendant  quelques  heures  lorsqu'il  vient  d'être  ac- 
cordé, ne  se  doutant  pas  que  c'est  l'oreille  et  non  le  piano  qui  de- 
mande le  repos. 

Le  système  de  tempérament  égal  devenant  une  progression  géo- 
métrique entre  le  son  fondamental  et  son  octave,  il  s'ensuit  que 
l'altération  de  chaque  degré  chromatique  varie  selon  l'intervalle  qu'il 
forme  dans  la  modulation  ;  mais  dans  les  systèmes  de  tempéraments 
inégaux,  quelques  intonations  jouissent  constamment,  au  détriment 
d'autres  modulations,  d'une  justesse  rigoureuse  lors  du  passage  de 
certains  accords  à  un  autre,  et  cependant  ces  intonations  sem- 
blent aussi  se  modifier;  cette  modification  est  uniquement  le  fait  du 
changement  de  caractère  de  l'intonation. 

L'intonation  est  donc  empreinte  du  caractère  qui  détermine  l'in- 
tervalle qu'elle  forme  à  l'égard  d'une  autre  intonation,  et  l'harmonie 
ou  l'accompagnement,  de  même  que  les  sons  (mélodiques)  qui  l'en- 
tourent, viennent  fixer  ce  caractère;  de  là  résulte,  du  reste,  le  cachet 
différent  d'une  même  mélodie  harmonisée  de  plusieurs  manières,  et 
la  sensation  tonale  qui  reste  dans  les  accords  ayant  une  basse  autre 
que  la  tonique. 

Ce  caractère  des  intonations  provient  du  rhythme  vibratoire  auquel 
nous  soumettons  les  sons  dans  leur  perception.  De  même  que  nous 
pouvons  à  volonté  tenir  pour  temps  fort  chaque  1",  2«,  3",  4°,  5«  ou 
6«,  etc.,  oscillation  du  balancier  du  métronome,  quoique  son  mouve- 
ment soit  parfaitement  isochrone,  nous  jouissons  de  la  faculté  de 
diviser  les  vibrations  du  corps  sonore  par  1,  2,  3,  h,  5  ou  6,  etc., 
c'est-à-dire  que  nous  percevons  le  son  par  série  ou  groupe  d'une  ou 
plusieurs  vibrations  successives,  et  le  nombre  de  vibrations  dont 
chaque  série  se  compose  détermine  le  caractère  de  l'intonation.  Ainsi, 
le  rhythme  résultant  de  1  ou  2  et  les  puissances  de  2  (soit  /)•  8, 
16,  etc.),  nous  fournira  le  caractère  de  la  tonique,  et  si  nous  divisons 
les  vibrations  du  son  par  3,  nous  entendrons  l'effet  de  la  dominante; 
par  5,  celui  de  la  tierce  majeure,  etc.,  lors  même  que  le  son  se  pro- 
duit isolément;  mais  ce  caractère  est  forcément  marqué  lorsque  deux 
ou  plusieurs  sons  se  produisent  simultanément,  puisqu'alors  il  se  formo 


un  synchronisme  périodique,  c'est-à-dire  qu'il  y  a  des  instants  de 
départ  coïncidant,  après  deux  ou  plusieurs  nombres  premiers  entre 
eux  de  vibrations  respectives. 

Cela  étant,  on  s'explique  que  le  quatrième  degré  (fa)  tende  à  s'ap- 
proprier le  caractère  de  tonique  ;  son  rapport  numérique  étant  4/3, 
il  exécute  un  nombre  de  vibrations  provenant  d'une  puissance  de 
2,  pendant  que  le  mouvement  vibratoire  de  la  tonique  se  trouve  di- 
visé par  3  et  acquiert  ainsi  le  caractère  de  dominante. 

A  l'égard  du  mode  mineur,  le  rhythme  vibratoire  par  2"  de  la 
tonique  se  maintient,  grâce  à  son  rapport  avec  sa  dominante  3/2, 
car  la  tierce  mineure,  par  son  expression  6/5,  détourne  le  caractère 
de  la  tonique  et  la  conduit  au  ton  majeur  dans  lequel  elle  serait  mé- 
diante  5,  tandis  que  la  tierce  mineure  elle-même,  en  vertu  de  son 
rhythme  6  (doublement  de  3)  y  deviendrait  dom.inante.  C'est  ainsi 
que  dans  le  cri  du  coucou,  par  exemple  la  tierce  mineure,  sol  mi, 
nous  sommes  enclins  à  apercevoir  le  majeur  dont  la  tonique  u(  est 
sous-entendue.  Ce  n'est  qu'à  condition  de  concevoir  la  dominante  si 
que  nous  pourrions  nous  figurer  le  ton  de  mi  mineur.  C'est  le  si  qu' 
doit  procréer  le  rhythme  binaire  de  la  tonique.  Dans  le  mineur  la 
tonique  est  donc  rhythmée  par  2  sur  3  à  l'égard  de  la  dominante, 
et  par  5  sur  6  à  l'égard  de  la  tierce  ;  il  y  a  embarras. 

On  doit  attribuer  à  la  coexistence  des  deux  rhythmes  vibratoires 
dans  les  sons  constituant  l'accord  mineur,  les  dispositions  mélancoli- 
ques que  ce  mode  inspire;  on  doit  attribuer  encore  à  ce  double 
rhythme  vibratoire  l'impression  moins  sympathique  qui  est  exercée 
par  le  mineur  sur  les  personnes  médiocrement  organisées  pour  la 
musique,  et  aussi  le  phénomène  qui,  chez  certaines  gens  douées 
d'une  organisation  musicale  inculte,  fait  qu'elles  n'éprouvent  pas  la 
sensation  du  repos  dans  cet  accord  parfait.  Les  sons  aliquoles  (har- 
moniques) dénotent  d'ailleurs  que  ce  mode  est  factice. 

Les  personnes  bien  organisées,  cherchent  naturellement  à  in- 
tercaler le  rhythme  de  6  dans  la  série  des  rapports  numériques 
des  intervalles  de  la  musique  ;  mais  6  ayant  un  commun  divi- 
seur avec  tous  les  nombres  plus  petits  que  5,  se  réduirait  consé- 
quemment  avec  ceux-ci  à  un  rapport  plus  simple,  et  5  étant  le  seul 
qui,  avec  6,  constitue  deux  nombres  premiers  entre  eux,  se  trouve 
forcément  désigné  ;  cela  explique  le  charme  de  la  tierce  mi- 
neure, et  de  son  renversement  à  l'égard  d'une  intonation  tonique  de- 
venant 5  pour  elle.  Dans  l'accord  parfait  mineur,  le  synchronisme 
des  trois  sons  n'existe  qu'après  chaque  10,  12  et  15  vibrations  res- 
pectives; 10  se  rapporte  à  15  comme  2  à  3,  et  à  12  comme  5  à  6. 
Ainsi,  dans  le  rapport  10  à  15,  les  vibrations  repartent  ensemble 
après  chaque  2  et  3  vibrations  respectives,  tandis  que  dans  celui 
de  10  à  12  ce  départ  coïncidant  n'a  heu  qu'après  5  vibrations  de 
la  tonique   10  sur  6  de  la  tierce  mineure  12. 

Charles  MEERENS. 
{La  suite  prochainement.) 


lE  BOTÂUME  HiWÂlEN  ">. 

Je  viens  d'acquérir  la  preuve  qu'il  ne  faut  jamais  parler  légère- 
ment des  rois,  des  royaumes  et  des  chefs  d'orchestre. 

Je  crois  même  pouvoir  assurer  qu'il  est  surtout  imprudent  de  par- 
ler légèrement  de  ces  derniers. 

Cela  demande  quelques  explications,  les  voici  : 

Il  y  a  quelques  jours,  en  rentrant  chez  moi,  je  trouvai  une  carte 
de  visite    sur  laquelle  je  lus  :  Monsieur  Vidal,  consul  général  de  Sa 


(1)  Sous  ce  titre,  les  Civilisations  inconnues,  notre  excellent  confrtro ,  Oscar 
Comettant,  publiait  rdcemmont  un  volume  rempli  de  nolions  curieuses  ot  vari(Ses. 
Pour  en  donner  un  ùcliantillon,  nous  reproduisons  le  chapitre  qu'on  va  lire  et  qui 
se  rattache  à  notre  spécialité. 


308 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Majesté  Bawdienne.  M.  Vidal  m'annonçait  sa  visite  pour  le  lendemain 
du  jour  oîi  il  m'avait  fait  remettre  sa  carte.  N'ayant  pas  à  ce  mo- 
ment encore  l'honneur  de  connaître  personnellement  le  consul  gé- 
néral de  Sa  Majesté  Hawaïenne  et  ne  sachant  du  peuple  kanake  que 
bien  juste  ce  que  tout  le  monde  peut  en  savoir  par  les  récits  de  Cook 
et  de  Lapeyrouse,  je  me  demandai  naturellement  ce  que  pouvait 
avoir  à  me  dire  M.  Vidal. 

Tout  à  coup,  ô  souvenir  inquiétant  !  je  me  rappelai  que,  dans  un 
feuilleton  du  Siècle,  d'après  un  journal  américain  et  sous  cette  ru- 
brique :  Nouvelles  de  l'autre  monde,  j'avais  dit  quelques  mots  d'une 
représentation,  extraordinaire  sous  tous  les  rapports,  d'un  des  opé- 
as  de  Verdi,   Il  Trovatore,  dans  la  ville  de  Honolulu. 

Ma  conscience  s'inquiéta  de  ce  souvenir,  et  j'eus  peur  de  m'être 
égayé  à  tort  à  la  suite  du  journaliste  américain  sur  un  gouvernement, 
sur  un  peuple,  sur  des  dilettanti  et  sur  un  chef  d'orchestre,  tous 
dignes  d'un  compte  rendu  plus  sérieux.  , 

«  Parce  que  le  groupe  des  Sandwich  s'étend  du  19'=  au  23"  degré 
de  latitude  nord-est  et  du  157"  au  159"  degré  de  longitude  ouest,  ce 
n'est  point  une  raison,  me  dis-je,  pour  que  les  habitants  de  ces  pays 
lointains  (par  rapport  à  nous)  ne  se  montrent  pas  sensibles  à  la  bonne 
musique,  et  qu'il  n'y  ait  pas  là-bas,  comme  ici,  d'habiles  chefs  d'or- 
chestre. A  la  vérité,  pensai-je  encore,  les  habitants  des  îles  Sandwich 
mangeaient,  il  y  a  peu  de  temps,  leurs  prisonniers  de  guerre,  sans 
scrupule  aucun  et  de  bon  appétit  ;  mais  rien  n'empêche  qu'ils  soient 
à  cette  heure  de  véritables  gandins,  professant  avec  le  goût  de  la 
gibelotte  de  lapin,  l'horreur  du  gigot  d'homme.  » 

Et  je  me  rappelai  avoir  connu  à  New- York  un  collectionneur  de 
médailles,  jeune  homme  charmant,  de  manières  élégantes,  dont  le 
seul  défaut  peut-être  était  une  excessive  timidité,  et  dont  l'oncle,  en- 
core vivant  à  cette  époque,  avait,  en  sa  qualité  de  sauvage  coman- 
che,  servi  de  tombeau  vivant  à  un  Algonquin,  à  deux  Sioux,  à  un 
nègre  marron,  à  trois  Apalachites  et  à  un  plus  grand  nombre  de 
Hurons-lroquois  dont  les  opinions  politiques  étaient  en  désaccord 
avec  les  siennes. 

Alors  je  recherchai  le  numéro  du  Siècle  où  j'avais  parlé  d'Hono- 
lulu,  et  je  relus  les  lignes  suivantes,  que,  pour  ma  punition  autant 
que  pour  l'intelligence  de  la  question,  il  me  faut  reproduire  ici  : 

«  Pour  passer  à  un  sujet  moins  sérieux  dans  cette  revue  de  l'autre 
monde,  laissez-moi  vous  raconter  une  représentation,  à  coup  sûr 
fort  curieuse,  de  l'opéra  II  Trovatore  dans  la  ville  de  Honolulu. 

»  Vous  savez  sur  quel  point  de  notre  boule  terrestre  est  situé 
Honolulu.  Celte  ville  est  la  capitale  d'une  des  îles  Sandwich,  et 
par  conséquent  elle  se  trouve  baignée  par  la  mer  Pacifique  dans  la 
Polynésie.  Or,  dans  ce  pays  lointain,  qui  ne  nous  est  connu  que  de  • 
puis  1778,  grâce  aux  voyages  de  Cook,  on  ne  se  prive  nullement  des 
douceurs  de  la  musique,  on  y  joue  l'opéra  italien,  avec  des  artistes 
bien  autrement  distingués  qu'on  ne  le  fait  d'ordinaire  dans  les  capi- 
tales d'Europe. 

»  Et  Tamberlick  ?  —  me  direz-vous . 

»  11  s'agit  bien  de  Tamberlick  !  Le  ténor  qui  figure  dans  la  troupe 
de  Honolulu  est  un  roi,  ni  plus  ni  moins,  et  la  prima  donna  une 
reine.  Peut-être  le  talent  vocal  de  ce  couple  couronné  laisse-t-il 
quelque  chose  à  désirer,  mais  il  ne  faudrait  pas  le  dire  trop  haut  à 
Honolulu.  Chacun  s'y  montre  donc  on  ne  peut  plus  satisfait  de  la 
méthode  exquise  de  Sa  Majesté  Kamehameha  et  de  son  auguste 
épouse. 

»  Une  correspondance  des  îles  Sandwich,  reçue  par  la  voie  de 
San  Francisco,  nous  apprend  l'immense  effet  produit  par  l'œuvre 
de  Verdi  sur  les  dilettanti  kanakes,  auxquels  on  est  redevable  de 
la  fondation  d'une  société  philharmonique  à  Honolulu. 

»  Cette  société,  qui  compte  trois  guitaristes,  deux  flûtistes,  un 
violoniste,  quatre  joueurs  de  marimba,  et  quelque  chose  comme  six 
miriitons,  s'élait  jointe  à  l'orchestre  royal  pour  la  représentation  du 


Trovatore.  L'orchestre  de  Sa  Majesté  Kamehameha  étant  composé 
des  mêmes  éléments  à  peu  près  que  ceux  de  la  société  philharmo- 
nique, on  peut  juger  de  la  valeur  instrumentale  de  cet  ensemble. 

»  C'est  un  barbier  irlandais  établi  à  Honolulu  qui  s'était  chargé 
d'arranger  la  partition  de  Verdi,  en  l'accommodant  au  goût  du  pays. 

«la  salle  présentait  un  coup  d'oeil  magique.  Presque  toutes  les 
dames  étaient  habillées,  et  bon  nombre  de  spectateurs  étaient  aussi 
vêtus.  Plus  de  deux  cents  chandelles  de  suif  végétal  éclairaient  l'as- 
semblée. Après  une  courte  introduction  d'orchestre  ,  étrangère  à 
l'oeuvre  du  maestro  italien,  et  qui  pourrait  bien  être  de  la  composi- 
tion du  barbier  irlandais,  on  vit  apparaître  les  chanteurs.  Ils  eurent 
tous  beaucoup  de  succès.  Mais  les  honneurs  de  cette  mémorable 
journée  artistique  devaient  être  pour  Sa  Majesté  Kamehameha,  dans 
le  rôle  de  l'amant  de  Leonora,  et  pour  sa  compagne,  qui,  d'après  la 
correspondance  à  laquelle  nous  empruntons  ce  fait,  n'avait  pas  eu 
besoin  de  se  bistrer  la  peau  pour  jouer  le  personnage  de  la  bohé- 
mienne. Il  faut  renoncer  à  peindre  la  sensation  produite  par  le  Mi- 
serere. Quelques  personnes  déchirèrent  le  peu  de  vêtements  qu'elles 
avaient,  en  témoignage  d'admiration.  Le  barbier  irlandais  a  reçu  une 
récompense  digne  de  ses  talents.  Quel  autre  eût  pu  transcrire  la 
partition  du  Trovatore  pour  guitares,  flûtes,  marimbas,  et  quelque 
chose  comme  douze  mirlitons  ?  Verdi  lui-même  y  eût  renoncé. 

»  Eh  bien  !  entre  le  plaisir  que  nous  fait  éprouver  à  nous  autres 
Parisiens  l'orchestre  de  l'Opéra  et  celui  qu'éprouvent  les  habitants 
de  Honolulu  en  entendant  le  leur,  l'avantage  reste  aux  habitants  des 
îles  Sandwich.  Le  beau  absolu  serait-il  une  illusion  de  notre  esprit, 
et  le  beau  relatif  existerait-il  seul?  Non,  pourtant.  Mais  où  donc  est 
le  beau  absolu?  » 

Après  cette  lecture,  je  restai  convaincu  d'une  chose  :  c'est  que 
M.  Vidal  n'avait  pas  pris  la  peine  de  venir  chez  moi  pour  attacher  à 
la  boutonnière  de  mon  habit  les  insignes  de  la  décoration  de  Sa  Ma- 
jesté Hawaïenne. 

Le  lendemain  donc,  M.  Vidal  se  présenta  chez  moi,  et  je  vis  en 
lui  ce  que  les  Anglais  appellent  un  parfait  gentleman. 

—  Je  viens,  monsieur,  —  me  dit-il,  —  vous  prier  de  rectifier  une 
erreur,  involontaire  j'en  suis  sûr,  et  vous  offrir  le  moyen  de  rendre 
publiquement  justice  au  gouvernement  d'un  monarque  aussi  loyal  que 
généreux,  en  même  temps  qu'au  peuple  sur  lequel  il  règne  et  qui  a 
déjà  obtenu  une  belle  place  parmi  les  peuples  civilisés.  Il  s'agit  du 
compte  rendu  que  vous  avez  fait  dans  le  Siècle. 

—  Ah  !  oui,  du  Trovatore  à  Honolulu. 

—  Avec  le  roi  Kamehameha  IV  pour  premier  ténor. 

—  Et  son  auguste  épouse  pour  prima  donna. 

—  Et  un  barbier  irlandais  pour  arrangeur  de  partition. 

—  Et  deux  cents  chandelles  de  suif  végétal  pour  éclairer  la  salle. 

—  Et  la  salle  remplie  de  dilettanti  par  trop  légèrement  vêtus. 

—  Et  les  instruments  hyperboliques  de  l'orchestre. 

—  Et  le  chef  d'orchestre  lui-même,  qui  est  furieux  contre  vous,  et 
qui  d'ailleurs  ne  dirige  aucun  orchestre  à  Honolulu,  où  il  n'y  en  a 
pas,  mais  où  il  ne  peut  manquer  d'y  en  avoir  bientôt. 

—  Comment  !  ce  chef  d'orchestre  ne  dirige  pas  d'orchestre  ? 

—  Non,  monsieur,  mais  il  n'en  est  pas  moins  un  excellent  chef 
d'orchestre. 

—  Ce  sont  les  meilleurs. 

—  Je  le  crois  comme  vous.  Toujours  est-il  que  le  chef  d'orchestre 
d'Honolulu  est  un  musicien  distingué  qui  dirige  avec  la  même  habi- 
leté les  orchestres  présents  et  les  orchestres  absents.  Témoin  l'or- 
chestre de  rOpéra-Italien  aux  Etats-Unis,  et  celui  de  la  Havane,  qui 
sont  de  véritables  orchestres  composés  de  véritables  instrumentistes 
et  d'instruments  très-réels,  et  qu'il  a  tour  à  tour  conduits  à  la  ba- 
guette, c'est  le  cas  de  le  dire. 

—  Mais,  répliquai-je,  en  serait-il  des  chanteurs  d'Honolulu  comme 
de  l'orchestre  de  cette  capitale,  et  la  représentation  du  Trovatore, 


DE  PARIS. 


309 


conduite  par  l'habile  chef  d'orchestre  des  îles  Sandwich,  n'aurait  elle 
existé  que  dans  l'imagination  du  journaliste  américain  dont  je  me 
suis  si  imprudemment  fait  l'écho? 

—  Non,  monsieur,  il  y  a  réellement  des  chanteurs  qui  chantent  à 
Honolulu,  et  s'il  n'y  a  pas  d'orchestre  dans  cette  ville,  il  y  a  du 
moins  un  chef  d'orchestre  comme  vous  l'avez  très-bien  dit,  et  une 
société  philharmonique  qui  mérite  tous  les  encouragements.  Du  reste, 
—  ajouta  avec  beaucoup  d'amabilité  M.  Vidal,  —  voici  une  lettre 
qui  m'est  adressée  par  le  directeur  de  cette  société,  avec  prière  de 
vous  la  communiquer. 

Je  pris  cette  lettre  et  je  lus  : 

«  Il  n'existe  pas  de  société  philharmonique  à  Honolulu...  » 

—  Ah  !  mon  Dieu  !  —  dis-je  en  m'interrompant  moi-même,  —  si 
l'orchestre  n'existe  pas  et  qu'il  n'existe  pas  non  plus  de  société 
philharmonique,  qu'existe-t-il  donc  en  fait  d'institution  musicale? 

Je  continuai  : 

(1  II  existe  une  société  musicale,  composée  d'amateurs,  dont  l'ob- 
jet principal  est  la  culture  du  chant  et  l'exécution  des  œuvres  des 
maîtres  anciens  et  modernes.  » 

—  Mais  n'est-ce  pas  la  même  chose?  demanda  M.  Vidal. 

—  Exactement,  —  lui  dis-je.  Et  je  poursuivis  : 

«  La  société  a  été  formée,  en  1853,  par  quelques  amateurs  étran- 
gers,  résidant  à  Honolulu,  sur  le  .modèle  de  celles  d'Europe,  ne 
donnant  de  concerts  publics  que  quand  il  s'agit  de  venir  en  aide  à 
la  charité.  La  société  musicale  de  Honolulu  se  compose  de  quarante 
membres  actifs  et  d'un  certain  nombre  de  membres  honoraires,  qui 
tous  sont  étrangers,  à  l'exception  de  trois  dames  nées  ici,  mais  dont 
deux  sont  mariées  à  des  étrangers.  Il  n'y  a  pas  d'orchestre  à  Hono- 
lulu ;  quelques-uns  des  membres,  amateurs  distingués,  se  font  en- 
tendre de  temps  à  autre  sur  leurs  instruments  respectifs  (flfite  et 
violon)  ,  avec  accompagnement  de  piano.  Lrs  autres  instruments 
dont  on  parle  dans  le  feuilleton  du  Siècle  n'existent  que  dans  l'ima- 
gination du  correspondant  de  ce  journal. 

»  Les  membres  de  la  société  musicale  ont  donné,  il  y  a  quelque 
temps,  une  représentation  opérative  (sic)  privée,  ou  plutôt  une  re- 
présentation de  tableaux  opératiques  (sic),  à  laquelle  Leurs  Majestés 
le  roi  et  la  reine  ont  assisté,  ainsi  que  les  familles  et  les  amis  des 
membres  de  la  société.  Une  scène  du  Trovalore  (le  chœur  des  en- 
clumes) et  celle  du  marché,  de  l'opéra  Martha,  de  Flolow,  ont  été 
représentées  d'une  manière  très-  satisfaisante  (bien  entendu  avec  ac- 
compagnement de  piano  seul)  ;  tous  les  rôles  furent  chantés  et  joués 
par  des  membres  de  la  société.  Sa  Majesté  le  roi,  qui  est,  comme 
vous  le  savez,  excellent  juge  en  matière  musicale,  ayant  entendu  les 
plus  grands  artistes  pendant  son  voyage  en  Europe,  a  saisi  cette  oc- 
casion pour  donner  à  la  reine  le  plaisir  de  voir  une  représentation 
opératique  (dramatique),  et,  avec  sa  générosité  bien  connue,  non- 
seulement  il  a  facilité  par  tous  les  moyens  possibles  l'exécution  do 
ce  projet,  mais  il  a  défrayé  toutes  les  dépenses  de  l'entreprise.  Il  y 
a  deux  ans  que  la  société  m'a  confié  la  direction  de  la  partie  musi- 
cale, et  je  me  permets  d'ajouter,  pour  l'édification  de  M.  Oscar  Co- 
meltant,  que  celui  qu'il  se  plaît  d'appeler  un  barbier  irlandais  est  un 
de  ses  compatriotes,  aussi  bon  Français  que  lui,  ancien  chef  d'or- 
chestre de  l'Opéra  Italien  aux  Etats-Unis  et  à  la  Havane,  et  bien 
connu  dans  ce  pays. 

»  Signé:  E.  ilASSLOcuER.  » 

—  M.  Vidal,  —  dis-je  au  consul  général  du  royaume  hawaïen,  — 
je  suis  de  ceux  qui  veulent  qu'on  rende  à  César  ce  qui  appartient  à 
César,  et  aux  chefs  d'orchestre  ce  qui  appartient  aux  directeurs  de 
sociétés  chorales.  En  conséquence,  je  ferai  dans  le  journal  même  où 
j'ai  commis  le  crime,  la  plus  large  rectification  concernant  la  fameuse 
représentation  du  Trovalore  et  l'habile  chef  qui  en  dirigeait  l'exécu- 


tion ;  mais  j'attends  de  vous  la  réalisation  de  la  promesse  que  vous 
avez  bien  voulu  me  faire  pour  me  mettre  à  même  de  rendre  au 
royaume  hawaïen  la  justice  qu'il  mérite  comme  peuple  civilisé. 

Oscar  COMETÏANT. 


NOUVELLES. 

^*^  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  lundi  et  vendredi  les  Vêpres 
siciliennes.  Caron  y  remplace  Bonnehée  dans  le  rôle  du  duc  de  Mont- 
fort;  il  s'y  est  fait  applaudir;  le  duo  du  quatrième  acte  et  le  boléro  du 
cinquième  sont  un  grand  succès  pour  Mlle  Sax. —  Mercredi,  la  Favorite 
et  le  Marché  des  Innocents  occupaient  l'afficlie.  —  .\ujourd'liui  dimanche 
on  donne  ce  même  spectacle. 

^'%  Gueymard  est  depuis  une  dizaine  de  jours  en  proie  à  de  violentes 
douleurs  de  goutte  sciatique  qui  le  tiennent  éloigné  de  la  scène. 

,*^  La  reprise  du  Songe  d'une  nuit  d'élé  est  fructeuse  pour  le  théâtre 
de  l'Opéra-Comique.  Remise  d'une  émotion,  bien  naturelle  le  jour  de  sa 
réapparition  sur  cette  scène,  Mlle  Monroso  s'acquitte  très-bien  du  rôle 
de  la  reine,  et  Achard  chante  d'une  façon  charmante  celui  de  Shakes- 
peare.— Un  débutant  nommé  llénault  a  remplacé  Justin  dans  le  rôle  de 
Latimer.  —  Demain  lundi,  Montaubry  et  Mlle  Cico,  de  retour  de  leur 
congé,  reparaîtront  dans  Lalla  Roukh.  —  On  jouera  avec  l'opéra  de 
Félicien  David  le  Tableau  parlant. 

^*^  Malgré  l'activité  déployée  dans  les  travaux  intérieurs  de  la  salle 
Ventadour,  on  commence  à  craindre  qu'elle  ne  soit  pas  prête  à  recevoir 
les  spectateurs  à  l'époque  fixée  ;  mais  il  ne  s'agirait  que  d'un  délai  de 
quelques  jours,  et  la  direction  fait  annoncer  que  les  représentations  re- 
tardées seraient  rendues  aux  abonnés  dans  le  cours  de  la  saison.  En 
attendant,  l'abonnement  marche  à  souhait,  et  l'on  affirme  qu'il  dépasse 
aujourd'hui  le  chifïre  de  500,000  francs.  —  Mario  a  traversé  Paris,  ve- 
nant d'Italie  et  se  rendant  à  Madrid,  où  il  commence  la  saison.  —  On 
répète  activement  les  principaux  opéras  du  répertoire. 

^*^  L'indisposition  de  Mlle  de  Maesen  se  prolongeant,  la  première  re- 
présentation des  Pécheurs  de  perles  est  ajournée  à  la  semaine  prochaine. 
On  espère  qu'elle  pourra  être  donnée  le  £8.  —  En  attendant,  les  Noces 
de  Figaro,  Joseph  et  l'Epreuve  villageoise  attirent  chaque  soir  un  nom- 
breux public  au  théâtre  Lyrique  impérial.  —  On  y  remonte  avec  acti- 
vité la  Perte  du  Brésil,  de  Félicien  David,  qui  aura  pour  principaux  in- 
terprètes Mme  Carvalho,  Pilo  et  Georges  Cabel. 

j,*^  Mme  la  baronne  Vigier,  née  Sophie  Cruvelli,  est  en  ce  moment  à 
Paris. 

/^  La  municipalité  de  la  ville  de  Bayonne  a  ouvert  un  concours  agri- 
cole le  20  septembre,  et  à  cette  occasion  des  concours  d'orphéons,  de 
fanfares  et  de  musique  d'harmonie  militaire  y  ont  eu  lieu  au  milieu 
d'une  population  immense,  qu'une  véritable  pluie  diluvienne  n'avait 
pas  arrêtée.  Les  jurys  étaient  présidés  par  M.  A.  Elwart  et  Cadeaux, 
assistés  de  MM.  Grosset,  Collin,  Laurent  de  Rillé,  Bafîarra  et  Wilfrid 
d'Indy.  Le  premier  prix  du  chant  a  été  remporté  par  les  Neustriens  de 
Caen,  celui  de  fanfare  par  la  Société  d'Orbec,  et  celui  d'harmonie  par 
la  musique  municipale  de  Caon. 

,'%  Après  avoir  donné  quelques  représentations  à  Cologne,  M.  Mar- 
chesi  s'est  rendu  à  Ostende,  où  il  a  chanté  avec  sa  femme  devant  un 
bon  nombre  d'amateurs.  M.  Blumner,  pianiste  de  Londres,  s'était  joint 
au  couple  musical  et  a  partagé  son  succès  dans  le  concert  qui  avait 
lieu  le  16  de  ce  mois. 

,*^  La  ville  de  Colmar  (Haut-Rliin)  a  inauguré  sa  saison  théâtrale 
par  un  opéra-comique  en  trois  actes  et  en  dialecte  alsacien,  libretto  de 
M.  Mangold,  pâtissier  à  Colmar  ;  quant  à  la  musique,  elle  est  de  H.  J.-B. 
Wekerlin,  dont  nous  avons  souvent  eu  occasion  de  parler.  Cet  ouvrage 
s'appelle  die  dreifache  Hochzitt  ira  BœsœUial  {les  Trois  noces  dans  la  vallée 
des  balais);  son  succès  a  été  on  ne  peut  plus  brillant;  acteurs  et  auteurs 
ont  été  rappelés  sur  la  scène  ;  le  troisième  acte  a  été  bissé  à  peu  près 
tout  entier.  L'orphéon  de  Colmar  a  offert  deux  couronnes  aux  auteurs. 

**,  Bertlielicr  poursuit  le  cours  de  ses  triomphes.  Depuis  Levassor,  la 
chansonnette  comique  n'avait  pas  rencontré  de  plus  joyeux  interprète. 
Cette  semaine  au  Havre,  dans  le  salon  Frascati,  sous  le  patronage  de 
Mme  Orfila  et  avec  le  concours  de  Lecieux,  un  concert  avait  été  pour 
ainsi  dire  improvisé,  qui  avait  rempli  la  salle,  et  dans  lequel  la  scène 
comique  C'est  ma  fille,  l'Humour  britannique,  Coçue/i'co/,  ont  fait  pâmer  de 
rire  l'assemblée.  —  Le  lendemain,  à  Villers,  concert  improvisé  en  deux 
heures  et  même  succès. 

**:,;  Après  son  retour  de  Bade,  où  il  s'est  fait  enlendre  plusieurs  fois 
et  où  il  est  engagé  pour  le  concert  d'octobre  avec  Batta,  Vivier  est 
parti  pour  Biarritz  ;  le  célèbre  corniste  y  a  été  mandé  pour  jouer  à  la 
villa  Eugénie. 

„*^  Nous  avons  eu  la  bonne  fortune  d'entendre  jeudi  dernier,  dans 
une  réunion  privée,  une  jeune  femme  d'origine  italienne,  mais  qui  de- 


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REVUE  lîT  GAZETTE  MUSICALE 


puis  plusieurs  années  était  fixée  en  Espagne,  et  en  dernier  lieu  à  Sé- 
ville,  où  sa  belle  voix  et  une  excellente  métliode  cliarmaient  les  dilet- 
tanti  des  salons  aristocratiques  et  des  concerts.  Le  cercle  philharmonique 
de  Séville  entre  autres  lui  a  dû  de  belles  soirées  et  de  grands  succès. 
Mme  Gagliano.  c'est  son  nom,  était  venue  passer  quelques  jours  à  Paris; 
mais  après  s'être  fait  entendre  devant  quelques  connaisseurs,  il  lui  a 
été  difficile  de  se  refuser  aux  instances  qui  lui  ont  été  faites  d'y  restor 
cet  hiver  et  de  s'y  faire  connaître.  Mme  Gagliano  possède  une  voix  de 
mezzo-soprano  dont  le  timbre  et  la  sonorité  sont  des  plus  agréables, 
et  elle  la  conduit  en  artiste  qui  a  été  à  bonne  école.  Son  séjour  en  Es- 
pagne l'a  de  plus  familiarisée  avec  la  musique  populaire  du  pays,  et 
personne  ne  chante  avec  plus  de  verve  et  d'entrain  les  chansonnettes 
espagnoles  dans  lesquelles  excellaient  Mme  Léonard  et  Mme  Viardot.  Les 
bonnes  chanteuses  de  concert  sont  rares  ;  nous  croyons  donc  pouvoir 
prédire  à  Mme  Gagliano  une  grande  vogue  pour  ceux,  de  la  saison  pro- 
chaine. 

»*t  Le  lycée  musical  de  Bologne,  dont  Rossini  et  Donizetti  furent  les 
élèves,  et  qui  fut  si  célèbre  autrefois,  lorsqu'il  eut  à  sa  tête  le  père 
Martini,  puis  le  père  Stanislas  Mattei,  va,  dit-on,  retrouver  son  an- 
cienne splendeur  sous  la  direction  du  maestro  G.  B.  Beretta,  de  Vérone, 
qui  vient  d'être  appelé  par  le  conseil  communal  de  Bologne  à  ces  im- 
portantes fonctions.  Musicien  consommé,  érudit  profond,  critique  plein 
de  tact  et  de  jugement,  M.  Beretta,  qui  est  encore  jeune  d'âge  et  d'es- 
prit, est,  assure-t-on,  le  meilleur  choix  que  l'on  pût  faire  en  cette  cir- 
constance. La  nomination  à  ce  poste  élevé  était  pendante  depuis  plus 
de  deux  ans  ;  plusieurs  maéstri  distingués  s'étaient  mis  sur  les  rangs,  et 
M.  Beretta  a  été  élu  par  la  presque  unanimité  des  membres  du  conseil. 

»**  Une  correspondance  du  Nord  parle  avec  grands  éloges  d'une  jeune 
cantatrice  moscovite,  Mlle  Catherine  Massoni,  qui  a  chanté  plusieurs 
fois  avec  un  grand  succès  au  kursaal  d'Ostende.  Mlle  Massoni,  qui 
possède  une  belle  voix  de  mezzo-soprano,  se  destine  au  théâtre  et  va 
perfectionner  en  Italie  ses  études  musicales. 

***  La  musique  a  dignement  tenu  sa  place  dans  les  fêtes  du  congrès 
de  Gand,  qu'elle  a  brillamment  terminées  par  un  concert  donné  le  ven- 
dredi au  Grand-Théâtre.  On  s'était  assuré  le  concours  de  Mlle  Marie 
Sax,  de  Vieuxtemps  et  de  Wicart.  Quoique  le  prix  des  places  eût  été 
augmenté,  la  salle  était  complètement  remplie  et  offrait  un  magnifique 
coup  d'œil.  Après  l'ouverture  de  Freysclmts,  Wicart  a  chanté  le  grand 
air  d  Eléazar,  de  ta  Juiuo,  l'un  des  rôles  qui  ont  le  plus  contribué 
à  établir  sa  réputation.  Il  s'y  est  surpassé.  Dans  les  trois  morceaux 
chantés  par  Mlle  Sax,  Robin  des  Bois,  Pierre  de  Medicis  et  le  Trouvère, 
elle  a  été  chaleureusement  applaudie  et  chaque  fois  rappelée.  Quant  à 
Vieuxtemps,  son  triomphe  habituel  était  d'avance  assuré;  son  concerto 
en  la  mineur  et  sa  ballade  polonaise  lui  ont  valu  des  acclamations  fré- 
nétiques, et  les  honneurs  d'une  ovation  décernés  par  l'unanimité  du 
public.  Une  belle  page  de  Gevaert,  l'ouverture  de  Hugues  de  Somer- 
gcm,  deux  chœurs,  l'un  de  la  Création  de  Haydn,  et  l'autre  du  Messie 
de  Haendel,  chantés  par  six  cents  exécutants  appartenant  aux  écoles 
communales  de  Gand,  ont  été  particulièrement  remarqués,  et  ont  ri- 
chement complété  le  programme  de  ce  beau  concert  dont  le  souvenir 
sera  longtemps  gardé  dans  nos  annales  artistiques. 

^"^  L'ouverture  des  concerts  populaires,  sous  la  direction  de  M.  Pas- 
deloup,  est  fixée  au  25  octobre  prochain. 

**,  Après  son  concert  à  Ems,  Mme  Corinne  deLuigi,  avec  MM.  Favilli, 
Monari-Rocca  et  Pallat,  n'a  pas  eu  moins  de  succès  à  "Wiesbaden.  On 
l'attendait  à  Hombourg. 

***  Nous  lisons  dans  les  journaux  italiens,  qu'à  l'imitation  de  ce  qu'a- 
vait entrepris  l'éditeur  Guidi  à  Florence,  le  chef  d'un  des  principaux 
établissements  d'Italie,  M.  Tito  di  Ricordi,  éditeur  à  Milan,  vient  de 
prendre  la  louable  initiative  de  fonder,  dans  la  ville  musicale  par  ex- 
cellence, une  Société  de  quatuors,  qui  a  pour  but  principal  d'encourager 
le  culte  de  la  musique,  d'en  conserver  les  bonnes  traditions  et  de  faire 
connaître  les  œuvres  classiques  des  maîtres.  Nul  doute  que  M.  Ricordi 
ne  soit  chaleureusement  secondé  dans  sa  louable  tentative.  La  Société 
organisera  des  concours  et  des  prix  y  seront  affectés;  elle  aura  en  outre 
une  Gazette  musicale,  qui  sera  l'organe  de  la  Société.  Enfin  elle  admet- 
tra des  associés-fondateurs  qui  paieront  40  livres  par  an,  des  associés 
ordinaires  qui  paieront  25  livres,  et  des  associés  correspondants  qui 
paieront  20  livres.  On  peut  s'adresser  pour  tous  autres  renseignements 
à  1  établissement  musical  de  Tito  di  Ricordi  à  Milan,  piazza  délia  Scala. 

,*,  On  annonce  la  publication  prochaine  d'un  premier  quadrille  d'A- 
lexandre Musard,  petit-fils  de  feu  Philippe  Musard,  le  célèbre  chef  d'or- 
chestre et  compositeur.  Le  public  accueillera,  sans  nul  doute,  favora- 
blement les  premiers  essais  de  ce  jeune  artiste  dont  la  situation  ins- 
pire un  véritable  intérêt. 

***  Le  professeur  éminent  F.  Bonoldi,  de  retour  à  Paris,  se  propose 
d'entreprendre  incessamment  et  plus  tôt  que  d'habitude  les  séances  de 
musique  vocale  d'ensemble  qu'il  donne  gratuitement  à  ses  élèves. 

**»  M.  J.-Ch.  Hess  ouvrira  un  nouveau  cours  de  piano  le  15  octobre 
prochain,  à  son  domicile,  rue  Monsieur-le-Prince,  30. 

»*,  Aujourd'hui  dimanche,  une  grande  matinée  musicale  et  drama- 


tique, organisée  par  M.  Samary,  sera  donnée  à  Ville-d'Avray,  au  profit 
des  pauvres,  dans  les  magnifiques  salons  d'été  de  Mme  la  duchesse 
de  Riario-Sforza.  Roger,  Mme  Charton-Demeur,  Georges  Mathias,  Samary, 
White,  Maton  et  autres  artistes  prêteront  leur  concours  à  cette  solennité. 
Mlles  Marie  Samary  et  Camille  Dortet,  nièces  de  Mmes  Augustine  et 
Madeleine  Brohan,  joueront  V Idylle,  d'Alfred  de  Musset,  qu'elles  ont  dite 
pour  la  première  fois  au  Cercle  de  l'Union  artistique,  avec  un  succès 
constaté  par  toute  la  presse. 

**^  Seligmann  est  de  retour  à  Paris. 

,.s**Dans  une  soirée  musicale  donnée  ceUe  semaine  chez  M.  Steph.de  la 
Madeleine,  on  a  chanté  la  Leçon  du,  grand-papa,  paroles  d'Ed.  Plouvier, 
musique  du  comte  M.  Graziani.  Cette  très-jolie  mélodie,  dont  nous  avons 
déjà  parlé,  a  obtenu  dans  cette  réunion  de  connaisseurs  un  véritable 
succès. 

,*»  Le  docteur  Otto  Lindner,  de  Berlin,  qui  s'est  fait  connaître  par 
son  excellent  travail  sur  les  Commencements  de  l'opéra  allemand,  vient  de 
réunir  en  un  volume  les  articles  qu'il  avait  fait  insérer  successivement 
dans  divers  journaux.  Ce  volume,  intitulé  :  Zar  Tonkunst  (m.  à  ra. 
pour  la  musique),  contient  entre  autres  des  études  intéressantes  sur  les 
maîtres  anciens,  et  mérite  sous  ce  rapport  de  fixer  l'attentioa  des  mu- 
sicologues. 

**j.  L'éditeur  Adolphe  Catelin  vient  de  publier  une  très-belle  édition 
de  la  célèbre  Marche  funèbre  de  Beethoven,  pour  piano,  à  deux  et  à 
quatre  mains. 

s,*:,,  Aujourd'hui  dimauche,  de  2  à  5  heures,  deuxième  matinée  musi- 
cale, au  concert  des  Champs-Elj'sées.  Ces  réunions  musicales,  organisées 
avec  le  plus  grand  soin  par  M.  de  Besselièvre,  obtiendront  tout  le  succès 
qu'avaient  si  justement  mérité  les  soirées  de  cet  été.  L'orchestre  est 
dirigé  par  un  habile  artijte,  M.  Gobert,  dont  le  talent  est  aussi  brillant 
que  sympathique. 

»*„  Nous  annonçons  la  publication  d'une  romance  sans  paroles  :  la 
Pensée,  pour  piano,  composée  par  Mlle  Joséphine  Caye,  de  Metz.  C'est  le 
coup  d'essai  d'une  jeune  artiste  qui  révèle  dans  ce  morceau  l'avenir 
d'un  joli  talent. 

»*„  Sous  le  titre  de  Trailé  des  intonations,  méthode  pour  prendre  tou- 
tes les  intonations,  même  les  plus  bizarres  et  les  plus  étranges,  avec 
la  même  facilité,  M.  Aulagnier  vient  de  traiter  une  question  des  pins  in- 
téressantes pour  les  chanteurs  et  un  complément  indispensable  à  tous 
les  solfèges  existants.  Nous  le  recommandons  à  l'attention  des  maîtres 
de  chant.  Il  se  vend  1  franc  net  chez  l'auteur,  18,  rue  de  la  Grange- 
Batelière. 

^*^  Voici  la  liste  des  ouvrages  envoyés  cette  année  à  l'Académie  des 
Beaux-Arts  par  les  pensionnaires  musiciens  de  l'Académie  de  France  à 
Rome  :  Messe  solennelle  et  une  ouverture,  par  M.  Dubois,  pensionnaire  de 
première  année,  élève  de  MM.  Ambroise  Thomas  et  François  Bazin.  — 
Opéra  bouffe  italien  et  une  ouverture,  par  M.  Paladilhe,  pensionnaire  de 
deuxième  année,  élève  de  M.  Halévy.  —  Opéra-comique  français  et  une 
ouverture,  par  M.  Giraud,  pensionnaire  de  troisième  année,  élève  de 
Al.  Halévj'.  —  Deux  morceaux  de  symphonie  et  des  fragments  d'un  opéra 
Italien,  par  M.  Samuel  David,  pensionnaire  de  quatrième  année,  élève 
de  MM.  IJalévy  et  François  Bazin. 

^*<,  Le  casino  de  la  rue  Cadet  a  rouvert  ses  portes  au  public  et  Arbaii 
y  a  repris  le  bâton  de  chef  d'orchestre,  qu'il  a  tenu  tout  l'été  si  magis- 
tralement aux  Champs-Elysées.  Il  avait  composé  pour  la  solennité,  sur 
les  motifs  de  Zampa,  une  de  ces  belles  fantaisies  dans  lesquelles  il  ex- 
celle, et  elle  a  été  accueillie  par  les  plus  chaleureux  applaudissements. 
Il  faut  dire  qu'elle  a  été  exécutée  avec  un  admirable  ensemble  par  les 
arlistes  d'élite  qui  composent  l'orchestre  du  Casino,  et  parmi  les- 
quels, sans  parler  de  leur  chef,  se  distinguent  des  solistes  du  premier 
mérite. 

»**  Aujourd'hui  dimanche,  grande  fête  au  Pré-Catelan.  Dernier  grand 
bal  offert  par  Musard  à  la  jeunesse  p.arisieane.  Orchestre  de  symphonie 
avec  son  riche  programme,  fanfares  et  musiques  militaires. 

,^*^,  Salle  Robin .  —  Leurs  Excellences  les  ambassadeurs  annamites 
ont  honoré  de  leur  présence,  jeudi  dernier,  la  représentation  de  M.  Ro- 
bin ;  une  foule  immense  encombrait  la  salle  et  plus  de  mille  personnes 
n'ont  pu  y  pénétrer.  Leurs  E.xcellences  ont  paru  émerveillées  toute  la 
soirée,  et  leur  admiration  a  particulièrement  portée  sur  les  expériences 
scientifiques.  Les  tableaux  de  l'agioscope  leur  ont  causé  un  plaisir  in- 
fini, et  leur  surprise  a  été  des  plus  agréables  en  voyant  les  tableaux 
des  grottes  Qaam-am  a  Touranne  en  Cochinchine,  tableaux  que  M.  Pobin 
avait  eu  la  gracieuseté  de  faire  peindre  exprès  pour  eux.  La  représen- 
tion  a  été  terminée  par  les  Spectres,  dans  lesquels  M.  Robin  a  fait  appa- 
raître une  personne  de  leur  suite  qu'ils  ont  parfaitement  reconnue.  Telle 
était  la  surprise  annoncée  et  ce  qu'on  nomme  dans  les  théâtres,  comme 
aux  feux  d'artifice,  le  bouquet. 


DE  PARIS. 


311 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


**,  Londres.  —  Les  concerts  de  M.  Alf.  Mellon  sonl  toujours  très-sui- 
vis. Le  concours  de  Mlle  Carlotta  Patti  et  du  violoniste  Lotto  leur  donne 
un  grand  attrait.  A  l'une  des  dernières  soirées  on  leur  avait  adjoint 
l'excellent  baryton  Santley,  dont  la  belle  voix  est  chaleureusement  ap- 
plaudie. Mais  la  surprise  agréable  du  concert  de  samedi  a  été  la  grande 
marche  du  Prophète,  à  l'exécution  de  laquelle  concourait  la  musique 
des  «  coldstream  guards.  >>  Cette  magnifique  composition  a  produit  un 
immense  effet. 

^*»  Wiesbade.  —  L'administration  du  Cursaal  vient  de  donner  son 
dixième  concert.  Cette  soirée,  l'une  des  dernières  de  la  saison,  mérite 
une  mention  toute  spéciale.  Hans  Biilow,  le  merveilleux  pianiste,  a  joué 
trois  morceaux  :  un  concerto  de  Franz  Liszt,  une  caracole  de  Rubins- 
tein,  et  une  fantaisie  de  Liszt  sur  Robert  le  Diable,  servais  s'est  fait  en- 
tendre ensuite,  Servais  qui  tire  de  son  instrument  des  sons  d'une  dou- 
ceur et  d'une  suavité  enchanteresses,  et  qui  joint  à  cette  inappréciable 
faculté  un  style  large,  d'une  distinction  parfaite  et  la  plus  brillante 
exécution.  Les  splendides  cadences  de  sa  fantaisie  et  ses  variations  sur 
le  Carnaval,  ont  soulevé  des  tonnerres  d'applaudissements.  Colosanti, 
l'Ole  Bull  de  l'ophicléide,  a  fait  à  son  tour  admirer  la  perfection  qu'il 
a  su  acquérir  sur  cet  instrument.  Les  trois  artistes  ont  reçu  du  pu- 
blic les  témoignages  les  plus  flatteurs  de  sympathie. 

„*^  Cologne.  —  La  Dinorah  de  Meyerbeer  continue  d'être  la  pièce 
d'attraction  et  fait  la  fortune  de  notre  théâtre  Victoria.  Douze  représen- 
tations de  suite  —  et  c'est  beaucoup  pour  notre  ville  —  sont  loin  d'avoir 
épuisé  l'intérêt  et  ralenti  l'empressement  de  la  foule  qui  accourt  pour 
entendre  le  dernier  chef-d'csuvre  de  Meyerbeer.  Mme  l'Arronge  mérite 
sous  tous  les  rapports  son  grand  succès  dans  le  rôle  principal,  et  l'on 
admire  à  juste  titre  la  correction  de  sa  méthode  et  la  plus  charmante 
voix  du  monde.  MM.  Grunow-//oé7  et  Erber-Coren(m  s'acquittent  on  ne 
peut  mieux  de  leur  tâche.  Enfin  la  mise  en  scène  est  assez  soignée 
pour  qu'on  oublie  complètement  que  ce  n'est  pas  au  grand  théâtre  que 
les'représentations  ont  lieu. —  Le  directeur  du  théâtre  de  la  ville  vient 
de  compléter  son  personnel.  Parmi  les  artistes  engagés  pour  un  certain 
nombre  de  représentations,  on  remarque  Mlle  Désirée  Artot  et  le  ténor 
Carrion. 

,*^  Hambourg.  —  Mlle  A.  Patti  avait  choisi  le  Pardon  de  Plo'érmel 
pour  sa  troisième  représentation,  et  ce  choix  lui  a  porté  bonheur.  Dans 
les  rôles  d'Amina  et  de  Rosine,  Mlle  Patti  avait  déployé  toutes  les  qua- 
lités qui  distinguent  la  cantatrice  hors  ligne;  mais  celui  de  Dinorah  a 
été  son  triomphe;  jamais  on  n'avait  entendu  chanter  ce  rôle  si  poétique 
avec  autant  do  [grâce  et  de  sensibilité  qu'y  en  a  mis  la  jeune  artiste. 
L'annonce  seule  de  la  représentation  du  dernier  chef-d'œuvre  rie  Meyer- 
beer avait  d'ailleurs  attiré  une  affluence  considérable  de  spectateurs,  et 
la  salle  était  comble.  Les  délicieux  motifs  qui  abondent  dans  cet  opéra 
étaient  saisis  et  appréciés  par  le  public,  qui  applaudissait  à  chaque  ins- 
tant avec  un  enthousiasme  dont  il  ne  se  montre  pas  en  général  fort 
prodigue.  En  un  jnot,  le  Pardon  de  Phérinel  chanté  ainsi  a  été  un  véri- 
table événement  pour  Hambourg. 

,**  Brème.  —  L'académie  de  chant  a  repris  ses  études  ;  elle  doit  exé- 
cuter dans  le  courant  de  la  saison  la  grande  messe  de  Beethoven  et 
l'oratorio,  Paulus  de  Mendehsohn. 

^*^  Vienne.  —  Le  célèbre  lénor  Wachtel  vient  d'interrompre  brus- 
quement ses  débuts  à  la  suite  de  discussions  assez  vives  qu'il  a  eues 
avec  la  direction  du  théâtre  de  la  cour.  Wachtel  avait  chanté  chaque 
fois  devant  une  salle  comble,  et  avait  obtenu  récemment  un  véritable 
triomphe  dans  le  rôle  de  Alanrico  du  Trouvère;  après  la  fin  du  troi- 
sième acte  il  avait  été  rappelé  quatre  fois.  Heureusement  les  hostilités 
n'ont  pas  été  de  longue  durée,  et  la  paix  qui  a  été  signée  a  satisfait ,  tout 
le  monde,  y  compris  le  public.  Mardi  22  septembre,  Wachtel  a  paru 
pour  la  première  fois  dans  Alessandro  de  Stradella,  non  plus  en  qualité 
de  débutant,  mais  comme  ténor  désormais  attaché  à  l'opéra  de  la  cour. 
— Rokitansky,  du  théâtre  de  Prague,  a  terminé  ses  représentations  par 
le  rôle  de  Bertram,  de  Robert  le  Diable;  Mme  Fabri  Mulder  chantait 
celui  d'Alice,  et  Mlle  Liebhart  Isabelle.  —  M.  Rokitansky  a  été  engagé 
pour  quatre  ans  au  théâtre  de  l'Opéra.  —  Mme  Csillag  vient  d'arriver 
ici. 

^*j  Hanovre.  —  Il  a  été  décidé  que  l'opéra  de  Heller,  les  Catacombes, 
texte  de  M.  Hartmann,  sera  représenté  au  théâtre  de  la  cour  le  2i  oc- 
tobre prochain. 

***  Francfort-sur-Mcin, —  Une  œuvre  posthume  de  Marschner  :  Hiarne, 
e  Roi  du  chant,  opéra  eu  quatre  actes,  vient  d'être  représenté  pour  la 
première  fois  au  théâtre  de  la  ville.  Les  chœurs  sont  en  général  fort 
beaux.  Le  reste  de  la  partition  trahit  malheureusement  l'influence  des 
doctrines  émises  par  Richard  Wagner.  On  a  toutefois  remarqué  un  air 
d'Hiarne  au  quatrième  acte,  le  finale  du  deuxième  et  du  quatrième  acte, 
la  cavatine  du  premier  et  celle  du  quatrième  acte. 

f*^  Darmstadl.  —  Le  tliéàtre  de  la  cour  vient  de  donner   les  Hugue- 


nots avec  Mlle  Stœger,  de  Munich,  dans  le  rôle  d'Alice,  et  M.  Braun- 
Biern,  du  théâtre  national  de  Pesth,  dans  celui  de  Raoul. 

^*^  Berlin.  —  Mme  Parepa  doit  débuter,  dit-on,  au  théâtre  royal  par 
le  rôle  de  Lucrèce  Borgia.  —  Mme  Carlotta  Patti,  la  sœur  d'Adelina,  est 
attendue  ici  au  printemps  prochain  ;  elle  a  été  engagée  pour  l'opéra  de 
la  cour,  par  l'entremise  de  l'imprésario  Ullmann.  —  Les  représentations 
d'opéras  sont  terminées  pour  cette  saison,  à  la  salle  KroU.  Le  directeur, 
M.  Engel,  n'y  fera  plus  exécuter  que  des  concerts. 

***  Gratz.  —  Aucun  ouvrage  n'est  mieux  joué  sur  notre  scène  et 
n'attire  autant  le  public  que  la  Dinorah  de  Meyerbeer.  La  direction, 
du  reste,  n'a  reculé  devant  aucun  sacrifice,  et  tous  lest  artistes  rivali- 
sent de  zèle  pour  rendre  dignement  la  magnifique  partition  de  Meyer- 
beer. Une  grande  part  des  éloges  revient  à  notre  excellent  chef  d'or- 
chestre, M.  Stolz. 


Un  professeur  de  musique  de  Paris,  pianiste  et  organiste,  désire  trou- 
ver un  emploi  en  province,  soit  comme  directeur  d'orphéon,  soit  dans 
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De  Struensée,  chœur  à  quatre  voix. 

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L'immense  succès  que  les  Pianos  de  la  Maison  Henri  HERZ  ont  obtenu  à  l'Exposition  universelle  de  Paris,  en  1855, 
ient  de  se  reproduire  à  Londres  avec  plus  d'éclat  encore  :  aussi  le  Jury  international  vient-il,  en  plaçant  ces  instruments 
au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimité,  à  M.  Henri  HERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection 
reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport   de   la  solidité,  de  la  sonorité,  de  V égalité,  et  la  précision   du 


vient 


genres  de  fianos  et  sous  te  rappor 
mécanisme  dans  les  nuances  d'expression.  (Rapport  du  Jury  international.) 


MANUFACTURE    GÉNÉRALE    D'INSTRUMENTS    DE    MUSIQUE    EN    CUIVRE    ET    EN     BOIS 


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à  Paris. 


ADOLPHE    SAX 


*  >g< 


50,  rue  Saint- Cteorges 
à  Paris. 


Facteur  de  la  Maison  militaire  de  l'Empereur.  —  Professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique. 
Seule  grande  Médaille  d'honneur  à  l'Exposition  universelle  de  1853. 

RÉSUMÉ    DES   AVANTAGES   DES   SaXHOENS   ET   DES   SAXOTROMBAS. 

Le  Saxotromba,  ou  le  Saxhorn,  est  supérieur  à  ses  analogues  existants  précédemment,  comme  proportion  de  tubes  et  par 
conséquent  comme  son  ;  supérieur  comme  justesse  ;  supérieur  comme  création  de  famille  complète  ;  supérieur  comme  facilité  et 
unité  de  doigté  ;  supérieur  comme  forme  ou  contour  des  tubes  pour  l'émission  des  sons  ;  supérieur  comme  forme  pour  le  pla- 
cement et  le  maniement  de  l'instrument  ;  supérieur  comme,  ayant  une  même  direction  des  sons  (avantage  pour  l'auditeur  de 
recevoir  tous  les  sons  avec  la  même  puissance);  supérieur  en  ce  que  quelques  jours  suffisent  pour  former,  avec  des  amateurs  ou 
de  simples  conscrits  militaires,  une  musique  passable  ;  supérieur  en  ce  que  les  plus  gros  instruments  comme  les  petits  se 
tiennent  facilement  au  moyen  de  la  main  gauche  et  du  bras  gauche,  et  laissent  le  bras  et  la  main  droite  entièrement  libres, 
et  dans  la  meilleure  position  pour  le  jeu  des  doigts  sur  les  cylindres  ;  supérieur  en  ce  que,  quand  un  élève  a  déjà  fait  des 
études  et  qu'il  est  obligé  de  changer  d'instrument  faute  de  disposition  des  lèvres  ou  par  tout  autre  motif,  ses  études  acquises 
servent  pour  le  nouvel  instrument,  soit  trompette,  trombone  ou  tout  autre  instrument  ;  supérieur  en  ce  que  l'on  peut  faire  les 
études  les  plus  longues  et  les  plus  difficiles  sur  l'instrument  qui  fatigue  le  moins  et  les  reporter  sur  d'aiitres  plus  durs  à  jouer 
ou  plus  lourds  à  porter;  supérieur  en  ce  que,  dans  les  sociétés  ou  dans  un  régiment  de  cavalerie,  surtout  lors  des  congés,  il 
arrive  souvent  que  tous  les  artistes  d'une  même  catégorie  d'instruments  partent,  et  que,  dans  ce  cas,  on  peut  les  remplacer 
en  prenant  des  musiciens  dans  les  parties  les  mieux  garnies  pour  occuper  ou  remplacer  les  parties  manquantes;  supérieur  en 
ce  qu'on  ne  craint  pas  les  coups  de  tête  des  chevaux,  qui,  avec  les  anciens  instruments,  brisaient  parfois  les  dents  au  cav.a- 
lier;  supérieur  en  ce  que  l'on  peut  jouer,  le  cheval  au  trot  ou  au   galop,  l'instrument  suivant  toujours  les  mouvements  du 

corp's;  supérieur  pour  la  musique  en  marche  en  ce  que  l'instrument  ne  se  dérange  pas  sur  les  lèvres,  et  conserve  par  consé-  

quent  la  même  sonorité  qu'au  repos;  supérieur  pour  les  corps  de  musique  et  pour  le  militaire  surtout,  où  tout  est  régulier 
excepté  les  musiciens  et  les  instruments  d'après  le  système  ancien),  en  ce  que  tout  le  monde  se  trouve  dans  la  même  position,  toutes  les  mains  à  la  même 
tous  les  instruments  penchés  de  gauche  à  droite  ;  supérieur,  pour  la  musique  à  cheval  ou  de  cavalerie,  en  ce  que  si,  pendant  que  l'on  joue,  le  cheval  vient 
écart,  il  est  facile  de  ressaisir  les  brides  pour  le  ramener,  sans  déranger  riastrument  de  sa  position.  (f^^ 

Toni  lei  iniirmmii  toriani  de  la  fabrique  perieoi  l'instription  suivante  :  Adolphe  Sax,  à  Paris,  facteur  de  la  maison  militaire  de  l'Empereur,     W??) 

le  numéro  d'ordre  de  rini(rumenl  et  le  poinçon  ci-apr'es  :  JlxJ^ 


hauteur  et 
à  faire  un 


PRIX  ACCOEDÉ   A   L'ONANIMITÉ   A    i'eXPOSITION 
UNIVERSELLE  DE   LONDRES   1851. 

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ANTOINE  COURTOIS 


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A   l'e\fositio«    universelle   de  paris  1855. 

Facteur  du    Conservatoire   et  do 
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Perspect.  Newsky,  maison  de  l'égliseSt-Pierre. 


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La  maison  ANTOINE  COURTOIS  ayant  agrandi  ses  ateliers,  est  en  mesure  de  satisfaire  à  toutes  Iss  demandes  qui  pourront  lui  être 
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4  Octobre  1863. 


OIV  S'ABONNE  l 

Dans  les  Départements  et  à  l'Étranger,  chez  tous 
les  Marchands  de  Blusique,  les  Libraires,  et  auE 
Purcflui  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


PRIS  DE  L'ABONNEUENT  : 

Paris 24  fr.  par  on 

Départements,  Belgique  et  Suisse —     30  »       id. 

Étranger 34  >»       id. 

le  Joutnal  paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE  MUSICALE 


-^^\A/UWVf\i\Pjvv\- 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  Lyrique  impérial  :  les  Pécheurs  de  perles,  opéra  ea  trois 
actes,  paroles  de  MM.  Michel  Carré  et  Cormon ,  musique  de  M.  Bizet,  par 
liéon  Durocher.  —  Répétition  du  premier  Requiem  de  Cherubini.  —  Un 
facteur  de  clavecins, —  Lettres  de  Mendelssohn,  traduites  par  J,  Doesberg^.— 
Nouvelles  et  annonces. 


THEATRE  LYRIQUE  IMPERIÂI. 

liES    PÊCnUlJBS    DE!    PERLES, 

Opéra  en  trois  actes,  paroles  de  MM.  Michel  Carré  et  Cormon, 

mîisique  de  M.  Bizet. 

(Première  représentation  le  30  septembre.) 

Ceci  n'est  point  un  opéra-comique,  d'abord  parce  qu'il  ne  s'y 
trouve  rien  de  comique,  ensuite,  parce  que  la  musique  n'y  chôme 
pas  un  seul  instant.  —  Chant  et  récitatif,  il  n'y  a  pas  autre  chose. 
Les  récitatifs  y  sont  même  très-rares,  et  de  plus,  très-courts. —  Trop 
courts,  diront  sans  doute  ceux  qui,  en  voyant  une  pièce,  ciiment  à 
savoir  de  quoi  il  s'agit,  car  c'est  dans  les  récitatifs  qu'on  met  d'or- 
dinaire les  explications,  les  préparations,  les  narrations,  tout  ce  qu'on 
a  besoin  de  connaître  pour  comprendre  la  situation  des  personnages, 
les  sentiments  qui  les  animent,  les  passions  qui  les  agitent,  le  but 
de  ce  qu'on  leur  voit  faire.  Si  le  drame  de  MM.  Cormon  et  Carré 
est  à  peu  près  aussi  transparent  qu'une  bouteille  d'encre,  c'est  à  la 
rareté  des  récitatifs  qu'il  faut  s'en  prendre,  et  au  voile  symphonique 
dont  l'auteur  a  couvert,  presque  partout,  le  peu  qu'il  y  en  a. 

Voici  ce  que  nous  avons  pu  distinguer  à  travers  le  bruissement 
continu  de  l'orchestre  : 

La  scène  est  aux  Indes,  dans  un  lieu  (nous  ne  savons  lequel)  où  l'in- 
dustrie de  la  population  consiste  à  pêcher  des  perles.  L'Océan  se  dé- 
veloppe sur  la  toile  du  fond,  borné  du  côté  droit  par  une  falaise 
abrupte  qui  le  surmonte.  Au  sommet  le  plus  escarpé  de  cette  falaise 
s'élève  une  pagode  à  l'architecture  massive  et  bizarre,  comme  on  en 
voit  dans  l'Hindoustan.  Après  que  les  bayadères  ont  dansé  sur  la 
plage  et  que  les  pêcheurs  de  perles  ont  chanté,  Zurga,  l'un  d'eux, 
leur  fait  une  harangue  :  —  Mes  amis,  il  nous  faut  un  chef.  Choisissez- 
le  sur  l'heure. —  Très-bien!  répondent  les  pêcheurs  ;  c'est  toi  que 
nous  choisissons,  Zurga.  Sois  notre  chef  !  Zurga  ne  demande  pas 
mieux.  A  dater  de  ce  moment,  il  a  droit  de  vie  et  de  mort  sur  tout 
ce  qui  l'entoure.  Le  gouvernement  du  pays  s'en  arrangera  comme  il 
pourra. 

Parmi  ces  pêcheurs,  Nadir  se  fait  remarquer  par  une  superbe  barbe 


noire,  ornement  dont  tous  ses  camarades  sont  dépourvus.  Nadir  re- 
vient on  ne  sait  d'où,  et  Zurga  le  revoit  avec  plaisir.  Ce  sont  deux 
vrais  amis,  dignes  du  Monomotapa.  Nous  ne  savons  trop  ce  qu'ils 
se  disent.  Il  paraît  qu'ils  ont  été  amoureux  l'un  et  l'autre  d'une 
femme  inconnue,  qu'ils  font  serment  d'oublier.  —  Pourquoi  ?  C'est 
ce  que  nous  n'avons  pu  comprendre.  Bientôt  arrive  un  vieux  brah- 
mine,  desservant  de  la  pagode,  et  porteur  d'une  longue  barbe  blan- 
che. II  amène  une  femme  vêtue  de  blanc  et  voilée.  Pour  réussir 
dans  leurs  opérations,  les  pêcheurs  ont  besoin  d'être  éclairés— c'est 
pendant  la  nuit  qu'ils  vont  chercher  des  huîtres  au  fond  de  la  mer, 
et  personne,  jusqu'à  présent  ne  s'en  était  douté  —  d'être  éclairés, 
disons-nous,  par  des  feux  allumés  à  la  porte  du  temple,  et  encou- 
ragés par  les  chants  d'une  prêtresse.  Mais  il  faut  que  cette  prêtresse 
soit  vierge,  qu'aucun  mortel  ne  connaisse  son  visage,  et  qu'elle  n'ait 
point  d'amant.  Si  ces  trois  conditions  ne  sont  pas  remplies,  les  pê- 
cheurs trouveront  des  huîtres,  en  cherchant  bien,  mais  il  n'y  aura 
point  de  perles  dans  leurs  écailles.  Léila,  c'est  le  nom  de  l'inconnue, 
se  dévoue  à  cet  office  de  vestale.  Elle  accepte  les  trois  conditions, 
et  se  soumet  d'avance  à  la  mort  si  elle  y  manque.  A  peine  a-t-elle 
prêté  ce  serment  téméraire  qu'elle  reconnaît  parmi  les  pêcheurs,  à 
travers  son  voile  de  mousseline.  Nadir,  le  beau  Nadir,  qu'elle  aime, 
et  dont  elle  est  aimée.  Nadir  ne  peut  la  voir,  mais  il  se  trouble  à 
sa  voix. 

Le  soir  vient,  on  allume  les  feux.  Léila  s'installe  sur  la  pointe  d'un 
rocher  pour  jeter  au  vent  sa  chanson  magique,  et  l'imprudente,  se 
croyant  seule,  écarte  son  voile,  afin  que  sa  voix  porte  plus  loin.  Na- 
dir s'était  endormi  au  pied  du  rocher  !  Ces  sons  lui  vont  au  cœur  et 
le  réveillent  en  sursaut.  11  se  lève,  il  regarde,  il  reconnaît  sa  maî- 
tresse, et  n'a  plus  qu'une  pensée  :  pénétrer  dans  la  pagode,  quoi 
qu'il  en  puisse  advenir. 

Il  ne  réussit  que  trop!  Et  le  malheureux  renouvelle  avec  Léila  la 
scène  de  Licinius  avec  Julia.  Le  vieux  prêtre,  qui  n'était  pas  loin, 
survient  à  pas  de  loup,  et  le  surprend  aux  genoux  de  la  vestale  infi- 
dèle. Le  signal  d'alarme  est  donné,  les  pêcheurs  accourent  en  foule 
et  poussant  les  cris  les  plus  horribles,  les  plus  fanatiques,  ils  lèvent 
leurs  poignards,  et  massacreraient  les  deux  infortunés  séance  tenante, 
sans  Zurga,  qui  entreprend  de  sauver  son  ami.  A  sa  voix,  la  ven- 
geance est  suspendue;  mais  les  deux  coupables  sont  chargés  de  fers. 

Léila  obtient  de  Zurga  une  audience.  Elle  veut  mourir  seule.  Elle 
implore  la  grâce  de  Nadir.  Zurga  la  voit  à  son  tour  :  c'est  l'inconnue 
dont  il  est  épris  depuis  si  longtemps  !  Cette  découverte  le  met  en  fu- 
reur. —  Ahl  lu  l'aimes  à  ce  point!  Eh  bien,  il  périra,  et  toi  aussi; 
je  vous  accorde  la  faveur  de  mourir  ensemble.  —  D'où  te  vient  tant 


3U 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


de  cruauté?  —  C'est  que  je  suis  jaloux,  car  je  t'aime  aussi,  moi  !  — 
Ah! s'écrie  Léiia  (et  son  cri  est  le  plus  perçant  qu'on  ait  ja- 
mais entendu  sur  aucun  théâtre),  s'il  en  est  ainsi,  je  n'ai  plus  d'es- 
poir. Adieu  !  Voici  mon  collier. 

Pourquoi  donne-t-elle  ainsi,  in  extremis,  son  collier  à  son  juge? 
Nous  ne  l'avons  pas  compris,  mais  nous  aimons  à  croire  qu'elle  a  de 
bonnes  raisons.  Zurga  reste  seul  un  moment,  et  paraît  assez  étonné 
de  ce  cadeau.  Tout  à  coup  il  pousse  un  grand  cri  à  son  tour,  fuit  un 
grand  geste,  et  ïe  précipite  hors  de  sa  demeure. 

La  scène  change,  et  la  décoration  représente  une  forêt;  dans  cette 
forêt,  une  clairière;  dans  cette  clairière,  la  statue  de  Brahma;  au  pied 
de  la  statue  de  Brahma,  Nadir  attendant  la  mort;  autour  de  Nadir,  les 
bayadères  se  livrant  aux  danses  les  plus  folâtres  et  les  plus  insul- 
tantes pour  la  victime.  On  amène  bientôt  Léila,  et  le  sacrifice  va 
s'accomplir,  quand  Zurga  vient  derechef  troubler  la  fête.  —  Que 
faites-yous  donc  là?  Ne  voyez  vous  pas  l'effroyable  danger  qui  vous 
menace?  Allez  d'abord  éteindre  l'incendie.  En  effet,  la  forêt  s'éclaire 
de  reflets  rougeâtres.  Zurga  reste  seul  avec  Nadir  et  Léila. 

—  Pour  sauver  vos  jours,  j'ai  mis  le  feu  à  la  forêt.  —  Ah  !  — 
Oh!  —  Qui  pouvait  s'attendre?...  —  C'est  tout  simple.  Ton  col- 
lier, Léila,  me  prouve  que  c'est  toi  qui  jadis  m'as  sauvé  la  vie.  Il  est 
juste  que  je  sauve  la  tienne.  Fuyez  tous  deux  par  ce  chemin  qui  est 
encore  libre.  Moi,  je  reste  ici. 

Les  flammes  se  rapprochent,  le  chœur  revient,  et  comme  per- 
sonne ne  songe  à  prendre  la  route  qui  est  encore  libre,  on  a  tout  lieu 
d'espérer  que  l'Inde  sera  débarrassée  de  cette  racaille  sanguinaire  et 
stupide,  qui  voulait  tuer  un  beau  jeune  homme  et  une  belle  fille 
parce  qu'ils  avaient  pris  la  liberté  grande  de  s'aimer  sans  sa  permis- 
sion. On  regrette  seulement  que  ce  brave  Zurga  s'obstine  à  rôtir 
comme  les  autres.  Il  méritait  mieux.  Mais  volenti  non  fit  injuria. 

Parlons  de  la  musique,  premier  ouvrage  dramatique  de  M.  Bizet. 
Voilà,  pour  le  coup,  un  jeune  compositeur!  M.  Bizet  a  obtenu  le 
prix  de  l'Institut  en  1857.  Il  ne  se  plaindra  pas  d'avoir  attendu  trop 
longtemps  l'heure  désirée  de  son  début.  Peut-être  aurait-il  mieux 
valu,  dans  son  intérêt,  qu'on  ne  le  fît  pas  commencer  par  une  aussi 
grande  enjambée.  Il  y  a  dans  le  métier  de  compositeur  une  foule 
de  choses  qu'on  n'apprend  que  par  expérience. 

M.  Bizet  sait  tout  ce  qu'on  enseigne  à  l'école,  et  même  beaucoup 
au  delà.  C'est  un  harmoniste  habile  et  hardi  ;  son  instrumentation  est 
claire,  brillante,  vigoureuse.  Il  a  de  l'ardeur,  de  la  verve;  plus  que 
de  la  verve,  de  la  fougue.  11  manque  de  mesure,  de  goût,  et  la  na- 
ture, qui  lui  a  donné  tant  de  qualités  remarquables,  ne  parait  pas 
avoir  été  prodigue  envers  lui  à  l'endroit  de  l'invention  mélodique. 

Nous  ne  voyons  donc  pas  dans  sa  partition  beaucoup  de  morceaux 
de  chant  dont  nous  puissions  faire  une  mention  particulière.  Le  duo 
entre  Nadir  et  Zurga  (premier  acte)  contient  une  phrase  d'un  style 
large  et  noble,  et  fort  bien  accompagnée.  L'auteur  y  a  marié  la  harpe 
à  l'orchestre  habituel  de  la  façon  la  plus  heureuse.  Ce  passage  a 
produit  un  grand  effet  sur  l'auditoire,  qui  était  d'ailleurs  aussi  favo- 
rablement disposé  que  peut  le  souhaiter  un  débutant.  L'air  de  Léila 
au  commencement  du  second  acte,  qu'on  aurait  le  droit  de  considérer 
comme  un  duo  pour  soprano  et  violoncelle,  est  assez  mélodieux  pour 
qu'on  puisse  accuser  M.  Bizet  d'y  avoir  fait  infidélité  à  ses  principes. 
Il  doit  se  reprocher,  comme  un  acte  de  faiblesse,  une  indigne  con- 
cession aux  préjugés  du  public.  La  romance  que  chante  Nadir  avant 
d'entrer  dans  le  temple, —  et  c'est,  par  parenthèse,  un  assez  mau- 
vais moyen  d'y  entrer  incognito,  —  est  surtout  remarquable  par  un 
effet  de  crescendo  trôs-adroiteraent  ménagé.  11  y  a  dans  l'introduction 
un  chœur  d'hommes,  à  trois  temps,  dont  le  rhythme  et  l'harmonie 
ont  de  l'énergie  et  de  la  grandeur.  Le  chœur  de  femmes  qui  salue 
l'arrivée  de  Léila  a  beaucoup  de  couleur  et  ne  manque  pas  de  grâce. 
C'est  un  dialogue  assez  piquant  entre  les  voix  et  les  clarinettes,  et 
l'harnionie  des  harpes  en  double  l'effet.  Est-ce  tout  ?  non  ;  il  y  a  en- 


core le  chœur  qui  se  chante  dans  la  coulisse  au  début  du  second 
acte,  lorsque  la  toile  se  lève,  avec  accompagnement  de  tambour  de 
basque,  et  répliques  de  flageolet.  L'effet  en  est  original   et  piquant. 

Dans  tout  le  reste  de  l'ouvrage,  la  m.élodie  brille  comme  les  ima- 
ges de  Caton  et  de  Brutus  brillaient  dans  la  salle  où  délibérait,  sous 
Tibère,  le  sénat  romain  —  par  son  absence.  L'auteur  y  supplée  par 
la  déclamation,  par  des  harmonies  recherchées,  par  des  effets  d'or- 
chestre plus  ou  moins  connus,  car,  en  ce  genre,  il  est  difficile  au- 
jourd'hui de  faire  du  neuf;  enfin,  et  principalement,  par  un  déploie- 
ment de  sonorité  dont  on  aurait  peine  à  donner  une  idée  exacte. 
Nous  ne  nous  étions  pas  vu  à  pareille  fête  depuis  les  concerts  de 
M.  Wagner,  depuis  l'ouverture  du  Vaisseau  fantôme  et  le  fameux 
chœur  du  Lohengrin.  Sauf  les  quelques  passages  que  nous  avons 
mentionnés  tout  à  l'heure,  et  qui  font  exception,  la  tempête  instru- 
mentale et  vocale  mugit  d'un  bout  à  l'autre  de  ce  terrible  opéra. 

Un  fortissimo  qui  dure  trois  heures  !  C'est  à  vous  rendre  sourd 
ou  à  vous  faire  devenir  fou.  Il  y  a  surtout  le  finale  du  second  acte, 
au  moment  où  les  distractions  de  Léila  sont  révélées  à  la  foule  fu- 
rieuse, qui  dépasse,  en  fait  de  bruit,  toutes  les  proportions  connues. 
Les  opticiens  ont  des  moyens  de  grossir  et  de  diminuer  à  volonté 
les  objets.  Si,  à  notre  époque  de  brutalité  musicale,  un  aimable  phy- 
sicien inventait  un  petit  appareil  par  lequel  on  piit  diminuer  à  vo- 
lonté la  sonorité  de  ce  qu'on  entend,  il  ferait  rapidement  sa  fortune. 

La  représentation  de  cet  ouvrage  intéressait  à  un  double  titre.  On 
y  voyait  le  début  de  deux  artistes  parfaitement  inconnus  à  Paris ,  et 
que  le  théâtre  Lyrique  vient  d'enlevsr  à  la  province:  Mlle  de  Maesen 
et  M.  Ismaël.  Mlle  de  Maesen  est  un  soprano  d'excellente  qualité, 
—  voix  étendue,  d'un  timbre  éclatant  et  naturellement  agréable.  — 
Il  ne  cesse  de  l'être  que  quand  la  cantatrice  se  laisse  emporter  par 
le  compositeur  comme  une  écuyère  par  un  cheval  qui  a  pris  le  mors 
aux  dents.  Alors,  elle  glapit  :  ce  n'est  qu'à  moitié  sa  faute.  Habi- 
tuellement elle  chante  et  chante  bien.  Ses  intonations  sont  justes, 
elle  fait  fort  bien  le  trille,  et  le  gruppelto  encore  mieux.  Elle  a  de 
l'expression,  et  par  conséquent  du  sentiment  et  de  l'intelligence. 
M.  Ismaël  est  un  baryton  vigoureux  et  bien  timbré,  qui  prononce  à 
merveille,  qui  a  l'habitude  de  la  scène,  de  l'aplomb,  de  l'autorité. 
Est-ce  par  goût  personnel  ou  par  dévouement  pour  M.  Bizet  qu'il 
hurle  avec  la  même  férocité  chaque  phrase,  chaque  mot,  chaque 
note  de  son  rôle  ?  Nous  saurons  ce  qu'il  en  faut  penser  quand  nous 
lui  en  aurons  entendu  chanter  un  autre. 

M.  Morini  (Nadir)  lutte  contre  M.  Ismaël  avec  un  admirable  cou- 
rage :  mais  ce  courage  n'est  pas  toujours  heureux. 

11  n'y  a  là  que  M.  Guyot  (le  brahmine),  qui  chante  d'un  bout  à 
l'autre  comme  on  doit  chauler,  sans  aboyer,  sans  hurler,  sans  mu- 
gir, sans  rugir ,  et  qui  ne  se  pose  en  rival  d'aucune  bête  sauvage. 
Nos  compliments  à  M,  Guyot  ! 

LÉON  DUROCHER, 


BÉPËTITION  DU  PREMIER  REQUIEM 

De  CHEBlfBINI. 

Dans  la  séance  tenue  le  13  septembre  dernier  par  l'Académie  de 
i\Iarseille,  notre  excellent  confrère  Bénédit  a  lu  une  remarquable  no- 
tice sur  Cherubini.  Nous  en  reproduirons  le  passage  suivant,  comme 
également  honorable  pour  deux  de  nos  plus  grandes  illustrations 
musicales. 

Après  avoir  parlé  de  l'effet  que  produisait  toujours  la  présence 
du  maître,  lorsqu'il  venait  assister  à  la  répétition  d'un  de  ses  chefs- 
d'œuvre,  notre  confrère  demande  la  permission  de  retracer  celle  qui 
eut  lieu  le  Iti  octobre  183^,  à  l'occasion  du  service  funèbre  en  l'hon- 
neur de  Boïeldieu  : 


DE  PARIS. 


315 


«  Ce  jour-là,  dit-il,  tout  était  disposé  pour  la  répétition  du  pre- 
mier Requiem  à  quatre  parties.  Les  musiciens,  au  nombre  de  quatre 
cent  cinquante,  comptaient  parmi  eux  les  premiers  artistes  de  l'A- 
cadémie royale  réunis  aux  meilleurs  élèves  du  Conservatoire.  Cheru- 
bini  parut  sur  le  front  de  l'orchestre,  et  fut  reçu  comme  un  général 
devant  son  armée,  par  d'énergiques  acclamations. 

»  Le  Requiem  commença.  Je  ne  vous  parlerai  pas  de  l'ensemble  de 
cette  exécution,  dont  rien  ne  peut  donner  une  idée.  Les  bassons  et 
les  violoncelles,  au  lieu  de  notes  écrites,  articulaient  des  paroles  mé- 
lancoliques et  sombres  dont  l'accent  allait  droit  au  cœur.  Toute 
cette  masse  d'instruments  et  de  voix  semblait  dirigée  par  une  seule 
âme;  c'étaient  des  implorations,  des  anéantissements  et  des  cris 
sublimes  qui  faisaient  naître  tour  à  tour  l'espérance  ou  la  terreur. 

»  Parmi  l'auditoire  choisi  qui  assistait  à  cette  incomparable 
séance,  un  homme  se  faisait  remarquer  surtout  par  sa  ferveur  et 
son  recueillement.  Placé  dans  une  loge  obscure  du  rez-de-chaussée, 
il  était  debout  et  découvert.  Sa  figure,  pâle  et  sévère,  ombragée 
par  une  abondante  chevelure,  rappelait,  comme  dit  Barthélémy  dans 
son  poëme  du  Fils  de  l'homme  : 

<'  Un  tableau  de  Rembrandt,  chargi'!  de  teintes  sombres, 
B  Dont  la  pâleur  des  chairs  se  détache  des  ombres. 

»  Vers  la  Dn  du  premier  fragment,  qui  se  termine  par  le  Kyrie, 
l'auditeur,  toujours  plus  attentif,  rapprocha  les  deux  mains  de  son 
visage,  l'inclina  doucement  sur  le  bord  de  la  loge,  et  demeura  dans 
cette  pose  méditative  jusqu'au  fragment  du  Graduel.  La  Prose  îal 
pour  lui  une  source  féconde  d'émotions. . .  Il  se  levait  de  temps  en 
temps,  prononçait  des  paroles  que  je  ne  pouvais  entendre,  ses  yeux 
se  mouillaient  de  larmes,  et  il  paraissait  absorbé  dans  une  de  ces 
extases  qui  vous  séparent  du  monde  pour  une  éternité.  Seul ,  au 
milieu  des  applaudissements  enthousiastes  des  assistants,  il  n'applau- 
dissait pas  et  restait  alors  immobile  à  sa  place  comme  frappé  de 
stupeur. 

»  Les  basses-tailles  attaquèrent  VOfferfoire,  dont  l'effet  fut  im- 
mense. Le  Sed  signifer,  chanté  par  Ponchard,  Adolphe  Nourrit, 
Alexis  Dupont,  et  soutenu  par  le  frémissement  aérien  de  l'orchestre, 
expira  lentement  dans  une  nuance  insaisissable  qui  se  perdit  aux 
cieux.  Mais  le  moment  suprême  approchait. 

»  La  fugue  du  Quam  olim  Ahraœ  remplit  les  voûtes  de  ses  chants 
de  triomphe.  De  toutes  les  fugues  que  l'on  remarque  dans  la  musi- 
que sacrée,  celle-ci  est  peut-être  la  seule  qui  puisse  trouver  grâce  de- 
vant la  majesté  du  lieu  saint,  et  l'on  peut  dire  sans  crainte  que 
Mozart  lui-même  a  été  vaincu  par  Cherubini  dans  cette  partie  de  son 
art.  Les  trois  fugues  du  Requiem  allemand  sont  en  effet  des  mor- 
ceaux profanes  oîi  la  pensée  religieuse  se  trouve  constamment  étouf- 
fée par  les  combinaisons  de  la  science,  et  rappellent  l'époque  arrié- 
rée oii  l'on  faisait  de  la  fugue  un  si  étrange  abus 

»  La  fugue  de  Cherubini  marchait  avec  impétuosité  ;  l'orchestre 
et  les  voix  luttaient  de  force,  de  précision  et  d'énergie.  Pas  une 
note  n'était  négligée  dans  toutes  ces  parties  audacieuses,  qui  se  croi- 
saient, revenaient  sur  elles-mêmes  et  se  confondaient  ensuite  pour 
éclater  avec  plus  de  puissance.  L'auditeur,  que  nous  avons  laissé 
tout  à  l'heure  absorbé  dans  son  admiration  contemplative,  suivait 
avec  anxiété  toutes  les  phases  de  cette  foudroyante  péroraison.  On 
eût  dit  qu'une  force  invisible  présidait  à  l'interprétation  de  cette 
merveille  musicale,  dont  les  mille  voix  semblaient  courir  dans  l'es- 
pace avec  la  rapidité  des  vents.  Toutes  les  poitrines  étaient  haletan- 
tes, tous  les  visages  étaient  en  feu  ;  le  beau  délire  qui  régnait  alors 
parmi  les  chanteurs  et  les  musiciens  faisait  pressentir  une  explosion 
imminente'.  En  effet,  arrivé  à  ce  beau  passage  de  VEt  semini  ejus 
où  le  7-é  bémol  formidable  des  basses-tailles  semble  tripler  l'impul- 
sion vocale,  l'auditeur  mystérieux,  dont  le  visage  avait  pris  depuis 
longtemps  une  expression  de  poésie  indéfinissable,  sortit  brusquement 


de  sa  loge  et  reparut  presque  en  même  temps  sur  l'estrade,  tenant 
dans  ses  bras  M.  Cherubini. 

»  Nous  assistons  encore  à  cette  scène  immense.  Au  même  instant, 
la  salle  entière  fut  ébranlée  comme  par  une  secousse  électrique.  Une 
exaltation  surhumaine  s'empara  de  toutes  ces  intelhgences  d'artistes  ; 
les  spectateurs  présents  à  cette  répétition  descendirent  tumultueuse- 
ment des  premières  galeries.  C'étaient  des  cris,  des  vivat  et  des  ac- 
clamations comme  les  échos  du  Conservatoire  n'en  répètent  jamais. 
Pendant  que  le  parterre  franchissait  les  barrières,  l'orchestre  roula 
comme  une  avalanche  du  haut  de  son  harmonieuse  pyramide  et 
vint  se  confondre  dans  cette  ovation  inouïe,  peut-être  sans  exemple 
dans  l'histoire  de  l'art.  L'auteur  du  Requiem  dut  éprouver  là  une 
de  ces  félicités  qui  laissent  dans  le  cœur  une  empreinte  ineffaçable  ; 
un  moment  on  en  craignit  les  suites;  mais  bientôt  le  rempart  hu- 
main se  brisa  de  lui-même  et  découvrit  à  tous  les  yeux  l'artiste  de 
génie,  l'interprète  sublime  des  paroles  de  l'Ecriture,  à  qui  Dieu  ré- 
vélait en  ce  moment  une  part  des  jouissances  célestes  ;  et  c'était  un 
spectacle  touchant,  je  vous  jure,  que  de  voir  ce  vieillard  vénérable, 
dont  le  visage  rayonnait  alors  comme  dans  une  auréole,  et  qui,  pour 
témoigner  sa  reconnaissance ,  exprimait  par  des  gestes  ce  que  son 
émotion  ne  lui  permettait  pas  de  rendre  avec  la  voix. 

»  Après  le  spectacle  imposant  de  cette  manifestation,  un  désir  me 
restait  encore,  c'était  de  connaître  l'auditeur  mystérieux  qui  venait 
d'allumer  ce  bel  enthousiasme  ;  jugez  de  ma  surprise,  lorsqu'on  ré- 
pondit à  ma  demande  par  le  nom  de  Meyerbeer.  Je  renonce  à  rendre 
les  sentiments  que  réveillèrent  en  moi  ce  grand  nom  artistique. 
On  saura  seulement  que  depuis  plusieurs  années,  je  formais  le  vœu 
de  me  trouver  en  face  de  cet  homme  illustre,  et  que  mon  voyage  de 
Paris  était  un  pèlerinage  fait  dans  cette  intention.  » 


m  FACTEUR  DE  CLiVECINS. 

Ce  facteur  s'appelait  Schmidt,  et  l'on  n'aurait  jamais  prévu  la  ter- 
rible gloire  posthume  qui  devait  éclairer  son  nom  ! 

Tout  le  monde  sait  comment  le  docteur  Guillotin  fut  chargé  par  le 
comité  de  législation  de  l'assemblée  constituante,  dont  il  était  membre, 
de  trouver  un  genre  de  supplice  qui,  tout  en  exigeant  un  grand  ap- 
pareil, supprimât  presque  entièrement  la  douleur.  Dans  la  simpH- 
cité  de  son  âme,  le  docteur  proposa  une  machine  qui  n'avait  été  en- 
trevue à  Paris  que  dans  une  parade  d'Audinot ,  quoique  jadis  elle 
eût  été  d'usage  en  Italie. 

Telle  était  la  tradition  consacrée  ;  mais  voici  qu'une  publication 
récente,  les  Mémoires  de  Sanson,  vient  déranger  les  idées  reçues  et 
donner  au  docteur  Guillotin  un  collaborateur  inattendu,  qui  jusqu'à 
présent  avait  gardé  l'anonyme. 

Le  collaborateur,  c'est  l'Allemand  Schmidt ,  habile  mécanicien  et, 
comme  Sanson  lui-même,  grand  amateur  de  musique.  Si  l'on  en  croit 
les  mémoires,  Sanson  et  Guillotin  lui  auraient  confié  l'embarras  qu'ils 
éprouvaient  à  résoudre  le  problème  dont  ils  s'occupaient  pour  le 
bien  de  l'humanité.  Schmidt  avait  trouvé  la  solution,  mais  il  la  gar- 
dait pour  lui,  parce  que  l'instrument  nouveau  n'était  pas  du  genre  de 
ceux  qui  souriaient  à  sa  bonhomie. 

«  Schmidt,  dit  le  pelit-Qls  de  Sanson,  auteur  des  mémoires,  venait 
très-souvent  s'escrimer  sur  le  clavecin,  tandis  que  Charles- Henri 
Sanson  faisait  gémir  son  violon  ou  soupirer  son  violoncelle.  Or,  un 
soir,  entre  un  air  d'Orphée  et  un  duo  à'Iphig6nie  en  Aulide,  on 
changea  d'instruments,  si  je  puis  faire  cet  horrible  jeu  de  mots,  et 
mon  grand-père  revint  à  celui  dont  il  cherchait  avec  tant  de  per- 
plexité la  forme.  «  Attentez,  che  crois  que  ch'ai  fotre  affaire,  ch'y  ai 
I)  bensé  »,  répondit  Schmidt;  et  prenant  un  crayon,  il  traça  rapide- 
ment en  quelques  traits  un  dessin  :  c'était  la  guillotine! 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


»  La  guillotine,  avec  sa  lame  d'acier  tranchante,  suspendue  entre 
deux  poteaux,  et  que  le  simple  jeu  d'une  corde  faisait  mouvoir;  avec 
le  patient  attaché  tout  de  son  long  sur  une  planche  à  bascule ,  de 
façon  que,  cette  planche  baissée,  son  cou  se  trouve  juste  à  l'endroit 
où  la  lame  vient  frapper  en  tombant.  La  difBculté  était  vaincue ,  le 
problème  résolu  :  Schmidt  avait  enfin  trouvé  le  moyen  d'exécuter  le 
patient  dans  la  position  horizontale  et  de  le  mettre  hors  d'état  de 
faire  manquer  l'exécution. 

»  Charles-Henri  Sanson  ne  put  retenir  une  exclamation  de  surprise. 

»  —  Che  ne  foulais  bas  m'en  mêler  barce  que  ,  foyez-fous ,  c'est 
la  mort  du  brochain  ;  mais  che  fous  foyais  trob  ennuyé.  Si  nous  re- 
brenions  cette  bedide  air  d'Armide,  que  nous  afons  chouée  l'audre 
chour. 

»  —  De  grand  cœur,  mon  bon  Schmidt,  répondit  mon  grand-père, 
qui  vit  qu'il  voulait  éloigner  une  idée  pénible.  Et  le  clavecin  et  le 
violoncelle  se  mirent  à  marcher  comme  de  plus  belle. 

))  Voilà  pourtant  comment  la  guillotine  naquit  au  milieu  d'un 
concert!   » 

Si  les  choses  se  sont  ainsi  passées,  le  facteur  de  clavecins  a  joui 
d'un  avantage  immense  sur  le  docteur  :  il  n'a  pas  baptisé  son  œuvre, 
et  son  nom  n'est  pas  resté  pour  toujours  inséparable  de  sa  sinistre 
invention  ! 


LETTRES  DE  lENDELSSOHN. 

Le  second  volume  de  la  correspondance  de  Mendelssohn  vient  de 
paraître  ;  il  s'y  trouve  cent  soixante  et  une  lettres,  écrites  de  1833- 
1847,  et  datées  pour  la  plupart  de  Leipzig,  de  Berlin  et  de  Dusseldorf. 
Bien  que  ces  lettres  abondent  en  renseignements  biographiques,  elles 
serviront  beaucoup  moins  à  nous  faire  connaître  la  vie  extérieure  de 
l'auteur,  qu'à  nous  initier  de  plus  en  plus  à  la  connaissance  de  son 
caractère,  comme  compositeur  et  comme  homme.  Nous  en  choisirons 
les  passages  les  plus  saillants,  se  rattachant  au  mouvement  musical 
de  l'époque  où  il  écrivait,  sans  nous  astreindre  à  l'ordre  chronolo- 
gique. 

Révolution  musicale.  —  «  Je  n'aime  pas  qu'à  propos  de  Lafont, 
tu  me  parles  de  révolution  musicale  depuis  Paganini.  De  telles  révo- 
lutions, je  ne  les  admets  pas  dans  l'art,  tout  au  plus  dans  les  hommes. 
Je  crois  que  tu  aurais  trouvé  les  mêmes  défauts  et  les  mêmes  qua- 
lités à  Lafont,  si  tu  l'avais  entendu  avant  l'apparition  de  Paganini.  On 
me  montre  à  l'instant  plusieurs  journaux  de  musique  français  où  il 
est  constamment  question  d'une  réforme  du  goût  et  d'une  révolution 
musicale  qui  auraient  eu  lieu  depuis  quelques  années,  et  dans  les- 
quelles, moi  aussi,  je  jouerais  un  fort  beau  rôle.  Cela  me  donne  des 
maux  de  cœur 

» A  mon  avis,,  il  y  a  une  grande  différence  entre  ré- 
forme et  révolution.  La  réforme,  je  la  voudrais  en  toute  chose,  dans 
la  vie  et  dans  l'art,  dans  la  politique  et  dans  le  pavé  des  rues.  La 
réforma  est  simplement  négative  à  l'égard  des  abus;  mais  une  révo- 
lution par  suite  de  laquelle  ce  qui  est  bon  cesserait  de  l'être,  me 
semble  la  chose  la  plus  intolérable  ;  au  fond,  ce  n'est  que  la  mode. 
Voilà  pourquoi  je  n'ai  pas  voulu  écouter  Fanny,  quand  elle  est  venue 
me  dire  que  depuis  Paganini  le  jeu  de  Lafont  ne  saurait  plus  avoir 
d'intérêt;  car  si  son  jeu  a  pu  m'intéresser  une  fois,  il  m'intéressera 
toujours,  quand  même  l'ange  Gabriel  se  serait  fait  entendre  sur  le 
violon  dans  l'intervalle.  Mais  voilà  de  quoi  les  journalistes  dont  j'ai 
parlé  tout  à  l'heure  ne  se  doutent  pas  :  les  bonnes  choses  restent 
jeunes,  même  en  vieillissant.  Ce  qui  vient  après  a  nécessairement  un 
autre  air,  parce  que  c'est  l'œuvre  d'hommes  nouveaux.  Voilà  pour- 
quoi je  fais  une  si  piètre  mine  quand  on  m'accorde,  comme  tu  dis, 
l'honneur  de  me  compter  au  nombre  des  chefs  du    mouvement.   Je 


sais  fort  bien  que  la  vie  entière  d'un  homme  est  nécessaira  pour  qu'il 
se  forme  lui-même,   et   souvent  elle  n'y  suffit  pas.  Pour  guider  le 

mouvement  des  autres,  il  faut  être  en  mouvement  soi-même 

mais  que  je  ne  renie  pas  au  moins  la  réforme  que  j'espère  opérer 
un  jour  dans  la  musique,  tu  le  comprends  bien,  puisque  je  suis  mu- 
sicien ;  pour  moi,  cela  n'a  pas  d'autre  sens.  » 

Sur  l'oratorio  de  Paulus.  —  «  Depuis  que  je  suis  ici,  je  n'ai  cessé 
de  travailler  au  Paulus,  ayant  pris  la  ferme  résolution  de  ne  publier 
l'œuvre  que  quand  je  l'aurais  rendue  aussi  parfaite  que  possible.  Je 
sais  positivement  que  le  commencement  de  la  première  partie  et  la 
fin  de  la  deuxième  sont  devenus  trois  fois  meilleurs  qu'ils  ne  l'étaient  ; 
donc  c'est  mon  devoir.  En  effet,  dans  un  travail  aussi  étendu,  je  ne 
parviens  que  peu  à  peu  à  rendre  complètement  ma  pensée  et  à  la 
présenter  sous  une  forme  claire,  surtout  quant  aux  détails.  Quant 
aux  pensées  principales,  aux  morceaux  fondamentaux,  je  n'y  peux 
plus  rien  changer,  car  ils  me  viennent  tout  d'une  pièce  dès  le  com- 
mencement ;  encore  ne  puis-je  dire  cela  de  tous  ;  je  ne  suis  point 
encore  assez  fort.  Mais  voilà  déjà  plus  de  deux  ans  que  je  travaille  à 
ce  seul  oratorio,  c'est  beaucoup  sans  doute  ;  et  je  vois  avec  bonheur 
venir  l'instant  où  j'aurai  fini  de  corriger  les  épreuves  et  où  je  pour- 
rai commencer  autre  chose.  » 

Ouverture  de  Ruy-Blas  (extrait  d'une  lettre  adressée  à  la  mère  de 
Mendelssohn).  —  «  Tu  me  demandes  des  détails  sur  l'origine  de 
l'ouverture  de  Ruy-Blas;  c'est  une  assez  drôle  d'histoire.  Il  y  a  six 
ou  huit  semaines  que,  pour  une  représentation  au  profil  du  fonds  des 
pensions  du  théâtre  de  la  ville  (Leipzig),  on  voulait  donner  Ruy-Blas. 
Je  fus  prié  d'écrire  une  ouverture,  ainsi  que  la  musique  d'une  ro- 
mance qu'on  chante  dans  la  pièce,  parce  qu'on  se  promettait  une  re- 
cette plus  abondante,  si  mon  nom  figurait  sur  l'affiche.  Je  lus  la  pièce, 
qui  est  mauvaise  au-delà  de  toute  idée,  et  je  répondis  que  je  n'avais 
pas  le  temps  d'écrire  une  ouverture,  mais  que  je  ferais  la  romance. 
Lundi,  il  y  a  aujourd'hui  huit  jours,  devait  avoir  lieu  la  représenta- 
tion. Le  mardi  précédent,  les  gens  viennent  me  trouver,  me  font  leur» 
remercîments  pour  la  romance,  en  disant  qu'il  était  fâcheux  que  je 
n'eusse  pas  écrit  d'ouverture  ;  mais  que  du  reste  ils  comprenaient 
qu'une  œuvre  pareille  exigeât  du  temps,  et  que,  si  je  le  leurpermettai, 
l'année  prochaine,  ils  viendraient  me  prévenir  plus  tôt.  Je  me  piquai 
au  jeu  ;  j'y  pensai  le  soir,  je  commençai  ma  partition  ;  le  mercredis, 
les  répétitions  pour  le  concert  prirent  toute  la  matinée  ;  il  y  eut  con- 
cert jeudi,  et  néanmoins  vendredi  l'ouverture  était  entre  les  mains  du 
copiste  ;  le  lundi  elle  fut  répétée  trois  fois  dans  la  salle  des  concerts 
et  une  fois  au  théâtre.  Le  soir  on  la  joua  pour  cette  maudite  pièce  ; 
rarement  une  de  mes  compositions  m'a  fait  autant  de  plaisir.  Au 
prochain  concert  nous  la  ferons  entendre  de  nouveau,  sur  la  de- 
mande du  public;  mais  celte  fois  sous  le  titre  d'ouverture,  au  profit 
du  fonds  des  pensions,  et  non  pas  de  Ruy-Blas.  » 


u  A  madame  Frécje,  à  Leifzig. 


Londres,  31  août  1835. 


»  Ma  chère  dame, 


»  Vous  avez  toujours  pris  un  si  vif  intérêt  à  mon  oratorio  Elle,  que 
je  regarde  comme  un  devoir  de  vous  écrire  après  l'exécution  et  de 
vous  en  rendre  compte.  Si  donc  cela  vous  ennuie,  la  faute  en  est  à 
vous  ;  pourquoi  m'avez-vous  laissé  venir  chez  vous,  la  partition  sous 
le  bras,  et  vous  en  jouer  les  morceaux  à  moitié  terminés?  Pourquoi 
m'en  avez-vous  tant  chanté  à  première  vue  ?  A  vrai  dire,  cela  vous 
imposait  l'obligation  de  faire  avec  moi  le  voyage  de  Birmingham,  car 
il  ne  faut  pas  mettre  l'eau  à  la  bouche  des  gens  et  leur  faire  prendre 
leur  situation  en  grippe,  si  on  ne  veut  leur  venir  en  aide,  et  juste- 
ment l'état  où  je  trouvai  ici  la  partie  solo  du  soprano  était  pitoyable 
et  sans  ressource. 

»  Par  contre  il  y  avait  tout  de  bonnes  choses,  qu'à  tout  prendre 


DE  PARIS. 


317 


j'eu  ai  rapporlé  la  meilleure  impression,  et  que  je  me  suis  dit  sou- 
vent que  vous  aussi  vous  en  auriez  été  contente. 

»  Les  sons  de  l'orchestre  et  de  l'orgue  immense,  les  chœurs  nom- 
breux qui  chantaient  avec  un  enthousiasme  sincère;  le  formidable 
écho,  dans  cette  salle  magnifique  et  gigantesque;  un  excellent  ténor 
anglais,  Staudigl,  qui  faisait  de  son  mieux,  et  dont  vous  connaissez 
le  talent  et  les  qualités  ;  en  outre,  plusieurs  bonnes  voix  de  second 
soprano  et  de  second  alto,  tout  cela  exécutait  la  musique  avec  un 
singulier  entrain,  beaucoup  de  fraîcheur  et  de  plaisir,  et  faisait  res- 
sortir, à  côté  des  plus  vigoureux /b^'/mmo,  dt^s  piano  ravissants,  tels 
que  je  n'en  ai  jamais  entendu  dans  de  pareilles  masses  ;  un  public 
impressionnable,  favorablement  disposé,  gardant  le  plus  profond  si- 
lence :  voilà  de  quoi  se  contenter,  à  une  première  exécution.  Aussi, 
de  ma  vie  je  n'en  ai  entendu  de  meilleure,  voire  même  d'aussi  bonne  ; 
je  doute  que  jamais  j'en  entende  de  pareille,  précisément  parce  qu'il 
y  avait  là  une  réunion  de  tant  de  circonstances  favorables. 

»  A  côté  de  toute  cette  lumière,  l'ombre  ne  manquait  pas,  comme 
je  viens  de  le  dire  ;  c'est  surtout  la  partie  de  soprano  qui  faisait  tache. 
Tout  en  était  si  joli,  si  mignon,  si  élégant,  si  dénué  d'âme  et  d'in- 
telligence, la  musique  prenait  un  air  si  faux  d'expression  aimable, 
qu'aujourd'hui  encore  je  ne  puis  me  tenir  quand  j'y  pense.  Quant  à 
la  voix  de  contralto,  elle  ne  suffisait  pas  à  remplir  la  salle  et  à  se 
maintenir  à  côté  de  toutes  ces  masses  et  de  pareils  chanteurs,  mais 
elle  disait  bien  et  avec  un  sentiment  musical  :  de  telles  qualités 
rendent  le  défaut  de  voix  supportable.  Pour  moi,  du  moins,  il  n'y  a 
rien  en  musique  de  plus  choquant  qu'une  certaine  espèce  de  coquette- 
rie froide,  qui  par  elle-même  est  anlimusicale,  et  qiii  pourtant  chez 
beaucoup  d'artistes  forme  la  base  du  chant  et  du  jeu  des  instruments. 
Chose  singulière!  je  trouve  ce  défaut  plus  rarement  chez  les  Italiens 
que  chez  nous  autres  Allemands.  Il  me  semble  toujours  que  nos  com- 
patriotes doivent  être  dévoués  de  tout  cœur  à  la  musique,  sous  peine 
d'être  accusés  de  cette  froideur  abominable,  stupide  et  affectée  par 
dessus  le  marché. 

»  Moschelès  étant  tombé  malade  lundi,  je  fus  forcé  de  diriger  toutes 
les  répétitions.  Le  soir  venu,  vers  10  heures,  les  Italiens  arrivèrent  et  se 
comportèrent  avec  leur  nonchalance  habituelle;  mais  la  Grisi,  Mario 
et  Lablache  se  mirent  à  chanter;  je  rendis  grâce  à  Dieu  du  fond  de 
mon  cœur.  En  voilà  du  moins  qui  savent  ce  qu'ils  veulent!  Ils  chan- 
tent avec  pureté  et  en  mesure.  Si  leur  musique  ne  me  convient 
guère,  la  faute  n'en  est  pas  à  eux.  » 

Traduit  par  J.  DUESBERG. 


MOUVELLES. 


;t%  Dimanche  dernier  le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  la  Fa- 
vorite et  le  Marché  Jes  Innocents.  Faure  dans  le  premier  ouvrage,  et 
Mlle  Vernon  dans  le  second,  ont  eu  les  honneurs  de  la  soirée.  —  Lundi, 
dans  les  Vêpres  siciliennes,  Mlle  Sax,  quoique  légèrement  enrhumée, 
s'est  surpassée,  et  elle  a  été  applaudie  avec  enthousiasme.  Villaret  et 
Caron  font  chaque  jour  de  nouveaux  progrès.  —  Mercredi,  le  Comte  Ory 
et  Gisello  avaient  été  choisis  pour  les  ambassadeurs  annamites,  qui  ho- 
noraient la  représentation  de  leur  présence.  Mme  Zina  Merante,  qui  a 
pris  le  rôle  de  GisoUe  après  Mlle  Mouravieff,  y  a  déployé  un  véritable 
talent,  différent  sans  doute  de  celui  de  sa  devancière,  mais  qui  l'égale 
et  le  surpasse  même  sous  plu.'sieurs  rapports.  —  Vendredi,  le  Trou- 
vère, dans  lequel  Mlle  Sax  et  Villaret  se  sont  montrés  très-dramatiques. 
— Aujourd'hui  dimanche,  la  Favorite  et  le  Marché  des  Innocents  sont  de 
nouveau  annoncés.  —  L'indisposition  de  Gueymard  entrave  singuliè- 
rement le  répertoire.  Il  y  a  cependant  de  l'amélioralion  dans  son  état, 
et  l'on  espère  que  l'éminent  ténor  ne  tardera  pas  à  reparaître. 

„,*»  On  sait  que  lorsqu'il  fut  question  de  monter  la  Muette,  le  rôle  de 
Masaniello  avait  été  confié  à  Mictiot  et  que  sa  maladie  l'empêcha  de  le 
chanter.  Il  le  répète  en  ce  moment  pour  le  reprendre. 

,f*^  Au  moment  même  où  la  direction  de  l'Opéra  remonte  brillam- 
ment Moïse,  on  lit  dans  les  journaux  italiens  que  le  théâtre  Pagliano 
de  Florence  vient  de  rouvrir  par  le  chef-d'œuvre  de  Rossini,  et  que  la 


Scala,  de  Milan,  va  le  reprendre  également  pour  l'ouverture  de  la  saison 
du  carnaval. 

j,*»  M.  Merly  est  rengagé  à  l'Opéra.  Il  chantera  prochainement  le 
rôle  du  comte  de  Luna  du  Trouvère,  et  Guillaume  TsU. 

^*a,  L'administration  de  l'Opéra  vient  d'engager  David  pour  chanter 
l'emploi  de  basse-taille.  Ce  jeune  artiste,  qui  a  tenu  le  même  emploi 
au  Grand-Théâtre  de  Marseille,  l'année  dernière,  possède  une  excel- 
lente voix,  et  son  talent  comme  chanteur  fait  honneur  à  M.  P.  Bénédit, 
l'émineut  critique  musical  du  Sémaphore,  dont  il  est  l'élève.  —  On 
annonce  également  l'engagement  de  Mlle  Battu. 

***  li'opéra  en  cinq  actes  de  M.  Mermet,  Roland  à  Roncevaux,  vient 
d'être  reçu  par  l'administration  de  l'Opéra. 

,*.i,  Une  plaque  provisoire  portant  l'inscription  de  rue  Scribe  a  été  pla- 
cée à  l'angle  de  la  nouvelle  rue  ouverte  du  boulevard  des  Capucines  à 
la  rue  Neuve-des-Mathurins,  qui  longe  la  façade  ouest  de  la  nouvelle 
salle  de  l'Opéra;  on  sait  que  la  voie  opposée  portera  le  nom  de  rue 
Flalévy. 

,^*^  La  nouvelle  de  la  mort  de  Mme  Vestvali  ;  qui  a  circulé  dans  la 
publicité  des  journaux  américains  et  qui  a  fait  le  tour  de  la  presse  eu- 
ropéenne, ne  s'est  pas  jusqu'à  présent  confirmée. 

:t*a<  La  rentrée  de  Montaubry  et  de  Mlle  Cico  dans  Lalla-Roukh,  qui 
a  eu  lieu  lundi,  avait  attiré  beaucoup  de  monde,  et  le  plus  chaleureux 
accueil  a  été  fait  aux  deux  artistes.  La  distribution  des  rôles  est  restée 
là  même  qu'à  la  première  représentation  ;  aussi  l'opéra  de  Félicien  Da- 
vid a-t-il  marché  avec  autant  d'ensemble  que  de  succès.  —  On  donnait 
en  même  temps  le  Tableau  parlant  avec  Mlle  Girard  dans  le  rôle  de  Co- 
lombine;  elle  y  a  été  pétillante  de  verve  et  d'esprit.  Sainte-Foy  est 
un  admirable  Cassandre,  et  Potel  très-plaisant  dans  celui  de  Léandre. 
L'œuvre  charmante  de  Grétry  a  été  constamment  applaudie.  —  Un  té- 
nor qui  a  joué  à  Bruxelles,  M.  Henault,  a  remplacé  dans  le  Songe  d'une 
nuit  d'été,  M.  Justin  qui  jouait  le  rôle  de  Latimer;  il  s'est  bien  acquité 
de  sa  tâche  et  il  a  surtout  très-bien  dit  la  romance  du  premier  acte. 

a,*„  Le  Songe  d'une  nuit  d'été,  et  Lalla-Rouck,  avec  le  Tableau  parlant, 
composent  au  théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique  un  spectacle  alter- 
nant qui  remplit  la  salle  chaque  soir. —  M.  Auber  s'occupe  des  répéti- 
tions de  la  Fiancée  du  roi  de  Garbes,  et  ce  nouvel  opéra  de  l'illustre 
compositeur  pourra  être  représenté  au  plus  tard  vers  la  mi-novembre. 

a,*i  L'ensemble  des  travaux  entrepris  dans  l'intérieur  du  théâtre  Ita- 
lien touche  à  son  terme,  cependant  l'ouverture  ne  paraît  pas  pouvoir  se 
faire  avant  la  fin  de  la  semaine  prochaine  ;  on  devait  commenéer  par  la 
L'ucia;  mais,  à  son  arrivée  à  Paris,  Fraschini  s'étant  trouvé  encore  fatigué 
du  traitement  qu'il  a  suivi  aux  eaux  thermales  de  Louesch,  la  Traviata  a 
été  choisie,  et  l'opéra  de  Verdi  réunira  Mme  de  Lagrange,  le  ténor  Ni- 
colini  et  le  baryton  Giraldoni.  Immédiatement  après  Fraschini  débutera 
dans  la  Lucia. 

*'»  M.  Bagier  vient  d'engager  Mme  Julienne  Dejean  ,  qui  dans  le 
temps  a  chanté  à  l'Opéra,  et  qui,  à  diverses  reprises,  a  obtenu  beaucoup 
de  succès  au  théâtre  italien  de  Madrid.  On  l'entendra  d'abord  dans  Po- 
liuto  et  dans  Un  ballo  in  maschcra. 

j,*4  Le  procès  intenté  par  Mme  Penco  à  M.  Calzado,  en  paiement  de 
ses  appointements,  vient,  à  ce  qu'il  paraît,  de  recevoir  une  solution 
amiable.  L'illustre  cantatrice  s'est  contentée  du  tiers  de  la  somme 
qu'elle  recevait  pour  une  saison  entière. 

,j*^  Le  théâtre  Lyrique  a  donné  mercredi  les  Pécheurs  de  perles,  de 
MM.  Michel  Carré  et  Cormon,  musique  de  M.  G.  Bizet.  Nous  en  rendons 
compte.  —  Les  études  des  Troijens,de  II.  Berlioz,  marchent  rapidement; 
les  principaux  rôles  sont  sus,  et  l'ouvrage  pourrait  être  prêt  pour  le 
15  novembre,  si  les  décorateurs  et  les  machinistes  n'y  apportent  pas 
de  retard.  —  En  attendant  ,  M.  Carvallio  va  faire  conn;iître  au  public 
parisien  un  opéra  très-populaire  en  Allemagne,  les  Joyeuses  commères  de 
[Vindsor,  de  Nicola'i,  qui  sera  représenté  dans  quelques  semaines. 

a,**  J.  OITenbach,  de  retour  de  Vienne,  est  en  ce  moment  à  Etretat, 
où  il  passera  une  quinzaine  de  jours,  après  quoi  il  retournera  en  Alle- 
magne. Son  opéra,  les  Fées  du  Rhin,  sera  donné  dans  le  courant  de 
novembre. 

j*;i,  Le  privilège  d'exploitation  du  théâtre  Beaumarchais  expirant  pro- 
chainement, plusieurs  candidats  se  présentent,  au  nombre  desquels 
notre  confrère  M.  Charles  Desolme,  directeur  de  l'Europe  artiste,  paraît 
réunir  les  vœux  des  auteurs  et  des  artistes  et  avoir  beaucoup  de  chance 
de  l'obtenir.  On  ne  pourrait  d'ailleurs  faire  un  meilleur  choix. 

,*i  Brasseur  vient  de  donner  à  Lyon  et  à  Genève  de  nombreuses  re- 
présentations aussi  suivies  que  fructueuses.  Il  y  a  obtenu  un  succès  fou 
avec  la  Ronde  du  Brésilien.  De  retour  à  Paris,  il  est  reparti  pour  Lille, 
où  il  est  engagé  jusqu'au  10. 

,*^  Le  théâtre  royal  de  la  Scala,  à  Milan,  a  complété  son  personnel 
pour  la  saison  d'automne  ;  il  se  compose  de  Mme  Lotti  Délia  Santa,  de 
MM.  Carion,  Limberti,  Bertolini,  Bartolini  et  Capponi. 

„,*„,  Mme  Médori  a  été  engagée  comme  prima  donna  pour  l'opéra  Ita- 
lien de  iNew-York,  par  l'imprésario  Maretzeck. 

^*.^  Nous   avons    annoncé  il   y  a   quelque    temps   l'engagement  de 


318 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Mlle  Lagrua  au  théâtre  du  Liceo  à  Barcelone  ;  Mme  Colson,  MM.  Ne- 
grini,  Squarcia  et  Selba  compléteront  la  troupe. 

t*t  Avant  de  quitter  Londres,  Nerl-Beraldi  y  a  épousé  Mlb  Anto- 
nietta  Fricci.  Les  deux  artistes  font  partie  de  la  troupe  italienne  du 
théâtre  de  Moscou,  qui  compte  encore  dans  son  personnel  Mme  La- 
borde,  MM.  Pancani,  Gassier,  Vialetti  et  Steller.  La  saison  a  été  inau- 
gurée par  Maria,  une  indisposition  subite  de  Pancani  ayant  forcé  d'a- 
journer les  Huguenots,  par  lesquels  le  théâtre  devait  rouvrir.  Aassi 
l'opéra  de  M.  de  Flotow  a-t-il  été  joué  au  pied  levé  et  sans  aucune  ré- 
pétition préalable.  Quoi  qu'il  en  soit,  cette  gracieuse  musique,  qui  avait 
pour  interprètes  Mmes  Laborde  et  Honoré,  Neri-Beraldi,  Frizzi  et  Via- 
leti,  a  fait  le  plus  grand  plaisir.  Vialetti  est  fort  aimé  du  public,  et  sa 
chanson  du  porter  a  été  saluée  par  les  plus  vifs  applaudissements. 
Mme  Laborde  détaille  avec  une  rare  perfection  le  rôie  de  lady  Hen- 
riette, et  elle  a  reçu  le  plus  chaleureux  accueil.  —  Cette  année,  l'opéra 
russe,  à  défaut  de  chanteurs  indigènes,  s'est  recruté  de  chanteurs  al- 
lemands, et  cette  tentative  a  parfaitement  réussi.  Il  y  a  foule  à  chaque 
représentation. 

^*^  Au  nombre  des  pièces  données  pour  la  réouverture  du  théâtre 
de  Bruges,  sous  la  direction  de  M.  Vachot,  Tromb-al-Cazar,  joué  par 
Mme  Geoffroy,  MM.  Neveu  et  Gavé,  a  obtenu  un  succès  fou.  Il  en  avait 
été  de  même  à  Ostende,  où  ces  trois  artistes  avaient  également  repré- 
senté cette  opérette  si  gaie  d'Offenbach. 

t*:i  La  direction  du  festival  de  Valenciennes  s'était  assuré  le  concours 
de  Mme  Charton-Demeur,  de  Vieuxtemps  et  de  Delle-Sedie.  Trois  artis- 
tes de  ce  talent  et  de  cette  réputation  devaient  donner  à  la  fête  un 
lustre  inusité  :  aussi  un  enthousiasme  extraordinaire  et  des  applaudis- 
sements sans  fin  ont-ils  accueilli  ces  éminents  virtuoses,  après  chacun 
do  leurs  morceaux. 

,■**  Hier  samedi,  l'Académie  des  beaux  arts  a  tenu  sa  séance  annuelle 
pour  la  distribution  des  prix  et  l'exécution  de  la  cantate  couronnée. 
M.  Beulé,  secrétaire  perpétuel,  a  lu  une  notice  historique  sur  Horace 
Vernet.  A  dimanche  prochain  les  détails. 

,*^,  Alexandre  Batta  et  Vivier  étaient  de  nouveau  à  Bade  ces  jours-ci. 
M.  Benazet  les  y  avait  appelés  pour  faire  entendre  dans  le  dernier  con- 
cert do  la  saison  le  duo  de  Rossini,  Mira  la  bianca  luna,  arrangé  pour 
cor  et  violoncelle.  Les  deux  célèbres  artistes  l'avaient  exécuté  à  Ems 
avec  un  succès  éclatant  qui  s'est  renouvelé  à  Bade. 

***  Une  commission  composée  de  MM.  Camille  Doucet,  directeur  de 
l'administration  des  théâtres  au  ministère  de  la  maison  de  l'Empereur 
et  des  beaux-arts  ;  Noyon,  directeur  des  affiches  municipales  à  la  pré- 
fecture de  la  Seine;  Alphand,  ingénieur  en  chef  de  la  préfecture  de  la 
Seine;  Emile  Perrin,  directeur  de  l'Opéra;  Marseille,  commissaire  de 
police;  Humbert,  chef  de  bureau  à  la  préfecture  de  police;  Dormeuil, 
ancien  directeur  de  théâtre  ;  Planté,  inspecteur  des  théâtres,  a  été  nom- 
mée pour  examiner  la  question  de  l'affichage  des  théâtres  de  Paris.  Cette 
commission  sera  présidée  par  M.  le  comte  Bacciochi. 

,j'*»  La  rentrée  des  classes  du  Conservatoire  in)périal  de  musique  a  eu 
lieu  jeudi  !"'■  octobre. 

»■*»  M.  Auguste  Morel,  directeur  du  Conservatoire  de  mu.sique  de  Mar- 
seille, récemment  décoré  de  l'ordre  impérial  de  la  Légion  d'honneur, 
vient  d'être  l'objet  d'une  nouvelle  distinction  des  plus  flatteuses  :  l'Aca- 
démie des  beaux-arts  lui  a  décerné  le  prix  fondé  par  Chartier ,  et  des- 
tiné à  encourager  les  compositions  de  musique  de  chambre.  Ce  prix 
consiste  en  une  somme  de  700  francs.  En  outre,  la  section  de  musique 
de  l'Union  des  arts  de  Marseille  a  pris  la  généreuse  initiative  d'ouvrir 
une  souscription  pour  couvrir  les  frais  de  publication  des  quatuors  et 
des  quintettes  de  l'auteur  du  Jugement  de  Dieu. 

*'*(,  S.  M.  le  roi  Victor-Emmanuel  vient  de  conférer  au  pianiste- 
compositeur  Eugène  Ketterer  la  décoration  de  l'ordre  royal  des  Saints- 
Maurice  et  Lazare. 

t^*\  Mme  Thérèse  Marschner,  la  veuve  du  célèbre  compositeur,  s'est 
fixée  à  Vienne,  sa  ville  natale  ;  elle  y  a  été  nommée  professeur  de  chant 
au  Conservatoire. 

*■*»  Nous  avons  lu  avec  beaucoup  d'intérêt  dans  la  Gazelta  musicale  de 
Naples  le  discours  d'ouverture  du  cercle  artistique  musical ,  prononcé 
par  M.  Ferdinand  Bonamici,  fondateur  de  cette  institution,  à  laquelle 
toutes  nos  sympathies  sont  acquises.  Nous  nous  ferons  un  devoir  d'eu 
suivre  la  marche  et  d'en  signaler  les  progrès. 

^*i  Les  fêtes  nationales  de  la  Haye  qui  ont  eu  lieu  au  commencement 
du  mois  de  septembre,  ont  été  fort  brillantes.  La  musique  y  était  di- 
gnement représentée  par  des  concerts  populaires  qui  ont  provoqué  un 
grand  enthousiasme,  et  dont  l'organisation  a  fait  beaucoup  d'honneur 
aux  soins  dévoués  et  intelligents  de  M.  Lefebvre,  chef  de  la  maison 
■Weygand  et  C'',  éditeurs  de  musique  à  la  Haye.  Aussi  le  roi  des  Pays- 
Bas,  qui,  lui-même,  cultive  la  musique  avec  succès,  a  daigné  conférer 
à  M.  Lefebvre,  en  témoignage  de  son  auguste  satisfaction,  l'ordre  de  la 
Couronne  de  chêne. 

^*^  Le  ministre  des  beaux  arts  et  de  la  maison  de  l'Empereur  vient 
de  souscrire  pour  les  bibliothèques  publiques  à  l'Histoire  générale  de  la 
musique  religieuse  et  au  Recueil  des  principales  séquences  du  moyen  âge,  mises 


en  harmonie,  avec  accompagnement  d'orgue,  par  M.  Félix  Clément.  Ces 
ouvrages  ont  déjà  été  l'objet  d'une  mention  très-honorable  à  l'Acadé- 
mie des  inscriptions  et  belles-lettres.  M.  Fétis  a  consacré  deux  articles 
dans  la  Gazette  musicale  à  l'examen  du  travail  de  M.  Félix  Clément. 

,1,*^  La  France  méridionale,  journal  scientifique  et  littéraire,  publié 
à  Nice,  et  spécialement  consacré  aux  étrangers,  annonce  qu'elle  paraîtra 
désormais  deux  fois  par  semaine.  Indépendamment  d'études  climatolo- 
giques  et  de  balcéation  maritime,  li  France  méridionale  contient  des  ar- 
ticles de  littérature  et  de  beaux-arts,  des  feuilletons  inédits,  des  corres- 
pondances particulières  de  Paris,  de  Londres,  d'Allemagne,  etc. 

^*,t  On  lit  dans  une  correspondance  de  Plndépendance  belge  :  «  On  a 
annoncé  dans  les  journaux  de  Paris  que  M.  Camille  Doucet  renonçait  à 
se  présenter  à  l'Académie  française,  où.  la  mort  regrettable  d'Alfred  de 
Vigny  laisse  encore  un  fauteuil  vacant.  Je  crois  savoir  qu'il  n'en  est 
rien  et  que  M.  Camille  Doucet  maintient  sa  candidature.  Il  y  a  deux 
hommes  dans  M.  Camille  Doucet  :  un  fonctionnaire  estimé  et  dont  la 
participation  active  aux  travaux  du  traité  sur  la  propriété  littéraire  dit 
suffisamment  les  sympathies  pour  les  travaux  d'intelligence  ;  mais  il  y 
a  aussi  un  véritable  homme  de  lettres  qui  compte  des  succès  au  théâ- 
tre, et  c'est  celui-là  seul,  je  crois,  qui  se  présente.  » 

t^*,!,  Le  parc  nouvellement  créé  dans  le  bois  du  Vésinet  attire  tout 
l'été  de  nombreux  visiteurs.  Outre  une  charmante  promenade ,  les  con- 
certs du  dimanche  que  M.  Maury  y  avait  organisés  avec  une  rare  in- 
telligence, offraient  aux  promeneurs  un  grand  attrait  et  justifiaient  leur 
empressement.  Aujourd'hui  il  s'agit  d'un  véritable  festival  musical. 
L'orchestre  sera  composé  de  cent  musiciens  ;  on  y  entendra  pour  la 
partie  vocale  des  artistes  de  nos  divers  théâtres  et  la  Société  chorale 
des  enfants  de  Lutèce  ;  pour  la  partie  instrumentale,  M.  Maury  et 
MM.  Garcin  et  Rose,  violon  et  clarinette  soli  de  l'Opéra. 

^*g.  Aujourd'hui  dimanche,  à  .2  heures,  troisième  matinée  musicale  au 
concert  des  Champs-Elysées.  Dimanche  dernier,  il  y  avait  grande 
foule  chez  M.  de  Besselièvre.  Le  programme  d'aujourd'hui ,  dont  nous 
avons  pris  connaissance,  promet  une  journée  musicale  des  plus  inté- 
ressantes. On  entendra  entre  autres  les  ouvertures  de  Robin  des  buis  et 
de  Guillaume  Tell,  la  belle  fantaisie  sur  le  Déserteur,  et  un  solo  par 
M.  Hollebeke. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 

J'^  Bruxelk-f.  —  Le  théâtre  de  la  Monnaie  vient  de  donner  une  re- 
prise de  M  art/m,  qui  a  fait  le  plus  grand  plaisir.  Jourdan  est  un  char- 
mant Lyonel,  M.  Périé  joue  et  chante  le  rôle  du  fermier  Plunkett  avec 
une  verve  et  un  entrain  délicieux,  et  grâce  à  Mlle  Borghèse,  nous  avons 
pu  entendre  enfin  la  musique  de  Flotow  exécutée  comme  elle  a  été 
écrite.  Mlle  Borghèse  fait  ressortir  avec  beaucoup  de  brillant  les  pas- 
sages jusqu'ici  restés  dans  l'ombre,  faute  d'une  chanteuse  suffisante. 
M.  Mengal  relève  le  personnage  presque  sacrifié  de  Tristan.  — Le  grand 
concours  international  de  chant  d'ensemble,  organisé  par  la  Société 
royale  h  Réunion  lyrique,  avec  l'assistance  des  autres  sociétés  chorales 
de  la  ville  et  du  faubourg,  avait  prêté  un  grand  éclat  aux  fêtes  natio- 
nales; la  journée  du  samedi  26  septembre  marquera  dans  les  annales 
des  sociétés  de  chant.  Les  sociétés  françaises  se  sont  particulièrement 
distinguées;  Lille,  Cambrai  et  Saint-Omer  ont  enthousiasmé  l'auditoire, 
qui  longtemps  avant  le  jury  avait,  d'après  son  impression,  décidé  de  la 
victoire  des  trois  sociétés.  La  Légia ,  seule  société  inscrite  pour  le 
grand  prix  d'honneur,  s'est  fait  entendre  ensuite.  Cette  nombreuse  pha- 
lange de  chanteurs  entonna  avec  un  éclat  superbe  le  chœur  des  Cor- 
saires grecs,  de  M.  Soubre,  admirable  morceau,  très-bien  écrit  pour  les 
voix,  quoique  très-difficile  à  rendre.  L'exécution  du  chœur  imposé,  les 
Abenccrrages,  n'a  pas  été  aussi  parfaite  ;  l'extrême  difficulté  de  ce  mor- 
ceau en  rend  l'exécution  impossible  ;  jamais  aucune  société  ne  parvien- 
dra à  l'interpréter  d'une  manière  satisfaisante.  Néanmoins  le  jury,  re- 
connaissant la  supériorité  de  la  Légia,  lui  a  décerné  à  l'unanimité  le 
grand  prix  d'honneur,  décision  que  le  public  a  ratifiée  en  applaudissant 
à  tout  rompre.  Sur  trois  prix  réservés  aux  Sociétés  allemandes,  la 
ville  d'Aix-la-Chapelle  en  a  remporté  deux.  VAachner  Sanger  Yerein  a 
obtenu  le  premier,  VAmphion,  le  troisième.  Le  deuxième  a  été  décerné 
au  Mœnnergesang  Vercin,  de  Neuss,  dirigé  par  M.  Hartmann. 

,1,*^,  Londres,  30  septembre.  —  Deux  œuvres  nouvelles  se  distinguaient 
dans  le  programme  du  festival  de  Norwich  :  Joash,  oratorio  de  M.  Silas, 
qui  avait  fait  exécuter  avec  beaucoup  de  succès  une  symphonie  à  la 
Société  musicale  de  Londres,  et  une  cantate  de  Benedict,  Richard  Cœur 
de  lion,  expressément  composée  pour  la  solennité.  L'oratorio  n'a  pas 
produit  l'effet  qu'on  pouvait  en  attendre.  Les  ressources  orchestrales  y 
sont  prodiguées,  mais,  eu  somme,  il  y  a  plus  de  bruit  que  de  charme. 
La  cantate  de  Benedict  a  été  reçue  avec  enthousiasme,  et  l'on  ne  sau- 
rait en  parler  que  sur  le  ton  de  l'éloge  le  plus  prononcé,  le  plus  légi- 
time. Rappelé  par  des  acclamations  et  des  bravos,  auxquels  prenaient 
part  l'orchestre  et  les  chœurs,  Bénédict  a  obtenu  un  triomphe  éclatant. 


r>E  PARIS. 


319 


Le  produit  du  festival  laissera  un  notable  bénéfice.  L'exécution  artistique 
n'a  pas  été  moins  satisfaisante  et  méritera  d'occuper  une  place  dans  les 
annales  des  fêtes  provinciales  de  l'Angleterre. 

»*a,  Munich,  27  septembre.  —  La  première  journée  du  festival  a  com- 
plètement réussi  :  on  }'  a  exécuté  la  Symphonie  héroïque  et  Israël  en  EgxjpU. 
Le  roi  Louis  et  le  prince  Adalbert  honoraient  la  solennité  de  leur  pré- 
sence. 

**,  Cologne.  —  La  nouvelle  société  du  théâtre  de  Cologne,  sous  la 
direction  de  M.  Ernst,  a  donné  depuis  l'ouverture  deux  opéras  :  Une 
nuit  à  Grenade,  par  Kreuizer,  et  les  Huguenots  ;  ce  dernier  opéra  avait 
attiré  une  foule  considérable. 

^**  Berlin.  —  Une  artiste  qui  passe  à  Londres  pour  une  des  meilleures 
cantatrices  de  concert,  miss  Perega,  a  choisi  Nurma  pour  son  début. 
La  beauté  de  sa  voix,  la  distinction  de  son  chant,  une  belle  prestance 
et  un  physique  sympathique  la  placent  au  rang  des  plus  célèbres  vir- 
tuoses italiennes.  Mais  sur  la  scène  elle  est  dépaysée;  là,  il  lui  manque 
un  élément  essentiel  de  succès,  la  verve,  l'animation  dramatique.  —  On 
nous  annonce,  comme  prochaine,  l'arrivée  de  Désirée,  Artot  et  de  Car- 
lotta  Patti.  —  Au  théâtre  Victoria,  nous  aurons  la  société  llerelli  avec 
Adelina  Patti  et  Naudin. 

^"J'rague.  —  Naudin,  après  s'être  fait  entendre  avec  un  grand  succès 
au  théâtre  de  cette  ville ,  a  proposé  à  l'administration  de  donner 
une  représentation  au  profit  des  pauvres ,  pour  témoigner  sa  re- 
connaissance au  public.  Nous  n'avons  pas  besoin  d'ajouter  que  l'offre  a 
été  acceptée  avec  empressement. 

^*,i,  Hanovre.  —  Les  Calacombes,  opéra  de  Hiller,  ont  été  représentées 
avec  succès  au  théâtre  de  !a  cour.  Le  texte,  qui  est  dû  à  l'un  des  meil- 
leurs poètes  contemporains  de  l'Allemagne,  Moritz  Hatmann,  est  mieux 
écrit  que  ne  le  sont  d'ordinaire  les  libretti  d'opéra,  mais  il  affecte  trop 
souvent  la  forme  épique.  Aussi  la  partition  de  M.  Pliller,  malgré  tout 
son  mérite,  offre-t-elle  peu  de  scènes  dramatiques.  On  cite  toutefois  le 
finale  du  premier  acte  et  les  chœurs  comme  très-remarquables. 

»*^  Vienne.  —  VEloile  du  Nord  a  été  représentée  au  théâtre  de  la 
cour.  Nous  ne  parlerons  pas  de  l'effet  produit  par  cette  œuvre  si  origi- 
nale dans  laquelle  le  génie  de  l'auteur  des  Huguenots  s'est  révélé  sous 
une  face  toute  nouvelle  :  il  a  été  le  même  que  celui  qu'elle  a  rencon- 
tré sur  toutes  les  scènes  de  l'Europe,  saisissant  et  intéressant  au  plus 
haut  degré.  Les  principaux  rôles  étaient  interprétés  par  Mlle  Wildauer 
(Catherine),  Beck  (Péters) ,  M  eyerhofer  (Gritzonko).  —  Pour  le  ^"  oc- 
tobre on  annonce  les  Huguenots ,  de  Mejerbeer ,  avec  Mme  Kapp- 
Young.  —  Wachtel  a  été  très  -  applaudi  dans  Oberon,'  de  Weber.  — 
M.  de  Flotow,-qui  se  trouve  parmi  nous  en  ce  moment,  vient  de 
terminer  une  partition  nouvelle  qu'il  va  présenter  prochainement  k  la 
direction  de  l'opéra  de  la  cour.  —  11  est  question  de  jouer  à  ce  théâtre 
Campanella,  opérette  en  un  acte,  de  Donizetti.  —  Au  mois  de  novem- 
bre on  doit  y  monter  un  nouveau  ballet  de  Borri,  dont  un  compositeur 
milanais  a  écrit  la  musique.  —  L'excellent  ténor  Erl  va  fêter  prochai- 
nement le  vingt-cinquième  anniversaire  de  son  entrée  au  tliéâtre  de  la 
cour  ;  il  chantera,  dans  Guillaume  Tell,  le  rûle  d'Arnold,  par  lequel  il 
débuta  en  1838. 

,*^  Turin.  —  Pour  la  réouverture  du  théâtre  Victor-Emmanuel,  la 
direction  a  eu  l'heureuse  idée  de  remonter  Maria,  le  charmant  opéra 
de  Flotovv,  qui  obtint  la  saison  dernière  le  plus  grand  succès  et  rem- 
plit la  salle  pendant  trois  mois  de  suite.  Outre  le  personnel  engagé 
pour  la  saison  d'automne,  et  dans  lequel  figurent  Mmes  Bendazzi,  Van- 
denhaute,  MM.  Graziani  (ténor),  Corsi,  Colonese,  Boccolini  et  Junca, 
M.  Martinoti,  notre  habile  directeur,  avait  engagé  pour  remplir  le  rôle 
de  Marta,  Mlle  N.  de  Roissi,  qui  le  joue  et  le  chante  dans  la  perfection. 
Aussi  l'ouvrage  si  connu  et  si  attrayant  de  M.  de  Flotow,  ainsi  inter- 
prété, attire-t-il  chaque  soir  un  nombreux  public. 

,j*j  i?ome.  —  C'est  le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer,  Roberlo  il  Diavolo, 
qui  a  inauguré  la  saison  au  théâtre  Argentina.  Représenté  l'année  der- 
nière au  printemps,  il  avait  produit  sur  notre  public  une  trop  grande 
impression  pour  qu'on  ne  désirât  pas  vivement  l'entendre  de  nouveau. 
Aussi  le  succès  a  t-il  été  cette  fois  supérieur  encore  à.  celui  de  la  pre- 
mière audition.  L'interprétation  en  était  confiée  à  Mmes  Carozzi-Zucchi 
et  Monti  et  à  MM.  Junca,  Limbcrti  et  Gounari.  C'est  Junca  qui  a  eu 
les  honneurs  de  la  soirée.  Précédé  d'une  belle  réputation  à  Rome,  il 
l'a  complètement  justifiée.  Doué  d'un  physique  avantageux,  d'une  voix 
belle  et  puissante,  il  réunit  toutes  les  qualités  du  rôle  de  Bertram.  Le  troi- 
sième acte,  surtout,  a  été  pour  lui  un  triomphe  continuel,  et  on  a  fait 
répéter  le  trio  sans  accompagnement.  Mme  Carozzi-Zucchi  (Alice)  a  une 
belle  voix  et  beaucoup  d'àme.  Sa  cavatine,  l'ariette  et  le  duo  avec  Ber- 
tram lui  ont  valu  de  chaleureux  applaudissements.  Mme  Monti  a  bien 
tenu  le  rôle  d'Isabelle,  et  a  chanté  avec  beaucoup  de  goût  et  de  dis- 
tinction l'air  de  Grâce!  Limberti  (Roberto)  a  eu  de  très-beaux  moments. 
Son  bel  organe  a  plusieurs  fois  remué  l'auditoire,  particulièremenl;  dans 
le  trio  sans  accompagnement.  Le  ténor  Gounari  est  un  excellent  Ram- 
baldo;  sa  voix  est  sympathique,  bien  timbrée  et  flexible,  et  il  joue  avec 
beaucoup  d'intelligence.  Les  chœurs  et  l'orchestre  ont  bien  marché. 
Les  décorations  sont  splendides.  —  Le  théâtre   Apollo   a   complété  sa 


troupe;  les   artistes  engagés  sont  :  Mmes  Poinsot,  ïiberini,  Ortolani, 
Grossi;  MM.  Tiberini,  Sicchia,  Zucchi,  Cima,  Zucchini. 

^*,i,  Saint-Pétersbourg.  —  Nos  théâtres  ont  rouvert  :  la  troupe  dra- 
matique d'abord  et  l'opéra  russe  ensuite.  Celui-ci  a  fait  une  perte 
regrettable  dans  Mme  Leonoff;  Mlle  Schrœder  qui  lui  succède  est  loin 
d'avoir  l'expérience  et  le  talent  de  sa  devancière,  quoiqu'on  ne  puisse 
lui  refuser  des  qualités  qui  font  bien  augurer  de  son  avenir.  Outre 
YOberon  de  Weber  et  Indra  de  Flotow,  nous  aurons  le  Gromovoï  de 
Wertovski  et  VOndine  de  Lwoff.  —  Quant  à  l'opéra  italien,  dont  le 
personnel  s'est  recruté  du  ténor  Giuglini  et  de  la  basse  bouffe  Fioravanti, 
il  est  en  retard.  C'est,  dit-on,  par  te  Trouvère  qu'on  commencera.  La 
Sonnanbula  servira  de  début  à  Giuglini,  eil'Elisire  d'amore  à  Fioravanti. 
—  Outre  les  opéras  du  répertoire,  la  direction  se  propose  de  nous  faire 
connaître  un  opéra  populaire  en  France,  la  Dame  blanche  de  Boïeldieu, 
et  le  Faust  de  Gounod,  dont  le  succès  a  gagné  l'Allemagne.  On  donnera 
également  la  Fiorina  de  Mercadante.  —  Mlle  Mouravieff  nous  est  re- 
venue toute  chargée  des  lauriers  cueillis  par  elle  au  théâtre  de  l'Opéra 
de  Paris.  Saint-Léon  va  s'occuper  activement  du  Konek  Gorbounok  (le 
Cheval  enchanté)  qu'il  monte  pour  elle  ;  tandis  que  Petipa  travaille  à 
celui  {la  Beauté  du  Liban)  dans  lequel  le  principal  rôle  doit  être  créé 
par  Mme  Petipa,  sa  femme,  dont  les  plus  vifs  applaudissements  ont 
salué  la  rentrée  dans'  le  Corsaire. 


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300 

Des  plus  jolis  airs  d'opéras  :  Duos,  Romances,  etc.,  etc., 

DE 

Adam,    Auber,    Daasler ,    Donizetti,    Flotow,    DalëTy,    Dérold, 

Ualllart,  9Ie;crbcer,  IWIcolo,  OITenbacli,  Bossini,  Ktchubert, 

Tliomas,  IVcbep,  etc.,  etc. 


320 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


CHEZ    G.   BRANDUS    ET  S.  DUFOUR,    ÉDITEURS,    103,    RUE    DE  RICHELIEU,  AU  1". 

ÉCOLE    D'ORGUE 

TRAITMT  SPÉCIALEMEHT  DE  U  SOUFFLERIE  ET  CONTENANT  38  EXERCICES,  50  EXEMPLES  ET  20  ÉTODES 

Sut  des  motifs  de 
Adam,  Aober,  Beetlioven,  Bellinl,  Flotow,  Haendel,  Ucyerbeer,  Mozart,  BossinI,  Weber.  etc. 


PRIX  :  25  FRANCS. 


F.    BBI 


PRIX  :  25  FRANCS. 


Méthode  complète  pour  l'Harmonium,  suivie  d'exercices  et  d'airs.  —  Prix  :  18  francs. 

Manuel  d'Orgue  à  l'usage  des  églises  catholiques,  contenant  les  principes  de  l'accompagnement 
du  plain-chant,  du  mélange  des  jeux  d'Orgue  et  de  la  rubrique  de  l'office,  suivi  de  mor- 
ceaux de  différents  caractères.  —  Prix  :  9  francs. 


MUSIQUE    POUR    HARMONIUM 


AIRS    VARIÉS,    FANTAISIES,     ETC. 


Adam  (A.) .  Fantaisie  sur  la  Muette  de  Por- 
tici,  composée  par  S.  Thalberg,  ar- 
rangée pour  le  mélodium  et  piano  . 

Alday  (F.).  Op.  15.  Les  Huguenots,  fan- 
taisie brillante  pour  harmonium.   .   . 

—  Fantaisie  de  salon  sur  l'Etoile  du  Nord 
Badarzewska    (T.).     La    Prière     d'une 

vierge,  pour  harmonium 

Brigsen.  Adagio  de  Beethoven ,  transcrit 
pour  harmonium  ou  orgue  et  piano. 

—  Casta  Dii>a,  cavarine  de  Norma,  trans- 

crite   pour   harmonium   ou    orgue , 
piano  et  violon 

—  La  Somnambule,  trio  pour  harmonium 

ou  orgue,  piano  et  violon 

—  La  Charité,  chœur  de  Rossini ,  trans- 

crit pour  harmonium  ou  orgue,  piano 
et  violon 

—  Op.  66.  Marta,  trio  pour  piano,  orgue 

et  violon : 

—  Op.  69.  Robert  le  Diable,  grand  duo 

caractéristique  pour  piano  et  orgue  . 

—  Op.  70.  Le   Pardon  de  Ploêrmel,  duo 

de  concert  pour  piano  et  orgue,   .   . 

—  Op.  71.  Méditation  sur  le  chœur  reli- 

gieux   du    Pardon    de    Ploêrmel, 
transcription    pour    piano,   orgue  et 

violon  ou  violoncelle 

Dnrand.  Première  romance  sans  paroles  de 
Mendelssohn,  en  trio  pour  violon,  or- 
gue et  piano 

—  Ouverture  de  la  Sirène,  pour  harmo- 

nium et  piano 

Eng^el  (L.).  Fantaisie  pour  harmonium  sur 
l'Etoile  du  Nord 

—  Grande  fantaisie  pour  orgue-harmonium 

sur  le  Pardon  de  Ploêrmel  .... 

—  Grand  duo  pour  piano   et   harmonium 

sur  le  Pardon  de  Ploêrmel  .... 
Fessy.  Fant.  sur  le  chœur  du  iïoniino  noir 

—  Réminiscence  du  Stabal  Mater  de  Rossini 

—  Andante  et  boléro 

—  Cavatine  de  Torquato  Tasso  et  caprice 

—  Six  morceaux  sur  des  motifs  de  Rossini, 

Auber  et  Donizetti,  2  suites,  chaque. 

Herz   et   Fessy.    Deux    duos  concertants, 

pour  harmonium  et  piano,  2  suites, 

chaque 

1.  Cavatine  de  Vaccaj. 

2.  Thème  de  Beethoven. 


7  50 
7  50 


7  50 
7  50 


7  50 
7  50 


Frelon.  Trois  marches  pour  orgue  expressif 
à  percussion  : 

1.  Marche  du  sacre  du  Prophète.   .   . 

2 .  Marche  de  Robert  Bruce 

3.  Marche  de  la  Muette  de  Portici.  . 

—  La  Part  du  Diable,  fantaisie  po'.ir  or- 

gue et  piano 1 

—  Le  Prophète,  fantaisie  de  concert  pour 

orgue  avec  accomp.  de  piano  obligé.  1 

—  Romance  sans  paroles  de  Thalberg  pour 

orgue  et  piano 

liebeau.  Op.  Ii2.  L'Abandon,  romance  sans 
paroles  pour  harmonium 

—  Op.  45.  Danse  bretonne,  villanelle  pour 

harmonium: 

—  Op.  iû.    La  Rosée  du  malin,    caprice 

pour  harmonium 

—  Op.   45.   Sylvie,  souvenir    d'autrefois, 

pour  harmonium 

—  Op.  45.  En  mer,  chant  maritime,  pour 

harmonium 

—  Op.  47.  Impromptu  pour  harn;onium. . 
liOnis.  Op.   271.    Entretiens  familiers   pour 

orgue  et  piano,  3  suites,  chaque.  .   . 

Hlarîns  Ccnelt.  Op.  34.  Cinquante  mor- 
ceaux de  différents  caractères,  classés 
ton  par  ton,  et  disposés  de  manière  à 
pouvoir  servir  d'Antiennes  ou  de  Ver- 
sets aux  chants  de  l'ofiBce  divin,  pour 
orgue  ou  harmonium,  2  suites,  chaq.  i 

UereaBX.  Op.  65.  Grand  caprice  sur  Ro- 
bert le  Diable,  pour  harmonicorde , 
piano  et  violon ' 

Uorean.  Ouverture  de  Giralda,  pour  orgue 
et  piano  

—  Ouverture  des   Diamants  de    la  Cou- 

j'onne,  pour  orgue  et  piano 

lliolan.  Fantaisie  sur  Moïse,  composée  par 
S.  Thalberg,  arrangée  pour  mélodium 
et  piano   

Biballier.  Cavatine  du  sommeil  de  la 
Muette  de  Portici,  pour  orgue,  piano 
et  violon,  ou  violoncelle 

Bomano  (Giuseppe).  La  Carita,  chœur  re- 
ligieux de  Rossini,  pour  harmonium 
seul 

—  Ave  Maria,  de  Schubert,  pour  harmo- 

nium seul 

—  Prière   de  Stradella  {Pieta  signor], 

pour  harmonium  seul 


Harmonium  seul  : 

F.  BRISSON 

LES  DÉLASSEMENTS  DE  L'ÉTUDE 

NODVELLE  ÉDITION, 

48  HËIiODIES  OU  AIBS  FAVORIS 

Tirés  des  opéras  de 

AD.    ADAM,    AOBER,   FLOTOW,    HALÉVÏ,    MAILLAUT,    «EÏEB- 
BEER,   MOZART,    ROSSINI,    A.    THOMAS  et    WEBER, 

Les  quatre  suites,  chaque 7  50 

1"   SUITE.  3'  SUITE. 

Dragons  de  Villars. 
Pardon  Je  Ploêrmel. 
Le  Roman  d'Elvire. 
Le  Comte  Ory. 
La  Fiancée. 
Pardon  de  Ploêrmel. 
La  Muette  de  Portici . 
L'Etoile  du  Nord. 
Nozze  di  Figaro . 
Haydée 

Pardon  de  Ploêrmel. 
Le  Roman  d'Elvire. 

4*   SUITE. 

L'Ambassadrice, 
Les  Huguenots, 
La  Fée  aux  Roses. 
Guillaume  Tell. 
La  Fiancée. 
Pardon  de  Ploêrmel . 
Le  Roman  d'Elvire. 
Robert  le  Diable, 
Fra  Diavolo, 
Le  Domino  noir. 
Le  Roman  d'Elvire. 
Le  Cheval  de  bronze. 


Le  Prophète.  Î5. 

Pardon  de  Ploêrmel.  26. 
Stradella,  27. 

La  Muette  de  Portici,  28, 
Zerline,  29 

Robert  le  Diable.         30 
Oberon,  31. 

Le  Postillonde  longjumeiu.  31, 
Le  Prophète,  33. 

La  Muette  de  Portici,  34. 
Marta,  35. 

.  La  Sirène,  36, 

2"   SUITE. 

Le  Philtre,  37, 

,  Guillaume  Tell,  38, 

Lestocq,  39. 

L'Etoile  du  Nord.  40 . 
,  Haydée.  41 

,  M arts.  42. 

,  La  Fiancée.  43. 

,  LeFoslilloidiiLDiigJDmeiu.  44. 
.  Le  Domino  noir.  45. 
.  La  Muette  de  Portici.  46 
,  Les  Huguenots,  47 

,  Le  Prophète,  48 


SOUS  PRESSE 


F.    BRISSON 


sous  PRESSE 


Trente  Mélodies  de  Scbuberl,  transcrites  pour  Harmonium  seul,  en  deux  séries  : 


4»  SÉRIE  : 


1 .  Adieu .  8 . 

2.  La  Jeune  Mère.  9. 

3.  Eloges  des  larmes.  10, 

4.  La  Rose.  11 . 
a.  Sur  le  bord  du  lac,  12, 

6,  La  plainte  du  pitre.  13, 

7.  Les  larmes,  14,  La  cloche  des  agonisaota 

15.  Mes  rêves  sont  finis. 


Les  astres, 

La  berceuse. 

La  jeune  Fille  et  la  Mort. 

Rosemonde, 

La  sérénade. 

Ave  Maria. 


1.  Le  Chasseur  des  Alpes 

2.  Tu  es  le  repos. 

3.  L'illusion. 

4.  L'Exilé, 

5.  A  Mignon. 

6.  Impatience. 

7.  Dans  le  bosquet. 


15,  Sois  toujours  mes  seules  amours. 


8.  Les  plaintes  de  la  jeune  fille. 

9,  Le  voyageur, 

10.  Bonjour. 

11 .  Le  pêcheur. 

12.  Chanson  des  chasseurs. 

13.  La  Truite. 

14.  Le  joueur  de  vielle. 


lIPItlUEUlE  CENTHALE  I 


KAPOtÉOS   CUAIX  ET  C",  RUE  BF.BGÉnE,  20. 


BUREAUX    A   PARIS  :    BOULEVARD   DES  ITALIENS,    I. 


30«  Année. 


^0  41. 


11  Octobre  1863. 


ON  S'ABONNE  t 

Dans  les  Dôpnrlements  et  à  l'Étranger,  chez  tous 
les  Hnrchanûs  de  Musique,  les  Libraires,  et  aux 
Purcaux  des  Messageries  et  des  Postos. 


REVUE 


PRIS  DE  L'ABONMEUENT  : 

Paris 24  (r.  par  on 

Départements,  Belgique  et  Suisse...     30  n       id. 

ÉtraDger 34  n       Id. 

Le  Jouroal  paraît  le  UimiiDcbc. 


GAZETTE  MUSICALE 


-- ^\A/  u^j\i\r j\r jvv\. — 


SOMMAIRE.  —  Effets  des  circonstances  sur  la  situation  actuelle  de  la  musique, 
au  point  de  vue  de  la  composition  ;  ce  qu'il  faudrait  faire  pour  améliorer  cette 
situation  (4'  article),  par  Fétis  père.  —  Académie  des  Beaux-Arts,  par  PanI 
Smith.  —  Correspondmce  :  Munich.  —  Revue  des  théâtres,  par  D,  A. 
D.  Saiut-Yves.  —  Nouvelles  et  annonces. 


EFFETS  DES  CIRCONSTANCES 

sur  la  situation  actuelle   de  la  musique,  au  point  de 
vue  de  la  composition. 

CE  qu'il  faudrait  faire  pour  améliorer  cette  situation. 

(4'  article)  (1). 

Pourquoi  suis-je  toujours  obligé  d'invoquer  les  souvenirs  du  passé 
pour  trouver  des  circonstances  favorables  à  l'afrt,  à  la  production 
des  belles  œuvres,  à  la  manifestation  du  talent  des  artistes,  ainsi 
qu'à  la  sécurité  de  leur  existence  ?  Pourquoi  ?  Je  pourrais  le  dire 
peut-être  ;  mais  il  me  faudrait,  pour  expliquer  ce  problème,  aborder 
des  considérations  politiques  et  morales  sur  l'époque  actuelle  qui 
pourraient  me  mener  loin,  et  froisseraient  bien  des  convictions  sans 
résultat  de  réforme.  Je  préfère  donc  rester  dans  le  domaine  des  faits, 
cil  je  me  suis  placé  dans  ce  travail,  et  continuer  la  simple  compa- 
raison de  ce  qui  est  aujourd'hui  et  de  ce  qui  fut  jadis. 

Il  y  a  aujourd'hui  une  protection  oflQcielle  accordée  aux  arts,  à  ce 
qu'on  croit,  et  qui,  en  réalité,  est  rendue  illusoire  par  son  mode  de 
distribution.  Depuis  les  premiers  jours  du  consulat,  où  s'est  établi  le 
système  de  concentration  administrative,  on  a  cru  pouvoir  tout  i-é- 
gler  par  les  bureaux;  et  l'art,  cette  béatitude  du  cœur  et  de  l'esprit, 
cet  antipode  des  règlements  et  de  la  sécheresse  des  formules  pape- 
rassières, s'est  vu  aussi  casé,  étiqueté,  classé  par  dossiers  dans  les 
cartons  d'un  ministère.  Or,  l'administration  ne  peut  faire  que  ce  qui 
est  dans  sa  nature  :  elle  n'est  pas  sentimentale,  elle  n'a  pas  d'en- 
thousiasme, pas  même  de  sympathie  pour  ces  arts  qu'on  a  placés 
dans  ses  attributions.  A  vrai  dire,  ils  lui  sont  un  embarras  sans  cesse 
renaissant,  parce  que,  d'une  part,  ils  résistent,  par  leur  propre  es- 
sence, aux  allures  systématiques  qui  s'appliquent  ssns  difficulté  aux 
choses  positives  et  matérielles;  de  l'autre,  parce  qu'il  n'y  a  pas  d'art 
sans  artistes,  et  qu'entre  ceux-ci,  les  luttes  d'intérêt  et  d'amour-pro- 
pre se   reproduisent  perpétuellement,   et   mettent  à  chaque  instant 

(1)  Voir  le  n"  38. 


l'administrateur  le  mieux  intentionné  dans  des  perplexités  dont  il  ne 
sort  que  par  des  résolutions  quelque  peu  despotiques,  qui  ne  sont  pas 
toujours  les  meilleures.  C'est  avec  ce  système  qu'a  commencé  l'a- 
moindrissement de  la  musique,  et,  ce  qui  est  pis,  celui  du  sentiment 
des  compositeurs  pour  leur  art. 

La  protection  naturelle,  efficace,  pour  la  musique  et  pour  les 
compositeurs  ne  peut  venir  que  d'un  goiit  passionné  pour  les  belles 
œuvres  de  cet  art,  lorsque  ce  goût  se  rencontre  dans  l'âme  d'un 
prince  souverain  ou  d"un  grand  seigneur  comme  il  y  en  eut  autre- 
fois. Aux  xv'^  et  xvF  siècles,  les  empereurs,  les  rois,  les  électeurs  de 
l'Allemagne,  les  princes  des  divers  Etats  de  l'Italie,  furent  tous  des 
amateurs  ardents  de  musique,  de  peinture  et  de  poésie.  Ils  recher- 
chaient les  grands  artistes,  se  les  disputaient  par  leurs  largesses,  leur 
écrivaient  de  leur  main  pour  les  attirer  à  leur  cour,  les  admettaient 
dans  leur  familiarité,  enfin  les  comblaient  d'honneurs  et  de  bienfaits. 
Ce  fut  le  temps  des  grandes  choses.  Animés  d'émulation  par  le  haut 
prix  attaché  aux  œuvres  de  leur  talent,  les  peintres,  les  musiciens 
de  cet  âge  d'or  de  l'art,  se  montraient  de  véritables  géants  par  l'a- 
bondanee  et  l'importance  de  leurs  œuvres.  Quand  on  examine  avec 
attention  les  productions  d'art  de  cette  grande  époque,  on  est  frappé 
d'étonnement  de  n'en  pas  trouver  de  médiocres,  et  l'on  est  conduit 
à  se  demander  ce  que  sont  devenus  les  ouvrages  des  mauvais  mu- 
siciens et  des  mauvais  peintres  de  ce  temps,  ou  bien  s'il  n'y  eut  alors 
que  des  maîtres  dignes  de  ce  nom. 

La  splendeur  de  la  cour  de  Louis  XIV  continua  cette  tradition  dans 
la  seconde  moitié  du  xvn"  siècle,  avec  un  sentiment  plus  faible  de 
l'art,  à  la  vérité,  mais  avec  un  faste  qui  fut  imité  dans  d'autres  cours 
et  qui  créa  pour  les  artistes  une  multitude  de  positions  honorables. 
Quatre  maîtres  de  la  chapelle  du  roi,  ayant  les  titres  de  surinten- 
dants de  la  musique,  se  relevaient  de  trois  en  trois  mois  dans  la 
direction  de  cette  chapelle,  et  y  faisaient  exécuter  leurs  ouvrages. 
Leurs  avantages  étaient  considérables,  quoiqu'ils  n'eussent  que  trois 
mois  de  service  chaque  année.  Quatre  organistes  étaient  également 
attachés  à  la  chapelle  royale  et  ne  servaient  que  par  quartier.  Il  y 
avait,  en  outre,  un  maître  de  la  musique  de  la  chambre,  dirigeant 
un  orchestre  pour  tous  les  divertissements  des  grands  et  petits  ap- 
partements. Après  la  mort  de  Louis  XIV,  le  duc  d'Orléans,  régent 
du  royaume,  amateur  passionné  de  musique  et  compositeur,  non- 
seulement  continua  toutes  les  traditions  du  grand  roi  pour  l'organi- 
sation de  la  musique  de  la  cour  et  pour  les  récompenses  accordées 
aux  artistes,  mais  il  eut  aussi  sa  musique  particulière,  son  maître  de 
chapelle,  et  son  théâtre  au  Palais-Royal.  Dans  le  même  temps,  le 
duc  et  la  duchesse  du  Maine  se  montraient  généreux  Mécènes  des  ar- 


322 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


listes  musiciens  ;  à  leur  petite  cour  de  Sceaux.  Il  y  avaient  chaque 
jour  des  concerts  et  souvent  opéra. 

Eq  Allemagne,  l'empereur  Charles  VI,  assez  habile  musicien  pour 
diriger  parfois  lui-même  son  orchestre,  attira  de  toutes  parts  les  ar- 
tistes les  plus  remarquables,  après  la  paix  d'Utrecht  (1713),  et  em- 
ploya chaque  jour  plusieurs  heures  à  la  culture  de  la  musique.  A  la 
même  époque,  le  duc  de  Saxe-Weimar,  Auguste,  roi  de  Pologne  et 
électeur  de  Saxe,  et  le  prince  d'Anhalt-Coethen,  se  montraient  ama- 
teurs passionnés,  et  se  disputaient  la  possession  de  Jean-Sébastien 
Bach  pour  en  faire  leur  maître  de  chapelle,  tandis  que  la  reine 
Anne,  en  Angleterre,  et  plus  tard  Georges  II  et  le  duc  de  Chandos 
comblaient  Haeudel  de  faveurs  et  de  richesses,  employant  son  talent 
dans  les  circonstances  importantes. 

Il  n'y  eut  pas  moins  d'encouragement  et  de  protection  pour 
la  musique  et  pour  les  musiciens  pendant  toute  la  durée  du 
xviii''  siècle  jusqu'à  la  révolution  française.  En  France,  la  musique 
du  roi,  sous  les  règnes  de  Louis  XV  et  de  Louis  XVI,  continua  d'of- 
frir aux  compositeurs  des  emplois  honorables,  lucratifs,  et  de  fré- 
quentes occasions  de  faire  entendre  leurs  ouvrages.  Le  comte  de 
Clermont,  le  prince  de  Conti,  le  prince  de  Guéraéné,  eurent  à  leur 
service  des  orchestres  et  des  maîtres  de  chapelle  ;  les  financiers 
mêmes,  tels  que  les  fermiers  généraux  Bouvard  et  la  Poplinière,  se 
donnaient  ce  luxe  intelligent.  On  sait  que  ce  fut  chez  celui-ci  que  se 
firent  les  premiers  essais  des  compositions  de  Rameau;  et  lorsque 
ce  grand  musicien,  découragé  par  l'insuccès  à'Hippolyte  et  Aricie, 
son  premier  opéra,  voulut  renoncer  à  travailler  pour  le  théâtre,  ce 
fut  ce  même  la  Poplinière  qui  releva  son  courage  et  l'obligea  à  tra- 
vailler, en  lui  prédisant  d'éclatants  succès  qui  ne  manquèrent  pas 
en  effet.  Dans  ce  même  temps,  la  cour  de  Marie-Thérèse  était  un 
centre  de  musique  où  Gluck  trouvait  le  plus  sympathique  accueil 
pour  ses  créations,  oii  l'éducation  musicale  des  enfants  de  cette 
grande  princesse,  Joseph  et  Léopold,  qui  devinrent  empereurs,  et 
Marie-Antoinette,  infortunée  reine  de  France,  fut  confiée  aux  artistes 
les  plus  célèbres.  A  leur  tour,  ces  princes  furent  des  protecteurs 
généreux  de  l'art  qu'ils  cultivèrent  eux-mêmes  avec  succès.  En  Prusse, 
Frédéric  II,  dit  le  Grand,  ne  cessa,  nonobstant  ses  grandes  préoccu- 
pations politiques,  guerrières  et  administratives,  de  cultiver  avec 
passion  la  musique  comme  exécutant,  comme  compositeur,  et  combla 
de  faveurs  et  de  distinctions  les  Graun,  les  Bach,  les  Benda,  Quanz, 
et  beaucoup  d'autres  artistes.  Les  princes  de  sa  famille,  Henri  de 
Prusse,  Amélie,  et  la  margrave  de  Bayreuth,  eurent  aussi  leurs  mu- 
siques particulières  et  furent  eux-mêmes  de  véritables  artistes,  La 
cour  de  Dresde  était  à  la  même  époque  toute  musicale;  les  plus  il- 
lustres compositeurs,  Hasse,  Porpora,  et  les  chanteurs  les  plus  re- 
nommés de  l'Italie  y  étaient  appelés  et  récompensés  avec  magnifi- 
cence; l'électrice  elle-même  composait  des  opéras. 

A  une  époque  plus  rapprochée,  nous  voyons  Frédéric-Guillaume  II, 
roi  de  Prusse,  attirer  de  tous  les  points  de  l'Europe  les  premiers  ar- 
tistes pour  en  composer  sa  musique,  à  laquelle  lui-même  s'associait 
comme  exécutant;  et  l'empereur  Joseph  II,  passionné  pour  la  musi- 
que italienne,  combler  de  faveurs  Salieri,  Paisiello  et  Martini.  Malheu- 
reusement, son  goût  trop  exclusif  lui  fit  méconnaître  le  génie  de 
Mozart,  le  plus  grand,  le  plus  complet  des  musiciens.  En  Autriche, 
non-seulement  ce  prince,  non-seulement  Léopold,  son  successeur, 
non-seulement  l'empereur  François  II,  virtuose  violoniste,  accordè- 
rent à  l'art  et  aux  artistes  une  protection  aussi  intelligente  que  bien- 
veillante, mais  les  grands  seigneurs  de  l'empire,  les  princes  Ester- 
hazy,  les  comtes  de  Mortzin,  les  comtes  de  Harrach,  les  comtes  de 
Thun,  les  princes  de  Lobkowitz,  de  Kinsky,  de  Lichnowsky,  les  ba- 
rons de  Wetzlar,  et  vingt  autres,  firent  de  la  musique  les  délices  de 
leur  existence  et  devinrent  les  patrons  des  plus  illustres  composi- 
teurs. Presque  toute  l'œuvre  colossale  de  Haydn  fut  enfantée  dans  la 
maison  d'Esterhazy   et  y  fut  acclamée  par  ces  princes  avant  de    se 


répandre  dans  le  monde.  Ce  fut  au  palais  du  prince  de  Schwarzen- 
berg  que  l'oratorio  de  la  Création  du  monde  fut  entendu  pour  la  pre- 
mière fois.  Les  princes  de  Lobkov?itz,  de  Kinsky,  de  Lichnowsky  et 
la  comtesse  de  Thun  furent  les  protecteurs  dévoués  de  Beethoven; 
si  leur  appui  lui  eût  manqué.  Dieu  sait  ce  qui  fût  advenu  de  ce  puis- 
sant génie.  Je  ne  finirais  pas  si  je  voulais  énumérer  tous  les  artistes 
de  talent  qui  ne  se  sont  fait  connaître  pour  ce  qu'ils  étaient  que  par 
l'assistance  de  la  haute  noblesse,  passionnée  pour  l'art. 

Aujourd'hui,  presque  sans  exception,  tous  les  trônes  sont  sourds 
et  les  grands  seigneurs  jouent  à  la  bourse.  C'en  est  fait  de  cette  dis- 
tinction gentilhommière  qui  s'associait  à  l'amour  de  l'art;  c'en  est  fait 
de  cette  protection  de  bon  goût  par  laquelle  le  talent  ne  se  sentait  pas 
humilié  ;  il  faut  donc  de  toute  nécessité  en  revenir  à  la  protection 
oflîcielle,  en  essayant  de  déterminer  celle-ci  à  s'engager  dans  une 
voie  plus  sûre  et  plus  facile  que  celle  des  concessions  de  privilèges 
et  de  subsides  sans  garantie  de  bon  emploi. 

11  y  a  quelque  trente-quatre  ou  trente-cinq  ans  que  je  m'avisai, 
dans  l'intérêt  de  mes  élèves  de  composition  du  Conservatoire  de 
Paris,  d'aller  trouver  M.  Vitet,  alors  chef  de  la  division  des  beaux- 
arts  au  ministère  de  l'intérieur,  et  de  lui  dire  à  peu  près  ceci  :  «  Les 
privilèges  subsidiés  de  théâtres  ont  pour  principal  inconvénient  de 
monopoliser  au  profit  d'un  petit  nombre  d'artistes  l'abord  de  la  scène, 
qui  devrait  être  rendu  possible  pour  tous  ;  car  il  faut  mettre  à  l'essai 
beaucoup  d'individualités,  si  l'on  veut  rencontrer  l'organisation  ex- 
ceptionnelle qui  fait  le  grand  artiste.  Si  l'on  ne  veut  pas  accor- 
der la  liberté  des  théâtres  et  si  l'on  veut  maintenir  l'institution  des 
privilèges  avec  subside  pour  les  théâtres  lyriques,  imposez  au  moins 
dans  la  concession  de  ces  faveurs  l'obligation  pour  le  concessionnaire 
de  représenter  chaque  année  un  certain  nombre  d'opéras  en  trois 
actes  et  en  un;  par  exemple,  deux  des  premiers  et  quatre  des  autres, 
lesquels  seraient  fournis  par  le  gouvernement.  Pour  ces  ouvrages,  un 
concours  serait  ouvert  deux  fois  par  an,  devant  une  commission  com- 
posée de  littérateurs  et  de  compositeurs  de  l'Institut,  qui  jugerait  les 
livrets  et  les  partitions,  choisirait  les  meilleurs,  et  les  transmet- 
trait au  ministre  de  l'intérieur  pour  être  représentés.  Faute  d'exé- 
cution de  cette  clause  du  contrat,  le  privilège  et  le  subside  seraient 
retirés. 

»  De  plus,  on  accorderait  aux  six  villes  principales  de  France  un 
subside  peu  élevé,  par  exemple  20,000  francs  à  chacune,  aux  mêmes 
conditions.  On  aurait  alors  une  situation  à  peu  près  semblable  à  celles 
de  l'Italie  et  de  l'Allemagne ,  où  les  compositeurs  peuvent  écrire 
tour  à  tour  pour  différents  théâtres.  Soyez  convaincu  qu'il  sortirait 
quelque  chose  de  cette  organisation.  Pour  gagner  à  la  loterie  des  ta- 
lents nouveaux,  ajoutais-je,  il  faut  y  mettre.  » 

Homme  d'intelligence  et  animé  da  désir  du  bien,  M.  Vitet  goûta 
fort  le  plan  et  s'occupa  sérieusement  de  sa  réalisation.  Malheureuse- 
ment il  quitta  sa  pcsition  peu  de  temps  après,  et  fut  remplacé  par 
Royer-Collard ,  homme  d'esprit ,  causeur  agréable  ,  et  même  savant 
médecin,  disait-on,  mais  flâneur  et  insouciant.  Je  lui  reparlai  de  mes 
idées;  mais  il  m'arrêta  dès  les  premiers  mots,  pour  me  débiter  cette 
fausse  maxime,  qu'il  faut  laisser  les  arts  et  les  artistes  faire  eux- 
mêmes  leurs  affaires,  et  imiter  le  gouvernement  anglais,  qui  les  laisse 
en  pleine  liberté  et  ne  leur  accorde  aucune  protection,  aucun  se- 
cours. —  Vous  parlez,  lui  dis-je,  comme  quelqu'un  qui  n'a  aucune 
connaissance  de  l'art  et  des  artistes.  Les  Anglais  ne  font  rien  pour  la 
musique  dramatique,  mais  ils  n'en  ont, pas;  ils  vivent  d'emprunt. — 
Eh  bien  !  nous  ferons  comme  eux  :  il  n'est  pas  nécessaire  que  nous 
ayons  une  musique  nationale.  —  Mais  vous  n'êtes  pas  conséquent  avec 
vos  principes,  puisque  vous  accordez  des  privilèges  de  théâtres  et 
donnez  des  subsides  ;  vous  parlez  de  liberté ,  et  vous  créez  un  mo- 
nopole. Vous  dépensez  beaucoup  d'argent  pour  les  expositions  de 
peinture,  et  ne  voulez  rien  faire  pour  la  musique  ;  vous  commandez 
des  tableaux  et  des  statues  aux  artistes  que  vous  protégez,  et  laissez 


DE  PARIS. 


323 


les  autres  dans  le  besoin.  —  Oui,  nous  avons  les  torts  que  vous 
dites,  mais  ce  n'est  pas  une  raison  pour  en  créer  de  nouveaux.  — 
En  prenant  vos  principes  à  la  lettre,  il  faudrait  supprimer  votre  place. 
—  On  ne  ferait  pas  mal.  —  Nous  nous  quittâmes  ainsi. 

Ce  qu'on  n'a  pas  voulu  faire  alors,  je  persiste  à  croire  qu'on  le 
peut,  qu'on  le  doit.  Il  est  de  toute  évidence  que  le  gouvernement  et 
le  parlement  français  n'ont  pas  l'intention,  en  accordant  des  sub- 
sides aux  entreprises  de  théâtres  lyriques,  de  faire  la  fortune  des 
entrepreneurs,  ou,  ce  qui  est  plus  exact,  de  leur  fournir  un  appât 
avec  lequel  ils  mettent  souvent  leurs  dettes  à  la  charge  de  leur  suc- 
cesseur. Au  fond  de  cette  faveur,  accordée  souvent,  à  la  vérité,  sans 
discernement  et  avec  une  légèreté  qui  pourrait  être  blâmée,  au  fond 
de  cela,  il  y  a  la  pensée  d'être  utile  à  l'art  ;  car  s'il  n'en  était  pas 
ainsi,  la  prodigalité  et  le  monopole  seraient  inexcusables.  Or,  qui 
veut  la  fin,  veut  les  moyens.  Pour  atteindre  le  but,  il  faut  un  enga- 
gement positif  de  la  part  des  directeurs  privilégiés  tant  de  Paris  que 
des  départements.  Cet  engagement  doit  être  tout  en  faveur  de  l'art 
et  des  artistes  :  alors,  seulement,  les  privilèges  et  les  subsides  seront 
justifiés;  alors  il  y  aura  une  véritable  protection  accordée  au  talent 
qui  se  sent  exister  et  ne  peut  se  produire  en  l'état  actuel  des  choses. 

Le  domaine  de  la  musique  n'est  pas  renfermé  dans  l'enceinte  d'un 
théâtre  :  deux  de  ses  plus  belles  manifestations  se  font  à  l'église  et 
dans  le  champ  sans  limite  de  l'idéal  appelé  musique  instrumentale. 
Je  n'ai  pas  de  vœu  à  émettre  à  l'égard  de  la  musique  d'église  en  ce 
moment,  car  une  question  a  surgi  et  n'a  pas  reçu  de  solution  jusqu'à 
ce  moment.  Cette  question  est  celle-ci  :  la  musique  peut-elle  être 
conservée  à  Féglise,  ou  doit-elle  être  remplacée  définitivement  par  le 
plain-chant  ?  Et  dans  le  cas  où  la  musique  serait  conservée  pour 
l'usage  du  culte,  doit-elle  être  écrite  seulement  pour  les  voix  mariées 
à  l'orgue  ou  ■peut-on  y  admettre  les  instruments  ?  Si  j'avais  à  me  pro- 
noncer là-dessus,  je  dirais  que  ces  questions  sont  des  non-sens,  car 
depuis  plus  de  trois  siècles  le  plain-chant,  la  musique  d'église  écrite 
pour  les  voix  seules,  et  la  musique  avec  orchestre  ont  été  en  usage 
pour  les  divers  degrés  de  la  solennité  du  service  divin  jusque  dans 
le  sanctuaire  de  la  capitale  du  monde  chrétien.  Quelqu'un  se  chargera- 
t-il  aujourd'hui  de  déclarer  que  toute  l'Église  a  erré  jusqu'à  ce 
jour  en  ce  qui  concerne  le  chant  qui  convient  aux  louanges  de  Dieu  ? 
Ceux  qui,  imprudemment,  agitent  aujourd'hui  ces  questions  me  sem- 
blent appartenir  à  la  secte  des  puritains  qui,  au  xvii'^  siècle,  con- 
damnaient l'usage  de  l'orgue  pour  l'accompagnement  des  psaumes  et 
des  cantiques  des  protestants.  Mais  ce  n'est  pas  à  moi  qu'il  appar- 
tient de  mettre  fin  à  ce  que  je  considère  comme  de  vaines  dispu- 
tes :  l'Église  seule  a  le  droit  de  prononcer  en  cette  matière. 

Il  reste  donc  la  musique  instrumentale,  la  plus  élevée  de  toutes  les 
conceptions  humaines,  parce  qu'elle  est  la  seule  qui  soit  dans  le  do- 
maine pur  de  l'idéal,  que  rien  ne  la  rattache  aux  choses  réelles ,  et 
qu'elle  procède  uniquement  du  sentiment  et  de  la  pensée.  Une  opi- 
nion est  généralement  répandue  en  Allemagne  sur  l'incapacité  des 
Français  à  traiter  ce  genre  avec  succès  et  à  s'élever  jusqu'à  la  hau- 
teur où  Haydn,  Mozart  et  Beethoven  ont  placé  cette  belle  manifes- 
tation du  génie  de  l'art.  Il  y  a  toujours  un  vice  de  raisonnement  à 
conclure  de  ce  qu'une  chose  ne  s'est  pas  faite  dans  un  temps,  qu'elle 
ne  pourra  pas  se  faire  dans  un  autre.  A  juger  de  l'aptitude  fran- 
çaise pour  la  philosophie  d'après  le  matérialisme  de  Condillac  et  de 
Diderot,  on  n'aurait  pas  imaginé  au  xvin°  siècle  la  transformation 
radicale  qui  s'est  faite  dans  cette  science  au  xix^  chez  ce  même 
peuple  français.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  beaucoup  d'esprits  se 
sont  tournés  en  France  vers  la  musique  instrumentale,  qu'il  s'est  pro- 
duit dans  ces  derniers  temps  des  œuvres  de  ce  genre  dignes  de  l'in- 
térêt des  vrais  a.nais  de  l'art,  et  qu'il  est  désirable  que  ces  œuvres  se 
produisent  au  grand  jour  par  des  moyens  suffisants  d'exécution.  Le 
gouvernement  seul  peut  satisfaire  à  ce  besoin,  ce  qui  n'occasionne- 


rait qu'une  dépense  modérée,  ou  pour  mieux  dire  minime.  Voici  ce 
que  je  proposerais  : 

Il  serait  donné  chaque  année  six  concerts  d'orchestre  aux  frais  de 
l'État,  lesquels  seraient  destinés  à  faire  entendre  les  grandes  œuvres 
instrumentales  de  compositeurs  vivants  et  français.  Chacun  de  ces 
concerts,  y  compris  les  répétitions,  coûterait  à  peu  près  2,500  francs, 
soit  15,000  francs  pour  les  six  concerts,  qui  seraient  donnés  dans  la 
grande  salle  du  Conservatoire  avant  ou  après  l'époque  des  concerts 
de  la  Société  privilégiée,  et  l'excellent  orchestre  de  cette  même  So- 
ciété serait  chargé  de  l'exécution. 

Une  somme  égale  serait  partagée  entre  trois  associations  de  musi- 
que de  chambre  pour  donner  chacune  par  année  quatre  séances  de 
quintettes,  de  quatuors  et  de  trios  de  compositeurs  vivants.  Si  le 
public  payant  ne  venait  pas  d'abord  à  ces  séances,  on  inviterait  les 
artistes,  les  amateurs  et  toutes  les  intelligences  sociales  ;  la  foule  ne 
tarderait  pas  à  s'y  porter. 

FÉTIS  père. 
{La  fin  prochainement.  ) 


ÂCADÉIIE  DES  BEÀUX-ÂRTS. 

séance  annuelle.  —  Ouverture.  —  Cantate.  — 
Eloge  d'Horace  Vernet  par  JU.  Benlé. 

La  musique  tenant  une  large  place  dans  cette  séance ,  parlons-en 
tout  d'abord,  et  disons  que  l'ouverture  composée  expressément  par 
M.  Guiraud,  pensionnaire  de  troisième  année,  n'ajoute  guère  à  lo- 
pinion  que  nous  nous  sommes  formée  du  talent  de  ce  jeune 
homme.  C'est  un  de  ces  morceaux  bien  faits  qui  manquent  de 
caractère  et  de  couleur,  parce  qu'ils  ne  posent  sur  aucune  idée  et 
ne  marchent  vers  aucun  but.  Comment  voulez-vous  qu'un  débutant 
triomphe  de  difficultés  dont  les  maîtres  ne  sortiraient  qu'à  grand'- 
peine?  Donnez  un  librelto  à  M.  Guiraud  et  vous  verrez  alors  comment 
il  s'y  prendra  pour  écrire  une  ouverture,  qui  cette  fois  ouvrira  quel- 
que chose.  Avec  le  savoir  et  l'art  dont  il  est  abondamment  pourvu,  il 
y  mettra  sans  doute  ce  que  son  sujet  lui  fournira,  ce  que,  proportions 
gardées,  Freyschutz  a  fourni  à  Weber,  Guillaume  Tell  à  Rossini.  Le 
rapport  sur  les  envois  de  Rome  mentionnait  avec  éloges  divers  tra- 
vaux d'autres  pensionnaires  plus  anciens  ou  plus  nouveaux  :  deux 
morceaux  de  symphonie  et  des  fragments  d'un  opéra  italien  de 
M.  Samuel  David,  un  opéra-bouffe  italien  et  une  ouverture  de  M.  Pa- 
ladilhe;  une  messe  solennelle  et  une  ouverture  de  M.  Dubois.  Mais 
ces  envois  demeurant  lettres  closes  pour  tout  le  monde,  excepté  pour 
les  membres  de  l'Académie,  nous  ne  pouvons  nous  en  occuper. 

La  musique  de  la  cantate  couronnée,  David  Rissio,  avait  pour  au- 
teur M.  Jules  Massenet,  jeune  musicien  dont  la  vocation  s'est  mani" 
festée  de  très-bonne  heure  et  avec  une  force  décisive.  Elève  de 
MM.  Ambroise  Thomas  et  Reber,  il  avait  mérité  l'année  dernière  une 
mention  honorable;  et  cette  année,  à  peine  majeur,  il  a  remporté  le 
premier  prix.  Assurément  sa  partition  est  une  des  meilleures  que 
nous  ayons  entendues  en  pareille  circonstance,  et  pourtant  nous  ne 
voulons  pas  dire  que  ce  soit  un  chef-d'œuvre.  Depuis  vingt-trois  ans 
que  nous  assistons  régulièrement  à  l'exécution  des  cantates,  il  nous 
est  arrivé  d'en  rencontrer  de  complètement  mauvaises,  pas  une  qui 
fût  complètement  bonne.  Ce  sont  toujours  des  œuvres  de  jeunesse 
auxquelles  surtout  manquent  l'invention ,  l'originalité.  Celle  de 
M.  Jules  Massenet  ne  fait  pas  exception  à  la  règle  :  son  intro- 
duction instrumentale  prouve  qu'il  sait  écrire,  et  quelques  pas- 
sages de  ses  scènes  vocales  qu'il  est  capable  de  chanter.  Il  a 
profité  de  l'occasion  que  son  texte  lui  offrait,  de  placer  là  une  bal- 
lade écossaise;  la  ballade  est  suivie  d'une  espèce  de  sérénade  non 
moins  agréable;  mais  la  partie  dramatique  de  l'œuvre  nous  a  semblé 


324 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


beaucoup  moins  heureuse  :  le  style  en  est  vague,  confus,  sans  effet. 
Vers  la  fin,  le  musicien  se  relève  un  peu,  et  bien  lui  a  pris  d'avoir 
choisi  un  interprète  tel  que  Roger,  dont  la  belle  et  puissante  diction 
n'a  pas  laissé  perdre  une  syllabe  du  rôle  de  David  Eizzio.  Mme  Van- 
denheuvel-Duprez  a  rendu  le  même  service  au  rôle  de  Marie  Stuart; 
Gourdin  a  fait  ce  qu'il  a  pu  de  celui  de  Douglas.  Comme  à  l'ordi- 
naire, l'orchestre  aérien  de  l'Académie  était  conduit  par  l'excel- 
lent M.  Battu. 

En  général,  nous  attachons  peu  d'importance  au  texte  des  cantates  : 
notre  indulgence  est  acquise  (et  par  de  bonnes  raisons)  à  ceux  qui 
se  chargent  d'une  besogne  plus  difficile  qu'elle  n'en  a  l'air,  mais 
dont  le  public  se  soucie  fort  peu.  Une  circonstance  particuUère  nous 
oblige  à  y  faire  plus  d'attention  aujourd'hui.  L'auteur  des  paroles  de 
Bavid  Rizzio,  M.  Chouquet,  a  pour  ami  intime  un  M.  Gamma,  cri- 
tique pour  le  moins  aussi  grand  qu'il  est  lui-même  grand  poëte, 
mais  qui,  par  excès  de  zèle,  ne  laisse  pas  de  lui  nuire. 
L'année  dernière,  pour  préparer  les  voies  au  triomphe  de  son 
ami,  M.  Gamma  traitait  fort  rudement  la  cantate  choisie.  Ne 
voilà-t-il  pas  qu'il  s'en  repent  et  s'en  excuse,  jurant,  mais  un  peu 
tard,  qu'il  ne  se  permettra  plus  le  moindre  mot  à  l'égard  des  fabri- 
cants  de  cantates  ?  Eh  bien,  veut-il  que  nous  lui  parlions  franche- 
ment ?  il  aurait  tort  :  la  vérité  est  toujours  bonne  à  dire  quand  elle 
est  vraie,  el  au  lieu  d'abdiquer  sitôt,  que  n'a-t-il  charitablement  averti 
M.  Chouquet  des  fautes  par  lui  commises  ?  D'abord  n'eùt-il  pas  dû 
lui  faire  observer  que  le  sujet  de  Marie  Stuart  n'est  pas  neuf  ;  que 
M.  Jouy  l'avait  déjà  exploité  en  1808,  et  M.  Léon  Halévy  en  1837  ? 
Puis,  il  l'aurait  engagé  à  ne  pas  débuter  par  deux  vers  aussi  étran- 
gement construits  que  les  suivants  : 

L'astrologue  Damiot  m'a  prédit  que  l'orage 

Tour  à  tour  frapperait  moi,  la  reine  et  le  roi. 

Il  lui  aurait  conseillé  de  ne  pas  prodiguer  les  vulgarités  telles  que 
je  tremble. . .  je  me  sens  frémir  d'un  vague  effroi. . .  je  sens  renaître 
le  calme  et  sa  douceur,  et  surtout  à  ne  pas  affliger  l'oreille  de  con- 
sonnances  assez  barbares  pour  faire  supposer  qu'il  y  a  préméditation  : 

Je  mourrais  pour  ta  cause 

Marie,  ô  blanche  rose, 

Noble  fleur  des  StuartsI  I 

L'ami  Gamma  devait-il  souffrir  que  son  poëte  fît  parler  ainsi  Marie  : 
Laissons  la  politique  : 
Je  veux  emplir  ma  nuit  de  vers  et  de  musique. 

Nous  n'en  finirions  pas  s'il  nous  fallait  souligner  tout  ce  que  le 
crayon  d'un  ami  sincère  aurait  dû  noter  dans  la  poésie  de  M.  Chou- 
quet, et  la  fleur  du  souci,  et  le  bleu  chardon,  et  la  guerrière  fleur,  el 
la  vivante  fleur  parmi  les  fleurs,  et  le  fuis  vite,  que  Marie  lance  à 
David,  et  la  platitude  des  vers  qui  servent  à  l'entrée  de  Douglas,  etc. 
Si  M.  Gamma,  le  critique,  ne  se  fût  pas  tant  hâté  de  jeter  la  férule, 
combien  M.  Chouquet,  le  poëte,  y  eût -il  gagné  !  Mais  on  nous  af- 
firme que  M.  Chouquet  et  M.  Gamma  ne  sont  qu'une  seule  et  même 
personne,  deux  esprits  en  un  corps!  Nous  nous  refu  sons  à  le  croire. 
Quand  on  essaie  de  tenir  une  plume,  il  nous  semble  qu'on  doit  avoir 
au  moins  l'adresse  de  ne  pas  s'en  barbouiller  tristement. 

Ceci  terminé,  souhaitons  bonne  chance  à  M.  Massenet,  qui  la  mé- 
rite plus  que  tout  autre  par  son  dévouement  musical.  Comme  à  ses 
devanciers,  nous  lui  dirons  :  sur  quel  frêle  esquif  s'embarque  votre 
avenir  de  compositeur  !  Mais  enfin  il  est  possible  que  cet  esquif  re- 
vienne, avec  le  temps,  à  son  point  de  départ.  L'Académie  vous  cou- 
ronne, l'Académie  vous  attend! 

C'était  la  seconde  année  que  M.  Beulé,  le  nouveau  secrétaire  per- 
pétuel, prononçait  un  éloge  historique;  après  Halévy,  il  avait  choisi 
Horace  Vernet,  double  preuve  de  goût,  d'à-propos  et  de  courage!  La 
notice  sur  la  vie  et  les  ouvrages  du  peintre  si  justement  appelé  na- 
tional, a  été  écoutée  avec  un  vif  intérêt,  une  attention  soutenue  et 


souvent  entrecoupée  de  bravos,  dont  trois  salves  ont  retenti  après  la 
un  du  discours.  M.  Beulé  avait  déjà  pris  son  rang  parmi  les  orateurs 
académiques  :  il  vient  de  s'y  établir  avec  plus  d'éclat  que  jamais. 

Paul  SMITH. 


CORRESPONDANCE. 

Munich,  30  septembre. 

Notre  festival  est  terminé  ;  il  a  duré  trois  jours.  Huit  années  se  sont 
écoulées  depuis  que  l'Académie  de  musique  a  organisé  la  première  fête 
de  ce  genre,  et  la  seconde  vient  d'être  donnée.  Sans  doute,  on  aura 
compris  que  chez  nous  l'art  musical  est  au-dessous  du  niveau  de  la 
peinture  et  de  la  statuaire.  Et  pourtant  le  talent  musical  ne  manque 
certes  pas  à  la  population.  «  Tout  chante  en  Bavière  » ,  a  dit,  il  y  a  déjà 
longtemps,  le  célèbre  poëte  Schubart  ;  «  et  même  le  dialecte  du  pays, 
qui  passe  pour  être  si  rude,  devient  doux  et  sonore  dans  la  bouche 
de  la  jeune  fille  qui  chante  un  Lied  populaire.  »  Lorsqu 'après  la  réunion 
du  Palatinat  avec  la  Bavière,  l'orchestre  et  les  acteurs  du  théâtre  vin- 
rent se  fondre  avec  la  troupe  de  Munich,  l'opéra  de  cette  capitale  jeta 
un  vif  éclat  pendant  un  certain  temps;  mais  quant  à  la  musique  de 
chambre  et  d'orchestre,  elle  fut  complètement  abandonnée  jusqu'au 
moment  où— il  y  a  de  cela  vingt-cinq  ans —  Franz  Lachner  fonda  les  con- 
certs de  rodéon,  qui  ont  lieu  huit  fois  par  année.  La  Société  d'oratorios, 
fondée,  il  y  a  cinq  ans,  par  le  baron  Perfall,  est  la  seule  société  pour 
chœur  mixte  qui  existe  en  Bavière. 

Le  deuxième  festival  se  composait  de  trois  concerts  :  les  deux  pre- 
miers ont  eu  lieu  au  Palais  de  cristal,  à  midi  ;  le  troisième,  le  soir,  à 
rOdéon  :  uu  concert  de  virtuoses,  comme  on  dit,  qui,  depuis  l'organi- 
sation du  festival  du  Rhin  par  Mendelssohn,  termine  et  conclut  ce  genre 
de  solennités.  Un  fait  qu'on  ne  s'explique  pas,  c'est  que,  dans  le  pro- 
gramme, les  noms  d'Orlando  Lasso  et  de  Gluck,  dont  les  statues  s'élè- 
vent sur  la  place  des  promenades,  brillaient  par  leur  absence. 

Au  Palais  de  cristal,  nù  ont  été  donnés  les  deux  premiers  concerts, 
l'effet  acoustique  a  été  meilleur  qu'on  ne  pouvait  l'espérer  dans  un  si 
grand  espace  ;  les  jyiano  les  plus  délicats  se  dessinaient  avec  la  finesse 
la  plus  précise;  mais  dans  les  passages  fortement  accentués,  surtout 
quand  le  mouvement  était  très-accéléré,  on  remarquait  une  certaine 
confusion . 

Les  honneurs  du  festival  reviennent  de  droit  à  l'orchestre,  en  particu- 
lier aux  violons,  qui  ont  fait  merveille,  notamment  dans  les  Suilet: 
de  Lachner,  celle  en  ut  mineur  surtout,  qui  a  été  saluée  d'applaudisse- 
ments enthousiastes  ;  ces  bravos  s'adressaient  au  chef  d'orchestre  aussi 
bien  qu'au  compositeur.  Pour  les  chœurs,  la  sonorité  de  la  salle  se 
montra  moins  avantageuse  que  pour  les  instruments  :  ils  étaient  con- 
duits par  Mme  de  Hetzenecker,  autrefois  cantatrice  dramatique  des 
plus  célèbres,  aujourd'hui  femme  d'un  fonctionnaire  haut  placé. 
Parmi  les  solistes  on  a  surtout  distingué  Mme  Dietz.  Cette  excellente 
cantatrice  dont  le  talent  brave  l'influence  des  années,  outre  les  mor- 
ceaux qui  lui  avaient  été  primitivement  confiés,  dut  encore  exécuter, 
au  dernier  moment,  un  air  de  soprano,  hérissé  de  difficultés  —  dans 
l'ode  à  Sainte-Cécile  —  et  s'acquitta  de  cette  tâche  imprévue  avec  une 
sûreté  et  une  vigueur  vraiment  surprenantes.  A  côté  de  Mme  Dietz  — 
qui  est  attachée  au  théâtre  de  la  cour  depuis  vingt-cinq  ans  —  s'est 
lait  remarquer  une  artiste  plus  jeune  sans  doute  et  plus  belle  — 
Mlle  Edelsberg  —  mais  dont  la  voix  de  contralto  a  besoin  d'être  per- 
fectionnée par  le  travail. 

La  magnifique  ode  à  Sainte- Cécile,  par  Ilsendel,  a  électrisé  l'auditoire; 
l'oratorio  du  même  compositeur  —  Israël  en  Egypte  —  n'a  pas  produit 
autant  d'effet.  Mlle  Edelsberg  a  chanté  un  air  de  l'oratorio  :  Retour  de 
Tohie,  qu'une  critique  ignorante  a  pris,  il  y  a  quelques  années,  pour  une 
œuvre  inédite  de  Haydn.  Il  est  prouvé  par  un  passage  d'une  lettre  de 
J.  Fr.  Reichhardt,  que  cet  oratorio  a  été  e-xécuté  au  Burg-Ttieater,  à 
Vienne,  en  <80S. 

L'intérêt  du  troisième  concert  se  concentrait  tout  entier  dans  la 
personne  de  trois  artistes  hors  ligne  :  Mme  Schumann,  Mme  Dustmann 
et  le  violoniste  Joachim.  Le  succès  de  Mme  Dustmann  a  été  des  plus 
éclatants.  Dès  la  veille,  elle  avait  éclipsé  tout  son  entourage,  dans  un 
air  de  dona  Anna.  Au  concert  elle  a  chanté  :  air  de  Jessonda,  un  Lied 
de  Schumann,  un  Lied  de  Mendelssohn  et  «  la  liose  dans  la  bruyère  »  de 
Schubert.  La  soirée  était  déjà  avancée  ;  l'aiguille  de  la  pendule  allait 
marquer  onze  heures,  et  pourtant  Mme  Dustmann,  après  avoir  été  rap- 
pelée trois  fois,  a  dû  se  résigner  à  redire  la  délicieuse  composition  de 
Fr.  Schubert.  Quant  à  Clara  Schumann  et  Joachim,  ils  sont  restés  à 
la  hauteur  de  leur  renommée. 

La  salle  était  comble  au  concert  des  virtuoses  ;  un  second  aura  lieu 
demain;  de  sorte  que  toutes  les  inquiétudes  financières  des  entrepreneurs 
sont  calmées. 


DE  PARIS. 


325 


EEVDE  DES  THÉÂTRES. 

TuÉATUE  IMPÉRIAL  DU  Chatelet,  —  Aladifi,  ou  la  Lampe  merveil- 
leuse, grande  féerie  en  quatre  actes  et  vingt  tableaux,  par  MM.  Den- 
nery  et  H.  Crémieux. 

Cette  année,  l'époque  des  vacances  a  été  très-fructueuse  pour  la 
plupart  de  nos  théâtres  :  aussi,  depuis  un  mois,  se  sont-ils  généra- 
lement abstenus  de  pièces  nouvelles.  Mais  l'heure  de  la  rentrée  est 
venue,  et  les  nouveautés  vont  surgir  de  tous  les  points  de  l'horizon. 
Pour  prévenir  l'encombrement,  nous  allons  donc  déblayer  le  terrain, 
qui  n'est  d'ailleurs  obstrué  que  par  une  grande  féerie,  représentée 
au  théâtre  impérial  du  Ghâtelet. 

On  a  déjà  mis  plusieurs  fois  à  la  scène  le  fameux  conte  à'Aladin, 
et  toujours  avec  succès.  L'opéra  de  ce  nom  ,  musique  de  Nicolo  , 
achevé  par  Benincori,  joué  en  1S22,  a  laissé  d'excellents  souvenirs. 
Dans  le  même  temps,  Léontine  Fay,  encore  enfant,  jouait  au  Gym- 
nase la  Petite  Lampe  merveilleuse,  et  Bouffé  préludait  à  sa  grande 
renommée,  dans  une  pièce  du  même  titre,  au  Panorama-Dramatique. 
Mais  enfin,  la  génération  actuelle  n'a  pas  vu  les  merveilles  de  ce 
temps  antédiluvien,  et  le  théâtre  du  Ghâtelet  a  bien  fait  de  les  re- 
prendre eu  sous-œuvre.  Si  jamais  un  livre  a  offert  tous  les  éléments 
d'un  spectacle  grandiose  et  splendide,  c'est,  à  coup  sûr,  celui  des 
Mille  et  une  Nuits.  Et,  convenons-en,  jamais  théâtre  ne  fut  mieux 
disposé  pour  l'exécution  de  ces  immenses  féeries,  qui  ont  atteint,  de 
nos  jours,  les  dernières  limites  du  possible,  ou,  du  moins,  peu  s'en 
faut.  MM.  Dennery  et  Crémieux  n'avaient  donc  qu'à  tailler  en  plein 
drap  dans  le  recueil  de  ce  bon  M.  Galland,  qui  contait  si  bien!  Pour- 
quoi ne  l'onl-ils  pas  fait,  et  pourquoi  ont-ils  substitué  leur  imagina- 
tion à  celle  du  rêveur  oriental  ?  Il  y  a  là  sans  doute  une  raison  de 
boutique,  comme,  par  exemple,  le  besoin  de  tracer  des  rôles  con 
formes  aux  moyens  des  acteurs,  ou  d'utiliser  des  effets  de  mise  en 
scène  tenus  en  réserve.  Toujours  est-il  qu'on  regrette  de  ne  pas 
trouver  dans  la  pièce  de  ces  messieurs  tous  les  incidents  connus  qui 
ont  popularisé  l'histoire  d'Aladin.  Eu  revanche,  on  y  rencontre  des 
personnages  et  des  événements  dont  on  chercherait  en  vain  la  trace 
dans  les  Mille  et  vn,e  Nuits.  Ainsi,  le  caractère  naïf  du  fils  du  tail- 
leur chinois  est  devenu  presque  sérieux,  et  il  a  fallu  le  dédoubler 
pour  lui  adjoindre  un  frère  de  lait  chargé  d'égayer  les  spectateurs. 
Le  magicien  africain  s'est  transformé  en  un  vizir  ridicule,  qui  na- 
guère a  été  empalé,  et  qui  ne  peut  ni  s'asseoir  ni  se  courber,  à 
cause  du  fragment  de  pal  qui  lui  est  resté  dans  le  corps.  Enfin,  la 
mère  d'Aladin  s'est  effacée  devant  une  certaine  princesse  Grudindoie, 
dont  ie  nom  seul  est  une  triple  révélation.  Il  en  est  de  même  de 
l'action,  qui  a  subi  çà  et  là  d'étranges  métamorphoses.  Nous  ne 
pouvons  les  citer  toutes,  mais  il  en  est  une  qu'il  nous  est  difficile  de 
comprendre  ;  c'est  celle  d'après  laquelle  la  princesse  Grudindoie  se 
laisse  maladroitement  enlever  la  lampe  merveilleuse,  au  lieu  de  la 
vente,  si  bien  justifiée,  que  la  mère  d'Aladin  en  fait  à  son  premier 
possesseur. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  chicanes  secondaires,  les  vingt  tableaux 
de  cette  féerie  composent,  en  somme,  un  très-beau  et  très- attrayant 
spectacle.  Nous  avons  rarement  vu  de  surprises  mieux  réussies  que 
celle  de  ce  gigantesque  champignon  qui  se  change  tout  à  coup  en 
uu  kiosque  à  trois  étages,  et  celle  de  ce  vaisseau,  battu  des  flots,  qui 
fait  place  instantanément  à  un  palais  resplendissant  de  richesses.  Il 
faut  aussi  admirer  sans  restriction  les  décors  de  la  salle  de  bain, 
du  palais  de  la  lampe,  du  lac  éclairé  par  les  pâles  reflets  de  la  lune, 
et,  enfin,  de  l'apothéose. 

Quant  h  la  partie  dialoguée,  elle  n'est  pas  trop  absurde,  et  le  rôle 
épisodique  de  Baba  y  jette  assez  de  gaieté;  deux  où  trois  couplets  y 
sont  faits  de  main  de  maître,  et  l'on  fait  chaque  soir  bisser  celui  de 
l'Araignée. 

Les  deux  ballets  des  Génies  de  la  lampe  et  des  Filles  du  Soleil  ont 


paru  trop  longs.  Nous  conseillons  à  M.  Honoré  d'en  réduire  un  peu 
la  durée.  M.  de  Groot,  le  chef  d'orchestre,  est  habitué  à  nos  éloges, 
ce  qui  n'empêchera  pas  de  lui  en  adresser  de  nouveaux  pour  sa 
musique  de  danse,  qui  est  vraiment  charmante,  et  pour  ses  accom- 
pagnements d'entrées  et  de  sorties,  que  l'on  remarque  trop  peu,  se- 
lon nous,  car  ils  dénotent  chez  le  compositeur  un  goût  parfait,  ainsi 
qu'une  science  sohde. 

Il  faut  croire  que  ce  n'est  pas  une  petite  affaire  de  rassembler  en 
nombre  suffisant  des  artistes  capables  de  jouer  une  férié,  puisqu'on 
va  maintenant  les  emprunter  à  tous  les  théâtres  de  Paris.  Ceux  d'^- 
ladin,  qui  d'ailleurs  sont  excellents,  forment  une  singulière  olla-po- 
drida.  Consultez  le  programme  :  le  schah  d'Angora  est  joué  par 
Charles  Potier,  des  Variétés  ;  le  visir  Mesrour,  par  Tacova,  des  Bouf- 
fes-Parisiens ;  la  princesse  Grudindoie,  par  Mlle  Taulin,  des  Variétés 
déjà  nommées;  Aladin,  par  Rosier,  provenance  inconnue,  et  la  belle 
Bradoulboudour,  par  Mlle  Théric,  retour  de  Russie.  Il  n'y  a  que  Gol- 
brun  qui  soit  dans  son  cadre;  mais  Golbrun,  à  lui  seul,  vaut  tous 
les  autres  ;  c'est  la  vraie  providence  des  féeries  du  théâtre  du  Ghâ- 
telet, et  celle-ci  est  destinée  à  occuper  l'affiche  tout  l'hiver. 

—  Nous  constatons,  en  terminant,  que  le  Carnaval  de  Noples, 
drame  en  cinq  actes  et  en  neuf  tabieaux,  de  M.  Paul  Foucher,  vient 
d'obtenir  un  très-brillant  succès  à  la  Porte-Saint-Martin,  avec  Mlle 
Fanny  Génat,  qui  s'est  fait  applaudir  comme  danseuse  à  l'Opéra,  et 
qui,  comme  comédienne,  s'est  essayée,  cet  hiver,  au  Gymnase,  non 
sans  éclat.  Nous  reviendrons  sur  cette  pièce  et  sur  son  interprète. 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 

^*^  Dimanche  dernier,  le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  la  Fa- 
vorite et  le  marché  des  Innocents.  Lundi,  Guillaume  Tell.  Villaret  a  fort 
bien  chanté  le  rôle  d'Arnold,  et  Mme  Vandenheuvel-Duprez  celui 
de  Mathilde.  —  Mercreai,  le  Trouvère  et  Graziosa.  —  Vendredi ,  la 
Xacarilla  et  Giselle.   Aujourd'hui   on  annonce  Guillaume  Tell. 

j*^.  Quoique  allant  mieux,  Gueymard  n'est  pas  encore  en  état  de  re- 
prendre son  service. 

»*^  La  Muette  de  Portici.  qui  va  reparaître  demain,  a  subi  quelques 
remaniements  dans  le  personnel  de  ses  interprètes.  Faure  prend  le  rôle 
de  Pietro  ;  Michot  celui  de  Masaniello^  et  Warot  celui  d'Alphonse. 
Mme  Vandenheuvel-Duprez  et  Marie  Vernon  conservent  le  leur. 

,'*j  Le  premier  rôle  dans  lequel  on  entendra  maintenant  Villaret,  est 
celui  d'Eléazar,  de  la  Juive;  il  le  sait  complètement,  et  on  n'a  plus  be- 
soin que  de  quelques  répétitions  d'ensemble  pour  que  le  chef-d'œuvre 
d'Halévy  puisse  être  représenté. 

^*4  Nous  avons  annoncé  l'engagement  de  Mlle  Marie  Battu.  C'est  dans 
le  rôle  d'Anaï,  de  Moïse,  que  la  jeune  et  célèbre  artiste  doit  faire  son 
premier  début.  Le  chef-d'œuvre  de  Rossini,  avec  sa  nouvelle  distribu- 
tion, est  entré  en  répétition  et  paraît,  sauf  modification,  devoir  être 
interprété  par  Villaret,  Faure,  Obin,  Mlle  Sax  et  Mlle  Battu  ;  il  serait 
joué  dans  six  semaines. 

^**  Merly,  dont  nous  avions  annoncé  la  rentrée  â  l'Opéra,  a  reparu 
lundi  dans  Guillaume  Tell;  il  nous  a  semblé  avoir  perdu  quelques-unes 
des  qualités  qu'il  pcssédait  lors  de  sa  première  apparition  sur  cette  scène. 
Peut-être  sera-t-il  plus  heureux  dans  le  rôle  du  comte  de  Luna,  du 
Trouvère,  qu'il  doit  chanter  pour  son  second  début. 

^*^  On  répète  maintenant  chaque  jour  le  ballet  de  MM.  Rota,  de  Saint- 
Georges  et  Giorza,  qui  doit  nous  faire  connaître  la  célèbre  ballerine, 
Amina  P.oschetti. 

^*,  Vendredi,  le  théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique  a  donné  pour 
les  ambassadeurs  annamites,  une  représentation  des  Amours  du  Diable, 
qui  a  paru  leur  faire  grand  plaisir. 

j,"*^  Le  rôle  de  Latimer,  dans  le  Songe  d'une  nuit  d'été,  est  depuis  quel- 
ques représentations  tenu  par  Capoul  ;  la  voix  de  cet  artiste  lui  prête 
un  grand  charme  et  complète  de  la  façon  la  plus  heureuse  l'exécution 
du  chef-d'œuvre  d'Ambroise  Thomas. 

**»  L'administration  du  théâtre  Italien  avait  fait  annoncer  que  les  tra- 
vaux de  réparation  et  de  restauration  de  la  salle  devant  être  très  pro- 
chainement terminés,  elle  espérait  pouvoir  ouvrir  hier  samedi  10.  Mais 
elle  a  dû  ajourner  encore  à  mercredi  14  cette  ouverture,  qui  se  fera 
toujours  par  la  Traviata,    avec  Mme   de   La  Grange,    Nicolini  et  Délie 


KEVLE  Kt  GAZETTE  MUSICALE 


Sedie.  Ce  dernier  y  remplace  Giraldoni,  empêché  par  un  mal  de  gorge 
qui  exige  plusieurs  jours  de  repos  et  de  soins. — Sur  la  demande  de  beau- 
coup d'abonnés,  la  direction  a  rétabli  l'uniformité  dans  le  prix  des  fau- 
teuils d'orchestre,  qui  demeure  fixé  à  14  francs  pour  chacun  indistinc- 
tement, pris  au  bureau  ou  en  location,  et  à  12  francs  par  abonnement. 

^,*^  Mme  Tedesco  est  de  retour  à  Paris. 

**»  Mme  Penco  va  partir  pour  l'Espagne  ;  la  célèbre  cantatrice, 
après  l'arrangement  amiable  intervenu  entre  elle  et  M.  Calzado,  a  signé 
un  engagement  pour  vingt-cinq  représentations  avec  M.  Rizzoli,  direc- 
teur (les  théâtres  italiens  de  Cadix  et  de  SévlUe, 

»*»  Les  travaux  de  reconstruction  de  la  salle  des  Bouffes-Parisiens 
sont  poussés  avec  activité,  mais  il  ne  paraît  pas  possible  qu'ils  soient 
terminés  avant  le  mois  de  décembre. 

»**  L'ancienne  salle  du  théâtre  Lj'rique  va  définitivement  disparaître 
du  boulevard  du  Temple.  L'adjudication  des  matériaux  de  démolition  a 
eu  lieu  hier  à  l'Hôtel  de  ville. 

***  A  l'occasion  du  passage  à  Bordeaux  de  S.  M.  le  roi  de  Portugal, 
il  y  a  eu  représentation  extraordinaire  au  grand  Théâtre.  Le  spectacle 
se  composait  de  deux  actes  de  la  Dame  Blanche  et  du  quatrième  acte  des 
Huguenots.  Le  ténor  Jaulain  et  Mme  Rey-Balla  chantaient  les  rôles  de 
Raoul  et  de  'Valentine.  Jamais  Mme  Rey-Balla  ne  s'était  montrée  aussi 
belle  et  n'avait  joué  avec  plus  de  passion  cette  magnifique  page  de  mu- 
sique dramatique.  Aussi  le  roi  a-t-il  daigné  la  faire  complimenter  sur  son 
beau  talent. 

»*t  M.  Raousset-Boulbon  annonce  que  la  salle  de  concerts  qu'il  fait 
construire  au  faubourg  Saint-Germain,  près  de  l'hôtel  Cluny,  pourra 
être  inaugurée  au  commencement  de  novembre.  L'orchestre  sera  com- 
posé de  cinquante  musiciens  sous  la  direction  de  M.  Paquis,  premier  cor 
solo  du  théâtre  italien.  L'administration  prend  la  louable  initiative  d'ac- 
cueillir et  d'y  faire  exécuter  les  œuvres  des  jeunes  compositeurs. 

***  MM.  Cremieux  et  Gille  ont  arrangé  sur  le  sujet  de  Don  Juan  un 
libretto  dont  J.  Offenbach  composera  la  musique. 

***  MM.  Legendre  et  Lalliet,  les  deux  remarquables  solistes  des  con- 
certs Musard,  l'un  sur  le  cornet  à  pistons  et  l'autre  sur  le  hautbois, 
après  avoir  passé  l'été  à  Berlin,  engagés  au  théâtre  KroU,  où  ils  ont  eu 
de  nombreux  et  brillants  succès,  sont  de  retour  à  Paris. 

***  Les  recettes  brutes  des  théâtres  impériaux  subventionnés,  des 
théâtres  secondaires  de  vaudevilles  et  petits  spectacles,  de  concerts, 
spectacles-concerts,  etc.,  se  sont  élevées,  pendant  le  mois  de  septem- 
bre, à  la  somme  de  1 ,403,968  fr.  05  c. 

H,**  Le  mariage  de  Mlle  Cabanis,  fille  de  l'honorable  fonctionnaire  du 
ministère  d'Etat,  a  eu  lieu  il  y  a  huit  jours,  à  l'église  Saint-André 
d'Antin.  Plusieurs  artistes  distingués,  entre  autres  Delle-Sedie,  du  théâ- 
tre Italien,  et  Mme  Lefébure-Wély,  se  sont  fait  entendre  pendant  l'of- 
fice. 

**t  Une  dépêche  télégraphique  de  Madrid  a  fait  savoir  que  le  théâtre 
Italien  avait  rouvert  ses  portes  le  4,  jour  de  la  fête  du  roi,  par  //  Bar- 
biere  di  Siviglia.  Le  théâtre  était  illuminé  extérieurement  a  giorno  et  la 
représentation  était  splendide.  Mme  Borghi-Mamo  a  été  applaudie  avec 
enthousiasme.  Mario  a  chanté  délicieusement  ;  Guadagnini,  qui  débutait 
dans  le  rôle  de  Figaro,  a  brillamment  réussi.  Le  bouffe  Scalese  et  An- 
tonucci  ont  partagé  le  succès. 

***  On  nous  écrit  de  Melbourne  (Australie),  en  date  du  2S  avril,  que 
la  Société  philharmonique  de  cette  ville  a  donné  un  fort  beau  concert 
dans  lequel  le  directeur,  M.  Horsley,  a  fait  exécuter  l'Ouverture  en  forme 
de  marche  de  Meyerbeer,  la  marche  d'Auber  et  la  cantate  de  Sterndale- 
Bennett,  composées  pour  la  grande  exposition  de  Londres.  M.  Horsley, 
sans  savoir  que  Meyerbeer  avait  eu  la  même  idée  lorsqu'il  fit  exécuter 
cette  ouverture  à  Beriin,  avait  introduit  les  chœurs  au  moment  où  vient 
le  Bute  Britannia  ;  l'effet  a  été  grandiose,  et  l'ouverture  bissée  aux  ac- 
clamations de  la  salle  entière.— les  Huguenots  montés  au  Grand-Théâtre 
de  Melbourne,  le  printemps  dernier,  ont  obtenu  un  si  grand  succès  que 
le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer  a  été  donné  vingt-quatre  fois  de  suite 
sans  avoir  satisfait  l'empressement  du  public.  Aussi  la  direction  se 
propose-t-elle  de  monter  Bobert  le  Diable  pour  l'ouverture  de  la  saison 
prochaine. 

**,  Nous  avons  constaté  le  succès  enthousiaste  qui  a  accueilli  Adelina 
Patti,  à  Hambourg,  dans  Dinorah.  Nous  devons  y  ajouter  un  détail  que 
nous  trouvons  dans  la  Gazette  des  Étrangers  :  «  Chaque  phrase  (écrit  le 
correspondant  de  ce  journal)  faisait  éclater  des  applaudissements  fré- 
nétiques. A  l'air  de  l'Ombre,  notamment,  l'enthousiasme  n'a  plus  connu 
de  bornes.  Je  vous  citerai  un  fait  caractéristique.  A  la  suite  de  ce  mor- 
ceau et  au  milieu  des  bravos  et  des  rappels,  l'orchestre  a  spontanément 
joué  la  fanfare  d'honneur,  se  joignant  ainsi  au  public  pour  honorer  et 
féliciter  la  jeune  et  brillante  artiste.  A  Paris,  une  semblable  manifesta- 
tion paraîtrait  ridicule;  on  en  suspecterait  la  bonne  foi.  Ici,  elle  est 
d'usage;  on  n'en  abuse  pas  d'ailleurs,  et  elle  a  rencontré  l'assentiment 
général.  » 

***  Le  concert  donné  le  3  octobre  à  Bade,  et  auquel  ont  concouru 
comme  nous  l'avons  dit  brièvement,  A.  Batta  et  Vivier,  a  été  plus  bril- 
lant peut-être  et  plus  nombreux  que  tous   ceux  de  la  saison.  Il  était 


honoré  de  la  présence  de  LL.  MM.  le  roi  et  la  reine  de  Prusse.  Mme  de 
Rudersdorf,  artiste  célèbre  en  Allemagne,  M.  Mortier  de  Fonfaine, 
pianiste  de  la  grande  écolo,  et  le  violoniste  Wilhelmi  y  avaient  été  éga- 
lement appelés  et  les  applaudissements  ne  leur  ont  pas  manqué.  Mais  le 
morceau  capital  de  la  soirée  a  été  la  Sérénade  de  Rossini,  jouée  en  duo 
par  A.  Batta  et  Vivier,  et  dans  laquelle  ces  inimitables  artistes  se 
sont  surpassés.  A  peine  la  dernière  note  expirait-elle,  qu'un  enthou- 
siasme indescriptible,  dont  le  roi  et  la  reine  ont  donné  le  signal,  a 
éclaté  dans  l'auditoire,  et  LL.  MM.  ont  voulu  elles-mêmes  adresser  leurs 
félicitations  aux  deux  virtuoses.  On  allait  d'une  voix  unanime  redeman- 
der cette  Sérénade,  lorsque  l'ordonnateur  de  la  fête  est  venu  annoncer 
qu'un  second  concert,  où  elle  serait  répétée,  aurait  lieu  exprès  le 
samedi  17. 

**^  Après  s'être  reposé  deux  mois  en  Italie,  auprès  de  sa  famille,  Ca- 
mille Sivori  est  de  retour  à  Paris.  Le  célèbre  violoniste  a  l'intention  de 
se  rendre  le  mois  prochain  à  Copenhague  et  à  Stockholm.  Il  reviendrait 
en  janvier  pour  prendre  part  au  mouvement  de  la  saison  musicale 
à  Paris. 

^**  M.  Adolphe  de  Groot  vient  encore  d'être  l'objet  d'une  nouvelle 
distinction  de  la  part  de  S.  M.  l'Empereur,  qui  lui  a  fait  remettre,  à 
l'occasion  des  fêtes  du  15  août,  une  très-belle  médaille  d'argent  du 
grand  module.  Nos  lecteurs  se  souviennent  que  M.  de  Groot  a  déjà  ob- 
tenu la  même  faveur  à  l'époque  des  fêtes  de  l'annexion,  et  que  tout 
récemment  Sa  Majesté  lui  a  fait  remettre,  par  S.  Exo.  M.  le  comte  Bac- 
ciochi,  une  très-belle  épingle  en  émeraude  entourée  de  brillants,  pour 
une  cantate  composée  à  l'occasion  du  septième  anniversaire  du  Prince 
Impérial. 

»*^  On  écrit  de  Cologne  le  7  octobre  :  «  Mlle  Désirée  Artot  a  débuté 
hier  au  soir  au  théâtre  de  la  ville,  par  le  rôle  de  Rosine,  dans  II  Bar- 
biere.  Son  succès  est  allé  croissant  de  scène  en  scène,  et  le  duo  avec 
Figaro  a  été  notamment  l'occasion  d'un  véritable  triomphe  pour  l'émi- 
nente  ai'tiste  ;  du  reste,  elle  a  été  très-bien  secondée  par  M.  Lang,  qui  a 
parfaitement  interprété  sa  partie  dans  l'œuvre  si  spirituelle  de  Rossini.  • 

i,*^  Mme  Marchesi,  de  retour  à  Paris,  a  repris  le  cours  de  ses  leçons 
qu'elle  continuera  pendant  tout  l'hiver.  M.  Marchesi  passera  cette  saison 
à  Londres,  où  l'appellent  divers  engagements. 

^*^  Les  concerts  populaires  de  musique  classique  rouvriront  le  diman- 
che 25  octobre,  à  2  heures,  au  cirque  Napoléon.  MM.  les  abonnés  qui 
voudront  conserver  leurs  places  sont  priés  d'en  faire  retirer  les  cou- 
pons dans  les  bureaux  de  location  à  partir  de  ce  jour  ;  après  le  jeudi 
15  octobre,  l'administration  en  disposera. 

^*^  L'éminent  pianiste  compositeur  D.  Magnus  est  de  retour  à  Paris. 

^*^  L'excellent  professeur  du  Conservatoire  J.-J.  Masset,  directeur  de 
musique  à  la  maison  impériale  de  Saint-Denis,  vient  de  changer  de  do- 
micile, et  demeure  maintenant  cité  Pigalle,  5  (rue  Pigalle). 

^.*^  Mlle  R'iuget  de  Lisle,  pianiste  et  musicienne  des  plus  distinguées, 
a  été  nommée  professeur  de  clavier  au  Conservatoire,  en  remplacement 
de  Mme  Lemarchand,  démissionnaire. 

^*^  Mme  Charlotte  de  Tiefensée,  qui  a  quitté  Paris  le  mois  dernier, 
se  trouve  en  ce  moment  à  Spa,  où,  malgré  la  saison  avancée,  l'émi- 
nente  cantatrice  vient  d'être  engagée  à  se  faire  entendre  dans  un  con- 
cert donné  par  les  soins  du  bourgmestre  et  de  quelques  amateurs  de 
musique. 

^*^  Nous  constatons  avec  plaisir  les  succès  brillants  que  vient  d'ob- 
tenir Mlle  Peschel  aux  eaux  d'Allemagne.  Elle  a  successivement  pris 
part  aux  beaux  concerts  donnés  à  Ems,  Wiesbaden,  Hombourg,  etc.; 
partout  l'éminente  artiste  a  recueilli  les  applaudissements  dus  à  son 
beau  talent. 

***  Le  pianiste  Ch.  Wehle  et  le  violoncelliste  Feri-Kletzer,  dont  nous 
annonçâmes  dans  le  temps  le  départ  pour  les  Indes,  étaient  au  mois 
d'août  dernier  à  Port-Louis  (île  Maurice),  où  ils  ont  donné  plusieurs 
concerts  au  grand  plaisir  de  la  population.  Outre  plusieurs  morceaux 
de  sa  composition,  M.  Wehle  a  joué  un  morceau  de  KuUack  sur  l'Etoile 
du  Nord,  qui  a  produit  beaucoup  d'effet  et  qui  a  été  bissé.  M.  Kletzer 
s'est  de  même  fort  distingué,  et  lorsque  les  deux  éminents  artistes  ont 
quitté  l'île,  ils  ont  été  accompagnés  par  un  cortège  nombreux  d'amis  et 
d'artistes. 

:j**  M.  Gabriel  Baille  est  un  des  soutiens  les  plus  actifs  de  l'orphéon 
en  province.  Directeur  de  celui  de  Perpignan,  il  a  composé  plusieurs 
morceaux  fort  bien  disposés  pour  les  Sociétés  chorales.  M.  Baille  est  en 
outre  un  excellent  organiste,  et  il  a  écrit  plusieurs  messes  et  mor- 
ceaux religieux  d'un  véritable  mérite.  Tout  récemment,  une  messe  cho- 
rale, à  quatre  voix  d'hommes,  dédiée  à  la  mémoire  de  Georges  Bousquet, 
a  été  couronnée  au  concours  de  composition  musicale  institué  par  VU- 
nion  chorale  de  Paris,  et  c'est  une  œuvre  qui  lui  fait  beaucoup  d'hon- 
neur. Elle  vient  d'être  publiée  dans  le  format  in-S",  chez  l'éditeur 
Benoît. 

^,%  Pour  célébrer  dignement  l'anniversaire  de  son  inauguration  , 
rUnion  des  arts,  de  Marseille,  met  au  concours  une  ouverture  de  con- 
cert dont  la  forme  et  le  caractère  sont  laissés  au  choix  du  composi- 
teur. —  Un  prix  de  300  francs  sera  décerné  par  la  section  musicale  de 


DE  PARIS. 


327 


VVnion  des  arts  à  l'auteur  de  la  composition  couronnée.  —  Tous  les 
compositeurs  français  ou  étrangers  sont  admis  à  prendre  part  au  con- 
cours, qui  sera  clos  le  31  décembre  1863.  —  Les  manuscrits  devront 
être  envoyés  franco  au  secrétariat  de  l'Union  des  arts  avant  le  31  dé- 
cembre 1 863,  terme  de  rigueur.  Une  épigraphe  et  trois  lettres  de  l'al- 
phabei  devront  être  inscrites  en  tête  de  la  partition.  Cette  épigraphe 
et  ces  troig  lettres  seront  reproduites  sur  une  enveloppe  cachetée,  la- 
quelle contiendra  le  nom,  le  lieu  de  naissance  et  la  demeure  de  l'auteur. 
—  Cette  enveloppe  sera  elle-même  renfermée  dans  une  seconde  en- 
veloppe portant  l'adresse  suivante  :  Concours  musical,  M.  le  secrétaire 
général  de  VVnion  des  arts,  allées  de  Meilban,  54,  à,  Marseille.  —  Le  nom 
de  l'auteur  de  l'ouverture  couronnée  sera  seul  connu  des  juges  et  du 
public. 

,*»  MM.  Léon  Gastinel  et  Lefebure-Wely  viennent  de  recevoir  de 
S.  M.  l'Empereur  de  très-belles  médailles  en  or,  en  témoignage  de  sa 
haute  satisfaction  de  leurs  cantates  du  15  août  dernier. 

^*^  On  parle  de  l'apparition  à  Londres  d'un  nouveau  journal  de  mu- 
sique qui  a  pris  pour  titre  :  The  Orchestra.  A  en  croire  le  prospectus, 
ses  dimensions  en  feraient  le  plus  grand  organe  musical  connu  ;  reste 
à  savoir  s'il  en  sera  le  meilleur. 

:j*^  Un  élégant  local,  pouvant  contenir  deux  cents  personnes,  et  dis- 
posé de  la  manière  la  plus  favorable  pour  des  auditions  musicales  et 
des  réunions  artistiques,  vient  de  s'ouvrir  rue  Vivienne,  li,  sous  la 
qualification  de  Salon  des  Arts. 

t*t  Le  beau  temps  qui  se  soutient  permet  à  M.  de  Besselièvre  d'of- 
frir tous  les  dimanches,  aux  promeneurs,  l'attrait  d'un  concert  de  jour. 
Ces  concerts,  qui  ont  lieu  de  2  à  5  heures,  attirent  un  public  nom- 
breux. Aujourd'hui  dimanche,  11  octobre,  aura  lieu  le  quatrième  con- 
cert. 


CHRONIQUE  DÉPARTEMENTALE. 

**,  Marseille.  —  Rien  d'intéressant  pendant  la  dernière  semaine  au 
grand  théâtre,  si  ce  n'est  l'engagement  de  Depassio,  dont  la  nouvelle 
a  fait  grand  plaisir  ;  car  pour  les  Marseillais  c'est  l'interprète  pas- 
sionné et  consciencieux  de  Meyerbeer  ;  c'est  le  Marcel  et  le  Bertram 
des  chefs-d'œuvre  du  maître;  en  un  mot,  c'est  l'idole  de  nos  dilettantes. 
M.  Depassio  reparaîtra  le  22.  —  M.  Coulon,  ex-artiste  de  l'Opéra  de 
Paris,  malgré  les  qualités  qu'on  lui  a  reconnues,  n'a  pas  été  admis. 

^*^  Nice.  —  Les  étrangers  commencent  à  arriver  en  foule  pour  pas- 
ser l'hiver  sous  notre  délicieux  climat.  Aussi  M.  Avette,  le  directeur 
de  notre  théâtre,  en  a-t-il  profité  pour  inaugurer  sa  saison  par  le  début 
de  sa  troupe  française,  et  le  10  la  troupe  italienne  va  reparaître  dans 
Attila,  interprété  par  le  ténor  Di  Benedetto,  le  baryton  Caliva,  la  basse 
Segri  Segara  et  la  prima  donna  Franchi-Capello. —  Le  12,  la  Cenerentola 
sera  donnée  pour  les  débuts  de  M.  Cantoni,  ténor,  et  la  rentrée  de 
Mlle  C.  Ferni,  de  Ronconi  et  de  Varesi.  —  M.  Avette  nous  promet  pour 
le  ccuraut  de  la  saison  les  deux  charmants  ouvrages  de  Flotow,  Marta 
et  Stradella. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


»*^  Bruxelles.  —  Rien  de  nouveau  au  théâtre  de  la  Monnaie.  —  L'ad- 
ministration communale  a  organisé  un  concert  pour  entendre  la  cantate 
composée  par  Gevaert  pour  les  fêtes  de  Gand.  C'est  une  œuvre  d'inspi- 
ration fort  bien  appropriée  au  sujet  et  qui  a  produit  un  grand  efïet. 
Elle  a  été  également  exécutée  dimanche  au  théâtre  de  la  Monnaie,  par 
la  Société  royale  des  chœurs  de  Gand,  composée  de  cinq  cents  chanteurs 
(trois  cents  hommes  et  deux  cents  enfants) .  —  L'Echo  du  parlement, 
l'Office  de  xjublicilé,  etc.,  sont  unanimes  pour  proclamer  la  valeur  ex- 
ceptionnelle du  Requiem  que  vient  de  composer  et  de  faire  entendre 
M.  Pierre  Benoît.  C'est,  disent-ils,  une  véritable  révélation  et  la  compo- 
sition la  plus  inspirée  qui  ait  été  produite  dans  la  musique  religieuse  de 
notre  pays.  Le  Dies  irœ  est  une  page  colossale  qui  sufSrait  à  elle  seule 
pour  placer  son  auteur  au  premier  rang.  —  Le  l"  octobre  a  eu  lieu, 
par  la  Dame  blanche,  l'inauguration  du  nouveau  théâtre  de  Namur.  Une 
fatalité  semblait  s'attacher  à  ce  théâtre  qui,  incendié  il  y  a  quelques  an- 
nées, devint  de  nouveau  la  proie  des  flammes  au  moment  où,  recons- 
truit, il  allait  être  rouvert.  Les  Namurois  n'auront  d'ailleurs  pas  perdu 
pour  attendre;  M.  Fumière,  architecte  de  la  ville,  a  fait  cette  fois  une 
salle  qui  réunit  tous  les  suffrages  et  qui  ne  le  cède  à  aucune  des  mieux 
réussies  en  Europe,  tant  pour  l'élégance  de  la  construction  que  pour  les 
dispositions  et  les  commodités  intd'rieures,  la  richesse  et  le  goût  de  la 
décoration  et  son  excellente  acoustique. 

,*,  Munich.  —  La  souscription  ouverte  pour  la  construction  projetée 


du  nouveau  théâtre  populaire  a  déjà  recueilli  194,000  florins  (près  de 
400,000  francs);  c'est,  d'après  les  devis  approximatifs,  le  tiers  delà  somme 
nécessaire . 


-  A  l'occasion  de  la  fête  de  la  reine,  le  théâtre  de  la 
cour  a  donné  Jessonda,  opéra  de  Spohr,  qu'on  n'avait  pas  entendu  de- 
puis longtemps.  Malgré  de  fort  beaux  morceaux,  empreints  d'une  sen- 
sibilité profonde,  cette  partition  n'a  jamais  pu  se  soutenir  au  théâtre  : 
c'est  une  élégie  plutôt  qu'un  drame,  lime  Harriers-Wippern  et  Mlle  San- 
ter  ont  été  souvent  applaudies  dans  les  rôles  de  Jessonda  et  d'Amazili. 
—  Le  14  de  ce  mois,  la  Société  Merelli  doit  commencer  ses  représen- 
tations par  le  Barbie.re,  de  Rossini.  Le  théâtre  Victoria  ouvrira  ses 
portes  par  Lucia  di  Lammermoor.  Mlle  Adelina  Patti  et  le  ténor  Naudin 
en  seront  les  principaux  interprètes.  Les  artistes  amenés  par  .M.  Merelli 
sont  :  Achille  Corsi,  ténor;  Mauro  Zacchi,  baryton  ;  Luigi  Ruiz,  basse, 
et  Benedetto Mazetti,  basse  bouffe.  Le  chef  d'orchestre  est  M.  L.  Orsini. 
On  annonce,  outre  Lucia,   le  Barbier,  la  Sonnambula  et  la  Traviata. 

»**  Darmstadt.  —  Carrion,  qui  doit  donner  plusieurs  représentations 
au  théâtre  de  la  cour,  a  débuté  de  la  manière  la  plus  brillante  par  le 
rôle  d'Arnold,  dans  Guillaume  Tell. 

^*,t  Francfort.  —  Les  Sociétés  de  chant  réunies  ont  inauguré  la  saison 
par  un  concert  où  l'on  a  entendu  avec  plaisir  le  pianiste  Martin  Wal- 
îenstein,  qui  a  exécuté  entre  autres  le  magnifique  concerto  en  ré  ma- 
jeur de  Mozart. 

j*j  Hambourg.  —  Après  son  succès  dans  le  Pardon  de  Ploërmel,  Ade- 
lina Patti  s'est  montrée  dans  la  charmante  partition  de  M.  de  Flotow. 
Elle  a  chanté  le  rôle  principal  de  manière  à  électriser  la  salle.  A  la 
perfection  de  la  méthode,  au  goût  le  plus  délicat,  la  jeune  artiste  joint 
une  facilité  et  une  grâce  exquise.  Mlle  Spohr  a  eu  sa  bonne  part  des 
applaudissements  dans  le  rôle  de  Nancy.  Brunner  (Lyonel),  Ropiczek 
(Plumkett)  ont  contribué  au  succès  de  l'ensemble. 

,^*^  Hambourg.  —  Au  dernier  concert  du  Kursaal,  on  a  entendu 
Mme  Corinne  ds  Luigi,  le  violoniste  Favilli  et  Colasanti.  Ces  trois  émi- 
nents  artistes  ont  fait  le  plus  grand  plaisir  et  ont  été  applaudis  avec 
enthousiasme.  Aussi  la  direction  du  Kursaal  les  a-t-il  engagés  d'avance 
pour  l'année  prochaine. 

i*^  Vienne.  —  Mme  Capp-Young,  qui  se  trouve  ici  en  représentation, 
a  débuté  par  le  rôle  de  Valentine.  Une  préoccupation  visible ,  jointe  à 
une  légère  indisposition,  paralysait  les  moyens  de  l'estimable  artiste, 
qui  n'en  a  pas  moins  eu  les  honneurs  du  rappel  après  le  troisième  et 
quatrième  acte.  Le  rôle  de  Marguerite  est  un  des  meilleurs  du  réper- 
toire de  Mlle  Liebhart.  Mme  Capp-Young  doit  chanter  en  outre  les  rôles 
de  Rachel  {Juive),  de  la  comtesse  Almaviva  (Noces  de  Figaro)  et  de  Fide- 
lio.  —  Pour  la  fête  de  l'empereur,  le  théâtre  de  la  cour  a  donné  Faust, 
de  Gounod.  —  L'opéra  d'Halévy,  les  Mousquetaires  de  la  reine,  est  en  ré- 
pétition. —  Au  Theater  an  der  Wien  a  eu  lieu  la  lecture  d'une  nouvelle 
bouflonnerie  d'Offenbach,  Un  candidat  au  trône  de  Grèce.  —  G.  Satter  a 
terminé  son  grand  concerto  symphonique.  On  en  dit  beaucoup  de  bien. 
L'auteur  fera  jouer  cette  œuvre  importante  après  une  série  de  quatre 
lectures  satiriques  qu'il  se  propose  de  donner  sur  la  musique,  les  mu- 
siciens et  les  critiques.  Ces  lectures  auront  lieu  vers  la  fin  du  mois,  et 
d'avance  elles  excitent  beaucoup  d'intérêt  dans  notre  public,  car  elles 
passeront  en  revue  la  musique  en  Amérique,  les  pianistes  de  l'époque 
actuelle,  Liszt,  Wagner  et  les  musiciens  feuilletonistes.  ^  Les  concerts 
philharmoniques  sous  la  direction  de  Dessoff,  maître  de  chapelle  de  la 
cour,  reprendront  dans  les  premiers  jours  de  novembre. 

^*^  Dublin. —  Les  représentations  de  la  troupe  du  théâtre  de  la  reine 
ont  commencé  le  26  septembre  par  la  Lucia.  On  a  donné  ensuite  le 
Trovatoreet  Maria.  Mmes  Titjens,  "Volpini,  MM.  Sims-Reeves,  Volpini.  Sant- 
ley,  Bossi,  composent  un  fort  bel  ensemble.  Mme  Volpini  s'est  fait  ap- 
plaudir avec  enthousiasme  dans  les  rôles  de  Lucia  et  de  Marta;  rappelée 
à  plusieurs  reprises,  outre  l'hommage  d'un  magnifique  bouquet,  elle  a 
été  gratifiée  par  une  dame  de  la  haute  société  d'un  splendide  bracelet 
que  cette  dame  a  détaché  de  son  bras  pour  le  passer  à  celui  de  la  char- 
mante cantatrice.  Dans  Marta  on  lui  a  fait  répéter  trois  fois  la  romance 
de  la  Rose.  Mme  Trebelli  et  son  mari  Bettini,  Sims-Reeves,  Santley  et 
Bossi  ont  eu  leur  part  de  ce  succès,  he  Trovatore  a.  fait  chaleureusement 
applaudir  Mlle  Titjens,  très-belle  dans  Leonora,  et  le  ténor  Volpini, 
doué  d'une  voix  sympathique  et  qu'il  dirige  avec  infiniment  d'art  et  de 
goût.  —  On  annonce  Faust  et  Norma. 

^**  Trieste.  —  La  direction  du  Teatro  grande  a  été  mise  au  concours 
pour  trois  ans  :  la  commune  accorde  une  subvention  de  S4,000  florins 
argent. —  Le  nouvel  opéra  de  Verdi, /a  Forzadel  destino,  n'a  obtenu  qu'un 
médiocre  succès.  —  On  vient  de  mettre  en  répétition  Alessandro  Stra- 
della, opéra  nouveau  du  compositeur  Sinico. 

^*^  Saint-Pétersbourg.  —  C'est  par  f  Puritani  que  notre  théâtre  italien 
s'est  décidé  à  rouvrir.  La  salle  était  peu  remplie,  car  le  beau  monde 
est  encore  dans  ses  terres  ou  à  l'étranger;  l'absence  de  la  cour,  celle  do 
la  garde  impériale  font  d'ailleurs  un  grand  vide  dans  la  capitale,  et  les 
théâtres  principalement  ont  â  en  souff'rir.  Quoi  qu'il  en  soit,  Mme  Fio- 
retti,  Calzolari  et  Graziani  n'en  ont  pas  moins  bien  interprété  le  c'nef- 
d'œuvre  de  Bellini  ;  les  trois  excellents  artistes  ont  été  accueillis  avec 


328 


REVnK  ET  GAZETTE  MUSICALE  DR  FAP.IS. 


enthousiasme.  —  C'est  la  semaine  prochaine  dans  les  Huguenots  ou  dans 
la  Sonnambula  que  doit  débuter  Giuglini. — 'A  Moscou,  les  Huguenots  ont 
été  donnés  pour  la  2«  représentation  de  l'abonnement.  Le  succès  a  été  des 
plus  grands.  Aa  premier  acte,  de  frénétiques  applaudissements  ont  ac- 
cueilli la  romance  chantée  par  Pancani,  et  ces  applaudissements  se  sont 
répétés  au  deuxième  et  au  troisième  acte,  après  la  cavatine  d  '  la  reine 
Marguerite,  chantée  par  Mme  Laborde,  le  duo  de  Yalentine  avec  Marcel 
et  le  beau  septuor  du  duel .  Mais  c'est  au  quatrième  acte,  après  le  grand 
duo  de  la  Fricci  et  de  Pancani,  qu'éclata  un  enthousiasme  extraordi- 
naire, suivi  du  rappel  des  deux  artistes  huit  fois  de  suite.  Après  le 
splendide  trio  du  cinquième  acte,  tous  les  artistes  durent  reparaître 
six  fois.  L'exécution,  il  faut  le  dire,  a  été  excellente.  La  Fricci,  Pancani, 
Mme  Laborde,  Mme  Honoré,  Vialetti,  sont  des  artistes  du  premier  mérite 
et  habitués  au  triomphe. 

„,*„,  New-York.  —  L'imprésario  Maretzek  nous  promet  d'inaugurer 
la  saison  italienne  le  S  octobre  et  de  la  rendre  aussi  bri  liante  que  pos- 
sible, tant  par  la  composition  de  sa  troupe  que  par  le  choix  des  ouvra- 
ges et  la  richesse  de  la  mise  en  scène  et  des  costumes.  Les  artistes  qu'il 
a  engagés  sont  :  soprani ,  Mmes  Medori,  Louise  Keliog,  Antonielta 
Brignole-Ortolani,  Lida  Harris  ;  contralto,  Marietta  Sulzer  ;  ténors  ,Maz- 
zoleni,  Giovanni  Sbriglia  ;  barytons ,  Bellini,  G.  Ippolito  ;  basses  , 
Biacchi,  Coletti.  —  On  nous  promet  Fausto,  Giuàitta,  Esmeralda  (œuvre 
nouvelle  d'un  Américain,  M.  Fry)  et  plusieurs  autres  nouveautés. 


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L'immense  succès  que  les  Pianos  de  la  Maison  Henri  HERZ  ont  obtenu  à  l'Exposition  universelle  de  Paris,  en  1855, 
vient  de  se  reproduire  à  Londres  avec  plus  d'éclat  encore  :  aussi  le  Jury  inlernational  vient-il,  en  plaçant  ces  instruments 
au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimité,  à  M.  Henri  HERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection 
reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  solidité,  de  la  sonorité,  de  l'égalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  d'expression.  (Rapport  du  Jury  international.) 


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à  Paris. 


ADOLPHE    SAX 


*  * 


50,  rue  Saint- Cieorges 
à  Paris. 


Facteur  de  la  Maison  militaire  de  l'Empereur.  —  Professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique. 
Seule  grande  Médaille  d'honneur  à  l'Exposition  universelle  de  1855. 

RÉSUMÉ   DES  AVANTAGES  DES  SAXBOHNS  ET  DES  SAXOTROMBAS. 

Le  Saxotromba,  ou  le  Saxhorn,  est  supérieur  à  ses  analogues  existants  précédemment,  comme  proportion  de  tubes  et  par 
conséquent  comme  son  ;  supérieur  comme  j  ustesse  ;  supérieur  comme  création  de  famille  complète  ;  supérieur  comme  facilité  et 
unité  de  doigté  ;  supérieur  comme  forme  ou  contour  des  tubes  pour  l'émission  des  sons  ;  supérieur  comme  forme  pour  le  pla- 
cement et  le  maniement  de  l'instrument  ;  supérieur  comme  ayant  une  môme  direction  des  sons  (avantage  pour  l'auditeur  de 
recevoir  tous  les  sons  avec  la  même  puissance);  supérieur  en  ce  que  quelques  jours  suffisent  pour  former,  avec  des  amateurs  ou 
de  simples  conscrits  militaires,  une  musique  passable  ;  supérieur  eu  ce  que  les  plus  gros  instruments  comme  les  petits  se 
tiennent  facilement  au  moyen  de  la  main  gauche  et  du  bras  gauche,  et  laissent  le  bras  et  la  main  droite  entièrement  libres, 
et  dans  la  meilleure  position  pour  le  jeu  des  doigts  sur  les  cylindres  ;  supérieur  en  ce  que,  quand  un  élève  a  déjà  fait  des 
études  et  qu'il  est  obligé  de  changer  d'instrument  faute  de  disposition  des  lèvres  ou  par  tout  autre  motif,  ses  études  acquises 
servent  pour  le  nouvel  instrument,  soit  trompette,  trombojie  ou  tout  autre  instrument  ;  supérieur  en  ce  que  l'on  peut  faire  les 
études  les  plus  longues  et  les  plus  difficiles  sur  l'instrument  qui  fatigue  le  moins  et  les  reporter  sur  d'autres  plus  durs  à  jouer 
ou  plus  lourds  à  porter;  supérieur  en  ce  que,  dans  les  sociétés  ou  dans  un  régiment  de  cavalerie,  surtout  lors  des  congés,  il 
arrive  souvent  que  tous  les  artistes  d'une  même  catégorie  d'instruments,  partent,  et  que,  dans  ce  cas,  on  peut  les  remplacer 
en  prenant  des  musiciens  dans  les  parties  les  mieux  garnies  pour  occuper  ou  remplacer  les  parties  manquantes;  supérieur  en 
ce  qu'on  ne  craint  pas  les  coups  de  tête  des  chevaux,  qui,  avec  les  anciens  instruments,  brisaient  parfois  les  dents  au  cava-  ,= — z 
lier;  supérieur  en  ce  que  Ton  peut  jouer,  le  cljeval  au  trot  ou  au  galop,  l'instrument  suivant  toujours  les  mouvements  du  i 
corps;  supérieur  pour  la  musique  en  marche  en  ce  que  l'instrument  ne  se  dérange  pas  sur  les  lèvres,  et  conserve  par  consé- 
quent la  même  sonorité  qu'au  repos;  supérieur  pour  les  corps  de  musique  et  pour  le  militaire  surtout,  où  tout  est  régulier 
excepté  les  musiciens  et  les  instruments  d'après  le  système  ancien),  en  ce  que  tout  le  monde  se  trouve  dans  la  même  position,  toutes  les  mains  à  la  même 
tous  les  instruments  penchés  de  gauche  à  droite  ;  supérieur,  pour  la  musique  à  cheval  ou  de  cavalerie,  en  ce  que  si,  pendant  que  l'on  joue,  le  cheval  vient 
écart,  il  est  facile  de  ressaisir  les  brides  pour  le  ramener,  sans  déranger  l'instrument  de  sa  position.  lŒ^ 

ToD!  Us  insirumenii  «oriani  de  la  fabrique  porieni  l'inscription  suivante  :  Adolphc  Sax,  à  Paris,  facteur  de  la  malsou  militaire  de  l'Empereur,     ^^r\ 

le  numéro  d'ordre  de  l'inilrumenl  et  le  poinçon  oi-aprbs  :  jpo^ 


hauteur  et 
à  faire  un 


PRIX  ACCORDE   A   L'UNANIMITE   A    t'EXPOSITlON 
UNIVERSELLE  DE  LONDRES  1851. 

Fonrnisscar  des  ininl&ttères  de  la 
dnerre  et  de  la  Marine  de  France. 

Seuls   agents    à    Londres 

CHÂPPELL  &  HÂUMOND,  S"  DE  JULLIEN  &C' 

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INSTRUMENTS    DE    MUSIQUE    EN    CUIVRE 

ANTOINE  COURTOIS 


MEDAILLE  D'ARGENT   DE  1"   CLASSE 
A    l'exposition    universelle    de   PARIS    1855. 

Facteur  du    Conservatoire   et  de 
rA^eadcuxic  Impériale  de  Paris. 

Agent  à  Saint-Pétersbourg  : 

A.  BDTTNER, 

Perspect.  Newsky ,  maison  de  l'égliseSt-Pierre. 


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Ci-devant  rue  du  Caire,  21. 

La  maison  ANTOINE  COURTOIS  ayant  agrandi  ses  ateliers,  est  en  mesure  de  satisfaire  à  toutes  les  demandes  qui  pourront  lui  être 
adressées;  elle  garantit  réellement  à  sa  clientèle  des  instruments  irréprochables  sous  tous  les  rapports. 


r.RIF.  CENTRA 


BUREAUX    A    PARIS  :    BOULEVARD   DES   ITALIENS,    I. 


30«  Année. 


IV«  42. 


18  Octobre  1863. 


Off  S'ABOniTE  t 

Dans  les  Di^portcments  et  à  l'ÉtraDger,  chez  tous 
les  Blarchands  de  STusique,  les  Libraires,  et  aui 
Purcaui  des  Mt-ssogeries  et  des  Postes. 


REVUE 


PRIS  DE  L'ABONNEMENT  s 

Paris 24  fr.  par  QD 

Départements,  Belgique  et  Suisse —     30  u       id* 
Étranger U  •>       ii. 

Le  Journal  parait  le  Diitiunche. 


GAZETTE  MUSICA 


— '^/^J^AAAAA^'JVv\/ — 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  impérial  italien:  réouverture;  la  Traviala,  Mme  de  la 
Grauge  et  Nicolini,  par  Paul  Smith.  —  La  guerre  de  cent  ans  des  orga- 
nistes, clavecinistes  et  des  maîtres  à  danser  du  royaume  de  France,  1680-1774 
(1"  article),  par  Em.  llathien  de  Monter.  —  Phénomènes  acoustico- 
physiologiques  [2'  et  dernier  article!,  par  Charles  lleerens.  —  Revue 
critique.  —  Correspondance.  —  Nouvelles  et  annonces. 


THEATRE  mPËRIÂL  ITÂUEN. 

RéouTerture. 
Miti  Traviata,  Mme  de  la  «range  et  IVicoliBl. 

(Mercredi,  14  octobre.) 

Si  la  réouverture  du  théâtre  Italien  a  tardé  de  quinze  jours  cette 
année,  ce  n'est  pas  trop,  sans  doute,  en  présence  des  difficultés  que 
la  direction  nouvelle  a  dû  rencontrer.  Le  rajeunissement  de  la  salle 
a  demandé  plus  de  temps  qu'on  ne  croyait,  et  encore  n'a-t-il  pas 
atteint  son  dernier  terme.  En  général,  les  changements  déjà  faits 
ont  été  approuvés.  La  conversion  du  parterre  en  stalles,  d'un  abord 
facile  et  où  les  dames  sont  admises,  est  un  notable  progrès  du  côté 
de  l'élégance.  Il  n'y  a  qu'une  chose  à  souhaiter,  c'est  que  ces  stalles 
soient  toujours  remplies.  Le  contrôle  a  fait  volte-face  ;  aujourd'hui 
l'on  n'entre  plus  par  le  grand  péristyle,  mais  par  le  côté  gauche  du 
théâtre,  où  l'on  trouve  l'avantage  d'être  clos  et  couvert  si  la  foule 
s'y  presse  et  vous  oblige  à  un  stage  de  quelques  instants.  Pour  un 
directeur  qui  doit  désormais  demander  au  public  la  subvention  que 
l'Etat  ne  lui  donne  pas,  M.  Bagier  n'a  rien  négligé  de  ce  qui  lui  était 
immédiatement  possible,  à  «ommencer  par  la  composition  de  sa 
troupe  et  de  son  répertoire  ;  mais  il  ne  s'en  tiendra  pas  là,  dès  que 
sa  liberté  d'action  lui  sera  complètement  acquise. 

Sans  les  indispositions  et  les  contrariétés  de  plus  d'une  espèce, 
la  Traviata  eût-elle  été  choisie  comme  pièce  de  début  pour  le 
théâtre  et  pour  Mme  de  la  Grange  ?  Nous  ne  le  pensons  pas.  La  Tra- 
viata, que  Verdi  écrivit  si  vite  après  Rigolello  et  le  Trovatore,  est 
loin  d'avoir  l'importance  et  la  valeur  de  ces  deux  ouvrages.  C'est 
une  inspiration  pleine  de  mélancolie  et  de  grâce  dans  quelques  dé- 
tails, mais  dont  la  nature  n'était  pas  propre  à  constituer  un  opéra. 
Les  situations  capitales  d'une  œuvre  lyrique  y  manquent  :  les  rôles 
n'y  sont  que  des  moitiés  de  rôles,  et  cela  n'a  rien  d'étonnant  puisque 
le  principal  personnage  est  celui  qui  devrait  chanter  le  moins.  Vous 
rappelez-vous  la  petite  cantatrice  du  nom  de  Piccolomini,  qui  se 
croyait  tenue  de  tousser  à   la  fin    de    chaque   phrase  !    Il  y  a   eu 


certainement,  de  la  part  de  Mme  de  la  Grange,  extrême  modestie  ou 
extrême  dévouement  à  reparaître  dans  ce  rôle,  où  elle  ne  peut  mon- 
trer qu'à  demi  son  rare  talent.  Pour  ceux  qui  ne  la  connaissaient 
pas,  autant  que  nous,  qui  ne  l'avaient  pas  suivie  dans  les  principales 
époques  de  sa  carrière,  Mme  de  la  Grange  ne  s'est  pas  révélée  encore. 
On  n'a  pu  voir  en  elle  qu'une  femme  de  noble  aspect,  .singulière- 
ment distinguée  dans  sa  tenue  comme  dans  sa  mise  ;  on  a  compris 
qu'elle  possédait  au  plus  haut  degré  l'art  du  chant  ;  aux  quelques 
notes  piquées  d'un  point  d'orgue  avec  la  rigoureuse  précision,  l'ad- 
mirable netteté  du  plus  habile  archet,  on  a  jugé  qu'elle  savait  tirer 
de  sa  voix  des  effets  extraordinaires  ;  mais  n'importe,  on  n'a  pas 
deviné  ce  qu'elle  est,  ce  qu'elle  peut  être.  Pour  en  donner  une  juste 
idée,  il  faut  que  Mme  de  la  Grange  aborde,  comme  elle  l'a  fait  en  1853, 
un  rôle  comme  celui  de  Rosine,  du  Barbier  de  Séville,  et  qu'elle  y 
intercale  un  air  hongrois  ou  autre,  pour  s'y  livrer  eu  toute  liberté 
à  sa  verve  et  à  son  audace . 

Nous  avions  assisté  au  premier  début  de  la  cantatrice,  alors  qu'elle 
vint  en  1840,  au  théâtre  de  la  Renaissance,  s'essayer  comme  simple 
amateur  dans  une  représentation  à  bénéfice.  Plus  tard,  en  18/|8  et 
1849,  nous  l'entendîmes  à  l'Opéra  dans  Othello,  dans  Robert  le  Diable; 
mais  elle  ne  jouissait  pas  de  tous  ses  moyens,  et  puis  peut-être  son 
heure  n'était-elle  pas  sonnée  ;  elle  nous  revint  en  18i33,  et  une  de  ces 
transformations  dont  on  parle  tant,  mais  qu'on  voit  si  peu,  s'était 
opérée. 

Voici  ce  que  nous  disions  d'elle  dans  ce  journal  (1)  :  n  La  voiz  de 
Mme  de  la  Grange  embrasse  trois  octaves.  Mais  qu'est-ce  que  son 
étendue  comparée  à  son  agilité  ?  Que  sont  les  variations  de  Rode  si 
longtemps  fameuses  à  côté  des  vocalises  qu'exécute  Mme  de  la  Grange 
avec  la  plus  incroyable  facilité  ?  Vous  diriez  qu'elle  a  dans  le  gosier 
l'archet  de  Paganini,  et  vous  ne  sauriez  expliquer  autrement  la  volu- 
bilité de  ses  arpèges,  la  prestesse  de  ses  notes  détachées,  qui  se  suc- 
cèdent aussi  rapidement  que  si  elles  étaient  liées,  avec  le  même  effet 
que  celui  du  staccato  le  plus  nettement  articulé.  Rien  n'arrête ,  rien 
n'effraye  la  cantatrice,  ni  les  intervalles  semés  d'abiraes  qu'elle  fran- 
chit sans  broncher,  ni  l'escarpement  des  gammes  montantes  jusqu'au 
pic  vocal  le  plus  élevé,  par  lesquelles  tous  ses  traits  se  terminent,  et 
la  dernière  note,  qui  doit  être  pour  le  moins  un  fa  suraigu,  retentit 
constamment  avec  une  sonorité  métallique.  C'est  vraiment  à  défier 
les  touches  d'un  piano  d'Erard.  » 

Nous  concevons  que,  même  à  dix  ans  d'intervalle,  Mme  de  la  Grange 
n'ait  pas  voulu  reparaître,  dans  le  même  rôle  et    avec  les   mêmes 


(1)  Voir  Revue  cl  Gazette  musicale,  27  mars  1853. 


330 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


prestiges;  mais  alors  il  lui  fallait  un  aulre  rôle,  oii  l'actrice  pût 
se  manifester  à  défaut  de  la  cantatrice.  Dans  la  Traviata  le  champ 
est  si  limité,  que  l'artiste  y  ressemble  à  l'oiseau  dont  le  gosier 
a  besoin  d'air,  les  ailes  d'espace  et  qu'on  enferme  dans  une  cage  où 
il  ne  peut  se  remuer.  Dans  son  agonie,  Mme  de  la  Grange  a  trop  de 
vigueur  encore,  et  elle  marque  trop  énergiquement  le  forle  du  déli- 
cieux passage  chromatique  de  son  duo  in  extremù  avec  Alfredo. 

Ce  rôle,  que  Mario  n'avait  pas  dédaigné  lorsque  l'ouvrage  nous 
fut  donné  d'abord,  est  rempli  aujourd'hui  par  un  jeune  ténor  qui, 
sous  le  nom  de  Nicolini,  déguise  son  origine  française.  Au  Conserva- 
toire, à  rOpéra-Comique,  oi\  il  débuta  dans  les  Mousquetaires  de  la 
reine  et  dans  Zampa,  engagé  par  M.  Emile  Perrin,  il  s'appelait 
Nicolas.  En  Italie,  il  a  fait  un  chemin  rapide,  et,  comme  tout  chemin 
mène  h  Rome,  le  voilà  revenu  à  Paris,  oi!i  il  a  été  reçu  avec  faveur. 
Sa  voix  est  toujours  d'une  qualité  charmante,  bien  franche  et  bien 
timbrée.  Eans  le  finale  du  second  acte,  il  a  donné  de  belles  notes 
qui  feraient  espérer  un  ténor  de  force,  si  d'ailleurs  les  ténors  gra- 
cieux et  d'encolure  non  ridicule  n'étaient  presque  aussi  nécessaires 
pour  la  représentation  convenable  des  opéras. 

Delle-Sedie  faisait  sa  rentrée  dans  le  rôle  du  père,  et  la  suavité  de 
son  chant  lui  a  mérité  une  approbation  incessante.  L'un  des  torts  de 
la  Traviata  c'est  de  ne  donner  lieu  à  aucun  rappel  final.  Hâtons- 
nous  donc  de  passer  à  quelque  ouvrage  d'un  succès  plus  retentis- 
sant, plus  significatif.  L'orchestre  et  les  chœurs  ont  bien  marché 
sous  leurs  nouveaux  chefs,  dont  nous  parlerons  davantage  lorsque 
nous  les  connaîtrons  un  peu  mieux. 

Paul  SMITH. 


LA  GUERRE  DE  C£IT  ÂKS 

"  DES  ORGANISTES,  CLAVESSINISTES  ET  DES  MAITRES  A  DANÇER  » 
Da  royaniue  do  France. 

(1680-177Z|.) 

I. 

De  toutes  les  guerres  civiles  qui  ont  divisé,  à  travers  les  âges,  le 
monde  musical,  la  moins  connue  et  la  plus  importante,  cependant, 
par  sa  persistance  et  par  ses  résultats,  est  celle  des  «  Organistes, 
Clavessinistes  et  Maîtres  à  danger  n  du  royaume  de  France.  Si  cette 
rivahté,  qui  dura  près  d'un  siècle,  a  été  moins  étudiée  que  d'au- 
tres querelles  artistiques,  c'est  qu'elle  prit  naissance,  qu'elle  se  pour- 
suivit et  se  termina  à  des  époques  de  troubles  généraux,  oîi  la 
grande  voix  des  calamités  publiques  couvre,  pour  l'historien,  le 
bruit  des  discussions  personnelles.  Néanmoins,  à  y  regarder  de  près, 
on  en  retrouve  la  marche  et  le  dessin  dans  les  documents  originaux 
de  1680  à  177/i.  La  considération  et  la  liberté  de  la  profession 
musicale  sortirent  de  cette  Guerre  de  cent  ans.  Ses  soldats  eurent 
l'honneur  de  prendre,  les  premiers,  pour  devises  et  pour  cris  de 
ralliement,  ces  mots  altiers  d'indépendance,  ces  vœux  d'affranchis- 
sement moral  et  matériel,  que  l'on  formulait  déjà  vaguement,  que 
l'on  caressait  comme  de  secrètes  aspirations,  et  qui  devaient,  en 
s'incarnant  dans  les  faits,  transformer  si  profondément,  quelques  an- 
nées plus  tard,  la  vieille  société  française. 

II. 

En  1657,  après  la  chute  de  la  remuante  dynastie  ménétrière  des 
Con.-tantin,  et  au  moment  où  la  couronne  de  roi  des  violons  pas- 
sait sur  la  tête  de  Dumanoir  I",  les  «  maîtres  à  dauçer  »,  membres  I 
de  la  confrérie  belliqueuse  de  Saint-Julien,  descendants  des  jongleurs 
et  des  appointeurs  de  rebec  et  de  viole  du  moyen  âge,  avaient 
tenté    de   faire   payer   tribut   à    tous  les  joueurs  d'instruments  du 


royaume.  Le  violon  et  le  hautbois  ayant  fermement  soutenu  leurs 
prérogatives,  et  produit  les  lettres  patentes  qui  garantissaient  l'indé- 
pendance de  leur  art,  les  prétentions  de  la  Ménestrandie  s'étaient 
évanouies.  La  paix  durait  encore  en  1691,  lorsque  Louis  XIV,  dans 
l'intérêt  de  sa  cassette  particulière,  créa  quatre  offices  de  jurés  hé- 
réditaires de  la  communauté  des  maîtres  de  danse,  moyennant  une 
provision  de  30,000  livres.  La  communauté  versa  la  somme,  mais  à 
la  condition  de  prélever  à  l'avenir  le  tribut  supprimé.  Le  Pariement 
repoussa  une  seconde  fois  sa  requête.  Elle  prit  alors  l'offensive,  et 
se  plaçant  hors  la  loi,  elle  résolut,  «  pour  s'indemniser  de  sa  fi- 
nance »,  de  battre  monnaie  en  dépit  des  arrêts,  de  porter  la  main 
sur  la  corporation  des  organistes,  des  clavecinistes  et  des  composi- 
teurs de  musique,  et  de  mettre  à  contribution  «  toute  l'harmonie  de 
la  ville  et  des  provinces.  » 

C'était  s'attaquer  à  forte  partie.  La  majesté  du  sanctuaire  abritait 
encore  les  organistes  de  son  inviolable  égide.  En  eux  semblait  s'être 
réfu^;iée  la  poésie  religieuse  des  siècles  de  foi.  Le  peuple  se  les  re- 
présentait volontiers  austères,  inspirés,  hôtes  mystérieux  de  cette 
forêt  sculptée  des  orgues,  que  la  légende  peuplait  d'anges  et  d'oi- 
seaux chanteurs.  Espérant  avec  le  croyant,  disant  les  joies  saintes 
des  élus ,  consolant  l'affligé ,  calmant  le  superbe ,  faisant  tonner  à 
Pâques  la  prose  triomphale  de  la  résurrection,  ou  chantant,  de  leurs 
jeux  les  plus  caressants,  les  vieux  noëls  de  la  Nativité,  la  symphonie 
pastorale  delà  crèche,  parmi  les  lueurs  et  les  parfums  de  la  messe 
de  minuit,  les  organistes  idéalisaient  tous  les  symboles  du  dogme, 
et  passaient  pour  entendre  dans  le  ciel  ces  harmonies  qu'ils  tradui- 
saient à  la  foule  agenouillée  dans  les  basiliques. 

Sur  un  terrain  plus  profane,  les  compositeurs  et  les  musiciens  ne 
jouissaient  ni  d'un  moindre  renom,  ni  d'une  estime  moindre.  Aux  as- 
semblées royales,  dans  les  salons  de  la  noblesse,  quelle  faveur  et  quels 
triomphes  !  C'était  une  tradition  à  la  cour  de  France,  que  le  culte 
et  l'amour  de  la  musique.  Charlemagne  et  Charles  le  Chauve  avaient 
touché  de  l'orgue.  Robert  II,  revêtu  de  ses  habits  royaux ,  couronne 
en  tête,  quittait  les  camps  et  venait  à  Saint-Denis  diriger,  au  chœur 
de  matines,  l'exécution  de  ses  antiphones.  Charles  IX  s'était  plus 
d'une  fois  assis  au  lutrin.  On  avait  vu  le  farouche  Agrippa  d'Aubi- 
gné,  au  lendemain  des  arquebusades,  écrire  des  chansons  légères  et 
de  printanières  saynètes  pour  les  académies  musicales  des  Valois, 
ces  premières  et  princières  sociétés  philharmoniques.  Henri  III  avait 
écrit  des  cantiques  et  des  psaumes.  La  belle  voix  de  basse  de  Henri  IV 
avait  souvent  réveillé  les  échos  du  vieux  Louvre.  Après  avoir  chan- 
sonné  le  grand  cardinal,  Louis  XIII  avait  composé  des  motets,  im- 
provisé des  ballets,  joué  du  luth  et  de  la  trompette,  organisé  un 
corps  royal  de  musique,  établi  à  la  cour  des  concerts  réguliers. 
Louis  XIV  suivait  l'exemple  de  ses  prédécesseurs  en  le  rehaussant  de 
tout  l'éclat  de  son  règne.  Versailles,  Saint-Germain,  le  Louvre  et  le 
Palais -Royal  donnaient  pour  cadre  aux  créations  de  l'art  par  excel- 
lence leurs  splendeurs  architecturales.  On  fêtait,  on  applaudissait,  on 
enrichissait  les  compositeurs  et  les  musiciens,  et  si  les  grands  sei- 
gneurs, un  instant  oublieux  de  leur  morgue,  les  félicitaient  et  leur 
tendaient  la  roain,  pour  imiter  le  maître,  la  chronique  rapporte  — 
est-elle  ou  non  fidèle?  —  que  de  grandes  dames  savaient  leur  offrir 
une  protection. . .  moins  orgueilleuse,  jalouses  peut-être  de  ces  fières 
patriciennes  de  Rome  que  les  satiriques  latins,  sortant  à  l'aube  de  la 
villa  de  Mécène,  rencontraient,  chancelantes,  sous  le  portique  de 
Vesta,  dans  les  bras  de  joueurs  de  cithare  et  de  flûte. 


Les  prétentions  de  la  confrérie  de  Saint-Julien  se  répandirent  en 
France,  dès  qu'elles  furent  connues,  avec  la  rapidité  des  mauvaises 
nouvelles.  Un  long  frémissement  de  colère  agita  la  société  musicale. 
En  ce  temps  de  privilèges,  chacun  tenait  aux  siens  :  là  était  la  lé- 
galité; là  était  la  force.  Paris  et  les  provinces  se  préparèrent  à  la 


DE  PAHIS. 


331 


lutte.  Il  ne  pouvait  y  avoir  ni  défections  à  craindre,  ni  incertitude 
sur  le  plan  de  conduite.  Communauté  d'intérêts  ,  communauté  de 
dangers  :  nécessité  commune,  par  conséquent ,  de  se  défendre  et 
de  profiter  de  la  victoire  espérée. 

Pour  diriger  les  opérations,  on  choisit  le  grand  Couperin,  orga- 
niste de  Saint-Gervais  et  du  roi,  claveciniste  de  la  chambre,  «  le  plus 
remarquable,  dit  M.  Félis,  de  tous  les  organistes  français,  et  qui  s'est 
élevé  à  une  hauteur  qui  tient  du  prodige.  »  Couperin,  homme  aciif, 
entreprenant,  s'adjoignit  des  aides  de  camp  énergiques  :  Nicolas  Gi- 
gault,  organiste  de  l'église  du  Saint-Esprit  ;  Antoine  Le  Bègue,  orga- 
niste du  roi,  par  quartier;  Charles  Buterne,  écuyer,  fils  d'un  capi- 
toul  de  Toulouse,  maître  de  clavecin  de  la  duchesse  de  Bourgogne. 
Sans  perle  de  temps,  ces  défenseurs  du  bon  droit  entrèrent  en  cam- 
pagne, et  l'affaire  s'engagea  au  Châtelet. 

Quatre  ans,  on  plaida;  quatre  ans,  on  se  battit.  De  part  et  d'autre 
on  porta  de  grands  coups  et  l'on  fit  de  grandes  choses.  Les  adver- 
saires s'interpellaient,  comme  autrefois  les  Francs  de  Mérovée,  comme 
avant  eux  les  héros  d'Homère.  De  telles  discussions  n'étaient  pas  de 
nature  à  résoudre  promptement  la  question.  Aussi,  le  Châtelet,  en 
présence  des  difficultés  qu'il  éprouvait  à  débrouiller  le  chMS  des 
ruses  des  deux  camps,  prit-il  sagement  le  parti  de  décliner  sa  com- 
pétence. Changement  de  terrain  et  d'arbitres.  Après  les  robes  noires, 
les  simares  rouges  et  l'hermine.  Un  appel  porta  l'afl'aire  au  Parle- 
ment. Là,  un  plus  grand  calme  dans  les  débats,  une  plus  haute  sa- 
gesse dans  le  conseil,  mais  la  même  fougue  dans  les  rencontres  des 
beUigérants.  Enfin,  comme  tout  se  termine,  même  les  procès,  la 
question  fut  solennellement  décidée  sur  les  conclusions  du  procureur 
général,  et  par  arrêt  du  7  mai  1695,  on  débouta  de  leur  demande 
les  jurés  des  maîtres  à  danser. 

Les  musiciens  étaient  vainqueurs.  Les  danseurs  quittèrent  en  dé- 
sordre le  champ  de  bataille  et  payèrent  les  frais  de  la  guerre  «  ès- 
mains  du  trésorier  fiscal.  »  Leur  roi,  Dumanoir  I",  «  auquel,  dit  un 
pamphlet  contemporain,  on  avait  fait  quitter  la  retraite  et  la  vie  pri- 
vée pour  se  mettre  à  la  tête  de  ses  troupes,  ne  servit  qu'à  illus- 
trer le  triomphe  de  ses  ennemis,  et  il  ne  parut  plus  après  cette  écla- 
tante défaite.  » 

Il  était  permis  de  supposer  qu'un  premier  engagement  aussi  déci- 
sif disperserait  à  tout  jamais  les  troupes  légères  de  Saint -Julien. 
Malheureusement,  après  l'amitié  des  fourbes,  il  n'est  rien  de  plus 
dangereux  que  de  les  avoir  pour  ennemis.  Les  compositeurs  et  les 
organistes  devaient  expérimenter  à  leurs  dépens  cette  philosophie, 
qui  n'est  pas  celle  de  Caton  ou  de  Zenon,  mais  bien  la  morale  plus 
pratique  d'Atticus  ou  d'Alcibiade.  Le  5  avril  1707,  après  douze  ans 
donnés  au  repos,  les  maîtres  de  danse  reviennent  à  la  charge,  avec 
plus  d'ardeur  que  jamais,  contre  «  les  harmonistes  »  et  leurs  liber- 
tés. Ils  surprennent  des  lettres  patentes  auxquelles  ils  font  ajouter 
frauduleusement  le  privilège  exclusif»  d'enseigner  à  jouer  de  tous 
les  instruments  de  musique  et  tablature,  de  quelque  espèce  que  ce 
pût  être,  sans  aucune  exception,  et  notamment  du  ckwessin,  » 

Ruse  de  guerre  habile  !  mais  ruse  que  les  clavecinistes  éventent 
sans  coup  férir.  Ils  s'opposent  à  l'enregistrement  de  ces  lettres  pa- 
tentes ;  ils  prouvent  qu'elles  sont  l'œuvre  de  faussaires.  Les  dan- 
seurs sont  condamnés  à  les  rapporter  honteusement.  Le  Parlement, 
chambres  assemblées,  les  lacère  et  en  brise  le  sceau.  Les  «  harmo- 
nistes »  s'en  partagent  les  fragments,  et,  célébrant  bruyamment  ce 
nouvel  avantage,  jurent  de  les  conserver  «  comme  un  monument  de 
leur  succès  et  de  la  défaite  des  danseurs  !  » 

Le  18  mai  suivant,  le  Parlement  expédie  aux  maîtres  de  danse  do 
nouvelles  lettres  patentes  :  leur  rédaction  ne  mentionne  plus  que  le 
privilège  d'enseigner  à  jouer  du  violon,  et  rappelle  les  arrêts  précé- 
demment rendus  contre  la  communauté  de  Saint-Julien.  Les  danseurs, 
trouvant  ces  titres  plus  favorables  aux  libertés  des  organistes,  dont 
les  droits  étaient  spécialement  réservés ,  qu'à  leur  propre  vanité  et 


à  leurs  prétentions,  ne  les  accueillent  qu'avec  dédain,  au  cabaret  de 
l'Epée  de  bois,  rue  de  Venise,  les  maculent  de  vin,  et  se  dispensent 
de  les  faire  enregistrer. 

Prompts  à  la  riposte  et  pressés  d'en  finir  avec  ces  adversaires  de 
mauvaise  foi,  organistes  et  clavecinistes  rentrent  dans  la  mêlée.  Il 
ne  s'agit  plus,  cette  fois,  de  remporter  une  victoire  d'amour-propre, 
comme  dans  un  tournoi  à  armes  émoussées.  Il  faut  imiter  les  grands 
généraux  de  1  époque.  Il  faut  écraser  l'ennemi,  tailler  en  pièces  ces 
Marlborough  de  la  chaconne,  du  passe-pieds  et  de  la  sarabande  ! 
Plus  de  discussions,  mais  des  actes  ;  plus  de  procédures,  mais  des 
faits  !  Le  dictateur  Couperin  frappe  un  coup  hardi.  Au  nom  de  son 
armée,  il  demande  justice  au  roi.  On  ne  pouvait  Ilatter  plus  délica- 
tement Louis  XIV  que  de  s'adresser  alors  à  sa  justice.  Le  vieux  roi 
oubliait  ainsi  les  revers  de  ses  armes  et  son  soleil  éclipsé.  Couperin 
et  les  membres  du  pouvoir  exécutif  des  harmonistes  sont  reçus  à 
Versailles  dans  les  petits  appartements.  Ils  représentent  très-hum- 
blement à  leur  auguste  protecteur  :  «  qu'étant  fondés  à  craindre  de 
nouvelles  attaques  de  la  part  des  ménétriers,  ils  ont  un  intérêt  direct 
à  l'enregistrement  et  à  l'exécution  des  titres  qui  les  maintiennent 
dans  l'exercice  de  leurs  droits,  sans  que  la  communauté  de  Saint- 
Julien  puisse  y  porter  atteinte,  »  et  ils  réclament  les  pouvoirs  né- 
cessaires. Le  roi,  «  voulant  sauvegarder  la  profession  des  organistes 
et  des  clavecinistes,  fait  défense  aux  maitres  à  danser  ds  les  trou- 
bler désormais,  et  ordonne  à  ces  derniers  de  se  renfermer  exacte- 
ment dans  les  bornes  qui  leur  sont  prescrites,  v 

Le  serpent  était  chassé  et  son  pommier  abattu.  La  paix  fut  con- 
clue, et  l'on  se  jura  de  part  et  d'autre,  une  amitié  éternelle  que  les 
gazetiers  du  temps  couronnèrent,  en  leurs  articles,  des  plus  radieu- 
ses épithètes. 

Em.  Mathieu  DE  MONTER. 
{La  suite  prochainement.) 


PHÉNOMÈNES  AC0ÏÏSTIC0-PÏÏYSI5LOGIQDES. 

(2e  et  dernier  article)  (1). 

En  vertu  de  la  grande  célérité  qui  règne  dans  le  mouvement  vibra- 
toire sonore,  il  nous  est  aussi  permis  de  concevoir  un  rhythme  com- 
posé dans  les  vibrations  du  son,  lorsque  son  rapport  numérique  avec 
le  son  concomitant  ou  sous-entendu  ne  s'exprime  pas  par  un  nombre 
premier.  En  effet,  par  exemple,  dans  l'accord  de  septième  de  domi- 
nante, le  second  degré  9  excite  en  nous  une  impression  intégrale 
formée  du  caractère  de  quinte  de  dominante.  Il  est  incontestable  qu'à 
cette  fin  nous  décomposons  chaque  9  vibrations  en  3  fois  3  ;  de  sorte 
que  l'ensemble  9  forme  un  caractère  absolu,  constitué  par  la  pro- 
gression ré-sol-do,  qui  en  définitive  ne  se  déclare  formellement  à 
notre  attention  que  lorsque  nous  voulons  la  décomposer. 

Pour  la  même  raison  et  par  un  mécanisme  semblable,  il  est  admis- 
sible que  le  caractère  composé  de  la  note  sensible,  subsemitonium- 
modi  15,  peut  revêtir  à  volonté  celui  de  quinte  de  mediante  3  fois  5, 
ou  mediante  de  dominante  5  fois  3  ;  mais,  dans  le  ton,  cette  faculté 
de  notre  entendement  ne  s'étend  guère  au-delà  de  deux  intervalles. 
Le  musicien  expérimenté  comprend  que  là  elle  doit  s'évanouir  pour 
opérer  un  changement  de  ton. 

Par  là,  n'est-il  pas  amplement  démontré  que  les  nombreux  dldac- 
ticiens  de  l'école  de  Pythagore,  qui  ont  basé  la  philosophie  musicale 
sur  des  progressions  illimitées  de  quintes  ou  de  tierces ,  sont  dans 
l'erreur,  et  que  toutes  leurs  combinaisons  ingénieuses  ne  sont  que  des 
jeux  d'esprit?  Ces  auteurs  n'ont  pas  pensé  à  l'impossibilité  de  cette  opé- 
ration instinctive,  c'est-à-dire  de  ce  fastidieux  exercice  intellectuel  qui 
naîtrait  pour  nous  dans  les  sons  et  qui  détruirait  tout  le  charme  de  la 

(1)  Voir  le  n"  33. 


332 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSlCALli 


musique,  si  nous  étions  obligés  de  comprendre  la  raison  d'êlre  de 
l'intonation  par  une  ramification  éloignée  d'intervalles  aboutissant  au 
point  de  départ  générateur.  Ainsi  dans  l'accord  do-mi-sol,  pour  com- 
prendre la  signiQcation,  l'origine  ou,  si  l'on  veut,  l'étymologie  de  mi, 
on  devrait,  d'après  eux,  recourir  au  quatrième  terme  d'une  progres- 
sion triple,  et  faire  pour  mi  cette  opération  mentale  :  mi-la-ré-sol-do. 

Ces  théories  sont  évidemment  fausses  et  de  plus  renversées  par  le 
calcul. 

Quelques  auteurs,  Rameau  entre  autres,  font  même  tourner  à  l'ap- 
pui de  leurs  démonstrations  les  différences,  négligeables  en  pratique, 
mais  amenées  par  le  calcul.  C'est  comme  s'ils  posaient  cet  axiome  : 
2  et  2  font  S,  parce  que  ce  n'est  jms  juste. 

L'intervalle  d'octave  est  le  seul  par  lequel  nous  jouissions  d'une 
manière  illimitée  de  cette  faculté  transpositive  :  1"  parce  que  son 
rapport  numérique  1/2,  constituant  une  progression  binaire,  ne  com- 
plique pas  le  rhylhme  caractéristique  auquel  nous  soumettons  les  vi- 
brations du  son  ;  elle  n'en  dénature  pas  non  plus  les  rapports ,  puis- 
que 1  n'est  pas  un  nombre.  C'est  ainsi  qu'en  faisant  subir  à  l'into- 
nation une  transposition  multiple  par  octaves,  elle  conserve  dans 
toutes  sa  même  fonction  et  ne  fatigue  pas  notre  intellect ,  lorsque 
nous  voulons  la  ramener  ;  son  déplacement  imaginaire,  d'une  oc- 
tave dans  l'autre,  dans  certains  cas,  s'opère  même  en  dépit  de  notre 
volonté  ou  à  notre  insu. 

2"  Parce  que  l'intervalle  d'une  octave  étant  lui-même  exprimé 
par  la  raison  2.  ne  détermine  pas  à  chaque  terme  de  la  progression 
binaire  une  impression  tonale  différente. 

Voilà  pourquoi  cette  transposition  par  octave  est  tellement  simple 
et  nous  est  si  familière  ;  voilà  aussi  pourquoi  l'intervalle  d'une  ou 
plusieurs  octaves  fut  désigné  par  le  nom  de  réplique,  équissonnance 
ou  redoublement. 

C'est,  en  effet,  le  seul  intervalle  que  nous  puissions  confondre  :  si 
l'on  touche,  à  une  distance  de  plusieurs  octaves,  deux  mêmes  notes 
sur  un  clavier,  le  meilleur  musicien  ne  pourra  que  deviner  le  nom- 
bre d'octaves  qui  sépare  ces  notes.  11  arrive  quelquefois  dans  les 
manufactures  de  pianos,  lorsque  certains  faits  du  hasard  le  favorisent, 
qu'en  accordant  rapidement  un  piano  neuf  pour  la  première  fois, 
n'est-à-dire  lorsqu'il  a  ses  cordes  tendues  à  l'aventure,  que  l'accor- 
deur se  trompe  d'une  octave,  et  qu'en  refaisant  après  plus  attenti- 
vement son  travail,  il  rencontre  des  intonations  qui  font  entendre  la 
double  octave  de  l'une,  intonation  voisine  du  même  nom  et  l'unisson 
de  l'autre.  Enfin,  lorsque  deux  instruments  de  timbre  diflérent  pro- 
duisent chacun  la  même  note  à  l'unisson,  nous  les  croyons  souvent 
distantes  d'une  octave  :  faits  impossibles  par  d'autres  intervalles. 

On  doit  conclure  de  là  que  la  transposition  par  octave  s'effectue 
pour  nous  quelquefois  avec  une  rapidité  excessive  que  l'on  pourrait 
comparer  à  celle  de  l'électricité. 

D'un  autre  côté,  en  vertu  de  la  grande  simplicité  de  ses  rapports 
1  à  2,  l'expérience  nous  apprend  que  l'octave  ne  supporte  pas  la 
moindre  altération  pour  rester  agréable  à  l'oreille,  et  l'histoire  nous 
enseigne  que  cet  intervalle  a  toujours  été  respecté  dans  les  nom- 
breux systèmes  de  tempérament  jadis  proposés  et  en  vigueur. 

Celte  grande  facilité  d'entendre  le  même  son  dans  une  autre  oc- 
tave est  un  phénomène  physiologique  qui  joue  un  rôle  très-important 
dans  la  science;  afin  de  l'analyser  à  fond,  il  est  bien  permis  d'y 
avoir  insisté  un  peu. 

Charles  MBERENS. 


REVUE  CRITIOOE. 

R.  Favarger.  —  La  Mi/ette  de  Portici  ,  le  Domino  noir  ,  Stra- 
DELLA,  fantaisies  de  salon  ;  la  Mer  calme  ,  mélodie;  Yvonne,  polka- 
masurka,  pour  le  piano. 

M.  René  Favarger  a  prouvé  plus  d'une  fois  qu'il  n'avait  besoin  d'em- 
prunter ses  idées  à  personne  pour  composer  d'agréables  morceaux  qui 
ne  font  pas  moins  d'honneur  à  son  imagination  qu'à  son  goût  et  à  son 
savoir.  Aussi  a-t-il  acquis  la  droit  de  s'appuyer  de  temps  en  temps  sur 
l'autorité  des  maîtres,  chez  lesquels  il  se  plaît  à  puiser  les  éléments 
d'une  de  ses  Fantaisies  que  la  mode  a  consacrées,  non  sans  quelque 
raison.  Le  titre  d'un  opéra  connu  et  aimé  est  un  passeport  puissant 
auprès  des  amateurs  et  des  élèves,  pour  qui  le  souvenir  d'une  mélodie 
favorite  devient  un  allégement  aux  études  sérieuses  qu'ils  sont  forcés 
de  s'imposer.  Les  Fantaisies  de  M.  Favarger  sur  le  Comte  Ory,  sur  les 
Huguenots  et  sur  Marta,  ont  obtenu  un  succès  que  nous  avons  constaté 
à  mesure  qu'il  s'est  produit,  et  que  le  temps  n'a  pas  diminué. 

Ces  précédents  heureux  ne  peuvent  donc  que  nous  disposer  favora- 
blement à  l'égard  des  trois  nouvelles  Fantaisies  de  salon  que  M.  Favarger 
vient  de  faire  paraître  sur  la  Muette  de  Portici,  sur  le  Domino  noir  et  sur 
Stradella.  Toutes  trois  se  recommandent,  en  effet,  par  le  même  tact,  la 
même  élégance,  le  même  soin  de.i  détails  qui  nous  ont  frappé  dans  la 
composition  de  leurs  devancières. 

La  Fantaisie  sur  la  Muette  est  un  morceau  brillant  qui  peut  soutenir 
la  concurrence  avec  tout  ce  que  le  merveilleux  opéra  d'Auber  a  en- 
fanté de  transcriptions,  et  le  nombre  en  est  grand.  Après  une  courte 
ot  vive  introduction,  tirée  de  quelques  mesures  de  l'ouverture,  appa- 
raît le  gracieux  motif  de  la  cavatine  chantée  au  premier  acte  par  Elvire, 
et  qui  se  prête,  comme  on  sait,  aux  broderies  les  plus  variées.  Parmi 
l'immense  quantité  de  mélodies  qui  abondent  dans  l'œuvre  du  maestro, 
et  dans  lesquelles  il  fallait  faire  un  choix,  aucune  assurément  n'aurait 
su  mieux  atteindre  le  but  du  transcripteur,  jaloux  de  mêler  ses  inspira- 
tions à  celles  du  compositeur  qu'il  a  pris  pour  modèle  et  pour  guide. 
A  cette  cavatine  est  enchaînée,  par  une  transition  habile,  la  barcarolle 
du  Hoi  des  mers,  fidèlement  traduite,  et  terminée  par  une  coda  à  grand 
effet. 

Pour  sa  Fantaisie  sur  le  Domino  noir,  M.  Favarger  a  choisi  l'air  de 
Jacinthe,  ainsi  que  plusieurs  mélodies  du  troisième  acte,  qui  lui  ont 
fourni,  dans  sa  première  partie,  de  douces  et  suaves  inspirations  dans 
lesquelles  domine  un  sentiment  religieux  très-nettement  accusé.  Puis, 
comme  contraste,  survient  VAragunaise  du  dernier  acte,  encore  un  mo- 
tif à  variations  dont  le  transcripteur,  du  reste,  n'a  pas  trop  abusé.  Un 
crescendo  en  triolets  clôt  de  la  façon  la  plus  saisissante  ce  morceau 
distingué,  où  se  retrouvent  à  un  très-haut  degré  les  qualités  de  brio, 
de  couleur  et  de  style  qui  ont  placé  M.  Favarger  au  premier  rang  de 
nos  pianistes-compositeurs. 

Les  deux  principaux  motifs  de  la  fantaisie  sur  Stradella  sont  emprun- 
tés aux  airs  de  ballet  et  à  la  fameuse  [chanson  à  boire  des  deux  bandits. 
Quoique  assez  facile,  ca  morceau  n'est  pas  moins  très-brillant,  très- 
uuancé,  et  très-riche  de  modulations. 

De  même  que  dans  l'Escarpolette  et  dans  Caliban,  deux  compositions 
originales  qui  ont  laissé  des  traces,  la  pensée  qui  a  présidé  à  la  mise 
en  œuvre  de  la  mélodie  intitulée  h  Mer  calme,  appartient  tout  entière 
à  M.  Favarger.  Le  titre  de  ce  morceau  indique  suffisamment  l'intention 
du  compositeur  et  nous  dispense  de  tout  commentaire.  Nous  nous  con- 
tenterons de  reconnaître  qu'il  est  fort  bien  traité  et  qu'il  justifie  à 
merveille  le  nom  de  mélodie,  sous  l'invocation  duquel  il  s'est  placé.  Rien 
de  mieux  trouvé,  rien  de  plus  clair  et  de  plus  élégant  à  la  fois  que  le 
motif  qui  lui  sert  de  début.  Dne  grande  simplicité,  une  sorte  de  laisser- 
aller  plein  de  mollesse  et  de  rêverie,  les  nuances  les  plus  fines  et  les 
plus  délicates,  un  smorzando  final  d'un  effet  délicieux,  tels  sont  les  mé- 
rites de  ce  morceau,  qui  a,  en  outre,  l'avantage  de  ne  pas  être  d'une 
exécution  ardue,  et  dont  le  compositeur  a  pris  la  précaution  utile  de 
doigter  lui-même  plusieurs  passages. 

D'un  genre  tout  différent,  Yvonne  est  une  polka-mazurka  aussi  vive, 
aussi  animée  que  la  précédente  mélodie  est  douce  et  tranquille.  M.  Fa- 
varger n'y  a  rien  épargné,  ni  les  accords  nourris,  ni  les  oppositions 
piquantes.  Nous  la  croyons  destinée  à  un  très-grand  succès  de  salon. 


Crînley-BicliarUis.  —  Pro  Peccaiis,  transcription  du  Stakat  Mater, 
de  Rossini;  Hymne  des  vêpres;  la  Czarina,  mazurka  de  salon,  pour 
piano. 

L'immortel  Stabal  de  l'auteur  de  Guillaume  Tdl  a  déjà  tenté  bien 
des  transcripteurs;  mais  bien  peu  ont  été  aussi  heureusement  inspirés 
que  M.  Brinley-Richards,  qui  a  choisi  pour  thèmes  le  Pro  peccalis  et  le 
Quis  est  homo  ?  On  sait  tout  ce  que  ces  stances,  traduites  par  Rossini 


DE  PAUIS. 


333 


renferment  de  terreur  mystérieuse  et  de  majesté  suprême.  M.  Brinley- 
Richards  a  su  conserver  à  son  arrangement  le  caractère  véritable  de 
ce  morceau  grandiose.  Une  certaine  sobriété  de  détails,  mais  en  même 
temps  une  grande  richesse  d'harmonie,  distinguent  le  travail  de  l'habile 
et  savant  pianiste  anglais,  qui  s'est  montré  très-réservé  sur  le  choix 
des  ornements  que  comporte  l'idée  première  du  compositeur.  11  a  voulu 
aussi  mettre  sa  transcription  à  la  portée  du  plus  grand  nombre,  en  lui 
donnant  une  facilité  relative,  et  il  y  a  complètement  réussi. 

Dans  le  même  ordre  d'inspirations,  VHymne  des  vépns  n'est  pas  moins 
bien  venue.  C'est  un  motif,  très-simple  et  très-naïf,  sur  lequel  le  com- 
positeur a  brodé  de  brillantes  variations,  où  son  individualité  se  révèle 
à  chaque  pas,  souvent  avec  éclat,  et  toujours  avec  méthode.  M.  Brinley- 
liichards  a  eu  raison  de  prendre  pour  épigraphe  ces  belles  paroles  de 
Chateaubriand  :  «  Le  chant  nous  vient  des  anges,  et  la  source  des  con- 
certs est  dans  le  ciel.  » 

Passant  du  grave  au  doux,  du  sévère  au  plaisant,  le  même  composi- 
teur a  joint  à  ses  chants  sacrés  une  Mazurka  de  salon,  intitulée  la 
Czarina,  qui  procède  également  par  un  thème  posé  avec  franchise,  et 
varié  avec  une  grâce,  avec  une  coquetterie  des  plus  remarquables.  Ce 
morceau  profane  partagera  le  succès  des  deux  autres,  et  sera  adopté, 
comme  eux,  non  moins  pour  la  forme  que  pour  le  fond. 


CORRESPONDANCE. 


Paris,  16  octobre  1863. 


Mon  cher  directeur. 


Un  article  publié  dans  plusieurs  journaux  allemands,  et  reproduit  par 
la  Gazette  musicale  de  dimanche  dernier,  annonce  que  je  compose  un 
ouvrage  sous  le  titre  de  Don  Juan,  et  semble  insinuer  que  le  sujet  est 
le  même  que  celui  de  l'immortel  chef-d'œuvre  de  Mozart.  Tous  ceux 
qui  me  connaissent  connaissent  aussi  ma  religieuse  admiration  pour 
ce  grand  maître,  et  n'ont  pu  prendre  cette  nouvelle  au  sérieux;  mais 
pour  ceux  qui  pourraient  ou  qui  voudraient  y  être  trompés,  je  vous 
serai  fort  obligé  de  publier  ma  réclamation,  il  faudrait  avoir  perdu  tout 
bon  sens  pour  songer  à  refaire  certains  chefs-d'œuvre.  Dieu  merci,  je 
n'en  suis  pas  là.  La  vérité  est  que  parmi  les  sujets  que  je  me  propose 
de  traiter,  il  en  est  un  qui  s'appelle  la  Jeunesse  de  don  Juan  ■  mais  ce 
nom  est  l'unique  point  de  similitude  qui  existe  entre  mon  ouvrage 
et  celui  de  Mozart. 

Veuillez  agréer,  mon  cher  directeur,  l'assurance  de  mes  sentiments 
les  plus  distingués. 

Jacques  OFFE^BACH. 


NOUVELLES. 

f*^,  Aujourd'hui  dimanche,  représentation  extraordinaire  du  Trouvère 
et  de  Gisellc.  —  Demain  lundi,  Gueymard  reparaîtra  dans  les  Huguenots. 

^*-,j,  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  dimanche  dernier  Guil- 
laume Tell.  Villaret  y  est  toujours  fort  applaudi.  Un  élève  de  l'excel- 
lent professeur  Bénédiot,  M.  David,  artiste  marseillais,  y  débutait  par 
le  rôle  de  Walter  ;  il  y  a  déployé  une  excellente  voix  de  basse  et  une 
bonne  méthode,  qualités  qui  seront  mieux  appréciées  dans  un  rôle  plus 
important.  —  Trois  fois  de  suite  la  Muette,  le  chef-d'œuvre  d'Auber,  in- 
terprété par  Michot,  Faure,  Warot  et  Mme  Vandenheuvel-Duprez,  a 
rempli  la  salle.  On  ne  peut  rendre  avec  plus  d'e.\pression  et  de  pa- 
thétique que  Mlle  Vernon  le  rùle  do  Fenella,  et  Mlle  Laure  Fonta, 
qui  danse  le  pas  nouveau  au  quatrième  acte,  est  chaque  soir  ap- 
plaudie avec  plus  d'enthoutiasme,  et  rappelée.  Sa  Majesté  le  roi  des 
Hellènes  assistait  à  la  représentation  de  vendredi  dans  la  loge  impériale. 

^*^  C'est  dans  le  courant  du  mois  prochain  que  le  nouvel  opéra 
d'Auber,  la  Fiancée  du  roi  de  Garbes,  fera  son  apparition  au  théâtre  de 
rOpéra-Comique.  Le  célèbre  compositeur  en  suit  les  répétitions  avec  la 
plus  grande  régularité,  et  si  l'on  en  croit  les  premières  révélations  de 
personnes  compétentes,  l'auteur  de  la  Muette  n'aurait  jamais  été  mieux 
inspiré.  —  En  attendant,  les  Amours  du  Diable  sont  de  plus  en  plus 
goûtés  et  alternent  avantageusement  avec  Lalla  Roukii  et  le  Songe  d'une 
nuit  d'éti.. 

:,**  Le  théâtre  Italien  adonné  sa  seconde  représentation  jeudi.  Plus 
maltresse  d'elle-même,  Mme  de  la  Grange  a  rendu  admirablement  le  rôle 
de  Violetta;  il  est  impossible  d'y  être  plus  distinguée  et  de  chanter 
avec  plus  de  perfection  que  la  célèbre  cantatrice.  —  On  annonce  pour 
aujourd'hui  liigoletto,  dans  lequel  elle  chantera  le  rôle  de  Gilda  avec 
Délie  Sedie  et  Mcolini.  .Mme  Demeric-Lablache  y  débutera  dans  celui  de 
Maddalena. 


^*^  Les  Noces  de  Figaro  n'auront  plus  que  quelques  représentations  au 
théâtre  Lyrique.  On  y  presse  les  répétitions  du  nouvel  opérai  de  Berlioz, 
les  Troyens,  afin  qu'il  puisse  être  représenté  au  plus  tard  le  1 5  novem- 
bre. En  attendant,  on  s'occupe  de  la  reprise  de  la  Perle  du  Brésil,  de 
Félicien  David,  qui  aura  pour  principaux  interprètes  Mme  Miolan-Car- 
valho,  Pilo  et  Petit.  ~  Ismaël,  Morini  et  Mme  Carvalho  chanteront  le 
nouvel  opéra  de  Gounod,  Mireille. 

^*^  On  a  commencé  à  l'Opéra  impérial  de  Vienne  les  répétitions  de 
l'ouvrage  en  quatre  actes  d'Offenbach.  Le  titre  définitif  de  cet  opéra 
dramatique  est,  comme  on  le  sait,  les  Fées  du  Rhin,  Le  poëme,  de 
M.  Quitter,  a  été  traduit  en  allemand  par  M.  de  Wolzogen,  un  des  meil- 
leurs littérateurs  de  l'Allemagne,  qui  a  su  donner  à  ce  travail  difficile 
la  valeur  d'une  œuvre  originale.  Les  costumes  et  les  décors  seront  exé- 
cutés avec  le  plus  grand  luxe.  Cette  partition  comprend  cinq  rôles 
principaux  :  soprano,  Mlle  Wildauer  ;  mezzo  soprano,  Mme  Destine  ;  té- 
nor, M.  Ander;  baryton,  M.  Decker;  basse,  M.  Schmidt.  —  Huit  jours 
après  la  première  représentation  de  cet  opéra  à  Vienne,  il  sera  joué 
â  Francfort,  où  on  le  répète  déjà.. 

,*^  L'opéra  anglais  de  Londres,  qui  joue  à  Covent-Garden,  répète  le 
nouvel  opéra  de  Wallace,  la  Fleur  du  désert;  on  en  dit  beaucoup  de 
bien.  —  On  doit  représenter  aussi  très-prochainement,  à  Londres,  un 
opéra,  Jessy  Lea,  dont  la  musique  est  due  à  un  compositeur  irlandais, 
M.  Mac-Farren. 

*•*»  M.  Grau,  l'imprésario  du  théâtre  italien  en  Amérique,  était  à  Paris 
ces  jours  derniers;  il  vient  de  repartir  pour  New-York,  après  avoir  com- 
plété sa  troupe  pour  la  saison  de  1863-1864.  Elle  se  composera  de 
MM.  Brignoli,  le  ténor  le  plus  goûté  en  Amérique,  Stefani  et  Tamaro; 
les  barytons  sont  Morelli-Ponti  et  Amodie;  les  basses,  Susini  et  Barili. 
Les  chanteuses,  au  nombre  de  cinq,  sont  Mmes  Vera-Lorini,  Cordier, 
Castri,  Simon,  et  Mme  Morenzi,  contralto. 

/*  Le  théâtre  de  Liège  va  donner  Stradella.  C'est  le  ténor  Wicart 
qui  jouera  le  rôle  principal  de  l'opéra  de  Flotow. 

:i,*^  Un  journal  annonce  que  Carlo  Patti,  le  frère  des  deux  sœurs 
Adelina  et  Carlotta  Patti,  qui  servait  dans  l'armée  des  confédérés,  vient 
d'être  fait  prisonnier  par  les  fédéraux. 

»■**  Nous  avons  annoncé  l'arrivée  à  Paris  d'une  cantatrice  italienne 
très-distinguée,  Mme  Gagliano  ;  l'opinion  que  nous  avons  émise  sur  son 
talent  n'a  pas  tardé  à  se  propager.  Dans  une  soirée  artistique  donnée  il 
y  a  trois  jours  chez  un  de  nos  plus  célèbres  professeurs  de  piano, 
Mme  Gagliano  a  conquis  tous  les  suffrages  par  la  manière  dont  elle  a 
chanté  plusieurs  morceaux  et  des  chansonnettes  espagnoles. 

^*^  On  sait  qu'après  ses  grands  succès  en  Amérique,  Carlotta  Patti 
a  été  amenée  en  Angleterre  par  le  célèbre  imprésario  Ullmann,  et  qu'elle 
a  reçu,  dans  les  concerts  où  elle  a  chanté,  le  plus  brillant  accueil.  Il 
paraît  que  l'intention  de  M.  Ullmann  serait  de  faire  connaître  également 
à  Paris  et  dans  le  reste  de  l'Europe,  la  digne  sœur  d'Adelina.  Seule- 
ment, il  nous  paraît  difficile  qu'il  trouve  des  spéculateurs  disposés  à 
payer  les  prix  fabuleux  que,  à  l'exemple  de  M.  Strakosch,  il  annonce 
vouloir  mettre  au  talent  de  Carlotta. 

:,,'**  Le  4  novembre  prochain  sera  inauguré  le  nouveau  théâtre 
construit  à  Hombourg;  la  salle  est  décorée  avec  autant  de  goût  que  de 
luxe;  elle  a  trois  rangées  de  loges  et  peut  contenir  douze  cents  per- 
sonnes. Une  excellente  troupe  française  doit  y  donner  des  représenta- 
tions cet  hiver. 

^*^  Le  tliéâù'e  allemand,  passage  de  l'Opéra,  rouvre  ses  portes  samedi 
1T  courant,  par  un  Amour  illicite,  de  Maser;  V Heureux  présage,  de  Béué- 
dix,  et  Tout  pour  l'amour  de  l'art,  également  de  Maser,  avec  musique  de 
Conradi.  Keprésentations  tous  les  soirs  à  8  heures. 

^*^  Un  accident  de  chasse  a  failli  coûter  la  vie  à  S.  A.  R.  le  duc 
Ernest  de  Saxe-Cobourg-Gotha,  le  compositeur  de  Sainte  Claire,  de  Dia?ie 
de  Solangcs,  etc.  Un  cerf,  qu'il  était  en  train  de  forcer  sur  ses  terres 
en  Moravie,  s'est  retourné  et  a  grièvement  blessé  le  prince.  Il  est  heu- 
reusement en  voie  de  guérison  aujourd'hui. 

j,*^  Ernest  Ueyer  est  de  retour  à  Paris  après  avoir  accompli  la  mis- 
sion dont  le  gouvernement  l'avait  chargé.  Nous  lirons  incessamment 
dans  le  Moniteur  les  appréciations  du  savant  compositeur  sur  l'état 
de  )a  musique  en  Italie,  en  Allemagne,  en  Illyrie,  Moravie  et  Hongrie, 
qu'il  vient  de  parcourir  en  observateur  compétent.  —  Il  est  question 
de  monter,  à  l'Opéra,  Erostrate,  représenté  à  Bade  il  y  a  un  an  avec 
un  succès  que  nous  avons  été  les  premiers  à  constater.  L'ouvrage  se- 
rait complété  pour  notre  première  scène  lyrique  et  précéderait  avan- 
tageusement le  ballet. 

^*^  Berthelier  est  de  retour  à  Paris.  Liège  était  sa  dernière  étape  ; 
il  y  a  donné  une  représentation  au  théâtre  du  Gymnase  de  ses  deux 
dernières  créations,  Jean  Torgnole  et  l'Oiseau  fait  son  nid.  Son  succès 
a  été  des  plus  grands.  On  a  bissé  plusieurs  couplets  et  on  a  rappelé 
le  joyeux  artiste  après  chaque  acte. 

.j*.t  M.  Léopold  Kotton,  frère  du  pianiste ,  vient  d'être  attaché  au 
Théâtre-Lyrique  en  qualité  d'accompagnateur. 

,.j*,  Joseph  Eranck,   de    Liège,  de  retour  de  son  brillant  voyage  en 


334 


REVUE  Kl  GAZETTE  MUSICALE 


Belgique  et  en  Allemagne,  recommencera  ses  cours  et  leçons  particu- 
lières de  musique,  piano  et  autres,  le  3  novembre  prochain. 

**,.,  Ainsi  que  nous  l'avons  annoncé,  dimanche  prochain  23  octobre, 
à  2  heures,  au  cirque  Napoléon,  réouverture  des  concerts  populaires. 
Voici  le  programme  de  cette  première  séance  :  ouverture  de  h-ométhée, 
de  Beethoven  ;  symphonie  (u')  43)  d'Haydn  ;  Galante,  air  de  danse,  de 
Mozart  ;  h  Songe  d'une  nuit  d'été,  de  Mendelssohn  (ouverture,  appassio- 
nato,  scherzo,  nocturne,  marche).  L'orchestre  sera  dirigé  par  iM.  Pasde- 
loup. 

g,*^  La  charmante  partition  d'Offenbach,  les  Bavards,  vient  d'obtenir 
le  plus  grand  succès  à  Francfort.  Tous  les  morceaux  ont  été  applaudis, 
plusieurs  bissés;  les  auteurs  ont  été  rappelés  à  chaque  acte.  Breslaw, 
Kœnigsberg,  Hambourg,  Dresde,  montent  dans  ce  moment  cet  ouvrage. 
Enfin,  le  grand  Opéra  de  Berlin,  qui  a  déjà  joué  mainte  partition  d'Of- 
fenbach, le  Mariaije  aux  lanternes,  Pepito,  etc.,  va  jouer  à  son  tour  les 
Bavards. 

**,j  Thalberg  est  en  ce  moment  à  Leicester  où  il  donne  des  séances 
musicales  qui  ont  un  grand  succès.  Ces  séances,  organisées  par  SI.  Ni- 
cholson,  ont  pour  exécutants,  outre  le  célèbre  pianiste,  Vieuxtemps, 
Ascher,  Reichardt,  Ferranti,  Mlle  Carlotta  Patti  et  Mme  Iluddart. 

„**  Mme  .Madeleine  Graever  vient  de  nous  quitter.  L'éminente  pianiste 
est  partie  pour  Bruxelles,  et  de  là  elle  est  appelée  par  de  beaux  engage- 
ments en  Hollande,  à  Copenhague  et  à  Stockholm. 

^'^  L'organiste  Lasser,  qui  passait  pour  être  le  dernier  descendant 
d'Orlando  Lasso,  vient  de  mourir  à  l'âge  de  quatre-vingt-deux  ans,  à 
Munich. 

^,*^  On  a  célébré  mardi  de  cette  semaine,  à  l'église  de  Notre-Dame 
de  Lorette,  le  mariage  de  M.  Louis  Messemaeckers,  pianiste  composi- 
teur, avec  Mlle  Mathilde  Thomas. 

,(*,s  Mlle  Jlarie  Ferez,  professeur  de  piano  au  Conservatoire  de  Mar- 
seille, a  profité  des  yacances  pour  venir  pour  quelques  semaines  à 
Paris,  afin  de  connaître  et  entendre  nos  célébrités  artistiques.  L'accueil 
flatteur  que  reçoit  partout  la  jeune  et  brillante  pianiste,  et  le  succès 
qu'obtient  son  talent,  l'obligeront  à  revenir  à  Paris  dans  le  courant  de 
l'hiver  pour  faire  apprécier  dans  un  de  nos  grands  concerts  les  rares 
qualités  de  son  jeu  classique  et  élégant  à  la  fois.  Le  public  parisien  ra- 
tifierj.  certainement  alors  l'opinion  émise  par  nos  professeurs  les  plus 
éminents  sur  la  valeur  du  talent  de  Mlle  Verez. 

^*j.  Le  comité  de  l'Association  de  secours  mutuels  des  artistes  dra- 
matiques s'occupe  activement  de  l'organisation  d'une  brillante  représen- 
tation qui  doit  avoir  lieu  le  27  de  ce  mois,  avec  le  concours  des  artis- 
tes de  la  Comédie-Française,  et  de  Samson  dans  le  rôle  du  bourgeois 
gentilhomme.  Animé  des  plus  généreuses  intentions  à  l'égard  de  cette 
Association,  S.  Exe.  M.  le  comte  Bacciochi,  surintendant  général  des 
théâtres,  a  daigné  autoriser  les  théâtres  impériaux  à  prêter  leur  con- 
cours à  la  représentation.  MM.  de  Leuven  et  Ritt  se  sont  empressés  de 
mettre  à  sa  disposition  la  salle  du  théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique. 

^*^  Le  célèbre  tromboniste  Nabich  est  en  ce  moment  à  Boulogne,  où 
il  donne  des  concerts  fort  suivis;  celui  qui  était  annoncé  le  14,  au 
théâtre,  avait  attiré  une  nombreuse  assemblée,  qui  l'a  chaleureusement 
applaudi  et  rappelé  plusieurs  fois.  Ce  n'est  pas,  du  reste,  la  première 
fois  que  nous  parlons  de  l'immense  talent  de  M.  Nabich  sur  un  instru- 
ment ingrat,  dont  il  est  incroyable  qu'il  ait  pu  se  rendre  maître  à  ce 
point;  toute  la  presse  musicale  a  été  à  cet  égard  d'un  avis  unanime. 

i*.  On  nous  écrit  de  Bruxelles  qu'on  y  a  fêté  la  rentrée  d'un  com- 
positeur et  pianiste  distingué,  M.  Martin  Lazare,  élève  de  M.  Fétis,  de 
Zimmerman  et  d'Ad.  Adam,  auteur  d'œuvres  fort  appréciées  et  qui  lui 
ont  valu  plusieurs  distinctions  honorables.  Après  un  séjour  prolongé  en 
Amérique  et  en  Angleterre,  il  est  revenu  se  fixer  en  Belgique,  où  il  est 
né  et  où  il  compte  bien  faire  entendre  ses  productions,  au  nombre  des- 
quelles le  Roi  de  Bohême,  opéra  en  trois  actes,  a  obtenu  au  grand  con- 
cours de  Hollande  la  médaille  d'or,  et  la  Marguerite  au  rouet  et  l'Âtalante 
sont  devenues  populaires  à  Londres. 

,f'^  L'Ecole  complète  du  piano,  tel  est  le  titre  d'une  publication  des 
plus  utiles  qui  est  faite  en  ce  moment  par  M.  Patrice  Valentin.  Cette 
nouvelle  méthode  d'enseignement  est  divisée  en  plusieurs  livres  et  part 
des  principes  les  plus  faciles.  Ainsi  le  premier  livre  peut  se  jouer  sans 
que  l'élève  sache  encore  faire  la  gamme;  le  deuxième,  également  facile, 
donne  le  passage  des  doigts  pour  les  petites  mains,  et  progressivement 
on  arrive  sans  s'en  apercevoir  à  la  difficulté.  L'ouvrage  contient  en  outre 
des  études  à  quatre  mains,  faisant  suite  aux  précédentes  et  destinées  â 
familiariser  l'élève  avec  la  musique  d'ensemble.  Les  unes  et  les  autres 
sont  d'ailleurs  chantantes  et  remplies  de  traits  consciencieusement  doig- 
tés. Aussi  VEcole  complète  du  piano  se  trouve-t-elle  déjà  entre  les  mains 
de  nombreux  élèves,  désireux  de  faire  de  rapides  progrès. 

,„*:j  ,11  va  paraître  incessamment  une  traduction  en  espagnol  de  VAbé- 
cédaire  vocal  de  H.  Panofka.  Nous  avons  à  plusieurs  reprises  constaté  le 
mérite  de  cet  ouvrage  élémentaire,  essentiellement  pratique  et  si  utile 
à  ceux  qui  veulent  étudier  rationnellement  l'art  du  chant. 

„,■*„  Le  célèbre  chef  d'orchestre  Jullien  a  laissé  un  fils  qui  marche  sur 
les  traces  de  son  père;  on  écrit  de  Londres  qu'il  organise  au  théâtre  de 


Sa  Majesté  des  concerts  analogues  aux  concerts  fondés  par  Musard  à 
Paris.  Ils  doivent  commencer  le  7  novembre  et  se  continuer  jusqu'à  la 
fin  de  décembre,  époque  à  laquelle  commenceront  les  représentations 
de  l'opéra  anglais  à  ce  théâtre. 

»**  Dans  le  feuilleton  du  Constitutionnel  de  dimanche  dernier,  M.Er- 
nest Lépine,  chef  du  cabinet  de  S.  Exe.  le  président  du  Corps  législatif, 
propose  un  projet  d'auditions  périodiques  des  œuvres  musicales  des  ar- 
tistes vivants.  Ce  serait  le  complément  nécessaire  de  l'exposition  uni- 
verselle qui  doit  avoir  lieu  en  1867.  L'auteur  du  projet,  qui  est  un 
homme  de  beaucoup  d'esprit,  sollicite  l'examen  et  la  discussion  pour 
ses  idées;  nous  nous  ferons  un  devoir  et  un  plaisir  de  répondre  à  son 
appel. 

^*,^  A  l'époque  de  la  rentrée  des  classes  au  Conservatoire  et  dans 
tous  les  établissements  où  la  musique  est  l'objet  d'un  enseignement  sé- 
rieux, on  ne  saurait  trop  rappeler  les  ouvrages  d'un  maître  dont  la  vie 
presque  entière  fut  consacrée  au  professorat.  Nul  autre  plus  que  Pan- 
seron  n'y  porta  d'activité,  d'intelligence  et  de  talent  ;  nul  autre  n'em- 
brassa plus  complètement  l'art  dans  tous  ses  degrés,  depuis  l'A  B  C,  de- 
puis les  solfèges  de  tous  genres,  jusqu'aux  sommités  de  l'harmonie.  Le 
simple  catalogue  de  ses  œuvres  ressemble  à  une  encyclopédie  musi- 
cale, où  les  élèves  trouvent  sans  peine  tout  ce  qui  est  nécessaire  à 
leur  éducation. 

^*„.  Si  nnn  e  vero  e  ben  trovato.  Sous  la  qualification  de  Télégraphie  mu- 
sicale, un  Américain,  M.  C.  P.  Hachenberg,  décrit  dans  un  journal  de 
son  pays  une  invention  merveilleuse,  selon  son  expression.  «  Je  me  suis 
proposé,  dit  ce  génie,  de  doter  chaque  maison  de  conduites  électriques 
qui,  de  même  que  les  conduites  d'eau  et  de  gaz  y  amènent  l'eau  et  le 
gaz,  mettront  à  la  diposition  de  ses  habitants,  de  la  musique.  J'établirai 
au  centre  de  la  ville  ma  fabrique  de  musique  :  elle  consistera  en  un 
piano,  comme  machine,  et  en  un  pianiste  de  force  et  de  talent,  qui 
fera  mouvoir  la  machine.  —  Chaque  personne  qui  s'abonnera  chez  moi 
à  la  distribution  de  la  musique,  recevra  un  piano  qui  sera  relié  au 
piano-machine  au  moyen  de  fils  électriques,  de  manière  que  si  mon 
pianiste,  qui  sera  choisi  parmi  les  virtuoses  d'élite,  joue,  par  exemple, 
l'ouverture  de  Don  Juan,  avec  tout  le  prestige  de  son  talent  et  le  sen- 
timent le  plus  attendrissant,  tous  les  pianos,  qui  sont  en  rapport  avec 
l'instrument  central,  rediront  la  même  œuvre  de  la  même  manière  et 
avec  les  mêmes  nuances.  Il  dépendra  de  la  participation  des  habitants 
que  le  piano-machine  fonctionne  jour  et  nuit,  et  il  suffira  de  tour- 
ner un  robinet  adapté  au  piano,  pour  que  les  mélodies  les  plus  suaves 
et  les  plus  variées  retentissent  sans  interruption.    » 

^*^  Nous  appelons  l'attention  de  nos  lecteurs  sur  la  nouvelle  publi- 
cation de  M.  Valiquet,  les  Flcurs  de  la  danse,  qui  viennent  de  paraître 
chez  les  éditeurs  Bii.\ndus  et  Dufodr.  Le  succès  extraordinaire  qui  a 
accueilli  la  Moisson  d'or,  du  même  auteur,  l'a  engagé  à  publier  de  la 
même  manière  les  plus  jolis  quadrilles,  valses,  polkas,  galops,  schottischs, 
composés  par  les  maîtres  en  ce  genre,  et  arrangés  pour  les  petites 
mains.  C'est  un  recueil  très-intéressant,  bien  choisi  et  admirablement 
doigté.  Non-seulement  il  sera  la  plus  agréable  récréation  des  enfants 
qui  étudient  le  piano,  mais  il  deviendra  l'indispensable  des  soirées 
d'hiver,  en  offrant  aux  jeunes  personnes,  même  peu  avancées  sur  le 
piano,  aux  maîtresses  de  maison  un  charmant  répertoire  très-facile,  au 
moyen  duquel  elles  pourront  à  première  vue,  faire  danser  leurs  amies. 

,t*4  Le  succès  qu'a  obtenu,  auprès  des  lecteurs  de  la  Gazette  musicale, 
l'étude  qu'y  a  donnée  notre  collaborateur  Arthur  Pougin  sur  le  compo- 
siteur Floquet,  l'a  décidé  à  la  publier  en  brochure.  Cette  curieuse 
biographie  d'un  musicien  peu  connu  sera  certainement  lue  avec  le  plus 
grand  intérêt  par  tous  ceux  qui  s'occupent  de  l'art  musical. 

,t*ai  Le  besoin  d'un  nouveau  journal  de  théâtre  se  faisait  sentir,  à  ce 
qu'il  parait,  en  Allemagne.  Pour  combler  cette  lacune,  un  M.  Koffka, 
rédacteur  de  la  Gazette  de  Manheim,  vient  de  fonder  la  Gazette  des  théâ- 
tres de  l'Allemagne  méridionale. 

^*,^  Le  chevalier  de  Stainhauser  publie  également,  pour  l'année  1864, 
l'Annuaire  du  théâtre  de  l'Opéra  de  la  cour. 

**,t.  Le  concert  des  Champs  Elysées  annonce  pour  aujourd'hui  di- 
manche son  avant-dernière  matinée  musicale.  L'orchestre,  sous  la  di- 
rection de  M.  Gobert,  exécutera  l'ouverture  de  Sémiramis,  la  marche 
des  soldats,  de  Faust,  l'ouverture  du  Cheval  de  bronze,  la  Danse  napoli- 
taine, de  Lefébure-Wély,  et  la  fantaisie  sur  Rigolctto.  M.  Demersseman 
jouera  un  solo  de  flûte.  Le  concert  des  Champs-Elysées  est,  chaque  di- 
manche, le  véritable  point  de  réunion  du  dilettantisme  parisien. 

,j%  Afin  de  convaincre  sans  réplique  les  contradicteurs  et  les  incré- 
dules, Nadar  donne  aujourd'hui  au  Champ  de  Mars  la  double  épreuve 
de  la  force  ascensionnelle  et  de  la  grandeur  de  son  ballon  le  Géant.  Elle 
consistera  1°  dans  une  première  ascension  captive  avec  chargement  com- 
plet de  voyageurs  ;  2"  dans  le  gonflement  et  le  départ  libre  simultané 
d'un  second  ballon,  celui  des  grandes  fêtes  officielles. 

^'■'.^  M.  Damoreau,  mari  de  la  célèbre  cantatrice  que  nous  avons  per- 
due il  y  a  sept  mois,  et  ancien  artiste  lyrique,  est  mort  samedi  der- 
nier, à  Ecouen,  à  l'âge  de  soixante-dix  ans. 


DE  PARIS. 


336 


CHRONIQUE    DÉPARTEMENTALE. 


»*»  Marseille.  —  C'est  l'opéra-coraique  qui  règne  à  noire  grand  théâtre. 
Les  Diamants  de  la  couronne  avec  M.  Dufrene  et  Mme  Gaso  et  Hayiée 
ont  été  revus  avec  un  grand  plaisir. —  La  reprise  do  Lucie  avec  Mlle  Mo- 
reau  et  Morère  a  été  le  fait  capital  de  la  semaine,  si  l'on  en  excepte 
pourtant  la  chute  éclatante  d'un  nouveau  ballet  de  M.  Wonplaisir,  inti- 
tulé la  Dut  Je  Teresilla,  véritable  pasquinade  indigne  d'une  scène  de 
premier  ordre.  Par  compensation,  on  attend  une  charmante  danseuse, 
Mlle  Pitteri,  qui  se  rend  à  iMilan,  où  elle  est  engagée  au  théâtre  de  la 
Scala,  et  qui  nous  donnera  k  son  passage  ici  quelques  représentations. 
—  La  direction  nous  annonce  que  le  Prophète  et  le  Pardon  de  Ploërmel  sont 
mis  à  l'étude,  et  que  nous  aurons  successivement,  comme  nouveautés, 
Lalla-Roukh,  Faust,  la  Part  du  Diable,  le  comte  Orij,  le  Philtre,  etc. 

^*^  Nice.  —  iVotre  théâtre  impérial  italien  a  rouvert  ses  portes  sa- 
medi 10  par  ^Ȕ(a,  de  Verdi.  Mme  Franchi-Capello,  MU.  Di  Bcnedetto, 
Coliva  et  Segri-Segara  y  ont  fait  leurs  débuts  et,  chacun  dans  son 
genre,  avec  succès.  —  Deux  jours  après,  la  Cenerentola  a  servi  de  dé- 
buts à  M.  Cantoni,  ténor  léger,  et  Mlle  Carolina  Ferni,  MM.  Ronconi  et 
Varesi  y  ont  fait  leur  rentrée.  La  représentation  a  marché  avec  un  en- 
semble admirable.  M.  Cantoni  est  un  chanteur  de  la  bonne  école; 
quant  à  Mlle  Ferni  et  à  ses  partenaires,  ils  ont  reçu  du  public  un  ac- 
cueil qui  leur  a  prouvé  tout  le  plaisir  qu'il  avait  à  les  revoir. 


CH.RONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


,j*,,  Bruxelles.  —  Le  théâtre  de  la  Monnaie  vient  de  reprendre  les 
Noces  de  Figaro,  devant  une  salle  comble  et  avec  un  succès  complet, 
Mme  Mayer-Boulart  y  a  reparu  dans  le  rôle  de  Suzanne,  qu'elle  avait 
créé  il  y  a  deux  ans  de  la  manière  la  plus  heureuse  ;  Mme  de 
.Maesen  l'a  secondée  de  son  mieux  ;  Mlle  Faivre  a  prêté  beaucoup  de 
gentillesse  au  petit  page;  Meillet,  qui  avait  créé  le  rôle  de  Figaro  à 
Paris,  l'a  joué  et  chanté  avec  beaucoup  de  verve;  M.  Bryon  montre  de 
la  distinolion  dans  le  personnage  du  comte,  et  Aujac  est  un  excellent 
Basile.  —  On  annonce  la  prochaine  arrivée  d'une  danseuse  russe  qui 
a  de  la  réputation,  Mlle  Friedberg,  engagée  pour  le  ballet. 

„,*„  Francfort.  —  Au  premier  concert  du  musée,  on  a  entendu  la 
huitième  symphonie  de  Beethoven;  la  lempête,  motet  par  Haydn;  Mes- 
sage du  printemps,  de  M.  Gade,  composition  pleine  de  fraîcheur  et  de 
charme.  Le  lied  populaire  si  connu,  «  Le  ciel  le  veut,  et  rien  n'y  fait  «, 
(Es  ist  beslimmt,  etc.),  mis  en  musique  par  Sc.humann,  a  été  bissé.  Un 
fort  bon  violoniste,  M.  Komperlé,  a  joué  un  concerto  de  Spohr.  L'ou- 
verture d'IIamlet,  par  Gade,  a  terminé  la  soirée. 

^*.^,  Gotha.  —  Le  pianiste  de  la  cour,  M.  Léopold  Brassin,  a  inauguré 
la  saison  par  un  concert  où  il  a  joué  divers  morceaux  :  on  a  surtout 
applaudi  la  sonate  pour  piano  et  violon,  de  Beethoven  ;  la  partie  du 
violon  était  tenue  par  Gottschalk. 

„*,t  Berlin.  —  L'orchestre  nouvellement  créé  par  M.  Karlberg  a 
donné  le  premier  des  six  concerts  annoncés  pour  le  courant  de  la 
saison.  Les  débuts  de  cette  nouvelle  institution  musicale  ont  été 
très-heureux.  La  polonaise  de  Strucnsée  et  l'ouverture  d'Obéron  ont  été 
convenablement  rendus.  L'exécution  de  la  ballade  inédite,  la  Fille  du  roi 
des  Aulnes,  pour  orchestre,  chœurs  et  solo,  par  Oade,  a  laissé  beaucoup 
à  désirer;  il  est  vrai  que  c'est  une  musique  raffinée,  qui  abonde  en 
modulations  et  en  nuances  délicates  et  souvent  presque  imiierceptibles. 
Nous  ayons  entendu  une  autre  nouveauté  dans  cette  séance,  l'ouverture 
de  Vincta,  opéra  de  M.  Wiierst.  —  L'opéra  de  Wicolaï,  les  Joyeuses  com- 
mères de  ]Vindsor,  a  été  donné  au  théâtre  royal  avec  une  nouvelle  dis- 
tribution de  rôles  ;  la  première  représentation  remonte  à  1849,  année 
de  la  mort  du  compositeur.  Le  premier  acte  est  le  meilleur,  puis  l'In- 
térêt va  toujours  en  s'atTaiblissant  ;  néanmoins  la  pièce  a  été  bien  ac- 
cueillie ,  grâce  surtout  à  la  verve  et  à  l'entrain  de  Mlle  Lucca.  — 
Mme  Koester,  à  titre  de  membre  honoraire  de  l'opéra  royal,  doit  don- 
ner une  série  de  représentations.— Incessamment  la  première  de  l'opéra 
de  Schmidt  :  la  Piéole. 

^*.j,  Nuremberg.  —  La  saison  de  l'opéra  vient  d'être  brillamment  inau- 
gurée par  une  fort  bonne  représentation  des  Huguenots.  Salle  comble, 
succès  d'enthousiasme. 

„,**  Dresde.  —  On  a  donné  pour  la  première  fois,  au  théâtre  de  la 
cour,  OEdifie  à  Colonr,  traduit  par  Donner,  avec  la  musique  de  Men- 
delssohn. 

.„*.t,  Luberk.  —  Un  compositeur  suédois  vient  de  faire  représenter  ici 


un  opéra  sans  paroles,  le  Dernier  jour  de  Pompm'a,  dont  il  a  pris  le  su- 
jet dans  le  roman  de  Bulwer. 

,t*a,  Leipzig. —  Le  8  oclobre  a  eu  lieu  le  premier  concert  du  Geivand- 
haits.  Mme  Parepa,  de  Londres,  y  a  chanté  de  sa  belle  voix  pleine  de 
charme  et  d'une  rare  étendue,  un  air  de  Judas  Machabée,  de  Haendel, 
et  un  air  de  la  Création,  de  Haydn. 

„**  Vienîie,  —  Lundi  12  octobre,  le  théâtre  de  l'opéra  de  la  cour  a 
repris,  après  dix  ans,  les  Mousquetaires  de  la  reine,  opéra  d'Halévy,  avec 
une  distribution  de  rôles  entièrement  nouvelle. —  Dans  le  courant  de 
cette  saison  sera  mis  à  la  scène  :  Concino  Concini,  opéra  nouveau  de 
M.  Loewe,  de  Vienne,  M.  Salvi  se  propose  de  faire  jouer  désormais 
tous  les  ans  un  opéra  nouveau  écrit  par  un  compositeur  viennois. — La 
Société  des  amis  de  la  musique  annonce  pour  la  saison  six  concerts, 
où  sera  exécutée,  entre  autres,  la  musique  de  Faust,  par  Schumann, 
avec  le  concours  do  M.  Stockhausen. —  Le  célèbre  ténor  Erl  a  célébré, 
le  9  octobre,  le  vingt-cinquième  anniversaire  de  son  entrée  au  théâtre 
de  la  cour.  Né  à  Vienne  en  1811,  Joseph  Erl  commença  par  être  en- 
fant de  choeur;  de  1828  à  1834,  il  chanta  dans  les  chœurs  du  théâtre 
de  la  cour.  Après  avoir  pris  des  leçons  de  Cicimara,  il  obtint  un  en- 
gagement à  Pesth;  plus  tard,  on  le  retrouve  an  théâtre  Josephstadt,  à 
Vienne;  puis  au  théâtre  VVilhelmstadt,  à  Berlin.  Depuss  1838  il  appar- 
tenait au  Kaernthner-Thor-Theater.  La  fêto  a  été  des  plus  brillantes. 
Dès  son  apparition  sur  la  scène,  Erl  fut  salué  de  longs  applaudisse- 
ments :  une  couronne  de  laurier  tomba  à  ses  pieds  ;  â  la  fin  du  spec- 
tacle ses  camarades  lui  ont  offert  une  magnifique  coupe  en  argent  sur 
laquelle  sont  gravés  les  titres  de  tous  les  opéras  de  son  répertoire. 

^^''.j,  Milan.  —  On  vient  de  mettre  en  répétition  un  opéra  nouveau, 
1  Profughi  Fiamminghi,  d'un  jeune  compositeur,  il  signer  Faccio,  qu'on 
dit  être  un  talent  de  premier  ordre.  Cet  ouvrage  sera  interprété  par 
Mmes  Palraieri  et  Corani,  MM.  Prudenza.  Cotogni,  Capponi  et  Ales- 
sandrini.  La  première  représentation  pourra  avoir  lieu  vers  le  10  no- 
vembre. 

.j,*^  Florence.  —  La  commission  du  concours  Basevi,  réunie  pour  dé- 
cerner les  prix,  a  jugé  que  le  premier  prix  devait  être  divisé  entre  le 
professeur  J.-B.  Croff,  de  Milan,  et  le  maestro  Hector  Fiori,  de  Li- 
vourne.  Il  n'y  a  pas  eu  lieu  à  accorder  de  second  pi'ix.  Une  mention 
honorable  a  été  obtenue  par  le  professeur  Francesco  Anichini.  Kous 
savons  que  le  professeur  Basevi  ouvrira  l'année  prochaine  un  autre 
concours  de  quatuors  auquel  pourront  prendre  part  non-seulement  les 
Italiens,  mais  encore  les  étrangers  ;  il  y  aura  deux  prix  et  des  mentions 
honorables.  Le  premier  prix  sera  de  400  fr.,  et  le  second  de  200  fr. 

,f*^  Rome.  —  Le  succès  de  Roberto  il  Diavolo  grandit  chaque  soirée 
Limberti,  plus  maître  de  lui,  a  pu  y  déployer  tous  ses  moyens  et  il 
est  applaudi  et  acclamé  avec  enthousiasme  ;  Junca  et  Mm  Carozzi- 
Zucchi  sont  fêtés  après  chacun  de  leurs  morceaux  ;  Mmes  Monti  et 
Gennari  complètent  un  excellent  ensemble. 

„,*,,  Barcelone.  —  La  réouverture  du  théâtre  du  Licoo  s'est  faite  le  3 
par  i'opéray  one  de  Petrella.  Quoique  ayant  eu  un  succès  mérité  en  Italie, 
et  peut-être  parce  qu'il  n'a  pas  été  bien  compris  à  une  première  audi- 
tion, cet  ouvrage  a  été  assez  froidement  accueilli.  Aussi  le  contraste 
a-t-il  été  grand,  lorsque  le  5  a  eu  lieu  la  représentation  de  Norma, 
pour  la  première  apparition  de  Mme  Emy  Lagrua.  Précédée  de  la 
réputation  qu'elle  s'est  faite  par  ses  brillants  succès  en  Amérique,  en 
Russie  et  en  dernier  lieu  à  Turin,  la  célèbre  cantatrice  n'avait  pas  fini 
la  cavatine  de  Casta  diva  que  déjà  elle  avait  tout  justifié  et  con- 
quis notre  public,  lequel  pourtant  ne  se  laisse  pas  facilement  séduire. 
Mais  le  7,  à  la  deuxième  représentation,  Negrini  ayant  pris  le  rôle 
de  PoUione,  que  Lambelli  chantait  à  la  première,  Mme  Lagrua  s'est 
surpassée,  et  nous  pouvons  dire  qu'elle  a  transporté  la  salle,  liappelée 
deux  fois  après  sa  cavatine,  son  grand  duo  avec  Pollione,  dans  lequel 
Negrini  a  été  admirable,  a  soulevé  des  applaudissements  frénétiques,  et, 
après  le  finale,  les  deux  grands  artistes  ont  dû  reparaître  cinq  fois. 
C'est  pour  .Mme  Lagrua  une  ovation  d'autant  plus  flatteuse  qu'on  n'en 
est  pas  prodigue  chez  nous.  Bremond,  dans  le  rôle  d'Orovèse,  l'a  di- 
gnement secondée.—  Pour  la  .semaine  prochaine  on  annonce  Sa[[u,  l'une 
des  belles  créations  de  la  célèbre  prima  donna. 


Chez  a.  filiANDUS  et  S.  DUFOUR,  éditeurs,  lOÔ,  rue  Richelieu,  ait  /". 

LES  DÈLASSERflENTS  DE  L'ÉTUDE.  St; 

cent  mélodies  et  airs  favoris  des  opéras  célèbres,   arrangés  pour  va«- 
lon,  fliitc,  rornnt,   clarinette,   bRi-iuouSum,  Hu^ïoitlione, 

divisés  en  quatre  suites. 

Prix  de  chaque  suite  :    î  fp,.  50,  p.  m. 


â'  SBUIES 


0P.49. 


23Nl/MffR0S. 


1":^  SERIE: 

1  Bœufs  et  Moutons Quadrille. 

2  Pardon  de  Ploërmel Valse. 

3  Coucou  et  Cricri FolRa. 

4  Sturra-Galop Galop. 

s  Diane Polka-Mazurh. 


2? SERIE: 

6  Les  Tamljours  de  la  Garde. . .  Quadrille 
1  Les  Bavards ^ûlse. 

8  Polka  des  Enfants PoiAs. 

9  Rose  de  Juin jPoJlca-Mazuria. 

10  Redowatslca. .... Rèdowa 


4eSERlE: 

16  Les  Lanciers QuaàrUle. 

■    ChaqueN.     ^.Aurora Valse. 

'           18  les  Horloges  delaForêt-Noire . .  Pollâ. 
Les  Q  uadrilles   f  9  La  Berbère   des  Alpes ... .  Ae'dofira. 
4'. 00        20  Champagne ûa/o/>. 


3?  SERIE: 

11  Les  Dragons  de  Villars . . .  Quadrille. 

12  Les  Chants  duDanube Valse. 

13  Jenny  Lind Polka. 

14  Le  Trompette  de  Spatis  .Schottisch.  ^ 
is  Express  -IVain ffalop. 

5?  SÉRIE: 

21  Le  Gothique Quadrille. 

22  Les  Etoiles  du  Soir Valse. 

23  La  Ronde  du  Brêsilieii Polka. 

2+  Rédowa  de  Wallerstein ....  Rédo  tva. 
2S  LEtoile  du  î^ord PoI^a-MazurJca. 


PAR]  S 

G.BRANDUS  &•  S.DUFOUREdit^^rueRichelieu.lOS.aur 


France  et  Etranger 


pour^ 


■  Mâ/ns 


BUREAUX    A   PARIS  :    BOULEVARD   DES   ITALIENS,    I. 


30«  Année. 


IVo  43. 


ON  S'ABONNE  I 

Dans  tes  Dtipartcments  et  à  l'Étranger,  chez  tous 
les  Marchands  de  Kusique,  les  Libraires,  et  aux 
Purcaux  des  Mcssogerics  et  des  Postes. 


REVUE 


2!>  Octobre  1803. 


PRIS  DE  L'ABONNEMENT: 

Paris 21fr.par8 

Départements,  Belgique  et  Suisse. ...    30  o       id> 

Étranger ■■■    M  "       'â- 

Le  Journal  paraît  le  Diiuunche, 


ES 


GAZETTE  MUSICALE 


VUUVWJlTlAAA^- 


SOMMAIRE .  —  Théâtre  impérial  de  l'Opéra-Comique  :  reprise  du  Domino  noir  ; 
M.  Léon  Achard  et  Mlle  Cico,  par  I^éon  Dnrocher.  —  Théâtre  impérial 
italien:  Mme  de  la  Grange  et  Nieolini  dans  Rigoletto,  par  Paul  Smith.  — 
La  guerre  de  cent  ans  des  organistes,  clavecinistes  et  des  maîtres  k  danser 
du  royaume  de  France,  1680-l772i  (2°  article],  par  Em.  Uathîen  de 
Hanter,  —  Revue  des  théâtres,  par  D.  A.  D.  Saint-Yves.  —  Nouvelles 
et  annonces. 


THÉÂTRE  mPEBIÂL  DE  L'OPERJL-COffllOUE. 

Reprise  da  JOou%ino  ttoit*.  —  H.  liéon  Acbard.  — 
HUe  Cleo. 

En  attendant  la  Fiancée  du  roi  de  Garbe,  dernier  né  de  cette  nom  - 
breuse  et  charmante  famille  qui  a  dû  le  jour  à  l'heureux  mariage  de 
Scribe  et  d'Auber,  l'Opéra-Comique  vient  de  remettre  en  scène  le 
Domino  noir. 

Il  n'y  a  pas  longtemps,  à  la  vérité,  qu'il  avait  di.=paru  du  réper- 
toirei  et  l'on  peut  tenir  pour  certain  qu'il  ne  subira  jamais  que  des 
éclipses  momentanées ,  de  courtes  occultations.  C'est  comme  ces 
constellations  qui,  chaque  année,  disparaissent  à  l'occident,  pour 
remplir  bientôt  après  de  leur  éclat  inaltérable  la  région  opposée  du 
ciel.  Le  Domino  noir  est,  en  effet,  un  des  astres  les  plus  brillants 
qui  se  soient  jamais  levés  à  Diorizon  de  l'Opéra-Comique.  C'est  un 
des  chefs-d'œuvre  du  genre  :  c'en  est  peut-être  le  plus  parfait  mo- 
dèle. Quelle  donnée  ingénieuse  et  piquante  !  Quelle  richesse  d'imagi- 
nation et  quelle  habileté  magistrale  dans  la  conduite  des  événements, 
dans  l'agencement  des  scènes  !  Quel  intérêt  vit  et  palpite  dans  ces 
trois  actes,  depuis  le  lever  du  rideau  jusqu'au  dénoûment!  Que 
d'esprit  et  de  grâce  dans  le  dialogue! 

Et  le  musicien  s'est  maintenu  jusqu'au  bout  au  niveau  du  poëte. 
Y  a-t-il  à  l'Opéra-Comique  une  partition  où  vous  trouviez  plus  d'i- 
dées mélodiques,  plus  d'élégance,  plus  de  charme,  des  harmonies 
plus  fines  et  plus  distinguées,  des  accompagnements  plus  piquants,  un 
coloris  plus  frais  et  plus  vif?  Voilà  vingt-six  ans  qu'on  joue  le  Do- 
mino noir,  et  depuis  vingt-six  ans  cette  œuvre  merveilleuse  n'a  pas 
encore  été  égalée. 

C'est  dans  le  rôle  d'Angèle,  si  notre  mémoire  n'est  pas  en  défaut, 
que  Mlle  Cico  a  fait  son  premier  début  au  sortir  du  Conservatoire. 
Elle  y  est  aujourd'hui  telle,  à  peu  près,  qu'elle  était  alors,  charmante 
de  visage,  élégante  dans  toute  sa  personne,  jouant  avec  convenance, 
chantant  avec  une  facilité    correcte,  et  faisant  regretter  parfois  que 


la  nature  ne  lui  ait  pas  donné  plus  d'entraînement,  de  chaleur,  de 
passion. 

Le  rôle  d'Horace  a  été  écrit  pour  M.  Couderc,  dont  la  voix  avait 
déjà  perdu  l'étendue  et  le  timbre  sonore  qui  avaient  donné  tant  d'é- 
clat à  ses  débuts.  C'est  un  rôle  de  comédien  plutôt  que  de  chanteur. 
M.  Léon  Achard,  qui  est  plutôt  chanteur  que  comédien ,  n'y  trouve 
guère  l'occasion  de  briller  par  les  qualités  qui  lui  sont  propres.  Il 
n'a  pourtant  pas  jugé  nécessaire  de  faire  imprimer  sur  l'affiche, 
comme  on  vient  de  lui  en  donner  l'exemple  sur  un  théâtre  voisin, 
qu'il  jouait  ce  rôle  par  complaisance.  Il  faut  le  louer  de  ce  bon  goiît 
et  de  cette  modestie.  Il  s'est  borné,  en  artiste  sincère  et  conscien- 
cieux qu'il  est,  à  faire  tout  justement  ce  qu'il  fallait  faire,  à  être,  du 
commencement  à  la  fin,  le  jeune  homme  ardent,  quoique  timide,  et 
naïvement  passionné  qu'a  imaginé  Scribe.  Il  a  rendu  les  situations 
avec  intelligence,  avec  chaleur.  Il  a  fait  valoir  la  grâce  spirituelle  du 
dialogue.  Bref,  il  a  réussi,  et  nous  joignons  avec  un  plaisir  extrême 
nos  applaudissements  à  ceux  du  public. 

LÉON  DUROCHER. 


THÉÂTRE  mPÉRIÂL  ITÂUEN. 

nme  de  la  erange  et  Kricollnl  dans  Higoielto, 

Le  vœu  que  nous  exprimions  dimanche  matin  s'est  réalisé  le  soir 
même.  Mme  de  la  Grange,  qui  la  veille  encore  chantait  le  rôle 
de  Violetta,  un  peu  étroit  pour  sa  large  envergure  de  cantatrice 
et  d'actrice,  en  venait  à  celui  de  Gilda,  où  elle  devait  prendre  un 
libre  essor.  En  effet,  nous  l'y  avons  vue  et  entendue  telle  que  nous 
la  vantaient  tous  les  échos  du  monde  musical,  telle  que  l'Italie,  la 
Hongrie,  l'Amérique,  l'Espagne,  l'annonçaient  à  la  France.  Outre  l'art 
du  chant,  dont  elle  est  souveraine  maîtresse,  elle  a  déployé  cette 
chaleur,  cette  force,  ces  élans  de  passion  qui  n'appartiennent  qu'aux 
grandes  artistes,  et  dont  l'action  s'exerce  irrésistiblement.  Au  second 
acte,  elle  avait  enjolivé,  brodé  avec  un  goût  exquis  l'air  charmant 
que  murmure  à  demi-voix  Gilda  en  remontant  l'escalier  ;  mais  à 
l'acte  suivant,  dans  le  duo  qu'elle  chante  avec  son  père,  elle  s'est 
élevée  à  l'accent  tragique,  à  l'expression  vive,  éloquente.  Dans  le 
quatuor  du  quatrième  acte,  elle  a  été  plus  admirable  encore,  et  les 
bravos  de  la  salle  entière  le  lui  ont  prouvé.  Seulement,  il  faut  le 
dire,  sa  voix,  sa  douleur,  ont  quelque  chose  de  trop  vigoureux,  de 
trop  marqué  pour  le  caractère  du  rôle.  Ce  n'est  plus  le  désespoir  de 
la  jeune  fille,  mais  celui  de  la  femme  trompée,  trahie  indignement  : 


338 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Gilda  disparaît  et  dona  Anna  prend  sa  place.  Nous  faisons  une  obser- 
vation et  non  une  critique  ;  beaucoup  de  gens  trouveront  d'ailleurs 
qu'ils   ne  perdent  pas  au  change. 

Le  jeune  Nicolini  faisait  son  second  début  dans  le  rôle  du  duc  de 
Mantoue,  et,  comme  Mme  de  la  Grange,  il  y  trouvait  une  meilleure 
chance  que  dans  la  Traviata.  On  se  plaint  si  souvent  de  la  préten- 
due rareté  des  ténors  ;  on  reproche  si  souvent  au  Conservatoire  de 
ne  pas  produire  assez  de  chanteurs  pour  la  consommation  nationale, 
qu'il  est  bien  juste  de  mettre  en  ligne  de  compte  ceux  qui  émigrent 
à  l'étranger.  Est-ce  que,  par  hasard,  nous  ne  saurions  pas  employer 
nos  propres  élèves?  En  voilà  un  qui  nous  revient,  comme  Duprez 
dans  son  temps,  et  qui,  sans  égaler  le  grand  maître,  nous  rapporte 
un  fort  joli  talent,  formé  d'abord  à  notre  école.  M.  Nicolas  (qui,  par 
parenthèse,  a  débuté  sous  la  direction  de  M.  Emile  Perrin,  et  nulle- 
ment dans  les  Trois  Nicolas)  avait  pour  professeur  M.  JMasset;  il  ne 
chantait  déjà  pas  mal  lors  de  ses  débuts,  et  pourtant  on  l'a  dédai- 
gné, laissé  partir  :  à  qui  la  faute?  11  en  a  été  de  même  de  Gassier, 
d'Everardi,  et  de  bien  d'autres,  qui  sont  devenus  prophètes  en  d'au- 
tres lieux  que  Paris.  Certainement  M.  Nicolini  ne  saurait  être  com- 
paré à  Mario,  le  meilleur  des  ducs  de  Mantoue,  mais  il  a  fort  bien 
dit  sa  chansonnette  :  La  donna  è  mobile,  que  les  ténors  étrangers 
s'obstinent  à  chanter  dans  la  tenue  agréable  d'un  sergent  à  la  pa- 
rade, la  tête  droite  et  les  bras  tendus.  Il  a  parfaitement  exécuté 
sa  partie  du  quatuor  :  il  y  a  mis  cette  morbidesse,  ce  sensualisme 
ardent  que  le  morceau  demande,  et  l'on  a  pu  y  juger  les  heureuses 
qualités  de  sa  voix. 

Délie  Sedie  a  repris  possession  du  rôle  de  Rigoletto,  avec  les  hon- 
neurs que  son  double  talent  mérite.  Donc,  il  n'a  qu'à  se  louer  de 
sa  rentrée  dans  l'emploi  de  fou  royal  ou  ducal.  Bouché,  l'ancienne 
basse-taille  de  notre  grand  Opéra,  et  Mme  Demeric-Lablache,  au  nom 
doublement  célèbre,  ont  droit  à  nos  remercîments  pour  s'être  mo- 
mentanément résignés  aux  rôles  de  Sparafucile  et  de  Maddalena,  en 
attendant  un  début  sérieux  et  personnel. 

Paul  SMITH. 


LÀ  GUERRE  DE  CENT  MS 

«  DES  ORGANISTES ,  CLAVESSINISTES  ET  DES  MAITRES  A  DANÇER  » 
Bd  royaume  de  France. 

1680-177/1. 
{2«  article)  (l). 

IV. 

Cet  édifice  de  concorde,  élevé  au  prix  des  luttes  du  passé,  fut 
brusquement  renversé  par  un  artiste  célèbre,  le  Piémontais  Jean- 
Pierre  Guignon.  Maître  de  violon  du  dauphin ,  compositeur  distingué 
de  sonates  et  de  morceaux  d'ensemble,  rival  de  Leclair  pour  l'agi- 
jité  et  la  pureté  de  l'exécution,  fort  en  vogue  à  Trianon  et  à  Marly, 
Guignon  aspira  à  faire  revivre  en  sa  faveur  un  titre  mort  et  presque 
oublié  depuis  près  d'un  demi-siècle  :  celui  de  roi  des  violons.  Louis  XV 
lui  conféra  celte  dignité  «  afin  —  disent  les  lettres  patentes  —  de 
faire  revivre  un  office  si  nécessaire  au  rétablissement  du  bon  ordre 
compromis  par  la  mauvaise  administration  des  jurés  de  la  commu- 
nauté. »  Guignon  le  Bienvenu,  acclamé,  la  messe  dite  en  l'église  de 
Saint-Julien,  par  les  jurés,  les  maîtres,  confrères  et  apprentis  de  la 
corporation  ménétrière,  crut  devoir  signaler  la  sagesse  de  son  gou- 
vernement, et  rétablir  le  bon  ordre,  en  signant  un  décret  qui  plaçait, 
bonnement  et  simplement,  tous  lesmusieiens  du  royaume  sous  sa  ju- 
ridiction. 

(1)  Voir  le  n"  42. 


Un  des  caractères  les  plus  saillants  de  la  lutte  que  nous  essayons 
de  raconter,  c'est  que  les  parties  adverses  ne  rompent  pas,  même 
quand  elles  échouent  dans  leur  but  principal.  Elles  dissimulent  leur 
échec  et  font  retraite  en  bon  ordre,  pour  revenir  bientôt  à  la  charge. 
Jamais  elles  ne  mettent  le  marché  aux  choses,  en  disant  :  tout  ou 
rien  !  Leur  propre  est  de  ne  point  casser,  même  aux  plus  dures  ren- 
contres, de  feindre,  d'attendre,  de  se  contenir,  d'avancer  lentement, 
et  de  ne  pas  jeter,  comme  on  dit,  le  manche  après  la  cognée. 

Devant  l'envahissement  de  territoire  du  roi  Guignon,  les  organistes 
courent  aux  armes,  jaloux  de  renouveler  les  prouesses  des  grands 
jours  de  la  «  rivalité  ».  Ils  se  retranchent,  comme  dans  une  forte- 
resse, derrière  leurs  droits  indiscutables  :  déclaration  de  1692,  arrêts 
de  1695,  lettres  patentes  de  1707.  Landrin,  Calvières  et  Daquin,  de 
'a  chapelle  du  roi,  commandent  cette  vaillante  armée.  Il  y  a  là  les 
organistes  de  Saint-Séverin,  de  Sainte-Geneviève,  de  Saint-Etienne 
du-Mont,  de  Saint-Merry,  de  Saint-Eustache,  de  Saint-Jacques  la  Bou- 
cherie, de  la  Pitié,  de  Sainte-Marie-Madeleine,  de  Notre-Dame  de 
Bonne-Nouvelle,  des  Jacobins  de  la  rue  Saint-Honoré  et  de  la  rue 
Saint-Jacques,  de  la  Charité,  de  Saint-Germain  l'Auxerrois,  de  Saint- 
Martin,  des  Théatins,  des  Petits-Pères,  de  Saint-Sauveur,  Saint-Josse, 
Saint-Leu ,  Saint-Lazare ,  Saint-Louis  en  l'Isle ,  Saint-Esprit ,  Saint- 
Jacques  du  Haut-Pas,  Saint-Nicolas  du  Chardonnet,  Saint-Médard,  où 
Louis  XV  venait  de  défendre  à  Dieu  et  aux  convulsionnaires  de  faire 
des  miracles.  Armand-Louis  Couperin,  organiste  de  Saint-Gervais, 
représente  sa  glorieuse  famille,  et  marche  au  premier  rang.  Un  bril- 
lant état-major  se  forme.  On  y  remarque  René  Drouart  du  Bousset, 
maître  de  musique  de  l'Académie  des  sciences  et  inscriptions; 
Charles-François  Le  Tourneur,  maître  de  clavecin  de  la  dauphine  et 
des  enfants  de  France  ;  André  Chéron,  maître  de  musique  de  l'Opéra  ; 
Marin,  Denis  de  Lair,  Claude  de  la  Porte,  musiciens  distingués.  La 
province  elle-même,  si  indolente  d'ordinaire,  si  indifférente ,  si  éloi- 
gnée de  ce  qui  passionne  la  capitale,  la  province  apporte  bravement 
son  contingent  aux  cadres  de  la  résistance.  Saint-Denis,  Versailles, 
Saint-Cyr,  Saint-Cloud,  Melun ,  Caen ,  Reims ,  Orléans,  Poitiers,  An- 
goulême,  Bordeaux,  Strasbourg,  etc.,  délèguent  leurs  principaux  or- 
ganistes. Aux  bannières  de  cette  armée  musicale  brillent  les  effigies 
des  plus  grands  saints  du  paradis  et  les  vocables  des  principales 
églises  du  royaume.  Enfin,  et  de  toutes  les  recrues  la  plus  intéres- 
sante, les  locataires  des  ménétriers,  les  pères  de  la  doctrine,  qui  oc- 
cupaient les  dépendances  de  Saint-Julien,  se  rangent  parmi  les  exaltés 
et  les  plus  téméraires,  semblables  à  ces  moines  cuirassés  et  morion- 
nés  de  la  Ligue,  dont  les  arquebuses  tiraient  si  juste ,  et  dont  les 
épées  tranchaient  si  dru  ! 

<(  Étrange  guerre  que  celle-là  !  —  dit  une  brochure  contemporaine 
de  cette  levée  de  boucliers.  —  Il  s'éleva  des  discussions  qui  trou- 
blèrent la  concorde  du  sacerdoce  et  de  l'empire,  et  l'on  vit,  ô  vanité 
des  choses  humaines  1  des  religieux  et  des  ménétriers ,  respirant  le 
même  air,  logeant  sous  le  même  toit,  se  reprocher  amèrement  des 
usurpations  réciproques.  » 

Le  siège  commençait.  Assiégeants  et  assiégés  se  bombardaient  de 
pamphlets,  de  mémoires  et  de  plaidoiries.  L'écrivaillerie  est  le  symp- 
tôme des  siècles  débordés  et  des  procès  que  la  mauvaise  foi  en- 
gendre. 

«  —  Joueurs  d'orgue  et  de  clavecin  !  —  s'écriaient  les  ménétriers, 
—  vous  n'êtes  pas  d'une  essence  supérieure  à  la  nôtre.  Pourquoi 
prendre  avec  nous  des  airs  de  supériorité  ?  N'avez-vous  pas  été  cons- 
tamment asservis  aux  lois  de  saint  Julien?  » 

«  —  Notre  force,  —  répondaient  les  organistes,  —  est  basée  sur 
les  monuments  précieux  dont  nous  sommes  redevables  à  la  bonté 
protectrice  des  rois.  Est-il  nécessaire  d'ajouter  que  nous  n'avons  ja- 
mais appartenu  à  votre  compagnie,  que  nous  n'avons  jamais  été 
convoqués  à  ses  assemblées,  ni  compris  dans  ses  cotisations?  » 

Repoussés   sur  ce  point,  les  danseurs,  munis  d'engins  nouveaux, 


w 


DE  PARIS. 


339 


escaladaient  la  place.  «  Nous  n'attachons,  —  répliquaient- ils,  —  au- 
cune importance  aux  titres  dont  vous  êtes  si  fiers,  et  nous  passons 
outre.  Comme  notre  roi  ne  peut  être  présent  dans  toutes  les  villes  du 
royaume,  il  vient  de  lui  être  accordé  le  droit  de  nommer  des  lieu- 
tenants de  province.  Invoquez  donc  vos  droits  !  Nous  empêchent-ils 
de  prélever  nos  revenus  sur  vos  terres  ?  » 

«  —  C'est  là  —  s'écriaient  les  organistes  —  une  source  honteuse 
d'exactions  !  Pour  payer  leur  charge,  vos  lieutenants  vont  violenter, 
torturer  les  pauvres  ménétriers  de  campagne.  Ceux-ci  seront  forcés 
d'augmenter  le  prix  des  danses,  qui  sont  la  seule  joie  des  ha- 
meaux... Vous  compromettez  ainsi  le  bien  public...  La  cupidité 
est  insatiable.  Vous  en  viendrez  à  persécuter  tout  malheureux  ins- 
trumentiste. Cors  de  chasse,  trompettes,  tambourins,  cornemuses, 
violes  et  guimbardes  vont  déserter  la  terre  de  France  ! . . .   » 

«  —  Ce  n'est  rien  encore ,  —  poursuivaient  imperturbablement  les 
danseurs.  —  Nous  allons  vous  astreindre  à  faire  preuve  de  capacité 
devant  les  jurés  de  Saint-Julien.  » 

Grand  émoi  dans  l'enceinte  musicale  !  La  brèche  était  ouverte. 
«  Cela  répugne  à  la  pensée,  —  répondaient  les  organistes.  —  L'or- 
gue, le  plus  noble  des  instruments,  jugé  par  les  pochettes  !  L'har- 
monie, la  science,  l'inspiration,  appréciées  par  des  malheureux  qui 
savent  à  peine  jouer  du  violon  sur  un  diminutif!  n 

Sensible  à  cette  attaque,  le  roi  Guignon  ajoutait  :  «  —  Aucune 
personne  ne  pourra  jouer  en  pubUc  d'un  instrument,  en  requérant 
salaire,  ou  donner  des  sérénades,  sans  avoir  été  initié  à  la  commu- 
nauté que  je  gouverne.  » 

Et  les  organistes  de  répliquer  allègrement  :  «  —  Pouvons-nous  pro- 
mener de  par  les  rues  et  donner  des  aubades  aux  belles  avec  nos 
clavecins  et  nos  orgues  d'église  ?  » 

«  —  Jouez-en  donc  tant  qu'il  vous  plaira  —  continuaient  les  jurés 
de  Saint-Julien  ;  —  mais  si  vous  démontrez  la  pratique  de  tout  autre 
instrument,  nous  vous  poursuivrons  et  nous  vous  ferons  payer...  les 
violons!  » 

Les  musiciens  répondaient  majestueusement  :  «  Libres,  nous  som- 
mes ;  libres,  nous  demeurerons.  Ce  n'est  pas  notre  faute  si  nos  con- 
naissances augmentent,  et,  partant,  si  le  domaine  de  notre  enseigne- 
ment s'agrandit,  tandis  que  vous  restez  stationnaires,  vous  trémous- 
sant des  bras  et  des  jambes.  Vous  êtes  inféodés  à  vos  exercices  de 
corps  ;  vous  êtes  esclaves  de  vos  statuts  qui  vous  forcent,  entre  au- 
tres conditions  humiliantes,  à  servir  tout  le  temps  qu'on  vous  loue 
pour  les  noces,  les  festins,  les  bals  et  les  spectacles.  Nous,  composi- 
teurs, organistes,  clavecinistes,  nous  ne  relevons  que  de  notre  génie, 
et  nous  avons  le  droit  de  disposer  de  tous  les  instruments  qui  peuvent 
traduire  nos  inspirations.  Vous  faites  un  travail  manuel  ;  nous  exer- 
çons une  profession  intellectuelle.  Grande  est  la  distance  qui  nous 
sépare!  N'est  il  pas  absurde  de  vouloir  nous  obliger  à  entrer  dans 
votre  confrérie,  à  nous  faire  recevoir  maîtres  à  danser  !  Ce  métier 
est-il  compatible  avec  notre  profession  que  des  prêtres,  des  gentils- 
hommes s'honorent  d'exercer?. . .  Estimerait-on  un  art  qui  implique 
la  servilité  de  baladin  ?  »  , 

Ces  différentes  phases  de  la  lutte  sont  nettement  accentuées.  Les 
héros  de  la  «  rivalité  »  se  meuvent  dans  le  grand  jour  que  le  soldat 
d'Homère  demandait  aux  dieux  pour  combattre.  D'un  côté,  les  mé- 
nétriers attaquent  sans  trêve,  sans  tactique,  sans  but  précis.  De 
l'autre,  les  musiciens  se  défendent  froidement,  prudemment,  en  mé- 
nageant leurs  forces.  Ils  ont  des  qualités  qui  sentent  déjà  le  philoso- 
phe. Ils  intéressent,  ils  attachent  vivement  par  leur  polémique,  même 
lorsqu'on  voit  qu'ils  sont  de  leur  nature  plus  enclins  à  s'y  surfaire 
qu'à  s'y  oublier.  Ils  trouvent  moyen  de  convaincre  à  la  fois  de  leur 
véracité  et  de  leur  jactance  ;  les  fiertés  de  leur  style  nous  rendent 
bien  celles  de  leurs  personnes  et  de  leur  courage. 


Les  assauts  continuaient.  La  place  ne  se  rendait  pas.  Dans  les  pre- 
miers jours  de  1747,  Guignon,  lassé  de  l'opiniâtreté  des  organistes, 
leur  envoya  des  parlementaires  porteurs  d'un  traité  qui  se  résumait 
ainsi  : 

»  1°  —  Oubli  des  grief  mutuels. 

»  2°  —  La  communauté  de  Saint-Julien  renonce  à  prélever  une 
redevance  annuelle  sur  les  organistes  et  clavecinistes. 

»  3°  —  Comme  gage  de  concorde  et  à  titre  de  compensation,  les 
organistes  et  clavecinistes  autorisent  les  maîtres  de  danse  à  ensei- 
gner les  instruments  d'harmonie,  violon,  flûte,  hautbois,  etc.  » 

Les  musiciens  répondirent  à  ces  propositions  dérisoires,  en  adres- 
sant au  roi  Guignon  une  copie  des  condamnations  précédemment 
encourues  par  les  danseurs,  pour  avoir  fait ,  soixante  ans  aupara- 
vant, ce  qu'ils  réclamaient  de  nouveau  comme  un  moyen  de  ter- 
miner le  différend.  Mais  Guignon  n'avait  employé  cet  expédient 
que  pour  distraire  l'attention  de  l'ennemi,  gagner  du  temps,  s'établir, 
par  de  savantes  contre-marches,  dans  une  position  plus  forte,  et 
exercer  ses  troupes  légères  au  maniement  d'une  arme  de  son  pays, 
perfectionnée  par  l'esprit  français,  une  arme  à  trempe  vigoureuse, 
sous  une  forme  séduisante,  et  dont  Beaumarchais  allait  bientôt  écrire 
l'effrayante  théorie  :  —  la  calomnie  ! 

Obéissant  au  mot  d'ordre  de  leur  roi,  les  danseurs  dirigeaient 
contre  les  musiciens  leurs  pointes  les  plus  acérées.  Sous  le 
manteau  de  la  cheminée  des  petits  salons  ovales,  blanc  et  or,  tout 
adornés  des  mignardises  de  Boucher,  près  des  clavecins  aux  touches 
noires,  enguirlandés  de  fleurs  et  de  bergerades,  les  confrères  de 
Saint-Julien  narraient,  «  avec  des  airs  adorables,  et  des  poses  de  dé- 
licieux portrait,  »  la  chronique  scandaleuse  du  monde  musical.  La 
caricature  des  organistes  avait,  naturellement,  une  teinte  d'irré- 
ligion ;  et  c'était  si  bien  le  goût  du  jour  !  Un  grain  de  libertinage 
se  glissait,  non  moins  naturellement,  dans  la  satire  des  professeurs 
de  musique  ;  et  l'on  aimait  tant  alors  ces  intrigues  de  boudoir  et 
d'alcôve  !  Tout  cela  était  dit,  du  reste,  avec  un  esprit  !  un  charme  ! 
un  entrain  !  La  cour  et  la  ville  faisaient  leurs  délices  de  ces  médi- 
sances vipérines  qui  pénétraient  partout,  avec  leurs  auteurs.  Les 
filles  de  Louis  XV  elles-mêmes.  Mesdames  royales,  un  peu  musi- 
ciennes, un  peu  peintres,  un  peu  légères,  et  fi  fort  commères  et 
chiffons,  •  au  témoignage  de  leur  père,  enjolivaient  à  loisir  les  his- 
toriettes de  la  rivalité,  et  les  colportaient  de  Versailles  à  Paris. 

Soit  dédain  de  telles  attaques,  soit  défaut  de  causticité,  les  orga- 
nistes laissaient  la  calomnie  s'écraser  sous  son  propre  poids.  A  peine 
daignaient-ils  parfois  relever  le  gant,  dans  les  discussions  du  café 
Procope,  du  café  de  la  Régence  et  du  café  de  l'Arménien  Pascal,  au 
quai  de  l'École  —  tavernes  enfumées,  où  les  artistes  et  les  gens  de 
lettres  se  réunissaient,  jugeaient  les  œuvres  nouvelles  et  péroraient 
bruyamment  sur  les  bruits  du  jour.  Notre  pays  a  toujours  produit  les 
meilleurs  grenadiers  pour  prendre  une  redoute,  et  les  meilleurs  cau- 
seurs pour  enlever  une  méchanceté.  Ces  discussions  n'avaient  pas 
toujours  gardé  un  caractère  pacifique.  Les  musiciens  étaient  presque 
toujours  battus  par  les  vivacités  et  les  intempérances  de  langage 
de  leurs  adversaires.  Us  ne  savaient  pas  mettre  les  rieurs  de  leur 
côté,  et,  chaque  jour,  les  brochuriers  de  Londres,  les  chansonniers 
de  Liège,  les  gazetiers  de  Hollande,  les  causeurs  de  Paris  se  pre- 
naient à  rouvrir  à  coups  de  flèches  et  d'épigrammes  finement  ai- 
guisés, les  blessures  de  leur  amour-propre. 


Em.  Mathied  de  monter. 


{La  suite  prochainement.) 


340 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


BEVUE  DES  THÉÂTRES. 

Théâtre-Français  :  Jean  Baudnj,  comédie  en  quatre  actes  et  en 
prose,  par  M.  Aug.  Vacquerie.  —  Odéon  :  Diane  au  bois,  comédie 
héroïque  en  deux  actes  et  en  vers,  par  M.  Th.  de  Banville.  — 
Vaudeville  :  Reprise  des  Ressources  de  Quinola,  comédie  en  cinq 
actes,  par  H.  de  Balzac.  —  Variétés  :  les  Voyages  de  la  Vérité, 
vaudeville  fantastique  en  huit  tableaux,  par  MM.  Th.  Cogniard  et 
Eug.  Grange.  —  Porte-Saint-Martin  :  le  Carnaval  de  ISaples, 
drame  en  cinq  actes  et  neuf  tableaux,  par  M.  Paul  Fouché.  — 
Ambigu  :  l'Aieule,  drame  en  six  actes,  par  M.  Ad.  Dennery.  — 
Théâtre  Déjazet  :  Simon  Terre-Neuve,  opérette  en  un  acte,  de 
M.  Colomb,  musique  de  Fr.  Barbiei  ;  rentrée  de  Mlle  Déjazet  dans 
Gentil  Bernard.  —  Réouverture  du  Théatreallemand,  à  la  salle 
Beethoven. 

Jamais  nous  n'avons  vu  un  pareil  débordement,  et  M.  Mathieu 
(de  la  Drôme)  ne  l'avait  pas  prévu  celui-là  :  aussi  nous  prend-il  à 
l'improviste.  Tâchons  donc  de  nous  en  tirer  le  plus  lestement  possi- 
ble, ou  nous  courons  le  risque  d'être  noyé. 

Qu'est-ce  d'abord  que  le  Jean  Baudry  des  Français  ?  La  question 
n'est  pas  facile  à  débrouiller,  et  nous  sommes  quelque  peu  embar- 
rassé d'asseoir  une  opinion  sur  l'œuvre  nouvelle  de  l'auteur  de  Tra- 
galdabas.  Lui,  le  Séide  de  ce  Mahomet,  l'adorateur  fanatique  de  ce 
soleil  couchant  qu'on  nomme  Victor  Hugo,  a-t-il  bien  réfléchi,  en 
prenant  la  plume,  à  ce  qu'il  allait  faire  ?  Rappelons-nous  la  thèse  des 
Misérables  :  instruisez  le  pauvre,  dit  le  poëte  ;  répandez  la  lumière 
dans  les  mansardes,  dans  les  chaumières,  dans  les  bouges  même,  et 
il  n'y  a  plus  de  7nisérables,  et  le  vice  est  supprimé.  Eh  bien  !  c'est 
précisément  ce  que  fait  Jean  Baudry,  et  il  en  est,  ma  foi,  bien  ré- 
compensé! Le  brave  homme  sent,  un  jour,  une  main  s'égarer  dans 
sa  poche;  il  la  saisit,  et  au  lieu  de  la  briser,  comme  le  mari  de 
Gaëtana,  il  la  serre  affectueusement,  interroge  le  propriétaire  de  cette 
main,  qui  en  est  à  ses  débuts  dans  le  métier,  et,  pour  arracher  celte 
recrue  à  la  grande  armée  de  l'infamie,  il  se  charge  de  l'avenir  du 
jeune  Olivier,  lui  fait  donner  une  excellente  éducalion,  et  exerce  en 
un  mot  sur  lui  tous  les  droits,  tous  les  devoirs  de  la  paternité.  L'ap- 
prenti filou ,  en  grandissant ,  mord  à  la  science ,  comme  le  veut 
M.  Victor  Hugo,  et  alors  qu'arrive -t-il  ?  Jean  Baudry  est  à  la  veille 
de  reconstituer  la  fortune  compromise  d'un  ami,  en  épousant  sa  fille, 
qui  consent  à  ce  mariage.  Mais  Olivier  est  amoureux  de  Mlle  Andrée 
Bruel  ;  et  en  apprenant  que  son  bienfaiteur  va  la  lui  enlever,  il  sent 
bouillonner  en  lui  ses  mauvais  instincts  d'autrefois.  Jean  Baudry  n'est 
plus  pour  lui  qu'un  odieux  rival  ;  il  veut  lui  arracher  Andrée  ;  mais, 
après  une  scène  de  menaces  et  même  de  voies  de  fait,  dont  Jean 
Baudry  a  failli  devenir  victime,  celui-ci,  cédant  à  un  mouvement 
soudain  de  générosité  sans  exemple,  se  sacrifie  au  bonheur  de  son 
protégé  et  lui  cède  la  main  d'Andrée  Bruel.  Il  est  vrai  qu'Olivier, 
honteux  de  son  ingratitude,  s'enfuit  sans  accepter  ce  nouveau  bien- 
fait ;  mais  on  devine  que  Jean  Baudry  ne  tardera  pas  à  le  ramener. 

Certes,  nous  sommes  loin  de  nier  les  bienfaits  de  l'éducation  pour 
le  peuple:  nous  les  appelons  de  tous  nos  vœux;  mais,  en  nous  rap- 
prochant sur  ce  point  de  l'opinion  de  M.  Victor  Hugo,  nous  faisons 
nos  réserves.  L'éducation,  selon  nous,  doit  être  basée  sur  la  religion, 
qui  nous  apprend  le  renoncement,  le  sacrifice.  Olivier  n'est ,  après 
tout,  que  la  négation  du  système  de  M.  Victor  Hugo,  parce  que 
M.  Vacquerie  a  complètement  oublié  ce  principe,  qu'il  eût  d'ailleurs 
vainement  cherché  dans  le  livre  des  Misérables. 

Aussi,  quel  est  le  personnage  intéressant  de  la  comédie  nouvelle? 
ce  n'est  pas  Olivier;  bien  loin  de  là.  C'est  Jean  Baudry,  l'honnête 
homme,  à  qui  l'on  ne  peut  guère  reprocher  qu'une  trop  grande  in- 
dulgence pour  son  prochain.  Mais,  à  part  ces  critiques  de  fond, 
M.  Vacquerie  n'en  a  pas  moins  fait  une  pièce  très-remarquable,  sans 
avoir  eu  recours,  cette  fois,  aux  excentricités  dont  il  a  été  jusqu'à 
ce  jour  si  prodigue.  C'est  une  œuvre  littéraire  dans  toute  l'acception 


du  mot,  avec  une  excellente  exposition,  un  bon  troisième  acte  et  une 
scène  des  plus  dramatiques  au  quatrième.  Nous  croyons  à  un  très- 
beau  succès,  dont  Régnier  pourra  revendiquer  sa  part,  pour  le  talent 
qu'il  a  mis  dans  la  composition  du  rôle  de  Jean  Baudry.  Delaunay, 
Barré,  Coquelin,  Mlles  Favart  et  Jouassain  le  secondent  à  merveille. 

—  Du  temps  où  les  ballets  héroïques  régnaient  à  l'Opéra,  le  sujet 
de  Diayie  au  bois,  dansé  par  la  Guimard,  eût  rempli  toutes  les  con- 
ditions nécessaires  pour  réunir  les  suffrages  du  côté  du  roi  et  du  côté 
de  la  reine.  La  chaste  déesse,  dont  l'influence  a  éloigné  l'Amour,  ou, 
si  vous  préférez  le  grec,  le  jeune  Eros  du  vieil  Olympe,  laissa  sur- 
prendre son  cœur  par  le  malin  petit  dieu,  déguisé  en  berger  galant. 
Un  faune  a  découvert  le  secret  de  la  vengeance  d'Eros,  et  Diane, 
qui  n'aime  pas  les  curieux,  témoin  Actéon,  le  change  en  Terme  de 
jardin.  Sur  ce  canevas  mythologique,  M.  Théodore  de  Banville,  un 
amant  obstiné  de  la  Muse,  a  brodé  un  très-agréable  tissu,  dont  les 
détails  ingénieux  ont  fait  oublier  au  parterre  de  l'Odéon  qu'au  lieu 
d'être  parlée,  cette  comédie  aurait  pu  être  dansée  avec  quelque 
avantage. 

—  Balzac  nous  a  laissé  un  assez  bel  héritage  en  nous  léguant  sa 
Comédie  humaine,  pour  qu'il  nous  paraisse  au  moins  inutile  de  vou- 
loir le  réhabiUter  aujourd'hui  comme  autenr  dramatique.  Les  deux 
seules  pièces  de  lui  qui  aient  trouvé  grâce  devant  le  public,  Mercadet 
et  la  Marâtre,  avaient  été  remaniées  de  fond  en  comble  par  des 
collaborateurs  anonymes.  Quant  à  Vautrin  et  aux  Ressources  de  Qui- 
nola, on  sait  leur  sort.  Ce  dernier  ouvrage  surtout  l'avait  bien  mé- 
rité. Il  reposait  pourtant  sur  une  idée  puissante,  celle  de  l'inventeur 
aux  prises  avec  les  préjugés,  avec  les  passions  de  ses  juges.  Mais 
Balzac,  cet  homme  de  génie,  avec  une  maladresse  dont  ne  se  serait 
pas  rendu  coupable  le  premier  faiseur  venu,  n'avait  pas  su  dégager 
sa  pensée  du  chaos  dans  lequel  elle  était  enfouie.  L'accessoire  avait 
tué  le  principal.  Nous  croyons  néanmoins  que  le  directeur  du  Vaude- 
ville n'a  pas  eu  tort  d'exhumer  cette  comédie  des  limbes  de  l'Odéon, 
où  elle  était  tombée,  quand  on  discutait  encore  le  talent  de  Balzac 
vivant.  Depuis  sa  mort,  il  a  conquis  de  si  nombreux  admirateurs, 
qu'il  s'en  rencontrera  toujours  assez  qui,  pleins  de  respect,  sinon 
pour  sa  conception,  du  moins  pour  l'esprit  brillant  dont  il  l'a  enve- 
loppée, voudront  aller  applaudir  les  Ressources  de  Quinola,  montées 
avec  beaucoup  de  soin,  interprétées  supérieurement  par  Félix  et 
iutti  quanti,  et  rempliront  pendant  une  certaine  série  de  représen- 
tations la  salle  du  Vaudeville. 

—  Lorsque  les  Variétés  n'ont  pas  une  grande  revue  à  nous  offrir, 
elles  s'élancent  à  corps  perdu  dans  la  poésie  ou  dans  le  fantastique. 
Le  jeu  est  périlleux,  vu  les  dépenses  de  décors,  de  trucs,  de  mail- 
lots qu'il  faut  faire. 

Un  autre  danger  que  ces  différents  genres  entraînent,  c'est  celui 
d'oublier  toute  mesure  dans  la  fantaisie  et  de  demander  à  un  sujet 
plus  qu'il  ne  peut  donner.  C'est  là,  nous  le  craignons,  le  défaut  des 
Voyages  de  la  Vérité  .Huit  tableaux  consacrés  à  la  lutte  de  la  Vérité 
et  du  Mensonge  qui  s'attachent  aux  pas  d'un  paysan  niais  et  de  sa 
fiancée  villageoise,  c'est  trop,  c'est  beaucoup  trop  ;  et  cependant,  à 
les  voir  pérégriner  au  hasard,  à  Paris,  chez  les  Turcs,  chez  les  sau- 
vages, etc. ,  il  n'y  a  aucune  raison  pour  que  cela  finisse.  Le  public 
qui  d'abord  avait  ri  des  infortunes  de  M.  Blaisot  et  de  Mlle  Mar- 
gotte,  s'est  refroidi  peu  à  peu,  en  dépit  de  l'entrain  de  Dupuis  et  de 
Mlle  Alphonsine,  de  la  gentillesse  de  Mlle  Judith  Ferreyra,  et  des  char- 
mes agaçants  d'une  nombreuse  phalange  féminine.  Avant  de  s'en- 
gager dans  un  si  long  voyage,  les  auteurs  de  cette  pièce  eussent  bien 
fait  de  consulter  le  Lorgnon,  de  Scribe,  qui  leur  aurait  montré  la  Vé- 
rité telle  qu'elle  doit  être  vue. 

—  Puisque  nous  en  sommes  sur  les  pièces  à  spectacle,  qu'il  nous 
soit  permis  de  déplorer  certaines  conséquences  de  l'abus  qu'on  en 
fait.  Plusieurs  théâtres,  et  entre  autres  celui  de  la  Porte-Saint-Martin, 
qui  avaient,  il  y  a  quelques  années,  un  budget  raisonnable,    ont   vu. 


DE  PARIS. 


341 


grâce  au  système  des  féeries,  leurs  frais  s'enfler  d'une  façon  si 
désordonnée ,  qu'une  pièce  qui  ne  fait  pas  tous  les  jours  une  recette 
de  trois  à  quatre  mille  francs,  est  supprimée  sans  pitié  à  la  suite 
d'une  quinzaine  de  représentations:  c'est  le  cas  du  Carnaval  de  Na- 
ples.  Et,  à  côté,  un  autre  théâtre  moins  accablé  de  dépenses  main- 
tiendra cent  cinquante  fois  sur  l'afHche  des  drames  comme  Gérald 
ou  Léonard,  avec  cinq  cents  francs  de  recelte.  Est-ce  à  dire  que  ces 
deux  dernières  pièces  soientdes  chefs-d'œuvre,  et  que  leCarMauai  de 
Naples  soit  un  ouvrage  des  plus  médiocres  ?  Eh  !  mon  Dieu  non  ; 
c'est  à  peu  près  le  contraire  qu'il  faut  en  penser.  Tout  cela  est  une 
question  d'optique,  et  pas  autre  chose.  Ce  qui  semble  un  grand  suc- 
cès à  travers  le  prisme  de  plusieurs  centaines  de  représentations 
économiques,  perdrait  à  coup  sur  une  bonne  portion  de  son  prestige 
si  le  cadre  était  changé.  Ne  jugeons  donc  pas  la  pièce  de  M.  Paul 
Fouché  d'après  la  destinée  qu'on  lui  a  faite.  En  d'autres  temps,  elle 
eût  accompli  une  longue  carrière,  aux  applaudissements  de  la  foule. 
Elle  avait,  pour  cela,  toutes  les  conditions  requises,  un  heureux  cadre, 
de  l'intérêt,  du  spectacle,  et  par-dessus  tout,  une  forme  très-littéraire. 
Le  principal  rôle,  celui  de  la  danseuse  Giulietta  était,  en  outre,  in- 
terprété par  une  comédienne  parfaitement  douée,  et  qui  s'y  montrait 
sous  les  aspects  les  plus  variés  et  les  plus  satisfaisants.  Mlle  Fanny 
Génat  prendra  bientôt,  nous  n'en  doutons  pas,  une  revanche  éclatante; 
mais  le  Carnaval  de  Naples,  qui  le  dédommagera  du  tort  que  lui 
ont  causé  le  Pied  de  Mouton  et  les  Pilules  du  Diable  ? 

—  Combien  de  drames  n'a  - 1  -  on  pas  bâtis  sur  une  donnée  d'em- 
poisonnement !  M.  Dennery  lui-même  n'en  saurait  compter  le  nombre 
dans  son  bagage  immense.  Mais  cet  auteur  sait  si  bien  ce  qu'il  faut 
servir  à  son  public  du  boulevard,  qu'il  n'hésite  pas  à  lui  faire  accep- 
ter, dans  l'occasion,  plusieurs  moutures  du  même  sac,  et  il  s'y  prend 
avec  tant  d'habileté  qu'avec  lui  on  croit  toujours  avoir  la  fleur  de  la 
farine.  L'espace  nous  manque  pour  parler  comme  il  convient  de 
Y  Aïeule,  le  dernier  drame  de  M.  Dennery,  qui  va  emphr  la  caisse  de 
l'Ambigu  pendant  trois  ou  quatre  mois.  Rarement,  nous  avons 
vu  la  curiosité  et  la  terreur  poussées  à  un  si  haut  degré.  Avant  de 
soupçonner  l'aïeule,  qu'on  croit  paralytique,  d'empoisonner  la  sœur 
de  sa  petite-fille,  née  d'un  second  mariage,  que  de  péripéties  émou- 
vantes viennent  dérouter  l'esprit  du  spectateur  aux  abois  !  C'est 
le  nec  plus  ultra  de  la  ficelle  dramatique;  arrivée  à  ce  point,  cette 
ficelle  peut  s'appeler  du  talent.  Aussi,  la  pièce  de  V Meute  a-t-elle  été 
aux  nues;  et,  en  cette  circonstance,  ce  ne  sont  pas  les  acteurs  qui  ont 
exclusivement  contribué  à  ce  résultat;  bien  au  contraire.  Mme  Lau- 
rent, Mme  Alexis,  qui  vient  du  Vaudeville,  Castellano  ;  Boutin,  doi- 
vent remercier  l'auteur  d'avoir  si  bien  su  mettre  leurs  qualités  en 
relief. 

—  La  campagne  d'hiver  du  théâtre  Déjazet  s'est  ouverte  brillam- 
ment par  plusieurs  reprises  importantes  et  par  la  première  repré- 
sentation de  Simon-Terre-Neuve,  opérette  qui  a  été  donnée  autrefois 
en  vaudeville  au  Gymnase.  La  musique  que  M.  Frédéric  Barbier  a 
composée  sur  cette  ancienne  pièce  nous  a  paru  fort  gracieuse. 
Sujol,  qui  y  joue  le  principal  rôle,  s'est  fait  entendre,  il  y  a  quel- 
ques années,  au  théâtre  Lyrique  ;  c'était  alors  un  des  bons  ténorinos 
de  la  province  ;  c'est  aujourd'hui  un  excellent  acteur,  à  qui  il  reste 
plus  de  voix  qu'il  n'en  faut  pour  chanter  l'opérette.  Tout  récem- 
ment, Mlle  Déjazet  a  fait  sa  rentrée  dans  Gentil  Bernard,  et  a  ra- 
mené avec  elle  les  beaux  jours  d'un  petit  théâtre  qui  port3  son  glo- 
rieux nom. 

—  A  la  salle  Beethoven,  la  troupe  allemande^  dirigée  par  Mme  Ida 
Briining,  vient  de  reprendre  le  cours  de  ses  représentations,  qui  sont 
toujours  fort  suivies.  Nous  tiendrons  nos  lecteurs  au  courant  des 
nouveautés  qui  y  seront  montées  cet  hiver. 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 


:f*»  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  dimanche,  en  présence 
du  roi  des  Hellènes,  une  fort  bonne  représentation  du  Trouvère  et  du 
premier  acte  de  Giselle.  Mlle  Marie  Sax  s'est  surpassée  dans  le  rôle  de 
Leonora,  et  Villaret  a  été  fort  applaudi  dans  celui  de  Manrique. 
Mlle  Wertlieimber  donne  beaucoup  de  caractère  à  celui  d'Azucena.  — 
Lea  Huguenots  étaient  annoncés  pour  lundi  ;  mais  Gueymard  avait  trop 
présumé  de  ses  forces,  et  on  a  dû  leur  substituer  la  Favorite  et  Graziosa. 

—  Mercredi  la  Muette  a  été  honorée  de  la  présence  de  LL.  MM.  l'Empereur 
et  le  roi  des  Hellènes.  — Vendredi,  les  Huguenots,  dans  lesquels  repa- 
raissait Gueymard,  avaient  rempli  la  salle  (  la  recette  s'est  élevée  à 
9,500  fr.  ).  Mme  Gueymard  chantait  Valentine;  Cazaux  Saint-Bris;  et 
Faure,  Nevers.  Le  chef  d'œuvre  de  lleyerbeer  a  produit  son  effet  ac- 
coutumé. —  Aujourd'hui  dimanche  on  joue  la  Muette. 

^*^  La  Juive,  avec  Villaret  dans  Eleazar,  sera  donnée  vendredi. 
Mmes  Marie  Sax,  Vandenheuvel  et  MM.  Warot  et  Belval  chanteront  les 
autres  rôles. 

^*^  L'événement  de  la  semaine  a  été  la  représentation  au  théâtre  im- 
périal de  ropéra-Comique  du  Domino  noir,  demandée  par  le  jeune  roi 
des  Hellènes,  qui  occupait  avec  sa  cour  la  loge  impériale.  Nous  ren- 
dons un  compte  spécial  de  cette  représentation  dont  la  recette  a  dé- 
passé 7,000  francs,  et  dans  laquelle  Achard  et  Mlle  Cico  jouaient  les 
principaux  rôles. 

^*^  Un  jeune  ténor  nommé  Albert  a  débuté  cette  semaine  dans  le 
rôle  d'Andréa  à'Haydée  ;  il  l'a  interprété  très-convenablemeut. 

a,**  On  s'occupe  d'une  reprise  de  Vlrato  de  Méhul,  dans  lequel  doit 
débuter  Mlle  Ilenzel  Colas,  sœur  de  Mlle  Stella  Colas,  artiste  du  théâtre 
de  Saint-Pétersbourg. 

**s,  Nathan  a  pris,  dans  les  Amours  du  Diable,  le  rôle  de  Brancaccio, 
qui  avait  été  créé  par  Barielle.  On  annonce  que  cet  artiste  quitte  le 
théâtre  de  l'Opéra-Comique. 

^*,j  Hier,  Fraschini  a  fait  son  premier  début  au  théâtre  Italien  dans 
le  rôle  d'Edgardo  de  Lucia;  nous  en  rendrons  compte  dimanche. 
Mme  de  la  Grange  chantait  le  rôle  principal,  et  Morelli  celui  d'Ashton. 

—  On  répète  un  Ballo  in  maschera  pour  les  débuts  de  Mmes  Julienne 
Dejean,  Lumley,  Vanderberck,  et  Fraschini  y  continuera  les  siens. 

^*j,  Plus  les  répétitions  des  Troyens  avancent,  plus  on  attend  de 
l'œuvre  nouvelle  de  Berlioz.  On  a  parlé  déjà  d'un  très-beau  septuor, 
d'un  duo  dit  a  mezza  voce  par  Montjauze  et  Mme  Charton,et  d'une  délicieuse 
barcaroUe  qui  sera  chantée  par  Dequercy.  Voici  la  distribution  exacte 
des  principaux  rôles  :  Enée,  Montjauze  ;  Narbal,  Petit  :  Joras,  Dequercy  ; 
Jolas,  Cabel;  Panthée,  Feront;  Didon,  Charton-Demeur;  Ascagne, 
Mme  Estagel  ;  Anna,  Dubois-Thibault.  Les  autres  rôles  seront  remplis 
par  Guyot,  Trillet,  Mmes  Albrecht  et  Duclos,  etc. 

j*^,  L'ouverture  du  théâtre  des  Bouffes-Parisiens  sera  retardée  jusque 
vers  la  fin  de  novembre.  La  salle  a  été  entièrement  reconstruite,  et 
contiendra  mille  places  confortables.  Quant  au  personnel ,  la  partie 
masculine,  qui  comptait  déjà  des  artistes  justement  goûtés,  tels  que 
MM.  Pradeau,  Désiré,  Léonce,  Edouard- Georges,  etc.,  a  été  renforcée 
dans  les  emplois  du  chant  proprement  dit.  Le  personnel  féminin  a  été 
presque  entièrement  renouvelé.  M.  Varney  a  engagé  bon  nombre  de 
jeunes  et  jolies  artistes,  à  la  tête  desquelles  il  faut  citer  la  gracieuse 
Mlle  Saint-Urbain  et  Mlle  Irma  Marié,  dont  le  talent  ne  le  cède  en  rien 
à  celui  de  sa  sœur,  Mme  Galii-Marié,  de  l'Opéra-Comique.  Elle  débu- 
tera dans  une  opérette  que  M.  i.  Offenbach  écrit  exprès  pour  elle. 
Le  répertoire  des  nouveautés  de  l'année  sera  à  la  hauteur  du  reste. 
Outre  les  deux  pièces  que  M.  J.  Offenbach  a  fait  jouer  cet  été  à  Ems, 
outre  les  fameuses  Géorgiennes  ,  dues  aussi  à  sa  brillante  fécondité, 
M.  Varney  s'est  assuré  des  partitions  signées  de  noms  nouveaux,  et 
même  d'auteurs  pour  lesquels  le  succès  n'est  plus  une  question, 
MM.  Grisar,  deFlottow  et  de  Saint-Georges.  L'orchestre,  renforcé  selon 
les  besoins  du  local,  sera  dirigé  par  un  maître  digne  en  tout  point  de 
remplacer  M.  Varney,  par  M.  Eugène  Prévost. 

^*^  Mme  Czillag,  l'éminente  cantatrice  allemande,  vient  d'arriver  à 
Paris,  où  elle  compte  faire  quelque  séjour. 

,t%,  Aujourd'hui  à  2  heures,  au  cirque  Napoléon ,  réouverture  des 
concerts  populaires  sous  la  direction  de  Pasdeloup.  Nous  en  avons 
donné  le  programme  :  ouverture  de  Prométhée,  de  Beethoven  ;  sympho- 
nie en  ré  majeur,  d'Haydn  ;  Galante,  air  de  danse  de  Mozart  ;  Songe 
d'une  nuit  d'été,  de  Mendolssohn. 

,j**  La  nouvelle  loi  sur  la  propriété  artistique  et  littéraire  sera  pré- 
sentée au  Corps  législatif  pendant  la  session  qui  va  s'ouvrir  le  5  no- 
vembre. La  section  des  finances  au  conseil  d'Etat  a  été  chargée  d'en 


342 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


examiner  le  projet,  et  M.  Riche,  ancien  député,  conseiller  d'Etat,  d'en 
faire  le  rapport. 

**»  Le  grand  succès  qu'ont  obtenu  les  nouvelles  créations  musicales 
de  M.  Fétis  a  décidé  ce  dernier  à  les  livrera  la  publicité.  Nous  appre- 
nons que  la  maison  Schott  de  Bruxelles  a  traité  avec  notre  savant  col- 
laborateur pour  cette  publication,  et  qu'elle  va  faire  paraître  la  parti- 
tion in  8»  et  les  parties  séparées  in-i"  des  œuvres  suivantes  :  1'°  sym- 
phonie, en  mi  bémol,  à  grand  orchestre  ;— 2'=  symphonie,  en  soi  mineur; 
— 1"  quintette,  en  la  mineur,  pour  deux  violons,  deux  altos  et  violoncelle; 
—'2'  quintette,  en  ré  mineur,  pour  les  mêmes  instruments; — sextuor,  en 
mi  bémol,  à  quatre  mains,  deux  violons,  alto  et  basse.  La  publication 
des  œuvres  de  H.  Fétis  est  plutôt  un  hommage  rendu  au  maître  éminent 
qu'une  spéculation  :  aussi  est-elle  faite  dans  des  conditions  de  bon  marché 
qui  la  mettront  à  la  portée  de  tout  le  monde.  On  souscrit  aux  éta- 
blissements de  MM-  Schott  à  Mayence,  à  Bruxelles,  à  Londres  et  à  Paris. 
La  liste  des  souscripteurs  sera  publiée  en  tête  des  partitions. 

»**  On  nous  écrit  du  Havre  que  l'éminent  pianiste  Bauer  vient  de  s'y 
faire  entendre  avec  un  succès  constaté  unanimement  par  la  presse  de 
la  localité.  Le  jeune  artiste  a  joué  la  Sérénade  de  Schubert,  la  Marche 
funèbre  de  Chopin  et  plusieurs  autres  morceaux  avec  une  supériorité 
magistrale.  Son  talent  se  distingue  à  la  fois  par  une  extrême  douceur 
et  par  une  surprenante  énergie.  Il  a  joué  encore  avec  un  violoniste  très- 
distingué  le  duo  de  Léonard,  Une  fièvre  brûl  ante,  de  façon  à  enthou- 
siasmer l'auditoire. 

»*»  M.  Brochon,  président  du  Cercle  philharmonique  de  Bordeaux, 
est  à  Paris  en  ce  moment,  avec  l'intention,  dit-on,  d'organiser  un  Con- 
servatoire dans  la  capitale  de  la  Gironde.  En  attendant,  il  engage  des 
artistes  pour  les  premiers  concerts  de  son  cercle. 

,**  On  nous  écrit  de  Stuttgardt  que  l'éminent  pianiste  W.  Kruger, 
en  compagnie  du  violoniste  Becker,  dont  on  se  rappelle  les  grands  suc- 
cès à  Paris,  vient  de  donner  un  brillant  concert  dans  lequel  M.  Kru- 
ger a  fait  entendre  un  nouveau  concerto  de  sa  composition,  avec 
accompagnement  d'orchestre.  Cette  œuvre,  l'une  des  plus  importantes 
qu'il  ait  écrites,  a  produit  un  immense  effet.  M.  Becker  a  été  fort  applaudi 
après  la  délicieusa  fantaisiede  Paganini,  sur  l'air  Nel  cor  piu  nonmi  sento. 
Peu  de  jours  après,  Kruger  a  exécuté  dans  une  soirée  intime  chez  le 
prince  royal,  avec  le  concours  de  ses  deux  frères,  deux  artistes  de  ta- 
lent, l'un  harpiste  et  l'autre  flûtiste,  son  trio  sur  l'hymne  national  russe, 
qu'avait  désiré  entendre  S.  A.  I.  Mme  la  grande-duchesse,  sœur  de  S.  M. 
l'empereur  de  Russie.  Il  a  reçu  de  Leurs  Altesses  Impériales  les  félici- 
tations les  plus  flatteuses. 

***  M.  G.  Jacobi,  premier  prix  du  Conservatoire  (1861)  et  premier 
violon  au  théâtre  impérial  de  l'Opéra,  annonce  pour  le  1"  novembre 
l'ouverture  d'une  classe  de  violon  professée  d'après  les  méthodes  adop- 
tées au   Conservatoire. 


***  S.  Exe.  le  ministre  de  la  maison  de  1' 
vient  de  souscrire  pour  cent  exemplaires  à 
sique  à  Véglise,  de  M.  J.  d'Ortigue. 

«**  M.  Salvator  vient  de  rouvrir  chez  M. 
que,  ses  cours  de  lecture  musicale,  piano , 
Ces  cours,  basés  sur  une  méthode  rationnelle 
ont  donné  des  résultats  aussi  avantageux 
trois  fois  par  semaine. 


'Empereur  et  des  beaux-arts 
l'ouvrage  intitulé  :  la  Mu- 

Gambogi,  éditeur  de  musi- 
harmonie  et  composition, 
et  essentiellement  pratique, 
qu'appréciés.  Us  ont  lieu 


^*ij:  M.  C.  Stamaty  reprendra,  au  l»'  novembre,  les  cours  d'artistes 
qu'il  a  fondés  chez  MM.  Pieyel-Wolfl",  rue  de  Richelieu,  95.  Ces  cours 
s'adressent  spécialement  aux  jeunes  personnes  et  aux  jeunes  gens  qui 
veulent  suivre  la  carrière  artistique  et  professorale.  Les  cours  gradués 
pour  entants  et  jeunes  personnes  rouvriront  au  1"  décembre. 

«■*,  A  l'occasion  de  la  fête  organisée  le  16  du  courant,  pour  la  con- 
struction de  la  cathédrale  de  Cologne,  a  eu  lieu  un  concert  avec  le 
concours  de  Mme  Harriers-Wippern  et  de  MM.  Niemann  et  Joachim. 
On  y  a  exécuté,  entre  autres,  le  Benedictus  et  le  Sanctus  de  la  Missa 
solennis  de  Beethoven ,  et  la  troisième  partie  de  l'oratorio  :  Salamon,  par 
Haendel. 

,**  L'académie  musicale  de  l'institut  royal  de  Florence,  dans  sa  séance 
du  2  octobre  1863,  a  nommé  M.  Joseph  d'Ortigue  au  nombre  de  ses 
membres  correspondants. 

,**  Dimanche  dernier,  une  messe  d'actions  de  grâces  réunissait  dans 
l'église  de  Suresnes  plusieurs  artistes  des  plus  distingués  qui  avaient  bien 
voulu  concourir  à  l'exécution  de  diverses  œuvres  de  musique  religieuse 
pour  cette  solennité.  Nommer  MM.  White,  Lebouc  et  Georges  Pfeiffer, 
c'est  dire  que  cette  exécution  pour  la  partie  instrumentale  a  été  supé- 
rieure ;  la  partie  vocale  était  remplie  par  Mlle  Doré  jeune  et  nouvelle 
cantatrice,  élève  de  M.  Bassine,  et  par  M.  Lafont,  qui  a  dit  avec 
une  voix  puissante  et  un  très-beau  style  le  Credo  de  Dumont  et  VÀve 
Maria  de  Cherubini,  auquel  le  compositeur  Ettling  a  fort  habilement 
adapté  un  accompagnement  de  violoncelle.  Ce  dernier  morceau,  accom- 
pagné par  l'ingénieux  arrangeur,  a  produit  un  grand  efl"et  sur  l'audi- 


toire, émerveillé  d'ailleurs  de  l'exécution  admirable  des  diverses  parties 
musicales  ajoutées  à  la  solennité. 

a,*»  Nous  avons  appelé,  l'hiver  dernier,  l'attention  de  nos  lecteurs  sur 
l'Ecole  normale  de  musique,  dirigée  par  Victor  Tirpenne,  d'après  son 
cours  de  musique  appliqué  au  piano,  et  approuvé  par  l'Institut  de  France 
aussi  bien  que  par  les  plus  célèbres  pianistes,  professeurs  et  composi- 
teurs. Nous  nous  empressons  d'annoncer  que  ces  cours  vont  recommen- 
cer à  partir  du  1"  novembre,  S5,  rue  Saint-Lazare  (Chaussée-d'Antin), 
et  que  M.  Tirpenne  s'est  adjoint  pour  chaque  partie  spéciale  du  cours 
les  professeurs  les  plus  distingués.  Les  résultats  obtenus  par  la  méthode 
Tirpenne,  laquelle  consiste  à  simplifier  l'étude  et  à  la  rendre  attrayante; 
à  faire  marcher  simultanément  la  théorie  et  l'exécution  ;  à  analyser  et 
indiquer,  autant  que  possible,  les  nuances,  l'expression,  le  style  et  l'es- 
prit de  la  phrase  mélodique;  à  initier  l'élève  à  la  science,  en  le  con- 
duisant, sans  pénibles  efforts,  des  principes  les  plus  élémentaires  aux 
combinaisons  harmoniques  ;  à  être  enfin  simple ,  clair,  et  cependant 
très-concis;  ces  résultats,  disons-nous,  ont  été  assez  remarqués  l'hiver 
dernier,  assez  incontestables  pour  que  M.  Tirpenne  ne  voie  pas  encore 
cette  année  s'accroître  le  nombre  de  ses  élèves. 

**,t  Le  jeune  A.  Musard,  qui  parait  vouloir  marcher  sur  les  traces  de 
son  grand-père,  le  célèbre  chef  d'orchestre,  a  été  appelé  dernièrement 
à  conduire,  dans  une  matinée  musicale  donnée  par  un  ambassadeur 
étranger,  un  orchestre  de  quarante  musiciens,  et,  quoique  âgé  seulement 
de  seize  ans,  il  a  déployé  dans  ces  fonctions  un  aplomb  et  une  auto- 
rité qui  font  on  ne  peut  mieux  augurer  de  son  avenir. 

^**  Au  théâtre  Robin,  la  centième  représentation  des  spectres  vivants 
impalpables,  a  eu  lieu  devant  un  public  d'élite,  dont  l'enthousiasme  était 
encore  plus  grand  qu'à  la  première  représentation.  Malgré  la  foule  qui 
ne  cesse  de  se  presser  aux  charmantes  soirées  de  cet  habile  physicien, 
M.  Robin,  pour  tenir  la  promesse  qu'il  nous  a  faite  de  varier  souvent 
son  spectacle,  nous  annonce  pour  samedi  prochain  de  nouvelles  expé- 
riences et  de  nouveaux  spectres  :  c'est  un  rendez-vous  donné  aux  ama- 
teurs du  merveilleux. 

***  Au  concert  des  Champs  Élysées,  aujourd'hui  dimanche,  clôture 
des  matinées  musicales.  La  dernière  réunion  promet  d'être  brillante,  à 
en  juger  par  le  programme  qui  porte  les  ouvertures  de  Guillaume  Tell, 
de  Robin  des  Bois,  des  Vêpres  siciliennes  et  de  la  Sirène ,  accompagnées 
de  la  marche  du  Tannhauser,  de  celle  des  soldats  de  Faust,  et  de  la 
délicieuse  fantaisie  sur  le  Déserteur,  M,  Genin  jouera  un  solo  de  petite 
flûte. 

**t  M.  Ch.  de  Besselièvre,  directeur  des  concerts  des  Champs-Elysées, 
faisait  partie  du  train  de  voyageurs  venant  de  Versailles,  qui  a  éprouvé 
un  accident  à  l'entrée  de  la  gare  de  Paris.  M.  de  Besselièvre  a  été  con- 
tusionné. 

:t*^  Par  les  soins  de  la  direction  du  Maenner-Gesang-Verein  à  Vienne 
les  restes  mortels  de  Beethoven  et  de  Franz  Schubert  ont  été  exhumés 
du  cimetière  de  Wahringen.  Sauf  les  os  des  tempes,  qui  ont  sans  doute  été 
égarés  lors  de  l'autopsie  pratiquée  le  27  mars  1828,  et  dans  laquelle  le 
crâne  a  été  scié  en  plusieurs  parties,  le  corps  de  Beethoven  a  été  re- 
trouvé entier  ;  on  l'a  déposé  dans  un  cercueil  de  plomb.  Quelques  côtes 
manquaient  au  corps  de  Franz  Schubert  ;  ses  dépouilles  mortelles  ont 
également  été  renfermées  dans  un  cercueil  de  plomb.  Après  que  les  deux 
cercueils  ont  été  fermés  et  scellés,  on  les  a  transportés  à  la  chapelle 
du  cimetière,  où  ils  resteront  déposés  jusqu'à  ce  que  les  caveaux  destinés 
à  les  recevoir,  soient  terminés.  La  Gazette  de  Cologne  annonce  que  la  fa- 
mille de  Beethoven  a  protesté  contre  ce  fait  qu'elle  considère  comme  une 
profanation  de  la  tombe  du  grand  compositeur,  et  dont  elle  n'a  été 
informée  que  par  la  voie  des  journaux. 

***  Un  deuil  est  venu  affliger  cette  semaine  les  nombreux  amis  de 
l'honorable  famille  Pacini.  La  vénérable  femme  du  doyen  des  éditeurs' 
de  musique,  Mme  Pacini,  née  Rosier,  est  décédée  le  1 1  octobre,  à  l'âge 
de  quatre-vingt-quatre  ans.  Mme  Pacini  était  aïeule  et  bisaïeule  de 
nombreux  petits-enfants  qui  l'entouraient  de  soins  et  de  vénération. 

^*^,  Hermann  WoUenhaupt,  pianiste  allemand  d'un  talent  distingué 
et  compositeur  de  morceaux  de  genre  devenus  populaires  en  Allemagne 
et  en  Amérique,  vient  de  mourir  à  New- York  et  a  été  enterré  le  20  sep- 
tembre. Plusieurs  sociétés  chorales,  entre  autres  le  Liederkranz,  l'ont 
accompagné  jusqu'à  sa  dernière  demeure^ 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 


»*,  Versailles.  —  L'inauguration  du  grand  orgue  que  la^  maison 
A.  Cavaillé-Coll  vient  de  terminer  à  la  cathédrale,  aura  lieu  mardi  pro- 
chain, 27  octobre,  à  2  heures,  par  M.  Lefébure-Wély. 


DE  PARIS. 


3Zi3 


***  L^jon.  —  Le  début  de  M.  Coulon,  ancienne  basse  du  théâtre  de 
l'Opéra  de  Paris,  n'a  pas  tenu  tout  ce  qu'il  promettait;  il  possède  sans 
contredit  un  grand  talent  de  chanteur  et  de  comédien,  mais  la  voix 
manque  de  fraîcheur  et  de  sonorité.  C'est  du  moins  l'effet  qu'il  a  pro- 
duit dans  les  Huguenots,  dont  la  représentation  avait  attiré  une  foule 
immense  au  Grand-Théâtre.  Il  doit  se  faire  entendre  pour  son  second  dé  - 
but  dans  la  Juive.  —  Nous  reparlerons  de  l'Etoile  du  Nord  dont  la  repré- 
sentation est  attendue  avec  impatience.  Le  rôle  de  Catherine  est  un  des 
triomphes  de  Marie  Cabel.  —  On  monte  également  le  Pardon  de  Ploërmel 
pour  la  célèbre  cantatrice  qui  a  créé  avec  tant  de  supériorité  à  Paris 
le  rôle  de  Dinorah. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


,%  Londres  ^  —  Le  nouvel  opéra  de  Wallace,  la  Fleur  du  désert,  dont 
on  attendait  avec  impatience  la  première  représentation,  a  été  donné 
lundi  dernier  avec  un  très-beau  succès.  Le  librelto  est  une  adaptation 
de  celui  de  Jaguarita,  faite  avec  beaucoup  d'intelligence  par  M.  A.  Harris. 
La  musique  a  été  trouvée  généralement  abondante  en  mélodie,  en  ex- 
pression dramatique  et  aussi  bien  traitée  que  ce  que  l'auteur  a  fait  de 
mieux.  L,'opéra  était  interprété  par  miss  Louisa  Pyne ,  Susan  Pyne, 
MM.  Harrison,  Weis^,  Corri  et  Cooke.  Les  costumes  et  les  décors  ne 
laissent  rien  à  désirer,  et  le  ballet  a  été  très-bien  dessiné  par  M.  Payne. 
Quant  aux  chœurs  et  à  l'orchestre,  sous  l'habile  et  énergique  direction 
de  M.  Mellon,  il  n'y  a  que  des  éloges  à  leur  donner.  L'opéra  a  été  joué 
déjà  cinq  fois  qui  ont  confirmé  pleinement  le  succès  de  la  première 
soirée.  On  fait  chaque  fois  bisser  l'air  de  M.  "Weiss,  celui  de  miss  Louisa 
Pyne,  et  celui  de  M.  Harrison.  Les  applaudissements  se  font  entendre 
du  commencement  à  la  fin  de  l'opéra,  et  il  n'y  a  aucun  doute  que  la 
Fleur  du  désert  ne  conquière  pour  longtemps,  comme  Maritana  et  Lur- 
line,  la  faveur  du  public. —  Le  nouvel  opéra  de  Balfe,  the  Duke's  Motto, 
dont  M.  John  Brougham  a  écrit  le  livret,  est  à  la  copie.  Il  sera  prochai- 
nement représenté.  —  Le  31  de  ce  mois  commencera  au  théâtre  de  Sa 
Majesté  une  série  de  cinq  représentations  d'opéra  italien,  qui  auront 
pour  interprètes  Mmes  Tietjens,  Volpini,  Trebelli  ;  MM.  Bettini,  Sims- 
Reeves,  Santley,  etc. 

^*:i,  Cologne.  —  Mlle  Artot  a  continué  ses  représentations  par  le  rôle 
de  Léonore,  dans  le  Trovatore.  11  y  avait  foule,  et  l'éminente  cantatrice 
a  reçu  de  nombreuses  marques  de  sympathie. 

ji*4  Lubeck.  —  La  cantatrice  Mlle  Marie  Kaufmann  vient  d'avoir  un 
début  fort  heureux  dans  le  rôle  de  Norma  ;  elle  a  chanté  en  outre  et 
avec  le  même  succès  le  rôle  de  Martha,  et  celui  de  Léonore,  dans  Slra- 
della. 

^,*^  Leipzig.  —  En  tête  du  programme  du  deuxième  concert  du  Gewand- 
haus  figurait  la  quatrième  symphonie  de  Schumann,  qui,  à  tout  prendre, 
a  été  bien  exécutée.  Mlle  Euphrosine  Parepa,  dans  un  air  de  J.  Bene- 
dict  et  un  air  de  la  Flûte  enchantée,  a  de  nouveau  donné  des  preuves 
éclatantes  d'un  incontestable  talent.  —  M.  Brassin,  élève  du  Conserva- 
toire de  Leipzig,  a  joué  deux  de  ses  compositions  :  Rêverie  pastorale 
et  Ronde  fantastique.  C'est  un  pianiste  d'une  force  peu  ordinaire.  —  Une 
cantate  de  Weber  a  été  exécutée  dans  la  seconde  partie  du  concert. 

,,*,(  Berlin.  —  Le  14  du  courant,  la  troupe  italienne  a  débuté  par  le 
Barbiere.  La  salle  était  comble  et  cela  se  conçoit  :  Adelina  Patti  chantait 
le  rôle  de  Rosine.  Nous  le  lui  avions  déjà  entendu  chanter  il  y  a  deux 
ans  :  c'est  toujours  la  même  perfection  ;  la  voix  a  même  pris  plus 
de  force.  Adelina  Patti  est,  sans  contredit,  une  des  premières  cantatrices 
de  notre  temps.  —  Après  le  Barbier,  l'Opéra  italien  a  donné  Lucia;  inu- 
tile d'ajouter  que  le  rôle  principal  a  été  chanté  par  Adelina,  et  qu'elle 
a  eu  le  même  succès  que  dans  le  Barbier  de  Sevillc.  Dans  le  rôle  d'Ed- 
gardo,  Naudin  rappelle  beaucoup  la  manière  de  Roger  ;  il  a  charmé  notre 
public  par  la  chaleur  et  la  passion  qu'il  a  déployées  tour  à  tour  :  aussi 
i'a-t-on  applaudi  et  rappelé  avec  enthousiasme. 

»*^  Vienne.  —  Au  théâtre  de  la  cour  on  annonce  la  reprise  des  Noces 
de  Figaro  ;  Mme  Kapp-Young  chantera  le  rôle  de  la  comtesse  ;  Mlle  Tell- 
heim,  pour  la  première  fois,  celui  du  page.  —  M.  Merelli  a  en- 
gagé Mlle  Patti  pour  les  mois  de  février,  mars  et  avril.  —  L'opérette 
de  M.  Hornstein:  les  Pages  de  Versailles,  a  fait  fiasco  au  Carltheater. 
—  M.  de  Flotow  est  depuis  quelque  temps  ici,  où  il  termine,  dit-on, 
une  partition  nouvelle  qu'ilva  présenter  à  la  direction  du  théâtre  de  la 
cour. 

,*,  Dresde.  —  Les  musiciens  de  la  chapelle  royale,  sous  la  direction 
de  deux  maîtres  de  la  chapelle  de  la  cour,  donneront  cette  année,  comme 
les  années  précédentes,  six  concerts  d'abonnement,  dans  lesquels  on 
exécutera  des  ouvrages  capitaux  de  Beethoven,  Haydn,  Mozart,  Cheru- 
bini,  Gade,  Lachner,  Schumann,  Bach,  Catel,  etc. 


^*^  Trieste.  —  Le  12  octobre,  la  Société  chorale  Liedertafel  a  donné 
un  grand  concert  dans  lequel  l'éminent  pianiste-compositeur  Alfred 
Jaell  s'est  fait  entendre.  Le  célèbre  artiste  se  retrouvait  là  au  milieu 
de  ses  compatriotes,  qui  l'ont  accueilli  avec  enthousiasme  et  lui  ont  re- 
mis le  diplôme  de  membre  honoraire  de  la  Société.  —  Quelques  jours 
plus  tard,  à  l'occasion  de  l'arrivée  de  la  députatlon  mexicaine,  il  y  a 
eu  concert  à  la  cour,  au  château  de  Miramar,  et  Alfred  Jaell  avait 
reçu  l'invitation  d'en  faire  partie.  LL.  AA.  l'archiduc  Maximilien  et  l'ar- 
chiduchesse ont  daigné  lui  dire  les  choses  les  plus  flatteuses,  et  le  len- 
demain il  recevait  uue  magnifique  bague  en  diamants  aux  initiales  de 
Leurs  Altesses.  —  Alfred  Jaell  donnera  prochainement  un  concert  au 
grand  théâtre.  —  La  direction  vient  de  faire  venir  le  chorégraphe  Bodi 
et  sa  femme,  Mme  Pochini-Bodi,  danseuse  célèbre,  pour  monter  l'E- 
toile de  Messine,  ballet  qui  a  obtenu  un  grand  succès  à  Paris  et  dont 
Mme  Ferraris  avait  si  brillamment  créé  le  principal  rôle.  On  sait  que  la 
musique  de  ce  ballet  a  été  composée  par  le  comte  Gabrielli  et  qu'elle 
n'a  pas  peu  contribué  au  succès.  En  lui  demandant  sa  partition,  le 
directeur  l'a  invité  à  écrire  un  nouveau  ballet  pour  le  théâtre  impérial 
de  Vienne. 

***  Madrid.  —  Après  le  Barbier,  donné  pour  la  réouverture  du  théâ- 
tre de  l'Oriente,  les  sœurs  Marchisio  ont  fait  leur  réapparition  dans  la 
Semiramide.  M.  Agnesi  chantait  le  rôle  d'Assur.  Les  deux  jeunes  artistes 
y  ont  produit  un  effet  immense,  particulièrement  dans  le  duo,  qui  a  été 
rendu  avec  une  finesse  de  nuances,  un  ensemble  dont  on  n'avait  pas  eu 
d'exemple  jusqu'à  présent,  tant  les  deux  grandes  artistes  savent  admi- 
rablement marier  leurs  voix.  —  Aux  sœurs  Marchisio  a  de  nouveau 
succédé,  à  son  tour,  dimanche,  Mme  Borghi-Mamo,  dans  un  de  ses  triom- 
phes, la  Favorita  qu'elle  chantait  avec  Mario,  Guicciardi  et  Antonucci. 
Les  journaux  espagnols  Ibcria,  Discusion,  sont  unanimes  pour  dire  que 
la  célèbre  cantatrice  y  a  fait  fanatisme.  Quoiqu'on  dise  Mario  en  déca- 
dence, on  ne  s'en  serait  pas  douté  ce  soir-là,  car  il  a  déployé  toutes 
les  qualités  d'un  grand  artiste,  et  il  a  été  couvert  d'applaudissements. 

^*^  Saint-Pétersbourg.  —  Tamberlick  et  Mme  Nantier-Didiée  viennent 
de  faire  leur  rentrée  dans  le  Trovatore.  Le  public  leur  a  témoigné  par 
des  applaudissements  enthousiastes  le  plaisir  qu'il  avait  à  les  revoir, 
quoiqu'il  n'ait  pas  retrouvé  complètement  dans  Tamberlick  son  puissant 
chanteur  d'autrefois.  C'était  à  Mme  Fioretti  qu'avait  été  confié  le  rôle 
de  Leonora.  Jusqu'à  présent  l'emploi  de  chanteuse  légère  dans  lequel 
elle  s'était  fait  applaudir  par  la  merveilleuse  flexibilité  et  par  le  timbre 
enchanteur  de  sa  voix,  avait  été  le  partage  de  Mme  Fioretti.  Ce  n'était 
donc  pas  sans  une  certaine  hésitation  qu'elle  abordait  le  rôle  si  drama- 
tique et  si  passionné  de  Leonora  auquel  ne  paraissaient  convenir  ni  son 
physique  ni  la  froideur  de  son  jeu.  Mais  si  elle  a  laissé  à  désirer  sous 
certains  rapports,  elle  n'en  a  pas  moins  été  fort  applaudie  et  elle  n'a  eu 
qu'à  se  féliciter  du  succès  de  ;sa  tentative.  Le  prochain  opéra  dans  le- 
quel elle  chantera  est  la  Sonnambula.  —  Mme  Barbot  à  laquelle  une 
indisposition  n'avait  pas  jusqu'à  présent  permis  de  paraître,  a  fait  sa 
rentrée  dans  Fidelio  de  Beethoven .  —  On  attend  Giuglini  pour  les  pre- 
miers jours  de  novembre.  —  Fioravanti  a  débuté  dans  VElisire  d^amore  ; 
il  n'a  pas  plu  à  notre  public,  qui  l'a  trouvé  médiocre  comme  chanteur 
et  comme  acteur.  Le  rôle  d'Adina  a  été  chanté  |avec  une  grâce  char- 
mantepar  Mme  Bernardi,  qui  est  fort  aimée  de  notre  public  ;  on  sait 
avec  quelle  perfection  Calzolari  chante  le  rôle  d'e  Nemorino,  et  Everardi 
celui  de  Dulcamara.  —   On  nous  promet  Don  Pasquale  et  Saffo. 


AVIS. 

Nous  recommandons  aux  personnes  qui  voudraient  apprendre  l'anglais 
ou  l'italien,  M.  A.  Georges  (13,  rue  Geoffroy-Marie),  ex-rédacteur  du 
journal  officiel  des  Deux-Siciles,  arrivé  récemment  des  Etats-Unis  et  de 
l'Egypte,  où  il  a  enseigné  ces  langues  pendant  vingt  ans. 

Le  Directeur  :    S.  DDFOUR. 


C/îM  G.  BRÂNDUS  et  S.  DVFOUR,  éditeurs,  103,  rue  Richelieu,  au  i". 

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3U 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Citez  Cl.  B»ATiri>US   et  S.  MIIFOIJK,  éditeurs,  103,  rue  de  Richelieu,  au  1". 


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Les  Grandes  Partitions  et   les  Parties  d'Orchestre 

DES 

QUATRE  MARCHES  AUX  FLAMBEAUX 


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à  Paris. 


ADOLPHE    SAX 


*  * 


50,  rne  Saiut-Georg^es 
à  Paris. 


Facteur  de  la  Maison  militaire  de  l'Empereur.  —  Professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique. 
Seule  grande  Médaille  d'honneur  à  l'Exposition  universelle  de  1855. 

RÉSDMÉ  DES  AVANTAGES  DES  SAXHORNS  ET  DES  SAXOTROMBAS. 

Le  Saxolromba,  ou  le  Saxhorn,  est  supérieur  à  ses  analogues  existants  précédemment,  comme  proportion  de  tubes  et  par 
conséquent  comme  son  ;  supérieur  comme  justesse  ;  supérieur  comme  création  de  famille  complète  ;  supérieur  comme  facilité  et 
unité  de  doigté  ;  supérieur  comme  forme  ou  contour  des  tubes  pour  l'émission  des  sons  ;  supérieur  comme  forme  pour  le  pla- 
cement et  le  maniement  de  l'instrument  ;  supérieur  comme  ayant  une  même  direction  des  sons  (avantage  pour  l'auditeur  de 
recevoir  tous  les  sons  avec  la  môme  puissance);  supérieur  en  ce  que  quelques  jours  suffisent  pour  former,  avec  des  amateurs  ou 
de  simples  conscrits  militaires,  une  musique  passable  ;  supérieur  en  ce  que  les  plus  gros  instruments  comme  les  petits  se 
tiennent  facilement  au  moyen  de  la  main  gauche  et  du  bras  gauche,  et  laissent  le  bras  et  la  main  droite  entièrement  libres, 
et  dans  la  meilleure  position  pour  le  jeu  des  doigts  sur  les  cylindres  ;  supérieur  en  ce  que,  quand  un  élève  a  déjà  fait  dos 
études  et  qu'il  est  obligé  de  changer  d'instrument  faute  de  disposition  des  lèvres  ou  par  tout  autre  motif,  ses  études  acquises 
servent  pour  le  nouvel  instrument,  soit  trompette,  trombone  ou  tout  autre  instrument  ;  supérieur  en  ce  que  l'on  peut  faire  les 
études  les  plus  longues  et  les  plus  difficiles  sur  l'instrument  qui  fatigue  le  moins  et  les  reporter  sur  d'autres  plus  durs  à  jouer 
ou  plus  lourds  à  porter;  supérieur  en  ce  que,  dans  les  sociétés  ou  dans  un  régiment  de  cavalerie,  surtout  lors  des  congés,  il 
arrive  souvent  que  tous  les  artistes  d'une  même  catégorie  d'instruments  partent,  et  que,  dans  ce  cas,  on  peut  les  remplacer 
en  prenant  des  musiciens  dans  les  parties  les  mieux  garnies  pour  occuper  ou  remplacer  les  parties  manquantes;  supérieur  en 
ce  qu'on  ne  craint  pas  les  coups  de  tête  des  chevaux,  qui,  avec  les  anciens  instruments,  brisaient  parfois  les  dents  au  cava- 
lier; supérieur  en  ce  que  l'on  peut  jouer,  le  cheval  au  trot  ou  au  galop,  l'instrument  suivant  toujours  les  mouvements  du 
corps;  supérieur  pour  la  musique  en  marche  en  ce  que  l'instrument  ne  se  dérange  pas  sur  les  lèvres,  et  conserve  par  consé- 
quent la  même  sonorité  qu'au  repos;  supérieur  pour  les  corps  de  musique  et  pour  le  militaire  surtout,  où  tout  est  régulier 
excepté  les  musiciens  et  les  instruments  d'après  le  système  ancien),  en  ce  que  tout  le  monde  se  trouve  dans  la  même  position,  toutes  les  mains  à  la  même 
tous  les  instruments  penchés  de  gauche  à  droite  ;  supérieur,  pour  la  musique  à  cheval  ou  de  cavalerie,  en  ce  que  si,  pendant  que  l'on  joue,  le  cheval  vient 
écart,  il  est  facile  de  ressaisir  les  brides  pour  le  ramener,  sans  déranger  l'instrument  de  sa  position.  (IJK^ 

Toni  Itt  iDsirnmenti  wriant  de  la  fabrique  portent  l'intcriptioii  suivante  :  Adolphe  Sax,  à  Paris,  facteur  de  la  maison  militaire  de  l'Empereur,     W^ 

le  numéro  d'ordre  de  l'inilrament  et  le  poinjen  ei-apr'ei  :  l^jâ^ 


hauteur  et 
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vient  de  se  reproduire  à  Londres  avec  plus  d'éclat  encore  :  aussi  le  Jury  international  vient-il,  en  plaçant  ces  instruments 
au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimité,  à  M.  Henri  HERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection 
reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  solidilé,  de  la  sonorité,  de  l'égalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  d' expression.  (Rapport  du  Jury  international.) 


ARIS    —   IMrQIMEBfE  CENTBAL 


KPO&EON  cnAix 


BUREAUX   A   PARIS  :   BOULEVARD   DES  ITALIENS,   I. 


30^  An«ée. 


IV«  44. 


l«r  IVoyembre  1863. 


ON  6'ABOIffNE  « 

Bans  les  Départemeots  et  &  l'Étranger,  chez  touf 
les  Uarchands  de  Musique,  les  Libraires,  et  aux 
Pureaui  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


PRIS  DE  L* ABONNEMENT  : 

Paris 24fr.parQi 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    30  n       id. 

Étranger M  '»       ^^^ 

Le  Journal  paraît  le  Dimanclie, 


GAZETTE 


— ^-A/vrjWTiAPJvxA^- 


SOMMAIRE .  —  Effets  des  circonstances  sur  la  situation  actuelle  de  la  musique, 
au  point  de  vue  de  la  composition  ;  ce  qu'il  faudrait  faire  pour  améliorer  cette 
situation  (5"  et  dernier  article),  par  Fétis  père.  —  Théâtre  impérial  de  l'O- 
péra: Villaret  dans  la  Juive.  —  Théâtre  impérial  italien:  Début  de  Fraschini 
et  de  Morelli  dans  Lucia  di  Lammermoor,  —  Concerts  populaires  demusique 
classique  au  cirque  Napoléon  par  Paul  iStmltta. —  Revue  critique. —  Nouvelles 
et  annonces. 


EFFETS  DES  GIRCONSTÂNCES 

«or  la  sltaatlon  actaelle  de  la  maslqne,  au  point  de 
vne  de  la  composUlon. 

CE   qu'il   faudrait    faire  l'OUR   AMÉllORER   CETTE  SITUATION. 

(5«  et  dernier  article)  (1). 

Si  les  moyens  que  j'ai  proposés  dans  l'article  précédent  étaient 
adoptés,  la  voie  serait  ouverte  aux  compositeurs  français  et  belges, 
plus  large  qu'elle  ne  fut  jamais.  A  eux  incomberait  alors  l'obligation 
de  justifier  la  protection  qui  leur  serait  accordée.  Il  est  incontesta- 
ble que  cette  justification  se  ferait  moins  par  le  nombre  des  produc- 
tions que  par  leur  mérite  :  aussi  n'est-ce  que  pour  les  hommes  de 
talent  que  la  protection  est  réclamée.  En  musique,  le  talent  ne  se 
manifeste  que  par  l'exécution  de  l'oeuvre  qu'il  a  produit  ;  car  la 
musique  sur  le  papier  n'existe  que  pour  ceux  qui  peuvent  et  veuleni 
la  lire,  ce  qui  revient  à  dire  qu'elle  est  à  peu  près  comme  si  elle 
n'existait  pas.  L'exécution  seule  met  donc  en  évidence  la  valeur  ou 
la  nullité  de  l'ouvrage  du  compositeur  ;  d'oii  il  suit  que  pour  trouver 
quelques  bonnes  choses,  il  faudrait  en  entendre  beaucoup  de  mé- 
diocres ou  même  de  mauvaises.  Cet  inconvénient  est  inévitable  ; 
mais  ce  n'est  pas  un  motif  suffisant  pour  ne  pas  tenter  l'épreuve.  Les 
frais  des  expositions  annuelles  de  peinture  sont  considérables  ;  or, 
pour  quelques  bons  tableaux  qu'on  y  voit,  il  y  a  des  centaines  de 
médiocrités,  sans  compter  les  monstruosités  j  ce  qui  n'empêche  pas 
qu'une  autre  exposition  n'y  succède,  dans  les  mêmes  conditions. 

Le  génie  puissant  et  rénovateur  est  chose  fort  rare  ;  en  musique, 
on  en  citerait  à  peine  vingt  dans  l'espace  de  quatre  siècles;  mais 
après  lui  il  y  a  le  génie  de  certaines  parties  de  l'art  qui  perfectionne 
ce  qu'un  autre  a  créé  ;  il  y  a  le  génie  de  la  forme  après  celui  de 
l'idée  ;  or,  la  form%  parfaite  est  une  condition  essentielle  de  la  beauté 
.1''  '  - _^__________ 

(1)  Voir  le  n°  14.''    ■•' 


des  produits  de  l'art.  Tel  artiste  a,  dans  de  certaines  limites,  le  don 
de  la  faculté  créatrice  ;  tel  autre  a  le  mérite  du  style.  Citons  un  des 
exemples  les  plus  admirables  du  génie  de  la  forme  :  j'ai  nommé 
Haydn.  A  la  simplicité,  au  peu  de  recherche  d'un  grand  nombre  de 
ses  motifs,  on  serait  tenté  de  croire  qu'il  ne  s'agit  que  d'une  oeuvre 
médiocre  ;  mais  à  cette  donnée  première  succède  bientôt  un  enchaîne- 
ment non  interrompu  d'épisodes  charmants,  de  traits  inattendus  et 
de  transformations  du  thème  primitif,  dont  les  détails  réalisent  la 
perfection  dans  toute  l'acception  du  mot.  Le  génie  du  grand  homme 
à  qui  nous  devons  ces  merveilles  de  l'art  est  d'un  autre  ordre  que 
celui  de  Mozart,  que  la  fougue  grandiose  de  Beethoven,  et  n'a  de 
rapport  ni  avec  celui  de  Jean-Sébastien  Bach,  ni  avec  celui  de  Haen- 
del  ;  mais  ce  n'en  est  pas  moins  le  génie  proprement  dit.  La  sponta- 
néité du  génie  de -ce  genre  est  moins  immédiate  que  chez  les  grands 
artistes  que  je  viens  de  nommer;  la  méditation  s'y  allie;  elle  est 
pour  une  part  importante  dans  les  produits  de  l'imagination,  car  c'est 
elle  qui  en  perfectionne  les  fantaisies.  Méditer  est  donc  nécessaire 
pour  les  œuvres  dont  le  mérite  consiste  moins  dans  l'inspiration  spon- 
tanée d'une  idée  originale  que  dans  les  détails  de  la  forme. 

L'artiste  dont  les  études  ont  été  assez  fortes  pour  qu'il  puisse 
porter  lui-même  un  jugement  sur  ses  facultés,  doit  se  diriger  dans 
ses  travaux  par  cette  connaissance.  Avant  tout,  étudier  beaucoup  et 
longtemps  est  indispensable  ;  je  devrais  dire  étudier  toujours ,  car 
on  n'est  jamais  au  bout  de  ce  qu'on  devrait  savoir.  Le  grand  mal, 
dans  l'état  actuel  de  la  musique,  consiste  dans  l'insuffisance  de  l'ins- 
truction technique  des  compositeurs  :  les  songe-creux  romantiques 
ont  produit  ce  résultat.  Il  m'arrive  rarement  d'entendre  une  produc- 
tion de  la  nouvelle  école,  de  quelque  part  qu'elle  vienne,  sans  que 
mon  sentiment  soit  blessé  par  une  multitude  d'énormités  harmoniques 
et  tonales.  On  fait  des  études  de  composition  dans  les 'conservatoires; 
mais  on  les  fait  à  la  hâte,  avec  ennui,  parce  que  les  règles  sont  con- 
sidérées comme  restrictives  de  la  liberté  de  l'imagination,  tandis 
qu'elles  ne  sont  que  l'expression  rationnelle  des  nécessités  sentimen. 
laies  de  l'art.  On  traverse  ainsi  péniblement  la  classe  du  professeur, 
et  lorsqu'o  en  est  sorti,  on  se  hâte  d'oublier  le  peu  qu'on  y  a  ap- 
pris. Cependant  on  ne  peut  se  dissimuler  celte  vérité,  qu'il  n'y  a  de 
succès  et  de  réputation  durables  que  pour  l'artiste  qui  possède  la 
connaissance  pleine  et  entière  de  son  art.  En  vain  espérerail-ou  at- 
teindre à  la  royauté  des  grands  maîtres,  si  l'on  ne  possédait  comme 
eux  toutes  les  ressources  par  lesquelles  ils  ont  développé,  orné,  en- 
richi les  idées  produites  par  d'heureuses  inspirations.  C'est  par  la 
réunion  des  qualités  qui  constituent  l'art  d'écrire  avec  celles  de  l'i- 


3/Ï6 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


magination  que  se  produisent  les  œuvres  qui  passent  d'un  âge  à  un 
autre  sans  rien  perdre  de  leur  valeur. 

L'originalité ,  saisisable  sous  un  point  de  vue  quelconque,  est  une 
des  nécessités  de  l'œuvre  musicale,  pour  lui  donner  la  vitalité.  Cette 
originalité  peut  se  manifester  de  plusieurs  manières,  à  savoir  :  par  la 
nouveauté  de  la  pensée,  par  celle  de  la  forme  dans  son  ensemble  et 
dans  ses  détails,  par  le  caractère  mélodique,  par  la  modulation,  par 
le  rhylhrae,  par  la  variété  des  combinaisons  sonores,  enfin  par  des 
emplois  simultanés  de  plusieurs  de  ces  éléments  caractéristiques. 
Heureux  l'artiste  doué  d'une  puissante  faculté  d'invention  dans  toutes 
les  parties  dont  se  compose  l'immense  domaine  de  l'art,  et  qui  joint 
à  cet  avantage  le  savoir  étendu  qui  seul  fait  le  musicien  complet  ! 
Mais  ce  phénomène  est  si  rare,  qu'on  ne  peut  citer  jusqu'à  ce  jour 
que  Mozart  comme  exemple.  Parmi  les  autres  compositeurs,  les  plus 
célèbres  se  sont  distingués  par  une  qualité  dominante,  ne  possédant 
les  autres  qu'à  un  degré  inférieur.  L'artiste  ne  peut  changer  sa 
nature  ;  il  ne  peut  se  donner  les  facultés  qui  n'appartiennent  pas  à 
son  organisation  ;  mais  il  peut  perfectionner  celles  qui  lui  ont  été 
départies.  C'est  ce  qu'ont  fait  à  différentes  époques  des  hommes  qui 
jouissent  d'une  célébrité  méritée.  Ainsi  Palestrina  reste  le  modèle  du 
sentiment  religieux  uni  à  l'art  d'écrire  le  plus  pur  qu'on  puisse  ima- 
giner ;  Monteverde,  né  pour  la  transformation  radicale  de  la  tonalité 
et  de  l'harmonie  ,  jette  avec  profusion  dans  l'art  des  aperçus  de 
nouveautés  importantes  qu'il  n'a  pas  la  faculté  de  perfectionner  ; 
Alexandre  Scarlatti  devient  le  plus  grand  artiste  de  l'Italie  vers  la  fin 
du  xvn'=  siècle,  par  la  création  de  l'expression  pathétique  dans  le 
drame  musical.  Son  contemporain  Keiser,  plus  varié  dans  la  forme, 
brille  par  l'originalité  de  son  style,  et  crée  une  instrumentation  qui  ne 
ressemble  en  rien  à  ce  qui  a  été  fait  avant  lui.  Jean-Sébastien  Bach, 
le  plus  profond  harmoniste  de  son  temps ,  se  montre  à  la  fois  plein 
de  fantaisie  dans  la  forme,  et  le  plus  puissant  génie  de  combinaison 
dans  les  grandes  masses  ;  Hœndel  n'a  pas  d'égal  pour  le  sentiment 
de  la  grandeur  et  la  puissance  du  rhythme  ;  Gluck  est  le  génie  de  la 
tragédie  lyrique  ;  alliant  la  clarté  ,  la  simplicité  de  la  pensée  à  la 
richesse  d'imagination  dans  les  développements,  Haydn  crée  la  sym- 
phonie et  la  musique  de  chambre  ;  Beethoven,  plein  de  feu  et  doué 
d'un  sentiment  énergique ,  se  fait  remarquer  particulièrement  par  la 
grandeur  des  proportions,  qu'il  pousse  parfois  jusqu'à  l'exagéré.  Tou- 
jours original,  il  manque  assez  souvent  de  goût.  Cherubini,  Charles- 
Marie  de  Weber  et  Mendelssohn  ont  aussi  des  qualités  éminentes  et 
toutes  personnelles,  qui  donnent  à  leur  production,  le  cachet  de  l'in- 
dividualilé ,  et  ne  permettent  pas  de  les  confondre  avec  d'autres. 

En  France,  l'éducation  musicale  a  été  tardive,  et  la  personnalité 
des  compositeurs  ne  s'y  est  pas  caractérisée  d'une  manière  aussi 
précise  que  chez  les  grands  artistes  de  l'Allemagne  et  de  l'Italie  ; 
néanmoins  LuUy,  Rameau,  Philidor,  Monsigny,  Dalayrac,  Méhul, 
Berton,  Boïeldieu,  Hérold,  brillent  tous  par  des  qualités  qui  leur 
sont  particulières,  et  qui  donnent  à  leurs  ouvrages  le  cachet  indi- 
viduel par  lequel  on  les  distingue  l'un  de  l'autre. 

Ainsi  qu'on  le  voit,  je  ne  parle  que  du  passé  :  plusieurs  raisons 
m'y  déterminent,  mais  la  plus  importante  est  que  ce  qui  appartient 
au  passé  est  jugé  d'une  manière  définitive,  ce  qui  n'a  pas  lieu  pour 
les  artistes  vivants,  sur  lesquels  les  opinions  sont  contradictoires  ou 
controversées.  Je  n'ai  cité  aussi  que  les  auteurs  des  grandes  œuvres 
religieuses,  dramatiques  et  instrumentales;  mais  à  côté  d'eux,  et 
dans  des  choses  de  moindres  proportions,  ou  de  musique  que  j'ap- 
pellerai intime,  il  s'est  produit  de  grands  artistes  dont  les  ouvrages 
révèlent  également  quelque  qualité  dominante  qui  a  fait  leur  répu- 
tation. Dans  la  musique  de  clavecin  et  de  piano,  par  exemple,  à  part 
les  hommes  illustres  que  j'ai  déjà  cités,  il  suffit  de  rappeler  les 
noms  de  Couperin  ,  de  Dominique  Scarlatti ,  de  Charles-Philippe- 
Emmanuel  Bach,  créateur  de  la  sonate  moderne,  de  Clémenti,  de 
Dusseck,  de  Hummel  et  de  Chopin,  pour  réveiller  aussitôt  le  sou- 


venir d'autant  de  caractères  différents  de  talent,  tous  distingués,  et 
quelques-uns  de  premier  ordre.  Dans  la  musique  de  violon,  il  en 
est  de  même  de  Corelli,  de  Tartini,  de  Viotli  et  de  plusieurs  autres, 
également  originaux  par  le  sentiment,  par  la  pensée,  ou  par  la 
forme. 

Un  préjugé  s'est  répandu  dans  ces  derniers  temps  et  semble  ac- 
quérir chaque  jour  plus  d'importance  ;  il  consiste  à  dire  que  les 
ressources  de  l'art  s'épuisent  et  qu'il  reste  peu  de  chose  à  faire 
après  les  maîtres  reconnus  comme  classiques.  Combien  de  fois  j'ai 
entendu  dire  :  «  Il  n'y  a  que  huit  notes,  douze  au  plus,  en  comp- 
»  tant  les  demi-tons  :  on  les  a  combinées  de  tant  de  manières,  qu'il 
»  faut  bien  que  les  combinaisons  s'épuisent  et  qu'on  soit  réduit  un 
»  jour  à  refaire  ce  qui  a  été  fait.  »  Ce  langage  prouve  de  la  part 
de  ceux  qui  ie  tiennent  qu'ils  ne  comprennent  pas  l'essence  de  la 
musique,  puisqu'ils  n'y  voient  que  des  combinaisons  de  notes.  Eh 
quoi!  n'ont-ils  jamais  senti  les  énormes  différences  d'impressions 
que  produit  le  même  son  en  raison  de  l'accentuation  que  lui 
donnent  le  sentiment  et  la  passion,  son  mouvement,  le  rhythme 
auquel  il  appartenait,  le  timbre  de  l'orgaue  employé  pour  le  pro- 
duire, etc.  ?  Or,  qu'est-ce  qu'un  son  auprès  de  l'inspiration  poé- 
tique qui  les  associe  l'un  à  l'autre? 

Non,  non,  jeunes  artistes,  ne  vous  laissez  pas  ébranler  par 
ces  fausses  idées  ;  stycz  foi  dans  l'immensité  inépuisable  de  l'art, 
ayez  foi  en  vous-mêmes.  A  ne  considérer  même  que  les  res- 
sources matérielles  de  la  musique  et  le  mécanisme  de  leur  emploi, 
que  de  richesses  encore  inexplorées',!  J'ai  déterminé  à  priori  tout  un 
nouveau  monde  de  successions  harmoniques,  d'oîi  naissent  une 
foule  de  modulations  aussi  pleines  de  charme  que  saisissantes  par 
la  nouveauté,  et  dont  un  très-petit  nombre  seulement  a  été  essayé. 
Tout  cela,  sans  aucun  doute  entrera  avec  le  temps  dans  le  domaine 
de  la  musique.  J'ai  aussi  démontré,  dans  un  travail  spécial,  la 
possibilité  d'une  multitude  de  rhythmes  inconnus  jusqu'à  ce  jour, 
lesquels  offriraient  d'immenses  ressources  de  variétés  de  formes; 
j'en  ai  donné  les  formules.  La  nouveauté  du  sujet  a  causé  partout 
une  vive  émotion  dont  j'ai  reçu  les  témoignages  :  néanmoins,  per- 
sonne, depuis  lors,  n'est  entré  dans  cette  voie.  D'autre  part,  la  fac- 
ture des  instruments  s'est  perfectionnée;  beaucoup  d'instruments 
nouveaux,  différents  de  volume  sonore  et  de  timbre,  ont  été  produits 
depuis  peu.  On  ne  les  a  considérés  jusqu'à  ce  moment  que  comme 
des  acquisitions  de  moyens  bruyants  ;  mais  un  jour  viendra  où  l'on 
comprendra  qu'on  en  peut  faire  des  organes  d'accentuation  et  d'oppo- 
sition, en  les  employant  par  familles  de  timbres  divers.  Rien  de  tout 
cela  ne  peut  remplacer  la  pensée  musicale,  dira-t-on.  Mon  Dieu  ! 
personne  n'en  est  plus  convaincu  que  moi  ;  mais  on  y  trouvera  des 
ressources  de  variété  d'accentuation  pour  cette  pensée.  Lorsque  les 
instruments  à  vent  s'introduisirent  dans  l'orchestre,  jusqu'alors  réduit 
au  quatuor  d'instruments  à  archet,  il  ne  manqua  pas  de  détracteurs  de 
cette  nouveauté.  La  musique  n'a  que  faire  de  tout  cet  attirail,  disait- 
on.  Laisses  le  hautbois  et  la  flûte  aux  bergers,  le  cor  à  la  chasse, 
et  la  trompette  à  la  guerre.  Quand  on  eut  tout  dit,  ces  instruments 
et  d'autres  restèrent  dans  l'orchestre.  Qui  ne  sait  aujourd'hui  les  sai- 
sissantes impressions  qui  ont  été  produites  par  eux?  Il  y  a  d'adora- 
bles beautés  dans  un  quatuor  de  Haydn,  de  Mozart  et  de  Beethoven, 
exécuté  par  deux  violons,  un  alto  et  un  violoncelle  ;  mais  ces  beau- 
tés appartiennent  à  un  autre  ordre  d'idées  que  les  symphonies  de 
ces  grands  hommes. 

Jeunes  compositeurs,  ne  repoussez  donc  rien  des  nouveaux  éléments 
qui  vous  sont  offerts,  mais  ne  vous  trompez  pas  sur  l'emploi  que 
vous  devez  en  faire  ;  ne  leur  accordez  pas  trop  d'importance,  et, 
surtout,  gardez-vous  de  formuler  votre  pensée  d'après  ces  moyens. 
Etudiez  le  caractère  de  votre  talent,  et  lorsque  vous  aurez  assez  pro- 
duit pour  le  connaître,  perfectionnez  par  la  méditation  les  qualités 
qui  donneront  de  la  valeur  à  vos  œuvres.  On  n'arrive  pas  à  ce  qu'on 


DE  PARIS. 


347 


cherche  du  premier  coup.  Le  moment  de  la  production  est  toujours 
jusqu'à  certain  point  une  fièvre,  et  tout  paraît  bon  au  moment  où 
l'on  pose  la  plume  ;  mais  il  faut  laisser  reposer  l'ouvrage  jusqu'à  ce 
qu'un  autre  vienne  occuper  la  pensée  ;  alors  on  peut  le  revoir,  la 
fièvre  est  passée  et  la  raison  est  venue  :  c'est  elle  qui  châtie  les 
écarts  de  l'imagination.  La  méthode  que  j'indique  était  celle  de  Haydn. 
Gardez-vous,  si  vous  aspirez  aux  succès  réels  et  sérieux,  de  l'excès 
de  confiance  que  montre  trop  souvent  la  jeunesse  dans  ses  forces,  et 
souvenez-vous  que  les  plus  beaux  ouvrages  des  plus  grands  artistes  ap- 
partiennent à  la  maturité  de  leur  âge  et  de  leur  talent.  On  se  persuade 
volontiers  que  la  vitalité  inhérente  à  la  jeunesse  est  le  génie  :  cette 
erreur  a  perdu  plus  d'un  artiste  destiné  par  la  nature  à  se  distinguer. 
Mozart,  le  grand,  le  sublime  Mozart,  nous  donne  à  cet  égard  une 
grande  et  belle  leçon.  Plus  que  tout  autre  sa  jeunesse  avait  été  pré- 
coce ;  à  un  âge  où  l'on  commence  à  peine  l'étude  de  la  composition, 
il  était  considéré  comme  un  maître  par  les  plus  grands  musiciens,  et 
l'Italie  avait  applaudi  trois  de  ses  opéras  ;  eh  bien,  quinze  ans  après, 
ayant  produit  Idoménée,  V Enlèvement  du  sérail,  les  Noces  de  Figaro 
et  Don  Juan,  il  disait  à  un  musicien  de  Prague,  émerveillé  de  ce 
dernier  ouvrage  qu'il  venait  d'entendre  à  la  répétition  :  c  Oui,  je  suis 
sûr  de  moi  maintenant.  J'ai  beaucoup  travaillé  depuis  dix  ans  à  per- 
fectionner mon  style,  et  je  crois  que  désormais  j'écrirai  de  bonnes 
choses.  I)  Ce  même  grand  homme,  quelques  années  après,  au  mo- 
ment où  il  expirait,  à  l'âge  de  moins  de  trente-six  ans,  témoignait 
la  crainte  de  n'avoir  pas  fait  assez  pour  sa  gloire  ! 

Il  y  a  loin  de  là,  jeunes  artistes,  aux  allures  de  notre  temps.  Aucun 
de  vous  n'a  fait  à' Idoménée,  de  Noces  de  Figaro  ni  de  Don  Juan,  ce 
qui  n'empêche  ni  certains  journaux  de  vous  traiter  d'éminents  et 
d'illustres,  ni,  vous,  d'accepter  ce  ridicule  sans  la  moindre  répugnance. 
L'orgueil  est,  je  le  sais,  une  des  maladies  les  plus  invétérées  de  notre 
époque  ;  cependant  il  est  impossible  que  vous  vous  persuadiez  que 
pour  le  peu  que  vous  avez  fait,  vous  êtes  éminents  ou  illustres.  La 
postérité  seule  a  le  droit  de  qualifier  ainsi  les  hommes  dont  les  œu- 
vres importantes  ont  subi  l'épreuve  du  temps  et  sont  encore  accueillies, 
après  plusieurs  générations,  par  des  témoignages  d'admiration.  Croyez- 
moi,  revenons  à  la  dignité  des  vrais  artistes,  occupons-nous  de  l'art 
sérieux,  et  repoussons  ces  flagorneries  qui  se  prodiguent  à  tous  ve- 
nants, car  il  y  a  aujourd'hui  d'illustres  saltimbanques. 

A  l'œuvre,  à  l'œuvre  !  travaillons  avec  dévouement  comme  les 
grands  hommes  qui  nous  ont  précédés  ;  aimons  notre  art  divin,  et 
recherchons  en  lui  de  pures  jouissances  qui  nous  indemnisent  des 
misères  de  la  vie  réelle. 

FÉTIS  père. 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  DE  L'OPÉRA. 

Villaret  dans  in  tfttive. 

Il  y  a  deux  mois  à  peine,  Villaret,  dont  l'avènement  théâtral  est 
si  récent,  s'essayait  dans  son  troisième  rôle,  celui  de  Manrique  du 
Trouvère,  après  avoir  chanté  Arnold  de  Guillaume  Tell  et  Henri  des 
Vêpres  sicilimnes.  Comme  nous  le  faisions  remarquer  alors,  il  n'é- 
tait pas  encore  sorti  de  l'Italie  et  il  lui  restait  à  se  montrer  dans  le  drame 
lyrique  français.  Villaret,  disions-nons,  a  marché  jusqu'ici  d'un  pas 
tranquille,  mais  sûr,  et  il  a  réussi  dans  tout  ce  qu'il  a  entrepris. 
Cette  dernière  épreuve,  qu'il  avait  à  tenter,  il  vient  de  la  subir  avec 
autant  de  bonheur  que  de  talent!  11  en  est  sorti  victorieux,  et  la  ma- 
nière dont  il  a  rempli  le  rôle  d'Eléazar  dans  la  Juive  ne  laisse  plus 
de  doute  sur  sa  vocation. 

Tout  le  monde  savait  d'avance  que  l'artiste  chanterait  bien  ce 
rôle,  porté  si  haut  par  Adolphe  Nourrit  et  par  Duprez.  Cependant 
on  était  encore  loin  de  compte,  et  on  n'a  pu  se  défendre  d'un  mou- 


vement de  surprise  en  entendant  Villaret  donner  à  pleine  poitrine 
la  belle  phrase  du  finale  du  premier  acte  :  O  ma  fille  chérie,  mon 
seul  bien,  mon  espoii  !  Dans  le  second  acte,  l'artiste  n'a  pas  moins 
bien  dit  l'air  delà  Pâque,  le  trio  avec  Eudoxie  et  Léopold.  C'est  là  que 
ses  progrès  dramatiques  ont  commencé  à  se  manifester.  Ils  se  sont 
produits  avec  plus  d'évidence  encore  dans  tout  le  trio  final,  et  le 
chanteur  a  remporté  un  triomphe  complet  par  l'énergie  avec  laquelle 
il  a  lancé  l'anathème  :  Chrétien  sacrilège  et  que  l'enfer  protège. 
On  l'attendait  au  grand  air  du  quatrième  acte  :  Rachel,  quand  du 
Seigneur  la  grâce  tutélaire,  et  Villaret  l'a  chanté  avec  une  facilité, 
un  charme  qui  ont  mis  en  relief  toutes  les  précieuses  ressources  de 
sa  voix.  Interrompu  à  plusieurs  reprises  par  les  bravos  de  la  salle 
entière,  l'artiste  a  été  rappelé  à  grands  cris,  rappelé  deux  fois  de 
suite  et  salué  par  d'unanimes  acclamations. 

Quand  on  songe  que  Villaret  ne  compte  pas  une  année  de  théâtre, 
et  que  si  peu  de  temps  lui  a  suffi  pour  se  faire  une  belle  place  sur 
notre  première  scène  lyrique,  lui  qui  vivait  dans  un  milieu  tout 
autre,  on  ne  peut  qu'admirer  les  rares  facultés  dont  l'avait  doué  la 
nature.  Le  génie  vocal  était  en  lui,  cela  n'est  pas  douteux,  mais  l'ac- 
teur était  entièrement  à  faire,  et  il  s'est  développé,  animé  avec  une 
promptitude  sans  exemple  ;  quelques  efforts  de  plus,  et  tout  sera  dit. 
La  physionomie  de  Villaret,  sa  tenue,  ses  gestes  ont  été  excellents, 
et  n'ont  donné  prise  à  aucun  reproche  ;  il  ne  s'agit  que  d'en  accuser 
encore  un  peu  plus  fortement  quelques  traits. 

Jamais  plus  belle  voix  que  celle  de  Mlle  Marie  Sax  ne  s'est  dé- 
ployée dans  le  rôle  de  Rachel  :  aussi  a-t-elle  obtenu  un  succès  que 
celui  de  Villaret  n'a  pas  diminué,  tout  au  contraire.  Les  deux  artistes 
se  soutenaient  mutuellement,  quoiqu'à  vrai  dire  la  peur  à  laquelle  ils 
étaient  en  proie  eût  fort  bien  pu  les  faire  chanceler.  Et  comment 
peut-on  chanter  avec  tant  d'éclat,  lorsque  l'émotion  vous  serre  le 
gosier  et  vous  ferme  la  bouche? 

La  représentation  du  chef-d'œuvre  de  Scribe  et  d'Halévy,  ces 
deux  morts  immortels,  avait  quelque  chose  d'imposant  :  on  retrou- 
vait, non  sans  une  vive  impression,  ce  drame  attachant,  cette  mu- 
sique inspirée  et  cette  mise  en  scène  pittoresque- qui  ont  fait  de  la 
première  représentation  de  la  Juive  une  des  époques  de  nos  annales 
lyriques.  Aujourd'hui  le  temps  nous  manque  pour  entrer  dans  les 
détails  :  disons  seulement  que  Mme  Vandenheuvel-Duprez,  Belval  et 
Warot  ont  aussi  mérité  des  suffrages  dans  les  rôles  d'Eudoxie,  du 
cardinal  Brogni  et  de  Léopold. 

11  y  a  eu  quelques  fausses  notes  commises  par  les  cors  et  les  haut- 
bois :  nous  les  attribuons  à  la  température,  et  nous  voudrions  qu'on 
pût  en  dire  autant  de  celles  dont  quelques  coryphées  se  sont  rendus 
coupables. 

P.  S. 


THÉÂTRE  IMPÉRIAL  ITALIEN, 

Début   de   Fraschlnl  et   de  Uorelll  dans  Miucia  ai 
MtnwmnevtMoor. 

Depuis  plus  de  vingt  ans  on  nous  parlait  de  Fraschini,  et  nous  ne 
le  connaissions  pas  encore.  Depuis  huit  jours  que  nous  l'avons  en- 
tendu, nous  avons  peine  à  concevoir  qu'un  tel  artiste  se  soit  dérobé  si 
longtemps  à  notre  admiration,  à  notre  enthousiasme.  Il  faut  donc  que 
la  renommée,  qui  si  souvent  exagère,  n'ait  pas  cette  fois  atteint  la 
vérité;  il  faut  que  les  directeurs  aient  été  bien  né^;Iigents,  ou  Fras- 
chini bien  dédaigneux.  11  n'avait  pas  besoin  de  nous,  c'est  vrai, 
pour  se  faire  une  existence  magnifique  et  pour  arriver  à  dire  comme 
cet  autre  :  Amphion  Thebas,  ego  dotnmn  ;  Amphion  a  bâti  Thèbes, 
et  moi  ma  maison.  Encore  une  maison,  ce  serait  peu,  et  Fraschini 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


pourrait  dire  des  maisons,  des  villas,  des  palais  !  Mais  les  directeurs 
qui  se  seraient  enricliis  grâce  à  lui,  et  qui  ne  méprisent  pas  ce 
genre  d'agrément ,  ont  donc  manqué  de  sagacité,  d'éloquence? 
M.  Bagier,  qui  possédait  Fraschini  dans  sa  troupe  de  VOriente  à 
Madrid,  a  réussi  enfin  à  le  conduire  chez  nous;  mais  on  assure  que 
ce  n'est  pas  sans  peine,  et  que,  la  veille  de  son  début,  l'artiste  offrait 
à  son  directeur  100,000  francs  pour  s'en  dispenser.  100,000  francs, 
la  somme  est  ronde  et  jolie  :  seulement  le  directeur  savait  qu'en  te- 
nant son  marché,  il  gagnerait  bien  davantage. 

M.  Fétis,  notre  savant  et  illustre  collaborateur,  dans  le  tome  III 
de  sa  Biographie  universelle  des  musiciens  ,  publié  l'année  der- 
nière, s'exprimait  en  ces  termes  sur  le  célèbre  artiste  : 

«  Fraschini  (Gaetano),  ténor  dramatique,  né  à  Pavie  en  1815, 
se  livra  d'abord  à  l'étude  de  la  médecine;  mais,  doué  d'une  des 
voix  de  ténor  les  plus  puissantes  qu'on  ait  entendues  au  théâtre ,  il 
résolut  de  la  cultiver  et  prit  des  leçons  d'un  maître  nommé 
Moretli,  qui  lui  fit  faire  de  rapides  progrès.  En  1837,  Fraschini  fit 
l'essai  de  son  puissant  organe  vocal  dans  la  cathédrale  de  Pavie  ; 
l'effet  qu'il  produisit  le  fit  engager  immédiatement  pour  chanter  à 
Pavie  le  second  ténor  dans  le  Belisario  de  Donizetti,  puis  à  la  foire 
de  Bergame,  le  rôle  de  Rodrigo  dans  VOtello  de  Rossini.  Etonné  de 
trouver  un  pareil  rival,  ï'Otello,  qui,  je  crois,  était  Poggi,  ne  dut 
pas  lui  dire  avec  trop  d'assurance  dans  la  belle  scène  du  second 
acte,  ti  dispresso  (je  te  méprise).  En  1840,  Fraschini  chanta  au 
théâtre  de  la  Scala  de  Milan  et  y  produisit  une  profonde  impression. 
De  là,  il  alla  à  Naples  et  fut  attaché  pendant  plusieurs  années  au 
théâtre  Saint-Charles.  Je  l'y  trouvai  en  1841  :  il  remplissait  cette 
vaste  salle  de  sa  voix  formidable  et  attaquait  les  notes  les  plus  aiguës 
avec  une  énergie  extraordinaire.  Je  le  retrouvai  à  Bergame  en  1850, 
et  fus  frappé  de  retrouver  sa  solide  voix,  qui  n'avait  rien  perdu  de 
sa  fraîcheur,  en  dépit  de  la  musique  exagérée  sur  laquelle  il  avait 
dû  s'exercer  depuis  neuf  ans;  mais  il  avait  appris  à  mieux  chanter. 
Les  villes  où  il  s'est  fait  entendre  sont  Milan,  Naples,  Bologne,  Ve- 
nise, Turin,  Padoue,  Vicence,  Londres,  Bergame,  Vienne,  où  il  est 
retourné  plusieurs  fois  et  où  il  se  soutenait  dans  la  faveur  du  pu- 
blic, en  1852.  » 

L'appréciation  de  M.  Fétis  est  celle  d'un  grand  maître ,  et  la  ma- 
nière dont  il  caractérise  Fraschini  fournit  une  preuve  de  plus  à 
l'appui  de  la  sûreté  de  son  goût.  Depuis  1852,  Fraschini  s'est  en 
quelque  sorte  naturalisé  en  Espagne ,  en  Portugal  :  la  France  restait 
pour  lui  en  dehors  de  la  carte.  M.  Bagier  a  si  bien  fait  que  le  voilà  en- 
tré dans  Paris,  et  impatronisé  en  quelques  heures.  Jamais  nous  n'avons 
assisté  à  un  succès  plus  incontesté,  plus  rapide.  Nous  avons  par 
devers  nous  dans  nos  souvenirs  une  riche  collection  de  ténors,  et 
dans  Lucia  notamment,  nous  avons  entendu  tous  ceux  qui  se  sont 
présentés,  y  compris  Rubini,  Duprez,  Mario,  Moriani,  et  tant  d'autres 
dont  la  liste  ne  finirait  pas.  Sans  user  de  parallèles  blessants  et 
inutiles,  nous  dirons  que  Fraschini  est  égal  au  meilleur,  supérieur  à  tous 
par  les  admirables  qualités  de  sa  voix.  On  a  pu  en  juger  dès  son 
entrée  au  premier  acte.  Malgré  la  peur  qui  l'étranglait,  cette  voix 
sortait  toujours  pure,  onctueuse  et  puissante:  toutes  les  notes  en  étaient 
liées,  homogènes ,  et  pas  une  ne  se  heurtait  contre  l'autre.  L'expres- 
sion générale  de  son  chant  réalisait  l'idéal  du  personnage.  Le  bruit 
avait  couru  que  Fraschini  ne  se  souciait  ni  du  costume,  ni  du  jeu 
dramatique:  il  aurait  donc  fait  encore,  à  ce  point  de  vue,  d'immenses 
progrès  ,  car  jamais  nous  n'avons  rencontré  d'artiste  satisfaisant 
mieux  que  Fraschini  à  toutes  les  conditions  du  rôle.  Il  a  joué,  dé- 
clamé, chanté  la  scène  finale  du  second  acte  avec  le  plus  grand  effet  : 
il  a  dit  admirablement  le  terrible  4^-'  makdeita  !  et  le  dernier 
acte  a  été  le  complément  de  son  beau  succès. 

C'était  encore  Mme  Anne  de  la  Grange  qui  remplissait  le  rôle  de 
Lucia,  après  avoir  joué  dans  la  Traviata  et  dans  Rigoletto.  Depuis 


le  jour  de  l'ouverture  du  théâtre,  elle  n'a  cessé  d'être  sur  la  brèche  ; 
son  dévouement  ne  le  cède  en  rien  à  son  talent.  Ce  talent  s'est 
montré  avec  éclat  dans  Lucia  ;  mais  on  aurait  voulu  qu'elle  se  sou- 
vînt moins  de  sa  prodigieuse  vocalisation  dans  la  scène  de  folie  et 
qu'elle  y  chantât  plus  simplement. 

Un  débutant  du  nom  de  Morelli,  mais  n'ayant  rien  de  commun 
avec  le  Morelli  qui,  du  théâtre  Italien,  où  il  était  d'abord,  avait  passé 
au  grand  Opéra  français,  s'essayait  dans  le  rôle  d'Ashton.  Sa  voix 
est  pesante  et  dure  ;  sa  physionomie  ressemble  beaucoup  à  sa  voix: 
on  l'a  reçu  avec  une  froideur  marquée.  Bouché,  qui  a  marché  dans 
un  tout  autre  sens  que  l'ancien  Morelli,  en  quittant  la  France  pour 
l'Italie,  nous  revenait  dans  le  rôle  du  vénérable  Raimondo.  11  l'a 
chanté  avec  une  bonne  voix  et  un  accent  de  douleur  profonde,  trop 
profonde  peut-être  :  il  y  a  des  économies  à  faire  sur  ce  chapitre. 
Un  jeune  chanteur,  qui,  formé  au  Conservatoire  de  Paris,  comme 
Nicolas,  a  été  ensuite  comme  lai,  en  Italie,  M.  Leroy,  nous  a  semblé 
offrir  le  meilleur  spécimen  d'Arturo  qu'il  fût  possible  de  désirer. 
L'orchestre  et  les  chœurs  font  de  leur  mieux  sous  des  chefs  intelli- 
gents, et  ce  mieux  est  réellement  bien. 


CONCERTS  POPULAIRES  DE  KUSIQUE  CUSSIQUE 

An  Ciriine  IVapoléon. 

M.  Pasdeloup  a  repris  dimanche  dernier  ses  concerts  vraiment  po- 
pulaires, et  une  foule  immense  s'est  trouvée  fidèle  au  rendez -vous. 
Le  programme  était  excellent,  et  nous  en  dirons  autant  de  l'exécution. 
Jamais,  en  aucun  lieu  du  monde,  le  Songe  d'une  nuit  d'été,  de  Men- 
delssohn,  n'a  pu  être  rendu  avec  plus  d'intelligence,  de  délicatesse 
et  de  fini.  Dans  la  même  séance,  nous  avons  entendu  pour  la  pre- 
mière fois  une  symphonie  d'Haydn,  en  ré  majeur,  n»  43,  et  nous 
ne  connaissons  rien  de  plus  charmant  que  cette  œuvre  d'une  simpli- 
cité naïve  et  juvénile.  Depuis  la  dernière  saison,  le  fondateur  des 
concerts  populaires  a  reçu  la  juste  récompense  de  ses  services  :  l'Em- 
pereur l'a  décoré  de  la  Légion  d'honneur  ;  les  artistes  de  son  or- 
chestre ont  voulu  s'associer  à  cette  distinction,  dont  l'éclat  rejaillit 
sur  eux-mêmes.  A  la  répétition  qui  précédait  le  premier  concert,  ils 
ont  offert  à  leur  jeune  et  glorieux  chef  une  croix  en  diamants.  C'est 
un  témoignage  nouveau  de  leur  entente  cordiale. 

Paul  SMITH. 


BEVDE  CRITIQUE. 

F.  Scliœn.  —  Berceuse  ;  Souvenir  de  Berlin  ,  pour  piano. 

Nous  avons  affaire  ici  à  une  individualité  nouvelle,  et  qui  se  mani- 
feste d'une  façon  vraiment  peu  ordinaire.  Nous  connaissions  déji  M.  F. 
Schœn  comme  un  pianiste  très-distingué  ;  mais  nous  n'avions  encore  vu 
aucune  de  ses  compositions.  Il  entre  en  lice  armé  de  toutes  pièces,  et 
son  coup  d'essai  nous  semble  être  un  coup  de  maître.  Sa  Berceuse,  dont 
le  titre  pourrait  faire  croire  à  un  emprunt  fait  au  Pardon  de  Ploërmel, 
ne  rappelle  cependant  en  rien  la  mélodie  du  célèbre  auteur  de  Robert 
le  Diable.  C'est  une  inspiration  toute  personnelle  et  toute  frappée  au 
coin  de  l'originalité  la  mieux  accusée.  On  imaginerait  difficilement 
quelque  chose  de  plus  gracieux  et  de  plus  mélodique  que  le  début  de 
cet  andanlino  écrit  en  entier  sur  un  mouvement  de  six-huit.  Point  de 
monotonie  pourtant  dans  l'ensemble  du  morceau,  parce  qu'il  est  court, 
et  qu'il  tient  continuellement  l'attention  en  éveil  par  des  détails  d'une 
variété,  d'une  saveur  remarquables.  Les  marches  d'harmonie  y  sont 
excessivement  soignées,  et  les  basses  y  jouent  un  grand  rôle.  Nous  le 
répétons,  cette  première  page  de  M.  F.  Sctiœn  est  si  bien  venue,  et 
dénote  de  si  heureuses  inspirations  unies  à  une  science  si  consommée, 
qu'on  est  tout  étonné  de  se  trouver  en  face  d'un  débutant  dans  la  car- 
rière de  compositeur. 

Le  Souvenir  de  Berlin  est  d'un  tout  autre  genre  que  la  Berceuse,  et 


DS  PARIS. 


349 


nous  ne  pouvons  que  nous  féliciter  de  ce  contraste  qui  nous  présente 
M.  F.  Schœn  sous  deux  points  de  vue  très- différents  l'un  de  l'autre. 
Ce  second  morceau  est  une  mazurka  brillante,  au  rhythme  piquant,  aux 
modulations  imprévues,  aux  développements  pleins  d'élégance  et  de 
franchise.  L'harmonie,  moins  plantureuse  peut-être  que  celle  de  la 
charmante  mélodie  dont  nous  avons  parlé  d'abord,  n'est  pas  travaillée 
avec  moins  de  conscience  et  n'excite  pas  un  moins  vif  intérêt.  Par 
exemple,  les  difficultés  ne  manquent  pas  dans  ces  deux  morceaux,  et 
les  rendent  impropres  à  être  traduits  dignement  par  des  mains  peu 
exercées.  Ce  n'est  pas  trop  du  talent  d'exécution  de  M.  F.  Schœn  pour 
les  faire  valoir  comme  il  convient.  Déjà,  l'hiver  dernier,  ils  ont  été  le 
principal  attrait  de  son  concert  annuel  ;  espérons  qu'il  renouvellera 
cette  épreuve  l'hiver  prochain,  et  qu'il  assurera  ainsi  leur  succès  dé- 
finitif. 


Ed.  JSnyders.  —  Les  Dragons  de  Villabs,  petite  fantaisie 
pour  piano. 

Si  jamais  opéra  a  enfanté  de  nombreuses  transcriptions,  c'est  à  coup 
sûr  celui  d'Aimé  Maillart,  qui  en  compte  autant  qu'il  a  de  charmantes 
mélodies,  et  ce  n'est  pas  peu  dire.  Mais  puisque  toutes  sont  d'une 
exécution  brillante,  à  laquelle  ne  peuvent  atteindre  les  jeunes  élèves, 
c'est  donc  une  heureuse  idée  ,  dont  nous  devons  tenir  compte  à 
M.  Edouard  Snyders,  d'avoir  songé  aux  commerçants,  en  leur  consa- 
crant une  petite  fantaisie,  qui  rappelle  les  principaux  motifs  des 
Dragons  de  Villars,  la  marche  de  l'ouverture,  le  duo  du  premier  acte, 
la  pastorale,  la  romance  de  Sylvain,  le  chœur  des  dragons,  et  bien 
d'autres  piquants  détails,  arrangés  avec  goût  et  enchaînés  avec  art.  Sous 
de  pareils  auspices,  il  est  impossible  que  cette  petite  fantaisie  ne  soit 
pas  accueillie  avec  faveur  et  ne  fasse  pas  un  chemin  rapide. 


Tbécla  Badarzeivsksi.  —  La  Prière  d'une  vierge, 

morceau  de  salon  pour  piano  {édition  facile). 

Tout  a  été  dit  sur  cette  charmante  mélodie,  qui,  après  avoir  fait  le 
tour  de  l'Allemagne,  est  venue  recueillir  les  bravos  de  la  France.  Il  y  a 
peu  d'exempler,  d'un  pareil  succès,  et  pourtant  de  quoi  s'agit-il?  D'un 
thème  fort  court,  avec  cinq  ou  six  variations.  Mais  ce  thème  est  un 
joyau  mélodique,  bien  préférable  à  certains  morceaux  ambitieux  dont 
on  donnerait  volontiers  toute  la  science  pour  une  simple  inspiration 
de  huit  mesures,  allant  tout  droit  à  l'âme  comme  la  Prière  d'une  vierge. 
Ne  soyons  donc  pas  trop  surpris  de  toutes  les  transcriptions  que  cette 
œuvre  a  suscitées.  Il  n'y  manquait  qu'un  arrangement  simplifié,  acces- 
sible à  tous,  et  respectant  néanmoins  l'harmonie  primitive.  C'est  cette 
lacune  qui  vient  d'être  comblée  avec  tout  le  soin  qu'imposait  une  pa- 
reille tâche,  dont  nous  félicitons  sincèrement  l'arrangeur  anonyme. 


Ernest  Depais.  —  Fantaisie  sur  lés  Bavards,  d'Offenbaoli,  pour  violon 


J.  Cb.  Hess.  - 
liecarpentïer. 

pour  piano. 


Les  Bavards,  fantaisie  pour  piano. 
—  Les  Bavards,  Stradella,   192«  et  193° 


Personne  n'a  oublié  la  vogue  dont  a  joui,  l'hiver  dernier,  au  théâtre 
des  Bouffes-Parisiens,  l'opérette  ou  plutôt  l'opéra-comique  de  Jacques 
Offenbach,  intitulé  les  Bavards.  Certes,  nous  ne  contesterons  pas  que 
Mme  Ugalde  ait  été  pour  une  part  quelconque  dans  le  grand  succès 
de  cet  ouvrage.  Toutes  les  fois  que  cette  éminente  cantatrice  a  fait  une 
création,  il  a  fallu  nécessairement  compter  avec  elle,  et  le  rôle  de  Ro- 
land, comme  tant  d'autres,  a  emprunté  à  son  talent  un  certain  prestige. 
Mais,  disons-le  bien  haut,  parce  que  c'estia  vérité,  la  partition  d'Offen- 
bach  avait  par  elle-même  tout  ce  qu'il  faut  pour  réussir  sans  le  secours 
d'aucune  étoile.  Toute  la  presse  en  a  jugé  ainsi  et  a  mis  cet  opéra  au  ni- 
veau des  meilleurs  de  l'auteur  d'Orphée  aux  enfers.  Il  n'y  a  donc  pas 
lieu  de  s'étonner  si  les  Bavards  sont  traités  avec  les  mêmes  égards  que 
certaines  œuvres  d'élite,  représentées  sur  des  théâtres  plus  importants, 
et  si,  comme  à  celles-là,  on  leur  fait  les  honneurs  de  transcriptions  et 
d'arrangements  destinés  k  en  rappeler  le  souvenir  à  leurs  nombreux 
applaudi^seurs.  Nous  avons  sous  les  yeux  quatre  morceaux  de  ce  genre, 
inspirés  par  les  plus  jolis  motifs  de  la  pièce  des  Boufles-Parisiens.  Le 
plus  important  est  une  Fantaisie  brillante  et  concertante,  en  la  majeur,  pour 
piano  et  violon,  par  M.  Ernest  Depas,  membre  correspondant  de  la  So- 
ciété libre  d'émulation  de  Liège.  Cette  Fantaisie,  qui  est  exempte  de  dif- 
ficultés, est  faite  cependant  avec  une  parfaite  entente  des  ressources 
dont  les  deux  instruments  auxquels  l'exécutioa  en  est  confiée,  sont 
susceptibles.  Quoique  le  violon  soit  un  peu  mieux  partagé  dans  la  dis- 


pensation  du  chant,  le  piano  n'en  a  pas  moins  de  fréquentes  occasions 
d'intervenir  avec  avantage,  notamment  dans  la  célèbre  chanson  de 
table,  dont  le  motif  lui  est  abandonné. 

C'est  cette  même  mélodie,  si  neuve  et  si  gracieuse,  qui  forme  l'introduction 
de  la  Fantaisie  pour  piano  que  M.  J.-Ch.  tless  a  écrite  sur  les  Bavards, 
et  qui  est  ramenée  au  milieu  du  morceau  sous  forme  d'andantino  bril- 
lant. Un  autre  attrait  de  cette  Fantaisie,  c'est  la  transcription  de  la 
romanes  :  Sans  aimer,  ah  !  peut-on  vivre  ?  Tout  cela  est  travaillé  avec 
beaucoup  de  goût  et  d'habileté.  On  y  sent  toujours  l'inspiration  du 
compositeur  sous  l'arrangement  du  transcripteur.  Aussi  faut-il  être  déjà 
d'une  moyenne  force  pour  aborder  ce  morceau,  riche  de  détails  et  de 
combinaisons  harmoniques  qui  lui  donnent  une  grande  valeur. 

Signalons  aussi  une  Bagatelle  de  M.  Lecarpentier,  qui,  selon  son 
usage,  l'a  tracée  en  vue  des  pianistes  débutants.  On  retrouve  dans  ce 
dernier  travail,  très -agréable  et  très-soigneusement  fait,  le  finale  du 
deuxième  acte,  la  chanson  de  table  et  un  chœur  avec  couplets  comiques. 
C'est  un  véritable  tour  de  force  que  cet  arrangement,  où  la  simplifica- 
tion du  transcripteur  ne  fait  aucun  tort  à  la  pensée  de  l'auteur. 

Mais  puisque  nous  trouvons  IVI.  Lecarpentier,  nous  ne  le  quitterons 
pas,  quoique  la  place  soit  assez  mal  choisie,  sans  lui  adresser  nos 
compliments  sur  sa  cent  quatre-vingt-treizième  Bagatelle,  arrangée  d'a- 
près des  motifs  de  Stradella.  Un  peu  plus  compliquée  que  la  précédente, 
elle  est  néanmoins  d'un  abord  convenable  pour  les  jeunps  élèves.  De 
plus,  le  choix  des  motifs,  triés  parmi  les  plus  charmants  de  l'opéra 
de  M.  de  Flotow,  la  rend  fort  attrayante  et  la  recommande  aux  ama- 
teurs qui  ont  suivi  depuis  deux  ans  les  soirées  du  théâtre  Italien. 


NOUVELLES. 


***  Dimanche  dernier,  le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  la 
Muette.  Lundi,  les  Huguenots  n'avaient  pas  attiré  moins  de  monde  que 
le  vendredi  précédent,  et  la  représentation  a  été  excellente.  —  Mer- 
credi, le  Comte  Ory  et  Diavolina,  ballet  dans  lequel  Mlle  Vernon  suc- 
cédait à  Mlle  Mouravief.  —  Enfin,  vendredi,  la  Juive,  dans  laquelle 
Villaret  a  chanté  le  rôle  d'Eléazar. 

^*^  Aujourd'hui  dimanche,  par  extraordin.^ire,  les  Huguenots. 

,*^  On  répète  activement  Muïse.  —  Bientôt  Mlle  Wertheimber  chan- 
tera le  rôle  de  Fidès  dans  le  Prophète. 

/"g,  Les  constructions  de  la  nouvelle  salle  de  l'Opéra  avancent 
visiblement  ;  les  sept  arcades  de  l'entrée  principale  reçoivent  en 
ce  moment  leurs  cintres.  Ces  arcades  sont  précédées  d'un  perron  de 
huit  marches.  C'est,  en  d'autres  termes,  le  rez-de-chaussée  du  nouvel 
Opéra,  qui  se  termine  en  élévation.  Sur  ces  sept  arcades,  surmontées 
d'un  vigoureux  entablement,  va  s'élever  la  grande  colonnade  couplée  à 
peu  près  comme  celle  du  Louvre. 

^*^  La  représentation  donnée  samedi  au  théâtre  de  l'Opéra-Comique,  au 
bénéfice  de  l'association  des  artistes  dramatiques,  a  été  fort  brillante  et 
avait  attiré  beaucoup  de  monde.  Outre  l'attrait  de  voir  Samson  et 
les  meilleurs  acteurs  de  la  Comédie-Française  dans  le  Uourgeois  gentil- 
homme l'opéra  y  était  représenté  par  ses  plus  charmantes  danseuses,  et 
la  soirée  était  fort  gaiement  terminée  par  une  excellente  représentation 
du  Tableau  parlant,  interprété  avec  autant  d'esprit  que  d'entrain  par 
Sainte  Foy,  Ponchard  et  Mlle  Girard. 

a,**  On  a  revu  avec  grand  plaisir  Montaubry  dans  le  Postillon  de  Long- 
jumeau,  qu'il  chante  et  joue  avec   beaucoup  d'esprit  et   d'entrain. 

^*^  L'opéra  d'Adam  est  accompagné  de  la  Servante  maîtresse,  l'un  des 
meilleurs  rôles  de  Mme  Galli-Marié. 

^*^  Le  Domino  noir  continue  à  remplir  la  salle  du  théâtre  impérial 
de  l'Opéra-Comique.  Achard  et  Mlle  Cico  s'y  font  applaudir  chaque 
soir.  —  Lundi,  Montaubry  reparaîtra  dans  Zampa,  dont  le  congé  pris 
par  l'artiste  avait  interrompu  les  représentations  au  milieu  de  leur 
succès.  Mlle  Monrose  y  chantera  le  rôle  de  Camille. 

*'**  Après  la  Fiancée  du  roi  de  Garbes,  qui  ne  tardera  pas  à  faire  son 
apparition,  viendra  l'opéra  eu  trois  actes  de  Maillart,  Lara;  puis  on  mon- 
tera le  capitaine  Henriot,  en  trois  actes  également,  paroles  de  MM.  Dumas 
et  de  Leuven,  musique  de  Gevaert. 

^*^  Le  ténor  Fraschini  a  de  nouveau  chanté,  jeudi,  dans  la  Lucia;  tout 
à  fait  maître  de  lui,  le  célèbre  ténor  a  produit  encore  plus  d'effet 
qu'aux  représentations  précédentes.  Hier  il  a  continué  ses  débuts  dans 
Poliuto  ;  Mme  Julienne  Dejean  y  commençait  les  siens  par  le  rôle  de 
Pauline  ;  nous  en  rendrons  compte  dimanche  prochain.  —  M.  Bagier  a 
engagé  un  nouveau  ténor,  M.  Agresti,  pour  Paris  et  Madrid.— En  outre, 
voulant  témoigner  au  ténor  Nicolinisa  satisfaction,  le  nouveau  directeur 
du  Théâtre-Italien  lui  a  annoncé  le  soir  do  la  première  représentation  de 
Rigoletto  qu'il  doublait  ses  appointements.  —  Selon  toutes  apparences, 
il  y  aura  changement  dans  l'ordre  adopté  d'abord  pour  les  représenta- 


350 


REVDE  KT  GAZETTE  MUSICALE 


tions  de  Mlle  Adelina  Patti,  qui  ne  devaient  commftncer  que  vers  le  25 
décembre.  La  jeune  et  célèbre  cantatrice  est  attendue  ici  à  son  retour 
de  Berlin,  et  elle  devait  se  rendre  à  Madrid  ;  mais  pour  soulager  Mme 
Lagrange,  qui  ne  pourrait  résister  au  service  qu'elle  fait  depuis  la  réou- 
verture du  Tliifitre,  Mlle  Patti  commencerait  tout  de  suite  ses  repré- 
sentations par  la  Sonnambula-,  on  aurait  en  même  temps  les  débuts  de 
Giraldoni,  et  de  Baragli. 

***  Mme  Frezzolini  est  de  retour  à  Paris. 

***  M.  UUmann,  qui  était  à  Paris  ces  jours  derniers,  est  parti  pour  la 
Belgique  et  la  Hollande,  afin  d'organiser  les  concerts  que  doit  y  don- 
ner Mlle  Carlotta  Patti. 

^*^  Mme  Ferraris  va  donner  à  la  Pergola  de  Florence  une  douzaine 
de  représentations 

^*^,  On  va  représenter  très-prochainement  Stradella,  de  Flotow, 
au  théâtre 'Victor-Einmanuel,  à  Turin. 

^*^  On  annonce  le  départ  pour  Nice  de  Mme  Damoreau-Wekerlin,  qui 
va  chercher  sous  ce  ciel  plus  clément  le  rétablissement  de  sa  santé. 

***  M.  Ernest  Reyer  vient  d'intenter  à  M.  Carvalho,  directeur  du 
théâtre  Lyrique,  un  procès  à  l'occasion  de  la  Statue,  que  le  jeune  com- 
positeur prétend  avoir  été  jouée  dans  de  mauvaises  conditions,  et  qu'il 
veut  retirer  au  théâtre. 

**^  M.  Ernest  Meumann,  compositeur  distingué,  a  fait  entendre  ré- 
cemment, dans  les  salons  de  musique  de  M.  Lebouc,  plusieurs  œuvres  de 
lui  qui  ont  été  fort  appréciées  des  amateurs.  Au  nombre  de  ces  mor- 
ceaux, la  sonate  pour  piano  et  violon,  qui  avait  produit  beaucoup  d'ef- 
fet, a  été  exécutée  la  semaine  dernière  en  petit  comité,  dans  les  salons 
du  prince  Poniatowski,  par  l'auteur  et  M.  Ferrand,  violoniste,  et  y  a 
rencontré  le  même  succès. 

***  Aujourd'hui  dimanche,  à  2  heures,  a  lieu  au  cirque  Napoléon  le 
deuxième  concert  populaire  de  musique  classique,  sous  la  direction  de 
Pasdeloup.  —  On  se  rappelle  l'immense  succès  qu'obtint  l'année  der- 
nière le  célèbre  violoniste  Sivori  à  l'un  de  ces  concerts.  M.  Pasdeloup  a 
voulu  faire  jouir  de  nouveau  son  public  de  ce  magnifique  talent,  et  on 
l'entendra  dans  le  concert  d'aujourd'hui,  dont  voici  le  programme  : 
1°  ouverture  de  Fidelio  en  mi  majeur  de  Beethoven;  2°  symphonie 
n°  53  de  Haydn  (introduction,  allegro,  adagio,  menuet  final)  ;  3"  con- 
certo pour  violon  de  Mendelssohn,  exécuté  par  Sivori  ;  4"  larghetto  du 
quintette  108  de  Mozart,  pour  tous  les  instruments  à  cordes  ;  5°  ouver- 
ture à'Oberon. 

^*t  Le  Comité  de  l'Association  des  artistes  musiciens  s'occupe  active- 
ment de  l'organisation  de  la  messe  de  Sainte-Cécile,  qui  doit  être  célé- 
brée dans  l'église  de  Saint-Eustache,  lundi  23  novembre,  sous  la  direc- 
tion de  M.  Pasdeloup,  qui  fera  exécuter  par  scn  orchestre  la  première 
messe  en  ut  de  Beethoven,  Cette  œuvre,  du  célèbre  compositeur,  n'a  ja- 
mais été  entendue  dans  une  église  à  Paris. 

^*^  Parmi  les  élèves  admis  dernièrement  au  Conservatoire,  on  a  re- 
marqué le  fils  de  Massol,  doué  d'une  très  belle  voix  de  baryton  et  d'une 
grande  intelligence  musicale.  Il  suivra  le  cours  de  M.  Fontana. 

^**  Un  concert  a  été  récemment  donné,  à  Strasbourg,  par  une  jeune 
violoniste  de  neuf  ans,  Mlle  Liebé,  qui  déjà  sait  se  faire  écouter  des 
plus  difficiles.  Née  dans  une  famille  toute  musicale,  formée  à  l'art  du 
violon  par  M.  Weber  père,  l'excellent  professeur,  elle  égale  ou  surpasse 
toutes  les  virtuoses  précoces  de  sou  sexe  et  de  son  âge.  Elle  se  propose 
de  finir  son  éducation  au  Conservatoire  de  Paris. 

^*»  Son  Exe.  le  ministre  de  la  maison  de  l'Empereur  et  des 
beaux-arts  a  daigné  souscrire  pour  vingt  exemplaires  de  chacun  des 
ouvrages  didactiques  de  M.  Henri  Duvernoy,  l'un  des  professeurs  les 
plus  justement  estimés  du  Conservatoire.  Ces  deux  ouvrages  remarqua- 
bles, qui  ont  pour  titres  :  Solfège  à  changements  de  clefs  et  Solfège  ar- 
tistique, ont  été,  l'an  dernier,  couronnés  par  l'Institut  de  France ,  et 
ont  valu  à  leur  auteur  les  adhésions  les  plus  flatteuses  d'un  grand  nom- 
bre de  compositeurs  et  de  professeurs,  tant  français  qu'étrangers. 

^*\,.  Charles  Dancla  vient  de  faire  paraître,  sous  le  titre  Symphonie 
concertante  pour  deux  violons  et  violoncelle,  avec  accompagnement 
d'orchestre,  de  quatuor  ou  de  piano,  dédiée  aux  trois  sœurs  Clauss,  une 
œuvre  nouvelle  dans  laquelle  se  retrouvent  à  un  haut  degré  les  qualités 
sérieuses  qui  distinguent  l'éminent  professeur  du  Conservatoire,  et  qui 
n'est  pas  destinée  à  moins  de  succès  que  ses  aînées.  Nous  reviendrons 
sur  cette  publication. 

***  Les  nouveaux  points  d'orgue  composés  par  M.  Georges  Pfeiffer 
pour  les  concertos  de  Beethoven,  seront  prochainement  publiés  par  les 
éditeurs  Brandus  et  Dufour. 

^*^  On  se  rappelle  les  séances  de  musique  données  l'an  dernier  par 
la  Société  nationale  des  beaux-arts  du  boulevard  Italien  n"  26,  Cette  heu- 
reuse tentative,  s'est  renouvelée  cette  semaine  par  une  séance  de  mu- 
sique de  chambre,  organisée  par  la  section  de  musique  de  la  Société 
que  préside  M.  Félicien  David.  On  y  a  exécuté  des  morceaux  de  Haydn, 
de  Kreutzer  et  de  Mozart  avec  beaucoup  d'ensemble  et  de  talent. 

»*^  L'inauguration  et  la  bénédiction  du  grand  orgue  de  la  cathédrale 
de  Versailles  ont  eu  lieu  mardi  dernier  ;  l'affluence  des   fidèles  était 


considérable.  M.  Lefébure-Wcly  a  exécuté  quatre  splendides  improvisa- 
tions et  un  offertoire  de  sa  composition,  avec  ce  style  magistral  qui 
fait  de  cet  artiste  une  des  premières  célébrités  musicales.  Chacun  a 
pu  admirer  la  puissance,  la  douceur,  la  netteté  des  diûérents  jeux  de 
l'orgue,  dont  M.  Cavaillé-CoU  vient  de  faire  un  des  meilleurs  instruments 
qui  existent  en  France. 

***  En  annonçant  la  publication  par  MM .  Schott  frères,  à  Bruxelles, 
de  diverses  œuvres  symphoniques  de  M.  Fetis,  nous  avons  omis  de  dire 
qu'elles  paraîtront  à  la  fin  de  novembre  prochain  et  qu'on  peut  sous- 
crire à  Paris  chez  MM.  G.  Brandus  et  S.  Dufour. 

^**  Le  carillon  célèbre  qui  va  être  rétabli  au  faîte  de  la  vieille  église 
de  Saint-Germain-l'Auxerrois,  désormais  restaurée  complètement,  se 
composera  de  trente-huit  cloches,  —  trois  gammes  chromatiques,  plus 
deux  notes,  qui  enverront  des  bouffées  d'harmonie  à  tous  les  échos.  Ce 
que  le  carillon  de  Saint-Germain-l'Auxerrois  aura  de  particulier,  c'est 
que  son  clavier  sera  semblable  à  un  clavier  de  piano,  et  qu'il  sera  touché 
par  le  premier  pianiste  venu,  à  la  condition  que  ce  pianiste  ne  manquera 
ni  de  goût,  ni  de  prudence.  Car  cette  nouvelle  application  du  clavier  ne 
sera  pas  sans  danger.  —  L'instrumentiste  devra  se  garder  de  faire  valoir 
l'agilité  de  ses  doigts.  Trop  de  notes  lancées  à  la  fois  dans  l'air  produi- 
raient une  grande  cacophonie.  La  cloche  étant  un  instrument  à  sons 
relativement  prolongés,  il  arriverait  que  les  notes  d'un  accord  se  confon- 
draient avec  celle  de  l'accord  suivant,  ce  qui  serait  juste  l'effet  discor- 
dant produit  par  le  piano  lorsqu'on  néglige  de  fermer  à  temps  la  grande 
pédale. 

**:j  La  Société  des  compositeurs  de  musique  a  repris  le  cours  de  ses 
réunions  du  samedi,  dans  son  local  ordinaire,  95,  rue  de  Richelieu, 
succursale  Pleyel-Wolff  et  C<=.  Par  décision  du  comité,  la  première 
séance  mensuelle  est  fixée  au  28  novembre  prochain. 

***  Dans  sa  séance  du  8  octobre,  l'Académie  royale  de  Belgique  (classe 
des  beaux-arts)  a  maintenu  à  son  programme  des  concours  de  1864  la 
question  suivante  :  «  Faire  l'éloge  de  Grétry  ;  déterminer  ce  qui  caracté- 
rise son  talent  dans  les  cinq  genres  de  musique  dramatique,  à  savoir  :  la 
comédie  sérieuse,  la  comédie  bouffonne,  la  pastorale,  le  grand  opéra  de 
demi-caractère  et  la  tragédie  lyrique.  »  —  Le  prix  est  de  600  francs. 
C'est  la  troisième  fois  que  cette  question  figure  au  programme.  Au  der- 
nier concours,  l'Académie  a  reçu  deux  mémoires  qu'elle  n'a  point  jugés 
dignes  du  prix.  Les  concurrents  s'étaient  mépris  sur  l'intention  de 
l'Académie  :  ils  avaient  cru  qu'il  s'agissait  d'un  concours  d'éloquence. 
Ce  qu'on  demande  avant  tout,  c'est  l'interprétation  et  l'analyse  des 
œuvres  de  l'illustre  maestro.  L'éloge  doit  ressortir  de  cette  analyse.  Il 
s'agit  plutôt  d'une  étude  sur  Grétry  que  de  la  glorification  de  son  génie. 
—  Les  mémoires  destinés  au  concours  doivent  être  écrits  lisiblement  en 
français,  en  latin  ou  en  flamand,  et  adressés,  franco,  au  secrétaire  per- 
pétuel de  l'Académie,  avant  le  T' juin  186/i. 

,1,'*;^  Nous  avons  récemment  parlé  des  promenades-concerts  que  le  fils 
du  célèbre  chef  d'orchestre  JuUiea  se  propose  de  donner  au  théâtre  de 
Sa  Majesté,  à  Londres  ;  on  nous  écrit  qu'il  vient  d'engager  Sivori  pour 
y  jouer  pendant  un  mois.  M.  JuUien  serait  également  dans  l'intention 
de  lui  adjoindre  quelques  artistes  du  théâtre  Italien. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 


j^*j^  Lyon.  — Notre  grand  théâtre  vient  d'avoir  une  belle  soirée,  impa- 
tiemment attendue  d'ailleurs.  On  se  souvenait  de  la  supériorité  de 
Mme  Cabel  dans  le  beau  rôle  de  Catherine  de  l'Étoile  du  Nord  et  la 
reprise  du  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer  était  une  véritable  solennité  ;  la 
direction  y  avait,  de  son  côté,  mis  tous  ses  soins.  Coulon,  le  transfuge  de 
l'Opéra,  était  chargé  du  rôle  de  Peters  ;  Fabre  de  celui  de  Danilowits. 
M.  Mirai  et  Mlle  Laurentis  chantaient  ceux  de  Georges  Skavronski  et  de 
Prascovia.  M.  Coulon  a  eu  de  beaux  moments  et  a  mis  de  l'âme  et  de 
l'expression  dans  la  célèbre  romance  du  troisième  acte  ;  on  aurait 
désiré  de  lui  plus  d'éclat  et  d'énergie  dans  la  scène  de  la  révolte;  mais 
la  marche  sacrée,  qui  termine  si  pompeusement  le  second  acte,  a  produit 
un  immense  effet.  — Mme  Cabel  a  dit  avec  beaucoup  de  crânerie  les 
couplets  charmants  du  Bonnet  sur  l'oreille,  et  la  scène  avec  les  Tartares, 
qu'elle  ne  joue  pas  moins  bien  qu'elle  ne  la  chante,  lui  a  valu  les  plus 
chaleureux  applaudissements  ;  elle  n'a  pas  eu  moins  de  succès  dans  l'air 
du  troisième  acte  et  ses  vocalises  ont  été  merveilleuses. — L'air  des  Tartelettes 
a  été  très-bien  chanté  par  M.  Fabre,  et  on  a  fort  applaudi  Melchisedec, 
qui  faisait  Gritzenko,  dans  l'air  de  Grenadier  moscovite.  Enfin,  Mlle  Lau- 
rentis a  dit  avec  beaucoup  de  goût  la  villanelle  du  premier  aute  et  ses 
couplets  du  troisième.  Il  n'y  a  que  des  éloges  à  donner  aux  chœurs  et 
à  l'orchestre.  —  Nous  attendons  maintenant  le  Pardon  de  Ploermel  pour 
compléter  le  brillant  répertoire  de  notre  saison. 

^"'^  Marseille.— Depassio  vient  de  faire  un  éclatant  début  dans  la  Juive. 
D'enthousiastes  bravos  ont  accueilli  l'artiste  qu'on  n'avait  pas  oublié  et 


DE  PARiS. 


351 


qu'on  a  revu  avec  grand  plaisir.  —  Les  Huguenots  ont  eu  deux  belles 
représentations  consécutives  ;  —  Mlle  Pitteri  a  rendu  au  ballet  la  plus 
grande  animation  ;  dans  le  Jugement  de  Paris  nouveau  ballet  de  M.  Mont- 
plaisir;  la  jeune  et  jolie  ballerine  qui  représentait  Vénus  a  été  couverte 
d'applaudissements. 


CHRONIQUE    ETRANGÈHE. 


»*.j,  Bruxelles.  —  On  n'a  point  oublié  deux  charmantes  pochades  d'un 
jeune  compositeur,  Léo  Delibes,  élève  d'Adam,  les  Deux  vieilles  Gardes 
et  VOmelette  à  la  Follembuche ,  dont  la  musique  leste,  gaie  et  pimpante  a 
consacré  le  succès.  Nous  avons  retrouvé  toutes  ces  qualités  dans  un  petit 
opéra,  le  Jardinier  et  son  seigneur,  que  vient  de  nous  donner  le  théâtre 
de  la  Monnaie,  et  qui  a  été  fort  applaudi.  —  Nous  attendons  des  nou- 
veautés plus  importantes,  et  il  est  bientôt  temps  que  Mlle  Frielberg 
arrive  pour  ressusciter  notre  ballet.  —  Il  paraît  maintenant  certain  que 
la  troupe  de  Merelli  viendra  vers  la  fin  de  la  saison,  avec  Mlle  Désirée 
Artot,  donner  quelques  représentations  à  Bruxelles. 

***  Berlin.  —  Le  nouvel  opéra  de  6.  Schmidt,  la  Rcole,  a  reçu 
un  accueil  assez  froid  au  Théâtre-Royal.  —  La  Société  des  amis  de 
la  musique  donnera  son  premier  concert  sous  la  direction  de  Hans  de 
Biilow,  le  31  de  ce  mois  ;  on  y  exécutera  la  neuvième  symphonie  de 
Beethoven  avec  chœur.  —  Mlle  Patti  a  été  magnifique  dans  la  Traviata, 
au  Théâtre- Victoria,  et  y  a  surtout  produit  un  effet  prodigieux.  —  Le 
succès  de  Naudin  continue.  Après  Lucia,  il  a  chanté  plusieurs  fois  la 
Traviaia  et  la  Sonnambula.  Le  roi  suit  assidûment  les  représentations 
du  Théâtre-Italien. 

,*^  Vienne.  —  Les  dépouilles  mortelles  de  Beethoven  et  de  Schubert  ont 
été  déposées  dans  les  caveaux.  Après  une  messe  de  requiem,  dite  à  la 
chapelle  du  cimetière,  les  deux  cercueils  ont  été  portés  au  pied  de  la 
croix  qui  s'élève  au  milieu  du  champ  de  repos,  et,  de  là,  transférés  dans 
leur  dernière  demeure.  Les  membres  de  l'Académie  de  chant  et  du 
Mœnner-Gesang-Verein  ont  chanté  un  choral  de  Beethoven  et  un  choral  de 
Schubert.  —  La  basse  Schmidt,  qui  a  été  engagée  par  M.  Gye  pour  le 
théâtre  de  Covent-Garden,  doit  principalement  chanter  Robert  le  Diable 
et  les  Huguenots  ;  il  étudie  les  rôles  de  Bertram  et  de  Marcel.  —  Wachtel 
étudie  en  ce  moment  le  rôle  de  Masaniello,  de  la  Muette.  Une  très-gra- 
cieuse ballerine,  Mlle  Couqui,  remplira  celui  de  Fenella.  —  Nous  avons 
eu  une  excellente  représentation  de  7îo6erî  le  Diable,  qui,  comme  toujours, 
avait  attiré  la  foule.  On  a  particulièrement  distingué  Mme  Fabri-Mulder 
(Alice)  et  Mlle  Liebhart  (Isabelle).  Prochainement  :  Iphigénie  en  Aulide, 
de  Gluck  ;  puis  viendra  la  Fée  du  Rhin,  par  Ofifenbach.  —  La  fameuse 
ronde  du  Brésilien,  qui  est  populaire  à  Paris,  vient  d'être  chantée  avec 
le  plus  grand  succès  au  théâtre  An  der-Wien. 

»*,f  Francfort.  —  Le  Muséum  a  donné  son  deuxième  concert.  La  sym- 
phonie en  ré  mineur  de  Ilaydn  a  fait  le  plus  grand  plaisir  :  l'air  de 
Samson,  par  Haendel,  rappelle  la  vigueur,  la  puissance  des  plus  beaux 
passages  du  Messie  ;  enfin,  Mme  Clara  Schumann  a  joué  le  concerto  de 


Mendelssohn  de  manière  à  captiver  la  salle,  même  après  l'effet  produit 
par  l'air  de  Haendel. 

j*^.  Ancône.  —  Mlle  Aug.  Gonetti  (un  nom  itialianisé)  vient  de  débuter 
avec  éclat  à  l'ouverture  du  nouveau  théâtre  Vittorio  Emmanuele  de 
cette  ville.  Le  rôle  de  Paolina  dans  l'opéra  Poliuto ,  de  Donizetti,  a  donné 
à  Mlle  Gonetti,  qui  pour  la  première  fois  paraissait  devant  le  public, 
l'occasion  de  faire  admirer  une  très-belle  voix  de  niezzo-soprano  d'un 
timbre  chaud  et  sympathique,  une  exécution  brillante  et  une  expres- 
sion dramatique  que  l'on  a  été  fort  surpris  de  trouver  aussi  développée 
chez  une  débutante.  L'air  et  le  duo  avec  le  ténor  bissés  et  de  nombreux 
rappels  ont  dû  prouver  à  Mlle  Gonetti  combien  le  public  était  sous  le 
charme  de  son  jeune  talent. 

^*^  Trieste.  —  L'opéra  nouveau  :  la  Fanciulla  délie  Aslurie,  par  Sachi, 
n'a  obtenu  qu'un  succès  d'estime. 

„,**  Barcelone.  —  Après  son  triomphe  dans  Norma,  Mlle  Lagrua  vient 
d'en  remporter  uu  nouveau  et  non  moins  décisif  dans  la  Saffo  de  Pa- 
cini,  le  public  a  fait  le  plus  chaleureux  accueil  à  Cresoi,  de  nombreux 
bravos  accompagnés  de  rappels  ont  été  prodigués  à  Mlle  Lagrua,  après 
son  duo  avec  le  ténor  Fabbris;  elle  a  dû  répéter  l'adagio  de  celui 
qu'elle  chante  avec  Mme  Grossi;  le  trio  a  fait  fureur  et  a  motivé 
le  rappel  de  trois  artistes,  et  le  rondo  final,  chanté  par  la  célèbre 
cantatrice,  a  soulevé  un  enthousiasme  indescriptible  et  des  ovations 
sans  fin.  Le  public  l'a  encore  appelée  à  plusieurs  reprises.  —  On  a  mis 
en    répétition  la  Linda,    qui    sera  chantée  par  Mme  Colson,  et  il  Giu- 

ramento    par    Mlle  Lagrua,    Mme   Grossi,  MM.    Negrini  et    Cresci 

M.  Verger  se  propose  de  monter  la  Fatucchiera,  opéra  de  maestro  Guy  as, 
compositeur  espagnol. 

^*^  Madrid.  —  La  représentation  du  Trovatore  au  théâtre  de  l'Oriente 
a  été  pour  les  sœurs  Marchisio  l'occasion  d'un  nouveau  triomphe.  Après 
la  cabalette  de  son  duo  avec  le  baryton  et  après  le  Miserere,  la  Car- 
lotta  a  été  saluée  des  plus  vifs  applaudissements  et  rappelée.  Sa  sœur 
Barbara  n'a  pas  eu  moins  de  succès  dans  le  rôle  d'Azucena.  —  A  l'oc- 
casion de  la  présence  dans  nos  murs  de  S.  M.  l'Impératrice  des  Fran- 
çais, une  représentation  de  gala  a  eu  lieu  au  tliéâtre  Royal,  dont  S.  M. 
la  reine  avait  loué  toutes  les  places;  L'opéra  de  Rossiui,  la  Semira- 
mide,  avait  été  choisi  pour  la  circonstance  et  il  a  été  admirablement 
chanté  par  les  sœurs  Marchisio,  Agnesi  et  Padovani. 

„,*„  Moscou.  —  Nous  avons  à  enregistrer  une  nouvelle  victoire  du  té- 
nor Pancani,  dans  l'un  des  chefs-d'œuvre  de  Meyerbeer,  U  Projeta, 
dont  le  succès  a  été  immense.  A  peine  Pancani,  qui  interprétait  le  rôle 
de  Jean  de  Leyde,  avait-il  paru  sur  la  scène,  qu'une  salve  enthousiaste 
d'applaudissements  partit  de  tous  les  points  de  la  salle.  Le  célèbre  chan- 
teur a  tenu  d'ailleurs  à  justifier  ces  marques  de  sympathie;  il  a  chanté 
admirablement  et  avec  toute  la  puissance  de  ses  moyens.  Chaque  mor- 
ceau lui  a  valu  des  bravos  et  il  a  dû  reparaître  plusieurs  fois,  tantôt 
seul,  tantôt  avec  ses  partenaires  qui  l'ont  dignement  secondé.  La  di- 
rection de  notre  théâtre  n'avait  d'ailleurs  rien  épargné  pour  donner  à 
cotte  reprise  tout  l'éclat  qu'elle  méritait. 


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352 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


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20 .  Champagne Galop. 


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11 .  Les  Dragons  de  Villars Quadrille. 

12.  Les  Chants  du  Danube Valse. 

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14.  Le  Trompette  de  Spahis. .  .Sc/iomsc/i. 

15 .  Express-Train Galop. 


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21 .  Le  Gothique Quadrille. 

22.  Les  Etoiles  du  soir Valse. 

23.  La  Ronde  du  Brésilien Polka. 

24 .  Redowa  de  Wallerstein Redowa. 

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1V«  45. 


8  Novembre  1863. 


ON  S'ABONNE  I 

Dans  les  Di^portemcnts  et  à.  l'ÉtraDger,  châz  tous 
les  Marchands  de  Musique,  les  Libraires ,  et  aux 
Purcam  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


PRIS  DE  L'ABONNEMENT  s 

Paris 2i(r.paran 

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Le  Journal  paraît  le  Dimanche. 


GAZETTE 


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Nos  abonnés  reçoivent,  avec  le  namëro  tl*aiijonrd'lini, 
une  Bomance  composée  par  DASSIER  et  intitulée  : 
t' Avenir  est  A  Oieu. 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  Lyrique  impérial  :  les  Troyens,  opéra  en  cinq  actes  pré- 
cédés d'un  prologue,  de  M.  Hector  Berlioz,  par  liéon  Durocber.  —  Théâtre 
impérial  italien  et  Concerts  populaires  de  musique  classique,  par  Pan!  Smith. 
—  Projet  d'auditions  périodiques  d'œuvres  musicales  d'artistes  vivants ,  par  le 
même.  —  Lettres  de  Félix  Mendelssobn,  traduites  par  J.  Dnesberg.  —  Re- 
vue des  tliéàtres,  par  ».  A.  D.  Saint-ITTes.  —  Nouvelles  et  annonces. 


THEATRE  LYRIQUE  IfflPÉRIAl. 

IaK»  TROYESrS, 

Opéra  en  cinq  actes  précédés  d'un  prologue,  par  M.  Hector  Berlioz. 

(Première  représentation  le  4  novembre.) 

Il  n'est  pas  commun  d'être  à  la  fois  poëte  et  musicien.  Cela  ne 
s'était  point  vu  en  France,  si  nous  avons  bonne  mémoire,  depuis 
l'opéra-comique  intitulé  Ponce  de  Léon,  dont  Berton  a  fait,  succes- 
sivement ou  à  la  fois,  les  paroles  et  la  musique.  Cela  suppose  la 
réunion  de  facultés  diverses  que  la  nature  ne  donne  qu'à  de  très- 
rares  élus.  Mais  notre  collaborateur  et  ami  Hector  Berlioz  avait  de- 
puis longtemps  fait  ses  preuves  dans  les  deux  arts.  A  l'apparition  de 
ses  deux  grandes  symphonies,  tout  le  monde  avait  compris  que 
l'harmoniste  était  doublé  d'un  poëte.  On  avait  vu  le  poëte  dans  la 
Damnation  de  Faust  comme  dans  Roméo  et  Juliette,  et  quand  l'En- 
fance du  Christ  fut  exécutée  dans  la  salle  Herz,  on  fut  si  peu  surpris 
de  voir  la  partition  et  le  livret  signés  du  même  nom  que  personne,  ou 
presque  personne,  n'en  fu  la  remarque.  Lorsqu'on  apprit  que  Béa- 
trice et  Bénédict,  ainsi  que  les  Troyens,  étaient,  comme  Pallas,  sortis 
tout  armés  d'un  cerveau  unique,  proies  sine  maire  creata,  on  trouva 
cela  tout  simple.  Tant  on  s'accoutume  vite  aux  choses  les  plus  dignes 
d'admiration  ! 

Donc,  ces  Troijens  que  l'on  attendait  depuis  si  longtemps,  et  avec 
une  curiosité  si  ardente,  ont  fait  leur  entrée  sur  la  scène  du  théâtre 
Lyrique  mercredi  dernier.  Celte  entrée  a  été  triomphale,  on  peut  le 
dire.  Chaque  morceau  a  fait  éclater  de  bruyants  applaudissements. 
Un  des  plus  importants  a  été  bissé,  —  un  septuor,  notez -le  bien  ! 
Que  le  public  soit  saisi  par  le  tour  piquant  d'un  couplet  légèrement 


accompagné,  dont  le  style  leste  el  simple  se  comprend  sans  effort, 
et  se  loge  du  premier  coup  dans  la  mémoire,  cela  se  voit  tous  les 
jours,  et  n'a  rien  de  très-étonnant.  Mais  un  morceau  à  sept  voix 
d'une  harmonie  aussi  savante  qu'agréable,  escorté  de  l'accompagne- 
ment instrumental  le  plus  ingénieux,  le  plus  pittoresque^  plein  de 
hardiesses  harmoniques,  de  modulations  imprévues  et  saisissantes, 
voilà  un  triomphe  rare ,  et  dont  peu  de  compositeurs  peuvent  se 
vanter  ! 

Dans  ce  morceau,  chanté  par  Énée  et  son  fils  Ascagne,  Didon,  sa 
sœur  Anne  —  Anna  soror  —  et  de  grands  dignitaires  carthaginois 
dont  le  nom  nous  échappe,  il  n'est  question,  si  nous  avons  bien  en- 
tendu, que  du  plaisir  qu'on  éprouve  à  respirer,  sous  le  ciel  africain, 
à  la  clarté  de  la  lune  et  des  naissantes  étoiles,  la  brise  tiède  et  em. 
baumée  du  soir.  Mais  il  y  a  dans  l'âme  du  chef  des  Troyens  et  de 
la  reine  de  Carlhage  une  pensée  plus  secrète,  un  sentiment  plus 
mystérieux,  qui  ne  se  manifeste  point  par  des  paroles,  mais  dont  la 
musique  est,  pour  ainsi  dire,  imprégnée.  La  fière  Didon,  domptée 
par  Vénus,  appartient  tout  entière  au  fils  de  la  déesse,  et  le  lui  a 
déjà  prouvé.  A  la  fin  de  l'acte  précédent,  on  les  a  vus,  chassés  par 
l'orage,  chercher  ensemble  un  abri  dans  la  grotte  fatale 

Ruunt  de  moutibus  amnes  .  .  . 

Speluncam  Dido  dux  et  trojanus  eamdem 
Deveniunt  .... 

C'est  le  souvenir  de  ce  moment  d'ivresse  qui  flotte  comme  un  nuage 
vaporeux  et  parfumé  sur  cette  suave  harmonie,  et  qui  la  sature  de 
tendresse  et  de  volupté. 

Enée  et  Lidon  restent  seuls,  el  le  septuor  devient  duo.  Mais  la  mu- 
sique ne  change  pour  cela  ni  de  mesure,  ni  de  rhylhme,  ni  de  couleur. 
Le  duo  n'est  que  la  prolongation  du  septuor,  un  peu  moins  voilée 
seulement,  et  beaucoup  plus  passionnée. 

O  nuit  d'ivresse  et  d'extase  infinie  !  o  * 

Blonde  Pliœbé,  grands  astres  de  sa  cour,  ^ 

Versez  sur  nous  votre  lueur  bénie  ! 
I'"leurs  des  cieux,  souriez  à  l'immortel  amour  ! 

Dire  ce  qu'il  y  a  dans  cet  ensemble  de  mélodie  tout  à  la  fois  gra- 
cieuse el  ardente,  d'harmonie  délicate  et  de  détails  ingénieux,  et 
d'instrumentation  piquante  et  fine  dans  les  développements  qui  lui 
succèdent  et  le  ramènent...  nous  n'y  réussirions  jamais.  Bornons- 
nous  donc  à  le  signaler  au  lecteur  d'aujourd'hui,  qui  sera  spectateur 
et  auditeur  demain.  '  ;.  . 

Appelons  également  son  attention  sur  la  chanson  du  matelot  Hylas, 
qui  ouvre  l'acte  suivant  :  '■  "'' 


55h 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Berce  mollement  sur  ton  sein  sublime, 
0  puissante  mer,  l'enfant  de  Dindyme  I . . . 

Celle  canlilène  est  un  peu  monotone,  et  devait  l'être.  C'est  le 
caractère  invariable  de  tous  les  chants  des  hommes  de  mer.  Ce  qui 
serait  ailleurs  un  défaut,  est  donc  ici  une  beauté  de  premier  ordre. 
La  contemplalion  habituelle  de  la  mer  donne  à  l'homme  le  sentiment 
de  l'immensité,  la  perception  de  l'infini,  où  s'effacent  et  disparaissent 
tous  les  menus  détails  qui  produisent  la  variété.  Le  marin  qui  s'é- 
loigne du  rivage  dit  adieu  â  sa  patrie,  à  sa  famille,  et  ne  sait  jamais 
s'il  les  reverra.  Son  éternelle  mélancolie  n'est,  hélas  !  que  trop  fré- 
quemment justifiée.  —  Avez-vous  vu  cet  admirable  tableau  de  Léo- 
pold  Robert,  les  Pécheurs  de  l'Adriatique  ?  Avez-vous  senti  tout  ce 
qu'il  y  a  de  tristesse  profonde  et  morne  sur  ces  rudes  visages  altérés 
par  l'émotion,  dans  ces  regards  humides  "et  voilés,  où  la  résolulion 
intrépide  ne  brille  qu'au  travers  des  larmes?  Tout  ce  que  la  mer- 
veilleuse composition  du  grand  peintre  vous  a  fait  éprouver,  envahira 
de  nouveau  voire  cœur,  s'il  n'est  pas  insensible,  quand  vous  enten- 
drez les  vagues  et  tristes  accents  que  le  musicien-poëte  a  mis  dans 
la  bouche  du  jeune  matelot  Hylas.  Cette  mélodie  semble  n'avoir  pas 
de  cadence  finale.  Elle  reste  comme  suspendue  au-dessus  de  l'abîme... 
Qui  sait,  en  effet,  si  celui  qui  chante  et  qui  va  partir  reviendra 
jamais  ! 

Les  douces  sonorités  qui  se  balancent  mollement  dans  l'orchestre 
pendant  que  cette  délicieuse  canlilène  se  développe  au  fond  de  la 
scène,  en  doublent  le  charme  et  l'effet.  Cet  adorable  petit  morceau 
—  il  est  formé  de  trois  couplets  que  rien  ne  sépare,  —  est  celui  de 
tous  peut-être  que  l'auditoire  du  premier  jour  a  le  moins  compris. 
Il  prendra  bientôt,  nous  le  prédisons  sans  craindre,  la  place  qui  lui 
est  due. 

Telles  sont  les  parties  de  l'œuvre  nouvelle  qui  nous  ont  le  plus 
vivement  frappé.  Nous  en  pourrions  signaler  beaucoup  d'autres  :  — 
le  chœur  du  prologue,  qui  se  chante  derrière  la  toile  du  fond,  la- 
quelle représente  Troie  en  ruine;  —  les  deux  airs  de  Didon,  son  duo 
avec  sa  sœur  Anne,  où  règne,  autant  que  nous  en  avons  pu  juger, 
beaucoup  de  charme  ;  —le  finale  du  premier  acte;  —  le  chant  funé- 
raire des  prêtres  de  Pluton,  etc.  Mais  il  y  a  dans  presque  tous  une 
force  si  intense,  des  complications  harmoniques  si  multipliées,  une 
telle  recherche  et  une  toile  nouveauté  d'effets  d'instrumentation,  que 
l'on  est  un  peu  ébloui,  —  disons-le  même,  un  peu  étourdi,  —  que 
l'on  se  perd  au  milieu  de  toutes  ces  richesses,  et  que  nous, désespé- 
rons d'en  parler  congrûment  après  une  seule  audition.  Il  faut  atten- 
dre, et  il  ne  nous  sera  pas  défendu  d'y  revenir.  Nous  avons  indiqué 
les  parties  de  cette  volumineuse  partition  qui  nous  ont  paru,  de 
prime  abord,  les  plus  remarquables.  C'est  assez  pour  cette  fois.  A 
chaque  jour  suffit  sa  peine,  comme  dit  judicieusement  l'Évangile. 

L'histoire  des  Grecs  et  des  Troyens,  de  Cassandre  et  du  cheval  de 
bois,  d'Enée  et  de  Didon  est  d'ailleurs  si  connue,  que  nous  ne  sen- 
tons nullement  le  besoin  de  la  raconter.  Feu  Virgile  ne  nous  a  rien 
laissé  à  faire  à  cet  égard.  Rouvrez  l'Enéide,  monsieur,  livres  II  et 
IV,  et  ne  manquez  pas  cette  occasion  de  relire  les  plus  beaux  vers 
qui  aient  jamais  été  écrits  dans  aucune  langue. 

Mme  Charton-Demeur  joue  le  rôle  de  la  reine  de  Carthage  en 
vaillante  actrice.  Elle  a  le  regard  fier,  le  front  superbe,  la  taille  no- 
ble, le  corsage  opulent,  le  geste  impérieux  que  l'imagination  prête 
par  avance  à  la  fondation  de  l'empire  carthaginois.  Elle  a  la  voix 
puissante,  l'accent  énergique,  allier,  tendre,  voluptueux,  ému,  pa- 
thétique ou  terrible  qu'exigent  les  situations  diverses  où  elle  se 
trouve  placée.  Berlioz  n'aurait  pu  trouver  une  plus  intelligente  et 
plus  digne  interprète. 

M.  Monjauze  n'a  ni  la  voix  ni  le  port  d'un  héros,  et  l'on  a  de  la 
peine  à  croire,  en  le  voyant,  qu'il  soit  le  fils  d'une  déesse.  Ce  n'est 
pas  sa  faute.  Il  fait  assurément  tout  ce  qu'il  peut. 


M.  Cabel  dit  la  romance  du  matelot  avec  beaucoup  de  charme. 
Ce  jeune  ténor  a  fait  de  grands  progrès  dont  nous  devons  lui  tenir 
compte.  Les  chœurs  et  l'orchestre,  dont  la  puissance  a  été  augmentée 
pour  cette  circonstance  solennelle,  fonctionnent  aussi  bien  qu'on  peut 
l'imaginer. 

L'administration  n'a  rien  épargné  pour  joindre  au  plaisir  des 
oreilles  le  plaisir  des  yeux.  On  dit  qu'elle  a  dépensé  des  sommes 
considérables.  Elle  n'a  point  perdu  son  argent.  Les  décors  —  très- 
nombreux  —  sont  dessinés  et  peints  avec  un  talent  remarquable, 
et  nous  regrettons  de  n'en  pouvoir  nommer  les  auteurs.  Les  cos- 
tumes sont  d'une  richesse  éblouissante,  mais  qui  n'est  pas  toujours 
d'un  goût  irréprochable.  Les  guerriers  troyens  portent  des  manteaux, 
des  tuniques,  des  armures  dont  l'éclat  fatigue  l'œil,  des  casques 
d'une  dimension  démesurée,  prodigieuse.  Un  peu  plus  de  simplicité  et 
de  modestie  siérait  mieux,  ce  semble,  à  des  vaincus,  à  des  dépos- 
sédés, à  des  fugitifs,  à  des  naufragés.  Virgile  ne  les  fait  pas,  à  beau- 
coup près,  si  brillants,  et  il  prend  même  le  soin  de  décrire  leur 
costume  asiatique,  surmonté  du  bonnet  phrygien.  On  leur  a  donné 
le  costume  grec,  qui  ne  devait  pas  beaucoup  leur  plaire. 

LÉON  DDROCHER. 


THÉÂTRE  mPÉRIÂL  ITALIEN. 

Et  Concerts  populaires  de  mnsiqne  classique. 

C'est  dans  Poliuto  que  Fraschini  a  fait  son  second  début  avec 
moins  d'éclat  peut-être,  mais  non  moins  de  talent  que  dans  Lucia . 
Son  chant  large  et  pur  y  trouvait  naturellement  l'occasion  de  s'y  dé- 
velopper; sa  voix  a  toute  la  vigueur  et  l'étendue  nécessaires  pour  y 
atteindre  au  plus  grand  effet  ;  cependant  il  en  a  produit  moins  que 
Tamberlick,  qui  s'y  montrait  plus  inspiré,  plus  chaleureux  dans  quel- 
ques moments.  Tamberlick  enlevait  le  Credo  avec  plus  de  furia  re- 
ligieuse et  vocale  :  il  marchait  au  martyre  avec  plus  d'enthousiasme. 
Il  ne  chantait  pas  l'air  du  second  acte  que  Fraschini  a  cru  devoir 
restituer,  et  nous  trouvons  qu'il  faisait  bien ,  car  l'air  est  faible  et 
vulgaire.  Quoique  Fraschini  n'ait  pas  besoin  de  revanche,  il  nous 
tarde  de  l'entendre  dans  le  Ballo  in  maschera  où  l'on  dit  qu'il  est 
admirable  ;  on  dit  aussi  que  dans  Rigoleito  il  chante  mieux  que 
personne  la  Donna  è  mobile,  que  Mario  disait  si  bien.  A  côté  de  Fras- 
chini, Mme  Julienne  Dejean  nous  revenait  dans  le  rôle  de  Paolina. 
Pour  la  première  fois ,  celle  cantatrice,  que  nous  avions  vue  au  grand 
Opéra  français,  nous  apparaissait  depuis  sa  transformation  italienne. 
Nous  parlerions  plus  volontiers  de  ce  retour,  s'il  s'était  accompli 
sous  de  plus  heureux  auspices;  mais  notre  public  n'a  témoigné  qu'une 
froideur  marquée  à  l'artiste  que  l'étranger  accueillait  avec  une  vive 
sympathie.  Non-seulement  on  l'applaudissait  en  Italie,  en  Espagne, 
mais  Verdi  écrivait  pour  elle  le  rôle  d'Amélie  du  Ballo.  Est-ce  la 
fatigue,  est-ce  l'émotion  qui  communiquait  l'autre  soir  à  sa  voix  cette 
rudesse,  celte  roideur  dont  l'oreille  était  si  peu  charmée?  Pour  pro- 
noncer, nous  attendrons  ;  la  voix  humaine  est  sujette  à  tant  de  va- 
riations, de  caprices!  Dells  Sedie  s'acquitte  fort  convenablement  du 
rôle  de  Sévère,  quoiqu'on  pût  y  désirer  plus  de  force  et  de  feu. 

Quelques  jours  après  Poliuto,  nous  avons  revu  Norma,  et 
Mme  Anna  de  la  Grange  s'est  réellement  élevée  très- haut  dans  ce 
rôle  capital.  Son  tort  unique  ou  plutôt  son  malheur,  c'est  de  venir 
après  tant  d'artistes  qui  ont  prodigué  des  trésors  de  talent  et  de 
passion  dans  le  même  rôle.  Mme  Vander  Beek ,  qui  possède  une 
charmante  voix  de  mezzo  soprano,  s'est  bien  acquittée  du  rôle  d'A- 
dalgise,  et  Nicolini  n'a  qu'à  se  louer  de  celui  de  Pollion. 

11  avait  été  question  de  la  rentrée  immédiate  de  Mlle  Adeline 
Patli  ;  la  jeune  artiste  arrivait  de  Berlin,  où  son  succès  au  théâtre 
Victoria  a  été  prodigieux,  comme   partout;  mais,  décidément,  rien 


DE  PARIS. 


355 


ne  sera  changé  à  son  engagement  ni  à  son  itinéraire.  Elle  est  par- 
tie pour  Madrid,  et  ne  nous  reviendra  qu'au  mois  de  janvier. 

Au  second  concert  du  cirque  Napoléon,  Sivori  jouait  le  concerto 
de  Mendelssohn,  et  son  admirable  talent  y  a  fait  merveille.  On 
ne  saurait  imaginer  un  jeu  plus  extraordinaire  et  à  la  fois  plus  char- 
mant, plus  de  douceur  dans  la  force,  plus  d'aisance  dans  la  diCS- 
culté.  On  croirait  qu'il  n'est  rien  de  plus  abordable,  de  plus  com- 
mode que  ce  diabolique  concerto ,  tant  la  sonorité  persiste  à  être 
flatteuse  et  l'archet  léger!  Si  l'enthousiasme  était  banni  de  ce 
monde,  ou  serait  sûr  de  le  retrouver  au  cirque  Napoléon.  Aussi, 
jugez  comment  Sivori  a  été  reçu,  applaudi,  rappelé  par  des  milliers 
de  voix,  et  jamais  su(rra:;es  n'avaient  été  plus  légitimes  ! 

Il  ne  fallait  pas  moins  que  l'andante  de  Mozart,  exécuté  par  tous 
les  instruments  à  cordes,  pour  succéder  à  Sivori  et  soutenir  sa  ter- 
rible concurrence.  On  a  bissé  l'andante  :  l'ouverture  à'Oheron  aurait 
pu  l'être,  si  elle  n'eût  terminé  la  séance . 

Paul  SMITH. 


PROJET  D'ADDITIONS  PÉRIODIQUES 

D'oeuvres  moisicales  d'artistes  vivants. 

C'est  le  moment  ou  jamais  de  parler  dans  l'intérêt  des  artistes 
musiciens.  Nos  lecteurs  savent  déjà  ce  que  notre  illustre  collaborateur, 
M.  Fétis,  réclame  en  leur  faveur  (1).  Cela  peut  se  résumer  ainsi: 
1°  concours  ouverts  deux  fois  par  an  pour  des  libretti  et  des  parti- 
tions, lesquels  seraient  ensuite  transmis  au  ministre  et  exécutés  par 
son  ordre;  2'  subvention  de  20,000  fr.  à  chacune  des  six  villes  prin- 
cipales de  France,  avec  obligation  de  représenter  un  certain  nombre 
d'opéras  en  un  et  trois  actes;  3°  allocation  d'une  somme  de  15,000 f. 
pour  six  grands  concerts  de  musique  instrumentale  par  année  ; 
4'et  enfin,  allocation  égale  pour  séances  de  musique  de  chambre  qui 
seraient  données  par  trois  associations. 

Dans  un  feuilleton  du  Constitutionnel ,  M.  E.  l'Epine  a  proposé 
en  outre  d'étendre  à  la  musique  le  bénéfice  des  expositions  publiques 
si  largement  concédé  à  la  peinture,  à  la  sculpture,  à  la  gravure  et  à 
l'architecture  ,  et  voici  sur  quels  motifs  il  appuie  sa  proposition  : 
«  Plus  encore  que  les  peintres,  dit-il,  les  musiciens  ont  besoin  qu'une 
main  puissante  les  soutienne  et  les  encourage.  Ils  n'ont  que  peu  de 
ressources  pour  se  faire  connaître  ,  aucun  moyen  de  faire  entendre 
leurs  productions.  Le  peintre  peut  se  placer  sur  le  chemin  de  la  for- 
tune et  attirer  au  passage  un  regard  de  la  dame;  car  enfln,  un  bon 
tableau,  ne  fût-il  exposé  que  dans  une  échoppe,  a  chance  d'appeler 
l'attention  d'un  connaisseur.  Il  faut,  au  contraire,  que  la  fortune  vienne 
au-devant  du  musicien,  et  cette  démarche  est  peu  dans  ses  habitudes. 
Un  cadre,  un  clou,  un  rayon  de  lumière,  voilà  toute  la  mise  en  scène 
nécessaire  au  peintre.  Il  faut  au  compositeur  un  libretto ,  qui,  s'il 
est  mauvais,  l'entraînera  dans  sa  chute; —  un  directeur  assez  bienveil- 
lant pour  l'écouter,  assez  riche  pour  tenter  l'épreuve  ;  —  des  inter- 
prètes qui  feront  tout  pour  le  renverser,  s'ils  ne  sont  pas  contents 
de  leur  rôle.  Il  lui  faut  un  public  qui  ait  bien  dîné,  qui  n'ait  pas  trop 
chaud,  qui  soit  bien  assis,  etc.,  etc.  » 

Comment  ne  serions-nous  pas  du  même  avis  que  M.  E.  l'Epine  ? 
Comment  ne  nous  rallierions-nous  pas  à  une  proposition  si  spirituel- 
ment  formulée  ?  Nous  avons  toujours  pensé  qu'on  devait  aux  artistes 
musiciens  tout  ce  qu'il  était  possible  de  leur  donner.  Le  recours  à 
une  sorte  d'exposition,  dans  le  genre  de  celle  dont  les  arts  plastiques 
ont  le  monopole,  est-il  possible  pour  la  musique?  La  question  se  réduit 
là,   et   nous   croyons  que  ce  recours   sera   praticable,  dès    que   le 

(1)  Voir   Us  quatre  lettres,  dont  la  dcrnitre  a  paru  dans  le  numéro  précédent. 


gouvernement  le  voudra,  sauf  ensuite  à  en  balancer  les  profils  et 
les  pertes.  Mais,  par  exemple,  il  faudra  que  le  gouvernement  se 
décide  à  se  charger  de  toutes  les  dépenses.  Ainsi,  dans  un  des  ar- 
ticles de  son  règlement  provisoire,  M.  E.  l'Epine  suppose  que  les 
élèves  du  Conservatoire  impérial  et  des  écoles  de  musique  subven- 
tionnées par  l'État  pourraient  être  appelés  à  faire  partie  gratuitement 
de  l'orchestre  et  des  chœurs.  M.  E.  l'Epine  ignore  peut-être  qu'au 
Conservatoire  il  n'est  pas  d'instrumentiste,  si  petit  qu'il  soit,  qui  ne 
travaille  pour  gagner  sa  vie,  pour  aider  sa  famille,  qui  n'appartienne 
à  quelque  orchestre  pour  y  jouer  le  soir  et  y  répéter  le  matin.  Le  Con- 
servatoire et  les  écoles  reçoivent  des  subventions,  mais  non  les  élè- 
ves, et  il  n'y  aurait  que  stricte  justice  à  les  indemniser  de  leurs 
peines  et  travaux.  Du  reste,  ce  n'est  qu'un  détail,  et  rien  ne  serait 
plus  aisé  que  d'arranger  l'affaire  à  la  satisfaction  de  tous. 

Quant  aux  produits  de  l'entreprise,  M.  E.  l'Epine  nous  permettra 
de  lui  dire  que  nous  n'y  croyons  pas.  Il  y  a  entre  les  arts  beaucoup 
de  rapports,  mais  aussi  beaucoup  de  différences.  On  se  dérange,  on 
paie  même  pour  aller  voir  une  exposition  de  tableaux,  dont  le  plus 
grand  nombre  est  médiocre  ;  on  n'en  ferait  pas  autant  pour  aller  en- 
tendre de  la  musique  douteuse.  La  foule  remplirait-elle  chaque  di- 
manche le  cirque  Napoléon,  si  elle  n'y  était  conviée  par  le  renom 
de  chefs-d'œuvre  de  premier  ordre  ;  si  même  la  Société  des  Con- 
certs, oîi  l'on  ne  pouvait  pénétrer,  n'eût  servi,  pendant  plus  de  trente 
ans,  de  réclame  aux  solennités  de  la  Société  nouvelle?  Une  exposi- 
tion des  refusés  serait-elle  possible  en  musique  ?  On  la  fuirait  comme 
le  feu,  tandis  que  celle  de  peinture  offrait  un  certain  attrait  et  sur- 
tout ne  causait  aucune  fatigue. 

Rayons  le  chapitre  des  recettes,  et  ne  dissimulons  pas  que  le  gou- 
vernement paierait  tout  seul  les  violons,  s'il  jugeait  à  propos  qu'il  y 
eût  de  la  musique.  Qu'il  en  coûte  un  peu  plus  ou  un  peu  moins, 
qu'importe  !  Il  y  a  tant  de  musiciens  sans  ouvrage  qu'on  ne  saurait 
trop  les  favoriser,  et  il  en  restera  toujours  assez  qui  ne  pour- 
ront vivre  en  travaillant  pour  le  théâtre,  même  lorsque  le  principe 
de  liberté  sera  entré  dans  la  pratique,  et  que  l'on  pourra  jouer  des 
opéras  partout  où  l'on  voudra  !  Le  nombre  des  compositeurs 
grossira  dans  la  même  proportion  que  celui  des  théâtres  :  c'est  la 
nécessité,  c'est  la  loi,  et  tous  ceux  qui  ont  appris  à  composer  ne 
sont  pas  prédestinés  à  obtenir  des  succès  de  nature  à  faire  prospérer 
des  entreprises  théâtrales.  C'est  là,  pour  le  dire  en  passant,  le  vice 
radical  d'une  institution  dont  moins  que  personne  nous  demanderions 
la  suppression  :  mais  n'y  aurait-il  pas  moyen  d'y  apporter  quelque 
réforme?  Nous  voulons  parler  du  prix  de  l'Institut.  Chaque  année 
l'Académie  couronne  un  jeune  musicien  et  l'envoie  à  Rome,  sans  avoir 
pu  exiger  de  lui  autre  chose  qu'un  témoignage  de  ses  bonnes  et 
saines  études,  un  style  pur,  correct,  une  orthographe  irréprochable. 
L'Académie  lui  fait  bon  marché  des  idées,  parce  qu'elle  sait  bien  qu'à 
cet  âge  ce  serait  demander  trop  et  trop  tôt.  D'où  il  suit  que, 
toutes  choses  étant  forcément  égales  entre  les  lauréats,  l'Académie 
tire  le  même  musicien  à  dix,  vingt,  trente  exemplaires.  Pas  la  moin- 
dre différence,  pas  la  moindre  nuance  entre  tous  ces  élèves  formés 
par  les  mêmes  leçons.  Or,  quoi  de  plus  fatal  dans  une  famille  d'ar- 
tistes que  cette  uniformité  par  trop  fraternelle  de  physionomies,  d'où 
il  résulte  que  l'on  confond  entre  eux  les  individus.  Comment  un  di- 
recteur se  reconnaîtrait-il  à  travers  tous  ces  jumeaux  de  Bergame? 
Comment  le  public  apprendrait-il  à  les  distinguer  ?  Jetez  dix  ou  vingt 
noms  dans  un  chapeau  et  tirez  au  hasard  :  vous  n'en  serez  pas  plus 
mal  servi! 

En  attendant  qu'on  découvre  le  moyen  de  donner  aux  jugements 
de  l'Académie  une  base  plus  sûre,  à  ses  horoscopes  de  l'avenir  des 
jeunes  musiciens  une  garantie  plus  positive,  accueillons-les  le  mieux 
que  nous  le  pouvons,  à  leur  retour  de  la  villa  MéJicis  ;  ouvrons  pour 
eux  de   nouveaux   concours  ;    faisons    exécuter   leurs    productions. 


356 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


quel  qu'en  soit  le  genre,  mais  livrons  aux  anathèmes  du  public  celui 
d'entre  eux  qui,  s'égarant  dans  une  voie  déplorable,  aura  déclaré 
(suivant  un  mot  connu)  qu'il  se  repentait  d'avoir  trop  sacrifié  à  la 
mélodie  \ 

Paul  SMITH. 


LETTRES  DE  FEUX  IHENDELSSOHIÏ 

(  Suite.  ) 

Mendelssohn  revenait  souvent  à  son  projet  d'écrire  un  opéra,  et  aux 
conditions  qui  lui  semblaient  indispensables.  «  Quant  au  texte  d'o- 
péra en  question,  dit-il,  je  désirerais  en  voir  tout  d'abord  le  scéna- 
rio, pour  être  à  même  de  me  mettre  en  garde  contre  les  difficultés 
qui  pourraient  survenir,  et  contre  des  infirmiUs  déjà  développées. 
Si  elles  sont  inhérentes  au  sujet,  le  mieux  c'est  d'y  renoncer,  ce  qui 
sera  encore  possible  alors  sans  désagréments  pour  les  deux  parties. 
Si  les  infirmités  ne  sont  pas  incurables,  on  pourra  y  remédier  sans 
attaquer  l'organisme  tout  entier. 

»  Pour  parler  sans  image,  ce  qui  peut  m'erapêcher  d'écrire  la 
musique  d'un  librelto,  et  ce  qui  m'en  a  toujours  empêché  en  effet 
jusqu'ici,  ce  ne  sont  point  les  vers,  les  paroles  isolées,  la  forme,  ou 
comme  vous  voudrez  l'appeler  ;  c'est  la  marche  de  l'action,  le  drame, 
les  incidents,  le  scénario.  Si  celui-ci  ne  me  semble  pas  bon  en  soi 
et  solidement  assis,  j'ai  l'intime  conviction  qu'il  en  sera  de  même  à 
l'égard  de  la  musique  ;  et  l'ensemble  ne  satisfera  point  à  mes  exi- 
gences, quoiqu'elles  puissent,  à  la  vérité,  différer  complètement  de 
celles  du  public.  Quant  à  me  conformer  à  celles-ci,  j'y  ai  renoncé 
une  fois  pour  toutes,  par  la  raison  toute  simple  que  cela  est  impos- 
sible ;  par  conséquent,  je  dois  me  régler  sur  ma  conscience  après 
comme  avant.  Le  texte  de  Planché  —  avec  la  meilleure  volonté  des 
deux  côtés  —  ne  fera  pas  un  ouvrage  tel  que  je  le  désire;  je  suis 
sur  le  point  de  regarder  aussi  cette  tentative  comme  avortée.  J'aime 
mieux  no  pas  écrire  d'opéra  du  tout  que  d'en  faire  un  que  dès  le 
principe  je  regarderais  comme  une  œuvre  médiocre.  Au  surplus,  je 
ne  le  pourrais  même  pas,  quand  même  vous  me  donneriez  le 
royaume  de  Prusse  tout  entier. 

»  Tout  ceci  et  les  nombreux  désagréments  qui  surgissent  quand 
un  libretto  est  terminé,  me  font  un  devoir  d'aller  plutôt  pas  à  pas, 
plutôt  trop  lentement  que  trop  vite  ;  voilà  pourquoi  je  me  suis  pro- 
posé de  ne  plus  engager  de  poëte  pour  un  si  grand  travail,  qui  en 
définitive  n'aboutirait  pas,  avant  de  m'être  entendu  avec  lui  sur  le 
scénario.  Qa'il  soit  court  ou  étendu,  simplement  esquissé  ou  longue- 
ment développé,  je  ne  prétends  pas  imposer  d'obligation  à  cet  égard, 
aussi  peu  que  sur  la  question  de  savoir  si  l'opéra  doit  avoir  trois, 
quatre  ou  cinq  actes.  S'il  me  convient  tel  quel ,  huit  actes  ne  se- 
ront pas  de  trop,  et  un  acte  me  suffira.  Je  ne  tiens  pas  non  plus  à 
ce  qu'il  y  ait  un  ballet  ou  qu'il  n'y  en  ait  pas.  La  seule  chose  que 
j'exige,  c'est  que  le  scénario  s'accorde  avec  mon  talent  musical  et 
ma  manière  d'être,  ce  que  je  suis  en  état  d'apprécier  d'après  un 
simple  scénario  tout  aussi  bien  que  d'après  un  texte  complet,  n 

"  De  la  signification  des  compositions  musicales.  —  On  parle 
tant  de  la  musique  et  l'on  dit  si  peu  de  chose!  V.n  général, 
je  pense  que  la  parole  ne  suffit  pas,  et  si  je  trouvais  qu'elle 
est  suffisante,  je  finirais  par  ne  plus  écrire  de  musique.  D'ordi- 
naire les  gens  se  plaignent  de  ce  qu'on  peut  interpréter  la  musique 
de  tant  de  manières  différentes  ;  de  ce  que  l'on  sait  si  pou  ce  qu'elle 
veut  dire,  tandis  que  tout  le  monde  comprend  les  paroles.  Pour  moi, 
c'est  tout  le  contraire.  Et  il  ne  s'agit  pas  seulement  de  discours  en- 
tiers, mais  de  paroles  isolées;  celles-là  même  me  paraissent  suscep- 
tibles de  tant  d'interprétations,   et  si  vagues  en  comparaison  d'une 


vraie  musique,  laquelle  vous  emplit  l'âme  de  mille  choses  meilleures 
que  des  paroles  !  Ce  que  me  dit  une  musique  que  j'aime,  ce  ne  sont 
pas  pour  moi  des  pensées  trop  vagues,  mais  trop  précises  pour  être 
exprimées  en  paroles.  Ainsi,  dans  toutes  les  tentatives  d'exprimer 
ces  pensées,  je  trouve  du  vrai,  mais  j'y  sens  aussi  quelque  chose 
d'incomplet  ;  et  il  en  est  de  même  à  l'égard  des  vôtres,  mais  ce 
n'est  pas  votre  faute,  c'est  la  faute  des  paroles  qui  sont  insuflisantes. 
Si  vous  me  demandez  ce  que  j'ai  pensé  en  les  écrivant  les 
Romances  sans  paroles,  je  vous  répondrai  :  Précisément  la  ro- 
mance telle  qu'elle  est.  Et  si,  en  écrivant  l'une  ou  l'autre,  j'ai  eu 
dans  la  pensée  une  parole  ou  des  paroles,  je  ne  veux  pourtant  pas 
les  énoncer,  parce  que  la  même  parole  ne  dit  pas  à  l'un  ce  qu'elle 
dit  à  l'autre,  parce  que  la  romance  seule  peut  dire  à  l'un  exactement 
ce  qu'elle  dit  à  l'autre,  et  réveiller  chez  l'un  le  même  sentiment  que 
chez  l'autre,  sentiment  qui  ne  pourrait  pas  s'exprimer  par  les  mêmes 
paroles. 

»  Résignation,  mélancolie,  louanges  de  Dieu,  chasse  à  courre;  l'un 
ne  se  figure  pas  la  même  chose  que  l'autre.  La  résignation  est  pour 
celui-ci  ce  que  la  mélancolie  est  pour  celui-là.  Sans  doute,  si  un 
homme  était  de  son  naturel  un  chasseur  passionné,  la  chasse  à 
courre  et  les  louanges  de  Dieu  pourraient  se  confondre  chez  lui  en  une 
seule  et  même  idée;  pour  lui,  les  fanfares  du  cor  de  chasse  seraient 
véritablement  les  louanges  de  Dieu.  Pour  nous,  cela  ne  serait  qu'une 
chasse  à  courre,  et  nous  aurions  beau  discuter,  cela  ne  nous  avance- 
rait à  rien.  La  parole  a  des  sens  divers  ;  quant  à  la  musique,  nous  la 
comprendrons  tous  les  deux  parfaitement. 

1)  Voulez-vous  agréer   ceci  comme  une  réponse  à  voire  question 
(relative  au  sens    de  plusieurs  Romances  sans  paroles)?   C'est   du 
moins  la  seule  que  je  puisse  vous  donner,  quoique  ce  ne  soient  éga- 
lement que  des  mots  qu'on  peut  expliquer  de  bien  des  manières,  n 
Traduit  par  J.  DUESBERG. 


REVUE  DES  THEATRES. 

Odéon  :  Les  Indifférents,  comédie  en  quatre  actes  et  en  prose,  par 
M.  Adolphe  Belot.  —  Gymnase  :  Montjoye,  comédie  en  cinq  actes, 
par  M.  Octave  Feuillet. 

M.  Adolphe  Belot,  l'un  des  auteurs  du  Testament  de  César  Giro- 
dot,  est  évidemment  de  l'école  d'Alexandre  Dumas  fils  et  de  Théo- 
dore Barrière.  Il  vise  à  la  comédie  de  caractère,  et  il  est  plus  pré- 
occupé de  la  silhouette  de  ses  personnages  que  du  fond  du  tableau 
dans  lequel  il  les  place.  Mais  pour  leur  donner  le  relief  qui  leur  est 
propre,  il  n'a  pas  au  même  degré  l'esprit  d'observation  d'Alexandre 
Dumas  fils  ni  la  repartie  brillante  et  incisive  de  Théodore  Barrière. 
Sa  manière  se  rapproche  davantage  des  teintes  douces  de  Picard  ou 
d'Alexandre  Duval.  On  n'en  doit  pas  moins  reconnaître  chez  ce  jeune 
auteur  des  qualités  estimables  qui,  avec  un  peu  d'acquis  et  beau- 
coup de  persévérance,  lui  feront  peut-être  un  jour  trouver  le  secret 
de  la  bonne  comédie.  Les  Indifférents,  de  l'Odéon,  viennent  à  l'ap- 
pui de  notre  opinion.  Les  portraits  n'y  manquent  pas,  quoique  assez 
monotones;  mais  l'action,  trop  vulgaire,  trop  percée  à  jour,  ne  les 
soutient  pas  suffisamment.  La  famille  Simonnet  végète  dans  une  in- 
dolence coupable.  Le  père  ett  un  franc  égoïste  qui  ne  se  dérangerait 
pas  pour  son  meilleur  ami;  la  mère  s'absorbe  béatement  dans  ses 
pratiques  dévotes;  le  fils  est  apathique  avec  délices,  et  la  fille  elle- 
même  n'a  pas  le  courage  moral  qu'il  faut  pour  se  préserver  des 
atteintes  de  la  médisance.  Au  milieu  de  ce  quatuor  d'indifférents 
tombe  tout  à  coup  un  jeune  officier  de  marine,  amoureux  de  Mlle  Si- 
monnet, et  comme  il  ne  lui  convient  pas  d'entrer  dans  une  famille 
de  fakirs,  il  entreprend  une  cure  générale ,  en  réveillant  tous   ces 


DE  PAKIS, 


357 


gens-là  de  leur  torpeur  par  les  moyens  les  plus  énergiques.  11  leur 
persuade  que  la  jeune  Simonnet  est  gravement  compromise  par  les 
propos  d'un  fat,  et  dès  lors  tous  nos  dormeurs  commencent  à  se 
frotter  les  yeux  et  à  s'émousliUer  de  la  belle  façon.  Le  drame  est 
bien  près  d'empiéter  sur  la  comédie  ;  mais  l'officier  de  marine  étend 
la  main,  tout  s'arrête,  comme  dans  une  féerie,  et  la  leçon  se  termine 
par  un  bon  mariage.  Les  indifférents  sont-ils  corrigés?  That  is  Ihe 
question;  mais,  du  moins,  la  pièce  est  sauvée,  et  M.  Adolphe  Bélbt 
compte  un  succès  de  plus,  succès  anodin  pourtant,  et  qui  l'oblige  à 
ne  pas  s'immobiliser  dans  Yindifférence  de  sa  famille  Simonnet. 

—  Il  n'en  est  pas  ainsi  de  l'académicien  Octave  Feuillet,  qui  vient 
de  prouver,  en  remportant  une  éclatante  victoire  au  Gymnase,  que 
les  lauriers  de  l'Institut  ne  sont  pas  toujours  des  pavots,  comme  on 
pourrait  le  croire.  Monijoye  est ,  sans  contredit,  le  chef-d'œuvre 
dramatique  de  M .  Octave  Feuillet,  et  nous  le  constatons  avec  plaisir, 
tout  en  faisant  nos  petites  réserves.  Et  d'abord,  est-ce  bien  une 
comédie  de  mœurs,  dans  toute  l'acception  du  mot?  Nous  ne  le 
pensons  pas.  Si  l'auteur  a  voulu  peindre  toute  une  classe  de  la 
société  contemporaine,  dans  cet  industriel  profondément  égoïste, 
criminellement  ambitieux,  qui  échafaude  sa  fortune  dans  une  infamie 
bien  caractérisée,  nous  croyons  qu'il  s'est  trompé  et  qu'il  a  fait 
fausse  route. 

Montjoije  est  peut-être  une  individualité  ressemblante,  mais  rien 
de  plus.  Les  faiseurs  de  son  espèce  finissent  tôt  ou  tard  devant  la 
cour  d'assises  ou,  tout  au  moins,  devant  la  police  correciionnelle; 
mais  ils  ne  constituent  pas  une  caste  nombr'euse  qu'il  soit  nécessaire 
de  démasquer  et  de  ilétrir  en  masse,  selon  le  but  de  la  vraie 
comédie.  Nous  en  savons  beaucoup,  tous  parvenus  millionnaires, 
qui  ont  un  écu  à  la  place  du  cœur,  qui  n'ont  d'autre  affection  qu3 
celle  de  leur  personne  ou  de  leur  caisse,  qui  ne  reculent  devant  aucune 
habilité  juridiquement  licite  pour  s'arrondir  ou  pour  s'élever.  Mais 
ce  n'est  pas  tout  à  fait  ainsi  que  procède  Montjoye.  Au  début  .de  sa 
carrière,  il  a  ruiné  un  associé,  en  supprimant  traîtreusement  des 
lettres  qui  pouvaient  conjurer  sa  perte.  Cet  associé  s'est  suicidé,  et 
Monijoye  a  hérité  de  ses  dépouilles.  Plus  tard,  il  devient  riche  à 
millions  ;  il  est  un  des  heureux  du  siècle.  Et  alors,  bien  moins  pour 
réparer  sa  faute  originelle  que  pour  en  faire  perdre  les  traces,  il 
songe  à  marier  sa  fille  au  fils  pauvre  de  son  ancien  associé.  Car 
voici  son  calcul  :  à  la  veille  de  se  lancer  dans  la  politique,  de 
briguer  la  députation  et  d'arriver  peut-être  au  ministère,  il  faut  que 
rien  ne  puisse  faire  ombre  à  sa  considération  ;  or,  si  son  crime  a 
fait  naître  quelque  soupçon  rétrospectif,  qui  donc  osera  l'accuser 
lorsqu'on  verra  le  jeune  Sorel  s'allier  à  l'homme  qui,  à  en  cj-oire  la 
calomnie,  aurait  armé  le  pistolet  de  son  père? 

Il  est  certain  que  celte  adroite  combinaison  réussirait  pleinement, 
si  l'heureux  Montjoye,  gâté  par  le  sort,  ne  prenait  lui-même  la  peine 
de  la  renverser ,  en  intro<luisant  jusque  sous  son  toit  une  intri- 
gante dont  il  est  fortement  épris.  Sa  femme  s'indigne  et  fait  des 
remontrances;  mais  de  quel  droit?  Monijoye,  qu'elle  a  rendu  père  de 
deux  enfants,  ne  l'a  pas  épousée,  afin  de  mieux  se  réserver  l'avenir. 
Si  elle  n'est  pas  d'humeur  à  .souffrir  une  rivale  dans  sa  maison, 
elle  n'a  qu'à  en  sortir,  et  c'est  ce  qu'elle  fait  en  emmenant  ses  en- 
fants. La  réaction  n'attendait  que  ce  dernier  excès  de  l'homme 
heureux.  Il  a  dans  ses  bureaux  un  brave  employé  qui  connaît  le 
secret  de  la  mort  de  Sorel.  Indigné  de  l'odieuse  conduite  de  son 
patron ,  il  va  trouver  le  fils  du  suicidé  et  lui  fournil  les  preuves  du 
crime  du  Montjoye.  Le  jeune  homme  oublie  que  ce  misérable  est  le 
père  de  celle  qu'il  aime;  il  le  provoque;  un  duel  a  lieu  dans  les 
jardins  de  l'hôtel,  et  Monijoye  blesse  grièvement  son  adversaire, 
sous  les  yeux  de. sa  fille,  que  ce  spectacle  foudroie.  C'est  la  fin  du 
quatrième  acte  ;  l'intérêt  est  à  son  comble  ;  le  drame  succédant  à  la 
comédie,  est  noué  de  main  de  maître.  Mais  comment  M.  Octave 
Feuillet  vat-il  se  tirer  de  là?  11  y  a  deux  voies  :  l'une  au  bout  de 


laquelle  Monijoye  doit  se  montrer  logique  et  mourir  dans  l'impéni- 
tence  finale ,  l'autre  au  contraire ,  qui  le  conduit  tout  droit  au 
remords  et  à  la  réparalion.  C'est  cette  dernière  que  l'auteur  a 
choisie  comme  étant  la  plus  sûre,  mais  elle  est  en  même  temps  la 
plus  puérile.  Il  y  a  trente  ans  et  plus  que  les  choses  se  passent  de 
la  sorte  au  Gymnase;  M.  Octave  Feuillet  eijt  sans  doute  craint  de 
dérouter  ce  bon  pubHc  en  ne  le  renvoyant  pas  chez  lui  très-rassuré 
sur  le  compte  de  cet  estimable  Montjoye,  qui,  après  avoir  commencé 
par  le  vol,  finira  par  le  prix  Monthyon. 

La  nouvelle  comédie  de  l'auteur  de  Dalila  n'en  est  pas  moins  une 
œuvre  d'un  mérite  incontestable,  si  l'on  en  excepte  le  dénoûment; 
et  encore  plaira-t-il  à  un  grand  nombre  de  spectateurs.  Elle  est 
d'ailleurs  merveilleusement  jouée  par  tous  ses  interprètes,  et  en 
première  ligne  par  Lafont,  Landrol,  Dieudonné  et  Mlle  Delaporte. 
C'est  un  succès  qui  durera  tout  l'hiver. 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 

^*t  Au  théâtre  impérial  de  l'Opéra,  les  Huguenots  ont  été  représentés 
dimanche  dernier  devant  une  assemblée  fort  nombreuse,  malgré  le 
jour  de  la  Toussaint  qui  éloigne  beaucoup  de  monde  des  théâtres. 
L'exécution  du  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer  a  été  très-satisfaisante,  et 
les  applaudissements  chaleureux.  Lundi  et  vendredi,  Villaret  a  con- 
tiûué,  avec  un  succès  aussi  grand  que  mérité  ses  débuts  dans  le 
rôle  d'Eléazar  de  la  Juive,  et  mercredi  la  Favorite  a  été  donnée  avec 
Diavolina. 

^*^  Aujourd'hui  dimanche,  par  extraordinaire,  la  Muette  de  PorticL 

^*.j,  Les  répétitions  de  la  Fiancée  du  roi  de  Garbes  touchent  à  leur  fin. 
La  direction  de  l'Opéra-Comique  apporte  le  plus  grand  soin  à  la  mise 
en  scène  du  nouvel  ouvrage  d'Auber,  dont  les  trois  actes  contiennent 
six  tableaux.  On  vient  d'engager  six  élèves  du  Conservatoire  pour 
augmenter  un  chœur  de  pages^  dont  on  dit  le  plus  grand  bien. 

^*^  PJaudin,  revenu  do  Berlin,  comme  Mlle  Patti,  et  comme  elle  en- 
gagé par  M.  Bagier,  est  aussi  parti  pour  Madrid,  où  il  doit  se  faire  en- 
tendre pendant  six  semaines,  ensuite  il  chantera  au  théâtre  Italien  de 
Paris. 

t**  Le  théâtre  Lyrique  impérial  annonce  les  dernières  représentations 
des  Noces  de  Figaro  et  la  prochaine  reprise  d'Oberon  pour  les  débuts  du 
ténor  de  Quercy.  Mme  Faure-Lefebre  chantera  le  rôle  de  Fatime,  et 
Mme  Ugalde  celui  de  Rézia  dans  l'opéra  de  Weber. 

^.**  M.  de  Flotow  vient  de  présenter  à  la  direction  du  théâtre  de  la 
cour,  de  Vienne,  un  opéra  nouveau  en  trois  actes,  intitulé  :  Naïda.  Le 
texte  est  de  MM.  Saint-Georges  et  L.  Halévy  ;  il  a  été  traduit  par  Din- 
gelsledt 

^*^  Les  théâtres  de  Carlo-Felice  à  Gênes,  et  Victor-Emmanuel  à  Turin, 
viennent  de  représenter  le  StradcUa  de  Flotovy,  qui  a  été  accueilli  avec 
une  grande  faveur. 

^*^  Le  Pirate,  de  Turin,  annonce  que  la  célèbre  cantatrice,  Mme  Frez- 
zohni,  se  dispose  à  faire  une  tournée  en  Italie,  avec  une  troupe  qui 
prendra  pour  titre  :  Compagnie  lyrique  italienne  d'Ermini'a  Frezzolini, 
dirigée  par  Vittorio  Longhera. 

^**  M.  Bonetti,  l'ancien  chef  d'orchestre  du  théâtre  Italien  de  Paris, 
est  engagé  au  théâtre  Italien  de  Cadix,  où  Mme  Penco  va  donner  une 
série  de  représentations. 

^*f  Carlotta  Patti,  sœur  d'Adellna,  doit  se  rendre  à  Paris  le  mois 
prochain,  après  avoir  donné  des  concerts  en  Hollande,  en  Belgique 
et  dans  le  nord  de  la  France. 

,,■%  Dans  le  discours  prononcé  par  l'Empereur  à  l'ouverture  de  la 
session  législative.  Sa  Majesté  a  annoncé  le  décret  qui  supprime  les 
privilèges  exclusifs  pour  les  théâtres. 

^*;i,  Lorsque  la  commission  des  thâtres,  nommée  en  octobre  1848, 
eut  à  examiner  la  même  question,  qu'elle  décida  aussi  dans  le  sens  de 
la  liberté,  la  Ikcue  et  Gazette  musicale  appuya  fortement  ce  vote  par 
des  articles  qu'on  a  souvent  cités,  et  qu'on  retrouve  dans  son  année 
1849  sous  les  titres  :  Utopies  théâtrales  et  Privilège  et  liberté.  Ces  articles, 
auxquels  nous  aurons  l'occasion  de  revenii-,  indiquaient  nettement  ce 
qu'il  y  avait  à  attendre  du  régime  de  la  liberté,  sans  se  faire  illusion 
sur  ses  avantages  et  sur  ses  périls. 


358 


KEVLE  KT  GAZETTE  MUSICALE 


i*»  La  commission  de  l'affichage  des  spectacles,  sous  la  présidence 
de  M.  le  comte  Bacciochi,  est  sur  le  point  de  terminer  ses  travaux. 
Entre  autres  mesures  qui  paraissent  décidées,  on  cite  celle  qui  a  pour 
but  d'étendre  l'affichage  des  théâtres  de  Paris  aux  communes  annexées. 
A  cet  effet,  le  nombre  des  affiches  quotidiennes,  qui  était  de  150  par 
théâtre,  sera  porté  à  200,  les  KO  exemplaires  supplémentaires  étant 
destinés  à  l'ancienne  banlieue.  En  outre,  les  affiches  ne  seront  plus 
collées  sur  les  murs  :  l'administration  fera  établir  pour  les  recevoir, 
dans  les  différents  quartiers  de  Paris,  200  petits  kiosques  spéciaux  qui, 
le  soir,  seront  éclairés  au  gaz  et  dont  la  construction  est  évaluée  à 
5C0  francs  environ  par  kio.sque. 

,**  La  grande  question  de  la  propriété  littéraire  et  artistique,  qu'une 
commission  d'hommes  éminents  a  été  chargée  de  régler  en  France  par 
un  projet  de  loi  qui  sera  soumis  à  la  Chambre  dans  la  présente  ses- 
sion, est  aussi  à  l'ordre  du  jour  en  Allemagne.  Les  membres  de  la 
commission  fédérale  se  sont  réunis  à  Francfort ,  et  ont  commencé 
leurs  délibérations  en  vue  d'arrêter  une  loi  commune  à  tous  les  Etats 
allemands.  Deux  projets  leur  ont  été  soumis,  l'un  par  l'Autriche  et 
l'autre  par  la  Saxe;  ils  doivent  servir  de  base  à  la  discussion. 

^*^  Voici  le  programme  du  troisième  concert  populaire  de  musique 
classique  qui  aura  lieu  aujourd'hui,  sous  la  direction  de  Pasdeloup,  au 
cirque  Napoléon  :  1°  symphonie  earé  majeur,  op.  7,  de  Mozart;  2°  po- 
lonaise de  Slruensée,  de  Meyerbeer;  3°  ouverture  de  la  Grotte  de 
Fingal,  de  Mendelssohn  ;  4°  adagio  du  6"  quatuor,  pour  tous  les  instru- 
ments à  cordes,  de  Haydn  ;   5°  symphonie  en  la,  de  Beethoven. 

»*»  La  séance  de  musique  moderne  donnée  récemment  par  M.  Lebouc 
offrait  un  programme  des  plus  variés.  Parmi  les  morceaux  de  chant,  on 
remarquait  une  fraîche  et  simple  mélodie  de  Meyerbeer,  Près  de  toi, 
avec  accompagnement  de  violoncelle,  fort  bien  chantée  par  Mlle  Dorus. 

a,'i  Mlle  Augustine  Gonetti,  dont  nous  avons  annoncé  dimanche  der- 
nier le  brillant  succès  au  théâtre  d'Ancône  dans  le  rôle  de  Paolina 
de  Poliuto,  avait  eu  l'avantage  d'être  dirigée  dans  son  éducation 
vocale  et  dramatique  par  deux  professeurs  excellents,  MM.  Panofka  et 
Schimon,  qui  lui  ont  donné  pendant  plusieurs  années  les  conseils  les 
plus  utiles.  Nous  avions  déjà  parlé  de  cette  jeune  artiste  après  l'avoir 
entendue  chanter  chez  M.  Panofka  plusieurs  morceaux  du  répertoire 
italien,  et,  entre  autres,  ce  même  air  de  Poliuto,  qui  lui  a  valu  un  si 
beau  succès  à  son  début  en  Italie.  Elle  a  dit  alors  cet  air  très-difficile 
avec  une  maestria  et  une  vocalisation  si  parfaites,  que,  dès  ce  jour, 
nous  lui  prédisions  le  plus  bel  avenir.  Mlle  Gonetti ,  comme  Mlle 
TreboUi,  n'a  d'italien  que  le  nom  ;  elles  sont  toutes  deux  Françaises. 

^*^  L'enseignement  de  Mme  .Marchesi  a  repris  toute  sa  vogue  :  beau- 
coup d'artistes  françaises  et  étrangères  viennent  lui  demander  des 
conseils.  Les  vocalises  composées  par  elle  sont  adoptées  dans  plusieurs 
Conservatoires;  dans  celui  de  Gand  notamment,  on  les  a  chantées  pour 
les  concours.  En  outre,  Mme  Marchesi  vient  d'écrire  des  exercices  élé- 
mentaires gradués  pour  la  voix,  12  vocalises  pour  le  chant  large  dé- 
diées à  Mme  Gevaert,  et  12  vocalises  pour  le  chant  brillant,  dédiées  à 
Mme  Edouard  Monnais.  L'œuvre  est  complète  et  paraîtra  bientôt. 

a,*'*  Mme  Madeleine  Graever  vient  d'arriver  à  Bruxelles  et  s'y  fera  en- 
tendre au  premier  concert  de  la  Société  de  la  Grande  harmonie.  Un  vif 
intérêt  s'attache  au  début  en  Belgique  de  cette  excellente  pianiste, 
l'ancienne  élève,  devenue  émule  de  Litolff. 

^*»  Géraldy  est  de  retour  à  Paris.  L'éminent  chanteur  et  professeur 
y  restera  comme  d'habitude  pendant  tout  l'hiver. 

^*^  J.  Becker,  le  violoniste,  si  applaudi  dans  les  concerts  historiques 
donnés  par  lui  l'hiver  dernier,  a  terminé  sa  tournée  en  Allemagne  et 
obtenu  les  plus  grands  succès,  particulièrement  à  Stuttgard,  Manheim 
et  dans  le  Palatinat.  11  doit  revenir  à  Paris  vers  le  mois  de  janvier  et 
visiter  plusieurs  villes  de  France,  où  l'appellent  des  engagements. 

^*^,  On  vient  de  fonder  à  Côme  une  Société  musicale  dans  le  but 
de  propager  les  œuvres  instrumentales  des  maîtres  anciens  et  vivants, 
comme  il  en  existe  à  Milan,  Florence,  Naples  et  Modène. 

j**  S.  Exe.  le  ministre  de  la  maison  de  l'Empereur  et  des  beaux- 
arts  vient  de  souscrire  pour  dix  exemplaires  à  la  magnifique  collection 
du  Trésor  des  Pianistes,  publiée  par  M.  et  Mme  Farrenc. 

**»  M.  A.  Bessems,  de  retour  de  ses  voyages,  prévient  ses  nombreux 
élèves  qu'il  ouvre  un  cours  d'accompagnement  de  musique  classique, 
chez  lui,  rue  Godot-de-Mauroy,  15,  sa  nouvelle  demeure,  les  mardi  et 
vendredi  de  chaque  semaine,  de  2  à  4  heures. 

,1,*:^  La  partition  du  Comte  Ory,  arrangée  pour  le  piano  seul,  qui 
n'existait  qu'en  grand  format,  vieut  de  paraître  chez  les  éditeurs  Bran- 
dus  et  Dufour,  dans  une  édition  nouvelle  in-8°,  et  à  un  prix  très-  ré- 
uit. 

**»  Frédéric  Brisson  est  de  retour  à  Paris  et  va  reprendre  ses  cours 
d'orgue  et  de  piano.  11  rapporte  avec  lui  plusieurs  compositions  impor- 
tantes qu'il  nous  fera  entendre  cet  hiver. 


**^.  On  nous  annonce  que  MM.  Charles  Lainoureux,  Emile  Rignault, 
Adam  et  Colonne  donneront  très-prochainement  des  Séaiices  populaires 
de  musique  de  chambre.  L'exécution  hors  ligne  de  ces  quatre  virtuoses, 
leur  style  magistral  dans  l'interprétation  du  quatuor,  et  la  modicité  du 
prix  des  places,  nous  font  prédire  le  plus  grand  succès  et  la  plus  grande 
vogue  à  cette  entreprise. 

^*^  Dimanche  prochain  8  novembre,  à  l'occasion  de  la  fête  patronale 
de  Saint-Eustache,  sera  exécutée  à  10  heures  très-précises  en  ladite 
église  la  deuxième  messe  en  musique  avec  orchestre,  de  la  composition 
de  M.  Hurand,  maître  de  chapelle  de  la  paroisse.  Le  grand  orgue  sera 
touché  par  M.  E.  Batiste. 

:^*^  Le  Messager  des  sciences  historiques,  de  Gand,  vient  de  commencer 
la  publication  d'un  travail  des  plus  curieux  et  des  plus  érudits,  sous 
le  titre  de  :  La  musique  aux  Paijs-Bas  avant  le  xix°  siècle  ;  documents 
inédits  et  annotés  par  M.  Ed.  Vanderstraeten.  Ce  travail  sera  tiré  à  part 
à  cent  exemplaires.  Le  même  auteur  avait  déjii  publié  en  1855  ses  Re- 
cherches sur  la  musique  à  Audenarde  avant  le  xix"  siè  le,  résultat  de  lon- 
gues et  laborieuses  investigations  danâ  les  archives  de  sa  ville  natale 

a,**  La  douzième  publication  annuelle  de  la  Société  Bach,  qui  vient 
de  paraître,  contient,  en  deux  livraisons  :  la  Passion,  selon  saint  Jean, 
et  dix  cantates  d'église. 

<,*,  W.  Kruger,  l'excellent  pianiste  -  compositeur,  est  de  retour  de 
son  excursion  en  Allemagne. 

s,*a,  M.  J.  Rummel  vient  de  faire  paraître  un  ouvrage  intitulé  :  Sou- 
venirs de  VOpéra  français,  et  contenant  une  collection  de  duos  pour 
le  piano  à  quatre  mains,  composés  sur  les  plus  célèbres  opéras  du 
répertoire.  Ces  morceaux  d'une  excellente  facture  ,  très-brillants,  bien 
que  faciles,  obtiendront  probablement  le  même  succès  que  les  Echos  des 
Opéras  du  même  auteur,  collection  de  fantaisies  pour  le  piano  seul, 
qui  a  été  adoptée  par  la  plupart  des  professeurs. 

J'^  M.  Otto  Jahn,  professeur  à  l'Université  de  Bonn,  se  propose  d'é- 
crire Vhistoire  de  la  vie  et  des  ouvrages  de  Joseph  Haydn,  sur  le  plan  qu'il 
a  suivi  avec  tant  de  succès  dans  la  biographie  de  Mozart.  Dans  la  col- 
lection du  cardinal  archiduc  Rodolphe,  léguée  par  celui-ci  à  la  Société 
des  Amis  de  la  musique,  ou  a  trouvé  un  oratorio  de  Haydn,  dont  aucun 
de  ses  biographes  ne  fait  mention.  Il  est  intitulé  :  le  Sacrifice  d'A- 
braham . 

„,'**  Le  premier  volume  de  la  nouvelle  biographie  de  Weber,  par  son 
fils,  vient  de  paraître. 

^*3,  Do,  ré,  mi,  fa,  sol,  la,  si!  Chacune  de  ces  notes  trouve  son  ex- 
pression dans  un  récit  romanesque  plein  d'intérêt,  de  sentiment  et 
d'esprit  que  M.  Oscar  Comettant  vient  de  faire  paraître  sous  le  titre 
de  la  Gamme  des  Amours,  chez  Dentu  et  k  la  librairie  centrale.  Varia- 
tions sur  un  thème  connu,  dit  M.  03car  Comettant  dans  son  sous-ti- 
tre. Le  thème  est  connu  sans  doute,  et  cependant,  quoi  de  jilus  tou- 
jours nouveau  sous  le  soleil  que  ce  thème  charmant  qui  lui  a  inspiré 
de  si  intéressantes  variations? 

,i,*,f  Sous  le  titre  :  La  Musique,  poëme  d'humoriste,  M.  Courtat  publie 
une  œuvre  tout  à  la  fois  plaisante  et  sérieuse,  où  la  saillie  abonde,  et 
qui  surtout  ne  manque  pas  d'actualité. 


CHRONIQUE    DÉPARTEMENTALE. 


,j*^  Lyon.  —  Le  grand  succès  que  l'Etoile  du  Nord  a  obtenu  k  sa  re- 
prise ne  fait  qu'augmenter.  Mme  Cabel  obtient  un  véritable  triomphe 
dans  le  rôle  de  Catherine.  —  Outre  le  Pardon  de  Ploërmel,  dont  la  re- 
prise est  prochaine,  Charles  Vlet  Jaguarita  vont  être  mis  en  répétition. 

„,■*«  Tarbes.  —  L'Orphéon  de  cette  ville  ayant  eu  l'honneur  de  chanter 
devant  l'Empereur,  les  Enfants  de  Bigorre  ont  obtenu  de  S.  M.  le  titre 
d'Orphéon  du  prince  impérial.  Le  Salut  impérial  d'Ëlwart,  ce  véritable 
God  save  français.  Vive  VEmpereur!  de  Gounod,  et  les  Maçons,  de  Saintis, 
tels  sont  les  morceaux  qui  ont  été  parfaitement  exécutés  par  les  orphéo- 
nistes de  Tarbes,  auxquels  avaient  été  adjoints  les  enfants  de  l'école 
communale.  Le  directeur,  M.  Guthmann,  a  eu  l'honneur  de  parler  à 
l'Empereur  et  de  recevoir  des  félicitations. 

,j**  Marseille.  —  Le  Comte  Ory  vient  d'être  repris  aux  applaudisse- 
ments d'une  salle  bien  garnie.  Mmes  Gasc  et  Dumestre  et  M.  Dufresne 
s'y  sont  montrés  très-remarquables.  —  Le  Pardon  de  Ploërmel  va  entrer 
en  répétition  au  grand  théâtre. 


hE  PARIS. 


SSS- 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


f*^  Londres.  —  Les  représentations  d'opéras  italiens  au  théâtre  de 
Sa  Majesté  sont  très-suivies  ;  Mmes  Tietjens  et  Trebelli  y  brillent  au 
premier  rang.  —  Dans  les  cinq  représentations  de  Faust,  M.  Marcliesi  a 
chanté  le  rôle  de  Méphistophélés,  en  alternant  avec  M.  Rossi,  et  il  s'y 
est  également  fait  applaudir  comme  acteur  et  comme  chanteur.  Sa  voix 
est  d'une  qualité  excellente,  et  il  l'a  conduit  avec  un  vrai  talent  de  mu- 
sicien. —  M.  Bénédict  annonce  un  grand  concert  à  Saint-James-Hall,  où 
l'on  entendra  pour  la  première  fois  à  Londres  sa  nouvelle  cantate,  liichard 
Cœur  de  lion,  qui  a  été  tant  applaudie  au  récent  festival  de  Norwich. 
—  Mlle  Carlctta  Patti  vient  de  chanter  pour  la  onzième  fois  au  palais  de 
Cristal,  devant  plus  de  8,000  auditeurs,  affluence  inouïe,  si  l'on  songe  à 
la  saison  avancée.  Son  succès  a  été  très-grand.  La  célèbre  artiste  doit  se 
faire  entendre  encore  une  fois  à  Londres  dans  un  grand  concert,  qui  est 
fixé  au  10  novembre.  Elle  partira  ensuite  pour  l'Irlande.  —  La  sixième 
saison  des  Monday-Popular-Concerts  a  été  inaugurée  avec  un  grand  éclat. 
Le  programme  se  composait  de  morceaux  de  Bach,  Haydn,  Beethoven, 
Spohr,  Meudelssohn  et  Schubert.  Les  exécutants  étaient  MM.  Lotto, 
L.  Ries,  Webb,  Piatti  et  Ch.  Halle.  Le  jeune  violoniste  Lotto,  qui  a  pro- 
duit à  Londres  une  sensation  extraordinaire  au  Cryst.nl-Palace  et  récem- 
ment aux  concerts  de  M.  Mellon,  vient  d'y  consolider  sa  réputation, 
déjà  grande  par  son  talent  supérieur  dans  l'exécutiou  de  la  musique 
classique. 

^'»  Berlin.  —  Mlle  Lucca  vient  d'être  nommée  chanteuse  de  la  cour, 
et  une  pension  considérable  lui  est  accordée  à  ce  titre.  —  Le  théâtre 
d'hiver  de  Wallner  vient  d'ouvrir  par  une  bouffonnerie  intitulée  le 
Prince  Acapulco,  musique  d'Offenbach.  —  La  saison  italienne  est  finie  au 
théâtre  Victoria;  la  clôture  a  eu  lieu  par  une  représentation  dite 
grande  miscellanea.  La  salle  était  comble.  C'est  encore  Mlle  Patti  qui  a 
eu  les  honneurs  de  la  soirée  ;  son  merveilleux  talent  s'est  montré  sous 
les  faces  les  plus  diverses  dans  les  fragments  de  ses  trois  meilleurs 
rôles:  Rosine,  Aminé  (de  la  Sonmamhule)  et  Zerline  (Ae  Don  Juan).  Nau- 
din  a  très- bien  chanté  l'air  de  Fernando  dans  Coù  fan  latte.  —  L'or- 
chestre du  théâtre  royal  de  l'opéra  vient  d'ouvrir  la  série  de  ses  soi- 
rées de  symphonies.  —  Dans  le  premier  concert  d'abonnement  à  la  salle 
de  l'académie  de  chant,  1\L  Hans  de  Bulow  a  joué  le  premier  concerto 
de  Liszt.  —  La  Société  de  cliant  Stern  célébrera  le  27  novembre  une  fête 
commémorative  à  propos  de  la  mort  de  Mendelssohn;  on  y  exécutera  le 
93=  psaume,  la  Nuit  de  Walpurgis,  Ane  Maria,  la  Marche  de  la  noce,  et 
le  finale  de  Loreley,  chanté  par  Mlle  Lucca. 

^*j  Leipzig.  —  Au  quatrième  concert  du  Gevvandhaus  a  été  exécuté, 
pour  la  première  fois  dans  cette  ville,  Loreley,  par  Ferdinand  Hiller, 
texte  par  Wolfgang  Millier,  pour  orchestre,  cliœur  et  solo.  C'est  une 
des  meilleures  productions  de  Hiller  ;  elle  a  été  fort  applaudie,  quoique 
l'exécution  ait  laissé  à  désirer.  Les  solos  ont  été  chantés  par  Mme  Docker, 
et  M.  Rudolph,  de  l'Opéra  de  Berlin.  Mme  Decker  a  fait  entendre  en 
outre  un  air  de  la  Création  de  Haydn;  elle  a  reçu  le  meilleur  accueil 
du  public,  ainsi  qae  Mlle  Hélène  Hecrmann,  qui  a  joué  une  fantaisie 
de  Parish  Alvars  sur  la  harpe. 

^*f,  Dresde.  —  SchulhoÊf  est  de  retour  de  son  excursion  au  Tyrol. 
Don  Juan,  avec  une  mise  en  scène  nouvelle,  a  été  donné  au  profit  du 
fonds  de  pension. 

^\  Vienne.  —  La  saison  a  été  inaugurée  par  le  premier  concert  phil- 
liarmonique,  sous  la  direction  de  Dessow.  L'intérêt  de  la  soirée  portait 
avant  tout  sur  la  symphonie  de  Berlioz,  Roméo  et  Juliette.  Le  succès  a 
été  complet;  ou  a  surtout  applaudi  l'adagio,  où  sont  exprimées  toutes 
les  angoisses,  toutes  les  plaintes  de  l'amour.  Une  bonne  part  du  succès 
revient  à  l'orchestre,  qui  a  magistralement  exécuté  la  Fée  Mab.  —  On 
annonce  pour  le  19  novembre  le  nouveau  ballet  de  Borris,  Aventures 
d''une  danseuse,  avec  Sllle  Couqui.  Le  sujet  serait  un  épisode  de  la  vie 
de  Lola  Montés.  —  Le  pianiste  Gustave  Satter  donnera  cette  année  une 
série  de  six  soirées. 

^*^  Florence.  —  Le  Faust,  de  Gounod,  vient  d'être  représenté  avec 
succès  à  la  Pergola. 

^*^  Home.  —  La  Muta  di  Porlici,  dont  ia  censure  retarde  la  représen- 
tation, sera  jouée  au  théâtre  Argentina  sous  le  titre  de  il  Pescatore  di 
Urindisi.  On  y  entendra  Junca,  Liberti  et  la  Monti. 

^**  Madrid.  —  Les  sœurs  Marchisio  sont  toujours  très  applaudies  au 
théâtre  de  l'Oriente.  Elles  viennent  de  se  faire  entendre  avec  beaucoup 
de  succès  dans  le  Uallo  in  rnaschera  et  dans  Norma.  Mme  Borghi-Mamo 
b'est  montrée  avec  beaucoup  d'éclat  dans  la  Favorite. 

^\i,  i\cw  York.  —  La  saison  du  théâtre  Italien  a  été  inaugurée  par 
Robcrto  d'Eoreux,  dans  lequel  se  sont  distingués  Mmes  Medori  et  Suizer, 
le  ténor  Mazzoleni  et  le  baryton  Bellini.  Le  public  était  accouru  en  foule. 
Iligaletto  et  Norma  ont  été  donnés  ensuite. 


^3"  M.  Hocmelle,  organiste  de  Saint  Philippe  du  Roule  et  de  la 
chapelle  du  Sénat,  vient  de  faire  paraître  son  opéra  ayant  pour  titre 
Un  service  d'ami.  Cet  ouvrage  est  gravé,  avec  le  dialogue  parlé.  Comme 
musique,  il  a  l'importance  d'un  opéra-comique  en  un  acte  moins  les 
chœurs.  La  mise  en  scène  étant  à  peu  près  nulle,  il  est  très-facile  à 
monter.  Prix   de  chaque  exemplaire,  piano  chant  et  dialogue,  7  francs. 

Chaque  exemplaire  vendu  donnera  droit  à  un  pourtour  gratuit  pour 
le  concert  de  M.  Hocmelle,  qui  aura  lieu  salle  Herz  au  mois  de  février 
prochain. 

S'adresser  chez  les  principaux  éditeurs  de  musique  et  chez  l'auteur, 
rue  du  Cirque,  21,  près  de  la  pkce  Beauvau. 


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Publiée  par 

m.  A.  FARRËNC  et  Mme  li.  F^RREWC 

Compositeur  et  professeur  de  piano  au  Conservatoire  de  Paris. 
%  Uvralsons  par  an,  cUacnne  d'environ  300  pages  de  mnslqne  et  de  texte  ponr  les  notices  biographiques,  etc. 

CONTENU   DES  LIVRAISONS    PUBLIÉES    : 

l"  livraison:  Emmanuel  Bach,  douze  sonates  en  deux  livres.  — 
Rameau,  deux  livres  de  pièces.  —  Durante,  six  sonates.  —  Porpora, 
six  fugues.  —  %'  livraison  :  E.  Bach,  six  sonates.  —  Jean  Kuhnau, 
sept  sonates.  —  Henri  Purcell,  recueil  de  pièces.  —  Dominique  Scar- 
latti,  pièces  n"'  1  à  26.  —  Hummel,  op.  8,  Chanson  autrichienne,  variée; 

—  op.  9,  Marche  des  Deux  journées,  id.;  —  op.  10,  God  save  the  King, 
id.;  —  op.  15,  air  des  Deux  petits  Savoyards,  id.  —  0.  A.  Lindemann, 
diverses  pièces.  —  Sohwanenberg,  deux  menuets.  —  S"  livraison  : 
Le  P.  Martini,  douze  sonates.  —  Fr.  Couperin,  1«  livraison  de  pièces. 

—  Hummel,  op.  21,  Chanson  hollandaise,  variée;  —  op.  ZiO,  Marche  de 
Cendrillon,  id.;  —  op.  57,  Gavotte  d'Armide;  op.  73,  la  BelU  Marie, 
chanson  anglaise  variée.—  4«  livraison  :  Emm.  Bach,  douze  sonates 


en  deux  recueils.  —  Haendel,  suites  de  pièces  1,  2,  3,  et  4  livres. 
B"  livraison  :  Chambonnière,  recueils  de  pièces ,  livres  1  et  2.  — 
Dominique  Scarlatti,  pièces  n"'  27  à  49.  —  Beethoven,  sept  sonates, 
œuvres  2,  7  et  10. 

La  G°  livraison  paraîtra  avant  la  fin  de  décembre;  elle  contien- 
dra six  sonates  d"Em.  Bach;  —  douze  polonaises  et  une  sonate  de  Wil- 
helm  Friedemann  Bach  ;  —  le  recueil  de  pièces  d'anciens  auteurs  an- 
glais (VV.  Byrd,  John  Bull  et  Orlando  Gibbons),  intitulé  Parthenia  (fin 
du  xvi"  siècle)  et  d'autres  pièces  de  la  même  époque,  entre  autres  le 
fameux  Carman's  Whislle  (le  Sifflet  du  charretier),  ancienne  chanson 
populaire  anglaise  variée,  par  W.  Byrd;  —  les  sonates  de  Beethoven, 
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15  Novembre  1863. 


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REVUE 


PRIS  DE  L'ABONNEMENT: 

Paris 24  (r.  par  on 

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Le  Journal  paraît  le  Dimuoehe. 


GAZETTE  MUSICALE 


— vu  vrj\PiPj\rjw\- — 


SOMMAIRE.  —  La  musique  populaire  et  dans  les  cités  ouvrières  en  1863  (1" 
article),  par  Hanrice  Cristal.  —  La  guerre  de  cent  ans  des  organistes, 
clavecinistes  et  des  maîtres  k  danser  du  royaume  de  France,  1680-1774 
(3'  article),  par  Em.  Mathieu  de  Uonter.  —  Lettres  de  Félix  Men- 
delssohn ,  traduites  par  J,  Dnesberg.  —  Troisième  concert  populaire  de 
musique  classique.  —  Musique  de  chambre  :  audition  du  3'  quatuor  de  M.  Char- 
les Manry,  par  A.  Elwart.  — Nouvelles  et  annonces. 


LA  MSIQUE  POPULAIRE 

ET 

DANS    LES    CITÉS   OUVRIÈRES 

En  1S63. 

(Premier  article.) 

Les  progrès  du  goût  et,  par  suite,  du  besoin  de  la  musique ,  sont 
incontestables.  A  Paris,  il  ne  s'écoule  pas  une  heure,  il  n'est  pas  un 
lieu  où  l'oreille  ne  saisisse,  bon  gré  mal  gré,  quelques  sons,  quel- 
ques accords  qui  en  fournissent  de  nouveaux  témoignages. 

On  sait  qu'en  Allemagne  les  maili-es  chanteurs,  Meislersasuger, 
en  même  temps  poètes  et  musiciens,  foisonnaient  autrefois,  et  qu'ils 
se  formaient  presque  tous  dans  la  chambre  étroite  de  l'ouvrier. 
Hans  Sachs  était  un  cordonnier  de  Nuremberg.  Les  diverses  corpo- 
rations avaient  leurs  confréries  de  poètes  qui  s'inspiraient  laborieuse- 
ment d'un  sujet  donné,  presque  toujours  de  leur  profession,  dont  ils 
rimaient  les  joies  et  les  misères,  les  règles  et  la  discipline,  et  dont 
ils  cherchaient  à  reproduire  les  moindres  bruits,  les  moindres  traits 
caractéristiques  par  l'arrangement  matériel  des  vers,  l'harmonie  imi- 
tative  des  mots,  mise  encore  en  relief  par  le  rhythme  et  par  la  mé- 
lodie de  l'air  qu'ils  y  appliquaient  ensuite.  Quelques  grandes  inspi- 
rations ont  jailli  de  là  ;  mais  l'avantage  réel  consistait  en  ce  que 
l'élément  poétique  circulait  dans  le  peuple,  et  que  les  côtés  obscurs 
de  la  vie  de  chaque  jour  en  recevaient  comme  une  douce  lumière. 
L'amour  du  métier  s'en  accrut,  le  sentiment  de  l'art  s'y  fortifia.  Une 
émulation  continuelle  de  chants  s'alluma  entre  les  divers  maîtres 
chanteurs  des  corporations  diverses.  Les  ouvriers  s'animaient  à  l'ou- 
vrage en  s'accompagnant  de  chansons  nées  de  cet  ouvrage  même  et 
graduées  comme  lui.  Dès  lors  la  semence  du  chant  se  répandit  et  se 
fructifia  sur  toute  la  terre  allemande.  Les  chants  de  corporation  for- 
mèrent une  chaîne  qui  s'étendit  sans  interruption,  et  à  laquelle  les 
maîtres  chanteurs  modernes  ont  ajouté  de  nombreux  anneaux. 

En  Italie,  la  musique  populaire  a  produit  les  mêmes  résultats,  bien 
moins  sensibles  aujourd'hui  qu'il  y  a  deux  ou  trois   cents  ans.  Un 


exemple  curieux  et  peu  connu  de  l'alliance  des  goûts  élevés  de  la 
poésiî  et  de  la  musique  populaire  a  été  donné  à  Palerme,  oîi  les 
mendiants  aveugles  se  sont  constitués  en  académie.  Cette  académie, 
qui  existe  encore,  a  tenu  ses  séances  depuis  Fan  1661,  où  elle  fut 
fondée,  jusqu'à  nos  jours  dans  le  vestibule  de  la  maison  professe  des 
jésuites,  que  le  général  de  cet  ordre  leur  donna  pour  lieu  de  réunion 
en  1690.  Depuis  on  a  essayé  de  les  en  chasser;  mais  les  lieutenants 
et  gouverneurs  ont  maintenu  les  droits  de  ces  musiciens  aveugles 
qui  gardent  précieusement  dans  une  cassette  à  trois  serrures  le  re- 
cueil de  leurs  privilèges  qu'ils  ne  peuvent  pas  voir  et  qu'ils  ne  mon- 
trent à  personne.  Ils  sont  au  nombre  de  trente  troubadours  et  chan- 
teurs. Les  irovalori  composent  :  les  rapsodes  et  joueurs  d'instru- 
ments vont  colporter  leurs  chants  dans  les  villes  et  dans  les  cam- 
pagnes. Ils  s'engagent  à  ne  pas  chanter  dans  les  mauvais  lieux,  à  ne 
pas  dire  de  chansons  profanes  dans  les  églises,  à  réciter  tous  les  jours 
leur  rosaire,  enfin  à  présenter  et  à  exécuter  avec  orchestre  et  chœur, 
chaque  année  à  la  Congrégation,  le  8  décembre,  jour  de  la  fête  de 
l'Immaculée-Conception,  une  hymne  en  l'honneur  de  la  Vierge.  Ils  ont 
aussi  leurs  luttes  de  musique  de  voix  et  d'instruments,  et  de  chansons 
profanes  d'amour,  de  fantaisie  et  de  métier.  Tous  les  premiers  jeudis 
du  mois,  un  père  jésuite  reçoit  leur  confession  et  fait  passer  à  la 
conserve  leur  musique  et  leurs  chansons.  En  1861  nous  avons  assisté 
à  une  de  ces  luttes  de  troubadours,  et  nous  avons  entendu  deux  im- 
provisateurs échanger  devant  le  public  des  couplets  avec  musique, 
composés  par  eux  au  moment  même  sur  un  sujet  donné,  en  s'accom- 
pagnant sur  la  guitare  ou  sur  le  piano.  Dans  un  ouvrage  publié  il 
y  a  un  an,  Gregovorius,  le  savant  voyageur  allemand,  a  pu  constater 
que  rien  n'est  encore  changé  aux  habitudes  de  l'association. 

Il  serait  facile  de  prouver  que  chez  nous  la  diffusion  musicale  s'est 
opérée  aussi  bien  que  partout  ailleurs.  La  musique  se  répand  dans 
toute  la  France  avec  les  musiques  militaires,  avec  les  gais  refrains 
des  musiciens  ambulants,  avec  les  jeunes  artistes  cheminant  à  pied, 
avec  les  voyageurs  entraînés  par  la  locomotive.  On  a  secondé  le 
mouvement  en  introduisant  l'étude  du  chant  dans  les  écoles  primaires. 
Les  méthodes  d'enseignement  se  perfectionnent  chaque  jour  ;  on 
étouffera  insensiblement  le  barbare  chant  de  l'ivrogne,  le  sauvage  va- 
carme des  parades  des  spectacles  forains,  l'assourdissant  charivari  des 
instruments  de  la  rue;  dans  nos  foires,  on  peut  souvent  constater  que 
le  gaz  et  de  bons  orchestres  remplacent  les  pâles  lampions  et  l'atroce 
musique  qui  en  faisaient  le  complément  obligé. 

Il  faut  le  reconnaître,  la  musique  a  fourni  en  France  la  première 
base  de  réunion  pour  les  ouvriers.  Nos  orphéons  sont  aujourd'hui 
célèbres.  Chaque  ville  aura   bientôt    le  sien.  Chaque  société    s'est 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


formée  spontanément,  mais  elle  vit  en  communauté  avec  toutes  les 
autres  sociétés,  soit  de  France,  soit  de  l'étranger.  C'est  la  commu- 
nion de  l'art  que  les  frontières  n'arrêteront  jamais  et  qui  s'éten- 
dra à  tout  l'univers. 

Nos  orphéons  se  sont  établis  aux  frais  des  ouvriers  qui  les  com- 
posent. Quand  les  ouvriers  anglais  les  ont  vus  et  se  sont  rendu 
compte  de  leur  organisation  si  simple,  il  s'est  opéré  comme  une  mé- 
tamorphose ;  ils  ont  compris  qu'entre  eux  et  nous  il  y  avait  frater- 
nité et  non  plus  antagonisme.  C'est  un  résultat  plus  profitable  qu'une 
victoire  et  qu'un  traité. 

Lorsque  j'étudiais  l'organisation  si  belle  de  nos  cités  ouvrières,  au- 
jourd'hui sans  rivales,  j'ai  pu  constater  moi-même  combien  l'amélio- 
ration des  mœurs  des  ouvriers  a  été  facilitée  par  la  musique.  Je 
n'en  citerai  que  quelques  exemples.  Dans  la  cité  ouvrière  fondée  par 
MM.  Scrive,  à  Marc  en  Barœul,  à  une  heure  de  Lille ,  un  bal  fut 
organisé.  Le  bal,  c'était  bien  :  mais  la  musique,  oij  la  prendre?  Le 
plus  avisé  des  ouvriers  établit  une  cotisation.  On  fait  venir  un  pro- 
fesseur, des  leçons  sont  données,  au  bout  de  six  mois  le  bal  avait  son 
orchestre.  Les  premières  notions  reçues,  chacun  s'instruit  lui-même 
et  instruit  les  autres.  Mais  on  ne  danse  pas  toujours,  et  quand  on  a 
touché  l'art,  on  a  bientôt  des  inspirations  élevées.  Aujourd'hui  l'orches- 
tre d'abord  limité  à  la  musique  des  bals,  joue  la  musique  de  chambre, 
aborde  la  musique  sacrée  des  églises,  et,  dans  les  graves  circonstan- 
ces, atteint  la  grande  musique  des  maîtres.  Le  chant  n'y  est  pas 
oublié,  et  j'ai  rapporté  d'admirables  couplets  très-agréablement  mis 
en  musique  par  un  des  ouvriers  du  lieu  qui  serait  bien  étonné  si  on 
lui  disait  qu'il  a  fait  un  chef-d'œuvre. 

C'est  dans  un  semblable  milieu  que  s'est  formé  l'incomparable 
orphéon  de  Narbonne  que  tout  Paris  a  pu  applaudir  il  y  a  cinq  ans, 
et  dont  l'uniforme  simple  et  brillant,  —  toque  blanche  flottante,  cra- 
vate rouge,  blouse  grise  à  parements  argentés,  pantalon  noir  enfoncé 
dans  des  bottes  molles,  —  produisait  tant  d'étonnement.  Aujourd'hui, 
les  ouvriers  se  sont  constitués  en  troupe  mobile  :  ils  chantent  l'opéra, 
fournissent  eux-mêmes  l'orchestre,  les  chœurs  et  les  protagonistes  du 
chant,  en  même  temps  qu'ils  ont  fourni  le  matériel  du  théâtre,  des 
décors  et  des  machines,  les  machinistes  eux-mêmes  et  les  construc- 
teurs du  théâtre.  Lors  du  grand  succès  d'Oi-phée  à  Paris,  ils  montè- 
rent ce  chef-d'œuvre,  et  l'ont  exécuté  avec  beaucoup  de  goût  et  de 
sentiment. 

A  Mulhouse,  à  Thann,  à  Bellevue,  les  ouvriers  de  M.  Kestner  ont 
organisé,  dans  leurs  cités  ouvrières,  des  réunions  musicales  qui  ont 
déjà  mérité  de  sérieux  encouragements.  Les  ouvriers  de  Sedan  ont 
également  obtenu  des  succès  musicaux.  La  musique  de  chambre,  le 
quatuor  y  est  très  en  faveur,  et  j'y  ai  entendu  des  solistes  vraiment 
remarquables  bien  que  très-modestes. 

Une  observation  que  j'ai  faite,  c'est  que  les  ouvriers  employés  dans 
les  mines  sont  encore  plus  sensibles  à  la  musique  que  les  autres.  J'en  ai 
connu  qui  économisaient  sur  leur  maigre  salaire  pour  acheter  des  in- 
struments, des  méthodes,  des  partitions.  J'ai  trouvé  chez  l'un  d'entre 
eux  les  psaumes  de  Marcello,  et  il  m'a  parlé  avec  un  sentiment 
très-pur,  très-distingué,[de  la  musique  sacrée.  Le  soir  on  m'invita  à  un 
thé  de  famille.  Quelques  amis  étaient  réunis,  et  j'y  entendis  avec  un 
sincère  plaisir  la  grande  cantate  de  Mozart,  David  pénitente.  Toujours 
enfermés  dans  la  noire  prison  souterraine,  leur  âme  s'y  était  fait  un 
ciel,  et  le  concert  divin  qui  bruissait  sans  cesse  dans  l'exaltation  de 
leur  cerveau,  les  consolait  des  tristesses  de  la  vie. 

A  Rouen,  dans  les  cités  ouvrières,  bâties  sur  la  colline  dite  la  Cali- 
fornie, je  fus  tout  étonné,  un  soir,  d'entendre  un  trio  de  voix  hu- 
maines chantant  la  sérénade  de  Schubert  réduite  à  trois  parties,  avec 
beaucoup  de  tact  et  de  bonheur.  Le  même  trio  chanta  ensuite  le 
Bengali  de  Monpou,  également  réduit  à  trois  voix.  J'étais  dans  l'ad- 
miration. La  nuit  était  pure,  la  lune  brillait  dans  le  ciel  bleu,  et 
les  voix  chantaient  admirablement.  On  me  nomma  les  trois  ouvriers^,-- 


Us  étaient  là  avec  leurs  femmes  et  leurs  enfants,  et  nous  dirent  que, 
tous  les  soirs,  ils  se  réunissaient  chez  l'un  d'eux.  C'était  la  basse 
qui  arrangeait  les  morceaux.  Il  composait  lui-même,  et  la  femme  du 
baryton  lui  fournissait  des  couplets.  Je  demandai  à  en  voir,  mais  je 
n'osai  insister  parce  que  j'alarmais  la  modestie  de  cette  jeune  femme. 
Néanmoins  je  pus  juger  sa  poésie,  car  le  trio  se  hâta  de  chanter  un 
chœur  ravissant  intitulé  le  Matin  du  lundi,  pris  aux  sources  vives  de 
l'existence  de  l'ouvrier.  Quand  le  chœur  fut  terminé  et  que  j'eus  ap- 
plaudi, on  ne  me  dissimula  pas  le  nom  de  l'auteur,  qui,  toute  rou- 
gissante, se  cachait  de  peur  d'être  complimentée. 

On  sait  qu'à  Reims  les  ouvriers  de  la  rue  Tournebonneau  ne  se 
confondent  pas  avec  les  ouvriers  des  autres  quartiers.  C'est  que 
ces  ouvriers,  outre  les  jardins  qu'ils  cultivent,  se  sont  adonnés  à  la 
musique.  J'ai  entendu  exécuter  par  eux  à  la  messe  de  mort  d'un  de 
leurs  camarades  le  Requiem,  de  Mozart,  admirablement  interprété. 
Des  dames  artistes  s'étaient  jointes  à  eux.  L'ensemble  fut  parfait. 
Comme  auditoire,  il   n'y  avait  que  des  ouvriers. 

A  Mulhouse,  oîi  se  trouve  la  plus  gigantesque  et  la  mieux  orga- 
nisée de  toutes  les  cités  ouvrières  du  monde  entier,  j'ai  entendu, 
dans  plusieurs  des  délicieuses  maisons  enclavées  de  jardins  qui 
composent  cette  idéale  ville  qu'on  dirait  rêvée  par  un  poëte,  de 
la  musique  de  chambre  très-minutieusement  détaillée;  j'y  ai,  en  re- 
vanche, entendu  peu  de  voix  humaines,  excepté  un  ravissant  quatuor 
de  jeunes  filles  ou  femmes.  Les  paroles  et  la  musique  avaient  été 
composées  par  une  de  ces  dames  dont  la  voix  aérienne  m'avait 
charmé.  Malheureusement,  cette  jeune  dame  portait  sur  sa  joue  pâlie 
le  triste  signe  d'une  maladie  qui  trop  souvent  frappe  l'élite  des 
hommes,  et   des  femmes  que  hante  la  poésie. 

A  Vaucluse,  où  de  semblables  études  m'appelèrent  dernièrement, 
je  fus  fort  étonné  d'entendre  un  chœur  à  six  parties,  très-purement 
chanté  sous  la  voûte  de  la  grotte,  au  pied  de  la  dune  formée  par  les 
éruptions  de  la  fontaine  que  Pétrarque  a  immortalisée.  C'étaient  des 
compagnons  faisant  leur  tour  de  France;  ils  s'étaient  rencontrés  ;  des 
goûts  communs  les  avaient  liés.  Instruits  par  les  orphéons,  ils  avaient 
cultivé  des  aptitudes  naturelles ,  et  ils  se  donnaient  le  (plaisir  de 
saluer  les  lieux  consacrés  par  la  célébrité,  par  quelque  haut  fait  ou 
par  la  mémoire  d'un  grand  homme,  avec  des  chœurs  pieux  dont  ils 
composaient  en  commun  les  vers  el  la  musique.  Partout  oh  il  s'arrê- 
taient on  leur  faisait  fête,  et,  en  bien  des  endroits,  ils  ont  payé  leur 
écot  avec  leurs  chants.  J'avoue  qu'un  semblable  tour  de  France  me 
séduirait  beaucoup. 

Maurice  CRISTAL. 
[La  suite  •prochainement.) 


LÀ  6U£BB£  D£  CENT  ÂKS 

«  DES  ORGANISTES,  CLAVESSINISTES  ET  DES  MAITRES  A  DANÇER  » 
Du  royaume  de  France. 

1680-1774. 

(3»  article)  (a). 

Pour  reconquérir  le  terrain  qu'ils  avaient  perdu,  les  organistes 
lancèrent  dans  le  public,  par  l'intermédiaire  de  M.  Delaguette,  procureur 
au  Châtelet,  un  précis  des  faits  de  la  rivalité;  —  document  présentant 
les  titres  d'indépendance  de  l'art  musical  ;  réfutant  les  mensonges 
des  maîtres  de  danse  par  une  argumentation  calme,  mais  serrée  et 
pénétrante  ;  établissant,  d'après  l'ensemble  même  des  actes  incriminés, 
que  les  organistes  et  clavecinistes  n'avaient  apporté  ni  haine,  ni  dé- 
loyauté à  la  légitime  défense  de  leurs  droits. 


(1)  Voir  les  n"'  42  et  , 


DE  PARIS. 


363 


«  Le  roi  des  ménétriers  aurait  dû,  —  concluait  ironiquement  ce 
précis  —  par  l'effet  d'une  politique  bien  ménagée,  dérober  à  la  con- 
naissance du  public  la  faiblesse  de  son  état,  et  s'appliquer  à  l'entre- 
tenir uniquement  dans  l'accord  parfait  et  dans  la  douceur  qui  doivent 
lui  être  propres;  mais  ce  potentat  sonore,  animé  de  vues  ambitieuses 
et  de  projets  intéressés,  cherche  à  étendre  les  bornes  de  sa  domina- 
tion.., Il  entreprend  de  s'asservir  de  nouveaux  sujets  qui,  sous  une 
autorité  plus  puissante  que  la  sienne,  ont  conservé  dans  tous  les 
temps  la  liberté  de  leur  art...  C'est  au  bras  de  la  justice  à  l'arrêter 
dans  les  incursions  qu'il  veut  faire  sur  des  terres  étrangères.  »  Les 
contemporains,  on  le  voit,  comparaient  déjà  la  rivalité  des  organistes 
et  des  maîtres  de  danse  à  une  action  militaire,  et  le  Châtelet  lui- 
même  n'en  parlait  qu'à  grand  renfort  d'images  guerrières. 

Les  musiciens  ne  s'étaient  pas  trompés.  Le  bras  de  la  justice 
«  brisa  l'épée  du  roi  des  violons.  »  Le  30  mai  1750,  les  ménétriers 
battirent  enfin  en  retraite  devant  un  arrêt  du  Parlement,  prononcé  à  la 
grand'chambre,  «  gui  confirmait  la  liberté  que  possédaient  les  compo- 
siteurs de  musique,  organistes  et  clavecinistes  d'enseigner  la  mu- 
sique, de  jouer  de  tous  les  instruments,  et  qui  cassait  les  nouveaux 
statuts  de  la  communauté  de  Saint-Julien.  »  Le  26  juin  de  la  même 
année,  l'arrêt  fut  enregistré,  et  les  organistes  firent  au  Parlement  le 
dépôt  de  leurs  titres,  afin  de  prévenir  tout  empiétement  nouveau. 

V. 

Le  roi  Guignon  donna  l'exemple  de  l'obéissance,  et  renonça  à  le- 
ver tribut  sur  les  bals  et  les  fêtes.  La  guerre  semblait  donc  terminée; 
mais,  après  les  longs  combats,  la  lutte  ne  s'arrête  pas  en  même 
temps  sur  tous  les  points  où  elle  s'est  engagée.  Après  que  la  re- 
traite a  sonné,  elle  se  poursuit  çà  et  là  dans  les  profondeurs  du 
champ  de  bataille.  Les  maraudeurs  épuisent  leurs  dernières  muni- 
tions et  agissent  pour  leur  propre  compte. 

Abusant  de  la  modération  ou  de  la  lassitude  de  Guignon,  les  quatre 
jurés  de  la  communauté  de  Saint-Julien  créent  et  vendent,  de  leur 
agrément  et  à  leur  profit,  des  charges  héréditaires  de  lieutenants 
généraux  du  roi  des  violons,  leur  assignent  des  circonscriptions,  et 
concèdent  aux  titulaires  le  droit  de  lever  des  contributions  sur  les 
musiciens,  et  de  nommer  des  lieutenants  particuliers. 

Sur  ces  entrefaites,  un  certain  Barbotin  d'AyrauIt-Bajet,  gentillàtre 
aux  ressources,  prend,  de  son  autorité  privée,  le  titre  de  lieutenant 
général,  confisque  et  exploite  l'industrie  des  jurés,  nomme  des  lieu- 
tenants en  Bourgogne,  en  Bretagne ,  en  Franche-Comté,  en  Alsace, 
en  Normandie,  en  Champagne,  en  Touraine,  dans  le  Poitou,  le  Lyon- 
nais, la  Bresse,  le  Dauphiné,  et  répand  dans  toutes  ces  provinces  un 
arrêt  rendu  par  la  chambre  de  justice  d'Angers,  qui  «  fait  défense  à 
tous  musiciens,  même  à  ceux  des  églises,  d'enseigner  la  musique  vo- 
cale et  instrumentale,  de  jouer  des  instruments ,  n'importe  lesquels, 
que,  préalablement,  ils  ne  se  fussent  engagés  à  acquitter  une  rede- 
vance annuelle  aux  lieutenants  du  sieur  Barbolin  d'Ayrault-Pajet.  » 

Le  succès  de  cette  audacieuse  entreprise  ne  peut  s'expliquer  que 
par  l'ignorance  dans  laquelle  étaient  les  tribunaux  et  les  musiciens 
de  province  des  conquêtes  remportées  par  les  organistes  parisiens,  de 
1750  à  1772.  Pendant  que  ces  «  grandes  choses  »  se  passaient  au 
sein  de  la  rivalité,  les  querelles  entre  la  juridiction  civile  et  les  pré- 
tentions ecclésiastiques,  les  remontrances  du  Parlement  abolies,  l'exil 
des  présidents  et  des  conseillers  de  requêtes,  avaient  absorbé  l'at- 
tention des  magistrats  provinciaux,  et  ne  leur  avaient  pas  permis  de 
tenir  une  note  exacte  des  sentences  de  la  grand'chambre. 

Manelli  et  ses  intermèdes;  les  Bouffons  peints  par  Latour;  l'en- 
gouement de  Paris  pour  la  musique  italienne  ;  les  lettres  de  Rous- 
seau ;  les  pamphlets  de  Grimm  ;  l'orchestre  de  l'Opéra  brûlant ,  en 
efiBgie,  le  citoyen  de  Genève  ;  la  Justification  de  la  musique  française. 


par  le  chevalier  de  Mouhy,  qui,  de  son  propre  aveu,  ne  pouvait  cé- 
der le  pas  dans  l'art  d'écrire  qu'à  M.  de  Voltaire  j  la  publication  du 
Petit  prophète  de  Bœhmischbroda  ;  les  Observations  de  Rameau  sur 
la  musique  ;  la  traduction  de  la  Serva  padrona,  de  Pergolèse  ;  l'en- 
thousiasme de  la  ville  ;  l'inscription  projetée  pour  le  nouveau  rideau 
de  l'Opéra  :  Hic  Marsyas  Apollinem,  inscription  traduite  ainsi  par 
Diderot  : 

0  Pergolèse  inimitable  1 
Quand  notre  orchestre  impitoyable 

T'immole  sous  son  violon. 
Je  crois  qu'au  rebours  de  la  fable, 

Marsyas  écorche  Apollon. 

Mlle  Clairon  jouant  sans  paniers  l'Orphelin  de  la  Chine,  de  Vol- 
taire :  —  toute  une  révolution  théâtrale,  rien  que  cela  !  —  tant  et 
de  si  graves  événements,  et  leur  contre-coup  en  province,  avaient 
empêché  les  musiciens  de  s'enquérir  de  leurs  nouvelles  prérogatives. 
Ils  avaient  chanté  :  ils  payèrent. 

Cet  état  de  choses  ne  pouvait  durer  longtemps.  Des  plaintes  se 
firent  jour  ;  elles  formèrent  bientôt  un  faisceau  considérable.  Plus  de 
sept  mille  compositeurs,  professeurs  et  instrumentistes,  poursuivis 
par  Barbolin  et  ses  agents  pour  le  paiement  de  redevances  iniques, 
adressèrent  leurs  réclamations  au  Corps  de  la  musique  du  roi,  «  comme 
étant,  par  son  service  habituel  auprès  de  Sa  Majesté,  plus  à  portée 
de  les  faire  parvenir  au  pied  du  trône.  »  Les  gentilshommes  de  la 
chambre,  au  nom  du  Corps  de  musique,  représentèrent  au  roi  «  que 
les  provinces  étaient  les  pépinières  des  musiciens,  qui  servaient  à 
compléter  le  Corps  même  de  la  musique ,  l'Académie  royale,  le 
Concert  spirituel  et  les  autres  spectacles  ;  que  si  les  ménétriers 
pouvaient  continuer  à  tourmenter  les  musiciens,  à  les  attaquer,  à 
les  priver  de  leurs  prérogatives,  à  porter  le  trouble  et  le  désordre 
jusque  dans  les  églises,  à  contraindre  des  prêtres  vénérables  à  se 
faire  recevoir  maîtres  à  danser,  l'étude  de  la  musique  serait  bientôt 
négligée,  l'ému'ation  ne  tarderait  pas  à  se  dissiper,  et  l'art  musical 
serait  anéanti.  » 

Ces  raisons,  parfaitement  déduites,  dictèrent  la  décision  du  roi, 
et  —  fait  peut-être  unique  dans  tout  ce  règne  !  —  Louis  XV  dé- 
créta, de  son  propre  mouvement,  sans  lenteurs  ni  atermoiements, 
«  que  les  lieutenants  du  roi  des  ménétriers  étaient  destitués  de  leurs 
charges  ;  que  la  complète  indépendance  des  musiciens  était  et  de- 
meurait maintenue  ;  qu'il  y  avait  lieu  d'abolir  les  privilèges  et  sta- 
tuts de  la  communauté,  que  les  jurés  associés  au  sieur  Barbotin 
avaient  décorée  du  titre  pompeux  d'Académie  royale  des  arts  et  scien- 
ces de  la  musique,  de  la  danse  et  des  jeux  de  tous  instruments  de 
musique  et  d'harmonie,  de  chez  le  roi  et  de  la  ville  de  Paris.  » 

Le  décret  royal  fut  expédié  à  tous  les  baillages,  sénéchaussées  et 
sièges  de  ressort  du  royaume  «  pour  y  être  lu,  publié  et  registre.  » 
Ce  fut  le  coup  de  grâce.  La  communauté  des  ménétriers,  privée  de 
ses  revenus  et  de  ses  droits  surannés,  n'avait  plus  de  raison  d'être. 
Guignon  le  comprit.  Quelle  figure  pouvait  faire  dans  le  monde  un 
roi  sans  royauté,  sans  sujets,  sans  couronne,  sans  palais,  sans  flat- 
teurs et  sans  liste  civile?  Guignon  abdiqua.  11  colora  son  départ  d'un 
reflet  de  générosité,  affirmant  «  qu'il  voulait  ainsi  donner  une  preuve 
de  son  amour  pour  un  art  au  progrès  duquel  il  croyait  avoir  con- 
tribué par  son  talent  sur  le  violon.  »  Abattus,  épuisés,  les  méné- 
triers ne  songèrent  ni  à  retenir  leur  roi  ni  à  le  remplacer.  Ils  pleu- 
raient sur  leur  confrérie  renversée,  sur  leur  violon  brisé.  Cette  fin  de 
monarchie  eut  toute  la  mélancolie  d'un  coucher  de  soleil  :  elle  fut 
éclatante  et  rapide.  Le  13  mars  1773,  deux  mois  après  l'édit  quj 
abolissait  les  lieutenances,  Louis  XV  supprimait  la  royauté  ménétrière 
«  qui  paraît  nuire,  disait  la  sentence,  à  l'émulation  si  nécessaire  au 
progrès  de  la  musique ,  que  notre  intention  est  de  protéger  de  plus 
en  plus.  » 


364 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


Cette  louable  intention  ne  devait  pas  être  réalisée.  L'année  suivante, 
en  1774,  Louis  le  Bien-Aimé  et  Guignon  le  Bienvenu,  le  roi  de 
France  et  le  roi  des  violons  descendaient  dans  la  tombe  :  le  premier, 
trop  tôt  pour  l'srt  dont  il  avait  promis  de  favoriser  les  développe- 
ments ;  le  second,  trop  tard  pour  s'ensevelir,  en  mourant,  dans  la 
pourpre  raénélrière,  convoitise  et  vanité  de  toute  sa  vie  d'artiste. 

Dès  que  la  sentence  d'abolition  de  la  royauté  de  Saint-Julien  eut 
été  signifiée,  le  corps  royal  de  musique  recueillit,  classa  et  lit  im- 
primer les  documents  de  la  rivalité,  ces  témoignages  glorieux  de 
l'honneur  et  de  l'art  musical.  «  Le  corps  de  musique  de  Sa  Majesté 
est  persuadé  —  dit  l'avertissement  qui  précède  ce  recueil  —  que  les 
musiciens  du  royaume  lui  sauront  bon  gré  de  cette  sage  précaution, 
puisqu'elle  leur  procure  les  moyens  de  se  défendre,  si,  contre  toute 
attente,  il  arrivait  que  la  communauté  des  ménétriers  voulût  attaquer 
de  nouveau  la  liberté  de  leur  profession.  » 

La  musique  avait  son  code.  Il  ne  restait  plus  aux  danseurs  que  la 
ressource  de  répéter,  avec  les  pères  délaissés  des  poëmes  et  de  l'O- 
rient: nos  petits-fils  nous  vengeront!  Saint-Julien  des  Ménétriers, 
dépossédé,  dépouillé,  reprit  humblement  son  vieux  nom  de  Saint-Ju- 
lien le  Pauvre.  Etait-ce  l'emblème  du  présent?  Etait-ce  le  présage  de 
l'avenir?  A  qui,  hélas!  des  musiciens  ou  des  danseurs,  revenait  l'iro- 
nie du  vocable? 

Em.  Mathied  de  MONTEE. 
{La  fin  prochainement .  ) 


LETTRES  DE  FEUX  IIENDELSSOHIÏ 

(  Suite.  ) 
A  Monsieur  le  maître  de  chapelle  Spohr,  à  Cassel. 

Dusseldorf,  le  8  mars  1838. 

Recevez  mes  remercîments  pour  votre  lettre  amicale.  L'annonce 
(d'un  concours)  à  Vienne  m'a  intéressé  :  je  n'en  avais  pas  entendu 
parler.  Elle  m'a  fait  de  nouveau  sentir  combien  il  me  serait  impos- 
sible de  composer  quoi  que  ce  fût  en  vue  d'un  concours.  Je  ne  par- 
viendrais même  pas  jusqu'au  commencement,  et  si  pour  se  faire  mu- 
sicien il  fallait  subir  un  examen,  j'aurais  échoué  tout  d'abord,  car  je 
n'aurais  pas  à  beaucoup  près  aussi  bien  répondu  que  je  l'aurais  pu. 
L'idée  d'un  prix  ou  d'une  décision  me  rend  distrait,  et  pourtant  je 
ne  puis  m'en  affranchir  tout  à  fait  au  point  de  l'oublier.  Mais  si  vous 
vous  sentez  quelque  disposition,  ne  négligez  pas  —  gardez- vous  en 
bien  —  d'écrire  une  symphonie,  car  je  ne  sais  pas  gui  parmi  les  vi- 
vants serait  en  état  de  vous  disputer  le  prix  (deuxième  motif),  et  nous 
aurions  une  nouvelle  symphonie  de  vous  (premier  motif).  Au  sujet 
des  membres  du  comité,  juges  du  concours  à  Vienne,  j'ai  mes  idées 
à  moi,  qui  toutefois  ne  sont  pas  légitimes,  mais  tant  soit  peu  révo- 
lutionnaires. Que  si  j'étais  juge,  le  comité  tout  entier  n'aurait  pas  le 
prix,  au  cas  qu'il  concourût. 

Vous  voulez  que  je  vous  parle  de  mes  travaux  ;  je  vous  remercie 
de  cœur  de  m'en  avoir  informé.  11  y  a  environ  un  an  que  j'ai  com- 
mencé un  oratorio  qui  sera  terminé  le  mois  prochain,  et  dont  le 
sujet  est  Saint  Paul.  Quelques  amis  en  ont  extrait  les  paroles  de  la 
Bible  et  les  ont  coordonnées  ;  je  crois  que  le  sujet  est  musical  et  sé- 
rieux, ainsi  que  le  texte.  Pourvu  que  la  musique  réussisse  au  gré  de 
mes  désirs!  Tout  au  moins  j'ai  eu  beaucoup  de  plaisir  en  l'écrivant. 
J'ai  également  composé,  il  y  a  quelque  temps,  ane  nouvelle  ouver- 
ture pour  la  Belle  Mélusine,  et  j'en  ai  une  autre  dans  ma  tête.  Je 
désirerais  ardemment  faire  un  opéra,  mais  je  ne  sais  où  trouver  un 
texte  ou  un  poëte.  Ceux  qui  pourraient  faire  le  poëme  détestent  la 
musique,  ou  bien  ils  ne  connaissent  pas  la  scène  ;  les  autres  ne  con- 
naissent ni  la  poésie  ni  les  hommes  ;   ils  ne  connaissent   que  les 


planches  et  les  quinquets,  les  coulisses  et  les  décors,  de  sorte  que 
je  ne  parviens  pas  à  déterrer  le  texte  d'opéra  que  j'ai  tant  cherché, 
mais  vainement.  De  jour  en  jour  je  le  regrette  davantage  :  aussi 
j'espère  toujours  trouver  enfin  l'homme  tel  que  je  le  souhaite. 

En  outre  j'ai  composé  plusieurs  morceaux  de  musique  instrumen- 
tale, la  plupart  pour  piano  ;  vous  me  permettrez,  j'espère,  de  vous 
en  envoyer  quelques-uns,  quand  l'occasion  s'en  présentera. 


A  sa  famille. 


Leipzig,  6  octobre  1835. 


Voilà  huit  jours  qne  je  tâche  de  trouver  une  heure  de  loisir  pour 
répondre  à  vos  chères  lettres...  Maintenant  que  tout  s'est  bien 
passé,  j'ai  enfin  un  peu  de  tranquillité. 

Le  lendemain  du  jour  où  j'avais  accompagné  les  Hensel  à  Délilsch, 
arriva  Chopin  ;  il  ne  voulait  rester  qu'un  jour  :  aussi  nous  le  passâmes 
ensemble  et  nous  fîmes  de  la  musique.  Je  ne  puis  te  cacher,  ma 
chère  Fanny,  que  j'ai  trouvé  que,  dans  tes  jugements,  tu  ne  lui 
rends  pas  justice  ;  peut-être  n'était-il  pas  bien  disposé  lorsque  tu  l'as 
entendu,  ce  qui  peut  bien  lui  arriver  assez  souvent.  Quant  à  moi, 
son  jeu  m'a  de  nouveau  enchanté  ;  et  je  suis  certain  que  notre  père 
et  loi,  si  vous  aviez  entendu  quelques-uns  de  ses  bons  morceaux, 
vous  auriez  jugé  de  même.  Il  y  a  dans  son  jeu  quelque  chose  de 
foncièrement  original,  et  de  si  magistral  à  la  fois,  qu'on  peut  l'ap- 
peler un  virtuose  complet  ;  et  comme  j'aime  tout  ce  qui  est  parfait, 
je  passai  une  journée  des  plus  agréables.  J'étais  heureux  de  me 
trouver  avec  un  véritable  musicien  ;  non  pas  un  de  ces  demi-vir- 
tuoses, de  ces  demi-classiques,  qui,  en  musique,  voudraient  avoir 
en  même  temps  (les  mots  entre  guillemets  sont  en  français  dans 
le  texte)  «  les  honneurs  de  la  vertu  et  les  plaisirs  du  vice  » ,  mais 
avec  un  de  ceux  dont  la  direction  est  complètement  accusée.  Et  si 
éloignée  qu'elle  puisse  être  de  la  mienne,  je  m'en  accommode  à  mer- 
veille. Dimanche  soir,  lorsque  j'ai  dû  lui  jouer  mon  oratorio,  que 
de  gens  curieux  de  Leipzig  se  glissaient  dans  l'appartement,  pour 
avoir  vu  Chopin  !  Puis  Chopin ,  dans  Tintervalle  de  la  première 
et  la  deuxième  partie,  fit  vigoureusement  retentir  ses  études  nou- 
velles et  son  concerto  aux  oreilles  de  messieurs  de  Leipzig  qui 
étaient  émerveillés,  —  puis  je  reprends  mon  Saint  Paul.  —  C'était 
comme  si  un  Iroquois  et  un  Cafre  se  rencontraient  et  conversaient 
ensemble.  Il  a  aussi  un  tout  gentil  nouveau  nolturno  ;  j'en  ai  retenu 
plusieurs  passages,  que  je  jouerai  à  Paul  (frère  de  Mendelssohn)  pour 
son  plaisir.  Nous  passâmes  ainsi  le  temps  gaiement,  et  il  me  pro- 
mit très-sérieusement  de  revenir  cet  hiver,  si  je  voulais  composer 
une  symphonie  nouvelle  et  la  faire  exécuter  en  son  honneur.  Nous 
le  jurâmes  tous  les  deux  en  présence  de  trois  témoins,  et  nous 
verrons  si  nous  tenons  tous  les  deux  notre  serment. 

Avant  son  départ  arriva  ma  collection  des  œuvres  de  Haendel. 
Chopin  en  eut  une  joie  d'enfant.  Mais  vraiment,  c'est  si  beau,  que 
je  ne  peux  m'en  réjouir  assez  :  trente-deux  gros  in-folio  reliés  à 
l'élégante  manière  anglaise,  en  peau  verte,  épaisse  ;  au  dos,  en  gros- 
ses lettres  capitales,  le  titre  général,  et  l'indication  du  contenu  du 
volume  ;  sur  le  premier,  on  lit  en  outre  :  «  Au  directeur  F.-M.-B.  : 
le  comité  du  festival  de  Cologne,  1835.  »  Il  y  avait  de  plus  une 
lettre  très-amicale  de  tout  le  comité,  avec  toutes  les  signatures.  Et 
puis,  j'en  tire  à  tout  hasard  Samson,  et  tout  d'abord  je  trouve  un 
grand  air  de  Samson,  que  personne  ne  connaît,  parce  que  M.  de  Mosel 
l'a  biffé,  et  qui  en  beauté  ne  le  cède  â  aucun  autre  air  de  HBendel. 
—  Vous  pouvez  vous  figurer  ma  joie. 

Chopin  n'était  pas  encore  parti  quand  arriva  Moschelès,  et  dès  la 
première  demi-heure,  il  me  joua  mon  deuxième  cahier  de  romances 
sans  paroles,  à  ma  plus  grande  joie.  Il  est  toujours  le  même,  mais 


DE  PARIS, 


365 


l'exlérieur  a  vieilli  ;  du  resle  frais  et  dispos,  et  il  joue  admirable- 
ment. C'est  une  autre  espèce  de  virtuose  parfait,  et  un  maître. 

Ensuite  viennent  successivement  les  répétitions  pour  le  premier 
concert  d'abonnement,  et  avant-hier  au  soir  j'entrais  en  fonctions, 
comme  directeur  de  musique  à  Leipzig.  Je  ne  puis  vous  dire  com- 
bien je   suis   satisfait  de  ce  commencement L'orchestre  est 

fort  bon,  et  j'espère  que  dans  six  mois  il  sera  encore  meilleur.  Je 
voudrais  que  vous  eussiez  entendu  l'introduction  de  mon  oeuvre  :  Le 
calme  sur  mer .  Dans  la  salle  comme  à  l'orchestre  régnait  le  silence 
le  plus  complet;  on  en  entendait  les  sons  les  plus  ténus,  et  ils  exé- 
cutèrent tout  l'adagio  magistralement.  La  symphonie  de  Beethoven  en 
si  majeur  marcha  à  merveille,  et  après  chaque  partie,  le  public  ap- 
plaudit avec  jubilation. 

Après  le  concert,  je  fis  et  je  reçus  des  félicitations  à  l'orchestre  : 
d'abord  les  musiciens,  puis  les  élèves  de  l'école  Saint-Thomas  —  de 
charmants  jeunes  gens  qui  entrent  et  partent  si  exactement,  que  je 
leur  ai  promis  la  décoration  d'un  ordre  ;  —  puis  vint  Moschelès,  avec 
un  cortège  de  dilettantes  ;  puis  les  deux  gazettes  musicales,  et  ainsi 
de  suite.  Vendredi  Moschelès  donne  son  concert  :  je  dois  y  jouer 
avec  lui  son  morceau  pour  deux  pianos  —  hommage  à  Hœndel  ;  — 
en  outre  il  jouera  mon  nouveau  concerto  ;  mes  Hébrides  y  figure- 
ront également.  Cette  après- dinée,  Moschelès,  Clara  Wieck  et  moi, 
nous  jouons  le  triple  concerto  de  Bach  en  ré  mineur.  Combien  Mos- 
chelès est  aimable  avec  moi,  combien  il  s'intéresse  à  ma  position 
ici,  vous  pouvez  vous  le  figurer,  car  vous  le  connaissez,  no- 
tamment toi,  mon  cher  père.  Ce  sont  là  d'heureux  jours,  et  si  je 
travaille  peu,  je  me  retrouve  avec  le  plaisir  dont  je  jouis. 

Je  n'ai  pas  eu  d'agitations  à  propos  de  mon  premier  concert,  ma 
chère  mère,  mais,  je  l'avoue  à  ma  honte,  jamais  je  n'ai  été  aussi 
saisi,  quand  on  m'a  rappelé,  que  cette  fois Je  n'avais  pas  en- 
core vu  de  concert  pareil 

Vivez  tous  en  bonne  santé  et  heureux,  et,  je  vous  en  prie,  écrivez- 
moi  souvent. 

Traduit  par  J.  DUESBERG. 


TBOISIÈIDE  CONCERT  P0F1MIBE  DE  MUSIQUE  CLASSIQUE. 

Le  programme  de  ce  concert  commençait  par  la  symphonie  en  ré 
majeur  de  Mozart,  et  se  terminait  par  la  symphonie  en  la  de  Beetho- 
ven. Entre  ces  deux  compositions  de  haut  bord  étaient  placées  des 
œuvres  d'une  étendue  moindre,  mais  d'un  prix  infini;  et  d'abord  la 
Polonaise  de  Struensée,  cette  inspiration  si  élégante  et  si  dramatique, 
dans  laquelle  il  n'y  a  pas  moins  d'émotion  que  de  grâce.  Meyerbeer 
a  trouvé  moyen  d'imprimer  à  ce  morceau  le  cachet  de  son  génie,  en 
l'animant  des  passions  qui  dominent  dans  une  cour  et  l'agitent  au 
sein  des  plaisirs.  C'est  à  M.  Pasdeloup  que  revient  l'honneur  de  nous 
avoir  fait  connaitre  ce  chef-d'œuvre,  dans  le  temps  oi\  il  en  était 
encore  réduit  à  son  pe'it  orchestre  de  la  salle  Herz,  et  cependant  il 
avait  fait  comprendre  tout  ce  que  renferme  d'originalité,  de  distinction 
et  d'effets  de  tout  genre  non-seulement  la  Polonaise,  mais  quelques 
autres  fragments  de  Struensée,  et  notamment  l'admirable  ouverture 
qui  résume  le  drame  entier.  Au  cirque  Napoléon,  tous  ces  morceaux 
ont  grandi,  comme  le  chef  et  l'orchestre:  l'illustre  compositeur  n'a 
plus  rien  à  désirer.  Par  ses  bravos  redoublés,  l'auditoire  a  prouvé 
combien  l'œuvre  lui  était  sympathique. 

La  Grotte  de  Fingal  est  une  des  plus  belles  et  des  plus  curieuses 

productions  de   Mendeissohn.    L'orchestre  l'a  rendue  avec  une  rare 

perfection,  et  les  instruments  à  cordes  ne  se  sont  pas  moins  distingués 

dans  l'exécution  de  l'adagio  du  sixième  quatuor  d'tJaydn.  Comme  on 

le  voit,  le  programme  ne  brillait  pas  moins  par  la  quantité  que  par 

la  qualité. 

P.  S. 


fflUSIQUE  DE  CHADBBE. 

Andillon  da  9"^"  quatuor  de  M.  CUarIcs  Manry. 

Nous  avons  entendu  cette  nouvelle  composition  de  M.  Ch.  Manry, 
exécutée  par  MM.  Lamoureux,  Colonne,  Adam  et  Norblin.  Ce  qua- 
tuor est  en  ut  mineur.  Une  introduction  sévère  prépare  l'entrée  de 
Vallegro  con  gusto,  qui,  par  d'heureux  contrastes,  produit  un  intérêt 
toujours  croissant. 

Vandantino,  en  la  bémol  majeur,  est  une  élégie  du  plus  haut  style. 
Le  violoncelle,  l'alto  et  le  deuxième  violon  exécutent  des  croches 
syllabiques  en  pizz-icato ,  ci  bientôt  le  premier  violon  entre  avec  ma- 
jesté et  chante  une  mélodie  passionnée.  Lorsque  le  ravissant  motif 
de  l'andantino  reparaît,  le  second  violon  l'accompagne  par  un  trait 
qui  l'enveloppe  et  le  serre  étroitement.  Si  ce  morceau  était  exécuté 
par  tous  les  instruments  à  cordes  de  la  Société  des  concerts  ou  de 
l'orchestre  des  concerts  populaires,  nul  doute  qu'il  n'obtînt  les  hon- 
neurs du  bis. 

Le  scherzo,  dont  le  trio  surtout  est  rempli  de  grâce  et  d'élégance, 
est  suivi  du  finale,  morceau  dans  lequel  le  style  fugué  se  montre 
avec  tous  ses  avantages,  c'est-à-dire  sans  traîner  à  sa  suite  la  fatigue 
et  l'ennui. 

A.  ELWART. 


NOUVELLES. 


^**  Au  théâtre  impérial  de  l'Opéra,  la  Muette  de  Portlci,  la  Juive  et 
Robert  le  Diable  ont  défrayé  le  répertoire  pendant  la  dernière  semaine. 
Villaret,  plus  sûr  du  rôle  d'Eléazar,  s'y  montre  à  chaque  représentation 
plus  remarquable.  Robert  le  Diable  a  prouvé  que  sa  force  d'attraction 
était  toujours  la  même.  La  recette  s'est  élevée  à  près  de  10,000  francs. 
Gueymard  chantait  le  principal  rôle,  et  l'exécution  générale  a  été  fort 
belle. 

„*^  Aujourd'hui,  par  extraordinaire,  ta  Juive  avec  Villaret  dans  le  rôle 
d'Eléazar. 

^•\  Après  la  Boschetti,  qui  répète  en  ce  moment  le  grand  ballet  qui 
sera  donné  cet  hiver,  l'Opéra  vient  d'engager  pour  trois  ans  Mlle  Fio- 
retti,  premier  sujet  de  la  danse  au  théâtre  de  la  Scala. 

^.%  La  reprise  de  Zampa  obtient  beaucoup  de  succès  à  l'Opéra-Co- 
mique,  et  la  vogue  du  Domino  noir  augmente.  Les  chefs-d'œuvre  d'Hé- 
rold  et  d'Auber  attirent  la  foule.  Dans  ,1e  premier,  Montaubry  remplit 
avec  plus  de  voix  et  de  talent  que  jamais  le  rôle  principal. 

j*^  Mlle  Darcier,  fille  du  chanteur  populaire,  vient  d'être  engagée. 

t**  Aujourd'hui  dimanche,  le  théâtre  Italien  donnera  le  Trovatore, 
dont  les  principaux  rôles  seront  chantés  par  Fraschini,  Sterbini, 
Mmes  Anna  de  la  Grange  et  de  Méric-Lablache.  Lucia,  Poliuto,  Rigo- 
letto  et  Norma  ont  été  représentés  successivement  dans  le  cours  de  la 
semaine. 

***  Mme  Borghi-Mamo  est  arrivée  à  Paris  pour  chanter  au  théâtre 
Itahen. 

»**  Les  débuts  du  ténor  Baragli  sont  annoncés  pour  la  semaine  pro- 
chaine. 

f*^  Hier,  samedi,  au  théâtre  Lyrique  a  eu  lieu  la  reprise  â'Oberon. 

f*^,  Les  Troyens  de  Berlioz  en  sont  à  leur  sixième  représentation  et 
attirent  beaucoup  de  monde. 

***  Les  recettes  des  théâtres,  concerts  et  spectacles  de  tout  genre  se 
sont  élevées  pendant  le  mois  passé  à  la  somme  de  1,806,597  francs. 

-j,*^  M.  Camille  Doucet,  chef  de  la  direction  des  théâtres,  est  en  ce 
moment  à  Compiègna,  où  il  doit  passer  huit  jours.  On  pense  que  ce 
voyage  n'est  pas  étranger  à  la  question  théâtrale,  dont  la  solution  nous 
est  promise  pour  une  époque  très-prochaine. 

^*^  Voici  quelles  seraient,  d'après  le  journal  la  France,  les  principales 
clauses  du  décret  sur  la  liberté  des  théâtres  projetée  :  «  1»  tout  ci- 
toyen aura  le  droit  de  construire  et  d'exploiter  un  théâtre,  tant  à  Paris 
que  dans  les  départements  ;  2°  la  liberté  des  genres  serait  assurée, 
avec  interdiction  formelle  du  droit  d'altérer  le  texte  des  ouvrages  tom- 


366 


REVDE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


bés  dans  le  domaine  public  ;  3°  les  spectacles  de  curiosités  et  les  con- 
certs seraient  désormais  affranchis  de  tout  prélèvement  au  profit  des 
directeurs  privilégiés  des  départements  ;  4»  enfin ,  les  directeurs  de 
théâtres,  autres  que  les  théâtres  subventionnés,  seraient  désormais  af- 
franchis de  toutes  les  clauses  des  cahiers  des  charges  actuels  dans  ce 
qu'elles  ont  de  contraire  au  présent  décret.  La  mise  en  vigueur  du 
décret  serait,  si  nous  sommes  bien  informé,  fixée  au  !'■■  juillet  186i. 

,*»  Voici  un  extrait  de  VExposé  de  la  situation  de  l'Empire,  distribué 
aux  membres  du  Corps  législatif,  en  ce  qui  concerne  les  théâtres  :  «  A  la 
fin  de  la  dernière  session ,  le  Corps-Législatif  exprimait  le  vœu  qu'une 
subvention  fût  allouée  au  théâtre  Lyrique,  pour  encourager  de  louables 
efforts  et  récompenser  de  brillants  succès.  Ce  vœu  vient  d'être  exaucé. 
L'exploitation  du  théâtre  Italien  ayant  pu  être  concédée  dans  des  con- 
ditions nouvelles,  et  l'entrepreneur  lui-même  ayant  offert  de  s'en  char- 
ger sans  le  secours  de  l'Etat,  la  somme  annuelle  de  100,000  francs  qui 
restait  ainsi  disponible,  a  été  attribuée  au  théâtre  Lyrique.  L'intérêt 
des  compositeurs  français,  notamment  celui  des  élèves  de  Rome,  lau- 
réats de  l'Institut,  n'a  pas  été  perdu  de  vue  en  cette  circonstance ,  et 
il  a  obtenu  des  garanties  sérieuses,  qui  déjà  commencent  à  produire 
leur  effet.  Un  décret  impérial  avait  chargé  une  commission  de  préparer 
un  projet  de  loi  sur  la  propriété  littéraire  et  artistique.  Ce  projet,  élaboré 
avec  soin,  est  aujourd'hui  soumis  au  Conseil  d'Etat.  Une  mesure  non 
moins  importante  ,  et  qui  depuis  longtemps  était  réclamée,  comme  le 
meilleur  encouragement  à  donner  à  l'art  et  à  la  littérature  dramatique, 
la  liberté  des  théâtres,  vient  d'être  prise  par  la  généreuse  initiative  de 
l'Empereur,  et  le  conseil  d'Etat  est  saisi  de  l'examen  d'un  projet  de  décret 
ayant  pour  objet  de  sanctionner  cette  décision. 

***  r.oger  donne  des  représentatious  très-suivies  à  Gand.  Le  célèbre 
ténor  enthousiasme  le  public  dans  Lucie  de  Lammermoor. 

,*^  Mme  Tedesco  se  fait  entendre  avec  beaucoup  de  succès  au  théâtre 
de  Lille,  où  elle  est  engagée  pour  huit  représentations. 

***  Aujourd'hui  dimanche,  au  quatrième  concert  populaire  de  mu- 
sique classique,  dirigé  par  Pasdeloup,  on  exécutera  :  symphonie  en  ut 
(n»  42),  de  Haydn  ;  air  de  ballet  de  Prométhée,  de  Beethoven  (le  solo  de 
violoncelle  par  M.  Poëncet)  ;  suite  en  re  majeur,  de  J.-S.  Bach  (ouver- 
ture, air,  gavotte)  ;  symphonie  en  la  majeur,  de  Mendelssohn. 

^*^  M.  Marchesi  est  venu  passer  quelques  jours  à  Paris,  mais  il  re- 
tourne immédiatement  en  Angleterre,  où  le  rappellent  divers  engage- 
ments. Il  doit  chanter,  le  21  de  ce  mois,  dans  un  concert  au  palais  de 
Cristal,  et,  le  25,  à  Manchester. 

***  L'excellent  pianiste  compositeur,  M.  Bergson,  revenu  de  son  voyage 
en  Suisse,  a  repris  ses  cours  et  leçons. 

^*^  La  Société  des  concerts  donnera,  les  dimanches  6  et  20  décembre 
à  2  heures,  deux  concerts  extraordinaires,  en  dehors  des  concerts  par 
abonnement,  qui,  selon  l'usage,  ne  commenceront  que  le  deuxième  di- 
manche de  janvier.  Une  prochaine  affiche  fera  connaître  les  jours  et 
les  ures  où  le  bureau  de  location  sera  ouvert  au  public  pour  les  deux 
concerts  extraordinaires. 

/*  Bazzini,  le  célèbre  violoniste,  est  arrivé  d'Italie;  il  a  passé  par 
notre  ville,  en  se  rendant  à  Bruxelles  et  dans  les  Pays-Bas,  pour  y  don- 
ner des  concerts  et  revenir  ensuite  à  Paris.  Il  a  composé  plusieurs  mor- 
ceaux qui,  par  leur  caractère  mélodique  et  le  peu  de  difficultés  qu'on 
y  rencontre,  seront  fort  bien  reçus  des  amateurs. 

***  Le  célèbre  ballet  des  Scythes,  de  Gluck,  qui  obtient  chaque  année 
un  si  grand  succès  aux  concerts  du  Conservatoire,  vient  d'être  transcrit 
pour  le  piano  par  M.  Félix  le  Couppey.  On  retrouve  dans  ce  travail  le 
tact  exquis  et  le  goût  pur  qui  distinguent  les  autres  ouvrages  de  Fémi- 
nenl  professeur. 

/■*  Le  concours  d'harmonie  et  de  composition  pour  les  élèves  des 
classes  militaires  a  eu  lieu  aujourd'hui  au  Conservatoire  impérial  de 
musique.  En  voici  le  résultat  :  l""  prix,  M.  Sibillot,  du  11=  d'artillerie, 
élève  de  M.  Emile  Jonas,  et  M.  Grison,  du  5'^  de  ligne,  élève  de  M.  Bazin. 
2"'  prix,  M.  Simon,  du  96«  de  ligne,  élève  de  M.  Bazin,  et  M.  Gluck,  du 
6"  lanciers,  élève  de  M.  Emile  Jonas.  !"■  accessits,  M.  Elle,  du  78'=  de 
ligne,  et  M.  Leschevin,  du  IT  de  ligne,  élèves  de  I\l.  Bazin.  2"  accessit, 
M.  Dufour,  du  15"  de  ligne,  élève  de  M.  Bazin.  3=  accessit,  M.  Devos, 
du  5=  de  ligne,  élève  de  M.  E.  Jonas. 

,„**  Mme  Gagliano,  dont  nous  avons  signalé  les  brillants  succès,  vient 
d'être  engagée  pour  le  prochain  concert  de  la  Société  philharmonique 
de  Boulogne. 

t*a.  Nous  nous  empressons  d'annoncer  à  nos  lecteurs  que  Mme  Oscar 
Comettant,  l'éminente  cantatrice,  ouvrira  un  cours  de  chant  italien  et 
français,  le  13  décembre  prochain,  dans  les  salons  de  Mme  Moreau  de 
Saint-Ludgère,  57,  rue  de  Bourgogne.  Le  cours  de  Mme  Comettant,  qui 
alternera  avec  les  cours  de  piano  de  Mme  Moreau  de  Saint-Ludgère 
fondés  en  1 838,  aura  lieu  les  mercredis  et  samedis,  de  1  heure  à  3  heures. 


,*^  Le  violoncelliste  Piatti,  qui  jouit  en  Angleterre  d'une  réputation 
égale  à  son  talent,  vient  d'arriver  à  Paris. 

a,**  Haendel  est  devenu  l'objet  d'un  hommage  unique  dans  son 
genre.  Dans  l'égtise  Sainte-Marie  Redcliff,  on  lui  a  dédié  une  fenêtre 
sur  laquelle  sont  exécutés  des  groupes  d'anges  qui  sont  censés  chanter 
des  passages  du  Messie. 

***  S.  E.  le  ministre  de  la  maison  de  l'Empereur  et  des  beaux-arts 
vient  de  souscrire  à  vingt-cinq  exemplaires  de  la  nouvelle  méthode  de 
violoncelle,  de  M=  Lebouc,  pour  être  répartis  entre  les  conservatoires 
des  départements  et  autres  écoles  communales  de  musique  de  France. 
La  méthode  de  M.  Lebouc  est  déjà  adoptée  par  les  conservatoires  de 
Paris  et  de  Bruxelles. 

*'^j,  Mlle  Charlotte  de  Tiefensée  a  donné  récemment  un  concert  dans 
la  salle  du  Kurhaus  à  Aix-la-Chapelle.  Son  répertoire  est  des  plus  variés; 
cette  artiste  remarquable  connaît  tous  les  genres  et  chante  dans  presque 
toutes  les  langues. 

^*,  A  Zittars,  on  a  placé  à  côté  de  la  porto  de  la  maison  où  naquit 
Marschner,  une  plaque  commémorative  en  marbre  avec  cette  inscrip- 
tion :  «  Dans  cette  maison  est  né  Henri  Marschner,  le  16  août  1795.  » 

»*a,  Le  ministre  de  l'instruction  publique  vient  de  prescrire  pour  les 
établissements  universitaires  de  l'Empire,  lycées  et  collèges ,  l'étude  de 
la  musique  vocale.  Elle  se  trouve  désormais  classée  parmi  les  exercices 
supplémentaires  de  ces  grandes  écoles. 

»**  La  fête  de  sainte  Cécile  sera  célébrée  à  Saint-Eustache,  lundi  23 
novembre,  à  11  heures  ,  avec  la  plus  grande  solennité,  par  les  soins  du 
Comité  de  l'Association  des  Artistes  musiciens.  M.  Pasdeloup  fera  exécu- 
ter par  l'orchestre  et  la  chorale  populaire  de  musique  classique,  sous  sa 
direction,  la  première  messe  en  ut  de  Beethoven,  qui  n'a  pas  encore  été 
entendue  à  Paris.  Mgr  Darboy,  archevêque  de  Paris,  assistera  à  cette  céré- 
monie. Les  premiers  artistes  de  l'Académie  impériale  de  musique  chan- 
teront les  soli.  A  roffertoire,  M.  Alard  exécutera  sur  le  violon  un  andante 
de  Beethoven.  —  Le  grand  orgue  sera  tenu  par  M.  Edouard  Batiste.  — 
Le  produit  de  la  quête  et  des  chaises  sera  versé  dans  la  caisse  de  secours 
de  l'Association.  —  On  se  procure  à  l'avance  des  billets  d'enceinte  ré- 
servée, chez  M.  BoUe-Lasalle,  trésorier  de  cette  Société  de  bienfaisance, 
68,  rue  de  Bondy. 

^*^  M.  Mansour  annonce  pour  le  lundi  16  novembre  la  réouverture 
de  ses  cours  de  piano  :  cours  normal  pour  les  élèves  de  force  sujiérieure 
qui  se  destinent  à  l'enseignement  (une  leçon  de  deux  heures  par  se- 
maine pour  quatre  élèves),  et  cour.'  progressif  pour  les  élèves  de  petite 
ou  grande  moyenne  force  (deux  leçons  de  deux  heures  par  semaine 
pour  huit  élèves}. 

^*^  M.  Wilhelm  Langhans,  compositeur  et  chef  d'orchestre,  qui  a 
donné  un  concert  l'hiver  dernier  dont  nous  avons  rendu  compte,  est 
arrivé  cette  semaine  à  Paris  avec  sa  femme,  excellente  pianiste. 

,j*a,  Le  Comité  du  progrès  artistique  rappelle  aux  compositeurs  de 
musique  que  ses  deux  concours  seront  clos  le  15  janvier  prochain.  S'a- 
dresser à  M.  le  secrétaire,  23,  rue  d'Hauteville,  Paris. 

^*^  Philippe  Hœrter,  violoniste  et  compositeur  d'un  vrai  talent,  est 
mort  le  6  de  ce  mois  à  Strasbourg,  Né  dans  cette  ville  en  1795,  il  a 
écrit  des  opéras  allemands,  des  chœurs  et  des  cantates  très-remarqua- 
bles. —  Toutes  les  sociétés  chorales  de  la  ville  et  l'harmonie  militaire, 
dirigée  par  l'habile  M.  Roth,  assistaient  aux  obsèques  de  cet  artiste, 
dont  la  )nodestie  rehaussait  le  mérite.  Un  chœur  de  sa  composition  y  a 
été  parfaitement  exécuté  par  la  masse  chorale.  Pensionnaire  de  l'asso- 
ciation des  artistes  musiciens,  Ilœrter  laisse  une  veuve  à  laquelle  plu- 
sieurs membres  du  comité  central  se  sont  empressés  de  donner  des 
preuves  effectives  de  la  sympathie  qu'elle  est  en  droit  d'inspirer. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 


,j*j,  Lyon.  —  En  attendant  la  reprise  du  Pardon  de  Ploërmel,  retardée 
par  une  indisposition  de  Mme  Cabel,  Charles  VI  a  été  représenté  devant 
une  salle  comble  et  a  obtenu  un  très-grand  succès.  Mlle  Lacombe, 
MM.  Melchisedec,  Dulaurens  et  Coulon  ont  fort  bien  rempli  les  rôles 
de  l'œuvre  magistrale  d'Halévy, 

^*,^  Bordeaux.  —  La  Société  de  Sainte-Cécile,  présidée  par  l'hono- 
rable M.  Brochon  et  dirigée  par  M.  Ch.  Mezeray,  exécutera,  le 
26  novembre,  à  l'église  Notre-Dame  du  chef-lieu  de  la  Gironde,  la 
messe  solennelle  à  trois  voix,  solo,  chœur  et  grand  orchestre,  de 
M.  A.  Elwart.  —  A  l'issue  de  la  messe,  l'orchestre  exécutera  la  belle 
ouverture  de  Spartaciis   de  M.  Saint-Saens.  —  Ces  deux  compositions 


DE  PARIS. 


367 


ont,  à  huit  ans  de  distance,  obtenu  le  premier  prix  au  concours  annuel 
de  la  Société  de  Sainte-Cécile. 

***  Nice.  —  Les  débuts  do  la  troupe  italienne  au  théâtre  impérial, 
sons  la  direction  habile  de  M.  Avette,  viennent  de  se  terminer  et  ont 
obtenu  en  grande  partie  les  suffrages  du  public.  Deux  très-jeunes  can- 
tatrices, Mlles  Ferni  et  Varesi,  le  ténor  Cantoni  et  le  baryton  Coliva  s'y 
sont  très-distingués.  De  nouveaux  ouvrages  vont  être  montés,  parmi 
lesquels  le  Siradella  de  Flotow. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


j*^  Londres. —  Dn  opéra  de  salon,  Jcsstj  Lea,  paroles  d'Oxenford,  mu- 
sique de  Macfarren,  vient  d'être  représenté  avec  succès  sur  la  scène  de 
Gallery  of  Illustration.  —  Les  concerts-promenades  sous  la  direction  de 
Jullien  fils,  attirent  la  foule.  Mme  Yolpini  et  le  cornettiste  Legendre  y 
sont  beaucoup  applaudis.  Sivori  va  s'y  faire  entendre,  ainsi  que  Sims 
Reeves  et  Santley.  La  réussite  de  cette  entreprise  parait  donc  assurée. 

^*jf  Bruxelles.  —  C'est  dans  Robert  le  Diable,  joué  devant  une  salle 
comble  et  en  présence  de  la  duchesse  de  Brabant,  que  le  début  de 
Mlle  Fredberg  a  eu  lieu.  La  gracieuse  danseuse  a  obtenu  un  succès 
éclatant  et  va  continuer  ses  débuts  dans  la  Muette  de  Portici. 

^*^  Amsterdam. —  Mme  Trebelli-Bettini  et  M.  Bettini  sont  engagés  avec 
Mlle  Artot  pour  la  saison  d'hiver,  à  l'opéra  italien,  et  se  feront  entendre 
dans  une  série  de  concerts  avec  le  concours  de  MM.  Jaëll,  Rubinstein 
et  deVroye. 

»*,j  Berlin  —  On  annonce  les  prochains  débuts  du  célèbre  ténor 
Niemann,  de  Hanovre,  qui  se  fera  entendre  ici  dans  Robert  le  Diable,  la 
Favorite,  Fernand  Cortez,  etc.  —  La  pièce  d'Offenbach  :  ïe  Prince  Acapulco, 
qui  a  obtenu  récemment  tant  de  succès  au  théâtre  de  Wallner,  n'est 
autre  que  le  Brésilien,  joué  au  théâtre  du  Palais-lîoyal ,  à  Paris,  et  conte- 
nant la  fameuse  ronde  du  Brésilien  d'Offenbach. 

:t\  Hanovre. —  M.  Joaohim,  le  célèbre  violoniste,  a  repris  ses  séances 
de  quatuor  :  dans  la  première  on  a  exécuté  des  compositions  de  Haydn, 
Mozart  et  Beethoven. 


,1,*^  Francfort.  —  Après  avoir  joué  au  îiusée,  Mme  Clara  Sehumann 
a  donné  deux  concerts  très-suivis.  —  La  Société  de  Sainte -Cécile  an- 
nonce pour  cette  année  trois  concerts  :  dans  le  premier,  on  exécutera 
£tie  ;  au  deuxième,  cantate  de  Bach,  chœur  par  F.  Hiller  ;  au  troi- 
sième, le  Messie. 

s*t  Leipzig.  —  Hans  de  Bùlow  a  donné  dans  la  salle  du  Gewandhaus 
la  première  de  ses  trois  soirées  pour  cette  année.  Comme  l'an  passé , 
lui  seul  a  rempli  la  séance  ;  il  a  joué  neuf  grands  morceaux,  de  mé- 
moire, sans  broncher,  avec  une  vigueur  qui  n'a  pas  faibli  un  moment; 
ce  sont  diverses  compositions  de  Bach,  Mendeissohn,  A. Rubinstein,  Mosohe- 
lès,  Liszt,  Hummel  et  Kiel.  Au  cinquième  concert  du  Gewanxihaus  s'est 
fait  entendre  Hugo  Fleermann,  qui  a  exécuté  avec  talent  et  succès  un 
concerto  de  Spohr,  et  air  varié  de  Vieuxtemps. 

***  Vienne.  —  Le  premier  concert  de  Société  a  été  une  véritable  fête  ; 
on  y  a  exécuté  deux  ouvrages  de  Hseiidel  :  VOde  à  sainte  Cécile,  pour  la 
première  fois  en  cette  ville,  et  Samson.  L'exécution  de  ces  deux  œuvres 
capitales  a  été  parfaite.  Dans  la  première  ,  lessolos  ont  été  chantés  par 
Mme  Passy-Cornet  et  par  M.  Schnarr  de  Carolsfeld,  le  chœur  final,  une 
des  plus  belles  choses  qu'ait  écrites  le  célèbre  compositeur,  a  produit  un 
effet  immense.  —  Hellmesberger  a  repris  ses  séances  de  musique  de 
cbambre;  il  y  en  aura  huit  dans  le  courant  de  l'hiver.  —  Au  théâtre  de 
l'opéra  de  la  cour,  on  répète  :  Iphigénie,  de  Gluck,  et  le  nouvel  opéra 
d'Offenbach,  les  Fées  du  Rhin  ;  ensuite  sera  rais  à  l'étude  l'opéra  nouveau 
Concino  Concini  ,  par  M.  Loewe.  —  Une  belle  représentation  des 
Huguenots  vient  d'être  donnée  au  même  théâtre.  Les  honneurs  de  la  soirée 
ont  été  pour  Mme  Fabri-Mulder  qui,  dans  le  rôle  de  Valentine,  a  prodoit 
beaucoup  d'effet,  surtout  dans  le  duo  du  troisième  et  dans  celui  du  qua- 
trième acte.  —  On  se  propose  de  remettre  à  l'étude  Joseph.  Cette  belle 
partition  de  Méhul  n'a  jamais  cessé  de  faire  partie  du  répertoire  de 
l'opéra  en  Allemagne. 

„**  Milan.  —  La  réouverture  du  théâtre  Carcano  a  eu  lieu  par  l'opéra 
Folletto  di  Gresy,fovt  bien  accueilli  par  un  nombreux  public.  Au  théâtre 
de  la  Scala  un  nouveau  ballet  de  Pellerini,  Attéa,  obtient  du  succès. 


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Publiée  par 

II.  A.  FARREKC  et  Mine  li.  FABRËIVC 

Compositeur  et  professeur  de  piano  au  Conservaloire  de  Paris. 
Z  IlTraisons  par  an,  ctaacane  d'environ  300  pages  de  musique  et  de  texte  pour  les  notices  biographiques,  etc. 


CONTENU  DES   LIVRAISONS    PUBLIEES   : 


1"  livraison:  Emmanuel  Bach,  douze  sonates  en  deux  livres.  — 
a  m  eau,  deux  livres  de  pièces.  —  Durante,  six  sonates.  —  Porpora, 
six  fugues.  —  %"  livraison  :  E.  Bach,  six  sonates.  —  Jean  Kuhnau, 
sept  sonates.  —  Henri  Purcell,  recueil  de  pièces.  —  Dominique  Scar- 
latti,  pièces  n™  1  à  26.  —  Hummel,  op.  8,  Chanson  autrichienne,  variée; 

—  op.  9,  Marche  des  Deux  journées,  id.;  —  op.  10,  God  save  the  King, 
d.;  —  op.  15,  air  des  Deux  petits  Savoyards,  id.  —  0.  A.  Lindemann, 
diverses  pièces.  —  Schwanenberg,  deux  menuets.  —  S«  livraison  : 
Le  P.  Martini,  douze  sonates.  —  Fr.  Couperin,  1«  livraison  de  pièces. 

—  Hummel,  op.  21,  Chanson  hollandaise,  variée;  — op.  40,  Marche  de 
Cendrillon,  id.;  —  op.  57,  Gavotte  d'Armide;  -  op.  73,  la  Belle  Marie, 
chanson  anglaise  variée. —  4°  livraison:  Emm.  Bach,  douze  sonates 


en  deux  recueils.  —  Haendel,  suites  de  pièces  1,  2,  3,  et  4  livres. 
5"=  livraison  :  Charabonnière,  recueils  de  pièces ,  livres  1  et  2.  — 
Dominique  Scarlatti,  pièces  n°'  27  à  49.  —  Beethoven,  sept  sonates, 
œuvres  2,  7  et  10. 

La  «j=  livraison  paraîtra  avant  la  fin  de  décembre;  elle  contien- 
dra six  sonates  d'Em.  Bach;  —  douze  polonaises  et  une  sonate  de  Wil- 
helm  Friedemann  Bach  ;  —  le  recueil  de  pièces  d'anciens  auteurs  an- 
glais (W.  Byrd,  John  Byll  et  Orlando  Gibbons),  intitulé  Parthenia  (fin 
du  x\i'^  siècle)  et  d'autres  pièces  de  la  même  époque,  entre  autres  le 
fameux  Carman^s  Whislle  (le  Sifflet  du  charretier),  ancienne  chanson 
populaire  anglaise  variée,  par  W.  Byrd;  —  les  sonates  de  Beethoven 
œuvres  13,  14,  26,  27  et  28  (sept  sonates). 


MANUFACTURE  DE  PIANOS  —  MAISON  HENRI  HERZ 

1£uc  de  la  Victoire,  4§,  à  Paris. 

L'immense  succès  que  les  Pianos  de  la  Maison  Henri  HERZ  ont  obtenu  à  l'Exposition  universelle  de  Paris,  en  1855, 
vient  de  se  reproduire  à  Londres  avec  plus  d'éclat  encore  :  aussi  le  Jury  international  vient-il,  en  plaçant  ces  instruments 
au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimité,  à  M.  Henri  HERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection 
reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  solidité,  de  la  sonorité,  de  l'égalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  d'expression.  (Rapport  du  Jury  international.) 


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ADOLPHE    SAX 


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50,  rae  ISaint-Cieorgreg 
à  Paris. 


Facteur  de  la  Maison  mUUaire  de  l'Empereur.  —  Professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique. 
Seule  grande  Médaille  d'honneur  à  l'Exposition  universelle  de  1855. 

RÉSUMÉ  DES  AVANTAGES  DES  SAXHOKNS  ET  DES  SAXOTROMBAS. 

Le  Saxotromba,  ou  le  Saxhorn,  est  supérieur  à  ses  analogues  existants  précédemment,  comme  proportion  de  tubes  et  par 
conséquent  comme  son  ;  supérieur  comme  j  ustesse  ;  supérieur  comme  création  de  famille  complète  ;  supérieur  comme  facilité  et 
unité  de  doigté  ;  supérieur  comme  forme  ou  contour  des  tubes  pour  l'émission  des  sons  ;  supérieur  comme  forme  pour  le  pla- 
cement et  le  maniement  de  l'instrument  ;  supérieur  comme,  ayant  une  même  direction  des  sons  (avantage  pour  l'auditeur  de 
recevoir  tous  les  sons  avec  la  même  puissance);  supérieur  en  ce  que  quelques  jours  suffisent  pour  former,  avec  des  amateurs  ou 
de  simples  conscrits  militaires,  une  musique  passabla  ;  supérieur  en  ce  que  les  plus  gros  instruments  comme  les  petits  se 
tiennent  facilement  au  moyen  de  la  main  gauche  et  du  bras  gauche,  et  laissent  le  bras  et  la  main  droite  entièrement  libres, 
et  dans  la  meilleure  position  pour  le  jeu  des  doigts  sur  les  cylindres  ;  supérieur  en  ce  que,  quand  un  élève  a  déjà  fait  des 
études  et  qu'il  est  obligé  de  changer  d'instrument  faute  de  disposition  des  lèvres  ou  par  tout  autre  motif,  ses  études  acquises 
servent  pour  le  nouvel  instrument,  soit  trompette,  trombone  ou  tout  autre  instrument  ;  supérieur  en  ce  que  l'on  peut  faire  les 
études  les  plus  lorjgues  et  les  plus  difficiles  sur  l'instrument  qui  fatigue  le  moins  et  les  reporter  sur  d'autres  plus  durs  à  jouer 
ou  plus  lourds  à  porter;  supérieur  en  ce  que,  dans  les  sociétés  ou  dans  un  régiment  de  cavalerie,  surtout  lors  des  congés,  il 
arrive  souvent  que  tous  les  artistes  d'une  même  catégorie  d'instruments  partent,  et  que,  dans  ce  cas,  on  peut  les  remplacer 
en  prenant  des  musiciens  dans  les  parties  les  mieux  garnies  pour  occuper  ou  remplacer  les  parties  manquantes;  supérieur  en 
ce  qu'on  ne  craint  pas  les  coups  de  tête  des  chevaux,  qui,  avec  les  anciens  instruments,  brisaient  parfois  les  dents  au  cava- 
lier; supérieur  en  ce  que  l'on  peut  jouer,  le  cheval  au  trot  ou  au  galop,  l'instrument  suivant  toujours  les  mouvements  du 
corps;  supérieur  pour  la  musique  en  marche  en  ce  que  l'instrument  ne  se  dérange  pas  sur  les  lèvres,  et  conserve  par  consé-  ^ 

quent  la  même  sonorité  qu'au  repos;  supérieur  pour  les  corps  de  musique  et  pour  le  militaire  surtout,  où  tout  est  régulier 
excepté  les  musiciens  et  les  instruments  d'après  le  système  ancien),  en  ce  que  tout  le  monde  se  trouve  dans  la  même  position,  toutes  les  mains  à  la  même 
tous  les  instruments  penchés  de  gauche  à  droite  ;  supérieur,  pour  la  musique  à  cheval  ou  de  cavalerie,  en  ce  que  si,  pendant  que  l'on  joue,  le  cheval  vient 
écart,  il  est  facile  de  ressaisir  les  brides  pour  le  ramener,  sans  déranger  l'instrument  de  sa  position.  ifjK^ 

Ton»  lis  iniirnmenii  soriant  de  la  fabrique  porieni  l'inieription  snivanie  :  Adolphc  Sax,  à  Paris,  facteur  de  la  maison  militaire  de  l'Empereur,     ^Ih 

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ment de  l'année  : 

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RÉPERTOIRE  DE  IMP  WORERl 

Dont  le  premier  volume  a  été  accueilli  avec  tant  de  faveur  l'année 

CE  VOUJME,  FORMAT  IN-S»,  CONTIEIVT  LE  CHOIX  SUIVAMT  DE 


1.  AIiKAN.  —  Op.  32.  Fanlasietta  alla  moresca. 

i.  BLUMENTHAL.  —  Op.  1.  La  Source,  caprice. 

3.  CHOPIN.  —  Op.  10.  Deux  études. 

4.  CZERNY.  —  Op.  754.  Tarentelle. 

5.  DŒHIiER.  —  Op.  42.  Deux  études. 

6.  FAVARGER.  —  Op.  42.  Caliban,  grande  valse. 

7.  GORIA.  —  Op.  41.  Grande  mazurka. 

8.  HELLER  (Stéphen).  —  Op.  56.  Sérénade. 

9.  HENSELT.  Poëme  d'amour. 

10.  HERZ  (H.).  —  Op.  143.  Mazurka. 

11 .  JAELL.  —  Le  Carillon,  morceau  élégant. 

12.  IiACOMBE.  —Op.  54.  Marcbe  turque. 

13.  liESCHETIZKY.  -  Chant  du  soir,  idylle. 

14.  LITOLFF.  —  Chanson  du  rouet. 

15.  LISZT.  —  Deuxième  marche  hongroise. 

16.  BIENDELSSOHN.  —  Presto  scherzando. 

17.  UOSGHELÈS.  —  Op.  95.  Trois  études. 

18.  PRUDENT.  —  Op.  33.  Farandole. 

19.  THAIiBERG.  —  Op.  35.  Le  Trémolo. 

20.  VOSS.  —Op.  161.  Ecume  de  Champagne. 

2° 
Un  recneil  contenant  six  llorceanx  de  Chant  : 

MÉLODIES    ET    CHANSONS 

IRLANDAISES,  ÉCOSSAISES,   ESPAGNOLES  ET  HAVANAISES 
Avec  paroles  françaises  : 


Ces  morceaux,  d'une  grande  originalité  et  entièrement  inconnus  en 
France,  sont  chantés  avec  un  grand  succès  dans  ses  concerts  par  Mlle 
CARI<OTTA    PAXTI 

Nous  tiendrons  ces  Primes  à  la  disposition  des  Abonnés  anciens  et 
nouveaux  à  partir  du  10  décembre  1863. 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  impérial  italien:  reprise  du  Trovatore  et  du  Barbiere. 
—  Quatrième  concert  de  musique  classique  au  cirque  Napoléon.  —  La  musique 
populaire  et  dans  les  cités  ouvrières  en  1863  (2'  et  dernier  article  ) ,  par 
Maurice  Cristal.  —  La  guerre  de  cent  ans  des  organistes,  clavecinistes 
et  des  maîtres  à  danser  du  royaume  de  France,  1680-1774  (4°  et  dernier 
article),  par  Em.  llatbien  de  Monter.  —  Revue  critique.  —  Corres- 
pondance :  Saint-Pétersbourg.  —  Nouvelles  et  annonces. 


THÉiTRE  IMPÉRIAL  ITAUEN. 

Reprise  du  Vrovatofs  et  du  Barbiewe.  —  Débuta  de 
.timo  de  Uérlc-Iiablaclie,  de  SteritinI,  de  Barasli  et 
de  Bovere.  —  Rentrée  de  Unie   Borgbl-llamo. 

La  représentation  du  Trovatore,  donnée  dimanche  dernier,  a  été 
certainement  la  meilleure,  la  plus  complète  de  toutes  celles  qui  "ont 
eu  lieu  depuis  la  réouverture,  et  la  preuve,  c'est  qu'elle  a  rajeuni  un 
ouvrage  dont  on  a  tant  abusé,  que  le  besoin  est  loin  de  s'en  faire 
sentir.  Fraschini  s'est  emparé  du  rôle  de  Manrico  avec  toute  la  puis- 
sance de  sa  voix  et  de  son  talent  :  il  s'y  est  élevé  peut-être  encore 
plus  haut  que  dans  l'Edgardo  de  Lucia.  Il  en  a  si  bien  fait  valoir  les 
moindres  détails,  que  l'auditoire  est  constamment  resté  sous  le  charme 
et  ne  cessait  de  l'écouter  que  pour  l'applaudir.  Après  les  bravos, 
c'étaient  les  rappels,  et  les  bis  n'auraient  pas  manqué  non  plus,  si 
Fraschini  n'eiit  contracté  l'excellente  habitude  de  ne  jamais  s'y  prê  - 
ter.  Mme  Anna  de  la  Grange  l'a  fort  bien  secondé  dans  le  rôle  de 
Leonora  :  elle  est  grande,  elle  est  noble  ;  on  ne  saurait  chanter  mieux 
qu'elle,  et  si  l'émotion  lui  manque  parfois,  ce  n'est  pas  faute  d'en 
posséder  parfaitement  la  mimiqu3  et  d'en  pratiquer  l'imitation  avec 
un  art  consommé. 

Deux  débutants,  pour  Paris  du  moins,  s'essayaient  dans  l'œuvre  de 
Verdi;  Sterbini  chantait  le  rôle  du  comte  de  Luna,  et  Mme  de  Méric- 
Lablache  celui  d'Azucena,  la  bohémienne.  Celte  dernière  s'était  déjà 
montrée  à  nous,  il  y  a  quelques  années,  dans  le  petit  rôle  de  Gondi, 
de  Maria  di  Rohan.  Depuis,  elle  a  réussi  en  beaucoup  de  pays  et  sur 
beaucoup  de  scènes.  Sa  voix  de  contralto  est  timbrée,  vibrante  et 
mordante;  elle  monte  facilement  à  des  notes  qui  dépassent  son  dia- 
pason ordinaire.  Quel  dommage  que  son  articulation  soit  déparée  par 
un  grasseyement  intolérable  même  chez  nous,  où  l'on  grasseyé  à  dire 
d'experts,  mais  où  l'on  s'en  corrige  quand  onUe  veut,  par  des  pro- 
cédés qui  n'exigent  que  de  la  patience  !  Mme   de   Méric-Lablache 


370 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


tient  beaucoup  à  se  montrer  dramatique,  mais  elle  exagère  le  senti- 
ment comme  elle  exagère  la  vieillesse.  La  mère  de  xManrico  n'est  nulle- 
ment obligée  de  trembler  sur  ses  jambes,  d'autant  moins  qu'avec 
sa  Ggure  basanée,  rougie  par  le  soleil,  on  pourrait  s'y  tromper 
et  croire  que  c'est  l'effet,  non  de  l'âge,  mais  du  vin.  Slerbini  a  une 
voix  douteuse  et  variable  :  on  l'entend  à  peine  quand  il  chante 
piano;  on  l'entend  trop  quand  le  forte  arrive.  Peut-être  faut-il  s'en 
prendre  à  la  terreur,  et  l'équilibre  finira-t-il  par  se  rétablir  avec  le 
temps. 

Jamais,  jusqu'à  présent,  la  mise  en  scène  du  Trovatore  n'avait  été 
plus  soignée  ;  comme  dans  Lvcia,  plusieurs  décors  nouveaux  ré- 
jouissaient les  regards,  notamment  au  troisième  acte,  qu'on  a  rétabli 
sur  un  pied  de  luxe  inusité.  Par  exemple,  rien  n'a  été  changé  à  la 
pauvre  défroque  du  Barbiere;  c'est  toujours  la  vieille  place  publique, 
toujours  le  vieux  salon  I  Et  à  travers  tout  cela  une  musique  toujours 
jeune ,  qui  persiste  à  vivre  et  à  se  soutenir,  en  dépit  du  costume  et 
de  l'exécution.  11  n'y  avait  pas  moins  que  la  différence  du 
jour  et  de  la  nuit  entre  la  représentation  du  Trovatore  et  celle  du 
Barbiere,  donnée  le  mercredi  suivant.  Nous  ne  saurions  nous 
empêcher  de  le  dire  à  l'orchestre  :  il  n'est  pas  permis  d'exécuter 
une  délicieuse  ouverture  avec  la  nonchalance,  la  froideur,  la  bruta- 
lité dont,  l'autre  jour,  il  s'est  rendu  coupable.  Jadis,  pendant  cette 
adorable  symphonie  ,  on  eût  entendu  voler  une  mouche  :  aujour- 
d'hui personne  ne  s'en  soucie,  personne  n'y  prend  garde,  parce  que 
l'orchestre  et  son  chef  donnent  l'exemple  de  l'indifférence.  Comment 
voulez-vous  qu'on  écoute  des  gens  qui  ne  se  font  pas  l'honneur  de 
s'écouter  eux-mêmes?  C'est  le  mot  si  juste  et  si  vrai  de  Mme  de 
Staël.  Malheureusement,  l'ouvrage  entier  n'a  guère  été  mieux  traité 
que  l'ouverture. 

On  sait  qn'un  télégramme  avait  été  chercher  Mme  Borghi-Mamo 
à  Madrid ,  la  surprendre  au  milieu  de  ses  succès,  pour  l'appeler  à 
Paris  en  toute  hâte.  La  cantatrice  est  venue  et  a  fait  sa  rentrée  par 
le  rôle  de  Rosine ,  lequel  n'est  pas  le  meilleur  de  son  répertoire. 
Elle  n'est  pas  assez  vive  ,  assez  espiègle  pour  bien  jouer  la  pupille 
du  docteur  Bartolo,  et  puis  elle  porte  des  robes  trop  longues.  Elle 
chante  toujours  fort  bien,  mais  le  Bacio  qu'elle  a  dit  dans  la  scène  de 
la  leçon  n'est  plus  assez  neuf,  assez  distingué  pour  nous.  Le  débu- 
tant, Baragli ,  fort  agréable  de  sa  personne,  est  un  tenorino  dont  la 
voix  nous  a  paru  d'abord  interceptée  par  le  brouillard.  C'est  du  moins 
une  voix  des  plus  minces,  qui  rachète  en  agilité  ce  qui  lui  manque 
en  volume.  Rovere,  l'autre  débutant ,  le  nouveau  Bartolo,  n'a  plus 
l'ombre  d'une  voix  :  c'est  un  bouffe  sur  le  retour,  qui  ressemble  à 
un  vieux  clown  par  les  gestes  et  les  grimaces.  Bouché  s'est  trop 
complu  dans  l'air  de  la  Calumnia:  il  l'a  détaillé  si  savamment,  si  pe- 
samment que  le  public  ne  se  tenait  plus  d'impatience  :  aussi  n'a-t-il 
obtenu  pour  sa  peine  qu'un  chut  des  plus  prononcés.  Délie  Sedie 
n'est  qu'un  demi-f'igaro,  et  si  nous  ajoutons  que  tous  ces  artistes  n'ont 
pas  l'habitude  de  jouer  ensemble,  on  comprendra  pourquoi  la  re- 
présentation du  Barbiere  ne  doit  figurer  que  pour  mémoire. 


QUATRIÈME  CONCERT  POPULAIRE  DE  MUSIQUE  CLASSIQUE 

an  Cirque  Kaiioléon. 

Ce  qui  piquait  le  plus  vivement  la  curiosité  dans  le  programme  de 
ce  concert,  ce  n'était  ni  la  symphonie  en  vt  d'Haydn,  ni  la  sympho- 
nie en  la  majeur  de  Mendelssohn,  malgré  leur  qualité  bien  reconnue 
de  chef-d'œuvre,  ni  même  l'air  de  ballet  écrit  pour  l'rométhëe,  par 
Beethoven,  et  que  l'auditoire  a  unanimement  redemandé:  mais  c'était  la 
suite  de  morceaux  en  ré  majeur,  composés  par  Jean-Sébastien  Bach, 
ce  maître  des  maîtres,  mort  depuis  plus  de  cent  ans.  Ces  morceaux, 
ces  fragments  rangés  sous  les  titres  à'ouverture,  d'air  et  de  gavotte 


ont  été  écoutés  dans  le  silence  le  plus  profond;  aucun  signe  d'appro- 
bation ni  d'improbation  n'en  a  interrompu  la  marche,  et  à  la  fin  des 
bravos  d'estime,  sinon  d'enthousiasme,  se  sont  fait  entendre.  Avouons 
que  ce  genre  de  composition  est  tout  à  fait  dépourvu  de  charme  et 
n'offre  qu'un  intérêt  purement  archéologique.  M.  Pasdeloup  a  bien 
fait  d'en  donner  un  spécimen,  mais  nous  ne  pensons  pas  qu'il  y  re- 
vienne souvent.  C'est,  si  l'on  veut,  de  la  musique  classique,  mais  ce 
ne  sera  jamais  de  la  musique  populaire.  L'exécution  en  a  été  par- 
faite, et  il  ne  fallait  pas  moins  pour  sauver  quelques  passages  bien 
capables  d'exciter  un  peu  l'hilarité  moderne. 

P.  S. 


LA  MUSIQUE  POPULAIRE 

ET 

DANS    LES    CITÉS   OUVRIÈRES 

En  1SG3. 

(2e  et  dernier  article)  (1). 

Après  avoir  cité  quelques-uns  des  résultats  favorables  que  produit 
la  musique,  voici  maintenant  des  faits  qui  montreront  comment  ces 
progrès  s'opèrent  et  quels  en  sont  les  commencements  presque  tou- 
jours inaperçus. 

Dans  la  rue  de  Crimée,  à  la  Petite-Villette,  près  de  la  route  d'Al- 
1  emagne,  on  peut  entendre  les  dimanches,  les  jours  de  fête,  et  même, 
chaque  jour,  à  certaines  heures ,  des  choeurs  exécutés  avec  soin  et 
choisis  le  plus  souvent  dans  les  œuvres  des  maîtres.  Nous  avons  été 
aux  renseignements,  et  voici  ce  que  nous  avons  appris.  Qu'on  nous 
permette  quelques  détails ,  ce  que  nous  allons  dire  appartenant  aux 
actes  sublimes  de  l'humanité. 

Bien  des  gens  ont  eu  le  spectacle  de  ces  escouades  de  balayeurs 
hommes,  femmes,  adolescents  des  deux  sexes,  qui,  dès  l'aube,  et 
quelquefois  plus  tôt  encore,  font  la  toilette  de  Paris.  Ces  ouvriers  de 
la  première  heure  sont  presque  tous  des  émigrés  allemands  que  la  mi- 
sère a  chassés  de  leur  pays,  et  qui,  entendant  parler  des  immenses 
travaux  publics  qui  s'exécutent  dans  la  capitale  de  la  France,  com- 
ptent y  trouver  à  vivre  plus  facilement  que  dans  leur  patrie.  Mal- 
heureusement, ils  ne  rencontrent  pas  toujours  chez  nous  la  terre  pro- 
mise qu'ils  avaient  rêvée ,  et  comme  ils  ont  du  courage  et  de  la 
probité,  plutôt  que  de  mendier,  ils  se  résignent  aux  plus  humbles  oc- 
cupations, aux  plus  modiques  salaires,  et  commencent  habituellement 
par  le  métier  de  balayeurs  des  rues.  L'homme  gagne  2  fr.  50  c.  par 
jour,  la  femme  1  franc  pour  sa  demi-journée,  car  il  faut  donner  le 
reste  du  temps  à  son  pauvre  ménage.  Avec  ces  3  fr.  50  c.  subsiste 
une  famille  qui  compte  souvent  cinq  ou  six  enfants  :  aussi  vont-ils 
se  loger  dans  les  quartiers  les  plus  excentriques,  oi!i  ils  vivent  aban- 
donnés, dans  la  misère  et  dans  l'ignorance.  C'est  là  qu'un  homme 
admirable  et  sa  compagne  sainte  sont  venus  apporter  l'instruction  et 
la  propreté,  le  sentiment  du  beau,  des  arts,  de  Dieu. 

C'est  par  la  musique  que  l'œuvre  de  civilisation  a  commencé. 
Mme  X.  —  je  dirai  son  nom  bientôt  —  qui  appartient  à  une  des  plus 
nobles  familles  prussiennes,  sait  la  musique;  elle  en  possède  au  fond 
de  l'âme  l'intelligence  la  plus  élevée  ;  il  s'agit  de  communiquer  aux 
pauvres  sauvages  à  qui  elle  a  voué  ses  talents  et  sa  vie,  et  qui  ne 
savent  pas  même  ce  que  c'est  que  la  lecture,  l'écriture  et  l'alphabet, 
le  goût  et  les  connaissances  de  l'art  qui  refait  les  âmes,  et  leur 
ouvre  toutes  les  joies,  toutes  les  consolations,  toutes  les  aspirations. 
Pour  commencer  son  œuvre,  Mme  X.  s'adresse  d'abord  aux  enfants. 
Pendant  que  les  parents  balayent  nos  rues,  ils  sont  livrés  à 
eux-mêmes,  et,  demi-nus,  affamés,  ils  vagabondent  au  soleil  ou  à  la 


DE  PARIS. 


371 


pluie ,  dans  les  ruisseaux  et  dans  la  boue.  Ces  enfanls  trouvent 
chez  Mme  X.  du  pain,  de  la  viande,  du  vin ,  un  abri,  des  soins,  de 
l'affection.  Les  voilà  attirés.  Alors,  avec  une  patience  infinie,  MmeX. 
leur  enseigne,  et  les  éléments  de  la  musique  appropriés  à  leur  igno- 
rance de  toute  chose,  et  à  chacun,  en  même  temps,  sa  partie  dans 
des  chœurs  choisis  parmi  les  plus  belles  œuvres  des  maîtres  de  toutes 
les  écoles. 

Ce  n'est  point  dans  un  palais  que  Mme  X.  les  abrite  ainsi.  Son  mari 
et  elle,  quand  ils  arrivèrent  à  Paris,  voulurent  opérer  le  bien  sans 
retard.  Bâtir  prend  du  temps.  Sans  rien  attendre,  pressés  d'agir,  ils 
achetèrent  d'abord  pour  leur  résidence  une  colline  de  20  mètres 
à  peu  près,  inoccupée ,  nue,  de  roche  calcaire  ;  là,  dans  un 
chalet  portatif ,  ils  s'installèrent ,  et ,  c'est  là  que  les  enfants 
réunis  chantent  Hœndel,  Beethoven,  Marcello,  Jomelli.  Les  pre- 
miers chœurs  ont  été  enseignés  partie  par  partie  à  chaque  en- 
fants ;  puis  les  enfants,  dressés  par  une  femme  patiente  et  clair- 
voyante, et  qui  varie  sa  méthode  selon  les  aptitudes  de  chaque  élève, 
ont  su  lire  la  musique  et  étudier  tous  seuls.  Dès  lors,  l'école  n'a  plus 
eu  seulement  pour  but  la  musique;  les  enfants  ont  appris  la  lecture, 
l'écriture,  le  devoir,  la  religion. 

Un  beau  jour,  les  parents  se  sont  aperçus  du  résultat  qui,  grandi 
peu  k  peu,  ne  les  avait  pas  frappés  dans  le  commencement.  Ils  se 
sont  informés.  C'est  tout  ce  qu'on  voulait .  Avec  larmes,  ils  sont  ve- 
nus offrir  leurs  services,  leur  reconnaissance,  leur  argent  à  l'institu- 
teur et  à  l'institutrice  de  leurs  enfants.  L'argent,  on  ne  l'a  pas  reçu; 
mais  à  eux,  pères  et  mères,  on  a  ouvert  toute  grande  la  porte  du 
chalet.  Ce  qui  avait  été  fait  pour  les  enfants,  on  l'a  fait  de  nouveau 
pour  les  parents,  émerveillés  de  se  voir  apprendre  à  chanter,  lire  la 
musique,  lire  dans  les  livres,  écrire,  etc. 

Tous  les  dimanches  ils  se  réunissent  et  chantent  des  chœurs.  Il  y 
a  là  d'admirables  voix,  et  si  vous  voulez  entendre  de  la  belle  musique 
populaire,  c'est  facile,  je  vous  ai  donné  l'adresse.  Ajoutons  que  le 
chalet  qui  d'abord  servait  d'école  et  d'habitation  à  M.  et  à  Mme  X, 
ne  sert  aujourd'hui  que  pour  l'école  ;  que  les  instituteurs  se  sont  ac- 
quis pour  eux  une  habitation  dans  le  voisinage  ;  que,  sur  leur  impul- 
sion, une  église,  une  école  professionnelle  et  artistique,  une  cité 
ouvrière  ont  été  bâties,  et  sont  à  cette  heure  fréquentées  et  habitées, 
et  que  ni  l'assistance  publique  ni  l'État  n'ont  été  sollicités  pour  venir 
en  aide  à  tout  cela.  La  musique  a  suffi  pour  tout  faire. 

Le  nom  des  deux  instituteurs  sublimes  que  nous  signalons  à  l'ad- 
miration universelle  est  BoDELSCHVsfiNG .  Le  mari  est  fils  d'un  ancien 
ministre  des  finances  en  Prusse.  Sa  digne  compagne  est  elle-même 
fille  du  ministre  actuel  des  finances  dans  le  même  pays. 

A  Guebwiller,  dans  le  Haut-Rhin,  un  semblable  et  tout  aussi  beau 
résultat  est  dû  à  la  musique  enseignée  par  un  simple  instituteur, 
M.  Greiner,  aux  enfants  des  pauvres  ouvriers  du  pays. 

Après  ses  heures  de  classe,  M.  Greiner  donnait  bénévolement  des 
leçons  de  chant.  Quelques  belles  voix  furent  soignées  par  lui  ;  il  en 
fit  des  solistes.  Solistes  et  choristes  exécutèrent  bientôt  avec  perfec- 
tion les  œuvres  magistrales.  Les  parents  accoururent.  Plus  d'un 
ivrogne  déserta  le  cabaret  pour  imiter  son  fils  et  étudier  à  la  même 
école  la  musique  et  le  chant.  Après  la  musique,  on  passait  à  la  lec- 
ture, à  l'écriture,  au  dessin  linéaire. 

M.  Greiner  faisait  le- bien,  refusait  l'argent,  et  se  trouvait  heureux 
quand  une  famille  sauvée  de  l'ivrognerie,  de  la  dette,  de  l'ignorance 
et  de  la  débauche,  lui  devait  une  initiation  féconde  à  l'instruction 
modeste  qu'il  lui  donnait.  Mais  son  œuvre  de  civilisation  fut  remar- 
quée. L'intervention  des  chefs  d'industrie  de  la  ville  développa  le 
premier  germe.  Une  bibliothèque  fut  louée  et  placée  dans  un  logement 
en  ville.  Là  se  tinrent  les  cours  professionnels  et  se  donnèrent  les 
leçons  de  musique  où  accouraient  désormais  trois  ou  quatre  mille 
ouvriers.  Le  local  se  trouva  bientôt  insuffisant.  Alors  fut  décidée, 
grâce  à  une  généreuse  initiative,  la  construction  d'un  bâtiment  spécial 


qui  s'élève  aujourd'hui  sur  un  des  côtés  de  la  ville,  au  milieu  d'un 
grand  terrain  clos,  et  dans  lequel  se  trouve  installée,  avec  une  sorte 
de  luxe,  ce  qu'on  peut  appeler  l'académie  ouvrière  de  Guebwiller. 
Quand  nous  avons  franchi,  il  y  a  trois  mois,  le  seuil  de  ce  petit  pa- 
lais de  l'instruction  populaire,  nous  nous  sommes  senti  dominé 
par  un  sentiment  de  respect.  Tous  les  détails  de  la  construction 
témoignent  de  l'importance  qu'y  a  attachés  l'homme  qui  en  a  dressé 
les  plans  et  qui  a  fait  les  choses  avec  amour,  sans  regarder  à  la  dé- 
pense. Aux  portes  des  salles  consacrées  aux  cours  sont  affichés  les 
arrêtés  des  comités,  et  la  propreté  minutieuse  qui  règne  du  haut  en 
bas  de  la  maison  est  un  sûr  garant  de  l'ordre  et  de  la  tenue  de  ces 
ouvriers,  écoliers  volontaires,  qui  abdiquent  l'ignorance,  et  embel- 
lissent le  travail  par  les  beaux-arts. 

Nous  parcourûmes  les  salles.  Nous  aurions  voulu  assister  aux  le- 
çons musicales  ;  mais  ce  n'était  pas  l'heure,  et  puis  c'était  un  jour  de 
fête;  mais  l'ami  qui  nous  accompagnait,  et  qui  lui-même  est  passionné 
pour  la  musique,  nous  réservait  une  surprise.  Un  chœur  composé 
d'hommes,  de  femmes  et  d'enfants  avait  été  réuni  dans  un  jardin  du 
voisinage.  Nous  ne  le  savions  pas  et  nous  nous  dirigions  vers  le  haut 
de  la  ville  du  côté  de  la  cité  ouvrière  pour  visiter  la  maison,  vraie 
châtellenie,  habitation  princière  qu'on  a  assignée  pour  demeure  aux 
professeurs  de  musique  et  de  dessin,  lorsqu'un  chœur  de  Fidelio 
monta  jusqu'à  nous  à  travers  les  arbres  de  la  colline,  Nous  écou- 
tâmes avec  admiration.  Le  chœur  fut  admirablement  exécuté. 

Dans  la  bibliothèque  de  l'académie  ouvrière  nous  avons  remarqué 
un  choix  considérable  de  partitions.  On  nous  assure  que  beaucoup 
d'ouvriers  ont  pris  des  arrangements  pour  acheter  des  orgues,  et 
que  c'est  pour  eux  une  habitude,  après  avoir  acheté  l'orgue,  de 
demander  des  méthodes  d'harmonie  :  l'on  nous  a  signalé  parmi 
eux  plusieurs  compositeurs  qui  ne  sont  pas  sans  mérite.  A  certains 
jours,  tous  ces  musiciens,  enfants  et  adultes,  jeunes  filles  et  femmes 
mariées,  mères  de  famille,  viennent  de  leurs  écoles,  de  leurs  ateliers, 
et  des  cités  ouvrières  de  Guebwiller  et  des  villes  voisines;  ils  se 
groupent  dans  de  vastes  amphithéâtres,  sous  le  bâton  du  chef  d'or- 
chestre ;  et  alors  on  entend  des  chœurs  chantés  par  des  milliers  de 
voix  qui  remplissent  l'âme  d'un  mâle  enthousiasme.  Et  ce  n'est  pas 
seulement  cette  harmonie  qui  enchante  :  on  est  ravi  de  voir  le  peu- 
ple initié  aux  grandes  jouissances  de  l'art,  le  peuple  émancipé  deux 
fois  par  la  propriété  dans  les  cités  ouvrières,  par  la  science  et  par 
la  musique. 

De  l'autre  côté  du  Rhin,  il  n'y  a  pas  un  village,  une  réunion  de 
cinq  ou  six  familles  oii  ne  se  trouve  un  musicien,  lequel,  tout  de 
suite,  organise  une  petite  école  oiî  il  enseigne  gratuitement  à  lire 
l'écriture  musicale,  à  l'exécuter  avec  des  instruments,  à  l'interpréter 
avec  la  voix  ;  dans  les  plus  restreintes  agglomérations  d'habitants,  il 
y  a  un  instituteur,  lequel  est  toujours  en  état  de  soutenir  par  un 
accompagnement  de  piano  ou  d'orgue  le  morceau  à  l'exécution  du- 
quel tous  les  élèves,  sans  exception,  prennent  part.  Dans  les  écoles 
normales  de  Strasbourg  et  de  Golmar,  l'enseignement  de  la  musique 
est  très-florissant  ;  nous  en  pouvons  dire  autant  du  midi  de  la  France, 
sur  tout  le  littoral  de  la  Méditerranée,  principalement  du  côté  des 
Pyrénées.  Presque  partout,  ce  progrès  est  dû  à  l'initiative  généreuse 
de  quelque  dévouement  sublime  comme  ceux  que  nous  avons  signa  - 
lés  plus  haut. 

Voilà  comment  la  diffusion  musicale  s'opère.  Cela  doit  nous  en- 
courager tous  à  répandre  les  méthodes,  les  livres  d'art.  Rien  n'est 
perdu  de  ces  bons  germes  sur  notre  terre  de  France,  si  favorable 
aux  œuvres  de  l'intelligence,  et  en  particulier  à  la  musique. 

Maurice  CRISTAL. 


372 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSlGALli 


LÀ  GUEBBE  DE  CENT  ANS 

«  DES  ORGANISTES,  CLAVESSINISTES  ET  DES  MAITRES  A  DANÇER  » 
Du  royaame  de  France. 

1680-1774. 

(4«  et  dernier  article)  (1). 
VI. 

C'est  ainsi  qu'un  acte  de  volonté  royale  mit  fln  à  des  querelles  sé- 
culaires qui  n'avaient  rien  perdu,  avec  l'âge,  de  leur  âprelé  pri- 
mitive, et  qui  semblaient  devoir  fournir  encore  une  longue  carrière. 
C'est  ainsi  que  les  musiciens  élevèrent,  par  leur  courageuse  perse- 
vérance,  l'édifice  de  leur  liberté.  C'est  ainsi  que  l'art  musical  mar- 
cha au  premier  rang  de  cette  avant-garde  d'institutions  affranchies 
qui  ouvrit  la  route  aux  hommes  d'action.  C'est  à  ce  besoin  de  jeter 
au  vent  les  entraves  du  passé,  fi  cet  amour  naissant  des  libres  con- 
troverses et  des  libres  allures,  à  cette  hardiesse  juvénile  des  esprits, 
que  la  royauté  des  violons,  que  la  confrérie  des  ménétriers  durent 
tomber  devant  l'indifférence  publique.  La  révolution  ne  fut  ni  nn 
coup  de  foudre,  ni  une  génération  spontanée.  Elle  naquit  de  ces  pa- 
tientes destructions  des  barrières  opposées  aux  manifestations  de  la 
pensée  ;  elle  sortit,  tout  armée,  de  ces  lentes  conquêtes  de  l'intelli- 
gence et  de  l'art. 

Délivrée  des  chaînes  du  passé,  la  musique  entra  dans  le  mouve- 
ment général  de  progrès  de  l'époque,  et  ouvrit,  au  moment  même 
où  finissait  sa  guerre  de  cent  ans,  la  préface  de  son  histoire  mo- 
derne. Elle  rompit  avec  ses  traditions  et  ses  formes  surannées  ;  elle 
chercha,  elle  innova.  Elle  ne  voulut  plus  être  ni  le  privilège  exclu- 
sif des  classes  favorisées,  ni  un  divertissement  futile ,  ni  le  prétexte 
de  plaisirs  grossiers,  mais  bien  un  art  sérieux,  utile,  compris  et 
aimé  de  tous.  Elle  aborda  la  discussion  ;  elle  la  soutint  avec  la 
science  et  ses  théories,  avec  la  critique  et  ses  versatilités,  avec  le 
public  et  ses  injustices.  Les  sympathies  commençaient  alors  à  ne  plus 
s'adresser  exclusivement  aux  privilèges;  les  applaudissements,  à 
certains  titres  artistiques,  vains  et  ridicules.  Le  temps  était  proche 
oij  le  succès  n'allait  frapper  à  son  effigie  que  les  œuvres  saines,  que 
les  productions  vitales.  La  musique  déploya  ses  ailes  et  s'élança  vers 
l'avenir. 

Dans  ses  plaines  bénies,  dans  ses  cités  illustres,  des  Alpes  à  la 
Méditerranée,  l'Italie,  pleine  de  sève  et  de  feu,  improvisait  déjà  ces 
ariettes  vives,  enlevées,  faites  de  rien,  comme  ces  étoffes  transpa- 
rentes et  légères  que  les  anciens  appelaient  de  l'air  tissé.  La  vie 
circulait,  et  quelle  vie  !  dans  ces  fantaisies  mélodieuses  dont  s'en- 
thousiasmaient les  pays  d'outre-monts.  C'était  la  renaissance  de  la 
musique  religieuse  et  profane  ;  c'était  l'aurore  des  harmonies  rossi- 
niennes  ! 

L'Allemagne,  dépouillant  peu  à  peu  son  nébuleux  mysticisme,  mais 
gardant  sa  foi  profonde  et  son  idéal  rêveur,  creusait  la  pensée  mu- 
sicale comme  un  problème  philosophique,  tout  en  l'animant  du  souf- 
fle ardent  de  son  inspiration  :  chimères  ailées,  reflets  du  ciel,  divinités 
vaporeuses,  doux  chants  des  sphères,  frémissements  de  la  nature, 
passions  humaines,  sombres  méditations,  symphonie  du  monde  ex- 
térieur et  du  monde  fantastique,  bruits  multiples ,  crescendo  infinis 
qui  se  fondent  dans  le  grand  concert  terrestre,  dans  la  partition  du 
divin  compositeur,  le  génie  allemand  tentait  déjà  de  tout  vivifier,  de 
tout  dramatiser,  de  tout  passionner.  C'était  l'aurore  de  l'épopée  mu- 
sicale et  des  vastes  conceptions  de  Meyerbeer,  son  Homère. 

La  France,  lasse  des  héros  de  l'Olympe,  fatiguée  des  péripéties 
grecques  et  romaines,  se  prenait  à  encadrer  dans  la  musique  les 
élégances  mondaines,    les  mœurs  raffinées,  les  amours  enjouées  et 

(1)  Voir  les  n"  42,  43  et  46, 


faciles  de  l'Athène  moderne.  Elle  découvrait  insensiblement  la  fraî- 
cheur du  style,  la  délicatesse  des  idées,  la  gaieté  qui  ne  fait  vibrer 
que  les  plus  fines  cordes  de  l'esprit,  la  poésie  des  sens  délicieuse- 
ment exprimée;  pour  tout  dire,  son  génie  à  elle,  le  génie  de  l'ama- 
bilité. Ses  mélodies  allaient  causer,  séduire,  civiliser.  Elles  n'avaient 
pas  de  grandes  ailes,  mais  elles  voltigeaient  à  fleur  de  toutes  choses 
avec  une  légèreté  ravissante.  Mme  de  Sévigné,  musicienne,  n'eût  pas 
mieux  chanté.  La  jeunesse  était  déjà  le  charme  suprême  de  la  mu- 
sique française.  Les  mélodies  ne  devaient  pas  avoir  d'âge,  pas  plus 
que  ces  belles  heures  qui  passent  et  se  succèdent  —  voluptueuse 
horloge  de  la  vie  païenne  —  sur  les  fresques  de  Pompéi.  Celles  du 
soir  ressemblent  à  celles  du  matin  ;  elles  ont  la  même  beauté  spiri- 
tuelle, la  même  démarche  aérienne,  la  même  draperie  diaphane  et 
volante.  A  peine  les  distingue-t-on  à  l'étoile  ou  au  rayon  de  leurs 
fronts. 

Avec  quel  allégement,  avec  quelle  joie  ne  reporte  t-on  pas  sa 
pensée,  des  haines  et  des  rivalités  de  l'histoire  artistique  du  passé 
vers  ces  beautés  sereines  et  immaculées  I  Comme  l'on  s'élève  dans 
ce  mélodieux  idéal  !  Comme  l'esprit  s'y  épure,  s'y  fortifie,  s'y  assi- 
mile à  cette  austère  doctrine  des  Haydn,  des  Beethoven,  qui  perfec- 
tionne l'âme  en  vieillissant  !  Comme  l'on  comprend  bien,  en  descen- 
dant de  ces  hauteurs,  que  l'indépendance  est  l'élément  vital  de  l'art, 
et  que  l'inspiration  grandit  dans  le  sentiment  de  cette  indépendance. 
Chaque  fois  que  l'on  a  tenté  de  la  restreindre  ou  de  l'enchaîner,  de 
terribles  réactions  se  sont  produites,  car  il  y  avait  là  un  germe  de 
déchéance,  de  mort,  à  frapper  de  stérilité.  Ne  trouvons-nous  pas 
étrange,  au  point  de  vue  de  la  logique  et  de  l'ordre  actuels,  qu'il  y 
a  cent  ans,  un  misérable  confrère  de  Saint-Julien,  juché  sur  un  ton- 
neau, raclant  ses  aigres  ritournelles,  dénommant  les  figures  d'une 
voix  éraillée  ;  qu'un  de  ces  violoneux,  autour  desquels  les  Célimènes 
en  jupon  court  et  les  Dons  Juans  en  sabots  gambadent  dans  la  pous- 
sière des  fêtes  de  village;  que  le  plus  grossier  de  ces  ménétriers 
ait  pu,  armé  de  droits  authentiques,  forcer  compositeurs  et  artistes  à 
lui  payer  tribut,  à  lui,  l'ignorant  et  le  boliémien?  Ne  nous  semble- 
t-il  pas  incroyable  qu'il  y  a  moins  d'un  siècle  un  virtuose  de  cabaret, 
beau  danseur  de  guinguettes,  ait  contraint  des  organistes,  prêtres 
ou  gentilshommes,  à  se  faire  recevoir  maîtres  de  danse  comme  lui, 
afin  de  pouvoir  chanter  les  louanges  de  Dieu,  et  accompagner  le 
service  de  Dieu,  sans  crainte  des  gens  du  roi  des  violons?  Sans 
doute,  de  telles  révoltes  de  la  matière  contre  l'intelligence  ne  peu- 
vent plus  se  reproduire  ;  mais  si  elles  n'avaient  pas  été  sans  cesse 
combattues,  sans  cesse  réprimées,  au  fur  et  à  mesure  de  leurs  ten- 
tatives, elles  auraient  laissé  dans  notre  société  artistique  moderne 
des  traces  de  servitude  qui  ne  seraient  pas  encore  effacées. 

Les  compositeurs,  les  organistes  et  clavecinistes  de  la  Guerre  de 
cent  ans  comprirent  qu'il  était  nécessaire,  non-seulement  de  con- 
quérir leur  propre  indépendance,  mais  surtout  de  tenir  la  main  à  ce 
que  les  forces  artistiques  du  temps  restassent  unies  et  goupées.  Ils 
n'ignoraient  pas  qu'indépendamment  des  talents  et  des  beaux  génies, 
il  faut,  à  toutes  les  époques  de  lutte  et  de  transition,  un  groupe  qui 
contienne,  qui  dirige,  qui  rallie  autour  de  lui  ;  autrement  le  concert 
manque  avec  les  plus  riches  éléments,  et  les  beaux  génies  eux- 
mêmes  courent  risque  de  se  dissiper.  Le  souffle  vivifiant  de  la 
liberté,  dans  un  premier  mouvement  d'inspiration  générale  et  d'en- 
thousiasme, suffit  cerles  à  féconder  toutes  choses  ;  mais  en  se  pro- 
longeant, il  s'épuise  ou  s'égare,  et  l'enthousiasme,  sans  points  d'ap- 
pui, sans  foyers  réguliers  qui  le  concentrent  et  l'alimentent,  s'éteint 
bientôt  comme  une  flamme. 

La  longue  et  énergique  ré.sistancc  des  musiciens  aux  prétentions 
de  la  communauté  de  Saint-Julien  fut  ce  foyer  d'action  des  nobles 
travaux,  ce  point  d'appui  des  généreux  enthousiasmes.  Les  soldats 
de  cette  guerre  formèrent  ce  groupe  vaillant,  cette  arche  invincible 
de  l'indépendance  de  la  profession  musicale,  et  ils  doivent  avoir,  à 


373 


ce  titre,  leur  place  au  milieu  des  ancêtres,  dans  la  radieuse  pléiade 
de  ceux  qui  ont  beaucoup  fait  pour  l'art,  et  que  l'art  ne  saurait  ou- 
blier sans  ingratitude. 

Em.  Mathied  de  monter. 


BEVUE  CRITIQUE. 

p.  Séllgmanii.  —  Deu\  nuits  :  Nuit  de  juuv,  chansons  dans  l'air  ; 
Nuit  de  dëcembbe,  flocons  de  neige,  pour  piano  et  violoncelle. 

Voici  deux  morceaux,  nés  de  la  même  inspiration,  qui  arrivent  heu- 
reusement au  début  de  l'hiver,  pour  la  satisfaction  des  connaisseurs 
auxquels  la  personne  et  le  talent  de  l'éminent  violoncelliste,  P.  Sélig- 
mann,  sont  depuis  longtemps  devenus  sympathiques;  l'accueil  qui  leur 
sera  fait  égalera,  s'il  ne  le  surpasse,  celui  des  autres  œuvres,  déjà 
considérables,  de  ce  compositeur  exécutant,  si  apprécié  dans  le  monde 
artistique  et  dans  le  monde  des  salons.  Le  premier  de  ces  morceaux 
porte  pour  sous-titre  :  Nuil  de  juin  {chansons  dans  Vair).  Quatre  vers  de 
Victor  Hugo  en  expliquent  la  pensée,  en  accusent  nettement  l'intention  : 

L'été,  la  nuit  bleue  et  profonde 

S'accouple  au  jour  limpide  et  clair; 

Le  soir  est  d'or,  la  plaine  est  blonde; 

Ou  enteud  des  chansons  dans  l'air. 

Sur  ce  thème,  dont  la  poésie  un  peu  vague  laisse  une  lonjfue  car- 
rière à  l'imagination,  le  compositeur  a  brodé  un  tissu  vaporeux  et 
léger  qu'un  souffle  imperceptible  semble  agiter  dans  l'espace,  échappant 
à  la  main  qui  veut  le  saisir,  puis  se  balançant  mollement,  au  gré  de  la 
brise  nocturne,  pour  s'élever  de  nouveau  et  disparaître  au  loin  comme 
un  rêve.  C'est  là,  du  moins,  l'impression  que  nous  avons  ressentie  à  la 
lecture  de  cette  page  vive  et  gracieuse  que  Séligmann  appelle  sa  Nuit 
de  juin.  La  mélodie  dans  laquelle  il  a  jeté  sa  pensée  musicale  est  fine 
et  distinguée  ;  le  rôle  du  violoncelle  n'y  est  pas  hérissé  de  sérieuses 
difficultés,  et  cependant,  nous  croyons  qu'il  n'est  pas  donné  à  tout  le 
inonde  d'en  faire  valoir  les  nuances  délicates.  L'accompagnement  du 
piano,  presque  tout  entier  eu  trio'.els,  ajoute  un  grand  charme  à  l'en- 
semble de  ce  morceau. 

C'est  Lamartine  qui  a  fourni  la  légende  de  la  seconde  nuit,  une  Nuit 
de  décembre  (flocons  de  neige)  : 

Nous  rions  en  voyant  tous  deux  nos  cheveux  blancs 
Poudrés  par  les  frimas,  de  givre  ruisselants  ; 

Car  Dieu 

Donne,  même  en  hiver,  sa  joie  à  chaque  jour. 

Quel  contraste  avec  la  première  nuit  !  Et  comme  ce  contraste  est 
bien  rendu  par  le  chant  joyeux  et  tranquille  du  piano,  tandis  que  le 
violoncelle  l'accompagne  de  ses  notes  grelotantes.  Mais  bientôt  la  scène 
change  ;  la  voix  de  l'instrument  se  raffermit,  s'élève  dans  une  hymne 
radieuse,  et  finit  par  s'unir  doucement  au  piano  pour  répéter  avec  lui 
le  refrain  de  sa  chanson.  Nous  ne  saurions  vraiment  dire  laquelle  de  ces 
nuits  l'emporte  sur  l'autre,  tant  Séligmann  déploie  tour  à  tour  de  sé- 
ductions pour  nous  faire  aimer  juin  ou  pour  nous  empêcher  de  haïr 
décembre.  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  les  deux  nuits  seront  par- 
tout les  bien  venues,  en  été  coiame  en  hiver. 


CORRESPONDANCE. 

Saint-Pétersbourg,  2/14  novembre  1863. 

Le.s  représentations  de  notre  théâtre  italien  se  composent  d'éléments 
puisés  dans  le  répertoire  courant.  Elles  sont  très-suivies  le  lundi  (premier 
abonnement),  et  ce  jour-là,  il  n'y  a  pas  une  seule  place  à  prendre  ; 
mais  la  salle  est  beaucoup  moins  garnie  le  mercredi  (deuxième  abon- 
nement), et  encore  moins  le  vendredi.  A  la  vérité,  c'est  à  peine  si  notre 
société  aristocratiquecommence  à  se  reconstituer.  On  revient  de  l'étranger 
et  de  la  campagne,  cette  année  ci,  beaucoup  plus  tard  que  les  années 
précédentes,  et  c'est  à  cette  cause  qu'il  faut  attribuer  la  diminution  du 
nombre  des  abonnés  le  mercredi  et  le  vendredi. 

La  dernière  quinzaine  nous  a  offert  les  reprises  de  la  Forza  del  destino, 
d'/  Lombardi  et  de  la  Favorila.  Deux  représentations  du  nouvel  ouvrage 
de  Verdi  ont  été  données,  et  il  n'a  pas  été  plus  chaleureusement  ac- 
cueilli qu'à  l'origine. 

On  a  applaudi  dans  /  tombardiTamberlicketMme  Fioretti.  Cette  der- 
nière surtout,  dont  la  merveilleuse  facilité  est  secondée  par  un  admirable 
organe,  a  le  privilège  de  passionner  nos  dilettantes,  qui  lui  pardonnent 


en  faveur  de  ces  splendides  qualités  une  gaucherie  et  une  froideur 
désespérantes.  Angelini  et  Malvezzi  complètent  un  excellent  ensemble. 

La  Favorila  a  servi  de  début  à  Giuglini,  ténor  qui  nous  est  arrivé 
précédé  d'une  certaine  réputation  acquise  en  Italie,  en  Angleterre,  et 
que  vous  avez  vu  à  Paris.  Sa  voix  rappelle  beaucoup  celle  d'Alessandro 
Bettini,  aujourd'hui  le  mari  de  la  Trebelli.  Quoiqu'un  peu  gutturale, 
elle  a  du  charme  et  de  l'agilité  ;  mais  elle  nous  a  paru  manquer  de 
force,  surtout  pour  une  salle  vaste  comme  celle  du  Grand-Théâtre. 
Giuglini  doit  chanter  Raoul  des  Huguenots,  rôle  dans  lequel  il  a  obtenu, 
dit-on,  ses  plus  beaux  succès;  en  attendant  il  s'est  montré,  dans  le 
personnage  de  Fernando ,  virtuose  distingué  et  comédien  habile. 
Mme  Barlot  chantait  le  rôle  de  l.eonora;  elle  y  a  eu  de  beaux  mo- 
ments, légitimement  applaudis,  surtout  dans  le  duo  du  quatrième  acte.  Les 
rôles  passionnés  conviennent  parfaitement  à  cette  cantatrice  éminem- 
ment dramatique,  et  à  laquelle  on  peut  même  reprocher  de  forcer 
quelquefois  ses  moyens.  Notre  climat  ne  paraît  pas,  du  reste,  avoir  été 
clément  pour  notre  prima  donna.  L'année  dernière,  elle  a  été  fréquem- 
ment souffrante,  et  sa  rentrée  sur  la  scène  a  été  retardée  par  les  mêmes 
causes.  En  outre,  une  sorte  de  fatalité  semble  la  poursuivre  dans  l'exé- 
cution de  ses  rôles  :  l'année  dernière,  dins  une  représentation  d'Otello, 
elle  s'embarrassa  dans  les  plis  de  sa  robe  et  fit  une  chute  qui  la  blessa  au 
bras;  cette  année,  pareil  accident  vient  de  lui  arriver  au  troisième  acte 
de  la  Favorila,  et  cette  fois  la  chute  pouvait  avoir  des  conséquences  plus 
graves,  car  elle  est  tombée  de  toute  sa  hauteur  sur  le  dos.  Un  instant 
on  a  cru  que  la  représentation  serait  interrompue;  mais  Mme  Barbot  a 
fait  preuve  de  beaucoup  de  courage  et,  nonobstant  la  douleur  et  l'émo- 
tion, elle  a  voulu  chanter  le  quatrième  acte.  Angelini  a  donné  au  person- 
nage de  Baldassaro  (Balthasar)  le  caractère  d'austérité  qu'il  comporte;  il 
l'a  chanté  avec  beaucoup  d'ampleur  et  de  puissance.  Graziani  a  dit, 
avec  cette  voix  vibrante  et  veloutée  que  vous  lui  connaissez,  la  célèbre 
romance  :  A  tanto  Amor,  Leonora,  après  laquelle  il  a  été  couvert  d'ap- 
plaudissements. 

Hier  on  a  donné  ÏElisire  d''amore  avec  Calzolari,  Mmes  Bernardi  et 
Fioravanti.  Jamais  le  célèbre  ténor  n'avait  été  mieux  en  voix,  et  il  a  eu 
les  honneurs  de  la  représentation  ;  il  semble  qu'il  veuille  augmenter  en- 
core la  somme  de  regrets  que  sa  résolution  connue  de  renoncer  à  la 
scène,  après  la  saison  finie,  cau.se  à  notre  public,  dont  il  est  particuliè- 
rement aimé.  Acclamé  avec  enthousiasme  après  la  délicieuse  romance 
Vna  furtiva  lagryma,  il  a  dû  la  redire  et  reparaître  plusieurs  fois  devant 
les  applaudissements  réitérés  de  toute  la  salle.  Mme  Bernardi  est  une 
charmante  Adina  ;  malheureusement,  elle  est  dans  un  état  de  souffrance 
visible  qui  lui  enlève  une  partie  de  ses  moyens,  Fioravanti  a  chanté 
avec  assez  de  verve  le  rôle  de  Dulcaraara  ;  Everardi  tient  très-bien  celui 
du  sergent. 

On  avait  commencé  les  répétitions  de  la  Cenerentola,  qui  n'a  pas  été 
donnée  depuis  longtemps  ;  mais  ordre  est  venu  de  les  suspendre  provi- 
soirement. Calzolari  étudie  le  rôle  de  Georges  Brovvn,  de  la  Dama  bianca 
de  Boïeldieu,  qui  sera  donnée  à  son  bénéfice  dans  les  premiers  jours  de 
janvier.  La  traduction  italienne  de  cet  ouvrage  a  été  faite  avec  beau- 
coup de  soin,  et  Calzolari  est  très-enthousiasmé  de  son  rôle.  —  Les 
Buguenots  seront  donnés  incessamment,  et  Mme  Barbot  remplira  le 
rôle  de  Valentine,  le  meilleur  sans  contredit  de  son  répertoire. 

3,   D, 


NOUVELLES. 

,*i  Au  théâtre  impérial  de  l'Opéra,  aujourd'hui  dimanche,  par  ex- 
traordinaire, Robert  le  Diable  sera  représenté.  —  Le  Trouvère,  la  Juive 
et  les  Huguenots  ont  composé  le  répertoire  de  la  semaine, 

,j*4  La  reprise  de  Mdise  aura  lieu  incessamment.  Mlles  Battu,  de  Taisy, 
MM,  Obin,  Villaret  et  Faure  y  rempliront  les  principaux  rôles, 

,j*,j  Mme  Talvo-Bedogni,  qui  a  obtenu  de  nombreux  succès  sur  les 
principaux  théâtres  d'Italie,  doit  débuter  demain  dans  la  Favorite.  — 
Michot  a  cessé  de  faire  partie  du  personnel  de  l'Opéra. 

/,j  L'Empereur  vient,  sur  sa  cassette  particulière,  dit  la  Presse,  d'ac- 
corder à  la  mère  de  Mlle  Emma  Livry  une  pension  viagère  de  6,000  francs, 
et  une  somme  de  40,000  francs  pour  frais  de  maladie  de  sa  fille. 

,j**  On  lit  dans  le  dernier  feuilleton  musical  du  Constitutionnel  : 
«  Meyerbeer  dounera-t-il,  ne  donnera-t-il  pas  son  Africaine?  Cette 
question  s'agite  sans  cesse  autour  de  lui.  Le  public,  qui  a  mi^intenu  si 
fermement  son  répertoire,  semble  demander  toujours  que  de  nouveaux 
chefs-d'œuvre  viennent  en  éterniser  la  durée.  Meyerbeer  n'a  aucune 
raison  pour  tromper  un  sentiment  qui  se  déclare  avec  tant  de  viva- 
cité. Il  s'en  préoccupe  en  toute  conscience  et  attend  des  débuts  d'ar- 
tistes qui  doivent  compléter  le  personnel,  dont  la  partie  principale  se 
trouve  dans  la  troupe  actuelle.  Si,  selon  toute  apparence,  ces  débuts 
sont  satisfaisants,  les  études  pourraient  commencer  sans  autre  retard. 


374 


REVUE  KT  GAZETTE  MUSICALE 


Mais  le  Roland  de  M.  Mevmet  devant  passer  cet  hiver,  l'Africaine  ne 
pourrait  néanmoins  être  représentée  qu'à  la  fin  de  la  saisou  d'été.  » 

,*«  Mlle  A.Colas,  sœur  de  l'actrice  Mlle  Stella  Colas,  adébuté jeudi  pasKé 
à  l 'Opéra-Comique  dans  tes  Noces  de  Jeannette,  et  a  fait  preuve  de 
talent. 

»*»  Les  sœurs  Marchisio  sont  attendues  au  théâtre  Italien. 

**t  Le  début  d'Adelina  Patti,  qui  a  eu  lieu  la  semaine  passée  au 
théâtre  de  l'Oriente,  à  Madrid,  a  été  un  nouveau  triomphe  pour  la  cé- 
lèbre cantatrice.  Constamment  applaudie  et  rappelée  à  plusieurs  reprises, 
elle  a  enthousiasmé  l'auditoire  dans  le  rôle  d'Amina  de  la  Sonnambula, 
qu'elle  a  joué  et  chanté  avec  une  rare  perfection.  Naudin,  qui  débutait 
le  même  soir,  n'a  eu  également  qu'à  se  louer  de  l'accueil  qu'on  lui  a 
fait. 

«**  Le  Théâtre  Lyrique  a  repris  Oberon,  le  samedi  de  l'autre  semaine, 
pour  le  début  de  M.  de  Quercy,  ténor,  qui  remplissait  le  rôle  de  Huon 
de  Bordeaux.  Le  jeune  artiste  est  doué  de  qualités  précieuses,  et  d'abord 
sa  voix  ne  manque  ni  de  franchise  ni  de  charme,  mais  il  a  besoin  de 
travailler  beaucoup.  Ce  qu'il  lui  faut  en  outre,  c'est  un  rôle  moins  diffi- 
cile, moins  impossible  que  celui  dans  lequel  nous  l'avons  entendu. 
Comme  plusieurs  maîtres  de  l'école  allemande,  Weber  s'inquiétait  peu 
d'écrire  pour  les  chanteurs  et  les  cantatrices.  Mme  Ugalde  n'en  mérite 
que  plus  d'éloges,  pour  la  vigueur  et  l'audace  avec  lesquelles  elle  a 
triomphé  des  difficultés  du  rôle  de  Rezia.  Mme  Faure-Lefebvre  s'est  gra- 
cieusement acquittée  de  celui  de  Fatime,  et  Girardot  a  retrouvé  tous 
ses  effets  comiques  dans  celui  de  l'Eunuque. 

*''.  On  monte  Rigoktto  au  théâtre  Lyrique,  avec  Mlles  de  Maësen, 
Dubois,  MM.  Isœaël  et  Monjauze.  —  La  reprise  de  la  Perle  du  Brésil 
est  annoncée  pour  cette  semaine. 

*■**  Mme  Tedesco  vient  de  partir  pour  Lisbonne,  où  l'appelle  un  en- 
gagement de  cinq  mois  contracté  à  des  conditions  très-brillantes. 

,**  Nice  n'est  plus  la  seule  ville  de  province  qui  possèdp  un  théâtre 
italien.  Une  compagnie  d'artistes  italiens  donne  également  des  repré- 
sentations à  Pau,  sous  la  direction  de  M.  Sinico. 

j*,  La  reconsiruction  du  théâtre  des  Bouffes  Parisiens  est  presque 
terminée.  On  annonce  sa  réouverture  pour  le  15  décembre. 

»*,,  Bien  des  projets  existent  déjà  relativement  à  des  exploitations 
théâtrales  et  à  l'érection  de  nouvelles  salles  de  spectacle,  depuis  que  la 
liberté  des  théâtres  a  été  décidée.  Il  est  notamment  question  d'un  se- 
cond théâtre  italien,  d'un  opéra  populaire  et  d'un  théâtre  où  l'on  joue- 
rait des  traductions  d'œuvres  lyriques  d'auteurs  étrangers.  —  Un  nou- 
veau journal,  sous  le  titre  la  Liberté  des  théâtres,  dont  le  rédacteur  en 
chef  est  M.  Amédée  Rolland,  vient  de  paraître. 

»■*»  Meyerbeer  est  du  nombre  des  invités  qui  doivent  se  rendre  au 
château  de  Compiègne  dans  les  premiers  jours  de  décembre.  —  Auber 
y  est  en  ce  moment. 

**,  Aujourd'hui  dimanche,  au  cirque  Napoléon,  cinquième  concert, 
dont  voici  le  programme  :  1»  Ouverture  d'Iphigénie  en  Aulide,  de  Gluck; 
2°  Symphonie  pastorale,  de  Beethoven  ;  3°  Allegretto  un  poco  agitato 
(op.  58),  de  Mendelssohn;  4°  Hymne,  de  Haydn,  pour  tous  les  instru- 
ments à  cordes  ;  5»  Invitation  à  la  valse,  de  Weber,  orchestrée  par 
Berlioz. 

»*»  Dans  le  concert  populaire  du  6  décembre,  au  cirque  Napoléon,  se 
fera  entendre  le  violoncelliste  Piatti. 

^*^  Au  dernier  concours  d'harmonie,  les  quatre  premiers  prix  rem- 
portés par  les  élèves  militaires  des  classes  de  MM.  Bazin  et  Jonas,  ap- 
partiennent à  quatre  élèves  suivant  le  cours  de  saxophone  sous  la 
direction  de  M.  Adolphe  Sax.  Un  pareil  fait  se  produisant  entre  une 
vingtaine  de  concurrents  ne  saurait  évidemment  être  attribué  au  hasard. 
L'honneur  eu  doit  être  reporté  à  l'instrument  et  au  professeur  :  au 
saxophone  qui,  embrassant,  avec  ses  quatre  membres,  l'échelle  harmo- 
nique entière,  réalise  toutes  les  combinaisons  de  la  musique  d'ensemble  ; 
à  M .  Sax,  qui  a  eu  l'heureuse  idée  de  faire  arranger  en  quatuors,  sex- 
tuors et  octuors  les  chefs-d'œuvre  classiques  des  plus  grands  maîtres, 
dont  l'exécution  traduit,  chaque  jour,  en  pratique  pour  l'élève  l'en- 
seignement théorique  qu'il  a  déjà  reçu. 

^*^  La  Société  des  concerts  s'est  réunie  hier  en  assemblée  générale 
pour  pourvoir  au  remplacement  de  M.  Tilmant,  qui  a  donné  sa  démission 
de  chef  d'orchestre.  Avant  de  s'occuper  d'élection,  l'assemblée,  pour 
donner  un  témoignage  d'estime  à  M.  Tilmant,  l'a  nommé  président  hono- 
raire. La  Société  a  décidé  ensuite  que  l'élection  du  premier  chef 
d'orchestre  serait  ajournée  au  21  décembre,  après  les  deux  concerts 
extraordinaires  qui  seront  dirigés  par  M.  Deldevès,  deuxième  chef  d'or- 
chestre. 

t*it  Sivori  a  obtenu  un  succès  d'enthousiasme  aux  concerts  JuUien, 
qui  se  donnent  au  théâtre  de  Sa  Majesté,  à  Londres.  On  lui  a  redemandé 
chacun  des  trois  morceaux  qu'il  a  exécutés  avec  sa  maestria  habituelle. 
La  vogue  de  ces  concerts  est  très -grande. 

***  Nous  avons  annoncé  les  succès  que  Mlle  Artôt  a  obtenus  récem- 
ment dans  plusieurs  villes  du  bord  du  Rhin,  où  elle  a  plus  que  confirmé 
ses  succès  antérieurs   en  Allemagne.  Cette  jeune  cantatrice  vient  de 


débuter  avec  éclat  à  Amsterdam  dans  le  Barbiere,  et  son  apparition 
dans  la  Figlia  del  Regimento  a  été  pour  elle  un  nouveau  triomphe. 
Mlle  Artôt  devait  se  faire  entendre  dans  la  Traviata  avant  de  se 
rendre  à  la  Haye,  où  elle  est  attendue. 

i%  M.  Fr.  Ferraris,  dont  le  nom  est  bien  connu  dans  le  monde  musi- 
cal, a  publié  des  compositions  pour  le  piano  qui  sont  recherchées  à 
l'étranger  et  qui  ont  pénétré  depuis  peu  en  France,  où  leur  succès  se 
confirme  chaque  jour  davantage.  De  retour  à  Paris  depuis  quelques 
jours,  l'excellent  artiste  a  l'intention  de  donner  une  audition  publique 
de  ses  dernières  œuvre.?.  Cette  séance  sera  d'autant  plus  intéressante 
qu'elle  permettra  d'apprécier  à  la  fois  le  compositeur  de  mérite  et 
l'exécutant  distingué. 

^*^  Les  quatre  séances  populaires  de  musique  de  chambre  que  MM. 
Charles  Lamoureux,  Colonne,  Adam  et  Emile  Rignault  ont  annoncées, 
auront  lieu  dans  la  salle  Herz,  les  mardis  8,  15,  22  et  29  décembre  pro- 
chains, à  8  heures  1/2. 

^,*^:  M.  Baillot,  professeur  au  Conservatoire,  ouvrira  son  cours  de 
piano  (musique  d'ensemble),  mardi  i^'^  décembre,  à  3  heures,  rue  Vin- 
timille,  22. 

***  L'Association  des  sociétés  chorales  de  la  Seine  donnera,  le  15  dé- 
cembre, un  grand  festival  au  cirque  de  l'Impératrice. 

**,  La  fête  de  sainte  Cécile  sera  célébrée  à  Saint-Eustache  demain 
lundi,  23  novembre,  à  11  heures,  avec  la  plus  grande  solennité,  par  les 
soins  du  comité  de  l'Association  des  artistes  musiciens.  M.  Pasdeloup 
fera  exécuter  par  l'orchestre  et  le  choral  populaire  de  musique  clas- 
sique, sous  sa  direction,  la  première  messe  en  ut  de  Beethoven,  qui  n'a 
pas  encore  été  entendue  à  Paris.  Les  premiers  artistes  de  l'Académie 
impériale,  Mlles  Wertheimber  et  de  Taisy,  MM.  Fauro  et  Warot,  chan- 
teront les  soli.  A  l'offertoire,  Alard  exécutera  sur  le  violon  un  andante 
de  Beethoven.  Le  grand  orgue  sera  tenu  par  M.  Edouard  Batiste,  orga- 
niste de  la  paroisse.  Le  produit  de  la  quête  et  des  chaises  sera  versé 
dans  la  caisse  de  secours  de  l'Association.  On  peut  se  procurer  à  l'avance 
des  places  dans  l'enceinte  réservée  chez  M.  Bolle-Lasalle,  trésorier  de 
cette  Société  de  bienfaisance,  68,  rue  de  Bondy. 

„■*»  La  Société  Sainte-Cécile  à  Orléans  vient  d'ouvrir  brillamment  la 
saison  musicale  par  un  concert  dans  lequel  les  frères  Dancla  se  sont 
fait  entendre.  Ils  ont  exécuté  d'une  manière  remarquable  la  l""  et  la 
4=  symphonie  concertantes  pour  deux  violons  de  Ch.  Dancla,  qui  a  aussi 
fait  entendre  un  charmant  boléro  de  sa  composition.  Le  public  leur 
a  fait  un  accueil  des  plus  chaleureux.  Mlle  Pradal  et  M.  Henry,  élève 
distingué  de  Duprez,  chargés  de  la  partie  vocale  du  concert,  s'en  sont 
acquittés  à  la  satisfaction  générale.  M.  Jauch  a  fait  grand  plaisir  en 
exécutant  une  fantaisie  a'Ascher.  L'orchestre  et  les  chœurs,  sous  la  di- 
rection de  M.  Salesses,  ont  bien  dit  le  chœur  et  la  prière  des  Dragons 
de  Villars,  les  ouvertures  de  ma  tante  Aurore  et  de  l'Italienne  à  Alger. 
Quelques  chansonnettes  comiques  complétaient  un  programme  des 
plus  attrayants. 

t*,^  On  vient  d'inventer  et  de  construire  en  Angleterre  un  appareil  de 
télégraphie  électrique  qui  permet  de  transmettre  d'un  point  à  un  autre 
très-éloigné  les  notes  de  la  voix  humaine.  L'opérateur  se  place  devant 
l'instrument  et  chante  dans  un  tube  une  note  quelconque.  Une  mem- 
brane tendue  près  du  tube,  de  façon  à  vibrer  sous  l'influence  de  la  note 
chantée,  est  mise  en  rapport  par  un  fil  conducteur  avec  une  autre  mem- 
brane placée  dans  les  mêmes  conditions  à  la  station  à  laquelle  on  s'a- 
dresse. Le  nombre  des  vibrations  de  la  première  membrane  correspond 
exactement  à  l'ouverture  ou  à  l'interruption  du  courant  électrique  trans- 
mis par  le  fil  conducteur  à  la  membrane  opposée;  celle-ci,  sous  l'in- 
fluence des  courants,  vibre  à  l'unisson  de  la  première  et  rend  ainsi  un 
son  identique  au  son  chanté.  Encore  un  pas  à  faire,  ajoute  le  Dublin  mé- 
dical Press,  et  l'on  pourra  parler,  dans  le  sens  propre  du  mot,  d'un 
bout  à  l'autre  du  monde. 

»*i  M.  S.  Ponce  de  Léon,  pianiste  de  S.  M.  la  reine  douairière  d'Es- 
pagne, reprendra  ses  cours  de  piano  le  1"'  décembre  prochain,  42,  rue 
du  Cherche-Midi. 

,1,'''^,  Le  Cercle  philharmonique  de  Bordeaux  inaugurera  la  saison 
d'hiver  par  un  concert  qui  aura  lieu  le  19  décembre.  M.  Brochon,  le 
digne  président  de  cette  célèbre  société  musicale,  a  engagé  dernière- 
ment, à  son  passage  à  Paris,  Sivori  et  Mme  Carvalho  pour  concourir  à 
cette  première  fête.  Sivori  donnera,  en  outre,  à  Bordeaux,  trois  séances 
de  musique  classique,  pour  lesquelles  il  s'est  adjoint  l'éminente  pianiste, 
Mme  Tardieu  de  Malleville. 

H,'**  La  réouverture  du  cours  de  chant  de  M.  Kœnig  aura  lieu,  à  par- 
tir du  30  novembre,  les  lundis  et  jeudis,  de  9  à  11  heures  du  matin, 
en  son  domicile,  rue  Buffault,  17. 

,1,'*^  La  deuxième  édition,  revue  et  corrigée,  de  VHistoire  de  la  Société 
des  concerts  du  Conservatoire,  par  A.  Elwart,  va  paraître  le  30  novembre 
courant,  à  la  librairie  Castel,  passage  de  l'Opéra.  L'auteur  y  a  ajouté 
les  programmes  annotés  des  concerts  donnés  de  1860  à  1863.  Ce  livre, 
consulté  journellement,  a  déjà  rendu  de  véritables  services,  et    noug 


DE  PARIS. 


375 


sommes  assurés  que  la  deuxième  édition  obtiendra  un  succès  égal  à 
celui  de  la  première. 

t**  Eustache  Dalaveux,  professeur  au  Conservatoire  royal  à  Liège, 
est  mort  le  11  novembre. 

**«  L'anniversaire  de  la  mort  de  Mendelssohn  a  été  célébré  à  Londres 
le  4  novembre,  par  le  chœur  de  M.  H.  Leslie,  à  Saint-James  Hall.  On  n'a 
exécuté  que  des  ouvrages  de  l'illustre  compositeur  ;  le  psaume  à  huit 
voix,  Jugez-moi,  mm  Bim,  a  surtout  produit  un  effet  immense. 


CHRONSOUE    ÉTRANGÈRE. 


**,  Bruxelles.  —  Le  théâtre  de  la  Monnaie  vient  de  donner  Oberon 
très -convenablement  représenté  par  MM.  Anjac,  .lourdan,  Meillet , 
Mmes  Mayer-Boulart,  Borghèse  et  Mlle  Favre,  dans  les  principaux  rô- 
les. Cette  reprise  du  chef-d'œuvre  de  Weber  a  eu  un  très-grand  suc- 
cès. On  avait  intercalé  au  dernier  acte  le  ballet  k  Papillon  et  les  De- 
moiselles composé  par  M.  Justament. 

,**  Berlin.  —  Hermann  Kiister  a  fait  exécuter  à  la  cathédrale  un  ora- 
torio nouveau  :  la  Patrie  éternelle.  On  ne  saurait  contester  à  l'au- 
teur un  sentiment  religieux  très-vif  et  très -sincère,  mais  il  n'arrive  pas 
à  rendre  ses  émotions.  Son  oratorio  produit  peu  d'effet.  —  L'opéra  bur- 
lesque :  les  Bavards,  par  Offenbach,  a  été  représenté  pour  la  première 
fois,  et  a  été  accueilli  avec  enthousiasme  comme  les  œuvres  précéden- 
tes du  fécond  compositeur.  —  A  l'occasion  de  l'anniversaire  de  la  mort 
de  Mendelssohn,  la  Société  d'orchestre  et  la  Société  Stern  ont  donné 
des  concerts  où  l'on  n'a  exécuté  que  des  productions  du  défunt  maes- 
tro. Parmi  les  morceaux  exécutés  par  la  Société  Stern,  on  a  surtout 
remarqué  :  la  Nuit  de  Walpurgis  et  les  fragments  de  Loreley  :  Ave 
Maria,  marche   avec  chœurs,  finale  du  premier  acte. 

***  Leipzig.  —  Au  sixième  concert  d'abonnement,  on  a  exécuté  une 
symphonie  en  ré  mineur,  publiée  récemment  par  Robert  Volkmann  ; 
une  demoiselle  Doris  Bœhme  a  très-correctement  rendu  un  concerto  de 
Chopin.  Les  soirées  de  quatuor  du  Gewandhaus  ont  recommencé. 

***  Weimar.  —  L'opéra  de  M.  Berlioz,  Béatrice  et  Benedict,  est  devenu 
l'œuvre  favorite  du  public  d'élite.  Dans  le  concert  brillant  que  la  So- 
ciété, instituée  par  Liszt,  avait  arrangé  pour  fêter  son  anniversaire, 
le  charmant  duo  nocturne  du  premier  acte  a  été  accueili  par  les  ap- 
plaudissements unanimes  de  la  salle  entièrement  remplie.  Par  suite  d'un 


ordre  spécial  de  S.  A.  R.  la  grande-duchesse,  une  représentation  ex- 
traordinaire de  cet  opéra  a  eu  lieu  le  13  novembre,  en  présence  de 
S.  A.  R.  le  prince  Georges  de  Saxe,  accompagné  de  toute  la  cour  grand- 
ducale. 

/^  Vienne.  —  Le  personnel  de  la  troupe  italienne  que  M.  Saivi  vient 
d'engager  pour  le  théâtre  de  la  cour  se  compose  ainsi  qu'il  suit  : 
Prime  donne  :  les  dames  Barbot,  Artôt,  Volpini,  Lotti  délia  Santa.  — 
Ténors  :  Mongini,  Graziani,  Pardini,  Oiudetti.  —  Barytons  :  Salamanca, 
Everardi,  Graziani.  —  Basse-taille  :  Angellni.  —  Bouffe  :  Zacchini.  On 
annonce  la  première  représentation  du  ballet  Art  et  Caprice,  par  Borrl, 
au  théâtre  de  la  cour.  —  Offenbach  se  trouve  ici  ;  il  préside  aux  répéti- 
tions de  son  nouvel  opéra,  les  Fées  du  Rhin. 

^*^  Trieste,  18  novembre.  —  Alfred  Jaëll  a  donné  un  beau  concert 
dans  la  salle  de  la  société  Schiller.  On  lui  a  redemandé  plusieurs  mor- 
ceaux ,  une  sonate  de  Sohumann ,  son  nocturne  dramatique  et  son 
caprice-valse  sur  le  Pardon  de  Plo'érmel.  Dans  un  autre  concert,  au 
grand  théâtre  de  l'Harmonie,  le  célèbre  pianiste  a  obtenu  un  immense 
succès  en  jouant,  avec  orchestre,  le  concerto  en  sol  mineur  de  Mendels- 
sohn. Un  violoniste  italien,  élève  du  Conservatoire  de  Bruxelles,  Frédéric 
Consolo,  produit  une  Impression  des  plus  vives.  Vers  la  fin  de  décembre, 
Alfred  Jaëll  commencera  une  tournée  artistique,  qui  doit  durer  quatre 
mois,  avec  Carlotta  l'atti  et  le  violoniste  Laub. 

»*^  Milan.  —  Un  nouvel  opéra  :  /  Profughi  fiamminghi  a  été  favora- 
blement accueilli  au  théâtre  de  la  Scala.  Le  jeune  auteur,  M.  Franco 
Faccio,  ancien  élève  du  Conservatoire  de  Milan,  a  été  souvent  rappelé 
pendant  la  soirée,  et  a  partagé  son  succès  avec  ses  interprètes,  Mmes 
Palmieri  et  Corani,  MM.  Prudenza,  Cotogni  et  Capponi. 

**i  Florence.  —  Giulla  Grisi  vient  de  chanter  Norma  au  théâtre  de 
la  Pergola  et  s'y  est  montrée  grande  artiste  en  surmontant  toutes 
les  difficultés  que  l'état  actuel  de  sa  voix  lui  crée.  Son  succès,  no- 
tamment au  premier  acte,  n'a  pas  été  douteux.  Mme  Ferraris  vient 
d'avoir  un  nouveau  triomphe  dans  le  ballet  la  Perle  de  Normandie. 

a,'**  Rome.  —  Roberto  il  Diavolo  et  Ernani  sont  fréquemment  repré- 
sentés, avec  le  ténor  Limberti  dans  les  principaux  rôles.  Le  succès  de 
cet  artiste  est  aussi  grand  que  mérité. 


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Arbaut    Herzojc,    Iiabitzkl,    liumbye,    Hasard,    Offenbacb,    Strauss,    Valexy,    Vallquet,    etc.,    etc. 

Arrangés  pour  les  petites  mains  et  soigneusement  doigtés,  par 

H.    VALÏQUET 


5  SERIES. 


—     OP.  49.     — 


25  NUMEROS. 


l's  SÉRIE. 

1 .  Bœufs  et  Moutons Quadrille . 

2.  Pardon  de  Ploërmel Valse. 

3 .  Coucou  et  Cricri Polka . 

k.  Sturm-marsch Galop. 

5 .  Diane Polka-Mazurka. 


Cbaqne  numéro 
3  fr. 


lies  Quadrilles 
4  fr.  50. 


2"  SÉRIE. 

16 .  Les  Tambours  de  la  Garde . .  Quadrille. 

7 .  Les  Bavards Valse. 

8 .  Poilca  des  Enfants Polka. 

9.  Rose  de  Juin Polka-Masurka. 

10.  Redowatska RedoworPolka. 

4"   SÉRIE.  5«   SÉRIE. 

16.  Les  Lanciers Quadrille.  .  21 .  Le  Gothique Quadn 


3=   SÉRIE. 

11 .  Les  Dragons  de  Villars. . . 

12 .  Les  Chants  du  Danube, Valse. 

13 .  Jenny  Lind Polka. 

14.  Le  Trompette  de  Spahis.  ..Sc/joMîsc/ï. 

15.  Express-Train Galop. 


22 .  Les  Etoiles  du  soir Valse. 

23.  La  Ronde  du  Brésilien Polka. 

2Z|.  Redowa  de  Wallerstein Redowa. 

25.  L'Etoile  du  Nord Polka-Mazurka. 

Chaque  série,  12  fr.    —    lies  5  séries  réunies,  15  fr.  ne(. 


17 .  Aurora Valse. 

i  8 .  Les  Horloges  de  la  Forêt-Noire  . .  Polka. 

19.  La  Bergère  des  Alpes Redowa. 

20 .  Champagne 


CliBqne  numéro 
3  fr. 


lies  Quadrilles 
4  fr.  SO. 


MjA  mom^^ojv  n'OH, 


DU  MÊME  AUTEUR  :    ^^-^^        irmWMM-KyKy^WXW         jlw    WWM.m',     25  PETITS  MORCEAUX 
Très-faciles,  soigneusement  doigtés  et  sans  octaves,  cdinposé.s  sur  les  plus  jolis  motifs  des  opéras  célèbres,  pour  le  piano  et  à  4  mains . 


Prix  net  :  10  fr. 


liA  PARTIXIOIV  FORHIAT  IIIir-9°  POUR  PIA3VO  S'ElVIa  DV 


Prix  net  :  10  fr. 


OPÉRA  DE 


RniEBll£  CENTUPLE 


^POIEON   CBAiX   : 


BUREAUX    A   PARIS  :    BOULEVARD   DES   ITALIENS,    I. 


30^  Année. 


!\«  48. 


29  IVoyembre  1863. 


on  S'ABONNE  t 

Ban*  1p5  DLinirtomenls  ot  â  l'Étranger,  chez  l 
les  Miirchanils  de  Musique,  les  Libraires,  et 
Purceux  des  Blessagerîcs  et  des  Posles.' 


REVUE 


PRIS  DB  L'ABONNEUENTt 

Paris 24  ÏT.  par  an 

Départements,  Belgique  cl  Suisse...     '60  •*       id. 

Étranger 34  >i       (d. 

Le  Journal  paruîl  le  Uiiiianclie. 


6AZETT 


ICAL 


--^vv  \PJ\J\pJ\Pj\r\j-\^- 


1864  St""'   AnritrEE  1864 

REVUE    Eï    GAZETTE     MUSICALE 


Prîmes 


Offertes  aux  anciens  et  nonTeanx  Abonnés. 


Pour  satisfaire  au  désir  qui  nous  a  éié  exprimé  par  un  grand 
nombre  de  nos  Abonnés,  nous  oiTroiis,  à  l'occasion  du  renouvelle- 
ment de  l'année  : 

1° 

LE   SECOND   VOLUME 

DD 

RÉPERTOIRE  DE  MSIPE  MODERl 

Dont  le  premier  volume  a  été  accueilli  avec  tant  de  faveur  l'année  passée. 

CE  VOLUME,  FORMAT  liV-S",  CONTIENT  LE  CHOIX  SUIVANT  DE 

1.  AIiKAN.  —  Op.  32.  Fanlasietta  alla  moresca. 
■2.  BLUMENTHAIj.  —  Op.  1.  La  Source,  caprice. 
3.  CHOPIN.  —  Op.  10.  Deux  études, 
'i.  CZERNY.  —  Op.  754.  Tarentelle. 

5.  DŒHLER.  —  Op.  42.  Deux  études. 

6.  FAVARGER.  —  Op.  /i2.  Caliban,  grande  valse. 

7.  GORIA.  —  Op.  41.  Grande  mazurka. 

8.  HELIjER  (Stéphen).  —  Op.  56.  Sérénade. 

9.  HENSELT.  Poëme  d'amour. 

10.  HERZ  (H.).  —  Op.  143.  Mazurka. 

11.  JAELIi.  —  Le  Carillon,  morceau  élégant. 

12.  IiACOMBE.  — Op.  54.  Marche  turque. 

13.  LESCHETIZKY.  —  Chant  du  soir,  idylle. 

14.  LITOLFF.  —  Chanson  du  rouet. 

15.  LISZT.  —  Di^uxième  marche  hongroise. 

16.  MENDELSSOHN.  —  Presto  scherzando. 

17.  MOSCHELÈS.  —  Op.  95.  Trois  études. 

18.  PRUDENT.  —  Op.  33.  Farandole. 

19.  THALBERG.  —  Op.  35.  Le  Trémolo. 

20.  VOSS.  — Op.  161.  Ecume  de  Champagne. 


Un  recueil  contenant  six  Morceanx  de  Chant  : 

MÉLODIES    ET    CHANSONS 

IRLANDAISES,  ÉCOSSAISES,   ESPAGNOLES  ET  HAVANAISES 
Avec  paroles  françaises. 

Ces  morceaux,  d'une  grande  originalité  et  entièrement  inconnus  en 
France,  sont  chantés  avec  un  grand  succès  dans  ses  concerts  par  Mlle 
CAKIiOXX'A    PATTI 


Nous  tiendrons  ces  Primes  à  la  disposition  des  Abonnés  anciens  et 
nouveaux  à  partir  du  10  décembre  1863. 


SOMMAIRE.  —  Théâtre  Lyrique  impérial  :  reprise  de  la  Perle  du  Brésil,  par 
liéon  Duroclier.  —  Association  des  artistes  musiciens:  messe  de  Sainte- 
Cécile  à  Saint-Eustache,  par  Adolplie  Botte.  —  Revue  critique.  —  Revue 
des  théâtres,  par  D.  A.  D.  Saint-lftes.  —  Nouvelles  et  annonces. 


THEATRE  LYRIQUE  IMPERIAL. 

Beprlfse  de  ta  Perte  aw  Bréait.  —  Unie  Carvalbo, 
H.  PiSo,  BI.  Petit. 

C'est  la  seconde  fois  que  le  théâtre  Lyrique  reprend  cet  ouvrage, 
joué  en  1851.  Ce  n'est  certainement  pas  la  dernière.  En  avons-nous 
vu  beaucoup,  depuis  douze  ans,  où  la  mélodie  coule  avec  une  telle 
abondance?  Mélodie  facile,  naturelle,  toujours  claire,  et  du  tour  le 
plus  franc.  On  peut  lui  reprocher  seulement  un  peu  de  monotonie, 
une  couleur  mélancolique  répandue  partout,  et  dont  les  situations 
fortes,  et  les  scènes  comiques  même,  ne  sont  pas  toujours  exem- 
ptes. C'est  ce  qui  prouve  —  et  on  l'a  déjà  remarqué  souvent  — 
que  M.  Félicien  David  est  plutôt  un  musicien  élégiaquc  et  descriptif 
qu'un  musicien  dramatique.  Le  drame,  comique  ou  tragique,  exige 
que  l'auteur  sache  sortir  de  sa  peau,  si  l'on  peut  s'exprimer  ainsi, 
et  entrer  tour  à  tour  dans  celle  de  chacun  de  ses  personnages.  La 
comtesse  Almaviva  ne  chante  pas  comme  Suzanne,  ni  Dona  Anna 
comme  Leporello.  M.  Félicien  David  n'a  pas  cette  flexibilité  :  il  porte 
partout  sa  nature  rêveuse.  En  cela,  il  ne  ressemble  pas  mal  à  Bel- 
hni,  quoiqu'il  soit  infiniment  plus  instruit  et  plus  habile.  Il  est  à  ce 
point  de  vue  ce  qu'aurait  été,  je  crois,  Mendelssohn,  si  Mendelssohn 
eiit  écrit  pour  le  théâtre. 

Il  y  a  pourtant  dans  la  Perle  du  Brésil  des  chœurs  écrits  d'un 
style  très-large  et  très-vigoureux,  celui  qui  ouvre  le  premier  acte, 
par  exemple,  et  celui  qui  le  termine.  Là  le  compositeur  cesse,  en 
effet,  de  rêver  ;  mais  ces  moments  d'oubli  sont  rares  et  courts.  Le 
finale  du  second  acte  —  la  tempête  —  est,  à  mon  sens,  moins  bien 
venu.  Ce  ne  sont  qu'éclats  sauvages  dans  l'orchestre,  cris  furieux  et 
confus  sur  la  scène,  sans  qu'on  y  puisse  démêler  rien  qui  ressemble 
à  une  pensée  musicale.  Mais  l'ensemble  à  nevf-huil  qui  précède  le 
duo  entre  Zora  et  son  amant,  la  romance  de  ce  tendre  lieutenant, 
les  couplets  de  son  ami  le  matelot,  les  airs  de  ballet,  les  trois  ou 
quatre  airs  de  Zora  sont  des  morceaux  d'une  distinction  rare,  d'une 
expression  charmante,  et  plusieurs  ont  un  caractère  original  et  un 
peu  bizarre  merveilleusement  adapté  au  sujet.  L'orchestre,  magistra- 
lement écrit  au  point  de  vue  symphonique,  et  souvent  même  au  point 


378 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


de  vue  dramatique  —  peu  de  symphonistes  connaissent  aussi  bien 
que  M.  David  l'art  difficile  d'accompagner  les  voix  —  l'orchestre  est 
plein  de  charmants  détails  et  d'effets  piquants,  que  l'on  a  déjà  en- 
tendus, pour  la  plupart,  dans  Christophe  Colomb^  mais  que  l'on  re- 
trouve avec  un  extrême  plaisir.  Bref,  le  succès  de  cette  reprise  a 
été  très-grand.  Il  sera  probablement  d'assez  longue  durée,  puisque 
Mme  Carvalho  s'est  chargée  du  rôle  de  Zora.  Pour  qu'une  œuvre 
dramatique  réussisse  et  vive,  il  faut  qu'à  sa  valeur  intrinsèque  se 
joigne  le  mérite  de  l'exécution. 

Je  crois  que  Mme  Carvalho  n'a  jamais  eu  la  voix  plus  brillante, 
ni  plus  facile  que  jeudi  dernier.  On  ne  saurait  faire  avec  plus  de 
calme  et  plus  d'aisance  de  plus  surprenants  tours  de  force.  On  ne 
saurait  non  plus  phraser,  lorsqu'il  y  a  lieu,  avec  une  simplicité  plus 
élégante.  La  ballade  du  Grand  esprit  des  bois,  qui  a  la  vertu  de 
désarmer  les  sauvages  du  Brésil,  n'a  pas  moins  de  pouvoir,  quand 
Mme  Carvalho  la  chante,  sur  les  deux  parties  également  hostiles  et 
acharnées  qui  divisent  aujourd'hui  le  monde  musical.  Tous  sont 
d'accord  pour  l'applaudir. 

M.  Pilo,  qui  ne  sait  encore  qu'à  moitié  son  métier  de  chanteur, 
bien  qu'il  y  ait  fait  de  très-notables  progrès  depuis  son  début  dans  Jo- 
seph, supplée  à  l'art  par  l'instinct,  le  sentiment,  la  voix  la  plus 
étendue  et  la  plus  sympathique.  11  dit  à  merveille  sa  romance  du 
premier  acte,  et  sa  partie  dans  le  duo  du  second,  —  sauf  quelques 
inégalités  trop  grandes,  quelques  contrastes  trop  heurtés.  Le  temps 
et  l'étude  régleront  cela.  M.  Pilo  n'a  plus  qu'à  marcher  tout  droit 
devant  lui  pour  aller  très-loin. 

M.  Jules  Petit  fait,  dans  le  rôle  de  l'amiral,  tout  ce  qu'on  peut 
attendre  d'un  artiste  consciencieux  et  a  droit  qui  se  trouve  hors  de  sa 
place.  Le  rôle  de  l'amiral  a  été  écrit,  il  y  a  douze  ans,  pour  Junca, 
qui  avait  une  véritable  basse-taille.  M.  Petit  n'a  qu'un  baryton.  Il 
est  donc,  là,  un  peu  éteint,  comme  dans  les  Noces  de  Figaro.  Mais 
par  Apollon  !  ce  n'est  pas  sa  faute. 

LÉON  DUROCHER. 


ASSOCIATION  DES  ARTISTES  MSICIENS. 

liesse  de  Sainte-Cécile  à  Salnt-Enstacbe. 

L'année  dernière,  l'Association  des  artistes  musiciens  avait  choisi 
pour  célébrer  la  fêle  de  la  Sainte-Cécile  une  très-belle  messe  de 
l'auteur  du  Freischiitz  et  i'Obéron  ;  cette  année,  on  a  encore  pris  à 
l'Allemagne  une  de  ses  œuvres  larges,  puissantes  et  grandioses.  C'est 
la  première  messe  écrite  par  Beethoven  qui  a  été  exécutée  lundi ,  à 
Sainl-Eustache,  et  exécutée  avec  un  recueillement  où  l'on  sentait  une 
profonde  et  bien  sincère  admiration. 

Dès  le  Kyrie,  dont  la  mélodie  respire  la  douceur  et  l'onction,  les 
quatre  voix  soli,  le  chœur  et  l'orchestre  atteignent,  au  milieu  de  l'u- 
nité et  de  la  simplicité  la  plus  remarquable ,  à  une  très-heureuse 
variété.  Sobre  d'harmonie, Tauteur  s'est  contenté  souvent  de  quelques 
accords  aux  tons  relatifs  ;  ce  qui  ne  l'a  pas  empêché  (dussent  n^y 
pas  croire  les  musiciens  qui  ne  sauraient  faire  un  morceau  sans  s'i- 
nonder de  dissonances  et  d'enharmonies)  d'écrire  un  andante  péné- 
trant, enchanteur,  plein  de  souffle  et  de  sérénité. 

Dans  celte  page,  où  l'orchestre  joue  déjà  un  rôle  important —  l'or- 
chestre pour  Beethoven  était  le  grand  arsenal  —  les  voix,  habilement 
groupées,  chantent  constamment  et  produisent  le  plus  bel  eflet; 
elles  offrent,  dans  un  style  très -serré,  rempli  d'imitations  ingénieuses 
et  naturelles,  autant  d'intérêt  que  d'ensemble  mélodieux.  Ces  imitations 
ont  une  élégance  et  une  clarté  qu'on  ne  trouve  pas  toujours  dans  le 
Gloria.  Ce  Kyrie  renferme  plusieurs  rentrées  délicieuses  ;  mais  celle 
qui,  vers  la  fin,  ramène  la  mélodie  dans  toute  sa  simplicité  et  dans 
le  ton  primitif,  est  surtout  ravissante.  11  y  a  là,  sur  ces  mots  Kyrie 


eleison,  un  accord  de  septième  de  dominante,  se  transformant  en 
accord  de  sixte  augmentée,  dont  la  douceur  et  le  charme  sont  ex- 
trêmes. Tout  ce  passage  est  d'un  travail  exquis.  Le  thème,  chanté 
celte  fois  en  mi  majeur  par  le  ténor  et  la  basse,  est  une  des  choses 
les  plus  heureuses  et  les  plus  suaves  de  ce  Kxjrie,  si  remarquable,  il 
faut  le  redire ,  par  l'invention  purement  mélodique  et ,  aussi , 
comme  la  plupart  des  autres  morceaux,  par  un  vif  sentiment  de  la 
tonalité. 

Le  commencement  du  Gloria  est  franc  et  vigoureux.  Le  solo  du 
Gratias,  chanté  par  le  ténor,  est  fort  beau  ;  il  est  accompagné  d'un 
dessin  ravissant  où  le  quatuor  des  instruments  à  cordes  a  infiniment 
de  délicatesse  et  d'expression.  Les  dialogues  du  chœur  sont  tou- 
chants, vrais  et  ménagés  avec  un  art  inûni.  Dit  d'abord  par  le  mezzo 
soprano,  puis  continué  par  le  quatuor  vocal,  soutenu  ensuite  par  le 
chœur  et  par  un  accompagnement  instrumental  où  l'agitation ,  la 
douleur  et  une  poignante  tristesse  grondent  sourdement  dans  une 
figure  d'accords  plaqués  et  de  syncopes,  le  Qui  tolHs  est  encore  un 
grave  et  bel  andante.  En  un  mot,  tout,  excepté]pourtant  la  fugue  Cum 
sancto,  est  digne  de  Beethoven.  A  la  lecture,  comme  à  l'audition, 
celte  fugue  nous  a  semblé  'laborieusement  traitée.  La  lourdeur,  la. 
confusion,  que  surent  toujours  si  bien  éviter  les  maîtres  du  genre, 
depuis  Haydn  jusqu'à  Cherubini,  se  heurter  dans  celte  page  assez 
longue  ;  plusieurs  marches  d'iiarmonie  y  sont  brisées  comme  à  pHi- 
sir,  et  le  tout  ensemble  trahit  une  plume  peu  rompue  aux  tournois 
scolastiques.  Pourqiioi  s'en  étonner?  Beethoven,  jusqu'à  la  fin  de  sa 
carrière,  porta  assez  péniblement,  on  le  sait,  le  joug  de  ces  formes, 
employées  aujourd'hui  très-habilement  et,  ajoutons,  Irès-ennuyeuse- 
ment  par  des  compositeurs  qui  ne  se  piquent  pas  d'avoir  du  génie. 

Imposant  par  ses  dimensions  et  par  sa  beauté ,  le  Credo  est  une 
inspiration  colossale.  Il  commence  à  l'unisson,  au  grave  ;  le  jremolo 
et  l'arpège  l'accompagnent  pianissimo.  C'est  d'abord  un  cri  confus 
et  mystérieux  qui  monte,  monte  toujours,  et  éclate  enfin  comme  une 
immense  et  irrésistible  affirmation.  Ce  commencement  n'est  encore 
qu'un  travail  d'harmonie  et  d'instrumentation  ;  mais  déjà  quelle  ri- 
chesse, quelle  sévérité!  quelle  couleur  vraiment  religieuse  le  maître 
a  su  répandre  et  ménager  dans  ce  début  splendidel 

Après  les  tutti  formidables,  où  les  sonorités  des  voix  et  des  instru- 
ments produisent  de  si  magnifiques  effets,  où  elles  se  marient  avec 
tant  d'art  qu'elles  n'amènent  jamais  aucun  bruit  tumultueux  et  n'of- 
frent que  l'image  de  la  grandeur  et  de  la  majesté,  la  mélodie  pure  vient 
reposer  l'oreille  et  ravir  l'imagination.  La  pompe,  la  gravité  des 
masses  vocales  et  instrumentales  qui  dialoguent  sur  le  mot  descendit 
forment  avec  la  douceur  du  Qui  propter  nos  homines,  le  plus  ravissant 
contraste.  Mais  que  dire  de  VEt  incarnatus  est,  de  cet  admirable 
adagio  ?  Comment  donner  une  idée  de  l'émotion  qu'a  fait  et  que 
doit  faire  éprouver  le  Crucifixus  attaqué  par  toutes  les  basses  et 
soutenu  par  une  instrumentation  qui  a  l'énergie  et  la  précision  d'un 
labieau  !  Nous  nous  garderons  bien  de  constaler  que,  là,  les  appogia- 
tureset  les  septièmes  diminuées  se  lamentent —  dans  ce  que  nous  en- 
tendons tous  les  jours,  elles  se  lamentent  aussi  et  pourtant  elles  n'é- 
meuvent personne;  —  mais  constatons  que  le  sentiment,  la  profon- 
deur, la  sincérité  et  l'élévation  empreints  dans  cet  adagio  en  font  un 
véritable  chef-d'œuvre.  Il  y  a  aussi  de  jolis  effets  dans  le  dernier 
allegro  ;  malheureusement  il  se  termine  par  une  fugue  vivace  où 
certaines  modulations,  certains  passages  trop  rapides,  espèce  de  vo- 
calises babillardes,  déplaisantes  à  l'éghse,  pour  ne  pas  dire  déplacées, 
déparent  la  fin  de  ce  Credo,  qui,  malgré  cela,  reste  l'une  des  plus 
sublimes  conceptions  qu'il  soit  possible  d'entendre. 

Le  Sanctvs  est  principalement  remarquable  par  un  travail  harmo- 
nique très-attachant  et  par  un  allegro  final  plein  de  mouvement,  d'i- 
mitations et  de  recherches,  imitations  et  recherches  plus  intéres- 
santes pour  l'œil  que  pour  l'oreille;  ce  qui,  en  musique,  est,  quoi 
qu'on  en  pense,  un  bien  mince  éloge. 


DE  PARIS, 


379 


Ainsi  que  le  Kyrie  et  le  Credo,  le  Benedictus  est  une  merveille, 
surtout  —  n'en  déplaise  à  ceux  qui  ne  sont  que  de  savants  harmo- 
nistes —  parce  que  l'inspiration  mélodique  anime  et  remplit  les 
beautés  de  détail.  Le  génie  de  Beethoven,  on  ne  le  dira  jamais  trop, 
avait  une  variété  inQnie  ;  que  de  fraîcheur,  de  grâce  et  de  charme 
il  a  prodigués  dans  ce  morceau  I  Avec  l'unité  de  mouvement  et  de 
rhylhme,  il  arrive  ici  à  l'un  de  ces  splendides  développements  qui 
transportent  les  connaisseurs;  les  voix  chacune  à  leur  tour,  et  cela 
mesure  par  mesure,  exposent  la  mélodie;  tout  rend  grâces,  tout 
bénit;  le  chœur  ensuite  vient  agrandir  l'effet.  Tantôt,  il  se  mêle, 
comme  l'orchestre,  à  l'harmonie  générale;  tantôt  il  écoute;  puis  re- 
prend le  chant,  qui,  chaque  fois,  trouve  des  couleurs  nouvelles,  des 
élans  et  des  épanouissements  inattendus. 

Aujourd'hui  que  l'on  semble  se  complaire  à  frapper  fort  plutôt 
que  juste,  il  n'est  peut-être  pas  inutile  d'insister  sur  la  sobriété 
déployée  par  Beethoven.  Son  harmonie  est  riche,  mais  d'une  grande 
limpidité.  Lui  qui  connaissait  bien  aussi  ce  qu'on  appelle  mainte- 
nant la  mélodie  harmonique,  c'est-à-dire  souvent  l'absence  complète 
de  mélodie,  il  fait  constamment  chanter  les  voix  ;  lui  qui,  mieux 
qu'un  autre,  pouvait  s'enivrer  de  sonorité,  il  savait  être  parfois, 
comme  dans  ce  Benedictus,  d'une  exquise  simplicité,  et  tirer  de  la 
richesse  de  ses  développements  des  beautés  que  d'autres  musiciens 
demandent  vainement  à  la  bizarrerie  des  rhythmes,  aux  caprices 
d'une  harmonie  toujours  tendue  et  alambiquée,  aux  exagérations 
d'une  orchestration  prétentieuse  et  fatigante. 

Il  y  a  tant  de  beauté  dans  les  idées  et  tant  de  mérits  dans  la  con- 
duite de  YAgnus  qu'il  n'est  guère  possible  de  ne  pas  répéter  les 
éloges  donnés  au  Benedictus.  Tout  y  est  admirablement  traité.  Comme 
toujours,  l'harmonie  et  l'instrumentation  fécondent  les  pensées  mélo- 
diques et  donnent  aux  moindres  phrases  une  ampleur  et  une  puiS' 
sance  singulières.  La  messe  se  termine  par  le  retour  du  motif  du 
Kyrie.  En  ramenant  ce  chant  si  suave  et  si  pénétrant,  l'auteur  fait 
souvenir  de  l'une  de  ses  plus  heureuses  et  de  ses  plus  fraîches  inspi- 
rations. ■* 

On  se  plaint  souvent  de  ne  pas  voir  les  œuvres  des  auteurs  vivants 
appelées  à  briller  dans  nos  solennités.  Si  l'on  voulait  bien  se  rap- 
peler les  vicissitudes  éprouvées  par  des  hommes  de  la  taille  de 
Beethoven  et  de  Weber,  on  se  plaindrait  sans  doute  moins  amère- 
ment ;  on  saurait  attendre.  D'ailleurs,  en  écrivant  comme  ils  l'ont 
fait  des  œuvres  d'une  véritable  valeur,  on  serait  toujours  sûr  d'avoir 
son  heure  et  d'être,  un  peu  plus  tôt,  un  peu  plus  tard,  compris  et 
admiré.  Mais  la  patience  n'est  pas  précisément  une  des  vertus  de  notre 
temps.  Après  tout,  cela  tient  peut-être  à  ce  que  beaucoup  d'auteurs 
se  rendent  justice,  et  sentent  très-bien  qu'après  eux  leurs  ouvrages 
tomberont  dans  un  profond  oubli.  Quoi  qu'il  en  soit,  et  en  attendant 
que  le  progrès  musical,  plus  contestable  que  bien  d'autres  assurément, 
nous  donne  tout  ce  qu'il  promet,  constatons  que  Beethoven  en  se 
soumettant,  comme  le  génie  sait  se  soumettre,  aux  lois  éternelles  de 
l'art,  n'en  a  pas  moins  écrit  une  œuvre  magniflque. 

Malgré  les  difficultés  d'exécution,  qui  étaient  grandes,  l'ensemble 
a  été  tout  à  fait  remarquable  et  l'effet  immense.  Enfin  cette  solennité 
est  l'une  des  plus  belles  auxquelles  on  ait  assisté  depuis  longtemps. 

Outre  Mlles  Wertheimber  et  de  Taisy,  MM.  Faure  et  Warot,  qui 
ont  dit  les  soli  avec  beaucoup  de  soin  et  de  talent,  l'orchestre  a  été 
comme  toujours  excellent,  et  chose  plus  rare  en  France,  les  masses 
vocales,  très-nombreuses,  ont  fait  merveille.  M.  Pasdeloup  a  parfai- 
tement distingué  le  style  et  le  véritable  caractère  de  cette  large  et 
vigoureuse  conception,  et  a  puissamment  contribué  à  nous  en  faire 
jouir. 

Le  comité  de  l'Association  des  artisies  musiciens  a  encore  une  fois 
bien  mérité  de  l'art  et  des  artistes  eu  nous  restituant  une  œuvre  qui, 
contrairement  à  tant  d'autres,  est  plus  célèbre  que  connue. 


M.  Edouard  Batiste  a  tenu  le  grand  orgue  avec  une  rare  distinc- 
tion. 

Alard  a  fait  entendre  à  l'offertoire  un  délicieux  andante  de  Bee- 
thoven. Est-il  besoin  de  le  dire,  l'interprète  était  à  la  hauteur  de 
l'œuvre?  Aussi,  chose  très -difficile  après  l'impression  produite  par  le 
Credo,  l'éminent  violoniste  a-t-il  attiré  à  lui  l'intérêt  et  les  sympa- 
thies de  la  foule,  plus  compacte  encore  que  de  coutume. 

Adolphe  BOTTE. 


REVUE  CRITIQUE. 

H.  Valïqact.  —  Les  Fleurs  de  i.a  danse,  pour  le  piano. 

Cette  publication,  qui  joint  l'utile  k  l'agréable,  selon  les  préceptes 
du  poëte,  est  destinée  aux  commençants.  Elle  est  formée  de  vingt-cinq 
valses,  quadrilles,  polkas,  galops,  polkas-mazurkas,  schottischs,  mazur- 
kas, redowas,  empruntés  aux  maîtres  du  genre,  Arban,  Herzog,  Labitski, 
Lumbye,  Musard,  Offeubach.  Strauss,TaIexi,  etc.,  et  arrangés  pour  les  petites 
mains,  avec  un  doigté  soigneusement  indiqué.  L'œuvre  complète  se  sub- 
divise eu  cinq  séries  de  cinq  morceaux  chacune,  qui  peuvent  s'acheter 
séparément.  Parmi  les  vingt-cinq  morceaux  qui  les  composent,  il  nous 
suffira,  pour  attester  le  discernement  qui  a  présidé  à  leur  choix,  de 
citer  les  quadrilles  des  Bœufs  et  Moutons,  des  Tambours  de  la  Garde,  des 
Dragons  de  Viltars,  des  Lanciers,  etc.;  la  valse  du  Pardon  de  Ploërmel, 
celle  des  Bavards,  les  Etoiles  du  soir,  les  polkas  de  Coucou  et  Cricri, 
des  Enfants,  de  Jenny  Lind,  des  Horloges  de  la  Forêt-Noire  et  de  la  ronde 
du  Brésilien,  le  Sturm-galop,  la  Trompette  des  Spahis,  V Express-train , 
Champagne,  et  la  polka-mazurka  de  l'Etoile  du  Nord.  Cette  réunion  de 
morceaux  favoris  est  excellente  et  fait  honneur  à  M.  Valiquet.  En  con- 
sacrant ses  veilles  à  de  si  modestes  travaux,  un  professeur  n'ambitionne 
sans  doute  pas  d'autre  récompense  que  la  gratitude  des  familles.  Or, 
ce  n'est  pas  d'aujourd'hui  que  ce  résultat  a  été  obtenu  par  M.  Valiquet, 
qui  doit  être  béni,  à  l'heure  qu'il  est,  par  une  innombrable  quantité  de 
petites  mains  dont  il  a  facilité  l'essor. 


J.  Rnmmel.  —  Souvenirs  de  l'Opéra  français,  choix  de  duos 
faciles  pour  le  piano  à  quatre  mains. 

Le  meilleur  des  enseignements  est  celui  qui  dissimule  le  mieux  aux 
élèves  les  ronces  que  l'on  rencontre  à  chaque  pas  au  début  de  la 
route.  On  ne  saurait  trop  encourager  les  professeurs  qui  allègent  le 
fardeau  des  premières  études,  toujours  arides  et  rebutantes,  par  un 
choix  d'exercices  où  se  trouvent  réunis  l'agrément  et  l'émulation.  Il 
faut  donc  savoir  gré  à  M.  J.  Rummel  de  l'abnégation  avec  laquelle  un 
artiste  de  son  mérite  s'est  imposé  la  tache  de  transcrire  un  certain 
nombre  de  petits  duos  faciles  tirés  de  nos  opéras  les  plus  populaires. 
La  série  entière  se  compose  de  dix  opéras  qui  sont  :  Robert  le  Diable,  le 
Domino  noir,  les  Dragons  de  Villars,  le  Prophète,  Martha,  la  Muette  de 
Portici,  les  Huguenots,  le  Postillon  de  Longjumeau,  Stradella  et  l'Etoile 
du  Nord.  Les  plus  jolis  motifs  de  ces  chefs-d'œuvre,  qui  sont  dans  la 
mémoire  de  "tout  le  monde,  ont  fourni  à  M.  J.  Rummel  le  prétexte  d'un 
arrangement  à  quatre  mains,  dont  l'harmonie  se  trouve  ainsi  doublée. 
La  partie  du  chant  et  celle  de  la  basse  sont  également  très-soignées,  et 
une  mélodie  concertante  ofl're  à  la  fois  l'avantage  de  stimuler  le  goût 
des  exécutants,  en  les  habituant  sans  effort  aux  exigences  de  la  me- 
sure. Ces  Souvenirs  de  l'Opéra  français  ne  peuvent  manquer,  selon  nous, 
d'être  parfaitement  accueillis. 


t).  Pâque. —  Fantaisie  sur  Martha,  de  F.  de  Floloiu,  pour  violoncelle, 
avec  accompagnement  de  piano. 

La  partition  de  Martha,  si  riche  en  mélodies,  est  une  source  inépuisa- 
ble pour  les  transcripteurs.  On  aurait  peine  à  compter  le  nombre  des 
morceaux  qu'elle  a  inspirés  pour  le  piano  et  pour  quelques  autres  ins- 
truments privilégiés.  Grâce  à  M.  C.  Paque,  le  violoncelle  devait  avoir 
son  tour.  Sa  Fantaisie  est  une  des  plus  complètes  qui  aient  été  écrites 
d'après  cet  opéra.  Parmi  les  motifs  qu'il  a  judicieusement  choisis,  nous 
citerons  l'Andantino  du  joli  duo  chanté  au  deuxième  acte  par  Lyonel  et 
lady  Henriette,  la  romance  de  la  rose  et  le  quatuor  du  rouet.  Habile- 
ment soudés  les  uns  aux  autres,  ces  motifs,  dont  le  thème  est  d'abord 
pose  avec  une  stricte  exactitude  par  le  violoncelle,  donne  lieu  à  une 
foule  de  broderies  et  de  variations  dans  lesquelles  l'instrumentiste- 
compositeur  se  révèle  sous  un  double  aspect  des  plus  intéressants, 
aussi  bien  sous  le  rapport  du  travail  harmonique  que  sous  celui  de  la 


380 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


parfaite  connaissunce  des  ressources  qui  sont  sous  sa  main.  Nous  ajou- 
terons, à  la  louange  de  M.  Pâque,  que  l'accompagnement  de  piano  qui 
soutient  sa  Fantaisie,  n'est  pas  sacrifié  le  moins  du  monde  à  la  partie 
principale,  et  (|ue,  par  instants,  il  profite  des  repos  de  son  partenaire 
pour  se  produire  tout  seul. 


Cilnseppe  Bomaiio.  —  La  Carita,  chœur  religievx  de  Rossini; 
Ave  Maria,  mélodie  de  Fr.  Schubert;  Pieta  Sigiv'Or,  prière  de  A.  Stra- 
della,  transcriptions  pour  harmonium. 

La  réputation  de  M.  Giuseppe  Bomano,  comme  un  des  pius  habiles 
organistes  de  toute  l'Italie,  est  aujourd'hui  un  fait  acquis  sur  lequel 
nous  n'avons  pas  besoin  d'insister.  De  l'autre  côté  des  Alpes,  comme  de 
ce  côté-ci,  les  organistes  ont  pris  naturellement  sous  leur  protection 
l'harmonium ,  ce  diminutif  de  leur  instrument,  et  c'est  ii  ce  titre  que 
M.  Giuseppe  Romano  nous  envoie  les  trois  transcriptions  dont  nous  nous 
occupons  en  ce  moment.  Nous  commencerons  par  le  féliciter  de  la 
bonne  inspiration  en  vertu  de  laquelle  il  a  pris  à  tâche  de  populariser 
par  l'harmonium  les  mélodies  religieuses  les  plus  célèbres,  dont  quel- 
ques-unes seraient  exfiosées,  sans  lui,  à  rester  dans  le  domaine  exclusif 
de  l'église,  où  tout  le  monde  ne  peut  les  entendre  Nous  ne  disons  pas 
cela  pour   la  Carita,  ce  chœur  universellement  connu. 

M.  Romano  lui  a  consacré  des  soins  tout  particuliers,  et  sa 
transcription,  en  côtoyant  la  pensée  du  maestro,  s'est  élevée  avec 
elle  à  une  hauteur  où  elle  brille  d'un  éclat  qui  lui  est  propre.  l'Ave 
Maria  de  Fr.  Schubert,  moins  susceptible  de  développements,  est  néan- 
moins un  morceau  fort  dignement  et  fort  purement  traité.  Quant  à  la 
prière  d'Alexandre  Stradella,  Pieta  signor,  c'est  la  mélodie  du  composi- 
teur dans  toute  son  expressive  simplicité,  ce  qui  témoigne  du  goût  de 
M.  Romano  et  de  son  respect  pour  les  chefs-d'œuvre  du  pasté,  comme 
les  deux  autres  attestent  son  admiration  enthousiaste  pour  les  chefs- 
d'œuvre  contemporains. 

Y. 


BEVUE  DES  THÉÂTRES. 

Théâtre-Français  :  le  Dernier  Quartier,  comédie  en  deux  actes  et 
en  vers,  par  M.  Pailleron.  —  Variétés  :  Ajax  et  sa  blanchisseuse, 
comédie-vaudeviile  en  trois  actes  par  MM.  Eug.  Grange,  Montjoie 
et  Chaulieu;  Mon-joie  fait  peur,  parodie  de  famille,  par  MM.  Sirau- 
din  et  Blum.  —  Porte-S.4int-Martin  :  la  Jeunesse  des  Mousque- 
taires, drame  en  quatorze  tableaux,  par  MM.  Alexandre  Dumas  et 
Maquet. 

On  aurait  tort  de  vouloir  donner  une  grande  importance  à  la  co- 
médie, en  deux  actes  et  en  vers,  qui  a  servi  de  début  à  Lafontaine, 
au  Tiiéâtre-Français.  C'est  une  bluette  inférieure  à  bien  des  vaude- 
villes, dont  elle  a  toutes  les  allures.  Deux  nouveaux  mariés  s'isolent 
du  monde  pour  mieux  savourer  leur  lune  de  miel.  Les  innocents  !  ils 
n'ont  pas  prévu  que  la  solitude  aurait  bien  vite  raison  de  leurs  illu- 
sions amoureuses.  Que  n'ouvraient-ils  le  théâtre  de  Scribe  et  que  n'y 
lisaient- ils  une  charmante  pièce  intitulée  Toujours,  qu'on  a  tort  de  ne 
plus  jouer  au  Gymnase?  Ils  auraient  certainement  puisé  quelques 
avis  utiles  dans  une  situation  identique  à  la  leur.  Mais  point  :  le 
Dernier  Quartier  de  cette  lune  si  bien  commencée,  a  amené  une  sa- 
tiété contre  laquelle  nos  imprudents  essayent  en  vain  de  se  roidir  ; 
c'est  l'histoire  àn*pâté  d'anguille.  Tout  à  coup  survient  un  ami  qui 
reçoit  les  confidences  des  deux  époux,  et  qui,  en  galant  chevalier, 
prend  parti  pour  la  femme.  Celle-ci  cherchant  un  moyen  de  sépara- 
tion, il  lui  conseille  de  susciter  une  tempête  dans  le  ménage,  et  de 
provoquer  de  la  part  de  son  mari  un  de  ces  sévices  graves  prévus 
par  le  Code.  Ce  qui  prouve,  entre  nous,  que  notre  avocat  a  l'avan- 
tage sur  ses  clients  de  posséder  à  fond  son  répertoire.  Il  a  probable- 
ment vu  jouer  au  Palais-Royal  le  Code  des  femmes  de  M.  Dumanoir, 
ou  peut-être  lui  aura-t-on  raconté  un  vieux  vaudeville  de  Théaulon, 
le  Soufflet  conjugal.  Seulement  il  en  aura  oublié  le  dénoûment  ;  sans 
cela  il  ne  serait  pas  aussi  surpris  de  voir  les  deux  époux  s'embrasser, 
tandis  qu'il  s'attendait  à  les  trouver  aux  prises.  L'auteur  de  cette 
comédie  anodine,  M.  Pailleron,  a  déjà  donné  à  l'Odéon  deux  petites 


pièces  qui  ont  été  fort  bien  accueillies  du  public  ;  celle-ci  n'a  pas  été 
moins  heureusement  partagée,  grâce  à  la  gaieté  qui  y  règne.  Mais  que 
M.  Pailleron  ne  se  laisse  pas  abuser  par  ce  succès  d'indulgence,  et  s'il 
veut  être  pris  au  sérieux,  qu'il  se  mette  un  peu  plus  en  frais  d'ima- 
gination et  ne  se  contente  pas  de  traduire  en  vers  faciles  la  prose 
spirituelle  de  ses  confrères. 

Lafontaine  aurait  pu  choisir  une  meilleure  pièce  et  surtout  un 
meilleur  rôle  pour  son  entrée  à  la  Comédie-Française.  Si  son  ambi- 
tion ne  s'élève  pas  au-delà  de  l'emploi  des  confidents  plus  ou  moins 
tragiques,  à  la  bonne  heure;  l'ami  du  Dernier  Quartier  atteste  qu'il 
a  pour  cela  tout  le  talent  requis.  Sinon,  il  s'est  fourvoyé,  car  per- 
sonne ne  lui  tiendra  compte  de  l'excès  d'humilité  qui  lui  aura  fait 
entreprendre  ce  gauche  débat.  —  On  dirait  vraiment,  à  voir  ce  qui 
se  passe  aujourd'hui  au  théâtre,  que  tous  les  sujets  de  pièces  sont 
épuisés  et  que  les  auteurs  sont  condamnés  à  refaire  tout  ce  qui  a  été 
fait  avant  eux.  Ainsi,  nous  quittons  le  Dernier  quartier  pour  Ajax 
et  sa  blanchisseuse,  et  du  Code  des  femmes  nous  retombons  en  plein 
Chapeau  de  paille  d'Italie.  En  effet,  mettez  une  chemise  à  la  place 
du  chapeau  et  vous  aurez  exactement  la  même  donnée.  Au  moment 
d'aller  se  marier,  Ajax  s'aperçoit  que  sa  blanchisseuse  ,  au  lieu  de 
lui  apporter  sa  chemise  de  noce,  a  déposé  chez  lui  une  layette  de 
nouveau-né,  et  le  voilà  parti  à  la  recherche  de  ce  vêtement  indis- 
pensable qui  se  trouve  égaré.  De  là,  une  foule  de  pérégrinations 
étranges,  de  quiproquos  facétieux  qui  constituent  une  certaine  diffé- 
rence entre  les  deux  pièces  ;  mais  le  ond  n'en  reste  pas  moins  sem- 
blable. Après  tout,  comme  la  représentation  de  ce  vaudeville  fait  rire 
constamment,  nous  ne  devons  pas  montrer  plus  d'exigence  que  ce 
bon  public  qui  applaudit  aujourd'hui  Ajax  et  sa  blanchisseuse,  après 
avoir  applaudi  hier  le  Chapeau  de  paille  d'Italie. 

—  La  parodie  est  une  des  formes  littéraires  qui  réussissent  le  mieux 
chez  nous,  parce  que,  de  tout  temps,  l'esprit  français  a  été  tourné 
vers  la  satire.  On  devait  donc  s'attendre  à  voir  le  grand  succès  de 
Montjoye  passer  au  crible  des  rieurs,  et  cela  n'a  pas  manqué.  Voyez 
plutôt  l'afflche  des  Variétés  :  Mon-joie  fait  peur.  Par  exemple,  si 
vous  ne  savez  pas,  ou  plutôt  si  vous  ne  vous  rappelez  pas  que 
Mme  de  Girardin  a  fait  pour  le  Théâtre-Français  un  charmant  petit 
drame  qui  a  pour  titre  :  La  joie  fait  peur,  vous  ne  comprendrez 
rien  à  l'énigme  posée  par  celte  affiche.  Pourquoi  n'avoir  pas  adopté 
Rabatjoie,  puisque  c'est  le  nom  sous  lequel  les  autours  ont  travesti 
celui  de  Montjoye,  de  même  que  Saladin  est  devenu  Paladin,  et  Ti- 
burge  Goberge?  Mais  à  part  cette  critique  à  laquelle  nous  n'atta- 
chons pas  beaucoup  d'importance,  constatons  que  la  parodie  de 
MM.  Siraudin  et  Blum  est  amusante,  et  souhaitons-lui  de  parodier  la 
pièce  du  Gymnase  dans  ce  qu'elle  a  de  plus  séduisant,  c'est-à-dire 
dans  ses  recettes,  qui  se  maintiennent  toujours  au  maximum. 

—  Le  théâtre  de  la  Porte-Sainl-Martin  est  le  seul  qui  persiste  en 
ce  moment  à  vivre  de  reprises.  Il  nous  semble  que  son  hiver  pour- 
rait être  mieux  employé.  Qu'a-t-il  gagné  à  reprendre  Benvenulo  Cel- 
lini  ?  Pas  grand'chose,  dit-on.  Sera-t-il  plus  heureux  avec  la  Jeu- 
nesse des  Mousquetaires  ?  Nous  ne  pouvons  que  former  des  vœux 
pour  qu'il  n'y  perde  pas  tout  à  fait  ses  peines  ;  mais  enfin,  la  pièce 
de  MM.  Dumas  et  Maquet  est  montée  avec  soin,  et  la  direction  n'y 
a  point  épargné  la  dépense.  Ajoutons  que  cette  seconde  partie  des 
Mousquetaires,  qui  aurait  dii  être  la  première,  mais  qui  n'a  été 
jouée  au  Théâtre  Historique  qu'après  le  drame  de  l'Ambigu, est  moins 
connue,  moins  usée  que  celui-ci  ;  il  n'est  donc  pas  impossible  qu'elle 
fasse  un  certain  nombre  de  soirées  fructueuses,  en  attendant  la  re- 
prise du  Bossu  et  nous  ne  savons  plus  quelle  autre  reprise. 

—  Un  des  spectacles  les  plus  surprenants  qui  se  puissent  voir, 
c'est  celui  de  ces  vingt-six  Beni-Zoug-Zoug,  dont  les  exercices 
attirent  une  foule  énorme  au  cirque  Napoléon.  Ils  courent,  ils  volent, 
ils  bondissent  dans  une  étourdissante  fautasia,  ils  s'accrochent  hs  uns 


DE  PARIS. 


381 


aux  autres  pour  former  une  pyramids  humaine,  dont  l'équilibre  est 
une  merveille.  Leur  audace,  leur  souplesse,  leur  légèreté,  dépassent 
tout  ce  qu'on  peut  imaginer.   Il  faut   en  avoir  été  témoin  pour   y 

croire et  encore  ! 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


NOUVELLES. 


^*»  Au  théâtre  impérial  de  l'Opéra,  la  représentation  extraordinaire 
de  Robert  le  Diable,  donnée  dimanche  dernier,  a  été  fort  brillante. 
Gueymard  et  Mlle  Sax  s'y  sont  surtout  distingués,  la  Favorite,  la  Muette 
de  Portici  et  la  Juive  ont  défrayé  le  répertoire  de  la  semaine.  —  Aujour- 
d'hui dimanche,  les  Huguenots.  , 

:t*.  Lundi  dernier,  un  début  a  eu  lieu  dans  la  Favorite  :  c'est  celui 
de  Mme  Bedogni-Talvo,  jeune  femme  dont  la  voix  se  ressent  encore  des 
suites  d'une  situation  intéressante,  et  cette  voix  est  un  contralto  profond, 
ne  sortant  qu'à  granJ'peine  de  son  diapason  normal.  La  débutante,  qui 
possède  d'ailleurs  des  avantages  réels  comme  femme  et  comme  artiste, 
a  montré  beaucoup  d'intelligence  et  une  certaine  habitude  de  la  scène, 
On  dit  qu'elle  a  déjà  chanté  en  Italie,  quoique  la  condition  de  sa  fa- 
mille ne  l'appelât  nullement  au  théâtre.  Michot,  qui  chantait  le  rôle  de 
Fernand,  en  a  dit  quelques  passages  de  manière  à  faire  regretter  son 
départ.  Faure  a  mis  tout  son  talent  dans  le  rôle  d'Alphonse.  Celui  de 
Balthazar  est  trop  bas  pour  Cazaux  et  semble  fatiguer  sa  voix.  A  la  Fa- 
vorite succédait  Diavolina.  Si  Mlle  Marie  Vernon  ne  danse  pas  comme 
Mlle  Mourawieff,  elle  embellit  de  jour  en  jour,  et  c'est  un  succès  qui 
peut  être  accepté  en  compensation  de  l'autre. 

»*t  A  l'Opéra- Comique  on  s'occupe  en  ce  moment  de  la  reprise 
de  rEclair,  d'Halévy,  qui  sera  chanté  par  Mlles  Monrose  et  Bélia, 
MM.  Montaubry  et  Capoul. 

j,*,(,  Il  est  question  également  de  représenter  sur  ce  théâtre  la  Fan- 
chonnette,  l'opéra-comique  de  Clapisson. 

»■*,  La  reprise  de  Joconde,  avec  Crosti  dans  le  rôle  principal,  a  eu 
lieu  dimanche  dernier,  à  l'occasion  d'une  représentation  extraordinaire. 
L'ouvrage  a  été  accueilli  avec  une  grande  faveur.  Le  Domino  noir  et 
Zampa  font  constamment  salle  comble. 

,*^  Au  théâtre  impérial  Italien,  après  le  Barliere  est  venue  la  Son- 
nambula,  toujours  pour  Mme  Borghi-llamo,  quoique  le  rôle  d'Amina  ne 
soit  pas  plus  à  sa  taille  que  celui  de  Rosina  La  célèbre  cantatrice  y 
a  déployé  beaucoup  de  talent,  mais  nous  espérons  que  bientôt  elle 
pourra  se  montrer  à  nous  dans  son  vrai  répertoire.  Le  nouveau  ténor 
Baragli  chante  avec  assez  d'art  et  de  goût,  mais  sa  voix  est  trop  faible 
pour  le  rôle  d'Elvino. 

„*^:  Aujourd'hui,  le  théâtre  impérial  Italien  donnera,  pour  la  première 
fois  pendant  cette  saison,  Lucrezia  Borçjia,  chantée  par  Mmes  de  La 
Grange  et  Méric-Lablache,  Frasohini  et  Delle-Sedie. 

^*«  Les  représentations  du  Trovatore  ont  continué  d'être  fort  brillantes 
et  d'attirer  la  foule.  Fraschini  s'y  est  montré  de  plus  en  plus  admirable 
chanteur. 

j*»  Vers  la  fin  de  décembre,  Mario  et  les  nœurs  Marchisio  quitteront 
le  théâtre  Italien  de  Madrid  pour  celui  de  Paris.  —  A  la  même  époque 
nous  perdrons  Fraschini  et  Mme  de  la  Grange,  ainsi  que  lime  Méric- 
Lablache,  ou  Mme  Borgbi-Mamo. 

^*^  Après  avoir  chanté  trois  fois  la  Sonnan.bula  au  théâtre  de  l'O- 
riente, à  Madrid,  Adelina  Patti  s'est  fait  entendre  dans  Lucia,  où  elle  a 
produit  le  même  effet  prodigieux. 

^*»  Berlioz  vient  de  recevoir  la  lettre  suivante  : 
«  Monsieur, 

»  S.  A.  B.  le  grand-duc,  mon  auguste  maître,  ayant  appris  que  la  re- 
présentation de  vos  Tnnjens  a  eu  lieu  dernièrement  au  théâtre  Lyrique 
impérial,  et  que  celte  œuvre  a  eu  tout  le  succès  qui  lui  était  dû  et  qui 
répondait  aux  vœux  sincères  de  Son  Altesse  Royale,  me  charge  de  vous 
transmettre  ses  félicitations  empressées  et  de  vous  exprimer  toute  la 
part  qu'il  prend  à  cet  heureux  événement. 

»  Je  suis  charmé,  Monsieur,  d'avoir  cette  occasion  de  me  rappeler  à 
votre  souvenir,  et  je  vous  prie  d'agréer  l'assurance  de  mes  sentiments 
très  distingués.  Le  comte  de  Wedel, 

I  Secrétaire  du  cabinet  de  S.  A.  /!.  te  grand-duo  de  Saxe.  » 

,*t  Une  lettre  de  remerciments  adressée  à  l'Empereur,  au  sujet  de 
la  liberté  des  théâtres,  par  les  auteurs  et  compositeurs,  se  couvre  en  ce 
moment  de  signatures. 


^'*,^  Roger  vient  d'obtenir  un  nouveau  succès  à  Gand,  dans  les  rôles 
de  Lorédan,  deHaydée,  et  de  Scopetto,  de  la  Sirène,  que  le  célèbre  ténor 
a  créés  avec  tant  d'éclat  à  Paris. 

^*^  Carlotta  Patti  sera  à  Paris  le  mois  prochain.  Au  mois  de  janvier 
et  février,  elle  chantera  en  Belgique  et  en  Hollande. 

»*^  Le  célèbre  baryton  Filippo  Coletti  se  retire  du  théâtre.  A  Naples 
il  était  tellement  aimé  du  public  que  pendant  vingt  ans  il  a  figuré  à 
San  Carlo  comme  premier  baryton,  quoique,  d'ordinaire,  dans  les  théâ- 
tres italiens,  les  chefs  d'emploi  changent  assez  fréquemment. 

^'*,  Un  journal  de  Berlin  annonce  que  Mlle  Lucca  va  contracter  avec 
l'opéra  royal  de  cette  ville  un  nouvel  engagement,  qui  portera  son 
traitement  à  8,000  thalcrs  (30,000  francs)  par  an,  avec  des  feux  et  un 
congé  de  cinq  mois.  Le  titre  de  cantatrice  de  la  cour  et  une  pension  de 
2,000  thalers  lui  seraient  également  assurés.  Suivant  le  même  journal,  la 
direction  de  l'Opéra  à  Paris  aurait  offert  à  Mlle  Lucca  un  traitement  de 
500,000  francs  pour  cinq  ans,  avec  deux  mois  de  congé  pendant  l'été. 
Nous  ne  mettons  pas  en  doute  l'exactitude  ds  l'engagement  de  Berlin; 
mais  en  ce  qui  touche  l'Opéra  de  Paris,  nous  pouvons  affirmer  qu'au- 
cune ofire  dans  les  conditions  dont  parle  le  journal  berlinois,  n'a  été 
faite  à  Mlle  Lucca. 

**,,  LL.  AA.  H.  le  prince  Napoléon,  la  princesse  Clotilde  et  la  prin- 
cesse Mathilde  ont  honoré  de  leur  présence  le  dernier  concert  populaire 
de  musique  classique  et  ont  complimenté  M.  Pasdeloup.  Le  progranmie, 
dont  la  composition  était  remarquable,  se  terminait  par  Vlnvitution  à 
la  valse,  de  Weber,  si  bien  orchestrée  par  Berlioz. 

^*^  Voici  le  programme  du  concert  populaire  qui  aura  lieu  aujour- 
d'hui au  cirque  Napoléon  :  Ouverture  d'//  Afatrimonio  segreto,  de  Cima- 
rosa  ;  symphonie  en  la  mineur,  de  Mendelssohn  ;  rigodon,  de  Rameau  ; 
adagio  du  septuor  de  Beethoven,  exécuté  par  MM.  Auroux  (clarinette), 
Espeignet  (basson),  Schlottmann  (cor),  et  tous  les  instruments  à  cordes; 
ouverture  de  Preeiosa,  de  Weber. 

s,*^  Vendredi  dernier  a  eu  lieu  à  la  Société  nationale  des  Beaux-Arts 
la  deuxième  séance  de  musique  de  chambre,  sous  la  présidence  de 
Félicien  David.  Le  6"  quatuor  de  Mozart,  un  fragment  du  9«  concerto 
de  Romberg  exécuté  par  M.  Rabaud,  et  le  12"=  quintette  d'Onslow  y 
ont  été  parfaitement  rendus. 

^*,  Les  candidats  à  la  succession  de  M.  Tilmant,  comme  chef  d'or- 
ches'.re  de  la  .Société  des  concerts  du  Conservatoire,  sont  MM.  Berlioz, 
George  Hainl,  Deloffre,  Deldevèze,  Alard,  Millaut,  Cuvillon  et  Ch.  Dancla. 
L'élection  est  remise,  comme  on  sait,  au  21  décembre,  après  les  deux 
concerts  supplémentaires  que  M.  Deldevèze  conduira. 

^*,f  C'est  par  erreur  qu'Ambroise  Thomas  a  été  désigné  comme  l'un 
des  prétendants  au  titre  vacant.  Le  célèbre  compositeur,  membre  de 
l'Institut,  n'y  a  nullement  songé. 

,t**  Le  directeur  du  théâtre  Lyrique  vient  de  recevoir  un  opéra  en  un 
acte  de  Mme  Lucci  Sievers,  le  Professeur  de  chant  d'orgue,  poëme  de 
M.  Menissier.  Cet  ouvrage  sera  probablement  donné  cet  hiver. 

:j**  Le  grand-duc  de  Darmstadt  a  décerné  au  ténor  M.  Carrion  la 
médaille  en  or  pour  arts  et  sciences. 

,^*,f  Edouard  Wolff  nous  est  revenu  et  ne  nous  quittera  pas  cet  hiver. 
11  a  repris  le  cours  de  ses  leçons  ;  ses  anciens  élèves  s'en  félicitent  et 
chaque  jour  l'excellent  professeur  en  voit  venir  à  lui  de  nouveaux. 

s,'*^  Ch.  Dancla,  en  compagnie  de  ses  fidèles  et  habiles  partenaires,  Sé- 
bastien Lee,  L.  Dancla  et  Altès,  a  fait  entendre  chez  lui  le  i"  quintette 
de  M.  Fétis.  L'œuvre  du  savant  maître  a  obtenu  un  très-grand  succès, 
l'andante  surtout. 

t*^  Jeudi  prochain,  3  décembre,  M.  Victorin  Joncières  fera  exécuter, 
salle  du  Grand  hôtel  du  Louvre,  la  musique  qu'il  a  composée  sur  la 
tragédie  d'Hamlet.  On  sait  quel  brillant  succès  cette  œuvre  vraiment 
remarquable  a  obtenu,  au  mois  d'avril  dernier.  Nous  ne  doutons  pas 
qu'à  une  seconde  audition,  le  public  ne  ratifie  les  éloges  donnés  par  la 
presse  entière  au  jeune  compositeur. 

»**  M.  Camille  .Saint-Saëns  se  propose  de  donner  à  la  salle  Pleyel  six 
séances  consacrées  à  l'audition  des  concertos  de  Mozart. 

:t%  M.  Eugène  Prévost  a  été  engagé  par  M.  Besselièvre  comme  chef 
d'orchestre  des  concerts  des  Champs-Elysées. 

,^'**  L'imprésario  du  théâtre  du  Liceo  à  Barcelone,  M.  Verger,  vient 
d'obtenir  la  direction  du  théâtre  Bellini,  à  Palerme. 

/t  Depuis  l'inauguration  du  salon  de  M.  Lebouc,  on  a  déjà  exécuté 
chez  lui  deux  des  ouvrages  les  plus  importants  d'Adolphe  Blanc  :  un 
quatuor  pour  instruments  à  cordes  et  le  quatrième  trio  pour  piano, 
violon  et  violoncelle,  parfaitement  interprété  par  Mlle  Caroline  Remaury, 
l'auteur  et  M.  Lebouc. 


KEVLE  lOT  GAZETTE  MUSICALE 


.j,*.  Les  examens  pour  l'obtention  du  certificat  d'aptitude  à  l'emploi 
de  professeur  de  chant  dans  les  écoles  publiques  de  Paris  auront  lieu 
à  la  fin  du  mois  de  décembre  prochain .  La  liste  d'inscription  est  restée 
ouverte  à  la  préfecture  de  la  Seine,  bureau  de  l'Instruction  publique, 
où  il  a  été  donné  communication  du  programme.  Les  candidats  ont  à 
produire  leur  acte  de  naissance  et  un  certificat  de  moralité  délivré  par 
le  maire  de  l'arrondissement  où  ils  ont  leur  domicile. 

»*,  Le  docteur  J.  Maier,  conservateur  de  la  division  de  musique  à  la 
bibliothèque  royale  de  Munich,  a  découvert  deux  partitions  manuscrites 
d'Alessandro  Scarlatti  :  l'une  à  la  bibliothèque  rojale  de  Berlin,  l'autre 
à  la  bibliothèque  impériale  de  Paris  ;  savoir  :  la  Griselda,  donnée  pour 
la  première  fois  en  janvier  1721,  à  Rome,  au  teatro  Capranica,  et 
l'opéra-comique  Laodicea  e  Bérénice. 

»**  Avons-nous  besoin  de  signaler  aux  directeurs  de  concerts  présents 
et  futurs  les  œuvres  symphoniques  d'un  compositeur  renommé  dans 
toute  la  Hollande,  la  Belgique  et  l'Allemagne,  M.  A.  Berlyn,  qui,  en  1846 
est  venu  se  faire  connaître  aussi  à  Paris  î  Ce  serait  plus  que  jamais' 
l'instant  de  recourir  à  son  riche  répertoire,  et  d'essayer,  par  exemple, 
sa  belle  symphonie,  dédiée  à  Spohr,  sans  préjudice  de  plusieurs  autres 
compositions  qui  ont  en  leur  faveur  les  plus  honorables  précédents. 

»**  Le  troisième  volume  des  Harmonies  de  M.  J.  Cressonnois  vient 
de  paraître,  et  nous  nous  empressons  de  le  recommander  aux  amateurs, 
dont  la  plupart  connaissent  déjà  l'auteur  et  ses  œuvres. 

^*t  M.  Henry  Hervpyn  ouvrira,  le  2  décembre,  son  cours  de  musique 
d'ensemble  appliquée  au  piano,  qui  aura  lieu  deux  fois  par  semaine,  le 
mercredi  et  le  samedi,  rue  Saint-Honoré,  185. 

^*^  Ernest  Nathan,  que  des  voyages  éloignaient  depuis  deux  ans  de 
la  capitale,  va  s'y  fixer  définitivement,  pour  se  consacrer  au  professorat 
et  à  la  musique  classique.  Il  a  composé  un  bon  nombre  d'œuvres,  qu'il 
doit  nous  faire  entendre  bientôt. 

n*^  Le  Répertoire  du  chanteur,  dont  la  vogue  est  si  bien  établie,  vient 
de  s'augmenter  d'un  troisième  volume  pour  voix  de  ténor,  publié 
sous  la  direction  de  M.  Henri  Panofka.  D'autres  volumes  compléteront 
bientôt  cette  importante  collection,  commencée  par  Panseron,  et  dont 
dix-neuf  volumes  sont  déjà  en  vente. 

^*»  Un  jeune  compositeur,  M.  Palmer,  déjà  connu  dans  quelques 
salons  d'élite,  vient,  dès  son  début,  de  se  placer  sur  la  ligne  des  com- 
positeurs les  plus  aimés  du  public  par  ses  deux  publications  :  Boléro  et 
Bsrceuse.  Le  succès  qu'ont  obtenu  ces  deux  charmants  morceaux  a 
préparé  celui  d'un  troisième,  une  valse  ravissante  qui  paraîtra  in- 
cessamment. 

***  Une  nouvelle  édition  de  l'excellent  ouvrage  de  M.  Fétis  père  : 
Manuel  des  principes  de  musique,  est  sous  presse  et  paraîtra  inces- 
samment chez  MM.  Brandus  et  Dufour. 

»*a,  On  ne  saurait  trop  donner  de  publicité  aux  louables  efforts  d'une 
Société  qui  s'est  fondée,  il  y  a  quelque  temps,  sous  la  présidence  du 
vicomte  de  Melun,  pour  l'amélioration  et  l'encouragement  des  publica- 
tions populaires.  Son  but  est  1"  de  favoriser  la  production  d'ouvrages 
populaires  vraiment  bons,  c'est-à-dire  irréprochables  au  point  de  vue 
des  mœurs  et  en  même  temps  instructifs  et  intéressants;  2°  de  guider 
dans  leur  choix  les  personnes  qui  ont  besoin  de  livres  de  ce  genre  pour 
elles-mêmes  ou  pour  leurs  distributions  charitables  ;  3°  de  leur  en  fa- 
ciliter l'acquisition.  Elle  recherche  toutes  les  publications  anciennes 
ou  nouvelles  qui  semblent  devoir  remplir  les  conditioms  mentionnées  à 
l'article  1<^'',  les  fait  examiner  avec  soin  par  une  commission  spéciale, 
et  signale  ceux  qu'elle  croit  dignes  d'être  recommandés,  dans  un  bulletin 
mensuel  envoyé  gratuitement  à  tous  les  membres  de  ladite  Société. 
Elle  procure  à  ses  membres,  avec  une  remise  de  10  0/0,  tous  les  ou- 
vrages mentionnés  dans  les  bulletins,  et  se  charge  de  leur  fournir  et 
expédier  des  bibliothèques  composées  de  livres  reliés  d'une  manière 
économique  et  choisis  suivant  le  prix  et  la  destination  qui  leur  sont 
marqués.  On  peut  voir  ces  livres,  les  parcourir,  recueillir  des  rensei- 
gnements, se  faire  inscrire  au  nombre  des  membres  de  la  Société ,  et 
déposer  les  commandes,  au  bureau  du  Bulletin,  rue  de  Grenelle  Saint- 
Germain,  82. 

**:,  Un  nouveau  journal  de  musique  militaire  va  être  publié  par 
M.  fiauthrot,  facteur  d'instruments. 

:t*s,  Le  théâtre  Robin  exploite  avec  bonheur  son  riche  répertoire 
d'expériences  nouvelles.  L'intérêt  si  puissant  qui  s'attache  à  ses  appari- 
tions de  spectres  est  doublé,  en  ce  moment,  par  l'efl"et  prodigieux  du 
Rêve  de  Paganini.  Le  spectre  exécute  avec  un  réel  talent  un  solo  de 
violon  et  est  rappelé  tous  les  soirs  au  milieu  de  bravos  unanimes. 

*'"t.  Le  premier  bal  masqué  de  l'Opéra  aura  lieu  le  12  décembre. 
Strauss  conduira  l'orchestre. 

^*<,  ïïecti fication  :  le  premier  prix  du  concours  d'harmonie  et  de  com- 


position pour  les  élèves  des  classes  militaires  a  été  obtenu  par  M.  Gri- 
sou, du  S"!  de  ligne,  élève  de  M.  Bazin,  et  par  M.  Sibillot,  du  H«  d'ar- 
tillerie, élève  de  M.  Emile  Jonas. 

t**  Le  doyen  des  violonistes  contemporains,  Joseph  Mayseder,  est 
mort  le  21  novembre  à  Vienne.  Il  était  né  dans  cette  ville  le  27  octobre 
1789  ;  son  professeur  de  violon  avait  été  Schuppanzig.  Mayseder  était 
virtuose  de  la  chapelle  impériale,  soliste  au  théâtre  de  la  cour  et  auteur 
d'excellentes  compositions  pour  le  violon. 

^,*^,  Henri  Boisseaux,  auteur  dramatique  et  l'un  de  nos  confrères  en 
journalisme,  est  mort  subitement  le  20  de  ce  mois.  Dans  les  derniers 
temps  de  sa  vie.  Scribe  l'avait  honoré  de  sa  collaboration,  et  ils  don- 
nèrent ensemble  plusieurs  ouvrages ,  notamment  Barkouf  à  l'Opéra-Co- 
mique,  Broskowano  et  Madame  Grégoire  au  théâtre  Lyrique.  Au  nombre 
des  pièces  qu'ils  avaient  en  projet,  il  s'en  trouvait  une  à  propos  de  la- 
quelle Scribe  dit  un  jour  :  «  Je  ne  pourrai  guère  m'en  occuper  avant 
deux  ans.  »  Les  deux  ans  sont  à  peine  écoulés  et  les  deux  auteurs 
n'existent  plus.  Les  obsèques  d'Henri  Boisseaux  ont  eu  lieu  lundi  à 
l'église  Saint-Etienne  du  Mont.  Parmi  les  nombreux  assistants,  nous  avons 
remarqué  MVl.  Félicien  David,  Clapisson  et  Lajarte.  Ces  deux  derniers 
étaient  les  collaborateurs  du  regrettable  défunt, 

J..**  M.  Audiffred.  directeur  du  journal  le  Moniteur  des  arts,  vient  de 
mourir  à  Paris. 


CHRONIQUE   DÉPARTEMENTALE. 


^*^  Lyon.  —  Une  indisposition  persistante  de  Mme  Cabel  empêche  la 
reprise  du  Pardon  de  Ploërmel.  En  attendant  on  remonte  la  Muette  de 
Portici. 

<,*^  Boutogne-sur-mer,  26  novembre.  —  Le  concert  annuel  pour  les 
salles  d'asile  vient  d'être  donné  dans  le  magnifique  salon  du  Casino. 
Mme  Gagliano  y  a  obtenu  un  fort  beau  succès,  en  chantant  d'une  fa- 
çon admirable  un  air  du  Prophète,  Dolce  concenio  de  Mozart,  VAve  Maria 
de  Schubert  et  des  mélodies  italiennes  et  espagnoles.  Les  bravos  ont 
accueilli  aussi  M.  Ch.  Lamoureux,  violoniste  expressif  et  sympathique. 
M.  Ernest  Lejeune,  pianiste  compositeur  de  Calais,  a  fait  exécuter  une 
ouverture  renfermant  de  belles  combinaisons  harmoniques  et  des  mo- 
tifs heureux  fort  bien  traités  pour  l'orchestre.  Il  a  de  plus  joué  avec 
verve  et  sentiment  un  concerto  de  Dussek. 

^*^  Marseille.  —  Lalla-Roukh  vient  d'être  représenté  avec  peu  de 
succès.  Le  Pardon  de  Ploérmel  est  à  l'étude. 

^*^  Bordeaux.  —  La  reprise  de  Richard  Cœur  de  Lion  n'a  pas  été 
très-goûtée  au  grand  théâtre  :  cependant  MM.  Peschard  et  Mathieu  y 
ont  été  remarquables.  Joconde,  qu'on  vient  également  de  reprendre,  a 
été  mieux  accueilli  par  le  public. 


^*^  Alger.  —  Le  Prophète,  remonté  avec  beaucoup  de  soin,  a  servi 
de  début  à  Mlle  Fleury-Gœury,  qui  s'y  est  montrée  assez  faible. 


CHRONIQUE   ETRANGERE. 


»*^  Londres.  —  Les  deux  premiers  concerts  populaires  de  lundi  ont 
ramené  la  foule  à  Saint-James  Hall.  Des  quatuors  de  Spohr,  Haydn  et 
Beethoven,  la  chaconne  de  Bach,  un  capriccio  de  Tartini,  des  œuvres 
de  piano  de  Mozart,  Beethoven  et  Mendelssohn,  alternaient  avec  bon 
nombre  de  morceaux  de  chant  d'un  caractère  moins  sérieux.  Lotto,  qui 
tient  le  pupitre  du  premier  violon,  s'est  posé  comme  excellent  artiste.  Le 
violoncelle  est  passé  aux  mains  de  M .  Paque,  en  remplacement  de  M .  Piatti. 
—  Le  concert  donné  par  J.  Bénédict  àSaint-JamesHalla  été  très-brillant. 
Un  nombreux  public  y  a  chaleureusement  applaudi  sa  cantate  liichard 
Cœur  de  Lion,  une  œuvre  d'un  grand  mérite,  fort  bien  interprétée  par 
Mmes  Tietjens  et  Trebelli,  M.  Wilbye  Cooper  et  Ch.  Santley.  —  Sivori 
enthousiasme  chaque  jour  le  public  aux  concerts  Jullien,  où  Mme  Vol- 
pini  et  Sims  Reeves  sont  également  très-appréciés.  —  La  Société  des 
British  musicians  a  institué  deux  prix  pour  les  deux  meilleurs  quintettes 
pour  instruments  à  cordes.  Le  premier  prix  est  de  10  guinées,  le  second 
de  5  guinées.  —  Au  théâtre  de  Covent-Garden,  la  première  représentation 
de  Blanche  de  Nevers,  nouvel  opéra  de  Balfe,  est  attendue. 

^*»  Amsterdam,  10  novembre.  —  Les  concerts  populaires  ont  recom- 
mencé avec  un  succè.s  toujours   croissant.    Au  premier  concert,  on  a 


DE  PARIS. 


383 


exécuté  la  symphonie  héroïque  de  Beethoven,  la  quatrième  symphonie 
de  Klels-Gade,  une  ouverture  de  Mendelssohn  et  la  Chasse  du  jeune  Henri, 
de  Méhul,  qui  a  été  bissée.  L'orchestre  a  fait  merveille  sous  la  direc- 
tion de  Verhulst,  et  Mlle  Schreck,  de  Bonn,  a  fort  bien  chanté  un  air  de 
Heendel  et  un  autre  de  Rossi.  Au  prochain  concert,  on  jouera  une 
nouvelle  symphonie  de  IJ.  Fétis,  la  cinquième  symphonie  de  Beetho- 
ven, l'ouverture  de  Fernand  Corics  de  Spontini  et  une  ouverture  de 
Gade  ;  puis  Mlle  Kohn,  de  Manheim,  chantera  deux  soli.  —  Au  premier 
concert  du  Parc  chantera  JUIe  Schubert,  de  Paris,  et  jouera  le  violon- 
celliste Kellerman,  de  Copenhague.  —  On  attend  beaucoup  d'artistes  di 
primo  cartello,  Caroline  Patti,  Mlle  Parepa,  Jaell,  Laub,  Joachiui,  Fran- 
cliomme,  Stockhausen  et  beaucoup  d'autres  —  Le  théâtre  allemand  de 
Rotterdam  est  excellent  et  l'ensemble  ne  laisse  rien  à  désirer  ;  il  y  a 
même  des  artistes  de  premier  ordre,  tels  que  Mlle  Ellinger,  chanteuse 
d'un  immense  talent.  —  Le  nouvel  opéra  de  Hiller  :  les  Catacombes, 
y  est  à  l'étude,  et  le  grand  compositeur  viendra  assister  lui-même  à  la 
première  représentation.  —  La  nouvelle  salle  de  l'opéra  français  k  la 
Haye  est  charmante.  Au  premier  festival  de  la  Société  pour  l'en- 
couragemeut  de  l'art  musical,  on  exécutera  l'oratorio  Josua  de  lissa 
del.  Les  répétitions  viennent  de  commencer  sous  Verhulst,  et  on 
s'attend  à  une  exécution  remarquable  du  chef-d'œuvre  de  l'ancien 
maître. 

„,%  Vienne.  —  Le  nouveau  ballet  en  trois  actes  de  Borri  :  Jolta  ou  Art 
et  amour,  a  été  donné  pour  la  première  fois  au  théâtre  de  la  cour,  le 
'il  novembre,  avec  un  grand  succès.  Mlle  Couqui  a  eu  les  honneurs  de 
la  soirée;  elle  a  enlevé  les  pas  les  plus  ditficiles  avec  une  audace  qui 
est  toujours  restée  dans  les  limites  du  goût.  La  musique  composée 
par  le  comte  Gabrielli  et  M.  Strebingen,  est  pleine  de  mélodie,  de 
verve  et  a  beaucoup  plu.  —  On  répète  au  théâtre  de  la  cour  la  Muette 
de  Porlici.  Wachtel  remplira  le  rôle  de  Masaniello;  Mlle  Couqui,  celui 
de  Fenella. 

^*^  Berlin.  —  Au  théâtre  F.-Wilhemstadt,  les  Bavards,  par  Offen- 
bach,  ont  eu  huit  représentations,  et  chaque  fois  la  salle  était  comble. 
Au  théâtre  royal,  Paul  Taglioni  doit  mettre  prochainement  un  nouveau 
ballet  à  la  scène. 

j*,  Cologne.  —  Les  belles  messes  en  musique  qui  attirent  dans  notre 
cathédrale  une  si  grande  affluence  de  fidèles,  ont  dû  cesser  par  suite 
d'un  ordre  du  cardinal-archevêque.  Il  paraît  que  l'opinion  exprimée 
par  le  célèbre  professeur  Thibaut,  dans  son  ouvrage  sur  la  Pureté  de  la 
musique,  n'a  pas  été  sans  influence  sur  la  détermination  de  Son 
Eminence. 

,j%  Pesth.  —  Au  théâtre  national,  on  a  donné  Marlha,  de  Flotovv,  à 
l'occasion  de  la  fête  de  rimpératrice.  Mme  P.  Markovvitz  a  chants  le 
rôle  principal  avec  autant  de  grâce  que  d'entrain;  M.  Pauli-Lyonel  a 
été  aussi  beaucoup  applaudi. 

»*»  Tarin.  —  La  Vestale,  chantée  par  Mmes  Stolz  et  Flory,  M.M.  Chris- 
tian! et  Casaro,  a  été  favorablement  accueillie  au  théâtre  Vitorio 
Emmanuelo. 

j*a:  Valence.  —  La  Muette  de  Porlici  vient  d'être  représentée  avec  un 
très-grand  succès.  Le  ténor  Olivia  Pavani  et  Mme  Peroni  y  ont  puis- 
samment contribué. 

^*,j  Barcelone.  —  Grâce  aux  succès  éclatants  de  Mlle  Lagrua,  les 
représentations  au  théâtre  du  Liceo  sont  plus  brillantes  que  jamais. 
L'éminente  cantatrice  vient  d'y  chanter  dans  /(  Giuramento  devant  une 
salle  comble  et  a  obtenu  un  triomphe  complet.  Dans  Norma,  qu'elle 
chante  et  joue  avec  une  rare  perfection,  elle  a  mérité  de  nouveau 
les  applaudissements  les  plus  chaleureux.  Negrini  a  obtenu  aussi  une 
bonne  part. 


CONSERVATOIRE  IMPËRIÂL  DE  MUSIQUE. 

Bélmpresslon  des  Ouvrages  classiques  consacrés 
A  l'BuselgnemeiK, 

Une  excellente  mesure,  qui  intéresse  la  musique  et  les  musiciens, 
vient  d'être  prise  par  S.  Exe.  le  ministre  de  la  Maison  de  l'Empereur 
et  des  Beaux-Arts.  Par  un  arrêté  en  date  du  5  novembre,  M.  le  ma- 
réchal Vaillant,  sur  la  proposition  de  M.  le  comte  Bacciochi,  surinten- 
dant général  des  théâtres,  a  institué,  au  Conservatoire  impérial  de 
musique  et  de  déclamation,  une  commission  chargée  de  préparer  un 
travail  pour  la  réédition  et  la  réimpression  des  ouvrages  classiques  de 
l'ancien  fonds  de  musique  du  Conservatoire,  en  les  appropriant  aux 
besoins  des  classes  actuelles  de  l'établissement. 
Cette  commission  est  composée  de  M.  Auber,  directeur  du  Conserva- 


toire, président;  de  MM.  Bazin  et  Benoist,  professeurs  d'harmonie  et 
d'orgue;  H.  Berlioz,  de  l'Institut,  bibliothécaire  du  Conservatoire; 
L.  Clapisson,  de  l'Institut,  professeur  d'harmonie;  G.  Kastner,  de  l'Ins- 
titut; J.  L.  Heugel,  éditeur  de  musique;  Lassabathie,  administrateur  du 
Conservatoirj  ;  Leborne,  professeur  de  composition  ;  Ed.  Monnais,  com- 
missaire impérial;  A.  Thomas  et  lieber,  de  l'Institut,  professeurs  de 
composition.  M.  A.  de  Beauchesnn,  secrétaire  du  Conservatoire,  rem- 
plira les  fonctions  de  secrétaire  près  la  commission. 

Les  anciens  ouvrages  classiques  du  Conservatoire,  destinés  à  une 
réimpression  si  désirée  de  tous  les  musiciens  qui  s'occupent  sérieuse- 
ment d'enseignement,  ont  été,  dans  l'origine,  sous  l'administration  de 
M.  Sarrette,  rédigés,  composés  et  gravés  pour  les  classes  du  Conserva- 
toire. Nos  grands  maîtres  Cherubini,  Catel,  Méhul,  Gossec,  Lesueur, 
Martini,  ont  collaboré  à  tous  ces  ouvrages,  dont  les  planches  de  texte 
et  de  musique  se  trouvent,  pour  la  plupart,  complètement  épuisées. — 
Ce  sont  doue  les  vrais  classiques  de  l'enseignement  qu'il  s'agit  de 
rendre  non-seulement  aux  classes  fondamentales  de  solfège,  d'harmo- 
nie, d'accompagnement,  de  fugue  et  de  contre-point,  mais  aussi  à  celles 
du  chant  et  des  instruments.  Toutes  ces  classes  possédaient  leurs  mé- 
thodes-types, parmi  lesquelles  il  faut  citer  les  solfèges  de  Cherubini, 
ses  marches  d'harmonie,  le  traité  de  fugue  et  de  contre-point  du  même 
maître,  le  cours  d'harmonie  de  Catel,  la  grande  méthode  de  piano 
de  L.  Adam,  celle  do  violon  de  Baillot,  Rode  et  Kreutzer,  lArt  du  vio- 
lon de  Baillot,  et  la  remarquable  méthode  de  cliant  du  Conservatoire, 
à  laquelle  ont  collaboré  Méhul,  Gossec,  Garât  et  Plantade,  en  société 
des  maîtres  italiens  du  temps,  et  du  savant  et  infatigable  Cherubini, 
rapporteur  de  la  commission  chargée,  aux  termes  du  règlement  du 
Conservatoire,  de  la  rédaction  d'une  méthode  de  chant  spécialement 
destinée  aux  classes  de  cet  établissement. 


Le  Directeur  :   S.  DUFOIJR. 


Chez  RETTÉ  et  C'  {magasin  Brandus),  405,  rue  de  Richelieu. 


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ouvrages  au  fur  et  à  mesure  qu'ils  paraîtront. 

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2«  livre.  —  Etudes  élémentaires 12 

3'  livre.  —  Etudes  de  genre 15 

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toutes  ses  formes,  éléments  et  principes  de 
musique,  d'harmonie,  de  transposition;  le 
plain-chaiit  comparé  à  la  musique  actuelle, 
et  un  vocabulaire. 

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ANTOINE  COURTOIS 

S8,  rwe  fies  ItMuvuia  ^  Saint  -  Ifluwtin ,   SS 

Ci-devant  rue  du  Caire,  21. 


MEDAILLE   d'ARGEKT   DE   1"   CLASSE 
A     l'exposition     UNIVERSELLE    DE   PARIS    1855. 

Facteur  du    Conservatoire   et  de 
l' Académie  Impériale  de  Paris. 

Agent  à  Saint-Pétersbourg  : 

A.  BDTTNER, 

Perspect.  Newsky ,  maison  de  l'égliseSt-Pierre. 


La  r.iaison  ANTOINE  COURTOIS  aijant  agrandi  ses  ateliers,  est  en  mesure  de  satisfaire  à  toutes  Iss  demandes  qui  pourront  lui  être 
adressées;  elle  garantit  réellement  à  sa  clientèle  des  instruments  irréprochables  sous  tous  les  rapports. 

MANUFACTURE  DE  PIANOS  —  MAISON  HENRI  HERZ 

Kiic  de  la  Victaire,  4S,  à  Paris. 

L'immense  succès  que  les  Pianos  de  la  Maison  Henri  HERZ  ont  obtenu  à  l'Exposition  universelle  de  Paris,  en  1855, 
vient  de  se  reproduire  à  Londres  avec  plus  d'éclat  encore  :  aussi  le  Jury  international  vient-il,  en  plaçant  ces  instruments 
au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimité,  à  M.  Henri  UERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection 
reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  solidilé,  de  la  sonorité,  de  l'égalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  d'expression.  (Rapport  du  Jury  international.) 


MANUFACTURE    GÉNÉRALE    D'INSTRUMENTS    DE    MUSIQUE     EN    CUIVRE    ET    EN     BOIS 


SO,  roe  Saint-Ceorges, 
à  Paris. 


ADOLPHE    SAX 


*  * 


50,  rue  Saint-fSeor^es 
à  Parla. 


excepté 
tous  les 
écart,  il 


Facteur  de  la  Maison  militaire  de  l'Empereur.  —  Professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique. 
Seule  grande  Médaille  d'honneur  à  l'Exposition  universelle  de  1855. 

RÉSUMÉ   DES   AVANTAGES   DES   SAXHORNS   ET   DES   SAXOTROMBAS. 

Le  Saxotromba,  ou  le  Saxhorn,  est  supérieur  à  ses  analogues  existants  précédemment,  comme  proportion  de  tubes  et  par 
conséquent  comme  son  ;  supérieur  comme  j  ustesse  ;  supérieur  comme  création  de  famille  complète  ;  supérieur  comme  facilité  et 
unité  de  doigté  ;  supérieur  comme  forme  ou  contour  des  tubes  pour  l'émission  des  sons  ;  supérieur  comme  forme  pour  le  pla- 
cement et  le  maniement  de  l'instrument  ;  supérieur  comme  ayant  une  même  direction  des  sons  (avantage  pour  l'auditeur  de 
recevoir  tous  les  sons  avec  la  môm-i  puissance);  supérieur  en  ce  que  quelques  jours  suffisent  pour  former,  avec  des  amateurs  ou 
de  simples  conscrits  militaires,  une  musique  passable  ;  supérieur  en  ce  que  les  plus  gros  instruments  comme  les  petits  se 
tiennent  facilement  au  moyen  de  la  main  gauche  et  du  bras  gauche,  et  laissent  le  bras  et  la  main  droite  entièrement  libres, 
et  dans  la  meilleure  position  pour  le  jeu  des  doigts  sur  les  cylindres  ;  supérieur  en  ce  que,  quand  un  élève  a  déjà  fait  di?s 
études  et  qu'il  est  obligé  de  changer  d'instrument  faute  de  disposition  des  lèvres  ou  par  tout  autre  motif,  ses  études  acquises 
servent  pour  le  nouvel  instrument,  soit  trompette,  trombone  ou  tout  autre  instrument  ;  supérieur  en  ce  que  l'on  peut  faire  les 
études  les  plus  longues  et  les  plus  difficiles  sur  l'instrument  qui  fatigue  le  moins  et  les  reporter  sur  d'autres  plus  durs  à  jouer 
ou  plus  lourds  à  porter;  supérieur  en  ce  que,  dans  les  sociétés  ou  dans  un  régiment  de  cavalerie,  surtout  lors  des  congés,  il 
arrive  souvent  que  tous  les  artistes  d'une  même  catégorie  d'instruments  partent,  et  que,  dans  ce  cas,  on  peut  les  remplacer 
en  prenant  des  musiciens  dans  les  parties  les  mieux  garnies  pour  occuper  ou  remplacer  les  parties  manquantes;  supérieur  en 
ce  qu'on  ne  craint  pas  les  coups  de  tète  des  chevaux,  qui,  avec  les  anciens  instruments,  brisaient  parfois  les  dents  au  cava- 
lier; supérieur  en  ce  que  l'on  peut  jouer,  le  cheval  au  trot  ou  au   galop,   l'instrument  suivant  toujours  les  mouvements  du 

corps;  supérieur  pour  la  musique  en  marche  en  ce  que  l'instrument  ne  se  dérange  pas  sur  les  lèvres,  et  conserve  par  consé-  

quent  la  môme  sonorité  qu'au  repos;  supérieur  pour  les  corps  de  musique  et  pour  le  militaire  surtout,  où  tout  est  régulier 
les  musiciens  et  les  instruments  d'après  le  système  ancien),  en  ce  que  tout  le  monde  se  trouve  dans  la  même  position,  toutes  les  mains  à  la  même 
instruments  penchés  de  gauche  à  droite;  supérieur,  pour  la  musique  à  cheval  ou  de  cavalerie,  eji  ce  que  si,  pondant  que  l'on  joue,  le  cheval  vient 
est  facile  de  ressaisir  les  brides  pour  le  ramener,  sans  déranger  l'instrument  de  sa  position.  ([K^ 

ToDi  Ici  iniirumenii  loriant  de  la  fabrique  porieni  l'inieripiion  suivatiie  :  Adolphe  Sax,  à  Paris,  facteur  de  la  maison  militaire  de  l'Empereur,     ^0||\ 

le  numéro  d'ordre  de  l'initrument  el  (e  poinçon  oi-apr'es  :  Ia  vvL 


hauteur  et 
à  faire  un 


vtPOlÉOIV  CHAIX  ET  C,  BUE  BKBGEIIE,  30. 


BUREAUX    A    PARIS  :    BOULEVARD   DES   ITALIENS,    I. 


30^  Année. 


N»  4Î). 


6  Décembre  1868. 


Oir  s* ABONNE  t 

Bans  les  Départements  et  à  l'Étranger,  che7  tous 
Jes  Marchands  de  Wusique,  les  Libraires,  et  aux 
Sureaux  des  Messageries  et  des  Postes. 


REVUE 


PRIX  DS  L'ABONNEaaBNT  : 

Paris 24  (r.  par  01 

Départements,  Belgique  et  Suisse —    30»       id. 

Élranser 31.       ii. 

Le  Journal  parait  le  Dinionche. 


GAZETTE  MU 


Wm    WAWLIB. 


-^^wxAAAAATiAAA^- 


1864  SI-""   akivee:  1864 

REVUE    ET     GAZETTE     MUSICALE 


Prîmes 


Offertes  aux  anciens  et  nanveaax  Abonnés. 


Pour  satisfaire  au  désir  qui  nous  a  été  exprimé  par  un  grand 
nombre  de  nos  Abonnés,  nous  offrons,  à  l'occasion  du  renouvelle- 
ment de  l'année  : 

1° 

LE   SECOND   VOLUME 

DU 

RÉPERTOIRE  DE  iIlfSI()llE  MODERl 

î>©UIB    £^  l'î^ig'O 

Dont  le  premier  volume  a  été  accueilli  avec  tant  de  faveur  l'année 

CE  VOLUME,  FORMAT  IN-S",  COiS'TIENT  LE  CHOIX  SUIVANT  DE 


1.  ALKAN.  —  Op.  32.  Fanlasietta  alla  moresca. 
■2.  BliUMENTHAL.  —  Op.  1.  La  Source,  caprice. 

3.  CHOPIN.  —  Op.  10.  Deux  études. 

4.  CZERNY.  —  Op.  754.  Tarentelle. 

5.  DŒHLER.  —  Op.  42.  Deux  études. 

6.  FAVARGER.  —  Op.  42.  Caliban,  grande  valse. 

7.  GORIA.  —  Op.  41.  Grande  mazurka. 

8.  HELLER  (Stéphcn).  —  Op.  56.  Sérénade. 

9.  HENSELT.  Poëme  d'amour. 

10.  HERZ  (H.).  —  Op.  143.  Mazurka. 

11.  JAELL.  —  Le  Carillon,  mcrceau  élégant. 

12.  LaCOMBE.  —Op.  54.  Marche  turque. 

13.  LESCHETIZKY.  —  Chant  du  Eoir,  idylle. 

14.  LITOLFF.  —  Chanson  du  rouet. 

15.  LISZT.  —  Dpuxième  marche  hongroise. 

16.  MENDELSSOHN.  —  Presto  scherzando. 

17.  MOSCHELÊS.  —  Op.  95.  Trois  études. 

18.  PRUDENT.  —  Op.  33.  Farandole. 

19.  THALBERG.  —  Op.  35.  Le  Trémolo. 

20.  VOSS.  —Op.  161.  Ecume  de  Champagne. 

2" 
Un  recueil  contenant  six  Morceaux  de  Chant  : 

MÉLODIES    ET    CHANSONS 

IRLANDAISES,  ÉCOSSAISES,   ESPAGNOLES  ET  HAVANAISES 
Avec  paroles  françaises. 

Ces  morceaux,  d'une  grande  originalité  et  entièrement  inconnus  en 
France,  sont  chantés  avec  un  grand  succès  dans  ses  concerts  par  Mlle 
CARIiOTXA    PATÏI 


Nous  tiendrons  ces  Primes  à  la  disposition  des  Abonnés  anciens  et 
nouveaux  à  partir  du  10  décembre  1863. 


SOMMAIRE.  —  Le  Trésor  des  Pianistes,  par  Fétis  p6re.  —  Martini  (1"  article), 
par  Arthur  Pougin .  -  L'Amérique  telle  qu'elle  est,  par  Oscar  Comet- 
tant.  —  Nouvelles  et  annonces. 


LE  TRESOR  DES  PIÂHISTES. 

k"  et  5"  Livraisons. 

M.  Farrenc  poursuit  son  entreprise  colossale  avec  un  dévouement, 
un  courage  qui,  pour  l'honneur  de  la  génération  actuelle,  il  faut 
l'espérer ,  trouvera  l'appui  nécessaire  parmi  les  artistes  et  les  ama- 
teurs qui  jouent  du  piano,  et  certes  le  nombre  en  est  grand.  Les 
souscripteurs  mêmes  du  Trésor  des  jnanistes  ne  peuvent  comprendre 
ce  qu'il  a  fallu  de  savoir,  de  temps  et  d'argent,  pour  réunir  les  œu- 
vres les  plus  remarquables  de  toutes  les  époqyes  et  de  toutes  les 
écoles,  comparer  les  éditions,  discerner  les  bonnes  leçons,  corriger 
les  altérations  produites  par  l'ignorance  et  l'incurie,  conserver  et 
faire  connaître  les  traditions  propres  à  chaque  genre,  accompagner 
ces  œuvres  intéressantes  de  notices  historiques  et  critiques  sur  cha- 
que auteur,  et  présenter,  enQn,  dans  l'ensemble  de  la  plus  belle  col- 
lection qui  ait  été  faite,  la  vérilable  histoire  d'une  partie  de  l'art; 
car  l'histoire  d'un  art  ne  peut  être  mieux  faite  que  par  la  reproduc- 
tion exacte  de  ses  monuments. 

La  quatrième  livraison  du  Trésor  des  pianistes  renferme  douze 
sonates  de  Charles-Philippe-Emmanuel  Bach,  et  toutes  les  pièces  de 
clavecin  de  Haendel,  divisées  en  trois  livres,  suivies  de  six  fugues. 
Jamais  l'œtivre  complète,  pour  le  clavecin,  de  ce  grand  musicien^ 
n'avait  été  pt'.bliée  en  France 

J'ai  déjà  beaucoup  parlé  des  sonates  de  Charles-Philippe-Emmanuel 
Bach,  dans  mes  analyses  des  livraisons  du  Trésor  des  Pianistes.  Il 
semblerait  que  j'ai  épuisé,  pour  cet  artiste,  toutes  les  formes  de 
l'éloge  ■  cependant,  le  génie  mélancolique  et  passionné  de  ce  maître 
a  tant  de  charme  pour  moi,  que  je  me  sens  entraîné  à  en  parler 
encore,  pour  recommander  aux  artistes  la  deuxième  sonate  (  en  fa 
mineur  )  du  premier  recueil,  dont  le  premier  allejro  et  Vandanfe 
sont  aussi  remarquables  par  le  sentiment  et  l'inspiration  que  par  les 
formes:  la  cinquième  sonate  (en  si  mineur),  très-courte,  mais  pleine 
d'énergie  et  de  brio  dans  le  premier  morceau,  de  noblesse  et  de 
charme  dans  Y  adagio;  la  troisième  sonate  (en  la)  du  deuxième  re- 
cueil, brillante,  élégante  et  coquette  dans  le  premier  allegro,   noble 


386 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


et  pathétique  dans  Vadagio,  pleine  de  verve  et  de  fougue  dans  le 
dernier  morceau  ;  la  cinquième  sonate  (en  sol),  d'un  caractère  large, 
noble  et  passionné  dans  le  premier  morceau,  pleine  de  fantaisie  sen- 
timentale dans  Vandante,  animée,  véhémente  et  nouvelle  par  la  pensée 
comme  par  la  forme  dans  le  dernier  allegro  di  molto.  La  cinquième 
sonate  de  ce  recueil  est  aussi,  dans  toutes  ses  parties,  une  des  plus 
heureuses  productions  du  talent  de  Bach  ;  il  en  est  de  même  de  la 
sixième  (en  fa  mineur),  passionnée,  véhémente,  originale  dans  le 
premier  morceau,  grandiose  dans  Vandante,  naïve  mais  noble  dans 
le  7-ondo  andanlino.  0  jeunes  compositeurs ,  lisez  avec  attention  ces 
chefs-d'œuvre,  jouez-les  avec  la  perfection  d'exécution  qu'ils  exi- 
gent, et  voyez  par  quels  moyens  simples  le  génie  parvient  à  la  pro- 
duction du  beau. 

Une  très-bonne,  très-exacte  et  très-substantielle  notice  biographi- 
que de  Hœndel,  par  M.  Farrenc,  précède  les  Suites  de  clavecin  de 
ce  grand  homme.  Peut-être  pourrait-on  objecter  qu'elle  est  un  peu 
trop  développée  et  chargée  de  détails  pour  la  place  qu'elle  occupe  ; 
mais  dans  ce  cas,  abondance  de  richesse  ne  nuit  pas.  C'est  vraiment 
une  source  inépuisable  de  beautés  que  ces  recueils  de  pièces,  où 
l'illustre  auteur  n'est  pas  sorti,  à  la  vérité,  du  cadre  ordinaire  des 
Suites,  dont  il  avait  trouvé,  dès  son  enfance,  les  formes  dessinées 
dans  les  ouvrages  de  ses  prédécesseurs.  On  sait  que  ces  Suites  de 
l'ancienne  école  de  clavecin  étaient  composées,  tantôt  d'une  alle- 
mande, une  courante,  une  sarabande,  une  gigue,  auxquelles  s'ajouta 
un  peu  plus  tard  un  menuet  ou  une  gavotte;  tantôt  d'un  prélude, 
un  adagio,  un  allegro,  un  thème  varié,  ou  une  fugue.  Dans  ses  trois 
livres,  Haendel  a  réuni  toutes  ces  formes  et  y  a  jeté  à  pleines  mains 
les  trésors  de  sa  personnalité,  de  sa  puissante  harmonie,  de  ses  mo- 
dulations inattendues,  et  quelquefois  de  suaves  mélodies,  dont  quel- 
ques-unes sont  célèbres.  Qui  ne  connaît  le  délicieux  air  en  mi 
majeur  et  ses  cinq  variations?  Qui,  jamais,  s'est  lassé  d'entendre  cette 
cantilène  céleste  et  ses  harmonies  d'un  goût  si  fin  7 

Le  premier  livre  des  Suites  de  Haendel  est  particulièrement  re- 
marquable par  la  variété  des  inventions,  ainsi  que  par  la  perfection 
des  formes. 

C'est  dans  cette  partie  que  se  trouvent  la  brillante  gigue  en  la, 
connue  autrefois  de  tous  les  bons  pianistes,  et  que  j'ai  entendu  jouer 
d'une  manière  admirable  par  Clementi;  toute  la  suite  en  mi  majeur 
qui  contient  l'air  en  variations  dont  je  viens  de  parler,  la  septième 
suite  en  sol  mineur,  production  parfaite  d'un  bout  à  l'autre,  et  la 
huitième  en  fa  mineur,  non  moins  remarquable  ;  c'est  enlin  dans  ce 
premier  livre  que  se  trouvent  les  excellentes  fugues  en  fa,  en  ré 
mineur,  en  si  mineur,  en  fa  dièse  mineur,  et  en  fa  mineur,  qui  ont 
été  plusieurs  fois  publiées  en  France ,  en  Allemagne  et  en  Suisse, 
mais  séparées  des  Suites  auxquelles  elles  appartiennent.  Si  l'on  vou- 
lait parler  de  tout  ce  qu'il  y  a  de  beau  et  de  charmant  dans  ce 
premier  livre ,  il  faudrait  tout  citer  ;  à  l'exception  de  quelques  pré- 
ludes dans  lesquels  Hœndel  n'a  pas  atteint  à  la  hauteur  de  Jean- 
Sébastien  Bach. 

Le  second  livre  des  pièces  de  clavecin  de  Hœndel  n'a  ni  l'impor- 
tance ni  l'intérêt  du  premier;  la  grande  gigue  en  sol  mineur  et  la  ga- 
votte en  sol  majeur  sont  ce  qui  s'y  trouve  de  plus  distingué.  A  l'égard 
de  sa  chacune  avec  soixante-deux  variations,  leur  mérite  se  borne  à 
peu  près  à  celui  des  exercices  de  clavecin  et  de  piano.  Les  formes  de 
ces  variations  rappellent  celles  de  Corelli,  intitulées  FoVia  (Folies 
d'Espagne);  elles  sont  peu  dignes  du  talent  de  Haanclel.  Il  y  a  loin  de 
ces  productions  quelque  peu  vulgaires,  à  l'air  avec  trente  variations, 
de  Jean-Sébastien  Bach,  gigantesque  conception,  dont  la  réalisation 
est  un  miracle  d'intelligence  et  de  talent. 

Le  troisième  livre  des  Suites  ne  paraît  pas  un  ouvrage  complet  : 
les  deux  premières  suites  ont  leurs  allemandes,  leurs  courantes,  leurs 
sarabandes  et  leurs  gigues;  mais  de  la  troisième,  il  n'y  qu'un  caprice; 
de  la  quatrième,  qu'une  fantaisie;  de  la  cinquième,  qu'une  chanson; 


de  la  sixième,  qu'un  prélude,  ainsi  que  de  la  septième.  Ce  livre  n'a 
été  publié  que  longtemps  après  la  mort  de  Hœndel,  dans  la  collec- 
tion de  ses  œuvres  ,  donnée  par  Arnold.  Les  six  fugues  placées  par 
M.  Fareuc  à  la  suite  de  ce  troisième  livre  étaient  peut-être  destinées 
par  l'auteur  à  en  faire  partie  Elles  sont  fort  belles  et  font  reconnaî- 
tre l'artiste  dans  la  plénitude  de  son  talei.t  ;  néanmoins  leurs  sujets 
sont  moins  heureux  que  ceux  des  fugues  du  premier  livre  des  Suites. 

Il  entre  dans  le  plan  de  M.  Farrenc  de  faire  connaître  aux  artis- 
tes, ainsi  qu'aux  amateurs  d'élite,  les  œuvres  les  plus  belles  des  cla- 
vecinistes et  des  pianistes  de  toutes  les  époques,  mais  de  toutes  les 
écoles.  Ce  plan  est  vaste,  mais  il  devait  être  ainsi  pour  justifier  le 
titre  de  la  collection,  et  pour  être,  dans  toute  l'acception  du  mot,  le 
véritable  Trésor  des  pianistes.  Quel  est  celui  d'entre  eux  (et  je  parle 
des  plus  instruits),  dont  l'érudition  aille  au-delà  de  Rameau,  tout  an 
plus  jusqu'à  Couperin?  Eh  bien ,  en  leur  donnant  les  deux  livres  de 
pièces  de  clavecin  de  Chambonnières,  virtuose  du  temps  de  Louis  XIII 
et  de  Louis  XIV,  M.  Farrenc  les  ramène  à  un  siècle  avant  Rameau 
dans  la  cinquième  livraison  du  Trésor  ;  en  leur  faisant  connaître  des 
pièces  de  William  Byrd ,  d'Orlando  Gibbons  et  de  John  Bull,  tirées 
du  célèbre  Virginal  Book ,  et  de  la  Parthenia,  il  initiera  dans  la 
sixième  livraison  au  style  de  l'ancienne  musique  instrumentale  de  l'An- 
gleterre, dont  la  plupart  des  exécutants  sur  le  piano  ne  supposent  pas 
la  possibilité  d'existence.  ÎS'y  eût-il  dans  tout  cela  que  l'intérêt  de  cu- 
riosité, il  mériterait  d'être  satisfait ,  car  l'histoire  monumentale  de 
l'art  ne  peut  être  étudiée  sans  élever  aussitôt  la  pensée  vers  l'immor- 
talité de  son  domaine ,  et  sans  faire  comprendre  l'inépuisable  variété 
de  ses  transformations. 

Mais  ce  n'est  pas  seulement  la  curiosité  qui  est  satisfaite  dans  les 
pièces  de  ces  vieux  maîtres:  dans  leurs  inspirations,  ils  avaient  une 
qualité  qui  va  s'affaiblissant  en  raison  des  développements  progressifs 
de  la  forme  :  je  veux  parler  de  la  naïveté  de  la  pensée,  qui  n'est  plus 
guère  connue  que  de  nom.  Le  claveciniste,  quelque  peu  gentilhomme, 
Champion  de  Chambonnières,  a  des  choses  cnarraantes  en  ce  genre. 
Ses  pièces  de  clavecin  sont  aussi  des  Suites,  mais  dont  l'ordre  des 
morceaux  n'est  pas  exactement  le  même  que  celui  qu'on  remarque 
dans  les  suites  des  clavecinistes  allemands.  Chez  lui  cet  ordre  est 
toujours  interverti:  ainsi,  il  a  toujours  plusieurs  cowrara^M  qui  se  sui- 
vent après  l'allemande,  et,  après  la  sarabande,  met  une  gaillarde 
au  lieu  delà  gigue  ;  ce  qui  ne  se  voit  ni  dans  les  Suites  de  J.-S.  Bach, 
ni  dans  celles  de  Hsendel,  ni  chez  aucun  des  maîtres  allemands.  Quel- 
quefois il  a  plusieurs  gigues  consécutives,  et  'quelquefois  la  pavane, 
dont  le  goût  espagnol,  régnant  à  la  cour  ,  entretenait  l'usage  dans  la 
danse.  Chambonnières  a  aussi  dans  ses  Suites,  de  petites  pièces  aux- 
quelles il  donne  des  noms  de  fantaisie,  tels  que  les  Barricades,  la 
Toute-Belle  ,  la  Villageoise,  etc.  Cet  usage  s'est  perpétué  chez  tous 
les  clavecinistes  français  jusqu'après  Rameau. 

L'usage  immodéré  qui  s'était  fait  dans  le  xvi=  siècle  d'ornements 
de  tout  genre  par  les  organistes  et  les  joueurs  d'épinette,  s'était  fort 
affaibli  en  Allemagne  dans  la  première  moitié  du  xvii"  et  avait  fini 
par  disparaître,  tandis  qu'il  se  conserva  en  France  jusqu'après  le 
milieu  du  xvni''  siècle.  Chambonnières  fut  à  cet  égard  le  modèle  de 
tous  les  clavecinistes  français.  Il  prodigue  quelquefois  ces  ornements 
jusqu'à  l'excès  ;  mais  sous  cette  multitude  de  cadences  (trilles),  de 
pinces,  de  ports  de  voix  et  de  coulés,  on  trouve  des  mélodies  gra- 
cieuses, élégantes,  naïves,  qu'accompagne  une  harmonie  serrée  qui 
rachète  les  duretés  de  quelques  rencontres  de  notes  par  des 
mouvements  bien  dessinés.  On  comprend  son  goût  pour  la 
multiplicité  des  courantes  par  la  variété  qu'il  sait  y  mettre.  Dans 
de  petits  cadres  tels  que  ceux  des  compositions  de  Chambonnières, 
c'est  un  mérite  considérable  que  celte  variété  de  caractère  iijjjjjpiée 
à  des  pièces  de  même  genre.  Ce  mérite  appartient,  sans  aucun  doute, 
i  ces  légères  productions  du  claveciniste  de  Louis  Xlll  et  de 
Louis  XIV. 


DE  PARIS. 


387 


On  fe  tromperait  lourdement  si  l'on  se  persuadait  que  cette  mu- 
sique d'épinette  était  facile  à  jouer.  Pour  s'en  tirer  avec  Iionneur, 
le  talent  de  nos  plus  habiles  ne  serait  pas  de  trop,  car  tout  y  est 
en  style  lié  dans  toutes  les  parties,  et  la  multitude  d'ornements  qui 
s'y  trouvent  répandus  dans  les  deux  mains  exige  beaucoup  d'égalité, 
d'indépendance  et  d'aptitude  des  doigts. 

Chambonnières  fut  l'idole  des  salons  et  des  boudoirs  dans  les  beaux 
temps  de  la  cour  de  celui  qu'on  appelait  le  grand  roi.  Il  eut  des 
admirateurs  enthousiastes,  non-seulement  pour  le  fini  de  son  exécu- 
tion, mais  pour  le  charme  de  sa  musique.  Dominé  que  l'on  est  par 
l'empire  de  la  mode,  on  sera  tenté  peut-être  de  rire  de  cet  enthou- 
siasme pour  de  petites  choses,  telles  que  les  pièces  de  cet  artisie; 
mais,  outre  que  le  charme  et  la  grâce  ne  se  trouvent  pas  toujours 
dans  les  grandes  dimensions  des  œuvres  d'art,  il  ne  faut  pas  oublier 
que  l'artiste  capable  d'émouvoir  ses  contemporains  pendant  plus  de 
quarante  ans  fut  nécessairement  un  homme  d'élite. 

Après  les  pièces  de  Chambonnières  vient,  dans  la  cinquième  livrai- 
son du  Trésor  des  pianistes,  la  continuation  des  pièces  de  Dominique 
Scarlatti,  dont  M.  Farrenc  a  commencé  la  publication  dans  la 
deuxième  livraison  de  sa  collection,  depuis  le  n°  1  jusques  et  inclu- 
sivement le  n"  26.  Ici  l'on  trouve  la  suite  depuis  le  n"  27  jusqu'à 
49.  Je  l'ai  déjà  dit,  et  je  crois  devoir  le  répéter  ici  :  les  pièces  de 
Dominique  Scarlatti  sont  l'œuvre  d'un  génie  original,  qui  rompt  avec 
les  traditions  de  son  temps  par  des  idées  et  des  formes  nouvelles. 
Tout  est  audacieux  chez  cet  homme;  tout  part  d'une  inspiration 
spontanée,  et  la  variété  est  un  de  ses  mérites  les  plus  éminents.  Je 
ne  saurais  choisir  parmi  les  pièces  de  ce  volume  :  c'est  comme  un 
panier  de  cerises  dont  on  choisit  les  premières,  puis  elles  y  passent 
toutes.  Après  avoir  joué  une  pièce  de  Scarlatti,  on  essaye  la  suivante, 
puis  on  veut  connaître  la  troisième,  et  l'on  va  ainsi  jusqu'au  bout  du 
volume. 

Ne  croyez  pas  que  M.  Farrenc  soit  un  fanatique  du  passé,  à  cause 
de  ses  richesses  d'art,  comme  il  y  a  des  fanatiques  du  présent,  non- 
obstant ses  misères.  Le  beau,  pour  lui,  est  le  beau  de  tous  les  temps, 
sous  quelque  face  qu'il  se  présente.  Après  avoir  fait  avec  délices  le 
rôle  d'antiquaire  pendant  une  certaine  période,  il  sait  aussi  se  plon- 
ger avec  délices  dans  les  belles  œuvres  des  temps  modernes.  Il  nous 
en  fournit  une  preuve  en  mettant  dans  sa  cinquième  livraison  du 
Trésor  des  pianistes,  après  les  pièces  de  Scarlatti,  de  belles  sonates 
de  Beethoven,  qui  forment  le.s  œuvres  2,  7  et  10.  Ici,  mon  rôle  de 
critique  devient  inutile,  car  quel  est  le  pianiste  qui  ne  connaisse  le 
poète  du  piano  et  le  symphoniste  du  clavier?  A  quoi  servirait  d'ana- 
lyser des  beautés  que  tout  le  monde  sent  et  connaît,  et  que  chacun 
admire  et  qui  sont  devenues  populaires?  C'est  pour  l'inconnu,  lorsqu'il 
est  beau,  que  ma  voix  a  besoin  de  retentissement.  Cette  voix,  je  la 
ferai  vibrer  tant  que  le  souffle  me  restera  pour  gloriûer  l'art  dans 
toutes  ses  belles  déterminations,  et  pour  encourager  ceux  qui,  comme 
M.  Farrenc,  se  dévouent  à  son  culte,  et  ne  reculent  devant  aucun 
sacrifice  pour  en  propager  le  goût  et  pour  donner  la  foi  à  l'incrédule. 

FÉTIS  père. 


MARTINI. 

(Premier  article.) 
I. 

Par  une  belle  journée  de  l'année  1760,  un  jeune  homme  à  peine 
âgé  de  dix-neuf  ans,  à  la  mine  agréable,  à  l'extérieur  distingué,  et 
portant  le  costume  ordinaire  des  étudiants  allemands,  suivait  allègre- 
ment et  de  son  pied  léger  la  roule  qui  conduit  de  la  petite  ville  de 
Freistadt,  située  dans  le  haut  Palatinat,  à  celle  de  Fribourg  en  Bris- 
gau.  Insoucieux  du  présent,  comme  on  l'est  d'ordinaire  à  cet  âge, 


mais  déjà  songeant  à  l'avenir  qu'il  entrevoyait  à  travers  les  nuages 
dorés  de  l'espérance,  il  avançait  en  fredonnant,  ne  prêtant  qu'une 
médiocre  attention  aux  beautés  du  paysage  qui  l'environnait  et  s'oc- 
cupant  de  tout  autre  chose  que  du  cheiiiin  qu'il  parcourait.  11  avait 
lâché  la  bride  à  son  imagination,  et,  tandis  qu'il  cheminait,  les  pen- 
sées lui  trottaient  en  tête,  nombreuses  et  variées,  l'une  chassant  l'au- 
tre, mais  toutes  cependant  se  rapportant  à  un  seul  objet,  la  recherche 
de  la  gloire  et  de  la  fortune,  tendant  à  un  seul  but,  la  découverte  des 
moyens  propres  à  les  conquérir. 

Dispos  de  corps,  léger  d'argent  et  ne  possédant  pour  toute  richesse 
que  les  vêtements  qui  couvraient  sa  personne  ,  le  jeune  voyageur 
approchait  de  Fribourg  ;;ans  savoir  ce  qu'il  y  allait  faire,  ni  même 
s'il  y  demeurerait.  En  vain  il  se  creusait  là  tète  et  s'interrogeait  sur 
la  résolution  à  laquelle  il  conviendrait  qu'il  s'arrêtât  :  ses  réflexions 
le  laissaient  indécis,  flottant  entre  mille  projets  divers,  aussitôt 
abandonnés  que  conçus.  Déjà  il  avait  dépassé  les  premières  maisons, 
déjà  il  avait  franchi  les  faubourgs  et  entrait  dans  la  ville,  et  pour- 
tant son  parti  n'était  pas  pris  encore,  et  il  ne  savait  à  quoi  se  résou- 
dre ni  de  quel  côté  porter  définitivement  ses  pas,  lorsqu'une  idée 
singulière  —  véritable  inspiration  d'écervelé  —  lui  traversa  subite- 
ment l'esprit.  Il  pénètre  dans  une  église,  franchit  lestement  les  degrés 
qui  conduisent  au  clocher,  et  là,  se  conûant  au  hasard,  il  lance  une 
plume  dans  les  airs  en  se  promettant  intérieurement  d'adopter  la  direc- 
tion que  le  vent  lui  imprimerait.  Celui-ci  ayant  porté  la  plume  du 
côté  de  la  porte  de  France,  l'étudiant  sort  aussitôt  de  l'église  et  s'a- 
chemine vers  le  lieu  indiqué;  puis,  quittant  sans  regrets  la  ville  où 
il  venait  à  peine  d'entrer,  il  reprend  incontinent  sa  route  et  se  dirige 
hardiment  sur  Nancy  sans  savoir  un  mot  de  français. 

On  conviendra  qu'il  y  avait  au  moins  de  l'étourderie  de  la  part 
d'un  jeune  homme  à  s'aventurer  ainsi,  dénué  de  toute  ressource  et 
ne  possédant  pas  en  poche  une  pistole,  dans  une  ville  où  il  ne  con- 
naissait personne,  où  il  n'aurait  môme  pas  la  faculté  de  se  faire  com- 
prendre. Mais  notre  jeune  fou  se  répétait  sans  doute  avec  complai- 
sance le  vieil  axiome  classique  :  Audaces  fortuna  juvat! 

Pour  que  le  lecteur  fasse  plus  ample  connaissance  avec  le  héros 
de  celte  aventure,  il  faut  dire  que  celui-ci  s'appelait  Jean-Paul-Egide 
Schwartzendorf,  était  né  à  Freistadt  le  1"  septembre  17il,  et  avait, 
dès  l'âge  le  plus  tendre,  pris  place  parmi  les  élèves  d'un  excellent 
établissement  dans  lequel,  outre  sa  langue  maternelle,  on  l'avait  fa- 
miliarisé de  bonne  heure  avec  les  premiers  éléments  du  latin  et  de 
la  musique.  Il  travaillait  assidûment,  et  ses  progrès  dans  l'art  musi- 
cal furent  si  rapides  que,  sa  dixième  année  étant  à  peine  expirée,  il 
put  être  employé  comme  organiste  au  séminaire  de  Neubourg,  sur 
le  Danube,  dirigé  alors  par  les  jésuites,  et  dans  lequel  sa  famille  l'a- 
vait envoyé  pour  achever  une  éducation  heureusement  commencée. 
Ceux  qui  savent  combien  à  cette  époque  les  établissements  religieux 
de  l'Allemagne  étaient  riches  en  musiciens  consommés,  organistes  ou 
théoriciens,  se  rendront  facilement  compte  du  degré  d'aptitudes  parti- 
cuhères  que  le  jeune  écolier  avait  dû  montrer  pour  se  faire  confier  un 
poste  aussi  important.  Après  plusieurs  années  passées  à  Neubourg,  il 
se  rendit,  en  1758,  à  l'université  de  Fribourg,  où  il  devait  suivre  un 
cours  de  philosophie,  et  remplit  aussi  dans  cette  ville  les  fonctions 
d'organiste  au  couvent  des  Franciscains. 

Après  avoir  complètement  terminé  ses  études,  il  songea  à  retour- 
ner dans  sa  ville  natale,  où  il  comptait  s'établir  et  se  fixer  pour  tou- 
jours. Par  malheur,  son  père,  veuf  depuis  plusieurs  années,  s'était  re- 
marié pendant  son  absence,  et  à  son  retour  le  jeune  Egide  s'aperçut 
bientôt  que  jamais  il  ne  pourrait  s'accorder  avec  sa  belle-mère.  En 
butte  à  des  tracasseries  continuelles  de  la  part  de  celle-ci,  qui  sem- 
blait prendre  plaisir  à  le  tourmenter  sans  relâche,  il  prit  un  jour  la 
résolution  formelle  de  quitter,  pour  n'y  jamiis  revenir,  la  maison 
paternelle.  Où  irait  il,  que  ferait-il?  Cela  lui  importait  peu.  Le  prin- 


38â 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


cipal  était,  avant  tout,  d'échapper  à  des  ennuis  sans  nombre,  à  une 
situation  intolérable.  Son  projet,  une  fois  arrêté,  fut  bientôt  mis  à 
exécution.  11  se  sépara  des  siens,  quitta  sa  ville  natale  et  retourna 
d'abord  à  Fribourg,  d'oîi  il  s'achemina  vers  la  capitale  de  la  Lor- 
raine. Mais  il  y  a  loin  de  Fribourg  à  Nancy,  et  quand  l'escarcelle  est 
vide,  la  distance  semble  s'accroître  encore  pour  le  voyageur.  Celui- 
ci  était  heureusement  d'un  caractère  à  ne  se  point  rebuter  pour  si 
peu;  marchant  tout  le  jour,  il  s'arrêtait  chaque  soir  à  l'un  des  nom- 
breux couvents  échelonnés  sur  la  route,  et  dans  lesquels  il  trouvait 
toujours,  grâce  à  son  costume  d'étudiant,  bon  accueil,  repas  substan- 
tiel et  gîte  confortable.  Après  plusieurs  journées  de  marche ,  il  ar- 
riva de  la  sorte  à  Nancy,  où   de  graves  embarras  l'attendaient. 

Ne  pouvant  donner  la  preuve  de  son  intelligence,  ne  trou- 
vant pas  davantage  à  utiliser  ses  talents,  il  tomba  bien'.ôt  dans  le 
plus  complet  dénûment.  Seul,  sans  appui,  presque  sans  pain,  il  se 
demandait  avec  terreur  ce  qu'il  allait  devenir  dans  cette  ville  où  tout 
lui  était  étranger,  tout,  jusqu'au  langage  de  ses  habitants.  Son  cou- 
rage était  à  bout  et  il  laissait  le  désespoir  s'emparer  de  son  âme, 
lorsque  le  hasard  ou  sa  bonne  étoile  vint  le  tirer  d'une  aussi  triste 
position. 

11  errait  un  matin  par  la  ville,  triste  et  désolé,  en  proie  à  de  som- 
bres pensées  ;  sa  démarche  était  lente,  son  corps  affaibli,  ses  traits 
fatigués  par  la  souffrance  et  les  privations,  et  sans  doute  aucun  de 
ceux  qui  l'avaient  vu  jadis  n'eût  consenti  à  reconnaître  en  lui  le 
brillant  et  fougueux  écolier  d'autrefois.  11  marchait  depuis  longtemps 
déjà,  sans  savoir  où  il  était,  la  tète  penchée  vers  la  terre  et  parais- 
sant n'avoir  plus  conscience  de  lui-même,  tant  il  était  absorbé  dans 
ses  méditations!  Tandis  qu'il  avançait  ainsi,  un  passant  le  heurte 
rudement,  et  ce  choc,  en  lui  causant  une  douleur  assez  vive,  le  rend 
à  la  vie  réelle.  Il  regarde  alors  autour  de  lui,  et  se  trouve  au  milieu 
d'une  rue  dans  laquelle  il  n'avait  point  encore  passé  depuis  son  ar- 
rivée à  Nancy.  Ses  yeux  se  portent  machinalement  sur  un  magasin 
de  musique,  et  là,  qu'aperçoit-il?  des  ouvriers  occupés  à  ajuster 
différentes  pièces  d'un  orgue  en  construction.  Comme  il  avait  quel- 
ques connaissances  de  la  facture,  un  tel  spectacle  était  fait  pour 
l'intéresser;  il  s'arrête  devant  le  magasin  et  considère  attentivement 
le  travail  des  ouvriers,  ce  qui  l'amène  bientôt  à  découvrir  une  er- 
reur d'une  très-grande  importance.  Il  entre  alors,  pensant  rendre  un 
service  au  maître  de  la  maison,  et,  ne  pouvant  se  faire  entendre 
autrement,  il  parvient,  à  l'aide  de  signes  et  de  démonstrations,  à 
faire  comprendre  le  défaut  qu'il  avait  découvert  dans  la  construc- 
tion de  l'instrument. 

Le  facteur,  frappé  de  l'intelligence  du  jeune  homme  et  de  la  jus- 
tesse de  son  observation,  voulant  être  complètement  éclairé,  fait 
alors  appeler  un  ouvrier  allemand  avec  lequel  celui-ci  put  s'e.xplî- 
quer  facilement.  Ce  facteur,  qui  s'appelait  Dupont,  était  un  homme 
bon,  charitable  et  hospitalier.  La  démonstration  faite,  considérant  le 
triste  état  dans  lequel  semble  se  trouver  celui  qui  est  venu  si  spon- 
tanément à-  son  aide,  il  s'cnquiert  avec  bienveillance  de  sa  position; 
puis,  sur  les  réponses  qui  lui  sont  transmises,  il  propose  au  pauvre 
enfant  de  rester  chez  lui,  où  il  sera  traité  comme  s'il  était  de  la  fa- 
mille, et  où  il  pourra,  dit-il,  se  rendre  fort  utile  par  ses  connaissan- 
ces dans  la  fabrication  des  orgues.  Lgide,  on  le  pense  bien,  accepta 
avec  autant  de  joie  que  de  reconnaissance,  et  le  vieux  Tupont  l'ar- 
racha ainsi  à  la  misère  et  au  désespoir. 

Arthur  POUGIN. 

{Tji  suite  prochainement.) 


l'AIIÉRlQDE  TELLE  QU'ELLE  EST. 

Par   OSCAR    COSIETTAKIT. 

Quand  nous  ouvrons  un  livre  de  voyage  consacré  à  la  descrip  tion 
des  lois,  des  mœurs,  des  habitudes  d'un  pays  lointain ,  nous  sautons 
aussitôt,  et  beaucoup  de  nos  lecteurs  feraient  de  même,  sur  le  cha- 
pitre des  théâtres,  de  la  musique  des  artistes.  C'est  ainsi  que  nous 
avons  procédé  avec  le  nouvel  ouvrage  de  M.  Oscar  Comettant,  l'infa- 
tigable et  spirituel  cicérone  du  monde  américain,  qu'il  a  étudié  à 
notre  bénéfice,  et  dans  lequel  il  nous  conduit  comme  par  la  main. 
Nous  ne  transcrirons  aujourd'hui  que  quelques  lignes  de  l' Amérique 
(elle  qu'elle  est,  et  nous  les  emprunterons  au  chapitre  qui  intéresse 
le  plus  notre  spécialité.  Le  talent  de  notre  excellent  confrère  jouit 
d'une  notoriété  trop  grande  pour  que  nous  ayons  besoin  de  multi- 
plier les  preuves  à  l'appui. 

«  Des  hôtels  nous  passâmes  aux  théâtres,  en  commençant  par  le 
ISew-Boicery  th'.aire,  qui  est  un  des  plus  beaux  d'Amérique.  11  peut 
recevoir  six  miile  personnes  et  n'a  pas  coûté  moins  de  400,000  fr. 
à  faire  bâtir. 

»  Le  Wallak's  théâtre  est  un  petit  théâtre  renommé  par  le  talent 
de  sps  acteurs.  On  y  joue  tous  les  genres,  comme  c'est  assez  l'usage 
dans  les  théâtres  américains ,  mais  principalement  la  comédie  et  le 
drame. 

1)  Le  théâtre  de  Laura  Keen  est  un  théâtre  hanté  par  le  monde 
élégant.  Il  a  été  fondé  par  la  célèbre  actrice  de  ce  nom. 

»  Le  ISiblo's  Garclen  est  un  beau  théâtre  dans  lequel,  depuis  un 
grand  nombre  d'années,  la  famille  Ravel  représente  ses  pantomimes, 
ses  féeries  et  ses  tours  de  force.  Les  Américains  sont  passionnés 
pour  ce  genre  de  spectacle,  exécuté  par  l'heureuse  famille,  qui 
possède  aujourd'hui  une  fortune  considérable  gagnée  à  la  force  du 
jarret. 

))  Le  Boivery  théâtre  est  le  Cirque  impérial  de  New- York.  On  y 
représente  des  pièces  militaires  à  grand  spectacle.  II  est  arrivé  par 
trois  fois  que  la  bourre  d'un  fusil  a  communiqué  le  feu  à  une  toile, 
qui  a  communiqué  le  feu  au  théâtre,  qui  a  brûlé  tout  entier.  On  l'a 
rebâti  avec  l'argent  des  assurances,  de  manière  qu'il  est  prêt  à  re- 
brûler une  quatrième  fois,  s'il  plaît  h  Dieu. 

»  L'Académie  de  musique,  située  au  coin  d'Irving  place  et  de  la 
quatorzième  rue  (car,  à  partir  d'un  certain  endroit  de  la  ville,  les 
rues  se  désignent  par  numéros),  est  un  vaste  théâtre,  le  plus  grand 
de  New- York,  exclusivement  affecté  à  l'exécution  des  grands  opéras. 
11  occupe  un  espace  de  24,000  pieds  carrés,  IJl  pieds  de  long  sur 
114  de  large.  La  salle,  très-riche  en  ornements  et  en  peintures,  con- 
tient quatre  mille  stalles  numérotées.  Ce  théâtre  et  le  terrain  sur  le- 
quel il  est  bâti  ont  coûté  aux  actionnaires  1,750,000  francs. 

))  Le  National  theatra  est  un  assez  grand  théâtre,  où  l'on  joue  gé- 
néralement le  mélodrame. 

))  Vient  ensuite  le  Winter  garden  (jardin  d'hiver).  Le  Barnum's 
muscum,  fondé  en  1810  par  celui  qui  a  su  conquérir,  avec  une  grande 
fortune,  le  beau  titre  de  roi  des  pufflstes.  Puis  enfin  le  musée  égyp- 
tien, qui  renferme  une  collection  d'antiquités,  momies,  etc.,  et  les 
nombreux  petits  théâtres  de  black  minstrels  (noirs  ménestrels),  dont 
les  plus  renommés  sont  les  Chrisly's  minstrels,  la  Compagnie  de 
M.  Wood  et  celle  des  frères  Buckley. 

»  De  tous  les  genres  de  spectacle  que  j'ai  vus  en  Amérique  celui  des 
black  minstrels  l'emporte  do  toute  la  différence  qui  sépare  l'imitation 
de  l'original.  Nous  n'avons  rien  en  France  qui  puisse  donner  une 
idée  des  danses,  de  la  musique,  des  scènes  et  du  langage  imité  des 
nègres  du  Sud  par  les  acteurs  blancs,  qui  se  teignent  en  noir,  et 
forment  le  genre  de  spectacle  vraiment  national  qui  nous  occupe. 
Mais,  pour  bien  comprendre  ce  spectacle  original,  il  faut   connaître 


Dte  PAHlb. 


389 


la  nature,  le  langage,  les  mœurs  et  les  habitudes  des  nègres,  tels 
qu'on  les  observe  dans  les  plantations  de  tous  les  États  à  esclaves, 
et  tels  que  nous  les  avons  observés  nous-même  dans  la  Géorgie, 
comme  on  le  verra  plus  loin. 

»  C'est  à  reproduire  des  scènes  grotesques  et  caractéristiques  que 
s'attachent  les  black  minslrels.  Plusieurs  de  ces  acteurs  possèdent 
un  véritable  talent,  etpoussent  l'imitation  de  la  démarche,  du  langage 
et  des  manières,  des  mœurs,  jusqu'à  la  plus  complète  illusion.  Ex- 
cellents musiciens  pour  la  plupart,  ils  forment,  avec  des  instruments 
de  fantaisie  et  de  forme  extravagante,  des  concerts  fort  jolis,  ma  foi, 
et  tels  qu'on  n'en  entend  nulle  part  ailleurs  dans  le  monde.  Ils 
dansent  à  ravir  les  danses  nègres,  et  si  vous  voulez  voir  jouer  des 
castagnettes  et  blouser  des  timbales,  avec  des  gestes,  une  expression 
de  visage,  des  pirouettes  et  des  soubresauts  les  plus  étranges  qui  se 
puissent  imaginer,  il  faut  aller  à  New-York,  au  théâtre  des  frères 
Buckley. 

1)  Ces  mêmes  frères  Buckley  font  la  parodie  des  grands  opéras 
d'une  manière  incomparable.  J'ai  ri  à  m'étouffer  en  voyant  un  soir  la 
parodie  de  Lucie  de  Lamennoor.  Le  désespoir  de  Lucie  (un  des  frères 
Buckley  habillé  en  négresse)  et  la  scène  où  Edgard  se  poignarde  avec 
un  sabre  comme  on  n'en  vit  jamais,  sont  le  comble  du  grotesque 
amusant. 

»  Il  n'en  coiite  que  2  shillings  américains  (1  fr.  25  c.)  pour  voir 
le  spectacle  des  minslrels.  Aussi  les  théâtres  qui  offrent  ce  genre 
d'amusements  sont-ils  toujours  remplis  à  New-York. 

»  Au  reste,  les  plaisirs  sont  tous  à  bon  marché  de  l'autre  côté  de 
l'Océan  ;  d'oïi  il  résulte  que  tout  le  monde  pouvant  se  distraire  plus 
ou  moins  en  Amérique,  les  théâtres,  qui  ne  sont  l'objet  d'aucun 
privilège  et  sont  tous  entièrement  libres,  font  généralement  de  bonnes 
affaires.  » 


NOUVELLES. 

-,*^  Au  théâtre  impérial  de  l'Opéra,  les  Huguenots,  la  Muelle  de  Por- 
tic.i,  le  Trouvère  et  Robert  le  Diuble  ont  composé  les  spectacles  de  la  se- 
maine dernière,  et  l'afiluence  a  été  grande  à  chacune  de  ces  représen- 
tations. 

,f*.j,  Une  indisposition  a  empêché  Villaret  de  se  faire  entendre  la 
semaine  dernière,  et  comme  elle  se  prolonge,  Warot  le  remplacera 
dans  le  rôle  d'Aménophis  de  Moise. 

^*i  La  repri.«e  de  liiuise  est  annoncée  pour  la  semaine  prochaine.  La 
mise  en  scène  a  été  l'objet  d'un  soin  tout  particulier.  Toutes  les 
décorations  sont  nouvelles,  les  anciennes  ayant  été  briilées  dans  l'in- 
cendie du  magasin  des  Menus-Plaisirs.  On  parle  du  tableau  final, 
représentant  le  passage  de  la  mer  Rouge,  comme  devant  produire  un 
eÊfet  saisissant,  et  d'un  ballet  fort  original  et  très  brillant,  réglé  par 
M.  Petipa,  l'habile  chorégraplie.  Dans  le  courant  du  mois  de  janvier 
sera  donné  pour  le  début  de  Mlle  Amina  Boschetti,  le  ballet  nouveau 
en  trois  actes  et  cinq  tableaux,  de  M.  de  Saint-Georges,  dont  le  titre 
n'est  pas  encore  arrêté.  La  musique  de  ce  ballet  est  de  M.  P.  Giorza. 
Un  opéra  en  un  acte  de  IIM.  Michel  Carré  et  Cormon,  musique  de 
M.  Ernest  Boulanger,  sera  joué  à  la  même  époque.  Enfin,  on  annonce 
pour  le  mois  de  mars  la  première  représentation  de  Roland  à  Ronce- 
vaux,  le  grand  ouvrage  de  M.  de  Mermet.  Les  deux  principaux  rôles  de 
cet  opéra  sont  confiés  à  M.  et  Mme  Gueymard. 

f*^  L'engagement  de  Faure  finissait  au  mois  d'août  prochain  ;  il 
vient  d'être  renouvelé  pour  trois  ans,  à  partir  de  cette  époque. 

,^*\f  La  Fiancée  du  roi  de  Gurbes  sera  représentée  dans  la  dernière  se- 
maine du  mois. 

j*^  Mardi  aura  lieu  une  représentation  au  bénéfice  de  la  caisse  de 
secours  de  l'association  des  auteurs  dramatiques  et  compositeurs  de 
m.usique,  dont  la  partie  lyrique  se  compose  du  qnati'ième  acte  de  la 
Favorite,  clianté  par  Gueymard,  Canaux,  Mme  Gueymard  et  les  chœurs 
de  l'Opéra  ;  du  troisième  acte  d'Olello,  chanté  par  Duprez  et  Mme  Bor- 
ghi-l^amo,  et  de  Rose  et  Colas. 

,(*»  Le  théâtre  Italien  a  repris  dimanche  dernier  Luerezia  Borgia, 
dont  Fraschini  et  Mme  de  la  Grange  remplissaient  les  deux  principaux 
rôles:  Délie  Sedie  et  Mme  Meric  Lablaohe  étaient  chargés  de  ceux  du 
duc  et  d'OrsJni.  Fraschini,  dans  le  personnage  de  Gennaro,  ne  pouvait 


que  maintenir  sa  supériorité  désormais  si  bien  établie,  mais  la  parti- 
tion de  Donizetti,  l'une  des  meilleures  parmi  ses  œuvres  médiocres, 
ne  prêtait  h  aucune  révélation  nouvelle.  Nous  en  dirons  autant  de  Mme 
de  la  Grange  et  de  Délie  Sodie,  qui  ont  joué  et  chanté  avec  leur  suc- 
cès ordinaire.  Le  costume  masculin  sied  fort  bien  h  Mme  Méric-La- 
blache,  mais  nous  n'approuvons  pas  le  changement  de  registre,  tantôt 
élevé,  tantôt  bas,  qu'elle  introduit  dans  le  Brindisi. 

j,*,^  iVIercredi,  un  début  a  eu  lieu  dans  le  Trovalore  ,  celui  de 
Giraldoni,  baryton  distingué,  qu'une  indisposition  assez  grave  avait  em- 
pêché d'inaugurer  la  saison.  L'indisposition  a  cessé,  mais  la  terreur  a 
piis  sa  place,  et  rarement  en  avons-nous  vu  d'égale  à  celle  qui  domi- 
nait le  débutant.  Si  le  volume  de  la  voix  en  a  souffert,  du  moins  on  en 
a  pu  juger  la  qualité  qui  a  paru  bonne  et  jolie.  Du  reste,  Giraldoni  est 
non-seulement  un  chanteur,  mais  un  acteur,  disant  parfaitement 
le  récitatif,  et  dont  la  tenue,  les  gestes,  le  costume  attestent  l'intelli- 
gence et  en  quelque  sorte  l'origine.  Giraldoni  est  un  artiste  français, 
qui   a  fait  sa  réputation  sur  la  terre  étrangère. 

*',,  Fraschini  doit  retourner  à  Madrid  vers  la  fin  du  mois,  époque  à 
laquelle  Adelina  Patti  est  attendue  à  Paris.  Le  célèbre  ténor  chantera 
avant  son  départ,  outre  les  rôles  dans  lesquels  on  l'a  déjà  applaudi,  dans 
hrnani  et  Un  ballo  in  laaschera.  Mario  viendra  de  Madrid  [lour  lui  succéder. 

,*j  Le  théâtre  Italien  prépare  des  reprises  de  Cenerentola  et  de 
Semiramide. 

^*^  Le  succès  qu'Adelina  Patti  obtient  au  théâtre  de  l'Oriente  à 
Madrid  tient  du  fanatisme.  Après  la  Sonnambula  et  Lucia,  l'éminente 
artiste  a  chanté  lîosina  du  Barbierc.  Llle  a  été  acclamée,  applaudie,  rap- 
pelée et  couverte  de  fleurs.  Jamais  cantatrice  n'avait  obtenu  de  pa- 
reilles ovations  à  Madrid.  Les  ouvrages  dont  elle  doit  chanter  encore 
les  rôles  principaux,  sont  JJon  l'asquulc ,  Alarta  et  la  FigUa  del  reggi- 
mento. 

s,*»  L'inauguration  de  la  nouvelle  salle  des  Bouffes-Parisiens  est  fixée 
au  24  décembre.  On  répète  activement  les  piècesd'ouverture.lll  faut  citer  en 
première  ligne  une  nouvelle  œuvre  d'Offenbacl],  l'Amour  chanteur,  dont 
les  paroles  sont  de  .VIM.  Nuitter  et  Lépine,  et  qui  servira  de  débuts  à 
Mlle  Irma  Marié.  Cette  opérette  se  tornnne  par  une  Pastorak  genre 
Louis  XIV,  avec  les  costumes  copiés  sur  les  types  originaux  de  l'époque. 
Vient  ensuite  une  autre  nouveauté,  dont  Olfenbacli  a  écrit  la  musique 
en  quelques  jours,  à  la  suite  d'un  pari.  C'est  Lieschen  et  Fritzchen,  opé- 
rette à  deux  personnages,  jouée  avec  succès  â  Ems  cet  été.  Mlle  Zulnia 
BouÊfar,  aujourd'hui  pensionnaire  des  Boatfe-,  s'y  faisait  applaudir  dans 
le  rôle  de  Lieschen,  et  aura  pour  partenaire  Désiré.  Le  spectacle  com- 
mencera par  un  Prologue,  fantaisie  poétique  de  circonstance,  due  à  la 
plume  élégante  de  M.  Dhorville. 

3,*^  VÉlectre  de  Sophocle,  traduite  par  Léon  Halévy,  et  qui  fait  partie 
de  son  bel  ouvrage,  la  Grèce  tragique,  est  en  répétition  au  théâtre  de 
rodéon  où  elle  doit  être  bientôt  représentée. 

j*i  Le  Prophète  a  été  représenté  au  théâtre  del  Licco  à  Bar- 
celone, avec  un  succès  non  moins  éclatant  que  l'année  dernière. 
Mmes  Elise  Masson  et  Colson,  dans  les  rôles  de  Fidès  et  de  Berthe,  et 
le  ténor  Negrini,  dans  celui  de  Jean,  ont  produit  le  plus  grand  effet. 
Cresci  et  Brémont,  qui  jouaient  Oberthal  et  Zaccharie,  se  sont  montrés 
également  très-remarquables. 

**„:    L'Adresse  à   l'Empereur  des  compositeurs    de    musique    dont 
nous  avons  parlé  dans  notre  dernier  numéro  est  ainsi  conçue  : 
«  Sire, 

»  La  suppression  des  privilèges  exclusifs  des  théâtres,  due  à  la  plus 
libérale  et  à  la  plus  éclairée  des  initiatives,  ouvre  enfin  une  large  car- 
rière à  l'art  musical  en  France. 

»  Aussi  favorisés  que  les  peintres  et  les  sculpteurs  pour  la  libre  mani- 
festation de  leurs  œuvres,  les  compositeurs  affranchis  désormais  des 
entraves  qui,  sans  cesse  renouvelées,  arrêtaient  tout  essor,  truuveront, 
avec  la  facilité  de  se  produire  devant  le  public,  l'utile  emploi  de  leur 
talent  et  la  plus  féconde  émulation. 

»  Cette  nouvelle,  entièrement  due  à  la  protection  que  Votre  Majesté, 
dans  sa  haute  sagesse,  daigne  accorder  â  l'art  lyrique,  donnera  plus 
d'éclat  encore  à  l'Ecole  française  menacée,  peut-être,  de  perdre  le  rang 
élevé  qu'elle  a  su  conquérir. 

>i  Veuillez  donc  permettre,  Sire,  que  les  compositeurs  de  musique 
soient  les  premiers  â  acclamer  cette  heureuse  décision  et  à  offrir  à 
Votre  Majesté  l'humble  hommage  de  leur  profonde  reconnaissance. 

»  Nous  sommes,  avec  le  plus  profond  respect,  Sire,  de  Votre  Majesté, 
les  très-humbles  et  très-obéissants  serviteurs.  » 

Suivent  les  signatures,  au  nombre  de  plus  de  quatre-vingts,  parmi 
lesquelles  figurent  celles  d'Auber,  Carafa,  Félicien  David,  Gounod, 
Meyerbeer,  Poniatowski,  Rossini,  Ambroise  Thomas,  Vogel.  Probable- 
ment les  illustres  signataires  de  cette  adresse,  y  ont,  comme  il  arrive 
trop  souvent,  apposé  leur  nom,  sans  la  lire.  Autrement  nous  les  trouve- 
rions beaucoup  trop  modestes,  et  nous  aurions  peine  à  nous  expliquer 
l'opinion  qu'ils  expriment  sur  le  danger  qui  menace  l'école  française. 
Toute  la  responsabilité  de  cette  phrase,  qui  est  loin  d'èlre  une  vé- 
rité, doit  être  renvoyée  aux  rédacteurs  do  l'adresse,  qui  avaient  peut- 
être  leurs  raisons  pour  penser  et  parler  ainsi.' 


390 


KKVllE  KT  GAZETTE  MUSICALK 


a,*»  Trois  opéras  et  trois  comédies  ont  été  reçus  par  le  comité  de 
lecture  de  Bade,  pour  la  saison  de  I86i.  MM.  G.  Héquet  et  Laureacin, 
Pascal  et  J.  Barbier,  Mme  de  Grandval  et  M.  Carré  sont  les  auteurs  des 
opéras;  les  comédies  sont  de  MM.  Ernest  Feydeau,  Decourcelles  et  Ver- 
consiu. 

^*^  Le  duc  de  Saxe-Coljourg-Gotha,  auteur  de  Diane  da  Solangoset  de 
Santa-Chiara,  \ient  de  terminer  un  nouvel  opéra  en  trois  actes. 

^*,  Mme  Volplni  a  signé  un  engagement  au  théâtre  impérial  de 
Vienne,  où  elle  chantera  en  avril  et  mai.  Elle  ira  ensuite  à  Londres, 
et  se  fera  entendre  pendant  toute  la  saison  au  théâtre  de  Sa  Majesté. 

„**  M.  Marchand,  nommé  rapporteur  du  projet  de  décret  relatif  à 
la  liberté  des  Iht'âtres,  a  lu  son  rapport  samedi  dernier  à  la  section  de 
l'intérieur,  au  conseil  d'Etat.  Dans  quelques  jours,  le  rapport  sera  lu  à 
toutes  les  sections  du  conseil  réunies,  et  l'on  s'attend  généralement  à 
voir  le  décret  promulgué  avant  la  fin  du  mois. 

^*^  Le  Journal  de  Dresde  annonce  que,  par  ordre  supérieur,  l'inten- 
dance du  théâtre  de  la  cour,  à  Dre.'de,  avait  entamé  des  négociations 
avec  le  compositeur  Fiichard  Wagner,  pour  l'engager  comme  chef  d'or- 
chestre. Les  conditions  posées  par  le  célèbre  musicien  étaient  exorbi- 
tantes :  il  demanda  6.001)  florins  de  pension  viagère  et  un  appartement 
au  château  grand-ducal;  en  outre,  une  loge  au  théâtre  et  un  équipage 
de  la  cour  devaient  être  niis  à  sa  disposition.  Peut-être  aurait-on  fini 
par  accepter,  mais  M.  Wagner  exigea  en  même  temps  que  son  nouvel 
opéra,  Tristan,  fût  représenté  dans  un  bref  délai.  Alors  ses  hauts  pro- 
tecteurs eux-mêmes  reconnurent  qu'il  demandait  l'impossible,  et  les 
négociations  furent  rompues. 

**»  Le  concert  donné  dimanche  deruier  au  Cirque  Napoléon  était  un 
de  ceux  sur  lesquels  tout  commentaire  est  superflu,  parce  que  les  mor- 
ceaux en  sont  connus  et  que  l'exécution  en  est  parfaite.  Le  Rigodon, 
de  Hameau,  a  fait  beaucoup  de  plaisir,  et  l'adagio  du  septuor  de  Beet- 
hoven a  enthousiasmé  l'auditoire. 

^"^  Voici  le  programme  du  septième  concert  populaire  de  musique 
classique,  qui  aura  lieu  aujourd'hui  :  symphonie  en  sol  mineur,  de  Mo- 
zart; concerto  pour  violoncelle,  de  Molique,  adagio  et  final,  exécuté 
par  M.  Piatti;  ouverture  de  Genevièoe,  de  Robert  Schumann;  andante  du 
quatuor  n"  50,  de  ilaydn,  exécuté  par  tous  les  instruments  à  cordes; 
symphonie  en  ut  mineur,  de  Beethoven. 

»*a.  La  Société  nationale  des  beaux-arts  a  donné  depuis  un  mois  trois 
séances  de  musique  de  chambre  organisées  par  M.  Félicien  David  ; 
colle  da  vendredi  dernier  se  composait  du  délicieux  quintette  en  la 
majeur  de  Mozart,  du  soixante- quinzième  quatuor  d'Haydn,  de  Tandante 
et  du  finale  du  premier  concerto  d'Alard,  exécutés  par  M.  Dumas.  Le 
quintette  et  le  quatuor  ont  été  rendus  d'nne  façon  très-remarquable, 
mais  le  succès  de  la  science  a  été  surtout  pour  M.  Dumas,  virtuose 
habile  et  sûr.  Son  style  a  de  la  fermeté,  de  l'empleur,  son  jeu  de  la 
grâce  et  de  l'élégance,  et  la  justesse  est  parfaite  chez  lui,  même  dans 
les  ditficultes  les  plus  ardues  de  la  double  corde. 

,*^  Liszt  et  Clara  Schumann' sont  attendus  à  Saint-Pétersbourg.  Liszt 
a  l'intention  d'y  faire  entendre  ses  compositions  symphoniques. 

„*„,  JlUe  Carlotta  Patti  ne  donnera  pas  moins  de  quarante  concerts 
dans  l'espace  de  sept  semaines,  en  Belgique  et  en  Hollande.  Ces  con- 
certs, organisés  par  l'imprésario  UUmann,  auront  lieu  en  janvier  et  fé- 
vrier, avec  le  concours  d'Alfred  Jaell,  Laub,  Kellerman,  Scola  et  Chiara- 
monte.  La  plupart  des  villes  ont  accepté  le  prix  de  2,500  et  3,000  francs, 
réclamé  pour  cet  ensemble  d'artistes  érainents,  â  la  tête  desquels  brille 
la  sœur  d'Adelina.  Le  Grand-Théâtre  de  Bruxelles,  où  Mlle  Patti  doit 
donner  ses  concerts,  lui  abandonnera  les  trois  quarts  de  la  recette.  A 
la  suite  de  cette  pérégrination,  la  Carlotta  se  fera  entendre  à  Paris. 

,*^  J.  Rosenhain  est  de  retour  de  Bade  et  passera  l'hiver  à  Paris. 

^*^  Mlle  Octavie  Caussemille  est  de  retour  à  Paris,  où  nous  aurons 
probablement  bientôt  l'occasion  de  l'applaudir.  L'excellente  artiste  vient 
d'obtenir  un  très-grand  succès  à  une  soirée  de  musique  de  chambre  à 
Marseille,  où  dans  un  trio  de  Mendelssohn  et  un  scherzo  de  Prudent 
elle  a  fait  valoir  toutes  ses  brillantes  qualités  de  pianiste. 

,t**  M.  Georges  PfeiEfer  est  de  retour  de  ses  engagements  des  Socié- 
tés philharmoniques  de  Lille  et  de  Valenciennes.  Les  journaux  de  ces 
deux  villes  sont  unanimes  à  constater  son  immense  succès.  La  barca- 
role  de  son  second  concerto,  la  Kermesse  de  Fausl  et  la  Ruche  surtout  ont 
excité  l'enthousiasme.  Le  brillant  virtuose  s'est  vu,  dans  les  deux  villes, 
forcé  d'ajouter  au  programme  pour  répondre  au  désir  dû  public. 

***  Voici  le  programme  de  la  première  séance  populaire  de  musique 
de  chambre,  que  MM  Cl).  Lamoureux  et  E.  Rignault  donneront  dans 
la  salle  Herz,  le  mardi  S  décembre,  à  8  heures  1/2  :  quintette  en  la 
majeur,  de  Mozart;  sonate  (oeuvre  32)  pour  piano,  de  Beethoven;  va- 
riations du  76''  quatuor  do  Haydn  ;  sonate  pour  violon,  publiée  en  1754, 
de  Porpora,  exécutée  par  M.  Ch.  Lamoureux  ;  sérénade  pour  violon,  alto 
et  violoncelle,  de  Beethoven. 

/a,  Les  répétitions  à'Elie,  de  Mendelssohn,  sont  commencées  sous  la 
direction  de  Pasdeloup,  qui  fera  exécuter  cet  oratorio  dans  le  courant 
de  l'hiver  par  de  grandes  masses  vocales  et  instrumentales. 
,**  Mardi  8  décembre,  pour  la  fête  de  l'Immaculée  Conception,   sera 


exécutée  à  11  heures  précises,  à  l'église  Saint-Eustache,  la  cinquième 
messe  en  musique  de  la  composition  de  M.  Ch.  Manry.  La  quête  sera 
faite  au  profit  des  sociétés  de  .^ecours  mutuels  du  quartier  de:  Halles. 
M.  Batiste  touchera  le  grand  orgue.  M.  Hurand,  maître  de  chapelle  ds 
la  paroisse,  dirigera  l'exécution. 

:,*»  Un  très-brillant  concert  a  eu  lieu  dimanche  dernier  h  la  salle  de 
la  Sorbonne,  au  bénéfice  d'une  société  de  bienfaisance  du  quartier  de 
la  Monnaie.  Parmi  les  artistes  qui  ont  prêté  leur  concours  désintéressé 
à  cette  matinée  musicale,  nous  avons  remarqué  Mlle  Clémence  Laval, 
une  pianiste  de  goût  et  de  méthode,  dont  nous  avons  plus  d'une  fois 
signalé  le  talent  charmant  et  sympathique.  Mlle  Laval  a  fait  entendre 
avec  succès  Regrets,  mélodie  variée  de  sa  composition,  qui  a  été  vive- 
ment applaudie,  et  elle  a  terminé  brillamment  par  le  galop  Sans  souci 
d'Ascher,  qui  demande  une  grande  prestesse  de  mécanisme.  C'est  un 
nouveau  succès  dont  nous  félicitons  Mlle  Clémence  Laval. 

/^  M.  Auguste  Durand,  organiste  du  grand  orgue  de  Saint- Roch, 
vient  d'être  choisi  par  le  conseil  de  fabrique  de  Saint- Vincent  de  Paul 
pour  tenir  le  magnifique  instrument  placé  il  y  a  quelques  années  dans 
cette  église  par  M.  Cavaillé  Coll,  instrument  qui  a  valu  au  célèbre  fac- 
teur 2a  grande  médaille  d'honneur  à  l'exposition  universelle  de  1855. 
M.  Cavallo,  qui  remplace  M.  Durand,  vient  d'être  nommé  à  Saint-Ger- 
main des  Prés. 

,j*^.  Le  concert  de  bienfaisance  donné  la  semaine  dernière  à  Rouen 
a  été  très  beau  et  très-productif.  Les  frères  Lyonnet  y  ont  obtenu  un 
grand  succès.  Après  plusieurs  chansons  de  Nadaud  et  de  Clapisson,  ils 
ont  fait  entendre  deux  jolies  petites  pièces  de  M.  Jules  Marguerin  :  Au- 
tomne, adieu  !  Bonjour,  hiver  !  et  Si  j'avais  c'  que  j'  n'ai  pas  !  Cette  der- 
nière, dont  le  compositeur  a  écrit  aussi  les  paroles,  est  une  délicieuse 
chanson.  M.  Jules  Marguerin,  quoique  simple  ainateur,  est  excellent  mu- 
sicien et  parfaitement  doué  ;  aussi  ses  premières  romances  :  Péchés 
mignons,  l'Hirondelle,  Un  peu  gros,  mais  aimable,  le  Progrès  au  village,  etc. 
(vendues  au  profit  des  ouvriers  cotonniers),  ont-elles  été  beaucoup  chan- 
tées et  beaucoup  applaudies.  Nous  sommes  certain  que  ses  dernières 
publications  auront  le  même  bonheur. 

i*^  Une  nouvelle  composition  pour  le  piano  de  Stephen  Heller,  in- 
titulée Feuilles  d'automne,  est  sous  presse. 

^*^  Chrétien  Théophile  Schrœter,  qui  a  inventé  le  piano  en  1717,  est 
né  à  Hohenstein,  dans  la  Suisse  saxonne,  le  19  août  1699,  comme  on  l'a 
établi  récemment.  Son  père  y  exerçait  le  métier  de  tisserand,  sa  mère 
était  fille  d'un  maître  d'école. 

^*f:  Les  ouvriers  de  la  manufacture  d'instruments  de  musique  de 
M.  Gautrot,  à  Château-Thierry,  ont  célébré  la  fête  de  sainte  Cécile  avec 
beaucoup  d'éclat.  Bon  nombre  d'eux,  précédés  du  corps  de  musique  de  la 
fabrique  et  de  la  statue  de  la  sainte,  patronne  de  l'harmonie,  ont  traversé 
les  rues  pour  .se  rendre  à  l'église.  Pendant  la  marche,  la  musique,  sous  la  di- 
rection de  son  habile  chef,  M.  Romei,  exécutait  parfaitement  des  mor- 
ceaux de  son  répertoire.  A  Saint-Crépin,  où  s'étaient  rendus  les  invités 
et  les  amateurs  de  la  ville,  des  parties  de  l'office  chantées  par  les 
ouvriers  de  la  fabrique  ont  alterné  avec  les  symphonies  exécutées  par 
la  musique  et  donné  à  la  cérémonie  religieuse  un  grand  attrait. 

^*,j  L'excellent  pianiste  et  compositeur  M.  Bergson  vient  d'être 
nommé  directeur  des  classes  supérieures  de  piano  au  Conservatoire  de 
Genève. 

^*^  Nous  annonçons  et  recommandons  une  Tarentelle  pour  piano, 
que  vient  de  publier  Vincent  Adler.  Ce  morceau,  vif  et  charmant,  qui 
semble  traversé  par  une  chasse,  obtiendra  le  succès  de  vogue,  dont 
son  auteur  possède  le  secret. 

.^*f,  La  brillante  fantaisie  sur  Robert  le  Diable,  composée  pour  le  vio- 
loncelle par  Alexandre  Batta  et  qui  a  été  tant  applaudie  dans  les  nom- 
breux concerts  où  l'auteur  l'a  jouée,  va  paraître  incessamment. 

^*^  Jeudi,  10  décembre,  de  1  à  3  heures,  aura  lieu,  dans  les  salons 
de  M.  Dardel,  facteur  de  piano,  18,  rue  Favart,  la  première  séance 
publique  et  gratuite  d'improvisation  musicale,  d'après  un  nouveau 
traité,  sanctionné  par  Bossiai,  traité  ou  cours  de  composition  très- 
clair  et  à  la  portée  de  toutes  les  intelligences,  par  Missler  et  Passa- 
monti. 

f*t  Un  fort  joli  duo  pour  le  piano  à  quatre  mains  composé  par 
Edouard  Wolff,  sur  des  thèmes  des  Bavards  d'OEfenbach,  vient  de  pa- 
raître. Ce  morceau,  plus  facile  que  la  plupart  des  duos  du  même  auteur 
sur  des  thèmes  d'opéras,  est  trop  bien  écrit  pour  ne  pas  avoir  le  même 
succès. 

^*j  Théâtre  du  passage  de  l'Opéra.  Les  artistes  dramatiques,  chan- 
teurs et  instrumentistes,  qui  désirent,  se  produire  sans  frais,  devant  le 
public,  sont  prévenus  qu'ils  peuvent  trouver  cette  facilité  en  s'adressant 
à  l'agence  centrale  de  l'Europe  artiste-,  12,  avenue  Trudaine,  dirigée  par 
M.  Ch.  Desolme.  Ceux  qui  préféreraient  courir  les  chances  d'une  re- 
présentation à  leurs  fraiss  peuvent  s'adresser  également  aux  bureaux 
de  ladite  agence  pour  traiter  en  conditions. 

^*^  Joseph  Mayseder,  le  célèbre  violoniste  et  compositeur,  dont  nous 
avons  annoncé  la  mort,  avait  dirigé  l'orchestre  de  la  cour,  à  Vienne. 
Ses  nombreuses  œuvres   de  musique  instrumenlale   lui   conquirent  de 


DE  PARIS. 


bonne  heure  une  réputation  méritée  et  durable  ;  leur  vogue  s'est  tou- 
jours soutenue  ;  et  s'explique  par  le  charme  aisé,  l'élégance  soutenue 
et  l'heureuse  disposition  des  idées  musicales  de  Mas'seder,  l'un  des  plus 
remarquables  compositeurs  qui  aient  exploré  les  domaines  tempérés  et 
gracieux  de  la  musique  de  chambre.  Nous  lui  consacrerons  prochaine- 
ment un  article  nécrologique. 

^,*^  Le  violoniste  piéniontais,  Pietro  Feroglio,  élève  de  Bruni  et  de 
Pugnani,  successivement  chef  d'orchestre  ou  soliste  à  Strasbourg,  à 
Grenoble,  à  Vienne,  en  Belgique,  à  Clermont,  enfin  à  Auxerre,  est 
mort  en  cette  ville  à  l'âge  de  quatre-vingt-cinq  ans.  11  enseignait  son 
art  avec  succès  dans  cette  dernière  ville  depuis  1814. 


CHRONIQUE    DÉPARTEMENTALE. 


j*s.  Bordeaux.  —  La  fête  de  la  patronne  des  musiciens  a  été  pompeu- 
sement célébrée,  le  26  novembre  dernier,  à  Notre  Dame,  par  la  Société 
de  Sainte-Cécile.  L'orchestre,  dirigé  par  M.  Jlézeray,  a  exécuté  l'ouver- 
ture de  Sparlacus,  de  Camille  Saint-Saëns,  et  celle  de  concert  de 
de  SL  Bouleau-Neldy,  de  Saumur,  Ces  deux  œuvres,  couronnées  au 
concours  de  composition  musicale  de  1863,  sont  très-remarquables, 
et  toutes  deux  d'un  style  différent.  —  La  messe  d'A.  Elwart  a  été 
admirablement  exécutée.  On  a  beaucoup  remarqué  le  ténor  Teschard, 
le  mezzo-soprano  Mlle  Peyret,  le  baryton  Técheny  et  la  basse  Labernar- 
die,  tous  Irois  élèves  de  M.  Sarreau,  professeur  de  l'école  gratuite  de 
Sainte-Cécile.  —  M.  Delaltre,  cor  anglais,  a  été  ravissant  de  style  dans 
VO  salutaris,  et  JL  Postulat,  clarinettiste,  ainsi  que  Mlle  Henriette  Mé- 
zeray,  harpiste,  ont  été  également  très-goûtés.  Nul  doute  qu'après 
un  tel  succès,  la  messe  d'A.  Elwart  ne  soit  désignée  l'an  prochain  au 
chef  du  comité  de  l'Association  des  artistes  musiciens  de  France,  dont 
l'auteur  est  un  des  membres  les  plus  dévoués. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


,*„,  Londres.  —  Le  nouvel  opéra  de  Balfe,  Blanche  de  Nevers,  a  été 
favorablement  accueilli  au  théâtre  de  Covent-Garden.  Le  libretto  est 
une  imitation  du  drame  ?<;  Bossu,  habilement  arrangée  par  J.  Jirougham. 
La  musique  se  distingue  par  des  mélodies  fraîches,  et  notamment  dans 
les  airs  et  ballades  qui  abondent  dans  l'ouvrage.  Les  morceaux 
d'ensemble  et  l'orchestration  ont  moins  satisfait  le  public.  L'exécution, 
confiée  principalement  à  Mlles  Pyne  et  Heyvvood,lUL  Harrison  etWeiss, 
a  été  remarquable.  —  Un  concert  donné  à  Brighton  par  le  pianiste 
M.  Kuhe,  avait  réuni  une  brillante  pléiade  d'artistes  de  premier  ordre, 
qu'un  nombreux  auditoire  est  venu  applaudir.  Mmes  Tietjenset  Trebelli, 
MM.  Santley,  Bettini  et  Rossi  donnaient  un  grand  éclat  à  la  partie 
vocale  du  concert,  et  M.  Engel  a  fait  entendre  une  nouvelle  fantaisie 
très-réussie  pour  l'harmonium,  exécutée  avec  un  talent  hors  ligne. 

^,*^  Berlin.  —  La  Muette  Je  Portici,  qui  a  été  donnée  récemment  au 
théâtre  Royal,  a  produit  beaucoup  d'effet.  On  a  surtout  applaudi  Formés 
(Masaniello)  et  Mlle  Selling  (FeneUa).  —  L'académie  de  chant  a  exécuté  le 
Requiem  de  Mozart  et  une  cantate  de  Bach  ;  le  3  décembre,  elle  fera  en- 
tendre Elie,  de  Mendelssohn.  —  La  première  soirée  du  Domchor  a  eu 
lieu  le  3  décembre.  —  La  chapelle  royale  a  donné  trois  soirées  de  sym- 
phonies dans  l'espace  d'un  mois. 

,j*^  Vienne.  —  Ce  qui  donnait  un  intérêt  particulier  au  concert  qui 
a  eu  lieu  dans  la  salle  de  l'opéra  de  la  cour,  c'est  l'exécution  de 
l'ouverture  écrite  par  .Meyerbeer  pour  l'exposition  de  1862  à  Londres. 
Cette  magnifique  composition,  qu'on  avait  consciencieusement  étudiée, 
a  produit  un  effet  immense.  —  Les  répétitions  de  ta  Fie  du  Rtiin,  l'opéra 
d'Offenbach,  sont  assez  avancées  pour  que  le  compositeur  ait  pu  se 
rendre  à  Paris,  où  il  assistera  à  la  réouverture  du  théâtre  des  Bouffes; 
il  reviendra  à  Vienne  pour  la  première  représentation  de  cet  opéra, 
laquelle  est  fixée  au  20  décembre.  —  Le  théâtre  de  la  Cour  a  repris 
avec  beaucoup  de  succès  Akssandro  StradeUa,  de  Flotow. 

4*j  Leipzig.  —  Au  septième  concert  du  Gevvandhaus,  on  a  entendu 
une  symphonie  inédite  de  Jadassohn  :  succès  d'estime.  Ganz,  l'excellent 
ténor  qui  est  en  grande  faveur  aujourd'hui  en  Allemage,  a  été  vivement 
applaudi  dans  ce  concert.  Auer,  violoniste,  qu'on  entendait  pour  la 
première  fois,  a  été  très-birn  accueilli. 

j%  Milan,  i."  décembre.  —Aldina,  nouvel  opéra  de  Hieardo  Gandolfi, 
compositeur  génois,  élève  de  Pacini,  est  une  œuvre  distinguée  de  bon 
genre  et  de  bon  goût.  La  musique  en  est  facile,  élégante,  mélodieuse, 
instrumentée  avec  talent.  Le  public  en  a  tenu  compte,  en  rappelant  le 
compositeur  un  nombre  infini  de  fois.  —  On  annonce  les  Huguenots  à 
la  Scala,  pour  la  saison  de  carnaval. 

»*,t  Saint-Pelersbourij.  —  S.  M.  le  roi  Victor-Emmanuel  a  daigné  con- 
férer l'ordre  des  Saints-Maurice  et  Lazare   à   .M.  Ciarrti,    1"   lliitc  solo 


du  Théâtre  impérial  italien  et  de  la  cour,  artiste  éminent  dont  le  ta- 
lent est  hautement  apprécié  à  Saint-Pétersbourg. 

***  Sydney.  —  Les  Huguenots  ont  eu  ici  douze  représentations  consé- 
cutives fort  bien  exécutées,  avec  une  mise  en  scène  très-soignée.  — 
Deux  artistes  français,  MM.  Ponssard  et  Douay,  annoncent  des  séances 
de  musique  do  chambre.  Us  arrivent  de  la  Nouvelle-Zélande  ;  à  Adélaïde, 
ils  ont  donné  cinquante-cinq  concerts. 


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48.  Barcarolle  d'Oberon. 

49.  Richard  Cœur  de  lion. 

50.  Anna  Bolena. 

51 .  Polka  sur  :  Au  clair  de  la  h 
.52.  Polka  des  Lanciers. 


60.  La  Dernière  rose,  rêoerie. 


53.  Chœur  des  Chasseurs  {Robin}. 

ni.  Orphée. 

H3.  La  F.imille  suisse,  tyrolienne. 

56.  Mjrche  milanaise. 

57.  L'Ohio,  redowa. 

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/lir;  Cujus  animam Stabat  Mater. 

Cavaliiie  :  Ferme  les  yeux Mdette  de  Portici. 

Cavalhte  :  Lorsqu'à  mes  yeux Martha. 

Aria:  Un  aura  amorosa Cosi  fan  tutte. 

Couplets:  0  dieu  des  flibustiers Sirène. 

Air  :  Plus  rien  sur  terre Sonnamedla. 

Ballade:  Jadis  régnait  en  Normandie.  Robert  le  Diable. 

Air  :  Frais  vallons,  bois Fbeïschutz. 

Romance  :  Ne  parle  pas.  Rose Dragons  de  Villars. 

Cavaline  :  O  toi,  ma  mère Chaperons  blancs. 

Cavatine  :  Croit  en  mois Paulus. 

Canzone  :  In  fondo  agli  Abruzzi Stradelh. 

Chanson  :  Ali  !  que  j'ai  froid Pardon  de  Pi  oeruel. 


15.  Anbcr Barcarolle  :  Ah  !  que  la  nuit  est  belle  Haïdée. 

16.  Gtluck Canta&ite:  Non,sanstoi  jenepuisvivre  Alckste. 

17.  Adam TÏOïnaHce.- Assis  au  pied  d'un  hôLrs. . .  Postillo.x  de  Longj. 

18.  Auber Air:  G'est-elle  qui  chaque  jour  .... .   Part  du  Diable. 

19.  MeiKlelssoitH  Air:  Une  auréole  de  lumière Paulds. 

20.  Flotow Hymne  :  Astre  plein  de  grandeur ... .  Stradella. 

21 .  Mozart Aria  :  Oh,  cara  imagine  ! Il  fladto  magico. 

22.  Vbomas Romance  :  kti'.  ce  serait  an  crime...  Roman  i.'Elvire. 

23.  Auber .4i»"  .-Je  vois  marcher  sous  ma  bannière  Fra  Diavolo. 

24.  Meycrbeer . . .   Duo  :  Tu  l'as  dit Huguenots. 

25.  Bossini Duelto  :  N'abbraccia,  Argirio Tancredi. 

26.  Adam Duo  :  C'est  dans  l'église  du  village. .  GiealdA. 

27.  Meyerbeer. . .   Terzettiiio  :  Ce  tintement Pardon  de  Ploermel. 


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Dont  le  premier  volume  a  été  accueilli  avec  tant  de  faveur  l'année 

CE  VOLUME,  FOMIAT  IN-S",  CONTIENT  LE  CHOIX  SUIVANT  DE 


1.  ALKAN.  —  Op.  32.  Fantasietta  alla  moresca. 
■2.  BLUMENTHAL.  —  Op.  1.  La  Source,  caprice. 
3.  CHOPIN.  —  Op.  10.  Deux  études, 
a.  CZERNY.  —  Op.  754.  Tarentelle. 

5.  DŒHIiER.  —Op.  42.  Deux  études. 

6.  FAVARGER.  —  Op.  42.  Galiban,  grande  valse. 

7.  GORIA.  —  Op.  41.  Grande  mazurka. 

8.  HELIiER  (Stéphen).  —  Op.  56.  Sérénade. 

9.  HENSBLT.  Poëme  d'amour. 

10.  HERZ  (H.).  —  Op.  143.  Mazurka. 

11 .  JAELL.  —  Le  Carillon,  morceau  élégant. 

12.  LACOMBE.  —Op.  54.  Marche  turque. 

13.  LESCHETIZKY.  -  Chant  du  Eoir,  idylle. 

14.  IiITOLFF.  —  Chanson  du  rouet. 

15.  LISZT.  —  Deuxième  marche  "hongroise. 

16.  MENDEIiSSOHN.  —  Presto  scherzando. 

17.  MOSCHELÈS.  —  Op.  95.  Trois  études. 

18.  PRUDENT.  —  Op.  33.  Farandole. 

19.  THAIiBERG.  —  Op.  35.  Le  Trémolo. 

20.  VOSS.  — Op.  161.  Ecume  de  Champagne. 

ET 
Va  recueil  contenant  six  Morceaax  de  Chant  : 

ÉLODIES    ET    CHANSONS 

IRLANDAISES,  ÉCOSSAISES,   ESPAGNOLES  ET  HAVANAISES 
Avec  paroles  françaises. 


Ces  morceaux,  d'une  grande  originalité  et  entièrement  inconnus  en 
France,  sont  chantés  avec  un  grand  succès  dans  ses  concerts  par  Mlle 
CAKIiOTXA    FATVl 

lies  Abonnés  sont  priés  de  vouloir  bien  retirer  ces  Prîmes  en 
renouvelant  leur  abonnement  dans  nos  bureaux,  boulevard  des 
Italiens,  1.  IVons  les  enverrons  comme  d'habitude  à  ceux  qui 
habitent  la  province. 


SOMMAIRE .  —  Auditions  musicales,  par  Adolphe  Botte.  —  Martini  (2'  arti- 
cle), par  Arthur  Poug;in.  —  Lettres  de  Félix  Mendelssobn,  traduites  par 
J.  Duesberg.  —  Correspondance  :  Saint-Pétersbourg,  —  Revue  des  théâ- 
tres, par  D.  A.  B.  Saint-Yves.  —  Nouvelles  et  annonces. 


AUDITIONS  MUSICALES. 

aiesse  de  U.  Cbarles  Uanry  à,  Saint-Enstacbe.  —  Pre- 
mière séance  popnlaîre  de  musique  de  cbambre  de 
mi.  Oli.  Kiamonreax  et  E.  Bignault. 

M.  Charles  Manry  est  un  musicien  instruit,  sérieux  et  convaincu  ; 
de  plus,  il  est  mélodiste.  Il  trouve  souvent  des  chants  qui  lui  ap- 
partiennent en  propre,  et  il  sait  les  accompagner  avec  beaucoup  d'é- 
légance et  de  distinction.  Sa  nouvelle  messe,  exécutée  mardi  à  Saint- 
Eustache,  à  l'occasion  de  la  fête  de  l'Immaculée  Conception,  est  une 
œuvre  d'un  mérite  peu  commun. 

Le  solo  de  basse  du  Qui  tollis,  fort  bien  dit  par  Gazaux,  et  le 
Susctpe,  chanté  par  le  ténor,  sont  d'une  grande  suavité  et  portant  au 
recueillement. 

Riche  d'effets  d'harmonie,  le  Credo  est  très-développé  et  très- 
vigoureux. 

La  couleur  vraiment  religieuse,  la  simplicité  et  le  naturel  des  mo- 
tifs font  de  ro  salutaris,  chanté  d'abord  par  le  ténor,  le  soprano  et 
la  basse,  puis  repris  par  le  chœur,  un  morceau  tout  à  fait  remar- 
quable. 

Le  thème,  un  peu  vague,  de  VAgnus  ne  manque  ni  de  charme  ni 
d'originalité. 

Après  une  seule  audition,  nous  ne  prétendons  pas  donner  une  ana- 
lyse bien  détaillée  de  cet  ouvrage,  nous  citons  seulement  les  mor- 
ceaux qui  nous  ont  le  plus  frappé. 

Mélancoliques,  tristes  et  gracieuses,  les  mélodies  ont  produit  tout 
l'effet  qu'elles  devaient  produire.  Le  travail  intéressant  de  l'harmo- 
nie, le  talent  et  l'habileté  avec  lesquels  sont  traitées  les  parties  vo- 
cales, qui  chantent  constamment  et  qui  ne  sont  jamais  sacrifiées, 
fût-ce  aux  plus  attachantes  combinaisons  du  contre -point,  au  plus 
chaud  coloris  de  l'accompagnement  instrumental,  ont  été  fort  ap- 
préciés. 

En  somme,  dans  cette  cinquième  messe  écrite  à  trois  voix,  l'au- 
teur a  encore  une  fois  très-heureusement  réuni  les  précieuses  quali- 
tés qu'il  doit  à  l'art  et  à  la  nature  :  le  savoir  et  l'imagination . 

—  La  liberté  des  théâtres  va-t-elle  réveiller  des  génies  endormis 


394 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


depuis  trop  longtemps?  Va-t-elle  révéler  au  monde  musical  des 
œuvres  pleines  de  sève,  d'originalité  et  de  grandeur?  Beaucoup 
l'espèrent.  Quoi  qu'il  en  soit,  on  se  réjouit  que  les  compositions  d'un 
vrai  mérite  aient  enfin  repris  le  rang  qu'étaient  parvenues  à  usurper 
des  pauvretés  instrumentales,  oii  la  part  de  l'habileté  et  du  méca- 
nisme était  la  meilleure.  Haydn,  Mozart,  Beethoven  et  Mendelssohn 
trouvent  chaque  jour  de  nouveaux  auditeurs  intelligents,  attentifs, 
passionnés  pour  leur  noble  et  magnifique  langage,  pour  leurs  savants 
et  poétiques  développements.  Ces  pures  gloires  de  l'école  allemande, 
qui  ont  déposé  dans  le  style  symphonique,  dans  le  quatuor  et  dans 
la  sonate  des  trésors  de  science  et  d'inspiration,  arrivent  enfin, 
parmi  nous,  à  une  popularité  qui  prouve  encore  une  fois  de  plus 
que  les  conceptions  vraiment  belles  triomphent  de  tous  les  engoue- 
ments et  finissent  toujours  par  reprendre  la  place  qui  leur  est  due. 

La  mode  a  de  singuliers  revirements  !  Il  y  a  une  quinzaine  d'an- 
nées, la  variation  et  la  fantaisie  brillaient  sur  toute  la  ligne  :  les 
gerbes  d'arpèges,  de  gammes,  d'octaves,  éblouissaient  les  auditeurs 
ébahis;  aujourd'hui,  elle  se  remet  à  fêter  les  maîtres,  elle  proclame 
partout  que,  seuls,  ils  méritent  les  suffrages  des  gens  de  goût,  que, 
seuls,  ils  ont  le  don  de  s'adresser,  à  la  fois,  au  cœur  et  à  l'intelli- 
gence, de  faire  vibrer  l'âme  humaine,  de  la  réchauffer  et  de  l'arra- 
cher aux  influences  malfaisantes  qui,  de  toutes  parts,  la  sollicitent 
d'oublier  le  beau  pour  l'utile,  le  pur  et  le  désintéressé  pour  le  tri- 
vial et  le  fructueux  :  aussi  ne  parle-t-on  partout  que  de  concerts 
populaires  de  musique  de  chambre. 

A  la  première  séance  populaire  de  MM.  Charles  Lamoureux  et 
Emile  Rignault,  donnée  mardi  salle  Herz,  il  y  avait  un  auditoire 
très-sympathique,  très-nombreux,  et,  disons-le,  très-aristocratique. 
La  société  Lamoureux,  Rignault,  Colonne,  Adam  et  Borelli,  a  déjà  fait 
ses  preuves  de  lalent.  Grâce  à  des  études  consciencieuses,  elle  est 
arrivée  à  un  remarquable  ensemble,  à  une  unité  toujours  difficile  à 
atteindre,  même  par  des  solistes  qui,  pris  isolément,  obtiennent  le 
plus  de  succès.  Ses  qualités  solides  ou  aimables  ont  été  fort 
applaudies  l'autre  soir;  mais  bien  davantage  encore  dans  des  varia- 
tions d'Haydn  et  dans  une  sérénade  de  Beethoven  que  dans  le 
quintette  de  Mozart,  qui,  à  part  le  larghetto,  délicieusement  inter- 
prété, avait  laissé  désirer  un  peu  plus  de  chaleur  et  de  puissance 
de  style  et  un  peu  plus  de  variété  de  son.  Une  très-jolie  sonate  de 
Porpora  a  valu  à  M.  Ch.  Lamoureux  de  sincères  bravos.  C'était  jus- 
tice; car,  après  s'être  montré  si  sobre,  si  contenu  dans  la  musique 
d'ensemble,  il  était  difficile  d'être  plus  nerveux  et  plus  brillant. 

On  le  sait,  la  grande  sonate  de  Beethoven,  op.  22,  est  tout  un 
poëme.  Dans  le  plan,  dans  la  conduite  des  idées  et  jusque  dans 
leur  nombre ,  on  sent  l'influence  d'Haydn  et  de  Mozart,  mais  déjà 
on  aperçoit  la  puissante  individualité  de  l'auteur.  Le  premier  alle- 
gro, brillant,  rapide  et  fougueux  ;  le  minuetto,  très-gracieux  et  très- 
chantant  ;  le  rondo,  délicieux  allegretto  tendre,  spirituel,  enjoué, 
mais  traversé  çà  et  là  de  ces  éclairs  que  l'on  retrouve  souvent  dans 
les  pages  les  plus  aimables  du  maître,  et  surtout  Vadagio,  plein  de 
mélancolie,  de  tendresse  et  de  passion  ;  tout,  en  un  mot,  aurait  dû 
causer  le  plus  vif  plaisir.  Malheurensement,  M.  Camille  Saint-Saëns  a 
joué  cette  sonate  comme  il  eût  joué  certaines  pièces  bizarres  et 
capricieuses  de  Chopin:  ça  été  un  continuel  te?npo  rubato,  un  conti- 
nuel cahotement  de  rhytlime  qui,  notamment  dans  l'adagio  et  dans 
le  rondo,  ont  efféminé  et  parfois  défiguré  la  pensée  de  Beethoven. 

Adolphe  BOTTE. 


MARTINI. 

(2=  article)  (1). 
II. 

Il  y  a  quelque  quarante  ans ,  notre  théâtre  de  l'Opéra  possédait 
pour  timbalier  un  garçon  distingué,  musicien  de  talent  en  même 
temps  qu'homme  d'esprit,  —  ce  qui  n'est  ni  si  rare  ni  si  extraordi- 
naire que  l'on  pourrait  l'imaginer,  —  qui  écrivit  pour  notre  première 
scène  lyrique  les  partitions  de  plusieurs  ballets  délicieux,  dont  quelques- 
uns,  la  Sylphide  entre  autres,  ont  conservé  une  réputation  méritée, 
et  sont  restés  comme  les  modèles  du  genre.  L'artiste  en  question, 
Allemand  d'origine,  était  malheureusement  affligé  d'un  de  ces  noms 
à  résonnance  germanique  que  leur  construction  barbare  rend  si  durs 
à  prononcer  pour  nous,  et  à  l'audition  desquels  aucune  oreille  fran- 
çaise n'a  jamais  pu  s'habituer.  Aussi  l'infortuné  avait-il  la  douleur  de 
l'entendre  journellement  écorcher  par  tous  ceux  qui  avaient  affaire 
à  lui.  Après  nombre  d'efforts  faits  en  pure  perte  pour  parvenir  à  pro- 
noncer purement  ce  nom  fatal 

SCHNEITZHOEFFER 
plusieurs  de  ses  compagnons  se  résignèrent,  pour  leur  commodité 
personnelle,  à  le  modifier  à  leur  guise  :  ils  le  francisèrent  peu  à  peu, 
lui  enlevèrent  ses  plus  redoutables  aspérités  et,  de  contraction  en 
contraction,  en  arrivèrent  à  le  prononcer  ainsi  :  Chênecerf.  Pour 
éviter  la  continuation  d'un  abus  aussi  intolérable  et,  en  même  temps, 
empêcher  qu'on  estropiât  de  mille  façons  le  nom  qu'il  tenait  de  ses 
pères,  il  finit  par  prendre  un  parti  énergique,  et,  un  beau  matin, 
fît  parvenir  à  chacun  de  ses  amis  une  belle  carte  glacée  dont  voici 
la  reproduction  fidèle  : 

SCHNEITZHOEFER,  prononces  :  Bertrand. 

Grâce  à  cette  traduction,  aussi  libre  qu'il  est  possible  de  le  dé- 
sirer, Schneitzhoeffer  vécut  désormais  tranquille  et  se  maintint  en 
bonne  intelligence  avec  le  genre  humain.  Mais  en  tout  ceci  — 
et  le  plus  innocemment  du  monde,  sans  doute  —  il  n'était  qu'un 
plagiaire,  car  le  moyen  avait  été  trouvé  bon  et  employé  dans  les 
mêmes  circonstances  soixante  ans  avant  lui.  En  effet,  lorsque  le  jeune 
artiste  dont  je  retrace  en  ce  moment  l'histoire  arriva  à  Nancy,  son 
nom  devint  une  cause  d'effroi  général  :  ce  nom  redoutable,  dans  le- 
quel douze  consonnes  ne  rougissaient  pas  de  se  réunir  pour  accabler 
de  leur  nombre  trois  voyelles  trop  faibles  pour  se  défendre,  ce  nom, 
dis-je,  résonnait  mal  au  milieu  d'une  ville  française  où  les  lèvres 
regimbaient  à  son  approche  et  oii  chacun  avait  peine  à  le  prononcer. 
Ce  que  voyant,  l'ex-étudiant  se  rendit  aux  instances  de  son  protec- 
teur, et,  sur  son  conseil,  se  décida  à  l'échanger  contre  celui  plus 
euphonique  de  Martini,  sous  lequel  il  fut  exclusivement  connu  par  la 
suite  (2). 

Une  fois  tranquille  sur  le  présent,  le  premier  soin  de  Martini 
(nous  ne  l'appellerons  plus  autrement  désormais)  fut  de  se  livrer  à 
une  étude  sérieuse  de  la  langue  du  pays  qu'il  habitait.  Mais  ce  n'é- 

(1)  Voir  le  n°  49. 

(2)  Ses  premières  compositions  furent  gravées  sous  le  nom  de  Mai-Uni  il  Te- 
desco  (Martini  l'AlUmand),  et  les  musiciens  le  désignèrent  longtemps  ainsi  pour 
le  distinguer  du  compositeur  espagnol  Vincent  Martini,  dont  la  réputation  était 
très-grande  à  cette  époque  et  que  les  Italiens  appelaient  Martini  lo  Spagnuolo. 
Celui-ci,  entre  autres  opéras,  est  l'auteur  de  la  Cosa  rara,  ouvrage  qui  obtint 
un  grand  succès  à  Vienne  lors  de  son  apparition,  et  balança  la  fortune  des  Nosse 
di  Figaro,  de  Mozart. 

On  ne  doit  pas  non  plus  confondre  l'artiste  qui  est  l'objet  de  ce  travail 
avec  le  père  Martini  (Giambattista),  de  Bologne,  auteur  de  la  célèbre  Storia  delta 
musica  qui  fut  publiée  en  cette  ville  de  1757  à  1781. 

Il  est  à  remarquer  que  ces  trois  artistes,  connus  tous  trois  sous  le  même  nom, 
ont  vécu  presque  i  la  même  époque,  l'un  en  France,  l'autre  en  Allemagne,  le 
troisième  en  Italie. 


DE  PAHIS. 


395 


tait  pas  tout  :  ses  études  musicales  étaient  loin  d'être  complètes  sous 
le  rapport  de  la  théorie.  Très-laborieux  de  sa  nature,  il  ne  se  con- 
tenta pas  des  loisirs  que  lui  laissait  son  métier  de  facteur,  et 
prit  sur  son  repos  le  temps  qu'il  lui  fallait  consacrer  au  travail . 
Il  se  procura  d'abord  quelques  traités  d'harmonie  et  de  contre-point, 
à  l'aide  desquels  il  parvint,  grâce  à  une  volonté  énergique  et  intel- 
ligente, à  acquérir  ce  qui  lui  manquait.  11  lut  ensuite  avec  attention 
plusieurs  partilions  des  plus  grands  maîtres  de  l'époque,  ce  qui 
acheva  son  éducation  en  lui  faisant  connaître  ce  qu'il  ignorait  encore 
relativement  à  l'instrumentation,  à  la  coupe  des  morceaux,  à  leur 
caractère,  etc.  On  peut  donc  dire  qu'il  apprit  à  peu  près  seul  les  rè- 
gles de  la  composition,  et  qu'il  ne  suivit,  à  proprement  parler,  les 
principes  d'aucune  école. 

En  même  temps  qu'il  travaillait  ainsi,  il  essayait  sa  veine  mélodi- 
que dans  des  compositions  légères,  et  plusieurs  romances  lui  valurent 
à  Nancy  quelque  réputation.  On  parla  de  lui  à  la  cour  de  l'ex-roi  de 
Pologne  Stanislas,  alors  duc  de  Lorraine,  qui  aimait  beaucoup  la 
musique  et  qui  voulut  le  voir.  Martini  fut  donc  présenté  au  prince, 
qui,  enchanté  de  sa  bonne  mine,  lui  offrit  un  emploi  dans  sa  mai- 
son. Le  jeune  compositeur  n'eut  garde  de  ^refuser,  et  dut,  quoique 
non  sans  regrets,  se  séparer  de  son  premier  bienfaiteur,  le  brave 
Dupont.  Du  reste,  il  conserva  toujours  pour  ce  dernier  une  affec- 
tion vive  et  sincère,  et,  dans  la  suite,  il  n'en  parlait  jamais  qu'avec 
respect  et  attendrissement  (1). 

Il  va  sans  dire  que  l'emploi  dont  il  était  chargé  à  la  cour  n'était 
qu'une  sorte  de  sinécure  destinée  seulement  à  lui  faciliter  les  moyens 
de  se  livrer  sans  réserve  à  ses  goûts  pour  la  composition.  Martini  le 
comprit,  et  encouragé  par  l'appui  bienveillant  du  prince,  écrivit  un 
certain  nombre  de  morceaux  de  chant  ou  de  piano,  airs,  romances, 
sonates,  qui  furent  très  bien  accueillis.  C'est  pendant  le  temps  de 
son  séjour  à  Nancy  qu'il  devint  amoureux  d'une  jeune  fille  de  famille 
très-honorable,  dont  il  demanda  la  main  et  devint  bientôt  l'époux. 

Stanislas  étant  mort  en  1766,  Martini  ne  jugea  pas  à  propos  de 
rester  plus  longtemps  en  cette  ville.  Il  avait  besoin  d'un  champ  plus 
vaste  pour  son  ambition,  et  d'ailleurs  il  espérait,  comme  tant  d'au- 
tres, trouver  à  Paris  richesse  et  réputation.  Il  se  décida  donc  à  quit- 
ter la  Lorraine,  et  prit,  avec  sa  jeune  épouse,  le  chemin  de  cette  ville 
dans  laquelle  il  arriva  au  moment  oii  un  concours  était  ouvert  pour 
la  composition  d'une  marche  solennelle  à  l'usage  du  régiment  des 
gardes-suisses.  On  sait  que  la  musique  des  régiments  à  cette  époque 
était  encore  presque  exclusivement  composée  des  airs  et  marches  de 
LuUy,  qui  avaient  déjà  beaucoup  vieilli  ;  c'est  dans  le  but  de  la  ré- 
générer que  l'on  cherchait,  par  des  concours,  à  donner  de  l'émulation 
aux  musiciens  nouveaux.  Martini  apprend  en  descendant  de  voiture 
que  celui-ci  est  fixé  au  lendemain  ;  il  se  met  au  travail  à  peine  dé- 
botté, écrit  en  moins  de  vingt-quatre  heures  une  marche  qu'il  envoie 
immédiatement,  et  cette  marche,  exécutée  à  la  parade  dans  la  grande 
cour  du  château  de  Versailles,  lui  fait  décerner  le  prix  par  le  duc 
de  Choiseul,  qui,  enchanté  de  son  talent,  le  prit  à  dater  de  ce  jour 
sous  sa  protection. 

Le  premier  effet  de  la  faveur  du   duc  de  Choiseul  fut  un  brevet 


(1)  Tous  les  biographes  de  Martini  s'accordent  sur  le  fait  de  sa  présence  à  la 
cour  de  Stanislas,  hormis  un  seul  qui  n'en  fait  aucune  mention.  Ceci  est  d'au- 
tant plus  remarquable  que  ce  biographe,  dont  j'aurai  l'occasion  de  parler  dans 
la  suite  de  ce  travail,  est  la  princesse  Constance  de  Salm,  qui  fut  à  la  fois  l'in- 
time amie  et  le  collaborateur  de  Martini  pour  son  opéra  de  Sapho  et  quel- 
ques autres  travaux  moins  importants.  Or,  dans  VElorje  de  ce  musicien  que  la 
princesse  publia  en  1842  parmi  ses  œuvres  complètes,  elle  se  tait  absolument  sur 
la  circonstance  présente.  J'ai  cru,  tout  en  adoptant  la  version  la  plus  générale- 
ment répandue,  devoir  mentionner  ce  silence,  qui  s'accorde  mal  avec  les  asser- 
tions de  tous  les  écrivains  qui  ont  parlé  de  Martini,  lesquels  devaient  Être,  sur 
les  différents  détails  de  sa  vie,  moins  bien  informés  qu'une  femme  qui  avait  tra- 
vaillé avec  lui  et  l'avait  pendant  plus  de  vingt  ans  admis  dans  son  intimité. 


d'offlcier  à  la  suite  du  régiment  des  hussards  de  Chamboran,  que  ce 
ministre  lit  obtenir  à  son  protégé.  Par  le  fait  de  cette  nomination, 
Martini  obtenait  tous  les  honneurs,  avantages  et  prérogatives  attachés 
au  titre  d'olficier  sans  être  tenu  de  remplir  aucune  des  fonctions 
exigées  par  le  service  militaire.  11  avait  toute  facilité  pour  continuer 
ses  travaux  et  s'occuper,  sans  crainte  du  présent ,  de  l'art  dont  il 
avait  fait  le  but  de  son  existence.  11  profita  largement  de  cette  fa- 
culté et  composa  d'abord  un  grand  nombre  de  morceaux  de  musique 
militaire,  dans  lesquels  il  introduisit  le  genre  allemand,  jusqu'alors 
totalement  inconnu  en  France,  et  qui  obtinrent  un  grand  succès. 
Plusieurs  années  se  passèrent  ainsi,  pendant  lesquelles  il  écrivit 
aussi  beaucoup  de  musique  instrumentale,  symphonies,  quatuors  et 
trios  pour  clavecin  et  instruments  à  cordes,  divertissements,  etc.,  et 
jusqu'à  des  morceaux  de  harpe.  Toutes  ces  productions  furent  ac- 
cueillies avec  une  faveur  marquée,  tant  à  cause  du  talent  qu'y  dé- 
ployait Martini  qu'à  raison  de  la  bienveillance  que  lui  faisait  trou- 
ver partout  dans  le  monde  l'état  presque  familier  de  ses  relations 
avec  le  duc  de  Choiseul. 

Mais  l'appétit,  dit-on,  vient  en  mangeant.  Martini ,  d'abord  satis- 
fait de  la  façon  dont  ses  compositions  étaient  reçues,  ne  se  contenta 
bientôt  plus  de  ces  succès  qu'il  considérait  comme  secondaires  ;  ses 
visées  devinrent  plus  hautes,  et  il  prétendit  se  servir  des  facilités  que 
lui  offrait  sa  position  pour  atteindre  un  résultat  selon  lui  beaucoup 
plus  enviable  ;  le  suffrage  des  dileUanli  de  salon  ne  lui  suffisait 
plus,  et  il  voulait  se  mesurer  avec  un  public  plus  redoutable.  Bref, 
il  voulait,  ainsi  que  tant  d'autres,  se  lancer  au  théâtre,  et  la  scène 
devint  bientôt  le  but  avoué  de  tous  ses  efforts. 


Arthur  POUGIN. 


[La  suite  prochainement.] 


LETTRES  DE  FELIX  ISENDELSSOHM 

(Suite.) 
A  sa  mère. 

Leipzig,  4  octobre  1837. 

Impossible  de  te  décrire  aujourd'hui   le  festival  de 

Birmingham;  il  faudrait  plusieurs  feuilles  de  papier  —  et  des  soirées 
entières,  quand  quelque  jour  nous  serons  réunis  de  nouveau  —  pour 
mentionner,  même  sommairement,  tous  les  incidents  remarquables  de 
ces  journées  (1).  Toutefois  je  te  dirai,  parce  queje  sais  que  cela  te  fera 
plaisir,  que  jamais  jusqu'ici  je  n'ai  eu  d'aussi  brillant  succès,  et  que 
je  ne  pourrai  guère  en  avoir  de  plus  complet  qu'à  ce  festival.  Les 
applaudissements  et  les  acclamations  semblaient  ne  pas  devoir  finir, 
dès  que  je  me  laissais  voir  ;  parfois  j'en  ai  ri,  comme,  par  exemple 
quand  pour  jouer  un  concerto  de  piano,  je  ne  pouvais  arriver  à 
m'asseoir  devant  l'instrument.  Et  ce  qui  vaut  mieux  que  les  applau- 
dissements, et  ce  qui  confirme  mon  succès,  ce  sont  les  offres  qui  me 
furent  faites  de  toutes  parts,  et  qui  cette  fois  avaient  plus  d'importance 
que  jamais. 

Certes,  je  puis  le  dire,  dans  cette  occasion  je  me  suis  bien  con- 
vaincu que  si  tout  cela  m'est  échu  en  partage ,  c'est  parce  qu'en 
écrivant  mes  œuvres,  je  ne  m'inquiète  pas  de  ce  que  les  gens  dé- 
sirent, de  ce  qu'ils  louent  et  qu'ils  paient ,  mais  de  ce  qui  me  semble 
bon  ;  et  c'est  maintenant  une  raison  de  plus  pour  ne  pas  me  laisser 
détourner  de  cette  voie.  En  même  temps  j'eus  une  preuve  frappante 
du  cas  qu'il  faut  faire  de  ces  choses,  par  l'accueil  qu'on  a  fait  cette 
fois  à  Neukomm.  Tu   sais  combien  ils  le  vénéraient  autrefois,  et  le 


(I)  C'est  à  ce  festival  de  Birmingham  que  l'oratorio  Pautus  fut   exécuté  pour 
la  première  fois. 


396 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


prisaient  réellement  au-dessus  de  sa  valeur;  les  musiciens  avaient 
coutume  de  l'appeler  King  of  Brummagem  (1),  et  celte  fois  ils 
l'ont  négligé  d'une  manière  inconvenante;  ils  n'ont  joué  de  lui 
qu'un  petit  morceau  à  la  première  matinée,  qui  a  été  la  plus  mau- 
vaise, Gt  le  public  l'a  accueilli  sans  la  moindre  marque  d'attention  ; 
et  c'était  vraiment  une  honte  pour  ces  hommes  qui,  il  y  a  trois  ans, 
ne  connaissaient  rien  de  plus  élevé  ni  de  meilleur  que  la  musique  de 
Neukomm.  Tout  ce  qu'on  peut  lui  reprocher,  c'est  précisément  d'a- 
voir écrit,  il  y  a  trois  ans,  pour  le  festival  un  oratorio  qui  visait  à 
l'effet.  Le  grand  orgue,  les  chœurs,  les  solos  d'instruments,  tout  s'y 
trouvait,  afin  que  cela  plût  aux  gens  ;  ils  s'en  aperçoivent,  et  cela 
ne  vaut  rien. 

Cette  fois  je  l'ai  encore  trouvé  toujours  aimable,  toujours  bon. 
Pour  mille  choses  il  peut  d'ailleurs  me  servir  d'exemple  :  ce  calme, 
celte  politesse  qui  s'allie  à  la  plus  complète  sincérité,  je  ne  les  ai 
encore  rencontrés  chez  personne  :  et  puis  c'est  vraiment  un  constant 
ami  pour  moi. 

Je  t'envoie  ci-joint  le  programme  complet  du  festival.  Figure-toi 
cette  masse  énorme  de  musique  !  et  les  nombreuses  connaissances 
qui  s'étaient  rendues  à  la  fête.  Puis,  après  avoir  joué  le  dernier  ac- 
cord sur  l'orgue,  qui  e'st  magnifique,  il  m'a  fallu  prendre  le  Liver- 
pool-7nail;  et  je  restai  en  voiture  pendant  six  jours  et  six  nuits, 
pour  aller  rejoindre  les  miens  à  Francfort.  J'arrivai  vers  minuit  à 
Londres,  où  je  fus  reçu  par  Klingemann  ;  il  me  conduisit  au  comité 
de  la  Sacred  harmonie  Society,  où  l'on  me  remit  solennellement  une 
grande  et  épaisse  tabatière  en  argent,  avec  une  inscription.  Mercredi, 
à  2  heures  1/2,  j'arrivai  à  Francfort.  A  6  heures  commença  le  pre- 
mier concert  d'abonnement,  où  j'avais  à  diriger  la  Jubel- Ouverture  et 
la  symphonie  en  ut  mineur,  etc. 


A  Rebecca  Dirichlet  (2). 

Parmi  nos  concerts  il  y  en  a  maintenant  quatre  dits  historiques. 
Ainsi  dans  l'avant- dernier  nous  avons  joué  la  suite  de  Bach  en  ré 
majeur  tout  entière,  quelques  compositions  de  Hœndel,  Gluck  et  un 
concerto  pour  violon  de  Viotti  ;  pour  la  clôture,  la  symphonie  des 
Adieux,  par  Haydn,  dans  laquelle,  à  la  grande  joie  du  public,  les 
musicienssoufflèrent  réellement  leurs  bougies,  jusqu'à  ce  qu'il  ne  restât 
plus  que  les  violonistes  du  premier  pupitre,  qui  finirent  en  fadieze 
majeur.  C'est  un  curieux  et  mélancolique  petit  morceau.  Auparavant 
nous  avions  joué  le  trio  de  Haydn  en  ré  majeur  ;  et  ces  gens  là 
n'en  pouvaient  revenir  qu'il  existât  quelque  chose  d'aussi  beau  ; 
et  pourtant  cela  a  été  imprimé  depuis  longtemps  chez  Breitkopf  et 
Hsertel.  La  prochaine  fois  ce  sera  le  tour  de  Mozart,  dont  je  jouerai 
un  concerto  et  dont  nous  ferons  entendre  pour  la  première 
fois  un  quatuor  tiré  de  son  opéra  de  Zciide,  qui  est  resté  inachevé  ; 
puis  viendra  Beethoven,  et  il  nous  restera  deux  concerts  pour 
toute  espèce  de  compositions  modernes,  et  nous  arriverons  ainsi 
à  parfaire  le  nombre  de  vingt. 

Hier  soir,  il  a  été  de  nouveau  vivement  question  de  toi.  Après 
avoir  fini  d'écrire,  je  lus  à  Cécile  l'épisode  de  Nausikaa  dans  la  tra- 
duction d'Homère  par  Voss  :  après  chaque  dizaine  de  vers  je  lui 
communiquais  les  profondes  remarques  philosophiques  que  tu  fis  dans 
le  temps,  pendant  notre  leçon  de  grec.  La  poésie  de  cet  épisode 
est  réellement  irrésistible,  quand  elle  devient  sentimentale.  De  tout 
temps  j'aurais  voulu  le  mettre  en  musique  et  j'en  éprouve  de  nouveau 
le  désir  :  mais  de  nos  jours  peut-on  compter  sur  un  succès  avec 
un  poêle  allemand  ? 

Pendant  la  semaine  passée  j'ai  reçu  quatre  projets  d'opéras,  l'un 


plus  ridicule  que  l'autre.  C'est  autant  d'ennemis  que  je  me  fais  !  — 
En  attendant,  je  fais  de  la  musique  instrumentale,  et  j'aspire  à  ren- 
contrer le  poëte  inconnu,  qui  demeure  peut-être  à  côté  de  moi,  ou 
bien  à  Tombouctou  ;  que  sais-je  ? 

Traduit  pur  J.  DUESBERG. 


CORRESPONDANCE. 


(1)  Par  corruption  :  pour  Birmingham 

(2)  Sœur  de  Mendeissohn  ;  elle  avait 


épousé  le  profe.sseur  Dirichlet,  à  Berlin. 


Saint-Pétersbourg,  le  8  décembre  1863. 

Depuis  ma  dernière  lettre,  la  reprise  de  la  Cenerentola  plusieurs  fois 
annoncée,  plusieurs  fois  ajournée,  est  venue  varier  un  peu  le  répertoire 
de  notre  théâtre  Italien.  Cet  opéra  n'avait  pas  été  représenté  ici  depuis 
que  Lablaohe  avait  imprimé  au  rôle  de  don  Magnifico  le  cachet  de  son 
inimitable  talent.  Après  un  si  long  intervalle,  on  s'attendait  donc  à  voir 
le  public  accueillir  avec  plaisir  une  des  meilleures  partitions  bouffes  de 
Ilossini.  Cependant  il  n'en  a  pas  été  ainsi,  et,  à  l'exception  de  l'enthou- 
siasme que  Calzolari  a  le  privilège  de  provoquer  dans  chacun  de  ses 
rôles  et  qui  lui  a,  encore  ce  soir-là,  valu  une  véritable  ovation ,  il  faut 
bien  avouer  que  la  salle  a  été  d'une  froideur  désespérante  1  Faut-il  at- 
tribuer ce  résultat  négatif  à  l'absence  d'un  grand  artiste,  à  son  souvenir 
encore  si  vif  dans  une  de  ses  meilleures  créations,  et  que,  malgré 
tous  ses  efforts,  Fioravanti  ne  pouvait  faire  oublier,  ou  mieux  peut-être 
au  changement  survenu  dans  le  goût  du  public  qui  préfère  aujourd'hui 
l'opéra  sen'a  à  l'opéra  6u/fa.''  Toujours  est-il  que  la  Cenerzntola  ne  paraît 
pas  destinée  à  dépasser  le  nombre  de  représentations  exigé,  pour  qu'elle 
soit  entendue  par  nos  trois  séries  d'abonnés.  L'exécution,  confiée  à 
Calzolari,  Everardi,  Fioravanti  et  Mme  Nantier-Didiée,  a  cependant  été 
bonne,  et,  comme  je  le  disais  plus  haut,  Calzolari  a  chanté  admirable- 
ment le  rôle  de  don  Ramiro.  Celui  de  don  Magnifico  a  été  tenu  d'une 
manière  satisfaisante  par  Fioravanti,  et  Everardi  s'est  montré  bon  co- 
mique dans  le  personnage  de  Dandini.  Mme  Nantier-Didiée,  contre  son 
habitude,  a  particulièrement  souffert  de  la  froideur  qui  régnait  dans 
l'auditoire.  Le  rôle,  du  reste,  ne  lui  est  pas  avantageux.  C'est  dans  les 
travestis  et  par  les  qualités  spéciales  qu'ils  comportent,  que  Mme  Nan- 
tier  a  conquis  chez  nous  une  réputation  méritée  ;  toutes  les  fois  qu'elle 
a  voulu  en  sortir  pour  aborder  les  grands  rôles  de  pri'ma  donna  assoluta, 
l'étoffe  suffisante  lui  a  manqué,  et  cela  explique  jusqu'à,  un  certain  point 
le  peu  d'effet  qu'elle  a  produit  dans  la  Cenerentola.  La  mise  en  scène  et 
les  costumes  étaient  splendides. 

Samedi  passé,  4  décembre  ,a  eu  lieu,  pour  le  bénéfice  du  régisseur 
Sokoloff  et  du  baryton  Méo,  un  spectacle  MisccUanea,  comme  on  dit 
ici.  Il  se  composait  du  grand  duo  du  5"  acte  du  Prophète  chanté  par 
Tamberlick  et  Mme  Nantier-Didiée,  du  l"'  acte  de  la  Traviala  avec 
Mme  Fioretti  et  Calzolari,  du  duo  de  basse  et  baryton  de  la  Lïnda  de 
Chamounix  ;  du  3"  acte  de  Torquato  Tasso  pour  Graziani  ;  du 
grand  duo  de  Moïse  chanté  par  Tamberlick  et  Everardi  ;  de  l'ariette 
bouffe  de  Don  Buccfalo  exécutée  par  Fioravanti,  et  enfin  du  !<"■  tableau 
du  4»  acte  de  la  Vita  per  le  Tsar,  dans  lequel  Mme  Nantier-Didiée  a 
chanté  en  russe  le  rôle  de  Vania.  La  variété  de  ce  spectacle  avait  at- 
tiré beaucoup  de  monde,  et  la  recette  s'est  élevée  à  3,500  roubles 
(environ  14,000  francs).  Les  honneurs  de  la  représentation  ont  été  pour 
le  magnifique  duo  du  Prophète,  très-bien  rendu  par  Tamberlick  et  par 
Mme  Nantier.  La  Traviata  a  valu  ensuite  de  chaleureux  applaudisse- 
ments à  Calzolari  et  à  Mme  Fioretti,  qui  ont  chanté  délicieusement.  — 
Quant  à  l'invasion  de  Mme  Nantier  dans  le  domaine  de  la  langue  russe, 
elle  n'a  pas  été  heureuse,  et  l'cm  a  peu  goûté  son  interprétation  du 
fragment  de  la  Vie  pour  le  Tsar  chanté  par  elle. 

Je  vous  ai  parlé  de  Giuglini,  et  l'appréciation  que  je  vous  ai  donnée 
de  son  talent  a  été  celle  de  tout  le  monde  ici,  et  entre  autres  celle  du 
feuilletoniste  du  Journal  français  de  Saint-Pétersbourg  ;  mais  il  paraît  que 
l'amour-propre  de  l'artiste  ne  lui  avait  pas  permis  d'attendre  que  le 
jugement  du  public  se  formulât  sur  son  compte  et  qu'il  avait  pris 
les  devants.  On  n'a  donc  pas  été  peu  surpris  de  voir  arriver  ces 
jours-ci  un  numéro  à'Il  Pirata  de  Turin  chantant  les  louanges  del  si- 
gner Giuglini  sur  un  diapason  qui  laissait  bien  loin  le  diapason  normal. 
Cet  article  a  été  immédiatement  reproduit  en  français  par  le  Journal  de 
Saint-Pétersbourg,  auouel  on  n'avait  pas  épargné  les  réclamations,  et  il 
n'a  pas  précisément  plaidé  en  faveur  de  la  modestie  du  chanteur,  au- 
quel on  eût  souhaité  un  ami  moins  chaud  dans  la  rédaction  d'il  Pirata 
et  surtout  un  peu  plus  véridique. 

Les  répétitions  de  Faust  ont  commencé,  et  l'on  pense  que  l'opéra  de 
Gounod  pourra  être  donné  dans  quinze  jours.  11  fournira  à  Mme  Barbot 
l'occasion  de  sortir  d'un  repos  qui,  bien  que  nécessité  par  une  santé 
délicate,  n'en  entrave  pas  moins  trop  souvent  le  répertoire. 

Aussitôt  après  l'apparition  de  Faust,  on  s'occupera  activement  des 
répétitions  de  la  Dame  blanche.  Je  puis  vous  faire  connaître  mainte- 
nant la  distribution  définitive  des  rôles  :  Mme  Fioretti,  Anna;  Mme  Ber- 
nard!, Jenny  ;   Mme  Nantier-Didiée,  Marguerite;  M.  Calzolari,  Georges; 


DE  PARIS. 


397 


Malvezzi,  Dickson  ;  Everardi,  Gaveston  ;  Polonini,  Mac-Irton;  Paltrinieri, 
Gabriel.  Le  rôle  d'Anna  avait  été  offert  à  Mme  Barbet,  mais  elle  la 
refusé,  et  on  ne  s'est  pas  expliqué  ce  refus  de  la  part  d'une  artiste 
française,  lorsqu'il  s'agissait  d'iœpatroniser  sur  la  scène  italienne  le 
chef-d'œuvre  d'un  des  plus  célèbres  compositeurs  français.  Le  rôle 
eùt-il  même  été  au-dessous  de  sa  position  de  prima  donna  de  notre 
troupe  italienne,  qu'un  sentiment  patriotique  semblait  devoir  lui  com- 
mander de  ne  l'abandonner  à  personne  ! 

Les  représentations  de  l'Opéra  russe  sont  très-suivies.  On  y  donne 
fréquemment  les  opéras  de  Meyerbeer.  Tout  dernièrement  encore  on 
jouait  sous  leur  véritable  titre  (Houguenots)  ,  les  Huguenots  ,  et  la 
représenlation  a  été  très-belle.  Le  rôle  de  Valentine  est  en  excellentes 
mains,  et  Mlle  Valentine  Blanchi,  qui  a  fait  ses  preuves  en  Italie,  le 
chante  avec  une  véritable  supériorité.  Celui  de  lîaoul  est  tenu  par 
Setoff,  notre  premier  ténor,  dont  je  vous  ai  parlé  maintes  fois,  et  qui 
possède  des  qualités  fort  appréciées  par  nos  dilettantes.  Si  sa  voix 
manque  un  peu  de  force,  en  revanche  il  chante  avec  beaucoup  de 
goût.  Wassilieff  s'acquitte  bien  du  rôle  de  Marcel.  Mme  Annenska 
(Marguerite),  Petroff  (Saint-Bris)  et  Soboleff  (Nevers)  complètent  un 
ensemble  remarquable.  La  mise  en  scène  ne  laisse  d'ailleurs  rien  à 
désirer,  et  chaque  fois  qu'on  donne  le  chef-d'œuvre  de  Meyerbeer,  la 
salle  est  retenue  d'avance. 

Hier  a  débuté  dans  Lucresia  Borgia,  sous  le  nom  de  Di  Pietro,  un 
jeune  ténor,  dont  le  véritable  nom  est  Comissarjewski  (il  n'a  pas  perdu 
à  le  changer),  qui  arrive  d'Espagne,  où  il  a  chanté  plusieurs  années. 
Doué  d'un  physique  des  plus  agréables,  il  possède  une  fort  jolie  voix, 
qu'il  conduit  avec  méthode.  Il  a  obtenu  un  succès  très-flatteur. 

Samedi  dernier,  le  marquis  Pepoli,  ministre  d'Italie,  récemment  de 
retour  avec  la  marquise  qu'il  était  allé  chercher  en  Italie,  a  ouvert  ses 
salons  par  une  brillante  soirée  mu.'iicale ,  dans  laquelle  chantait  l'élite 
de  la  troupe  italienne. 

Aujourd'hui  devait  avoir  lieu,  chez  S.  A.  1.  madame  la  grande 
duchesse  Hélène  Pavlovna,  une  grande  fête  musicale;  mais  une  indis- 
position de  Son  Altesse  Impériale  a  forcé  de  l'ajourner. 

S.  D. 


REVDE  DES  THÉÂTRES. 

Vaudeville  :  les  Diables  noirs,  pièce,  en  quatre  actes,  par  M.  Victo- 
rien Sardou. 

Nous  venons  un  peu  tard  pour  parler  de  la  pièce  de  M.  Victorien 
Sardou,  qui  a  été  jugée  très-sévèrement  par  la  presque  unanimité  de 
la  presse,  mais  qui  n'en  poursuit  pas  moins  au  Vaudeville  son  succès, 
dirons-nous  de  scandale  ?  Le  rôle  de  rapporteur,  le  seul  qui  nous  reste 
à  prendre  dans  ce  grand  procès,  nous  permettra  peut-être  d'éclairer 
la  question. 

De  quoi  s'agit-il  en  substance?  D'un  jeune  débauché  qui  vole  un 
diamant  à  sa  maîtresse  pour  solder  une  dette  usuraire.  La  marquise 
—  car  notez  que  celte  maîtresse  est  une  marquise  —  serait  assez 
disposée  à  passer  l'éponge  sur  l'infamie  de  son  amant  ;  mais  elle  le 
croit  infidèle,  et  à  ses  yeux,  voilà  le  crime,  le  crime  irrémissible. 
Elle  s'enferme  avec  le  coupable,  après  avoir  mis  le  feu  à  la  maison, 
et  au  moment  oij  elle  sent  la  mort  s'approcher,  elle  trouve  en  elle- 
même  la  force  de  le  mépriser  et  de  le  maudire. 

Qu'importe  après  cela  que  Gaston  la  sauve  et  se  jette  dans  les 
flammes  pour  y  périr  seul  ?  La  pièce  est  finie,  et  l'agonie  de  la  mar- 
quise ne  fait  que  la  prolonger  inutilement. 

Mais  là  n'est  point  le  reproche  capital  que  l'on  fait  à  l'auteur.  La 
critique  remonte  plus  haut,  et  lui  demande  ce  qu'il  a  eu  l'intention  de 
prouver  en  étalant  toutes  ces  hontes  sur  la  scène.  A-t-il  voulu  re- 
prendre en  sous-œuvre  le  thème  des  Liaisons  dangereuses?  C'est  en 
effet  la  seule  morale  que  l'on  puisse  tirer  de  son  œuvre;  mais 
M.  Victorien  Sardou  n'est  pas  homme  à  se  traîner,  de  gaieté  de  cœur, 
dans  de  semblables  banalités.  La  morale,  qu'est-ce  que  cela  ?  JN 'est-il 
pas  temps  de  faire  enfin  justice  de  ce  préjugé  gothique,  d'après  lequel 
nos  pères  avaient  inscrit  au  frontispice  de  leur  théâtre  :  Casticjat  ri- 
dendo  mores?  L'analyse  des  passions,  tel  est  le  but  à  atteindre,  et 
tout  le  monde  sait  que  les  passions  ne  raisonnent  pas,  et  qu'on  ne 
peut,  conséquemment,  en  obtenir  des  déductions  logiques. 

11  est  bien  plus  naturel  de   chercher  leur  raison  d'être  dans  les 


données  du  fatalisme  oriental.  Cet  homme  est  un  chenapan  qui  se 
fait  un  jeu  de  l'honneur  des  femmes,  qui  n'a  ni  foi  ni  loi,  qui  dé- 
robe un  diamant  comme  il  prendrait  un  baiser  à  sa  maîtresse.  Que 
voulez-vous  ?  il  a  les  Diables  noirs  :  cela  répond  à  tout.  Nous  avions 
déjà  les  Diables  bleus  (Btue  devils)  du  comte  Alfred  de  Vigny  ;  mais 
c'étaient  de  bons  diables  auprès  de  ceux  de  M.  Victorien  Sardou. 
Tout  au  plus  étaient-ils  capables  de  nous  donner  la  migraine  et  de 
vous  clouer  sur  votre  canapé,  dans  les  étreintes  d'une  souffrance  ner- 
veuse et  chagrine.  Les  Diables  noirs  sont  de  moins  facile  composi- 
tion ;  quand  ils  s'emparent  de  votre  cerveau,  ils  en  expulsent  tous 
les  instincts  honnêtes,  et  n'y  laissent  pas  la  moindre  place  à  un  e 
pensée  généreuse,  à  une  inspiration  loyale.  En  vain  tenteriez-vous  de 
les  chasser  ;  ils  sont  vos  maîtres,  vos  tyrans  ;  vous  n'avez  plus  votre 
libre  arbitre  :  s'ils  vous  commandent  d'enfoncer  le  poignard  dans  le 
cœur  de  votre  rival,  ou  de  dévaliser  la  caisse  de  votre  patron,  il 
faut  leur  obéir.  Quelle  excellente  excuse  pour  le  gibier  de  cour  d'as- 
sises !  —  Mon  président,  vous  avez  tort  de  dire  que  j'ai  commis  tel 
crime  ;  ce  n'est  pas  moi,  ce  sont  mes  Diables  noirs  ! 

Ne  nous  hâtons  donc  pas  de  flétrir  Gaston  de  Champheu  ;  le 
pauvre  garçon  n'est  pas  coupable,  c'est  un  martyr  de  la  fatalité. 

Avec  ce  système-là,  nous  sommes  forcés  d'absoudre  aussi  la  mar- 
quise Jeanne.  Si  son  amant  est  un  voleur,  elle  a  bien  le  droit  d'être 
une  incendiaire.  Car  enfin,  pourquoi  n'aurait-elle  pas  ses  Diables 
noirs,  tout  comme  Gaston,  cette  charmante  femme? 

De  tout  cela,  ce  que  l'on  peut  conclure,  c'est  qu'un  individu  at- 
teint de  la  maladie  des  Diables  noirs  est  un  infirme  ou  un  mono- 
mane  ;  renvoyons-le  bien  vite  à  l'hospice  ou  aux  Petites-Maisons,  et 
gardons-nous  de  le  prendre  pour  un  type  dramatique. 

Si  encore  les  autres  personnages  de  cette  pièce  faisaient  ombre 
au  tableau  !  Mais  que  penser  de  ces  trois  coquins  d'héritiers  pré- 
somptifs, que  l'on  a  comparés  aux  anabaptistes  du  Prophète  ?  Ou 
bien,  de  ce  mari  qui  a  fait  serment  de  ne  jamais  aimer  sa  femme  et 
qui  s'affuble,  on  ne  sait  trop  pourquoi,  du  surnom  de  Ferragus, 
comme  si  Balzac  avait  quelque  chose  à  voir  en  cette  affaire.  C'est 
bien  le  cas  de  répéter  avec  l'égoutier  au  lorgnon,   du    drame   de 

Léonard  :  Quelle  société  ! Quelle  société  ! En  retournant  le 

mot  qui  a  été  fait  à  propos  des  Bergeries  de  Mme  Deshouillères,  que 
ne  donnerait-on  pas  pour  voir  un  pauvre  petit  mouton  rôder  parmi 
ces  loups  ? 

On  prétend  que  la  commission  de  censure  a  retenu  l'ouvrage  de 
M.  Victorien  Sardou  pendant  plus  d'une  année.  Nous  ignorons  pour- 
quoi elle  l'a  rendu  ;  mais  il  est  certain  que,  dans  l'intérêt  de  ce 
jeune  et  brillant  auteur,  elle  aurait  dû  maintenir  son  veto. 

Nous  y  aurions  perdu,  sans  doute,  quelques  scènes  remarquables, 
dans  lesquelles  la  passion  jette  un  voile  sur  l'indignité  de  l'action. 
M.  Sardou  est  homme  de  ressources  ;  il  nous  en  eût  dédommagés  à 
la  première  occasion. 

Il  faut  d'ailleurs  en  convenir,  l'interprétation  est  pour  beaucoup 
dans  l'effet  de  ses  scènes.  Avec  d'aulres  artistes  que  Berton  et 
Mlle  Fargueil,  elles  n'auraient  pas  sauvé  les  Diables  noirs.  Nous 
n'en  voulons  pour  preuve  que  l'extrême  froideur  du  public  pendant 
les  premiers  actes  de  celle  longue  pièce.  Car,  au  nombre  de  ses 
défauts,  il  faut  compter  des  lenteurs  interminables,  et  surtout  un 
dénoûment  fatigant  à  force  de  vulgarité.  Quand  nous  délivrera-t-on 
de  ces  jeunes  femmes  qui  meurent  péniblement  sur  la  scène ,  du 
poison  ou  de  la  phthisie?  Mais  Rachel  mourait  si  bien  dans  Adrienne 
Lecouvreur,  et  Mme  Doche,  dans  la  Dame  aux  camellias  I  C'est  là 
une  tradition  funeste  qui  nous  vaudra  malheureusement  encore  bien 
des  agonies,  sans  compter  celle  de  Mlle  Fargueil. 

Somme   toute ,  les  Diables  noirs  font  de  l'argent,  et  l'on  en  est 

réduit  à  se  demander  qui  a  raison  de  la  presse  qui  les  a  condamnés 

ou  de  la  foule  qui  les  absout. 

D.  A.  D.  SAINT-YVES. 


398 


REVUE  HT  GAZETTE  MUSICALE 


BOUVELLES. 

***  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  représenté  la  semaine  passée  la 
Muette  de  Portici,  Giselle  et  les  Huguenots.  —  Aujourd'hui  par  extraor- 
dinaire la  Muette  de  Portici. 

^*^,  Nous  avons  donné  dimanche  dernier  le  prograume  du  répertoire 
de  cet  hiver.  Bien  qu'il  n'y  soit  pas  question  de  YAfricaine,  il  n'en 
faudrait  pas  conclure  que  le  projet  de  monter  cet  ouvrage,  sur  lequel 
on  l'onde  de  si  grandes  espérances,  soit  abandonné.  L'Opéra  prépare, 
au  contraire,  de  nouveaux  débuts,  pour  que  Meyerbeer  puisse  enten- 
dre les  artistes  qui  devront  compléter  la  distribution  de  ses  rôles.  Pour 
quelques-uns,  son  choix  est  arrêté;  si  les  autres,  comme  il  y  a  lieu  de 
l'espérer,  le  «atisfont  également,  l'Africaine  entrerait  immédiatement 
en  répétition  après  l'opéra  de  M.  Mermet,  et  l'on  comprend  qu'elle  ne 
pourrait  être  représentée  qu'au  mois  d'octobre  prochain. 

^*a,  Mme  Talvo  Bedogni,  qui  a  débuté  à  l'Opéra,  il  y  a  quelques  jours, 
dans  le  rôle  de  Léonore  de  la  Favorite,  a  résilié  son  engagement  avec 
la  direction  de  ce  théâtre  à  des  conditions  fort  honorables.  Elle  se 
rend  à  Florence,  où  de  très-brillantes  propositions  lui  avaient  été  faites 
pour  le  théâtre  de  la  Pergola,  et  elle  les  a  définitivement  acceptées. 

s,*:t  Mlle  Marie  Sax  vient  de  chanter  au  grand  théâtre  de  Rouen  le 
rôle  de  Léonore  du  Trouvère;  elle  y  a  excité  un  enthousiasme  très- 
vif. 

,j*»  La  représentation  extraordinaire  donnée  mardi  passé  à  l'Opéra-Co- 
mique,  au  bénéfice  de  la  caisse  de  secours  des  auteurs  et  compositeurs 
dramatiques,  a  été  magnifique,  et  le  chiffre  de  la  recette  s'est  élevé 
à  9,000  francs. 

„,*„,  Meyerbeer  a  dû  se  faire  excuser  de  ne  pouvoir  se  rendre  à  l'in- 
vitation de  l'Empereur  pour  Compiègne,  à  cause  d'une  indisposition 
qui  l'a  forcé  à  garder  le  lit  pendant  plusieurs  jours.  Nous  devons  ajouter 
que  cette  indisposition  est  sans  la  moindre  gravité. 

s*j  A  peine  revenu  de  son  voyage  triomphal  à  Gand,  Roger  est  re- 
parti pour  Nancy,  où  il  s'est  fait  entendre  au  théâtre  avec  un  très- 
grand  succès. 

»*»  Aujourd'hui,  au  théâtre  Italien,  reprise  de  la  Ccncrentola  avec 
Mme  Borghi-Mamo.  —  Mardi  prochain,  reprise  à.'Ernani  avec  Fraschini 
et  Mme  de  Lagrange. 

^*^  L'opéra  en  trois  actes  du  prince  Poniatowski,  tes  Aventuriers,  sera 
représenté  au  théâtre  Lyrique. 

,1,*:^  Les  recettes,  pendant  le  mois  de  novembre  dans  les  théâtres, 
concerts,  etc.,  ont  été  de  1,843,470  francs. 

^*»  Carlotta  Patti  vient  d'arriver  à  Paris.  Nous  aurons  probablement 
bientôt  occasion  d'applaudir  cette  célèbre  cantatrice. 

^*^  Le  Grand-Théâtre  de  Bordeaux  prépare,  pour  être  représenté  vers 
la  fin  du  mois  de  janvier,  le  Délire,  ballet  en  trois  actes,  qui  sera  monté 
avec  le  plus  grand  luxe.  La  musique  a  été  composée  par  M.  Emile  Jo- 
nas,  professeur  au  Conservatoire  de  Paris,  et  auteur  de  charmants 
opéras-comiques. 

***  La  Commission  d'examen  pour  l'admission  des  élèves  mihtaires 
au  Conservatoire  impérial  de  musique  a  commencé  ses  séances  lundi 
dernier.  Elle  se  compose  de  MM.  le  général  Mellinet,  président;  Am- 
broise  Thomas,  Kastner,  membres  de  l'Institut  ;  Edouard  Monnais,  com- 
missaire impérial  ;  Bazin,  Emile  Jonas,  Dorus,  Triébert,  Klosé,  Fores- 
tier, Arban,  Adolphe  Sax,  Dauverné,  Dieppo,  Alkan  et  Durand,  profes- 
seurs au  Conservatoire. 

»**  yv.  Wallace,  l'auteur  de  Lurline  et  de  tant  d'autres  opéras  qui 
ont  eu  un  très-grand  succès  en  Angleterre  et  en  Allemagne,  vient 
d'arriver  à  Paris  où  il  se  fixera  pendant  quelque  temps. 

^**  La  reprise  du  Brésilien,  interrompu  en  plein  succès  par  le  départ 
de  Brasseur,  doit  avoir  lieu  cette  semaine  au  théâtre  du  Palais-RoyaL 
Avec  la  pièce  reviendra  la  ronde  fameuse,  qui  n'a  cessé  de  se  chanter 
dans  toute  la  France  et  dans  bien  d'autres  lieux. 

^.*^  Dimanche  a  eu  lieu  le  premier  des  deux  concerts  extra- 
ordinaires au  Conservatoire.  Voici  de  quels  éléments  se  composait  le 
programme  :  1°  symphonie  pastorale,  de  Beethoven;  2"  ouverture  et 
fragments  (ïlphigénie  en  Aulide,  de  Gluck  (soli  chantés  par  MM.  Crosti 
et  Bonnesseur)  ;  3°  concerto  en  sol  mineur,  de  Mcndelssohn,  pour  piano, 
exécuté  par  Mlle  Caroline  Rémaury;  4°  scène  et  bénédiction  des  dra- 
peaux du  Siège  de  Corinlhe,  de  Bossini  (solo  chanté  par  M.  Belval)  ; 
5°  ouverture  û'Euryanthe,  de  Weber.  Le  second  concert  extraordinaire 
aura  lieu  le  20  de  ce  mois. 

,**  Dimanche  dernier,  au  Cirque  Napoléon,  après  la  charmante  sym- 
phonie en  sol  mineur  de  Mozart,  un  soliste,  chose  rare,  a  paru  sur 
l'estrade.   M.   Piatti,  violoncelliste,    qui  jouit  à  Londres   d'un    renom 


populaire,  venait  se  faire  connaître  au  public  de  Paris,  et  dès  les  pre- 
miers coups  d'archet  nous  savions  à  qui  nous  avions  affaire.  M.  Piatti 
est  un  virtuose  de  la  meilleure  école  ;  il  a  le  son,  la  justesse,  le 
charme:  il  chante  avec  un  goût  parfait,  et  triomphe  des  difficultés  avec 
une  rare  aisance.  Pour  déployer  les  diverses  qualités  qu'il  possède,  il 
avait  choisi  un  délicieux  concerto  de  Molique,  adagio  et  finale.  Les 
applaudissements  de  la  salle  entière  n'ont  pu  lui  laisser  de  doute  sur 
le  plaisir  qu'il  avait  causé  :  cette  ovation  n'était  d'ailleurs  qu'une 
stricte  justice.  Décidément  la  musique  de  Schumann  n'est  pas  en 
faveur  aux  concerts  populaires.  L'ouverture  de  Geneviève  n'a  paru  qu 
le  résultat  d'un  enfantement  laborieux  ;  le  compositeur  y  rend  à  l'audi- 
teur la  fatigue  qu'il  a  dû  s'imposer. 

s**  Le  programme  du  huitième  concert  populaire  de  musique  classique 
qui  aura  lieu  aujourd'hui  au  Cirque  Napoléon,  est  le  suivant  :  sympho- 
nie en  ré  majeur  (n°  44),  de  Haydn;  ouverture  d'Athalie,  de  Mendels- 
sohn  ;  adagio  du  quintette  en  S'J  mineur,  de  Mozart,  par  tous  les  instru- 
ments à  cordes;  symphonie  en  ut  majeur,  de  Beethoven. 

^,*s,  Ou  mande  de  Constantinople  :  «  Pour  la  première  fois  le  sultan 
s'est  rendu  un  de  ces  soirs,  en  personne,  au  théâtre  Italien  du  quartier 
franc  de  Péra.  La  façade  du  théâtre  et  les  maisons  voisines  étaient 
splendidement  illuminées.  Le  padischah  s'était  fait  accompagner  des 
princes  Muzad-Efl"endi  et  Yousouf-Eddin-Effendi.  » 

***  La  Société  philanthropique  savoisienne  donnait  dimanche  à 
l'Ilôtel  de  ville  son  concert  annuel,  sous  la  direction  de  M.  Coninx. 
Ce  qu'on  y  a  d'abord  applaudi,  ce  sont  les  chœurs  chantés  par  la 
Société  du  Conservatoire,  dont  M.  E.  Batiste  est  le  chef.  MM.  Pons, 
Taillefer,  Bach,  Hélène  Lévy  et  Ostoia  ont  ensuite  chanté  divers  mor- 
ceaux, qui  ont  réuni  tous  les  suffrages.  M.  Aurèle  a  dit  de  charmantes 
chansonnettes;  Mme  Clémence  Martin,  sur  le  piano,  M.  Isidore  Lévi  sur 
le  violon,  et  M.  Coninx  sur  la  flûte,  ont  eu  aussi  leur  bonne  part  de 
succès. 

i*i  Nous  entendrons  bientôt  un  nouveau  virtuose  des  plus  distingués 
sur  la  guitare,  M.  Marc  Sokolowski.  C'est,  nous  assure-t-on,  un  artiste 
de  srand  mérite,  sachant  tirer  un  beau  son  de  son  instrument,  jouant 
de  bonne  musique  à  quatre  parties,  et  possédant  une  exécution  brillante, 
qui  n'exclut  pas  le  sentiment.  11  excelle  surtout  dans  une  fantaisie  sur 
VEiisire  et  deux  études  originales  de  sa  composition,  ainsi  que  dans  la 
fameuse  Mazurka  de  Chopin,  arrangée  avec  variations  par  Mme  Viardot. 
M.  Sokolowski  jouit  d'une  réputation  fort  bien  établie  en  Allemagne, 
en  Belgique,  à  Vienne,  à  Hombourg  ;  il  est  aussi  très-aimé  à  Moscou 
et  à  Saint-Pétersbourg.  H  se  propose  de  donner  un  concert  dans  la 
salle  Herz. 

^*^  Mardi  prochain,  à  la  salle  Herz,  deuxième  séance  populaire  de 
musique  de  chambre,  donnée  par  MM.  Lamoureux,  Colonne,  Adam  et 
Rignault.  Voici  le  programme  :  1°  quatuor  en  ré  majeur  (n"  63),  pour 
deux  violons,  alto  et  violoncelle,  de  Haydn;  2°  sonate  en  fa  mineur 
(op.  56),  pour  piano,  de  Beethoven,  exécutée  par  M.  Henri  Fissot; 
3"  canzonetta,  extraite  du  l'^''  quatuor  de  Mendelssohn  ;  4°  quatuor  en 
ut  mineur  (n"  4),  pour  deux  vidons,  alto  et  violoncelle,  de  Beethoven. 

^*\  L'Abécédaire  vocal  de  H.  Panofka,  dont  une  nouvelle  édition  est 
sous  presse,  vient  de  paraître  traduit  en  espagnol.  Il  existe  déjà  de  cet 
excellent  ouvrage  des  traductions  en  italien  et  en  anglais. 

^*^  A  la  quatrième  séance  de  musique  de  chambre  donnée  à  l'expo- 
sition de  peinture  du  boulevard  des  Italiens,  vendredi  passé,  à  laquelle 
un  nombreux  auditoire  a  assisté,  le  programme  se  composait  des  mor- 
ceaux suivants  :  Quintette  ;  soirée  d'automne,  soirée  d'été ,  de  Félicien 
David.  Fragment  du  S/i"  quatuor  en  ré,  de  Haydn,  Quintette,  d'Onslow, 
Concerto,  de  Weber.  L'exécution  en  a  été  très-satisfaisante. 

^*^  Notre  jeune  et  déjà  célèbre  violoniste  Paul  Julien,  a  obtenu  à 
Buenos-Ayres  des  succès  éclatants.  11  a  donné  d'abord  dans  les  salons 
de  .M.  Guion,  agent  de  la  maison  Erard,  une  audition  devant  un  public 
d'élite.  L'effet  qu'il  a  produit  lui  présageait  le  triomphe  qu'il  allait  ob- 
tenir au  théâtre  Colomb,  où  il  s'est  fait  entendre  quatre  fois.  Nos  cor- 
respondances ne  parlent  que  de  l'enthousiasme  que  ce  jeune  virtuose  a 
excité  parmi  un  auditoire  assez  passionné  pour  comprendre,  et  assez 
éclairé  pour  juger  le  mérite  d'un  grand  artiste. 

^*«  Il  circule  dans  le  monde  joyeux  une  chanson  connue  jusqu'à  pré- 
sent sous  le  titre  de  Chanson  des  entrepreneurs  de  bâtisse.  Notre  ami 
Charles  Plantade  a  eu  l'heureuse  idée  de  rétablir  dans  toute  sa  pureté 
cette  originale  production,  et  en  lui  restituant  son  véritable  titre  :  Bap- 
tême de  l'enfant  ébéniste.  Les  amateurs  de  bonnes  plaisanteries  sont  pré- 
venus qu'ils  trouveront  cette  chanson  gravée  chez  E.  Chatot,  éditeur  de 
musique,  rue  de  la  Feuillade,  près  de  la  place  des  Victoires. 

3,*t  La  charmante  transcription  pour  piano  de  S.  Ponce  de  Léon,  in- 
titulée :  ilfore  pauvre  cœur,  vient  de  paraître  chez  Challiot  et  C". 

^*.^,  Un  Othello,  l'opérette  de  J.-E.  Legouix  qui  a  été  si  justement  ap- 
plaudie au  théâtre  des  Champs-Elysées,  vient  de  paraître  pour  chant  et 
piano,  format  in  S". 


[)E  PARJS. 


399 


,*^  Les  anciennes  maisons  de  Paris  sous  Napoléon  lll,  par  Lejeune,  sé- 
rie entièrement  inédite  de  livraisons  numérotées  par  lettres.  Prix  de  la 
livraison,  1  fr.  60  c,  chez  Rousseau,  éditeur,  15,  boulevard  delà  Ma- 
deleine. 

^*j.  Le  premier  bal  de  l'Opéra  a  eu  lieu  hier  samedi.  Strauss,  qui  con- 
duisait l'orchestre,  a  fait  entendre  les  principaux  morceaux  de  son 
nouveau  répertoire,  tels  que  son  nouveau  quadrille  sur  Moïse,  et  ce- 
lui sur  le  Brésilien  et  les  Bavards. 

,**  A  Brunswick,  M.  Zizold,  flûtiste  distingué  et  excellent  musicien, 
est  mort  le  30  novembre. 


CHRONrOUE    DÉPARTEMENTALE. 


,j**  Bordeaux.  —  Le  premier  concert  populaire  de  musique  classique 
organisé,  à  l'instar  des  concerts  Fasdeloup,  dans  la  salle  Franklin,  par 
Remusat,  l'excellent  flûtiste  et  chef  d'orchestre  du  théâtre,  a  pleine- 
ment réussi.  L'ouverture  d'Oteron,  la  symphonie  en  ut  mineur  de 
Beethoven  et  le  concerto  en  fa  mineur  de  Weber  ont  été  rendus  avec 
un  ensemble  et  une  verve  très-remarquables. 

^**  La  Rochelle.  —  Après  la  première  soirée  de  la  Société  philhar- 
monique, nous  avons  eu  les  concerts  du  flûtiste  Gariboldi,  avec  le  con- 
cours de  l'orchestre  du  théâtre  et  celui  de  ilmes  Joséphine  et  Léoni 
Martin.  Beaucoup  de  monde  a  assisté  à  ces  fêtes  musicales.  Nous  allons 
organiser  au  théâtre  des  concerts  populaires  destinés  à  répandre  le  goût 
de  la  musique  d'ensemble,  d'orchestre  et  de  chœurs.  Dans  ce  but,  le  prix 
des  places  doit  être  très-modeste. 

^*^  Le  Havre.  —  La  Société  Sainte-Cécile  vient  de  donner  deux  bril- 
lantes soirées  musicales  pour  les  pauvres.  Plusieurs  chœurs  de  grands 
maîtres  ont  été  chantés  avec  beaucoup  d'ensemble,  sous  la  direction 
de  leur  habile  chef  M.  OEchsner.  La  seconde  partie  de  cette  belle  soirée 
a  été  consacrée  à  l'exécution  du  Stabat  mater  de  Rossini,  dans  lequel 
s'est  révélée  une  âme  et  une  intelligence  de  grand  artiste  :  une  élève 
de  l'excellent  professeur  de  chant,  Jacques  Potharst,  douée  d'une 
voix  admirable,  a  chanté  les  solos  de  soprano  avec  un  style  magistral. 
Vinflammatus  a  valu  jusqu'à  trois  salves  d'applaudissements  à  cet  ama- 
teur, dont  le  talent  est  très-réel. 

***  Lyon.  —  La  Muette  de  Portici  vient  d'être  reprise  au  grand 
théâtre  avec  un  éclatant  succès.  Dulaurens,  Melchisedec,  .Mlle  Lagye  et 
Mme  Dulaurens  ont  parfaitement  interprété   le  chef-d'œuvre  d'Auber. 

^*:f  Caen,  7  décembre.  —  Nous  avons  entendu  les  frères  Lamoury 
dans  des  soirées  particulières  et  dans  le  grand  concert  qu'ils  ont 
donné  à  l'hôtel  de  ville.  Chacune  de  ces  auditions,  la  dernière  surtout, 
a  été  pour  eux  un  véritable  triomphe.  Même  succès  à  Falaùse,  où  leurs 
deux  duos  sur  les  motifs  de  Beethoven  et  sur  les  Huguenots  ont  provoqué 
des  applaudissements  enthousiastes.  Ils  sont  accompagnés  dans  leur 
tournée  par  .M  .Altavilla,  premier  ténor  de  l'Opéra  italien  de  Berlin,  qui 
partage  avec  eux  les  bravos  du  public.  Ces  artistes  donneront  cette  se- 
maine  des  concerts  à  Bayeux  et  à  Saint-LÔ,  puis  à  Avranches  et  Rennes. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


^,*.f,  Londres.  —  On  prépare  un  nouvel  opéra  de  Jules  Bénédict  qui 
suivra  de  bien  près  les  représentations  de  Blanche  de  Nevers.  La  troupe 
du  théâtre  de  Sa  Majesté,  Mlle  Tietjens  en  tête,  revient  à  Londres  le  20 
de  ce  mois,  après  une  tournée  dans  les  provinces.  On  commencera  alors 
une  série  de  représentations  d'opéras  anglais  avec  Sims  Reeves  et 
Mme  Lemmens  Sherrington.  Le  jeune  violon  Lotto,  élève  de  Massart, 
s'est  fait  une  grande  réputation  dans  les  concerts  populaires,  et  Sivori 
a  su  garder  la  haute  position  dont  il  jouissait  dans  les  concerts  de 
JuUien.  Ajoutez  à  cela  que  'Vieuxtemps,  célèbre  depuis  son  enfance, 
vient  de  terminer  sa  tournée  en  province  qu'il  a  faite  avec  Carlotta 
Patti,  et  vous  conviendrez  qu'on  ne  manque  pas  de  grands  violons  en 
Angleterre.  On  nous  écrit  de  Brighton  que,  le  2  décembre,  Louis  Engel 
le  célèbre  organiste,  et,  le  7  décembre  ïhalberg,  ont  donné  chacun  à 
son  tour  ce  qu'on  appelle  ici  un  récital,  c'est-à-dire  une  matinée  dans 
laquelle  on  n'enlend  que  celui  qui  la  donne.  Ces  deux  artistes,  qui 
occupent  chacun  sur  leur  instrument  la  position  la  plus  éminente  en 
Angleterre,  ont  été  tous  deux  couverts  d'applaudissements.  L'étonne- 
ment  qu'a  excité  M.  Engel,  montrant  le  parti  qu'on  peut  tirer  de  l'orgue 
Alexandre,  n'a  pas  été  inférieur  à  l'enthousiasme  produit  par  Thalberg 
sur  un  des  plus  beaux  pianos  d'Erard. 

^•*  Amsterdam.  —  La  première  symphonie  de  M.  Fétis  a  été  exécutée 
au  dernier  concert  de  la  Société  pour  l'encouragement  de  l'art  musical. 


dirigé  par  M.  Verhulst.  L'effet  produit  par  cette  œuvre  magistrale  a 
été  très-grand. 

„*4  Hambourg.  —  Le  Messie,  de  Hsendel,  a  élé  exécuté  â  l'église 
Saint-Michel  au  milieu  d'un  concours  immense.  Le  vaste  édifice  pouvait 
à  peine  contenir  la  foule  qui  était  accourue  pour  entendre  l'œuvre 
grandiose  du  maître.  Mlle  Tietjens  et  Mme  Joachim  (contralto)  se  sont 
particulièrement  fait  remarquer.  —  Au  théâtre  de  la  ville,  on  a  repris 
Don  Sébastien  et  les  Noces  de  Figaro.  A  l'étude  :  les  Deux  Journées  de 
Clierubini,  Jessonda,  de  Spohr,  Dans  la  première  moitié  de  janvier,  on 
jouera  :  Christine,  reine  cU  Suède,  par  le  comte  de  Redern. 

g,*^  Berlin.  —  Le  théâtre  royal  a  donné  Martha,  de  Flotow.  Le  rôle 
principal  était  chanté  pour  la  première  fois  par  Mlle  Lucca,  qui  s'y  est 
trouvée  tout  à  fait  à  sa  place;  ce  mélange  de  gaieté  et  de  douce  sen- 
sibilité qui  fait  le  charme  du  rôle,  n'a  jamais  été  mieux  compris  ni 
peut-être  aussi  bien  rendu.  Formés  s'est  également  distingué  dans  le 
rôle  de  Lyonel. 

*■*„,  Cologne.  —  Au  deuxième  concert  d'abonnement,  Ferdinand  Hiller 
a  fait  entendre  une  nouvelle  composition  qu'il  intitule  :  Musique  da 
ma  tin . 

***  Dresde.  —  Le  théâtre  royal  a  jugé  à  propos  d'exhumer  de  ses 
cartons  la  Famille  suisse,  de  'Weigl.  La  fade  sensiblerie  de  cette  pas- 
torale surannée  a  trouvé  peu  de  sympathie. 

^:*j^  Leipzig.  —  Dans  la  troisième  soirée  pour  musique  de  chambre,  a 
été  exécuté  un  sextuor  inédit  de  M.  Rudorlf  ;  Mme  Clara  Schumann  a  joué 
le  trio  de  R.  Schumann,  n»  2,  en  fa  majeur,  avec  M.  David  et  Liibeck, 
et  à  la  fin  du  concert,  l'éminente  pianiste  a  joué  les  variations  de 
Beethoven  avec  une  grande  perfection.  Le  théâtre  de  la  ville  a  donné 
deux  fois  les  Deux  Journées  de  Cherubini. 

**j  Ancûne.  —  Après  avoir  obtenu  un  nouveau  succès  dans  la  Tra- 
viata,  Mlle  Gonetti  vient  d'être  engagée  pour  toute  la  saison  du  carna- 
val par  son  imprésario. 

^*,  Milan.  —  Mlle  Maria  Brunetti  va  débuter  au  théâtre  de  la  Scala 
dans  un  Ballo  in  maschera  et  Moise. 


ERRATA. 

Article  intitulé  le  Trésor  des  pianistes  du  dernier  numéro. 

P.  386,  2"  colonne,  ligne  10,  au  lieu  de  :  et  des  pianistes  de  toutes  les 
époques,  lisez  :  et  des  pianistes  non-seulement  de  toutes  les  époques,  mais, etc. 

P.  386,  2"=  colonne,  ligne  25,  au  lieu  de  :  sans  élever  aussitôt  la  pensée 
vers  VimmortalUé  de  son  domaine,  lisez  l'immensité  de  son  domaine. 

Même  page,  même  colonne,  ligne  H  du  2'°''  g,  au  lieu  de  :  et,  après 
la  sarabande,  met  une  gaillarde,  lisez  il  met  une  gagliarde. 


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SOUVENIRS  DU  TEMPS  PASSÉ 

Chants  des  Croisés,  noëls,  anciens  vaudevilles,  rondeaux,  musettes, 
gavottes,  menuets,  mazarinade,  airs  à  boire,  air  de  chasse,  tam- 
bourins, etc.;  suivis  d'une  chanson  indienne,  d'une  schega  de  l'île 
Maurice,  d'une  chanson  mexicaine. 

Transcrits  avec  accompagnement  de  Piano  par 

J.   B.  WEKERLIIV 


Format  in-8°. 


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REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


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(Edition  en  espagnol  de  V Abécédaire  vocal  de  Henri  Panofka.) 

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gneusement doigtés  et  sans  octaves,  composés  sur  les  plus  jolis  motifs 
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Organiste    de  la   cathédrale    de  Saint -Dié   (Vosges). 
Prix  net  :  6  fr.j  par  la  poste  :  6  fr.  50. 

Ce  recueil  contient  les  airs  de  tous  les  Noëls  qui  ont  été  imprimés  et 
chantés  en  Lorraine  depuis  un  siècle  environ. 

Ces  airs  religieux  et  populaires,  au  nombre  de  quatre-vigt-six,  ont  été 
harmonisés  d'une  manière  simple  et  naturelle,  afin  de  leur  conserver 
le  caractère  naïf  et  gracieux  qui  les  distingue. 

Bien  que,  par  son  titre,  l'ouvrage  ne  semble  contenir  que  des  noëls 
particuliers  à  la  Lorraine,  on  y  trouve  cependant  presque  toutes  les 
mélodies  de  ce  genre  qui  ont  été  populaires  dans  les  autres  provinces. 
Il  peut  donc  convenir  à  tous  les  organistes  français. 

S'adresser  à  l'auteur  ou  d  Mme  Paulus-Arnoutd,  éditeur  de  musique, 
trottoirs  Stanislas ,  à  Nancy. 


Paris,  â  l'ECHO  MUSICAL,  2,  rite  Favart. 

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Pour    apprendre  en  très -peu   de    temps. 

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B.  T.  MISSLER  et  C.  A.  M.  PASSAMONTI. 


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Ce  Journal  contiendra  annuellement  36  morceaux 

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LECTURE  MUSICALE 

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ouvrages  au  fur  et  à  mesure  qu'ils  paraîtront. 

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les  Bfnrchanils  do  Musique,  les  Libraires,  et  aui 
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REVUE 


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1864  31"^    AVIVEE  1864 

REVUE    ET    GAZETTE     MUSICALE 


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Pour  satisfaire  au.  désir  qui  nous  a  été  exprimé  par  un  grand 
nombre  de  nos  Abonnés,  nous  offrons,  à  l'occasion  du  renouvelle- 
ment de  l'année  : 

LE   SECOND   VOLUME 

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CE  VOLUME,  FORMAT  EV-S",  CONTlEiVT  LE  CHOIX  SUIVANT  DE 


1.  ALKAN.  —  Op.  32.  Fanlasietta  alla  moresca. 

■2.  BLUMENTHAL.  —  Op.  1.  La  Source,  caprice. 

3.  CHOPIN.  —  Op.  10.  Deux  études. 

a.  CZERNY.  —  Op.  754.  Tarentelle. 

5.  DŒHLER.  —  Op.  42.  Deux  études. 

6.  FAVARGER.  —Op.  42.  Caliban,  grande  valse. 

7.  GORIA.  —  Op.  41.  Grande  mazurka. 

S.  HELLER  (Stéphen).  —Op.  56.  Sérénade. 

9.  HENSELT.  Poëme  d'amour. 

10.  HERZ  (H.).  —  Op.  143.  Mazurka. 

11 .  JAELL.  —  Le  Carillon,  morceau  élégant. 

12.  IiACOMBE.  — Op.  54.  Marclie  turque. 

13.  liESGHETIZKY.  —  Chant  du  Eoir,  idylle. 

14.  LITOLFF.  —  Chanson  du  rouet. 

15.  LISZT.  —  Deuxième  marché  hongroise. 

16.  MENDELSSOHN.  —  Presto  scherzando. 

17.  MOSCHELÈS.  —  Op.  95.  Trois  études. 

18.  PRUDENT.  —  Op.  33.  Farandole. 

19.  THAIiBERG.  —  Op.  35.  Le  Trémolo. 

20.  VOSS.  — Op.  161.  Ecume  de  Champagne. 

ET 
Un  recueil  contenant  six  Blorceaux  de  fihant  : 

MÉLODIES    ET    CHANSONS 

IRLANDAISES,  ÉCOSSAISES,    ESPAGNOLES  ET  HAVANAISES 
Avfc  paroles  françaises. 


Ces  morceaux,  d'une  grande  originalité  et  entièrement  inconnus  en 
France,  sont  chantés  avec  un  grand  succès  dans  ses  concerts  par  Mlle 
CARIiOXVA    PAT'jri 

Ijea  Abonnés  sont  priés  de  vouloir  bien  retirer  ces  Primes  en 
renouvelant  leur  abonnement  dans  nos  bureaux,  bouleTaril  des 
italiens,  1.  Kous  les  enverrons  comme  d'Iiabitude  à  ceux  qui 
habitent  la  province. 


SOMMAIRE.  —  Martini  (3' article),  par  .i^^tliur  Pougin.  —  Théâtre  impé- 
rial italien  :  Cenerenlola  et  Ernani.  —  Audition  chez  Adolphe  Sax.  -  Mémoire 
sur  l'origine  de  la  musique  (1"  article),  par  D.  Iteaulieu,  —  Nécrologie  : 
Mayseder.  —  Nouvelles  et  annonces. 


HÂRTIM. 

(3'  article)  (1). 

m. 

Dès  son  arrivée  à  Paris,  Martini  avait  établi  des  relations  intimes 
avec  plusieurs  écrivains,  et  principalement  avec  Laujon.  Ce  dernier, 
qui  était  alors  secrétaire  des  commandements  du  comte  de  Cier- 
mont,  auprès  duquel  il  devait  rester  jusqu'à  sa  mort,  pour  passer 
ensuite  en  la  même  qualité  chez  le  prince  de  Gondé,  puis,  plus  tard, 
chez  le  duc  de  Bourbon,  consacrait  aux  lettres  les  loisirs  que  lui 
laissaient  ses  fonctions  et  s'était  acquis  une  certaine  réputation.  11 
passait  pour  l'un  des  premiers  chansonniers  de  cette  époque  féconde 
en  vaudevillistes,  et  il  était  avec  Panard,  Piron ,  Collé  et  Favart, 
l'un  des  membres  les  plus  actifs  de  cette  fameuse  société  du  Caveau, 
florissante  encore  de  nos  jours,  après  plus  d'un  siècle  d'existence. 
Enfin,  il  avait  déjà  abordé  le  théâtre  à  deux  ou  trois  reprises  dif- 
férentes, et  il  pouvait ,  sous  ce  rapport,  être  très-utile  à  Martini, 
qui,  je  l'ai  dit,  s'était  lié  avec  lui,  bien  que  Laujon  fiit  son  aîné 
d'une  douzaine  d'années  environ.  Les  deux  amis  avaient  projeté 
depuis  longtemps  d'écrire  ensemble  un  opéra-comique,  lorsque  la 
nouvelle  du  prcichain  mariage  de  Mademoiselle  avec  le  jeune  duc 
de  Bourbon  leur  inspira  l'idée  de  faire,  non  tout  à  fait  une  pièce  de 
circonstance,  mais  un  ouvrage  ayant  trait  à  la  situation  des  deux 
jeunes  époux  et  pouvant  lui  survivre.  En  annonçant  la  représenta- 
tion de  l'œuvre  nouvelle,  Bachaumont  en  fait  ainsi  l'historique  : 
«  Les  comédiens  italiens  ordinaires  du  roi  ont  donné  jeudi  dernier 
(18  avril  1771)  la  première  représentation  de  l'Amoureux  de  quinze 
ans  ou  la  Double  fite,  comédie  en  trois  actes  et  en  prose,  mêlée 
d'arielles  et  suivie  d'un  divertissement.  Les  paroles  sont  du  sieur 
Laujon,  secrétaire  des  commandements  de  S.  A.  S.  Monseigneur  le 
comte  de  Glermont,  déjà  connu  par  plusieurs  ouvrages  galanis  dans 
le  même  genre;  et  la  musique  est  d'un  amateur,  le  sieur  Martini, 
oflicier  dans  le  régiment  de   Chamborand.  Celte  pièce  est  une  allé- 

(1)  Voir  les  n"'  49  et  50. 


h02 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


gorie  composée  à  l'occasion  du  mariage  de  M.  le  duc  de  Bourbon 
avec  Mademoiselle ,  et  devoit  s'exéculer  à  Chantilly,  lorsque  ces 
deux  e'poux  seroient  réunis  ensemble.  Le  prince  de  Condé,  voyant 
que  les  circonstances  actuelles  ne  se  prêtoient  pas  à  donner  des 
spectacles  chez  lui,  a  permis  aux  auteurs  de  faire  part  au  public  de 
celui  ci.  1)  —  {Mémoires  secrets  'pour  servir  à  l'histoire  de  la  Ré- 
publique des  lettres,  20  avril  1771.) 

C'est  donc,  nous  l'avons  vu,  le  18  avril  1771  que  Martini  fit  ses 
débuts  sur  la  scène  française.  Ces  débuts  eurent  lieu  avec  un  succès 
éclatant,  et  l'artiste  eût  pu  à  cette  occasion  s'écrier  avec  le  Cid  : 
Mes  pareils  à  deux  fois  ne  se  font  point  connaître 
Et  pour  leurs  coups  d'essai  veulent  des  coups  de  maître. 

Si,  en  effet,  le  poëme  de  Laujon  était  agréable  et  gracieux,  la  parti- 
tion de  Martini  ne  lui  cédait  sous  aucun  rapport,  et  restera  comme 
l'une  des  œuvres  les  plus  délicates,  les  plus  élégantes  et  les  plus 
exquises  qui  se  soient  produites  sur  notre  scène  lyrique.  Nous  nous 
en  convaincrons  facilement  en  jetant  un  rapide  coup  d'œil  sur  les 
plus  importants  des  morceaux  qui  la  composent. 
Je  citerai  d'abord  le  très-court  duo  d'introduction  : 

Je  n'en  parle  pas  de  sang-froid, 
qui  est  plein  de  vivacité,  et  la   jolie  ariette   chantée  un  peu   plus 
loin  par  Hélène  : 

Oui,  je  partage  votre  ardeur, 

Oui,  Lindor,  pour  vous  je  soupire, 

morceau  dans  lequel  la  fraîcheur,  la  grâce  et  l'élégance  se  réunissent 
pour  charmer  l'auditeur.  Le  petit  duo  de  I.indor  et  du  marquis  : 

Le  mariage  est  fait  pour  moi, 
dans  lequel  on  pourrait  relever  quelques   incorrections,  mais  dont 
les  contours  sont  francs  et  nettement  accusés,  se  fait  remarquer  par 
sou  entrain,  sa  gaieté  et  sa  délicatesse.    La   mélodie    s'en   détache 
limpide  et  brillante.  L'air  de  Lindor  : 

Enfin,  vous  me  l'avez  promis. .. 
n'est  pas  moins  charmant  :  la  distinction  en  est  rare,  et  les  harmo- 
nies qui  accompagnent  le  chant  sont  à  la  fois  naturelles,  simples  et 
exquises. 
Le  second  duo  chante  par  le  marquis  et  Lindor  : 

Je  sais  le  latin  assez  bien, 
brille,  comme  le  premier,  par  une  grande  franchise  d'accent,  par  son 
tour  leste   et  dégagé,  et,  enfin,  par  une  véritable  veine  mélodique, 
que  sert  une  harmonie  toujours  heureuse,    et  dont  une  certaine  re- 
cherche élégante  n'exclut  nullement  la  clarté. 
Le  petit  air  du  marquis  : 

Je  suis  seigneur  de  ce  village  ! 
est  une  inspiration  enchanteresse  et  délicieuse:  grâce,  abandon,  dé- 
licatesse, sentiment,  tout  s'y  trouve  réuni  dans  le  cadre  mélodique 
le  plus  parfait  qui  se  puisse  voir.  Nulle  prétention,  nul  verbiage, 
mais  du  naturel,  de  la  simplicité  et  une  réelle  pensée  mélodique. 
Autant  serais-je  tenté  d'en  dire  de  la  cantilène  de  Lindor  : 

Qu'il  est  cruel  de  n'avoir  que  quinze  ans  ! 

Les  harmonies  qui  jaillissent  de  cet  aimable  chant  sont  fines,  déli- 
cates et  toujours  aussi  distinguées  que  la  phrase  musicale  qu'elles 
sont  destinées  à  faire  ressortir.  Enfin,  le  trio  de  la  chasse  : 

Ah  !  quel  plaisir,  ah  !  l'agréable  chasse  ! 

qui  est  le  premier  morceau  un  peu  développé  de  l'ouvrage,  a  du 
mouvement  et  de  l'entrain,  bien  que  la  facture  et  les  idées  en  soient 
moins  neuves  que  dans  ceux  qui  l'ont  précédé. 

Au  second  acte,  après  un  chœur  de  paysans  qui  ne  manque  ni  de 
verve  ni  d'animation,  vient  une  jolie  marche  instrumentale,  bientôt 


suivie  d'un  excellent  petit  duo  chanté  par  un  paysan  et  une  paysanne. 
Le  petit  air  du  magister  qui  arrive  ensuite  et  se  termine  en  duo  : 

C'est  fort  bien  pour  nous. 

Mais  c'est  doux  pour  vous... 

et  dans  lequel  la  simplicité  extrême  du  chant  est  évidemment  systé- 
matique, est  relevé  par  un  délicieux  et  obstiné  contre-point  de  vio- 
lons qui  ne  s'arrête  qu'à  la  dernière  note,  et  donne  à  tout  le  morceau 
un  cachet  charmant  de  grâce  et  d'originalité. 

Trois  petits  airs  symphoniques  successifs  sont  pleins  d'une  aimable 
naïveté;  mais  le  finale  qui  les  suit,  d'une  simplicité  remarquable  — 
bien  qu'intéressant  d'un  bout  à  l'autre  —  sous  le  rapport  de  la  con- 
ception et  des  moyens  employés,  provoque  les  éloges  et  accuse  chez 
son  auteur  un  véritable  talent  de  facture  et  une  rare  entente  des  ef- 
fets. Ecrit  dans  un  seul  et  même  mouvement,  ce  finale  a  du  carac- 
tère, une  allure  très-franche  et  est  bien  mis  en  scène.  Sans  doute  au- 
jourd'hui il  paraîtrait  un  peu  nu  d'orchestre  ;  il  n'en  est  pas  moins 
vrai  que  c'est  un  morceau  très-plein  et  très-sonore,  dans  lequel  les 
voix  sont  parfaitement  disposées. 

L'air  de  la  nourrice  qui  ouvre  le  troisième  acte  est  fait  de  main  de 
maître  ;  la  mélodie  vocale  est  on  ne  peut  mieux  en  situation,  et  le 
chant  continu  des  premiers  violons,  si  plein  de  grâce  et  de  suavité, 
le  fait  ressortir  d'une  façon  exquise.  Quant  à  celui  du  marquis  : 

Si  je  le  gronde  quelquefois, 

Sur  des  riens  qui  blessent  un  père.   . 

il  brille  par  la  fraîcheur,  le  naturel  et  la  simplicité. 

Le  duo  des  deux  pères,  lorsqu'ils  entrevoient  pour  la  première  fois 
l'amour  mutuel  de  leurs  enfants  : 

Oh!  mon  ami,  c'est  un  rayon  d'espoir I 
est  chaud,  vif  et  coloré  ;   la  lumière  et  la  vie  s'en  dégagent  avec 
splendeur.  Le  trio  suivant,  parfaitement  en  situation  ,  reproduit  les 
qualités  ordinaires  du  musicien:  grâce,  tendresse,    élégance  et  sim- 
plicité. 

Un  morceau  réussi  de  tout  point  est  l'air  : 

Que  d'alarmes  pour  un  aveu  ! 

dans  lequel  Hélène  laisse  à  demi  voir  à  son  père  la  tendresse  qu'elle 
ressent  pour  Lindor.  Cet  air  contient  l'expression  d'une  douce  pas- 
sion, tempérée  par  la  pudeur  d'une  jeune  fille  qui  se  rend  à  peine 
compte  à  elle-même  du  sentiment  qu'elle  éprouve;  il  rappelle, 
comme  unité  de  facture,  les  meilleurs  de  Grélry,  et,  comme  fran- 
chise d'accent,  ce  que  nos  musiciens  français,  si  généralement  sou  - 
cieux  de  l'exactitude  dans  l'interprétation  musicale  du  sens  des  pa- 
roles, ont  pu  faire  de  plus  complet  et  de  plus  vrai.  J'en  dirai  tout 
autant  du  duo  que  chante  ensuite  Hélène  avec  son  père  ;  je  considère 
pour  ma  part  toute  la  première  partie  de  ce  duo  : 

Tu  gardes  le  silence,  et  tu  pleures? 

—  Mon  père  I 

comme  un  des  fragments  les  plus  réussis  et  les  plus  caractéristiques 
qui  soient  au  théâtre.  Grétry,  dont,  on  le  sait,  les  prétentions 
à  la  vérité  dans  l'accent  dramatique  étaient  grandes  —  et,  il 
faut  le  dire,  légitimes  —  n'a  rien  écrit  de  plus  vrai,  de  plus 
frappant,  en  tant  qu'accord  des  sons  et  des  mots,  que  le  récitatif 
mesuré  qui  compose  toute  cette  large  introduction,  et  auquel  l'ex- 
cellent accompagnement  des  violons  donne  plus  de  caractère  encore. 
La  seconde  partie  du  morceau,  qui  forme  trio  sur  un  mouvement  ra- 
pide, est  aussi  très-bien  venue,  et  le  passage  où  Hélène  fait  ainsi  l'a- 
veu de  son  amour  : 

Oui,  j'aime  et  n'en  fais  plus  mystère, 

est  véritablement  délicieux.  —  Tous  les  morceaux  de  la  partition  de 
V Anioureux  de  quinze  ans  sont  à  peu  près  également  heureux,  mais, 
à  mon  sens,  aucun   ne  peut  être  comparé  à  celui-ci  sous  le  triple 


DE  PARIS. 


iOS 


rapport  de  l'accent,  de  l'effet  dramatique  et  de  l'impression  produite 
sur  le  cœur. 

Un  finale  chaud  et  suffisamment  développé  vient  clore  dignement 
cette  œuvre  charmante  et  distinguée,  digne  des  plus  sincères  éloges, 
et  dans  laquelle  l'auteur  n'a  eu  qu'un  tort,  celui  d'abuser  peut-être, 
dans  ses  accompagnements,  des  marches  harmoniques,  dont  le  trop 
constant  emploi  fatigue  l'oreille  à  la  longue  et  refroidit  l'allure  gé- 
nérale. 

Arthur  POUGIN. 
{La  suite  •prochainement.) 


THEATRE  IMPERÏÂL  ITALIEN. 

Cetterentota  et  Eê'tMuni. 

Deux  reprises  d'un  genre  et  d'un  effet  bien  différents,  ont  eu  lieu 
à  quelques  jours  de  distance.  Celle  de  Cenerentola,  il  faut  l'avouer, 
n'était  pas  des  plus  gaies.  Mme  Borghi-Mamo,  dans  le  rôle  principal, 
héritait  de  l'Alboni,  que  nous  étions  habitués  à  y  voir  depuis  quel- 
ques années,  et,  quoiqu'elle  fût  loin  d'en  posséder  les  qualités  essen- 
tielles, nous  nous  contentions  d'y  admirer  les  riches  qualités  de  sa 
voix.  Avec  Mme  Borghi-Mamo  c'est  à  peu  près  la  même  chose  ;  elle 
n'est  guère  davantage  la  petite  Cendrillon,  de  cœur  ni  d'esprit  ;  et 
de  plus,  nous  savons  qu'elle  ne  se  résigne  pas  sans  peine  a  faire  son 
temps  d'opéra  bouffe  :  elle  achève  sa  tâche  avec  plus  de  résignation 
que  de  plaisir.  Cependant  la  manière  dont  elle  chante  le  rondo  final 
lui  fait  tout  pardonner,  mais  a  côté  d'elle,  tous  ses  camarades  n'ont 
pas  le  même  moyen  d'enlever  l'amnistie.  Et,  par  exemple,  nous  le 
regrettons  pour  ce  pauvre  Rovere,  qui  fut,  dit-on,  jadis  un  excellent 
bouffe,  mais  aujourd'hui,  quoi  de  plus  funèbre  que  sa  gaieté,  avec 
sa  maigreur,  sa  pâleur,  ses  yeux  enfoncés  et  sa  voix  éteinte  !  Est-ce 
donc  là  un  Don  Maguifico  capable  de  lutter  contre  les  souvenirs  de 
Lablache,  et  même  de  Zncchini  ?  Délie  Sedie  n'a  pas  non  plus  assez 
de  voix  ni  de  verve  pour  l'exubérance  de  sève  bouffonne  qui  re- 
gorge dans  le  rôle  de  Dandini.  Avec  Rovere  et  lui,  le  duo  fameux  : 
Un  segrelo  d'importansa,  n'est  plus  que  l'ombre  d'un  duo,  chanté 
par  deux  ombres  de  chanteurs  ! 

Ernani  est  venu  presque  sur-le-champ  et  nous  a  montré  Fraschini 
en  compagnie  de  Mme  de  Lagrange.  C'était  un  succès  infaillible  et 
une  garantie  pour  la  continuation  des  receltes  que  le  théâtre  Italien 
réalise  chaque  fois  qu'il  donne  Lucia  ou  le  Trovatore.  Nous  qui,  dès 
le  premier  jour,  avons  reconnu  en  Fraschini  l'un  des  plus  grands 
chanteurs  qu'il  nous  ait  été  donné  d'entendre,  nous  sommes  heureux 
de  voir  que  l'opinion  publique  a  ratifié  notre  jugement.  Et  plus  que 
jamais  nous  affirmons  que  c'est  un  ténor  de  l'espèce  la  plus  rare, 
une  voix  dont  les  notes  sont  tellement  sœurs,  qu'on  passe  de  l'une 
à  l'autre  sans  ressentir  le  moindre  choc,  la  moindre  secousse.  Avec 
un  par.eil  instrument,  tout  charlatanisme  est  inutile  :  aussi  la  mé- 
thode de  Fraschini  est-elle  aussi  simple  que  pure;  elle  charme 
constamment,  elle  émeut,  elle  entraîne  sans  effort,  sans  fatigue.  Le 
chanteur  inspire  à  l'auditeur  la  confiance  qu'il  éprouve  lui-même  et 
pas  une  fois  il  ne  lui  arrive  de  le  tromper. 

Ernani,  est  une  des  œuvres  les  plus  jeunes  et  les  plUs  fougueuses 
de  Verdi.  Le  compositeur  a  jeté  là  le  germe  de  plusieurs  concep- 
tions qu'il  a  retrouvées  et  dégrossies  plus  tard.  De  ce  travail, 
accompli  lentement  et  à  travers  des  épreuves  diverses,  sont  enfin 
sortis  le  Trovatore  et  RicjoleUo,  dont  Ernani  n'est  que  l'embryon. 

P.   S. 


AUDITION  CHEZ  ADOLPHE  SAX. 

Les  intéressantes  séances  dont  nous  avons  déjà  entretenu  plusieurs 
fois  nos  lecteurs,  continuent  dans  la  jolie  petite  salle  de  la  rue  Saint- 
Georges,  et  nous  devons  une  mention  toute  spéciale  à  celle  de  mer- 
credi dernier,  comme  réunissant  l'auditoire  le  plus  distingué  et  offrant 
les  éléments  les  plus  variés  et  les  plus  riches.  Les  nouveaux  instru- 
ments d'Adolphe  Sax  et  la  musique  de  la  garde  de  Paris  faisaient  les 
frais  de  la  séance  ;  nous  allons  rapidement  passer  en  revue  le  rôle 
dévolu  à  chacun.  Tout  le  monde  connaît  et  admire  l'excellente  mu- 
sique si  habilement  dirigée  par  M.  Paulus;  entre  autres  morceaux 
elle  a  parfaitement  rendu  l'ouverture  d'Egmont,  une  fantaisie  sur  le 
Songe  d'Ambroise  Thomas,  et  une  remarquable  ouverture  de  Pieis- 
siger  :  le  Naufrage  de  la  Méduse.  Sans  préjudice  de  l'accompagne- 
ment prêté  à  un  solo  de  Georges  Kastner  pour  le  saxhorn  en  s*  bé- 
mol, le  second  chef,  M.  Maury,  a  exécuté  avec  autant  de  charme  que 
de  brio  cet  excellent  morceau  dont  la  forme  est  si  favorable  au  ta- 
lent de  l'artiste,  en  même  temps  que  la  valeur  des  idées  fait  le  plus 
grand  honneur  au  musicien  éminent  qui  l'a  écrit.  Nous  avons  donné 
ici  même  l'explication  des  instruments  à  tubes  indépendants;  les  ré- 
sultats de  cette  création  nouvelle  sont  si  extraordinaires  qu'on  ne 
saurait  y  insister  trop  fortement.  C'est  surtout  dans  l'application  du 
système  faite  à  la  trompette,  que  se  sont  révélés  avec  le  plus  d'éclat 
les  merveilleux  avantages  des  pistons  indépendants.  En  effet,  en  en- 
tendant chanter  et  vocaliser  M.  Monsen  sur  sa  trompette,  comme  sur 
une  flûte,  l'assistance  n'a  pu  retenir  ses  bravos  et  a  voulu  joindre  le 
virtuose  à  l'inventeur  dans  ses  félicilalions.  MM.  Hollebecke  et  Ro- 
byns  n'ont  pas  obtenu  moins  de  succès  dans  le  magnifique  duo  sur 
des  motifs  de  Robert,  pour  trombone  et  saxhorn  basse  à  pistons  in- 
dépendants ;  enfin  deux  fantaisies,  l'une  sur  la  Juive,  l'autre  sur  le 
Comte  Ory,  exécutées  par  un  quatuor  de  trombones  du  même  sys- 
tème, ont  achevé  de  démontrer  ce  dont  chaque  auditeur  était  con- 
vaincu depuis  longtemps  déjà,  à  savoir  que  l'invention  d'Adolphe  Sax 
ne  présente  aucune  lacune,  n'offre  aucune  prise  à  la  critique  ;  qu'elle 
possède  au  contraire  toutes  les  qualités  :  justesse,  puissance,  douceur, 
belle  sonorité,  souplesse,  agilité,  et,  en  outre,  aptitude  incomparable 
à  passer  sans  transition  dans  les  tonalités  les  plus  éloignées.  Adolphe 
Sax  a  voulu  réunir  dans  une  sorte  de  morceau  spécimen  ses  plus 
récentes  inventions.  Cette  idée  a  donné  naissance  à  un  prélude  adagio 
pour  huit  saxophones,  une  trompette,  trois  trombones,  une  basse, 
deux  contre-basses  (à  six  pistons  indépendants)  et  pour  les  nouvelles 
.timbales  sans  chaudrons.  En  rendant  justice  à  l'ingéniosité  avec  la- 
quelle l'auteur,  M.  Demerssman,  a  disposé  son  original  orchestre,  pour 
en  faire  valoir  les  principaux  caractères,  les  oppositions  et  les  res- 
sources, nous  lui  dirons  que  sa  composition  n'est  qu'une  pierre  d'at- 
tente heureusement  posée,  mais  qui  semble  solliciter  le  couronne- 
ment de  l'édifice.  Quoi  qu'il  en  soit ,  on  a  pu  apprécier,  d'après  ce 
simple  et  curieux  essai,  ce  qu'un  compositeur  de  génie  saurait  trou- 
ver de  sonorités  et  d'effets  saisissants  dans  l'arsenal  des  créations 
musicales  d'Adolphe  Sax  ;  il  y  a  là  toute  une  révolution  à  opérer, 
tout  un  monde  d'impressions  vierges  à  introduire,  non  pas  seulement 
dans  les  musiques  militaires,  mais  encore  et  surtout  dans  les  or- 
chestres de  symphonie. 

Y. 


MÉMOIRE  SUR  L'ORIGINE  DE  LA  lUSIIJDE  ('). 

(Premier  article.) 

Chez  tous'  es  peuples  anciens,  on  nous  cite  comme  inventeurs  de 


(1)  Cf.  mrjnoirc   v.   iU:  lu  i  l'Académie  des  beaux-arts  de  l'Institut  impérial  de 
Frante,  dans  sa  séance  du  16  aviil  1859. 


W4 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


cet  art  si  universel,  des  instrumentistes,  des  personnages  qui  jouaient 
de  la  flûte,  de  la  lyre  ou  de  la  cithare:  ce  sont,  chez  les  Grecs, 
Minerve  imaginant  la  flûte  simple;  le  dieu  Pan,  à  une  époque  qui 
se  perd  dans  la  nuit  des  temps,  fabriquant  la  flûte  qui  porte  encore 
son  nom,  avec  les  roseaux  où  il  croit  trouver  la  nymphe  qu'il  pour- 
suivait; chez  les  Égyptiens,  Tholh,  leur  Mercure,  qui,  sur  les  bords 
du  Nil,  ayant  heurté  du  pied  une  écaille  de  tortue  à  laquelle  les 
libres  desséchées  de  l'animal  étaient  restées  attachées  et  les  enten- 
dant résonner,  conçut  l'idée  d'en  former  la  lyre;  chez  les  Chinois, 
c'est  plus  de  deux  mille  ans  avant  l'ère  chrétienne,  l'un  des  princi- 
paux personnages  de  la  cour  d'Hoang-Ty  découvrant  les  sons  de 
l'échelle  musicale  de  ce  peuple  à  l'aide  de  plusieurs  bambous  avec  le 
secours  du  son  produit  par  la  source  bouillonnante  d'un  fleuve,  et 
en  écoulant  le  chant  d'un  oiseau  merveilleux  perdu  chez  les  Chinois, 
comme  le  phénix  chez  les  Égyptiens  ;  enfin,  la  Bible,  ce  livre  sacré 
des  juifs  et  des  chrétiens,  ce  livre  d'une  si  vénérable  antiquité,  et 
auquel  l'histoire,  la  littérature,  les  sciences  naturelles  même  viennent 
toujours  confronter  leurs  recherches  et  leurs  découvertes;  la  Bible 
nous  dit  qu'antérieurement  au  déluge,  Jubal,  descendant  de  Caïn,  fut 
père  de  ceux  qui  jouaient  des  instruments  de  musique.  Dans  toutes 
ces  traditions ,  nous  ne  voyons  aucune  allusion  aux  sons  musicaux 
de  la  voix;  ce  sont  toujours  des  instruments  inventés  et  fabriqués. 
Si  l'on  s'en  tenait  à  ces  traditions,  il  semblerait  que  la  musique  ins- 
trumentale a  précédé  la  musique  vocale,  et  que  la  pratique  des  ins- 
truments est  antérieure  à  l'usage  du  chant,  ce  qui  est  contraire  à  la 
raison  et  aux  idées  généralement  reçues  à  ce  sujet,  suivant  lesquelles 
les  instruments  ont  dû  chercher  à  imiter  la  voix  et  non  la  voix  à 
se  modeler  sur  les  instruments. 

Dans  mes  recherches,  je  n'ai  trouvé  qu'un  seul  peuple,  les  Indous, 
chez  lequel  l'invention  de  la  musique  fût  attribuée  à  la  même  divinité 
qui  préside  à  la  parole,  et  dont  le  fils  est  l'auteur  du  Vina,  le  plus 
vieil  instrument  de  l'Inde.  Si  nous  consultons  Ihistoire,  elle  nous 
apprend  que  ce  peuple  fut,  sinon  le  premier,  du  moins  l'un  des 
premiers  civilisés  et  l'un  de  ceux  dont  les  monuments  remontent  à  la 
plus  haute  antiquité.  Les  savants  nous  disent  que  le  sanscrit,  idiome 
que  p  riait  la  nation  indoue  et  l'un  des  plus  anciens  qui  soient  arrivés 
jusqu'à  nous,  est  caractérisé  par  un  accent  essentiellement  musical, 
et  qui  l'est  bien  plus  que  celui  de  toutes  les  autres  langues  con- 
nues (1)  ;  que  le  déplacement  de  cet  accent,  dans  les  mots,  en  mo- 
difie, en  change  même  le  sens  (2)  ;  que  cette  langue  dans  son  voca- 
lisme (ce  mot  appartient  aux  savants  que  je  cite)  est  douée  d'une 
accentuation  dont  l'intensité  ne  peut  être  mesurée  que  par  l'élévation 
de  la  voix,  élévation  qui  se  produit  toujours  subitement  ;  enfin  que 
cet  idiome  remarquablement  suave,  harmonieux  et  sonore,  est  riche  en 
intonations  si  mobiles  et  si  variées,  qu'elles  devaient  faire  du  langage 
(je  cite  textuellement)  un  véritable  chant,  un  ihant  perpétuel  de 
l'âme  (3).  Certes  ces  témoignages  scientifiques  sont  bien  d'accord 
avec  la  tradition  qui  attribue  chez  ce  peuple  à  la  même  divinité 
l'empire  de  la  parole  et  celui  de  la  musique. 

Ce  n'est  pas  seulement  dans  le  sanscrit  que  l'accent  joue  un  rôle 
très-important.  En  chinois,  il  change  la  signification  des  mots  et  leur 
prête  tour  à  tour  des  sens  très-variés  (Zi).  En  hébreu,  il  différencie 
l'acception  d'un  grand  nombre  d'expressions  (5).  11  exerce  une  action 


(1)  Wieil  etBeulow,  Accent,  lat.,  pages  107,  110,  350,  351. 
(Sj  Beulow,  Accent,  des  langues  indo-européennes,  page  65. 

(3)  Beulow,  Accent,  des  langues  indo-européennes,  pages  54  et  70.  Balbi,  Atlas 
ethn..,  tableau  6.  V.  au  même  tableau  le  Pâli,  Wieil  et  Beulow,  Accent,  lat,, 
1855,  page»  106,  107  et  360. 

(4)  Balbi,  Atlas  ethn.,  tableau  n"  7. 

(5)  Balbi,  Atlas  ethn.,  tableau  n°  3.  encyclopédie,  tome  XII,  page  87,  col.  1.: 
terne  VIII,  page  78,  col.  1. 


analogue  en  grec  (1),  cet  idiome  dont  le  vocabulaire  est  pourtant 
d'une  grande  richesse  ;  il  en  est  ainsi  dans  le  latin  (2),  cette  langue 
si  noble  et  si  féconde  d'Horace  et  de  'Virgile.  Dans  notre  français 
même,  on  il  est  de  bon  ton  d'éviter  le  plus  possible  de  le  faire  sentir, 
il  a  cependant  encore  des  nuances  très-sensibles,  assez  nombreuses, 
qui  n'échappent  point  aux  oreilles  les  moins  délicates  ;  ainsi,  nous 
conduisons  la  voix  vers  les  sons  graves  dans  l'affirmative,  nous  re- 
levons pour  l'interrogalion,  tandis  que  pour  le  doute,  nous  la  main- 
tenons dans  des  sons  moyens.  D'où  il  résulte  que,  dans  notre  langue, 
la  même  phrase  prononcée  avec  ces  diverses  intonations,  reçoit  de 
chacune  d'elles  un  sens  différent  (3).  Enfin,  cette  influence  de  l'ac- 
cent modifiant  la  signification  des  mots  est  tellement  inhérente  au 
langage  de  l'homme  qu'elle  se  retrouve  dans  plusieurs  dialectes  de 
l'Afrique  {h),  de  l'Océanie  (entre  autres  en  Malais),  dans  les  deux 
Amériques,  et  jusqu'au  Groenland,  région  boréale  de  ce  nouveau  con- 
tinent (5). 

D.  BEAULIEU, 
Correspondant  de  l'Institut. 

(La  fin  prochainement .  ) 


NECROLOGIE. 

HAYSEDEB  (6). 

Joseph  Mayseder,  violoniste  distingué  et  compositeur  élégant,  est 
né  à  Vienne,  le  26  octobre  1789.  Les  éléments  de  la  musique  et  du 
violon  lui  furent  enseignés  par  un  maître  obscur  ;  mais  plus  tard  il 
devint  élève  de  Schuppanzigh,  qui  le  choisissait  toujours  pour  jouer 
la  partie  de  second  violon  dans  ses  matinées  ou  soirées  de  quatuors. 
Un  son  pur,  une  exécution  brillante  dans  les  traits,  enfin  une  cer- 
taine élégance  de  style,  forment  le  caractère  de  son  talent  d'exécu- 
tion, qui  laisse  seulement  désirer  un  peu  plus  de  variété  d'archet  et 
plus  d'énergie.  Ses  compositions,  particulièrement  ses  rondeaux  bril- 
lants, ses  airs  variés  pour  violon,  et  ses  trios  pour  piano,  violon  et 
violoncelle,  ont  obtenu  des  succès  européens.  Ces  ouvrages  se  font 
moins  remarquer  par  le  mérite  de  la  facture  que  par  un  heureux 
instinct  de  mélodie,  et  beaucoup  de  goût  dans  les  détails.  Mayseder 
a  toujours  vécu  à  Vienne  et  n'a  fait  aucun  voyage  pour  se  faire  en- 
tendre en  Allemagne  ou  à  l'étranger.  Successivement  nommé  virtuose 
de  la  chambre  impériale,  premier  violon  solo  de  l'église  de  Saint- 
Étienne  et  du  théâtre  de  la  cour,  il  a  été  chargé  en  dernier  lieu  de 
la  direction  de  l'orchestre  de  la  chapelle  impériale,  où  il  a  montré 
du  talent.  Cet  artiste  a  publié  environ  soixante  œuvres  de  musique 
instrumentale,  parmi  lesquelles  on  remarque  :  1°  concerto  pour  vio- 
lon, n»  1  (œuvre  22),  n"  2  (œuvre  26),  n"  3  (œuvre  28),  Vienne, 
Berlin  et  Paris;  2°  concerto  varié  ibid.,  op.  43,  Vienne,  Diabelli; 
3"  grand  morceau  de  concert,  op.  47,  ibid.  ;  4°  polonaises  pour  violon 


(1)  Beulow,  Accent,  des  langues  indo-européennes,  f&ges  05,120,  123.  Encyclo- 
pédie, tome  VIII,  page  79,  col.  2. 

(2)  Wieil  et  Beulow,  Accent,  lat,,  pages  53,  60,  318,  319. 

(3)  Balbi,  Allas  eWin., Tableau  19,  Famil.  Achantie.  23,  Malais,  lies  mariannes, 
27,  l'Abipon.  Tableau  28,  les  langues  Guarani.  Tableau  30,  région  de  Guate- 
mala. Tableau  36,  Grœnlandais. 

(i)  Wieil  et  Beulow,  de  l'Accent,  lat.,  pages  A,  5,  6,  7,  8,  9, 13,  15  et  suivants, 
70,  106,  107,  180  et  181.  Beulow,  Accent,  des  langues  indo-eur,,  p.  39  et  293. 

(5)  Je  possède  la  notation  musicale  de  diverses  intonations  siamoises,  qui  sont 
absolument  semblables  à  celles  que  j'indique  ici  pour  le  français;  et  il  en  est,  il 
devait  en  êtie  ainsi  pour  toutes  les  langues,  parce  que  cet  accent  est  celui  dicté 
par  la  nature. 

(6)  Col  article  est  extrait  du  tome  VX^  encore  inédit,  de  la  Biographie  universelle 
des  musiciens,  par  Fétis  père,  seconde  édition. 


DE  PARIS. 


hOS 


principal,  avec  accompagnement  d'orchestre  ou  de  quatuor,  n"'  1  à 
6,  Vienne,  Artaria,  Diabelli  et  Haslinger;  5°  rondeaux  brillants  pour 
violon  principal  et  orchestre  ou  quatuor,  op.  21,  27,  29  et  36,  tbid.  ; 
6o  airs  et  thèmes  et  originaux  variés  pour  violon  principal  avec  or- 
chestre ou  quatuor,  op.  18,  25,  33,  tO  et  45,  ibid.;  7°  thèmes  va- 
riés, avec  accompagnement  de  second  violon,  alto  et  violoncelle, 
op.  1,  4,  15,  ibid.;  8°  quintettes  pour  deux  violons,  deux  altos, 
violoncelle  et  contre-basse  ad  libitum,  n"^  1  et  2,  op.  50  et  51,  ibid.; 
9°  quatuors  pour  deux  violons,  alto  et  basse,  op.  5,  6,  7.  8,  9,  23, 
idem;  10"  trios  pour  piano,  violon  et  violoncelle,  op.  34  et  41,  ibid.  ; 
11°  sonates  pour  piano  et  violon,  op.  16  et  42,  ibid.'  Beaucoup  de 
morceaux  de  moindre  importance.  Celte  musique  est  en  général 
agréable,  mais  elle  n'indique  pas  une  forte  conception  dans  le  déve- 
loppement des  idées. 


De  la  liberté  des  théâtres,  aie  point  de  vue  musical.  Telle  est  la 
question  que  nous  nous  proposons  d'examiner  dans  notre  numéro 
prochain,  en  consultant  l'expérience  et  en  tenant  compte  des  docu- 
ments que  no"js  a  légués  une  épreuve  déjà  faite.  Dès  aujourd'hui 
nous  signalerons  un  feuilleton  du  Sémaphore,  de  Marseille ,  dans 
lequel  notre  excellent  confrère,  G.  Bénédit,  publie  de  judicieuses 
réflexions  relativement  à  la  liberté  des  théâtres  en  province.  Avec  sa 
permission,  nous  profilerons  de  son  intéressant  travail,  dont  nous 
détachons  immédiatement  les  lignes  suivantes  : 

«  Les  personnes  qui  daignent  accorder  quelque  attention  à  nos 
revues  musicales  et  dramatiques,  nous  rendront  cette  justice  que 
nous  avons  depuis  longtemps  pris  part  à  la  question  de  la  liberté 
des  théâtres,  laquelle  va  recevoir  bientôt  une  pleine  et  entière 
solution. 

»  Seulement,  à  propos  de  cette  mesure  importante  et  si  vivement 
désirée,  les  choses  se  présentaient  à  notre  esprit  sous  un  jour  opposé 
à  celui  de  bien  des  gens,  car  alors  que  ceux-ci  penchaient  pour 
une  réforme  administrative,  nous  nous  déclarions  pour  une  réforme 
artistique. 

»  De  quoi  s'agit-il,  disions-nous,  et  à  quelles  causes  les  théâtres 
lyriques  doivent-ils  imputer  le  malaise  qui  les  tourmente  ?  N'est-ce 
pas  à  la  rareté  des  chanteurs,  dont  les  appointements  excessifs  rendent 
presque  toutes  les  directions  impossibles,  malgré  l'appui  de  subven- 
tions considérables?  N'est-ce  pas  au  déclassement  des  voix  poussées 
de  plus  en  plus  au-delà  des  bornes  naturelles,  et  au  peu  d'extension 
donné  à  l'enseignement  musical?  Si  le  gouvernement,  qui  s'occupe 
avec  un  si  grand  zèle  de  relever  l'art  Ihéâlral,  au  lieu  de  s'en  tenir 
à  de  vaines  théories,  eût  doublé  le  nombre  de  ses  pensionnaires  du 
Conservatoire  de  Paris ,  fixé  à  dix  seulement,  depuis  près  d'un 
siècle,  alors  que  la  population  de  la  capitale  comptait  à  peine  six 
cent  mille  âmes  ;  s'il  eût  employé  son  influence  à  créer  des  écoles 
en  province,  n'est-il  pas  évident  que  les  sujets  auraient  augmenté 
dans  de  très-larges  proportions?  Conçoit-on,  par  exemple,  que  Lyon, 
Bordeaux,  Rouen  et  autres  grandes  villes  n'aient  pas  encore  un  Con- 
servatoire, et  que  jamais  un  intendant  ofliciel  ne  vienne  dans  les  dé- 
partements remplir  l'office  du  marquis  de  Corci,  c'est-à-dire  y  cher- 
cher et  y  découvrir  quelque  belle  voix  ! 

))  Eh  bien  !  on  nous  croira  si  l'on  veut,  mais  la  réforme  théâtrale 
élait  tout  enlière  dans  ces  réflexions,  dont  la  mise  en  œuvre  aurait  eu 
sur  les  théâtres  l^^iiques  les  meilleurs  résultats,  nous  en  sommes 
certain.  En  les  dédaignant,  ou  plulôt  en  ne  leur  accordant  qu'une 
attention  distraite,  on  a  perpétué  les  abus,  et  les  choses  en  sont  ar- 
rivées à  ce  point  qu'il  a  fallu  en  appeler  à  la  liberté  des  théâtres, 
avec  laquelle  on  a  cru  remédier  à  tout.  » 


NOUVELLES. 


,*«  Le  théâtre  impérial  de  l'Opéra  a  donné  lundi  la  Mnetle  de  portici, 
et  mercredi,  Robert  le  Diable,  devant  une  safle  complètement  remplie. 
.Mme  Sax,  Gueymard  et  Belval  ont  été  chaleureusement  applaudis  dans 
le  chef-d'œuvre  de  Mejerbeer.  Vendredi,  Mme  Gueymard  chantait  la 
Favorite  avec  son  talent  habituel.  —  Demain  lundi,  les  Huguenots. 

***  Moise  sera  repris  dans  la  dernière  semaine  de  ce  mois.  Mlle  Fioretti, 
danseuse  nouvelle  y  débutera,  dans  le  divertissement  du  troisième  acte. 

,*,  La  première  représentation  de  la  Fiancée  du  Roi  de  Garbes  doit 
avoir  lieu  le  26  de  ce  mois.  A  une  répétition  à  orchestre,  qui  vient  d'être 
faite,  l'ouvrage  nouveau  d'Auber  a  produit  un  très-grand  effet. 

f*^  Maria  va  être  reprise  avec  éclat  au  théâtre  Italien.  Fraschini  et 
Mme  de  la  Grange  y  rempliront  les  principaux  rôles  avec  Délie  ^edie 
et  Mme  Méric-Lablache. 

.^*^  Des  engagements  anléiieurs  empêchant  Mme  Charton-Demeur  de 
prolonger  son  séjour  au  théâtre  Lyrique,  les  représentations  des  Troyens 
seront  suspendues  jusqu'au  retour  de  la  cantatrice.  Aujourd'hui  di- 
manche l'ouvrage  sera  donné  pour  la  dernière  fois. 

„*^  Le  théâtre  Lyrique  doit  donner  cette  semaine  la  première  repré- 
sentation de  Rigoletlo. 

^*t  Malgré  les  offres  les  plus  brillantes  qui  lui  ont  été  faites,  Carlotta 
Patti  ne  se  fera  pas  entendre  pendant  son  séjour  actuel  à  Paris,  et,  aprè* 
avoir  donné  des  concerts  en  Belgique  et  en  Hollande,  elle  retournera  à 
Londres,  où  elle  est  engagée  pour  la  saison  par  le  directeur  du  théâtre 
de  Covent-Garden. 

»*,  Voici  le  programme  du  deuxième  concert  extraordinaire  de  la 
Société  du  Conservatoire,  qui  aura  lieu  aujourd'hui  :  1°  symphonie  en 
la  de  Beethoven;  2°  fragments  de  la  troisième  partie  des  Saisons,  de 
Haydn,  chœur  de  chasse,  récit,  chœurs  des  vendangeurs  ;  3°  romance 
en  fa  pour  le  violon  de  Beethoven,  exécutée  par  M.  Alard;  4°  finale  du 
deuxième  acte  de  la  Vestale,  de  Spontini,  soli  chantés  par  Mme  Guey- 
mard et  M.  Belval;  5°  ouverture  du  Frcischiitz,  de  Weber.  L'orchestre 
sera  dirigé  par  M.  Deldevez. 

„**  Le  programme  du  concert  populaire  qui  sera  donné  aujourd'hui 
au  cirque  Napoléon  est  le  suivant  :  ouverture  de  Sémiramis,  de  Rossini  ; 
symphonie  hôroïrjLîe,  de  Beethoven;  andante,  de  Sfozart;  sérénade  pour 
piano  et  orchestre,  de  Mendelssohn ,  exécutée  par  M.  L.  Diemer;  ou- 
verture du  Freischiitz,  de  Weber. 

^*,  La  collection  des  œuvres  si  distinguées  de  Marmontel  vient  de 
s'enrichir  d'un  morceau  de  salon,  en  mouvement  de  valse  rempli  d'élé- 
gance et  de  grâce.  Cette  production  charmante  intitulée  Souvenir  de 
Royal,  est  dédiée  à  Mme  Edouard  Monnais. 

,*„,  11  y  a  quinze  jours,  Mlle  Caroline  Remaury  a  obtenu,  au  Conser- 
vatoire, un  très  beau  et  très-grand  succès  ;  elle  a  pleinement  justifié  la 
rare  faveur  que  lui  a  faite  la  Société  des  concerts.  Cette  jeune  pianiste, 
dont  le  talent  s'est  formé  sous  la  direction  de  AL  le  Couppey,  a  exécuté 
le  concerto  en  sol  mineur  de  Mendelssohn  avec  une  sûreté,  une  chaleur 
et  une  élégance  qui  attestent  de  fortes  et  sérieuses  études,  et  qui  révè- 
lent une  brillante  organisation  d'artiste. 

^*^  Le  rapport  sur  le  projet  de  loi,  relatif  à  la  liberté  des  théâtres, 
a  été  lu  samedi,  au  conseil  d'État,  par  M.  Godelle.  Ce  projet,  après  dis- 
cussion, a  été  adopté  dans  son  ensemble  sauf  addition  d'un  article  qui 
impose  à  toute  nouvelle  salle  l'obligation  d'une  contenance  d'au  moins 
quatre-vingts  places. 

,i,*t  Nous  empruntons  à  l'avant-dernier  numéro  de  la  Revue  et  Ga- 
zette des  Théâtres  le  passage  suivant,  relatif  à  la  sous-commission  char- 
gée de  préparer  le  pro^et  de  loi  sur  la  propriété  littéraire.  Cette  sous- 
comrriission  était  composée  de  i\]M.  Lebrun,  sénateur,  le  vicomte  de  la 
Guéronnière,  Nogent-Saint-Laurens,  Duverger,  Herbet,  Imhaus  et  Ca- 
mille Doucet.  Elle  a  laborieusement  fait  sa  tâche;  elle  a  nettement  posé 
le  principe,  que  la  commission  a  repoussé  à  une  faible  et  presque  im- 
perceptible majorité.  Nous  remarquons  que,  dans  sa  neuvième  séance, 
M.  Nogent-Saint-Laurens,  défenseur  intrépide  de  la  propriété  littéraire 
dans  son  entier,  a  parlé  de  «  divers  systèmes  présentés  pour  organi- 
ser la  propriété  littéraire  d'après  le  droit  commun  ;  notamment  de 
celui  de  M.  Jules  Maréchal  et  de  celui  de  M.  Eugène  l'errand,  qui, 
par  une  heureuse  idée  {droit  d\isage  social),  consacre  les  droits  de  la 
société  sur  les  ouvrages  publiés,  et  évite  les  inconvénients  de  l'expro- 
priation pour  cause  d'utilité  publique.  »  Le  procès-verbal  n'en  dit  pas 
davantage,  et  il  est  malheureux  qu'il  ne  soit  pas  plus  explicite.  Le  sys- 
tème de  M.  Jules  Maréchal  est  connu  et  a  été  publié.  H  n'en  est  pas  de 
même  de  celui  de  M.  Eugène  Ferrand,  licencié  en  droit,  sous-chef  du 
bureau   des   théâtres   au   ministère    d'Etat,   et  secrétaire  adjoint  de  la 


&06 


REVLE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


commission  de  la  proprii^lé  littéraire.  M.  Eugène  Ferrand  est  un 
homme  foit  intelligent,  fort  érudit.  Qui  sait,  dans  le  cas  où  son  projet 
aurait  été  livré  à  la  publicité,  s'il  n'aurait  pas  attiré  l'attention  du 
conseil  d'Etat  qui  est  chargé  de  rédiger  la  loi  définitive,  ou  du  Corps 
législatif  qui  aura  à  l'examiner  et  à  la  voter? 

^*^  A  la  distribution  des  récompenses  aux  exposants  delà  Société  des 
beaux-arts  appliqués  à  l'industrie,  des  prix  ont  été  décernés  aux  facteurs 
d'instruments  de  musique,  dont  voici  les  noms  :  médaille  de  1"  classe, 
M.  Sax;  médaille  de  2=  classe,  MM.  Herz  et  Gautrot;  médaille  de  3=  classe, 
M^f.  Pape  fils  et  Dell. 

»**  Il  est  question  de  la  construction  d'une  vaste  salle  de  Concerts 
qui  serait  située  en  face  de  l'Hôtel  de  ville,  au  bout  de  l'avenue  Victoria. 

^*^  Voici  le  programme  de  la  troisième  séance  populaire  de  musique 
de  cbambre  qui  aura  lieu  à  la  salle  Herz,  mardi  prochain.  Trio  en  ut 
mineur,  exécuté  par  Mlle  Marie  Colin,  M\I.  Ch.  Lamoureux  et  E.  Ri- 
gnault.  —  Quintette  en  mi  bémol  de  Boccherini.  —  Sonate  en  si  bémol, 
de  Mendelssohn  (piano  et  violoncelle),  exécutée  par  Mlle  Marie  Colin  et 
M.  E.  Rignault.  —  Quatuor  en  ré  majeur,  de  Mozart. 

^*f:  L'Association  des  Sociétés  chorales  de  Paris  et  des  départements 
de  la  Seine,  au  nombre  de  huit  cents  exécutants,  donne  aujourd'hui  à  une 
heure  et  demie  un  festival  au  Cirque  de  l'Impératrice. 

^,*^  Le  10  décembre,  Mlle  Marie  Sax,  la  célèbre  artiste,  et  un  jeune  flû- 
tiste, M.  TafTanel,  d'Arras^,  ont  fait  les  honneurs  du  concert  donné  par  la 
Société  philharmonique,  au  profit  des  pauvres,  Pourquoi  ne  dirions-nous 
pas,  dût  leur  modestie  en  souffrir  un  peu,  les  noms  des  deux  amateurs 
de  notre  ville  qui  ont  bien  voulu  prêter  leur  concours  à  cette  fête.  Le 
programme  s'est  montré  réservé  sous  ce  rapport.  Mais  le  talent  a  ses 
droits.  Nommons  donc  M.  Linder,  conseiller  de  préfecture,  et  M.  Dcreux, 
sous-chef  de  la  gare  d'Arras.  Avec  tout  l'auditoire,  nous  devons  cons- 
tater qu'au  point  de  vue  de  l'art,  ce  sont  de  véritables  artistes  et  qu'ils 
n'ont  de  l'amateur  que  le  nom. 

^*^  Le  ténor  Severini,  élève  de  U.  Panofka,  dont  le  talent  et  la  mé- 
thode ont  été  si  bien  appréciés  pendant  la  dernière  saison  à  Londres, 
doit  prochainement  débuter  au  théâtre  Royal,  à  Stockholm,  où  il  est 
ciigagé  pour  une  série  de  représentations.  Son  premier  rôle  sera  celui 
du  duc  dans  Rigoletlo. 

^*^  Mme  Vandenheuvel-Duprez,  Félix  Godefroid  et  Léon  Duprez,  se 
sont  fait  entendre  à  la  Société  philharmonique  de  Douai,  où  les  applau- 
dissements les  plus  chaleureux  leur  ont  été  justement  prodigués. 

»*,t  Mme  Cabel  vient  de  rentrer  au  grand  théâtre  de  Lyon,  où  l'on  a 
représenté  le  Pardon  de  Ploërmel  avec  un  très-grand  succès.  La  ber- 
ceuse, l'air  de  l'ombre,  la  romance,  la  légende  et  les  duos  ont  valu  de 
chaleureux  applaudissements  et  des  rappels  à  l'excellente  artiste,  qui 
les  a  partagés  avec  MM.  Melchisedec  et  Mirai.  La  reprise  du  chef- 
d'œuvre  de  Meyerbeer  a  été  très-brillante.  L'orohestie,  sous  la  direction 
de  Luigini,  a  fort  bien  fonctionné  et  la  mise  en  scène  a  été  splendide. 

^*t  Sivori  a  terminé  ses  nombreux  concerts  à  Londres,  qui  n'ont  été 
qu'un  long  triomphe  pour  lui.  L'éminent  artiste  s'est  rendu  à  Angou- 
lême  et  à  Bordeaux,  où  il  se  fera  entendre  au  cercle  philharmonique; 
ensuite  il  y  donnera  deux  séances  de  musique  de  chambre  avec  le  con- 
cours de  Mme  Tardieu  de  Malleville.  Au  mois  de  janvier,  il  se  trouvera 
à  Paris,  où  il  passera  l'hiver  ;  nous  aurons  donc  souvent  occasion  de 
l'applaudir. 

^*^,  Charles  Voss,  l'auteur  d'un  si  grand  nombre  de  charmantes  com- 
positions pour  le  piano,  est  de  retour  d'Italie  et  passera  une  partie  de 
l'hiver  à  Paris. 

^*^  M.  Lefébure-Wély  s'est  rendu  a  Saint-Etienne,  où  il  a  donné  deux 
soirées  pour  faire  entendre  les  nouvelles  orgues  sorties  de  la  fabrique 
de  M.  Beaucourt,  de  Lyon.  Dans  la  première,  l'éminent  artiste  a  joué 
cinq  morceaux  différents  composés,  ou  plutôt  improvisés,  afin  de  met- 
tre en  relief  les  nombreuses  combinaisons  de  timbres  auxquelles  les 
instruments  se  prêtent.  Bornons-nous  à  dire  que  l'auditoire  a  été  litté- 
ralement émerveillé;  dans  la  .«seconde  séance,  -M.  Lefébure-Wély  a  en- 
core surpassé  l'impression  qu'il  avait  tout  d'abord  su  produire. 

f,*.^  La  séance  de  la  Société  des  Enfants  d'Apollon  a  été  très-intéres- 
sante dimanche  dernier.  Nous  y  avons  entendu  un  quintette  de  Mozart 
pour  piano  et  instruments  à  vent.  MM.  Guidon  frères  ont  chanté  le  Dé- 
laissé, mélodie,  et  les  Deux  Amis,  duo  bouffe,  deux  nouveaux  morceaux 
inédits  de  iM.  Adolphe  Blanc;  ensuite  M.  Sighicelli  a  joué  le  concerto  pour 
violon  de  Mendelssohn,  et  Mlle  Juliette  Dorus  a  terminé  la  séance 
en  chantant  Vincitation  à  la  valse  et  à  la  mazurka,  d'Adolphe  Blanc. 

.j,*^  Sehulhoff  est  attendu  au  commencement  de  janvier  à  Paris,  où  il 
passera  l'hiver. 

^*^,  Dans  une  soirée  musicale  donnée  la  semaine  passée  dans  les  salons 
de  M.  Lebouc,  le  violoniste  M.  Laoghans  et  la  pianiste  Mme  Langhans 


se  sont  fait  apprécier  comme  virtuoses  et  compositeurs.  Un  quatuor  et 
une  sonate  pour  piano  et  violon,  ainsi  qu'une  tarentelle  pour  le  piano, 
composés  et  parfaitement  exécutés  par  le  couple  musical,  ont  obtenu 
l'approbation  générale  dans  cette  séance  qui  s'est  terminée  par  un 
quintette  de  Mendelssohn. 

.j,*.^  Récpries  déjeune  fille,  tel  est  le  titre  d'un  nouveau  morceau  de 
L.  Pascal  Gerville,  qui  vient  d'être  publié.  Les  pianistes  y  retrouveront 
toutes  les  qualités  qui  distinguent  à  un  si  haut  degré,  les  compositions 
pour  le  piano  de  cet  auteur  favori,  et  ne  tarderont  pas  à  l'adopter. 

,j*t  Mme  Volpini,  qui  s'est  fait  entendre  avec  tant  de  succès  aux  con- 
certs de  Jullien  fils,  à  Londres,  vient  d'accepter  un  engagement  au  théâ- 
tre du  Liceo,  de  Barcelone. 

^,*^  Le  violoniste  Hugo  Heermann  et  sa  sœur  Hélène  Heermann,  har- 
piste, ont  obtenu  de  très-grands  succès  aux  concerts  du  Gewandhaus  à 
Leipzig,  aux  concerts  du  Muséum  à  Francfort,  ainsi  qu'à  Brème  et  plu- 
sieurs autres  villes  en  Allemagne.  Ils  se  rendront  à  Paris  au  mois  de 
février,  et  s'y  feront  entendre  dans  la  salle  Erard. 

^*j,  M.  Emile  Ettling  vient  de  faire  paraître  chez  Heu,  éditeur,  10, 
Chaussée-d'Antin,  une  ravissante  valse  pour  soprano,  intitulée  la 
Prima-Donna,  paroles  françaises  de  M.  Nuitter,  traduction  italienne  de 
M.  Tagliafico.  Cette  valse  de  concert  est  appelée  à  un  très-grand  et  lé- 
gitime succès,  et  fera  partie  du  répertoire;,de  toutes  nos  grandes  canta- 
trices, car  elle  contient  des  mélodies  et  des  vocalises  charmantes. 

^"^  L'éditeur  Adolphe  Catelin  fera  paraître,  vers  la  fin  de  ce  mois, 
une  œuvre  fort  remarquable  de  E.  Wilhelm  liitter.  C'est  une  Marche 
religieuse  polonaise  pour  orgue,  piano  et  violon. 

^*f_  Les  textes  du  nouvel  office  de  Vlmmaculés  Conception,  envoyés 
dernièrement  de  îlome,  viennent  d'être  composés  en  plain-chant,  d'a- 
près les  règles  des  modes  grégoriens,  par  M.  Félix  Clément.  Cette  œu- 
vre est  destinée  à  la  grande  édition  in-folio  du  chant  romain  traditionnel 
à  laquelle  cet  artiste  travaille  depuis  plusieurs  années,  et  qui  va  sortir 
des  presses  de  M.  Adrien  Leclère.  Les  principaux  caractères  des  antiques 
tonalités  ontéti  heureusement  appropriés  aux  magnifiques  fragments  des 
livres  saints  dont  l'office  de  la  nouvelle  fête  a  été  formé. 

,j*,i.  Le  nouveau  quadrille  de  Strauss,  les  Bavards  et  le  Brésilien,  qui  a 
fait  fureur  au  dernier  bal  de  l'Opéra,  paraît  demain  arrangé  pour  piano. 
Ce  sera  le  grand  succès  de  l'hiver,  au  monde  dansant. 


CHRONIQUE    ÉTRANGÈRE. 


4'',^  Bruxelles.  —  Grâce  au  rétablissement  de  Mlle  de  Maesen, 
Martlia  est  venue  apporter  un  élément  de  variété  dans  le  réper- 
toire du  théâtre  de  la  Monnaie.  Le  mélodieux  ouvrage  de  M.  de  Flotow 
a  pour  interprètes  MM.  Jourdan,  Bérié,  Mengal,  Mlles  de  Mac'sen  et 
Borghèse,  et  on  n'a  eu  qu'il  se  féliciter  de  cette  reprise,  au  succès  de 
aquelle  les  chœurs  et  l'orchestre  ont  contribué  pour  une  bonne  part. 
XObéron,  dont  les  représentations  ont  été  interrompues  par  suite  d'une 
indisposition  de  Mme  Mayer,  a  été  repris  à  la  satisfaction  du  public. 
On  parle  de  la  reprise  du  Cheval  de  Bronze.  —  Le  premier  concert  du 
Conservatoire  est  annoncé  pour  le  'M  de  ce  mois.  En  voici  le  pro- 
gramme :  ouverture  de  Mélusine,  de  Mendelssohn  ;  cavatine  des  Noces 
de  Figaro,  chantée  par  Mlle  Illinworth  ;  cinquième  concerto  de 
Beethoven,  joué  par  Mlle  Wauters.  94''  Symphonie  (en  si  bémol),  de 
Haydn.  L'orchestre  sera  dirigé  par  M.  Fétis. 

,^*,i,  La  Haye,  13  décembre.  —  Une  pianiste  hollandaise  que  toutes  les 
capitales  des  Etats  de  l'Amérique  du  Nord,  et  récemment  la  France, 
ont  appréciée  et  applaudie,  Mme  Gracver,  vient  d'obtenir  ici  un  succès 
des  plus  flatteurs.  Appelée  d'Amsterdam  par  dépêche  télégraphique, 
pour  se  faire  entendre  dans  une  soirée  donnée  à  la  cour,  et  à  laquelle 
assistaient  le  corps  diplomatique  et  la  haute  noblesse  des  Pays-Bas,  la 
célèbre  artiste  a  reçu  de  LL.  MM.  le  roi  et  la  reine  les  félicitations  les 
plus  bienveillantes  et  les  plus  affables,  auxquelles  la  reine  a  daigné 
ajouter  un  cadeau  tout  royal,  consistant  en  une  magnifique  montre  en- 
richie de  perles  fines.  Mme  Graever  est  à  la  veille  d'entreprendre  une 
longue  excursion  artistique  dans  les  pays  du  Nord.  Sa  première  halte 
sera  à  Bruxelles,  d'où  elle  se  rendra  successivement  en  Allemagne,  en 
Suède  et  en  Russie. 

/„,  Rotterdam.  —  Le  16  décembre  —  la  veille  du  jour  anniversaire 
de  la  naissance  de  Beethoven  —  on  exécutera  dans  la  salle  du  théâtre 
la  symphonie  héro'ique,  puis  on  jouera  FideUo.  Le  18,  sera  exécuté 
Allialic,    oratorio  de  llaendel,  sous  la  direction  du  maître  de  chapelle 


DE  PARIS. 


407 


Nicolaï.  Pour  le  19  on  annonce  la    première  représentation  de  :   les 
Catacombes,  opéra  de  Hiller. 

^*^  Cobourg.  —  Le  6  décembre,  pour  fêter  l'anniversaire  de  la  du- 
chesse de  Saxe-Cobourg,  a  été  représenté  au  théâtre  de  la  cour  un 
opéra  nouveau  d'A.  Langerts  :  la  Malédiction  du  chanteur,  texte  d'a- 
près la  célèbre  ballade  d'Uhland.  Le  succès  a  été  des  plus  brillants. 

^,%  Vienne.  —  Au  profit  de  la  Société  de  secours  pour  les  Veuves  et 
Orphelins  des  artistes  musiciens,  l'oratorio  de  Haydn,  la  Création,  sera 
exécuté  les  22  et  23  décembre  dans  la  salle  du  théâtre  de  la  cour.  A 
la  soirée  de  quatuors  Ilelimesberger,  a  été  exécuté  un  quatuor  inédit  de 
IW.  Zôllner,  jeune  compositeur  qui  débute,  et  qu'on  a  eu  la  complai- 
sance de  rappeler.  Le  double  quatuor  de  Spohr  a  eu  un  succès  d'en- 
thousiasme. La  dernière  composition  de  llayseder  a  été  exécutée  à  la 
Société  de  quatuors  Laub.  Ferdinand  Laub  est  l'exécuteur  testamentaire 
du  célèbre  violoniste.  Le  ballet,  Jolta,  a  été  arrêté  après  la  troisième 
représentation,  par  suite  d'une  indisposition  de  Mlle  Conqui. 

»*,  Berlin.  —  L'oratorio  de  Mendelssohn,  Elle,  a  été  écouté  avec  un 
vif  intérêt.  Le  programme  du  premier  concert  du  Domchor  offrait  un 
programme  de  morceaux  très-intéressants  ;  à  part  le  Cruci/ixus  de 
Lotti  et  le  Misericordias  de  Mozart,  nous  citons  le  motet  à  cinq  voix  : 
Jésus,  ma  joie,  par  J.  S.  Bach.  Mlle  Decker  a  chanté  un  air  de  la  Pas- 
sion de  Bach,  selon  saint  .Mathieu  et  VAue  Maria  de  Chérubini.  Au 
théâtre  royal,  Orphée  et  Eurydice,  où  Mlle  de  Ahna,  pour  la  première 
fois,  a  chanté  le  rôle  û'Orphée,  et  Armide  avec  Mme  Kœster. 

»*»  Hambourg.  —  Au  théâtre  de  la  ville,  on  donne  en  ce  moment  un 
ballet  d'enfants  :  Le  l'elil  Poucet,  arrangé  avec  beaucoup  de  goût  et  de 
verve,  par  Mlle  Lanner  ;  tous  les  soirs  la  salle  est  comble.  MlleTietjens 
a  quitté  Hambourg;  la  Commission  pour  la  construction  des  églises  lui 
a  offert  un  magnifique  bracelet.  L'éminente  cantatrice  n'avait  pas 
voulu  accepter  de  rémunération  pour  le  concours  qu'elle  avait  prêté  à 
l'exécution  du  Messie  de  Haendel. 

^*,  Turin,  14  décembre.  —  Un  grand  concert  a  été  donné  par 
l'excellent  professeur  de  piano  et  d'harmonium,  Giuseppe  Romano, 
dans  la  salle  des  frères  Marchisio.  Parmi  les  morceaux  dans  lesquels  il 
a  obtenu  le  plus  brillant  succès,  il  faut  citer  l'ouverture  du  Pardon  de 
Ploëimel,  qu'il  a  exécutée  avec  un  artiste  des  plus  distingués,  Giuseppe 
Marchisio.  Mmes  Perelli  et  Lanfranchi,  ainsi  que  le  baryton  Qiuntili 
Léoni,  prêtaient  leur  concours  à  cette  séance,  qui  avait  attiré  la  foule. 

^*^:  Naples.  —  L'ouverture  de  la  saison  au  théâtre  San  Carlo  aura 
lieu  par  Guglielmo  Tell,  qni  sera  suivi  d'un  nouveau  ballet,  la  Figlia 
dell'Inferno. 

,*j.  Barcelone.  —  L'immense  succès  qu'a  obtenu  le  Prophète,  au  théâtre 
da  Licéo,  continue.  A  chaque  représentation  du  chef  d'œuvre  de 
Meyerbeer,  la  salle  est  comble  et  le  public  applaudit  à  outrance  l'ou- 
vrage et  l'exécution.  Négrini  et  Mme  Colson  y  brillent  au  premier  rang, 
et  Mlle  Masson  montre  également  beaucoup  de  talent.  M.  Verger  mérite 
des  éloges  pour  la  magnifique  mise  en  scène. 
i 

j*j,  Moscou.  —  Un  nouveau  ballet  de  Saint-Léon,  la  Salamandre,  au 
succès  duquel  l'apparition  de  spectres,  d'après  le  système  mis  en  usage 
à  Paris,  n'a  pas  peu  contribué,  a  été  donné  plusieurs  foi.s.  Mlle  Jloura- 
wielT,  après  avoir  dansé  dans  une  représentation  au  bénéfice  de  Saint- 
Léon,  est  partie  pour  Saint-Pétersbourg,  où  elle  va  remplir  le  principal 
rôle  dans  le  ballet  le  Pécheur  et  la  Ndiad'. 


Le  Direcleur  :   S.  DUFOL'R. 


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3imiQUE  D'ORGUE 
AIRS  DES  NOELS   LORRAINS 

RecBieElIis   et   niraiig^s    gionr    Orgne    ou    nannonïani. 


Organiste    de   la    cathédrale    de   Saint -Dié    (Vosges). 
Prix  uct  :  S  fr,;  par  la  poste  :  G  fr.  âO. 

Ce  recueil  contient  les  airs  de  tous  les  Nocls  qui  ont  été  imprimés  et 
chantés  en  Lorraine  depuis  un  siècle  environ. 

Ces  airs  religieux  et  populaires,  au  nombre  de  quatre-vigt-six,  ont  été 
harmonisés  d'une  manière  simple  et  naturelle,  afin  de  leur  conserver 
le  caractère  naïf  et  gracieux  qui  les  distingue. 

Bien  que,  par  son  titre,  l'ouvrage  ne  semble  contenir  que  des  noëls 
particuliers  à  la  Lorraine,  on  y  trouve  cependant  presque  toutes  les 
mélodies  de  ce  genre  qui  ont  été  populaires  dans  les  autres  provinces. 
11  peut  donc  convenir  à  tous  les  organistes  français. 

Chez  l'auteur  ou  d  Mme  Paulus-Arnould,  éditeur  de  musique,  à  Nancy. 


NSTRUMBNTAL 


NOUVEAU  JOURNAL  DE  MUSIQUE  mLITAIBE 

Publié  en  Partition  et  Parties  séparées. 


Fondation   GAUTROT    aîné. 


Ce  Journal  contiendra  annuellement  36  morceaux 

POUR 

HARMONIUM    et   FANFARES 
Pris  en  grande  partie  sur  des  motifs  d'opéras. 

On  s'abonne  à  Paris  : 

CHEZ  GAUTROT  AÎNÉ,  60,  RUE  SAINT-LOUIS  (MARAIS). 


PRIX  ACCORDÉ  A    l'ONANIMITÉ   A    i'EXPOSITIOH 
UNIVERSELLE   DE    LONDRES   1851. 

fl-'oiinilsseur  des  mliifNtèi'CN  «le  I» 
Ciiierrc  et  de  la  Siarliic  ilc  France. 

Seuls    agents    à    Londres 

CHAPPELL  &  HAMIIIGND,  S"  DE  JOLIIEN  &C« 

214  ,   Régent  Street. 


MAISON  FONDÉE  EN  1803. 

INSTRUMENTS    DE    MUSIQUE    EN    CUIVRE 

ANTOINE  COURTOIS 

88,  me  aee  lHitfiiia  -  Snînt- Mlurtin,   88 

Ci-devant  rue  du  Caire,  21. 


MEDAILLE  D  ARGENT    DC  1"   CLASSE 

A   l'exposition   dniverselle  de  paris  1855. 

Facteur  du    Conservatoire   et  cBe 
l^Acudéuilc  liupérlulc  de  l'urls. 

Agent  à  Saint-Pétersbourg  : 

A.  BOTÏNER, 

Perspect.  Newsky ,  maison  de  l'égliseSt-Pierre. 


La  rïiaison  ANTOINE  COURTOIS  ayant  agrandi  ses  ateliers,  est  en  mesure  de  satisfaire  à  toutes  tes  demandes  gui  pourront  lui  être 
adressées;  elle  garantit  réellement  à  sa  clientèle  des  instruments  irréprochables  sous  tous  les  rapports. 


408 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE  DE  PARIS. 


Chez  G.  BnAXDlS  et  S.  DVFOVR,  éditeurs,  105,  rue  Rkhelieu,  au  1". 


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gneusement doigtés  et  sans  octaves,  composés  sur  les  plus  jolis  motifs 
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LECTURE  MUSICALE 

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(Ju  an,  30  f.— Six  mois,  18  f,— Trois  mois,  13  f.— Un  mois,  S  f. 


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piano  seul. 

La  Bibliothèque   sera   constamment   alimentée  par    les  meilleurs 
ouvrages  au  fur  et  à  mesure  qu'ils  paraîtront. 

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Rue  de  la  'Victoire,  4§,  à  Paris. 

L'immense  succès  que  les  Pianos  de  la  Maison  Henri  HERZ  ont,  obtenu  à  l'Exposition  universelle  de  Paris,  en  1855, 
vient  de  se  reproduire  à  Londres  avec  plus  d'éclat  encore  :  aussi  le  Jury  international  vient-il,  en  plaçant  ces  instruments 
au  premier  rang,  d'accorder  à  l'unanimilé,  à  M.  Henri  HERZ,  la  médaille,  en  motivant  cette  distinction  par  la  perfection 
reconnue  dans  tous  les  genres  de  Pianos  et  sous  le  rapport  de  la  solidité,  de  la  sonorité,  de  l'égalité,  et  la  précision  du 
mécanisme  dans  les  nuances  d' expression.   (Rapport  du  Jury  international.) 


MANUFACTURE    GÉNÉRALE    D'INSTRUMENTS    DE    MUSIQUE    EN    CUIVRE    ET    EN     BOIS 


50,  roe  Saint-Georges, 
à  Paria. 


ADOLPHE    SAX 


*    >gs 


50,  rue  Saint- Cieorg^es 
à  Paris. 


Facteur  de  la  Maison  militaire  de  l'Empereur.  —  Professeur  au  Conservatoire  impérial  de  musique. 
Seule  grande  Médaille  d'honneur  à  l'Exposition  universelle  de  1855. 

RÉSUMÉ    DES   AVilNTAGES   DES   SAXHORNS   ET   DES   SAXOTROMBAS. 

Le  Saxotromba,  ou  le  Saxhorn,  est  supérieur  à  ses  analogues  existants  précédemment,  comme  proportion  de  tubes  et  par 
conséquent  comme  son  ;  supérieur  comme  justesse  ;  supérieur  comme  création  de  famille  complète  ;  supérieur  comme  facilité  et 
unité  de  doigté  ;  supérieur  comme  forme  ou  contour  des  tubes  pour  l'émission  des  sons  ;  supérieur  comme  forme  pour  le  pla- 
cement et  le  maniement  de  instrument  ;  supérieur  comme  ayant  une  même  direction  des  sons  (avantage  pour  l'auditeur  de 
recevoir  tous  les  sons  avec  la  mémo  puissance);  supérieur  en  ce  que  quelques  jours  suffisent  pour  former,  avec  dos  amateurs  ou 
de  simples  conscrits  militaires,  une  musique  passablo  ;  supérieur  en  ce  que  les  plus  gros  instruments  comme  les  petits  se 
tiennent  facilement  au  moyen  de  la  main  gauche  et  du  bras  gauche,  et  laissent  le  bras  et  la  main  droite  entièrement  libres, 
et  dans  la  meilleure  position  pour  le  jeu  des  doigts  sur  les  cylindres  ;  supérieur  en  ce  que,  quand  un  élève  a  déjà  fait  des 
études  et  qu'il  est  obligé  de  changer  d'instrument  faute  de  disposition  des  lèvres  ou  par  tout  autre  motif,  ses  études  acquises 
servent  pour  le  nouvel  instrument,  soit  trompette,  trombone  ou  tout  autre  instrument  ;  supérieur  en  ce  que  l'on  peut  faire  les 
études  les  plus  longues  et  les  plus  difficiles  sur  l'instrument  qui  fatigue  le  moins  et  les  reporter  sur  d'autres  plus  durs  à  jouer 
ou  plus  lourds  à  porter;  supérieur  en  ce  que,  dans  les  sociétés  ou  dans  un  régiment  de  cavalerie,  surtout  lors  des  congés,  il 
arrive  souvent  que  tous  les  artistes  d'une  même  catégorie  d'instruments  partent,  et  que,  dans  ce  cas,  on  peut  les  remplacer 
en  prenant  des  musiciens  dans  les  parties  les  mieux  garnies  pour  occuper  ou  remplacer  les  parties  manquantes;  supérieur  en 
ce  qu'on  ne  craint  pas  les  oups  de  tète  des  chevaux,  qui,  avec  les  anciens  instruments,  brisaient  parfois  les  dents  au  cava- 
lier; supérieur  en  ce  que  l'on  peut  jouer,  le  cheval  au  trot  ou  au  galop,  l'instrument  suivant  toujours  les  mouvements  du 
corps;  supérieur  pour  la  musique  en  marche  en  ce  que  l'instrument  ne  se  dérange  pas  sur  les  lèvres,  et  conserve  par  consé- 
quent la  même  sonorité  qu'au  repos;  supérieur  pour  les  corps  de  musique  et  pour  le  militaire  surtout,  où  tout  est  régulier       ' 

excepté  les  musiciens  et  les  instrumenis  d'après  le  système  ancien),  en  ce  que  tout  le  monde  se  trouve  dans  la  môme  position,  toutes  les  mains  à  la  même 
tous  les  instruments  penchés  de  gauche  à  droite  ;  supérieur,  pour  la  musique  à  cheval  ou  de  cavalerie,  en  ce  que  si,  pendant  que  l'on  joue,  le  cheval  vient 
écart,  il  est  facile  de  ressaisir  les  brides  pour  le  rametier,  sans  déranger  riastrunient  de  sa  position.  âjK^ 

Toai  lei  iniirumenii  sortant  de  la  fabriqne  poricni  l'instripiion  snivanie  :  Adolphe  Sax,  à  Paris,  facteur  de  la  maison  militaire  de  l'Empereur,      Q|îr\ 

le  numéro  d'ordre  de  l'inilrumenl  el  le  poin;on  ei-apr'es  :  je^yv. 


hauteur  et 
à  faire  un 


BUREAUX    A    PARIS  :    BOULEVARD   DES   ITALIENS,    I. 


30«  Année. 


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27  Décembre  1863. 


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Dans  les  Départements  et  à  l'Étranger,  chez  tous 
les  Marchands  de  Musique,  Ifs  Libraires,  et  aux 
Pureaui  des  Mcssagories  et  des  Postes. 


REVUE 


PRIX  DE  L'ABONMEUENT  : 

Paris 24(r.patQIl 

Départements,  Belgique  et  Suisse....    30  n      id. 

Étranger .■•    34  »       Id. 

le  Journal  paraît  le  DUiianche. 


GAZETTE  MUSICALE 


-- ^vTj  u\/\Ar iATjvw— 


1864  Sf^"   AIlKlirEi;  1864 

REVUJE    ET    QAZETTE     MUSICALE 


Primesi 


Offertes  aux  anciens  et  nooTeanx  Abonnés. 


Pour  satisfaire  au  désir  qui  nous  a  été  exprimé  par  un  grand 
nombre  de  nos  Abonués,  nous  offrons,  à  l'occasion  du  renouvelle- 
ment de  l'année  : 

LE   SECOND   VOLUME 

DD 

RÉPERTOIRE  DE  IIIISIQUË  NODËRl 

1>©'SJB    £^  WEMMQ 
Dont  le  premier  Yolume  a  été  accueilli  avec  tant  de  faveur  l'année  passée . 

CE  VOLUME,  FORMAT  IjV-8°,  COiNTIENT  LE  CHOIX  SUIVANT  DE 


1.  ALKAN.  —  Op.  32.  Fantasietta  alla  moresca. 

2.  BliUMENTHAIi.  —  Op.  1.  La  Source,  caprice. 

3.  CHOPIN.  —  Op.  10.  Deux  études, 
(i.  CZERNY.  —  Op.  754.  Tarentelle. 

5.  DŒHIiER.  —Op.  1x2.  Deux  études. 

6.  FAVARGER.  —  Op.  43.  Caliban,  grande  valse. 

7 .  GORI  A.  —  Op.  41.  Grande  mazurka. 

8.  HELLER  (Stéphen).  —  Op.  56.  Sérénade. 

9 .  HENSELT.  Poëme  d'amour. 

10.  HERZ  (H.).  —  Op.  143.  Mazurka. 

11.  JAELIi.  —  Le  Carillon,  morceau  élégant. 

12.  IiACOMBE.  —Op.  54.  Marche  turque. 

13.  liESCHETIZKY.  -  Chant  du  soir,  idylle. 

14.  LITOLFF.  —  Chanson  du  rouet. 

15.  IiISZT.  —  Deuxième  marche  hongroise. 

16.  MENDELSSOHN.  —  Presto  scherzando. 

17.  MOSCHELÈS.  —  Op.  95.  Trois  études. 

18.  PRUDENT.  —  Op.  33.  Farandole. 

19.  THALBERG.  —  Op.  35.  Le  Trémolo. 

20.  VOSS.  —Op.  161.  Ecume  de  Champagne. 

ET 
Un  recueil  contenant  six  llorceaux  de  Chaut  : 

MÉLODIES    ET    CHANSONS 

IRLANDAISES,  ÉCOSSAISES,   ESPAGNOLES  ET  HAVANAISES 
Avec  paroles  françaises. 

Ces  morceaux,  d'une  grande  originalité  et  entièrement  inconnus  en 
France,  sont  chantés  avec  un  grand  succès  dans  ses  concerts  par  Mlle 
CARIiOTTA    PAXXI 

lie»  Abonnés  sont  priés  de  vouloir  bien  retirer  ce»  Primes  en 
renouvelant  leur  abonnement  dans  nos  bureaux,  boulevard  des 
Italiens,  1.  Nous  les  enverrons  comme  d'habituilc  à  ceux  qui 
habitent  la  province. 


SOMMAIRE.  —  La  liberté  des  théâtres  au  point  de  vue  musical  (1"  article), 
par  Paul  Smith.  —  Théâtre  Lyrique  impérial  :  Rigoletto,  opéra  en  quatre 
actes,  musique  de  Verdi,  traduction  française  de  M.  Ed.  Duprez,  par  Itéon 
nnrocher.  — Nécrologie:  Beaulieu.  —Revue  des  tliéâtres,  par  O.  A.  O. 
Saint-Yves,  —  Nouvelles  et  annonces. 


DE  U  LIBERTÉ  DES  THÉÂTRES 

Au  point  de  vue  musical . 

(Premier  article.) 

Lihertas,  quœ  sera  tamen . . . 

Enfin  nous  l'aurons  cette  liberté,  que  tant  de  vœux  appellent,  et 
nous  la  devrons,  non  plus  au  caprice  orageux  d'une  révolution  passa- 
gère, mais  à  la  volonté  libre  et  profondément  méditée  du  souverain! 
Nous  aussi,  nous  avions  voté  pour  elle,  alors  que  la  question  se  dé- 
battait dans  les  conseils  d'une  république  déjà  grosse  d'un  empire, 
parce  qu'alors  comme  aujourd'hui  nous  ne  comprenions  que  deux 
systèmes,  celui  du  privilège,  tel  que  l'avait  conçu  et  établi  Napo- 
léon 1",  ferme,  solide,  efficace,  ne  permettant  à  personne  de  se  glis- 
ser ni  par  dessus  ni  par  dessous,  ou  celui  de  la  liberté,  comme  va 
le  fonder  Napoléon  III.  Nous  ne  professions  qu'une  médiocre  estime 
pour  l'état  mixte  sous  lequel  nous  avions  vécu  si  longtemps ,  celui 
de  la  concession  illimitée  des  privilèges,  parce  qu'il  n'a  rien  de  sin- 
cère, rien  de  stable,  et  qu'il  n'est,  à  vrai  dire,  ni  le  privilège  ni  la 
liberté. 

Ce  qui  était  possible  et  même  salutaire  en  1807,  ne  serait  plus 
admissible  en  1864.  Ce  privilège  a  fait  son  temps,  la  liberté  seule  a 
des  chances.  Mais,  cette  liberté,  il  faut  bien  la  comprendre,  et  ne  pas 
s'en  effrayer  comme  ces  braves  artistes  qui  ne  se  trouvaient  pas  assez 
protégés  sous  le  régime  du  privilège  (et  ils  n'avaient  pas  tort),  mais 
qui  se  sont  mis  à  trembler  de  tous  leurs  membres,  en  s'apercevant 
que  sous  le  régime  de  la  liberté  ils  ne  seraient  plus  protégés  du 
tout.  Il  ne  faut  pas  non  plus  trop  s'en  réjouir,  ni  trop  en  espérer, 
comme  ces  auteurs  et  ces  compositeurs  peu  favorisés  par  le  privi- 
lège, et  qui  se  flattent  que,  grâce  à  la  liberté,  on  sera  inévitable- 
ment contraint  et  forcé  de  jouer  leurs  œuvres. 

Pour  nous,  l'immense  avantage  de  la  liberté,  ce  sera  d'affranchir 
le  pouvoir  de  l'incessante  obsession  des  demandeurs  de  privilèges; 
ce  sera  de  lui  épargner  la  responsabilité  du  choix  des  titulaires,  les- 
quels presque  toujours  lui  étaient  imposés. 

Avec  la  liberté,  tout  homme  intelligent  qui  aura  une  bonne  idée, 


!ilO 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


por.rra  l'exploiter  sans  recourir  aux  sollicilations^  aux  prolections,  aux 
n  trigues. 

Le  revers  de  la  médaille,  car  toute  médaille  en  a  un,  ce  sera  qu'un 
aventurier,  un  extravagant  imagine  d'ouvrir  à  ses  dépens,  ou  à  ceux 
des  autres,  une  usine  théâtrale  qui  fermera  au  bout  de  quelques  mois. 

Comme  d'ailleurs  le  privilège  n'empêchait  pas  toujours  les  folies 
de  ce  genre,  mieux  vaut  encore  qu'on  les  fasse  de  soi-même  et  sans 
patente,  qu'avec  une  espèce  de  garantie  du  gouvernement. 

La  seule  chose  qu'on  ne  puisse  prédire  à  coup  sûr,  c'est  de  quel 
côté  sera  la  majorité,  de  celui  des  hommes  à  idées  justes  et  des  spé- 
culateurs heureux,  ou  de  celui  de  h  témérité  et  des  ruineuses  entre- 
prises. 

L'expériencH  est  à  faire,  ou  plutôt  à  refaire,  puisque  la  liberté^des 
théâtres  en  est  chez  nous  à  sa  seconde, campagne,  et  l'on  n'a  pas 
oublié  que  la  première  se  solda  par  un  déficit  assez  lourd. 

Le  décret  impérial  du  29  juillet  1807  eut  pour  but  de  mettre  un 
terme  à  la  misère  des  théâtres,  qui  depuis  1791  s'étaient  multipliés 
outre  mesure,  et  pour  cela  il  employa  un  remède  héroïque  :  il  en 
supprima  vingt-cinq  d'un  seul  coup  ;  ceux  qui  restèrent  sur  pied 
firent  tous  d'excellentes  affaires.  Et  voilà  comment  devait  procéder 
le  privilège,  dont  la  seule  excuse  était  dans  une  assurance  de  prospé- 
rité matérielle  et  privée. 

Mais  pour  nous  la  question  d'argent  ne  passe  qu'après  la  question 
d'art.  On  a  souvent  parlé  avec  un  enthousiasme  tant  soit  peu 
excessif  des  services  que  la  liberté  des  théâtres  avait  rendus  à  la 
musique  française  ;  nous  ne  demandons  pas  mieux  que  de  les  recon- 
naître, et  nous  en  avons  dressé  le  bilan  exact,  dans  ce  journal 
même,  sous  le  titre  de  Dix  années  lyriques  en  France  (1).  Peut- 
être  serait-il  à  propos  de  reproduire  ici  le  résumé  de  ce  travail,  en 
commençant  par  rappeler  ce  que  la  musique  comptait  de  théâtres  à 
Paris  lorsque  l'heure  de  la  liberté  vint  à  sonner.  Avant  le  décret  de 
1791,  il  y  avait  l'Opéra,  fondé  par  Louis  XIV;  l'Opéra-Comique,  sorti 
de  la  Comédie  Italienne,  et  le  théâtre  de  Monsieur,  qui  bientôt  allait 
devenir  le  théâtre  Feydeau  ;  en  outre,  il  y  avait  quelques  établisse- 
ments de  peu  d'importance.  La  situation  ne  fut  pas  gravement 
modifiée  par  le  décret  qui  permit  à  chacun  de  créer  un  théâtre. 
L'Opéra,  l'Opéra-Comique,  le  théâtre  Feydeau  demeurèrent  ce  qu'ils 
étaient;  autour  d'eux  quelques  scènes  chantantes  essayèrent  de  se 
former,  comme  le  théâtre  Louvois,  le  théâtre  Montansier  ;  la  musique 
s'y  hasarda,  mais  sans  s'y  établir  seule  et  sans  partage.  Sur  aucune 
de  ces  scènes  accessoires,  et  pour  ainsi  dire  accidentelles,  il  ne 
naquit  rien  de  remarquable,  rien  de  durable.  Aucune  d'elles  n'eut 
de  bonne  fortune  équivalente  à  celle  d'une  Mère  coupable,  ou  d'un 
Robert,  chef  de  brigands,  qui  mirent  en  vogue  le  théâtre  français  de 
la  rue  Culture-Sainte-Catherine. 

Tout  le  monde  sait  que  le  règne  de  la  liberté  théâtrale  n'ajouta 
pas  un  fleuron  à  la  couronne  de  l'Opéra.  La  liberté  n'y  peut  rien 
revendiquer  des  grandes  œuvres  qu'il  a  enfantées,  et  l'on  ne  doit 
porter  à  son  compte  que  des  inspirations  éphémères  d'une  déplo- 
rable médiocrité,  lorsqu'elles  n'étaient  pas  d'une  nullité  complète. 
«  Quoi  de  plus  triste,  disions-nous  dans  notre  revue  historique,  que 
cette  période  de  dix  années,  durant  laquelle,  abandonné  de  tous  les 
hommes  de  génie  et  de  talent,  excepté  Grétry,  Méhul  et  Gossec,  ce 
grand  et  beau  théâtre  ne  compta  que  deux  ou  trois  ouvrages  esti- 
mables, à  travers  une  multitude  de  productions  infimes  !  Anacréon 
chez  Pohjcrate,  qui  n'est  pas  le  chef-d'œuvre  de  Grétry,  fut  le  chef- 
d'œuvre  de  cette  époque  sur  une  scène  qui  s'était  enrichie  des 
sublimes  ouvrages  de  Gluck,  des  productions  admirables  et  char- 
mantes de  Piccinni,  de  Sacchini  !  Concluons-en  que  l'Opéra  n'exis- 
tait que  de  nom,    et  qu'il  ne  fut  pour  rien  dans  le  vigoureux  élan 

(1)  Voyez  année  1842,  du  9  au  30  octobre,  n»*  41,  42,  43  et  44. 


que  prit  la  musique  française  dans  le  même  temps,  mais  sur 
d'autres  théâtres.  » 

Pendant  ces  années  de  liberté,  l'Opéra  n'eut  pas  à  subir  de  con- 
currence sérieuse  :  nulle  entreprise  rivale  ne  tenta  d'usurper  son 
genre,  ni  ne  l'inquiéta  sur  son  terrain.  Et  pourtant,  quoiqu'on  niasse  le 
budget  des  dépenses  ne  laissât  pas  d'être  pesant ,  quelle  différence 
entre  les  charges  de  ce  temps  et  celles  du  nôtre,  en  ce  qui  concerne 
seulement  la  liste  civile  des  artistes!  Ce  qu'on  n'a  pas  fait  de  1791 
jusqu'en  1801,  lors  de  la  première  ère  de  la  liberté  théâtrale,  l'es- 
sayera-t-on  sous  la  seconde,  maintenant  que  les  difficultés  sont  bien 
plus  grandes?  Mais  i'  faut  convenir  aussi  que  l'Opéra  est  devenu 
bien  plus  populaire  et  le  génie   de  l'entreprise  bien  plus  audacieux. 

Dans  le  genre  que  l'on  désignait,  souvent  bien  à  tort,  par  le  nom 
d'opéra-comique,  ou,  pour  employer  des  termes  plus  précis,  dans  la 
région  où  la  musique  est  tempérée  par  la  parole,  nous  étions  déjà 
bien  avancés  en  1791  ;  déjà  nous  possédions  une  quantité  d'ouvrages 
de  caractères  différents:  après  le  Tableau  parlant,  la  Fausse  ma- 
gie, l'Epreuve  villageoise,  Grétry  nous  avait  donné  Richard  Cœur 
de  lion.  Méhul  avait  débuté  par  ce  coup  de  tonnerre  que  l'on  ap- 
pelle Evphrosine  et  Coradln.  C'est  assez  dire  que  le  nouveau  'régime 
avait  peu  de  chose  à  faire  pour  élever  le  ton,  agrandir  le  cadre,  don- 
ner l'essor  aux  passions.  Toutefois,  cette  gloire  ne  peut  être  refusée 
au  théâtre  Feydeau,  qui  se  posa  franchement  comme  l'adversaire  de 
l'ancien  théâtre  Favart,  et  aux  auteurs  qui  se  vouèrent  spécialement 
à  sa  cause.  Le  combat  se  prolongea  dix  ans  et  finit  par  la  réunion 
des  deux  théâtres  qui  ne  pouvaient  plus  se  soutenir  isolément. 

Pendant  les  dix  années  de  son  existence  indépendante ,  le  théâtre 
Feydeau  donna  environ  216  ouvrages,  dont  S8  ou  40  opéras  italiens 
ou  pièces  traduites,  60  comédies  et  drames  ;  restent  donc  à  peu  près 
108  opéras  ou  vaudevilles.  Comptons  dix  opéras  par  année;  c'est,  en 
moyenne,  le  maximum  auquel  un  théâtre  lyrique  puisse  arriver. 

Pendant  ces  mêmes  dix  années,  plus  de  quarante  musiciens  (dont 
quelques-uns  n'avaient  pas  encore  travaillé  pour  la  scène)  firent 
jouer  des  ouvrages  sur  le  théâtre  Feydeau.  Voulez-vous  savoir  dans 
quelle  proportion?  Dalayrac  seul,  qui  était  un  vétéran  et  non  pas  un 
novice,  en  fit  jouer  plus  de  25/,  Gaveaux,  17;  Solié,  11  ;  Méhul,  10; 
Devienne,  10;  Bruni,  9;  Jadin,  9,  Grétry,  8;  Berton,  8;  Cherubini,  8; 
Kreutzer,  8;  Boïeldieu,  7;  Plantade,  6;  Persuis,  5;  Lesueur,  4;  Tar- 
chi,  4;  Champein,  3.  Voici  les  noms  des  autres  compositeurs  plus 
ou  moins  célèbres  qui  parvinrent  encore  de  temps  en  temps  à 
l'honneur  de  la  représentation  :  Philidor,  Della-Maria,  Steibelt,  Le- 
moine,  Gresnick,  Parenti,  Trial  fils,  Désaugiers  père  et  fils,  Lebrun, 
Porta,  Fay,  Mengozzi,  Deshayes,  Pradher,  Ladurner,  Lélu,  Blasins, 
Eler,  Scio,  Lemière,  Beffroy  de  Reigny,  autrement  dit  le  cousin  Jac- 
ques. 

Ainsi,  vous  le  voyez,  c'est  l'un  des  compositeurs  les  plus  anciens, 
l'un  de  ceux  dont  la  renommée  s'appuyait  sur  le  plus  grand  nombre 
de  succès,  qui  profita  le  plus  largement  ^des  avantages  offerts  par  le 
nouveau  théâtre.  Ainsi,  nous  avons  vu,  de  notre  temps,  Adolphe 
Adam,  qui  d'ailleurs^  le  méritait  si  bien,  prélever  le  meilleur  de 
la  moisson  du  théâtre  Lyrique.  Néanmoins,  le  théâtre  Feydeau- 
rendit  à  l'art  un  service  éminent,  soit  en  accueillant  des  hom- 
mes peu  connus,  qui  plus  tard  se  placèrent  au  rang  des  maîtres,  soit 
en  ouvrant  une  carrière  plus  vaste  à  des  maîtres  déjà  formés,  pour 
qui  le  vieil  opéra-comique  était  un  champ  trop  étroit. 

C'est  à  Feydeau  que  débuta  Lesueur,  et  tant  que  ce  théâtre  exista, 
il  lui  demeura  exclusivement  fidèle.  Cherubini  suivit  l'exemple  de 
Lesueur,  lui  qui  avait  fait  ses  premières  armes  à  l'Académie  royale 
de  musique  et  au  théâtre  Italien.  Tous  deux  créèrent  un  genre  dont 
on  n'avait  pas  encore  l'idée,  tant  pour  l'élévation  et  la  sévérité  du 
style,  que  pour  l'emploi  des  ressources  chorales,  et  aussi  pour  les 
magnificences  de  la  mise  en  scène.  Lodo'iska ,  la  Caverne,  Téléma- 
gue,  Médée,  Elisa  ou  le   Voyage  au   mont  Saint-Bernard,  furent 


DE  PARIS. 


411 


montés  à  grand  frais  et  avec  un  luxe  de  décors  que  le  théâtre  Favart 
n'admutlait  pas.  Bornéo  et  Juliette,  de  Steibelt,  fut  monté  avec  le 
mèuie  appareil,  et  obtint  un  succès  que  deux  cents  représentations 
épuisèrent  à  peine. 

A  côté  de  ces  trois  compositeurs,  dont  le  génie  ne  se  développa 
que  sur  le  nouveau  théâtre,  il  y  en  eut  trois  autres  d'un  ordre  bien 
inférieur,  dont  le  talent  y  prit  l'essor  dans  plusieurs  ouvrages  non 
moins  heureux  qu'agréables,  Devienne,  Bruni  et  Gaveaux.  Petite  mu- 
sique, diraient  avec  raison  les  savants  de  notre  époque,  à  propos 
des  Visitandines,  de  Toberne,  de  V Amour  filial!  Eh!  oui  certaine- 
ment, petite  musique,  mais  aussi,  convenez-en,  musique  spirituelle, 
musique  disant  quelque  chose  et  toujours  d'accord  avec  les  paroles  ; 
musique  chantante  que  l'on  retenait  à  l'instant  même  et  que  l'on 
répétait  partout.  Tous  nos  jeunes  lauréats  ont  une  facture  beaucoup 
plus  riche,  beaucoup  plus  large,  beaucoup  plus  travaillée  que  ces 
petits  musiciens  ;  ce  qui  leur  manque,  c'est  l'originalité,  c'est  l'ex- 
pression, ce  sont  les  idées.  Ils  savent  trop  bien  faire  parler  toutes 
les  voix  de  l'orchestre ,  mais  quant  à  celles  qui  sont  sur  le  théâtre, 
ils  ne  leur  font  rien  dire,  ou  peu  s'en  faut. 

Le  théâtre  Feydeau  donna  donc  à  la  France  de  nouveaux  compo- 
siteurs et  un  genre,  à  certains  égards,  nouveau.  Il  lui  donna  aussi 
de  nouveaux  artistes  :  Martin,  Juliet,  Lesage,  Gavaudan,  Gaveaux, 
Mme  Scio,  devinrent  les  principales  colonnes  des  deux  théâtres  réu- 
nis. La  troupe  de  l'ancien  Opéra-Comique  se  recomposa  presque 
'  tout  entière  avec  les  éléments  que  lui  fournit  celle  du  nouveau. 
Comme  les  vieilles  nations,  les  troupes  anciennes  ont  besoin  de  se 
retremper,  de  se  rajeunir,  et  c'est  chose  remarquable  qu'en  général 
la  troupe  des  seconds  théâtres  finit  par  absorber  celle  des  premiers. 
Voilà  ce  que  produisit  la  concurrence,  fille  de  la  liberté  :  voilà 
ses  résultats  avantageux  et  glorieux  tout  ensemble.  Mais  le  reproche 
sérieux  qu'on  lui  adresse,  c'est  qu'elle  ne  put  durer  et  qu'elle  en- 
traîna dans  sa  chute  les  deux  théâtres  chargés  de  la  soutenir.  Au 
bout  du  combat,  les  deux  athlètes  restèrent  gisants  sur  la  place  et, 
pendant  le  duel,  ils  avaient  dû  plusieurs  fois  s'arrêter  pour  repren- 
dre haleine  et  cicatriser  les  blessures  qu'ils  se  faisaient  récipro- 
quement. 

Un  autre  grief  contre  cette  concurrence,  qui  aurait  semblé  devoir 
être  si  productive,  c'est  qu'en  fait  de  génie  musical,  elle  légua  peu 
de  chose  à  l'avenir.  On  eût  dit  que,  la  lice  étant  ouverte  à  tout  le 
monde,  que  les  jeunes  compositeurs  trouvant  les  avenues  faciles,  de 
grands  musiciens  surgiraient  de  toutes  parts  et  affranchiraient  leur 
patrie  du  tribut  qu'elle  payait  depuis  longtemps  aux  muses  étran- 
gères. C'est  le  contraire  qui  arriva.  Des  jeunes  compositeurs  qui 
s'essayèrent  pendant  la  concurrence  (nous  exceptons  les  Cherubini,  les 
Méhul,  les  Berton,  qui  s'étaient  fait  connaître  auparavant),  un  seul 
devait  enrichir  d'un  brillant  rayon  l'auréole  de  la  musique  française. 
Ce  jeune  compositeur,  c'est  Boïeldieu,  dont,  par  parenthèse,  les  dé- 
buts ne  promirent  pas  tout  ce  qu'il  fut  plus  tard.  Nicolo,  qui  n'était 
pas  Français,  ne  donna  son  premier  ouvrage  qu'après  la  réunion  de 
Favart  et  de  Feydeau! 

Ainsi,  quand  la  concurrence  avait  commencé,  sept  ou  huit  compo- 
siteurs de  premier  ordre  s'étaient  trouvés  prêts  à  se  disputer  la  palme; 
quand  la  concurrence  finit,  il  ne  s'en  trouva  que  deux  nouveaux  en 
état  de  descendre  dans  la  lice.  Cela  prouve  que  l'enfantement  des 
artistes  et  des  hommes  supérieurs  tient  à  d'autres  causes  que  celles 
qu'on  se  plaît  à  leur  assigner,  et  que  ni  la  faveur  des  circonstances  ni 
celle  des  institutions  ne  leur  sont  indispensables.  Le  bon  grain  germe 
et  mûrit  dans  les  plus  mauvaises  terres,  tandis  que  le  mauvais  s'é- 
tiole et  se  dessèche  dans  les  meilleures. 


l'AUL  SMITH. 


THEATRE  LYRIQUE  IMPÉRIAL. 

Opéra  en  quatre  actes,  musique  de  Verdi, 
de  M,  E.  DupREZj 

(Première  représentation  le  24  décembre.) 


française 


{La  suite  prochainement.) 


La  partition  de  Rigoletto  est  une  des  œuvres  les  plus  remarquables 
et  les  plus  heureuses  de  Verdi.  Elle  est  consacrée  par  un  succès  cons- 
tant et  universel.  Quelque  opinion  qu'on  ait  d'ailleurs  du  talent  de 
Verdi,  de  son  style,  de  ses  procédés,  de  la  nature  de  son  génie, 
un  ouvrage  ne  réussit  pas  ainsi  partout  sans  qu'il  y  ait  pour  cela  de 
bonnes  raisons,  et,  si  l'on  y  trouve  des"  défauts,  il  faut  que  ces  dé- 
fauts soient  rachetés  par  des  qualités  de  premier  ordre.  A  notre  avis, 
Verdi  est  un  compositeur  incomplet ,  mais  qui  a  de  très-grandes 
qualités.  En  pareil  cas,  le  public,  qui  ne  cherche  au  théâtre  que  son 
plaisir,  laisse  de  côté  les  passages  faibles,  les  morceaux  mal  venus, 
et  jouit  de  ceux  où  l'auteur  a  été  heureusement  inspiré.  Le  public  a 
raison,  el  nous  faisons  comme  lui. 

Nous  n'avons  pas  à  examiner  ici  une  partition  tant  de  fois  jugée. 
L'exécution  était  seule  en  question  dans  cette  soirée  du  24  décembre, 
qui  comptera  parmi  les  plus  brillantes  du  théâtre  Lyrique.  Mlle  de 
Maësen  était  chargée  du  rôle  de  Gilda;  MM.  Ismael  et  Monjauze,  de 
ceux  de  Bigoletto  et  du  duc  de  Mantoue.  Jamais,  que  nous  sachions, 
M.  Monjauze  n'avait  chanté  avec  autant  de  correction,  de  goût  et  de 
grâce.  Mlle  de  Maësen  a  déployé  des  qualités  brillantes  qu'elle  n'a- 
vait pu  qu'indiquer  dans  les  Pécheurs  de  perles,  une  voix  étendue 
d'un  timbre  métallique,  et  une  vocalisation  savante  et  hardie,  un 
style  élégant,  une  grande  justesse  d'expression,  et,  à  l'occasion,  une 
rare  énergie.  A  la  fin  du  troisième  acte,  dans  son  duo  avec  Rigo- 
letto, elle  a  littéralement  enlevé  la  salle,  qui  a  redemandé  le  mor- 
ceau à  grands  cris,  sans  s'inquiéter  le  moins  du  monde  de  la  fatigue 
des  exécutants.  Le  public  est  insatiable  et  impitoyable.  Il  faut,  à 
certains  moments,  qu'on  le  satisfasse,  en  dût-on  mourir.  Nous  ne 
voyons  guère  à  reprocher  à  Mlle  de  Maësen  que  la  dureté  de  cer- 
taines notes  suraiguës  que  M.  Verdi  prodigue  un  peu  trop  peut-être, 
et  qu'elle  n'atteint  pas  sans  effort. 

Pendant  les  deux  premiers  actes,  M.  Ismaël,  un  peu  trop  ému, 
n'était  pas  maître  de  sa  voix.  Ses  intonations  étaient  incertaines,  et 
souvent  trop  hautes.  Il  s'est  remis  au  troisième,  calmé,  sans  doute, 
et  encouragé  par  l'attitude  de  l'auditoire.  Il  joue  et  chante  ce  rôle, 
fort  difficile  d'ailleurs,  en  artiste  soigneux  et  intelligent,  mais  un  peu 
lourd.  Il  donne  à  tout  une  égale  importance  :  il  appuie  donc  trop 
sur  certains  détails  qu'il  faudrait  seulement  effleurer.  Au  com- 
mencement du  troisième  acte  il  chante  à  pleine  voix  la  chanson  sans 
paroles  qui  ne  doit  être  que  fredonnée.  Mais  il  a,  dans  les  scènes  qui 
suivent,  beaucoup  de  vigueur,  avec  des  mouvements  très-pathétiques. 
C'est,  autant  qu'on  en  peut  juger,  un  homme  désireux  de  bien  faire, 
mais  un  peu  timide,  qui  tâte  son  public,  et  qui  a  besoin  d'assurer 
sa  marche  sur  un  terrain  encore  nouveau  pour  lui.  Il  y  a  donc  vingt 
contre  un  à  parier  qu'à  chaque  représentation  ses  qualités  devien- 
dront plus  saillantes  et  ses  défauts  moins  sensibles.  Un  de  ces  défauts, 
qu'il  doit  corriger  au  plus  vite,  c'est  l'émission  de  sa  voix.  Il  la  met 
trop  en  dedans,  et  par  là  il  ôte  à  son  rôle  une  partie  de  l'accent 
que  ce  rôle  devrait  avoir. 

Les  autres  personnages ,  Sparafucile ,  Madeleine  ,  etc. ,  sont  tous 
convenablement  représentés,  et  l'ouvrage  est  rendu  avec  le  plus 
louable  ensemble.  Tout  le  monde  a  remarqué  la  sûreté,  la  précision, 
l'exactitude  consciencieuse,  les  nuances  variées,  et  parfois  très-déli- 
cates de  l'exécution  chorale  et  instrumentale.  A  cet  égard  —  il  faut 
le  dire,  puisque  c'est  la  vérité  —  le  théâtre  Lyrique  a  sur  le  théâtre 
Italien  une  supériorité  marquée. 


412 


REVUE  ET  GAZETTE  MUSICALK 


Il  l'a  également  pour  les  décors  et  la  mise  en  scène.  Il  a  été  re- 
compensé de  cette  bonne  volonté  et  de  ces  efforts  par  un  éclatant 
succès  qui  durera  longtemps,  selon  toute  apparence. 

LÉON  DOROCHER. 


NÉCROLOGIE. 

BEAVIilEU  (Uarle-Désfpé-aiartfn). 

Le  Revue  de  l'Ouest  du  21  de  ce  mois  nous  apporte  une  bien  triste 
nouvelle.  «  C'est  avec  une  douloureuse  émotion,  »  lisons-nous  dans 
ce  journal,  «  que  nous  annonçons  la  mort  d'un  homme  qui  jouissait 
au  plus  haut  degré  de  la  considération  et  de  l'affection  de  tous. 
M.  Martin  Beaulieu  a  été  enlevé  à  sa  famille,  à  ses  amis,  à  ses 
concitoyens,  lundi  soir.  Il  y  a  peu  de  jours,  il  réunissait  autour  de 
lui,  dans  un  concert,  des  artistes,  des  amateurs  ;  il  y  exécutait  un 
morceau  sur  le  violon.  Jamais  il  n'avait  joué  avec  plus  d'âme,  plus 
d'entraînement.  C'était  son  dernier  chant,  le  chanl  du  cygne.  Le 
lendemain,  il  était  atteint  d'un  mal  terrible,  et  jusqu'à  lundi  soir  il 
supportait,  avec  le  courage  que  donne  la  foi  religieuse,  des  dou- 
leurs qui  ont  fini  par  lui  enlever  la  vie. 

»  Sa  famille  et  ses  amis  perdert  beaucoup,  mais  notre  ville,  notre 
pays,  font  une  perte  immense.  M.  Beauiiea  aimait  les  arts,  il  leur 
avait  consacré  son  existence  entière  ;  pour  lui  c'était  un  culte  [oij  il 
trouvait  à  développer  les  sentiments  du  beau,  de  l'idéal  qui  repo- 
saient dans  son  âme.  11  était  parvenu  à  répandre  et  à  faire  péné- 
trer partout  l'amour  des  beaux-arts. 

»  C'est  avec  foi,  avec  ardeur  que  M.  Beaulieu  a  rempli  la  mission 
que  la  Providence  lui  avait  confiée.  Sa  jeunesse  a  été  sérieuse.  Il  avait 
déjà  un  but  à  l'heure  oili  tant  d'hommes  sont  encore  hésitants  pour 
ûxer  leurs  pensées.  Dirigé,  avec  une  intelligente  sollicitude,  par  un 
père  qui  avait  pressenti  les  destinées  de  son  fils,  il  obtint  dès  son 
début  un  éclatant  succès.  11  eut  pour  professeur  Méhul,  et  il  profita 
avec  bonheur  des  leçons  d'un  maître  aussi  célèbre  et  aussi  habile. 
Dès  son  premier  concours,  il  obtint  le  grand  prix  de  Rome.  Ce 
succès,  loin  d'éblouir  le  jeune  lauréat,  qui  loute  sa  vie  sut  rester 
modeste,  ne  fit  que  redoubler  son  ardeur  pour  les  beaux-arts.  Après 
de  longues  et  fortes  études  à  Paris,  il  revint  à  Niort,  dans  sa  ville 
natale  qu'il  a  tant  aimée,  et  où  il  a  toujours  trouvé  de  si  vives  et  de 
si  unanimes  sympathies.  » 

M.  Beaulieu,  né  le  11  avril  1791,  avait  remporté  en  1810  le 
grand  prix  de  composition  musicale.  Le  projet  d'un  mariage  qui 
se  réalisa  bientôt,  l'empêcha  de  faire  le  voyage  de  Rome.  Il  ne  se 
conforma  pas  moins  aux  prescriptions  du  règlement  imposé  aux  élèves 
pensionnaires.  Entièrement  livré  à  des  travaux  de  genres  divers,  dont 
nos  lecteurs  ont  vu  souvent  des  échantillons  (1)  ;  fondateur  de  l'As- 
sociation musicale  de  l'Ouest,  qui  réunit  les  départements  des  Deux- 
Sèvres,  de  la  Vienne,  de  la  Charente,  de  la  Haute-Vienne  et  de  la 
Vendée,  M.  Beaulieu  avait  été  nommé  correspondant  de  l'Académie 
des  beaux-arts. 

Dans  les  dernières  années,  ce  qui  l'occupa  le  plus,  ce  fut  la  fon- 
dation d'une  Société  de  concerts  annuels  de  musique  classique,  à 
laquelle  il  voulait  consacrer  une  partie  de  sa  fortune.  Nous  avons 
souvent  parlé  de  cette  Société,  en  rendant  compte  des  trois  con- 
certs déjà  donnés  par  elle,  et  auxquels  M.  Beaulieu  présidait  lui- 
même  avec  un  rare  dévouement. 

Les  obsèques  de  cet  homme   en  qui  se  manifestait  le  noble  ac- 


(1)  Dans  le  numéro  de  dimanche  dernier,  nous  avons  commencé  la  publication 
d'un  mémoire  composé  par  lui  sur  l'Origine  de  la  musique. 


cord  du  talent  et  du  caractère,  ont  été  célébrées  mercredi  à  Niort, 
en  présence  de  toutes  les  notabilités  de  la  ville.  Deux  discours  ont 
été  prononcés  sur  sa  tombe,  l'un  par  M.  E.  Delavault,  compositeur 
de  musique,  secrétaire  du  comité  local  de  l'association,  membre  du 
conseil  général  des  Deux-Sèvres  ;  l'autre  par  M.  Henri  Giraud,  pré- 
sident de  la  Société  philanthropique. 


REVUE  DES  THÉÂTRES. 

Théâtre-Français  :  la  Maison  de  Pénarvan ,  comédie  en  quatre 
actes,  par  M.  Jules  Sandeau.  —  Odéon  :  Electre,  tragédie  de  So- 
phocle, en  quatre  actes,  traduite  en  vers  par  M.  Léon  Halévy.  — 
Variétés  :  V  Infortunée  Caroline,  comédie- vaudeville  en  trois  actes, 
par  MM.  Théodore  Barrière  et  Lambert  Thiboust.  —  Palais-Royal  : 
le  Pifferaro,  vaudeville  en  un  acte,  par  MM.  Chivot  et  Duru. 

I.a  Maison  de  Pénarvan  était  un  livre  charmant  avant  de  devenir 
une  comédie  médiocre.  M.  Jules  Sandeau  a,  sans  doute,  usé  de  son 
droit  en  transportant  son  roman  au  théâtre  ;  mais  il  aurait  dû  s'ins- 
pirer un  peu  plus  de  l'exemple  d'Alexandre  Dumas,  qui,  pour  que 
le  spectateur  retrouve  à  la  scène  ce  qui  l'a  intéressé  à  la  lecture, 
se  borne  à  tailler  ses  drames  sur  des  feuilletons ,  à  grands  coups  de 
ciseaux.  Le  procédé  est  d'une  extrême  simplicité  ;  il  a  souvent  réussi 
à  Alexandre  Dumas  ;  cependant  nous  reconnaissons  qu'il  y  a  des  cir- 
constances oîi  l'application  n'en  est  pas  rigoureusement  possible. 

Ainsi  le  caractère  altier,  tout  d'une  pièce,  de  Mlle  Kenée  de  Pé- 
narvan, tel  que  M.  Sandeau  l'a  conçu  d'abord,  était  peut-être  inac- 
ceptable sans  les  développements,  sans  les  atténuations  du  livre.  A 
la  bonne  heure;  mais  alors  il  était  si  facile  de  ne  l'en  pas  faire  sor- 
tir. 11  faut  que  cette  maudite  rampe  ait  de  bien  grands  attraits  pour 
que  tant  de  papillons  imprudents  viennent  s'y  brûler  les  ailes. 

Mais  enfin,  puisque  M.  Jules  Sandeau  nous  y  force,  rappelons  en 
peu  de  mots  le  sujet  de  son  œuvre.  Mlle  de  Pénarvan ,  élevée  dans 
le  respect  le  plus  absolu  de  son  arbre  généalogique,  en  est  restée  le 
seul  rejeton,  à  la  suite  des  événements  révolutionnaires.  Du  moins 
elle  le  croit,  et  elle  se  désole  à  la  pensée  de  voir  son  nom  s'éteindre. 
Tout  à  coup  elle  apprend  qu'il  existe  dans  les  environs  de  son  châ- 
teau un  M.  Paul,  sorte  de  bourgeois-paysan,  qui  a  tous  les  droits 
possibles  au  titre  et  au  nom  de  marquis  de  Pénarvan.  C'est  le  dernier 
descendant  d'une  branche  cadette,  séparée  de  l'aînée  par  une  mésal- 
liance. M.  Paul,  avec  l'insouciance  qui  le  caractérise,  est  sur  le  point 
de  se  mésallier  aussi,  en  épousant  la  fille  d'un  meunier  voisin.  Mais 
Mlle  Renée  ne  le  souffrira  pas,  et  puisque  M.  Paul  est  le  seul  héri- 
tier du  nom  de  Pénarvan,  il  faut  qu'il  le  porte  noblement  et  qu'il  le 
garantisse  de  toute  souillure.  Pour  plus  de  sûreté,  elle  se  substitue  à 
la  meunière  dans  le  cœur  de  son  cousin  et  le  mariage  s'ensuit. 

Jusqu'ici  nous  marchons  pas  à  pas  avec  le  livre,  et  le  public  est 
loin  de  s'en  plaindre.  Nous  le  côtoyons  encore  lorsque,  aux  premiers 
bruits  d'une  insurrection  dans  la  Vendée,  la  marquise  exige  que  son 
mari  aille  joindre  l'armée  royaliste  ;  mais  ici  s'arrête  la  ressemblance. 

Dans  le  roman,  on  rapporte  à  Renée  le  cadavre  de  son  mari,  et 
cette  femme  de  bronze,  au  lieu  d'être  corrigée  par  cette  leçon  sé- 
vère, fait  le  malheur  de  sa  fille  comme  elle  a  fait  celui  de  son  mari. 
Ce  n'est  qu'à  la  dernière  extrémité  qu'elle  cède  aux  séductions  do 
la  famille,  et  qu'elle  reconnaît  enfin  que  sHl  est  beau  d'honorer  les 
morts,  il  est  bien  doux  d'aimer  les  vivanls.  On  peut  n'avoir  qu'une 
sympathie  très-modérée  pour  cette  esclave  des  préjugés  nobiliaires; 
mais,  à  un  certain  point  de  vue,  on  ne  saurait  lui  refuser  de  la 
grandeur  dans  ce  qu'elle  regarde  comme  l'accomplissement  d'un  de- 
voir imprescriptible. 

R  enée  de  Pénarvan  au  moins  le  mérite  d "être  logique  jusqu'au 


DE  PAHl!: 


413 


bout  ;  landis  que,  dans  la  dernière  partie  de  la  comédie  de  M.  Jules 
Sandeau,  elle  arrache  à  plaisir  l'auréole  que  l'auteur  a  commencé 
par  placer  sur  son  front.  Il  suffit  pour  cela  d'un  seul  mot  de  son 
mari  qui  n'a  pas  été  tué  par  les  balles  des  bleus,  et  qui  se  re- 
dresse sous  le  joug  que  sa  femme  fait  peser  sur  lui. 

N'avions-nous  pas  raison  de  dire  qu'il  valait  mieux  cent  fois  ne 
pas  toucher  au  roman  que  de  le  faire  aboutir  h  une  conclusion  aussi 
vulgaire?  M.  Jules  Sandeau  doit  le  sentir  amèrement  à  l'heure  qu'il 
est,  et  il  n'a  pas  même  la  consolation  de  pouvoir  en  appeler  de  la 
décision  de  la  ville  à  celle  de  la  cour,  devant  qui  la  Maison  de  Fé- 
narvan  a  été  d'abord  représentée.  Les  deux  derniers  actes  ont  été 
accueillis  plus  poliment  à  Compiègne  qu'à  Paris;  mais,  à  défaut  de 
sifflets,  ils  ont,  dit-on,  provoqué  un  silence  glacial. 

La  pièce  d'ailleurs  n'a  pas  été  convenablement  distribuée  ;  presque 
tous  les  artistes  sont  déplacés  dans  leurs  rôles  :  Got  dans  celui  de 
Paul  de  Pénarvan,  Mlle  Plessy  dans  celui  de  Renée,  Coquelin  dans 
un  personnage  de  vieux  meunier.  Il  n'y  a  peut-être  que  Mirecourt 
qui  soit  tout  à  fait  irréprochable  sous  les  traits  d'un  vieux  servi- 
teur. Et  ce  qui  ne  cesse  de  nous  confondre,  c'est  que  Mirecourt, 
l'un  des  représentants  les  plus  fidèles  des  bonnes  traditions  de  la 
comédie,  n'ait  pas  encore  été  admis  aux  honneurs  du  sociétariat. 

—  Depuis  l'Anligone  de  MM.  Vacquerie  et  Meurice,  qui-  a  ou- 
vert brillamment  la  marche ,  plusieurs  essais  de  traduction  du 
théâtre  grec  ont  été  tentés  de  loin  en  loin  sur  nos  scènes  littéraires. 
Presque  toujours  ils  ont  réussi,  et  nous  comprenons  très-bien  qu'un 
directeur  jaloux  de  laisser  sa  trace  à  l'Odéon  comme  homme  de 
goût,  ait  voulu  apporter  son  contingent  à  ces  précieuses  exhibitions 
de  l'art  antique.  Il  ne  pouvait,  pour  cela,  mieux  s'adresser  qu'à 
M.  Léon  Halévy,  éminent  écrivain,  qui  a  pubhé  la  Grèce  tragique  , 
ouvrage  couronné  par  l'Académie,  et  qui  se  compose  des  princi- 
paux chefs-d'œuvre  d'Eschyle  et  de  Sophocle  ,  traduits  en  très- 
heureux  et  très-bons  vers.  C'est  là  que  le  directeur  de  l'Odéon  a 
trouvé  Electre,  pour  l'honneur  et  la  gloire  de  son  théâtre.  On  sait 
quel  est  le  sommaire  de  cette  tragédie,  et  l'on  ne  saurait  lui  repro- 
cher d'être  bien  compliqué.  Electre  attend  avec  impatience  le 
retour  d'Oreste,  qui  doit  l'aider  à  venger  le  meurtre  de  leur  père 
Agamemnon,  sur  leur  mère  Clytemnestre  et  sur  Egisthe.  Au  lieu 
de  ce  frère  bien-aimé,  ce  sont  ses  cendres  qu'elle  reçoit,  et  son 
désespoir  s'augmente  du  regret  d'être  obligée  de  renoncer  à  sa  ven- 
geance. Mais  c'était  une  ruse  :  Oreste  n'est  pas  mort,  il  a  voulu  seu- 
lement endormir  les  soupçons  des  coupables,  qui  sont  à  leur  tour 
frappés,  sur  les  ardentes  incitations  d'Electre. 

L'intérêt,  l'émotion,  la  terreur  de  cette  tragédie  sont  tout  entiers 
dans  le  rôle  d'Electre:  aussi  revenait-il  de  droit  à  Mlle  Karoly,  qui 
devra  à  M.  Léon  Halévy,  tout  autant  qu'à  Sophocle,  une  de  ses 
plus  admirables  créations.  Car,  il  ne  faut  pas  s'y  tromper,  M.  Léon 
Halévy  n'est  pas  de  ces  littérateurs  à  qui  l'on  puisse  appliquer  le 
proverbe  italien  :  iraduttore,  tradilore.  Sa  poésie,  tout  en  respec- 
tant le  texte  du  grand  tragique  grec,  conserve  toujours  un  cachet 
de  puissante  individuahté  qu'on  ne  saurait  lui  contester. 

Pendant  longtemps  l'on  a  cru  que  les  Variétés  ne  pouvaient  vivre 
que  sous  un  régime  très-épicé  de  gaudrioles  et  de  mollets,  relevé  en 

outre  de  décors  mirobolants  et  de  costumes impossibles.  Il  est 

vrai  que  la  direction  actuelle  semblait  prendre  à  tâche  de  justifier 
cette  opinion  malséante.  Mais  voilà  que  tout  à  coup  elle  se  ravise 
et  qu'elle  paraît  vouloir  se  démontrer  à  elle-même  qu'on  peut  faire 
de  l'argent  avec  les  moyens  les  plus  ordinaires,  pourvu  qu'ils  soient 
de  bonne  qualité.  Qu'est-ce  donc  que  \' Infortunée  Caroline?  Cg^X. 
une  pauvre  jeune  femme  dont  l'imagination  a  été  égarée  par  la  lec- 
ture des  romans  à  la  mode.  Forcée  d'épouser  un  confiseur,  elle  croit 
bientôt  reconnaître  que  le  bonheur  est  incompatible  avec  les  occu- 
pations prosaïques  que  cet  élat  lui  impose.  Elle  en  vient  à  se  figurer 


qu'elle  est  réellement  très-malheureuse,  et  que  son  mari,  le  plus  dé- 
bonnaire des  époux  et  dont  la  douceur  le  dispute  à  celle  de  ses  pro- 
duits les  mieux  édulcorés,  est  un  tyran  insupportable  avec  lequel 
l'existence  est  un  enfer  anticipé.  Tels  sont  les  trois  actes  de  MM.  Théo- 
dore Barrière  et  Lambert  Thiboust,  qui  se  terminent  par  le  retour 
de  Caroline  à  des  idées  plus  saines  et  plus  pratiques.  Il  y  a  là  une 
pointe  de  sentiment  qu'on  ne  rencontre  pas  d'habitude  aux  Variétés, 
mais  qui  n'en  ont  pas  moins  reçu  un  accueil  enthousiaste.  Dupuis  et 
Mlle  Alphonsine  sont  tous  deux  très-agréables  dans  les  rôles  du  con- 
fiseur et  de  son  infortunée  moitié. 

Berthelier,  le  joyeux  Berthelier,  a  fait  sa  rentrée  au  Palais-Royal 
dans  une  petite  pièce  intitulée  le  Fifferaro.  Tout  le  monde  connaît 
cet  ingénieux  apologue  oriental  d'après  lequel  un  pacha  se  met  en 
quête  d'un  homme  parfaitement  heureux,  dans  l'intention  de  lui  de- 
mander sa  chemise.  Après  bien  des  recherches,  il  trouve  enfin  cet 
oiseau  rare  ;  mais  l'homme  heureux  n'a  pas  de  chemise.  Dans  la  pièce 
du  Palais-Eoyal,  deux  vieux  amis  se  livrent  à  une  chasse  à  peu  près 
pareille,  mais  seulement  par  philanthropie.  Le  pilTeraro  qui  passe 
doit  remphr  toutes  les  conditions  du  programme  ;  on  le  fait  monter, 
on  l'interroge.  Antonio  est  heureux  sans  doute  ;  cependant  il  lui 
manque  quelque  chose,  il  voudrait  être  le  gendre  de  Bonsorbet. 
Grande  colère  de  celui-ci  ;  mais,  par  suite  d'une  combinaison  passa- 
blement romanesque,  Antonio  est  le  fils  de  l'ami  Cascarin,  et  dès 
lors  rien  ne  s'oppose  à  ce  qu'il  se  marie  avec  la  fille  de  Bonsorbet. 
Le  rôle  du  pifferaro  a  été  tracé  pour  Berthelier,  qui  y  est  fort  amu- 
sant ;  trois  airs  nouveaux  lui  fournissent  l'occasion  de  se  faire  ap- 
plaudir comme  chanteur  de  goût  et  de  méthode.  La  musique  de  deux 
de  ces  airs,  dont  les  paroles  sont  extrêmement  comiques,  est  de  Ge- 
vaert  et  de  Rossini.  Le  public  les  a  bissés.  Rossini  avait  bien  voulu 
permettre,  pour  la  circonstance,  qu'on  changeât  les  paroles  de  sa  fa- 
meuse Dansa,  tirée  de  ses  Soirées  musicales. 

D.  A.  D,  SAINT-YVES. 


NOUVELÎ.ES. 

a,**  Le  théâtre  irapétial  de  l'Oiéra  a  représenté  lundi  Robert  le  Dia- 
ble, qui  avait  comme  toujours  attiré  la  foule.  —  Mercredi,  Viilaret  a  fait 
sa  rentrée  par  le  rôle  d'Eléazar  de  la  Juive.  Complètement  ■  rétabli  de 
son  indisposition,  il  a  obtenu  le  même  succès  qu'aux  représentations 
précédentes.  —  Le  Trouvère,  suivi  du  premier  acte  de  Giselle,  a  été 
donné  vendredi. 

^*j,  La  première  représentation  de  la  reprise  de  Moise  est  annoncée 
pour  demain. 

^*»  On  vient  de  lire  un  opéra  en  un  acte  de  MM.  Boulanger  et 
Cormon,  intitulé.:  (e  Docteur  Mathéus,  qui  doit  accompagner  le  nou- 
veau ballet  dans  lequel  débutera  Mlle  Boschetti,  Le  rôle  principal  a  été 
distribué  à  Cazaux. 

***  La  première  représentation  de  la  Fiancée  du  roi  de  Garbe,  au 
théâtre  de  l'Opéra-Comique,  aura  définitivement  lieu  jeudi  prochain. 

,j*^  Adelina  Patti  a  terminé  ses  représentations  au  théâtre  del 
Oriente  à  Madrid,  et  est  attendue  à  Paris.  Elle  a  obtenu  un  nouveau 
triomphe  dans  l'opéra  Maria,  de  Flotow,  qui  a  été  accueilli  avec  une 
très-grande  faveur.  La  jeune  et  célèbre  cantatrice  a  été  reçue,  ainsi 
que  Naudin,  par  S.  M.  la  reine  d'Espagne. 

^*^  On  annonce  les  dernières  représentations  de  Fraschini,  qui  chan- 
tera, avant  son  départ  dans  le  Ballo  in  maschcra  et  dans  Marta. 

^%  Mme  Borghi-Mamo  est  partie  pour  Madrid. 

^*^  Offenbach  est  à  Paris  pour  surveiller  les  répétitions  de  ses  deux 
opérettes  :  V Amour  chanteur  et  Licschen  et  Fntzchen,  qui  doivent  inau- 
gurer la  nouvelle  salle  des  Bouffes-Parisiens.  Il  va  bientôt  retourner  à 
Vienne  pour  assister  à  la  première  représentation  très-prochaine  de  son 
grand  opéra  :  les  Fées  du  Rhin,  qui  sera  donné  au  théâtre  de  la  cour. 

^*^  L'ouverture  de  la  nouvelle  salle  des  Bouffes-Parisiens  n'aura  lieu 
que  dans  la  première  quinzaine  du  mois  prochain. 

.^*^  L'élection  du  clief  d'orchestre  de  la  Société  des  concerts  du 
Conservatoire,  en  remplacement  de  M.  Tilmant,  a  eu  lieu  lundi  dernier. 


lilli 


KEVDE  ET  GAZETTE  MUSICALE 


La  majorité  des  voix  s'est  prononcée  pour  M.  Georges  llaini,  chef 
d'orchestre  de  l'Opéra,  M  G.  Hainl  a  été  dans  la  même  séance  élu  vice- 
président  de  la  Société  des  concerts.  Après  ces  élections,  M.  Auber  a 
proposé  à  l'assemblée  de  voter  des  remercîments  à  M.  Deldevez  pour 
la  manière  dont  il  a  conduit  les  deux  premiers  concerts  de  la  So- 
ciété ,  proposition  qui  a  été  accueillie  par  une  approbation  unanime. 
—  Le  premier  concert  d'abonnement  est  fixé  au  10  janvier, 

^*^  Au  premier  grand  service  de  l'année,  célébré  à  la  chapelle  impé- 
riale le  jour  de  Noël,  après  le  liyrii  et  le  Gloria,  chantés  parle  chœur, 
VO  salularis,  d'Auber,  a  été  dit  par  Mlle  Cico,  accompagné  sur  le  vio- 
lon par  M.  Sarasate.  Ce  morceau  et  les  artistes  qui  l'ont  exécuté,  ont 
produit  un  très-grand  effet. 

,*^  On  des  jeunes  et  brillants  pianistes  sortis  de  la  classe  deSIarmon- 
tel  et  appartenant  à  la  pléiade  de  ses  élèves  les  plus  distingués, 
M.  L.  Diémer  avait  obtenu  l'insigne  honneur  de  se  produire  dimanche 
dernier  dans  le  concert  donné  au  cirque  Napoléon,  sous  la  direction  de 
Pasdeloup.  C'est  dans  la  sérénade  de  Mendelssohn  pour  piano  et  or- 
chestre que  M.  L.  Diémer  s'est  fait  entendre.  Il  a  bien  compris  et  bien 
fait  comprendre  ce  morceau  remarquable,  plutôt  par  l'idée  générale  et 
l'ensemble  que  par  le  charme  et  l'éclat  des  détails.  L'orchestre  ne  pou- 
vait accompagner  mieux  le  précoce  virtuose,  et  l'auditoire  a  rendu 
bonne  justice  à  l'un  et  à  l'autre  par  l'unanimité  de  ses  bravos.  La 
séance,  commencée  par  l'ouverture  de  Semiramide,  se  terminait  par  celle 
de  Freischiitz,  dont  l'effet,  comme  toujours,  a  été  merveilleux. 

,,%  Dans  le  grand  festival  donné  dimanche  dernier  au  cirque  de  l'Im- 
pératrice par  l'association  dos  Sociétés  chorales,  deux  compositions  de 
M.  Ambroise  Thomas,  l'Atlantique  et  le  Tijrol,  ont  produit  une  sensation 
des  plus  vives.  Après  la  seconde  de  ces  symphonies  vocales,  rendue 
avec  beaucoup  de  verve,  l'auteur  a  dû  se  lever  pour  remercier  ses  inter- 
prètes de  leur  zèle  et  le  public  de  la  manifestation  de  ses  sympathies. 

^*i  Voici  le  programme  du  concert  populaire  de  musique  classique 
qui  aura  lieu  aujourd'hui,  sous  la  direction  de  Pasdeloup  :  Jupiter,  sym- 
phonie en  »(  majeur,  de  Mozart;  marche-scherzo,  de  C.  Saint-Saëns; 
ouverture  d'.-li/ifl/iô,  de  Mendelssohn:  septuor  de  Beethoven ,  exécuté 
par  MM.  Auroux  (clarinette),  Espeignet  (basson),  Schlottmann  (cor),  et 
tous  les  instruments  à  cordes. 

*'%  Le  jeune  et  célèbre  violoniste  Lotto,  dont  le  talent  s'est  produit 
à  Londres  avec  tant  d'éclat,  vient  de  partir  pour  "Weimar,  où  il  doit  se 
faire  entendre  dans  les  premiers  jours  du  nouvel  an. 

***  Les  journaux  de  Bruxelles  constatent  le  succès  que  Mme  Graever 
a  obtenu  dans  son  premier  concert  en  cette  ville.  Elle  y  a  joué  le 
quatrième  concerto  symphonique  de  Litolff.  Léonard  s'est  fait  aussi  en- 
tendre, et  Mme  Sax,  venue  tout  exprès  de  Paris  pour  concourir  à  cette 
brillante  solennité,  a  chanté  l'air  du  TrouDére  et  celui  de  Robir^  des  bois. 

^*^  Alfred  Jaëll  est  à  Hanovre,  où,  depuis  son  retour  de  Trieste,  il 
continue  à  enlever  les  bravos  dès  qu'il  se  fait  ejitendre.  Il  est  engagé  à 
Breslau  pour  un  concert  philharmonique.  Il  jouera  le  2  janvier  à  Aix- 
la-Chapelle,  et  le  T  il  commencera  sa  tournée  avec  Carlotta  Patti, 
Laube  et  Kellermann.  Leur  premier  concert  sera  donné  à  Bruxelles,  au 
théâtre  de  la  Monnaie. 

^*a,  Le  Comité  de  l'Association  des  artistes  musiciens  de  Fraijce, 
ayant  à  sa  tête  son  président  M.  le  baron  Taylor,  s'est  rendu  chez 
M.  Strauss,  afin  de  le  féliciter  sur  la  généreuse  pensée  qu'il  a  eue  de 
faire  payer  sur  chaque  entrée  de  faveur  aux  bals  de  l'Opéra  un  droit 
au  profit  de  la  caisse  de  l'association.  Le  premier  versement  de  cette 
saison  s'est  élevé  à  la  somme  de  232  fr.  70  c.  Le  Comité,  par  l'organe 
de  son  président,  a  vivement  remercié  M.  Strauss,  au  nom  des  infor- 
tunes si  touchantes  qu'il  contribue  ainsi  à  soulager, 

^*^  Jean  Becker,  l'éminent  violoniste,  après  avoir  obtenu  de  brillants 
succès  à  Metz  et  à  Nancy,  s'est  rendu  à  Marseille  pour  y  donner  un 
grand  concert;  de  là  il  doit  se  rendre  à  Nice,  et  reviendra  passer  une 
partie  de  l'hiver  à  Paris. 

^*if.  D'après  un  tableau  publié  par  le  journal  il  Truvatore,  les  opéras 
nouveaux  représentés  en  Italie  dans  le  courant  de  cette  année,  sont  au 
nombre  de  vingt,  composés  pour  la  plupart  par  de  jeunes  auteurs. 

»*,t  Max  Maria  de  Weber,  fils  du  célèbre  compositeur,  vient  de  faire 
paraître  à  Leipzig  le  premier  volume  de  la  biographie  de  son  père.  L'au- 
teur avait  à  sa  disposition  de  précieux  matériaux  ;  entre  autres,  une 
collection  d'un  millier  de  lettres  écrites  par  son  père  ou  à  lui  adressées, 
et  les  notices  inscrites  par  celui-ci  dans  un  journal,  commencé  le  (0 
février  1810,  et  qu'il  n'a  interrompu  que  trois  jours  avant  sa  mort. 
Nous  nous  occuperons  très-prochainement  de  cette  intéressante  publi- 
cation. 

H,**  Mardi  prochain  aura  lieu  à  la  salle  Herz  la  quatrième  séance 
populaire  de  musique  de  chambre,  avec  le  concours  de  M.  Georges 
Pfeiffer.  Voici  le  programme  :  Trio  en  ut  mineur,  de  llendelssohn, 
exécuté  par  MM.  Georges  Pfeiffer,  Charles  Lamoureux  et  E.  Rignault; 
quatuor  en  la  majeur  de  Beethoven  ;  sonate  en  si  bémol  (n°  4),  pour 
piano  et  violon,  de  Mozart,  exécutée  par  M.VI.  Georges  Pfeiffer  et 
Charles  Lamoureux;  quatuor  en  ré  mineur  (n°  75),  de  Haydn. 

^*if  M.  Easevi  va  ouvrir  à  ses  frais  à  l'Institut  royal  de  musique  de 
Florence  un  concours  de  composition  dont  voici  le  programme  ;  Un 


concours  est  ouvert  aux  compositeurs  italiens  et  étrangers,  pour  la 
composition  d'un  quatuor  pour  deux  violons,  alto  et  violoncelle.  Sont 
destinés  aux  concurrents  :  un  premier  prix  de  iOO  francs  ;  un  second 
prix  de  20O  francs.  Les  quatuors  devront  se  composer  de  quatre  mor- 
ceaux distincts.  Us  pourront  être  consignés  au  secrétariat  de  l'Institut 
jusqu'au  16  août  1864.  Les  compositions  présentées  au  concours  ne 
devront  pas  être  signées  du  nom  de  l'auteur,  mais  seulement  désignées 
par  une  épigraphe  qui  sera  reproduite  sur  un  pli  cacheté  contenant 
les  nom  et  prénoms,  le  pays  et  le  domicile  du  concurrent.  Les  plis 
portant  l'épigraphe  des  compositions  couronnées  ou  distinguées  par 
une  mention  honorable  seront  seuls  ouverts. 

a,*a,  Un  délicieux  portrait  de  Carlotta  Patti,  dû  au  talent  de  M.  Des- 
maisons, paraîtra  cette  semaine  chez  les  éditeurs  Brandus  et  Dufour. 

:,,*:,,  Voici  venir  le  hio  musical  de  Mme  Pilet-Comettant,  ayant  pour 
but  d'apprendre  aux  enfants,  sous  une  forme  amusante,  les  principes 
élémentaires  de  la  musique.  Cet  instructif  loto  se  joue  comme  le  loto 
ordinaire,  et  l'on  gagne  toujours  en  s'y  livrant,  à  la  différence  de  l'autre 
jeu,  où  l'on  risque  de  perdre  à  la  fois  son  temps  et  sa  peine. 

.i,*s,  M.  S.  Ponce  de  Léon  vient  de  publier  chez  Challiot  et  C"  un  char- 
mant caprice  pour  harmonium  sur  la  romance  de  Coppini  :  Viens,  belle 
nuit. 

^*,„  Le  célèbre  chanteur  populaire  de  Vienne,  Moser,  est  mort  dans 
cette  ville,  le  5  décembre,  dans  sa  soixante-deuxième  année.  Ses  nom- 
breux lieder  y  sont  aujourd'hui  répétés  par  tout  le  monde. 


CHRONIQUE  DÉPARTEMENTALE. 


,5*:„  Bordeaux.  —  Sivori  vient  de  se  faire  entendre  au  premier  concert 
de  la  Société  philharmonique  et  il  y  a  obtenu  un  succès  d'enthousiasme, 
notamment  dans  le  concerto  en  si  mineur  de  Paganini,  le  Carnaval  de 
Venise,  qui  a  été  redemandé,  et  dans  le  duo  de  Thalberg  et  Bériot  sur 
les  Huguenots,  qu'il  a  exécuté  avec  Mme  ïardieu  de  Malleville,  laquelle, 
au  commencement  de  la  séance,  avait  joué  avec  un  très-grand  talent 
le  concerto  en  ut  mineur  de  Beethoven. 

j,*,,  Toulouse.  —  La  Société  des  concerts  populaires  a  donné,  dans  la 
salle  de  l'Hôtel  de  ville,  sa  première  séance  de  cette  année  et  y  a  exécuté 
la  symphonie  en  la  mineur  de  Mendelssohn,  la  polonaise  de  Slruensce, 
l'hymne  autrichien  do  Haydn  et  les  ouvertures  de  Preciosa  et  d'Oûcv-on. 
L'orchestre,  sous  la  direction  de  M.  Beaudouin,  mérite  tous  les  éloges, 
et  le  nombreux  auditoire  les  lui  a  témoignés  par  ses  chaleureux  applau- 
dissements. —  Les  représentations  théâti'ales  sont  très-suivies  et  variées. 
Après  les  débuts  du  ténor  Bovier-Lapierre  dans  les  Huguenots  et  la  Juive, 
on  a  donné  Liiula  de  Chamouny  et  les  Bourguignonnes  de  Deffès,  et 
Mme  Montant-Lambert  s'est  fait  applaudir  dans  les  Dragons  do  Villars. 

3**  Marseille.  —  La  reprise  du  Prophète,  impatiemment  attendue  par 
notre  public,  a  eu  lieu  avec  le  succès  le  plus  brillant.  M.  Lefranc  s'est 
surpassé  dans  le  rôle  de  Jean  de  Leyde,  qu'il  chante  et  joue  avec  un 
véritable  talent.  La  romance  du  second  acte,  les  finales  du  troisième  et 
quatrième,  ainsi  que  le  duo  et  les  couplets  bachiques  du  cinquième  acte  lui 
ont  valu  les  plus  chaleureux  applaudissements.  Depassio  (Zaccharie)  en 
a  obtenu  autant  dans  les  couplets  :  Aussi  nombreux  que  les  cloiles, 
Mme  Vadé  a  débuté  dans  le  rôle  de  Fidès  et  y  a  été  moins  heureuse; 
une  grande  émotion  et  sa  voix,  qui  a  le  timbre  de  contralto,  ne  lui 
ont  pas  permis  d'interpréter  exactement  le  grand  et  beau  rôle  de  la  mère 
du  Prophète.  Mlle  Moreau  a  été  très-convenable  dans  le  rôle  de  Berthe, 
et  l'orchestre  ainsi  que  les  chœurs  méritent  tous  les  éloges.  —  On  ré- 
pète activement  le  Pardon  de  Ploërmel  et  l'on  s'occupe  également  de  la 
prochaine  reprise  des  Martijrs. 

■    ,^*.^  Oran.  —  Le  Pardon  de  Ploërmel,  qui  a  obtenu  un  si  grand  succès 
l'année  passée,  vient  d'être  repris  avec  beaucoup  d'éclat. 

^*^  Philippeville.  —  Le  théâtre  de  notre  ville  vient  de  monter  les 
deux  opéras-comiques  de  Meyerbeer  :  l'Etoile  du  Nord  et  le  Pardon  de 
Ploërmel,  que  le  public  a  accueillis  de  la  façon  la  plus  sympathique. 


CHRONIQUE   ÉTRANGÈRE. 


^*;i,  Londres.  —  Comme  d'habitude,  à  l'approche  des  fêtes  de  Noël,  on 
n'a  exécuté  à  peu  de  chose  près,  cette  semaine,  que  de  la  musique 
sacrée,  et  le  Messie  a  été  entendu  en  plusieurs  endroits.  Sous  la  direc- 
tion do  Costa,  l'oratorio  de  Ilssndel  a  été  chanté  deux  fois  à  Exeter- 
Hall,  par  la  Sacred  Harmonie  Society.  La  Nalional  choral  Society  l'a  exécuté 
sous  la  direction  de  M.  G.  AV.  Martin,  et  au  théâtre  de  Sa  Majesté  le 
même  oratorio  a  été  dit  par  Mlle  Tietjens,  santley  et  autres  artistes 
d'élite,  qui  ont  formé  avec  l'orchestre  et  les  chœurs  un  nombre  de 
cinq  cents  exécutants,  dirigés  par  M.  Arditi. 

.,i,"\,  Bruxelles.  —  Mme  Meillet  a  remplacé  avec  beaucoup  de  talent 
Mme  Mayer-Boulard,  qu'une  indisposition  a  encore  une  fois  obligée  d'a- 
bandonner le  rôle  de  Rezia  dans  Obéron.  Un  nouveau  ballet,  Flamma, 
de  Justamant,  a  parfaitement  réussi.  Mlle  Friedeberg  y  déploie  toutes 


I^E  PARIS. 


ses  admirables  qualités  de  mime  et  de  chorégraphe  et  a  été  rappelée  à 
plusieurs  reprises. 

^%  Cologne.  —  Pour  la  saison  d'hiver,  on  annonce  quatre  concerts  de 
musique  populaire,  à  l'imitation  de  ceux  fondés  ;i  Paris  par  Pasdeloup. 
L'orchestre  se  composera  de  cinquante  ou  soixante  musiciens.  Le  prix 
d'entrée,  fixé  à  un  taux  très-minime,  est  le  même  pour  toutes  les  places. 

^*^  Francfort.  —  A  son  passage  dans  notre  ville,  Offenbach  a  assisté 
à  ia  douzième  représentation  des  Baranh,  qui  obiiennent  un  succès  de 
vogue.  Reconnu  par  le  public,  il  a  été  acclamé  par  touie  la  salle  et  a 
dû  paraître  devant  le  rideau,  malgré  son  costume  de'voyage.  —  Pour  sa 
troisième  représentation,  Mme  Fabri  Mulder  avait  choisi  les  Huguenots, 
où  elle  a  chanté  le  rôle  de  Valentine  avec  succès.  Mme  F.  Mulder 
a  été  rappelée  après  les  duos  avec  Marcel  et  avec  Raoul.  —  Au  premier 
concert  extraordinaire  d'abonnement,  on  a  exécuté  la  musique  de  Faust 
par  Schumann. 

^*^  Darmsladt.  —  Notre  saison  musicale  est  en"  pleine  activité.  L'or- 
chestre de  la  cour  a  déjà  donné  deux  concerts  ;  la  Société  musicale 
a  exécuté  deux  oratorios  ;  celui  de  Belsasar,  par  Hœndel,  que  nous 
n'avions  pas  entendu  depuis  longtemps,  a  eu  beaucoup  de  succès. 

„,**  Leipzig.  —  La  première  série  des  concerts  du  Gewandhaus  s'est 
terminée  par  une  soirée  où  l'on  a  entendu  Mlle  Caroline  Bettelheim, 
cantatrice  du  théâtre  de  la  cour,  jllle  Bettelheim  a  chanté  un  air  de 
Mitranc,  opéra  de  Fr.  Rossi  (1686),  un  air  de  Hasndel  et  des  Lieder  de 
Schubert.  Le  maître  de  chapelle  Reinecke  a  exécuté  un  concerto  pour 
violon  de  S  Bach;  Mlle  Bettelheim,  qui  est  en  même  temps  excellente 
pianiste,  se  fera  entendre  dans  la  quatrième  séance  pour  musique  de 
chambre  au  Gewandhaus. 

4*s,  Cadix.  —  Mme  Penco  a  débuté  avec 'un  très-grand  succès  dans 
le  rôle  de  Norma.  Le  ténor  Armandi  y  a  également  réussi.  On  répète 
Mflrta  pour  le  début  du  ténor  Minetto. 

**,t  Alkante.  —  Roberto  il  Diavolo  est  en  grande  faveur  en  cette  ville. 
Mme  Pladowfka  et  M.  Piccinini  y  sont  très-remarquables.  A  chaque  re- 
présentation le  public  les  applaudit  avec  chaleur  et  les  rappelle. 

s*«  Lisbonne.  —  Mme  Tedesco  a  été  accueillie  de  la  façon  la  plus 
brillante  à  sa  rentrée  dans  les  Vêpres  siciliennes. 

,f*j,  Milan.  —  Le  Nuovo  Figaro,  de  Ricci,  a  obtenu  du  succès  au 
théâtre  de  Santa  Radegonda.  Un  duo  pour  deux  basses  en  a  été  notam- 
ment beaucoup  applaudi. 


s,**  Gênes.  —  Une  école  populaire  de  chant  vient  d'être  fondée  ici 
par  le  maestro  Michèle  Novaro  et  compte  déjà  un  assez  grand  nombre 
d'élèves. 

„,**  Moscou.  —  Il  Conte  Ory  et  la  Muta  di  Portici  viennent  d'être 
représentés  avec  beaucoup  de  succès  ;  Mlles  Laborde  et  Fricci,  MM.  Pan- 
cani  et  IS'eri  Baraldi  y  remplissent  les  principaux  rôles,  lioberto  il  Diavolo 
est  à  l'étude,  .et  sera  chanté  par  les  mêmes  artistes  et  M.  Violetti. 


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2 .  Regrets  (the  harp  of  Tara's  halls). 

3 .  Chant  de  printemps  (Within  a  mile  of  Edinburg). 

4.  Par  un  sentier  (Coming'  through  the  rye)'. 

5 .  Je  suis  2>ris  (Valga  me  dios). 

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